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: re sa place e 1. Repères sur les rituels
Se relier à l'autre, à un autre soi-même inconnu, au surnaturel Polysémique, le terme de « rituels » exige quelques clarifications. D'autres articles de ce dossier reprennent la façon dont ce terme est entré dans le discours scolaire, relié tantôt aux routines, aux codes ou aux règles. Pour ma part, je considère que c'est un terme qui recouvre trois registres : les rituels quotidiens (dits « d'interaction », à la suite de Goffman) ; les grands moments qui marquent des passages importants, individuels ou collectifs (ceux qu'on appelle communément, à la suite des travaux d'Arnold Van Gennep, 1998, les rites « de passage ») ; enfin, les rituels religieux au sens large (incluant chamanisme et sorcellerie), c'est-à-dire toutes les situations où il s'agit de se référer à des éléments surnaturels. Les points communs de ces différentes situations me semblent résider dans le fait qu'il s'agit, à chaque fois, de faire avec de l'inconnu et de négocier un lien et un passage vers du « différent », que ce « différent » soit constitué par la part incompréhensible du monde (rites religieux), par un autre soi-même (rites de passage) ou par une nouvelle situation (rituels d'interaction). Ces derniers marquent ainsi ce que l' pourrait qualifier de « micro-passages » : début ou fin d'une conversation, marquage d'entrée ou de reconnaissance d'une communauté (comme le montre le beau travail dirigé par Christoph Wulf & al., 2004), etc. Mais certains de ces liens et de ces passages sont labiles quand d'autres, garantis par le corps social, excluent tout retour en arrière. Je pose alors l'hypothèse, que je m'efforcerai d'étayer dans ce texte en montrant comment elle opère, qu'une des fonctions principales des rituels consiste, dans chacune de ces trois situations, à faciliter l'appropriation psychique et l'élaboration de ce passage en jouant à la fois sur l'existence d'un espace d'entre-deux et sur certains éléments de stabilité. Rituels et performativité
Plusieurs travaux sur les rituels d'interaction (Wulf & al., 2004 ; Austin, 2002 ; Bourdieu, 1982), nous permettent de définir les rituels comme représentations corporelles performatives et instituantes, en considérant qu'il existe deux dimensions dans la performativité de l'énoncé gestuel : d'une part, le geste peut faire sens par lui-même, d'autre part, la mise en scène corporelle constitue la condition du sens que prendra l'énoncé, qu'il soit verbal ou non. Trois enfants décidant de « jouer au mariage » ne rendront pas pour autant le mariage valide, les conditions d'âge et de statut des protagonistes n'étant pas réunies. Même si les personnes sont appropriées, par exemple si un-e élu-e local-e prononce les paroles rituelles mais en-dehors du lieu adéquat, sa parole sera également dénuée de valeur. De même, le froncement de sourcil d'un-e enseignant-e alertant le cancre sur la nécessité de regarder sa copie et non celle de son voisin ne prendra pas le même sens que le même froncement de sourcil de cet-te enseignant-e devant un acte répréhensible de son propre enfant ou d'un-e élève en-dehors du contexte scolaire. Je conçois donc les rituels comme des organisations temporelles et spatiales récurrentes qui permettent à la parole, verbale ou non, de prendre sens. La dimension rituelle apparaît lorsque les individus engagés dans une action semblent y reconnaître un schéma d'action déjà éprouvé et réagir en fonction de et avec ces expériences antérieures. Dans ce cadre, je m'intéresse particulièrement à ce qui va permettre au sujet de grandir, sachant que j'entends par là, en m'appuyant sur la théorisation de Piera Aulagnier (nous y reviendrons) le fait de soutenir la « é à investir » (Hatchuel, 2012). C'est-à-dire que je considère que les rituels permettent non seulement, comme le montrent si finement les travaux cités de Christoph Wulf, d'éprouver et de partager valeurs et délimitation de la communauté, mais aussi de se construire comme sujet au sein de cette communauté. J'entends ici le terme de sujet au double sens de sujet freudien, divisé par son inconscient, et de sujet d'un collectif engagé dans un processus d'autonomisation au sens de Cornelius Castoriadis (1975), c'est-àdire engagé dans la définition de ses propres règles d'action. Je regarde donc comment l'école peut ou non contribuer à cette définition du sujet. Dans un premier temps, nous étudierons les rituels en classe. Sourires, mimiques, gestes de tendresse ou de colère, d'avancées ou de reculs, regards, attention ou ignorance sont autant de signaux que l'enfant recevra de son adéquation ou non au désir de l'adulte et qui le feront exister. C'est bien le corps qui dit le soutien ou le refus, la présence ou l'abandon, la confiance ou la peur. Pour appréhender la façon dont l'école peut être comprise comme une institution rituelle contribuant à la construction de soi des élèves, il nous faudra donc regarder comment elle organise et façonne les corps et les énoncés, comment ceux-ci sont perçus et quels effets ces dispositions produisent sur les psychismes. Dans cette optique, la dimension du savoir, axe organisateur de l'institution scolaire, ne saurait être oubliée. C'est en effet par ce qu'ils savent, ou doivent savoir, que les individus sont définis dans le cadre scolaire. Je m'engagerai ensuite dans une réflexion sur les rites de passage pour aboutir à une définition de ce que j'appelle « l'anthropologisation » ou réception du sujet dans la communauté des humains, entre éléments de stabilité et jeu d'entre-deux. Quelques exemples en milieu scolaire L'école est, sans aucun doute, une organisation extrêmement ritualisée. Dans son étude sur les scènes scolaires dans la littérature, Claude Pujade-Renaud (1986) prononce le terme pour chacun des thèmes qu'elle choisit comme caractéristiques de la vie scolaire : macrorituels institutionnels (rentrée, emploi du temps, examens, distribution des prix, visite de l'inspecteur), activités scolaires elles-mêmes (exemple de la dictée) ou formes prises par la rébellion. Jacques Testanière (1967) avait ainsi montré comment, des deux formes de chahut, ritualisé ou anomique, ce dernier é bien plus déroutant pour les enseignant-e-s. Immobilité, contrôle de soi, attention à la parole magistrale, découpage en séances, évaluations régulières : l'apprentissage du « métier d'élève » (Perrenoud, 1994) exige l'incorporation d'un habitus particulier où chacun et chacune apprend quand et comment il doit penser pour satisfaire les exigences de l'institution. La prise de parole est tout aussi régulée en fonction notamment de la position socio-scolaire de l'élève et des attentes de l'enseignant-e (Sirota, 1988). Mais les rituels instituent également des valeurs en termes de savoirs. Par exemple, une étude sur le certificat d'études montre que les écoliers et écolières des années 20 faisaient moins d'erreurs lors des dictées que ceux de 1995, mais que leurs rédactions en comportaient davantage. L'auteur interprète cela comme un effet de la forte ritualisation de la dictée, où il devient essentiel de se montrer vigilant-e à l'orthographe, conçue comme une valeur en soi et non comme un outil de communication. Pour lui, « ce que les élèves des années 20 auraient surtout maîtrisé, intériorisé, c'est la forme de la dictée, sa haute discipline, la partie littéralement rituelle de l'école » (Cabanel, 2003). « Les hommes ne réalisent dans les rituels que ce qui est vrai et important » (Gebauer & Wulf, 2004, p.112). Une importante fonction des rituels consiste à marquer la séparation des temps et des espaces en instituant notamment les limites entre l'école et la maison. Comme le montrent Marie-France Doray & al. (1997), le soin apporté pour ce moment particulier que constitue la rentrée montre le sens que la famille donne à la scolarité, de même que Bernadette Tillard (2002) montre, par exemple, que les mères des familles populaires qu'elle a interrogées à propos de la naissance ritualisent le chemin de l'école, qui occupe une part importante de leur temps et marque leur insertion dans la communauté, en apportant notamment un soin tout particulier au landau dans lequel elles emmènent le dernier-né lorsqu'elles accompagnent les plus grands. Laurence Garcion-Vautor (2003) montre ainsi comment les « rituels du matin », à l'école maternelle, centrés sur l'appel et l'énoncé de la date, réinstituent quotidiennement les enfants en élèves en rappelant les règles de comportement, de concentration, de prise de parole et en signifiant l'entrée dans l'écrit et dans les activités scolaires. La rigidité de la séparation est toutefois atténuée par les aménagements et tolérances, notamment autour de la circulation des objets entre la maison et la classe (Iserby 2002). L'école devient ainsi un lieu à s'approprier, où l'enfant doit faire sa place, y compris parmi ses camarades. Car du côté des enfants, les rituels, notamment en matière de jeux, contribuent à construire une culture commune et à adapter les valeurs adultes au monde enfantin (Delalande, 2001). L'exemple du harcèlement entre pairs ou « mobbning » (Schlund, 2002) nous montre ainsi comment les jeunes harceleur/ses se disent eux et elles-mêmes entraîné-e-s dans une spirale où la ritualisation du harcèlement les fait surenchérir les un-e-s sur les autres au mépris de la souffrance d'autrui. 2. Rituels d'interaction et apprentissage
Mes propres travaux se sont efforcés, dans un premier temps, de montrer la façon dont les moments d'interaction entre l'élève et l'enseignant-e pouvaient être ritualisés, et les conséquences qui pouvaient en résulter pour l'apprentissage des élèves. Les premiers travaux sur ces interactions, notamment ceux de Régine Sirota (1988) raisonnent en termes essentiellement quantitatifs, ce qui laisse sous-entendre qu'une durée d'interaction plus longue sera bénéfique à l'élève. Or, deux résultats viennent infirmer cette hypothèse : Mohammed Cherkaoui (1979) montre que, sous certaines conditions, les enfants d'origine populaire réussissent mieux dans des classes plus nombreuses, tandis que, selon une étude de l'Association pour une école efficace (APFEE) (1995), les classes à doubleniveau sont plus efficaces que les classes à simple niveau. Dans les deux cas, on peut supposer que les élèves disposent de moins de temps avec les enseignant-e-s. Ces résultats, reliés à mes précédents travaux sur l'engagement d'élèves dans des ateliers mathématiques (Hatchuel, 2000) m'ont incitée à faire l'hypothèse de la difficulté, pour certains élèves, à développer leur propre pensée lorsqu'ils et elles sont sous le regard de l'enseignant- e, ou, plus probablement, sous un certain type de regard que les rituels vont nous permettre de mieux comprendre, en nous appuyant sur la notion d'espace transitionnel telle que la définit Winnicott (2002). J'ai en effet pu montrer, en interrogeant des élèves sur leur pratique des mathématiques dans des ateliers, c'est-à-dire un espace situé hors de la classe et de ses contraintes, comment la liberté leur était laissée dans la façon d'organiser leurs recherches permettait à ceux et celles qui en étaient capables de s'en emparer pour trouver, comme le disait elle-même l'une des élèves interviewées, « leur propre façon de faire », investissant l'atelier comme un véritable espace transitionnel au sens de Winnicott. La question se pose alors de ce qui pourrait faciliter un tel investissement chez des jeunes moins capables de le faire par eux/elles-mêmes. Par leur fonction mimétique, c'est-à-dire par la capacité que les jeunes ont de s'en emparer en les transformant, les rituels peuvent y contribuer. Encore faut-il pour cela qu'ils restent ouverts à cette fonction mimétique et que l'enseignant-e qui les instaure permette un minimum de jeu avec la classe. Nous avons montré que ce n'est pas toujours le cas en analysant une séquence de cours de mathématiques en classe de 5e (Broccolichi, Hatchuel & Mosconi, 2003) et, en particulier, le temps que passe au tableau une élève prénommée « Mélanie ». La notion de temps de latence, c'est-à-dire de temps qui est laissé à l'élève pour réfléchir après une question, nous semble une variable particulièrement pertinente dans ce repérage. Lorsque Mélanie est au tableau, elle est littéralement bombardée de questions ou de reproches, ne disposant d'aucune possibilité de réflexion propre, et toujours soupçonnée de se tromper. À plusieurs reprises auparavant, l'enseignant avait envoyé des élèves au tableau simplement pour noter une réponse qu'il dictait, ce qui m'avait conduite à qualifier ces élèves de « porte-craie ». Si l'on considère (Wulf & al., 2004) que le tableau est un espace sacré, territoire de l'enseignant, on peut donc considérer qu'avec cet enseignant, certain-e-s élèves ne peuvent y pénétrer qu'à condition de se plier strictement au schéma qu'il imagine pour eux et elles. C'est ce j'appelle la « tentation du clone », où les élèves deviennent en quelque sorte un double ou un prolongement de l'enseignant, le délivrant de la tâche d'écrire et lui permettant ainsi d'être à la fois au tableau et au fond de la classe, qu'il contrôle par le panoptisme de son regard autant que par sa voix. À l'opposé, la pédagogie institutionnelle (voir par exemple Imbert, 1998) insiste depuis longtemps sur l'intérêt des rituels pour faire exister l'individu dans sa singularité, qu'il s'agisse des « métiers » attribués à chaque enfant- ève, de l'importance accordée aux procédures de nomination et de reconnaissance, de la distribution rigoureuse de la parole dans les différentes instances de la classe (conseil, moment d'expression libre), etc. Nous voyons donc que les rituels donnent des places ; mais cette attribution fait courir le risque d'assigner le sujet à des places trop étroitement définies. Toute la question est donc de savoir comment le sujet pourra contribuer à définir « sa » place, en lien avec celle que lui donne le collectif. Or ce jeu, permis ou non, avec les places attribuées, est incarné par des personnes et va donc dépendre de leurs enjeux psychiques respectifs, en fonction de ce que l'adulte rendra possible pour l'enfant et de ce que l'enfant s'autorisera, dans une dialectique croisant son histoire personnelle avec les signaux précédemment reçus de la part de l'adulte qu'il/elle a en face de lui/elle. Comment se construire sa place en fonction de celle que nous donnent les autres, de la façon dont ils nous « interprètent », pour reprendre le terme de Piera CastoriadisAulagnier (1975)? La question renvoie à celle de l'intimité et de la délimitation du territoire psychique propre à chacun et chacune de nous, à la façon dont nous avons pu construire ce territoire et dont les signaux extérieurs viennent ou non « envahir » ce territoire. L'enseignant de Mélanie et Charles donne un assez bon exemple de rituels ne laissant aucun espace aux jeunes : lorsque Mélanie fait un calcul dans un ordre différent du sien, il l'accuse immédiatement d'avoir oublié un terme, parce qu'elle ne l'a pas mis là où lui l'aurait mis, sans attendre qu'elle ait fini pour vérifier qu'effectivement elle ne le met pas, par exemple, en fin de calcul. Lorsqu'il lui indique d'entourer les termes qu'elle va simplifier en rouge « pour que la compréhension se fasse bien chez certains », on a l'impression que si Mélanie n'a qu'une craie verte à sa disposition tout le dispositif tombera à l'eau et que le Dieu savoir ne descendra pas sur la classe. C'est ce que j'ai appelé un « rapport magique au savoir » et qui nous renvoie aux rituels religieux, ceux qui nous relient à la part incompréhensible du monde, mais dans une version en quelque sorte « simplicisée » où toute l'épaisseur du rituel a disparu2. En imposant un rituel qui lui est propre, qui n'est pas le résultat de l'élaboration d'un collectif, l'enseignant tend à la procéduraliser. 3. Le rite de passage : garantir une nouvelle place Un passage irréversible
Pour mieux comprendre comment les rituels peuvent échapper à cette procéduralisation et quelle fonction ils peuvent remplir, nous allons à présent étudier les plus archétypiques d'entre eux : les rituels communément appelés « de passage » à la suite des travaux fondateurs d'Arnold Van Gennep (1998), qui marquent les grandes étapes de la vie : naissance (où le passage est à la fois celui de l'enfant inaugurant sa vie parmi les humains et celui des jeunes parents, surtout s'il s'agit d'un premier-né), entrée dans l'âge adulte, mariage, mort. Victor Turner (1990) a montré qu'ils étaient garants de la cohésion sociale dont ils étaient à la fois le produit et la source. Si nous regardons par exemple les différents rites de naissance à l'oeuvre dans de nombreuses sociétés (voir par exemple Bonnet & Pourchez, 2007), nous constatons qu'il s'agit toujours à la fois de prévenir les dangers qui guettent le nouveau-né (et donc de contenir l'angoisse des adultes quant à sa fragilité) et de l'instituer comme sujet appartenant à la communauté des humains, communauté qui le reçoit comme tel et atteste de cette appartenance. Si bien que les rites de passage m'apparaissent comme de puissants étayages psychiques, permettant de (ré)instituer chacun-e dans son « droit à vivre ». Or ce « droit à vivre » constitue sans doute, comme le montre Sophie de Mijolla (1999), le questionnement originel de tout sujet et je crois qu'il est réactualisé à chaque changement de statut. Dans une société traditionnelle, ce « droit à vivre » et à vivre avec un nouveau statut, est garanti par la communauté. Certes, le sujet n'est pas forcément accueilli dans sa singularité, mais, en tant que membre du groupe, il saura quels sont ses droits et ses devoirs. Et le rite de passage accompagnera les émotions et les doutes liés à cette incertitude fondamentale, même si cet accompagnement se fait souvent, dans le rite traditionnel, sous une forme que nous pourrions rapprocher du conditionnement. Signifier à l'enfant dans un premier temps qu'il est reçu dans la communauté des humains puis que, dans une organisation sociale donnée, une place lui adviendra par laquelle il contribuera à l'effort de production de la communauté devrait constituer la garantie minimale offerte à tout nouveau membre d'une communauté. Chaque institution éducative aura donc à trouver des modalités de régulation et d'attribution des différentes places possibles. Du point de vue de la société, le système mis en place doit en garantir la pérennité. Une société qui ne trouverait pas comment faire en sorte que ses enfants contribuent à la reproduire ne serait pas destinée à un très grand avenir 2 Je renvoie ici à la réflexion d'Edgar Morin (2005), qui distingue le simplisme, qui nie la complexité, de la simplicité, qui en est en quelque sorte l'épure, la trace, une fois que la complexité a travaillé. Délier l'affichage du résultat du processus : une mise à l'abri de l'intériorité psychique garante de l'« anthropologisation » À chaque étape, les rituels de passage signifient donc que changer de statut est une opération difficile, non dénuée de risques, mais que tout humain doit s'y confronter. Comme le souligne Mireille Cifali (1994, p.153) : « l'autonomie relève pour chacun de sa capacité réflexive, de son pouvoir de transformer les événements surprenants de sa vie, d'affronter l'incertitude de la mort, les changements éventuels et l'insécurité inhérente à toute aventure ». Les rituels ne réduisent pas l'errance, n'améliorent pas le résultat : ils rendent simplement possible cette traversée, parce que l'on est accompagné-e, a minima symboliquement (et ce n'est pas rien) pour cela, et que l'on dispose d'un espace pour le faire (la fameuse phase de marge, particulièrement étudiée par Victor Turner, 1990). Comme le souligne Marthe Coppel (1991) à propos d'autres rituels (de politesse), la garantie d'une norme de comportement permet à chacun-e, pourvu qu'il ou s'y conforme, de mettre ses sentiments et émotions personnels à l'abri du jugement d'autrui. Le souci vient avec l'injonction contradictoire qui demande non seulement d'adapter son comportement mais aussi, sous couvert de ne pas être « hypocrite », d'agir en conformité avec ce que l'on ressent : ceci revient alors à devoir mettre en scène et à figer ce qui n'est que doute et élaboration, dans une insupportable emprise du social sur le psychique. Le rituel de passage traditionnel est donc un processus qui transforme un cheminement émotionnel complexe et incertain qui appartient en propre au sujet en un résultat social visible, stable et connu d'avance. L'intime et le visible sont déliés, ainsi que la façon dont le sujet négocie l'épreuve (modalités qui n'appartiennent qu'à lui) et son résultat qui lui est l'affaire de tous et toutes. Les rituels traditionnels signifient, à chaque passage, que le sujet entre de plein droit dans la nouvelle catégorie humaine qui le caractérise. Il me semble qu'ils contribuent à la constitution de ce que Piera Aulagnier (1975) appelle des « points de certitude symboliques ». C'est pourquoi je considère qu'ils constituent de puissants soutiens à ce que j'appelle « l'anthropologisation », c'est-à-dire le sentiment d'appartenance à la société des humains. Dans une société traditionnelle, ce phénomène est concomitant à la socialisation, c'est-à-dire l'insertion dans une société donnée, à une place précise, pressentie en fonction notamment du lignage de ses parents et de ce que Bourdieu appelle leur « capital social ». Bien entendu, une société, aussi codifiée soit-elle, autorise toujours un certain « jeu » dans les places que les sujets pourront occuper et les rituels de passage à l'âge adulte constituent un des temps où ce jeu pourra se percevoir. Mais ils garantissent néanmoins qu'une place existera, dont on peut se faire raisonnablement une idée préalable. Rien de tel dans nos sociétés hypermodernes : non pas que le capital social ne soit plus efficient, mais plutôt que la société devenant elle-même incertaine, avoir une relative garantie d'être en position haute ne dit rien de ce à quoi ressemblera sa vie, sans parler de ceux et celles dont la position de départ préfigure plutôt une position basse. Les sujets ne peuvent donc plus se projeter dans un avenir à peu près imaginable pour se ras sur la possibilité pour eux de vivre. Il me semble qu'il y a là un changement fondamental : là où la société traditionnelle pense dans le même mouvement à la fois la possibilité de vivre et la forme de cette possibilité, je crois que nos sociétés exigent aujourd'hui de délier les deux et garantir au sujet qu'il aura une place même si 201n0e).peut encore prédire quelle forme elle prendra (Hatchuel, o
4. Les obstacles au passage Circulation d'enjeux psychiques : déni de la mort et co-pouvoir entre
génér
ations
Il me semble que cela demande d'apprendre à s'assumer à la fois dans la filiation (et donc dans la continuité) et dans l'égalité (c'est-à-dire dans la prise en compte des différentes singularités). La philosophe Geneviève Fraisse (1998) montre, à propos des (in)égalités hommes-femmes, à quel point nous confondons égalité (de droit) et similitude, comme s'il fallait, pour avoir les mêmes droits, se penser identiques. Florence Giust-Desprairies (2003b) souligne, de son côté, à quel point cette « égalité » négatrice d'identité constitue un des mythes fondateurs de notre École. Nous pouvons alors appliquer la même grille aux relations entre générations, en la complexifiant du fait de l'enjeu de transmission. Car transmettre, c'est aussi lutter contre la mort. En effet, si nous admettons l'idée qu'il y va de la survie de la société (une société qui ne transmettrait pas mourrait effectivement), et donc fantasmatiquement de celle des adultes éducateurs, alors l'éducation s'avère une défense redoutablement efficace contre l'angoisse de mort. Il semblerait donc que nous soutenons psychiquement l'idée d'une éducation qui ne saurait échouer parce que c'est ce qui nous soutient dans l'idée que nous ne saurions mourir, ou en tout cas pas totalement. L'éducation se soutient d'un ensemble de représentations imaginaires, sous forme à la fois de mythes et de rôles dévolus à chacun-e pour, d'une part parvenir à son but, d'autre part ne pas être pensée comme pouvant échouer. L'enfant, porteur de valeurs, d'attentes et de capacité d'agir futures sera donc investi par des adultes qui parviendront, grâce à cet investissement et à ce qui le soutient socialement, à le mener à une place sociale de compromis entre les différents enjeux des sujets en présence et les exigences sociales. Nous retrouvons ici la « tentation du clone », qui est à la fois celle la génération qui transmet et celle de la jeune génération qui se voit ainsi rassurée sur la possibilité d'une insertion (être identique à la génération précédente rassure sur la possibilité de trouver une place). C'est pourquoi je conçois cette problématique comme très liée à la notion d'investissement : c'est parce que nous avons appris à investir un certain mode de faire3 comme rendant la vie possible pour nous que nous ne pouvons supporter qu'il disparaisse avec nous. Se situer à la fois dans l'égalité et la transmission, c'est alors accepter que ce qui est soutenant pour nous et nous a permis de « faire grandir »4 nos enfants ne sera pourtant pas forcément ce qui les soutiendra eux-mêmes, alors que dans une société traditionnelle, la personne qui transmet peut toujours s'illusionner sur ce qu'il advient de ce qu'elle aura transmis lorsqu'elle ne sera plus là. C'est pourquoi la génération qui précède celle qui devient adulte doit légitimer ses actes et ses valeurs alors qu'elle ne dispose plus, pour ce faire, de l'appui de l'autorité. La problématique de la transmission et de l'éducation va donc être entachée d'un enjeu existentiel ne laissant que peu de place à l'autonomie du sujet : la nécessité pour chacun-e de justifier ses choix de vie, choix bien souvent coûteux, sans pouvoir faire appel à la tradition pour cela. Quel autre moyen alors que de demander à l'autre de confirmer ces choix en les adoptant? « Fais comme moi pour que je ne me sois pas trompé-e toute ma vie ». Ce serait une des façons que nous aurions de placer les jeunes en position de « refouler le doute », au sens de Christian Geffray (2001), lorsque les structures sociales ne le font plus, ou moins bien. La transmission symbolique, ce pourrait être cela : ce que les humains se donnent comme raisons de vivre ou, plus exactement, comme étayages pour lutter contre l'angoisse de mort, c'est-à-dire contre l'angoisse d'être abandonnés par la puissance tutélaire, qu'on se la figure sous la forme des parents, de l'État, d'un dieu, du destin ou de la morale. Je fais « ce qu'il faut », quoiqu'il m'en coûte, car sinon je ne serai pas accept é-e comme sujet vivant (rappelons la question fondamentale : ai-je le droit d'être là?) et je transmets « ce qu'il faut » pour justifier les efforts qu'il m'a demandé et savourer les bénéfices que j'en ai tirés. Cette hypothèse pourrait contribuer à comprendre cette « tentation du clone » où le sujet ne peut plus s'approprier ce qu'il reçoit parce que toute remise en cause du transmis serait psychiquement trop angoissante pour le transmetteur. Dans une société traditionnelle, les valeurs et les normes sont solidement « portées » par le monde extérieur, sur lequel chacune peut s'appuyer pour transformer une tradition suffisamment solide pour ne pas dépendre de la façon dont les sujets les incarnent. Dans une société « liquide » (Bauman, 2006), ce sont au contraire les sujets qui deviennent gardiens de la tradition, et l'imposeront ou non à autrui, dans un face à face incestuel sans médiation. C'est la différence entre des rituels, qui sont construits et garantis par le collectif, et des enjeux personnels. La question qui se pose sera donc celle de l'écart autorisé au discours parental, symbolisé notamment par la place autorisée par d'autres adultes, d'autres discours, auprès de l'enfant, la façon dont des passages, des changements, 3 J'insiste sur ce terme de « mode » qui regroupe pour moi les trois dimensions travaillées par Piera Aulagnier : pictogrammique, imaginaire et symbolique (voir ci-dessous). 4 J'emprunte l'expression à un dossier de la revue Topique, n°94, 2006. seront possibles ou non pour lui ou elle. Et je pense que les rituels peuvent contribuer à garantir cela, notamment par la place qu'ils donnent au collectif. La mise au défi En effet, lorsque le collectif s'affaiblit, le risque devient grand de laisser les sujets en prise directe avec l'imaginaire d'autres sujets humains, dans une relation duelle non médiatisée par la garantie qu'offrent les cadres sociaux traditionnels. C'est une recherche collective sur Le rapport au savoir de jeunes en difficulté qui nous a fait saisir quelque chose de la façon dont cette absence de garantie de place renforçait le risque d'intrusion psychique, qui nous semble être caractéristique de nos mondes contemporains. J'y ai plus particuli ment approfondi (Hatchuel, 2009), à la suite d'une élaboration personnelle, ce que j'ai appelé « mise au défi », forme d'intrusion que je définis comme l'imposition à autrui des épreuves qu'il doit réussir pour se juger digne de valeur, doublée d'une très forte mise en doute de sa capacité à y parvenir. La mise au défi impose donc de l'extérieur le jugement sur lui-même du sujet, ce qui n'est pas très nouveau, mais le rôle qu'a toujours tenu le monde extérieur dans la constitution du psychisme est ici comme capté, dans l'interaction, par un seul sujet, et sans doute la nouveauté est-elle là. 5. Une interprétation anthropologique de la fonction de l'école Il faut plus
Ce jeu de permanence et de changement nous semble s'inscrire dans une problématique anthropologique fondamentale au sein de laquelle l'école a toute sa place. « Il faut plus qu'un homme et une femme pour faire un enfant » nous dit Maurice Godelier (2007) à partir d'une étude des mythes concernant la naissance. Il souligne ainsi que, dans tous ces « grands récits » (pour reprendre les termes de Jean-François Lyotard,1979), l'union d'un homme et d'une femme donne naissance à un foetus, qui devra ensuite, selon les mythes, recevoir une âme, être investi par un esprit, accueillir la réincarnation d'un-e ancien-ne, etc. Les modalités peuvent différer mais, dans tous les cas, les deux parents donnent naissance à une entité biologique qui devra ensuite être « humanisée ». Je pense alors que la même formule peut être reprise pour le deuxième grand passage de la vie humaine : il faut plus qu'un homme et une femme pour faire un adulte, et aucune société n'est assez folle pour laisser les seuls parents s'acquitter de cette tâche. Toutes instituent, sous des formes diverses et parfois violentes, des processus de séparation et de médiation venant signifier que les forces à venir que constituent les enfants sont avant tout au service de la société qui doit se reproduire, les parents se voyant simplement confier une partie de la tâche éducative. L'ouvrage de Suzanne Lallemand (1993) donne un assez bon aperçu de la façon dont, par exemple, dans de nombreuses sociétés, les enfants vont circuler d'une famille à l'autre. Un cas extrême se rencontre chez les Inuit, où près d'un tiers des enfants, et notamment les aîn -e-s des jeunes couples, grandissent dans un foyer qui n'est pas celui de leurs parents biologiques. Bernard Saladin d'Anglure (1988) compare ce « partage d'enfants » au partage du gibier ou à l'échange rituel de conjoints, interprétant l'ensemble comme des outils au service de la cohésion du groupe. On peut alors imaginer que l'école vient, à cet égard prendre la place, dans nos sociétés, de cette circulation d'enfants et qu'elle se positionne dans l'écart entre le désir parental et la place sociale. Grandir, ce n'est pas apprendre un métier, mais savoir quel adulte on sera. C'est le résultat d'un long processus de négociation au sens noble du terme où jeunes et adultes vont pouvoir se rêver et rêver l'autre, et mettre leurs rêves à l'épreuve de la réalité, dans le remaniement et non l'inhibition. C'est ce que j'ai appelé, à partir de la théorisation de Piera Aulagnier, « soutenir Éros » (Hatchuel, 2012).
« L'anthropologisation » : pistes pour une définition
C'est à partir de sa clinique de sujets psychotiques que cette auteure a élaboré une théorie du psychisme humain se développant en trois temps : l'originaire, le primaire et le secondaire. À la conception usuelle qui place les processus primaires sous le signe du fantasme et associe les processus secondaires à la symbolisation, elle ajoute la notion d'« originaire », qui lui est propre, et qu'elle conçoit comme une formation très archaïque du psychisme, résultant de ce qui lui est parvenu trop tôt pour pouvoir être mis en image ou en mot. Elle utilise alors le terme de « pictogramme » pour désigner ces éléments « bruts » qui restent comme enkystés dans le psychisme (Castoriadis-Aulagnier 1975). L'archétype du pictogramme se situe dans la rencontre « bouche-sein » et la façon dont elle est reçue par le nouveau-né, si bien que les processus originaires seront déterminants pour soutenir ce qu'elle appelle la « capacité à investir », c'est-à-dire sa capacité à maintenir un Je désirant et vivant (Aulagnier, 1982), et ce d'autant plus que le sujet peut de moins en moins s'appuyer sur des éléments imaginaires et symboliques. C'est à partir de la façon dont il a été reçu, bercé, nourri, accueilli par les s mais aussi par le reste du monde extérieur (chaud, froid, bruyant, rapide, lent, fluide, heurté, etc.) que le sujet développera sa croyance à pouvoir se constituer en sujet humain susceptible de vivre au sein d'une communauté. C'est ce processus que je propose d'appeler « anthropologisation », placé sous le signe du pictogramme, alors que la socialisation serait de l'ordre du secondaire et du symbolique, et l'adhésion à l'imaginaire collectif5 de l'ordre du primaire. Nous pouvons comprendre, semble-t-il, quelque chose de ce que serait l'anthropologisation à travers le beau travail d'observation d'un foyer de jeunes filles mené par l'anthropologue Éric Chauvier (2008), lorsqu'il évoque Joy, une adolescente qui l'a particulièrement touché : « Joy est obstinément en dehors de la conversation. Bibliographie ASSOCIATION POUR
FAVORISER UNE
ÉCOLE EFFICACE
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circulation des enfants en.
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Deux autres sous-familles de canaux potassiques activés par le potentiel comprennent les canaux potassiques HERG (Human Ether-a-go-go-Related Gene) et KVLQT1, respectivement codés par les gènes KCNH2 et KCNQ1 et sont impliqués dans le syndrome de QT long. Certaines sous-unités accessoires, telles que minK et MiRP1, sont des protéines à un seul segment transmembranaire, pouvant s’associer aux sous-unités α : minK s’associe au canal potassique KVLQT1 (Barhanin J., etal., 1996, Sanguinetti M.C. et al., 1996). La protéine minK est exprimée préferentiellement dans le tissu de conduction du cœur de souris embryonnaire (Kupershmidt S. et al. 37 1998). La protéine MiRP1 s’associerait au canal potassique HERG (Abbott G.W. et al., 1999, TristaniFirouzi M. et al., 2001). D’autres sous-unités accessoires des canaux Kv ont été clonées (Deal K.K. et al., 1996). Les sousunités β sont des protéines cytosoliques qui interagissent avec les domaines intracellulaires des sousunités Kv, dont trois sous-unités Kvβ (Kvβ1, Kvβ2 et Kvβ3) qui s’associent aux sous-unités α de la famille Kv1.x. ( Tristani-Firouzi M. et al., 2001). Brahmajothi M et coll. (1996) ont étudiés l’abondance et la distribution des canaux potassiques dans les myocytes cardiaques chez le furet, incluant aussi le nœud sinusal, les myocytes et les cellules du septum auriculaires et ventriculaires (tableau 2). Ils ont démontré que tous les canaux potassiques sont exprimés dans le nœud sinusal, les canaux potassiques KV1.5, KV4.1, KV3.1, KV3.3, KV1.1, KV1.3 KV6.1 et minK sont plus abondants dans le nœud sinusal que dans les autres myocytes. Tandis que IRK était faible dans le nœud sinusal. Les canaux HCN (Hyperpolarization-activated cyclic nucleotide-gated ou Hyperpolarizationactivated cationic currents (Ih))
Les canaux HCN appartiennent à la superfamille de canaux potassiques dépendants du potentiel et sont caractérisés par une cinétique d’activation lente durant l’hyperpolarization. Ils sont perméables aux ions K+ et Na+ et modulés par une liaison directe aux AMPc intracellulaires qui porte l’activation à des valeurs plus positives. En plus du maintien du potentiel du repos, Ih a été impliqué dans la génèse de rythme cardiaque et neuronal.. Quatre gènes codant les canaux HCN ont été identifiés, HCN1 (5p13-p14), HCN2 (19p13.3), HCN3 (1q21) et HCN4 (15q24-q25). Ce sont des canaux à 6 passages transmembranaires, la partie C-terminale contient un domaine de liaison aux nucléotides cycliques. Les 4 canaux sont présents dans le cerveau, tandis que les canaux HCN2 et HCN4 sont prédominants dans le cœur (Ludwig A et al., 1999, Santoro et al., 2000). Les études d’expression de HCN, chez le rat et le lapin, ont montré que le canal HCN4 est prédominant dans le nœud sinusal (Shi W. et al., 1999, Ishii T.M. et al., 1999, Moosmang et al., 2001), suivi du HCN1 puis du HCN2. Ces canaux HCN sont présents dans les myocytes ventriculaires et auriculaires (HCN2 est prédominant) chez 38 l’homme et la souris. Mais aucune étude n’a pas été faite concernant la présence de ces canaux dans le nœud sinusal chez l’homme. Très récemment, Ludwig A et coll. (2003) ont développé des souris invalidées pour le gène HCN2. Ces souris souffrent de dysfonction sinusale, d’aryth cardiaque sinusale et d’une réduction du courant sinusal HCN. Une mutation dans le gène HCN4 a été identifiée chez un patient atteint de dysfonction sinusale, il s’agit d’une délétion à l’état hétérozygote dans l’exon 5 de ce gène (1631delC) (Schulze-Bahr E. et al., 2003) 39
Tableau 2 : Les gènes codants les canaux potassiques, et leur localisation dans le génome humain, abondance et distribution des canaux potassiques dans le nœud sinusal chez le furet (Brahmajothi M. et al., 1996). KV1.5 était également étudié chez le porc (Dobrzynski H et al., 2000). +++ : présence très importante et plus élevée que dans les myocytes aur
i
culaires et ventriculaires ; ++ : présence élevée, + : présence faible. Gènes Localisation sur le génome humain Canaux potassiques Nœud Sinusal KCNA1 12p13 Kv1.1 +++ KCNA2 1p13 Kv1.2 ++ KCNA3 1p13.3 Kv1.3 +++ KCNA4 11p14 Kv1.4 ++ KCNA5 12p13 Kv1.5 +++ KCNA6 12p13 Kv1.6 ++ KCNB1 20q13.2 Kv2.1 ++ KCNB2 8q13.2 Kv2.2 ++ KCNC1 11p15 Kv3.1 +++ KCNC2 12q14.1 Kv3.2 ++ KCNC3 19q13.3 Kv3.3 +++ KCNC4 1p21 Kv3.4 ++ KCND1 Xp11.3 Kv4.1 +++ KCND2 7q31 Kv4.2 ++ KCND3 1p13.3 Kv4.3 ++ KCNF1 2p25 Kv5.1 ++ KCNG1 20q13 Kv6.1 +++ KCNQ1 11p15.5 KvLQT1 ++ KCNH2 7q35 HERG ++ KCNJ13, KCNJ15 2q37, 21q22.2 GIRK + KCNE1 21q22 minK +++ 40
II.4.1.3.2. Le canaux potassiques rectifiants entrants
Il existe trois principaux courants rectifiants entrants régulant le potentiel de repos membranaire : IK1, IKAch et IKATP. Sur le plan fonctionnel ces canaux sont caractérisés par une rectification entrante, c’està-dire qu’ils conduisent préférentiellement le potassium vers l’intérieur de la cellule pour des potentiels de membrane hyperpolarisants, et conduisent peu de potassium vers l’extérieur de la cellule même pour des potentiels très positifs. Ces canaux appartiennent à la famille Kir « inward rectifier ». Les sous-unités α de ces canaux ne comportent que deux segments transmembranaires. Elles s’assemblent en tétramère pour former des canaux fonctionnels et des associations hétéromultimériques seraient possibles même entre des familles différentes. Le courant IK1 est un courant rectifiant entrant essentiellement responsable du maintien de potentiel de repos des myocytes ventriculaires et auriculaires. Ce courant proviendrait d’un canal formé de sousunités de la famille Kir2.x. Des mutations dans le gène KCNJ12 (17p11.1), codant le canal kir2.1 chez l’homme, ont été identifiées chez des sujets atteints du syndrome d’Andersen, associant un sydrome du QT long à une paralysie périodique du muscle squelettique (Nakamura T.Y. et al., 1998, Tristani-Firouzi M. et al., 2001). Le courant IKAch proviendrait d’un canal potassique hétéromultimérique formé des sous-unités Kir3.1 (GIRK1) et Kir 3.4 (GIRK4), codées par les gènes KCNJ13 (2q37) et KCNJ15 (21q22.2) respectivement. Il est prédominant dans les cellules du nœud sinusal et des oreillettes par rapport aux ventricules. Des mutations dans des canaux potassiques et sodiques sont responsables de trouble du rythme cardiaque (tableau 3)
41 Tableau
3 : Les principaux canaux
ion
iques et
autres protéines
responsables
de troubles de rythmes cardiaques. Gènes Localisation Canaux ou phénotype Référence Bloc de conduction isolé
Schott et al.,1999
SCN
5A
QT long
de type III Wang Q. et al., 1995 SS
α
Syndrome de Brugada
Chen Q. et al., 1998 protéines SCN5A
3p21
-
p24 KCNH
2
7q35-q36 HERG QT long
type II Curran ME et al., 1995 KCNQ
1 11p15.5 KVLQT1 Q long
type I Wang Q. et al., 1996 KCNE1
21q22 minK
QT long type V Splawski I et al., 1997 KCNE2 21q22
MiRP
1 QT long type VI Abbott GW et al., 1999 Schulze-Bahr E. et al., HCN4 15q23-q24.1 HCN4 Dysfonction sinusale 2001 et 2003 ANK2 4q25-q27 Ankyrine B QT long IV Mohler P.J. et al., 2003
Il existe une grande variabilité des profils d’expression de ces différents canaux en fonction des espèces. Il semblerait que les modèles animaux les plus proches de l’homme soit le chien et le furet, alors que le lapin, le cobaye, la souris et le rat présenteraient des profils d’expression des différents courants ioniques assez éloignés de ceux de l’homme. De plus, pour une même espèce, il existe des variations d’expression des différents courants potassiques dépendants du potentiel entre les diverses régions anatomiques du cœur. Ces profils d’expression différents contribuent aux variations régionales des potentiels d’action entre les myocytes des oreillettes, des ventricules et du système de conduction spécialisé.
42
II.4.2. Les canaux jonctionnels : La connexine
Les connexines sont des protéines intégrales de la membrane plasmique, qui s’associent en héxamères pour constituer des canaux transmembranaires appelés connexons. Deux connexons de deux cellules adjacentes s’associent dans l’espace intercell pour constituer un canal jonctionnel hydrophile assurant une communication directe entre le cytoplasme des cellules adjacentes. Les canaux jonctionnels s’agrègent pour former des jonctions intercellulaires de type gap (figure 4). Cinq connexines ont été identifiées dans le cœur : les connexines 37, 40, 43, 45 et 46 (Saffitz J.E. et al., 2000). Ces connexines sont respectivement codées par les gènes Cx localisés en 1p35.1, 11q21.1, 6q21-q23.2, 17q21.31 et 13q11-q12. Elles sont impliquées dans la conduction de l’activité électrique dans le myocyte cardiaque.
Figure 4 : (a) La topologie transmembranaire de la protéine connexine, 4 domaines transmembranaires (M1-M4), 1 domaine cytoplasmique (CL), 2 domaines extracellulaires (E1-E2), et les 2 extrémités Net C-terminales sont intracellulaires. Les connexines s’associent en hexamère pour former les connexones, (b) qui se relient aux connexones de la cellule voisine, pour former des canaux jonctionnels de type « gap ». (c) modèle microscopique de l’intercation des connexones (Simon AM et la., 1998). 43
La connexine 43 est la connexine cardiaque la plus abondante. Chez l’homme et le bovin, elle est présente dans les myocytes cardiaques des oreillettes et des ventricules, et dans les myocytes conducteurs (Faisceau de His et réseau de Purkinje), mais elle est faiblement observée dans les nœuds sinusal et auriculoventriculaire (tableau 4) (Moorman Af et al., 1998, Davis LM et al., 1995). La Cx 40 est faiblement présente dans les nœuds sinusal et auriculoventriculaire, et ne serait pas présente dans les myocytes conducteurs ventriculaires chez l’homme (Davis LM et al., 1995). On observe la connexine Cx40 dans le système de conduction ventriculaire du cœur adulte du rat, du bovin, du porc et du chien (Van Kempen MJA et al., 1995, Kwong KF et al., 1998, ter HL et al., 1993). Chez le lapin, les connexines 40, 43 et 45 sont présentes dans le nœud sinusal, avec une prédominance de la connexine 45 (Coppen SR et al., 1999). Chez le poulet, la Cx42 est l’homologue de la Cx40 est présente préférentiellement dans le système de conduction ventriculaire (Gourdie et al., 1993a). Les études de détection de connexines ont été faites par immunohistochimie en utilisant des anticorps monoclonaux. La connexine 43 serait le principal déterminant de la conduction intercellulaire dans les ventricules et la connexine 40 serait le principal déterminant de la conduction dans les oreillettes, mais l’absence de ces deux connexines serait compensée par d’autres connexines cardiaques comme la connexine 45 (Thomas SA et al., 1998, Simon MA. Et al., 1998).
44 Cœur foetal Homme Bœuf Rat Cœur adulte Poulet Homme Bœuf Rat Connexine 40/42 Connexine 43 Myosine α et β Myosine nodale Troponine I Desmine MHC lente ANF Créatine Kinase Explication des symboles Neurofilament L et M chez le lapin Fœtal adulte Tableau 4 : Profils d’expression dans le système de conduction cardiaque dans le cœur fœtal et adulte, chez l’homme et les autres espèces les plus étudiées (Moorman AF et al., 1998). L’explication des symboles est dans la partie inférieure de la figure. Le profil d’expression de ces gènes dans les myocytes auriculaires ou ventriculaires n’est pas présenté. Explication des symboles SAN : nœud sinusal, AVN : nœud auriculoventriculaire, AVB : Faisceau de His, LBB : Branche gauche, RBB : Branche droite, PPN : réseau de Purkinje, MHC : Chaîne lourde de myosine. Blanc : pas d’expression, Noir : il y a une expression, Gris : expression non étudiée. 45 Poulet
Des anomalies des connexines des myocytes cardiaques aboutissent à des anomalies électriques, induisant des
arythmies cardiaques (souris et mouton) (van der Velden HM et al., 1998). Les souris hétérozygotes Cx43+/survivent sans anomalie apparente, tandis que les souris invalidées Cx43-/meurent par asphyxie après la naissance et présentent des malformations cardiaques avec atrésie pulmonaire et d’autres malformations conotroncales (Réaume AG et al., 1995). Les souris hétérozygotes Cx43+/ont une vitesse de conduction réduite à la surface des ventricules, et cette réduction de la vitesse s’aggrave avec l’âge, avec un élargissement important des complexes QRS à l’ECG (Thomas SA et al., 1998). Les souris invalidées hétérozygotes Cx40 présentent des anomalies de conduction au niveau du système His-Purkinje et au niveau des nœuds sinusal et auriculo-ventriculaire (Simon A M et al., 1998, Kirchhoff S et al., 1998). II.4.3. Les protéines contractiles les deux isoformes α et β de la chaîne lourde de myosine (MHC pour Myosin Heavy Chain, codé par le gène MYH7 localisé en 14q11-q12) ont été observées dans le système de conduction cardiaque (nœuds sinusal et auriculoventriculaire et réseau de Purkinje) dans la plupart des espèces : l’homme, le bovin, le poulet et le rat (tableau 4) (Kuro-o M et al., 1986, de Groot IJM et al., 1988, Wessels A et al., 1991, Komuro I et al., 1987, Sartore S et al., 1981, Gorza L et al., 1986, Sartore S et al., 1978, Dechesne CA et al., 1987, de Groot IJM et al., 1989, Moorman AF et a., 1998). Chez le bovin, la chaîne lourde de myosine β est présente dans le nœud auriculo-ventriculaire et est plus élevée que le contenu du β dans le myocard
atriale (Komuro I et al., 1987). 46
Chez le bovin, un nouveau type de chaîne lourde de myosine : la myosine nodale, qui appartient aux isoformes des chaînes lourdes de myosine musculaire squelettique fœtale, a été décrite dans le nœud sinusal et auriculoventriculaire du cœur adulte (Gorza et al., 1986, Gorza et al., 1988b). Cette myosine nodale est exprimée depuis la 4ème semaine de la vie embryonaire du bovin dans le nœud sinusal primaire, tandis que son expression apparaît plus tard (12ème semaine) dans le nœud auriculoventriculaire. Cette isoforme de myosine nodale n’a pas été observée ni dans les oreillettes, ni dans les ventricules ou le réseau de Purkinje. Elle est donc spécifique du nœud (Gorza et al., 1988b). L’étude a été faite par immunohistochimie avec des anticorps polyclonaux de la chaîne lourde de myosine α, β et muscle squelettique fœtal. Chez le rat cette isoforme de myosine nodale a été localisée dans les nœuds à partir du 13ème jour de développement embryonnaire (Gorza et al., 1988c), mais elle disparaissait après la naissance. La troponine I lente (TnI) est présente dans tout le système de conduction du rat durant la vie fœtale, cependant elle devient confinée au nœud auriculoventriculaire après la naissance (Gorza L et al., 1993, Schiaffino S et al., 1997). Il s’agit de la même troponine qui est présente dans les muscles squelettiques. Ce qui reflète la persistance du phénotype embryonnaire dans les cellules nodales puisque la TnI lente squelettique est en fait un marqueur embryonnaire plutôt qu’un marqueur du muscle squelettique. Chez le poulet on observe spécifiquement dans le système de conduction ventriculaire par rapport aux myocytes auriculaires et ventriculaires, une myosine lente, qui s’accumule durant le développement, une chaîne lourde de myosine musculaire squelettique lente (sMYHC) (Sartore et al., 1978, GonzalezSanchez et al., 1985), une chaîne lourde de myosine atriale (aMYHC) (de Groot et al., 1987), et une protéine liant la myosine H (MyBP-H) (Alyonycheva T et al., 1997) dans le réseau de Purkinje du coeur fœtal et adulte. Ces protéines sont présentes dans les muscles squelettiques mais ne le sont pas dans le muscle cardiaque. De plus on observe une présence faible des protéines comme la troponine I, 47 une protéine spécifique du muscle cardiaque (Gorza L et al., 1993), et la protéine C liant la myosine (cMyBP-C) (Gourdie et al., 1998, Takebayashi-Suzuki et al., 2000). II.4.4. Les protéines cytosquelettiques II.4.4.1. Desmine
La desmine est une protéine cytosquelettique de 53 kDa, codée par le gène DES localisé en 2q31, spécifique des muscles, qui appartient à la super-famille des filaments intermédiaires. Il existe cinq classes de filaments intermédiaires : les kératines (forment les tonofilaments des cellules épithéliales), les neurofilaments (présents dans les axones des neurones centraux et périphériques de vertébrés), la protéine fibrillaire gliale, la vimentine (rôle structural, elle maintient en place le noyau ou d’autres organites dans la cellule) et les filaments de desmine. La protéine desmine, qui est reponsable de l’intégrité de structure et de fonction des myofibrilles du muscle squelettique et cardiaque, se trouve à la périphérie des disques Z. Elle forme un réseau reticulé transversal et perpendiculaire au grand axe de chaque fibre musculaire. Elle ancre et oriente tous les disques Z voisins, si bien que toutes les myofibrilles sont alignées et produit le motif strié des cellules, et elle attache les bandes Z des myofibrilles à la membrane plasmique et nucléaire. La protéine desmine est le constituant majeur des filaments intermédiaires des fibres de Purkinje (Thornell LE et al., 1981). Virtanen et al. (1990), par immunohistochimie sur le cœur bovin, ont trouvé que les anticorps antidesmine réagissent avec les cellules de Purkinje, les cellules cardiaques et musculaires. La desmine phosphorylée est présente dans la totalité du système de conduction (nœuds, His, Branches et Purkinje) du cœur bovin adulte (Kjörell U et al., 1987), et elle constitue un marqueur important de ce système (Thornell et al., 1981, Kjörell U et al., , Virtanen I et al.,
1990
,
For
s
gren S et al.
,
1980 et
1983)
. Chez le rat, dans le cœur foetal, la protéine desmine est révélée dans la totalité du système de conduction sauf le nœud auriculoventriculaire. Dans le cœur adulte, elle est confinée dans le réseau de Purkinje. 48 Cette présence de desmine dans le système de conduction a permis de supposer qu’elle peut jouer un rôle dans la réduction de stress mécanique durant la systole et la diastole dans les myocytes du système de conduction (Thornell et al., 1981, Eriksson et al., 1979). Eriksson et collaborateurs (1979) ont montré qu’un niveau élevé de desmine dans le système de conduction est présent dans les fibres de Purkinje hautement différenciées chez les Ongulés alors qu’un faible niveau est présent dans les fibres de Purkinje pauvrement différenciées comme chez le rat et la souris. Aucune étude n’a été faite chez l’homme pour l’expression du gène desmine dans le système de conduction cardiaque (tableau 4). L’analyse du promoteur du gène desmine a montré qu’un élément activateur du muscle squelettique fonctionne dans les cellules du système de conduction chez le poulet mais pas dans les myocytes cardiaques (Li Z et al., 1993). La desmine est impliquée dans une myopathie squelettique associée à une cardiomyopathie dilatée et des troubles de conduction pouvant provoquer une mort subite (CMD1G) (Dalakas MC et al., 2000) et à des cardiomyopathies restrictives. II.4.4.2. Neurofilament
Il existe trois types de neurofilaments chez les mammifères (70, 150 et 200 kDa), nommé respectivement L (léger), M (moyen) et H (lourd). Les neurofilaments appartiennent à la classe IV des filaments intermédiaires, ils contiennent un motif « central coiled domain » permettant l’assemblage des filaments. Ils sont présents dans les cellules neuronales, et ils constituent un marqueur excellent de ces dernières. Des études ont montré que les neurofilaments L et M sont des marqueurs pour le système de conduction entier (noeuds, His, branches, Purkinje) dans le cœur fœtal et adulte du lapin (Gorza et al 1989, Vitadello M et al., 1990, Gorza et al, 1988a,). Le neurofilament M est spécifique du tissu de conduction chez le lapin, puisqu’il n'est présent ni dans les myocytes auriculaires ni dans les myocytes ventriculaires. Ceci a été démontré par Hybridation in Situ et par immunohistochimie. Mais, la présence de ce neurofilament M n’a pas été confirmée ni chez l’homme ni chez le rat. Une 49 expression transitoire a été décrite dans les myocytes cardiaques du cœur fœtal chez le poulet (Benett et Dilullo, 1987).
II.4.5. Créatine Kinase
Dans le muscle cardiaque, il existe deux isoformes cytosoliques de créatine kinase. Ces isoformes existent sous forme d’homodimère et d’hétérodimère, connues comme MM, MB et BB (M pour muscle et B pour Brain : cerveau). Un niveau élevé de la créatine kinase M a été observé dans le système de conduction embryonnaire chez l’homme, le bovin, le rat et le poulet (Moorman AF et al., 1998, Forsgren S et al., 1983, Hasselbaink HDJ et al., 1990, Lamers
et al., 1989). II.4.6. Facteur Natriuretique Atrial (Atrial Natriuretic factor : ANF)
L’ANF est codé par le gène NPPA localisé en 1p36.21. Il appartient à la famille des peptides homologues de « natriuretic » qui est impliquée dans la régulation des fluides corporels et la balance des életrolytes. Dans le système de conduction humain, fœtal et adulte, l’ANF est localisé dans le faisceau de His et ses branches, mais pas dans les nœuds (Wharton J et al., 1988). Sa présence a été également observée dans le système de conduction ventriculaire du cœur adulte chez le bovin (Hansson M et al., 1993), le porc (Toshimori H et al., 1988), le lapin (Anand-Srivastava Mb et al., 1989) et le rat (Cantin M et al., 1989). Dans le cœur fœtal du poulet, l’ANF est absent des parties proximales des branches, mais il est présent dans les parties distales des branches (Houweling AC et al., 2002). Cependant, l’ANF n’est pas spécifique du tissu de conduction, puisqu’il est présent dans les myocytes cardiaques auriculaires et ventriculaires.
50
II.4.7. La calréticuline
La calréticuline est codée par le gène CARL localisé en 19p13.2. C’est une protéine chaperonne liant le Calcium, localisée dans la lumière du reticulum endoplasmique, ayant diverses fonctions dont la régulation de l’homéostasie calcique intracellulaire, la régulation de l’adhésion cellulaire, la modulation de l’expression de certains gènes et la conformation des protéines (Michalak M. et al., 1999). Son expression est très élevée dans le cœur fœtal au stade précoce, mais elle est diminuée après la naissance. Cette expression serait contrôlée par deux facteurs de Nkx2.5 et COUP-TF1 (Chicken Ovalbumin Upstream Promoter-Transcription Factor 1), qui joueraient des rôles antagonistes. Csx/Nkx2.5 activerait l’expression de la calreticuline, alors que COUP-TF1 serait impliqué dans la répression post-natale (Guo L. et al., 2001). L’invalidation de ce gène est létale durant l’embryogenèse (14.5 dpc chez la souris), à cause d’une diminution de la masse de cellules ventriculaires due à une augmentation de l’apoptose des myocytes cardiaques. Des souris transgéniques, surexprimant la calréticuline cardiaque, présentent des troubles de conduction auriculo-ventriculaires progressifs, une bradycardie sinusale avec une prolongation de la conduction auriculo-ventriculaire, suivie d’un bloc complet et d’une mort subite (Nakamura K. et al., 2001). Ces souris ont une dilatation des oreillettes et des ventricules avec une dégénérescence cellulaire, une forte diminution des connexines 40 et 43 et des courant calciques de type L (ICa,L), une surexpression d’ANP (Atrial Natriuretic Peptide) et de BNP (Brain Natriuretic Peptide). Elle est peut être impliquée dans le repliement de la connexine et le rassemblement des jonctions gap. La calréticuline jouerait un rôle important dans le développement cardiaque en intervenant dans la voie transcriptionnelle Ca2+/calcineurine/NF-AT/GATA4 par modulation de la libération du Calcium du reticulum endoplasmique (Mesaeli N. et al., 1999). La diminution de l’expression de la calréticuline après la naissance est essentielle pour le développement du système de conduction cardiaque, surtout pour les nœuds sinusal et auriculoventiculaire. 51 Jusqu’à présent aucune étude n’a exploré les gènes spécifiquement exprimés dans le tissu de conduction de cœur adulte. En plus la plupart des données ont été obtenues chez le poulet, le lapin, le bovin et les petits rongeurs : Il sera donc difficile d’extrapoler ces résultats à l’homme. D’autres travaux ont été menés pour mettre en évidence des gènes et des EST exprimés dans de cœur adulte ou en cours de développement (Hwang D.M., et al, 1997, Bortoluzzi et al., 2000, Dai et al., 1999, Fung et al.,1996, Liew et al., 1997, Tanaka et al., 1996, Ton et al., 2000). Ces travaux ont été réalisés sur des ARN prélevés des oreillettes et des ventricules, donc, à priori, pas à partir de tissu de conduction. Des progrès majeurs pour la compréhension du système de conduction cardiaque pourront être faits grâce à plusieurs types de méthodologies comme la constitution de banques d’ADNc des tissus de conduction, et l’étude des souris transgéniques, qui montrent des variations régionales d’expression de transgènes.
II.5Hypothèses des troubles de conduction
Les principales causes de ralentissement de la conduction cardiaque sont : une diminution de l’excitabilité ou de couplage électrique intercellulaire, due à des anomalies des canaux ioniques cardiaques, une diminution du couplage des jonctions communicantes, une anomalie phénotypique du système de conduction, des changements de l’architecture cellulaire cardiaque (Antzelevitch C. et al., 1991, Cabo C. et al., 1994, Shaw R.M. et Rudy Y. 1997, Rohr S. et al., 1998, Kucera J.P.et al., 1998).
52
III. Blocs de conduction
Les troubles du rythme cardiaque peuvent être secondaires à des anomalies de la genèse de l’impulsion (automatisme) ou de la propagation de l’impulsion (réentrées et troubles de conduction). A l’étage ventriculaire ils seront responsables d’extrasystoles, de tachycardies, de torsades de pointe et de fibrillations ventri culaires. Les maladies des troubles du rythme cardiaque sont, par exemple, le syndrome de QT Long, le syndrome de Brugada et les blocs de conduction cardiaque. III.1. Les blocs de conduction
Les blocs de conduction sont dus à un ralentissement ou un arrêt de l’onde de dépolarisation au niveau des différentes structures du système de conduction, à la jonction entre le noeud sinusal et l’oreillette, dans les oreillettes, à la jonction auriculo-ventriculaire, dans le faisceau de His, ou encore au niveau du tissu de conduction ventriculaire.
III.1.1. Différents types de bloc de conduction
On différencie plusieurs types de blocs de conduction selon le siège et le degré de l’atteinte, mais les blocs auriculo-ventriculaire (BAV) représentent les formes les plus graves.
III.1.1.1. Le bloc de branche
Le bloc de branche droit ou gauche est dû, respectivement, à un ralentissement ou un arrêt de la conduction dans la branche droite ou dans la branche gauche du faisceau de His. Des blocs sur les branches de division de la branche gauche peuvent encore donner un hémibloc antérieur ou postérieur gauche. 53 De plus, le bloc peut être incomplet ou complet suivant qu'il s'agisse d'un ralentissement de la conduction ou d'un arrêt complet. La portion de cœur qui ne reçoit pas normalement l'onde de dépolarisation est tout de même atteinte par des voies détournées, mais avec un certain retard. Ce retard se traduit par une modification du tracé de l'électrocardiogramme (ECG). Le complexe QRS (qui correspond à la contraction des ventricules) est élargi en cas de bloc de branche suite à un retard d’activation du ventricule, et la durée de QRS permet de déterminer s'il s'agit d'un bloc de branche complet ou incomplet. Le bloc de conduction d'une hémibranche ou d'une branche est asymptomatique, c'est-à-dire, qu'il ne se traduit par aucun signe ou symptôme. Il est découvert lorsqu'un ECG est pratiqué. Si ce trouble de conduction est secondaire à une affection cardiaque (infarctus myocardique), c'est l'affection cardiaque qui sera symptomatique.
III.1.1.2. Le bloc auriculoventriculaire (BAV)
Il existe 4 types de blocs BAV selon le type du blocage, le retard entre l'onde P (contraction de l'oreillette) et le complexe QRS (contraction des ventricules), permettant ainsi de déterminer le degré du bloc auriculo-ventriculaire. On distingue:
III.1.1.2.1. BAV asymptomatiques
III.1.1.2.1.aLe BAV du 1er degré : correspond à un allongement de la durée de l’espace PR (> à 0.20 sec, mesuré du début de l’onde P jusqu’au début du complexe QRS) de l’électrocardiogramme (ECG) (figure 5). III.1.1.2.1.bLe BAV du 2ème degré : il arrive que l’onde P ne soit pas suivie d’un complexe ventriculaire. On trouve deux sous-groupes. III.1.1.2.1.b.1BAV du 2ème degré de type I : le bloc est progressif, l’allongement de la conduction auriculo-ventriculaire se poursuit jusqu’au blocage de l’activité auriculaire (allongement du PR jusqu'à l'onde P bloquée). 54 III.1.1.2.1.b.2BAV du 2ème degré type 2 : blocage intermittent survenant sur un fond de conduction auriculo-ventriculaire stable, normal ou prolongé (un passage de conduction sur 2, sur 3, voire sur 4). Figure 5 : BAV du 1er degré
III.1.1.2.2. BAV symptom
a
tique
:
BAV du 3ème degré : le bloc de conduction auriculo-ventriculaire complet se traduit par une fréquence de battement des ventricules qui est très lente car les ventricules qui sont complètement isolés des oreillettes ne sont plus atteints par les ondes de dépolarisation de celle-ci. Heureusement des cellules du faisceau de His et/ou de ses branches sont capables de générer des ondes de dépolarisation à une fréquence plus lente que le noeud sinusal. La fréquence ventriculaire tombe à 30 ou 40/mn (normale : 70/mn). Ce très grand ralentissement cardiaque se traduit par des sensations vertigineuses, un malaise ou une mort subite, et nécessite la pause d’un pace maker (figure 6).
Figure 6: BAV du 3ème degré 55
III.1.1.2.3. Etiologie des BAV
Les BAV peuvent être acquis ou héréditaires : III.1.1.2.3.1Les BAV acquis : d’évolution courte, ils peuvent résulter d’un infarctus du myocarde récent, ou chronique suite à des altérations cardiaques définitives. Il existe également des BAV d’origine idiopathique, en particulier la maladie d’Adams-Stokes, qui résultent généralement d’une dégénérescence fibreuse primitive frappant les voies de conduction. Le BAV du nouveau-né (ou du fœtus) est le plus souvent secondaire à une maladie de système maternelle (lupus érythémateux disséminé). Ce bloc semble être lié au passage dans le sang fœtal d'anticorps maternels qui détruisent les voies de conduction du fœtus. III.1.1.2.3.2Les BAV héréditaires : ils peuvent être responsables de mort subite prénatale, infantile ou adulte. La proportion des troubles de conduction cardiaque d’origine familiale reste mal évaluée. En tenant compte de ’âge d’apparition des troubles (Carp C.C. 1957, Sarachek N.S. et Leonard J.J. 1972), on différencie : Les BAV congénitaux du nourrisson peuvent être isolés ou associés à des cardiopathies congénitales telles que les communications interauriculaires ou interventriculaires (Bizarro R.O. et al., 1970, Smith N.M. et Ho S.Y. 1994). Les troubles de conduction familiaux d’évolution progressive s’expriment dans la majorité des cas de manière retardée à l’âge adulte, mais sont susceptibles parfois de se révéler dès l’enfance.
III.2Origine génétique des blocs de conduction isolés et historique
Les blocs de conduction ont une incidence élevée puisque 5% des enfants et 10% des adultes de plus de 65 ans présentent un bloc de branche droite. Dans la plupart des cas, l’étiologie reste inconnue. 56 Morquio, en 1901, a décrit une première famille présentant un syndrome associant des syncopes, bradycardie et des cas de mort subite. Osler, en 1903, décrivait une famille avec bradycardie et syncopes. Aylward, en 1923, décrit une bradycardie congénitale chez deux sœurs jumelles chez lesquelles une étude électrocardiographique a ensuite révélée un bloc auriculo-ventriculaire complet. Deux études plus récentes ont montré une incidence accrue de ces troubles dans les familles de patients atteints de trouble de conduction (Morgans et al., 1974, Greenspahn et al., 1976). Morgans a retrouvé 10 malades au sein d’un groupe de 66 apparentés au 1er degré à des patients porteurs d’un bloc auriculo-ventriculaire, incidence qu’il estime supérieure à celle attendue dans la population générale. Grennspahn a comparé l’incidence des troubles de conduction (bloc de branche) entre un groupe contrôle et un groupe de 134 parents au 1er degré de 44 malades porteurs d’un bloc bifasiculaire. Il a diagnostiqué 10 individus atteints dans le groupe contrôle contre 24 dans le 2ème, et conclut que les apparentés des individus avec un bloc de conduction avaient beaucoup plus souvent des blocs de conduction que la population contrôle, suggérant ainsi l’existence d’une tendance familiale de ces troubles. En effet, de nombreux cas de troubles de conduction familiaux ont été publiés (Gazes, 1965, Lynch et al.,1973 ; Sarachek,1972, ; Schaal,1973, Stéphan 1979). Certains concernent des blocs de branches (Combrink et al. 1962, Simonsen etal.1970, Schaal et al. 1973, Stéphan 1954, 1978, 1979), des dysfonctionnements du nœud sinusal (Spellberg 1971, Brink et al 1977, Sarachek et al 1972), des blocs auriculoventriculaires ( Stéphan 1961, Gazes et al. 1965, Simonsen et al.,1970, Sarachek et al.,1972, Brink et al 1977, Gambetta et al., 1973) et des troubles du rythme auriculaire (Gould et al. 1957, Allensworth et al., 1969, Williams et al. 1972). 57
III.3. Les blocs de conduction héréditaires associés
Les blocs de conduction cardiaque héréditaires progressifs peuvent être isolés ou associés à d’autres maladies cardiaques ou systémiques familiales. Parmi les maladies systémiques familiales présentant des degrés variables de blocs de conduction, il existe la dystrophie musculaire d’Emery Dreifuss (Emery et al., 1989), la dystrophie myotonique de Steinert, l’ataxie de Friedreich, les collagénoses systémiques et l’hémochromatose. Des anomalies de conduction auriculo-ventriculaire sont associées à des cardiomyopathies dilatées où on trouve des blocs de conduction progressifs de type BAV de 1er et 2ème degrés évoluant vers un bloc complet, associés à une dysfonction sinusale. On trouve également des troubles de conduction associés à des communications interauriculaires de type Ostium seccundum, au syndrome de Holt-Oram, et à des cardiomyopathies arrythmogènes de ventricule droit. Dans certains syndromes les études génétiques ont permis de localiser le gène impliqué, d’autres n’ont pas aboutit car il s‘agit parfois des maladies paucigéniques (tableau 5). 58 Tableau 5 : Les blocs de conduction associés à des cardiopathies.
CMD : Cardiomyopathie dilatée, CIA : Communication interauriculaire, CARVD : Cardiomyopathie arrythmogène du ventricule droit, OS : Ostium Seccundum Nom Symptômes Localisation Gène Référence
1
p
11-1
q
1
?
Kass S et al., 1994 3p22-p25? Olson TM et al., 1996 6q23? Messina DN et al., 1997 6q23-q24? Schonberger J et al., 2000 2q31 Desmine Li D et al., 1999 Xq28 Emerine Bione S et al., 1994 Lamine A/C Bonne G et al., 1999 CMD, Bradycardie sinusale, CMD1A
B
AV1,
arythmie ventriculaire
C
MD
,
Anomalies
rythme
C
MD
1
E + AR
VD
5
sinus
al
, bloc de con
duction
CMD, Bloc de conduction, CMD1F Mort subite, faiblesse musculaire CMD+surdité CMD, Bloc de conduction, CMD1J Surdité CMD, dystrophie musculaire, CMD1G bloc de conduction CMD, bloc de conduction, EMERY- blocage des coudes et DREIFUSS lié à l'X chevilles, perte de force EMERY- BAV
,
CMD, Anomalie du DREIFUSS AD sinus, arythmie ventriculaire
1
q11
-q
23 CIA
CIA-OS, BAV 5q35 NKX2.5 Schott JJ et al., 1998 CIA CIA-OS, BBDc?? Stéphan E et al., 2000 Holt-Oram CIA, anomalies congénitales 12q24.1 TBX5 Basson CT et al., 1997 2q32.1-q32.3???? Rampazzo A et al., 1997 de la colonne radiale CARVD CARVD4, BBG 59
III.4. Les troubles de conduction héréditaires isolés
Les troubles de conduction les plus fréquents sont le bloc de branche droit. Ils peuvent être isolés ou associés à d’autres blocs, tels que les blocs aur iculo-ventriculaires, les hémiblocs antérieurs ou postérieurs gauches ou d’autres anomalies mineures de l’ECG mais sans aucune malformation cardiaque.
III.4.1. Formes et aspects cliniques des blocs de conduction familiaux isolés III.4.1.1. Electrocardiogramme
Il existe trois principaux types de blocs de conduction progressifs, en fonction de la localisation de l’atteinte du tissu de conduction et l’ECG. A. PFHB I (Progressif Familial Heart Block type I) ou ICCD (Isolated Cardiac Conduction defects) Un premier type de bloc de conduction, appelé PFHBI (Progressive Familial Heart Block type I), est caractérisé par une atteinte sélective des branches du faisceau de His. Les troubles de conduction sont principalement des blocs de branche droit, associés ou non à des hémiblocs antérieurs ou postérieurs gauches, évoluant vers un bloc complet. A l’ECG la durée de l’intervalle QRS est allongée alors que les durées des intervalles PR et QTc sont normaux (Combrinck J.M. et al., 1962, Simonsen E.E. et Madsen E.G. 1970, Schaal S.F. et al., 1973, Brink et al., 1977, Stephan E. 1978, Stephan E. et al., 1985, Stephan E. et al., 1997). B. PFHB II (Progressif Familial Heart Block type II) Un second type de troubles de conduction progressifs, appelé PFHB de type II (Brink et al., 1977), est caractérisé par une atteinte sélective du tissu de conduction au dessus de la bifurcation du tronc commun du faisceau de His. Les blocs de conduction sont de type blocs auriculoventriculaires de 60 différents degrés (1er, 2e, 3e), évoluant plus ou moins vers un bloc complet. La durée de l’intervalle QRS est normale, alors que celle de l’intervalle PR est allongée. Une bradycardie sinusale est présente (Lenègre J. et al., 1970, Lynch H.T. et al., 1973, Lynch H.T. et al., 1975). C. La maladie de Lenègre et Lev
Un troisième type de blocs de conduction progressifs serait caractérisé par une atteinte de l’ensemble du tissu de conduction. Tous les types de blocs de conduction peuvent être trouvés dans une même famille : des BAV de différents degrés et des troubles intraventriculaires (bloc de branche droit, gauche, hémibloc antérieur ou postérieur gauche), ainsi que des blocs du rythme sinusal (bradycardies) (Gazes P.C. et al., 1965, Sarachek N.S. et Leonard J.J. 1972, kennel A.J. 1981). La durée de l’onde P et des intervalles PR et QRS sont allongées. Ces blocs de conduction sont appelés aussi maladie de Lenègre ou de Lev (Lenègre J. et Moreau P.H.1963, Lev M. 1964, Lev M. et al., 1970). Ces blocs ne sont jamais congénitaux.
III.4.1.2. Etudes anatomopathologiques et histologiques
Il existerait une très bonne corrélation entre les aspects électriques et les lésions des voies de conduction intracardiaque trouvées à l’examen histologique (Lenègre J. et Moreau P.H. 1963). Dans les troubles de conduction progressifs de type I, des études histologiques post-mortem ont montré que l’interruption de la conduction était due à la présence d’une dégénérescence fibreuse progressive des voies hissiennes, touchant le tronc commun, les parties proximales des deux branches, et les extrémités distales du faisceau de His, ce qui explique l’élargissement du complexe QRS (Husson G.S. et al., 1973, Tsagaris T.J. et al., 1967, kennel A.J. 1981, Stephan E.et al., 1978), les nœuds sinusal et auriculoventriculaire étaient normaux. 61
Dans les troubles de conduction de type II, le tronc commun et les branches du faisceau de His seraient normaux, mais le nœud auriculoventriculaire présenterait différents types d’anomalies : une travée fibreuse continue sur la moitié postérieure isolant le nœud auriculoventriculaire du myocarde auriculaire commun, ou une destruction du nœud de Tawara remplacé par du tissu fibro-adipeux et séparé du myocarde auriculaire par une nappe de tissu graisseux (Lenègre J et al., 1970, Waxmann M.B. et al., 1975). Waxman MB et al., (1975) avait décrit une famille présentant un BAV complet avec bradycardie sinusale, fibrillation atriale avec un complexe QRS normal. L’étude histologique a montré une fibrose importante du nœud sinusal, moins importante du nœud auriculoventriculaire et légère au niveau du faisceau de His, avec une interruption de la connection entre le noeud auriculoventriculaire et le faisceau de His. La maladie de Lenègre serait caractérisée par une dégénérescence fibrotique diffuse du système de conduction, atteignant les parties distales des deux branches, alors que la maladie de Lev serait caractérisée par une fibrose du faisceau de His et des parties proximales des deux branches (Stephan E.et al., 1985). III.4.1.3. Evolution et Hétérogénéité clinique
L’apparition des symptômes varie de la naissance à l’âge adulte, mais se développent en général à l’âge adulte (45 ans en moyenne) (Sarachek NS et al.,1972, Lynch et al.,1973, Stéphan E, 1978, 1979, Simonsen EE et al., 1970, Steenkamp WFJ 1972). L’évolution peut être progressive, avec un risque accru de mort subite (Evans et al., 1949, Tsagaris et al., 1967, Sarachek N.S. et al., 1972, Schaal et al., 1973, Lynch et al., 1973, Brink et al., 1977) Les blocs de conduction sont caractérisés par une altération progressive de la conduction principalement à travers le faisceau de His et ses branches (Stephan E., 1961, Lynch H.T. et al., 1973, Kennel A.J. et al., 1981, Barak M. et al., 1987). Un bloc complet peut aussi apparaître de façon précoce et brutale (Gazes P.C. et al., 1965, Sarachek N.S. et Leonard J.J. 1972, Godin J.F. et al., 1973, Lynch H.T. et al., 1975). De nombreuses publications ont confirmé l’existence au sein d’une même famille de troubles de conduction progressifs apparus dès 62 l’enfance et de troubles apparus à l’âge adulte (Schaal S.F. etal., 1973, Stéphan E., 1978, 1979). Environ 10 % des personnes atteintes ont une aggravation de leur trouble de conduction en 20 ans imposant la mise en place d'un stimulateur cardiaque (pacemaker). Il semble exister des disparités entre les familles où certaines présenteraient des formes moins sévères que d’autres (Stéphan E. et al., 1997).
III.5. Prise en charge et traitement
Il n'y a pas de traitement les blocs de branches ou hémibranches qui sont toujours asymptomatiques. Le bloc auriculo-ventriculaire du premier degré nécessite une recherche de la cause et une surveillance. Le bloc auriculo-ventriculaire du deuxième degré nécessite des examens complémentaires à l'ECG (enregistrement de 24 heures de l'ECG, éventuellement exploration électrophysiologique intracardiaque). Le bloc auriculo-ventriculaire complet est une urgence. Il faut l'accélérer temporairement par la mise en place d’un pacemaker.
III.6. Diagnostic prénatal
Seule l'échocardiographie fœtale peut mettre en évidence un bloc auriculo-ventriculaire complet. Il est possible de voir que les oreillettes et les ventricules battent indépendamment les uns des autres. La fréquence lente des ventricules peut entraîner une diminution du débit cardiaque avec insuffisance cardiaque. Il est possible d'accélérer la fréquence cardiaque par la mise en place d'un système d'entraînement par une "pile".
63
III.7. Génétique moléculaire des troubles de conduction héréditaires progressifs isolés.
La transmission de ces troubles de conduction est autosomique dominante (Segall et al., 1961, Combrink et al., 1962, Spellberg et al., 1971, Sarachek et al., 1972, Waxman et al., 1975, Brink et al., 1977, Stephan et al., 1978, 1979), rarement autosomique récessive (Husson et al., 1973). Plus tard, plusieurs équipes ont identifié des grandes familles atteintes de troubles de conduction héréditaires progressifs et ont confirmé que le mode de transmission est autosomique dominante, avec une expressivité et une pénétrance variable.
III.7.1. Loci et gènes identifiés
Jusqu’à présent, il y aurait au moins trois loci, ou trois gènes différents qui seraient impliqués dans les troubles de conduction familiaux progressifs isolés. Le premier locus est celui qui est lié au chromosome 19q13.3 (gène inconnu), le deuxième est celui qui est lié au chromosome 3p21.1 et le gène muté responsable a été identifié il s’agit du gène SCN5A, qui est le seul gène connu à présent pour la maladie de Lenègre. Le troisième est celui qui est lié au chromosome 16q23-q24 (gène in ), et un quatrième locus pas encore localisé chez des familles atteintes de la maladie de Lenègre. Ces données confirment l’hétérogénéité génétique des troubles de conduction cardiaque familiaux isolés. III.7.1.1. Localisation du PFHB I sur 19q13.3
Stephan E. avait décrit en 1978 une très grande famille libanaise (Liban Sud), fondée par un ancêtre polygame qui présentait une bradycardie, des syncopes à répétition et qui est décédé de mort subite à 60 ans. Il a engendré en cinq générations plus de 400 descendants, dont 338 ont pu être examinés par le professeur Stéphan entre 1974 et 1993. Pour chacun des individus le Pr. Stéphan a enregistré les ECG plusieurs fois au cours du suivi qui a duré environ 20 ans. Dans cette famille 43 sujets sont atteints d’un trouble de conduction cardiaque intraventriculaire. Cette famille présente une ségrégation 64 de troubles de conduction variables selon les individus et variables avec le temps : 1 cas de bloc trifasciculaire, 10 cas de bloc bifasciculaire (BBD avec HBAG), 10 cas de bloc bifasciculaire (BBD avec HBPG), 14 cas de bloc monofasciculaire (BBD), 1 cas de BBDi avec HBPG, 4 cas de HBAG et 3 cas de BAV y compris le premier ancêtre, ayant entraîne la mort subite (Stéphan E. 1979, De Meeus et al., 1995)(figure 7). La pénétrance est nettement différente entre les hommes (70%) et les femmes (50%) (Stéphan et al., 1979, 1997). A partir de cette grande famille, un premier locus de troubles de conduction progressifs isolés a été identifié sur le chromosome 19q13.3 entre les marqueurs (exclus) D19S606 et D19S571 situés à 10 cM l’un de l’autre (De Meeus A. et al., 1995). Cette même localisation a été rapportée par une équipe sud-africaine en étudiant 3 familles présentant un bloc auriculo-ventriculaire isolé d’évolution progressive, descendant d’un ancêtre commun portugais et d’une huguenote qui auraient émigré en Afrique du Sud en 1696. Dans cette forme familiale tous les sujets atteints ont une progression de la maladie vers un bloc complet qui nécessite la pause d’un pacemaker. Le locus morbide a été localisé à 10 cM télomérique par rapport au gène de la Dystrophie Myotonique et proche du gène de la kallikréine (Brink et al., 1995). Plus tard, l’intervalle a été réduit à 8 cM entre D19S112 et D19S246, puis à 4 cM entre D19S606 et D19S866 (BardienKruger S et al., 2002). Ces résultats montrent donc qu’un même gène localisé en 19q13.3 pourrait être impliqué dans ces familles, libanaises et sud-africaines, et pourrait donc avoir un rôle central dans le système de conduction cardiaque. La premier gène étudié est le gène KCNA7 qui code pour un canal potassique Kv1.7, et il a été exclu comme étant responsable de bloc de conduction cardiaque lié au 19q13.3 (Bouvagnet P. communication personnelle, Bardien-Kruger S et al., 2002).
65 Figure 7 : La famille libanaise découverte par le Pr. E. Stéphan dans les années 70. Les symboles sont présentés en bas à gauche. 66
III
.7.1.2.
Localisation en 16q23.3-16q24 F. Kyndt, en 2002, décrivait une famille française comportant environ 150 membres, parmi lesquels 88 individus ont été examinés. Parmi ces derniers 12 individus sont atteints : 3 patients portaient des pacemaker en raison de syncopes ou de BAV complet, 5 patients présentaient un bloc de droit dont trois avaient aussi un hémibloc antérieur gauche, 2 patients présentaient un hémibloc antérieur gauche isolé, et deux patients avaient un intervalle PR allongé. Sept individus ont été considérés comme phénotype indéterminé.
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French-Science-Pile
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Open Science
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Various open science
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Similarité surfacique et similarité sémantique dans des cas cliniques générés. Journée d'étude sur la Similarité entre Patients, ATALA, SimPa 2023, Mar 2023, Paris, France. ⟨hal-04102816⟩
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Similarité surfacique et similarité sémantique dans des cas cliniques générés
y and mination , documents may centers ’archive ouverte disciplinaire HAL et la de documents scientifiques niveau ,
Hiebel1 Olivier Ferret2 Karën Fort3 Aurélie Névéol1 (1) Université Paris-Saclay, CNRS, LISN, 91400, Orsay, France (2) Université Paris-Saclay, CEA, List, F-91120, Palaiseau, France (3) Sorbonne Université / Université de Lorraine, CNRS, Inria, LORIA, 54506, Vandœuvre-lès-Nancy, France [email protected], [email protected], [email protected]
M OTS - CLÉS : Génération, Similarité, Texte clinique,
Texte
synthétique
, Français.
K EYWORDS: Generation, Similarity, Clinical
Text
, Synthetic
Text
, French. Contexte
La disponibilité restreinte des documents cliniques est un frein à la recherche en traitement automatique de la langue dans le domaine médical. Les corpus cliniques dont l’accès est relativement facile en français (E3C (Magnini et al., 2020), CAS (Grabar et al., 2018)) ne sont pas tout à fait représentatifs des documents confidentiels présents dans les hôpitaux. Le partage des connaissances au sein de la communauté scientifique est compliqué. Aucune reproductibilité n’est possible, tout comme les comparaisons avec d’autres méthodes / données. Une piste de création de ressource partageable en substitut des données confidentielles est la génération de données similaires à ces données privées. Cela pourrait permettre à des personnes ayant accès à un corpus privé de générer un corpus librement distribué à partir du premier. En partageant la méthode de génération, il serait également possible de reproduire l’expérience sur d’autres données confidentielles. La mise à disposition des données générées donnerait alors à la communauté scientifique un terrain de test, de comparaison, de discussion et d’entraide dans la recherche en TAL biomédical. Les métriques existantes d’évaluation automatique de la génération de texte reposent majoritairement sur des mesures de similarité avec des références : une réponse idéale dans un contexte donné. Cette référence est comparée avec la ou les hypothèses du système (BLEU (Papineni et al., 2002), ROUGE (Lin, 2004), BERTScore (Zhang et al., 2020)). Nous présentons ici des alternatives à ces mesures pour évaluer une génération ouverte dans le domaine médical. Objectifs
L’évaluation de la génération est multidimensionnelle. Il est nécessaire d’observer la qualité de la langue dans les données générées, ainsi que son adéquation avec la langue des données sources. Dans cette étude, nous nous concentrons sur l’évaluation de la similarité entre des données médicales réelles et des données synthétiques générées à partir de ces données réelles selon deux critères complémentaires : la similarité surfacique et la similarité sémantique. Ces similarités sont importantes à estimer : une trop grande proximité pourrait signifier une copie d’information dans le corpus synthétique, représentant un potentiel risque de fuite d’information confidentielle. Inversement, il ne faut pas que les données synthétiques s’éloignent trop des données réelles pour que leur étude soit pertinente. Il y aura donc forcément des ressemblances. Nous cherchons par conséquent à repérer les éléments identiques ou ressemblants dans les deux jeux de données à l’aide de mesures de similarité, en essayant de différencier les similarités traduisant un risque et les similarités acceptables. Méthodologie
Pour cette expérience, nous utilisons le corpus E3C, un corpus multilingue de documents biomédicaux librement disponible dans lequel nous sélectionnons les cas cliniques en français. Nous le désignerons par E3CF R. Nous générons quatre corpus de données synthétiques de taille similaire au corpus E3CF R à l’aide de quatre configurations de modèles de langue génératifs pré-entraînés et adaptés (fine-tune) aux données cliniques de E3CF R. Les modèles sont entraînés à générer des documents entiers en encadrant le texte généré par des balises de début et de fin du document. Nous étudions la similarité entre les données synthétiques générées et les données réelles à deux niveaux. Au niveau lexical, en observant les recouvrement de ngrammes entre les deux corpus, ce qui nous permet d’estimer la quantité de ngrammes que le modèle génératif a observé à l’entraînement et généré à l’identique à l’inférence. En complément, une comparaison avec un autre corpus de cas cliniques en français est ajoutée avec le corpus CAS. Deuxièmement, nous étudions la proximité sémantique entre les phrases des corpus. Pour cela, nous calculons les plongements des phrases des corpus à l’aide de l’outil S ENTENCE -BERT (Reimers & Gurevych, 2019). Le modèle S ENTENCE BERT est ajusté sur le corpus de paires de phrases cliniques annotées en similarité CLISTER (Hiebel et al., 2022) pour s’adapter au domaine clinique. Nous utilisons ensuite les plongements de phrases des deux corpus pour calculer une matrice de similarité entre les phrases des corpus, ce qui permet de récupérer pour chaque phrase du corpus généré les phrases les plus similaires dans le corpus réel avec les scores de similarité associ és. C’est à partir de ces scores que nous essayons de déterminer les phrases et documents potentiellement problématiques du point de vue de la confidentialité. Ré
sultats
Le tableau 1 présente les taux de recouvrement de ngrammes entre des corpus générés dans des configurations différentes et E3CF R. Nous avons ajouté la comparaison avec le corpus CAS. On remarque que le corpus CAS présente plus d’unigrammes en commun avec le corpus E3CF R. En revanche, il présente moins de séquences longues (8grammes) en commun avec ce même E3CF R que plusieurs corpus générés. On remarque également des différentes importantes entre les différents corpus générés. Le tableau 1 donne par ailleurs la similarité sémantique moyenne des phrases des corpus générés (et de CAS), calculée comme décrite à la section précédente. On observe ainsi que le corpus BloomE3C+T présente une similarité moyenne plus élevée que les autres et le corpus LLFE3C la moins élevée, proche même de la proximité obtenue sur le corpus réel CAS.
Corpus 1gramme 4gramme 8gramme Sim Sém BloomE3C BloomE3C+T LLFE3C LLFE3C+T CAS 0,16419 0,13887 0,11740 0,11935 0,20373 0,00368 0,00531 0,00447 0,00505 0,00899 0,00011 0,00020 0,00023 0,00013 0,00013 0,561 0,585 0,531 0,557 0,530
TABLEAU 1 – Comparaison entre les différents corpus générés et E3CF R. Nous avons ajouté la comparaison entre
E3CF R et
CAS. Sim Sém = Similar
ité
Sémantique moyenne.
Conclusion Ce travail donne un premier aperçu de la similarité surfacique et sémantique de corpus cliniques générés et naturels, montrant notamment que ces deux plans ne sont pas strictement corrélés.
Références G RABAR N., C LAVEAU V. & DALLOUX C. (2018). CAS : French corpus with clinical cases. In Proceedings of the Ninth International Workshop on Health Text Mining and Information Analysis, p. 122–128, Brussels, Belgium : Association for Computational Linguistics. DOI : 10.18653/v1/W H IEBEL N., F ERRET O., F ORT K. & N ÉVÉOL A. (2022). CLISTER : A corpus for semantic textual similarity in French clinical narratives. In Proceedings of the Thirteenth Language Resources and Evaluation Conference, p. 4306–4315, Marseille, France : European Language Resources Association. L IN C.-Y. (2004). ROUGE : A package for automatic evaluation of summaries. In Text Summarization Branches Out, p. 74–81, Barcelona, Spain : Association for Computational Linguistics. M AGNINI B., A LTUNA B., L AVELLI A., S PERANZA M. & Z ANOLI R. (2020). The E3C Project : Collection and Annotation of a Multilingual Corpus of Clinical Cases. In J. M ONTI, F. DELL’O R LETTA & F. TAMBURINI, Éds., Proceedings of the Seventh Italian Conference on Computational Linguistics, CLiC-it 2020, Bologna, Italy, March 1-3, 2021, volume 2769 de CEUR Workshop Proceedings : CEUR-WS.org. PAPINENI K., ROUKOS S., WARD T. & Z HU W.-J. (2002). BLEU : a method for automatic evaluation of machine translation. In Proceedings of the 40th Annual Meeting of the Association for Computational Linguistics, p. 311–318, Philadelphia, Pennsylvania, USA : Association for Computational Linguistics. DOI : 10.3115/1073083.1073135. R EIMERS N. & G UREVYCH I. (2019). Sentence-BERT : Sentence Embeddings using Siamese BERT-Networks. In K. I NUI, J. J IANG, V. N G & X. WAN, Éds., Proceedings of the 2019 Conference on Empirical Methods in Natural Language Processing and the 9th International Joint Conference on Natural Language Processing, EMNLP-IJCNLP 2019, Hong Kong, China, November 3-7, 2019, p. 3980–3990 : Association for Computational Linguistics. DOI : 10.18653/v1/D19-1410. Z HANG T., K ISHORE V., W U F., W EINBERGER K. Q. & A RTZI Y. (2020). Bertscore : Evaluating text generation with BERT. In International Conference on Learning Representations (ICLR), online.
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hal-03560622-Actes_Colloque_Inter_Congres_AREF_2020_Nancy_2021-1.txt_23
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French-Science-Pile
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Open Science
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Various open science
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Collaborations, territoires et numérique : l'expérience d'enseignants au sein du dispositif "école éloignée en réseau". AREF 2021, Jun 2021, Nancy, France. ⟨hal-03560622⟩
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French
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En s’appuyant sur la théorie des graphes, les réseaux sociaux, numériques ou non, constituent des systèmes complexes de relations interindividuels, mais aussi par la création des propriétés collectives (Collard, Verel, & Clergue, 2013, p.92-93). Depuis le premier RSN créé en 1997 (SixDegrees.com) leur prolifération est exponentielle. Outre leur faculté initiale de permettre aux usagers de rencontrer des « inconnus » d’autres ont évolué en leur permettant « d’articuler et de rendre visible leurs réseaux sociaux » (Boyd et Ellison, 2007), comme ceux mettant en lien des professionnels avec l’exemple de Linkedin. Cette distinction est reprise par Stenger et Coutant (2017) : Les RSN constituent des services web qui permettent aux individus : (1) de construire un profil public ou semi-public au sein d’un système, (2) de gérer une liste des utilisateurs avec lesquels ils partagent un lien, (3) de voir et naviguer sur leur liste de liens et sur ceux établis par les autres au sein du système, et (4) fondent leur attractivité essentiellement sur les trois premiers points et non sur une activité particulière (Stenger et Coutant, 2017, p.221). Le concept de RSN s’opposerait à celui de de « computation sociale » utilisé par Pierre Lévy, qui « entend par ce terme mettre en exergue l’activité collective des internautes en faveur de la construction et du partage de toutes formes de contenu » (Stenger et Coutant, 2017 p.221). Les RSN sont un sous-ensemble des médias sociaux dont Cavazza depuis 2008 dresse annuellement le panorama. En 2020, Cavazza classait 170 plateformes avec leur 6 grands usages (publication, partage, messagerie, discussions, collaboration, réseautage). En 2021 elles sont 245 (Voir Figure 2) réparties en 45 catégories et un nombre d’usage identique. Les médias sociaux ont vu leur nombre, comme celui des utilisateurs se multiplier depuis le confinement de 2020. Discord en est l’exemple. Alors qu’en 2018, Discord ne figurait pas dans la classification de Cavazza, il apparaît en 2019 dans la catégorie « des systèmes de messagerie mobile » en prenant une place grandissante en 2020 et 2021. Il se rapproche maintenant des médias les plus utilisés, en conséquence de la montée en puissance des contenus audios depuis la période de confinement (Voir Figure 3). Les médias et réseaux sociaux et leurs usages se transforment continuellement : la frontière s’efface peu à peu entre les réseaux d’« amis » voués à la simple communication et les réseaux gérant des activités de collaboration ou créés selon les centres d’intérêts des utilisateurs. C’est le cas de Discord, logiciel libre et gratuit, lancé en 2015, par l'américain Jason Citron, utilisé d’abord par les amateurs de jeux vidéo pour communiquer entre eux au travers de « salons » vocaux (canaux VoIP) ou textuels (messagerie instantanée). Les améliorations successives apportées par la communauté des utilisateurs et son utilisabilité (facilité d’utilisation) en font désormais un produit utilement perçu même s’il suscite encore la méfiance dans certaines institutions ou voit ses usages controversés 4. Des exemples de son instrumentalisation montre des effets positifs, notamment à des fins pédagogiques (Wulanjani, 2018 ; Messaoui, 2020). Figure 3 :Le paysage 2021 des médias sociaux d’après Cavazza (source :https://fredcavazza.net/2021/05/06/panorama-des-medias-sociaux-2021/ )
Le cadre étant posé, il convient de soulever notre problématique et les questions de recherche qu’elle induit.
2.4 Problématique et questions de recherche
Le confinement a obligé les membres du LISEC et conséquemment les membres du « Juli » à modifier leur pratique et leur mode de communication. En l’absence de lieux de rencontre physique, ils ont dû se déterritorialiser. L’usage des plate-formes numérique institutionnelles a été d’un grand secours dans chacune des universités, mais en l’absence d’interopérabilité entre-elles, le « Juli » a choisi l’option de poursuivre ses activités à l’aide du média social Discord. Ont-ils réussi à créer de la « présence à distance » (Jézégou, 2020), à recréer les frontières de leur communauté, à préserver les liens et l’ambiance groupe? Relater quelles ont été ces activités devrait permettre de répondre à ces questions. D’autres se posent pour animer notre problématique et guider nos propos. Les actions menées ont-elles répondus aux attentes des doctorants? Le taux de présence aux réunions a-t-il été préservé? Ontils réussi à convaincre l’ensemble de la communauté du LISEC du bien fondé de leurs actions? Méthodologie
Pour
y
répondre, il semble utile de s’intéresser au public visé par le LJ en focalisant plutôt notre recherche sur les doctorants, car nous disposons de données sur leur expérience doctorale et leur devenir. Une enquête, sous forme d’un questionnaire anonyme administré en ligne, réalisée entre mars et mai 2018 par les 4 délégués doctorants de chaque équipe du LISEC est notre premier support. Les résultats, transmis à tous les membres du laboratoire, met en évidence quelques besoins exprimés par 88 doctorants sur les 113 sollicités. Un autre questionnaire, administré de façon similaire, a été adressé en septembre de la même année à 105 docteurs du LISEC inscrits en doctorat depuis 2002. « Il était constitué de cinq grandes rubriques : les caractéristiques sociodémographiques ; les études antérieures au doctorat ; les modalités de réalisation de la thèse ; le parcours professionnel ; la formation doctorale » (Mohib, Magot & Plateau, sous presse). 72 docteurs ont répondu. La publication précitée a pris en compte les réponses de 55 docteurs inscrits depuis 2006, date correspondant à la publication de l’arrêté relatif à la formation doctorale. Le questionnaire a été prolongé par 19 entretiens, analysés qualitativement. La présentation de quelques réalisations du LJ « Juli » complète la méthodologie et les supports de cette étude exploratoire. Résultats
4.1 Les besoins des doctorants 40 % souhaitent compléter les formations proposées par l’ED. Les plus représentatives sont l’appropriation d’outils d’analyse quantitative et qualitative, bénéficier d’une aide à la publication, palier leurs difficultés d’intégration aux équipes et au LISEC (problématique due à leurs conditions de salariés ou/et à la distance géographique. Ils préconisent la création d’ateliers méthodologiques et demandent à favoriser les échanges en visioconférence. 4.2 Qui sont les
docteurs
du
LISEC
? Notons au préalable les caractéristiques des docteurs du LISEC au vu du second questionnaire. Il s’agit d’un public surtout féminin (6 répondants sur 10), de professionnels avec une bonne expérience puisqu’âgés en moyenne de 40 ans pour les femmes et de 45 ans pour les hommes. Sur les 46/55 qui travaillent à l’entrée en doctorat, plus de 4/5 d’entre eux occupe un emploi dans le milieu professionnel de l’éducation et de la formation. La réalisation de la thèse en se chevauchant avec leur vie professionnelle allonge le temps prévu pour la soutenance avec une moyenne de 4 ans et demi. Les 2/3 conservent le poste qu’ils avaient à l’entrée de la thèse sans (ou peu) d’augmentation salariale, 1/4 connaissent des mobilités professionnelles ascendantes notamment et la plupart dans le milieu de l’enseignement supérieur (1/5 des répondants) mais sur des postes au départ précaire (ATER, postdocs, enseignants contractuels) Ceux qui ont connu des mobilités (1/3) font face pour la plupart à une succession de CDD. 3/55 de l’échantillon ont un emploi de Maître de conférences au moment de l’enquête. (Mohib, Magot & Plateau, sous presse). 4.3 Que disent -ils de leur expérience doctorale
Un peu plus des 2/3 estime leur formation doctorale « adaptée » au dernier emploi occupé. Cela dit, les attentes exprimées nuancent cette statistique. Les 19 entretiens mettent en évidence des buts différents selon la situation des répondants en emploi (12) ou non (7) à l’entrée en doctorat. Les premiers voient dans leur expérience doctorale une prise de recul avec leur activité professionnelle, d’autres une façon de s’accomplir avec un besoin de « reconnaissance sociale » et d’autres comme « un projet d’évolution de carrière ». Pour eux, les dispositifs d’aide à l’insertion par l’ED n’offrent pas d’intérêt. Les seconds, plus jeunes, prolongeant leurs études de master connaissent des difficultés d’insertion une fois leur diplôme obtenu et ne trouvent pas les mesures d’insertion adaptées au monde économique hors de l’université. Les relations interpersonnelles dans leur parcours sont surtout circonscrites dans l’entourage académique formel, c’est-à-dire le Directeur de thèse, les enseignants chercheurs, l’ED et la communauté scientifique. Les relations avec les pairs, beaucoup moins évoquées, se réalisent plutôt de manière informelle souvent pour un soutien mutuel. Les connaissances et compétences utiles à leur activité de recherche, comme les compétences transversales sont reconnues par les interviewés. Cependant, il en manque certaines à leur registre, dans leurs discours en regard de celles décrites à l’annexe de « l’Arrêté du 22 février 2019 définissant les compétences des diplômés du doctorat et inscrivant le doctorat au répertoire national de la certification professionnelle »5. Il s’agit notamment de celles concernant l’ouverture des activités de recherche et développement vers le monde économique ou social et l’encadrement d'équipes dédiées à ces activités (Mohib, Magot & Plateau, sous presse). Favoriser les relations interpersonnelles, surtout en période de confinement, répondre aux besoins des doctorants, s’ouvrir un peu plus sur le professionnel non ement a
cadémi
que sont des éléments pris en compte lors de la création
projet au était prévu la participation à l’organisation du colloque AREF 2021. 4.4 Les actions du LJ « » ://www 2021 « Politiques et territoires en éducation et formation : Enjeux, débats et perspectives » Nancy, 3 et 4 juin 2021
Le serveur6 Discord pour le LJ a été déployé au premier jour du confinement et après quelques tests les doctorants ont été sollicité pour s’y connecter. Une assistance tournante a été organisée et un mode opératoire joint aux courriers d’invitation. Quelques administrateurs volontaires se sont manifestés pour porter assistance si besoin et gérer les droits d’accès aux utilisateurs. Les réunions se sont succédé sur les salons vocaux à une fréquence très soutenue mais le taux de fréquentation a baissé au fil du temps, malgré quelques pics (Voir la Figure 1 de Milanovic (2021)). Le présentiel ne permettait pas de se réunir à ce rythme.... Pour compléter la courbe de Yohan, la tendance s’est stabilisée dans les 4 premiers mois de 2021, avec une moyenne de 8 participants, pour 8 réunions avec un pic de fréquentation à 12, et un creux de 5. Chaque réunion a été suivie d’un compte-rendu, puis retournée aux participants pour validation avant sa diffusion au LISEC et sa mise en mémoire sur un salon textuel du serveur. La visibilité des actions du LJ est ainsi complète pour tous les membres du laboratoire. Ces comptes-rendus ont été diffusés jusque fin avril 2021. La personne qui accomplissait cette mission depuis plus d’un an ayant décidé de passer la main n’a pas trouvé de successeur. Certaines réunions ont dépassé les frontières des membres du LJ, notamment celles avec les LJ de Toulouse et de Lyon pour échanger sur nos pratiques, nos actions et les statuts de chaque LJ. Des activités collaboratives jonchent les salons textuels, classés par catégories, témoignant de la co-construction du LJ comme la réalisation d’une carte mentale avec Mind Map longuement élaborée pour y présenter le socle des valeurs partagées par le LJ, ses finalités, ses objectifs opérationnels, ses contributions, son articulation avec le LISEC et forger son identité. Un flyer a fait suite à cette création et une frise temporelle a répertorié les étapes de ces travaux, des réunions et des partages de ressources pour être présentés lors du séminaire annuel du LISEC, 10 jours après avoir trouvé son nom : « Juli ». Son logo, esquissé par plusieurs mains, témoigne de sa créativité et sera bientôt réalisé en collaboration avec le service de communication de l’Unistra. Parmi les partages de ressources, réalisés en visioconférence, nous trouvons l’utilisation de quelques logiciels : Mindomo (création de cartes mentales), la gestion de questionnaire en ligne avec LimeSurvey, les tris croisés avec le tableur Excel, IRaMuTeQ pour les traitements textométriques, Wooclap pour la gestion de cours à distance. Dans les fichiers textuels, à titre d’information, un compte-rendu d’une réunion d’équipe sur la qualification a été diffusé pour favoriser l’interrelation et la transversalité des connaissances. La catégorie des ‘fichiers utiles’ fournit aussi des ressources pour dépanner, collaborer, s’aider, comme l’utilisation d’un outil de prise à distance d’un poste informatique à titre d’exemple. Une conférence a été organisée sur l’apport des sciences cognitives pour mieux enseigner et mieux apprendre avec Jean-Luc Berthier comme conférencier, réunissant 28 participants, dont 15 doctorants, 4 docteurs,1 masterant, 3 maîtres de conférences, 2 professeurs d'université, 1 chargé d'orientation, 1 cadre pédagogique, 1 enseignante en langue. Deux autres événements ont été initié en soirée par un professeur du LISEC, l’un autour de l’ouvrage de Berthiaume et al (2020) : « L’expérience doctorale : État des lieux et propositions de structuration », l’autre sur le thème des compétences, notamment celles des doctorants et docteurs. Enfin le colloque de l’AREF a monopolisé quelques membres du Juli, en collaboration avec les enseignants chercheurs en amont, pour sa préparation et celle des outils de communication des financeurs, pendant avec les administrateurs pour s’assurer du bon fonctionnement des échanges en visioconférence et après pour la diffusion des actes. Toute cette dynamique et les quelques exemples décrits précédemment ont laissé des traces sur le serveur Discord mais sans doute encore trop privées. C’est le sujet de notre discussion. Discussion conclusive
La déterritorialisation du LJ, passant du mode présentiel au mode distanciel, via Discord, a eu comme effet de multiplier le nombre de ses réunions de façon considérable. Sa production a été intense au vu des comptes-rendus de réunions, partagés en intégralité avant leur envoi synthétique à la communauté du LISEC. Ainsi la « présence à distance » par les échanges nombreux dans les salons vocaux, formels et informels ont permis aux participants de conserver un lien social et à ceux empêchés de suivre les débats en direct de retrouver leur trace sur le serveur et/ou par les courriels accompagnés des comptes-rendus de réunion. Les doctorants venant de territoires géographiquement lointains ont eu l’occasion de pouvoir dialoguer, échanger en direct, de tisser des liens plus fréquents avec le LISEC. Le confinement a d’ailleurs été l’opportunité de répondre au vœu des doctorants sondés Un serveur sous Discord est un espace dédié à un groupe d’utilisateurs. L’administrateur du serveur gère les droits d’accès et de gestion des salons aux utilisateurs. à distance, par le biais des visioconférences, ce qui pour différentes raisons, pas toutes convaincantes comme « c’est compliqué », « ça ne marche pas », étaient l’exception...Elles sont devenues la règle durant la crise sanitaire. Chacun a pu s’approprier cet instrument médiateur, lui « donner du sens et donc l’accepter » (Bobillier Chaumon, 2016) plus facilement. Mais « la simple maîtrise d’outil ne suffit pas à construire les territoires de l’action et des pratiques sociales, en d’autres termes à produire de l’innovation » (Paquelin et al., 2006). L’engagement des acteurs est nécessaire et si l’engouement et la motivation des membres actifs du LJ a été exceptionnelle, la flamme peut s’éteindre parfois, comme en témoigne l’arrêt de la rédaction des comptes-rendus de réunions, faute de prise de relais. Cette absence de mémoire risque de compromettre la « présence à distance » certes vécue par les auteurs des échanges vocaux en synchrone, mais volatile, donc perdue pour les personnes non connectées. Elle risque aussi d’être un frein à notre question de départ, la pérennisation du LJ. Une solution serait peut-être d’inclure cette mission chronophage celles d’un ingénieur de recherche. Les frontières du territoire « Juli » ont été préservées, comme l’ambiance groupe, mais nous constatons le manque d’accessibilité publique et ergonomique du serveur Discord en comparaison à celle d’un blog ou d’un site web. Ce souci a été identifié au cours de nos débats. Il faudrait mettre en valeur les productions du LJ, ses créations, annoncer à un plus large public ses événements et pouvoir les diffuser plus largement, élargir les frontières de son territoire, s’adresser aussi aux partenaires du monde économique et social. Il faut simplement trouver un ou des volontaires pour mettre un outil plus convivial et plus ouvert en place. Si les partages de ressources ont été modestes, ils mériteraient d’être multipliés simplement pour répondre à la demande redondante des doctorants sur l’usage des outils méthodologiques. Les formaliser, les proposer en ressources accessibles par le site du LJ pourrait aussi être une piste à explorer en sollicitant les chercheurs du LISEC experts en ce domaine. Les ED qui proposent la plupart de leurs formations en présentiel et à des moments bien précis ne correspondant pas forcément aux disponibilités des doctorants exerçant en milieu professionnel, comme nous l’avons montré pourraient aussi les proposer à distance... Pour ce qui est de l’aide à la publication, l’organisation de colloques avec actes est une opportunité. La préparation du colloque AREF a stabilisé le nombre des participants au LJ avant la date de l’événement, ce qui répond à la question sur la préservation du taux de présence aux réunions du « Juli ». Des séances comme celles réalisées autour de « l’expérience doctorale » et « les compétences » pourraient aussi s’envisager au sujet de la publication avec un expert du domaine. Elles réuniraient sans doute un nombre satisfaisant de membres du LJ en favorisant la transversalité des équipes et l’implication de ses chercheurs aguerris à ce mode de transmission scientifique. Cette transversalité a d’ailleurs été la note la plus séduisante provoquée par le serveur Discord, en réunissant les membres du LISEC, quel que soit leur équipe d’appartenance et leur lieu de connexion, géographiquement éparpillé sur le globe terrestre. Le vœu des docteurs, regrettant de n’avoir pas eu suffisamment de contacts avec la sphère économique et sociale est un point encore à développer. L’invitation de Jean-Luc Berthier est une étape. Elle a touché aussi quelques extérieurs au cercle universitaire, mais c’est un petit pas qu’il conviendrait d’agrandir pour élargir encore les frontières du territoire du « Juli ». Quant à la faculté du LJ à convaincre de son existence, de son esprit de créativité et de sa volonté de « faire de la recherche autrement », sa présentation au séminaire annuel du LISEC et plus large au colloque de l’AREF a permis d’éclaircir sa légitimité, et sa potentialité. S’il n’a pas convaincu l’ensemble de la communauté du LISEC, il en a attiré quelques-uns pour élargir sa sphère d’activités et susciter en tout cas des débats constructifs. L’utilisation de Discord par le LJ a d’ailleurs fait ricochet et d’autres serveurs se sont créés pour organiser des réunions des membres du LISEC durant cette période de confinement. Pour terminer dans ce cadre limite de pages et de mots qui a écarté l’illustration de son usage par des pages-écran du serveur LJ, convoquons l’approche ternaire des dispositifs d’Albero (2010) pour imager le dispositif de « l’expérience doctorale ». Donnons à la disposition idéelle trois éléments, la réussite à la soutenance, l’insertion professionnelle, mais aussi le bien-être des doctorants. La disposition fonctionnelle parée de ses écoles doctorales, de son laboratoire et de ses universités de tutelle, en intégrant, soutenant et participant à la dynamique des projets du LJ, pour pérenniser son hybridation doit contribuer à satisfaire la disposition actorielle, à savoir ses membres et tous ceux du LISEC.
Bibli
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Nancy 2021
« Politiques et territoires en éducation et formation : Enjeux, débats et perspectives » Nancy, 2 et 3 juin 2021 Thématique : Territoire et numérique LES TERRITOIRES DE L’ENSEIGNEMENT ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE A L’EPREUVE DE LA « CONTINUITE PEDAGOGIQUE » Jean-François Plateau*, Isabelle Jugé-Pini*, Pascale Schairer-Studer*, Benoît Tielemans* * Université de Haute-Alsace LISEC (UR 2310) Mots-clés : Déterritorialisation/reterritorialisation, FOAD, continuité pédagogique, confinement Résumé.
ires auprès de différents apprenants français (du primaire à l’université, et de la formation professionnelle du domaine sanitaire et/ou social) et belges (secondaire inférieur et supérieur), d’enseignants et de formateurs, de début juin à début août 2020, au sortir du confinement. Ces données se composent de 5022 réponses issues d’un questionnaire réalisé de façon collaborative par quatre chercheurs et administré en ligne. L’objectif majeur de cet article est de mesurer l’impact de cette situation inédite sur le ressenti physique et psychosocial de ces différents publics à l’aide de quelques indicateurs et d’autres variables concernant notamment leur appréciation des dispositifs mis en place et les difficultés rencontrées. Les résultats montrent un ensemble de difficultés liées aux conditions matérielles et organisationnelles perturbant l’accès à ces territoires pédagogiques virtuels, mais aussi à la défaillance de préparation pour faciliter ce passage d’un territoire à l’autre. 1. Introduction
Le 26 mars 2020, la crise sanitaire condamne 87% de la population scolaire et étudiante du globe à ne plus pouvoir se rendre physiquement dans leurs établissements. « Jamais auparavant nous n'avions été témoins d'une perturbation de l'éducation à cette échelle », a déclaré la Directrice générale de l'UNESCO, Audrey Azoulay (UNESCO, 2020a). C’est pourquoi elle a mis en place la « Coalition mondiale pour l’éducation », qui est une « plateforme de collaboration et d’échange visant à protéger le droit à l’éducation pendant et après cette situation sans précédent, en mettant l'accent sur l'inclusion et l'équité » (UNESCO, 2020b). Le Ministère français de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, à cette même époque, visait un objectif similaire d’inclusion et d’équité, sous le vocable de « continuité pédagogique » afin de permettre de conserver « le lien entre les élèves, leurs familles et les enseignants ». Il ouvre ainsi, pour les élèves du primaire au secondaire, avec le Centre National de l’Enseignement à Distance (CNED), le dispositif à distance « Ma classe à la maison » et lance l’opération « Nation apprenante » composée d’autres ressources, en partenariat avec les opérateurs de l’audiovisuel (Ministère de l’Education Nationale de la Jeunesse et des Sports, 2020). Si « tout est prêt » en France, pour poursuivre les programmes, le Ministre de l’Education en Wallonie, préconise uniquement le renforcement des apprentissages déjà abordés et les évaluations formatives durant cette période (Désir, 2020). Le Ministère français de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, quant à lui demande le 13 mars à tous ses établissements d’enseignement supérieur, publics et privés de cesser « de recevoir des usagers dans le cadre de leurs activités de formation à compter du lundi 16 mars 2020 ». Ils doivent aussi veiller « à offrir leurs modules d'enseignement en e-learning pour permettre aux usagers de suivre leurs formations à distance » (Ministère de l’enseignement supérieur, 2020). Les écoles, collèges, lycées, universités, comme les Instituts de Formation en Sciences Infirmières (IFSI) et les Etablissements de Formation en Travail social (EFTS) se trouvent ainsi contraints de suivre leurs cours à distance. Le territoire des apprenants, comme des enseignants et formateurs se limite alors au périmètre de leur lieu de confinement. Les uns en villégiature, étudiant ou enseignant sur leur terrasse, les autres, comme des détenus dans une chambre de quelques mètres carrés avec comme bouffée d’oxygène la promenade quotidienne d’une heure. Peu importe, la « continuité pédagogique », comme la « nation apprenante », englobant tous les territoires, ruraux et citadins, donnent aux acteurs de l’éducation et de la formation la liberté d’être rivés à un écran, quand ils peuvent en disposer, bien entendu. Pause inattendue sur la réflexion lancée par le Sénat à l’automne 2019 (Sénat, 2019) mettant en cause l’absence de statistique de la part du ministère de l’Éducation Nationale sur la ruralité alors que leurs territoires rassemblent 36% des établissements scolaires et 20% des élèves. Pause inopinée, d’un temps incertain, qui donne aux territoires virtuels mis en place, l’opportunité de préserver les 277 Actes du Colloque Inter-Congrès AREF Nancy 2021 « Politiques et territoires en éducation et formation : Enjeux, débats et perspectives » Nancy, 2 et 3 juin 2021 enseignements et les formations professionnelles pour tous. Mais tous n’y ont pas eu accès. Ces nouveaux « territoires dématérialisés », séparés de la terre ferme, en dehors de l’environnement géographique et culturel des établissements, îlots de la culture numérique, se sont multipliés soudainement. Nos campagnes lointaines exemptes de réseau internet sont restées inaccessibles, et, pour les citadins, leur sollicitation soudain exponentielle, les a vu dysfonctionner. Les dispositifs mis en place, quand ils ont été opérationnels, matériellement parlant, ne semblent pas avoir toujours été les « vendredis de Robinson » (Paquelin, in Collectif de Chasseneuil, p. 101), isolé sur son île numérique. N’aurait-il pas fallu envisager des embarcations plus aptes à éviter les dérives, voire les récifs du décrochage sur lesquels certains élèves et étudiants se fracassés? Cet article essaie d’y répondre. Il est issu de la rencontre de quatre chercheurs1 en sciences de l’éducation et de la formation, dispersés par leurs coordonnées GPS, éduquant, enseignant, ou formant dans différents secteurs mais réunis en « présence à distance » (Jézégou, 2020) durant cette période spéciale pour coconstruire un outil permettant de s’intéresser au ressenti des robinsons exilés pour un temps sur leur île numérique. Ils viennent des écoles primaires, du secondaire (collèges et lycées français et secondaire belge), des universités et des établissements de formation professionnelle (FP) du sanitaire (principalement IFSI) et social (EFTS). 2. Cadre théorique 2.1 L’approche ternaire des dispositifs en formation
Notre contribution fait d’abord référence à l’approche ternaire des dispositifs en formation (Albero, 2010). Pour notre analyse la disposition idéelle est représentée par « la continuité pédagogique ». Sa mise en place est illustrée par l’organisation des cours dans les établissements en termes de ressources matérielles, logicielles et humaines pour accomplir sa mission pédagogique ; c’est la disposition fonctionnelle. Les 2 dispositions précédentes interagissent avec les acteurs précités et plus précisément leur vécu qui occupe la disposition actorielle. La « continuité pédagogique » imposant la formation à distance, voyons très brièvement ce que la recherche nous dit à ce propos.
2.2 Les dispositifs de formation à distance (FAD) et de formation ouverte et à distance (FOAD)
« La FAD est issue des « cours par correspondance », apparus en 1840 à Londres, au moment de la généralisation du timbre-poste en Angleterre » (Glikman, 2002, p. 21). Ils ont vite dépassé la frontière britannique et les évolutions technologiques ont transformé ce mode de transmission par voie postale. Le numérique a permis l’accélération des échanges et leur diversité. Vidéos, exercices auto-corrigés par des quizz, liens vers des ressources, corrections par les enseignants ou par les pairs sont des outils courants sur les plateformes de formation à distance. Les Moocs en sont un exemple ou la plateforme du CNED, initiatrice de la « classe à la maison ». Les FAD deviennent des FOAD quand des regroupements en présentiel sont inclus dans le cursus. L’accompagnement gradué selon le niveau d’autonomie des apprenants occupe une place primordiale pour prévenir le décrochage et encourager la motivation. Doublé d’une ingénierie avec l’apport de ressources diverses et des outils favorisant la coopération, cette combinaison permet d’agir sur trois leviers : la (méta)cognition, la technique et la communication (Collectif de Chasseneuil, 2001). En donnant « des libertés de choix à l’apprenant, au regard des différentes composantes du dispositif pédagogique » (Jézégou, 2008, p.97), la notion d’ouverture est élargie. Les typologies des FOAD, définies par Burton et al., (2011) montrent différents degrés d’ouverture et d’accompagnement en partant des modèles uniquement transmissifs, composés de supports, sans interaction, vers des modèles hybrides avec un accompagnement médiatisé et humain de plus en plus riche. La modélisation de l’alternance intégrative médiatisée (voir Figure 1) issue de l’analyse d’une FOAD en formation professionnelle à l’adresse d’élèves auxiliaires de puériculture (Plateau, 2018, 2019), illustre les relations entre les acteurs au travers de trois blocs principaux. Le premier (voir la pyramide bleue) relie l’apprenant, ses formateurs dans l’institution, l’accompagnateur principal (formateur référent), le formateur terrain (référent professionnel) et les compétences. Cette pyramide représente le schéma traditionnel de 1 Isabelle Jugé-Pini, docteur en SEF, Pascale Schairer, doctorante en SEF, Benoît Tielemans, docteur en SEF et Sciences psychologiques et Jean-François Plateau, docteur en SEF. Pour représenter la formation mise à distance, le second bloc (voir la pyramide verte ou espace médiatique) est subdivisé en deux tétraèdres. L’un, l’espace de médiation pédagogique met en relation les médias formels avec chacun des acteurs précédemment cités et l’autre, l’espace de médiatisation, les concepteurs et techniciens avec l’équipe pédagogique voire les apprenants.
Figure 1 : Modèle de l'alternance intégrative médiatisée
La dernière pyramide finalise cette représentation cubique : elle constitue l’espace informel, utilisé librement par les acteurs dans la sphère publique ou privée, principalement en dehors du dispositif de formation pour consolider ou diversifier leurs compétences et relations sociales. Ce modèle est un support utile pour illustrer et mieux comprendre les reliances et déliances (Balle de Bol, 2003) observées durant cette époque de confinement. L’accompagnement à l’appropriation des instruments médiateurs est indispensable pour garantir la qualité de l’apprentissage et l’autonomisation des apprenants (Albero & Nagels, 2011). Cette appropriation de l’outil permet à l’apprenant de « se reconnaître en lui, lui donner du sens et donc l’accepter » car il lui semble utile et facilement utilisable pour reprendre les modèles et théories d’acceptation et d’utilisation des technologies (Bobillier Chaumon, 2016). La maîtrise de ces instruments est indispensable à l’apprenant pour conquérir son territoire d’apprentissage. Mais « la simple maîtrise d’outil ne suffit pas à construire les territoires de l’action et des pratiques sociales, en d’autres termes produire de l’innovation » (Paquelin et al., 2006). 2.3 La nécessaire déterritorialisation/reterritorialisation
Modifier ses pratiques individuellement et dans un collectif, comme dans le cas du confinement qui a complètement déterritorialisé les formations nécessite aux acteurs de se reterritorialiser, de recontextualiser leur action dans ce nouvel environnement contraint. Ce concept de déterritorialisation/reterritorialisation, emprunté à Deleuze et Guettari, « permet de concevoir l’analyse de la construction des pratiques comme l’articulation entre des espaces temps sociaux éclatés dont la recombinaison conduit à des nouvelles territorialités, reconnues et légitimées par le collectif » (op. cité). Si les auteurs précités ont mobilisé ce concept pour analyser différents campus numériques et les problématiques de leur co-construction, notamment autour des changements induits, il nous semble utile de les adjoindre à nos supports théoriques pour construire notre problématique.
2.4 Problématique et questions de recherche
L’injonction de la « continuité pédagogique » durant le confinement a obligé les enseignants et les formateurs à modifier leur pratique. En se déterritorialisant ils ont dû d’emblée recréer un territoire pédagogique avec le numérique, sans autre alternative qu’agir à distance auprès de leurs élèves ou étudiants. Ont-ils réussi à créer de la « présence à distance », à transmettre le savoir propre à leur mission, à recréer les frontières de leur communauté éducative, à préserver les liens et l’ambiance groupe? Interroger le ressenti de ces acteurs devrait permettre de répondre à ces interrogations. Plusieurs questions de recherche animent notre problématique. Comment se sont sentis nos acteurs physiquement et mentalement? Ont-ils ou non apprécié la formation mise à distance? Ont-ils rencontré ou non des difficultés? Leur niveau est-il en lien avec leur ressenti physique et psychosocial? Les élèves ont-ils eu le sentiment de décrocher? Les enseignants et formateurs ont-ils constaté des décrochages dans leurs classes ou promotions et dans quelles proportions?
3. Méthodologie
En référence à notre cadre théorique, et plus précisément l’approche ternaire des dispositifs, notre entrée méthodologique se fait par le biais des acteurs. La constitution d’un questionnaire à leur adresse est la méthode choisie collégialement. Pour cela, nous nous sommes rencontrés tous les quatre au cours de visioconférences fréquentes et avons bâti sur un tableur partagé l’architecture de sept questionnaires, dont six pour les apprenants (primaire, collège, lycée, secondaire belge, étudiants universitaire, étudiants de la formation professionnelle (FP) du domaine sanitaire et social) et un autre pour les enseignants et les formateurs. Les questions ont été formulées selon le niveau de langage et de compréhension des personnes à sonder. Toutefois ils ont été conçus pour que les réponses puissent être concaténées afin de faciliter une analyse globale et des comparaisons. Pour cette étude exploratoire, des questions fermées de type OUI/NON chacune couplée une question ouverte pour commenter le choix est notre méthode mixte d’investigation. Nous avons choisi de façon concertée quelques indicateurs pour prendre la mesure, par auto-évaluation à l’aide d’échelles, du ressenti physique et psychosocial. Nous avons testé nos questionnaires de façon collégiale puis par des collègues et des étudiants avant leur administration en ligne avec le logiciel LimeSurvey (LS). Chacun d’entre-nous selon son réseau a envoyé le questionnaire correspondant à son ou ses destinataires pour transmission aux répondants potentiels. Les réponses des sept questionnaires ont été extraites depuis LS puis concaténées dans un tableur en vue de leur traitement statistique. Ceux-ci ont été réimportés dans Sphinx pour les statistiques descriptives, tris et moyennes croisées et dans SPSS pour les calculs de corrélations. Des analyses lexicométriques ont facilité l’analyse qualitative des corpus. Nous ne les détaillerons pas ici par manque de place, mais en extirperons les principaux résultats au travers de nos commentaires. 4. Résultats 5022 réponses sont exploitables. Nous en retenons 5013 pour les analyses quantitatives de cet article, différenciées en 7 profils : - 111 élèves issus de classes primaires, - 2447 du secondaire (67 d’un collège et 106 d’un lycée français, 2274 des 6 classes du cycle inférieur et supérieur belge correspondant à nos collèges et lycées français), - 248 étudiants universitaires, - 1763 étudiants du domaine de la formation professionnelle (FP) du sanitaire (dont 1198 étudiants en sciences infirmières (ESI)) et social (essentiellement des étudiants éducateurs ou assistants sociaux), - 262 enseignants du secondaire (dont 168 de l’enseignement belge), - 169 formateurs (dont 45 du secteur social), - 13 enseignants universitaires. La disparité du nombre des réponses recueillies selon les filières montre notre difficulté d’avoir pu mobiliser le secteur universitaire et secondaire français, sans doute submergé de questionnaires ou de travail pour répondre à nos sollicitations. Les échantillons collectés ne peuvent pas voir leurs résultats extrapolés de manière significative, sauf pour les élèves du secondaire belge privé, et les étudiants des IFSI avec un niveau de confiance à 95 % et une marge d’erreur de 2% pour les premiers et 3% pour les seconds. C’est une des limites de 280 Actes du Colloque Inter-Congrès AREF Nancy 2021 « Politiques et territoires en éducation et formation : Enjeux, débats et perspectives » Nancy, 2 et 3 juin 2021 l’échantillonnage, ce qui donne à notre étude un caractère simplement exploratoire. Le regroupement des élèves du secondaire français et belge s’explique par une similarité des réponses quantitatives et qualitatives. Bien que le nombre d’enseignants universitaires ayant répondu soit très modeste et peu significatif, nous l’avons toutefois inclus à nos profils.
4.1 Le ressenti des répondants
Le ressenti des répondants a été mesuré par auto-évaluation à partir de 7 indicateurs (Voir la première colonne du Tableau 1). Pour chacun d’entre eux, les répondants étaient invités à indiquer leur ressenti durant le confinement, par rapport à leur ressenti habituel, en choisissant un échelon parmi les cinq suivants : « beaucoup moins bien que d’habitude », « moins bien que d’habitude », « comme avant », « mieux que d’habitude » et « beaucoup mieux que d’habitude ». Pour les traiter sous forme de moyennes, nous les avons traduits par des valeurs allant de 1 à 5.
Tableau 1 : Moyennes Ressenti des répondants par profil Elève
et étudiants Enseignants
et
format
eurs
Profils Indicateurs\ Primaire. Secondaire. Université FP. Secondaire. Université. FP. Sentiment de son état physique 3,03 2,74 2,76 2,95 2,42 2,71 2,98 Sentiment de son état mental 2,48 2,35 2,66 2,58 2,46 2,77 2,76 TOTAL 2,88 2,58 Concentration 2,65 2,47 2,22 2,4 2,81 2,75 2,95 2,47 Sommeil Faire face aux problèmes 3,45 3,15 2,85 2,78 2,92 2,36 2,52 2,98 2,88 3 2,85 2,8 3,01 2,75 2,92 2,92 Confiance en soi 3,06 3,1 2,73 2,75 2,93 2,67 2,89 2,94 Estime de soi 3,05 3,02 2,74 2,76 2,92 2,67 2,94 2,9 2,98 2,93 2,66 2,66 2,89 2,60 2,77
Les cases en gris foncé (gris clair) correspondent à des moyennes par indicateur significativement (test t) plus grandes (petites) à l'ensemble de l'échantillon (au risque de 95%). Le confinement a eu un effet variable sur le ressenti physique et psychosocial des répondants selon leur profil. Sur une échelle de 1 à 5, les apprenants du primaire et secondaire ont une mesure moyenne proche de ce qu’elle était avant le confinement et meilleure que les autres profils qui globalement se sentent moins bien (surtout les étudiants). Ils ont même le sentiment d’un meilleur sommeil (« ce travail à distance m'a permis d'allonger mes périodes de sommeil (lever à 7h ou 8h au lieu de 6h) vu qu'aucun transport n'était nécessaire » relate un lycéen) mais leur mental est globalement affecté et surtout leur concentration. Ces deux indicateurs ont les scores les plus faibles par rapport aux autres, ce pour tous les profils. Mentalement ce sont les étudiants de la FP qui affichent le score le plus faible. Leur concentration et plus encore celle des étudiants universitaires est affectée significativement par rapport aux autres profils. Celle des formateurs n’a pas subi de transformation, contrairement à leur état mental qui obtient le score le plus faible parmi les indicateurs utilisés. Quant à leur état physique et leur sommeil, comme celui des enseignants universitaires il a été perturbé.
| 33,475
|
9aa76ece8216dd5c961cee21e72556d1_10
|
French-Science-Pile
|
Open Science
|
Various open science
| 2,021
|
Le Médium (au) cinéma
|
None
|
French
|
Spoken
| 7,341
| 12,456
|
99
Edwards 2001 : 91-94. L’une des spécificités des « mélodrames domestiques » à tendance surnaturelle consiste
à rappeler que le passé tragique est condamné à se répéter si l’on ne tire pas les leçons de la rencontre avec les
fantômes.
100 Snelson 2011 : 19, 24-25. Sur la pathologisation des
croyances spirites vues comme une faiblesse typiquement féminine, voir McGarry 2008 (chapitre 4,
« Mediomania: The Spirit of Science in a Culture of Belief
and Doubt ») ; Luckhurst 2002 : 92-106 ; Walkowitz
1988. On trouve également trace de ce préjugé dans
la littérature médicale et psychologique du xixe et
du xxe siècle, comme par exemple chez le psychiatre
allemand Ernst Jentsch selon lequel les personnes
Chapitre 4
177
mentalement faibles, telles que les femmes et les
enfants, sont facilement enclines à croire aux fantômes
et à en être effrayées (Jentsch 1906 : 203-205).
101 Il est intéressant de noter qu’il joue à nouveau le rôle
d’un médecin (Dr Forrester) dans un film sorti la même
année, Espions sur la Tamise (Fritz Lang, 1944), mais cette
fois-ci, il se situe du côté des croyants, incarnant l’autorité scientifique dans le cadre des séances tenues par le
médium Mrs Bellane (Hillary Brooke).
102 Snelson cite ainsi les termes utilisés par la Paramount :
« the first serious story of spirit influence » et « the first serious ghost story in which the hauntings are never explained
on natural grounds » (Snelson 2011 : 22). Sur ce film et le
roman dont il s’inspire, voir Kovacs 2006 : 87-104.
103 Snelson 2011 : 23. La Paramount va jusqu’à encourager
les propriétaires de salles à aménager, durant la période
d’exploitation du film, un espace avec un tableau ouija
appelé : « lobby seance » (ibid.).
104 Modleski, 2002 : 71-89.
105 Vernet 1988 : 89-111.
106 Sur le female gothic, voir Goliot-Lété 2009 et Hanson
2007.
107 Voir Berenstein 1998.
108 Snelson 2011 : 23-24.
109 Ibid. : 23.
110 Braude 2001 : 23-24, 82-83, 142-145 ; Sconce 2000 : 4450. Voir supra chapitre 2.
111
Berton 2015a : 77-108.
112
Le Maléfan 1999.
113
Au xixe siècle, le spiritisme a offert à des groupes
sociaux non hégémoniques la possibilité de s’organiser
en communautés afin de contester l’ordre patriarcal,
blanc et hétérosexuel qui domine alors sans partage.
Sur ces questions voir : Braude 2001 ; Owen 1989 ;
McGarry 2008 ; Sharp 2006.
114
Si l’indépendance des femmes est encouragée pendant
la guerre de façon qu’elles prennent la place des hommes
sur le marché du travail, cette ouverture est temporaire.
Il faut donc mettre ces films en lien avec le contexte
historique de l’Amérique des années 1940, celui de la
Seconde Guerre mondiale, puis celui du retour à un
temps de paix exigeant de la part des femmes de renoncer à l’indépendance expérimentée durant quelques
années. À ce sujet, voir Berger Gluck 1987 ; Campbell
1984 ; Chafe 1991 ; Doherty 1993 ; Hill 1949 ; Honey
1984.
115
Le film a été lu au prisme des théories sur le genre, dans
l’intention de montrer en quoi il traite de peurs liées
à la sexualité féminine et, plus particulièrement, à la
sexualité lesbienne, comme l’illustre le personnage de
Theodora (Claire Bloom) qui entretient un rapport ambigu avec Eleanor (Julie Harris). White 1991.
116
Leutrat 1995 : 12.
178 Le médium (au) cinéma
117
Leeder 2015 : 11.
118
Jancovich 2015.
5
Machines à fantômes
et médiums-médias
« “Je suis une machine”, dit encore le médium, qui
se dessine ainsi comme un échangeur. Personne
retranchée, mais lieu médiateur de l’échange ;
machine parce que s’indiquant sans volonté propre,
mais sensible et réceptive. Qu’il puise dans son
corps les ressources de la communication avec ce
qu’il désigne comme le monde de l’au-delà, ou qu’il
mette en scène des procédés mécaniques pour dialoguer avec les esprits des morts, le médium laisse
en lui fusionner deux mondes que l’évolution de
notre société a choisi de diviser. La mort, cette belle
refoulée de nos rêves technologiques, reprend son
empire dans nos corps et dans nos machines ellesmêmes. Le médium déroule aujourd’hui la bande
magnétique sur laquelle s’imprime la voix de votre
fils décédé1. »
Christine Bergé
Les motifs du cinéma comme machine à fantômes et du médium-cinématographe imprègnent non seulement l’histoire des dispositifs de vision et
d’audition, mais également les représentations filmiques elles-mêmes, en
particulier lorsque l’apparition des spectres dépend d’un appareillage technique. Si tout fantôme au cinéma peut être considéré comme une figure
réflexive mimant le fonctionnement du film2, il existe des occurrences où
il symbolise ostensiblement le cinéma en tant que dispositif de projection,
comme dans 13 Fantômes (William Castle, 1960) et L’Esprit de la mort (Peter
Newbrook, 1972). Centré sur l’histoire d’une famille de classe moyenne qui
découvre, grâce à des lunettes spéciales, la présence de spectres dans une
maison léguée par un parent féru de parapsychologie, 13 Fantômes explicite
d’ailleurs l’idée du cinéma comme machine à fantômes à la fois au niveau de
la diégèse, du paratexte et de la réception en salle.
Bien que la technologie procure le matériel nécessaire à l’élaboration
des machines à fantômes les plus folles (comme dans L’Esprit de la mort), le
spiritisme a, dans son répertoire, l’instrument le plus efficace qui soit pour
intercepter l’invisible : le médium qui, « comme son nom l’indique, servirait […] d’intermédiaire entre l’esprit et nous3 ». Voilà comment s’exprime
Henri Azam, un rédacteur de La Revue spirite qui publie chaque mois, entre
février 1925 et juin 1927, une série de contributions intitulée « Télégraphie
sans fil et médiumnité ». Il y décrit le médium comme « organe détecteur
ultrasensible », tandis que la séance serait « un système vibrant ayant sa
fréquence propre » qu’il est nécessaire d’« harmoniser » pour obtenir de
bons résultats4. Aussi, une voyante « se mettra en accord, en synthonie
182 Le médium (au) cinéma
avec la fréquence des vibrations qui lui sont présentées », afin de recevoir
instantanément « des clichés, des images5 » de la personne qui la consulte.
Cette double conception du médium en tant qu’organisme vibratile et outil
d’enregistrement avère, au-delà de ses fonctions photographiques, ses capacités « audiovisuelles ». Le médecin et métapsychiste6 Eugène Osty expose
les dispositions de « sujets doués de connaissance supranormale » en des
termes qui évoquent la manière dont le médium visionnaire et télépathe est
mis en scène au cinéma : « Au-delà de l’exercice cérébral de son intelligence
qui nécessite des perceptions sensorielles et l’habitude d’enchaîner des jugements, il possède un “plan de l’esprit” capable de prendre connaissance
du réel sans que l’espace et le temps y fassent obstacle7 ».
C’est pourquoi la littérature spirite compare parfois le médium ou le
télépathe à un cinématographe, en ce qu’il est apte à manipuler la temporalité et l’espace, à atteindre le passé et le futur sans entrave, à jouir du don
d’ubiquité et, plus globalement, à accéder à l’intangible8. Les perceptions
paranormales, quant à elles, se transforment régulièrement en projections
cinématographiques, comme on peut le lire dans certains comptes rendus
d’expériences de télépathie menées sous l’égide de l’Institut métapsychique
international (IMI). De « bons sensitifs clairvoyants » sont, par exemple, en
mesure d’envoyer à des percipients « des visions cinématographiques9 » sous
forme de courtes séquences d’images mouvantes (un homme assis à une
table se lève pour parler « avec de grands gestes » ou un cortège de carnaval
défile, avec « la reine des reines et ses demoiselles d’honneur »). À chaque
fois, ces images ont « l’aspect de projection cinématographique10 ». De l’avis
de Camille Flammarion, c’est l’âme, « douée de facultés mentales », qui,
dans des cas semblables, « peut se projeter au loin » à la manière d’images
filmiques : « Certaines apparitions paraissent être, bien souvent, des sortes
de projections, de téléphotographies animées, de cinématographies », précise l’astronome11.
Du point de vue de l’histoire du mouvement spirite, rappelons-le, le
médium est considéré comme bien plus performant que les premiers
moyens de communication apparus à l’origine – à savoir tables tournantes
et parlantes, « planchettes à esprits », cadrans alphabétiques à aiguille et
autres systèmes de codification jugés frustes et fastidieux à employer12.
Pour les métapsychistes avides d’examiner les phénomènes inexplicables
dans une perspective « scientifique », le sujet doué de facultés singulières
comme « la préconnaissance de l’avenir13 » est qualifié d’« instrument
vivant14 » ou d’« instrument psychique15 » d’une « très grande sensibilité »
qu’il convient de manœuvrer avec précaution de sorte à obtenir « un bon
rendement16 ». La réification de ces « détecteur[s] de la pensée » au sein
Chapitre 5
183
d’études dites expérimentales témoigne d’une conception résolument
mécaniciste du corps humain. Nul hasard donc si le médium est dépeint
dans les films comme un média au sens « fort » du terme, en ce qu’il transmet toutes sortes de messages, des plus simples lorsqu’il prête sa voix à
un esprit aux plus complexes lorsque le processus devient une projection
d’images et de sons.
Ces médiums-médias peuvent prendre de multiples formes au cinéma.
Parmi celles-ci, distinguons trois catégories principales sur lesquelles se
concentrera notre analyse : le médium-média de communication dont la
fonction première est de servir de relais entre deux instances ; le médiumvisionnaire typique du « film paranormal17 » qui se distingue par des pouvoirs psychiques hors du commun (précognition, clairvoyance, télépathie,
psychokinésie) ; et le médium-enquêteur qui met son don au service d’une
investigation policière. Certainement incomplète, cette typologie n’a de valeur qu’indicative puisqu’il s’agit surtout de dégager différentes stratégies
qui font du médium une « machine ». Il convient par conséquent de relativiser ces distinctions, en particulier face à des films qui assignent au médium
de multiples rôles – la figure de médium-enquêteur recoupant très souvent
les deux autres.
La fonction d’adjuvant dans le cadre de la résolution d’un mystère
semble être l’une des plus couramment dépeintes. Elle intéresse aussi
grandement l’histoire de la parapsychologie, comme on le découvre
dans un article d’Eugène Osty sur les usages pratiques de la « connaissance supranormale18 ». Si celle-ci est susceptible de répondre à plusieurs
besoins (« indiquer la nappe d’eau souterraine, les métaux, la houille, le
pétrole, etc. » ou « analyser la complexité du caractère ou de l’intelligence
de telle personne, de révéler l’état de l’organisme de telle autre, de projeter la clarté sur un événement de vie passée ou actuelle incomplètement
incompris19 »), elle est surtout précieuse « à l’occasion de crimes, de vols,
de personnes ou d’objets disparus, dommages individuels et sociaux représentant souvent des énigmes devant lesquelles la raison finit par faire
aveu d’impuissance20 ». Cependant, précise Osty, il est prudent de ne pas
attendre d’un tel médium qu’il dise « la vérité des choses aussi clairement
qu’avec l’intelligence ordinaire » :
« S’il s’agit d’un crime resté mystérieux dans ses mobiles et son auteur, on voudrait que le sujet racontât le crime comme si, dominant l’espace et le temps, il devenait spectateur de l’accompli ; mieux encore, on souhaiterait qu’il ajoutât à la
description des choses et des gens, souvent pratiquement insuffisante les noms
de personnes et de lieux par quoi l’enquête aurait toutes chances d’aboutir21. »
184 Le médium (au) cinéma
Alors qu’un « sujet aussi fortement et impeccablement doué » est rare
en réalité, le cinéma en est prodigue. Dans la fiction, un médium pourra
facilement fournir des indications sur une personne disparue, avec « tous
les détails permettant de la trouver, détails consistant nécessairement en
repères nombreux et très précis si la personne disparue est un cadavre, et
comme il arrive quelquefois, un cadavre immergé dans l’eau ou enfoui dans
la terre22 ». À n’en point douter, le cinéma offre aux sujets clairvoyants un
allié de taille : le langage filmique qui autorise la transposition audiovisuelle
de leurs visions, même si les renseignements leur parviennent par étapes
et qu’ils leur donnent un sens dans l’après-coup, telle Annie Wilson (Cate
Blanchett) dans Intuitions (2000). À l’écran donc, un médium peut déployer
toute l’étendue de ses talents, réalisant les fantasmes les plus fous en matière de perception extrasensorielle.
Le « gimmick film » : 13 Fantômes (1960)
Au tournant des années 1960, au moment où les studios hollywoodiens traversent une « crise » les obligeant à innover et à diversifier leurs produits, le
réalisateur, scénariste et producteur américain William Castle lance une série de films d’horreur de série B dont l’objectif consiste à éprouver les peurs
du public grâce à des gimmicks défiant le principe de la clôture diégétique23.
Il s’agit de créer les conditions d’une expérience esthétique qui permet
d’étendre l’espace de la fiction au-delà de l’écran, pour impliquer physiquement les spectateurs dans la création du sens. Dans La Nuit de tous les mystères (1959), la technique dite « Emergo » fait surgir un squelette géant qui se
déplace le long d’un fil tiré entre l’écran et la cabine de projection. Dans Le
Désosseur de cadavres (1959) le « Percepto » simule la présence du monstre
diégétique à travers une vibration électrique des sièges que seuls les cris
du public sont à même de stopper. Dans 13 Fantômes (196024), l’audience est
invitée à se servir d’une fenêtre de visualisation munie de deux cellophanes
qui, grâce à l’effet « Illusion-O », révèle ou supprime les fantômes à l’écran.
Durant la projection de Homicide (1961), un Fright Break (une horloge qui
égrène les secondes) signale aux spectateurs le moment opportun pour sortir de la salle en cas de frayeur extrême.
Ces films ne sont que quelques exemples qui illustrent la volonté de
William Castle d’abolir les limites spatiales et temporelles entre la fiction et le
public, lequel est appelé à co-construire le récit, comme durant la projection
de Mr. Sardonicus (1961) qui propose de voter pour le sort du héros, et ce
bien avant Black Mirror: Bandersnatch (2018) ou les mondes ouverts vidéoludiques. Aussi, l’écran perd ponctuellement sa fonction démarcative pour
laisser la fiction se déployer dans l’espace spectatoriel25.
Chapitre 5
185
13 Fantômes est d’abord pensé par William Castle comme l’occasion
d’imaginer les différents spectres qui hantent la demeure du Dr Plato
Zorba, un parapsychologue ayant légué tous ses biens (y compris les fantômes saisis aux quatre coins du monde) à son neveu Cyrus Zorba (Donald
Woods26). Une fois installés dans leur nouvelle maison, Cyrus, sa femme
Hilda (Rosemary DeCamp) ainsi que leurs enfants Medea (Jo Morrow) et
Buck (Charles Hebert), doivent se rendre à l’évidence : l’oncle était « en
contact avec “l’autre monde” avant de mourir dans des circonstances mystérieuses27 », laissant derrière lui douze fantômes (dont le sien propre) et un
treizième à venir. Au cours du récit, Cyrus apprend que les investigations
de Plato Zorba l’ont mené à élaborer un dispositif optique permettant de
capter et de capturer des fantômes en vue de les contrôler28. C’est ce que lui
révèle Van Allen (John Van Dreelen), son responsable au sein du musée de
paléontologie où il travaille, sur la base d’une publication récupérée dans
les archives de l’université. L’article décrit la méthode mise au point par
Zorba après de longues années de recherches avec, comme objectif, la possibilité de prendre « des photos permanentes du monde surnaturel » grâce à
des rayons ultraviolets – comme l’indique le texte lu à voix haute par Cyrus.
Crédité du prestige académique, l’oncle excentrique n’est, dès lors, plus un
simple un charlatan, mais un savant ayant possiblement révolutionné la
parapsychologie29.
La veille au soir de cette discussion, Cyrus a justement pu éprouver dans
sa chair l’existence du surnaturel. Après avoir choisi un livre dans la bibliothèque du salon, il est intrigué par des gémissements de femme qui l’attirent
vers ce qui semble être un laboratoire dissimulé derrière une porte secrète. Il
commence à explorer la pièce lorsqu’une nouvelle voix « émanant » du livre
« murmure » le chiffre « treize » de manière répétitive. Il chausse alors les
lunettes aux lentilles spéciales fabriquées par son oncle et le chiffre apparaît
en rouge sur la couverture de l’ouvrage, avant de se transformer en flammes
crépitantes. D’autres cris macabres prennent le relais, orientant son regard
vers l’un des murs de la pièce sur lequel apparaissent des figures spectrales
consumées par le feu. Celles-ci s’agglomèrent pour former un « squelette
en feu » tournoyant qui s’approche dangereusement de Cyrus, pour ensuite
disparaître avec toujours, en fond sonore, des hurlements. Au moment de
quitter le laboratoire, il place le livre « hanté » sous son bras, mais il est aussitôt saisi d’une douleur : le chiffre treize s’est imprimé sur sa main, comme
marqué au fer rouge par le fantôme incandescent dont la présence se fait
encore sentir.
Ce principe de mise en scène du spectral par le biais de sons d’outretombe et d’un appareil optique sous-tend une autre séquence qui en
186 Le médium (au) cinéma
fig. 1
fig. 2
accentue le caractère attractionnel, lorsque Buck – par ailleurs épris de récits de fantômes – découvre dans la cave un lion et son dompteur acéphale,
« Shadrack the Great ». Jouant avec les accessoires du dresseur (un chapeau
haut de forme et un fouet), le garçon a l’idée d’ouvrir une grande cage vide
de laquelle émane un rugissement de lion encore invisible à l’œil nu. La
frayeur passée, Buck recule de quelques pas, met les lunettes du Dr Zorba et
voit surgir un lion, puis plus tard son dompteur. La scène est principalement
constituée d’une série de champs/contrechamps qui nous montrent tantôt
l’observateur tantôt le lion translucide en surimpression, ce dernier se détachant le plus souvent sur le fond relativement neutre d’un mur de brique
(fig. 1-2). Le jeune garçon adopte alors la posture de spectateur face au monde
de l’invisible, sur le modèle du public de film d’horreur ou fantastique. Telle
est précisément l’intention de William Castle qui souhaite jouer sur la mise
en miroir des dispositifs de vision de part et d’autre de l’écran.
La diffusion du film dans les salles américaines est assortie du gimmick
« Illusion-O » qui vise à faire apparaître et disparaître les fantômes grâce à
Chapitre 5
187
un système de changement de couleurs : de noir et blanc, la pellicule devient
bleue, les fantômes se détachant en rouge30. Le gimmick est complété par des
lunettes en carton que les spectateurs sont encouragés à employer aux instants clés du film indiqués par les mentions écrites : « Use Viewer », « Remove
Viewer » ; tandis que la bande de cellophane rouge permet d’intensifier
l’image des fantômes, la bleue les atténue31. Le principe de ce « visionneur de
fantômes32 » est expliqué par William Castle lors d’un prologue qui trouble
volontairement la frontière entre fiction et réalité. Escorté d’un squelettesecrétaire et entouré d’accessoires macabres (têtes de mort, ossements,
tableaux de spectres) et scientifiques (verrerie de laboratoire, avec fioles en
ébullition), Castle promet au public qu’après la séance, celui-ci sera obligé
de croire aux fantômes. Sur ces entrefaites, il recommande à ceux qui sont
acquis à la cause surnaturelle de regarder le film à travers la partie rouge du
visionneur, alors que les autres (les sceptiques mais aussi les peureux – qu’il
amalgame sans nuance) utiliseront la partie bleue, clôturant son adresse par
un « happy haunting33! » (fig. 3).
Cette distinction entre deux régimes de visibilité du spectral, ainsi que
son actualisation sous forme de projection d’images à l’aide d’un dispositif optique, font du cinéma une machine à fantômes digne du merveilleux
scientifique dix-neuvièmiste. Le paratexte entourant la sortie de 13 Fantômes
souligne d’ailleurs cette idée. Dans son autobiographie Comment j’ai terrifié
l’Amérique. 40 ans de séries B à Hollywood (1976), William Castle présente de
la sorte les slogans publicitaires du film :
« “Découvrez des fantômes en COULEURS ECTOPLASMIQUES”
“13 fois plus de frissons !”
“13 fois plus d’amusement !”
“13 fois plus de cris !”
“Vous aussi vous croirez aux fantômes quand vous les verrez à travers le nouveau visionneur de fantômes, gratuit pour tous les spectateurs du film34”. »
Au-delà de la possibilité de mettre en parallèle sémiotiquement et physiquement l’univers diégétique et l’espace de réception35, les lunettes du
Dr Zorba et le visionneur de fantômes font écho respectivement à deux
tendances du spiritisme moderne : celle du spiritisme de laboratoire qui
explore les mystères de l’au-delà à l’aide d’instruments technologiques
et de protocoles scientifiques, d’une part, et celle du spiritisme de salon
qui unit les participants autour d’une pratique ludique et spectaculaire,
d’autre part36. 13 Fantômes transforme ainsi la projection en séance de
spiritisme géante (et payante) où les spectateurs jouent à se faire peur via
188 Le médium (au) cinéma
fig. 3
une fiction d’autant plus efficace sur le plan attractionnel qu’elle s’affiche
comme telle.
Outre les occurrences caractéristiques du répertoire spirite (poltergeists, planchette ouija, plaintes en écho, température qui chute, etc.), le
film contient, comme on peut s’y attendre, une séance de spiritisme, celleci ayant pour but d’interroger l’esprit du Dr Zorba à propos d’une somme
d’argent dissimulée dans la maison. Elaine Zacharides (Margaret Hamilton),
l’intendante de maison qui endosse le rôle de médium, commence par donner à Cyrus, Hilda et Medea quelques instructions liminaires (rester concentré, se tenir les mains). Elle précise ensuite qu’il est difficile et dangereux
d’être médium, d’autant plus que Zorba était devenu suspicieux à son égard
vers la fin de sa vie37. Une fois les lumières éteintes, les lunettes spéciales
à portée de main et quelques invocations à l’esprit de Zorba, celui-ci choisit d’emprunter le corps de son neveu Cyrus qui prononce péniblement
quelques mots d’une voix transformée (l’image étant désormais teintée
en bleu). Visiblement en état de transe, Cyrus chausse les lunettes et voit
poindre dans la pièce adjacente le fantôme de Zorba qui se détache (en
surimpression rouge) de son portrait peint. La séance a en effet lieu dans
la salle à manger qui communique par une large ouverture avec le séjour
dominé par l’image de l’oncle, le cadrage en profondeur du champ (qui varie
en termes d’échelle scalaire et de points de vue) l’érigeant en marqueur privilégié de hantise (fig. 4). Dans un second temps, Cyrus se lève pour aller à la
rencontre du spectre qui l’avertit de la mort prochaine de l’un d’entre eux,
avant de réintégrer son lieu d’origine, à savoir le portrait peint. La pauvreté
des informations obtenues est alors interprétée par Elaine en termes d’interférences avec d’autres esprits, le vocabulaire choisi convoquant la topique
vibratoire des sciences psychiques38.
Chapitre 5
189
fig. 4
La portée réflexive de cette séquence est frappante à maints égards : la
séance de spiritisme exige de faire le noir, de respecter un rituel collectif
précis, de modifier son état mental et perceptif, et de modérer ses attentes
vis-à-vis d’une « représentation » imprévisible, potentiellement décevante.
La déambulation du fantôme hors de son cadre suggère certes le fonctionnement du tableau vivant, mais aussi celui de la projection filmique : Zorba,
s’extrait provisoirement du tableau (de l’image fixe) pour venir hanter le
présent sous la forme d’une image animée, qui retourne à sa stase première
une fois le message délivré39. Indiquée par le truchement de signes visuels
et acoustiques clairs, la transition d’un monde à l’autre rappelle également
que tout processus d’immersion dans un univers diégétique est conditionné par un dispositif matériel engendrant des effets de présence propices à
une « hallucination » artificielle. Le surcadrage créé par des éléments du
profilmique achève de tisser le lien implicite entre la séance spirite et la
séance de cinéma, le fantôme (ici « ectoplasmique ») et le film, le tableau et
l’écran. Mais si les lunettes surnaturelles du Dr Zorba redoublent celles des
spectateurs, leur puissance n’équivaut cependant pas à celle du dispositif
cinématographique.
C’est ce que laisse penser une courte séquence au premier quart
du film où surviennent des figures fantomatiques sans que celles-ci ne
soient médiatisées dans la diégèse par un appareil de vision. De fait, la
toute première occurrence invitant les spectateurs à se servir du visionneur ne contient aucun personnage-observateur. Cet épisode a lieu dans
le salon cadré en plan large, avec comme point focal de la composition
visuelle le portrait du Dr Zorba devant lequel apparaissent et disparaissent
deux fantômes : « la femme pendue », ainsi qu’« un bourreau et une tête
coupée », le tout assorti de bruits d’étouffement et de rires sardoniques
190 Le médium (au) cinéma
en écho. Unique en son genre, cette séquence a-t-elle seulement une
vocation d’habituation à l’emploi du visionneur ? Comment expliquer son
caractère isolé mais aussi liminaire, abstraction faite de sa fonction spectaculaire ? Une possible réponse consiste à interpréter ce choix comme
la réaffirmation de la dimension intrinsèquement spectrale du médium
cinématographique. Car si les lunettes « spectroscopiques » de Zorba participent à un discours réflexif sur le cinéma comme dispositif fantomachique ou fantomachinique – pour extrapoler Derrida –, un tel subterfuge
n’est pas forcément indispensable pour exposer les spectateurs au monde
de l’invisible. Ainsi, on peut dire qu’en cumulant attractions fictionnelles
et non fictionnelles, 13 Fantômes s’applique surtout à célébrer la puissance
spectrale du cinéma.
Le choix d’un tel mode d’adresse inscrit ce film – comme tant d’autres
de William Castle – dans le registre du cinéma d’attraction qui, comme l’a
montré Tom Gunning, perdure parallèlement et en dialogue avec le cinéma de l’intégration narrative40. 13 Fantômes, en effet, « étale sa visibilité et
accepte l’apparente autonomie de l’univers de la fiction si cela lui permet
de solliciter l’attention du spectateur41 ». Plusieurs éléments forgent la
dimension monstrative du film : la variation de la couleur de la pellicule,
les noirs non diégétiques qui encadrent les apparitions spectrales ou
encore l’emploi du visionneur de fantômes qui encourage l’interaction du
public. La continuité avec le cinéma d’attraction est également manifeste
à travers la combinaison de deux figures qui apparaissent au xixe siècle
(et dont le genre de l’horreur ne cesse de dénoter les affinités) : le ghostseer42 (celui qui perçoit les fantômes) et le spectateur de cinéma – le second
prenant le relais du premier, tandis que le spiritisme décline progressivement (grosso modo entre 1900 et 1930). 13 Fantômes corrèle ainsi ces deux
instances, voire les superpose, de sorte à exposer le ressort essentiel de
tout système de croyance : mettre à l’épreuve les sens et défier la logique
rationnelle.
Souvent méprisés en raison de leur sensationnalisme affiché et de la
tournure publicitaire des techniques inventées pour séduire un public
friand de nouveautés, les films de William Castle articulent en fin de compte
une véritable réflexion sur les ressources du cinéma qui ne se limitent pas à
induire une forte impression de réalité, mais invitent les spectateurs à expérimenter l’univers de l’au-delà sous la forme d’un spectacle avec, comme référent, les séances de spiritisme au cours desquelles des ectoplasmes déambulent parmi les vivants.
Chapitre 5
191
Un cinéaste-parapsychologue : L’Esprit de la mort (1972)
Telle semble aussi être l’ambition du film britannique L’Esprit de la mort
(Peter Newbrook) qui raconte l’histoire d’un scientifique passionné de
parapsychologie, sir Hugo Cunningham (Robert Stephens), pénétrant, dans
les années 1880, le secret de l’immortalité de l’âme. En tant que membre
de la Society for Psychical Research (SPR), dont l’existence est historiquement attestée, Cunningham conduit des recherches sur la survivance de
l’âme, avec le concours de divers dispositifs. Lors d’une conférence devant
ses pairs, il présente ses premières hypothèses après avoir projeté, grâce à
une lanterne magique, trois clichés de mourants réalisés par trois opérateurs et trois appareils différents43. Ces images ont un point commun : elles
contiennent des sortes de taches circulaires sombres qui semblent se détacher du corps sur le point d’expirer (fig. 5). Du moins, c’est l’interprétation
qui s’impose à Cunningham, une fois l’éventualité de problèmes techniques
écartée. Mais cette hypothèse est reformulée par le savant à l’occasion d’une
nouvelle découverte facilitée par une « ciné-caméra44 » qu’il vient précisément de mettre au point. C’est que sir Hugo Cunningham n’est pas seulement un parapsychiste convaincu. Il est aussi un inventeur intéressé par les
innovations technologiques, comme le prouvent son tempérament audacieux, son ingéniosité et son laboratoire équipé de nombreux instruments
optiques.
Lors d’une fête qui réunit les membres de sa famille – ses enfants adultes
(Clive, Christina et Giles) et sa nouvelle fiancée, Anna Wheatley (Fiona
Walker) –, Hugo Cunningham emploie sa nouvelle machine pour filmer
ceux-ci naviguant sur une rivière. Or à la joie succède bientôt la tristesse
puisqu’un incident entraîne la noyade de Clive et Anna, qui étaient à bord
de la même embarcation, la caméra ayant capté ce tragique événement.
Fou de désespoir, Cunningham choisit de revoir ces images, et ce, malgré
la désapprobation de Giles (Robert Powell) qui l’assistera dorénavant dans
ses recherches. La projection met en évidence l’apparition d’une tache noire
qui « s’avance » vers Clive peu avant sa chute, cette forme évoquant celles
détectées sur les photographies mortuaires (fig. 6). Cunningham en déduit
qu’il s’agit d’un signe avant-coureur, comme si cette ombre avait pour fonction d’« avertir » les malheureux de leur funeste destin. Par suite, il décide de
photographier son fils (décédé depuis deux semaines) afin de vérifier si son
corps a éventuellement « enregistré » l’image indélébile de la mort, conformément à une croyance populaire. Pourtant le cliché ne montre rien de spécial, l’image animée s’avérant bien plus efficace pour rendre compte de cet
« étrange phénomène ».
192
Le médium (au) cinéma
fig. 5
fig. 5
La confrontation entre les deux types d’images, fixes et animées, motive Cunningham à pousser plus loin sa théorie sur l’apparition de l’âme de
défunts : ce qui a été consigné par sa caméra, pense-t-il, c’est l’asphyx, c’està-dire l’esprit de la mort qui, selon la mythologie grecque, prend possession
de ceux qui trépassent dans le dessein de s’affranchir d’une longue agonie. Cunningham est conforté dans ses convictions lorsqu’après avoir été
mandaté pour documenter une pendaison hautement controversée par les
défenseurs de l’abolition de la peine de mort (dont font partie les membres
de la SPR45), il constate, à la fois lors du filmage et de la projection, la présence de l’asphyx sous la forme d’une figure grimaçante qui s’inscrit dans un
médaillon aux côtés du mourant (fig. 7). Accaparé par cette découverte qu’il
pense être précieuse pour atteindre l’immortalité, il se met en tête d’emprisonner l’asphyx au moyen de différents appareils électriques, dont un amplificateur lumineux (light booster).
Contrairement aux photographies qui ne conservent que des traces
informes difficiles à interpréter, la pellicule film permet d’afficher
l’esprit de la mort tant au moment du tournage que du visionnement.
L’emploi d’une double lanterne magique (pour plaques fixes et film)
Chapitre 5
193
fig. 7
fig. 8
avec obturateur rotatif donne aux personnages plusieurs occasions de
comparer les deux médias. Tandis que les images fixes ont incontestablement des vertus pédagogiques et démonstratives, les images animées
favorisent, quant à elles, l’éclosion de l’invisible, mais aussi, pourraiton ajouter, de l’imaginaire et de la folie, en ce que les expériences de
Cunningham dérivent progressivement vers la sorcellerie high-tech. En
ce sens, L’Esprit de la mort réactive un topos à l’œuvre dans les premiers
écrits sur le cinéma qui tendent à référer celui-ci au registre de l’imaginaire, du rêve et de l’hallucination, notamment en raison de la surcharge sensorielle qu’occasionne le défilement rapide des images46. Bien
que les asphyxs du Dr Cunningham ne soient pas des images mentales
issues de son esprit dérangé, la dimension obsessionnelle d’une quête
qui défie le bon sens semble prêter au cinématographe des propriétés potentiellement délétères. En atteste la fin du film où le héros se reproche
d’avoir tué ses trois enfants : Christina et Giles ont été victimes de ses
expériences macabres et Clive est décédé durant le tournage d’un film
de famille, conférant ainsi au médium cinématographique un pouvoir
symbolique de vie et de mort.
194 Le médium (au) cinéma
Assurément, l’appareil du Dr Cunningham se distingue par sa polyvalence : il peut, tout à la fois, conserver la trace d’êtres chers disparus et révéler l’esprit lugubre de la mort, servir la connaissance et défier la science,
isoler des fragments en autant d’instants prégnants et créer de brefs récits
à partir d’une série d’images. La projection de l’incident ayant causé la disparition de Clive et d’Anne confirme l’hybridité (et la magie) d’une telle
machine. Sur l’écran se succèdent deux plans : un plan large qui les montre
dans l’embarcation avançant lentement, et un plan rapproché sur Clive (cadré aux épaules) qui se frappe la tête contre un branchage. Le montage du
film diégétique donne ainsi l’impression que l’échelle de plans a été modifiée au cours du tournage, ce qui paraît impossible avec une telle caméra, à
moins que l’opération d’aboutage des deux plans ait eu lieu lors de l’étape du
développement (mais rien ne nous est dévoilé de cette opération). Dans tous
les cas, l’invention de Hugo Cunningham revêt des caractéristiques tout à
fait singulières47.
La première d’entre elles, c’est sans aucun doute d’évoquer le monde de
l’au-delà. Cette affirmation exige toutefois d’être nuancée puisqu’au cours
du récit la « ciné-machine » cède la place à l’amplificateur lumineux (le
light booster), un dispositif contenant des cristaux produisant une lumière
bleue une fois mis en contact avec des gouttes d’eau tombant d’une sorte
de clepsydre (fig. 8). Cet engin est employé pour la première fois lors du filmage de l’exécution capitale afin, semble-t-il, d’éclairer la scène à filmer.
Le déclenchement de l’appareil coïncide avec le brusque surgissement, aux
côtés du condamné ligoté (et sur le point d’être pendu), d’un asphyx hurlant et grimaçant. Au même moment, la foule s’agite de plus belle, partagée entre peur et colère – la créature disparaissant aussitôt l’amplificateur
éteint.
Cette séquence ne manque pas d’interroger en raison de son ambiguïté : l’asphyx est-il vu par les personnes réunies devant l’estrade, comme
le laissent penser leurs vives réactions, ainsi que les raccords regard qui
convergent de part et d’autre vers l’apparition ? Mais pourquoi, dans ces
conditions, le président de la SPR, sir Edward Barrett48 (Alex Scott), présent
à ce moment-là (c’est lui qui a chargé son confrère d’enregistrer la scène),
ne mentionne-t-il pas cet élément capital lorsque Cunningham lui fournit
plus tard les photographies de l’incident ? Quoiqu’il en soit, l’asphyx paraît
dépendre, non pas de la caméra, mais de l’amplificateur lumineux. Le lien
de cause à effet entre celui-ci et l’asphyx est formellement établi par le chercheur sur la base du visionnement du film : c’est bien le light booster qui
révèle l’esprit de la mort, explique-t-il à Giles. Dès lors, ce dispositif éclipsera la caméra cinématographique au bénéfice d’autres accessoires servant
Chapitre 5
195
fig. 9
à emprisonner l’asphyx : une sorte de cage en bois et une chaise avec casque
et sangles qui immobilisent le mourant, aux allures, respectivement, de cercueil et de chaise électrique fig. 9.
L’éviction du cinématique n’est en revanche pas totale : outre le fait
que l’amplificateur suggère la forme d’un ancien projecteur de cinéma,
il fonctionne à la manière d’un appareil de projection, son faisceau lumineux donnant naissance à des figures dans un cadre, sur le mode d’une
lanterne magique dont il emprunte le cache circulaire. À l’instar des appareils optiques et électriques du laboratoire du Dr Cunningham, l’amplificateur permet de métaphoriser la puissance surnaturelle des dispositifs
d’enregistrement et leur proximité avec le monde de l’imperceptible. Car
Cunningham n’est pas seulement un savant exalté par son désir de savoir,
tel le Dr Julian Blair dans The Devil Commands (1941). Il combine en lui
deux figures professionnelles que le film contribue à corréler : le parapsychiste, d’une part, et le pionnier du cinéma, d’autre part. Dans le contexte
britannique, on ne peut manquer de penser à sir William Crookes (18321919) et à George Albert Smith (1864-1969), le premier réputé pour ses
travaux en physique et en chimie (débouchant, entre autres, sur l’invention des rayons X et des tubes cathodiques), le second connu pour avoir
été membre de la Brighton School et de la Society for Psychical Research
(fondée en 1882)49.
Célèbre pour ses expériences avec les médiums Daniel D. Home et
Florence Cook, William Crookes impulse, dès 1870, une approche résolument instrumentale et scientifique de phénomènes psychiques encore
inexpliqués avec, au centre de cette « parapsychologie de laboratoire50 » ou
de spiritisme sans esprits51, un souci répété d’objectivité et de rigueur méthodologique52. Considérant que les outils existants ne sont pas à la hauteur de « la science moderne53 », il en élabore des nouveaux dans le but de
196 Le médium (au) cinéma
prouver l’existence de la « force psychique », anticipant de quelques années
l’intérêt des Français comme Hippolyte Baraduc, Émile Boirac, Paul Joire
ou Albert de Rochas d’Aiglun pour l’enregistrement des effets mécaniques
des fluides magnétiques émis par le corps humain54. Malgré la portée heuristique limitée de ces recherches, ce couplage entre « physique exotique
et psychologie hétérodoxe55 » inspirera d’autres experts et ingénieurs de
renom. Parmi eux mentionnons Oliver Lodge, Cromwell Fleetwood Varley,
Hereward Carrington (qui croit, comme Cunningham, en l’existence de la
photographie de l’âme56), ou encore Robert W. Wood qui a l’idée d’employer
des rayons X pour photographier les exploits d’Eusapia Palladino, mais sans
résultats probants en raison des réticences de celle-ci57.
En franchissant la « frontière enchantée58 » qui sépare la science autorisée du paranormal, sir Hugo Cunningham rappelle ces savants qui n’ont pas
eu crainte de sacrifier leur réputation sur l’autel des mystères de l’au-delà59.
Tout comme les modèles historiques ayant inspiré son personnage, il s’engage dans une voie qui conduit à renverser la logique du credo positiviste
propre à l’observation scientifique : l’enjeu ne consiste plus à voir et à revoir
pour croire, mais à croire pour enfanter le merveilleux, tant la conviction est
première et devance la démonstration – quitte à inventer les dispositifs les
plus improbables. Tel est d’ailleurs l’un des dogmes du spiritisme, comme
l’explique le médium Aurora (Geraldine Chaplin) à Laura (Belén Rueda),
la mère désespérée par la disparition de son fils dans L’Orphelinat (2007)
– « Croyez et alors vous verrez », lui dit-elle – ou encore sœur Madeline à Joe
privé de sa femme suite à un accident dans Apparitions (2002).
Sous ce rapport, les machines à fantômes (qu’elles soient réelles ou fictionnelles) apparaissent comme résolument ambivalentes, situées au croisement de la science et de l’occultisme, à l’image des médiums spirites euxmêmes qui font « fusionner deux mondes que l’évolution de notre société a
choisi de diviser60 », comme l’écrit Christine Bergé. Ainsi, de part et d’autre
de nos écrans, « la mort, cette belle refoulée de nos rêves technologiques,
reprend son empire dans nos corps et dans nos machines elles-mêmes61 ».
Médiums-visionnaires et télépathes : Furie (1978)
et Suspect Zero (2004)
Au cinéma, le médium alimente toutes sortes de fantasmes relatifs aux pouvoirs extraordinaires de l’esprit humain, tels que la télépathie, la lecture
des pensées ou la vision du futur. Se multipliant à partir des années 1970,
notamment grâce aux romans de Stephen King, les représentations de « sujets psi » témoignent d’un changement de paradigme dans l’appréhension
des faits inexpliqués soumis à la critique par les sciences autorisées62. Les
Chapitre 5
197
chercheurs et chercheuses en parapsychologie visent alors à dissiper l’aura
occulte qui entoure ces phénomènes pour les placer sous la tutelle d’une
investigation rigoureuse permise par de nouvelles connaissances dans les
champs de la physique quantique, de la neurobiologie et des technologies
électromagnétiques. Il s’agit de réinterpréter le surnaturel à l’aune du
paranormal, de sorte à rapatrier les perceptions extrasensorielles dans le
giron des sciences naturelles63. Ces efforts ne sont toutefois pas nouveaux
puisque les métapsychistes refusaient déjà l’hypothèse « spiritique » en vue
d’expliquer la réalité du « sixième sens » (un autre terme pour les facultés
psi), dès lors que « des expériences, les plus positives de notre science […],
démontrent formellement que sans hypnotisme, sans évocation des esprits,
des sensitifs sont en état de connaître les faits que leurs sens ne leur avaient
pas pu révéler64 », assure Charles Richet en 1928.
Le contexte de la guerre froide encourage des programmes de recherches sur la vision à distance (remote viewing), à l’instar des travaux de
deux physiciens au sein du laboratoire d’électronique et de biotechnique
de l’institut de recherches de Stanford (SRI) à Palo Alto, Harold Puthoff et
Russell Targ65. Ceux-ci lancent, au début des années 1970, une série d’expériences avec des sujets aptes à déclencher un magnétomètre scellé ou à
dessiner le plan d’un lieu uniquement sur la base de coordonnées géographiques. Le remote viewer Daz Smith expose ainsi le principe de la vision à
distance :
« Le Remote Viewing est la capacité apparemment magique à réunir des informations sur une cible dissimulée ou inconnue, qui peut être n’importe quoi,
se trouver n’importe où, dans le temps et l’espace. Le Remote Viewing est un art
martial mental qui se sert des capacités intuitives naturelles à l’état brut pour
les remodeler à l’aide d’une série d’étapes développées scientifiquement. Ces
étapes filtrent les données psychiques réunies pendant le Remote Viewing en
triant le “bruit” des impressions “réelles” […]. Le Remote Viewing est l’ouverture
progressive d’une fenêtre sur la cible, où chaque impression s’ajoute aux précédentes, révélant lentement la cible par petit bout. Ce procédé implique plus que
la simple vision, il inclut : le toucher, le goût, l’odeur, l’ouïe et beaucoup, beaucoup plus66. »
C’est grâce à l’étude de sujets au « talent psi dépassant la moyenne67 »
– comme Ingo Swann, Pat Price ou Uri Geller – que Puthoff et Targ font valoir le rôle joué par l’hémisphère droit du cerveau (lié à l’intuition, l’imagination, le non verbal, etc.) dans ces opérations mentales68. La vision à
distance s’objective d’ailleurs en grande partie sous forme d’images et de
198 Le médium (au) cinéma
figures graphiques (avec parfois quelques mots de description) appelés aussi « idéogrammes69 ».
Si les applications de cette technique sont multiples, comme l’expliquent Puthoff et Targ qui plaident en faveur d’un « usage pacifique de
l’énergie psi70 », c’est son emploi dans le domaine de l’intelligence militaire qui va marquer l’opinion publique et façonner l’imaginaire cinématographique. En réponse aux recherches menées par les Soviétiques dès
la fin des années 1960, le gouvernement américain développe, en marge
des services secrets, un programme recrutant des « médiums-espions »
capables de localiser des bombardiers ou tout autre cible stratégique71.
Mais ces expériences ne demeurent pas confidentielles très longtemps,
des fuites dans la presse au cours des années 1980 contribuant à accentuer un malaise déjà manifeste à l’égard des institutions, après le scandale du Watergate. L’époque est donc propice aux films du complot,
comme l’observe Fredric Jameson au prisme de ses thèses sur la culture
postmoderne72.
Les potentialités extrasensorielles du psychisme humain trouvent un
large écho dans les films des années 1970 et 1980 où elles sont volontiers
dépeintes comme dangereuses ou criminelles73. Carrie au bal du diable (1976),
Furie (1978), La Grande Menace (1978), Scanners (1981), Dead Zone (1983),
Charlie (1984), Dreamscape (1984) ou Shining (1980) représentent la psychokinésie (qui consiste à affecter le monde physique avec la force de la pensée), la
télépathie (le contact d’esprit à esprit), la précognition (la prévision du futur)
et la clairvoyance (la visualisation à distance) comme des armes redoutables
tant pour soi que pour les autres74. Les sujets psi sont de taille à faire exploser des têtes, à déclencher des incendies, à induire des crises cardiaques, à
entraîner la chute d’un avion ou à lâcher une bombe nucléaire, à l’image de
John Morlar (Richard Burton) qui, dans La Grande Menace, affirme avoir un
« don pour la catastrophe ».
Le topos du médium malfaisant persiste jusqu’à nos jours avec de légères
variantes. Dans Red Lights (2012), le médium vedette Simon Silver (Robert
De Niro) se venge brutalement des sceptiques qui doutent de ses pouvoirs.
Or Silver s’avère être un charlatan en passe d’être démasqué par un vrai
médium, Tom Buckley (Cillian Murphy) dont la puissance psychique, absolument extraordinaire, est savamment dissimulée par le récit jusqu’à la
confrontation finale avec son ennemi. Dans tous les cas, force est de constater que le cinéma a une prédilection pour la spectacularisation des « phénomènes télépsychiques75 » – une expression traditionnellement employée
pour désigner « une action exercée ou subie à de grandes distances ou du
moins à travers des obstacles interposés76 ».
| 26,286
|
cd23eca081ce21c57514fc74fd9e1dee_1
|
French-Science-Pile
|
Open Science
|
Various open science
| 1,986
|
L’intervention des entreprises extérieures dans les centrales nucléaires d’Electricité de France
|
None
|
French
|
Spoken
| 3,921
| 6,833
|
Radioprotection, GEDIM, 1986
Vol. 21, n° 1, pages 23 à 34
L’ intervention des entreprises extérieures
dans les centrales nucléaires
d’ Electricité de France*
R. DOLLO**
(Manuscrit reçule3mai 1985)
RÉSUM
É
L’intervention des entreprises extérieures dans les centrales nu
cléaires françaises est présentée sous forme de bilan en heures
travaillées, en spécialités, en coût dosimétrique.
L'auteur décrit et commente la situation des entreprises extérieures,
les aspects juridiques, la radioprotection du personnel dans les cen
trales nucléaires EdF (action à caractère national).
A
BSTRA
CT
Contractors’ operations in French nuclear power plants are pre
sented as a balance sheet of working hours, specialised jobs, dosi
metric cost. The situation of contractors, the legal aspects and oc
cupational radiation protection at Electricité de France nuclear
power plants are described and commented upon.
1. LA S IT U A T IO N DES E N T R E P R IS E S E X T E R IE U R E S
L’exploitation des tranches REP (réacteur à eau pressurisée) exige
un renouvellement d’une partie du combustible environ tous les douze mois.
Cette période d’arrêt est mise à profit pour engager des travaux d’entre
tien préventif, pour s’assurer par des contrôles et des expertises de l'usure
normale des pièces, enfin, pour modifier les matériels ou circuits dont le
fonctionnement n’est pas satisfaisant. Ces travaux de maintenance sont
réalisés sur l’ensemble des circuits primaires ou secondaires.
La durée d’arrêt de tranche est la période comprise entre le décou
plage et le recouplage de l'alternateur sur le réseau de distribution. Trois
types de visites sont définis :
*CommunicationprésentéeaucolloqueorganiséàBruxelles, du20au22m
ars 1985,
par les Sociétés belge et française de radioprotection, sur la “Radioprotection du
personnel des entreprises extérieures intervenant dans les installations nucléaires”
(A
nn. A
ss. Belge Radioprot., 1985, vol. 10, n° 1-2).
** EdF, Service de laproduction thermique, Département Sécurité, Radioprotection,
Environnement (D
SRE), 6, rueAm
père, BP114, 93203 Saint-Denis Cedex 1.
RADIOPROTECTION, VOL. 21 - 0033-8451/1986/23/$ 5.00/ © Gédim.
R- DOLLO
. la visite “complète” dite décennale qui nécessite le déchargement
complet du cœur pour expertiser la cuve et l’ensemble du circuit primaire,
plus une épreuve d’étanchéité de l’enceinte ;
. la visite “ quinquennale” pour l’inspection de la cuve ;
. la visite “ partielle” de périodicité annuelle.
Les informations présentées recouvrent la période fin 1983 et 1984 ;
elles sont issues de 17 arrêts de tranches pour visite partielle. Durant
cette période, 4 arrêts de tranche pour visite complète ont été menés.
Cependant, ce chiffre n’étant pas suffisamment significatif, seuls les bi
lans fournis à la suite des visites partielles ont été conservés.'
1.1. La durée d’arrêt
Une tranche qui ne produit pas coûte cher en énergie de remplace
ment. Le coût d’une journée d’arrêt d’une tranche REP de 900 MW varie
entre 1 et 4 MF suivant la période de l’année, été ou hiver, et la nature du
combustible utilisé (par exemple fioul). Pour cette raison d'économie, il
s’agit de limiter la durée de l’arrêt dans les meilleures conditions de sécu
rité d’intervention du personnel. La moyenne réalisée en 1984 était de
40 jours, ce qui correspond aux valeurs suivantes en heures travaillées :
entre 22 000 et 83 000 h pour EdF et entre 50 000 et 147 000 h pour les
entreprises extérieures.
Cette valeur de 40 jours mérite quelques commentaires. Le temps
minimal réalisé a été de 30 jours. L’écart entre ces deux chiffres est dû
aux travaux de modifications et aux réparations fortuites. La durée d’une
opération comme le changement des tubes-guides peut varier entre 6 et
12 jours suivant la méthode utilisée et les difficultés rencontrées. Le chan
gement des joints de volute ou le remplacement d’une hydraulique de
pompe primaire demande 3 jours. Les incidents sur procédures, sur l’ou
tillage et particulièrement les aléas (par exemple grippage de la visserie)
peuvent entraîner 7 à 10 % d’augmentation de la durée de l’arrêt. Ces dif
ficultés montrent l’intérêt de la préparation de l’arrêt de tranche et de la
planification de tous les travaux.
1.2. La nature des travaux
Compte tenu de l’importance en nombre, seuls seront énumérés les
principaux travaux :
1° Combustible : renouvellement par tiers sans déchargement complet
avec permutation des grappes
2° Contrôles réglementaires au titre de différents arrêtés administratifs :
contrôle du circuit primaire principal, faisceau des 3 GV (générateur de
vapeur), ressuage des soudures de tuyauteries..., contrôle des tuyauteries
du secondaire et du poste d’eau, réépreuve des échangeurs
3° Cuve : contrôle des broches, portées des joints
4° Groupes moto-pompes primaires : joints, paliers
5° Générateurs de vapeur : bouchage de tubes fuitarts
6° Robinetteries : contrôle et tarage des soupapes, temps de manœuvre
des vannes, contrôle de fuite des vannes d’étanchéité de l’enceinte
RA
D
IO
PRO
TECTIO
N
24
INTERVENTION DES ENTREPRISES EXTERIEURES DANS LES CENTRALES NUCLEAIRES D'EdF
7° Turbine-alternateur : expertise des coussinets, révision des robinets
d’arrêt, des soupapes
8° Sécheurs surchauffeurs et poste d'eau : tests d’étanchéité
9° Nettoyage et contrôle du condenseur
10° Révision des tableaux électriques
11° Essais du contrôle-commande
12° Actuellement de nombreuses modifications telles que : change
ment de la goujonnerie des vannes, intervention sur les sécheurs
surchauffeurs, changement des tubes-guides
13° Enfin, un poste important appelé “servitudes” comprend : la pose
et la dépose des calorifuges, le nettoyage et la décontamination, la
mise en place d’échafaudage...
Les figures 1 et 2 présentent la répartition par matériels/heures tra
vaillées et la répartition par spécialités/heures travaillées.
Répartition par matériels des heures
travaillées par EdF.
Répartition par matériels des heures
travaillées par les entreprises
extérieures.
A- Prim
aire-24%
-7200h.
B- D
iverssecondaires-8%
-2400h.
C-C
ontrôlecom
m
ande-12%
-3600h.
D-Servitude-17%
-5100h.
E-A
lternateur+transform
ateur-2%
600h.
F-Turbine+posted’eau-32%
dontO
R
I
21%
-9600h.
A- Prim
aire-30%-29500h.
B- D
iverssecondaires-8%
-7800h.
C-Servitudes-35%-33500h.
D-A
lternateur+transform
ateur-3%3000h.
E-Turbine+posted'eau-24%23600h.
Fig. 1. - Répartition par matériels des heures travaillées.
VOL. 21 - N° 1
25
R. DOLLO
Répartition par spécialités des heures
travaillées par EdF.
Répartition par spécialités des heures
travaillées par les entreprises
extérieures.
A- M
écanique-Chaudronnerie+servi
tudes-76%-23000h.
B- Elec. -6%-1847h.
C- TO
R-9,5%-2900h.
D- A
N
A-8,5%-2650h.
A- M
écanique-Chaudronnerie-58%57500h.
B- Elec. -5%-5000h.
C-A
N
A“ 1%-840h.
D- TO
R“ 1%-1100h.
E- Servitudes-35%-33500h.
Fig. 2. - Répartition par spécialités des heures travaillées.
1.3. Les entreprises qui interviennent
Certaines interventions exigent un personnel très spécialisé utilisant
un matériel délicat dont l’investissement a été important. Aussi, il s’est
avéré nécessaire au niveau national de planifier ces interventions afin de
garantir la disponibilité des équipes et de maintenir la formation acquise.
Actuellement, 25 entreprises font l’objet d’un contrat à caractère national,
par exemple :
- Intercontrôle et HBS pour le contrôle de la cuve et des GV ;
- Gagneraud et MDN pour la décontamination des piscines, ce qui repré
sente un potentiel de 5 machines de décontamination ;
- Creusot-Loire, Montalev et SGMN pour l’ouverture et fermeture de la
cuve, la durée d’une opération est de l’ordre de 5 000 h, elle est assurée
par des équipes en horaire posté 2 X 9 h o u 3 X 8 h ;
- Framatome, Alsthom-Atlantique, Jeumont-Schneider, STMI font l’objet
d’un protocole au niveau national.
Toutes les interventions n’exigent pas un matériel coûteux ou une
main-d’œuvre très spécialisée. Pour les autres travaux, le Service de la
production thermique a été amené à faire appel à des entreprises régio
nales. Cette politique présente des avantages tels qu’une meilleure in
sertion de la centrale dans le milieu industriel, l’utilisation d’une maind’œuvre locale après formation, l’ensemble entraînant des retombées
bénéfiques au plan régional.
26
RADIOPROTECTION
INTERVENTION DES ENTREPRISES EXTERIEURES DANS LES CENTRALES NUCLEAIRES D’EdF
La répartition entre entreprises locales ou nationales est difficile à
connaître car beaucoup de ces dernières possèdent des agences régionales.
Les chiffres suivants fixent, cependant, l’ordre de grandeur : sur 50 en
treprises intervenant sur un site, 14 sont des entreprises constructeurs,
23 des entreprises régionales, et 13 des entreprises nationales ayant une
agence régionale.
1.4. La répartition des heures de travail
Suivant la période de l'année (par exemple, congés d’été) ou si une
autre tranche du site est aussi en arrêt pour révision, la répartition des
heures entre travail posté ou non, EdF et entreprises évoluent d’une façon
sensible (fig. 3).
Répartition des heures travaillées
par EdF.
Répartition des heures travaillées
par les entreprises extérieures.
A- E
nhorairenorm
al-67%
-14207h.
B- E
n2X8-4%-834h.
C- E
n3X8-H
orsW
E-12%-2554h.
D- E
n3X8+W
E-17%
-3570h.
A- E
nhorairenorm
al -77%
-70000h.
B- E
n2X8-12%
-11000h.
C - En 3 X 8 - Hors WE - 9 %- 8 000 h.
D- En 3 X 8 + WE - 2 %- 2 500 h.
Fig. 3. - Répartition des heures de travail.
Dosimétrie
Toujours à partir du bilan concernant 17 arrêts de tranche, la dosimétrie
collective est la suivante :
- EdF
22 à 42 rem (0,22 à 0,42 Sv) ;
- Entreprises extérieures
49 à 172 rem (0,49 à 1,72 Sv).
Sur le plan national, la répartition des doses individuelles est difficile
à réaliser (le nombre d’intervenants varie suivant les sites). Cependant,
les différents rapports fournis par les centrales donnent une allure sensi
blement identique (fig. 4 et 5).
27
V
O
L.21-N
°1
R. DOLLO
Dose en mrem
Personnel EDF
Entreprises extérieures
Nbde personnes
Fig. 4. ■Répartition des doses sur latranche 3 de Bugey.
Pour terminer ce chapitre, il paraît utile de rappeler que ces bilans
sont destinés au retour d’expérience. Ils ont été extraits de nombreux
comptes rendus rédigés par les centrales. Ils doivent permettre de mieux
cerner les activités de maintenance qui nécessitent des actions spéci
fiques. On peut citer les domaines suivants :
. amélioration des procédures d’arrêt et de mise à jour des gammes d’entretien ;
. conception de l’outillage en se rappelant qu’un outillage est d’autant
plus fiable qu’il est simple ;
. organisation et planification afin d’assurer une cohérence et une coordi
nation des différents intervenants.
Bien entendu, toutes ces actions ne peuvent aboutir qu’avec la par
ticipation active du personnel des entreprises extérieures, d’où la néces
sité d’établir des contacts étroits entre responsables. Certaines entre
prises ont déjà accepté le principe de réunions périodiques.
28
RA
D
IO
PRO
TECTIO
N
INTERVENTIONDESENTREPRISESEXTERIEURESDANSLESCENTRALESNUCLEAIRESD’EdF
-D
oseenm
rem
PersonnelE
D
F
E
ntreprisesextérieures
N
bdepersonnes
Fig. 5. -R
épartitiondes doses surlatranche5deBugey.
2. ASPECTS JURIDIQUES
En France, l’utilisation des rayonnements ionisants est réglementée
par trois textes fondamentaux : le décret n° 66.450 du 20 juin 1966 relatif
aux principes généraux de protection contre les rayonnements ionisants,
le décret n° 67.228 du 15 mars 1967 relatif à la protection des travailleurs
contre les dangers des rayonnements ionisants dans les installations
autres que les installations nucléaires de base (INB) et le décret n° 75.306
du 28 avril 1975 relatif à la protection des travailleurs intervenant dans
les INB, l'ΙΝΒ étant une installation dans laquelle le niveau d'activité des
sources radioactives est élevé (cas des centrales nucléaires ou des cen
tres de recherche du CEA). A cet ensemble, il faut ajouter l’arrêté du
23 avril 1968 fixant la mission de la médecine du travail. Actuellement, ces
textes sont en cours d’examen pour être mis en harmonie avec la nouvelle
édition des normes de base de 1980 (directives européennes).
VOL.21-N°1
29
R. DOLLO
Une des principales innovations du décret de 1975 réside dans la
répartition des obligations entre “ l’employeur” et “ l’exploitant”. Le terme
“employeur” définit la société ou la personne au service de laquelle des
gens interviennent dans une installation nucléaire par contrat de travail.
Le législateur a mis l’accent sur la prévention, particulièrement dans le
domaine de la formation et dans l’adaptation au poste de travail. C’est
pourquoi il incombe aux employeurs de prendre les mesures concernant
la protection et la surveillance individuelle et d’en être responsables. Les
points suivants méritent d’être soulignés :
- surveillance médicale : l’employeur doit faire suivre médicalement son
personnel par le médecin du travail de l’entreprise ; en particulier, elle
prévoit les visites de contrôle semestrielles ainsi qu’un suivi des doses
reçues ;
- formation : l’employeur doit assurer la formation de son personnel et le
préparer au travail sous rayonnements ; il doit l’informer, par une notice
appropriée dont la remise donne lieu à émargement, des risques aux
quels le travail est susceptible de l’exposer et des précautions à prendre
pour les éviter ; cette formation et cette information doivent être adaptées
à la nature des travaux à réaliser et aux travailleurs concernés.
Dans le cas des installations EdF, l’exploitant est représenté par le
chef d’établissement appelé chef de centrale.
Outre les obligations qui lui incombent en tant qu’employeur à l’égard
de ses agents, l’exploitant est responsable des mesures générales col
lectives. L’exploitant doit assurer la coordination des mesures prises par
lui et par l’ensemble des employeurs représentés sur le site. Ainsi, le chef
de centrale assure une mission d’organisation du travail et de prévention
des accidents. L’exécution de cette mission s’effectue notamment par la
création de la zone contrôlée. A l’intérieur de chaque zone contrôlée, le
chef de centrale est tenu de prendre des dispositions pour assurer la pro
tection du personnel affecté contre l’irradiation externe ou la contamination
de telle sorte que les équivalents de doses reçues ne puissent dépasser
les équivalents de dose maximale admissible (par exemple mise à dispo
sition de tenues vestimentaires, appareils de mesure, matériels de confi
nement,...).
Il appartient également au chef d’établissement d’élaborer et de faire
appliquer les consignes de protection. Cette disposition est à combiner
avec l’affichage du règlement intérieur. A ce sujet, il faut citer un décret
récent, celui du 20 novembre 1977, qui fixe les prescriptions d’hygiène et
de sécurité applicables aux travaux exécutés dans un établissement par
une entreprise extérieure. Un article précise qu’avant de débuter les tra
vaux, le responsable du chantier reçoit une information sur les conditions
d’intervention et visite les lieux où doit s’exercer son activité pour délimiter
le secteur d’intervention. Ces dispositions font l’objet d’un procès-verbal
signé par les deux parties. On peut aussi citer la création d’une section
regroupant un personnel qualifié en sécurité-radioprotection.
La frontière entre la responsabilité de l’employeur et celle du chef
d’établissement en matière de radioprotection est parfois délicate à défi
nir. Le paragraphe suivant vise à préciser les actions à caractère national
engagées par EdF.
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INTERVENTION DES ENTREPRISES EXTERIEURES DANS LES CENTRALES NUCLEAIRES D’EdF
3. RADIOPROTECTION DU PERSONNEL DANS LES
CENTRALES NUCLEAIRES
Le parc des REP de 900 MW comporte 29 unités en service et le parc
des REP de 1 300 MW 2 unités couplées en juin et août 1984. Mettre en
exploitation en un temps bref un grand nombre de tranches nucléaires
pose un certain nombre de problèmes ; celui de la sécurité du personnel
appelé à exploiter ou entretenir ces unités en est un, tant en ce qui concerne
les difficultés techniques qu’en ce qui concerne les problèmes humains.
En application stricte de la législation existante, EdF a bâti une doctrine
qu’elle demande aux entreprises de partager.
3.1. La définition d’ une politique de prévention enrichie par le retour
d’expérience
Le terme d’autoprotection, où la sécurité est l’affaire de chacun, est
souvent utilisé à EdF pour caractériser l’esprit d’ensemble d’une politique
de prévention qui a, depuis longtemps, fait les preuves de son efficacité.
Le principe essentiel de cette politique consiste, après avoir donné à
chaque agent sous une forme adaptée à sa fonction une formation soi
gnée, à faire appel à son sens de la responsabilité aussi bien vis-à-vis des
risques qu’il peut encourir que ceux que son action pourrait faire subir
à ses collègues.
La politique générale est décrite dans le “ Guide des entreprises pres
tataires” à l’usage des chefs d’entreprises afin qu’ils préparent leurs
agents à s’insérer dans l’organisation générale de façon à faciliter les for
malités d’accueil, réduire les pertes de temps, alléger les problèmes d’en
cadrement.
Au moment du lancement du programme, la radioprotection ressortait
plus du domaine de la science que celui de la technique. Le poids res
pectif des différents risques étaient peu ou mal connu (débit de dose, ni
veau de contamination, activité des produits de fission ou de corrosion...).
Les appareils de mesure étaient d’un emploi délicat. Enfin, il fallait former
un flux important d’agents qui n’avaient aucune base de physique nuclé
aire. A cela, il faut ajouter une certaine méfiance bien compréhensible
devant un risque méconnu et l’action de la contestation anti-nucléaire.
C’est dans ces conditions qu’un programme de formation du personnel
a été mis au point comprenant un stage de radioprotection 1er palier pour
tous les agents, un stage de radioprotection 2e palier pour tous les chefs
de travaux, et un stage de formateur en radioprotection réservé aux agents
assurant la formation 1er et 2e paliers. Chacun des stages fait l’objet d’un
dossier pédagogique régulièrement mis à jour de façon à le rendre plus
concret.
Ce dispositif de formation a été complété par l'édition de documents
écrits ou audiovisuels : deux notices bleues correspondant au niveau 1er
et 2e paliers ; un guide pratique en radioprotection à l’usage des cadres
(ce guide permet de répondre sous forme de recommandations aux ques
tions posées par les exploitants en précisant la doctrine définie par la
direction du service), et un carnet de prescriptions qui rappelle l’essentiel
des éléments généraux dispensés lors de la formation.
VOL. 21 · N° 1
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R. DOLLO
En période d’arrêt de tranche, il est fait appel à un personnel extérieur
important (en moyenne 500 personnes pour un arrêt normal). Il n’aurait
pas été possible au chef de centrale d’assumer correctement sa respon
sabilité légale de chef d’établissement sans garantir que ce personnel
d’entreprise possède une formation convenablement adaptée lui per
mettant de s’intégrer harmonieusement dans l’organisation mise en place.
En vue de garantir une homogénéité de formation, les entreprises
offrant des services de formation et les entreprises assurant la formation
de leur personnel se sont vues proposer, sur leur demande, les mêmes
supports pédagogiques des stages donnés aux agents EdF. Réguliè
rement, des rencontres entre responsables EdF et les formateurs de ces
entreprises sont organisées pour faire le point des difficultés et bénéficier
d’un retour d’expérience.
A l’heure actuelle on peut estimer l’existence d’une trentaine d’orga
nismes de formation ayant formé 20 000 agents d’entreprises bénéficiant
d’un niveau comparable à celui des agents des centrales. Ce niveau de
connaissances est vérifié afin de délivrer au personnel la carte d’accès en
zone contrôlée. Bien entendu, le système a ses limites du fait de la mo
bilité des intéressés et l’assistance technique de la section “ SécuritéRadioprotection” est mise à l’épreuve pour des chantiers délicats. Afin
de faciliter le contrôle de la régularité de la situation de l’agent et de son
entreprise par rapport à la réglementation, nous recommandons l’usage
du carnet individuel de radioprotection édité par le GIIN (Groupement
intersyndical de l’industrie nucléaire). Les premières pages de ce carnet
concernent l’identité de l’agent, la formation reçue, son suivi médical.
La recherche de simplicité et d’homogénéité du contenu de la forma
tion a été considérablement facilitée par un effort de standardisation des
procédures et des matériels utilisés dans les différentes centrales. Il faut
citer :
- l’utilisation généralisée à toutes les centrales du dosimètre électro
nique doté d'un clignotement lumineux dont la fréquence est propor
tionnelle au débit de dose ;
- la création d’un appareil portable de chantier destiné au contrôle de la
contamination atmosphérique en aérosols β en présence d’un bruit de
fond y dont la mise en place et l’interprétation des résultats sont sim
plifiées afin de faciliter la tâche du chef de travaux.
Dans le domaine de la conception, profitant de l’identité des tranches
et de leurs méthodes d’exploitation il faut citer l’aménagement des contrôles
d’accès et de sortie de zone contrôlée, particulièrement le passage rendu
obligatoire par des portiques de contrôle d’absence de contamination
et l’utilisation d’un système de recueil automatique de doses d’interven
tion. En effet, pour progresser dans la réduction des doses, il ne suffit pas
de bien connaître les conditions d'intervention, il faut pouvoir assurer, en
retour d’expérience, une analyse critique des résultats de façon à repérer
les interventions coûteuses en dose.
En sortant de la zone contrôlée, l’agent frappe sur le lecteur de sortie
le code représentatif du chantier sur lequel il vient de travailler.
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RADIOPROTECTION
INTERVENTION DES ENTREPRISES EXTERIEURES DANS LES CENTRALES NUCLEAIRES D'EdF
3.2. Dosimétrie des agents d’entreprises
Les problèmes de dosimétrie et de contrôle de la contamination in
terne appartiennent, en principe, à l’employeur. Cependant, pour faciliter
les relations EdF-entreprises et éviter toute ambiguïté, les dispositions
suivantes ont été prises :
- l’agent d’entreprise doit se présenter muni de son film dosimètre fourni
par le Service central de protection contre les rayonnements ionisants
(SCPRI) dépendant du Ministère de la Santé. Par contre, la centrale four
nit systématiquement le dosimètre à lecture directe et met à disposition
de l’entreprise les résultats de la dosimétrie journalière ;
- les agents d’entreprises passent systématiquement un contrôle anthropogammamétrique à leur arrivée sur le site et à leur départ. Le but de ce
contrôle est essentiellement de pouvoir apporter la preuve qu’il n’y a
pas eu de contamination interne significative lors de l’intervention, et
non d’assurer un suivi de ces agents. Toute anomalie décelée à l’oc
casion de ce contrôle est communiquée au médecin du travail de l’en
treprise par le médecin du travail de la centrale.
CONCLUSIONS
Les premiers résultats présentent un caractère encourageant mais
la radioprotection est un domaine dans lequel il faut sans cesse persévérer.
La dose requise pour certains chantiers, par exemple celui des géné
rateurs de vapeur, apparaît importante et risque, dans l’avenir, de poser
des problèmes aux entreprises par l’utilisation d’un personnel à une tâche
spécialisée et répétitive. Cependant, des progrès dus à de nouveaux ou
tillages peuvent encore être attendus dans ce domaine. La lecture des
comptes rendus des Comités spéciaux d’hygiène et de sécurité (CSHS)
regroupant les exploitants EdF et les représentants des entreprises exté
rieures (responsables des entreprises ou représentants du personnel)
apporte des éléments de réflexion.
Du point de vue élémentaire mais fondamental du respect des normes
individuelles, on signale peu ou pas de dépassements de limite de dose
ou de contamination interne significative (1 cas à la centrale de Tricastin).
Cependant, si aucun accident grave n’est à déplorer pour cause d’irradia
tion ou de contamination, dans le domaine de la sécurité classique les
faits sont alarmants. Trop d’accidents sont survenus les années passées :
beaucoup de blessures aux yeux et aux mains par l'absence du port des
protections individuelles, et surtout pour l’année écoulée, 4 accidents
mortels dont un d’origine électrique, un par chute lors d’une opération
de décoffrage, un par écrasement par un tracteur et le dernier par suite
de l’explosion d’une chaudière auxiliaire.
C’est pourquoi le département Sécurité-Radioprotection du Service
de la production thermique va lancer dans le domaine de la sécurité plu
sieurs actions :
1. Création de documents pédagogiques dont l’esprit et la forme rap
pellent ceux de la radioprotection
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VOL. 21 · N° 1
R. DOLLO
2. Modification progressive du stage de formateur en radioprotection
en intégrant la partie consacrée à la sécurité classique
3. Meilleure définition du rôle de chef de travaux, de chef de consignation
et de surveillant de travaux. Comme pour la radioprotection, ces docu
ments seront fournis aux entreprises de formation du personnel extérieur.
Une excellente formation favorise la motivation du personnel. La
formation et la qualification du personnel d’intervention jouent un rôle
fondamental
qualité-fiabilité ; sécurité-radioprotection. L’expérience
montre que l’amélioration de l’un des facteurs entraîne presque automa
tiquement un progrès sur les autres.
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IP-HOP
Le term e «hip -hop» d ésigne un courant culturel (un «m ouvem ent») qui regroupe trois d éfinitions d u m ot «culture» : un ensem ble d 'oe uvres, un style d e vie et une id éologie (Passeron, 1991). Avec le rap, les tags et le graf et la d 'expression break d ance, le hip -hop com bine les principaux m od es artistique : m usique, textes, peinture, d anse. Des «d isciplines» habituellem ent séparées sont ainsi réunies d ans un style relativem ent unifié, et fréquem m ent associées d ans la pratique. La séparation trad itionnelle entre public et créateur est égalem ent rem ise en cause. À l'origine au m oins, pas d e lieu spécialisé com m e les salles d e spectacles ou les galeries d 'exposition, m ais la rue et les espaces publics. Pas d e spectateurs passifs, m ais d es interventions à tour d e rôle où chacun peut se succéd er pour exécuter une figure d e d anse ou im proviser au m icro. Apparem m ent spontanée et faiblem ent organisée, la pratique d u hip -hop n'en est pas m oins régie par d es logiques qui lui sont propres, com m e celles d e la perform ance et d u d éfi. La perform ance peut être physique, com m e d ans la break d ance. Pour les taggers et graffers, elle consiste à atteind re les end roits les plus d ifficiles d 'accès. Dans le rap, elle tient à la virtuosité d ans l'im provisation en rim es ou la rapid ité d 'élocution («flow »). Le d éfi prolonge cette logique d e la perform ance. C'est tout particulièrem ent le cas d ans la break d ance, où chacun est invité à m ontrer ce d ont il est capable («tu peux le faire!») et à surenchérir. Le rap consiste pour une part en d es joutes verbales. Quant aux tags, ils peuvent constituer un d éfi lancé non seulem ent à la surveillance policière m ais aussi et surtout aux autres taggers. 2 Outres les attitud es vestim entaires, langagières ou corporelles et l'ensem ble d es règles qui spécifient un «style d e vie», le hip -hop se d éfinit ainsi par un d iscours et une vision d u m ond e relativem ent form alisés. Dans cette id éologie, le récit d es origines tient une place im portante. Elles rem ontent aux années 1970, d ans les quartiers noirs d es grand es villes am éricaines et d e N ew York en particulier. Des figures m ythiques, com m e le rapper Afrika Bam baataa, m ettent alors l'«id éologie hip -hop» en form e. Résum ons-là (très) schém atiquem ent . Elle procèd e d e l'affirm ation d es N oirs am éricains face à la d om ination blanche, rem ettant en cause la prétend ue universalité d e la culture d 'origine européenne et prom ouvant d es valeurs et form es culturelles alternatives. Elle consiste égalem ent à rend re positive et créatrice l'énergie collective d es gangs. Cet assem blage original d e créations esthétiques, d 'un style d e vie et d 'orientations id éologiques a été im porté en France (com m e ailleurs en Europe) à partir d u d ébut d es années 1980. C'est alors plus qu'une m od e am éricaine parm i d 'autres qui a connu le succès. Au -d elà d e l'im itation d 'un style venu d 'outre-Atlantique, le succès d u hip -hop tient en effet à sa réinterprétation d ans d es enjeux et d es usages locaux. Phénom ène urbain, le hip -hop a trouvé d ans les banlieues françaises un terrain d e d iffusion privilégié. Expression de m inorités socialem ent et culturellem en t reléguées d ans les régions inférieures d e la société, il a été investi en particulier par d es jeunes d 'origine im m igrée qui ont pu y trouver une alternative au choix im posé entre la culture d 'origine d e leurs parents et la 3 culture française légitim e. À l'instar d es «fond ateurs» am éricains, les prom oteurs français d u hip -hop ont pu «retourner les stigm ates» (E. Goffm an) d ont ils étaient porteurs, en valorisant et arborant d e m anière ostensible les m arques d 'appartenance aux «cités», par exem ple. Ils ont pu à leur tour tenter une inversion d es hiérarchies culturelles (critique d es institutions d e la culture légitim e, affirm ation d u hip -hop com m e innovation esthétique m arquante, etc.) d ont le verlan constitue en quelque sorte le prolongem ent linguistique. Il faut cepend ant se gard er d 'une vision exagérém ent hom ogénéisante d e la «culture hip -hop». Des d issensions internes et d es évolutions s'y révèlent, com m e d ans toute form e d e culture. Les sources d 'inspiration et les m od es d 'expression peuvent ainsi varier. Le rap puise d ans le funk, le d ub ou le rock, utilise d es instrum ents «trad itionnels» (basse, batterie, claviers) ou seulem ent d es platines et d es échantillonneurs. La break d ance se confond avec le sm urf, ou em prunte aux d anses africaines, à la capoïera brésilienne, au buto, ou encore à la d anse contem poraine. Elle repose sur l'im provisation ou fait l'objet d e chorégraphies. Ces d ifférences et évolutions d e style peuvent être rapportées à d eux axes autour d esquels se d éploient les stratégies culturelles d u hip -hop. Le prem ier tient à la plus ou m oins grand e ouverture à d 'autres form es culturelles, d u m étissage tous azim uts à la recherche puriste d e l'authenticité d es origines. Le second renvoie à la plus ou m oins grand e d istance à la culture légitim e et à ses institutions, d u rejet aux tactiques d 'intégration. Dans le rap d u m ilieu d es années 1990, le d iscours volontiers provocateur d u groupe N TM et les alexand rins d 'un MC Solaar 4 d éclarant son goût pour Ronsard ont pu m arquer les pôles d e cette opposition. Ces d eux axes stratégiques se recoupent pour partie, d ans la m esure où le purism e s'associe volontiers au rad icalism e culturel, et où l'«ouverture» culturelle perm et d e se rapprocher d es form es savantes d e culture. De la position sur chacun d e ces d eux axes d épend ent d es m od es d e d iffusion et, notam m ent pour le rap, d es stratégies com m erciales d ifférents. Des possibilités inégales d 'intégration d ans les circuits d e l'intervention publique et d es institutions culturelles en d écoulent égalem ent. Consid éré com m e un élém ent m ajeur d es «cultures urbaines», le hip -hop trouve en effet sa place d ans d es d ispositifs d 'action publique et d es institutions culturelles d epuis la fin d es années 1980. Deux élém ents principaux ont rend u cette prise en com pte possible. Tout d 'abord, l'essor d u hip -hop et son succès auprès d es «jeunes d es cités» coïncid e avec l'ém ergence d e la «politique d e la ville», visant à renforcer l'intégration sous toutes ses form es d es habitants d es «quartiers d éfavorisés». Le hip hop a pu occuper une place privilégiée d ans le volet culturel d e cette nouvelle politique : non seulem ent il d isposait d 'une base sociale im portante m ais d e plus, les valeurs d ont se réclam ent (une part d e) ses prom oteurs (respect, tolérance, d ignité, etc.) se trouvaient en affinité avec l'orientation d e l'action publique. La Délégation interm inistérielle à la ville, le Fond s d 'action sociale d 'aid e aux im m igrés, d es collectivités locales ont ainsi favorisé d es projets concernant le hip -hop sous ses d ifférentes form es. 5 C'est par ailleurs d u côté d e la politique culturelle gouvernem entale qu'il faut chercher les raisons d e cette prise en com pte. Tout d 'abord, l'orientation «relativiste» et le d iscours d e la «d ém ocratie culturelle» d iffusé d epuis le d ébut d es années 1980 ont ouvert le cham p d e la politique culturelle à cette culture «m inoritaire», «populaire» et, qui plus est , «jeune». L'action culturelle publique a ainsi activem ent contribué à la prod uction d u hip -hop com m e une «culture». Ensuite, la périod e d e la fin d es années 1980 et d u d ébut d es années 1990 se caractérise par la recherche d e nouvelles form es d e légitim ation d e l'intervention culturelle publique. Celles-ci sont en particulier trouvées d ans l'affirm ation d u rôle proprem ent social d es politiques culturelles, d ont les «projets culturels d e quartier» - qui font une large place au hip -hop - sont l'une d es m anifestations. De ces origines com posites, ce traitem ent public conserve la trace d ans d es logiques d 'action hétérogènes, quoique souvent m êlées. Organiser u ne form ation à la break d ance ou un concours d e rap peut être envisagé com m e une technique d u travail social à d estination d es jeunes «d éfavorisés». Le hip -hop constitue alors un équivalent fonctionnel d u football, perm ettant d e «canaliser les énergies» d e ces «nouvelles classes d angereuses», et-ou un m oyen d e fournir une occupation et parfois un stage à d es jeunes en m al d 'insertion professionnelle. Le «civism e» et le «renouveau citoyen» professés d ans les program m es d e la politique d e la ville cond uisent par ailleurs à prom ouvoir au travers d u rap une form e d e «prise d e parole» et d 'expression publique - ce que facilite l'im portance d es thém atiques socio-politiques d ans les textes d es rappers. Des logiques plus d irectem ent culturelles interviennent égalem ent : renouveau d es stratégies d e d ém ocratisation culturelle (am ener d ans un m usée ou un 6 théâtre d es jeunes qui n'y sont jam ais allés par le biais d 'une exposition d e grafs ou d 'un spectacle d e break d ance) ; stratégies d e «réhabilitation culturelle» visant à d ém ontrer la valeur d 'une culture populaire. L'intégration d u hip -hop d ans les d ispositifs d 'action publique et, plus encore, d ans les institutions culturelles ne va pas pour autant d e soi. Elle est loin d e faire l'unanim ité parm i les responsables d 'institutions culturelles, et a d onné lieu à d 'intenses polém iques d ans la presse et les d ébats sur la culture. De plus, cette intégration s'opère d e m anière sélective, en fonction d es logiques et d es règles d e l'action publique plus que d e celles d u hip -hop. Ainsi d ans les program m es liés à la politique d e la ville, le soutien est-il en partie cond itionné à un engagem ent «social». Les relations avec les institutions culturelles sont quant à elles largem ent subord onnées à l'«ouverture» artistique d ont les acteurs d u hip -hop savent faire preuve. Ainsi une com pagnie d e break d ance a -t-elle d 'autant plus d e chances d 'accéd er à la scène qu'elle a su s'approprier les cod es d e la culture chorégraphique savante. Com m e toujours, le «m élange d es cultures» et l'échange entre culture savante et culture populaire ne s'opèrent que d ans les lieux, les m om ents et sous les form es choisis et prescrits par les acteurs d e la culture légitim e ou, pour le d ire com m e Jean-Claud e Passeron, com m e l'exercice d 'un d roit de cuissage sym bolique. Au total, le succès d u hip -hop et son traitem ent d ans d es politiques - culturelles ou autres - illustrent plus généralem ent les d ilem m es et contrad ictions d e la reconnaissance d es cultures populaires. Le hip -hop d oit une part d e l'attention qui lui est portée au fait qu'il perm et la m anipulation d e stéréotypes qui viennent fournir à la vision d om inante 7 un repère d ans la «culture d es jeunes d e banlieue» d ont rien ne prouve qu'elle s'y résum e - quand bien m êm e une part d e ceux qui sont ainsi stéréotypés se réapproprient les clichés qu'on leur accole. Par ailleurs, la reconnaissance sociale et culturelle et l'institutionnalisation qui s'ensuit ne sont pas sans conséquences sur les form es et les pratiques culturelles elles m êm es. Elles transform ent les m od es d e transm ission, qui changent d e statut (suivre une form ation, ce n'est pas échanger d es «trucs» entre soi). Elles m od ifient la représentation et le rapport au public, d ans le passage «d e la rue à la scène», ou au m usée. Elles favorisent une re-spécialisation d es pratiques (il est d ifficile d 'être reconnu à la fois com m e d anseur, m usicien, plasticien). C'est d ès lors la question d e la survie d u hip -hop com m e form e culturelle (relativem ent) autonom e qui se trouve posée, d ans les term es d 'un d ilem m e entre le m aintien d e l'id entité culturelle, au risque d e la m arginalisation, et les com prom is (esthétiques, politiques ou com m aux) au risque d 'une d isparition par assim ilation progressive *. Vincent Dubois * Je remercie Pierre-Alain Four pour les très utiles documents qu'il m'a fournis en vue de la rédaction de cette notice. 8 Bibliographie.
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Détermination numérique de la distribution des concentrations ponctuelles au foyer des concentrateurs à fac R
concentration au foy à facettes R. Dans cette étude de détermination numérique de la distribution des concentrations ponctuelles au foyer de réflecteurs solaires, on décrit le support théorique à un programme de calcul applicable à des concentrateurs constitués de facettes de forme et de concavité quelconques, utilisant une réflexion du rayonnement incident. Le réflecteur est considéré comme une source de luminances et c'est par intégration sur sa surface des flux parvenant aux « points d'étude » que l'on détermine la concentration en ces points. La modélisation d'un miroir réel a été rendue possible car tous les paramètres définissant la facette et son positionnement peuvent être affectés d'erreurs de distribution aléatoire gaussienne. En dernier lieu est présenté un exemple d'application du modèle de calcul mis au point. This study, concerned with the numerical determination of local concentration distribution in the Abstract focal zone of solar reflectors, describes the theoretical basis of a computer program adapted to concentrators constituted with elementary mirrors of any shape and concavity, using one reflection of incident rays. The reflector is assimilated to an intensity source and the local concentration is calculated by integration on its surface of the flux reaching the « study point ». The modelization of a real concentrator is possible because all the characteristic parameters of the elementary mirror and its position can be altered with errors following Gaussian distributions. Lastly, the result of an application of this numerical program is given as an example. -
Introduction
Dans la réalisation d'un capteur à concentration du rayonnement solaire, le plus délicat réside généralement dans la fabrication du réflecteur. En l'état actuel des techniques, l'obtention de surfaces réfléchissantes de grande superficie est en effet difficile et chère dès qu'un minimum de précision est requis. Pour des oirs de grande dimension, la fragmentation est nécessaire (four solaire de Font Romeu [lJ, projet Pericles [2]). Le calcul des densités de flux, au foyer d'un « réflecteur fragmenté », ne nécessite généralement pas, sauf, par exemple, effet d'interstice important, la prise en compte de la fragmentation du concentrateur. Dans le cas des capteurs THEK [3-5], développés dans notre laboratoire, il s'agit de facettes triangulaires planes, accolées sur des supports paraboliques. Le support théorique à un programme de calcul, mis au point pour l'étude des performances optiques des concentrateurs utilisant une réflexion du rayonnement solaire, est décrit dans le paragraphe 1. Le concentrateur et les facettes qui le couvrent peuvent être d'ouverture et de concavité quelconques. La modélisation d'un réflecteur réel a été rendue possible en engendrant, de manière aléatoire gaussienne, des approximations dans le positionnement des facettes et des erreurs dans leur réalisation. Il est tenu compte de la non-ponctualité de la source ainsi que de la nonuniformité de la distribution de sa luminance. Dans le paragraphe 2 est présenté un exemple d'application du modèle mis au point : nous avons déterminé, pour diverses positions du soleil, la distribution des concentrations ponctuelles au foyer d'un capteur à concentration linéaire de l'énergie, dont le concentrateur est composé de facettes planes ou cylin- driques.
1. Le support théorique. 1.1 FORMULATION INTÉGRALE DE LA CONCENTRATION.
Eclairé par le soleil, le réflecteur se comporte luimême comme une source de rayonnement dont on va - Article published online by EDP Sciences and available at http://dx.doi.org/10.1051/rphysap:01984001906045500 456 d'abord supposer connue la distribution des luminances ; la théorie des transferts radiatifs permet alors de formuler l'éclairement sur une surface élémentaire. Ainsi, soit (Fig. 1) S une facette de point courant P et de vecteur unitaire normal Np et NA le vecteur il vient : plus simplement, si l'on suppose s'exprimer sous forme explicite en z : ou, que S peut avec Dans (1) il faut maintenant exprimer la distribution des luminances I,P,A en fonction de celle Ly du soleil. LY est symétrique de révolution et non nulle si l'angle y est compris entre 0 et ys, le demi-angle d'ouverture du soleil. Soit ul le vecteur unitaire qui, après réflexion en P, se trouve en u'. Les lois de la réflexion spéculaire conduisent à l'expression vectorielle suivante : Si u est le vecteur unitaire issu du centre du disque solaire et orienté vers P, on a, au facteur de transmission de l'atmosphère près, et avec y1 (u, u1) : =.
1. - Schéma de définition de la facette dans [Definition son schema of the mirror in its coordinate repère. system.] p etant e acteur e re exion, suppose omni.'e - tionnel, du miroir. t unitaire normal à la surface élémentaire d'étude centré A. L'éclairement 0 en A s'exprime sous la forme d'une intégrale dans l'angle solide 03A9 sous lequel le point A voit S. Avec Lp,A la luminance en P vers A et u' le vecteur unitaire du segment de droite PA : en La concentration C en (A, NA) est égale au rappor de l'éclairement q5 sur la surface élémentaire d'étude à celui, H, reçu au sol perpendiculairement au rayonnement solaire incident. Or, au facteur de transmission de l'atmosphère près : (avec L03B3 la valeur moyenne de Ly sur le disque solaire). Finalement, d'après (1), (6), (8) et (9), et en posant : Une telle intégrale peut se ramener à une intégrale double dans un domaine plan. Dans le repère Oxyz de vecteurs unitaires i, j, k, avec dS.y la projection de la surface élémentaire dS dans le plan xy et sachant que : il vient : Si l'on ne tient pas compte de la distribution des 1. Dans luminances sur le disque solaire, g(y/ys) le cas contraire, il existe plusieurs formulations, par exemple, celle utilisée en (6) : = (en supposant (') V : opérateur hamiltonien. 457 Comme proposée en [7, 8], nous avons par P. D. José 1.2 DÉTERMIN
ATION
retenu
l'
expression [9] : DE LA CONCENTRATION POUR UN ENSEMBLE DE FACETTES. - L'expression (11), qui ne restreint pas la généralité de notre démarche, présente une forme bien transcriptible du point de vue informatique : il s'agit, à un facteur de proportionalité près, de l'intégrale numérique sur un domaine plan, a priori quelconque, d'une fonction f(x, y) dépendante de grandeurs elles-mêmes fonction de point sur le domaine d'intégration. Cinq fonctions et un ensemble de paramètres F servent à la définition effective de la facette dans un repère, dont le choix n'est soumis qu'à la condition admise en (3); les trois premières permettent une caractérisation de la concavité et les autres celles de l'ouverture : tendre à la qualité des appareils d'optique traditionnelle. Il est donc impératif, dans les calculs des concentrateurs à facettes, de tenir compte des tolérances de fabrication de ces facettes et de la qualité optique des miroirs utilisés. La prise en compte de la qualité optique du miroir peut, en première approximation, s'effectuer en majorant l'angle d'ouverture du soleil 2 ys, alors qu'un calcul exact nécessiterait la connaissance des indicatrices de réflexion (fonction de l'angle d'incidence). Plus commodément, on caractérise habituellement la dispersion d'un miroir en supposant qu'indépendamment de l'angle d'incidence, le facteur de réflexion directionnel 03C10394r est une fonction de l'angle Or, égal à la déviation du faisceau réfléchi par rapport à sa direction spéculaire. Dans cette hypothèse, on peut envisager de substituer à la distribution des luminances g(y/ys) Ly sur le disque solaire une distribution fictive g'(y/ys) traduisant les phénomènes de dispersion. Il a été montré [10] que, dans les cas les plus simples, on avait une distribution des 03C10394r de type gaussien. La facette est, en général, une figure géométrique simple dont on peut faire apparaître les grandeurs caractéristiques dans l'ensemble F1 des valeurs intervenant dans la définition de la facette indicée 1. La en compte des tolérances de fabrication peut donc s'effectuer en substituant à l'ensemble F, un ensemble F' contenant les valeurs initiales affectées d'erreurs engendrées aléatoirement à l'intérieur des tolérances. Nous avons opté pour une loi de distribution gaussienne de ces erreurs. L'ensemble F' est engendré d'après F, et deux autres ensembles de valeurs contenant, d'une part, les valeurs moyennes des erreurs et, d'autre part, les écarts-types correspondants. ensemble de facettes, il est nécessaire de les résultats obtenus en (A, NA). Pour suivre la démarche ci-dessus définie, il suffit d'effectuer chacun des calculs élémentaires dans le repère propre à chacune des facettes. On supposera ces repères choisis de telle manière que la caractérisation de ces facettes puisse s'effectuer d'une manière sinon identique (si les facettes ne le sont pas), du moins similaire, une telle hypothèse étant d'ailleurs peu restrictive du point de vue informatique. Ainsi, seul l'ensemble des paramètres F sera considéré propre à chaque facette. Avec (0, i, j, k), le repère de la facette indicée 1 et (0, i, j, k) le repère du réflecteur, dans le programme numérique mis au point, les coordonnées du point origine 01 et les angles (i, proj,,y i,), (i, proj,,y ki) et (k, k1) servent au positionnement des facettes sur le Pour un sommer concentrateur (3).
1.3 PRISE EN COMPTE DES TOLÉRANCES DE FABRICA
En héliotechnique, les contraintes économiques sont telles que les réflecteurs ne peuvent pré- TION. - (2) max, min : valeurs maximales et minimales de. (3) proj,,y : projection de, sur le plan Oxy. [11] d'après : où les Wm sont des nombres pseudo-aléatoires entre 0 et 1. Concernant le positionnement des facettes, nous avons rendu possible la prise en compte de défauts d'orientation en inclinant de manière aléatoire gaussienne les repères de chacune des facettes. Ainsi, au repère (0, i, j, k), on substitue un repère (0, i', j', k')1 tel que l'angle (k,, k'1) soit engendré aléatoirement dans un plan de rotation défini, ou lui-même engendré de manière purement aléatoire. Fixer le plan de rotation est intéressant pour les capteurs à concentration linéaire de l'énergie ; dans le cas général, avec 0 un angle aléatoire entre 0 et n définissant ce plan et e l'angle d'erreur : 458 (i1, k, A k'1) (Mod 03C0) (4). repère (0, i', j', k'), étant défini, on exprime dans ce repère le vecteur u, les coordonnées de chacun des points d'étude A et les composantes des vecteurs NA. L'intégrale (11) est ensuite calculée numériquement d'après une méthode de Simpson à pas variable permettant un contrôle de la précision demandée au où 0 Le = calcul.
2. Un exemple d'application. Ce modèle de calcul nous a d'abord permis une étude détaillée des facettes habituellement utilisées en Energie Solaire : sphérique, cylindrique, tronconique et plane [12]. Les résultats présentés ci-dessous sont relatifs à un capteur dont un prototype, dénommé « structure rigide à lames orientables », a été développé et réalisé au Département d'Héliophysique dans le cadre d'une convention de recherche [13]. Il s'agit d'un capteur à concentration linéaire de l'énergie, orienté Est-Ouest, dont le concentrateur est constitué d'un ensemble de dix lames mobiles r axe et de lar eur D é ale à 0,15 m; ces axes, horizontaux et distants de 0,2 m, se situent dans un plan incliné de 10°. La chaudière inclinée à 25° est quasiment au sol ; son axe est parallèle aux lames et situé à 2 m en avant du réflecteur. Le réflecteur est actuellement équipé de lames planes; nous avons essayé de mettre en évidence l'intérêt de l'utilisation de lames légèrement concaves. A cet effet, nous avons utilisé le modèle dont le support théorique a été décrit au paragraphe 1, en considérant des facettes cylindriques de rayon fini et infini. La difficulté rencontrée ici, qui n'est d'ailleurs pas spécifique au capteur étudié, réside dans la possibilité d'effet d'ombre interfacettes, à l'incidence comme à l'émergence. Pour contourner cette difficulté, il suffit, préalablement à la détermination des concentrations ponctuelles, de déterminer, pour la position envisagée du soleil, la surface efficace de chacune des facettes. Dans le cas du capteur étudié, le calcul de la largeur efficace est élémentaire en raisonnant dans le plan méridien et sachant que les distances interfacettes sont négligeables par à leur rayon. Figures 2 et 3 sont présentées les résultats obtenus, c'est-à-dire pour diverses directions du soleil caractérisées par les angles d'azimut et de hauteur a et h, la distribution des concentrations ponctuelles au (4) Mod : modulo. Concentrations au foyer de réflecteurs à lames
Fig. 2. cylindriques et planes pour deux angles de hauteur du soleil. - [Local concentrations tuted with cylindrical on or the focal area of reflectors constiflat mirrors for two solar altitude angles.] Concentrations au foyer de réflecteurs à lames Fig. 3. cylindriques et planes pour deux angles d'azimut du soleil. - [Local concentrations on the focal area of reflectors constituted with cylindrical or flat mirrors for two solar azimuth angles.] entre - 2 D/3 et + 2 D/3, pour des concentrateurs constitués de facettes planes et cylindriques. foyer, On a considéré un demi-angle d'ouverture du soleil 459 de 18' pour tenir compte de la qualité optique du miroir. La tolérance de réalisation de la facette a porté sur son rayon (5 m ± 0,5 m) et la tolérance angulaire sur les normales aux facettes a été prise égale à ± 0,25°.
A
Marseille et au midi solaire :
Figure 2 : Solstice d'été (a 0°, h 70,1 °) Solstice d'hiver (a 0°, h 23,2°). 3 : h Equinoxes (a = 0°, 46,7°) Figure Equinoxes (a = 45°, h 36,90) à 14 h 18'. = = = = =
L'utilisation de lames cylindriques permet donc de doubler, approximativement, la concentration géométrique mais entraîne l'apparition de concentrations ponctuelles maximales sensiblement supérieures à celles obtenues avec des lames planes. On remarque également, de manière qualitative, que la distribution des concentrations ponctuelles correspondant aux lames planes présente, en fonction de la position du soleil, une meilleure « stabilité ». Une telle constatation peut être étendue aux défauts de pointage et pour le mettre en évidence, nous avons initialisé différemment le générateur de nombres aléatoires. On peut ainsi comparer, figure 4, un des résultats obtenus (courbe en pointillés) avec celui précédemment présenté pour le solstice d'été. Bien que peu représentatif, car trois angles d'inclinaison sur dix excèdent ici la valeur de deux écarts-types, ce dernier résultat ne doit pas surprendre et n'est pas dénué de signification physique, compte tenu du faible nombre de facettes et de la tolérance angulaire relativement importante qui a été retenue.
3.
Conclusion. La fabrication répétitive des facettes devant constituer à terme une solution économique, il est de s'intéresser aux réflecteurs pouvant résulter de leur assemblage. Dans cette optique, le modèle que nous Fig. 4. - Concentrations cylindriques de et planes au foyer de réflecteurs à lames pour deux distributions des angles pointage. [Local concentrations on the focal area of reflectors constituted with cylindrical or flat mirrors for two tracking angle distributions]. mis au point constitue un outil permettant leur caractérisation théorique mais également l'étude de l'incidence des imprécisions de réalisation par simulation de miroirs réels. Par rapport à divers travaux traitant de problèmes similaires (ainsi [14]), notre approche apparaît comme d'une grande généralité puisque non spécifique à un réflecteur particulier; en contrepartie, et notamment si on la compare aux algorithmes qui ont pu être élaborés pour l'étude des champs d'héliostats (ainsi [15-18]), elle est certainement plus lourde, mais peut toutefois prétendre à une meilleure précision. avons
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Mise en place et application de normes et règlements pour les étiquettes nutritionnelles concernant l’utilisation des allégations et des allégations implicites sur les aliments).
2. L’environnement alimentaire
Créer un environnement qui favorise des choix alimentaires plus sains et plus durables. Promotion d’une offre alimentaire saine, et établissement de normes dans les établissements publics et autres milieux particuliers. Utilisation d’outils économiques pour régler les problèmes liés à l’accès à des aliments plus abordables et aux incitatifs d’achat. Restriction de la publicité sur les aliments et des autres formes de promotion commerciale. Etablissement d’incitatifs et de règles visant à créer un environnement alimentaire sain dans les secteurs de la vente au détail et des services alimentaires.
3. Le comportement des consommateurs
Permettre aux habitants du Haut Maroni de faire des choix alimentaires avises. Information auprès du public en matière d’alimentation et de nutrition par le biais d’une sensibilisation. Conseils et orientation sur la nutrition dans les milieux de soins de santé. Amélioration de l’éducation et des compétences en nutrition. Nous avons présenté ces cadres de réflexion et d’action lors des restitutions de la recherche à Maripasoula et au niveau de la Région. Ils ont semblé être parlants pour les acteurs institutionnels présents, permettant de structurer l’analyse et projeter des actions selon les différents secteurs de responsabilité secteur de responsabilité. Chaque domaine d’action peut englober diverses actions concrètes. Par exemple, dans le contexte canadien : « Améliorer la disponibilité des aliments nutritifs acceptables et abordables » a été 85 traduit par la mise en œuvre d’une politique facilitant l’offre de viandes de gibier traditionnel dans les écoles et d’un système de classement nutritionnel pour l’achat d’aliments et de boissons par les installations publiques
Snelling, 2017, p. 11). Ces cadres d’action sont également en cohérence avec un certain nombre de recommandations du rapport de l’expertise sur l’état nutritionnel et l’alimentation des populations françaises ultramarines (Méjean et al., 2020), menée dans le but de décliner le Plan national Nutrition Santé dans les Outre-mer. Voir l’annexe 10 pour une sélection des recommandations du rapport de l’expertise portant sur le système alimentaire. Le modèle du système alimentaire et le cadre NOURISHING seraient à adapter au contexte du Haut Maroni. Les actions à envisager sur les chaînes d’approvisionnement devraient tenir compte de la très grande importance de la production vivrière et des spécificités du système d’activité des ménages. En effet, les habitants du territoire sont autant des producteurs que des consommateurs alimentaires. De même, il faut souligner l’intérêt de soutenir le développement de la production et de la transformation agricoles sur la commune de Maripasoula plus largement.
6.3 La faisabilité et l’impact des actions sur le système alimentaire
La littérature scientifique abonde d’exemples de programmes qui visent à promouvoir des systèmes alimentaires sains et durables dans différents contextes. Par exemple, FAO (2012) présente un ensemble de recherches et d’études de cas montrant des exemples de politique ou d’action pour promouvoir la biodiversité et des régimes alimentaires durables avec une série de recommandations politiques basée sur la capitalisation de ces expériences. Une série de 12 études de cas de systèmes alimentaires de populations autochtones en Amérique du Nord, Amérique du Sud, Asie et Micronésie permet d’identifier les types d’intervention qui sont faisables pour promouvoir des systèmes alimentaires endogènes et les stratégies pour les évaluer (Kuhnlein et al., 2006 ; Kuhnlein, Erasmus et Spigelski, 2009). Des expériences spécifiques montrent la faisabilité et l’impact des actions, mais pointent aussi la complexité et le coût de leur mise en œuvre. Un exemple est un programme de valorisation des variétés de fruits et légumes anciennes pour faire face à une transition alimentaire des États fédérés de Micronésie, avec des conséquences sur la santé et l’économie, (Englberger, 2011). Une revue systématique de la littérature a rassemblé des données sur l’impact de 78 interventions visant à promouvoir la santé des populations autochtones en Australie, au Canada, en Nouvelle Zélande et aux États-Unis, classées par domaine d’action du cadre NOURISHING, et sur les conditions de leur réussite. Les résultats montrent des effets positifs sur les comportements alimentaires et des impacts sur la santé, mais également les limites des interventions en terme de l’échelle et de la durabilité de leurs impacts (Browne et al., 2020). En ce qui concerne les stratégies d’intervention réussies, la revue permet la conclusion suivante : « Les interventions les plus efficaces ont combiné des stratégies pour promouvoir l'abordabilité des aliments, l'approvisionnement en aliments et boissons sains, des systèmes et des environnements de vente au détail d'aliments sains ; et les connaissances et les compétences en matière de nutrition. Les approches ciblées [dirigées spécifiquement vers la population autochtone] étaient efficaces lorsqu'elles étaient dirigées par la communauté, participatives, multidimensionnelles et culturellement pertinentes. Les approches universelles [dirigées vers la population générale] étaient efficaces lorsqu'elles abordaient les structures et les systèmes dans lesquels les gens accèdent à la nourriture » (ibid., p. 1, traduction). Cette revue est particulièrement intéressante pour le cas du Haut Maroni en ce qu’elle les populations autochtones habitant des pays occidentaux. 6.4 Principes d’action
Dans les différents documents cités ci-dessus on trouve des principes d’action communs aux interventions sur les systèmes alimentaires dans divers contextes, y compris auprès des populations autochtones vivant une transition alimentaire semblable à celle des villages du Haut Maroni. Les plus significatifs de ces principes semblent être les suivants : Agir ensemble avec la population concernée, du diagnostic jusqu’à l’évaluation, en passant par la conception de l’action et sa mise en œuvre, en se dotant de méthodes de collaboration adaptées localement. Un enjeu très important dans les villages du Haut Maroni serait de trouver ou faire émerger des lieux de rencontre qui favorisent la réflexion et la collaboration, essentielles pour une approche participative. Faire des efforts particuliers pour impliquer la jeunesse dans l’action. Ceci est particulièrement sensible dans les villages du Haut Maroni où la jeunesse semble avoir du mal à trouver sa juste place et qui pourtant décidera de l’avenir du système alimentaire. Travailler en réseau et créer des partenariats avec les acteurs dans différents domaines (santé, agriculture, culture, éducation, jeunesse, etc.), de différents types (services de l’Etat, collectivités territoriales, associations) et à différents niveaux (village, commune, région, État) pour appréhender le système alimentaire dans son ensemble complexe et multiscalaire. Identifier et appuyer des « champions » – des personnes aptes à initier, proposer, promouvoir et défendre des idées et des actions, à fédérer d’autres acteurs et à être des points focaux dans différentes structures et au niveau des communautés. Dans le contexte du Haut Maroni, il s’agirait des capitaines mais aussi des personnels de santé et d’éducation, des leaders naturels parmi les s et les moins jeunes. Identifier et travailler avec les « gardiens » de différents points critiques dans le système alimentaire – les personnes qui, par leur profession ou leur intérêt ou engagement personnels, sont en mesure d’agir en faveur de certaines mesures ou de les entraver. Par exemple, les producteurs, les commerçants ou les responsables de la restauration scolaire. Utiliser une large gamme d’outils – communicationnels, économiques, juridiques, techniques – pour influencer l’environnement alimentaire et le comportement des consommateurs en particulier, de façon concertée. Par exemple, promouvoir des étiquettes interprétatives (type NutriScore) sur les emballages alimentaires auprès des commerçants, et en même temps faire une campagne d’information sur la lecture de ces étiquettes auprès des consommateurs. Mettre un accent fort sur la valorisation sociale des aliments locaux et toutes les pratiques endogènes de prélèvement, production, transformation et préparation. Ce point est particulièrement important dans le contexte du Haut Maroni. Prévoir des changements sur un temps relativement long, car les évolutions dans les systèmes alimentaires sont souvent le résultat de changements structurels d’ordre politique, économique, social et environnemental qui ne sont pas reversés rapidement. En même temps, chercher des interventions qui puissent produire des changements visibles et compréhensibles pour les différents acteurs pour créer une dynamique positive de changement. 6.5 Des pistes d’action et des actions déjà en cours
Lors des différents entretiens, rencontres informelles et restitutions à Antecume Pata, Taluen et Maripasoula, un nombre important de pistes d’action a été proposé par les différents interlocuteurs. Les idées recueillies lors des restitutions sont présentées dans l’annexe 9, regroupées par axe de changement – les chaines alimentaires, l’environnement alimentaire et le comportement des consommateurs – avec une attention particulière au système de production local. Chacune de ces idées mérite d’être considérée, surtout que certaines émanent des habitants des villages. Cependant, il serait important de construire une stratégie globale d’intervention avant de lancer beaucoup de nouvelles initiatives, pour éviter de renouveler des actions parcellaires et peu efficaces. Toutefois, certaines de ces propositions pourraient être réalisées relativement rapidement, sans attendre l’élaboration d’une stratégie globale sur l’alimentation, dans un but de répondre à des demandes formulées par les membres des communautés locales et de construire une dynamique de réflexion et d’action autour de l’alimentation. Nous pensons particulièrement à l’accompagnement des ménages pour développer la production des jardins de carbet – fruits, légumes et petits animaux – sans ambition économique particulière, mais permettant aux ménages d’élargir leur accès aux produits frais et de saison, et de vendre ou échanger d’éventuels surplus de production. Cet accompagnement pourrait prendre la forme d’un diagnostic et d’une élaboration technique participatifs avec un suivi dans la durée afin de s’assurer de sa pertinence et de son appropriation. Il faudra également souligner les initiatives et actions déjà en cours, portées par le PAG, et qui pourraient être poursuivies avec une attention renforcée à leurs effets sur le s Parmi ces initiatives et actions sont les suivantes : Les différentes actions dans les domaines de la conservation des patrimoines naturels et paysagers, la conservation et la valorisation des patrimoines culturels et le développement des zones de vie. La question de l’alimentation fait partie intégrale de ces trois domaines et il y aurait des opportunités d’orienter des activités vers un renforcement du système alimentaire sans forcément créer de nouveaux projets. En effet, il y aura des synergies à trouver par un travail interdépartemental associant le service Développement Durable et le service Patrimoines Naturels et Culturels. La création de la Coopérative d’activités et d’emploi à Maripasoula, avec l’appui du PAG, qui propose à des personnes souhaitant démarrer une activité économique l’accès à un statut juridique et à un accompagnement adapté pour la période de démarrage de l’activité, et qui permet ainsi de contourner un certain nombre d’obstacles à la création d’entreprise sur le Haut Maroni. Des activités dans le domaine de l’alimentation pourraient être favorisées par ce dispositif. Les propositions pour la gestion des ressources naturelles émanant du projet Terra MaKa’andi du PAG, qui sont de grande importance pour le système alimentaire et le système d’activité (Guédon, 2021). Il ne s’agit pas d’attendre une stratégie alimentaire globale pour avancer sur ces propositions, mais de souligner leur importance pour la durabilité du système alimentaire. 6.6 Elaboration d’une stratégie alimentation pour le sud de la Guyane
Lors de la restitution des résultats du stage au siège du PAG le 09/09/2021, les personnes présentes, représentantes de différents institutions au niveau régional, ont validé la proposition de poursuivre le travail du stage en réunissant les différents acteurs compétents afin d’élaborer une stratégie commune d’intervention sur le système alimentaire du Haut Maroni. La Stratégie Métaux Lourds lancé par l’ARS et la Préfecture de Guyane en 2021 en est un modèle possible. Suite au stage, le Service Développement Durable du PAG propose de commander une mission en 2022 permettant de développer une stratégie sur l’alimentation pour l’ensemble des communes du sud de la Guyane dans le périmètre du parc national partageant les mêmes enjeux de transition et de sécurité alimentaires. Cette mission aura quatre objectifs : rassembler les données existantes sur les systèmes alimentaires dans d’autres territoires, notamment la commune de Camopi, pour complémenter celles produites lors du présent stage ; diffuser les résultats combinés auprès de l’ensemble des acteurs qui pourraient être concernés par la question des systèmes alimentaires des populations du sud de la Guyane ; animer la mise en place d’un réseau d’acteurs – institutionnels, associatifs, communautaires – engagés à collaborer sur la question de l’alimentation ; animer l’élaboration d’une stratégie avec un plan d’action. Des défis de taille seront à relever pour mobiliser des acteurs institutionnels et les acteurs de l’alimentation à tous les niveaux. Les obstacles sont nombreux : la lenteur et la lourdeur légendaires de l’action publique en Guyane ; la dispersion de la question alimentaire parmi un grand nombre d’acteurs de statut et de pouvoir très différents ; les intérêts économiques et politiques qui sont servis par un système alimentaire livré aux forces du marché et à l’économie de l’orpaillage illégal ; la situation transfrontalière qui permet la libre circulation de produits et qui limite la capacité de régulation des autorités françaises ; la difficulté pour les communautés concernées à se mobiliser, à se faire entendre et à peser dans les décisions ; le risque d’incompréhension de certaines mesures qui pourraient être perçues comme des entraves à la liberté.77 Des atouts importants existent aussi. L’expérience des politiques menées dans d’autres contextes pour promouvoir des systèmes alimentaires sains et durables fournit des exemples de stratégies potentielles pour surmonter les défis, et les acteurs de ces politiques peuvent être des personnes ressources pour le cas de la Guyane. Le PAG, acteur historique et polyvalent dans le sud de la Guyane, est en capacité de jouer un rôle de coordination, au moins lors de la phase de composition d’un réseau d’acteurs et d’élaboration d’une stratégie. Il y a une demande d’action de la part des communautés concernées, même si cette demande n’est pas formulée de manière forte et partagée. Les acteurs proches des communautés – les professionnels de la santé et de l’éducation, les quelques associations des deux côtés de la frontière avec le Suriname, les Délégations Territoriales du PAG – sont conscients des enjeux de l’alimentation, en capacité d’agir et ont exprimé un intérêt pour la collaboration. Enfin, la sécurité alimentaire et la durabilité des systèmes alimentaires sont devenues des sujets prioritaires de l’Europe et de l'État français, ce qui donne bon espoir d’un soutien institutionnel et financier d’une future stratégie. 77 M. A. (#21) l’a exprimé ainsi : « On a proposé ou imposé une nouvelle forme de vie. Le monde occidental comprend maintenant qu'on est allé trop loin et commence à mettre des restrictions. Les gens ne comprennent pas ».
7. CONCLUSION
Nous avons mené une étude du système alimentaire de la population des Wayana du Haut Maroni en Guyane, en intégrant une analyse du système d’activité et le système social-écologique. Ceci nous a permis de découvrir tout un monde alors inconnu, de renforcer nos compétences professionnelles et de répondre en grande partie à la problématique du stage. Il nous a été possible de caractériser la nature hybride et mouvante du système alimentaire et système d’activité de la population du Haut Maroni et d’identifier des limites à leur capacité à répondre durablement aux besoins alimentaires et sociaux des ménages. Nous avons pu appréhender l’évolution du système alimentaire et du système d’activité dans le contexte de la transformation de la société wayana, et d’en décrire sa complexité, voire ses contradictions. Nous avons pu identifier les principaux acteurs et forces d’influence sur ces systèmes, en révélant l’engrenage des facteurs de changement internes et externes – l’influence des systèmes politiques, économiques, sociaux et économiques, articulée avec l’impulsion des motivations, représentations et stratégies des acteurs locaux. Ces derniers ont modifié leur système d’activité et leur système alimentaire en faisant preuve d’une grande capacité d’adaptation et d’assimilation technologique, social et économique autour de la question alimentaire. Néanmoins, les limites de cette capacité d’adaptation sont évidentes. Le régime alimentaire des ménages du Haut Maroni n’est ni très sain, ni très durable. Pour une partie il dépend de l’accès à des produits d’importation issus d’une agro-industrie mondialisée qui est structurellement insoutenable. Ceci principalement par le biais de prestations sociales dépensées dans des commerces intégrées dans l’économie de l’orpaillage illégal. Pour l’autre partie le régime alimentaire dépend de ressources naturelles à risque grandissante de surexploitation locale, sans que les communautés soient dotées d’institutions et de mécanismes leur permettant de mettre en œuvre une gestion collective. La transition alimentaire est associée à des pertes de savoirs et de savoir-faire, d’identité et d’appartenance, de lien social et de lien avec la nature. Nous n’avons pas fourni de réponse à la dernière partie de la problématique : « quels sont les enseignements à tirer pour un accompagnement adapté des agricultures familiales locales? ». Il est apparu rapidement que la question de l’accompagnement des ménages en tant que producteurs agricoles n’est qu’une partie de la problématique générale de la transition alimentaire. En plus, le modèle de développement agricole à la française n’est pas adapté à l’agriculture wayana qui n’est pas une activité à vocation professionnelle. Pourtant, le soutien de l’agriculture vivrière – également de la pêche, de la chasse et de la cueillette – est une priorité absolue pour rendre le système alimentaire local plus sain et plus durable. Il s’agit de concevoir des moyens adaptés au système d’activité des ménages, en les associant à la recherche. Les futures évolutions du système alimentaire sont difficiles à prévoir, dépendant d’un complexe de facteurs mais elles sont, pour certaines, susceptibles à l’influence de différents types d’intervention. Jusqu’alors la transition s’est faite de façon sauvage, sans effort public global sur la question alimentaire. Il n’est pas trop tard pour intervenir afin de protéger et soutenir l’adaptation du système de production local afin de permettre aux ménages de reprendre le pouvoir d’agir sur leur système alimentaire, et encourager des interactions plus vertueuses avec le système alimentaire mondialisé pour atténuer ses effets sanitaires et sociale néfastes. Intervenir pour faire émerger un système alimentaire local plus adéquat demandera des efforts multisectoriels, concertés et durables. Suite au stage nous avons entamé des discussions avec le PAG sur une éventuelle mission professionnelle pour poursuivre ce travail, en animation d’un groupe intersectoriel d’acteurs pour élaborer une stratégie coordonnée pour infléchir la transition alimentaire sur le Haut Maroni et dans d’autres territoires du sud de la Guyane.
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xe
4 Annexe 5 Annexe 6 Annexe 7 Annexe 8 Annexe 9 Annexe 10 L'offre de stage...........................................................................................................................
96 La trame de recherche pour l'enquête de terrain...................................................................... 100 Liste des informateurs clés........................................................................................................ 101 La localisation des ménages qui ont participé à l'enquête......................................................... 102 Sélection de données de l'enquête « Activités vivrières » du PAG, 2018.................................... 103 Estimation des emplois à Antecume Pata et Taluen................................................................... 105 Les différents processus et produits de la transformation du manioc........................................ 106 Différents déterminants de comportement relevés en lien avec l’alimentation......................... 107 Liste des propositions d’action recueillies lors des restitutions.................................................. 110 Recommandations du groupe d’experts de l’IRD : alimentation et nutrition dans les DROM..... Annexe 1 L'offre de stage 99 Annexe 2 La trame de recherche pour l'enquête de terrain
Le cœur du système : la sécurité
alimentaire
Quelle est la composition du régime alimentaire des familles d’Antecume Pata et Taluen, en provenance des différentes activités du système alimentaire? Comment ce régime varie-t-il au sein des familles, entre familles, au cours de l’année et sur le long terme, en termes de la disponibilité des différents aliments, l’accès aux différents aliments et leur utilisation? Quelles sont les principales pratiques des différentes personnes en ce qui concerne l’alimentation? Quelles sont les principales représentations et motivations des différentes personnes en ce qui concerne l’alimentation (avec la question des perceptions des différentes personnes de la qualité gustative, nutritionnelle, symbolique, sociale, des différents aliments)? Quelles sont les influences des autres systèmes associés sur la sécurité alimentaire et quelles sont les évolutions historiques et actuelles (analyses des différents acteurs)? Les activités de production, transformation et acquisition des produits alimentaires Quelles sont les différentes activités au sein des communautés d’habitants qui permettent de produire, transformer ou acquérir des produits alimentaires? Qui fait quoi au sein des ménages et des communautés et les autres acteurs du système alimentaire? Quelles motivations et représentations influencent la mise en œuvre des différentes activités et le sens porté par celles-ci? Quelles sont les influences des autres systèmes associés sur les activités du système alimentaire et quelles sont les évolutions (analyses des différents acteurs)? Les ressources disponibles mobilisées pour les activités du système alimentaire Quelles sont les principales ressources disponibles qui sont mobilisées pour met tre en œuvre les activités du système alimentaire et quels sont les changements dans la disponibilité ou la mobilisation de ces ressources? Quels sont les systèmes de gouvernance (règles d’usage, de propriété, de choix collectif, de partage etc.) qui fonctionnent localement pour réguler l’utilisation des ressources naturelles locales et la distribution des produits de ces ressources? Quelles motivations et représentations influencent l’utilisation des différentes ressources du système alimentaire et la relation avec ces ressources? Quelles sont les influences des autres systèmes associés sur les ressources du système alimentaire et quelles sont les évolutions (analyse des différents acteurs)?
Les problématiques, points de vigilance, initiatives et leviers d’action
Quels sont les problématiques et points de vigilance en ce qui concerne les différents aspects at composants du système alimentaire (analyses des différents acteurs)? Quels sont les initiatives et les leviers d’action identifiés par les différents acteurs pour répondre aux différentes problématiques et points de vigilance (analyses des différents acteurs)?
Annexe 3 Liste des informateurs clés
Damien Davy Mary Fleury Fanny Rives Célia Basurko Nathan Astar Mélie Caillaux Emmanuelle Desaintmartin Tasikali Alupki Aïma Opoya Michel Aloïke M. Les plats les plus fréquemment consommés (pas de données sur la consommation 'hors repas et pas mention de la viande de bois') : Poulet 11 Riz 16 Couac 16 Poisson 11 Cassave 14 Pâtes 1 Cassoulet 1 Sardines 1 (réponse du même ménage) 3 répondantes disent manger du poisson tous les jours Quelle est la composition du régime alimentaire des familles d’Antecume Pata et Taluen? : les "repas" // les "hors repas
// la part des sources locales // la part des sources nonlocales // choix des sources en fonction du produit, de l'opportunité, des contraintes Fréquence consommation de légumes par semaine // Fréquence des réponses 0 // 3 - 1 // 10 - 2 // 1 - 3 // 1 - 7 // 1 Légumes consommées : Concombre (13), Haricots km, Piment, Oignon, Petit pois, Choux, Pommes de terre, Sorossi, Ignames 2 répondantes disent qu'elles consomment des légumes de leur production N° touques de couac consommés par an // Fréquence de réponses 1 // 2 - 2 // 10 - 6 // 1 - 8 // 1 - 12 // 3 Moyenne 8 touques de couac par personne par an, min 0,1 max 0,4 N° sacs de riz de 25 kg par personne et par an 0,8, min 0,1 max 4 Colonne KB - fréquence consommation viande par semaine 14 réponses : 1 // 7 - 2 // 5 - 7 // 2 Colonne KC - liste des viandes mangées Quelles sont les principales pratiques des différentes personnes en ce qui concerne l’alimentation? à la maison // à l'école // au quotidien // pour les fêtes //interdits alimentaires // aliments thérapeutiques 16 sur 17 disent partager les repas dans le groupe famille élargie (3-9 personnes) Fabrication de cassave 1 ou 2 fois par mois Fabrication de cachiri
environ
1 fois par
mois
Colonne HO : 16 sur 17 disent gérer leur budget
individuellement, même si repas partagés - système hybride - confirme dires de Tania Touenke Quelles sont les principales représentations et motivations des différentes personnes en ce qui concerne l’alimentation perceptions des différentes personnes de la qualité gustative // nutritionnelle // symbolique // sociale // la culture de l'alimentation // perceptions des pratiques de consommation Laure EMPERAIRE CS : La définition de la « bonne » ou la « mauvaise » alimentation est-elle imposée de l’extérieur? Qu’est-ce que la notion de bien manger pour les Wayanas? Peut-on aborder la question de l’alimentation selon les hommes ou les femmes, selon les malades ou les personnes saines, selon les temps de fêtes ou le
quotidien
, selon le niveau
social etc. Quelles sont les différentes activités au sein des communautés d’habitants qui permettent de produire, transformer ou acquérir des produits alimentaires? agriculture // pêche // chasse // cueillette // emploi salarié // emploi intermittent // entreprise privée / indépendant // production & vente artisanat // chasse, pêche, cueillette commercial Quelles sont les principales ressources disponibles qui sont mobilisées pour mettre en œuvre les activités du système alimentaire, et quels sont les changements dans la disponibilité ou l'utilisation de ces ressources? humaines // naturelles // matérielles // financières // informationnelles // sociales NB le savoir et savoir-faire, qui le détient, quel statut des différents savoirs, comment se passe la transmission et la mutation des savoirs endogènes NB l'autonomie en matières génétiques cf la souveraineté alimentaire 1 vend des bananes frites 8 pratiquent la chasse tous pratique la pêche 1-7 fois par semaine, 15 avec filet 1 fait la cueillette pour le coumu Colonne HQ - principales postes de dépense : le Péruvien pour la grande majorité, ensuite épîceries Suriname - forte influence de l'offre du Péruvien sur les pratiques de consommation Chasse - sorties d'une journée Pêche - sorties d'environ une demi-journée Abattis - 2 à 3 jours par mois La majorité des répondantes disent que juste 2 personnes dans le ménage s'occupent de l'abattis Toutes propriétaires du logement - 4 carbets en béton / brique & tôle, 12 en bois & tôle, 1 sans réponse 10 raccordées au réseau électrique, 1 avec ses propres panneux solaires. * Certains des emplois salariés sont à temps partiel. **Parmi les emplois non-salariés, certains se font dans le cadre d’une entreprise déclarée ou une association, et d’autres de manière informelle. ***Estimation de 2019, données du PaG (étude Pratiques agraires vivrières et sécurité alimentaire sur le haut-Maroni, 2019). 105 Annexe 7 Les différents processus et produits de la transformation du manioc
Source : Verwilghen, 1998, p. Annexe 10 Recommandations du groupe d’experts de l’IRD : alimentation et nutrition dans les DROM78
Recommandation n°1 : Favoriser des améliorations qualitatives de l’offre de produits transformés en incitant à des reformulations (baisse des teneurs en sucres ajoutés, en sodium, acides gras saturés...) des produits dans les familles d’aliments les plus contributrices aux apports nutritionnels défavorables à la santé. Recommandation n°2 : Mettre en place un suivi de la qualité nutritionnelle de l’offre locale et importée. Recommandation n°3 : Promouvoir une production locale, agricole et transformée, par une politique volontariste de bonne qualité, et guider le choix des consommateurs par une communication valorisant cette production (en particulier en produits frais ou faiblement transformés) pour une meilleure adhésion à des régimes plus équilibrés. Recommandation n°4 : Intégrer la dimension nutritionnelle dans la révision de l’octroi de mer. Recommandation n°5 : Intégrer la dimension nutritionnelle dans la constitution du BQP (bouclier qualité prix). Recommandation n°6 : Étendre et améliorer la restauration collective. Recommandation n°7 : Encourager les bonnes pratiques dans la restauration commerciale. Recommandation n°15 : Réduire les contraintes budgétaires et favoriser la consommation de fruits et légumes par des bons d’achat échangeables. Recommandation n°17 : Développer des interventions de proximité, multi-composantes, utilisant les approches s’appuyant sur la littératie en santé et par les pairs. 78 Source : (Méjean et al., 2020). RESUME
Le peuple wayana du territoire du Haut Maroni en Guyane vit une transformation de son mode de vie depuis les années 1960. L’alimentation se trouve au cœur de cette transformation, dans ses dimensions agraires, socioculturelles, économiques et sanitaires. Ce mémoire présente l’étude du système alimentaire du territoire, intégré avec le système d’activité des ménages et le système social-écologique local. Le but de l’étude, commanditée par le Parc amazonien de Guyane (Parc national), est de permettre aux acteurs institutionnels de mieux accompagner les ménages sur les questions agricoles et alimentaires. L’étude a été menée dans deux villages avec une approche ethnographique, principalement à travers des entretiens semi-structurés à domicile. Les résultats montrent un système alimentaire en transition, qui repose sur deux piliers aujourd’hui indispensables : la production vivrière (agriculture itinérante sur brulis, pêche et chasse) et l’achat alimentaire dans les commerces. Les conséquences sanitaires et sociales de la transition alimentaire sont multiples et complexes, et ne sont pas appréciées de la même manière par les différents acteurs. L’analyse et l’interprétation systémique des résultats permettent d’identifier des points de vigilance importants pour la sécurité alimentaire – notamment le pouvoir d’agir des ménages sur leur système alimentaire et leur capacité de gestion collective des ressources naturelles qui en sont la base. Les perspectives d’action sont formulées pour influer sur les différents composants du système alimentaire, notamment les chaînes d’approvisionnement, l’environnement alimentaire et les pratiques alimentaires au sein des ménages. Ces perspectives s’appuient sur l’expérience des interventions en appui à d’autres populations autochtones vivant une transition similaire. Mots clés
agriculture itinérante sur brûlis – Amazonie – amérindien – chasse – gestion des ressources communes – Guyane – parc national – pêche – sécurité alimentaire – système alimentaire – système d’activité – transition alimentaire – transition nutritionnelle – wayana
Pour citer
Adams J 2021. Sécurité alimentaire des du Mar : étude d’un s et d’un activité en transition. Mémoire de Master, Sciences et technologie de l'agriculture, de l' et de l , parcours és, Organisations, Qualité, Services dans les Agricultures du , L'institut Agro | Montpellier SupAgro. 111 p.
L'institut Agro | Montpellier SupAgro, 2 place Pierre Viala, 34060 Montpellier cedex 02. https://www.montpellier-supagro.fr.
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hal-03458200-1995-01-flandreau-monnaie-commune-decentralisation-et-inflation-hujus-regio-cujus-pecuni.txt_2
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French-Science-Pile
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Open Science
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Various open science
| 2,021
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Monnaie commune, décentralisation et inflation : Hujus Regio, Cujus Pecunia ?. Revue de l'OFCE, 1995, 52, pp.29 - 47. ⟨10.3406/ofce.1995.1385⟩. ⟨hal-03458200⟩
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None
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French
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Spoken
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En second lieu, il faut souligner l'analogie qui existe entre la présente
critique du modèle de Casella-Feinstein et la critique par Barro et Gordon
43
Marc Flandreau
(1983) de l'article de Kydland et Prescott (1977). En effet, tandis que
Kydland et Prescott avaient pensé identifier un biais inflationniste
systématique dans les politiques discrétionnaires, Barro et Gordon ont
démontré que les « punitions » que le secteur privé pouvaient infliger au
gouvernement (en cas d'inflation excessive) pouvaient avoir un effet disciplinaire
qui permettait d'éviter l'émergence d'inflation. La raison de cette analogie
est sans doute que ces deux mécanismes doivent être compris comme
des illustrations du résultat de Groves et Ledyard (1977) qui indique que
pour l'allocation efficace de biens publics, il existe en général des
mécanismes capables de mettre en œuvre les optima de Pareto au
travers d'équilibres de Nash. Suivant cette analyse, c'est la stabilité des
prix qui jouerait le rôle de bien public. En résumé la constitution
décentralisée de Casella-Feinstein est dominée, au sens de Pareto, par une
constitution alternative dans laquelle les différents participants s'occupent
de la police de l'union. Intuitivement, ceci résulte du « principe de
garantie », qui est l'une des conséquences de la souveraineté : aucune nation
souveraine n'accepterait de s'engager dans un régime où elle ne pourrait
pas se protéger contre les abus des autres participants. Pour accepter
d'entrer dans l'union, il faut que chaque pays ait la certitude que ses
intérêts soient défendus, soit par une instituton centrale (solution de
Casella-Feinstein), soit par une constitution qui offre les mêmes garanties.
De la décentralisation au biais déflationniste
le cas du SME
Pour conclure, il convient de discuter de l'évolution du système
monétaire européen à la lueur des analyses précédentes. En effet, le
régime de changes quasi fixes qui prévalait avant l'élargissement des
bandes de fluctuation pourrait être interprété comme une union monétaire
décentralisée. Chaque nation gardait la souveraineté sur sa politique
monétaire, mais il lui était impossible de conjuger à long terme stabilité
des changes et inflation persistante. En effet, ses partenaires n'étaient
pas obligés d'absorber sans limite et à un taux constant les surplus de
monnaie qu'elle émettait (c'est à dire qu'ils n'étaient pas obligés
d'intervenir sans limite en créant de la monnaie forte pour défendre la monnaie
faible) : au contraire, un réajustement était négocié, faute de quoi la
monnaie « inflationniste » aurait été condamnée à flotter.
Les analyses des sections précédentes faisaient l'hypothèse que les
différents agents qui participaient à l'union monétaire étaient identiques,
ce qui a permis d'évacuer la question des différences dans les
préférences relatives au taux d'inflation de long terme qu'il conviendrait
d'adopter pour l'union toute entière. En pratique cependant, les préfé44
Monnaie commune, décentralisation et inflation
renées sont hétérogènes ce qui soulève la question de la fixation d'un
taux commun <19).
Bien sûr, l'issue de cette négociation dépendra crucialement de la
question de savoir à qui bénéficie le plus la formation de l'union
monétaire : il est alors clair que ie taux d'inflation de l'union tendra à être
biaisé en faveur des membres qui ont le plus petit avantage à être dans
l'union. A la limite en effet, pour obtenir l'adhésion d'un Etat qui ne
gagne rien à entrer dans l'arrangement, il faut lui proposer de choisir luimême le taux d'inflation commun (20).
Or, l'une des interprétations habituelles du SME dans les années
1980, est qu'il a servi de mécanisme de désinflation en résolvant en
particulier le problème de la crédibilité des membres les plus
inflationnistes. Techniquement, cela signifie que (toutes choses égales par
ailleurs) les pays les plus conservateurs gagnaient moins que les autres
dans la coordination des politiques monétaires (21). On aurait donc un effet
pervers de la décentralisation — au moins pour les pays les plus
inflationnistes : le problème de la crédibilité invite à conclure des
arrangements avec des pays qui ont meilleure réputation. Mais pour convaincre
ceux-ci, il faut accepter un taux d'inflation plus faible que celui qui serait
désirable. Finalement la combinaison du problème de la crédibilité et de
l'approche décentralisée à l'union monétaire ne finit-elle pas par produire
ce qu'on pourrait appeler un biais déflationniste ?
En d'autres termes pour juger des propriétés économiques d'une
organisation monétaire donnée, il faut prendre en compte non seulement
un plus ou moins grand degré de centralisation, mais aussi, l'éventail des
préférences et des caractéristiques nationales qui ont été à l'origine de la
formation de ce système monétaire. Or, compte-tenu du « principe de
garantie » qui permet aux membres les moins inflationnistes de se débarasser des membres les plus inflationnistes, il est clair que les derniers
sont dans une situation de relative faiblesse par rapport aux premiers.
Supposons par exemple que les différents partenaires se soient entendus
sur un certain taux d'inflation, mais que soudain l'un des membres soit
affecté par une perturbation qui lui fasse préférer un taux d'inflation plus
bas. En menaçant de cesser de soutenir les autres monnaies, ce pays
aura les moyens d'imposer une renégociation, et un nouvel accord sur un
(19) Rappelons qu'au sens strict de notre modèle, la fixation d'un taux d'inflation commun
tend en général à réduire le bien-être des participants puisque ceci réduit leur espace de
choix. Cette « désutilité » cependant, est compensée par un certain nombre d'avantages nets,
en termes, par exemple, d'efficacité, qui aboutiront à rendre l'union désirable.
(20) Le lecteur ne manquera pas de voir l'analogie entre cette remarque et le théorème du
dictateur de Arrow [1951] qui indique que si les préférences des individus sont suffisament
hétérogènes il n'existe pas de mécanisme de choix collectif cohérent et rationnel — à moins
de nommer un dictateur, ce que bien sûr chacun refuse.
(21) La condition «toutes choses égales par ailleurs» est ici d'importance. Elle signifie,
comme on l'a dit au début, que les différents pays réalisent essentiellement les mêmes gains
économiques lorsqu'ils entrent dans l'Union monétaire. Bien sûr, si les pays conservateurs
gagnent « plus » en termes économiques que les pays inflationnistes, ils doivent accepter un
niveau d'inflation post unification plus élevé faute de quoi ce sont les membres inflationnistes
qui refuseront d'entrer dans l'union.
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Marc Flandreau
taux plus réduit, à moins que compte-tenu des nouvelles préférences,
aucun accord ne soit désormais possible. En d'autres termes, la
décentralisation ouvre toujours la porte à une renégociation relativement aisée
des accords monétaires ce qui contrairement à une idée répandue ne
bénéficie pas forcément aux membres les plus inflationnistes, d'autant
que les marchés anticipant les renégociations ou même leur simple
éventualité tendant à attaquer le système dès qu'ils croiront discerner
des divergences de vue.
En résumé, on espère avoir démontré que le dilemme de l'unification
monétaire sur une base décentralisée n'était pas tant de produire
systématiquement plus d'inflation qu'un système centralisé, mais plutôt d'être
incapable de fournir aux participants une assurance contre des
renégociations futures. En d'autres termes, un système décentralisé est toujours
plus ou moins temporaire, soumis à une conjoncture particulière des
préférences des Etats membres. Et il ne faut donc pas s'étonner si ce
mode d'approche à l'unification plus complète a connu des difficultés,
précisément liées à une modification des conditions de l'arbitrage entre
préférence nationale et unification.
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Pénétration de Rosellinia necatrix (Hart.) Berl. dans les racines du pommier en conditions de contamination artificielle Denis Tourvieille de Labrouhe To ubmitted Pénétration de Rosellinia necatrix (Hart.) Berl. dans les racines du pommier en conditions de contamination artificielle Denis TOURVIEILLE de LABROUHE 1.N.R.A., Station de Pathologie végétale, 12, RÉSUMÉ Dematophora necatrix, Pourridié laineux, Pommier, - artifi- - elle i c, Phases du Brézet, F63039 Clermont-Ferrand Cedex. Rosellinia necatrix (Hart.) Berl. est un champignon ascomycète, agent du « pourridié laineux » de certaines plantes ornementales et cultures fruitières. Cet article est consacré à une description de la pénétration de R. necatrix dans les racines du pommier. Les inoculations de jeunes plants cultivés en ax
énie
, en
pots
et en ca
issons
à
brouillard, ont montré que l'infection se déroule en quatre phases faisant intervenir de la part du champignon pathogène des organes agrégés bien différents : prolifération externe sous la forme de toiles mycéliennes ou de cordons formés d'articles indifférenciés ; formation d'un « sclérote de pénétration » constitué d'un cortex mélanisé à structure pseudoparenchymateuse et d'une medulla blanche à structure prosenchymateuse ; pénétration dans les tissus de l'hôte effectuée par le mycélium de la medulla ; prolifération interne sous la forme de cordons subcorticalis à structure prosen
chymateuse. La discussion porte sur la plasticité morphogénétique du champignon et sur les déterminants du pouvoir Rosellinia necatrix, Malus, ua p l i m Contamination avenue d'infection. - - pathogène. Penetration SUMMARY Rosellinia necatrix a necatr n i Rosell x i crops. This article Dematophora necatrix,'White root Apple tree, of apple,. roots (Hart.) Rosellinia necatrix by Berl. is,, an. (Hart.) Berl. following artificial inoculation ascomycete causing white, root rot of certain ornamental, species and fruit. describes the penetration of apple roots by R. necatrix. Inoculation of young plants grown under axenic conditions in pots in a mist chamber showed that infection occurs in four phases, each involving ents forms of aggregate organs of the pathogen : differ I) external proliferation in the form of a mycelial thallus or strings made up of undifferentiated cells ; 2) formation of a « penetration sclerotium », consisting of a melanized cortex of pseudoparenchyma and a white medulla of prosenchyma ; 3) penetration of host tissues by mycelium developing from the medulla ; 4) internal proliferation in the form of subcortical strings of prosenchyma. The morphogenetic plasticity of the fungus and its pathogenicity factors are discussed., rot'Malus ua p l i, m Artificial contamination, Phases of infection. ''Dans le monde, les champignons responsables de pourridié sont nombreux et appartiennent à des groupes très éloignés du point de vue taxonomique. Cependant, en France, seules deux espèces jouent un rôle important sur vigne, arbres fruitiers et cultures florales (GmLLAmvtnv et al., 1982) : l'Armillaire : Armillaria mellea (Vahl) Karst. (espèce collective), basidiomycète responsable du « pourridié agaric » ; le Rosellinia : Rosellinia necatrix (Hart.) Berl., ascomycète provoquant le pourridié laineux» ou pourridié - - « « blanc », ainsi appelé parce que le champignon développe sur la plante hôte un mycélium blanc et floconneux. Les mécanismes de pénétration de l'armillaire, d'abord décrits par THOMAS (1934), ont fait l'objet d'une revue YKOWSKI (1978). Pour le rosellinia, l'étude récente de R bibliographique montre qu'il s'agit d'un parasite dont le comportement demeure très mal connu, en particulier vis-àvis de ses hôtes les plus communs dans notre pays (pommier, cerisier, jasmin, ). S,axutt.at (1952), sur un hôte ligneux, le mûrier, a mis en évidence deux mécanismes de pénétration : sur les jeunes racines sans tissus secondaires, R. necatrirr pénètre à travers l'écorce par dislocation des tissus ; sur les racines plus âgées qui ont formé des tissus secondaires, il envahit les tissus internes par l'intermédiaire des lenticelles dont il provoque l'éclatement. S AKURAI note que les racines de mûrier attaquées par le R. necatrix forment des péridermes de blessure, mais ceux-ci sont facilement traversés par les cordons d'hyphes. Sur un hôte charnu, le narcisse, L ANTEL & WH M EELER (1973) observent la formation d'un « coussin d'infection» comparable à celui d'Helicobasidium purpureum Pat. décrit ERING (1962). La constitution de ce « coussin d'infecpar H tion » est suivie par la pénétration de masses d'hyphes qui désorganisent le phelloderme sans macération. Cet article est consacré à la description de l'infection par R. necatrix du pommier, espèce la plus fréquemment et la plus gravement attaquée en France par le pourridié laineux. t al., 1982). Les infections décrites ont été 8 UILLAUMIN (G provoquées par contamination artificielle ; on a tout particulièrement étudié le rôle joué dans le processus infectieux par les divers types d'organes agrégés initiés par le champignon. II. MATÉRIEL A. Choix du matériel ET MÉTHODES biologique
plante hôte : on a utilisé des jeunes marcottes de 4 portes-greffes de pommier ; M 7, M 9, M 26 et MM 106. Leurs caractéristiques culturales figurent dans le tableau 1. On a également utilisé, pour les cultures in vitro, de jeunes plants de pommier obtenus à partir de pépins. 2. Le pathogène : on a travaillé avec 2 isolats : Rn 16 et Rn 17 qui, par les dégâts qu'ils avaient provoqués en verger de pommiers et de cerisiers respectivement, semblaient montrer un pouvoir pathogène élevé. 1.
La 2. Milieu d'entretien
Les cultures sont réalisées sur le milieu malt 1 p. 100 Le milieu est autoclavé durant 20 mn à 120 °C, puis coulé dans des boîtes de Petri de 9 cm de diamètre à raison de 20 ml par boîte. Les cultures sont incubées à 23 ± 0,5 °C à l'obscurité. Les fragments gélosés, conservés en mycothèque, sont déposés à la surface du milieu, puis les isolats sont repiqués tous les mois. gélosé.
3. Culture sur substrat ligneux
Des baguettes de noisetier fraîchement cueillies et calibrées (diamètre 12 à 14 mm, longueur 50 mm) sont empilées dans un récipient en verre de 1 litre. Elles sont tout d'abord autoclavées dans l'eau, durant 30 mn à 120 °C, puis stérilisées durant 20 mn à 120 °C en présence de 250 ml de milieu à la tomate (G EPRIN 1979). Elles L, E UILLAUMIN & C sont ensuite ensemencées avec un fragment de culture en boîte de Petri, puis incubées à 22 °C ± 2° durant 60 jours. C. Méthodes de culture de la 1. Sur milieu plante hôte gélosé aseptique B. Méthodes de culture et de conservation des isolats
Les pépins de pomme sont désinfectés durant 20 mn dans de l'eau de javel diluée (12° chlorés). Après décortication, ils sont mis à germer sur buvard humide. Lorsque la graine a émis une racine de plusieurs millimètres, elle est repiquée dans un erlenmeyer de 250 ml, à la surface d'un milieu nutritif (K ) préalablement stérilisé à l'autoERTHELOT -B NOP clave durant 30 mn à 120 °C. Les erlenmeyers sont ensuite placés dans une chambre lumineuse à 23 ± 2 °C. Le rythme d'éclairement est de 16 h de lumière pour 8 h d'obscurité, l'intensité lumineuse étant de 6 000 lux.
1. Conservation des isolats 2. En pot
Les isolats sont conservés en mycothèque : des fragments gélosés, prélevés sur des cultures en boîte de Petri (milieu malt 1 p. 100) sont plongés dans de petits piluliers contenant de l'eau stérile, qui sont placés en chambre froide à 4 °C. Cette technique permet de maintenir les souches de Rosellinia en vie durant 12 mois. Les plants, débarrassés de leur terre de pépinière, sont empotés dans un mélange constitué de 1/3 de terre de Limagne, 1/3 terre de bruyère et de 1/3 de sable de l'Allier et stérilisé à la vapeur. Le pH initial du mélange est voisin de la neutralité : 6,8. Les pots sont placés sous un abri plastique et arrosés 2 fois par semaine.
3. En caisson à brouillard
D. Méthodes d'inoculation de culture de jeunes plants en caisson à AMOND (1975) (fig. 1) a dû point par L être adapté aux besoins de notre étude. Le caisson a été installé dans une serre. Pour éviter une augmentation excessive de la température à l'intérieur du caisson, il nous a fallu isoler celui-ci avec du polystyrène expansé et refroidir la solution nutritive à l'intérieur des brumisateurs grâce à un serpentin dans lequel circule de l'eau froide. Ce dispositif réglé sur un thermostat nous a permis de maintenir la température interne en dessous de 25 °C. Le rythme de brumisation était de 20 s toutes les 3 mn au départ de la culture, puis nous l'avons progressivement augmenté en fonction de l'âge des plants afin de satisfaire leurs besoins en eau, pour atteindre finalement un rythme de 1 mn toutes les 3 mn. Ce rythme est fixé de telle sorte que les gouttelettes formées sur le pivot des marcottes aient le temps de disparaître entre deux brumisations. Ceci a pour but de limiter le développement d'un certain nombre
1. Plants cultivés
Le dispositif brouillard, mis en axénie au d'organismes saprophytes (bactéries et champignons) ceptibles de devenir des parasites de faiblesse. sus- La brumisation était réalisée avec la solution nutritive minérale T 1 de MORIZET & MiNCE.au (1976). Dans ces conditions de culture, les plants se développent moins qu'en pot, cependant leur système racinaire reste accessible, ce qui permet l'observation en continu de tous les stades de l'infection sans destruction de la plante. Un implant gélosé de 1 cm de diamètre est prélevé à l'emporte-pièce à la périphérie d'une culture en boîte de Petri, âgée de 6 j, puis déposé sur la surface du support nutritif à 1 cm du collet de la plantule au stade 4 à 5 feuilles.
2. Plants cultivés en pot
La méthode est calquée sur celle employée et décrite par G U ILLAUMIN (1977), pour réaliser les inoculations par Armillaria mellea. Elle consiste à enfoncer dans la terre des pots, à 5 cm du pivot des plantes, une baguette de noisetier colonisée par le champignon.
3. Plants cultivés en caisson à brouillard
Nous employons des baguettes de noisetier identiques à celles utilisées pour les inoculations en pot. Ces baguettes sont suspendues par des fils de fer galvanisés à l'intérieur du caisson, au contact des racines.
E. Modes d'observations de l'infection 1. Observations
Les macroscopiques observations, en erlenmeyer effectuées en continu sur les plantes et en en caisson, place. sont Elles sont faites sur les plantes en pot après dépotage celles-ci montrent les premiers symptômes de dépérissement. lorsque 2. Conservation des échantillons Ils sont fixés dans un mélange contenant 2/3 d'alcool à 95°, 0,5 p. 100 d'acide acétique, 0,5 p. 100 de formol et de l'eau. Les échantillons ainsi fixés sont conservés dans ce même mélange à 12 ± 1 °C. 3. Techniques de coupe et de colorh<ion m sont effectuées au microd'épaisseur 20 kL congélation. Elles sont éclaircies par un bain d'eau de javel (12° chl), rincées par un passage dans de l'eau légèrement acidifiée (acide acétique) puis colorées dans des bains successifs. Après coloration et rinçage à l'eau cou- Les coupes tome à les montons entre lame et lamelle dans de la Les lames sont lutées avec du vernis à ongles. Les coupes ainsi préparées peuvent se conserver plusieurs mois. La coloration des parois des cellules de l'hôte est réalisée avec le rouge de ruthénium qui colore les composés pectiques en rouge et le bleu de méthylène qui colore la lignine et le suber en bleu ou vert. Quant au mycélium de Rosellinia, il est très difficilement colorable par la plupart des colorants usuels. rante, nous glycérine.
4. Techniques d'observations microscopiques
Les observations des coupes s'effectuent au microscope à phase (Reichert). Le contraste de phase positif a permis d'obtenir une coloration différentielle du mycélium et des parois cellulaires pecto-cellulosiques : le mycélium prend une coloration violette alors que les parois conservent la couleur rouge. contraste de 2. Sur marcottes en Au contact des racines et du pivot, le champignon s'agrège soit en un manchon comparable à celui observé sur les plantules en erlenmeyer, soit en fins cordons qui progressent à la surface de l'hôte. Ces cordons, reliés A. La prolifération 3. Sur marcottes en A l'intérieur du caisson, le champignon pousse abondamà partir de l'inoculum. Il forme une importante masse mycélienne qui s'accroche aux racines, les enveloppant dans un voile qui peut atteindre plusieurs dizaines de centimètres de longueur. Sous ce voile et au contact des racines, il se forme des zones de concentrations hyphales comparables à celles observées sur les pommiers en pots. La pollution s'effectue donc par l'intermédiaire de mycélium, agrégé ou non en cordons. Dans des conditions favorables, ce mycélium peut croître très rapidement et contaminer une plante hôte aussi bien au niveau d'une petite racine qu'au niveau du pivot ou du collet. La formation de cordons au contact des racines s'observe essentiellement lors des infections en conditions naturelles : inoculations des plantes en pots et attaques naturelles. Ce mode de contamination est à opposer à celui d'Armillariella mellea, agent du pourridié agaric, qui utilise pour cette phase de l'infection une structure très différenciée, le rhizomorphe subterranea.
pénétration - externe
pénétration champignon pousse dans les anfractuosités du sol où il peut s'agréger en cordons blancs de plusieurs centimètres de long et de quelques millimètres de diamètre ou envahir les cavités sous forme de mycélium diffus. Lors des contaminations artificielles, on a retrouvé ces 2 types d'organisation mycélienne. Au contact d'une racine hôte, le mycélium a tendance à s' ger sous forme de cordons ou de man- plantes chons. 1. Les Le pépins de « Golden Dans les cultures en erlenmeyer, R. necatrix progresse à partir de l'implant gélosé, sous la forme d'un mycélium aérien diffus. Au contact du collet de la plantule, le champignon se condense en un manchon blanc. Il peut être très dense et former un anneau étroitement lié au végétal, ou plus ou moins diffus et granuleux, c'est-à-dire constitué de petites zones de mycélium agrégé de quelques dixièmes de millimètre de diamètre. Même au coeur de ces agrégats, le mycélium reste constitué d'hyphes indifférenciés parallèles à la surface de l'épiderme. Les articles sont longs et riches en ampoules piriformes.
caisson à brouillard
Elle est plus ou moins complexe suivant l'âge des tissus infectés. On distingue 2 cas : la pénétration de jeunes tissus, sans formations secondaires, est observée lors de l'attaque des plantules en erlenmeyer et des jeunes racines en caisson à brouillard. Elle fait intervenir un « cône de pénétration ». Ce type de RÉSULTATS 1. Sur plantules issues de semis de delicious» entre par du mycélium diffus, forment un réseau à la surface des racines. Ils sont constitués d'hyphes à articles longs, riches en ampoules. Sous le manchon, apparaissent des zones de concentration mycélienne étroitement soudées au végétal. Les cordons adhèrent aux racines en plusieurs points le long de leur parcours. eux B. La III pot en n'a jamais été observé lors des inoculations des pots ; le deuxième type de pénétration, beaucoup plus complexe, s'observe lors de l'infection des grosses racines (diamètre supérieur à 3 mm) et des pivots des marcottes cultivées en pots et en caisson. Il se forme alors des « sclérotes de pénétration ». - cônes de pénétration» (fig. 2) Sur les plantules et les jeunes racines, « le mycélium indifférencié qui rampe à la surface de l'épiderme se condense ; les hyphes prennent une orientation perpendiculaire à la surface de l'hôte et se ramifient abondamment. Les articles se raccourcissent et nous pouvons reconnaître une structure prosenchymateuse, c'est-à-dire de pseudo-tissu constitué d'articles ayant conservé leur forme d'hyphes allongés, mais étroitement accolés et ayant tous la même direction. Ce cône mycélien s'insinue entre 2 cellules de l'épiderme et pénètre en force dans les tissus. Cette pénétration a lieu sans destruction des parois et les cellules du parenchyme cortical restent cohérentes et bien individualisées. A ce stade il n'y a que peu ou pas de pénétration cellulaire et le cône mycélien n'adhère pas aux tissus : sur de nombreuses coupes il se détache, laissant une plaie béante. pénétration est donc caractérisé par l'absence le « cône de pénétration », qui de micromètres, montre centaines atteindre peut plusieurs un début d'organisation. Sa structure rappelle celle du Ce type de d'organe différencié ; seul coussinet d'infection » d'Helicobasidium purpureum décrit par HERnv! (1962). Cependant, sa forme allongée en cône nous a fait préf le terme de « cône de pénétration ». « 2. Les sclérotes de pénétration» (fig. 3) Ils apparaissent sous le mycélium externe et à la surface de la plante hôte. Visibles à l'oeil nu, ce sont de petits amas noirs granuleux de 0,1 à 1 mm de diamètre. Ils se forment sous le manchon mycélien ou sur le parcours d'un cordon à « la surface de la racine ; dans ce dernier cas, le cordon reste étroitement lié au sclérote. Ils peuvent être assez nombreux, couvrant une bonne partie de la racine infectée, ou isolés et bien individualisés. Constitués d'un cortex noir, épais et dur, et d'une medulla blanche, ils correspondent à des points de pénétration. Le cortex montre une structure pseudoparenchymateuse; il est constitué d'articles presque isodiamétriques à paroi épaisse et fortement mélanisée. C. L'installation différencie les cas d'attaques sur tissus ont lieu sur les racines âgées dont les formations secondaires sont bien développées. Il se forme alors des cordons subcorticalis. Ici encore, jeunes on et ceux qui
1. Destruction des tissus jeunes
Après pénétration, le mycélium envahit très rapidement les cellules sous-épidermiques, désorganisant le parenchyme cortical. Cependant la pénétration des cellules par les hyphes a lieu bien avant que la destruction des parois cellulaires ne soit observable. Le mycélium se retrouve jusque dans les tissus conducteurs. Cette infection se traduit par une nécrose brune de l'hypocotyle et la mort rapide de la plantule (flétrissement des feuilles) ou par la destruction des jeunes racines infectées lors des inoculations en caisson (à ce stade, les marcottes ne montrent pas de signe de faiblesse et, très souvent, il apparaît, au-dessus des tissus nécrosés, une racine de remplacement). Le manchon mycélien continue sa croissance à la surface et devance de plusieurs millimètres la nécrose de la racine, occasionnant de nouveaux points d'attaque dans les tissus encore sains. Sur un certain nombre de plantules inoculées, on observe l'apparition d'une zone de nécrose située sous les cotylédons. Aucune présence de mycélium n'a pu être mise en évidence à ce niveau. Cette nécrose localisée en avant du point d'infection pourrait être due à la migration de toxines.
2. Installation dans les racines âgées
Elle est assurée par des cordons mycéliens blancs qui se développent entre le suber et le phelloderme et qui jouent donc le même rôle que les cordons subcorticalis de l'armillaire. Ils s'observent après découpe de l'é ce autour du « sclérote de pénétration » et apparaissent comme des étoiles blanches centrées autour du point de pénétration. Ces lames blanches de petites dimensions progressent parallèlement à la surface et soulèvent progressivement le suber. Nous observons alors une zone de décoloration autour du sclérote. Le cordon subcorticalis est constitué d'un mycélium prosenchymateux dont les articles longs, étroitement liés entre eux, ne forment pas d'ampoules piriformes. La pénétration des cellules du phelloderme n'a lieu que plusieurs millimètres en arrière du front de progression. La destruction des parois cellulaires et la désorganisation des tissus est très tardive. 2. La mort de l'hôte
La mort des marcottes survient lorsque 50 à 80 p. 100 du pivot sont nécrosés. Les feuilles flétrissent ou se dessèchent très rapidement. Sur certains pommiers inoculés en pot, les feuilles montrent des symptômes nettement différents de ce flétrissement généralisé, qui peuvent revêtir deux aspects : une nécrose des nervures, de couleur ocre ou rougeâtre. Des coupes pratiquées dans les pétioles des feuilles présentant ce symptôme montrent également des nécroses au niveau des tissus conducteurs ; des taches brunes régulièrement réparties sur toute la surface du limbe.
- - IV. CONCLUSION ET DISCUSSION
Les contaminations artificielles ont confirmé les observations effectuées au champ (GmLLnuMIN et al., 1982). Si l'infection peut avoir lieu au niveau de jeunes racines, c'est sans doute l'infection des grosses racines et même celle du collet qui provoquent la mort de la plante. L'infection peut se diviser en 4 phases faisant intervenir des organes agrégés bien différents (fig. 4) : 1! phase : prolifération externe sous la forme de toiles mycéliennes ou de cordons sans différenciation cellulaire qui correspondent à une condensation des hyphes au contact de l'hôte ; e phase : formation, au sein du mycélium externe, 2 d'un sclérote étroitement accolé à l'hôte. La présence de sclérotes a été à plusieurs reprises décrite dans la littérature mais jamais associée aux phénomènes de pénétration. SzTEJNBERG & M ADAR (1980) les observent lors de cultures IALA (1891) affirmait qu'ils en boîtes de Petri ; V pures étaient formés sur les arbres morts de pourridié laineux par le mycélium interne et jamais par le mycélium externe. Nos observations montr que la formation de sclérotes est indispensable pour la pénétration des tissus âgés et que, dans ce cas, ils sont initiés à partir du mycélium externe, agrégé ou non en cordons. Les « sclérotes de pénétration» sont constitués d'un cortex mélanisé à structure pseudoparenchymateuse et d'une medulla blanche à structure prosenchymateuse. Ces sclérotes ressemblent à ceux qui, d'après IENNOT (1949), sont formés par R. quercina V OURGIN -B Hart. au cours de l'infection de jeunes chênes ; e phase : pénétration dans les tissus de l'hôte. Elle est 3 effectuée par le mycélium pseudoparenchymateux présent au centre du sclérote. et la - de la plante. Elles interviennent lors de l'avancement des Accepté le REMERCIEMENTS Cette étude n'a été possible que grâce à la colllaboration de nombreuses personnes, chercheurs et techniciens de l'LN.R.A., auxquels nous tenons à adresser nos remerciements.
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. Les A. souhaitent proposer une synthèse de connaissances trop souvent éparpillées, en mobilisant notamment des approches telles que l'histoire de l'art ou encore la littérature. L'ensemble des articles concerne l'Europe du XVIe au XIXe siècle, avec une majorité de contributions portant le XVIIIe. Le livre se divise en trois parties : « Faire face à l'absence », « Vivre de la mer », « Raconter la mer et les femmes ». Dans la construction de ce travail collectif, la réflexion autour des archives peut se résumer en trois mots : difficulté, diversité, originalité. Nicole Dufournaud et Bernard Michon détaillent les problématiques pour rechercher les rares femmes dans les archives, faute d'évocation de leur nom et de classification permettant de les retrouver. Par ailleurs, la relecture de sources déjà bien connues telles que les archives notariées se révèle particulièrement utile. La littérature, d'où sont issus un certain nombre d'archétypes, ainsi que les écrits du for privé, les tableaux – particulièrement ceux de Joseph Vernet qui font l'objet d'un article de Laurent Manoeuvre – ou encore les chansons telles que La mauvaise prière interprétée par Damia ou Dis, quand reviendras-tu? interprétée par Barbara sont aussi mobilisées. L'image d'Épinal de la « femme de marin » séparée de la mer comme de l'homme ne tient plus. La mer serait en effet cet espace où les femmes ne sont pas présentes, ce lieu où elles ne contrôlent plus rien. Or, la place des femmes, aussi bien en mer que sur les littoraux, est parfois si importante qu'Audrey Beaudouin parle d'« univers féminin » (p. 19) à propos des Îles Shetland pour le XVIIIe siècle. Les femmes évoluent dans des territoires stratégiques et non pas de seconde zone, à l'image des arsenaux. Il est précieux de pouvoir lire des recherches sur de nouveaux espaces comme la Méditerranée qui permettent, au moins pour le cas français, d'offrir des éléments de comparaison avec la côte atlantique. Si la mer impose des ruptures aux femmes, l'absence masculine n'est pas synonyme d'inaction, réflexion qui fait écho aux travaux d'Amélie Polónia sur la péninsule Ibérique ainsi qu'à ceux de Danielle van den Heuvel sur les Provinces-Unies. Les femmes supportent l'incertitude, celle du retour mais aussi l'incertitude sociale avec la crainte de la perte de l'honneur décrite par Claire Boër, les difficultés quotidiennes et notamment financières, ainsi les dettes pour se nourrir ou payer le loyer et les frais de l'éducation des enfants. Cette fragilité des actrices, bien réelle, n'écarte toutefois pas le pou voir qui peut leur être attribué ou qu'elles s'arrogent, ne serait-ce que temporairement. Gilbert Buti en offre un bel exemple en étudiant les procurations données aux femmes qui sont le recours majoritairement utilisé par les hommes lorsqu'ils partent. Les femmes y apparaissent dans des situations économiques de responsabilité et d'indépendance. La dimension juridique occupe donc une place importante. Outre les procurations, il est question des dots et de situations juridiques particulières telles que le statut des « veuves de non décédés » traitées par Roberto Barazzutti, statut qui offrait aux femmes de marins néerlandais, dont le mari était absent depuis longtemps ou bien disparu, une situation légale équivalente à celle des veuves. Nicole Dufournaud et Bernard Michon reviennent sur le statut de marchande publique qui permettait aux femmes d'avoir une activité marchande en toute légalité. Ces liens à travers les mers, principalement entre mari et femme, se retrouvent aussi à terre, dans les relations de voisinage ou pour les aides royales. La solidarité, bien que ne devant pas être idéalisée, doit se comprendre comme faisant partie d'un tout : les marins servent la monarchie ou les villes qui, en retour, aident les familles. Ces réseaux de relations, que l'on observe entre autres dans l'article d'Emmanuelle Charpentier, reposent sur des liens de crédit et d'endettement. Les nécessités de la vie quotidienne poussent des femmes à entrer dans le petit commerce et parfois à vendre des biens personnels, ce dont témoignent les inventaires après décès, qui permettent de mesurer leur niveau de richesse. Par ailleurs, l'ouvrage donne à voir une grande diversité sociale depuis la femme de marin seule et sans ressource jusqu'aux voyages de l'aristocratie européenne et leurs récits. La relation des femmes avec la mer est d'abord celle d'un équilibre économique fragile. Lorsqu'elles restent à terre pendant que les hommes sont en mer, il n'est plus question d'un partage des activités mais de tout assumer : l'unité économique du couple n'est plus. Ce sont les épouses qui doivent se préoccuper des soldes, voire les réclamer en cas de retard. Les femmes s'impliquent dans les différentes économies portuaires en développant des stratégies du quotidien face à l'incertitude caractéristique des économies d'Ancien Régime mais dont l'effet est ici décuplé. Cela entraîne donc une recomposition socio-économique, voire politique en cas de rébellion, comme lors de la sédition de Brest en 1709 L'article de Nicole Dufournaud et Bernard Michon, ainsi que celui d'André Lespagnol, montrent que les femmes ne travaillent pas seulement pour subsister, mais qu'elles peuvent avoir un rôle économique déclaré et important. Cette mise en perspective redonne une épaisseur sociale aux activités féminines et écarte l'idée que le travail et le salaire des femmes ne seraient que complémentaires de ceux des hommes. Le travail des femmes renvoie à la thématique de la « menace » de celles-ci sur les métiers occupés par les hommes, en particulier avec des salaires plus bas.
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Comment l’évolution du taux de pauvreté des immigrés extra-communautaires était perçue dans l’UE
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Intégration des
personnes âgées
immigrées (Chapitre 6)
Les immigrés âgés sont de plus en plus nombreux dans la
plupart des pays. Pourtant, alors qu’ils atteignent un âge
avancé, les difficultés qu’ils rencontrent pour s’intégrer sont
peu connues, ainsi que les résultats qu’ils obtiennent dans ce
domaine. Ces difficultés sont difficiles à cerner étant donné
que la population âgée immigrée, qui correspond à des flux
migratoires anciens, est souvent très différente des autres
cohortes d’immigrés. Dans la plupart des pays d’immigration
de longue date, cette population a été façonnée par les
arrivées de « travailleurs invités » peu qualifiés et par
l’immigration familiale qui a suivi. Ce chapitre présente pour la
première fois une vue d’ensemble de certains indicateurs pour
ce groupe avant le début de la pandémie COVID-19.
Les jeunes dont les parents sont nés à l’étranger et qui ont
grandi et ont suivi leur scolarité dans le pays d’accueil se
heurtent à des difficultés qui sont différentes de celles des
immigrés arrivés à l’âge adulte. Ce chapitre présente leurs
résultats scolaires, des indicateurs sur les conditions de
passage de l’école à la vie active, ainsi que des indicateurs sur
les conditions de vie et l’intégration sociale qui sont
particulièrement pertinents pour ce groupe. Ressortissants de pays
tiers (Chapitre 8)
Ce chapitre examine l’ensemble des « indicateurs de
Saragosse » sur les ressortissants de pays tiers (RPT) dans
l’Union européenne et autres pays européens de l’OCDE, ainsi
que d’autres indicateurs pertinents. Il compare leurs résultats
avec ceux des ressortissants du pays de résidence et ceux
d’autres pays de l’Union européenne.
Indicateurs
Compréhension de l’écrit
Élèves de 15 ans ne possédant pas les
compétences de base en compréhension de l’écrit
Proportion d’élèves résilients
Sentiment d’appartenance et bien-être
Proportion d’élèves déclarant avoir été victimes de
harcèlement
Proportion d’élèves qui se sentent mal à l’aise et pas
à leur place à l’école
Proportion d’élèves qui s’accordent à dire que les
immigrés doivent être traités comme des membres à
part entière de la société
Proportion d’élèves qui déclarent traiter les gens
avec respect, quelle que soit leur culture
Proportion d’élèves estimant pouvoir surmonter les
difficultés d’interaction avec des personnes de
différentes cultures
Proportion d’élèves qui pensent que la plupart de
leurs professeurs ont certaines attitudes
discriminatoires vis-à-vis d’autres groupes culturels
Taux de décrochage scolaire
Taux de jeunes sans emploi et sortis du système
éducatif (NEET)
Part de jeunes dont le niveau d’études est plus élevé
que celui de leurs parents
Taux d’emploi
Taux de chômage
Taux de déclassement
Emploi dans le secteur des services publics
Pauvreté relative des jeunes
Pauvreté relative des enfants
Taux de surpeuplement des jeunes
Taux de surpeuplement des enfants
Part des jeunes disposant d’un endroit calme pour
étudier
Participation autodéclarée aux dernières élections
nationales
Discrimination auto-déclarée en raison de
l’appartenance ethnique, de la nationalité ou de la
« race »
Part de RPT, par :
-âge
-durée de séjour
-régions de nationalité
-niveau d’éducation
Taux d’emploi
Taux d’activité
Taux de chômage
Part des travailleurs indépendants
Taille des entreprises
Taux de déclassement
Revenu médian
Distribution des revenus
Taux de pauvreté relative
Part des propriétaires occupants
Part des locataires à loyer au taux du marché
Part des locataires à loyer modéré
Part des personnes en bonne santé autodéclarée
Part des RPT ayant le statut de résident de longue
durée
LES INDICATEURS DE L’INTÉGRATION DES IMMIGRÉS 2023 © OCDE/UNION EUROPÉENNE 2023
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Nouveautés de cette édition
Après trois premières éditions parues en 2012, 2015 et 2018, voici la quatrième édition de « Trouver ses
marques ». Elle comporte un certain nombre de nouveautés par rapport aux éditions précédentes, afin de
donner une vision globale de l’intégration, tout en restant simple d’utilisation.
Pour commencer, de nouveaux indicateurs ont été ajoutés à cette édition, dans l’objectif de répondre aux
défis actuels en matière d’intégration. Par exemple, la pandémie de COVID-19 a montré que le mode de
vie et l’accès aux soins ont une incidence sur les risques sanitaires. Les confinements nationaux instaurés
pendant la pandémie ont également démontré l’importance de vivre dans des logements décents. Dans
ce contexte, cette nouvelle édition de « Trouver ses marques » présente un ensemble plus complet
d’indicateurs relatifs aux conditions de vie. Elle aborde de nouveaux aspects du logement et de la santé,
comme le taux de surcharge des coûts du logement, les caractéristiques du quartier d’habitation, les
facteurs de risque pour la santé et l’accès aux soins de santé. En outre, elle s’intéresse à la marginalisation
en incluant un indicateur relatif à la pauvreté et aux risques d’exclusion sociale.
Encadré d’annexe 1.A.1. Comment lire cette publication
Cette nouvelle édition de « Trouver ses marques » adopte une nouvelle structure de présentation des
indicateurs. Chaque indicateur d’intégration des immigrés est introduit par un encadré présentant le
contexte de l’indicateur. Il en donne une définition, comme dans les éditions précédentes, mais explique
également, le cas échéant, en quoi cet indicateur d’intégration est important, ainsi que les éventuels
problèmes de mesure. Cet encadré est suivi de trois paragraphes. Le premier paragraphe décrit la
situation actuelle dans les pays de l’OCDE et de l’UE. Le deuxième paragraphe retrace l’évolution de
l’indicateur au cours des 10 dernières années. Le troisième paragraphe expose les facteurs contextuels
qui expliquent les différences entre les pays. L’exposé en question est subdivisé en quatre catégories :
égalité des genres, niveau d’études, pays d’origine (UE/pays tiers, pour les pays de l’UE) et durée du
séjour. À la fin de chaque page, un encadré intitulé « Principales conclusions » résume les principaux
enseignements à tirer.
Par ailleurs, les pouvoirs publics accordent une importance croissante à la lutte contre l’exclusion sociale.
Pour mieux appréhender cette réalité, cette édition présente plusieurs nouveaux indicateurs de
l’intégration sociale, comme la participation à des œuvres de bienfaisance. Étant donné que la cohésion
sociale, un facteur essentiel de l’intégration, dépend également de l’attitude de la société d’accueil, le
chapitre intègre également plusieurs nouveaux indicateurs relatifs aux opinions des personnes nées dans
le pays sur l’intégration. Il confronte par ailleurs les opinions relatives à l’évolution des résultats sur le plan
de l’intégration à la réalité.
Ensuite, pour la première fois, cette édition comprend un chapitre spécialement consacré à l’intégration
des immigrés âgés, c’est-à-dire nés à l’étranger et âgés de plus de 64 ans. Ce groupe croît rapidement
dans de nombreux pays de l’OCDE et de l’UE, et souffre souvent de multiples vulnérabilités. Pourtant, à
ce jour, on dispose de relativement peu d’informations sur son intégration. Les immigrés âgés n’ayant
généralement plus aucun lien avec l’éducation et l’emploi, ce chapitre spécial met l’accent sur leurs
conditions de vie.
Enfin, cette publication s’accompagne d’une page Web interactive détaillée. Grâce aux dernières
avancées technologiques en matière de visualisation des données, l’outil Web sert d’explorateur convivial
des indicateurs de cette édition. Il se décompose en cinq parties, dans la mesure du possible : i) une page
de couverture comportant un lien vers la publication complète, ii) un comparatif général des résultats de
l’intégration, iii) un navigateur permettant de rechercher les indicateurs par chapitre, iv) des métadonnées.
LES INDICATEURS DE L’INTÉGRATION DES IMMIGRÉS 2023 © OCDE/UNION EUROPÉENNE 2023
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La page du navigateur, une composante centrale de l’outil, permet d’explorer un ensemble complet
d’indicateurs de l’intégration et d’établir une comparaison avec la situation relevée dix ans auparavant. En
outre, les utilisateurs ne sont pas tenus de s’arrêter aux moyennes et peuvent ventiler la plupart des
indicateurs selon plusieurs dimensions. Les graphiques et tableaux interactifs accompagnés de notes de
lecture propres aux indicateurs devraient favoriser une meilleure compréhension et améliorer la visibilité
des travaux relatifs aux indicateurs de l’intégration des immigrés. L’outil Web est accessible via une page
Web dédiée (https://oe.cd/indicateurs-integration-immigres).
LES INDICATEURS DE L’INTÉGRATION DES IMMIGRÉS 2023 © OCDE/UNION EUROPÉENNE 2023
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Annexe 1.B. Sources et limites des données
Les indicateurs présentés dans cette publication se fondent principalement sur des données provenant
d’enquêtes auprès des ménages. Contrairement aux recensements, qui n’ont généralement lieu que tous
les cinq ou dix ans et ne couvrent qu’un éventail limité de résultats sur le plan de l’intégration, ces enquêtes
sont réalisées à intervalles fréquents (souvent annuellement) et offrent une source de résultats plus
complète. En outre, alors que les données administratives ne sont disponibles que pour un petit nombre
de pays et dépendent de règles et de définitions nationales (relatives à la comptabilisation de l’emploi par
exemple), les enquêtes auprès des ménages ont généralement recours à des méthodes normalisées de
collecte des informations. Toutefois, il convient de prendre en considération certaines limites.
Tout d’abord, étant donné que ces enquêtes ciblent généralement les personnes vivant dans des
logements ordinaires, certains groupes d’immigrés, comme les sans-papiers ou les travailleurs
temporaires, les étudiants en mobilité internationale vivant dans des résidences et les personnes admises
pour raisons humanitaires dans des camps de réfugiés, risquent de passer au travers des mailles du filet.
Dans certains pays, ces groupes représentent une part importante de la population née à l’étranger. En
Türkiye, par exemple, l’Enquête de l’Union européenne sur les forces de travail (EFT-UE) de 2021 couvre
moins d’1 million d’immigrés d’âge actif nés en Asie, alors que ce pays compte à lui seul 2.2 millions de
réfugiés syriens d’âge actif.
Deuxièmement, pour couvrir les pays aussi largement que possible, cette publication associe des
enquêtes provenant de différentes sources. Toutefois, il n’est pas toujours possible d’harmoniser les
différentes sources de données du fait que les questions sont formulées différemment d’une enquête à
l’autre, en particulier lorsqu’il s’agit des conditions sociales et de vie. Par exemple, les taux moyens de
bénévolat sont mesurés différemment (adhésion ou participation au cours du dernier mois) dans les deux
enquêtes transnationales utilisées dans cette publication. Par conséquent, les résultats des deux enquêtes
ne sont pas entièrement comparables. Pourtant, ces deux enquêtes donnent des informations précieuses
sur les écarts entre les immigrés et les personnes nées dans le pays, qui font l’objet de la présente
publication.
Troisièmement, certains résultats sont plus faciles à mesurer que d’autres. De nombreux indicateurs
relatifs à l’intégration sociale ou à l’état de santé reposent sur des mesures subjectives, comme les
comportements, les sentiments et les perceptions. Ces dernières sont en général fortement influencées
non seulement par les différents contextes nationaux dans lesquels les questions sont posées, mais aussi
par la connaissance générale de la question, par les débats de société ou les incidents qui sont très
médiatisés peu avant le jour de l’enquête. Par exemple, les écarts observés entre les pays en termes de
discrimination autodéclarée ne sont pas seulement imputables au fait que la fréquence des actes de
discrimination varie d’un pays à l’autre, mais dépendent également du degré de sensibilisation des
immigrés à ce problème.
Quatrièmement, la pandémie de COVID-19 a mis un frein à de nombreuses collectes de données. La
situation sanitaire a donné lieu à des pénuries de personnel et à des restrictions visant à freiner la
propagation de la pandémie, ce qui a allongé les délais des enquêtes sur le terrain au sein de la zone
OCDE. Par conséquent, de nombreuses enquêtes ont pris du retard, et les enquêtes nationales sur les
forces de travail qui se sont poursuivies ont souvent mis en évidence un contexte fortement affecté par la
crise. La situation a évolué en 2021, avec la mise à disposition progressive des données sur les forces de
travail. Si la quasi-totalité des indicateurs relatifs à la main-d’œuvre prennent appui sur des données
récentes, plusieurs autres indicateurs reposent sur des données recueillies avant le début de la pandémie
de COVID-19.
LES INDICATEURS DE L’INTÉGRATION DES IMMIGRÉS 2023 © OCDE/UNION EUROPÉENNE 2023
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Enfin, le fait que la plupart des enquêtes sur les ménages soient réalisées à intervalles réguliers permet
de comparer la quasi-totalité des indicateurs dans le temps. Toutefois, outre l’évolution structurelle de la
population immigrée au fil du temps, les changements de méthode peuvent également avoir une incidence
sur la comparabilité dans le temps en raison de « ruptures dans les séries chronologiques statistiques ».
Cela a par exemple été le cas de l’EFT-UE en 2021. Afin d’améliorer l’harmonisation, le nouveau
règlement-cadre sur les statistiques sociales européennes intégrées (règlement IESS) a entraîné plusieurs
modifications de la conception de l’enquête EFT-UE. Citons par exemple la limitation du recours aux
entretiens assistés par un questionnaire papier, une harmonisation des définitions de la population cible
(toutes les personnes membres de ménages ordinaires résidant dans un État membre pendant au moins
six mois par an) et d’une séquence fixe de questions. Il existe désormais des règles claires concernant
l’estimation de la situation sur le marché du travail des travailleurs familiaux, des personnes en congé
parental ou des travailleurs saisonniers pendant la saison creuse. L’incidence de ces changements varie
d’un pays à l’autre, en fonction des définitions en vigueur avant la mise en œuvre du règlement IESS.
Cette publication remédie à la rupture de série en corrigeant les principaux résultats sur le marché du
travail antérieurs à 2021 par l’application d’un facteur de correction propre au pays (fondé sur le ratio entre
les valeurs corrigées et les valeurs non corrigées fournies par Eurostat). Faute de valeurs corrigées
ventilées par lieu de naissance, les mêmes facteurs de correction ont été utilisés pour les résultats des
personnes nées à l’étranger et ceux des personnes nées dans le pays. Cet exercice repose donc sur
l’hypothèse que la rupture de série affecte de la même manière les personnes nées dans le pays et celles
nées à l’étranger.
Notes
1
Par exemple, le Plan d’action de l’UE en faveur de l’intégration et de l’inclusion pour la période 2021-27
couvre à la fois les ressortissants de pays tiers et les citoyens de l’UE « issus de l’immigration », c’est-àdire les citoyens qui avaient la nationalité d’un pays tiers et qui sont devenus citoyens de l’Union par
naturalisation dans l’un des États membres de l’UE, ainsi que les citoyens de l’Union dont l’un des parents
ou les deux sont nés dans un pays tiers.
2
L’enquête « Trajectoires et Origines 2 » (TeO2) (2019-20) menée en France fait figure d’exception, du
fait qu’elle inclut une question sur le pays de naissance des quatre grands-parents des répondants.
3
L’horizon temporel de 10 ans a été choisi pour des raisons pratiques. Si certains indicateurs évoluent
d’une année sur l’autre (par exemple les taux d’emploi), d’autres sont de nature structurelle et n’évoluent
qu’au bout d’un certain temps (par exemple les résultats scolaires, les conditions de logement).
LES INDICATEURS DE L’INTÉGRATION DES IMMIGRÉS 2023 © OCDE/UNION EUROPÉENNE 2023
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2 Composition des populations et
ménages immigrés
Ce chapitre examine la taille de la population immigrée (Indicateur 2.1) et
les caractéristiques sociodémographiques des immigrés, qui influent sur
leur intégration. Sont prises en compte les caractéristiques liées à l’âge
(voir chapitre 6), au genre (Indicateur 2.2), à la fécondité (Indicateur 2.3), à
la concentration géographique (Indicateur 2.4), et à la composition des
ménages et des familles (Indicateurs 2.5 et 2.6). Outre ces déterminants,
qui s’appliquent aussi aux personnes nées dans le pays, on en relève
d’autres qui sont propres aux immigrés, comme la catégorie d’entrée
(Indicateur 2.7), la durée du séjour et la région d’origine (Indicateur 2.8).
Pour appréhender les résultats en matière d’intégration, il est au préalable
indispensable de comprendre comment ces facteurs varient d’un pays à un
autre, mais aussi entre les immigrés et les personnes nées dans le pays.
LES INDICATEURS DE L’INTÉGRATION DES IMMIGRÉS 2023 © OCDE/UNION EUROPÉENNE 2023
54
En bref
Plus d’un habitant sur dix est immigré
•
•
•
Les pays de l’OCDE comptent 141 millions d’immigrés, qui représentent plus de 10 % de leur
population. Dans l’UE, la proportion d’immigrés est légèrement supérieure, à 12 % de la population,
soit environ 54 millions de personnes nées à l’étranger.
Près d’un tiers des immigrés dans l’OCDE vivent aux États-Unis, mais cette part a diminué de
3 points de pourcentage ces dix dernières années. Dans l’UE, c’est l’Allemagne qui est le premier
pays d’accueil, avec 25 % de l’ensemble des résidents nés à l’étranger.
Le nombre total d’immigrés a augmenté de 20 % dans l’OCDE et l’UE ces dix dernières années. La
libre circulation des personnes au sein de l’UE/AELE et l’afflux récent de migrants humanitaires ont été
les principaux moteurs de la croissance des populations immigrées. Parmi les pays où la hausse de la
part de la population née à l’étranger a été la plus forte, on trouve les pays nordiques, Malte, et les pays
d’Amérique latine (Chili, Colombie) qui comptaient par le passé une faible population immigrée.
Dans la plupart des pays, la part des femmes dans la population immigrée est plus importante
•
•
•
Dans l’UE et l’OCDE, 51 % des immigrés sont des femmes. La majorité des immigrés de longue
durée sont des femmes, car elles vivent généralement plus longtemps que les hommes et sont
surreprésentées parmi les migrations familiales. C’est dans les pays où la population immigrée est
âgée (comme la Lettonie et l’Estonie) ou qui accueillent un grand nombre de travailleurs immigrés
peu qualifiés employés dans le secteur des soins à domicile (comme l’Italie et Chypre) que la part
des femmes dans la population immigrée est la plus élevée.
Compte tenu du vieillissement de la population immigrée et de l’arrivée massive de migrants
humanitaires principalement de sexe masculin en 2015-16, la part des femmes dans la population
immigrée a chuté ces 14 dernières années dans les trois quarts des pays de l’UE. Elle a augmenté
dans la plupart des pays hors UE et dans quelques pays de l’UE qui avaient connu une immigration
massive de main-d’œuvre peu qualifiée avant la crise de 2007-08.
Les immigrées ont souvent plus d’enfants que les femmes nées dans le pays. L’indicateur conjoncturel
de fécondité des immigrées s’élève à 2.02 enfants dans l’UE et 2.46 enfants aux États-Unis, ce qui est
bien supérieur à celui des femmes nées dans le pays, à 1.44 et 1.58 respectivement. Les écarts entre
les femmes nées à l’étranger et celles nées dans le pays en termes de fécondité sont les plus marqués
dans les pays où une grande partie des femmes sont arrivées au titre du regroupement familial et/ou
ont un faible niveau d’études, comme la France, l’Allemagne, les États-Unis et le Costa Rica.
Les migrations familiales restent la catégorie d’entrée la plus fréquente dans les pays de l’OCDE, tandis
que dans l’UE, la plupart des immigrés se déplacent au titre de la libre circulation
•
•
La libre circulation des personnes au sein de l’UE est à l’origine de quasiment la moitié des flux
permanents dans l’UE depuis les 15 dernières années. Les migrations familiales constituent la
principale catégorie d’entrée dans l’OCDE, et plus particulièrement aux États-Unis et en France,
contrairement à la plupart des pays d’installation où il s’agit des migrations de travail.
En 2021, les flux annuels d’immigration permanente représentaient 0.6 % de la population totale de l’UE et
0.4 % de celle de l’OCDE. C’est dans les pays européens accueillant traditionnellement une forte proportion
d’immigrés originaires de l’UE que ces flux sont les plus importants, comme le Luxembourg (3.2 %), la
Suisse (1.4 %) et la Belgique (0.9 %), ainsi qu’au Canada (1.1 %). À l’inverse, les flux les plus faibles
(inférieurs à 0.2 % de la population) sont enregistrés dans les pays de l’OCDE d’Asie et d’Amérique latine.
LES INDICATEURS DE L’INTÉGRATION DES IMMIGRÉS 2023 © OCDE/UNION EUROPÉENNE 2023
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La plupart des immigrés sont dans leur pays d’accueil depuis au moins 10 ans
•
•
•
Plus de deux tiers des immigrés dans l’OCDE et l’UE vivent dans leur pays d’accueil depuis 10 ans
ou plus. Il n’y a que dans les pays ayant accueilli récemment des immigrés pour raisons humanitaires
ou dans lesquels les migrations de travail sont essentiellement temporaires (Chili, Corée, Japon,
Suède, Bulgarie et Chypre) que les immigrés arrivés au cours des cinq dernières années
représentent au moins 30 % de l’immigration totale.
La moitié de la population immigrée dans l’UE est originaire de pays européens, dont 30 % d’autres États
membres de l’UE. Les immigrés originaires d’États membres de l’UE constituent une grande majorité au
Luxembourg (75 %), en Hongrie (62 %) et en République slovaque (57 %). Du fait du passé colonial et de
l’immigration de « travailleurs invités » au lendemain de la Seconde guerre mondiale, une grande partie
des personnes nées à l’étranger en France, au Portugal, aux Pays-Bas et en Belgique sont aussi originaires
d’Afrique, et d’Amérique latine en Espagne, au Portugal et aux Pays-Bas. Dans les pays nordiques, de par
les migrations humanitaires, une forte proportion d’immigrés vient d’Asie (Moyen-Orient principalement).
En Asie, plus de 79 % des immigrés viennent de pays asiatiques. Au Canada et en Australie aussi,
plus de la moitié des personnes nées à l’étranger sont originaires d’Asie, tandis que plus de 50 %
des immigrés aux États-Unis sont originaires d’Amérique latine.
Les immigrés sont plus susceptibles de vivre dans des zones urbaines que les personnes nées dans le
pays
•
•
•
Dans tous les pays de l’OCDE, les immigrés sont surreprésentés dans les zones densément
peuplées, surtout dans les pays d’immigration de longue date et dans les pays d’Europe centrale et
orientale. Dans l’UE, plus de la moitié des adultes immigrés vivent dans une zone densément
peuplée, contre moins de deux personnes nées dans le pays sur cinq.
Compte tenu du phénomène global d’urbanisation observé parmi les personnes nées dans le pays,
et des efforts déployés pour répartir géographiquement les travailleurs immigrés et les migrants
humanitaires, les proportions d’immigrés et de natifs vivant dans des zones densément peuplées
sont plus équilibrées en 2020 qu’en 2012.
Les immigrés très instruits, récents et ceux qui sont originaires de pays extérieurs à l’UE s’installent
souvent en ville, et cette pratique est encore plus répandue parmi les immigrés récents qui s’installent
dans les principaux pays d’immigration de l’UE, à l’exception de la plupart des pays nordiques où les
nouveaux immigrés admis pour des raisons humanitaires sont répartis dans tout le territoire.
Les immigrés sont plus susceptibles que les personnes nées dans le pays de vivre seuls ou avec des
enfants
•
•
•
•
Dans l’UE, 12 % des ménages comptent au moins un responsable immigré. Environ deux tiers
d’entre eux sont des ménages exclusivement composés d’immigrés et un tiers sont mixtes (comptant
un responsable né à l’étranger et un né dans le pays). Dans la plupart des ménages composés
uniquement d’immigrés, les responsables sont originaires de pays hors UE.
En dehors de l’Europe, la part des ménages immigrés est particulièrement importante en Australie,
en Nouvelle-Zélande et en Israël, où plus de deux ménages sur cinq comptent au moins un
responsable immigré. À titre de comparaison, la part des ménages immigrés est restreinte dans les
pays qui comptent une faible population née à l’étranger, comme le Mexique ou la Corée.
Les ménages immigrés sont légèrement plus grands que les ménages natifs dans la plupart des
pays, à hauteur de 0.2 personne à l’échelle de l’UE. Toutefois, ce n’est pas le cas dans certains pays
d’Amérique latine membres de l’OCDE, aux Pays-Bas, en Israël et dans la plupart des pays d’Europe
centrale et orientale.
Les immigrés sont surreprésentés parmi les ménages avec enfants, mais aussi parmi les ménages
d’une seule personne. En fait, les ménages d’une seule personne sont les plus courants au sein de
la population immigrée dans la plupart des pays, à l’exception du Royaume-Uni, de l’Irlande, de la
Grèce et de l’Espagne, où ceux sont les familles (adultes avec enfants).
LES INDICATEURS DE L’INTÉGRATION DES IMMIGRÉS 2023 © OCDE/UNION EUROPÉENNE 2023
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2.1. Taille de la population immigrée
Contexte
La population immigrée désigne l’ensemble des personnes nées en dehors du pays dans lequel elles
résident, c’est-à-dire les « personnes nées à l’étranger ».
En 2021, l’UE comptait 54 millions d’immigrés, qui représentaient 12 % de sa population. Cette proportion est
légèrement plus faible dans l’OCDE, qui compte 141 millions de résidents nés à l’étranger, représentant plus de
10 % de la population totale. Les immigrés représentent plus d’un cinquième de la population dans les pays
d’installation comme l’Australie, le Canada et la Nouvelle-Zélande. Ils représentent aussi pour un peu moins
d’un tiers et la moitié de la population en Suisse et au Luxembourg, deux pays d’immigration de longue date qui
accueillent des flux particulièrement importants en provenance de la zone de libre circulation de l’UE/AELE
depuis 20 ans. À titre de comparaison, la plupart des pays de l’OCDE en Asie, en Amérique latine et en Europe
centrale comptent une population immigrée de taille modeste, qui représentait moins de 2.5 % de la population
totale du Mexique, de la Pologne et du Japon en 2021.
Le nombre total d’immigrés a augmenté de plus de 20 % ces dix dernières années, de 114 à 141 millions dans la
zone OCDE et de 44 à 54 millions dans l’UE. La proportion de personnes nées à l’étranger dans la population totale
a augmenté dans la quasi-totalité des pays, de plus de 2 points de pourcentage dans la moitié des pays. La libre
circulation des personnes au sein de l’UE/AELE et l’afflux récent de personnes admises pour raisons humanitaires
en Europe et en Amérique du Sud depuis 2015 ont été les principaux moteurs de la croissance des populations
immigrées. Ainsi, leur nombre a augmenté de près de 50 % dans les pays nordiques, avec une progression de la
proportion d’immigrés dans la population totale d’au moins 2.5 points de pourcentage pour l’ensemble des 5 pays, et
de plus de 5 points en Suède et en Islande. À Malte, la proportion d’immigrés a presque triplé, tandis que les hausses
enregistrées dans les pays où les populations immigrées étaient relativement modestes en 2011 ont aussi été
notables. Au Chili et en Roumanie, la proportion d’immigrés a plus que triplé, tandis qu’elle a été multipliée par près
de 20 en Colombie sous l’effet des migrations humanitaires massives en provenance du Venezuela. À l’inverse, les
nouveaux arrivants n’ont pas compensé le vieillissement de la population née à l’étranger en Israël et dans les pays
baltes, qui figurent parmi les rares pays où la part de la population née à l’étranger dans la population totale a reculé.
Dans le cas d’Israël, le taux de fécondité de la population– l’un des plus élevés de l’OCDE – a aussi joué un rôle dans
la contraction de la population immigrée.
La répartition de la population immigrée selon le pays de résidence s’est diversifiée entre 2011 et 2021 à la fois
dans la zone OCDE et dans l’UE. Si près d’un tiers des immigrés dans l’OCDE vivent aux États-Unis, cette
proportion a diminué de 3 points de pourcentage. L’Allemagne est, de plus en plus, le premier pays d’accueil de
l’UE, puisqu’on y trouve 25 % des résidents de l’UE nés à l’étranger. À titre de comparaison, la « part de marché »
globale des autres principaux pays d’accueil dans l’UE (comme la France, l’Espagne et l’Italie) a diminué.
Principaux résultats
•
L’UE compte 54 millions d’immigrés, qui représentent 12 % de sa population. Cette proportion est
légèrement plus faible dans l’OCDE, qui compte 141 millions de résidents nés à l’étranger,
représentant plus de 10 % de la population totale.
•
Ces dix dernières années, la population immigrée a augmenté dans presque tous les pays, de plus
de 20 % au total à la fois à l’échelle de l’OCDE et à celle de l’UE.
•
Dans l’OCDE et l’UE, parmi les pays ayant connu la plus forte augmentation de la part de la
population immigrée, on trouve les pays nordiques, Malte, et plusieurs pays d’Amérique latine (Chili,
Colombie) où la population immigrée était auparavant relativement modeste.
LES INDICATEURS DE L’INTÉGRATION DES IMMIGRÉS 2023 © OCDE/UNION EUROPÉENNE 2023
57
Graphique 2.1. Part de la population née à l’étranger
Tous âges confondus, 2011 et 2021 ou dernière année disponible
2021
2011
%
40
48
35
30
25
20
15
10
5
0
StatLink 2 https://stat.link/usam9i
Graphique 2.2. Répartition de la population née à l’étranger, par pays d’accueil
Tout âge, 2011 (cercle intérieur) et 2021 (cercle extérieur)
OCDE
UE
Autres pays
de l'OCDE
États-Unis
Autres pays
de l'OCDE
Allemagne
25%
34%
32%
31%
34%
36%
24%
32%
France
Australie
5%
France
Espagne
6%
6%
5%
Canada
13%
9%
7%
6%
7%
16%
14%
10%
Allemagne
6%
17%
12%
Italie
Royaume-Uni
13%
StatLink 2 https://stat.link/orkypz
Les notes et les sources sont consultables dans leurs StatLinks respectifs.
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58
2.2. Proportion de femmes
Contexte
Cet indicateur désigne la part des personnes qui se reconnaissent comme femmes dans la population
immigrée (née à l’étranger).
Si les hommes représentent l’essentiel des nouveaux immigrés dans la plupart des pays, les résidents sont en
majorité des femmes. Tout comme les femmes qui vivent généralement plus longtemps, les migrants familiaux
(dont un grand nombre sont des femmes) tendent à séjourner plus longtemps dans le pays d’accueil. Dans l’UE
et l’OCDE, les femmes représentent 51 % des immigrés tous âges confondus, avec les parts les plus importantes
(54 % au moins) en Estonie, en Lettonie et en Israël – pays où la proportion d’immigrés de plus de 65 ans est la
plus élevée, là où les femmes sont surreprésentées en raison de leur espérance de vie plus longue. Les immigrées
sont surreprésentées au Costa Rica et dans la plupart des pays d’Europe du Sud, particulièrement à Chypre et en
Italie, qui accueillent des travailleurs immigrés peu qualifiés depuis 20 ans. Nombre d’entre eux travaillent dans le
secteur des soins à domicile, où les femmes sont surreprésentées. À l’autre extrémité, les hommes immigrés sont
plus nombreux que les femmes immigrées dans la plupart des pays nordiques, à Malte, et en Allemagne, autant
de pays qui ont accueilli récemment un grand nombre d’immigrés admis pour raisons humanitaires. Les immigrées
sont aussi sous-représentées dans les pays où les immigrés viennent traditionnellement chercher du travail et se
concentrent dans des secteurs nettement dominés par les hommes, comme le secteur manufacturier ou la
construction. C’est notamment le cas dans les pays d’Europe centrale et en Corée : ainsi, les femmes représentent
moins de 46 % de la population immigrée en Corée, en Slovénie et en République tchèque.
La part de femmes dans la population immigrée de l’UE est restée stable au cours des 14 dernières années.
Pourtant, elle a diminué dans deux tiers des pays de l’UE, d’au moins 6 points de pourcentage en Lituanie, à
Malte et en Pologne. Cette évolution tient principalement à deux facteurs : le vieillissement des immigrées (et la
mortalité associée) en Europe centrale et orientale où les nouvelles arrivées n’ont pas compensé les décès
d’immigrées, et les arrivées massives de migrants humanitaires (principalement des hommes) ces dix dernières
années, particulièrement en 2015-16. Ces facteurs n’ont pas eu la même incidence sur l’immigration dans les
pays hors UE : la part des femmes dans les populations immigrées a augmenté dans la plupart d’entre eux au
cours des 14 dernières années. Elle a aussi progressé dans certains pays de l’UE qui accueillaient un très grand
nombre de travailleurs immigrés jusqu’à la récession économique de 2007‑08, lorsque certains hommes
immigrés ont perdu leur emploi et quitté le pays tandis que d’autres ont été rejoints par leur famille, notamment
en Espagne et en Irlande. La proportion de femmes a augmenté considérablement en Corée, essentiellement
via l’immigration liée aux mariages.
Dans l’UE, les personnes nées dans l’UE sont plus souvent des femmes que les immigrés de pays tiers, une
tendance principalement due à la situation en Allemagne. En effet, les femmes nées dans l’UE sont plus
nombreuses que leurs homologues masculins en Allemagne, alors que la situation est inversée pour les
immigrés extracommunautaires. En fait, si les personnes nées dans l’UE sont plus souvent des femmes dans
environ deux tiers des pays de l’UE, les immigrés de pays tiers sont plus souvent des femmes dans tous les
pays de l’UE – sauf en Slovénie, Roumanie, Suède, Autriche et Allemagne.
Principaux résultats
•
Dans l’UE et l’OCDE, 51 % des immigrés sont des femmes. La part d’immigrées est plus élevée
dans les pays comptant une population immigrée âgée et un grand nombre de travailleurs immigrés
peu qualifiés employés dans les soins à domicile (comme l’Italie et Chypre).
•
Suite au vieillissement des immigrés et aux arrivées de migrants humanitaires, la part de femmes
parmi les immigrés a chuté ces 14 dernières années dans deux tiers des pays de l’UE, mais a
généralement augmenté hors UE, surtout en Corée, mais aussi en Espagne et en Irlande.
LES INDICATEURS DE L’INTÉGRATION DES IMMIGRÉS 2023 © OCDE/UNION EUROPÉENNE 2023
59
Graphique 2.3. Part des femmes dans la population immigrée
Tous âges confondus, 2021
%
60
55
50
45
40
35
30
25
20
StatLink 2 https://stat.link/6suyzm
Graphique 2.4. Évolution de la part des femmes dans la population immigrée
Tous âges confondus, entre 2007 et 2021
11.1
Lituanie
Chili
Malte
Pologne
Hongrie
Bulgarie
Estonie
Türkiye
Japon
Suède
Finlande
Norvège
Slovénie
Belgique
Autriche
Danemark
Luxembourg
Allemagne
Italie
Suisse
Nouvelle-Zélande
République tchèque
Lettonie
Total UE (24)
Pays-Bas
Chypre
Grèce
Royaume-Uni
Canada
Total OCDE (38)
Australie
France
Israël
Portugal
Islande
États-Unis
Mexique
Corée
Irlande
Espagne
-10
4.1
-8
-6
-4
-2
0
Évolution en points de pourcentage
2
4
StatLink 2 https://stat.link/dk4eo5
Les notes et les sources sont consultables dans leurs StatLinks respectifs.
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60
2.3. Taux de fécondité
Contexte
L’indicateur conjoncturel de fécondité (ICF) correspond au nombre d’enfants que chaque femme pourrait
mettre au monde au cours de sa vie si elle donnait naissance au nombre d’enfants correspondant au taux
de fécondité par âge et par groupe observé dans l’année considérée.
Il n’est représentatif que des femmes ayant donné naissance à un enfant dans le pays de résidence. Les
recherches montrent que la fécondité des immigrées peut être perturbée, dans la mesure où les femmes qui
projettent d’émigrer préfèrent généralement reporter leur première grossesse jusqu’à ce qu’elles soient
installées dans le pays d’accueil. C’est pourquoi l’ICF peut être mécaniquement supérieur à ce que serait la
« descendance finale » (c’est-à-dire le nombre d’enfants nés à la fin de la période de fécondité d’une cohorte
spécifique). La fiabilité de cet indicateur dépend également de la fiabilité de la collecte des statistiques vitales
d’une part, et de la fiabilité des estimations relatives à la population résidente, d’autre part. La fiabilité est
moindre dans les pays qui utilisent une année de référence différente pour leurs statistiques sur les
naissances et leurs estimations démographiques. Les estimations peuvent également être biaisées dans les
pays où la proportion de femmes/mères dont on ignore le pays de naissance est élevée.
L’indicateur conjoncturel de fécondité (ICF) des immigrées est de 2.02 enfants dans l’UE et 2.46 enfants aux ÉtatsUnis en 2019, ce qui est sensiblement supérieur à celui des femmes nées dans le pays, à 1.44 et
1.58 respectivement. En moyenne dans un tiers des pays, les femmes immigrées ont plus de 0.5 enfant de plus
que leurs homologues natives. On observe les plus grands écarts d’ICF entre femmes immigrées et natives dans
les pays d’immigration européens de longue date qui accueillent un grand nombre d’immigrés
extracommunautaires originaires de pays au taux de fécondité élevé (hors Pays-Bas), dans les pays américains
de l’OCDE et dans la plupart des pays d’Europe du Sud, en Lituanie et en Pologne. Cet écart est supérieur à
0.8 enfant dans les deux pays de l’UE comptant les populations immigrées les plus nombreuses (Allemagne et
France), aux États-Unis et au Costa Rica. Comme indiqué dans l’encadré ci-dessus, l’ICF des immigrées est
supérieur à la descendance finale car les immigrées retardent leurs naissances juste après la migration. C’est
particulièrement vrai dans les pays où une grande partie des femmes sont arrivées pour motif familial et/ou ont un
faible niveau d’éducation. Dans l’UE, la fécondité des femmes nées en dehors de l’UE/AELE est presque toujours
supérieur à celui de leurs homologues nées dans l’UE ou dans le pays d’accueil, soit 2.27 enfants dans l’UE. Les
immigrées ont moins d’enfants que les natives dans certains pays d’Europe centrale et orientale, en Australie, en
Türkiye, au Japon, en Israël, en Islande et au Danemark. Au Japon, l’ICF des immigrées est plus faible car un
grand nombre d’entre elles sont étudiantes en mobilité internationale ou en stage de formation technique avec une
durée de séjour limitée. Par ailleurs, les mariages mixtes au Japon se concluent plus souvent par un divorce. L’ICF
des immigrées et celui des natives sont comparables à Malte, à Chypre, en Irlande et aux Pays-Bas.
L’ICF des immigrées et celui des femmes nées dans le pays ont diminué entre 2010 et 2019 dans la plupart des
pays pour lesquels on dispose de données. L’évolution de la fécondité dans les deux groupes est relativement
identique, avec des exceptions notables toutefois. En Irlande, la baisse de l’ICF est uniquement imputable aux
femmes natives, puisque l’ICF des immigrées est resté stable sur la période. À l’inverse, il a reculé chez les
immigrées en Autriche, au Luxembourg et au Portugal, alors qu’il a légèrement augmenté chez les natives. Il
n’y a qu’en Slovénie et à Malte que l’ICF des immigrées a augmenté.
Principaux résultats
•
L’indicateur conjoncturel de fécondité des immigrées s’élève à 2.02 enfants dans l’UE, ce qui est
sensiblement supérieur à celui des femmes nées dans le pays, à 1.44.
•
C’est en France, en Allemagne, aux États-Unis et au Costa Rica que les écarts de taux de fécondité
entre les immigrées et les femmes nées dans le pays sont les plus creusés.
LES INDICATEURS DE L’INTÉGRATION DES IMMIGRÉS 2023 © OCDE/UNION EUROPÉENNE 2023
61
Graphique 2.5. Indicateur conjoncturel de fécondité
Femmes âgées de 15 à 49 ans, entre 2010 et 2019
Nées dans le pays
Nées à l’étranger
Nombre de naissances par femme,
3.6
3.5
Nées en dehors de l’UE
3
2.5
2
1.5
1
0.5
0
StatLink 2 https://stat.link/rv83lh
Graphique 2.6. Évolution de l’indicateur conjoncturel de fécondité
Femmes âgées de 15 à 49 ans, entre 2010 et 2019
Nées à l’étranger
Nées dans le pays
Luxembourg
Royaume-Uni
Islande
Belgique
Norvège
Suède
Pays-Bas
Portugal
Danemark
Espagne
Autriche
Irlande
Estonie
Slovénie
Lituanie
Malte
-1.0
-0.8
-0.6
-0.4
-0.2
0.0
0.2
Évolution du nombre de naissances par femme
0.4
0.6
StatLink 2 https://stat.link/k7025c
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62
2.4. Concentration dans les zones densément peuplées
Contexte
Les débouchés économiques et le logement ne sont pas répartis uniformément, et des différences marquées
existent notamment entre les zones densément peuplées et celles moins peuplées.
Une zone densément peuplée est un agrégat de grilles territoriales contiguës avec un certain seuil de
population (généralement au moins 50 000 personnes) et une densité de population minimum (généralement
au moins 500 habitants par km²). Dans les pays européens, la densité est fondée sur le nombre d’habitants
au km². En dehors, la concentration se fonde sur les tracés des communes ou des zones métropolitaines
avec des seuils de population variables, pas totalement comparables.
Dans tous les pays, les immigrés sont surreprésentés dans les capitales et leurs zones métropolitaines, où se
concentrent les emplois et les diasporas. Dans l’UE, plus de la moitié des adultes immigrés vivent dans des
zones densément peuplées, contre moins de deux personnes nées dans le pays sur cinq. Les immigrés sont
particulièrement concentrés dans la plupart des pays d’immigration de longue date et en Europe centrale et
orientale. En dehors de l’Europe, ils sont beaucoup plus concentrés dans les zones densément peuplées que
les natifs dans les pays d’installation et en Amérique latine.
La concentration des populations immigrées dans les zones densément peuplées s’est accentuée dans les deux
tiers des pays environ entre 2012 et 2020, conformément à l’évolution globale de l’urbanisation. La
concentration s’étant accrue encore davantage pour les personnes nées dans le pays dans la plupart des pays,
les écarts entre personnes nées dans le pays et personnes nées à l’étranger se sont résorbés, ce qui est le
signe d’une urbanisation plus équilibrée, en partie grâce aux efforts déployés pour répartir les travailleurs
immigrés et les personnes admises pour des raisons humanitaires sur tout le territoire. Toutefois, ces écarts se
sont creusés en Europe centrale, en Irlande et dans quelques autres pays.
Dans l’UE, 59 % des immigrés récents (dans le pays d’accueil depuis moins de cinq ans) vivent dans des zones
densément peuplées, contre 52 % des immigrés installés de longue date (10 ans ou plus). Par rapport aux
immigrés installés, les nouveaux arrivants vivent plus dans des zones densément peuplées au Portugal, en
Irlande et au Luxembourg. En Suède, en Norvège, au Danemark et en Islande, où les nouveaux migrants
humanitaires sont répartis dans tout le territoire conformément à la législation nationale qui ne leur permet de
choisir leur lieu de résidence qu’après un délai de plusieurs années, les immigrés installés vivent en réalité plus
souvent dans des zones densément peuplées que leurs homologues arrivés récemment. Les immigrés de pays
tiers se concentrent particulièrement dans les zones densément peuplées. En 2020, la proportion d’immigrés
de pays tiers dans ces zones s’élève à 58 %, soit 13 points de pourcentage de plus que les personnes nées
dans l’UE et 19 points de plus que celles nées dans le pays. Les personnes très instruites, quel que soit leur
lieu de naissance, sont plus susceptibles de vivre dans des zones urbaines dans presque tous les pays, puisque
c’est là que se concentrent les emplois hautement qualifiés. Il n’y a qu’en Belgique et au Royaume-Uni que les
personnes peu instruites – qu’elles soient nées dans le pays ou à l’étranger – vivent plus en zone urbaine.
Principaux résultats
•
Dans tous les pays, les immigrés sont surreprésentés dans les zones densément peuplées, surtout
dans les pays d’immigration de longue date et les pays d’Europe centrale et orientale.
•
Dans la plupart des pays, les proportions d’immigrés et de personnes nées dans le pays vivant dans
des zones densément peuplées étaient plus proches en 2020 qu’en 2012.
| 19,460
|
61/tel.archives-ouvertes.fr-tel-00567365-document.txt_2
|
French-Science-Pile
|
Open Science
|
Various open science
| null |
None
|
None
|
French
|
Spoken
| 3,374
| 5,919
|
- La retombée N. W. du massif de Chasseforêt et la vallée des Prioux. Vue prise vers l'Est et le N.E. depuis les pentes est du Roc de la Pêche (au premier plan, dans l'angle inférieur gauche, on distingue les bancs dolomitiques et calcaires clairs très redressés et renversés du Ladinien). Assemblage de trois photos. La diagonale réunissant les coins supérieur gauche et inférieur droit correspond presque exactement à un grand contact anormal (fig. 2 1, 7 7 et 81). En bas, ce sont les écailles calcaires du synclinorium Modane-Pralognan. Dans un ravin ensoleillé à droite, on voit des roches broyées, calcaires et cargneules en bas, quartzites triasiques vers le haut (bande très claire). Vers la gauche, les écailles changent de caractère : ayant échappé aux broyages tardifs dus au rejeu du chevauchement frontal de lavanoise-Mont-Pourri, elles forment de hautes murailles calcaires. Juste sous la pyramide trapue de la Grande Casse, trônant à l'arrière-plan (voir fig. 32), le Roc de la Valette est formé de r e ~ l i ssubhorizontaux de Mdm et de Marbres chloriteux (voir fis " 18 et 21).,, difficiles à discerner. avec de minces bandes de schistes éocènes (vire sombre vers le haut de la face éclairée). Au-delà de l'accident ci-dessus défini, nous sommes dans le Paléozoïque de Vanoise méridionale, très nettement réparti en une région permienne, aux formes topographiques molles, couverte de pâturages (c'est la.a« Zone des Cols ou mieux ((Zonedes Cirques »), et une région formée par des micaschistes gris probablement carbonifères. Cette dernière a été mise en relief par l'érosion différentielle en un haut massif (massif topographique de Chasseforêt) atteignant 3.572 mètres au Dôme des Nants (coin supérieur droit). Les parois carbonifères, hautes de 700 à 1.000 mètres, sont couronnées par un beau mur de séracs, bordure des vastes glaciers (glacier des sonnailles, etc.) couvrant le dos du haut massif. On remarque une sorte de schistosité grossière, plongeant de la gauche vers la droite, en liaison probable avec des poussées tardives du Sud au Nord. Ce Carbonifère plonge vers nous de 45 à 900, sous le Permien, dont l'épaisseur apparente formidable est due à un jeu de remarquables replis subverticaux aigus accompagnés d'une schistosité vraie bien développée. On pourra reconnaître ces replis sur les pentes nord (ici A gauche) du large vallon des Nants, en s'aidant de la figure 21. 1. Micaschistes gris gorgés de sius de prasinite (bandes claires), à la sortie amont des gorges de la Pontille, entre Champagny-le-Bas et Champagny4e-Haut. Noter le clivage schisteux, accompagné de plissottements. Ces prasinites à hombiende ont une composition chimique de diorite ou de gabbro (an. no 14). 2. Anciens tufs probables dans ie Carbonifère du Mont-Pourri, en bordure du haut glacier de la Savine, vers 3.000 mètres d'altitude : roche grise à nombreux petits yeux ovales de feldspath, rappelant certains types des bésimaudites des Alpes maritimes italiennes. Filonnets d'exsudation selon le litage, antérieurs à une phase tardive de plissottement (plis déversés vers l'Est : la photo est prise vers le N.W.); une bande de quartz blanc est bordée de fins liserés de chlorite. Ces fiionnets, contemporains de la phase principale du métamorphisme alpin, ne sont antétectoniques que par rapport aux dernières phases tectoniques. Au fond, le haut glacier de la Gurra.
PLANCHE 34 LA S ~ R I ECALCAIRE DE VANOISE OCCIDENTALE Planche 34. - La série calcaire de Vanoise occidentale. Le Grand Marchet (2.650 m), face sud-est et pilier sud-ouest. Vue prise vers le N.E. (assemblage de deux photos). Aspect typique des parois calcaires et dolomitiques rubanées des environs de Pralognan. Comparer avec la figure 17, prise d'un point voisin, et qui donne le détail des couches : du bas en haut, Trias calcaire; Dogger à Mytilus (petitt. bande sombre aboutissant à la brèche entre les deux dents à la droite de l'arête calcaire); M a l m :noter les bancs de dolomie fauve : deux bandes grises inégales de part et d'autre d'une bande très blanche; elles sont en Mger reiief sur l'arête de gauche, près d'un petit nuage); Crétacé supérieur :c'est la bande foncée très visible vers le haut de ia paroi; il s'agit de marbres roses plus ou moins phyiliteux; Malm, devenant sombre vers sa base (ici son sommet); Dogger à Mytilus, avec quartzites noirs (aboutit sur ie dos d'une dent très marquée au milieu de la montagne, comparez fig. 17); enfin, coiffant le sommet principal, le Lias inférieur (dolomies foncées, schistes, brèches, etc.), probablement associé à du Trias calcaire (marqué TC sur la fig. 17). Ces couches appartiennent au système d'écailles laminaires de la pseudo-couverture du bord nord-ouest du massif de Chasseforêt, tout comme celles du Roc de la Valette. Comme on le voit sur le panorama II, elles plongent fortement, sur l'autre versant, en direction de l'ombilic de Pralognan, que le Grand Marchet domine, presque à pic, de plus de 1.000 mètres. La série calcaire, avec ses redoublements laminaires, est déconée comme un tout et repose en discord tectonique complète sur les couches, plissées subverticalement de façon intense, du Permien - Permo-Trias et des Quartzites du Trias : ces couches affleurent notamment dans les pentes gazonnées vers le bord droit du cliché (col du Grand Marchet). Comparer avec les figures 83 et & (p.l 423). Le Grand Marchet domine à droite le cirque de même nom, affouillé dans le Permien et clos à l'amont par une grande paroi de micaschistes gris. Vers l'angle gauche inférieur de la vue, on voit le seuil aval du cirque : le ruisseau de l'Isertan code dans une prairie, avant de se jeter en cascades dans l'ombilic de Pralognan; une partie de feau se perd dans un trou des calcaires du seuil et ressort 400 mètres plus bas en une résurgence spectaculaire.
Planche 35. - Détails strati
graphiques
et
structur
aux. 1. Détail de la série calcaire de Vanoise occidentale : la base des Rochers de Plassas et le Dogger à Mytilus. La vue est prise vers le S.W. sur la rive sud du couloir d'ébouiis dont la figure 16 figure la rive nord avec le détail des bancs. Le couloir correspond à une petite faille avec couiissement horizontai probable, d'où une certaine différence entre les coupes des deux lèvres. Comparer avec la vue générale de la pianche 36,2. Hauteur de la coupe visible :50 mètres environ. Noter le niveau de schistes noirs à minéraux Sm,et la bande siliceuse si dans le Malm. On cherchera la localisation de cette série renversée sur le panorama II, i~ la verticale de l'Aiguille du Fruit (gisement de fossiles g). 2. Conglomérats siliceux et quartzites phyllitew du Permien sur les pentes sud du coi d9Aussois, vers 2.700 métres d'altitude. Le pioiet donne l'échelle. Vue prise vers le Nord. Replis très marqués datant de la phase principale de piis à rebours poussés à l'Est (p. 379), accompagnés d'une schistosité très visible sur k photo (la roche se délite en plaquettes selon le clivage schisteux). Les couches ont diminué d'épaisseur dans le sens normal à la schistosité et se dilatent corrélativement dans les charnières (l'axe B des charnières est normal au pian de la figure). Ce sont ces conglomérats permiens que Ch. LORYplaçait à la base de son Trias, avec interprétation neptunienne de leur origine (p. 24).
PLANCHE 36 RELIEFS SOUS-GYPSEUX ET DISCORDANCE DES GYPSES EN VANOISE OCCIDENTALE Planche 36. - Reliefs sous-gypseux et discordance des gypses en Vanoise occidentale.
1. L'extrémité méridionale du chaînon de Plassas-Portetta, vue du flanc ouest du Petit-Mont-Blanc de Pralognan. Au fond, vers le coin supérieur droit, l'arête aiguë des Rochers de Plassas (2.863m), avec la partie supérieure de la haute paroi qui domine l'ombilic de Pralognan, caché très bas vers la droite (la vue est prise face au Nord). Dans cette paroi (dont les planches 3 5, l et 36,2 figurent la base), les couches sont peu éloignées de l'horizontale, donc normales à la surface topographique : s'aider du panorama II pour comprendre leur disposition, relativement étrangère au modelé extérieur du massif. La paroi tranche, vers le milieu de sa portion visible, une charnière aiguë couchée à l'Est, formée par ie Virglorien basal. L'ensemble du crêt, à regard est, s'ennoie vers la gauche sous une grande accumulation de gypses (anhydrites) et de cargneules, en grande partie gazonnés (innombrables édelweiss). Vers le bord gauche du cliché, seul le sommet de l'arête du crêt émerge encore des gypses. Ainsi la grande paroi de Plassas existait, préformée, sous les gypses; eiie porte encore quelques placages de cargneules. Au fond à gauche, la partie orientale du massif du Mont-Jovet, au-dessus des alpages plus proches du col des Sauices. Au premier pian à droite, les gypses du Petit-Mont-Blanc, avec des boules d'anhydrite et des lambeaux de cargneules, calcaires, schistes à Equisetum blanchis, etc. Ils sont masqués plus bas sous un manteau superficiel de cargneules de formation récente avec débris divers. Le dégazonnement en cours est dû aux moutons. 2. La base des Rochers de Plassas, vue prise vers le S.W. (assemblage de deux photos). Comparer avec la figure 16. Les termes principaux de la série calcaire de Vanoise occidentale sont bien apparents, en situation renversée à l'horizontale : Trias calcaire (Ladinien basal); Dogger à Mytilus (restes de fossiles dans les éboulis); Malm avec un banc siliceux dessinant une ligne noire nette : ce sont des marbres gris clair ou blancs; enfin les Marbres chioriteux, probablement néocrétacés dans cette coupe, affleurant à ia base entre les cônes d'éboulis, et visibles également, au premier plan, dans l'angle inférieur droit. Dans l'angle inférieur gauche, les gypses gazonnés de la masse PetitMont-Blanc-col des Saulces, avec des lames de Schistes de Pralognan éocènes. La paroi tout entière a été exhumée par l'érosion du sein des gypses (sauf sa partie droite, due à une petite f d e au sein du « relief insulaire sous-gypseux » calcaire). Les gypses reposaient tantôt directement contre les têtes de couches du « relief sous-gypseux n (c'est le cas du grand lambeau de gypses plaqué contre le banc sombre de Dogger à Mytilus et contre le sommet du Trias, vers le milieu de la vue), tantôt par l'intermédiaire de couches superficielles tordues par k friction (paquet de Marbres chforiteux subverticaux dressés contre la paroi, à 35 millimètres environ du bord gauche du ciiché). Hauteur de la paroi visible : 140 mètres environ sur la droite de la vue.
Planche 37. - Modelé pseudo-glaciaire sous-gypseux. 1. La rive droite (orientde) du haut vallon du Biol, en contre-bas du massif de Portetta. Comparer avec la figure 91, à gauche. Vue prise vers le S
.
E
. Un chaînon de dolomies triasiques (La
dini
en probable) vient d'être dégagé par l'érosion du sein de vastes masses de gypses et cargneules qui forment tout le
premier
plan. Noter le modelé caractéristique du « relief sous-gypseux ainsi mis au jour (l'érosion récente l'a très peu endommagé) : formes arrondies évoquant une gigantesque roche moutonnée (dénivellation 100 m environ), mais avec torsions et ondulations des bancs concentriquement aux convexités secondaires de la bosse arrondie d'ensemble. Sur le terrain, on remarque, comme toujours en pareil cas, des teintes jaunes ou très blanches dues à l'oxydation de la dolomie au contact des cargneules disparues ou subsistant en placages mineurs. Dans les «reliefs sous-gypseux » du pays de Vanoise, les modelés arrondis pseudo-moutonnés s'opposent aux parois à vif subverticales du genre de la paroi de Plassas (pl. 36, 1) ou, à une échelle plus modeste, les parois méridionales des rochers du Châtel (fig. 58). )) 2. Contact entre les cargneules exotiques et le Trias calcaire du versant est-nord-est du Tuf de la Grasse, près du col de la Grasse (haute valMe de Champagny). La surface de contact, issue de la friction sous-gypseuse, est ici preeque lisse. Ailleurs elle est ondulée ou gauffrée. Au fond, le massif paléozoïque de Bellecôte (versants sud et sud-est). Sa partie de droite (Pointe des Pichères, 3.304 m) descend vers le S.E. en un grand plan incliné partiellement enneigé, qui tranche les couches subhorizont des du Carbonifère renversé (voir panorama IV) : ce plan incliné correspond à la surface de rabotage basal des écailles mésozoïques de Vanoise sur le Paléozoïque. La vue est prise vers le Nord.
PLANCHE 38 SÉRIE DE VAL D'ISÈRE-AMBIN ET NAPPE DES SCHISTES LUSTRÉS
Planche 38. - Série de Val d'Isère-Ambin et Nappe des Schistes lustrés. 1. Vue prise du col ouest de la Croix des Frettes (base est de l'Aiguille des Aimes) sur le bassin du lac de Gratteleu et le massif du Chardonnet, en direction du Nord. Nous sommes dans k région des sources du Ponturin, non loin du col du Palet (non visible à droite). Le petit lac de Gratteleu (2.515 m) a été affouiué par l'érosion glaciaire dans les Schistes lustrés du grand lambeau du Chardonnet, lambeau exotique détaché du corps de la Nappe des Schistes lustrés, à plus de 13 kilomètres à fextérieur des affleurements fossilifères orientaux de la série deVal d'Isère-Ambin (cascade du Manchet, etc.). Ce lambeau est profondément pincé dans la série de Vanoise, visible sur le bord gauche du cliché. Le contact très redressé ne comporte ici qu'une très faible épaisseur de cargnedes (voir fig. 25). Les Schistes lustrés, formant des crêtes dentelées et des pentes couvertes d'éboulis de teinte gris-brun, sont plissés de façon très complexe, avec clivage schisteux. A gauche, le seuil du déversoir du lac (buttes gazonnées) est formé par le prolongement nord de la petite série de l'Aiguille des Aimes (voir coupe fig. 26), typique de la série de Vai d'Isère-Ambin, et reposant (contact vertical) sur une grande épaisseur de Trias calcaire : les dolomies ladiniennes forment à l'arrière-plan une paroi dominant de grands éboulis blancs. Cette petite série post-triasique, bien développée dans la pente à l'ombre au premier plan et au déversoir du lac, disparatt plus au Nord sous les éboulis et ne se retrouve plus à partir de la crête du Chardonnet. L'ensemble du modelé de ce bassin Gratteleu, avec ses hauts alpages, est dû essentiellement à la glaciation quaternaire. Mais, phénomène assez fréquent au pays de Vanoise, le modelé glaciaire moderne est calqué sur le modelé ancien sous-gypseux : d'après divers indices (placages de cargneules, etc.), le vaste seuil en forme de double U entre la crête du Chardonnet et l'Aiguille des Aimes, en aval du lac, préexistait sous la Nappe des gypses, qui se dilatait subitement en ce point, comme elle le fait sur l'autre bord du lambeau du Chardonnet. Au fond, le massif des Rochers Rouges, autre chaînon (( insulaire de Trias calcaire. )) 2. Un aspect extrême de la série de Val d'Isère-Ambin, aux confins du val d'Aoste : vue prise vers le N.E. - Aspects alpins des hauts sommets de Vanoise. 1. La Dent Parrachée vue du Nord, au-dessus de la langue terminale du glacier de l'Arpent. La vue est prise à 3.000 mètres environ, en octobre, des pentes orientales du Dôme de Chasseforêt. Au premier plan, la moraine nord (enneigée) du glacier de i'Arpont. Eue cache en grande partie le glacier lui-même. Au-delà, la rive droite (sud) du glacier est formée par des calcaires schisteux du Lias prépiémontais, très plissottés parallèlement au glacier (c'est sur ce Lias prépiémontais que reposent, sur l'autre versant, le Lias inférieur et le Trias de la cote 2741 (voir panorama VI). Cette crête liasique est séparée de la Dent Parrachée par la dépression du glacier de la Mahure, non visible. S'aider du panorama II pour l'interprétation de k structure complexe de k Dent Panachée. Noter, à droite, la bande sombre descendant vvrs la droite depuis ie sommet : il s'agit d'un étroit et profond synclinal de Mdm et Marbres phylliteux pincé dans la masse du Lias prépiémontais constituant le gros du massif. Le fait le plus remarquable est le déversement vers l'Est de ces grandes masses ( a superstructures ») mésozoiques posées en discordance tectonique complète sur les couches du sode restées subhorizontales (mais avec écaillages plats vers l'Est). Voir p. 434.
2. Vue prise
depuis les
pentes nord dir Dôme de Chasseforêt sur le Mont Pelve
,
la Pointe du Dar
d
et
la Grande Casse
.
Au premier plan, une langue glaciaire, issue du
haut plateau glaciaire des glaciers de
la
Van
oise
nord, sépare
les
quartzites du Mont Pelve à droite, des escarpements calcaires de la Pointe du Dard à gauche (sur
la
vue
Les escarpements en terrasses de la Pointe du Dard (3.199 m) sont entaillés dans une série homologue tectoniquement de celle du Grand Marchet (replis laminaires). Reposant en discordance sur des quartzites (affleurant dans l'angle inférieur gauche), revêtement normal du massif paiéozoïque de Vanoise méridionale, cette série de la Pointe du Dard comprend de bas en haut (voir fig. ô4) : du Dogger à Mytilus (masqué par les éboulis), supportant la Malm, formant une importante paroi au-dessus du petit névé. Ce Malm contient des bandes de pseudo-grès calcaires (p. 300). Sur le Malm, au tiers supérieur de la paroi, le Dogger à Mytilus est en partie caché sous une vire d'éboulis, s'éiargissant sur la droite en un grand talus. 1. Vue prise vers 2.700 mètres d'dtitude, du s e d entre les plateaux de I'Arpont et de la Letta, au pied est du Darne& Chasseforêt, en direction du Nord et du N.E., vers b bassin d'En Eaux. Cette vue complète ie panorama VI en ce qui concerne les relations des unités tectoniques tangentieues da Vanoise orientde. Au premier plan, le plateau enneigé de la Letta (vue prise en octobre), qui est en gros le dos du massif de Vanoise méridionale (bombement secondaire des gorges du Doron). Tout à droite, la coupure épigénique du Doron de Termignon. L'autre rive, plus basse, n'a pas de neige et porte des klippes triasiques rabotant le Pdéozofque (tachm claires). Au centre du cliché, le bassin d'Entre-Deux-Eaux, a f f o d é dans le Permien des enveloppes du massif de Vanoise méridionale. De la droite, la vallée de ja Rocheure vient converger avec la v d é e de k Leisse, venant de k gauche (sur la vue). Entre!es deux vallées, au centre de ia vue, se dresse le massif du Rocher du Col, ou Pointes de Pierrc Brune (3.202 m). Sa base, sans neige, est formée d'une série permienne renversée (on devine à la base les ravine ments clairs dans le Permien supérieur sériciteux). Plus haut, des éboulis enneigés masquent les écailles kmin6es rabotant le socle, appartenant à la série de Vanoise proprement dite (Vanoise occidentde ou Val d'Isère-Axnbin). Enfin les parois sombres du sommet sont formées par le Lias prépiémontais de la série de la Grande Motte, charriBe sur les unités sous-jacentes : cette série se lamine rapidement vers l'Est (à droite sur ia vue), en direction da col de Pierre Blanche, où elle plonge sous la Nappe des Schistes lustrés. Ces derniers forment le massif enneigé de h Sana, dans l'angle supérieur droit du cliché. Vers la gauche, au-delà de k profonde vallée de la Leisse, k série (Nappe) de k Grande Motte se dilate considérablement et forme toute la paroi de la Grande Motte et celle de ia Grande Casse (masquée par les nuages, dans l'angle supérieur gauche). De même, les é d e s de Vanoise prennent un grand développement dans le Plateau de la Réchasse juste sous le nuage qui se forme au-dessus du débouché du col de la Vanoise. Le Plan des Nettes serait en contre bas demère le massif de Pierre Brune.
2. - A&urements houillers et sttrphano-permims.
1. Les migrnatites permiennes de la Sadire (photographie E. RAGUIN, 1954). Des bandes blanches (leptynites métaso matiques) n injectent un complexe plus schisteux de pplaiss très micacés, à biotite (en partie détruite). En bas sous le marteau, on distingue de grands yeux de feldspaths sodi-potassiquesessaimant dans la roche. Maigré h s effets )) destructeurs des phases alpines, ces roches ont conservé la structure typique d'épiboiites. (Voir Réunion extra-ordinaire, 1954, p. M-501.) 2. Conglomérats houiilers laminés, région du Petit-Saint-Bernard(valion des Mouiins, éboulis de la crête de Coutoureuse, voir panorama III). Noter le laminage très variable des galets, selon leur état de décomposition ancienne probable. Certains galets laminés en rubans simulent grossièrement les iits rubanés des migmatites du Sapey. C d o u x cristatüns, g a b de qtwtz bhm, etc. Noter 1a schistesité très nette, liee à un pliosotemeat et entièrement distincte du laminage des galets. PLANCHE
ri
2.
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tel-04056027-Histoire%20de%20la%20R%C3%A9volution%20et%20du%20processus%20de%20republicanisation%20operant%20a%20Nancy-Th%C3%A8se-CDAYNAC%20VERSION%20DEFINITIVE.txt_54
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French-Science-Pile
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Open Science
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Vivre & construire la cité républicaine : une histoire de la Révolution et du processus de républicanisation à l’oeuvre à Nancy (1792-an III). Histoire. Université de Lorraine, 2022. Français. ⟨NNT : 2022LORR0325⟩. ⟨tel-04056027⟩
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Annexe 1.2 : Bibliographie Histoire de Nancy et de la Lorraine Outils
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ANNEXE 2 : TEXTES OFFICIELS Annexe 2.1 : Cahiers de doléances du Tiers pour la ville de Nancy
D’après Christian Pfister, Les préliminaires de la Révolution à Nancy, l’élection aux Étatsgénéraux et le cahier de la ville de Nancy, Nancy, Crépin-Leblond, 1910, p.43-62.
I. —
OBJETS GÉNÉRAUX. I. — L'assemblée demande que la personne des députés aux états généraux soit inviolable et sacrée, et que pendant tout le temps de la tenue, ils ne soient soumis qu'à la juridiction et à la police des seuls états. II. — Elle défend expressément à ses députés de consentir aux distinctions humiliantes qui avilirent les communes dans les derniers états généraux de Blois et de Paris. III. — L'assemblée demande qu'il soit irrévocablement arrêté et sanctionné que le tiers aura aux assemblées de la nation autant de députés que les deux autres ordres ensemble, que les délibérations seront prises par les trois ordres réunis et que les suffrages seront comptés par tête. IV. — L'objet dont ils doivent s'occuper essentiellement et en premier ordre est d'assurer à la France une bonne et solide constitution qui fixe pour jamais de la manière la plus claire les droits du trône et de la nation ; c'est vers ce grand but que leurs principaux efforts doivent se diriger. V. — L'assemblée les charge donc de demander que le retour périodique des états devienne le régime permanent de l'administration du royaume, que l'intervalle d'une tenue à l'autre soit fixé et qu'on détermine spécialement l'époque de celle qui suivra immédiatement la première. VI. — Que pour la convocation des états généraux à venir il soit arrêté que la population sera la seule base du nombre des députés et de celui des personnes choisies pur les nommer. VII. — Qu'il soit solennellement reconnu que la nation seule a le droit de s'imposer, c'est-àdire d'accorder ou de refuser des subsides, d'en régler l'étendue, l'emploi, l'assiette, la répartition, la durée, ainsi que d'ouvrir des emprunts, avec déclaration que toute autre manière d'emprunter et d'imposer est illégale et inconstitutionnelle; liberté aux sujets en ce cas d'en refuser le paiement et autorisation aux cours et autres tribunaux de poursuivre comme concussionnaires ceux voudraient commencer ou continuer la perception d'impôts ainsi illégalement établis, et ce nonobstant tous ordres qui pourraient être surpris à la religion du roi. VIII. — Que nulle loi bursale, quelle qu'elle soit, et nulle loi générale et perpétuelle ne pourront être établies que dans les états, par le concours de l'autorité du roi et du consentement de la nation, duquel consentement mention sera faite dans lesdites lois, lesquelles seront envoyées dans les cours pour être enregistrées sans réserve ou modification, demeurant cependant lesdites cours chargées comme par le passé de l'exécution des ordonnances du royaume. IX. — Que tous autres règlements provisoires de simple administration et de police qui seront jugés nécessaires dans l'intervalle d'une tenue à l'autre seront provisoirement adressés à l'enregistrement libre et à la vérification des cours, mais qu'ils n'auront force que jusqu'à la tenue des états qui pourront les approuver ou les rejeter. Ces règlements provisoires ne pourront être adressés aux cours qu'après qu'ils l'auront été préalablement aux états provinciaux qui pourront s’opposer à l’enregistrement. X. — L'assemblée demande que la liberté civile soit pleinement assurée, et les lettres closes ou de cachet abolies pour jamais, à l'exception seulement de celles qui seront sollicitées par les familles à l'effet d'éloigner de la société des membres d'une conduite absolument dépravée, à la charge toutefois que les faits qui serviront de motifs à la demande auront été dûment constatés par les juges locaux, lesquels, en pleine connaissance de cause, accorderont à la famille la permission de se pourvoir au roi, sans que lesdites lettres puissent être accordées qu'autant qu'on aura fait préalablement apparoir de cette permission, comme aussi sans que l'exposition des faits que les familles seront obligées d'articuler puis donner lieu à des poursuites de la part du ministère public. XI. — Que la liberté de la presse soit établie et particulièrement dans notre province où elle se trouve assujettie à des entraves préjudiciables à la défense naturelle ; que ces entraves soient abolies et qu'on puisse sans visa ni permission imprimer et faire imprimer toutes sortes d'écrits judiciaires et extrajudiciaires, à la charge que l'auteur et l'imprimeur seront tenus de mettre leurs noms au bas de ces écrits et sauf à les punir suivant l'exigence des cas, si les imprimés renferment quelque chose contraire à la religion, aux mœurs, au bon ordre et à l'honneur des familles. XII. — Qu'en attendant qu'on puisse effectuer dans les lois civiles et criminelles la réforme dont elles sont susceptibles, on s'occupe de corriger celles de leurs imperfections qui ont le plus frappé les esprits, par exemple la disposition du code criminel qui veut qu'un accusé soit tenu de se défendre par lui-même et sans ministère de conseil, dans la cause pourtant où il est le plus essentiel qu’il soit défendu. 900 XIII. — Que nul sujet du roi, quel qu'il soit, ne puisse jamais en matière criminelle être jugé en première instance qu'à la charge de l'appel, et que les présidiaux ou maréchaussées ne puissent plus désormais juger en dernier ressort aucun accusé quel qu'il soit. XIV. — Qu'on s'occupe également à détruire l'abus qui tend à priver les citoyens de leur liberté par des élections de domicile dont l'objet est de les soustraire à leur juridiction naturelle, cependant sans que cette disposition s'étende aux commerçants et gens d'affaires ; que les députés demandent aussi la suppression des arrêts de surséance et qu'il ne puis être accordé que des lettres de répit, lesquelles n'auront leur effet qu'autant qu'elles auront été entérinées dans les tribunaux ordinaires, contradictoirement avec les parties intéressées. XV. — Il leur est aussi très expressément recommandé de faire statuer que nul procès civil ou criminel ne puisse être évoqué au conseil du roi pour y être jugé, au préjudice de l'ordre naturel des juridictions, sauf l'exercice des voies de droit contre les jugements et arrêts ; ils insisteront encore à ce que nul citoyen ne puisse être jugé par des commissaires ni par d'autres juges que ceux que la loi lui donne. XVI. — Les députés sont chargés expressément de demander que les suppressions d'offices ne puissent être effectuées qu'à la charge que les titulaires seront remboursés comptant de tout ce que lesdits offices leur auront coûté. XVII. — Le règlement de la constitution devant précéder toute autre opération des états, puisque c'est d'elle que dépend essentiellement le bonheur de la France, les députés ne pourront s'occuper de l'octroi des subsides qu'après que ce règlement aura été irrévocablement consolidé et sanctionné. XVIII. — Après avoir fondé la constitution sur des bases certaines et inébranlables, les députés s'occuperont d'établir l'aisance, l'ordre et l'économie dans les finances, de reconnaître exactement l'étendue des besoins réels de l'État, celle de la dette publique, et de régler sur ces connaissances l'étendue des sacrifices que la dignité du trône et la nécessité du service dans les divers départements pourront imposer au zèle de la nation, recommandant très exactement à ses députés le maintien de la foi publique et de faire tous leurs efforts pour assurer le paiement de la dette nationale : la justice autant que l'honneur de la France l'exige ; d'ailleurs c'est le vrai moyen d'affermir la confiance tant au dedans qu'au dehors XIX. — Ils proposeront qu'aux impôts multipliés qui existent maintenant et dont le produit se trouve absorbé en grande partie par les frais infinis et gratuits du recouvrement, il en soit substitué d'autres, simples, uniformes, d'une perception facile, également répartis sur tous les ordres, corporations et individus en proportion de leur fortune mobilière et immobilière et qui soient versés au trésor royal par les préposés des états provinciaux; au reste l'assemblée 901 recommande spécialement à ses députés de faire en sorte que les dits impôts ne pèsent pas trop sur la classe indigente ni sur celle des cultivateurs. XX. — Que l'impôt de la corvée soit converti définitivement en une prestation pécuniaire répartie comme l'impôt. XXI. — L'assemblée ne croit pas toutefois qu'en ce qui touche les finances il lui soit possible de prescrire à ses députés aucun plan fixe d'opération ni de délibération: leur conduite en cette partie est nécessairement dépendante des ouvertures qui leur seront faites de la part du gouvernement et des lumières qu'ils acquerront par les renseignements communiqués aux états, par leur travail personnel et par leurs conférences avec les autres députés. XXII. — L'assemblée désire cependant que la vérification des besoins et de la dette publique soit faite par un examen détaillé de chaque espèce de besoin et de dette, afin de connaître sur chaque objet la source des abus et d'y appliquer les remèdes nécessaires. XXIII. — Qu'il soit aussi décidé que le titre des monnaies ne pourra être changé que du consentement des états généraux. XXIV. — Que les privilèges exclusifs soient supprimés : ce sont des fléaux destructeurs qui arrêtent l'émulation et les progrès des talents ; qu'il ne soit accordé dorénavant de privilèges exclusifs que dans les seuls cas où l'intérêt public l'exige absolument et sur la demande des états provinciaux. XXV. — Que la noblesse vénale, qui diminue trop sensiblement l'éclat de celle qui est méritée par de grands services ou de grands talents, soit abolie entièrement. XXVI. — Que l'on abroge les lois qui, en excluant de certains emplois et offices les membres du Tiers-État, enchaînent les meilleures intentions du souverain, découragent et humilient un grand nombre de citoyens estimables. XXVII. — Que la mendicité soit abolie ; qu'il soit établi des ressources certaines pour prévenir ou soulager la misère (et même pour détenir dans une maison de force les membres des familles pauvres contre lesquelles il aura été obtenu des lettres de cachet dans la forme prescrite par l'article 10) ; que des secours solides soient assurés aux artisans de tous les genres dont la vieillesse, le travail, les accidents et les malheurs ont épuisé les force et la santé, et qu'à cet effet les états provinciaux soient autorisés à prendre les mesures les plus convenables. XXVIII. — Que les ministres soient responsables de leur gestion, qu'ils puissent être déférés aux états généraux et soumis à la juridiction des tribunaux compétents. 902 XXIX. — Que l'éducation publique soit réformée et qu'elle puisse produire des citoyens utiles et vertueux dans toutes les professions ; que l'on établisse des distinctions et des récompenses pour les maîtres et instituteurs qui se seront rendus recommandables dans un état aussi intéress pour la société. XXX. — Que par une loi sévère les prêts aux enfants de famille âgés même plus de 25 ans ayant père et mère soient annulés, sous quelques formes qu’ils soient faits.
II. — OBJETS PARTICULIERS À LA PROVINCE
. XXXI. — Les députés demanderont que le traité de Vienne de l'année 1736, qui a uni la province de Lorraine et de Bar au royaume pour former toujours un gouvernement séparé, soit maintenu sur tous les points, que les tribunaux souverains de la province subsistent. XXXII. — Que les députés insistent de tout leur pouvoir au rétablissement des états particuliers de la province de Lorraine et de Bar, lesquels seront organisés de telle sorte que le tiers état y ait une représentation égale à celle des deux autres ordres réunis et que les délibérations y soient prises par les trois ordres ensemble et les voix comptées par tête. XXXIII. — Que le surplus de l'organisation des mêmes états provinciaux soit proposé par une assemblée consultative, si la province en obtient une, et, dans le cas qu'il n'y en aurait point, les députés seront autorisés à présenter aux états généraux le plan qu'ils jugeront le plus convenable et que les états généraux seront suppliés de régler et de sanctionner, lesdits états devant être une partie essentielle de la constitution. XXXIV. — Qu'il ne sera apporté au régime de la province de Lorraine, formant toujours un gouvernement séparé au terme de son union au royaume, aucun changement pour la liberté de son commerce avec l'étranger et qu'elle n'en soit jamais séparée par des barrières ou par l'établissement du tarif ; dans le cas où le reculement des barrières serait proposé à l'assemblée nationale, les députés ne pourront y consentir; ils s'y opposeront de toutes leurs forces comme à un établissement que la province a jugé désastreux pour elle et en conséquence il leur sera remis tous les mémoires et documents nécessaires pour la garantie de cette dangereuse innovation. XXXV.— Que l'impôt de la marque des fers à l'entrée et à la sortie de la province et dans sa circulation dans la province des Évêchés soit supprimé.
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y émetteur θ tg n1 z n2 d Figure III.A.5 : Détermination des dimensions des guides en fonction de la distance d tan θ = tg − 1 2.d Equation III.A.8
La divergence de la diode laser (θ) est fonction de l'épaisseur de la couche (tg) et de la distance séparant l'émetteur du guide (d). Afin d'avoir une distance d'approche raisonnable entre la diode et le guide, nous avons considéré que la distance d ne pouvait être inférieure au micromètre. Partant de la relation III.A.3, on observe que plus l'élément émetteur a une divergence élevée, plus les couches devront avoir des épaisseurs importantes. L'utilisation de lentilles de collimation et de focalisation permettrait d'imager le faisceau de pompe sur la face - à d'ondes Yb3+ d'entrée du guide d'onde. Cependant dans le cadre de cette étude, nous nous sommes attachés à la réalisation d'une source laser simple et compacte qui puisse s'affranchir de dispositifs d'optiques de mise en forme. Si l'on souhaite coupler la quasi-totalité de la puissance de pompe dans les guides d'ondes (θ⊥ = 68°), en considérant une distance minimale d'approche entre la diode et le guide de 1 μm, une épaisseur minimale de guide de 2.35 μm est requise. De la même façon, connaissant l'angle de divergence parallèle à la jonction de la diode laser, on peut déterminer la largeur des guides d'ondes. Pour cela, il nous faut au préalable calculer l'angle θ// pour lequel on tient compte de 98.32% de l'intensité de pompe. On obtient ainsi pour θ//, une valeur de , ce qui conduit à une largeur de guide d'environ 100.6 μm. En conclusion, pour coupler au mieux la puissance de la diode laser de pompe avec nos guides d'ondes, nous venons de voir que les guides doivent avoir une section de l'ordre de 2.35 μm sur 100.6 μm. Prototype d'un système laser en guides d'onde
Nous avons pu observer que le choix de la diode laser de pompe a des conséquences sur les caractéristiques des guides d'ondes. Elle joue un rôle sur l'ouverture numérique et par conséquent sur l'indice de réfraction des guides ainsi que sur leurs dimensions. Pour pouvoir être dans les conditions optimales de pompage optique, le guide ruban doit admettre une épaisseur de 2.35μm et une largeur de 100.6μm. La finalité de notre étude étant la réalisation d'une source de pompage pour les amplificateurs télécoms, le faisceau laser pouvant résulter de notre structure va admettre une taille importante ainsi qu'une dissymétrie. Dans ces conditions le mode laser sera très peu favorable au pompage des fibres optiques. Afin de remédier à ce problème, un adaptateur de mode pourra alors être utilisé. Il permettra grâce à sa forme évasée de collecter une grande partie de la puissance de pompe et de la guider jusqu'à la partie amplificatrice. Pour illustrer cela, le schéma d'un possible prototype est présenté sur la figure III.A.7. La section de la zone dopée par des ions terres rares, pourra faire quelques dizaines de micromètres carrés afin de s'adapter à la taille des fibres dopées Er3+. Un travail en aval pourra de plus être réalisé pour déterminer les dimensions des guides favorisant une émission laser monomode. La longueur du guide dopé Yb3+ dépendra évidemment du gain requis pour obtenir un système laser efficace. Chapitre III : Emission laser à 980nm à partir de guides d'onde dopés Yb3+
y 2θ ⊥ x guide dopé Yb dio de las e r z θ 2 θ // adaptateur substrat Figure III.A.6 : Schéma d'un possible prototype laser
Les miroirs de la cavité pourront être disposés à l'entrée de l'adaptateur ainsi qu'à la sortie du guide d'onde canal. L'adaptateur de mode peut être réalisé par gravure sur des guides d'ondes plans. Ainsi l'association d'un adaptateur et du milieu amplificateur sur un même substrat permet d'obtenir un système laser compact faisant quelques centimètres de longueur. La littérature rapporte les résultats lasers obtenus sur un système laser proche de celui que nous venons de décrire. Le schéma du système laser présenté dans cette étude est reporté sur la figure III.A.7.
Figure III.A.7 : Schéma du guide d'onde laser proposé par P. Madasamy et al. [Madasamy2003]
-
199 - Chapitre III : Emission laser à 980nm à partir de guides d'ondes dopés Yb3+
Le système a été fabriqué par échange ionique et présente une partie amplificatrice codopée ytterbium-erbium. Le pompage est effectué à 965nm à l'aide d'une diode laser standard multimode sur l'ytterbium qui va, suite au pompage optique, transférer son énergie vers les ions erbium. Cette étude a permis d'obtenir émission laser monomode avec une puissance de 54mW à 1538nm, pour une puissance de pompe couplée de 1.4W. Le seuil laser est de 280mW et le rendement efficace de 4.9%. Paramètres de l'adaptateur
L'adaptateur permettra de coupler le faisceau de pompe multimode dans la partie à gain et de réduire les échauffements dans le matériau [Madasamy2003] qui pourraient entraîner des perturbations pouvant réduire la qualité du faisceau laser. Pour observer l'influence des paramètres de l'adaptateur sur l'efficacité du pompage optique, nous avons mené notre étude en utilisant un logiciel commercial OptiBPM (Optiwave Corporation). Ce logiciel BPM (Beam Propagation Method) consiste à résoudre les équations de Maxwell en utilisant la méthode des éléments finis. Le calcul est effectué en supposant une variation lente de l'enveloppe dans la direction paraxiale. Les composantes magnétiques et électriques du champ électromagnétique évoluent rapidement selon l'axe de propagation z mais de façon périodique. Si l'on considère le champ électrique E qui dépend des coordonnées cartésiennes x, y et z, il peut s'écrire en fonction d'une composante e qui varie lentement suivant z.
E
(
x, y
,
z ) = e( x, y, z ). exp(− j.k.n0 z
) Equation III.A.9 n0 est l'indice de référence et z l'axe dans lequel se propage la lumière. Si l'on suppose que la lumière qui se propage est monochromatique de longueur d'onde λ, le vecteur d'onde s'écrit : k= 2π λ Equation III.A.10
- 200
-
Chapitre III : Emission laser à 980nm à partir de guides d'ondes dopés Yb3+
L'indice de référence peut alors être choisi afin que la fonction e(x,y,z) varie lentement lors de la propagation du champ électromagnétique. Ainsi, si l'enveloppe de E(x,y,z) varie lente ment, les équations différentielles décrivant la propagation des ondes électromagnétiques peuvent être développées en éléments finis. Le guide va alors pouvoir être représenté par un maillage et, à chaque point, sera associé un indice de réfraction et un champ électromagnétique. Les calculs ont été menés en considérant un adaptateur d'épaisseur de 2.5μm, ce qui conduit à l'aide de l'équation III.A.8, à une distance séparant l'adaptateur et la diode de 1.11μm. L'adaptateur a une largeur en entrée de 100 μm, et de 30 μm en sortie. a) b) c) d) a) adaptateur et guide de longueur respective 500 et 5000 μm. b) adaptateur et guide de longueur respective 2000 et 5000 μm. c) adaptateur et guide de longueur respective 3500 et 5000 μm. d) adaptateur et guide de longueur respective 5000 et 5000 μm.
Figure III.A.8 : Propagation du faisceau de pompe dans l'adaptateur ainsi que dans la zone à gain - - Chapitre III : Emission laser à 980nm à partir de guides d'ondes dopés Yb3+
Nous avons considéré pour le substrat un indice standard pour les matériaux à base de silice de 1.45. La variation d'indice optimale entre le substrat et le guide étant de 0.1, les indices de réfraction du guide et de l'adaptateur sont de 1.55. Le calcul a de plus été mené en considérant une longueur d'onde de 920nm. Sur la figure III.A.8, en faisant varier la taille de l'adaptateur, on peut observer l'évolution de la propagation des modes de pompe (fig. III.A.8). Jusqu'à présent nous ne nous sommes pas souciés de la propagation des ondes dans une structure présentant une différence d'indice de 0.1 entre le substrat et la partie guidante, les calculs nous conduisent donc à conclure que la structure permettra le guidage de la lumière. La cartographie de l'intensité du champ électromagnétique dans le guide, révèle la présence de minima et de maxima, la propagation est donc multimodale. Concernant la propagation des ondes dans l'adaptateur, on peut noter des différences suivant les dimensions considérées. L'utilisation d'un adaptateur « court » entraîne des fuites du mode de pompe dans le guide qui vont induire des échauffements et ne pas permettre un pompage efficace du milieu amplificateur. Quand on augmente la taille de cet adaptateur, on remarque que ces fuites diminuent, cependant, le recouvrement n'est pas homogène. En fait, plus la longueur de l'adaptateur sera élevée, plus l'angle d'incidence critique entre le faisceau incident et ses parois pourra être faible. Pour que l'adaptateur soit adiabatique, l'inégalité suivante doit être vérifiée [Madasamy2003]: θ< λ 2.neff.W Equation III.A.11 θ est le demi-angle en chaque point de l'adaptateur, λ la longueur d'onde dans le vide, neff l'indice effectif, et W la largeur du guide en chaque point. Si on considère un substrat de silice d'indice proche de 1.45 avec un guide d'indice 1.55, l'indice de réfraction effectif est compris entre ces deux valeurs. Partant de l'équation III.A.4, en considérant un faisceau de pompe de longueur d'onde 910nm, ainsi qu'un adaptateur de 100μm et 30μm de largeur respectivement à l'entrée et à la sortie, on trouve une longueur d'adaptateur qui doit être de l'ordre de 1cm. Le système laser pourra par conséquent être très compact. Chapitre III : Emission laser à 980nm à partir de guides d'ondes dopés Yb3+ A.2.2. Bilan des enjeux et choix de la méthode de fabrication
La réalisation d'un système laser compacte en guide d'onde planaire, nécessite, comme nous venons de le voir, de se soucier de la source de pompe qui sera utilisée par la suite. Cette source de pompage optique va nous conditionner quant aux choix des caractéristiques optiques et géométrique des guides d'ondes. Au cours de cette partie, nous avons ainsi pu conclure que la diode laser à notre disposition conduisait à une valeur d'indice de réfraction entre le substrat et le guide de 0.1, et à une section de guide de 100 x 2.35μm2. L'objectif de cette étude étant la réalisation d'une source de pompage pour les amplificateurs télécoms, la source doit émettre un faisceau laser monomode spatialement avec un waist de quelques microns. Pour cela, afin d'ajuster le mode d'émission de la diode laser de pompage avec le mode laser du guide d'onde, un adaptateur pourra être utilisé. Les besoins requis pour mener à bien notre étude ont été présentés, nous avons ainsi pu observer que la fabrication de nos guides d'ondes, nécessite l'utilisation de méthodes permettant un contrôle rigoureux des paramètres de synthèse (épaisseurs, indice de réfraction) tout en permettant d'obtenir des guides avec des faibles pertes de propagation. Toutes les méthodes de fabrication ne permettent malheureusement pas de remplir ces conditions. Afin de mener à bien notre étude, deux approches ont alors été envisagées, l'une utilisant la pulvérisation magnétron réactive à partir de cible en silice et la seconde utilisant l'implantation de protons dans des cristaux de CaF2 :Yb3+. La première technique de contrôler la composition chimique des couches, leur homogénéité, ainsi que leurs épaisseurs et leur indice. Cette technique présente l'avantage d'être reproductible et de permettre la réalisation de couches admettant des faibles pertes de propagation de 0.1 à 0.5dB.cm-1 [Kashimura1999] [Chiasera2003]. L'implantation de protons, permet de créer des barrières d'indices à des profondeurs contrôlées pouvant atteindre plusieurs dizaines de micromètres. Les guides d'ondes sont conçus à partir de matériaux déjà dopés en terres rares permettant d'avoir des zones à gain élevées, et contrôlées. Cette technique de fabrication ne nécessite pas, si on souhaite simplement avoir des guides de structures assez simples (guides canaux), de processus de gravure qui entraînent des pertes de propagation. Au cours des deux parties qui vont suivre, nous introduirons les résultats expérimentaux sur les guides d'ondes obtenus avec ces deux techniques de fabrication.
Chapitre III : Emission laser à nm à partir de guides d'ondes dopés Yb3+ B. Caractérisation optique de guides d'onde de SiO2 :Yb, Ge, Ti réalisés par pulvérisation magnétron réactive B.1. Présentation du projet MALAGO
La réalisation d'une source laser à partir de guides d'ondes sur des verres dopés ytterbium s'est déroulée dans le cadre d'un projet financé en partie par OSEO ANVAR. MALAGO est l'acronyme de Matériaux Lasers en Guide d'Onde. Le projet implique principalement deux laboratoires présents sur le site Ceannais, le SIFCOM pour la fabrication des couches minces par pulvérisation, et le CIRIL qui intervient pour les caractérisations spectroscopiques et lasers. Le laboratoire GREYC est également impliqué pour la gravure des guides et la société Corning pour la fourniture du matériel. B.1.1. Objectifs du projet
Le projet traite du dépôt sous forme de couches minces de verres multicomposants pour la fabrication d'un laser en guide d'onde destiné aux télécommunications optiques à haut débit. La structure en guide planaire implique l'utilisation des techniques de dépôt appropriées pour obtenir des couches minces de verres à fort contraste d'indice entre la couche et le substrat. Ces guides d'ondes optiques seront caractérisés par une ouverture numérique très élevée. Le système laser doit permettre l'émission laser avec une puissance de sortie monomode transverse supérieure à 1W à 980nm, destiné à être utilisé comme source de pompage dans les amplificateurs des liaisons optiques multiplexées WDM. Ce dispositif sera entièrement réalisé en géométrie planaire pour obtenir une efficacité quantique élevée dans un « design » extrêmement compact (5x2 cm2). Le prototype schématisé sur la figure III.B.1, permet de comprendre le principe de fonctionnement de l'ensemble. Ce prototype admet des fortes ressemblance avec celui présenté sur la figure III.A.8. La structure comprend en effet un premier adaptateur pour ajuster le mode d'émission de la barrette de diodes de pompage au mode transverse du laser, puis le laser Yb. Le prototype proposé dans le cadre du projet MALAGO intègre cependant photoinscripts à chaque extrémité de la couche active. - 204 - des miroirs de Bragg
Chapitre III : Emission laser à 980nm à partir de guides d'ondes
dop
és
Yb3+ y x guide dopé Yb z diode laser adaptateur
≈ 2cm substrat miroirs de Bragg ≈ 5cm
Figure III.B.1 : Schéma du prototype laser présenté dans le cadre du projet MALAGO
Un dernier adaptateur pourra être enfin envisagé
(
non représenté sur la figure) pour injecter dans l
'
amplificateur optique
erbium
. L'étude de ce projet a été menée en tenant en compte des caractéristiques de la diode précédente (tab. III.A.4). Par conséquent les dimensions de l'adaptateur ainsi que les ouvertures numériques que l'on va devoir obtenir, sont celles précédemment exposées. L'ouverture numérique de l'adaptateur devra donc être de l'ordre de 0.56 afin de coupler plus de 98% de la puissance de pompe et l'adaptateur devra de plus avoir une section de 2.35μm sur 100.6μm. La réalisation d'un tel système comporte quelques verrous scientifiques que nous allons à présent introduire.
B.1.2. Les verrous technologiques
Le premier verrou technologique réside dans la possibilité de déposer sous forme de couches minces des verres multicomposants dopés en Yb d'indice de réfraction élevé, de à nm à partir de guides d'ondes dopés Yb3+ composition proche de celle du massif, comportant un minimum de défauts et permettant d'atteindre une ouverture numérique de l'ordre de 0.56. Le second enjeu réside dans l'optimisation du taux de dopage du guide d'onde actif en ions Yb, ainsi que de la longueur du guide adapté à un fonctionnement laser quasi-trois niveaux. La troisième originalité vient de l'intégration des éléments passifs et actifs sur le même substrat et plus particulièrement du choix de matrices vitreuses à forte photosensibilité pour pouvoir inscrire directement les miroirs de la cavité laser (réseaux de Bragg) aux deux extrémités du guide d'onde dopé en ions Yb.
B.2. La synthèse des guides d'ondes de SiO2 :Yb, Ge, Ti
Nous allons décrire la méthode ainsi que les paramètres d'élaboration de nos guides d'ondes plans. La fabrication ainsi que la aractérisation structurale, ont été réalisées au laboratoire SIFCOM par Fabrice Gourbilleau (CNRS) ainsi qu'Anne-Sophie Jacqueline (Post Doc 20042005). B.2.1. Technique de dépôt
La technique de pulvérisation magnétron réactive permet de déposer des couches minces aussi bien diélectriques que métalliques. La chambre est composée d'un système de pompage, d'une cible à pulvériser, d'un générateur de puissance, d'aimants ainsi que d'entrées pour les différents gaz (fig. III.B.2). Elle est maintenue sous vide (10-7 à 10-8 Torr) à l'aide d'une pompe turbo moléculaire.
Yb3+ Anode Four + Porte échantillon Substrats Si ou SiO2 Ar plasma cible support Cuivre E Cathode aimants Alimentation Radio fréquence eau
Figure III.B.2 : Schéma du bâti de pulvérisation
Cette méthode consiste à bombarder une cible du matériau à déposer, avec des ions très énergétiques. La cible est ionisée en surface et, sous l'effet du champ électrique radiofréquence (1.3W.cm-2), les ions se condensent sur le substrat. Bien que la chambre soit sous vide, quelques électrons libres y sont toujours présents. La différence de potentiel appliquée entre l'anode et la cathode accélère ces électrons qui vont entrer en collision avec les espèces neutres du gaz et les électrodes. Lorsque leur énergie cinétique est suffisante, il y a création du plasma par effet d'avalanche. Les ions qui vont atteindre la cathode vont alors créer des électrons secondaires qui à leur tour provoquent une ionisation des espèces neutres et ainsi de suite. Suite à cette cascade de collisions, les espèces pulvérisées du substrat qui sont neutres, condensent partout où leur trajectoire les envoie, aussi bien sur le substrat que sur les parois de la chambre, c'est pourquoi on utilise des aimants afin de confiner plasma. Les ions du plasma vont interagir avec ceux de la cible et, si leur apport énergétique est suffisant, ils vont pouvoir les éjecter. Chapitre III : Emission laser à 980nm à partir de guides d'ondes dopés Yb3+
Dans le but d'augmenter les rendements de pulvérisation, un gaz réactif avec les espèces pulvérisées est introduit dans l'enceinte tout au long du dépôt. Le porte échantillon est de plus relié à un four permettant de contrôler la température du substrat de la température ambiante à 900°C.
B.2.2. Paramètres de synthèse Choix des ions à pulvériser
La réalisation d'un laser compact en optique guidée comporte quelques défis technologiques à résoudre au cours de la fabrication. De hauts indices de réfraction dans le but d'obtenir des ouvertures numériques élevées, ainsi qu'une photosensibilité de nos matériaux afin de pouvoir par la suite créer des réseaux de Bragg et, de plus, de fortes teneurs en ions Yb3+ pour la compacité sont requis pour mener à bien notre projet. Pour obtenir de telles propriétés, il est nécessaire de synthétiser un verre multicomposants. Les études antérieures présentées dans la littérature nous ont conduit à opter pour l'utilisation du germanium, du titane et de l'ytterbium. La cible de silice utilisée dont le diamètre est de 4 pouces, a donc été recouverte de pièces d'oxydes d'ytterbium, de germanium et de titane. Le germanium a été utilisé afin de rendre photosensible le matériau [Sebastiani2005] [Poumellec1996], le titane pour augmenter l'indice [Chiasera2003] et l'ytterbium comme centre laser. La réalisation de guides d'ondes multi-composants est assez complexe, puisque chaque espèce déposée a un rendement de pulvérisation différent. Le contrôle de la concentration de chacun de ces composants est donc délicat. Paramètres de pulvérisation
Les dépôts se font à température ambiante, sous atmosphère contrôlée d'argon en ajoutant du N2 ou un mélange de N2 associé à de l'oxygène, avec un ratio d'oxygène allant de 10 à 30% par rapport à la pression totale. Le dépôt s'effectue sous pression partielle d'oxygène afin de palier au déficit d'O2- qui peut apparaître lors du dépôt des éléments métalliques et alcalins. Le choix des atmosphères permet de favoriser les rendements de à nm à partir de guides d'ondes dopés Yb3+ pulvérisation, en faisant varier les vitesses de dépôts, mais aussi accroître la qualité optique des couches obtenues (homogénéité). Lors de la réalisation des guides, un grand nombre de paramètres est ajustable. On peut en effet en autre faire varier le champ radio fréquence, la température de dépôt, l'atmosphère utilisée La géométrie des pièces de codopants disposées sur la cible va aussi influer sur les quantités d'ions pulvérisés qui se condensent sur le substrat. Par souci de clarté, nous présenterons simplement l'influence de quelques uns des paramètres les plus sensibles.
B.3. Caractérisation et optimisation des guides d'ondes de SiO2 :Yb,Ge,Ti B.3.1. Propriétés structurales et chimiques Propriétés structurales des couches
La surface des guides et par conséquent les inhomogénéités de surfaces, ont été observées à l'aide d'un AFM (microscope à force atomique). Les couches ont de plus été caractérisées avant et après traitements thermiques à l'aide de mesures spectroscopiques d'absorption infrarouge réalisées à l'aide d'un spectromètre à transformée de Fourier (FTIR : Fourier Transform Infra Red) de type Nicolet NEXUS 750-II. Les spectres ont été enregistrés à l'angle de Brewster (65°) sur une large gamme spectrale comprise entre 700 et 1400cm-1 avec une précision de 2cm-1. Les spectres d'absorption FTIR, effectués sur des échantillons n'ayant subi aucun traitement thermique, sont présentés sur la figure III.B.3, pour différents taux d'oxygène dans le plasma. (20% de O2 correspond à une pression de 2. 10-3 mbar de O2 pour 8 10-3mbar d'argon). Les spectres FTIR présentent des bandes LO3, LO4, TO3 et LO2, TO2 associées aux modes optiques longitudinaux et transversaux de la silice. Les modes LO sont des modes longitudinaux optiques combinés à des modes transversaux TO. Ces deux modes proviennent d'un dédoublage du mode d'absorption optique en un mode LO et TO qui résultent des interactions coulombiennes à longue portée. Intensité d'absorption (U.A.) 3,0 LO3 0% 02 10% 02 20% 02 30% 02 LO4 2,5 2,0 1,5 TO3 1,0 TO2, LO2 0,5 0,0 1400 1300 1200 1100 1000 900 800 700 -1
Fig. III.B.3 : Spectres d'absorption FTIR réalisés sur des couches n'ayant subi aucun traitement thermique
Le mode TO2 situé à environ 800cm-1 est transverse-optique et correspond à un mouvement de l'atome d'oxygène selon une ligne bissectrice à l'angle Si-O-Si. La bande TO3 correspond quant à elle à un mode transverse-optique caractéristique d'une élongation asymétrique de l'oxygène. La bande LO4 devrait être couplée avec un mode TO4, cependant ce mode n'est pas observable sur les spectres car il se trouve noyé par la bande LO3. Pour plus d'informations le lecteur pourra se reporter à la thèse de S. Chausserie [Chausserie2006]. Lorsque le taux d'oxygène dans le plasma augmente, on constate que la bande LO3 voit son intensité augmenter faiblement tandis que la bande LO4 se met à apparaître de façon importante. L'augmentation de l'intensité de ces modes longitudinaux couplés à des modes transversaux signifie que l'ajout d'oxygène perturbe les molécules de SiO2 et entraîne du désordre. Afin de réduire ce désordre des traitements thermiques peuvent alors être effectués. L'apport énergétique résultant de ces traitements permet de relaxer les contraintes du matériau. Pour illustrer cet effet, nous avons reporté sur la figure III.B.4 deux spectres FTIR, l'un effectué sur une couche n'ayant subi aucun traitement,
l'autre sur une couche ayant été recuite pendant 100 minutes
à 800°
C
un flux de N2. Les couches ayant subi des traitements thermiques présentent un décalage des bandes LO3 et TO3 vers les plus grandes longueurs d'ondes qui peut être associé à une réorganisation de la matrice (fig. III.B.4). La bande LO4 disparaît, ce qui signifie par conséquent que le désordre diminu. [Devine1993] [DelPrado1999]. Bien que l'intensité de la bande LO4 baisse, une nouvelle bande d'absorption apparaît à 950cm-1. Elle peut être associée à une incorporation lors des recuits des atomes d'azote dans les films relativement poreux. Les recuits permettent par conséquent de diminuer le désordre, mais peuvent cependant favoriser l'incorporation d'ions venant polluer le matériau.
3,0 Absorption (U.A) 2,5 Sans et avec traitements thermiques LO3 2,0 TO4 LO4 1,5 TO3 1,0 LO2, TO2 0,5 0,0 1400 1300 1200 1100 1000 900 800 700
-1 Figure III.B.4 : Spectres d'absorption FTIR d'une couche (20% d' O2) recuite pendant 100 minutes sous un flux de N2
Ces traitements thermiques permettent aussi une densification du matériau. Pour illustrer cela, nous avons porté sur la figure III.B.5, des images AFM de la surface d'une couche ayant subi des traitements. Ce film présente après traitement une rugosité de 1.7nm alors que sans traitement elle était de 1.9nm. 1 μm Figure III.B.5 : Profil de la surface d'un guide plan de Yb2O3:TiO2:GeO2:SiO2 recuit 2 heures sous N2 à 800°C - 211 -
Chapitre III : Emission laser à 980nm à partir de guides d'ondes dopés Yb3+
Les recuits prennent une place très importante dans notre étude, puisqu'ils vont permettre une relaxation des contraintes et la densification du matériau. L'état de surface est de plus un critère important pour la réalisation de lasers puisque les fortes valeurs de rugosité vont entraîner des pertes de propagation des ondes électromagnétiques en engendrant des phénomènes de diffusion de surface [Tosello2001]. La rugosité des couches étant inférieure à la longueur d'onde, on peut supposer qu'elle n'altérera pas le potentiel laser des guides. Il faut cependant noter, que pour déposer des compositions multi-éléments comme celle que nous avons choisies, les temps de croissance par pulvérisation magnétron réactive sont assez élevés pour obtenir des guides de quelques microns d'épaisseur. Pour illustrer cela, l'épaisseur des couches mesurées par ellipsomètrie, en fonction du temps de dépôt, en utilisant un plasma composé de 20% d'oxygène et 80% d'argon ainsi qu'un champ électrique radiofréquence de 1.3Wcm-2, est présentée sur la figure III.B.6. L'ajustement des points expérimentaux a été réalisé en supposant que l'évolution de l'épaisseur des films est linéaire en fonction du temps de pulvérisation. On peut observer que la cinétique de fabrication est assez lente puisque une heure de dépôt conduit seulement à un film d'environ 60nm d'épaisseur. Au cours de la partie A, nous avons vu que la diode laser de pompe nous obligeait à avoir une épaisseur couche supérieure à 2μm, ce qui nécessite 20 heures de dépôt. Epaisseur des couches (μm) 12 points expérimentaux ajustement linéaire 10 -2 Epaisseur = 9.84 10 Temps - 3.91 10 -2 8 6 4 2 0 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 110 Temps de pulvérisation (heure)
Figure III.B.6 : Epaisseur des couches déposées par pulvérisation magnétron réactive en fonction du temps de pulvérisation
- 212 - Chapitre III : Emission laser à 980nm à partir de guides d'ondes dopés Yb3+ Composition chimique des couches
La composition des couches fabriquées en utilisant une atmosphère composée de 20% d'oxygène, a été déterminée par mesures EDX couplées à un microscope à électron JEOL JSM-6400 opérant à 20keV. Les guides présentent des concentrations en titane, germanium et ytterbium de respectivement 2 ± 0.2%, 7 ± 0.5% et 8 ± 0.5% en poids. Les valeurs de concentrations déterminées par EDX sont néanmoins relatives. Par conséquent, afin de connaître la concentration exacte en ions ytterbium trivalents présents dans nos couches, des mesures complémentaires ont du être effectuées. Nous nous devions de déterminer cette concentration pour pouvoir modéliser notre système laser par la suite. Des mesures d'absorption à température ambiante à l'aide d'un spectromètre Perkin Elmer Lambda 9 ont donc été réalisées. Afin d'obtenir suffisamment de signal, les mesures ont été effectuées sur une couche de 10μm d'épaisseur nécessitant environ 100 heures de dépôt. Le spectre d'absorption obtenu est reporté sur la figure III.B.
7
.
0,046
Densité optique (U.A.) 0,044 -3 ∆DO=6,4.10 0,042 0,040 0,038 0,036 0,034 0,032 0,030 850 900 950 1000 1050 1100
Figure III.B.7 : Spectre d'absorption d
une couche de SiO2
:Yb,
Ti,Ge Il présente des ondulations caractéristiques des interférences induites par une lame mince à faces parallèles formées par la couche déposée sur le substrat de silice. - Chapitre III : Emission laser à 980nm à partir de guides d'ondes dopés Yb3+
Ces oscillations pourraient permettre de déterminer les épaisseurs ainsi que les indices des couches de SiO2 :Yb,Ge, Ti. Cependant, étant donné le bruit présent sur ces spectres, pour la détermination de ces deux paramètres, nous avons comme nous l'introduirons ultérieurement, utilisé une autre méthode (partie B.3.3). Les ions ytterbium absorbent très peu puisque le volume sondé est composé de peu d'ions, ce qui explique que l'on soit fortement perturbé par les interférences. Le spectre admet cependant un maximum d'absorption centré autour de 980nm, attribuable aux transitions de l'ytterbium trivalent du multiplet 2F5/2 vers le multiplet 2F7/2. En soustrayant une sinoïde au spectre entre 970 et 985nm, on peut associer aux ions Yb3+ une variation de densité optique (DO) de 6.4 10-4 à 980nm. A l'aide de l'équation II.B.3 : σ
a
(λ ) =
DO(λ
).
ln
10
N T.l
Rappel de l'équation II.B.3
Le nombre volumique d'ions ytterbium trivalents s'écrit de la façon suivante : NT
=
DO(λ ). ln 10 σ a (λ ).l
Equation III
.B.1 La détermination du nombre d'ions Yb3+ par unité de volume, nécessite la connaissance au préalable des sections efficaces d'absorption (σa) ainsi que de l'épaisseur de la couche (l). N'ayant aucune connaissance des propriétés spectroscopiques des ions ytterbium trivalents présents dans nos guides plans, nous nous sommes basés sur deux études [Paschotta1997] [Tsang2003], rapportant pour des fibres dopées ytterbium et germani um une section efficace d'absorption de 2.6 10-20 cm-2 à 980nm. De cette manière en injectant cette valeur de section efficace dans l'expression III.B.1, la concentration en ions ytterbium trivalents a pu être estimée à 5.9 1020 ions.cm-3. itre III Emission partir de guides d'ondes dopés Yb3+ B.3.2. Caractérisation spectroscopique des guides de SiO2 :Yb, Ge, Ti B.3.2.1. Fluorescence et durée de vie des ions Yb3+ Description du dispositif
Des mesures de fluorescence et de durée de vie des ions ytterbium à température ambiante, ont été réalisées à l'aide du dispositif présenté sur la figure III.B.8. M1 Acousto optique Laser Laser SaTi Ar M4 Monochromateur Objectif M3 L1 L2 M2 Figure III.B.8 : Dispositif de mesure des durées de vie radiatives des ions Yb3+
Le montage de mesure de durée de vie est composé d'un laser Sa :Ti réglé pour émettre à 910nm, d'un laser Argon (Ar) ainsi que d'une chaîne de détection qui est constituée d'un monochromateur (Triax 180, Jobin Yvon), d'un préamplificateur (RS5108), d'une détection synchrone (Stanford Research Systems SR510), d'un oscilloscope numérique (Tektronix TDS 3032) ainsi que d'une console permettant le pilotage du système (Cf. Chap. II.B.2). M1, M2, M3, M4 correspondent à des miroirs de renvoi. Le signal de fluorescence est ( C) relié à à ions (20MHz e HM 8035) afin de générer des impulsions de l'ordre de la centaine de μs. Lors des mesures de durée de vie, nous avons utilisé des temps d'acquisition relativement long par comparaison avec les durées de vie afin d'améliorer le rapport signal sur bruit. Pour s'affranchir du signal de pompe qui viendrait perturber la mesure, un filtre coupant autour de 910nm et ayant une transmission maximale autour de 980nm a été placé à l'entrée du monochromateur. Pour coupler le faisceau de pompe dans les guides plans, deux lentilles cylindriques L1 et L2 sont utilisées pour collimater le faisceau perpendiculairement à la direction de propagation et lui donner une forme elliptique. L'injection du faisceau de pompe est réalisée sur la tr du guide d'onde à l'aide d'un objectif de microscope de grandissement 20 d'ouverture numérique 0.45. Cette technique de mesure nécessite de polir le guide d'onde sur la tranche afin de faciliter l'injection. La détection du signal de fluorescence a lieu à 980nm, c'est à dire à la longueur d'onde présentant la probabilité d'émission la plus importante. Cette section efficace élevée s'accompagne néanmoins d'une forte section efficace d'absorption qui vient déformer les spectres d'émission et modifier les durées de vie effectives (Chap. II., partie B.2.). Afin de s'affranchir un maximum de ces phénomènes de réabsorption, l'image de la fluorescence est effectuée par le dessus de la couche à l'aide d'un miroir en aluminium (M4). Fluorescence Faisceau de pompe Caches
Figure III.B.9 : Détermination de l'incertitude de mesure des durées de vie des ions Yb3+ - 216 -
Chapitre III : Emission laser
à
980
nm
à
partir de
guides
d'
onde
s dop
és
Yb3+
Nous avons quantifié les incertitudes de mesures des durées de vie pouvant provenir des phénomènes de réabsorption. Pour cela, nous avons réalisé à partir de nos guides d'ondes plans des mesures en excitant à différentes longueurs d'onde et en observant la fluorescence en différents points du guide à l'aide de caches (fig. III.B.9). Ainsi, suivant les longueurs d'ondes de fluorescence, en utilisant ou non des caches, nous avons pu constater une variation sur la valeur des durées de vie mesurées de plus ou moins 20μs. Cette valeur correspond par conséquent aux incertitudes de mesures liées à la réabsorption à 980nm. Influence des recuits sur la spectroscopie des ions Yb3+ Afin de vérifier si les ions ytterbium se sont correctement insérés dans la matrice multi-composants, nous avons procédé à plusieurs types de mesures. Il est à noter que les premières mesures réalisées sur les guides plans n'ayant subi aucun traitement thermique n'ont pas permis d'observer de fluorescence. Lors de la fabrication des guides, des défauts de structure dus à des inhomogénéités de dépôt apparaissent et annihilent la fluorescence des ions ytterbium. On peut corriger efficacement ce problème par des traitements thermiques (recuits). Afin de contrôler l'influence des recuits, des mesures de durées de vie des ions ytterbium trivalents ont été réalisées. Au cours des différents traitements thermiques, nous n'avons pas vu d'influence du taux d'oxygène dans le plasma sur la durée de vie effective des ions ytterbium trivalents. Les résultats qui vont être présentés, ont été obtenus en utilisant un plasma composé de 20% de O2 et de 80% d'Argon toujours avec un champ électrique radiofréquence de 1.3 W cm-2. Les couches ont une épaisseur voisine de 3μm, ce qui correspond à environ 30 heures de dépôt. Les recuits ont de plus été réalisés sous deux types d'atmosphères, l'une composée de N2 et l'autre d'un mélange de N2 et de O2. La durée de vie effective des ions ytterbium trivalents mesurée à température ambiante est reportée sur la figure III.B.10 en fonction du temps de recuit pour les deux types d'atmosphères. 250 200 0 50 75 100 125 150 175 200 225 250 durée des recuits à 800°C (minutes)
Figure III.B.10 : Variation de la durée de vie effective des ions ytterbium en fonction de la durée des recuits à 800°C
Les recuits à 800°C, sous N2 convergent exponentiellement vers une valeur de durée de vie supérieure à celle obtenue partant des recuits sous O2 + N2. Les recuits sous N2 semblent de plus converger plus rapidement que le second type d'atmosphère utilisée. Avec ces courbes on peut conclure que les recuits sous N2 sont plus favorables que ceux réalisés sous un mélange de O2 et de N2. Sous cette atmosphère, un recuit de 75 minutes conduit à une durée de vie de 600μs, alors que sous une atmosphère composée d'un mélange de O2 et de N2, il faut 120 minutes pour observer la convergence qui conduit à une durée de vie de 565μs. Les recuits apportent de l'énergie au matériau ce qui va permettre une relaxation des contraintes. Cette énergie de relaxation est fonction du temps ainsi que de la température, il est donc difficile de décorreler ces deux paramètres. Cela signifie que plusieurs couples de paramètres température – temps peuvent conduir à un même résultat. Sur la figure III.B.11, la durée de vie ainsi que l'intensité de fluorescence à 980nm en fonction de la température de recuit sont représentés. Les traitements thermiques ont été effectuées sous une atmosphère de N2 pendant 2h et les intensités de fluorescence reportées sont normalisées en fonction de l'intensité mesurée à 800°C. Afin de pouvoir quantifier l' é de fluorescence, les mesures ont été faites non pas en injectant la pompe dans les guides, mais en focalisant sur les guides plans. De cette manière, tout au long des mesures, le même volume de couche est sondé. Figure III.B.11 : Variation de la durée de vie effective des ions Yb3+ en fonction de la température de recuit, sous une atmosphère de N2.
Ces
courbes
(
fig
. III.B.11) conduisent à deux constats : En premier lieu, pour des guides ayant subi des recuits sous N2 pendant 2h, la température optimale est de 800°C. En second lieu le maximum d'intensité de fluorescence correspond au maxium de durée de vie effective. Ces deux observations permettent de déterminer les conditions optimales de recuit. On peut souligner encore l'importance des traitements thermiques, puisque pour un recuit à 600°C pendant 1 heure sous N2, l'ytterbium a une durée de vie effective de l'ordre de 50μs, alors qu'un recuit à 800°C conduit à une valeur de 600μs. Après avoir optimisé les paramètres des recuits, nous avons poursuivi la caractérisation spectroscopique par des mesures de fluorescence et d'excitation. Les spectres présentés sur la figure III.B.12. ont été réalisés à température ambiante sur une couche ayant subi un recuit à 800°C pendant 2 heures sous une atmosphère de N2. Le pompage optique est effectué en focalisant le faisceau de pompe sur les couches à incidence normale sur la surface. Nous n'avons pas reporté les sections efficaces puisque leur détermination nécessite de connaître la densité du matériau, ainsi que les niveaux d'énergie des ions ytterbium (Chap. II.B.). Les spectres de fluorescence et d'absorption présentent une raie intense commune, située à environ 977nm. Les larges bandes sont caractéristiques de la répartition désordonnée des ions ytterbium trivalents au sein de la matrice de verre.
1,1 1,0 Spectre d'excitation Spectre d'émission 0,9 0,8 a) U.A. 0,7 b) 0,6 0,5 0,4 0,3 0,2 0,1 0,0 850 875 900 925 950 975 1000 1025 1050 1075 1100 longueur d'onde (nm)) Figure III.B.12 : Spectres d'absorption et d'émission des ions Yb3+ a) spectres associés à nos films b) spectres reportés dans la littérature et mesurés sur des fibres dopées Yb, Ge [Paschotta1997]. Afin de discuter des changements spectroscopiques de l'ytterbium induits par la méthode de fabrication, il faudrait avoir à notre disposition un verre massif ayant les mêmes teneurs en ions dopants, c'est à dire 2 ± 0.2% en TiO2, 5 ± 0.5% en GeO2 et 8% en Yb2O3. N'ayant pas à notre disposition des verres massifs répondant à ces critères, nous avons relevé dans la littérature des études spectroscopiques réalisées sur des systèmes proches. Nous nous sommes basés plus particulièrement sur un article rapportant les propriétés spectroscopiques de l'ytterbium dans des fibres germanosilicates [Paschotta1997] (fig. III.B.12). On remarque des intensités relatives légérement différentes entre les bandes apparaissant sur nos spectres et celles situées sur les spectres réalisés par R. Paschotta et al. [Paschotta1997]. Ces différences peuvent provenir des difficultés survenues lors de la réalisation des spectres d'excitation. Afin de ne pas souffrir de la variation de la puissance du laser Sa :Ti en fonction de la longueur d'onde qui viendrait déformer nos spectres d'excitation, nous avons utilisé une voie de référence sur laquelle la puissance du Sa :Ti en fonction de la longueur d'onde est mesurée à l'aide d'une photodiode silicium. De cette façon, la réponse du montage est enregistrée tout au long de l'acquisition des spectres d'excitation, cependant, nous n'avons pas tenu compte de la possible évolution de la taille du mode de pompe en fonction de la longueur d'onde. Les quantités d'ions pompés étant très faibles, des petites variations du volume sondé peuvent venir perturber la mesure et induire des déformations des spectres. Etant donné que le spectre provenant de la littérature a été é sur une fibre non dopée titane, il se peut aussi que les différences puissent provenir de l'effet du champ cristallin qui différe. Yb B.3.2.2. Observation de la présence de germanium
Le germanium admet des bandes d'absorption dans l'UV, qui rendent photosensibles les matériaux. Il s'agit donc là d'un moyen simple de vérifier la teneur en germanium des couches disposées. Des mesures d'absorption à température ambiante à l'aide d'un Perkin Elmer Lambda 9 ont été effectuées. Afin de pouvoir absorber suffisamment de signal, les couches utilisées doivent avoir une épaisseur suffisante. Nous avons par conséquent utilisé des films de 10μm d'épaisseur, ce qui a nécessité 100 heures de pulvérisation (fig. III.B.6). Les guides d'ondes présentent les mêmes caractéristiques que précédemment, c'est à dire une même teneur en ions dopants et ont subi un recuit à 800°C pendant 2 heures sous N2. Pour observer la présence de germanium, deux films ont été utilisés, l'un simplement dopé Yb et l'autre codopé Yb, Ge, Ti.
Sur
la figure III.B.13, les
guides d'ondes codopés Yb, Ti, Ge présentent des bandes d'absorption de structures et d'intensités différentes de celles mesurées sur les guides seulement dopés Yb. Les spectres sont déformés aux courtes longueurs d'onde par la réponse de notre appareil de mesure. 1,8 1,6 1,4 SiO2:Yb, Ge, Ti SiO2:Yb 1,2 D.O 1,0 0,8 0,6 0,4 0,2 0,0 160 180 200 220 240 260 280 300 320 340 360 380 400 Figure III.B.12 : Spectres d'absorption en densité optique
Afin de mettre en évidence les contributions attribuables au germanium qui apparaissent sur les guides co-dopés, nous avons retranché au spectre de densités optiques guides co-dopés, le spectre associé aux guides simplement dopés Yb (fig. III.B.14). Figure III.B.14 : Bande d'absorption attribuable au germanium
De cette façon, une bande située autour de 248 nm, soit environ 5eV peut être mise en évidence. Par analogie avec les résultats présents dans la littérature, cette bande correspond aux contributions du germanium [Sebatiani2005]. Le germanium s'est donc correctement inséré dans la matrice de verre. On peut donc prévoir qu'à l'aide d'un laser excimer centré à 248nm, les échantillons irradiés connaîtront des changements d'indices locaux, et que des miroirs de Bragg pourront ainsi être réalisés [Sebastiani2005].
B.3.2.3. Bilan des mesures spectroscopiques
Grâce à la technique de pulvérisation magnétron réactive, des couches multicomposants constituées de titane, de germanium et d'ytterbium, ont été fabriquées. Les mesures spectroscopiques ont montré que les ions ytterbium trivalents présents dans nos guides d'ondes ont une signature proche de celle observée dans des fibres germanosilicates (fig. III.B.12). Ils sont caractérisés en effet par deux principales bandes d'absorption situées à environ 910 et 980nm. Les spectres sont de plus peu structurés et présentent de larges bandes caractéristiques des verres [Hanna1997]. - Chapitre III : Emission laser à 980nm à partir de guides d'ondes dopés Yb3+
Le centre laser admet une durée de vie de l'ordre de 600μs, qui est proche de celle mesurée par R. Paschotta et al. [Paschotta1997] sur des fibres germano silicate (720 et 900μs). Notre valeur est légèrement inférieure a celles reportées dans la littérature, cela peut être du à l'effet du titane sur l'environnement du champ cristallin ou alors aux défauts qui sont toujours en quantité non négligeable. Après avoir observé les propriétés spectroscopiques et ainsi pu déterminer les conditions optimales des traitements thermiques, nous avons poursuivi avec l'étude des propriétés optiques des guides d'ondes plans.
B.3.3. Mesures d'indices et d'épaisseurs Dispositif expérimental
La détermination des indices et des épaisseurs de nos films, a été évaluée par la mesure de Brewster (fig. III.B.14) [Luna-Moreno2002] [Pawluczyk1990] [Meeten1997]. Le schéma du dispositif utilisé est présenté sur la figure III.B.15.
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3.1.3. Optimisation de la recherche clinique
Les essais cliniques permettent aux patients d'accéder à l'innovation des nouveaux traitements. Accélérer leur validation est primordial pour les laboratoires. En Europe, la réglementation impose un délai maximum de 60 jours pour l'autorisation d'un essai clinique 33. Le délai moyen d'approbation par l'ANSM est 57 jours et le délai de validation par le comité de protection des personnes est de 62 jours. Les délais d'approbation par l'ANSM des essais de phase I s'allongent au fil des années : 54 jours en 2014 contre 60 en 2016. Par ailleurs, le développement de nouveaux produits innovants risque d'allonger ce délai. Ces quelques jours de différence sont cruciaux pour certains patients dont le pronostic vital est engagé. Les moyens financiers et humains doivent donc être mis sur l'accélération de la validation des dossiers d'essais cliniques. Pour les études sur les inhibiteurs de point de contrôle PD-1/PD-L, le nombre d'essais cliniques s'accroît. Toutefois, le pool de patients éligibles à ces essais diminue. Ainsi, les taux de recrutement sont passés de 1,15 patients par mois et par site en 2014, à seulement 0,35 patient par mois et par site en 201834. Cela signifie que pour certains types de cancers, il pourrait y avoir de véritables pénuries de patients. Ces chiffres sont confirmés par l'IMS 35 pour l'ensemble des produits d'oncologie en phase clinique.
35 L'engagement du Leem contre le cancer : nos 15 objectifs, 2018, Leem Tang J, Yu JX, Hubbard-Lucey VM, Neftelinov ST, Hodge JP, Lin Y. The clinical trial landscape for PD1/PDL1 immune checkpoint inhibitors. Nat Rev Drug Discov 2018;17:854. Global Oncology Trends 2018 : Innovation Expansion and Disc 30 Figure 10 Quartile supérieur d'enrôlement patient par phase clinique entre 2013 et 2017
Sur ce graphe36 de la Figure 10, on observe que les taux de recrutement des phases II et III sont en baisse depuis 2013/2014. D'autre part, le taux de recrutement en phase I semble augmenter. Dans la mesure où les autorités de santé évaluent les statuts de Breakthrough Therapy (cf partie 3.1.6) ou équivalent sur les premiers résultats de phase I, les laboratoires semblent vouloir fournir des données plus précises et plus fiables. Le taux de recrutement des essais sur les biomarqueurs est en hausse principalement car les essais avec biomarqueurs sont plus nombreux et que de nouveaux biomarqueurs sont découverts. Le recrutement est aussi facilité par la diminution des contraintes imposées pour les essais sur les biomarqueurs. Le taux de recrutement moyen est plus élevé pour les essais lorsqu'il n'y a pas de stratification via les biomarqueurs. En effet, lorsque les essais se limitent à certains biomarqueurs, le pool de patients représentatifs est plus restreint. Afin de faciliter le recrutement des patients et d'optimiser les essais cliniques en France, le LEEM suggère que les informations concernant ces essais devraient être plus accessibles et plus lisibles pour les patients ainsi que pour les professionnels de santé. D'autres part, les laboratoires et les centres de soins pourraient bénéficier d'un partage des données existantes des patients afin de mettre en place un système d'alertes permettant aux patients éligibles d'accéder plus rapidement aux essais. Une mise à jour régulière de la base de données de l'INCa sur les essais cliniques est bien sûr indispensable. 3.1.4. Pharmerging
Le pharmerging est un néologisme qui se fonde sur la contraction de « pharmacy » et « emerging » (pour "pays émergents"). Il s'agit de la demande grandissante en produits pharmaceutiques dans les pays émergents. Le pharmerging concerne des pays à faible revenu mais avec un potentiel de croissance du marché pharmaceutique important. Ils représentaient des opportunités d'investissement pour les laboratoires et présentaient la capacité à développer eux même leur propre production. A la fin des années 2000, les BRICs (Brésil, Russie, Inde, Chine) mais aussi la Corée du Sud, le Mexique et la Turquie faisaient partie de ces marchés émergents. Depuis les années 2010, certains de ces pays sont considérés comme développés (Corée du Sud) et d'autres rejoignent le marché du pharmerging (pays d'Europe centrale ou d'Amérique du Sud). Le pharmerging représente plus de 4 milliards de patients potentiels sur 7,7 milliards, soit 52% de la population mondiale. L'incidence des cancers dans ces régions du monde est en hausse, ce qui pousse les industries pharmaceutiques à s'intéresser fortement à ces pays. Mais les habitudes de consommation de ces pays sont particulières : 78% 37 des produits de santé consommés sur le marché du pharmerging ne sont pas des originaux développés par « l'inventeur » de la molécule mais des génériques ou des copies non marquées. Dans les pays développés, 69% des médicaments utilisés sont des originaux. De plus, l'augmentation de la consommation des médicaments dans ces pays se fait sur des produits à bas coût mais vendus en grand volume. Le constat est différent pour la médecine de spécialité. La part des dépenses de santé liées aux médicaments de spécialité aux États Unis et dans l'EU5 passera de 17% à 45% entre et 202138. Dans le marché du pharmerging, cette proportion stagne entre 10 et 15%. En effet, ces produits sont très onéreux et l'accès aux soins est en général difficile. Bien que l'augmentation des dépenses de santé des pays du pharmerging en oncologie soit forte d'ici à 2022 (de 10 à 13%), cela reste dérisoire par rapport au reste du monde. A titre d'exemple, les 37 38 Outlook for Global Medecines through 2021. QuintilesIMS Institute, December 2016.
Global Oncology Trends 2018 : Innovation Expansion and Discruption. IQVIA Institute for Human Data Science, May 2018. 32 dépenses des États Unis seront de 90-100 milliards de dollars en 2022, contre seulement 18-20 milliards pour l'ensemble des pays appartenant au pharmerging. Le marché du pharmerging peut apparaître comme non essentiel pour les laboratoires pharmaceutiques qui investissent dans la recherche sur le cancer. Il est important de souligner que le développement des traitements anticancéreux coûte extrêmement cher. Les entreprises ont pour objectif de s'implanter dans ces pays et de renforcer leur présence sur le marché du pharmerging. Ceci, dans le but de produire de la valeur avec les médicaments de première nécessité afin d'assurer un revenu permettant d'investir dans la recherche et le développement. A long terme, ces marchés représentent aussi une possibilité d'extension du pool de patients disponibles pour les essais cliniques. Ces essais sont pour l'instant concentrés sur les EU5 et les États Unis car l'accès aux soins et le suivi y sont plus faciles.
3.1.5. Dépenses de santé dans les pays développés
Selon un rapport de l'OCDE publié en septembre 201539, les coûts des soins de santé dans les pays développés ne seront plus tenables d'ici à 2050. Malgré un ralentissement récent des dépenses de santé, ces dernières augmentent plus rapidement que la croissance économique moyenne. Ainsi, si les gouvernements ne parviennent pas à maîtriser les coûts, les dépenses de santé dans l'OCDE passeraient de 6% à 14% du PIB. Les dépenses liées exclusivement aux produits d'oncologie progressent aussi. Selon l'IMS40, d'un point de vue global, ces dépenses vont augmenter de 10 à 13%, pour atteindre 200 milliards de dollars en 2021. La plus grosse progression vient des États Unis qui sont les primo adoptants des nouveaux traitements anticancéreux. L'Europe, et tout particulièrement l'EU5, va connaître une baisse du rythme de progression des dépenses de santé puisque la majorité des gouvernements met en place des plans de réduction des dépenses vouées aux anticancéreux. Le Japon connaît le plus fort ralentissement en termes d'augmentation des dépenses de santé liées à l'oncologie. Ceci 39 OCDE (2015),
Panorama
de la santé
2015:
Les indicateurs de l'OCDE,
Éditions
OCDE, Paris. http://dx.doi.org/10.1787/health_glance-2015-fr 40
Outlook
for
Global Me
decines through 2021
.
QuintilesIMS
Institute
,
December
2016. 33 s'explique par l'adoption d'une politique très restrictive sur le prix des traitements. La progression des dépenses de santé du Japon passerait de 12% en 2016 à 3 à 6% en 202241.
Tableau II : Aperçu des dépenses et de la croissance des aires thérapeutiques principales, en milliards de dollars constants
42. Dépenses 2016 CAGR43 2011 - 2016 Dépenses 2021 CAGR 2016 - 2021 Oncologie 75,3 10,9% 120-135 9-12% Diabète 66,2 16,4% 95-110 8-11% Auto-immune 45,1 18,2% 75-90 11-14% Douleur 67,9 7,1% 75-90 2-5% 70,5 -2,5% 70-80 0-3% Respiratoire 54,4 3,4% 60-70 2-5% Antibiotiques et vaccins 54,4 2,5% 60-70 2-5% Santé mental 36,8 -5,0% 35-40 (-1) -2% VIH 24,6 11,5% 35-40 6-9% Antiviraux hors VIH 33,2 38,1% 35-40 0-3% Autres 230,2 5,5% 360-415 4-7% Aires thérapeutiques
Le Tableau II ci-dessus donne une
vision globale
dépenses de santé selon les aires thérapeutiques. On observe que les dépenses en oncologie, contrairement à de nombreuses aires thérapeutiques, vont continuer à croître fortement. 3.1.6. Approbation des traitements d'oncologie
La multiplication des nouvelles molécules et des essais cliniques n'a fait qu'attiser la compétitivité entre les laboratoires. Cette compétitivité allonge considérablement le temps d'approbation d'une molécule par les instances nationales ou internationales. Les gouvernements - assistés par des laboratoires - ont pris des mesures pour faciliter et accélérer l'accès aux patients des médicaments dits « innovants ». En France, cela répond à l'un des objectifs QuintilesIMS Institute,
Oct
2016. Compound Annual Growth Rate, taux de croissance annuel moyen. Les pays représentés sont Etats Unis, EU5, Japon, Canada, Chine, Brésil, Russie, Inde, Turquie, Mexique. 34 du Plan Cancer : « accélérer l'émergence de l'innovation au bénéfice des patients ». Les gouvernements interviennent à différents niveaux.
Figure 11 Niveaux d'intervention possible pour accélérer l'approbation d'un nouveau médicament
Une étude44 publiée en janvier 2018 par l'INCa dresse un état des lieux des pratiques qui existent à ces différents niveaux. Par exemple, l'Italie, le Royaume Uni ou le Canada ont lancé un programme de scanning (Horizon Scanning Project) afin de détecter en amont les médicaments innovants qui pourraient avoir un véritable impact sur la santé des patients. Cette étape se fait en partie par la collecte de données sur les produits, principalement d'essais cliniques de phase II et III, et pas obligatoirement auprès des industriels. Ce programme pourrait être envisagé par la France et l'Europe afin d'évaluer en amont les molécules à fort potentiel. Cette validation anticipée permet de mieux appréhender l'impact économique, clinique ou nel des futurs traitements. L'accélération de la phase de pré-AMM est également envisageable. Il suffirait d'accompagner les laboratoires pour que les dossiers d'AMM répondent au mieux aux demandes des autorités en charge de l'évaluation des médicaments. Ainsi, la FDA aux États Unis a mis en place dès 2012 la « Breakthrough Therapy Designation » dont les critères sont45 : • « médicament appelé à traiter, seul ou en combinaison avec un ou plusieurs autres médicaments, une maladie grave ou mortelle ; • existence d'indicateurs cliniques préliminaires montrant des bénéfices significatifs par rapport à l'existant, sur un ou plusieurs critères cliniques significatifs pouvant notamment être observés à des stades précoces de développement des médicaments. » En 201446, dans le cadre du développement de « l'Early Access to Medicine Scheme », le Royaume Uni a lancé un projet similaire - le « Promising Innovative Medicine » - répondant aux mêmes critères que ceux des États Unis. A titre d'exemple, entre 2014 et 2015, 11 médicaments sur 18 ont obtenu ce statut, la plupart en oncologie. L'EMA 47 a mise en place deux mécanismes : le PRIME (PRIority MEdecine) et « l'Adaptative pathways ». Ces mécanismes proposent un accompagnement plus important des laboratoires afin de guider le développement du produit. L'EMA a par ailleurs fait évoluer les critères de validation des molécules. Des études sans bras comparateur ou sur de petites populations sont dorénavant acceptées. L'un des points clés pour l'industrie pharmaceutique est la mise à disposition rapide du médicament pour les patients, et cela avant même son AMM. La plupart des pays ont mis en place de telles mesures qui permettent entre autres aux patients non éligibles aux essais cliniques de profiter en avance de ces traitements. A titre d'exemple, en France, les ATU sont délivrées par l'ANSM selon les conditions suivantes48: • Les spécialités sont destinées à traiter, prévenir ou diagnostiquer des maladies graves ou rares. 45 [Internet]. Disponible sur : https://www.fda.gov/patients/fast-track-breakthrough-therapy-accelerated-approval-priorityreview/breakthrough-therapy [Consulté le 07/03/2019].
46 Innovation médicamenteuse en cancérologie /étude internationale sur la définition et l'accès à l'innovation, INCa, janvier 2018. 47 Mullard A. European regulators launch "breakthrough" equivalent programme. Nat Rev Drug Discov 2016;15:223. 48 [Internet]. Disponible sur : https://www.ansm.sante.fr/Activites/Autorisations-temporaires-d-utilisation-ATU/Qu-est-ce-qu-uneautorisation-temporaire-d-utilisation/(offset)/0 [Consulté le 30/05/2019]. 36
• Il n'existe pas de traitement approprié disponible sur le marché. • Leur efficacité et leur sécurité d'emploi sont présumées en l'état des connaissances scientifiques et la mise en oeuvre du traitement ne peut pas être différée. Cela signifie que l'ATU n'est autorisée qu'en cas de primo-indication. Il peut s'agir d'ATU de Cohorte (ATUc) qui concerne un groupe de patients inclus dans un protocole d'utilisation thérapeutique. Elle est délivrée à la demande du laboratoire qui s'engage à déposer une demande d'AMM dans un délai précis. L'autre option est l'ATU Nominative (ATUn) qui s'adresse à un seul patient ne pouvant pas participer à un essai clinique, elle se fait à la demande, et sous la responsabilité, du médecin prescripteur. Actuellement en France, pas moins de 16 produits se trouvent en ATU de cohorte47 dont 5 en oncologie et 200 ATU nominatives sont en cours, certaines spécialités étant représentées plusieurs fois, à différents dosages. Le dispositif des ATU est très bien perçu par les industriels en France qui le saluent comme « un élément différenciant positif pour l'attractivité de la France »49. Ensuite, il faut réduire le temps d'évaluation pour l'AMM, pour le prix et le remboursement. La principale action est la priorisation du dossier de dépôt d'AMM. Comme renseigné sur le Tableau III, les États Unis sont souvent les premiers à approuver les produits. En effet, les industriels positionnent le produit en priorité sur le marché américain. L'Europe se trouve souvent en deuxième position concernant la validation grâce aux mécanismes de pré-autorisation ou de pré-utilisation cités précédemment. 49
Rapport d'information fait
au nom de
la
mission d
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évaluation et
de contrôle de la sécurité sociale (1) de la commission des affaires sociales (2) sur l'accès précoce à l'innovation en matière de produits de santé, Par M. Yves DAUDIGNY, Mmes Catherine DEROCHE et Véronique GUILLOTIN du Sénat n°569. Enregistré à la Présidence du Sénat le 13
juin 2018
. 37 Tableau III Avis et délais d'approbation des anti PD-1/PD-L1 aux États Unis et en Europe50
Opdivo® Keytruda® Cyramza® Alimta® Giotrif® Xalkori® (nivolumab) (pembrolizumab) (ramucirumab) (pemetrexed) (afatinib) (crizotinib) 1er 1er Etats Unis 1er Approuvé Approuvé le 02/10/2015 04/03/2015 Approbation accélérée 1er Approuvé 12/12/2014 Statut « d'orphan 1er Approuvé 19/08/2004 drug » 1er Approuvé Approuvé 16/08/2011 12/07/2013 Statut Statut de « d'orphan « Priority drug » et de review » « priority review » 3éme, 2ème + 4mois Europe ATU préalable 12/2014 x 2éme + 14 mois 2ème 2éme + 2 mois Autorisation + 7 jours + 1 mois ATU conditionnelle Nominative ATU Préalable 02/12
En 2017 aux États Unis, 7 nouvelles substances actives sur 14 ont été lancées en se basant sur des études de phase II, et 3 sur des études de phase I/II. Cette validation anticipée certifie l'efficacité des produits et illustre la volonté du gouvernement américain de donner un accès rapide aux traitements. En France cependant, la HAS bloque certains essais cliniques validés par l'EMA. Sur les 49 traitements d'oncologie validés en Europe entre 2010 et 2014, seulement 29 ont été validés en France car les critères d'évaluation ne sont pas les mêmes entre l'EMA et la France49. Les représentants de l'industrie pharmaceutique pourraient tirer parti d'un travail concomitant avec la HAS sur l'harmonisation et la refonte régulière des méthodologies d'évaluation. L'objectif est d'adapter l'évaluation de la molécule aux nouvelles problématiques soulevées par ces nouveaux traitements.
50 Innovation médicamenteuse en cancérologie /étude internationale sur la définition et l'accès à l'innovation 3.2. Les traitements 3.2.1. Pipeline d'innovation produits
En 2018, les produits d'oncologie sont les plus représentés en phase II et III de développement et représentent 28% des produits. Ensuite viennent les médicaments ciblant le système nerveux central comme les traitements pour l'Alzheimer, les scléroses, Parkinson (12% des produits) 51. L'oncologie représente une manne financière et un enjeu scientifique important pour tous les laboratoires et nombreux sont ceux qui tentent de développer de nouveaux traitements anticancéreux. En 2018, selon un rapport de l'IMS, plus de 700 entreprises détiennent une molécule dans les derniers stades de développement. Ces entreprises concernent aussi bien les poids lourds de l'industrie pharmaceutique que les petits centres universitaires ou des entreprises n'ayant qu'une seule molécule dans leur pipeline.
Figure 12 Pipeline de produits en dernière phase de développement, nombre d'indications en oncologie et pourcentage du pipeline en oncologie52
Le graphique de la Figure 12 illustre l'importance des produits d'oncologie dans le pipeline des entreprises selon leur taille. Un nombre croissant de petites entreprises se lancent sur le marché. La colonne vert foncé à droite du graphique représente les petites entreprises dont la totalité du 51
52
Outlook for Global Medecin
es
through 2021.
QuintilesIMS
Institute, December
2016.
Global Oncology Trends 2018 : Innovation Expansion and Discruption. IQVIA Institute for Human Data Science, May 2018. 39 portfolio se centre sur l'oncologie. Cette spécialisation est un réel avantage car elle permet d'acquérir une expertise à propos du mode d'action et d'interaction de la molécule. Les gros laboratoires peuvent intégrer plus facilement la recherche de nouvelles molécules dans leurs pipelines. On observe qu'entre 30 et 70% du portfolio de produits en développement des 10 plus gros laboratoires appartient à l'oncologie. Le nombre d'indications couvertes par ces produits est très important : 30 à 80 indications. On observe un groupement aux alentours de 35 à 50% du pipeline consacré à l'oncologie, il réunit la quasi-totalité des grands laboratoires et des laboratoires moyens. En effet, les grandes entreprises ont plus de facilité à étoffer leurs portfolios avec des aires thérapeutiques différentes tout en investissant massivement sur l'oncologie, à l'inverse des petits laboratoires. Ainsi, peu importe la taille et les contraintes des laboratoires, l'oncologie est une aire thérapeutique très attractive.
3.2.2. Cas des inhibiteurs de point de contrôle
Les checkpoint inhibitors ou inhibiteurs de point de contrôle sont des éléments du vivant découverts récemment dont le rôle a bouleversé la compréhension du cancer. Lors d'un cancer, la cellule tumorale peut inhiber le système immunitaire humain et plus particulièrement les lymphocytes T en inhibant ou en activant certains de leurs récepteurs ou ligands. Les inhibiteurs de point de Figure
13 Exemple d'inhibiteurs de point
de c
ontrôle :
PD
-1/PD-
L1
et
CTLA-4
40
contrôle bloquent ces récepteurs ou ces ligands afin de relancer l'action immunitaire des lymphocytes T. La Figure 13 modélise les deux points de contrôle actuellement maîtrisés par l'industrie pharmaceutique et la recherche53 : • Le couple récepteur ligand PD-1 / PD-L1 • Le récepteur CTLA-4
La recherche se concentre sur ces traitements, avec une augmentation de 76% du nombre de molécules à l'étude entre 2017 et 2018. En septembre 2018, il y avait plus de 200 molécules ciblant PD-1 ou PD-L1. Le premier inhibiteur de point de contrôle à avoir reçu une approbation est Yervoy® (ipilimumab) en 2011. Il agit sur le récepteur CTLA-4 du lymphocyte T. Sa mise sur le marché a suscité un véritable changement de paradigme dans les traitements contre le cancer. Depuis 2011, de nouveaux inhibiteurs ont vu le jour. Entre 2014 et 2017, 5 nouveaux inhibiteurs de point de contrôle (PDL1/PD1) ont été approuvés par la FDA. 8 nouvelles indications ont été couvertes par ces molécules 2017 et septembre 201854,55. Les inhibiteurs de point de contrôle sont rapidement devenus les traitements de référence de nombreuses pathologies comme le mélanome, le cancer du poumon ou le cancer du rein. Par exemple, Keytruda® est actuellement le traitement de première ligne dans le cancer du mélanome de stade 3 non résécable. En septembre 2018, plus de 1700 essais cliniques concernaient une utilisation combinée d'anti PD1/PD-L1 avec un autre agent anticancéreux56. Les 3 principaux traitements anticancéreux sont les CTLA-4, la chimiothérapie et la radiothérapie - ils représentent plus de 40% des essais. Par exemple, la FDA a approuvé l'utilisation conjointe d'Opdivo® (Nivolumab, anti PD-1) et de Yervoy® (Ipilimumab, anti CTLA-4) ainsi que l'utilisation de Keytruda® (Pembrolizumab, anti PD-1) et de la Kostine M, Chiche L, Lazaro E, Halfon P,
pin C, Arniaud D, et al. Opportunistic autoimmunity secondary to cancer immunotherapy (OASI): An emerging challenge. Rev Médecine Interne 2017;38:513–25. doi:10.1016/j.revmed.2017.01.004. 54 Tang J, Pearce L, O'Donnell-Tormey J, Hubbard-Lucey VM. Trends in the global immuno-oncology landscape. Nat Rev Drug Discov 2018;17:783–4. doi:10.1038/nrd.2018.167. 55 Tang J, Shalabi A, Hubbard-Lucey VM. Comprehensive analysis of the clinical immuno-oncology landscape. Ann Oncol 2018;29:84–91. doi:10.1093/annonc/mdx755. 56 Tang J, Yu JX, Hubbard-Lucey VM, Neftelinov ST, Hodge JP, Lin Y. The clinical trial landscape for PD1/PDL1 immune checkpoint inhibitors. Nat Rev Drug Discov 2018;17:854. 53 41 chimiothérapie. Les principaux cancers ciblés par ces associations sont le mélanome, le cancer du poumon, le cancer du sein, le lymphome et le cancer tête et cou. 3.2.3. Panel d'indications
Depuis les premières AMM pour les immuno-oncologies, de nombreuses substances ont été approuvées pour plus d'une indication. 75% des thérapies ciblées - comme les inhibiteurs de point de contrôle - sont utilisées dans plusieurs indications.
Figure 14 Indications et consommation d'anti-PD1 et anti PD-L1 aux Etats Unis
La Figure 14 illustre les différentes approbations pour les 5 principaux inhibiteurs de point de contrôle aux États Unis57. Le Keytruda® (pembrolizumab) et l'Opdivo® (nivolumab) couvrent chacun une dizaine d'indications validées en seulement 3 ans. Certains produits ont même reçu une approbation pour plusieurs indications au cours de la même année. Mais l'avancée la plus importante reste la validation du Keytruda® en 2017 pour une utilisation en pan-tumoral. 57 Global Oncology Trends 2018 : Innovation Expansion and Discruption. IQVIA Institute for Human Data Science, May 2018. 42 L'approche classique pour un développement d'une substance active en oncologie se résume comme suit : • Soit la substance est basée sur le type de tumeur. Exemple : cancer du poumon non traité ou mélanome précédemment traité par ipilimumab. • Soit elle est basée sur un biomarqueur spécifique au sein d'une tumeur définie. Exemple : cancer du sein HER-2 ou cancer colorectal RAS. Dans le cadre du Keytruda® en pantumoral, l'approche diverge totalement. C'est le marqueur qui définit l'indication et non l'organe. Ce marqueur est le MSI-H/dMMR (Microsatellite instability high/deficient mismatch repair) que l'on traduit en français par une déficience de la réparation des mésappariements qui est caractérisée par une instabilité microsatellitaire. Le génome du patient est donc instable et l'organisme n'est pas capable de corriger correctement les mutations de l'ADN qui peuvent apparaître. Ceci conduit à l'augmentation des mutations dans la tumeur et entraîne l'apparition de néo-antigènes qui ciblent le système immunitaire. Lors d'une étude58 portant sur la prévalence des instabilités microsatellitaires dans 39 cancers, ce biomarqueur a été repéré dans 27 types de cancers, avec de forts taux de présence dans des cancers tels que le cancer de la surrénale, le cancer du col de l'utérus et du mésothéliome.
3.2.4. Perte de brevet et biosimilaires
Alors que les dépenses dans le domaine de l'oncologie ne font qu'augmenter globalement, certains produits onéreux vont tomber dans le domaine commun et seront alors développés à moindre coût à l'instar des anticorps monoclonaux des immunothérapies - médicaments biologiques59. Il convient de distinguer biosimilaire et génériques. Selon l'ANSM60 « Un médicament biosimilaire est un médicament biologique de même composition qualitative et quantitative en substance active et de même forme pharmaceutique qu'un médicament biologique de référence mais qui ne remplit 43 pas les conditions pour être regardé comme une spécialité générique en raison de différences liées notamment à la variabilité de la matière première ou aux procédés de fabrication et nécessitant que soient produites des données précliniques et cliniques supplémentaires dans des conditions déterminées par voie réglementaire. » Pour un « simple » générique, les informations standards (RCP) et la bioéquivalence clinique suffisent. Pour valider l'utilisation d'un biosimilaire une multitude de données est nécessaire : comparabilité, données non cliniques, bioéquivalence, efficacité et sécurité cliniques, étude de phase III etc. Le développement d'un biosimilaire est ainsi bien plus long et coûteux que celui d'un générique. Ceci justifie la différence de prix entre les deux types de produits. En moyenne, un biosimilaire est seulement 10% à 15% moins cher que le princeps alors que le médicament générique peut l'être de 38 à 90%61.
Tableau IV Dates d'expiration du brevet de plusieurs immunothérapies en Europe62
Nom commercial Date d'expiration du brevet (en Europe) Mabthera/Rituxan Rituximab 2013 Erbitux Cetuximab 2014 Herceptin Trastuzumab 2014 Vectibix Omalizumab 2018 Campath/Lemtrada Alemtuzumab 2021 Yervoy Ipilimumab 2021 Avastin Bevacizumab 2022
Le Tableau IV dresse la liste des principales immunothérapies et la date d'expiration de leur brevet en Europe. Ces dates marquent le début d'une perte de profits considérable pour certains laboratoires. L'exemple le plus marquant est le laboratoire Roche qui possède 3 des plus gros produits : Avastin®, Herceptin® et Mabthera® qui ont générés en 2016 plus de 17 milliards d'euros de chiffre d'affaires, soit la moitié des ventes de la division pharmaceutique du laboratoire63. En 2018, L'Avastin® à lui seul représentait 12% des ventes totales du laboratoire64. Ainsi, en 2018, le Mabthera® en Europe a vu ses ventes chuter de 49% face à ses concurrents, les biosimilaires. Il en 61
64 Levêque D. Médicaments biosimilaires en oncologie. Bull Cancer (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j. bulcan.2015.12.004 Etats des lieux sur les médicaments biosimilaires, Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé. (A.N.S.M.). Saint-Denis. FRA 2016/05, pages 27p. [Internet]. Disponible sur : https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/chimie-pharmacie/roche-se-donne-un-peu-d-airen-lancant-un-medicament-contre-la-sclerose-e [Consulté le 11/05/2019]. [Internet]. Disponible sur : https://www.forbes.com/sites/greatspeculations/2019/07/05/how-much-revenues-does-roche-stand-tolose-given-the-fda-nod-for-pfizers-biosimilar-for-avastin/#2c4be7e3b0f9 [Consulté le 11/05/2019]. 44 va de même pour l'Herceptin® avec 21% de baisse de chiffre d'affaires en 201865. Quant à l'Avastin®, des biosimilaires ont déjà été approuvés par l'EMA (Mvasi® du laboratoire Amgen par exemple) et par la FDA (Truxima® de Celltrion), ce qui augure une compétition féroce dès la perte de brevet. L'enjeu pour les laboratoires est ici totalement différent selon leur position. D'une part, les laboratoires comme Roche doivent anticiper la perte du brevet et l'arrivée des biosimilaires - soit en baissant les prix afin de concurrencer les biosimilaires, soit en investissant dans d'autres aires thérapeutiques. Daniel O'Day, ex-directeur du comité exécutif de Roche, affirmait fin 2018 que « même dans le pire des scénarios, nous [Roche] seront capables de croître malgré [la perte des brevets]. » Et cela à la suite du lancement de produits phares dont Ocrevus® contre la sclérose en plaques. D'autre part, les laboratoires concurrents doivent se positionner rapidement sur le marché et proposer un prix attractif. Or, la concurrence peut être rude. En France, pas moins de 6 spécialités sont disponibles pour remplacer le Mabthera®. Le laboratoire Pfizer possède un important portfolio de potentiels biosimilaires et a déjà vu 2 de ses produits approuvés : Trazimera® (biosimilaire de l'Herceptin®) et Zirabev® (biosimilaire de l'Avastin® qui pourrait rapporter 180 millions de dollars en 2019 et 600 millions de dollars d'ici à 2021) 66. L'avenir des biosimilaires semble donc assez prometteur, d'autant que les études se multiplient et le nombre de produits arrivant dans le domaine public augmente. En témoigne la hausse du nombre de résultats sur Clinicaltrials.gov à ce sujet : 382 études différentes en Le cadre législatif étant différent, les biosimilaires sont plus présents en Europe qu'aux Etats-Unis : 14 biosimilaires approuvés en 2017 contre 568. Cependant, la tendance change et les validations se multiplient outre-Atlantique. Malgré tout en Europe, leur pénétration sur le marché est difficile. Tout d'abord, ces produits sont nouveaux et les prescripteurs n'ont pas encore la connaissance et la confiance nécessaires envers ces produits. Les réticences sont davantage marquées qu'avec les génériques. De plus, les biosimilaires ne peuvent être substitués que sur ordre du prescripteur. Les 65 66 67 68 [Internet]. Disponible sur : https://www.fiercepharma.com/pharma/worst-case-scenario-roche-will-still-grow-pass-biosimilarerosion-u-s-executive [Consulté le 11/05/2019]. [Internet]. Disponible sur : https://www.forbes.com/sites/greatspeculations/2019/07/05/how-much-revenues-does-roche-stand-tolose-given-the-fda-nod-for-pfizers-biosimilar-for-avastin/#2c4be7e3b0f9 [Consulté le 11/05/2019]. [Internet]. Disponible sur : https://clinicaltrials.gov/ct2/results?term=biosimilar [Consulté le 02/09/2019]. [Internet]. Disponible sur : https://www.biosimilarsip.com/2018/10/29/how-the-u-s-compares-to-europe-on-biosimilar-approvalsand-products-in-the-pipeline-3/ [Consulté le 16/06/2019]. 45 laboratoires ont besoin de communiquer et de rassurer les prescripteurs quant à l'utilisation de ces molécules.
3.2.5. Combinaisons de traitements
L'association de traitements est la prochaine étape des traitements anticancéreux. Le parcours de soin d'un patient cancéreux contient toujours plusieurs étapes, incluant la chirurgie puis la radiothérapie. Les immunothérapies sont utilisées dans les cas où les traitements standards sont inopérants. Or, il s'est avéré que l'utilisation concomitante de ces traitements était plus efficace. Il s'agit principalement d'une association d'inhibiteurs de point de contrôle avec une autre thérapie (immunothérapie type anti-CTLA-4, radiothérapie). Les associations d'immunothérapies - « doublet » ou des « triplet » selon le nombre de molécules associées - sont mises en place si la tumeur exprime plus d'un biomarqueur.
Figure 15 Répartition des combinaisons de traitements des inhibiteurs de point de contrôle PD-1/PD-L1. 46 Sur la Figure 15, les deux molécules les plus étudiées en association sont le pembrolizumab et le nivolumab69. Il y avait en
2017
1502 essa
is
cliniques
pour des combinaisons
de ces molécules,
pour
2250 en 2018, soit une augmentation de 66,7%. En 2018, 234 essais
étaient en cours avec des combinaisons de molécules encore non approuvées. Le traitement du mélanome a été le premier terrain d'essai des combinaisons d'immunothérapies. Aux États Unis, 15% des patients reçoivent plus d'un inhibiteur de point de contrôle, améliorant grandement les chances de survie des patients dont le diagnostic était très défavorable. En 2017, la combinaison d'un inhibiteur de point de contrôle, Keytruda® et d'un virus oncolytique T-Vec® (talimogene laherparepvec) a donné d'excellents résultats dans le traitement du mélanome70. Deux tiers des patients ont répondu positivement au traitement et plus d'un patient sur trois a répondu de façon complète. Le taux de survie sans progression était proche de 70% après un an et demi de suivi. Les laboratoires profitent des combinaisons de ces nouveaux traitements pour lancer de nouvelles spécialités et soigner plus de patients.
3.2.6. Cas des cellules CAR-T
Comme vu en partie 2.3.1. les traitements par cellules CAR-T apportent d'excellents résultats dans les pathologies hématologiques où ils sont prescrits. Si Novartis et Gilead ont été les premiers à obtenir des AMM aux Etats Unis et en Europe, d'autres grands laboratoires commencent à investir dans cette voie comme Amgen, Genentech ou Servier/Pfizer. Cependant, ces laboratoires se heurtent à plusieurs problématiques concernant les traitements par cellules CAR-T. Tout d'abord, le mode de préparation de ces traitements est très spécifique. La leucaphérèse (prélèvement des lymphocytes) doit avoir lieu dans l'hôpital où les lymphocytes seront contrôlés avant d'être envoyés à un centre de production industrielle où ils seront génétiquement modifiés.
69 70 Tang J, Yu JX, Hubbard-Lucey VM, Neftelinov ST, Hodge JP, Lin Y. The clinical trial landscape for PD1/PDL1 immune checkpoint inhibitors. Nat Rev Drug Discov 2018;17:854. Combining talimogene laherparepvec with immunotherapies in melanoma and other solid tumors Reinhard Dummer, Christoph Hoeller, Isabella Pezzani Gruter, Olivier Michielin Cancer Immunol Immunother. 2017; 66(6): 683–695. Published online 2017 Feb 25. doi: 10.1007/s00262-017-1967-1 PMCID: PMC5445176. Les CAR-T acquièrent alors le statut de médicament. Ils sont ensuite renvoyés à l'hôpital, avant d'être réinjectés au patient. Tout au long du processus, leur suivi doit être méticuleux car les cellules sont congelées. La moindre erreur dans le transport du produit peut conduire à l'annulation de la procédure. Le temps moyen de production de ces cellules est de 17 jours actuellement aux Etats Unis. L'association France Lymphome Espoir a constaté un temps moyen de 45 jours entre la validation de l'ATU du produit et sa réception à l'hôpital71. Ce délai s'explique par les modifications génétiques qui sont opérées dans les laboratoires aux Etats Unis. Ces temps incompressibles de production et de contrôle peuvent desservir les patients qui ont besoin d'un traitement en urgence. Les laboratoires devront donc ouvrir des centres de production et de recherche ou s'associer avec des centres déjà existants pour pouvoir subvenir à la demande. De plus, ces traitements ont un statut particulier et différent selon les pays où ils sont administrés. C'est l'une des raisons qui a conduit l'EMA à autoriser leur utilisation bien après la validation de la FDA. Ils sont considérés par l'EMA comme des médicaments de thérapie génique. Cependant, étant modifiés génétiquement, la législation française les classe dans la catégorie des OGM 72. Les demandes d'utilisation et d'autorisation sont donc bien plus complexes qu'avec des traitements classiques, ce qui allonge les délais de traitement. La gestion de la « matière première » de ces traitements et son prélèvement constituent un défi pour les laboratoires. Ils sont effectués dans des centres qui n'appartiennent pas à l'entreprise, les hôpitaux, et le laboratoire n'a donc aucune maîtrise vis à vis de cette étape. Le contrôle qualité des centres de prélèvement doit alors correspondre aux standards de l'industrie pharmaceutique. Dans chaque centre, la formation et le contrôle continu des équipes ainsi que la vérification du matériel sont indispensables. Ces centres doivent répondre à de nombreux critères qui ont été définis en France par arrêté fin mars 201973. Lors de la mise en place des essais cliniques et des ATU, les laboratoires pharmaceutiques doivent aussi accréditer les centres qui vont prodiguer les soins. Ces limitations pourraient impacter l'accès des patients à ces traitements innovants. 71 72 73 [Internet]. Disponible sur : https://www.francelymphomeespoir.fr/contenu/comprendre/comment-soigner-un-lymphome/les-car-tcells [Consulté le 05/07/2019]. Yakoub-Agha
I
,
Ferrand C, Chalandon Y, Ballot C, Castilla Llorente C, Deschamps M, et al. Prérequis nécessaires pour la mise en place de protocoles de recherche clinique évaluant des thérapies cellulaires et géniques par lymphocytes T dotés de récepteur chimérique à l'antigène (CAR T-cells) : recommandations de la Société francophone de greffe de moelle et de thérapie cellulaire (SFGM-TC). Bull Cancer (Paris) 2017;104:S43–58. doi:10.1016/j.bulcan.2017.10.017. Arrêté du 28 mars 2019 limitant l'utilisation de médicament de thérapie innovante à base de lymphocytes T génétiquement modifiés dits CAR-T Cells autologues indiqués dans le traitement de la leucémie aiguë lymphoblastique à cellules B et/ou du lymp
home à grande cellule B, à certains établissements de santé en application des dispositions de l'article L. 1151-1 du code de la santé publique. Journal Officiel de la République Française. 10 Avril 2019. 3.2.7. Nouvelles technologies d'administration
Pour les professionnels de santé et les patients, la moindre amélioration du taux et du temps de réponse ou de la diminution des effets secondaires est capitale. Parmi les solutions qui sont investiguées, les méthodes et technologies d'administration demeurent importantes car elles permettent de fournir de nouvelles approches plus sûres, plus efficaces et potentiellement moins toxiques. L'une des voies explorées est celle des nanoparticules74. En association avec des traitements de chimiothérapie classique ou des inhibiteurs de point de contrôle, les nanoparticules augmentent l'efficacité desdits traitements auprès des tumeurs ayant un potentiel immunogénique faible. Elles peuvent aussi aider à cibler les cellules tumorales de façon plus précise. Par exemple, des nanoparticules de gélatine enrobées de molécules ciblant les cellules tumorales sont libérées près de ces cellules. Le micro-environnement tumoral possédant souvent des protéinases, ces dernières vont dégrader la gélatine, permettant au traitement d'agir directement sur la cellule tumorale. Une autre opportunité est celle de la PEGylation75. Elle permet d'améliorer la stabilité et la demi-vie des molécules du traitement. La limitation de cette méthode est qu'elle ne cible pas en particulier les cellules tumorales. Au-delà de ces approches systémiques, des possibilités d'administration locales sont aussi étudiées : hydrogels injectables, patchs de micro-aiguilles ou biomatériaux implantables. Ces derniers semblent particulièrement intéressants. Il s'agit « d'implants » composés de silice et d'huile minérale qui vont permettre une libération très locale et surtout durable. Il y a donc une action très ciblée du produit, ce qui réduit les effets indésirables systémiques. Par ailleurs, l'intérêt est double pour le patient car il n'a plus besoin de recevoir des injections aussi régulièrement. L'annexe 1 dresse l'état des lieux des moyens actuellement investigués et de leurs avantages et inconvénients. 75 Riley RS, June CH, Langer R, Mitchell MJ. Delivery technologies for cancer immunotherapy. Nat Rev Drug Discov 2019;18:175– 96. doi:10.1038/s41573-018-0006-z. Conjugué du polyethylene glycol (PEG) avec un agent thérapeutique type cytokine.
en et consiste à des micros doses chimi exemple) en même temps qu'une série d'impulsions s 3.3. Les laboratoires 3.3.1. Pipeline 3.3.1.1. Cas général
En 2018, une étude 77 a été publiée dans Nature portant sur la viabilité de la recherche dans l'industrie pharmaceutique compte-tenu de la quantité de nouvelles molécules consacrées à l'oncologie dans le pipeline des entreprises. Ainsi, en se basant sur les données d'EvaluatePharma environ 3500 nouvelles molécules étaient à l'étude, couvrant plus de 6300 indications dans l'ensemble des pathologies. L'oncologie représente 40% de ces nouvelles molécules, soit environ 1400 molécules, et 50% des nouvelles indications. Les auteurs de l'article ont aussi proposé un modèle théorique basé sur le taux de succès des nouvelles molécules afin d'estimer le nombre de nouveaux traitements qui pourraient être mis sur le marché. Si l'on prend l'exemple du cancer du poumon non à petites cellules, 180 molécules sont actuellement investiguées. Suivant le modèle, pas moins de 26 de ces molécules pourraient être éligibles à une mise sur le marché. Cependant, il est difficile d'évaluer le nombre de projets qui seront arrêtés en cours de route suite à une absence d'amélioration du service médical rendu. 76 77 https://www.sciencesetavenir.fr/sante/cancer/l-electrochimiotherapie-nouvelle-arme-contre-le-cancer_131313 [Consulté le 10/08/2019].
Moser J, Verdin P. Burgeoning oncology pipeline raises questions about sustainability. Nat Rev Drug Discov 2018;17:698–9. doi:10.1038/nrd.2018.165. 50
Cette situation risque d'entraîner un « embouteillage » en sortie de pipeline qui pourrait conduire certains produits, malgré leur efficacité, à subir de véritables échecs commerciaux. Ce facteur doit être pris en compte par les unités stratégiques des laboratoires. Il est possible de mettre en parallèle l'étude publiée en 2017 sur la disponibilité des preuves d'amélioration de la survie globale et de la qualité de vie des molécules approuvées en Europe entre 2009 et 201378. Cette étude met en exergue le fait que parmi les 68 molécules approuvées par l'EMA, seulement la moitié ont été associées à une augmentation significative de la survie ou de la qualité de vie par rapport à un traitement placebo ou un traitement de référence. Pour certains, les résultats ne sont probants pour aucun des critères. Pire encore, pour plus de trois quarts des molécules approuvées, aucune donnée d'amélioration de ces critères n'avait été fournies dans les 3 ans après l'approbation. Ce manque de données vient principalement du fait que ces critères ne sont que rarement pris en compte en tant que critères principaux pour les études, alors qu'ils sont primordiaux pour les patients. Cette étude arrive alors que les coûts liés aux traitements augmentent de façon drastique et que les gouvernements se posent la question du remboursement desdits traitements. Cela remet en cause la crédibilité du laboratoire ainsi que celle de l'EMA. Ces traitements représentant un coût significatif dans nos systèmes de santé, une sélection plus drastique ne devrait-elle pas être mise en place?
3.3.1.1. Cas des Immunothérapies
Le pipeline des molécules d'immunothérapies, considérées comme l'avenir du traitement anticancéreux, est actuellement l'un des plus développés dans l'industrie pharmaceutique- on peut parler de pipeline « encombré ».
78 Davis C, Naci H, Gurpinar E, Poplavska E, Pinto A, Aggarwal A. Availability of evidence of benefits on overall survival and quality of life of cancer drugs approved by European Medicines Agency: retrospective cohort study of drug approvals 2009-13. En septembre 2017, pas moins de 940 molécules étaient en phase clinique, et 1064 en phase préclinique79. Elles font l'objet de plus de 3000 essais cliniques actifs dans le monde, pour un total d'objectif d'enrôlement de presque 600 000 patients. En septembre 2018, le nombre de molécules à l'étude avait bondi de presque 70%, pour atteindre les 3400 molécules80. Ces chiffres sont très encourageants et prouvent à quel point ce secteur est dynamique. Cependant, quel est l'intérêt d'avoir une cinquantaine de molécules ciblant PD-1/PD-L1 à l'étude quand 6 produits ont déjà été approuvés? Selon Tang « cette large couverture de cibles distinctes reflète une approche fragmentée et non coordonnée du développement des anti-PD-1/PD-L178 » Malgré la grande diversité de molécules en phase clinique, le nombre de cibles de ces molécules récepteurs ou autres - est assez restreint. La moitié des études concernent seulement une quarantaine de cibles différentes. Multiplier les études est important pour la survie du patient. Qu'en est-il du prescripteur? Avec autant d'essais, de nouvelles molécules, d'ATU, etc. comment peut-il rester à jour et faire le bon choix pour son patient? Les industries pharmaceutiques se doivent d'être présentes afin de former les professionnels de santé sur ces nouveaux traitements, en toute transparence.
3.3.2. Biomarqueurs
Un biomarqueur est une caractéristique biologique mesurable avec précision, utilisé comme un indicateur dans le cadre d'un dépistage ou d'un diagnostic. L'INCa utilise le terme de test moléculaire pour définir l'usage fait de ces biomarqueurs. En substance, il s'agit principalement de détecter la présence ou non d'une anomalie dans le patrimoine génétique de la tumeur. Les anomalies suivantes se retrouvent la majeure partie du temps81 : • Mutation d'un gène. Exemple : BRAF dans le mélanome et EGFR dans le poumon. •
Translocation d'un
fragment chromosomique
.
Exemple : translocation du gène ALK dans le cancer du poumon. 79 80
81 Tang J, Shalabi A, Hubbard-Lucey VM. Comprehensive analysis of the clinical immuno-oncology landscape. Ann Oncol 2018;29:84–91. doi:10.1093/annonc/mdx755 Tang J, Pearce L, O'Donnell-Tormey J, Hubbard-Lucey VM. Trends in the global immuno-oncology landscape. Nat Rev Drug Discov 2018;17:783–4. doi:10.1038/nrd.2018.167. https://www.e-cancer.fr/Patients-et-proches/Se-faire-soigner/Traitements/Therapies-ciblees-et-immunotherapiespecifique/Biomarqueurs-et-tests-moleculaires/Qu-est-ce-qu-un-test-moleculaire [Consulté le 07/02/2019]. 52
• Amplification (augmentation du nombre de copies d'un gène). Exemple : gène HER2 dans le cancer du sein. • Délétion/insertion de fragments d'ADN. Si une anomalie est identifiée dans la tumeur et qu'elle correspond à un type particulier de traitement, le patient sera orienté vers ce traitement. Sinon, une thérapie ciblée ne nécessitant pas de biomarqueur ou un traitement classique sera proposé. Les biomarqueurs ont pris une place de plus en plus importante aussi bien auprès des laboratoires que des professionnels de santé. Avant même qu'il soit notion de traitement, ils permettent aux médecins de suivre plus facilement l'évolution d'un cancer voire de faciliter son diagnostic par le biais des biomarqueurs circulants (présence de l'ADN de la tumeur dans le flux sanguin du patient). On parle parfois de « biopsie liquide » lorsque la biopsie de la tumeur est difficile (neuroblastome par exemple). Ainsi, les biomarqueurs ont permis de redéfinir les cancers en catégories plus précises. Ils ont permis de « stratifier » la prise en charge aussi bien à l'hôpital que dans les essais proposés par les laboratoires. Selon l'IMS82, sur les quelques 700 molécules qui se trouvent actuellement en dernière phase de développement, plus d'un tiers utilise les biomarqueurs pour stratifier et accepter les patients au sein des études. Cela pose le problème de la validité et de la mise en place des essais cliniques pour les laboratoires dans la mesure où seuls les patients correspondant à ces biomarqueurs peuvent être inclus dans les études. Cependant, en pré-sélectionnant les biomarqueurs, le nombre de patients nécessaires pour valider l'efficacité est plus faible.
| 41,152
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2011LIMO2009_12
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French-Science-Pile
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Open Science
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Various open science
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Sémiotique et pragmatique des passions dans Les Contemplations de Victor Hugo
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None
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French
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Spoken
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Le corps du sujet désespéré des Contemplations dysfonctionne de différents points de vue. Lui aussi est en effet sous l’influence de la disproportion des forces entre le sujet et 551 Voir le carré sémiotique de GREIMAS (1976b, p. 98) : « unité intégrale », « totalité partitive », « totalité intégrale » et « unité partitive ». Par ailleurs, on peut comparer la position du locuteur de Hugo avec celle du locuteur de KHAGHANI, le poète iranien du XIIe siècle, qui a composé des poèmes en deuil de son fils disparu : le locuteur, loin de refuser la communication avec les lecteurs, s’adresse à eux en leur demandant de venir vers lui, et de le soulager (2005 (XIIe siècle), p. 158) ; ou bien il donne aussi la parole au simulacre du fils, qui, à son tour, s’adresse aux lecteurs en leur demandant de l’aide (2005 (XIIe siècle), p. 406). 552 Bernard BRUSSET, 2002, p. 99. Il ajoute : « Un esprit mal tourné pourrait entendre un double sens : être seul et mort, ou être le seul mort, alors que d’autres auraient pu l’être » (2002, p. 99). 201 le destinateur tout-puissant, qui non seulement définit les autres systèmes modaux, et détermine les systèmes temporels auxquels le sujet a affaire, mais aussi lui fait éprouver le désespoir par le dysfonctionnement somatique, parfois accompagné du dysfonctionnement perceptif, l’isole et intensifie sa souffrance par le manque de communication avec les autres. 202
Chapitre III Sujet en devenir : vers l’espoir
Le sujet désespéré des Contemplations éprouve également d’autres passions dans son parcours syntagmatique. Nous envisageons d’analyser dans ce chapitre le parcours passionnel de ce sujet en trois temps, qui correspondent à trois moments décisifs de ses états d’âme, à savoir la colère, la soumission ou le retour au désespoir, et, finalement, l’espoir.
1. De la colère
Si le désespoir est prolongé un peu partout dans Les Contemplations, la colère n’apparaît que très localement, notamment dans le poème « Trois ans après ». La passion exprimée peut être interprétée comme la colère, mais aussi comme la révolte contre Dieu. Puisque cet état d’âme est très provisoire, et surtout qu’il n’a aucun effet actionnel, nous utilisons plutôt le terme de colère pour le désigner, mais il s’agit en réalité d’une colère révoltée. Nous citons les treize strophes concernées en intégralité et, dans un premier temps, nous procéderons à leur analyse en suivant le fil du texte, et dans un deuxième temps, nous essayerons d’en dégager les enjeux qui permettront de comparer le moment de la colère avec les moments du désespoir.
1.1. La colère au centre
L’humble enfant que Dieu m’a ravie Rien qu’en m’aimant savait m’aider ; C’était le bonheur de ma vie De voir ses yeux me regarder. Si ce Dieu n’a pas voulu clore L’œuvre qu’il me fit commencer, S’il veut que je travaille encore, Il n’avait qu’à me la laisser! Il n’avait qu’à me laisser vivre Avec ma fille à mes côtés, Dans cette extase où je m’enivre 203 De mystérieuses clartés! Ces clartés, jour d’une autre sphère, Ô Dieu jaloux, tu nous les vends! Pourquoi m’as-tu pris la lumière Que j’avais parmi les vivants? As-tu donc pensé, fatal maître, Qu’à force de te contempler, Je ne voyais plus ce doux être, Et qu’il pouvait bien s’en aller? T’es-tu dit que l’homme, vaine ombre, Hélas! perd son humanité À trop voir cette splendeur sombre Qu’on appelle la vérité? Qu’on peut le frapper sans qu’il souffre, Que son cœur est mort dans l’ennui, Et qu’à force de voir le gouffre, Il n’a plus qu’un abîme en lui? Qu’il va, stoïque, où tu l’envoies, Et que désormais, endurci, N’ayant plus ici-bas de joies, Il n’a plus de douleurs aussi? As-tu pensé qu’une âme tendre S’ouvre à toi pour mieux se fermer, Et que ceux qui veulent comprendre Finissent par ne plus aimer? Ô Dieu! vraiment, as-tu pu croire Que je préférais, sous les cieux, L’effrayant rayon de ta gloire Aux douces lueurs de ses yeux? Si j’avais su tes lois moroses, Et qu’au même esprit enchanté Tu ne donnes point ces deux choses, Le bonheur et la vérité, Plutôt que de lever tes voiles, Et de chercher, cœur triste et pur, À te voir au fond des étoiles, Ô Dieu sombre d’un monde obscur, J’eusse aimé mieux, loin de ta face, Suivre, heureux, un étroit chemin, Et n’être qu’un homme qui passe Tenant son enfant par la main! (« Trois ans après », p. 196-197) 204 Dans ce passage, il s’agit d’une relation polémique entre le sujet et le destinateur. Il commence avec la mise en accusation de Dieu : celui-ci a « ravi » l’enfant du locuteur. « Ravir » est défini par le dictionnaire Littré comme « Enlever de force, par violence » ; « Ôter, priver de ». L’acte de Dieu, ayant pour conséquence la privation du sujet de son objet de valeur, et d’ailleurs accompagné de « force » et de « violence », indique donc la mauvaise fois et la tension. L’objet de valeur est évoqué dans le contexte d’un passé heureux, et son savoir faire ainsi que son pouvoir faire sont mis en valeur (« Rien qu’en m’aimant savait m’aider »). La deuxième et la troisième strophes insistent sur la divergence aspectuelle qui correspond à une confrontation modale : le programme d’abrègement aspectuel du locuteur s’oppose au programme d’allongement aspectuel de Dieu, et le locuteur est obligé de subir deux devoirs (ne pas pouvoir ne pas faire) : laisser sa fille partir et continuer à vivre. S’il a dû subir le premier devoir, dans un monde sans le véritable objet de valeur, il désire, au moins, ne pas subir le deuxième. En réalité, l’attitude de Dieu est dénoncée comme inconséquente, comme s’il ne savait pas ce qu’il voulait : on est au bord du blasphème. Autant l’image de la fille est méliorative, autant la figure de Dieu est péjorative. Le locuteur actualise un marchandage, un échange qui n’a pas eu lieu : Dieu aurait pu laisser la fille, et de son côté le locuteur aurait poursuivi son œuvre. La répétition de la formule « ne... que » renforce la focalisation péjorative. L’isotopie de la péjoration de Dieu se prolonge dans la strophe suivante, avec le verbe "vendre" et le verbe "prendre", dans une formulation qui évoque le modèle de l’interrogation judiciaire face à un voleur. Par ailleurs, Dieu est considéré comme « jaloux », c’est-à-dire qu’au plan du faire, il contredit sa nature qui est la bonté, il garde pour soi au lieu de donner. Le locuteur, en adoptant le point de vue de Dieu, lui attribue le même statut que lui-même, il le réduit du statut du destinateur au statut de l’anti-sujet : à la jalousie, la rivalité est intrinsèque, et celle-ci n’est possible qu’entre deux actants du même statut autour d’un seul objet de valeur. Cette qualification met également l’accent sur l’importance de l’objet de valeur : même Dieu refuse de le partager, il veut l’avoir en exclusivité. De plus, pour reprendre les termes de Zilberberg, on a affaire à la « syntaxe extensive »553 : selon le locuteur, Dieu pratique une opération de « tri » en jugeant que les grandeurs sont incompatibles, il est du côté des « valeurs d’absolu » ; alors que le locuteur, 553 La « syntaxe extensive » s’applique à « la syntaxe qui intéresse les états de choses » ; elle est caractérisée par deux grandes opérations : le « mélange » et le « tri » (Claude ZILBERBERG, 2006, p. 221-222 et p. 240). 205 généreux, reconnaît que les grandeurs peuvent être distribuées sans dommage, il pratique une opération de « mélange », il est du côté des « valeurs d’univers »554. Par ailleurs, dans cette strophe, un changement énonciatif essentiel, maintenu jusqu’à la fin, se fait jour : Dieu qui était en dehors de la scène d’énonciation, y entre soudainement. Cette modification de mode d’énonciation est d’autant plus importante que « Dieu » est presque toujours, au cours du recueil, un « il », – contrairement au mot « Seigneur », qui apparaît souvent en situation d’énonciation555 –. Sa présence sur la scène d’énonciation est donc rare, mais s’il se manifeste, il est toujours accompagné d’un adjectif, tantôt en vouvoiement, tantôt en tutoiement. Par exemple : « Dieu tout-puissant » (« Lettre », p. 87), « Dieu sévère » (« Claire P. », p. 252), « Dieu serein » (« Pleurs dans la nuit », p. 294) en vouvoiement ; « Grand Dieu » (« La vie aux champs », p. 36) en tutoiement, dans une situation d’éloge ; mais, dans le passage que nous venons de citer, le tutoiement est utilisé dans une situation de reproche : « Dieu jaloux ». On peut montrer ces évolutions énonciatives sur un schéma tensif : 554 Le « point de vue tensif [...] distingue [...] entre des valeurs d’absolu visant l’exclusivité et des valeurs d’univers visant la diffusion [...] : ici priorité accordée au mélange, là au tri » (Claude ZILBERBERG, 2006, p. 241). D’autre part, dans le poème qui précède « Trois ans après », à savoir « Aime celui qui t’aime... », la même situation, susceptible de produire la jalousie, se fait jour : un autre actant aime sa fille, et veut se l’approprier. Mais la jalousie est tout à fait absente, car le sujet est soumis au faire devoir imposé : « Aime celui qui t’aime, et sois heureuse en lui. / – Adieu! – Sois son trésor, ô toi qui fus le nôtre! / Va, mon enfant béni, d’une famille à l’autre. / Emporte le bonheur et laisse-nous l’ennui! / Ici, l’on te retient ; là-bas, on te désire. / Fille, épouse, ange, enfant, fais ton double devoir. / Donne-nous un regret, donne-leur un espoir, / Sors avec une larme! entre avec un sourire! » (p. 194). 555 On peut visiblement observer ce contraste énonciatif entre les termes « Dieu » et « Seigneur » dans le vers suivant, valable pour le recueil entier : « J’ai dit à Dieu : "Seigneur, jugez où nous en sommes ["] » (« Écoutez. Je suis Jean. J’ai vu des choses sombres », p. 284). 206
Tension
Tu Intensité Vous Détente Proximité Il Étendue
Distance
Le passage au « tu » produit donc ici un effet de rapprochement, de face à face, d’accélération et d’augmentation de la tension. Cette transformation énonciative du « il » au « tu », correspond au changement d’étape selon la séquence canonique de la colère, que l’on peut présenter, à la suite de Greimas556 et de Fontanille557, en huit étapes : manque, incapacité, confiance, attente, frustration, mécontentement, agressivité, explosion558. Si, au moment de la « frustration » – phase commune avec le désespoir, qui émerge lorsque le sujet éprouve le manque « sur le fond de la confiance et de l’attente déçues », lorsqu’il « réactualise la promesse de conjonction antérieure »559, et qui apparaît dans les strophes qui précèdent celles que nous avons citées dans cette section : « [...] je souffre comme père, Moi qui souffris tant comme enfant! » (p. 195), etc. –, le locuteur n’évoque pas Dieu ; en revanche, à la phase du « mécontentement », Dieu se manifeste sous forme débrayée, et au moment de l’« agressivité » et de l’« explosion », sous forme adressée. Dans la phase du mécontentement, « le sujet confronte ce qu’il espérait et ce qu’il obtient (l’état attendu et l’état réalisé), et conclut à une situation insatisfaisante, à une inadéquation entre le soi projeté et le moi actuel »560 : « L’humble enfant que Dieu m’a 556 Algirdas Julien Greimas, 1983a, pp. 225-246. 557 Jacques FONTANILLE, 2005a, p. 63. 558 Cette séquence canonique est « fondée sur une chaîne de "raisons" : le sujet "explose" en raison de son agressivité ; il est agressif "en raison" de son mécontentement, il est mécontent "en raison" de sa déception, il est déçu "en raison" de ce qu’il attendait, [...] il attendait "en raison" de ce qu’on lui avait promis ou laissé espérer » (FONTANILLE, 2005a, p. 63), et il espérait ou il avait cru à la promesse "en raison" d’un manque initial accompagné de l’absence du pouvoir chez lui.
559 Jacques FONTANILLE, 2005a, p. 64. 560 Jacques FONTANILLE, 2005a, p. 65. 207
ravie / Rien qu’en m’aimant savait m’aider ; / C’était le bonheur de ma vie / De voir ses yeux me regarder », etc. Quant à l’« agressivité », elle « est explicitement adressée à cet autre sujet, le fautif, le traître, celui qui n’a pas honoré sa promesse »561. Cette phase commence avec la quatrième strophe, en même temps que Dieu entre sur la scène d’énonciation, et se confond au fur à mesure avec l’« explosion », difficile à distinguer nettement de l’« agressivité », qui apparaît plutôt dans les dernières strophes que nous avons citées. Nous y reviendrons. Dans la cinquième strophe, la tension arrive à son apogée : après avoir été considéré comme « jaloux », Dieu est ici considéré comme le « fatal maître », le cruel qui fait mourir562. Cette succession est ascendante : le « fatal maître » est plus proche et plus menaçant que « Dieu jaloux ». Cette strophe, ainsi que les quatre strophes qui la suivent, mettent en scène une erreur, selon le point de vue du locuteur, dans le raisonnement de Dieu : il s’agit de la mise en relation de deux paradigmes, d’une part la durée de la contemplation, qui va avec l’insensibilité, et d’autre part l’humanité qui va avec la sensibilité. C’est comme si « à force de contempler » Dieu, « [à] trop voir [...] la vérité », « à force de voir le gouffre », puisqu’il veut « comprendre », l’homme avait perdu « son humanité » et était devenu insensible (il finit « par ne plus aimer », « on peut le frapper sans qu’il souffre », car il est « endurci », l’adjectif qui, étant une modalité du devenir, montre bien la progressivité aspectuelle de l’insensibilité), voire aveugle (« Je ne voyais plus ce doux être »). Cela permet l’instauration d’un schéma tensif : 561 Jacques FONTANILLE, 2005a, p. 65. 562
Si l’on peut dire avec Ludmila CHARLES-WURTZ que c’est « souvent aux femmes que Hugo attribue le discours le plus critique envers Dieu », que les « mères en deuil se révoltent ouvertement contre Dieu, lui demandant des comptes » (1998, p. 227), ce n’est pas le cas ici. Dans cette occurrence très critique et blasphématoire, peut-être la plus forte dans l’œuvre de Hugo, la parole est assumée par un acteur masculin, d’ailleurs en « je ». De plus, l’image d’un Dieu négatif se trouve aussi dans d’autres ouvrages de Hugo. Il note par exemple dans Les Misérables : « Je ne comprends pas comment Dieu, le père des hommes, peut torturer ses enfants et ses petits-enfants et les entendre crier sans être torturé lui-même » (1998 (1862), p. 1346).
208
+ Sensibilité Humanité − Bref Insensibilité Durée de la contemplation Long
C’est comme si la contemplation et la recherche de la vérité, plus elles duraient, plus elles déshumanisaient et insensibilisaient, c’est-à-dire que selon Dieu, ces paradigmes sont exclusifs (ou... ou...) ; alors que le locuteur pense que les deux paradigmes sont conciliables (et... et...). On est encore en présence de la "syntaxe extensive", celle qui traite des "tris" et des "mélanges". Les implications sont divergentes : d’après le point de vue attribué à Dieu, la contemplation annihile le caractère humain, la compréhension exclut l’amour, mais selon le locuteur, ils sont cumulables. Les quatre dernières strophes citées semblent avoir pour contenu général la "profession des valeurs", et signaler la dernière phase de la séquence canonique de la colère, à savoir l’« explosion », celle qui « réunit en somme toutes les identités modales et affectives ées au cours de la séquence en une manifestation unique, massive et sans étendue »563. La première strophe de cette série – la dixième strophe citée – allonge la liste des contresens commis par Dieu : une antithèse patente, fondée sur l’isotopie de la lumière, creuse l’écart entre l’"assiette prédicative" de Dieu (« L’effrayant rayon de ta gloire ») et l’"assiette prédicative" de la fille (« douces lueurs de ses yeux »). Avec la « gloire », définie par Le Littré comme « Célébrité grande et honorable », on est du côté des "valeurs d’univers", tandis qu’avec le vers attribué à la fille, on est du côté des "valeurs d’absolu", qui sont privées, privatives, de l’ordre de l’intimité. De plus, comme il est évoqué dans les deux dernières strophes, l’horizon de la première assiette est le « fond des étoiles », et elle
563 Jacques FONTANILLE, 2005a, p. 65. 209
a affaire aux valeurs visuelles (« te voir »), alors que celui de la deuxième est « un étroit chemin », et elle a trait aux valeurs tactiles (« Tenant son enfant par la main »). On est en effet témoin de l’exploration de deux micro-univers résultant de l’effectuation d’un choix ; un micro-univers qui a pour fin la contemplation contrastant avec un micro-univers qui a pour fin la paternité, et qui s’opposent sous plusieurs rapports :
La contemplation La paternité Valeurs tensives Valeurs d’univers Valeurs d’absolu Valeurs sensibles Valeurs visuelles Valeurs tactiles Fiducie Défiance, inquiétude Confiance Spatialité Distance considérable Proximité, contact Horizon Fond des étoiles Étroit chemin
Les trois dernières strophes développent un système phrastique conditionnel du type « si... alors... ». L’expression de la condition est confiée à la première strophe, l’expression des conséquences aux deux dernières. La première, complétant la neuvième strophe qui avait mentionné le couple des programmes opposés (« comprendre » vs « aimer »), précise les objets assortis à ces programmes : la « vérité » et le « bonheur » (la sanction). Mais la pertinence porte sur la compatibilité à poser ou non entre les deux grandeurs :
210 Tension Le bonheur ou La vérité Intensité Le bonheur et Détente La vérité Ou Extensité Et
La relation pertinente n’est donc pas l’opposition [bonheur vs vérité], c’est l’opposition elle-même qui entre en opposition avec le terme complexe [vérité + bonheur] : [bonheur vs vérité] vs [bonheur + vérité]. C’est-à-dire que le choix de l’un des termes est solidaire du renoncement à l’autre terme : si l’on choisit la vérité, on sacrifie le bonheur, et réciproquement ; ce qui correspond à l’opération de "tri", et qui va à l’encontre de l’opération de "mélange", désirée par le locuteur. Cette situation est la source d’une insatisfaction profonde, susceptible d’engendrer le espoir ou la colère. Après l’analyse des strophes centrées sur la colère révoltée contre Dieu, nous allons d’abord comparer les propriétés de cette passion avec celles du désespoir, et nous allons ensuite souligner l’importance de ces deux passions chez les romantiques.
1.2. La colère et le désespoir
Que se passe-t-il ici par rapport aux moments du désespoir du sujet? Sur le plan actantiel, la rupture fiduciaire, le refus de sanctionner et/ou la sanction négative se retournent contre le destinateur : « on doute de lui, on s’interroge sur ses intentions, on finit par lui dénier toute compétence. Il est virtualisé par le faire interprétatif de sujet »564. En d’autres termes, le destinateur, plus précisément l’anti-destinateur, perd son statut transcendant et se transforme en anti-sujet, ce qui engendre une « sensibilité nouvelle à sa 564 Jacques FONTANILLE, 1980, p. 8. 211 présence hostile, néfaste ou irritante »565. Le sujet de colère, à la différence de celui de désespoir qui focalise plutôt sur le système de valeurs et/ou le manque de l’objet, se concentre sur l’autre (anti-destinateur, anti-sujet), et trouve le "courage" pour montrer son mécontentement. Pourtant, dans les deux cas, il s’agit d’un savoir qui porte sur l’impuissance du sujet, d’une évaluation négative du rôle du destinateur, de la vanité de la confiance en lui. Les deux sont des effets de l’irruption de l’autre dans le champ de présence du sujet. C’est dire que le syntagme passionnel du désespoir et celui de la colère possèdent un tronc commun : manque, incapacité, confiance, attente, frustration, perte de confiance en le destinateur. C’est la bifurcation qui apparaît après cette chaîne qui détermine s’il s’agit du désespoir ou de la colère : la première menant vers le "sentiment d’abandon", la "perte de confiance en soi" et le "vouloir se défaire de soi" ; la seconde vers le "mécontentement", l’"agressivité" et l’"explosion". Le désespoir et la colère sont peut-être deux façons différentes de manifester son impuissance ; peut-être le sujet de désespoir est-il celui qui assume mieux que le sujet de colère son impuissance ; et d’un autre point de vue, peut-être le désespoir est-il une colère réprimée. Si le désespoir est l’admission de la domination du devoir sur le vouloir, la colère est une illusion ou une tentative désespérée de l’inversion de la domination. Si le désespoir implique un sujet cognitivo-passionnel plutôt stable, la colère implique un sujet dont la dimension passionnelle l’emporte progressivement sur la dimension cognitive, et qui tend vers le non-sujet. Pour reprendre les mots d’Anne Hénault, le sujet de désespoir est un sujet « passible », tandis que le sujet de colère est un sujet « pathique »566. En termes d’actants positionnels et de champ de présence, si le champ du sujet désespéré est fermé, si les orientations des mouvements sont centripètes, si le corps sensible est passif et s’il n’est plus en mesure d’occuper le centre organisateur du champ, s’il ne fait que subir de l’extérieur, le sujet de colère tente d’être actif, d’occuper le centre d’organisation et de dynamisme du champ de présence, d’inverser les orientations des mouvements du champ, de l’ouvrir vers l’extérieur. Mais, cet état provisoire n’est qu’une illusion de la part du sujet de colère, dans la mesure où il est incapable d’apporter ces modifications : la colère ne peut être que l’« espoir de soulagement »567. 565 Jacques FONTANILLE, 2005a, p. 65. 566 Anne HENAULT, 1986, p. 37. 567
Herman
PARRET,
1986
,
p
. 111. Il explique la conception d’ALAIN de la colère. 212
En termes aspectuels, si le désespoir est caractérisé par l’aspect duratif, par l’itération d’une présence passionnelle, la colère est définie par l’aspect ponctuel, par son côté explosif, foudroyant, paroxystique568. En termes de tempo et de tonicité, la lenteur se transforme en accélération, l’atonie cède la place à l’éclat tonique, c’est-à-dire que l’intensité augmente au détriment de l’extensité : +
Col
ère
Intensité (tempo/ton
icité
) Dés
espo
ir
− − Extensité (durée temporelle) + En outre, Jacques Fontanille postule l’existence d’un « espace » sous-jacent à tout discours, « traversé par des énergies et qui prendrait sens, entre autres, quand les articulations narratives et discursives viendraient y projeter des seuils, des frontières, des zones d’accumulation ou de raréfaction de l’énergie »569. Par exemple, le désespoir et la colère présupposent tous deux la tension d’une attente que la disjonction de l’objet de valeur transformera en accumulation d’énergie : pour le désespoir, cette accumulation d’énergie se maintient tout en se cachant, car diffusée dans l’extensité ; par contre, la colère « suppose une libération de l’énergie accumulée, pour parvenir à une détente »570. Les vers qui suivent ceux que nous avons cités montrent bien cette détente qui succède à la tension : 568 Jean-Claude ANSCOMBRE arrive dans son analyse au même résultat que nous : le désespoir est une passion « interne permanent[e] », alors que la colère est une passion « externe provisoire » (1996, p. 268). Par ailleurs, Herman PARRET, en commentant Thomas d’AQUIN, indique : « La colère qui persiste engendre la haine »
1986, p. 112). 569 Jacques FONTANILLE, 1993b, p. 15. 570 Jacques FONTANILLE, 1993b, p. 15. 213
Maintenant, je veux qu’on me laisse! J’ai fini! le sort est vainqueur. («
Trois ans
après
»,
p. 197) On constate donc que, « comme le fait remarquer Sénèque, l’explosion de la colère ne résout rien d’autre que le malaise du sujet »571. On peut récapituler les principales différences entre la colère et le désespoir dans le tableau suivant :
Désespoir Colère Système de valeurs (manque L’anti-destinateur, de l’objet de valeur) l’anti-sujet Assomption Non assomption Attitude face au conflit Soumission à la domination Tentative désespérée modal du vouloir par le devoir d’inverser la domination Rapport entre la cognition et Sujet aussi cognitif que Sujet plus passionnel que la passion passionnel cognitif Champ de présence Horizon fermé Tentative désespérée Point de focalisation Attitude face à l’impuissance d’ouvrir l’horizon Aspectualité Aspect duratif Aspect ponctuel Tempo Lenteur Accélération Tonicité Médiocrité Éclat Attitude face à Détention Libération l’accumulation de l’énergie Par ailleurs, il faut ajouter que
la colère et la révolte, comme le désespoir et la mélancolie, font partie des passions centrales chez les romantiques. Cette colère révoltée tour à tour d’ordre ontologique, social, politique, etc., va en général avec un individualisme 571
Jacques
FONTANILLE
, 2005a
, p. 65. 214
hostile et un esprit de négation572. Ce n’est donc pas étonnant que les romantiques soient fascinés par Satan, le révolté suprême contre Dieu. Parmi les incarnations les plus parlantes de cet esprit de négation, on peut surtout mentionner la figure de Satan dans La Fin de Satan (1886) de Hugo, et celle de Méphistophélès, l’esprit qui toujours nie, dans Faust (1808) de Goethe. C’est dans la même perspective que Hugo prend Dieu pour le « fatal maître » ou « Dieu jaloux » dans Les Contemplations ; cette deuxième expression, « Dieu jaloux », est aussi utilisée dans Les Châtiments573, aussi bien que dans les Poèmes antiques et modernes de Vigny574 ; ou bien, de la même manière, Pétrus Borel prend Dieu, dans ses Rhapsodies, pour un « ogre appelé Dieu »575. Dieu semble donc être l’une des principales cibles de la colère romantique, car considéré comme l’anti-destinateur, celui qui a promis ou qui a fait espérer sans respecter son engagement, celui qui a unilatéralement rompu le contrat fiduciaire. En effet, la colère et la révolte d’un côté, le désespoir et la mélancolie de l’autre, sont partie prenante du romantisme. Pierre Laforgue indique que « la mélancolie, à l’époque romantique, est moins une thématique qu’elle ne constitue une poétique »576. On peut doublement élargir cette affirmation : la mélancolie étant une forme de désespoir et le désespoir étant, comme la colère et la révolte, une forme d’insatisfaction, on peut dire que l’insatisfaction est la source d’une poétique romantique, qui s’incarne en colère révoltée ou en désespoir. Le couple désespoir/colère révoltée qui est constitutif de la poétique hugolienne dans Les Contemplations, s’inscrit donc dans le cadre plus général du romantisme. 572 L’un des exemples célèbres est un passage de La Coupe et les lèvres d’Alfred de MUSSET : « [...] Malheur aux nouveau-nés! / Maudit soit le travail! maudite l’espérance! / Malheur au coin de terre où germe la semence, / Où tombe la sueur de deux bras décharnés! / Maudits soient les liens du sang et
de la vie
!
/
Maudite la
famille et la société
!
/
Malheur
à la maison,
malheur
à la cité, / Et
mal
édiction
sur
la mère patrie! », (2007 (1831), p. 26).
573 Victor HUGO, 1967 (1853), « Cette nuit, il pleuvait, la marée était haute », p. 199. 574 Alfred de VIGNY, 2007 (1826), « Moïse », p. 24. 575 Pétrus BOREL, 2009 (1832), « Rêveries », p. 76. 576 Pierre LAFORGUE, 2001, p. 11. 215
2. De la soumission : retour au désespoir
Selon la textualisation des Contemplations, après le moment passager de la colère, le sujet revient au désespoir. La colère apparaît donc, dans ce recueil de poèmes, comme un état ponctuel qui met le duratif en interruption, comme un instant tonique qui suspend momentanément l’atone, comme une passion "enchâssée" au sein d’une autre. Le poème « À Villequier » est un poème très important de ce point de vue, car il répond à « Trois ans après » : le locuteur donne des explications par rapport à sa révolte contre Dieu, et tente de se justifier auprès de lui. La passion qui se trouve au centre de ce poème, est difficile à dénommer : il s’agit d’un sujet toujours sombre et parfois amer, mais « attendri » (p. 211) et « éclairé » (p. 214), celui qui admet l’ordre divin ; un état d’âme tiraillé entre la soumission et le désespoir, accompagné pourtant d’émergences rares et fugaces de la tension. Nous faisons l’hypothèse qu’il existe un rapport direct et étroit entre la soumission et le désespoir, de même qu’entre la colère et l’insoumission : la soumission (le découragement) prépare le terrain pour l’apparition du désespoir, de même que l’insoumission (le courage) prépare le terrain pour l’apparition de la colère (révolte) ; en d’autres termes, la soumission et l’insoumission sont des entités atones dont les formes toniques et abouties seront respectivement le désespoir et la colère, soit le carré sémiotique suivant :
Désespoir
Colère (ré
volte
)
Soumission (découragement) Insoumission (courage)
Dans notre analyse du désespoir, nous avons utilisé plusieurs vers du poème « À Villequier ». Dans cette section, ce nous intéresse, ce sont les passages qui concernent le rapport entre la colère et le désespoir-soumission, que nous aborderons en trois étapes. 216
2.1. Du non-sujet au sujet
Maintenant que Paris, ses pavés et ses marbres, Et sa brume et ses toits sont bien loin de mes yeux ; Maintenant que je suis sous les branches des arbres, Et que je puis songer à la beauté des cieux ; Maintenant que du deuil qui m’a fait l’âme obscure Je sors, pâle et vainqueur, Et que je sens la paix de la grande nature Qui m’entre dans le cœur ; Maintenant que je puis, assis au bord des ondes, Ému par ce superbe et tranquille horizon, Examiner en moi les vérités profondes Et regarder les fleurs qui sont dans le gazon ; Maintenant, ô mon Dieu! que j’ai ce calme sombre De pouvoir désormais Voir de mes yeux la pierre où je sais que dans l’ombre Elle dort pour jamais ; Maintenant qu’attendri par ces divins spectacles, Plaines, forêts, rochers, vallons, fleuve argenté, Voyant ma petitesse et voyant vos miracles, Je reprends ma raison devant l’immensité ; (« À Villequier », p. 210-211) Commençons par la fin. Dans le dernier vers, le locuteur dit qu’il "reprend sa raison". S’il la "reprend", c’est qu’il l’avait perdue au moment de la révolte, qu’il avait donc perdu son contrôle et sa capacité de jugement, qu’il était devenu non-sujet. Rappelons, encore une fois, que le poème qui suit « Trois ans après », est « Oh! je fus comme fou dans le premier moment ». Ce point renforce nos analyses précédentes. Nous avons déjà expliqué pourquoi il était devenu non-sujet ; il reste à savoir pourquoi il se retransforme de non-sujet en sujet, comment s’effectue la conversion d’un actant purement passionnel à un actant chez qui le cognitif tend à dominer le passionnel. Trois paramètres sont mentionnés dans les strophes supra : (i) le passage du temps ; (ii) son rapprochement de la tombe de sa fille ; (iii) l’influence de la nature. Examinons-les. Le passage du temps est surtout indiqué par l’expression répétée « maintenant que », formulation qui, ici, signale non seulement une rupture d’isotopie temporelle par rapport à un "alors", mais aussi une rupture par rapport à un état d’âme antérieur. Le participe passé « attendri » va dans le même sens, car il est une modalité du devenir. 217
D’ailleurs, la quatrième strophe, ainsi que le titre même du poème, « À Villequier », indiquent que le locuteur n’est plus en exil, mais à côté de la tombe de sa fille : « pouvoir désormais / Voir de mes yeux la pierre où je sais que dans l’ombre / Elle dort pour jamais ». Il est à noter que ce poème est placé juste après le poème « Demain, dès l’aube... », et daté du lendemain de celui-ci, comme si « À Villequier » était la réalisation de la décision de la veille. Sa présence sur la tombe de sa fille, procure au sujet « ce sombre calme » ; ce qui montre qu’un schéma tensif est activé, avec les mêmes valences que celles du schéma de l’amplification que nous avons présenté dans le chapitre précédent, mais cette fois dans le sens inverse ; il s’agit ici d’un « schéma de l’atténuation », c’est-à-dire un schéma dont l’« abaissement de l’intensité conjugué à la réduction de l’étendue procure une détente générale »577 : si pendant l’exil, l’éloignement de la tombe de sa fille faisait écho à la tension, à présent le rapprochement de la tombe va avec la détente du sujet. D’autre part, les allusions à l’importance de la nature – thème central dans l’œuvre hugolienne578 – sont très nombreuses : « je suis sous les branches des arbres », « je puis songer à la beauté des cieux », « je sens la paix de la grande nature / Qui m’entre dans le cœur », « assis au bord des ondes / Ému par ce superbe et tranquille horizon », « regarder les fleurs qui sont dans le gazon », « attendri par ces divins spectacles, / Plaines, forêts, rochers, vallons, fleuve argenté ». Le corps propre du sujet réussit à fonctionner de façon normale, à homogénéiser l’extéroceptivité et l’intéroceptivité : l’univers extérieur est aussi paisible que l’univers intérieur. En termes de sémiotique tensive, la détente succède à la tension précédente. Cela lui permet d’examiner en lui « les vérités profondes ». C’est-àdire qu’il existe une relation converse entre "l’attendrissement par la nature" d’une part, et la reprise de la raison et l’examen des « vérités profondes » d’autre part. Par ailleurs, le locuteur a pris conscience de l’impossibilité de réduire Dieu à la position de l’anti-sujet, et du fait que Dieu est nécessairement un destinateur : il voit sa 577 Jacques FONTANILLE, 2003, p. 112. 578 Comme l’indique Louis AGUETTANT : « Le thème de la nature occupe une place centrale dans l’œuvre de Victor Hugo, car il se rattache de quelque façon à l’ensemble de ses idées maîtresses : tout changement dans les opinions ou dans la poétique de l’écrivain influe aussitôt sur sa conception de la nature, et même indirectement sur sa vision » (2000, p. 11) ; « Hugo a voulu créer en France une grande poésie de la nature. Il faut saluer son extraordinaire génie. Il a rendu avec une puissance neuve, incomparable, les tumultes de la mer, et les jeux de la lumière et de l’ombre dans le ciel. Et il a évoqué la figure du monde visible avec un éclat et une vigueur précises où la poésie française n’avait pas encore atteint » (2000, p. 460). 218 « petitesse » face aux « miracles » de Dieu, c’est-à-dire qu’il souligne encore l’opposition entre un pouvoir faire maximal et un ne pas pouvoir ne pas faire. 2.2. Réhabilitation de Dieu
La prise de conscience de ces « vérités profondes » entraîne un changement radical dans l’horizon thymique et axiologique du sujet ; autant dans « Trois ans après », il s’agissait de la péjoration de Dieu, autant il s’agit ici de son admiration : Je viens à vous, Seigneur! confessant que vous êtes Bon, clément, indulgent et doux, ô Dieu vivant! Je conviens que vous seul savez ce que vous faites, Et que l’homme n’est rien qu'un jonc qui tremble au vent ; Je dis que le tombeau qui sur les morts se ferme Ouvre le firmament ; Et que ce qu’ici-bas nous prenons pour le terme Est le commencement ; Je conviens à genoux que vous seul, père auguste, Possédez l’infini, le réel, l’absolu ; Je conviens qu'il est bon, je conviens qu’il est juste Que mon cœur ait saigné, puisque Dieu l’a voulu! Je ne résiste plus à tout ce qui m’arrive Par votre volonté. L'âme de deuils en deuils, l'homme de rive en rive, Roule à l’éternité. Nous ne voyons jamais qu’un seul côté des choses ; L’autre plonge en la nuit d’un mystère effrayant. L’homme subit le joug sans connaître les causes. Tout ce qu’il voit est court, inutile et fuyant. (« À Villequier », p. 211-212) Dans vos cieux, au delà de la sphère des nues, Au fond de cet azur immobile et dormant, Peut-être faites-vous des choses inconnues Où la douleur de l’homme entre comme élément. Peut-être est-il utile à vos desseins sans nombre Que des êtres charmants S’en aillent, emportés par le tourbillon sombre Des noirs événements. (« À Villequier », p. 213) 219 On constate donc que Dieu est réhabilité : il est « [b]on », « clément », « indulgent », « doux » ; ce Dieu n’est pas « jaloux », ni le « fatal maître », mais le « père auguste ». Un système d’oppositions entre les valeurs terrestres (humaines) et les valeurs célestes (divines) est établi : d’un côté tout ce qui est « court, inutile et fuyant », de l’autre, tout ce qui est « infini », « réel », « absolu » et « immobile ». Le sujet était attaché au premier type des valeurs, mais il s’efforce de voir le deuxième type, celui du destinateur. Il s’agit parfois des interprétations opposées du même fait selon que l’on accepte le premier ou le deuxième univers de valeurs : la « fin » vs le « commencement » ; "la fermeture" vs "l’ouverture". En d’autres termes, il s’agit d’un changement de point de vue : le sujet essaie de voir le monde du point de vue du destinateur, sans y réussir totalement ; d’où la répétition de « peut-être », et il assume que l’homme n’est capable de « voir qu’un seul côté des choses » ; c’est "Dieu seul qui sait ce qu’il fait". Il assume ainsi son ne pas savoir, et il imagine la possibilité d’une interprétation bienveillante des souffrances : peut-être « la douleur de l’homme », par exemple la disparition des êtres chers, entre-t-elle « comme élément » dans les programmes de Dieu. Cela nous mène un schéma tensif, dans la mesure où l’unicité de l’interprétation des faits avait abouti à la colère et à la révolte, et la possibilité de sa multiplicité mène le sujet vers la soumission et le désespoir :
Révolte Tonicité phorique Soumission Unicité Interprétation des faits Multiplicit
é De même, le locuteur considère la sanction négative qu’il a subie comme « bon[ne] » et « juste », puisque c’est « Dieu [qui] l’a voulu[e] » : il ne « résiste plus » devant la « volonté » de Dieu. Aussi constate-t-on que le sujet, tout en rappelant ce qui s’est passé, revient vers Dieu, et même le supplie : Je viens à vous, Seigneur, père auquel il faut croire ; Je vous porte, apaisé, Les morceaux de ce cœur tout plein de votre gloire Que vous avez brisé ; (« À Villequier », p. 211)579 Je vous supplie, ô Dieu! de regarder mon âme, Et de considérer Qu’humble comme un enfant et doux comme une femme, Je viens vous adorer! (« À Villequier », p. 213) Maintenant que le sujet est en situation de détente (il est « apaisé »), il assume sa modestie, son infériorité et sa faiblesse : il est « humble comme un enfant et doux comme une femme », mieux, il « supplie ». Il prend conscience qu’il ne peut pas ne pas croire dans son destinateur, et que ce croire même est modalisé par le devoir : « il faut croire », même si le destinateur a été un anti-destinateur ; ce qui est tout à fait lié à la faiblesse du sujet et à l’absence de toute autre solution. Le régime dominant est donc un régime concessif : le destinateur a « brisé » les « morceaux » du « cœur » du sujet, pourtant, le sujet vient vers lui, vient l’adorer. Cela correspond à un vrai sujet soumis : Ne vous irritez pas que je sois de la sorte, Ô mon Dieu! cette plaie a si longtemps saigné! L’angoisse dans mon âme est toujours la plus forte, Et mon cœur est soumis, mais n’est pas résigné. (« À Villequier », p. 215) Le sujet est « soumis », mais il « n’est pas résigné ». Une nuance significative est soulignée : si le sujet, par la force des choses, admet la rigueur divine, s’il accepte et assume le devoir qu’il subit, pourtant, le deuil reste toujours non-accompli ; même s’il a
579 Louis VE
UILLOT
note
à
propos
de ce
passage : « Il n
’y a
pas
de
plus beaux
vers dans la
langue française
, ni dans la
langue
ch
ré
tienne » (
cité par René JOURNET et Guy ROBERT, 1958, p. 126-127). 221 « si longtemps » souffert, sa souffrance ne s’est même pas atténuée. Si le deuil était accompli, il ne souffrirait plus, il ne resterait plus dans l’interrogation de la volonté de Dieu. Il s’agit en quelque sorte d’une réapparition voilée de la révolte, entre la tension et la détente. Le sujet montre son mécontentement. La comparaison avec une strophe du premier poème du recueil serait intéressante, lorsque le locuteur s’adresse à sa fille : Ô mon enfant, tu vois, je me soumets. Fais comme moi : vis du monde éloignée ; Heureuse? non ; triomphante? jamais. – Résignée! – (« À ma fille », p. 31) En s’adressant à sa fille, le locuteur lui conseille d’être comme lui, d’être résignée. On constate donc que le sujet est en devenir : le sujet de « À ma fille » est un sujet soumis et résigné580 ; le sujet de « Trois ans après » n’est ni soumis, ni résigné ; le sujet de « À Villequier » est soumis, sans être résigné. Le sujet détendu du début du recueil va progressivement jusqu’à la tension maximale, lors de la révolte, mais il se détend relativement, sans jamais revenir à cette détente initiale : un "schéma d’amplification" puissant est suivi d’un "schéma d’atténuation" moins fort.
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Les aveux imaginaires : scénographie de la confession dans le roman du XIXe siècle. Sciences de l'Homme et Société. Université Paris Nanterre, 2018. Français. ⟨NNT : ⟩. ⟨tel-04022926⟩
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107-108 - « Discerning the impracticable state of the poor culprit’s mind, the elder clergyman, who had carefully prepared himself for the occasion, addressed to the multitude a discourse on sin, in all its branches, but with continual reference to the ignominious letter. So forcibly did he dwell upon this symbol, for the hour or more during which is periods were rolling over the people’s heads, that it assumed new terrors in their imagination, and seemed to derive its scarlet hue from the flames of the infernal pit. Hester Prynne, meanwhile, kept her place upon the pedestal of shame, with glazed eyes, and an air of weary indifference. » Nathanaël Hawthorne, The Scarlet Letter (1950), New York, Norton, 2005, p. 50. 305 intéressée aux possibles liens entre le dispositif panoptique de la rue Fossette et la rhétorique anticatholique du dernier roman de Charlotte Brontë768. Lorsque Lucy Snowe fait état de la « surveillance d’un œil qui ne dort jamais », elle affirme haut et fort que celle-ci s’exerce à travers un lieu privilégié : « la croisée mystique [mystic lattice] devant laquelle [elle-même s’est] agenouillée [...] », c’est-à-dire « le panneau glissant du confessionnal769 ». Si le texte prend à ce moment-là des accents micheletiens, le terme « croisée » fait également écho à une tout autre mise en scène du regard. C’est à travers une autre fenêtre magique, située en surplomb de la pension Beck, que s’exerce la surveillance du professeur, M. Paul Emmanuel : Notez que je vous surveille toutes, les autres aussi bien que vous... et bien plus qu’elles ou vous ne le croyez. Vous voyez là-bas... cette fenêtre éclairée? [...] C’est là que je reste assis pendant des heures... à lire : on ne me changera pas... c’est mon goût! Mon livre? ce jardin... Il renferme toute la nature humaine féminine770. Cette présentation du professeur actualise un topos, celui du « solitaire à sa fenêtre771 ». Elle tire aussi fortement l’activité de contemplation immobile du côté de l’espionnage. M. Paul partage avec sa cousine, Mme Modeste Beck, un goût immodéré de la surveillance, dont il fait un instrument disciplinaire et où s’entremêlent à la fois pulsion scopique et libido sciendi. Habitué aux estrades et aux apparitions publiques, Paul Emmanuel se dérobe au regard réciproque : il goûte avec délice le spectacle d’une vie féminine dans un espace qui ressemble à un couvent. Au jardin de la pension, la surveillance s’étend aux choses inanimées : « [...] les fleurs ouvraient à présent les yeux et les nœuds des troncs d’arbre dressaient d’indiscrètes oreilles invisibles772. » Il apparaît dès lors possible de lire l’espace imaginaire de la pension Beck comme le pendant continental de Lowood, c’est-à-dire comme une allégorie des nouvelles transparences et des visibilités modernes dénoncées par Foucault. Pourtant, cette lecture foucaldienne n’épuise pas vraiment la richesse du roman. 768 Voir Sally Shuttleworth, Charlotte Brontë and Victorian Psychology, Cambridge, Cambridge University Press, 1996, en particulier le chapitre 10 « Villette: “the surveillance of a sleepless eye” », p. 219-243. 769 Villette, p. 590 – « that mystic lattice at which I had knelt once [...] the sliding panel of the confessional. » p. 592 (traduction modifiée). 770 Villette, p. 528-529 – «”You need watching, and watching over,” he pursued; “and it is well for you that I see this, and do my best to discharge both duties. I watch you and others pretty closely, pretty constantly, nearer and oftener than you or they think. Do you see that window with a light in it? [...] There I sit and read for hours together: it is my way – my taste. My book is this garden; its contents are human nature – female human nature.” »
illette, Clarendon, p. 526. 771 Sur ce topos très présent chez E. T. A. Hoffmann, Nathanaël Hawthorne et bien sûr chez Baudelaire, voir l’article de Jean Starobinski, « Fenêtre (de Rousseau à Baudelaire) », dans François Guéry (dir.), L’Idée de la ville : Actes du colloque international de Lyon, Seyssel, Champ Vallon, 1984, p. 179-187. 772 Villette, p. 176 – «...the eyes of the flowers had gained vision, and the knots in the tree-boles listened like secret ears. » Villette, Clarendon, p. 161. 306
Elle néglige notamment l’importance accordée par Charlotte Brontë à la réciprocité des regards sociaux, au couple voir-être vu qui représente toujours chez elle un risque pour le lien social. Toujours prompte elle-même à épier ses semblables, à jouir d’un savoir qui la tient en retrait de la scène du monde, la narratrice de Villette a tôt fait de surprendre la directrice de la pension, Mme Beck, en train de s’adonner à une perquisition sur ses effets personnels : Je l’observais avec une allégresse que je m’efforçais de maîtriser. Je crois que si j’avais été un homme, elle m’aurait plu [...]. Je restais là, fascinée ; et pourtant, il fallait rompre le charme, il était urgent de battre en retraite. L’inspectrice n’aurait eu qu’à tourner la tête pour me découvrir ; une scène aurait alors été inévitable – et nous aurions dû nous résoudre à une explication immédiate. Et soudain, n’ayant plus de secret l’une pour l’autre, les conventions oubliées, les masques arrachés, je l’aurais fouillée de mon regard, et elle m’aurait fouillé du sien... Et nous nous serions aperçues qu’il nous était impossible de r à travailler de concert, et nous nous serions séparées à jamais773. Comme Ann Radcliffe dans L’Italien, le roman brontéen réinscrit le thème du regard dans une structure dialectique complexe qui ne correspond guère au modèle foucaldien de la surveillance verticale. Contrairement au texte d’Ann Radcliffe, la « scène » qui nous est présentée n’advient toutefois ici que sur le mode de l’irréel du passé : l’espionne espionnée refuse de « faire tomber les masques » sociaux [to sweep away disguises], ce qui risquerait de porter un coup fatal au consensus interactionnel. Dans la rencontre potentielle de ces deux regards réside une menace : en termes goffmaniens, c’est la crainte d’une rupture de la représentation sociale qui motive le retrait. Plus proches de la démarche critique d’un Jean Starobinski que de l’archéologie foucaldienne, ces brèves analyses ont permis de démontrer que le modèle de la microphysique du pouvoir n’épuisait pas le thème du regard dans ces œuvres. Si l’imaginaire romanesque d’une partie du XIXe siècle se révèle traversé par les intuitions du philosophe qui portent sur l’avènement des sociétés disciplinaires modernes, l’on peut se demander, inversement, si la pensée et les concepts de Foucault, en particulier ceux de Surveiller et punir, ne sont pas eux-mêmes hantés par les rêveries gothiques des romans noirs. À rebours de l’idée d’une surveillance verticale et unilatérale, la plupart des textes de ce corpus inscrivent le phénomène de la visibilité dans un champ dialectique où 773 Villette, p. 180 – « I will not deny that it was with a secret glee I watched her. Had I been a gentleman I believe Madame would have found favour in my eyes, [...]. I stood, in short, fascinated; but it was necessary to make an effort to break this spell a retreat must be beaten. The searcher might have turned and caught me; there would have been nothing for it then but a scene, and she and I would have had to come all at once, with a sudden clash, to a thorough knowledge of each other: down would have gone conventionalities, away swept disguises, and I should have looked into her eyes, and she into mine—we should have known that we could work together no more, and parted in this life for ever. » Villette, Clarendon, p. 165. 307 s’entrelacent une multiplicité de regards. L’intelligence sociologique de ces romanciers semble dès lors participer davantage d’une théorie de la représentation sociale que d’une critique de la surveillance. Celle-ci requiert la mobilisation du paradigme d’Erving Goffman, enrichi par la critique historicisante d’un deuxième sociologue, Richard Sennett.
B – Deuxième paradigme : la représentation
On a souvent reproché à la microsociologie d’Erving Goffman le caractère anhistorique de sa lecture du social774. Dans son maître-ouvrage de 1959, Goffman se révèle pourtant sensible aux possibles inflexions historiques du modèle dramaturgique qu’il étudie, ce dernier évoquant, « à titre de cas-limite », les débauches d’analyse clinique, religieuse et éthique, auxquelles se livrent ses contemporains : On peut trouver un exemple pittoresque de ce processus dans les mouvements évangéliques qui pratiquent la confession publique. Un des fidèles, parfois connu pour ne pas avoir un statut très élevé, se dresse et déclare aux personnes présentes des choses qu’en temps ordinaire il essaierait de cacher ou de justifier rationnellement ; il renonce à ses secrets et à la distance qui le protège des autres, et ce sacrifice tend à induire une solidarité de coulisse parmi toutes les personnes présentes775. Phénomène caractéristique du réveil charismatique nord-américain, la « confession publique » existe déjà dans les églises non-conformistes britanniques, en particulier au sein du mouvement méthodiste wesleyen. Goffman la relie néanmoins à la nouvelle thérapeutique de groupe, qui se développe dans l’Amérique des années 1950, au point de déceler dans cet ensemble de pratiques « un mouvement social anti-dramaturgique, une sorte de culte de la confession776 ». Cette intuition sera reprise par Richard Sennett En 1977, ce dernier tentera de mettre le paradigme goffmanien à l’épreuve de la diachronie. En se centrant sur les mutations du domaine public occidental entre le XVIIIe et le XIXe siècle, Richard Sennett cherche à inscrire le culte de la confession publique dans une histoire générale de l’expression sociale qui rencontre des échos évidents au sein des œuvres de notre généalogie. 774 C’est globalement l’idée d’une universalité anhistorique de la dramaturgie sociale qui a été remise en question chez Goffman. 775 Erving Goffman, La Mise en scène de la vie quotidienne, op. cit., p. 193-194. 776 Ibid., p. 194. 308 1 – Théâtralité contre intimité
Traduit en français sous le titre Les Tyrannies de l’intimité, le texte de The Fall of Public Man emprunte à Goffman ses principales catégories d’analyse pour mieux dénoncer le caractère anhistorique d’une telle approche du social. D’après Sennett, la microsociologie interactionniste propose « une peinture de la société dans laquelle il existe des scènes mais pas d’intrigues777 ». Le sociologue américain se donne donc pour tâche d’élaborer une « théorie de l’expression sociale778 » en suivant les inflexions de la mise en scène de soi sur le temps long. Sa démarche intellectuelle demeure néanmoins affiliée au cadre anthropologique général de la théorie de Goffman. En dialoguant avec les différentes éthiques de l’authenticité, dérivées du rousseauisme et de l’existentialisme, Goffman finit par concevoir le moi social comme un pur « effet dramatique » : Un spectacle correctement mis en scène et joué conduit le public à attribuer un moi à un personnage représenté, mais cette attribution est le produit et non la cause d’un spectacle. Le moi en tant que personnage représenté n’est donc pas une totalité organique ayant une localisation précise et dont le destin serait essentiellement de naître, d’évoluer et de mourir ; c’est un effet dramatique qui se dégage d’un spectacle que l’on propose et la question décisive est de savoir si on y ajoute foi ou non779. Sennett viendra appuyer cette théorie pour mieux affirmer le caractère positif de la dissimulation dans la vie sociale. Aux yeux de l’auteur de The Fall of Public Man, le culte moderne de l’intimité participe d’une confusion entre vie privée et vie publique. Le sociologue dénonce en particulier la croyance moderne en un moi qui préexisterait aux interactions sociales, croyance selon lui essentiellement liée à la « quête romantique de la personnalité »780. Prenant la forme de révélations mutuelles et personnelles (selfdisclosures), la recherche d’une intimité toujours plus grande entre les individus tend, selon lui, à saper les fondements du domaine public. La sociabilité d’Ancien Régime ne se concevait que dans le cadre d’un ensemble de contraintes déterminant des jeux de rôles, des comportements à adopter par chaque individu dans chaque situation. Au XXe siècle, Sennett déplore au contraire l’avènement d’une véritable « société intimiste » où règneraient sans partage la loi de la transparence et l’impératif éthique du dévoilement perpétuel de soi. Eu égard à ces évolutions radicales, les outils conceptuels forgés par Goffman, à partir de la métaphore baroque du theatrum
777 Richard Sennett, Les Tyrannies de l’intimité (1977), trad. de l’anglais A. Berman et R. Folkman, Paris, Seuil, 1979, p. 39. 778 Ibid., p. 15 779 Erving Goffman, La Mise en scène de la vie quotidienne, op. cit., p. 238-239. 780 Richard Sennett, op. cit., p. 14. 309 mundi, correspondent déjà à un monde sociologique disparu, celui des théâtres, des salons, des cafés parisiens et autres Coffee Houses londoniens qui composent le domaine public des deux principales métropoles urbaines du XVIIIe siècle. La théorie de l’expression sociale formulée par Sennett peut dès lors se résumer de la sorte : « [...] la théâtralité possède une relation particulière, antagoniste, avec l’intimité. Elle possède également une relation particulière, positive, avec un domaine public vivant781. » Dans cette histoire de l’intimisation progressive du domaine public, le XIXe siècle fait office d’époque de transition : les éléments de la géographie publique d’Ancien Régime y demeurent en apparence inchangés tout en étant profondément modifiés de l’intérieur. Les développements sauvages du capitalisme industriel, l’instabilité de ses cycles ont tout d’abord entraîné un repli de l’individu bourgeois sur la sphère privée, conçue désormais comme un refuge. Outre ce phénomène bien connu des historiens, le capitalisme semble également avoir provoqué une mystification croissante des apparences sociales, à la faveur de leur uniformisation progressive. Inspirée des travaux que le critique balzacien Peter Brooks a pu consacrer à l’esthétique du mélodrame chez Balzac, la notion de « personnalité immanente782 » rend habilement compte de cette appréhension religieuse du mystère des apparences sociales, lié à l’uniformisation des modes de consommation. Sennett reprend en effet au sociologue allemand Max Weber sa lecture du processus de sécularisation comme dissémination progressive du sacré à l’intérieur des différentes sphères de la vie. À l’époque romantique, en particulier, la manière qu’a le public de se rapporter aux artistes, aux écrivains et aux acteurs, rend bel et bien compte d’ redistribution des anciens charismes religieux. L’approche diachronique de cet ouvrage déjà ancien ne résiste pas à certaines objections. Il paraît tout d’abord évident que les catégories d’analyse de l’espace public mobilisées par Sennett doivent être limitées à la description de l’Europe occidentale, et en particulier des deux capitales des royaumes de France et d’Angleterre. Plus largement, Richard Sennett peut nous apparaître, à l’instar de son contemporain Jürgen Habermas, comme l’un des principaux pourvoyeurs d’un mythe sociologique, celui de l’« âge d’or de l’espace public783 ». Pour l’historien Antoine Lilti notamment, cette idéalisation patente de la sociabilité d’Ancien-Régime méconnaît le caractère foncièrement ambivalent du principe de « publicité » au XVIIIe siècle. Avant même la diffusion du 781 Ibid., p. 40. Ibid., chapitre 8 « La personnalité en public », p. 123-151. 783 Antoine Lilti, op. cit., p. 17. 782 310 Romantisme européen et de son culte littéraire de la personnalité, l’inversion des rapports entre le moi public et le moi privé s’avère constitutive de la nouvelle culture de la célébrité qui se développe durant la seconde moitié du siècle, préfigurant dès cette époque l’actuelle société du spectacle. Si les analyses complémentaires de Goffman et Sennett prêtent le flanc à de nombreuses critiques, elles font directement écho à l’une des intuitions philosophiques formulées par Hannah Arendt sur le devenir des sociétés occidentales : Le domaine public, monde commun, nous rassemble mais aussi nous empêche, pour ainsi dire, de tomber les uns sur les autres. Ce qui rend la société de masse si difficile à supporter, ce n’est pas, principalement du moins, le nombre de gens ; c’est que le monde qui est entre eux n’a plus le pouvoir de les rassembler, de les relier, ni de les séparer. Étrange situation qui évoque une séance de spiritisme au cours de laquelle les adeptes, victimes d’un tour de magie, verraient leur table soudain disparaître, les personnes assises les unes en face des autres n’étant plus séparées, mais n’étant plus reliées non plus, par quoi que ce soit de tangible784. La théâtralité paradoxale de nos romans tente-t-elle de relier ou plutôt de séparer les individus? Qu’advient-il du monde commun lorsqu’il se trouve débordé par l’intime? C’est à la lumière de ces questions que nous tenterons désormais de lire la dramaturgie de l’aveu en montrant que les situations mises en scène par Sand et Dostoïevski posent avec acuité la question des inflexions historiques de la théâtralité sociale. 2 – Les souterrains bavards de Dostoïevski
Semblable dialectique entre le moi intime et le moi public se situe au cœur du chapitre censuré des Démons. Dostoïevski en propose d’ailleurs une formulation à partir du lexique théâtral. C’est précisément de « représentation » qu’il est question dans l’un des premiers jugements formulés par le confesseur Tikhone au sortir de sa lecture : – C’est comme si vous vouliez délibérément vous présenter sous un jour plus grossier que votre cœur ne le désire..., poursuivait, osant de plus en plus, Tikhone. Visiblement, le « document » lui avait fait une impression puissante. – Me « présenter », je vous répète que je n’ai pas essayé de me « présenter », je n’ai pas « joué de rôle »785. Stavroguine a voulu « écri[re] sincèrement786 » [pisa[t’] iskrenno], il a tenté de faire tomber les masques mais son premier lecteur le ramène, avec sagacité, au sempiternel jeu 784 Hannah Arendt, op. cit., p. 92-93. Les Démons, p. 920 – « Вы как будто нарочно грубее хотите представить себя, чем бы желало сердце ваше... - осмеливался все более и более Тихон. Очевидно, «документ» произвел на него сильное впечатление. - «Представить»? - повторяю вам: я не «представлялся» и в особенности не «ломался». » U Tihona, p. 24. 786 Les Démons, p. 919 – U Tihona, p. 22. 785 311 d’apparences qui fonde la théâtralité sociale en préconditionnant chacune de nos prises de parole publiques, y compris celles qui passent par le médium écrit. Les contraintes de la présentation de soi semblent faire de ce « Don Juan russe787 » une figure d’acteur baroque : Stavroguine ne serait dès lors qu’un nouvel avatar de la figure du grand seigneur méchant homme. Dans cette image du libertin archétypal, Julia Kristeva a reconnu la racine occidentale du mythe de l’homme-comédien ; « un homme artiste sans authenticité autre que son habileté à changer, à vivre sans intériorité, à se donner des masques juste pour jouer788. » Chez Dostoïevski, l’espace spectaculaire de la scène-monde se confond toutefois avec un lieu paradoxal : le souterrain. Ces limbes de la vie sociale se donnent comme une figure alternative aux fameuses « coulisses » de la scène publique décrites par Balzac. À partir des Carnets du sous-sol (1864), l’image participe de la construction carnavalesque d’un monde à l’envers où les échelles de valeurs classiques semblent abolies. L’étude du récit Bobok (1873) intéressera particulièrement notre analyse dans la mesure où elle met en exergue un principe d’inversion du privé et du public, principe reconnu précédemment comme l’une des dynamiques principales de l’espace médiatique. Mikhaïl Bakhtine est le premier critique à s’être penché sur ce court récit dialogué dont la parution s’avère contemporaine de la publication en volumes du texte des Démons. La question des conditions de publication de l’œuvre dostoïevskienne échappe cependant au cadre de son analyse. En évitant toute réflexion sur la nature du support, le critique soviétique peine à rendre compte de l’arrière-fond culturel qui détermine l essor du roman polyphonique. La polyphonie énonciative se révèle en effet dépendante dans Bobok d’un environnement textuel médiatique, celui du journal. Publié en février 1873, le récit fonctionne bien comme « un microcosme de toute l’œuvre de Dostoïevski789 ». Son intrigue ne va pas sans rappeler le dispositif optique du Diable boiteux (1726) de Lesage et, en particulier, le contenu de son douzième chapitre intitulé « Des tombeaux, des ombres et de la mort790 ». Comme dom Cleofas, le personnage de Lesage, dont les yeux ont été dessillés par la magie du diable Asmodée, le narrateur de Bobok découvre subitement qu’il a accès aux 787 Constantin Motchoulski, Dostoïevski : l’homme et l’œuvre, trad. du russe G. Welter, Paris, Payot, 1963, p. 361. 788 Julia Kristeva
, « Don
Juan
ou aimer pouvoir », dans Histoires d’amour, Paris, Denoël, 1983, p. 243-263, p. 252. 789 Mikhaïl Bakhtine, La Poétique de Dostoïevski, op. cit., p. 195. 790 Alain-René Lesage, Le Diable boîteux (1726), Paris, Flammarion, « GF », 2004, p. 254. 312 coulisses de la vie après la mort. Chez Dostoïevski, néanmoins, cette connaissance passe moins par la vue que par l’ouïe. Lors d’une promenade dans un cimetière, le personnage entend des voix d’outre-tombe qui s’adonnent à une débauche d’analyse philosophique et éthique. L’orgie de mots à laquelle se livrent ces cadavres sera ponctuée par une série de révélations scandaleuses. Cette scène dialoguée présente des affinités évidentes avec les grandes confessions qui jalonnent les romans de la maturité. Étendus dans leur souterrain, ces locuteurs fantastiques imposent au dialogue ce que le critique Alexandre Krinitsyne décrit comme une « situation de permissivité verbale absolue791 » : ils ont en effet pour projet de tout dire et de « n’avoir plus honte de rien792 » en racontant leurs « biographies et toutes sortes d’anecdotes793 ». Cette manière de « se dénud[er]794 » avec des phrases tend à faire du dialogue un prolongement métaphorique du processus de décomposition des corps.
Portrait de
Fédor M.
Dostoïevski
par Vass
ili
G. Pérov795. 791 Aleksandr Krinitsyn, op. cit., p. 142 (notre traduction). Ibid., p. 947 – « [...] уже ничего не стыдиться. » Ibid., p. 52. 793 Fédor Dostoïevski, « Bobok » dans Œuvres romanesques. 1869-1874, trad. du russe par A. Markowicz, Arles, Actes Sud, 2016, p. 948 – « Обещали свои биографии и разные анекдотцы. » Fedor Dostoevskij, « Bobok », PSS, t. 21, p. 54. 794 « Dépouillons-nous, dénudons-nous! » Ibid., p. 946 – « Заголимся и обнажимся! » Ibid., p. 52. 795 Image web du tableau »
Portrait de Dostoïevski, par Vassili G. Pérov, collection de la Galerie Trétiakov (Moscou) URL : http://www.tretyakovgallery.ru/ru/collection/_show/image/_id/206, page consultée le 22 decembre 2017. Publié en guise de feuilleton dans les colonnes du Citoyen (Graždanin), le récit paraît au milieu d’une campagne de dénigrement menée par la presse libérale à la suite de la parution des Démons. L’œuvre se présente elle-même, de prime abord, comme une confidence autobiographique. Écrite à la première personne, ces « Carnets d’une certaine personne796 » [Zapiski odnogo lica] rappellent la forme des Carnets du sous-sol [Zapiski iz podpolja], qui elle-même faisait référence aux Carnets d’un fou [Zapiski Sumašedšego] publiés en 1835 par Nicolas Gogol. Dans son texte, Dostoïevski prend néanmoins soin de joindre à sa nouvelle un bref avertissement censé dissocier les identités du personnage et de l’auteur. Si ces carnets sont ceux d’« une personne tout autre797 », les lecteurs du Citoyen reconnaîtront aisément, dès l’incipit, une allusion transparente à l’actualité de Dostoïevski : Je ne me fâche pas, je suis du genre timide ; mais ne voilà-t-il pas qu’en plus on m’a décrété fou. Un peintre m’a peint le portrait, hasard fortuit : « Quand même, il me dit, tu es un homme de lettres. » Moi – bon, j’accepte, et, lui, il m’expose. Je lis : « Venez voir ce visage maladif, à la limite du dérangement mental. » Bon, je veux bien, mais, quoi, quand même, tout de suite – une publication? Quand on publie, il faut tout dans la noblesse ; des idéaux, tout ça, et là798... Ce premier paragraphe contient une allusion au Salon de l’Académie, où s’expose au même moment le fameux portrait de l’écrivain peint par Vassili Pérov. Ce tableau réalisé sur la commande du célèbre collectionneur Trétiakov connaît alors un fort retentissement, l’artiste étant parvenu, aux dires de la critique, à exprimer le regard intérieur du génie aux prises avec la richesse de son univers mental. La rubrique du journal Le Citoyen dans laquelle s’intègre le récit de Dostoïevski a pu elle-même passer pour une « confession publique799 » de l’écrivain-journaliste. En 1873, le Journal d’un écrivain suscite de nombreuses réactions au sein de la presse libérale dont l’une vient particulièrement éclairer la genèse de Bobok : Le Journal d’un écrivain [...] rappelle les célèbres carnets (zapiski) qui s’achevaient par l’exclamation : « Le bey d’Alger a quand même une verrue sur le nez! ». Il suffit 796 Ibid., p. 931 – Ibid., p. 41. Ibid., p. 931 – « Это не я, это совсем другое лицо. » Ibid., p. 41. 798 Ibid. – « Я не обижаюсь, я человек робкий; но, однако же, вот меня и сумасшедшим сделали. Списал с меня живописец портрет из случайности: «Все-таки ты, говорит, литератор» Я дался, он и выставил. Читаю: «Ступайте смотреть на это болезненное, близкое к помешательству лицо» Оно пусть, но ведь как же, однако, так прямо в печати? В печати надо всё благородное; идеалов надо, а тут... » Ibid., p. 41-42. 799 Sur le genre littéraire du Journal d’un écrivain et sur l’emploi problématique de cette référence à la « confession publique » (publičnaja ispoved’), voir l’article de Georgij D. Gačev, « Ispoved’, propoved’, gazeta i roman. (O žanre «Dnevnika pisatelja» F. M. Dostoevskogo) » [Confession, sermon, journal et roman. (A propos du genre de “Journal d’un écrivain” de Dostoïevski)], dans Karen Stepanjan (dir.), Dostoevskij v konce XX veka [Dostoïevski à la fin du XXe siècle], Moscou, Klassika Pljus, 1996, p. 60-66. 797 314 de jeter un œil au portrait de
l’auteur
du Journal d’
un
écrivain, exposé
actuellement
à l’Académie des Beaux-Arts, pour ressentir à l’égard de monsieur Dostoïevski cette « pitié » de laquelle il se moque, bien mal à propos, dans son journal. C’est le portrait d’un homme tourmenté par une pathologie lourde800. L’analogie proposée par le polémiste Lev Panioutine entre le portrait de Dostoïevski et le contenu de sa rubrique éclaire l’intertexte gogolien de Bobok. En effet, le Journal d’un écrivain ressemble au Journal d’un fou, texte caché derrière la citation « Le bey d’Alger a quand même une verrue sur le nez! », alors le portrait de l’écrivain ressemble lui-même au portrait d’un fou. Dès le seuil du récit de 1873, il est donc question d’une image auctoriale projetée dans l’espace public médiatique du journal. Cet espace assure à l’écrivain un surcroit de visibilité mais il tend surtout à faire cohabiter dangereusement ses productions fictionnelles aux côtés de ses écrits factuels. Caractéristique de la culture médiatique du XIXe siècle, le processus de « fictionnalisation801 » du journal trouve son lieu privilégié dans l’espace textuel ambigu du feuilleton. À la fin de Bobok, le narrateur opère d’ailleurs un retour sur son actualité auctoriale : « Je vais porter ça au Citoyen ; il y a un rédacteur, là-bas, qui s’est fait tirer le portrait, lui aussi. Avec un peu de chance, il publiera802. » Audelà de ses allusions au portrait peint par Pérov et aux critiques émanant de la presse libérale, c’est finalement l’ensemble du texte dostoïevskien que l’on découvre saturé de références et d’allusions aux écrits des principaux publicistes de son temps. Le pur signifiant du titre peut même apparaître comme une déformation du patronyme Boborykine, désignant en creux, comme cible principale de la polémique, l’identité d’un écrivain-journaliste de la génération nihiliste, Pierre Boborykine, auteur de romans jugés scandaleux pour la liberté sexuelle professée par ses personnages. Les voix mises en contact dans le dialogue de Bobok ne sont dès lors pas à proprement parler des « voix » : ce sont plutôt des citations masquées, des lambeaux de textes imprimés renvoyant à la mosaïque de rubriques qui composent le journal. Lue par Bakhtine comme un topos du vieux genre renaissant de la satire ménippée réinvesti dans 800 «“Дневник писателя” [...] напоминает известные записки, оканчивающиеся восклицанием: “А все-таки у алжирского бея на носу шишка!” Довольно взглянуть на портрет автора “Дневника писателя”, выставленный в настоящее время в Академии художеств чтобы почувствовать к г-ну Достоевскому ту самую “жалостливость”, над которою он так некстати глумится в своем журнале. Это портрет человека, истомленного тяжким недугом. « Golos [La Voix], 14 janvier 1873, N° 14 cité par les éditeurs dans leur notice du texte de Bobok : Fedor Dostoevskij, PSS, t. 21, p. 402 (notre traduction). 801
Pour une analyse du processus de « fictionnalisation » du journal, voir Marie-Ève Thérenty, La Littérature au quotidien : poétiques journalistiques du XIXe siècle, Paris, Seuil, 2007, en particulier partie II « La matrice littéraire de la presse », p. 121-208. 802 - « Bobok », op. cit., p. 948 – « Снесу в «Гражданин»; там одного редактора портрет тоже выставили. Авось напечатает. » Fedor Dostoevskij, « Bobok », PSS, op. cit., p. 54.
315 l’univers picaresque d’un Lesage, la conversation fantomatique à laquelle se livrent les cadavres semble fonctionner comme une métaphore de la nouvelle littérature-texte. « J’entendais quoi? des bruits sourds, comme si les bouches étaient sous des coussins ; mais, en même temps, tout à fait claires, et très proches. Je me réveille, je me redresse et j’ouvre mes oreilles tout grand803. » Étouffées par la terre qui les recouvre, ces voix portent le deuil de la parole vive. Dans les termes d’Alain Vaillant, les hallucinations auditives du narrateur de Bobok symbolisent la résistance des écrivains à la nouvelle culture éditoriale de la littérature, celle-ci faisant d’eux « non plus des scripteurs de parole (d’homme à homme, suivant un idéal dialogique dont le succès théorique de Bakhtine, au XXe siècle, prouve la persistance), mais des fournisseurs de textes804. » L’espace fictionnel du feuilleton peut donc être lu comme une allégorie des « secrets de coulisses de la littérature actuelle805 » [zakulisnye tajni teperešnej literatury]. Si les pierres tombales représentent la dignité sociale des individus en donnant à lire de pompeuses épitaphes, les cadavres dénudés dans le souterrain de Bobok ignorent, quant à eux, les différences de statut et autres écarts de rangs : coude à coude, ils paraissent tomber les uns sur les autres, comme dans la séance de spiritisme décrite par Hannah Arendt pour penser l’essor de la société de masses. Tous ces discours en quête d’une sincérité impossible vont dans le sens d’une idéalisation à rebours, à l’image du texte de Stavroguine où le locuteur se peint peut-être plus noir qu’il n’est en jouant le rôle du grand seigneur méchant homme. Telle que la définit Bakhtine dans les années 1960, la familiarité carnavalesque consiste précisément en un tel renversement des contraintes liées à la représentation sociale. Pourtant, derrière ses références à la culture médiévale populaire du carnaval, la danse macabre de Bobok nous invite à porter un regard sur les inflexions communicationnelles qui sont à l’œuvre au sein de la culture médiatique alors en plein essor dans la Russie des années 1860-1870. Pour Dostoïevski, en effet, c’est avant tout le tapage médiatique de la presse qui contribue à la diffusion de cette
803 Ibid.
,
p
.
935 – « С
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шу --
звуки глухие
, как будто рты закрыты
подушками
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всем том
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нулся,
присел
и стал
внимательно вслушиваться
. » Ibid., p. 44. 804 Alain Vaillant, La Crise de la littérature : romantisme et modernité, Grenoble, ELLUG, 2005, p. 39. 805 Fédor M. Dostoïevski, « Lettre à Alexandre Egorovitch Wrangel du 21 décembre 1856 », Correspondance, op. cit., t. 1, p. 446 – Fedor M. Dostoevskij, « A. E. Vragelju. 21 dekabrja 1856. Semipalatinsk », PSS, t. 28, vol. 1, p. 254. La même expression se trouve dans une note du troisième numéro de la revue Le Temps, fondée par les frères Dostoïevski au début de la décennie 1860 : Cf. Fedor M. Dostoevskij, « Primečanie k stat’e A. A. Grigor’eva “O postepennom, no bystrom i povsemestnom rasprostranenii nevežestva i bezgramotnosti v rossijskoj slovesnosti (iz zametok nenužnogo čeloveka)” » [Remarque sur l’article d’A. A. Grigoriev “A propos de la diffusion progressive
mais rapide
et
omni
présente
de
l’ignorance et de
l’illettrisme dans la littérature russe (issu des notes d’un homme inutile)”
], PSS, t. 19, p. 211.
316 atmosphère carnavalesque censée dévoiler la vérité sur les « coulisses » de la scène publique. Si la sincérité éhontée des voix dostoïevskiennes reflète le désordre communicationnel engendré par le triomphe de la publication imprimée, alors la théâtralité paradoxale présente dans nos textes procède bel et bien d’une culture médiatique. Certaines de ces œuvres en proposent même une première forme de critique dès le XIXe siècle. Chez George Sand, toutefois, la matérialité de la voix sera conçue comme le médium d’une épiphanie du Soi authentique. Comme dans l’œuvre de Dostoïevski, la voix apparaît ainsi comme l’instrument privilégié d’une remise en cause de la représentation. 3 – George Sand ou le chant du moi
Les « romans de l’artiste » publiés par Sand font de la musique vocale une alternative subjective au théâtre social, la performance chantée pouvant apparaître dans ces textes comme un contre-modèle spectaculaire. À rebours des faux-semblants du comédien, la thématique musicale permet à l’écrivaine de mettre en scène l’épiphanie d’un moi authentique. Les ambiguïtés de la théâtralité sandienne n’ont nullement échappé à la critique806. George Sand s’inscrit, de prime abord, dans la continuité des réflexions de Rousseau dénonçant, avec sa Lettre à d’Alembert (1758), la mimésis dramatique du comédien comme étant un art de la distance et du faux-semblant. À l’instar de Rousseau, George Sand semble se faire l’avocate du mouvement anti-dramaturgique qui anime, selon la thèse du sociologue Richard Sennett, toute l’histoire de la modernité. Pourtant, Sand s’est elle-même illustrée au théâtre, durant près de vingt ans, non comme comédienne mais comme dramaturge. Son activité théâtrale ne connaîtra un coup d’arrêt qu’en 1872, par suite des difficultés soulevées par l’adaptation théâtrale de Mademoiselle La Quintinie. Les travaux d’Olivier Bara consacrés au théâtre de Sand ont bien montré la dimension utopique de cette œuvre qui aspire à une refonte totale de l’art dramatique807. Dans un texte posthume, rédigé autour de l’année 1858, Sand décrit les pratiques 806 Voir notamment les contributions du volume d’Olivier Bara et Catherine Nesci (dir.), Écriture, performance et théâtralité dans l’œuvre de George Sand, op. cit. 807 Olivier Bara, Le Sanctuaire des illusions
:
George Sand et le thé
âtre
, Paris, PUPS, 2010. Voir aussi Olivier Bara, «
Rep ations sandiennes du public de théâtre : la communauté impossible? », dans Éric Bordas, George Sand : écritures et représentations, op. cit., p. 183-205. 317 artistiques liées au petit théâtre familial de Nohant : Je ne prétends pas dire que les acteurs soient généralement supérieurs aux écrivains qui travaillent pour eux ; mais je dis qu’il y en a qui le sont. De même que les auteurs sont souvent fort malheureux et se plaignent avec raison de ne pas trouver d’interprètes intelligents pour jouer tous leurs rôles. Je dis surtout que le théâtre ne sera complet que lorsque les deux professions n’en feront plus qu’une ; c’est-à-dire quand l’homme capable de créer un beau rôle pourra le créer réellement, en s’inspirant de sa propre émotion et en trouvant en lui-même l’expression juste et soudaine de la situation dramatique808. À travers cette évocation des pratiques de Nohant, l’écrivaine milite pour rénover le théâtre en le fondant sur l’improvisation et non plus sur un texte autonome. Inspirée par l’histoire de la Commedia dell’arte, Sand rêve la fusion de ces deux instances, a priori séparées, que sont l’écrivain et le comédien. Elle demande aux interprètes de « créer réellement » leurs rôles et non plus de s’appuyer sur une partition écrite par des tiers, affirmant qu’« une époque de grand développement arrivera où les Shakespeare de l’avenir seront les grands acteurs de demain809 ». En ce qu’elle rompt avec le célèbre paradoxe exprimé par Diderot, cette valorisation de la personnalité de l’acteur, de son expressivité propre, reflète une évolution culturelle profonde décrite par Sennett à partir de l’exemple du comédien romantique Frédérick Lemaître. Au cours de la première représentation du drame L’Auberge des Adrets, joué à Paris en 1823, celui-ci remporta un succès extraordinaire pour son interprétation du scélérat Robert Macaire. Cette interprétation très personnelle bouleverse en effet la codification des emplois de théâtre au point de faire du « traître de mélodrame » l’incarnation d’une nouvelle forme d’héroïsme. À partir de l’apparition de Lemaître en Robert Macaire, qui fit date dans l’histoire des scènes européennes, le public se montrera de plus en plus sensible aux chocs esthétiques et autres effets de rupture produits durant le temps de la représentation. Pour Sennett, qui plus est, les spectateurs auront désormais tendance à percevoir les comédiens comme des « personnalités puissantes, supérieures, alors que l’artiste du XVIIIe avait rang de valet810 ». En d’autres termes, le se passionne de plus en plus pour des individus et non plus pour des rôles, ce qui ouvre la voie à une contestation plus radicale du mentirvrai théâtral. Cette personnalisation de l’artiste se retrouve bien évidemment chez Sand. Si Mademoiselle La Quintinie ne fait pas partie de la liste des « romans de l’artiste » 808 George Sand, » Le Théâtre et l’Acteur », publié partiellement en 1904, repris dans Œuvres autobiographiques, op. cit., t. 2, p. 1243 809 Ibid., p. 1244. 810 Richard Sennett, op. cit., p. 157. 318 attribués à l’écrivaine, au même titre que La Dernière Aldini (1838), Consuelo (1843) ou encore Le Château des Désertes (1851), ce roman n’en parle pas moins d’art, plus précisément de musique vocale. L’héroïne éponyme n’est pas une « artiste de profession811 » : elle chante toutefois à l’église et au couvent où sa voix lui attire les louanges du public. Le fait que Lucie La Quintinie ne se destine guère à faire des débuts sur scène la distingue de son aînée Consuelo, l’artiste bohémienne du roman de 1843. Avant de porter notre regard sur les scènes de confessions musicales inscrites dans Mademoiselle La Quintinie, il nous faut considérer ce que ce texte contient de critique contre la théâtralité sociale. Censé célébrer l’opéra, comme l’atteste la dédicace à la chanteuse Pauline Viardot, le récit de la première partie de Consuelo se situe dans la Venise du XVIIIe siècle, espace diégétique où s’imprime l’intertexte du Livre VII des Confessions de Jean-Jacques Rousseau. Comme l’a montré Richard Sennett dans ses analyses de la représentation au siècle des Lumières, il est difficile de différencier au XVIIIe siècle le spectacle montré sur scène du spectacle offert par la salle, ce que confirme l’exemple de la République des Doges : Enfin, ce grand jour arriva, et salle fut si remplie qu’on y pouvait à peine respirer. [...] Tout le ban et l’arrière-ban des aristocraties et des beautés de Venise vinrent étaler les fleurs et les pierreries en un triple hémicycle étincelant. Les hommes charmants encombraient les coulisses et, comme c’était alors l’usage, une partie du théâtre. La dogaresse se montra à l’avant-scène avec tous les grands dignitaires de la république812. La mimésis opératique et la représentation sociale des élites consacrent à Venise le règne des apparences. Dans le diptyque romanesque de 1843, les débuts de l’artiste constituent pourtant un événement traumatique. « Consuelo entra gravement et froidement. Elle fit des yeux le tour de son public... » Cette confrontation des regards dans l’arène du théâtre précède de quelques minutes le premier triomphe public de la jeune cantatrice, qui se manifestera sous forme de cris, de rappels et de « hurlements d’enthousiasme813 ». Ces derniers feront naître chez l’héroïne une réaction d’étonnement teintée d’effroi : « Qu’ont-ils à crier ainsi? dit Consuelo en rentrant dans la coulisse pour en être arrachée aussitôt par les vociférations du parterre : on dirait qu’ils veulent me lapider814. » La découverte du monde des coulisses ne conforte pas davantage Consuelo dans sa vocation : « [...] pour la première fois, elle sentit l’horreur de cette vie d’artistes, enchaînée aux exigences du public, condamnée à étouffer ses sentiments et à refouler ses
811 « Ce n’est pas une artiste de profession, c’est une personne de bonne famille qui chante en l’honneur de la fête du jour, la Trinité. » Mademoiselle La Quintinie, p. 64. 812 George Sand, Consuelo, op. cit., p. 121. 813 Ibid., p. 123. 814 Ibid. motions sentiments flat émotions d’autrui815. » Derrière le rideau de scène, Consuelo ne rencontre que des êtres aliénés, ses expériences faisant clairement écho aux arguments de la Lettre à d’Alembert. Sa détestation du public se signale enfin de manière explicite : En rentrant dans sa loge elle tomba en convulsions. Le public voulait la revoir pour l’applaudir ; elle tarda, on fit un horrible vacarme ; on voulait casser les banquettes, escalader la rampe. Stefanini vint la chercher à demi vêtue, les cheveux en désordre, pâle comme un spectre ; elle se laissa traîner sur la scène, et, accablée d’une pluie de fleurs, elle fut forcée de se baisser pour ramasser une couronne de laurier.
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La douleur, l'inflammation et les abcès présents sur les dents ont été résolus dans 100 % des cas à la première visite de contrôle et seules 2 des 308 dents ont dû être extraites prématurément. L'Endoflas ® pourrait être une alternative potentielle au ZOE pour la conservation des molaires temporaires infectées Les matériaux extrudés au-delà de l'apex montrent une résorption complète pour l'Endoflas ® à 6 à 11 mois, tandis que 92,3% de la ZOE extrudée à 24 mois est toujours présente. La restauration coronaire différente peut représenter un biais : certaines dents ont été restaurées par un composite et d'autres une CPP. Le degré de pathologie préexistante peut avoir un impact sur le taux de succès entre l'Endoflas ® et la ZOE.
42 Zacharczuk et al., « Evaluation of 3Mix-MP and pulpectomies in non-vital primary molars ». Mendoza, Reina, et Garcia-Godoy, « Evolution and prognosis of necrotic primary teeth after pulpectomy ». 44 Pandranki, Vanga, et Chandrabhatla, « Zinc oxide eugenol and Endoflas pulpectomy in primary molars : 24-month clinical and radiographic evaluation ». 43 29 Gupta et Das45
L'objectif de cette étude était d'évaluer cliniquement et radiographiquement l'oxyde de zinc eugénol (ZOE) et le Metapex (hydroxyde de calcium et iodoforme) comme matériau d'obturation canalaire dans les dents temporaires. Etude sur 42 dents temporaire nécrosées chez 34 patients âgés de 4à 7 ans. Pinky et al46 Essai clinique randomisé in vivo L'objectif de cette étude est d'évaluer le succès clinique et radiographique du traitement endodontique des dents temporaires infectées à l'aide de deux combinaisons d'antibiotiques consistant en : ciprofloxacine, mé idazole et minocycline dans un groupe et ciprofloxacine, ornidazole et minocycline dans l'autre groupe. Etude sur 28 enfants âgés de 4 à 10 ans avec 40 dents temporaires à pulpe nécrosée. Ito et al47
Protocole clinique Etude du microbiote canalaire sur 30 dents temporaires présentant une parodontite apicale et des effets antimicrobiens in vivo d'une pâte d'hydroxyde de calcium / chlorhexidine utilisée comme pansement canalaire. Etude sur 19 patients âgés de 3 à 7 ans présentant des molaires temporaires nécrosées. Tulsani et al48
Une comparaison in vivo de l'efficacité antimicrobienne de l'hypochlorite de
sodium et du Biopure
MTAD TM
contre
Enterococcus faecalis
dans les dents temporaires
45 La différence de réussite entre les 2 matériaux n'est statistiquement pas significative (85,71 % pour la ZOE et 90,48 % pour le Metapex). Des études supplémentaires impliquant un échantillon plus grand sont nécessaires et les dents traitées dans cette étude doivent également être surveillées jusqu'à leur exfoliation éventuelle. Les pâtes tri-antibiotiques testées, c'est-à-dire la combinaison de ciprofloxacine, métronidazole et minocycline et ciprofloxacine, ornidazole et minocycline mélangées avec du propylène glycol, ont montré un bon succès clinique et radiographique dans le traitement des dents temporaires nécrosées. Les effets de ces traitements atibiotiques ne sont pas connus en intra-canalaire. Par conséquent, des études histologiques révélant les effets de ces médicaments sur le tissu pulpaire sont nécessaires. La pâte d'hydroxyde de calcium/chlorhexidine est efficace pour réduire le nombre de bactéries intracanalaire lorsqu'elle est appliquée en tant que pansement canalaire. Néanmoins, des recherches devraient être menées pour évaluer la réponse tissulaire induite par le mélange hydroxyde de calcium/chlorhexidine à différentes concentrations Il n'y a pas de différence statistiquement significative entre
l'efficacité microbienne du NaOCl à 2,5 % et du BioPure MTAD TM
Gupta et Das, « Clinical and radiographic evaluation of zinc oxide eugenol and metapex in root canal treatment of primary teeth ». Pinky, Shashibhushan, et Subbareddy, « Endodontic treatment of necrosed primary teeth using two different combinations of antibacterial drugs : an in vivo study ». 47 Ito et al., « bial culture and checkerboard DNA-DNA hybridization assessment of bacteria in root canals of primary teeth pre- and post-endodontic therapy with a calcium hydroxide/chlorhexidine paste ». 48 Tulsani, Chikkanarasaiah, et Bethur, « An in vivo comparison of antimicrobial efficacy of sodium hypochlo rite and Biopure MTADTM against enterococcus faecalis in primary teeth : a qPCR study ». 46 30 Etude sur 40 molaires temporaires nécrosée sur des enfants âgés de 4 à 8 ans Bharuka et Mandroli49 Jose et al50
Etude à 2 groupes pour permettre de faire la comparaison entre la pulpectomie en une visite et en 2 visites. Le groupe I a subi une pulpectomie en une seule visite suivie d'une obturation avec de l'oxyde de zinc eugénol (ZOE). Le CPC est plus compatible avec les tissus pulpaires que le formocrésol et il présente un bon potentiel de guérison. Le CPC est capable d'induire la formation de dentine sans zone de nécrose. Les dents sont saines sans signe de nécrose au stade R donc proche de l'exfoliation naturelle. Cela ne rentre pas dans les indications de nos traitements endodontiques. On ne peut donc pas conclure si les résultats seraient aussi favorables en présence de nécrose.
49 Bharuka et Mandroli, « Single- versus two-visit pulpectomy treatment in primary teeth with apical periodontitis : a double-blind, parallel group, randomized controlled trial ». 50 Jose et al., « Calcium phosphate cement as an alternative for formocresol in primary teeth pulpotomies ». 31 2.4.4.
Discussion
Cette courte revue de la littérature entre 2010 et 2019 au sujet du traitement endodontique de la dent temporaire ne permet pas de ressortir de recommandations claires sur la réalisation ou non de cette technique en présence d'une dent nécrosée, avec abcès ou fistule. On observe que sur les 27 articles étudiés, 19 articles concernent des dents nécrosées avec ou sans fistule et 8 études les excluent. Mais nous ne trouvons pas d'étude comparative au niveau des résultats entre les deux. Néanmoins, les résultats des études où les traitements sont réalisés sur des dents temporaires nécrosées avec extériorisation de la nécrose semblent encourageants et engagent, pour les patients répondant aux critères cités plus hauts dans cette thèse, à tenter de conserver la dent le plus longtemps possible sur l'arcade comme nous avons pu voir dans les études de Mendoza et al., Cassol et al., Gupta et Das. Nous pouvons aussi observer que les études au cours de ces 10 dernières années se sont principalement attardées sur la problématique du matériau d'obturation canalaire utilisé lors du traitement. Le matériau le plus utilisé et décrit dans les études de cette revue reste l'oxyde de zinc eugénol (ZOE) qui montre des taux de succès variant entre 65 et 92,3 %.51 Il est comparé à de nombreux autre matériaux comme la pâte d'iodoforme, l'hydroxyde de calcium52, l'Endoflas ®53, le mélange 3MixMP, la pâte Maisto Capurro54 ou même Kri +55. Il s'est avéré qu'il n'y avait pas de différence significative au niveau de l'efficacité de ces différents matériaux. Les études de Chen et al.56. et Nakornchai et al.57. montrent des taux de succès importants avec l'utilisation de l'hydroxyde de calcium, mais également un inconvénient notable : l'accélération de la résorption des racines des dents temporaires. Le formocrésol a également été utilisé pour l'obturation des dents temporaires mais il s'est avéré qu'il pouvait être toxique à cause du formaldéhyde qu'il contient. Il a donc été classé cancérogène pour 51 Pandranki, Vanga, et Chandrabhatla, « Zinc oxide eugenol and Endoflas pulpectomy in primary molars : 24month clinical and radiographic evaluation ». 52 Cassol et al., « Iodoform vs calcium hydroxide/zinc oxide based pastes
:
12-month findings of a randomized controlled trial ». 53 Pandranki, Vanga, et Chandrabhatla, « Zinc oxide eugenol
and
Endoflas
pulpectomy in primary molars : 24month clinical and radiographic evaluation
». 54 Zacharczuk et al., «
Evaluation of 3Mix-MP and pulpectomies in non-vital primary mo s ». 55 Mendoza-Mendoza et al., « Are there any differences between first and second primary molar pulpectomy prognoses? : a retrospective clinical study ». 56 Chen, Liu, et Zhong, « Clinical and radiographic evaluation of pulpectomy in primary teeth : a 18-months clinical randomized controlled trial ». 57 Nakornchai, Banditsing, et Visetratana, « Clinical evaluation of 3Mix and Vitapex® as treatment options for pulpally involved primary molars ». 32 l'homme par le centre international de recherche sur le cancer de l'Organisation mondiale de la santé en 200458 et nous ne pouvons le recommander pour nos traitements. Cette analyse nous a aussi permis de faire ressortir une autre problématique des études actuelles sur le sujet : quel agent/solution de désinfection est-il préférable d'utiliser? Certes, la littérature sur le sujet est bien plus faible que sur le traitement de la dent permanente, mais nous pouvons tout de même en ressortir quelques grandes lignes. La solution d'irrigation la plus couramment utilisée pour les traitements endodontiques est l'hypochlorite de sodium NaOCl grâce à son faible coût et ses effets bactéricides et bactériostatiques. Tout comme pour les dents permanentes, NaOCl reste pour le moment la solution d'irrigation de référence. L'étude de Valdez-Gonzalez et al. a comparé son efficacité à celle de l'eau à potentiel oxydant pour réduire la charge bactérienne ; les résultats étaient probants dans les 2 essais et ne montraient pas de supériorité de l'un par rapport à l'autre. Etant donné la facilité d'accès au NaOCl, nous pouvons pour le moment en déduire qu'il est donc toujours conseillé de favoriser celui-ci.59 Concernant les agents antibactériens autres que les solutions d'irrigation, en thérapeutique d'interséance, 2 études mettent en avant les antibiotiques en médication intracanalaire pour aider à la cicatrisation en présence d'abcès sur les molaires temporaires. Celle de Bhangdia et al. utilise une solution à base de métronidazole comme médicament intracanalaire en intersécance60. En revanche il n'y a pas d'études faites sur les effets secondaires des antibiotiques en injection intracanalaire. L'étude de Deus Moura et al. propose comme obturation une pâte antibiotique à base de chloramphénicol, de tétracycline et d'oxyde de zinc/ eugénol. Les résultats ont suggéré que cette pâte était une thérapie facult ative, de plus l'utilisation de l'oxyde de zinc eugénol seul montre des taux de réussite déjà très satisfaisant.61 Il est important de rappeler la nécessité de simplifier au maximum le traitement, le patient étant un enfant. Tant que ces thérapeutiques n'auront pas démontré de supériorité par rapport à un traitement
58 Jose et al., « Calcium phosphate cement as an alternative for formocresol in primary teeth pulpotomies ». Valdez-Gonzalez et al., « Effectiveness of oxidative potential water as an irrigant in pulpectomized primary teeth ». 60 Bhangdia et al., « Clinical evaluation of sustained-release metronidazole gel versus metronidazole solution as an intracanal medicament in abscessed primary molars ». 61 Almeida de Deus Moura et al., « Endodontic treatment of primary molars with antibiotic paste : a report of 38 cases ». D'autres résultats plus isolés ressortent de notre recherche : Concernant la technique manuelle ou rotative, l'étude de Ochoa-Romero et al, nous précise une diminution du temps d'instrumentation de 63 % comparer à la technique manuelle mais ne distingue pas de différence significative concernant le résultat de cicatrisation des dents temporaires63. L'étude de Mendoza et al. semble indiquer que la réussite d'un traitement endodontique sur la dent temporaire ne varie pas entre les premières et deuxièmes molaires64. Nous pouvons donc conclure, avec les données actuelles de la science à notre disposition, que le traitement endodontique de la dent temporaire nécrosée, chez un patient coopérant, avec une bonne capacité de suivi et sur une dent n'ayant pas commencé sa résorption physiologique, est une indication fiable pour conserver la dent sur l'arcade. Des études randomisées avec un suivi à long terme jusqu'à l'exfoliation de la dent restent néanmoins encore à mener pour décrire une méthode de traitement à suivre, reproductible pour tous les opérateurs et patients. Maintenant que nous avons posé l'intérêt de cette thérapeutique, nous allons pouvoir discuter de sa mise en oeuvre.
62 Bharuka et Mandroli, « Single- versus two-visit pulpectomy treatment in primary teeth with apical periodontitis : a double-blind, parallel group, randomized controlled trial ». 63 Ochoa-Romero et al., « Comparison between rotary and manual techniques on duration of instrumentation and obturation times in primary teeth ». 64 Mendoza, Reina, et Garcia-Godoy, « Evolution and prognosis of necrotic primary teeth after pulpectomy ». 2.5. La technique de réalisation
Le traitement endodontique de la dent temporaire est communément décrit en 11 étapes :
- 1ère étape : estimation de la longueur de travail
La détermination de la longueur de travail (Lt) est une étape cruciale et un facteur de succès dans le traitement endodontique. La Lt correspond à la distance entre le point coronaire de référence choisi et le point auquel la préparation et l'obturation canalaire doivent se terminer.65 L'étude de la radiographie pré-opératoire permet d'apprécier l'évolution des lésions par rapport au stade initial ainsi que l'état des tissus inter et péri-radiculaires. Pour suivre l'évolution du germe sous-jacent il est possible de comparer son homologue controlatéral.66 Avec la radiographie rétro-alvéolaire pré-opératoire, on estime la longueur de travail. En revanche, la résorption asymétrique radiculaire de la dent temporaire rend plus difficile la détermination ce celle-ci.67 C'est pour cette raison que l'on enlève 1 à 2 mm68 69 à la longueur estimée radiographiquement.
65 Neena et al., « Comparison of digital radiography and apex locator with the conventional method in root length determination of primary teeth ». 66 Demars-Fremault, Pilipili, et Roupa, « Approche des lésions pulpaires et pulpo-parodontales des dents temporaires par thérapeutiques endodontiques ». 67 Tardieu et Naulin-Ifi, « Endodontie pédiatrique ». 68 Naulin Ifi, « Traitement endodontique de la dent temporaire ». 69 Goerig et Camp, « Root canal treatment in primary teeth : a review ». 35
Figure 15 : Estimation de la longueur de travail et résorption de la dent temporaire
Source : Naulin-Ifi C. « Endodontie pédiatrique », 2011. - 2ème étape : anesthésie
Le choix de l'anesthésie se fait en fonction de : - L'âge de l'enfant - L'acte à réaliser - La ou les dents concernées Il est essentiel de préparer l'enfant aux sensations de l'anesthésie et le prévenir de l'anxiété. L'anesthésie de contact est un préalable important pour bien conditionner l'enfant sur cette étape facteur de stress. Pendant l'injection il faut stabiliser l'enfant ainsi que le dispositif d'analgésie, trouver ses points d'appui, accompagner les sensations de l'anesthésie pour changer les idées du patient, attendre 1 à 2 minutes avant de commencer l'acte et vérifier l'efficacité de l'analgésie.
- 3ème étape : isolation du site
La mise en place du champ opératoire permet : - D'isoler la dent dans un milieu aseptique - D'améliorer l'accès et la visibilité - La prévention d'ingestion et inhalation de corps étrangers - La protection des tissus mous (lèvre, langue, joues)
36 Figure 16 : Molaire temporaire présentant une lésion carieuse isolée avec la digue dentaire et un crampon W8A
Source : Carrotte, « Endodontic treatment for children », 2005.
Les contre-indications à la mise en place de la digue sont dues à l'impossibilité de placer le crampon du fait :70 - De la limitation d'ouverture buccale - D'une dent en cours d'éruption - D'une dent trop délabrée sans possibilité de reconstitution provisoire préalable en vue d'une thérapeutique pulpaire. Si la pose du champ opératoire n'est pas possible, le traitement de choix est donc l'extraction puisque les conditions ne sont pas requises pour réaliser le traitement endodontique.
- 4ème étape : ction du tissu carieux
On doit éliminer la totalité du tissus carieux avec une fraise diamantée sur turbine et une fraise carbure de tungstène sur contre-angle. 70 Blanc et al., « Digue ». 37 - 5ème étape : effraction pulpaire et cavité d'accès.
L'ouverture de la chambre pulpaire et cavité d'accès se fait avec une fraise boule propre stérile. Il est important de noter que l'épaisseur de l'émail et de la dentine coronaire pour accéder à la chambre pulpaire est plus fine que sur une dent permanente et la distance de la surface occlusale au plancher de la chambre pulpaire est plus courte que sur la dent permanente. Pour cette raison, il faut faire attention lors de la l'ouverture pour l'accès dans la chambre pulpaire afin d'éviter toute perforation du plancher au niveau de la zone de furcation.71
Figure 17 : Cavité d'accès sur 75 et 74 - 6ème
éta
pe : me
sure de
la longueur
de travail
Les longueurs de travail peuvent être confirmées par différentes méthodes : Longueur de travail confirmée radiologiquement :72 Après avoir estimé la longueur de travail avec la radiographie per-opératoire, un radiographie avec une lime K 10 ou 15 en place permet de confirmer la longueur. 71 72 Goerig et Camp, « Root canal treatment in primary teeth ». Chhabra, « Endodontic management of a four rooted retained primary maxillary second molar ». 38
Figure 18: Rétro-alvéolaire avec lime en place d'une molaire temporaire
Source : Kitazono de Carvalho et al, « Endodontic management of a primary mandibular three-rooted molar », 2015. Cette méthode présente quelques inconvénients comme la demande de coopération du patient (capteur volumineux), la compétence de l'opérateur, l'angulation du tube par rapport au capteur qui peut entrainer une distorsion de l'image et conduire à une erreur, le chevauchement des structures anatomiques qui peuvent diminuer la clarté de l'image et la résorption des dents temporaires rend plus difficille la détermination de la longueur de travail.73
Longueur de travail avec un localisateur d'apex
Un localisateur d'apex peut aussi être utilisé pour le choix de la longueur de travail74 Les principaux avantages sont la mesure de la longueur du canal radiculaire par rapport au foramen apical, et non à l'apex radiographique, leur facilité et rapidité d'utilisation, et ont une bonne précision. Les perforations artificielles peuvent être reconnues et le rayonnement émis par le patient peut être réduit. 73 74 Tardieu et Naulin-Ifi, « Endodontie pédiatrique ». Chhabra, « Endodontic management of a four rooted retained primary maxillary second molar ». 39 La principale limite est la sensibilité au fluide canalaire.75 Selon l'étude de Mokhtari et al. et de Neena et al., il n'y a pas de différences significatives entre le localisateur d'apex électronique et la radiographie lime en place en termes de précision de la détermination de la longueur du canal radiculaire.76
- 7ème étape : élimination du parenchyme pulpaire radiculaire
Après l'élimination du parenchyme caméral on enlève celui des racines. La mise en forme endodontique se fait grâce à la mesure de la longueur de travail trouvée auquel on enlève 2 mm pour s'assurer de ne pas faire de dépassement et ainsi léser le germe de la dent permanente. Le cathétérisme peut se faire manuellement ou avec un système rotatif.
Figure 19 : Cavités d'accès réalisées sur 74 et 75 75 Neena et al., « Comparison of digital radiography and apex locator with the conventional method in root length determination of primary teeth ». 76 Mokhtari, Shirazi, et Ebrahimi, « A smart rotary technique versus conventional pulpectomy for primary teeth : a randomized controlled clinical study ». 40
La désinfection est essentielle pour permettre l'élimination des bactéries. Une irrigation abondante sans pression entre chaque passage d'instrument est aussi importante en manuelle qu'en rotatif. L'hypochlorite de sodium (NaOCl) est le médicament intracanalaire le plus courant et le plus efficace utilisé dans les traitements des canaux radiculaires, en raison de son faible coût et d'une activité antimicrobienne très efficace contre le microbiote des canaux radiculaires infectés. Sa concentration varie entre 0,5 à 5,25 %.77 D'autres solutions d'irrigations moins utilisées sont citées dans la littérature comme la chlorhexidine ou l'eau ozonée78. L'étude de Barcelos et al., a monté que l'acide citrique présente la meilleure efficacité pour l'élimination de la couche de boue dentinaire dans les canaux radiculaires primaires sans altérer les structures dentaires et est moins cyto-toxique que l'EDTA.79 Système manuel : Le diamètre des canaux doit être augmenté significativement par rapport à celui de la première lime K qui atteint la longueur de travail décidée, jusqu'à un diamètre minimal de 30. Il est nécessaire de passer la solution d'irrigation entre chaque passage de lime pour faire remonter les débris et les éliminer.80 Il est préférable d'utiliser des limes de 21 mm plus facile à manier dans les bouches d'enfants.
77 Chaugule, Panse, et Gawali, « Adverse reaction of sodium hypochlorite during endodontic treatment of primary teeth ». 78 Goztas et al., « Antimicrobial effect of ozonated water, sodium hypochlorite and chlorhexidine gluconate in primary molar root canals ». 79 Barcelos et al., « The influence of smear layer removal on primary tooth pulpectomy outcome : a 24-month, double-blind, randomized, and controlled clinical trial evaluation ». 80 Goerig et Camp, « Root canal treatment in primary teeth : a review ». 41
Figure 20 : Cathétérisme manuel avec des limes K
Source
: Goerig et Camp, Root canal treatment in primary teeth : a review, 1983.
Figure 21 : Exemple de limes Kerr utilisées pour le cathértérisme manuel des dents temporaires Source : Ultradent Products, 2019. Système rotatif : Les instruments rotatifs en nickel titane (NT) sont plus flexibles que les instruments manuels en acier.81 Il existe différents types de systèmes comme PROFILE, PROTAPER, KEDO-S Pédiatrique. Les entrées canalaires sont repérées avec une lime manuelle K15. Puis les limes NT sont mises en place sur contre angle réducteur avec une vitesse idéale de rotation de de 150 à 300 tours par minutes. Pour la préparation des canaux il faut suivre une séquence d'instruments rotatifs de diamètre croissant. 82 81 82 Crespo et al., « Comparison
between
rotary and manual instrumentation in
primary
teeth ». Barr, Kleier, et Barr, «
Use
of nickel-titanium rotary files for root canal preparation in primary teeth ». 42 Système PROTAPER83 Kuo et al. ont montré que l'utilisation d'une séquence simplifiée du système PROTAPER est efficace et rapide pour la pulpectomie des dents temporaires. La préparation canalaire avec les instruments rotatifs prend environ 4 à 5 minutes, de plus son noyau central solide diminue le risque de fracture de l'instrument, ce qui est une préoccupation en endodontie pédiatrique, en particulier dans les canaux radiculaires courbés des molaires primaires. La séquence se compose de SX (19 mm de longueur) pour élargir les entrées canalaires et travailler le tiers coronaire et de S2 (21 mm de longueur) pour le reste du canal.
Figure 22 : De gauche à droite, lime K N° 10, SX, S2
Source : Kuo et al, « Application of Ni-Ti rotary files for pulpectomy in primary molars », 2006. Système PROFILE84
Selon l'étude de Barr et al, le système PROFILE présente de nombreux avantages : - les tissus et les débris sont plus facilement et plus rapidement déplacés ; - les limes en nickel-titane sont flexibles, ce qui permet un accès facile à tous les canaux ; - les canaux préparés ont une forme d'entonnoir, ce qui permet un remplissage de pâte uniforme plus prévisible. La lime préconisée est celle de conicité 4 % de longueur 21mm.
Système KEDO-S Pédiatrique85
Le système de limes rotatifs Kedo-S se compose de trois limes, à savoir D1, E1 et U1. Les limes Kedo-S ont une longueur de 16 mm avec une partie travaillante de 12 mm.
83 Kuo et al., « Application of Ni-Ti rotary files for pulpectomy in primary molars ». Barr, Kleier, et Barr, « Use of nickel-titanium rotary files for root canal preparation in primary teeth ». 85 Jeevanandan, Ganesh, et Arthilakshmi, « Kedo file system for root canal preparation in primary teeth ». 84 43
Figure 23 : Radiographie post opératoire de pulpectomies avec système rotatif
Source : Kuo et al, « Application of Ni-Ti rotary files for pulpectomy in primary molars », 2006.
- 8ème étape : obturation canalaire
Le séchage du canal se fait avec des pointes de papier stériles à la Lt -2mm. Il doit être propre et sec.
Figure 24 : Séchage minutieux avec des pointes de papier stériles de la dent temporaire
85 Source : Naulin- Ifi, « Traitements endodontiques des dents temporaires », 2001. Le matériau utilisé doit répondre à des critères bien précis : - Résorbable et si possible à la même vitesse que la résorption physiologique de la dent temporaire - Inoffensif pour les tissus péri-apicaux et pour le germe de la dent permanente sous-jacent - Antibactérien - Facile et rapide à mettre en place 44 Le ciment oxyde de zinc eugénol est le matériau d'obturation de référence pour les dents temporaires. Il est mis en place dans le canal au fouloir ou à l'aide d'un lentulo monté sur contre angle basse vitesse. Lorsque que l'on observe une agénésie de la dent successionnelle et que la dent temporaire doit être gardée le plus longtemps possible, les canaux peuvent être obturés avec de la gutta percha (matériau non résorbable).86 Certaine étude montre l'efficacité de l'hydroxyde de calcium. Avec sa forte alcalinité, il a été largement utilisé comme médicament intra canalaire ; il pourrait détruire efficacement les bactéries en raison de sa capacité à libérer des ions hydroxyle dans les tubulis dentinaires, détruisant l'enzyme de la membrane cellulaire et modifiant la structure chimique de bactéries.87 Un des grands inconvénients de l'hydroxyde de calcium est en présence d'une pulpe hyperhémique, l'hydroxyde de calcium peut entrer en contact avec certains restes vitaux des tissus pulpaires et peut déclencher la cascade de résorption inflammatoire des racines.88
- 9ème étape : obturation de la chambre
On enlève l'excédent d'oxyde de zinc eugénol dans la chambre puis obture la chambre à l'aide d'oxyde de zinc eugénol à prise rapide (avec adjonction de résine) comme l'IRM® ou le Kalsogen ®. - 10ème étape : restauration coronaire définitive étanche
Une restauration étanche finale qui scelle de manière fiable la dent est cruciale pour le succès à long terme du traitement de la pulpe. Nous pouvons réaliser une restauration au composite lorsque la cavité est petite et ne touche qu'une face. En revanche, lorsque la perte de substance dentaire est importante (touche plus d'une face), la dent temporaire doit être restaurée avec une coiffe pédodontique préformée89en métal ou zircone, ou un onlay. Celle-ci peut être faite dans une séance ultérieure ; un CVI sera mis en place comme restauration temporaire.
86 Brosnan et al., « Management of the pulp in primary teeth : an update ». Jia et al., « The clinical effectiveness of calcium hydroxide in root canal disinfection of primary teet h: a metaanalysis ». 88 Chen, Liu, et Zhong, « Clinical and radiographic evaluation of pulpectomy in primary teeth : a 18-months clinical randomized controlled trial ». 89 Brosnan et al. 87 45
- 11ème étape : suivi
Le suivi s'effectue à 1 mois puis 3 mois puis tous les 6 mois. Il faut faire l'examen clinique puis radiologique. Le succès du traitement au niveau clinique est caractérisé par la disparition des symptômes douloureux, la résorption de l'abcès dentaire et s'il y a eu une fistule, la cicatrisation de celle-ci dans 12 à 20 jours après le soin.90 On recherche la réapparition de ses signes lors du suivi, leur persistance incitera à la plus grande prudence et pourra entrainera l'avulsion de la dent concernée. En revanche le silence clinique, fréquent chez l'enfant, ne veut pas dire guérison totale. Il sera nécessaire de faire des contrôles radiographiques pour permettre une évaluation post-opératoire régulière jusqu'au remplacement de la dent temporaire traitée par la permanente sous-jacente.91 90 Demars-Fremault, Pilipili, et Roupa, « Approche des lésions pulpaires et pulpo-parodontales des dents temporaires par thérapeutiques endodontiques ». 91 Demars-Fremault, Pilipili, et Roupa, « Approche des lésions pulpaires et pulpo-parodontales des dents temporaires par thérapeutiques endodontiques ». 46
3. Cas cliniques
Nous avons pu voir plus haut que la réalisation d'un traitement endondontique en cas d'extériorisation de la nécrose (abcès, cellulite) ne faisait pas consensus dans la littérature. Mais ne présentant pas de perte de chance pour le patient si le suivi est bien réalisé, la dent pouvant être extraite en cas de poursuite du phénomène infectieux, il nous paraît important de le tenter quand les conditions sont réunies. Voici exposés pour terminer ce travail et illustrer nos propos 3 cas cliniques de succès du traitement endodontique avec un suivi sur plusieurs années.
3.1. Cas clinique 1 : Leana A. 3 ans et demi 3.1.1. Motif de consultation
Leana, 3 ans et demi, est en bonne santé générale et se présente en consultation d'urgence pour des douleurs localisées dans le secteur 8. Elle est très coopérative lors de la première séance malgré son jeune âge. Elle présente un abcès vestibulaire volumineux et douloureux à la palpation en regard de 84 et présentant une mobilité II selon la classification de Muhlemann. Le brossage est maitrisé. Cliniquement et radiographiquement il n'y a pas de lésion carieuse sur 84 ni même les autres dents. Il n'y a pas de traumatisme rapporté ; l'origine est donc idiopathique.
Figure 25: Radiographie rétro-alvéolaire de 84 et 85 préopératoire du 15 juin 2017 Source : Dr Marcel, 2017. 47
Sur la radiographie rétro-alvéolaire on peut objectiver une lésion interradiculaire importante. La dent étant au début du stade de stabilité et la patiente compliante, il est décidé de faire le traitement endodontique de la 84. Les parents sont prévenus du risque d'échec et de la possible nécessité d'extraction future de la dent.
3.1.2. Le traitement endodontique
La pulpectomie a été réalisé sous digue avec l'estimation de la longueur de travail moins 2 mm pour réaliser la mise en forme canalaire et l'obturation à l'oxyde de zinc eugénol. Un composite occlusal a été mis en place pour garantir l'étanchéité. Sur la radiographie post-opératoire ; un puff de ciment d'obturation est objectivable, du au lentulo. La nécessité d'un matériau résorbable et biocompatible est indispensable pour éviter la mise en place d'un phénomène inflammatoire, gêner la résorption de la racine et l'éruption de la dent successionnelle.
Figure 26: Radiographie rétro-alvéolaire de 84 post-opératoire 6 juillet 2017 Source : Dr Marcel, 2017.
3.1.3. Suivi
Lors du rendez-vous de suivi, il n'y a plus de signe d'abcès et la patiente ne se plaint plus de douleurs. Une radiographie à 2 mois post-opératoire a été réalisée ; on objective une reden ification osseuse du septum interradiculaire qui est le signe d'une guérison en cours. Un espace radio-clair est néanmoins toujours présent au sommet de la furcation. 48 Figure 27 : Radiographie rétro-alvéolaire de 84 du 14 septembre 2017
Source : Dr Marcel, 2017. A 1 an post-opératoire, on aperçoit une guérison complète du septum interradiculaire. Il n'y a plus de mobilité dentaire.
Figure 28 : Radiographie rétro-alvéolaire de 84 du 8 mars 2018
Source :
Dr Marcel, 2018
. A 2 ans post opératoire, seul une rétro-coronaire a été réalisée car elle permet à la fois d'objectiver la présence de lésions carieuses proximales mais elle montre aussi le sommet de la furcation. Pour des raisons de radioprotection il n'était pas indiqué de réaliser une radio rétro-alvéolaire du secteur 8 en plus. Aucune évolution infectieuse ou inflammatoire n'est observable cliniquement et radiologiquement pour la 84. 49
Figure 29 : Radiographie rétro-alvéolaire de 84 du 18 mars 2019
Source
:
Dr Marcel,
2019.
3.2. Cas clinique 2 : Anis
A 3.2.1. Motif de consultation Anis, âgé de de 5 ans et demi, se présente pour des douleurs secteur 7. Cliniquement on observe une lésion carieuse volumineuse en distal de 75 qui ne présente pas de signe de nécrose ni d'abcès. Radiographiquement, la lésion carieuse touche plus de 50 % de la dentine et on n'observe pas d'élargissement ligamentaire au sommet du septum. Le traitement préconisé est donc la pulpotomie. 36 est encore enclavée. 50
Figure 30 : Rétro-alvéolaire de 75 pré-opératoire
Source
: Dr Marcel, 2015.
3.2.2. Réalisation de la pulpotomie de 75
La pulpotomie a été réalisée puis la chambre pulpaire obturée avec du Kalsogen®. La restauration idéale et pérenne est la coiffe pédodontique préformée mais la mère refuse cette option ; un composite est donc mis en place. On suspecte un manque d'étanchéité entre la dent et le composite en distal, la limite étant -gingivale. Figure 31 : Rétro-alvéolaire de 75 post-opératoire Source : Dr Marcel, 2016. 51
3.2.3. Suivi de la pulpotomie
Lors du suivi à 6 mois, on observe un abcès vestibulaire et douloureux à la palpation. Une reprise de carie est visible à la radiographie ainsi qu'une lésion osseuse interradiculaire. La dent étant au stade de stabilité, la 6 étant toujours enclavée et le patient coopérant la décision est prise de réaliser le traitement endodontique en prévenant les parents du risque d'échec, malgré la présence d'une lésion complexe. Une condition est donnée : la mère doit accepter la coiffe pédodontique préformée car seule une restauration étanche pourra permettre le succès de la thérapeutique.
Figure 32 : Rétro-alvéolaire de 75 ; reprise de la lésion carieuse et lésion du septum inter-dentaire Source : Dr Marcel, 2016.
3.2.4. Traitement endodontique de 85
Le traitement endodontique est réalisé sous digue selon la même méthode que le cas clinique 1. Nous n'avons pas retrouvé la radiographie post opératoire mais à 3 mois on peut apercevoir la guérison complète du septum interradiculaire. Une CPP va donc être mise en place pour étanchéifier le traitement endodontique. 52
Figure 33 : Rétro-alvéolaire de 75 à J+ 3 mois Source : Dr Marcel, 2016. Figure 34 : Radiographie de 85 avec CPP en place Source : Dr Marcel, 2017.
3.2.5. Suivi
Le suivi à 1 an montre la mise en place de la 36 sur l'arcade. 53
Figure 35 : Bite-Wing de 85 Source : Dr
Marcel,
2018. Figure 36 : Bite Wing de 85 à J+ 2ans Source : Dr Marcel, 2019. 3.3. Cas clinique 3 : Patiente de 5 ans92 3.3.1. Motif de consultation et état général
La patiente âgée de 5 ans s'est plainte d'une tuméfaction dans la région postérieure gauche de la mandibule. Elle ne présente pas d'antécédent médicaux et chirurgicaux ni de manifestations systémiques qui contredisent le traitement endodontique. 92 Kitazono de Carvalho et al., « Endodontic management of a primary mandibular three-rooted molar ». 54
3.3.2. Examen intra-oral
L'examen intra-oral confirme la présence d'une tuméfaction au niveau de la deuxième molaire mandibulaire gauche ainsi qu'une lésion carieuse active occlusale et vestibulaire. La 75 ne présente pas de mobilité dentaire et la profondeur de sondage est normale en revanche, il y a une sensibilité à la percussion et une absence de réponse aux tests de sensibilité thermique.
Figure 37 : Vue clinique de la deuxième molaire mandibulaire primaire Présence de carie occlusale et gonflement gingival
Source : Kitazono de Carvalho et al., « Endodontic management of a primary mandibular three-rooted molar », 2015.
3.3.3. Examen radiographique
La radiographie rétro-alvéolaire révèle une zone radio-claire au niveau du tissus osseux dans la zone de furcation.
55 Figure 38 : Examen radiographique de 75 Présence d'une parodontite apicale et d'une racine supplémentaire localisée en distolinguale
Source : Kitazono de Carvalho et al, « Endodontic management of a primary mandibular three-rooted molar », 2015.
3.3.4. Diagnostic
Les examens clinique et radiographique suggèrent le diagnostic d'abcès périapical sur 75. L'anatomie complexe de la dent et les complications possibles durant le traitement endodontique ont été écrits dans le consentement et signés par les parents. 3.3.5. Traitement endodontique
Le traitement endodontique a été réalisé sous digue, l'accès au réseau canalaire a été réalisée par des fraises diamantées et une fraise Endo-Z. Durant l'ouverture de la cavité d'accès, la chambre pulpaire a été irriguée avec de l'eau distillée. La longueur de travail a été déterminée avec un localisateur d'apex électronique et confirmée radiographiquement. Le réseau canalaire est mis en forme manuellement et irriguée avec une solution d'hypochlorite 2,5%. De l'EDTA est mis dans les canaux pour enlever la boue dentinaire. Les canaux sont séchés avec des pointes de papier stériles. Une médication intra-canalaire est faite à base d'hydroxyde de calcium et un ciment verre ionomère scelle temporairement la dent. A 1 mois, il n'y a pas de symptomatologie, la tuméfaction a disparu. 56 La médication intra-canalaire a été enlevée et remplacée par un ciment à base d'hydroxyde de calcium épaissi avec de l'oxyde de zinc. Une radiographie post-opératoire est faite. La cavité d'accès est scellée avec un ciment verre ionomère et un composite. 3.3.
6.
Suivi A 1 an post
opéra
toire,
l'examen clinique révèle que la dent est asymptomatique et il n'y a pas de sensibilité à la percussion et palpation. L'examen radiographique montre une guérison complète de la lésion péri-apicale.
Figure 39 : A : Radiographie finale après le traitement radiculaire. B : Radiographie à 1 an postopératoire
Source 1 : Kitazono de Carvalho et al., » Endodontic management of a primary mandibular three-rooted molar », 2015. 57
Conclusion Nous avons fait ressortir dans cette thèse, qu'il existe aujourd hui de nombreuses techniques pour réaliser traitement endodontique des dents temporaires tant sur l'instrumentation que sur les solutions d'irrigation et les matériaux d'obturation. Le pronostic de la dent traitée endodontiquement est basée sur l'indication, le comportement du patient, le respect des procédures et des matériaux d'obturations. A ce jour la controverse en présence d'abcès et/ou fistule sur la dent temporaire persiste toujours. Bien que de nombreuses études présentent un taux de succès favorable, le manque de littérature et des enseignements parfois contradictoires font que le traitement endodontique sur les dents temporaires reste très peu pratiqué par les chirurgiens-dentistes. Néanmoins, la pulpectomie est le dernier traitement qui permet de conserver la dent sur l'arcade et ainsi de maintenir les fonctions masticatrices et aider au bon développement et croissance harmonieuse de l'enfant. Les techniques de l'endodontie sur les dents temporaire sont en constante évolution et il serait bon d'harmoniser les indications avec des recommandations simples de manière à permettre au maximum de praticiens de les pratiquer. Almeida de Deus Moura, L. F., M. de Deus Moura de Lima, C. Castelo Branco Lima, J. I. Alcobaça Gomes Machado, M. Silva de Moura, et P. Vasconcelos de Carvalho. « Endodontic treatment of primary molars with antibiotic paste : a report of 38 cases ». The journal of clinical pediatric dentistry 40, no 3 (2016): 175‐77. https://doi.org/10.17796/1053-4628-40.3.175. Barcelos, R., P. N. Tannure, R. Gleiser, R. R. Luiz, et L. G. Primo. « The influence of smear layer removal on primary tooth pulpectomy outcome : a 24-month, double-blind, randomized, and controlled clinical trial evaluation ». International journal of paediatric dentistry 22, no 5 (2012): 369‐81. https://doi.org/10.1111/j.1365-263X.2011.01210.x. Barja-Fidalgo, Fernanda, M Moutinho-Ribeiro, M. A. A. 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Figure 1 : Caractéristiques anatomiques de la molaire temporaire 6 Figure 2 : Caractéristiques anatomiques du réseau canalaire de la molaire temporaire 7 Figure 3 : Molaire temporaire saine : vue en microscopie photonique (coloration : trichrome de Masson Gx32) 7 Figure 4 : Le tissu comblant la furcation est de l'os alvéolaire constitué de trabéculations osseuses et de tissu conjonctif 8 Figure 5 : Position du germe la dent permanente en fonction de l'âge 9 Figure 6 : Graphique des différents stades d'évolution de la molaire temporaire 10 Figure 7 : Caractéristiques de la dent temporaire au stade M 11 Figure 8 : Caractéristiques de la dent temporaire au stade S 12 Figure 9 : Caractéristiques de la dent temporaire au stade R 13 Figure 10 : Première molaire inférieure gauche (74) 14 Figure 11 :
Probl
ème d'é
ruption
de 35 et 45 dû
à la perte d'espace des 75 et 85 16 Figure 12 : Courbures des canaux des dents temporaires
22 Figure 13 : Résorption interne exprim
ant
une inflammation pulpaire chronique
23 Figure 14 : Diagramme de flux (flow chart) 24 Figure 16 : Estimation de la longueur de travail et résorption de la dent temporaire 36 Figure 17 : Molaire temporaire présentant une lésion carieuse isolée avec la digue dentaire et un crampon W8A 37 Figure 18 : Cavité d'accès sur 75 et 74 38 Figure 19: Rétro-alvéolaire avec lime en place d'une molaire temporaire 39 Figure 20 : Cavités d'accès réalisées sur 74 et 75 40 Figure 21 : Cathétérisme manuel avec des limes K 42 Figure 22 : Exemple de limes Kerr utilisées pour le cathértérisme manuel des dents temporaires 42 Figure 23 : De gauche à droite, lime K N° 10, SX, S2 43 Figure 24 : Radiographie post opératoire de pulpectomies avec système rotatif 44 Figure 25 : Séchage minutieux avec des pointes de papier stériles de
dent temporaire 85
44 Figure 26: Radiographie rétro-alvéolaire de 84 et 85 préopératoire du 15 juin 2017 47 Figure 27: Radiographie rétro-alvéolaire de 84 post-opératoire 6 juillet 2017 48 Figure 28 : Radiographie rétro-alvéolaire de 84 du 14 septembre 2017 49 Figure 29 : Radiographie rétro-alvéolaire de 84 du 8 mars 2018 49 62 Figure 30 : Radiographie rétro-alvéolaire de 84 du 18 mars 2019 50 Figure 31 : Rétro-alvéolaire de 75 pré-opératoire 51 Figure 32 : Rétro-alvéolaire de 75 post-opératoire 51 Figure 33 : Rétro-alvéolaire de 75 ; reprise de la lésion carieuse et lésion du septum inter-dentaire.
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Croissance, développement et architecture des structures aériennes et souterraines de pins gris (Pinus banksiana Lamb.) dans un peuplement naturel et une plantation /
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27,78
±1,44
19,79
±1,09
27,93
±1,40
23,81
±1,37
31,68
±1,45
30,15
±1,60
45,74
±2,03
40,18
±3,87
47,00
±2,04
43,58
±3,07
test
p < 0,001*
Nombre de branches
n
9,22
±0,39
6,71
±0,33
8,78
±0,38
test
p<0,Q
212,07
±20,1
154,95
±18,4
7,32
±0,37
p = 0,083
4,03
±0,31
3,24
±0,20
3,83
±0,29
3,37
±0,24
8,61
±0,26
10,10
±0,33
ab
p = 0,007
13,13
±0,94
126,05
±15,9
51,34
±5,85
228,16
±26,6
ab
15,00
±0,56
14,00
±0,71
14,10
±0,64
p = 0,408
27,28
±11,6
9,19
±0,33
p = 0,401
48,59
±16,3
20,48
±6,39
32,02
±12,2
p = 0,112
9,43
±0,30
p = 0,054*
Biomasse
phoîosynthétique
test
142,77
±14,0
44,21
±4,64
p < 0,001*
183,80
±23,0
205,25
±31,1
p = 0,282
47,76
±14,7
261,00
±32,5
p • 0,005*
201,94
±51,5
Pousses annuelles: mono- (une unité de croissance - UC), bi- (2 UC) ou «cyclique (3UC)
* La variance n'était pas homogène entre les catégories d'arbres. Test statistiques: ANOVA (variance
homogène); Kruskal-Wallis (variance non homogène).
Tableau 3.5 Moyennes des variables mesurées (± l'erreur type) à l'échelle d'observation des unités de croissance (UC) en fonction des
catégories d'arbre1. Les données sont présentées pour toutes les UC regroupées et pour chaque type d'UC2.
Longueur des UC
Moyenne
± erreur type
Nombre de branches
test
4
diff.
Droit
Naturel
Sinueux
Toutes les UC
Droit
Planté
Sinueux
Droit
m
si
Naturel
er
Sinueux
O
Droit
Planté
o
Sinueux
Droit
Naturel
Sinueux
CM
U
Planté
3
0"
Sinueux
Droit
'3
<
et.
Droit
Naturel
CJi
CM
Sinueux
ü
Droit
Planté
Sinueux
14,28
±0,42
12,02
±0,39
15,19
±0,45
14,00
±0,48
8,41
±1,02
9,01
< 0,001*
±1,25
10,43
±0,79
13,38
±0,73
11,82
*0'®*
16,10
±0,85
15,67
±0,94
0 003*
'
±0,76
14,17
15,58
±0,76
14,13
±0,74
0>048
Longueur des branches
test
diff.
4,56
±0,11
3,79
±0,11
4,57
±0,11
4,17
±0,12
4,03
±0,31
3,24
±0,20
3,83
±0,29
3,37
±0,24
3,75
±0,15
3,71
±0,15
4,25
±0,18
3,72
±0,16
5,07 "
±0,21
4,23
±0,19
5,23
±0,22
5,11
±0,27
cm
109,64
< 0,001
ab
±5,85
230,96
±10,53
198,07
±10,79
98,21
< n ftíl4*
<0>001
±26,61
64,70
±9,44
115,43
±21,22
109,13
±14,67
131,53
±12,75
95,20
0,048
0,006
±7 27
>
186,66
±15,38
136,25
_±11,64
240,23
±19,06
164,37
±12,19
319,30
±21,98
300,28
±24,39
0 001*
< 0,001*
Biom. photo.
test
diff.
172,09
±9,19
0,112
Diamètre des branches
test
mm
29,14
±1,23
17,98
±0,82
32,19
±1,22
28,44
±1,33
24,09
±3,25
15,32
±2,04
22,34
±2,80
18,83
±1,89
21,54
±1,54
14,74
±0,86
26,57
±1,79
20,12
±1,41
35,36
±2,09
22,62
±1,45
41,66
±2,56
40,83
±2,95
test
diff.
diff.
ab
69,49
±5,64
25,53
±2,42
0,001*
105,42
±8,16
84,51
±9,14
48,59
±16,3
20,48
±6,39
0,408
32,02
±12,2
27,28
±11,6
41,11
±5,32
18,06
±3,01
< 0,001*
82,82
±11,42
43,79
0,056
< 0,001*
-MM—
< 0,001*
a c
92,86
±12,72
38,22
±4,87
152,73
±18,51
148,57
±20,51
< 0,001*
Suite page suivante
CD
o
Tableau 3.5 Suite
Moyenne
± en-eur type
Longueur des UC
cm
Droit
Naturel
ci
O
dl
ir cycl
cr
8
uroit
Plante
o.
Droit
Naturel
A
o
Droit
3
Planté
Sinueux
15,72
±1,13
12,10
±1,86
18,13
±1,20
14,20
±0,97
19,18
±1,15
18,62
±1,42
18,13
±1,33
18,71
±1,89
10,84
±1,02
9,45
±1,01
10,74
±1,49
10,66
±1,22
Nombre de branches
test
p
test
2
diff.
ab
0,030
ah
0,951
0,925
n
4,81
±0,26
4,22
±0,22
4,45
±0,33
4,29
±0,30
3,93
±0,29
3,67
±0,53
4,35
±0,30
4,07
±0,29
6,07
±0,29
5,44
±0,47
4,85
±0,26
4,64
±0,43
p
diff.
0,507
0,610
ah
0,008
b
b
Longueur des branches
cm
176,84
±26,63
109,99
±17,58
242,38
±25,28
265,20
±34,69
93,61
±13,53
62,24
±15,86
193,51
±23,73
153,67
±18,7
261,30
±32,60
135,90
±24,66
333,18
±26,45
314,01
±43,61
test
test
p
diff.
ab
0,010
b
< 0,001
a c
0,009*
a
a
I
Biom. photo.3
Diamètre des branches
mm
28,48
±2,11
17,09
±2,54
31,10
±3,11
35,23
±3,29
17,01
±1,34
10,58
±2,47
24,47
±2,69
19,86
±2,38
42,70
±3,11
22,27
±4,02
41,50
±3,02
40,26
±4,83
p
diff.
ab
b
0,008
0,002
H
ab
5
0,008
a
a
test
g
diff.
P
58,13
±10,69
21,21
±6,21
76,52
±15,54
85,68
±22,25
28,52
±5,98
7,62
±2,80
38,73
±6,03
16,18
±3,81
119,68
±19,18
18,92
±7,21
142,10
±21,26
93,70
±22,31
0,093*
ah
b
0,012
ab
b
0,003*
a
ab
1
Naturel Droit; Naturel Sinueux; Planté Droit; Planté Sinueux
UC1-1, UC2-1, UC2-2, UC3-1, UC3-2, UC3-3
3
PA = pousse annuelle
4
diff. = catégories de tiges présentant des différences significatives
5
Biom. photo. = Biomasse photosynthétique
* L'astérisque indique que la variance entre les groupes de données n'était pas homogène. Les tests statistiques diffèrent. Variance homogène: ANOVA; variance non
homogène: Kruskal-Wallis.
2
c»
62
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Zar, J.H. 1984. Biostatistical Analysis. Second edition. Prentice-Hall, Englewood Cliffs, New Jersey.
717p.
CHAPITRE IV
CARACTÉRSSATION DE L'ARCHITECTURE ET DU DÉVELOPPEMENT
DU SYSTÈME RACINAIRE DE Pinus banksiam Lamb. EN
PEUPLEMENT NATUREL ET EN PLANTATION
68
Le système racinaire des arbres remplit plusieurs fonctions essentielles à la survie des individus.
Le support mécanique et la stabilité {Danjon et al. 2005), l'apport en eau et en nutriments
(Coomes et Brubb 2000) et la production d'hormones (Selby et al. 1992) résument assez bien
ces fonctions. Pourtant, plusieurs auteurs mentionnent le manque de connaissances sur cette
structure, pour les conifères (Cucchi et al. 2004; De Suva et al. 1999; Coutîs et al. 1999; Berntson
et al. 1995; Gilman 1990a; Coutts 1983; Selby et Seaby 1982; Fayle 1975). Par exemple, les
études portant sur les plantations en Amérique du Nord se consacrent principalement à la
performance des plants, soit la productivité de la partie aérienne pendant la première décennie
suivant la plantation. Les recherches portant sur la seconde décennie s'avèrent quasiment
inexistantes. Celles concernant la morphologie et les niveaux de ramification des racines, la
profondeur de l'enracinement et la croissance temporelle touchent peu d'espèces et sont limitées
par la difficulté d'acquérir les racines (Krause et Morin 2005; Del Rio et al. 2004; Rune 2003;
Polomski et Kuhn 2001; Zhang et al. 1998; Strong et La Roi 1983). De plus, les comparaisons
d'arbres plantés avec des individus régénérés naturellement ou ensemencés sont manquantes.
Ce type de comparaison est pourtant de première importance, car il permet d'identifier les
défauts racinaires liés aux pratiques sylvicoles, puis d'envisager des solutions pour améliorer les
interventions. Par exemple, Halter et al. (1993) ont démontré des différences significatives de la
croissance et de la morphologie des racines de Pinus contorta Dougl. ex Loud, entre des
peuplements naturels et plantés. Ils ont ainsi pu déterminer que la production des plants en
récipient expliquait le moins bon développement des racines de P. contorta plantés.
L'utilisation de récipients lors de la production des semis affecte la qualité des systèmes
racinaires de plusieurs espèces de conifères (Gilman 1990b; Grene 1978; Pinus sylvestris L.,
Rune 2003; P. bankslana Lamb., Sheedy 1997; Picea mariana (Mill.) BSP, Girouard 1995; Pinus
contorta Dougl. ex Loud., Halter et al. 1993; Burdett et al. 1986). Les défauts les plus
couramment mentionnés se rapportent à l'enroulement des racines (Rune 2003; Sheedy 1997;
Halter et al. 1993; Grene 1978), l'enracinement peu profond (Sheedy 1997), la réduction du
nombre de racines principales (Burdett et al. 1986), le développement d'une courbure basale sur
les tiges (Del Rio et al. 2004; Sheedy 1997; Burdett et al. 1986), l'instabilité (Sheedy 1997; Selby
et Seaby 1982; Hulten et Jansson 1978) et le renversement des plants (Burdett et al. 1986). La
mauvaise répartition latérale mentionnée par Rune (2003) concernait les racines dans un rayon
de dix centimètres de la tige chez des individus de sept ans. Il n'a donc pas pris en considération
les caractéristiques des microsites sur la distribution des racines. L'impact du sillon sur la
morphologie du système racinaire ne semble pas avoir été analysé auparavant.
69
La capacité intrinsèque de certains conifères à produire un nouveau système racinaire après la
plantation, tel qu'un système adventif ou réitéré, est de première importance pour la correction
des défauts. Cela a été démontré pour des espèces des genres Picea et Abies (Krause et Morin
2005; Parent et al. 2000; Girouard 1995; Sutton 1995; Atger et Édelin 1994; Coutts et al. 1990;
Gilman 1990b; Carlson et al. 1980). Cette capacité ne s'applique pas à la majorité des espèces
du genre Pinus, car celles-ci ne peuvent développer de nouvelles racines ou des racines
adventives (Sundstrõm et Keane 1999; Burdett et ai. 1986; Selby et Seaby 1982; Nambiar 1980).
En forêt boréale, le renouvellement des peuplements de pin gris (Pinus banksiana Lamb.) est
étroitement lié au passage des feux. La chaleur permet l'ouverture des cônes sérotineux et la
libération des graines, assurant ainsi la régénération naturelle des peuplements (Burns et
Honkaia 1990; Abrams et al. 1985; Cayford et McRae 1983; Maissurow 1941). L'exploitation
forestière de cette espèce peut perturber ce cycle naturel et la régénération apparaît comme
suffisante après une coupe dans seulement 4% des peuplements exploités (Béland et al. 1999;
Tremblay 1987 dans Béland et Bergeron 1993; Chrosciewicz 1992). Ce faible taux de succès de
la régénération après coupe implique une utilisation accrue de la plantation afin d'assurer le
renouvellement des peuplements de pin gris qui ont été exploités (Béland et al. 1999;
Chrosciewicz 1988). Au Québec, entre 21 et 31 millions de semis de pin gris ont été plantés
annuellement entre 2001 et 2004 (Parent et Fortin 2004). La production des semis servant au
reboisement prévoit l'utilisation de récipients à paroi rigide, ajourée ou présentant des rainures
verticales. Des travaux mécaniques sont également réalisés sur les sites afin d'exposer le sol
minéral et de faciliter l'installation des semis (Sheedy 1997; Doucet et al. 1996). Sheedy (1997;
1996) a réalisé plusieurs études sur des plantations de pins gris, mais sans les comparer avec le
milieu naturel. Il est donc difficile d'évaluer l'ensemble des impacts de la production et de la
plantation sur les plants, en particulier sur les systèmes racinaires.
L'objectif principal de cette étude permettra de comparer le développement architectural, spatial
et temporel des racines de pins gris plantés et naturels. Les objectifs spécifiques sont: de 1)
caractériser l'architecture et la distribution dans l'espace des systèmes racinaires des pins gris
pour les deux types de peuplements étudiés; 2) évaluer le développement des racines à tous les
ordres de ramification et leur croissance en longueur dans le temps. L'hypothèse posée pour
cette étude est que le modelage d'un sillon pour la plantation avec la technique TTS-35
conventionnelle favorise le développement des racines dans l'axe du sillon et influence
l'architecture des systèmes racinaires.
70
4.2 METHODOLOGIE
4.2.1 Sites d'étude
L'étude porte sur deux peuplements de pin gris du domaine de la pessière noire à mousse de
l'Ouest, dans la zone de Sa forêt boréale québécoise (Saucier et al. 1998), une plantation (405 m;
49°19'23"N, 73°27'38"O) et un peuplement naturel (335 m; 49°25I00"N, 73°27'27"O). La région
à l'étude se caractérise par une température moyenne de 12,1 °C et des précipitations totales
moyennes de 568 mm, pour la période de mai à octobre des années 1983 à 2001
(Environnement Canada 2005).
La sélection du site planté a été basée sur trois critères. Les pins gris devaient être âgés d'au
moins 15 ans, avoir été produits en récipient et se situer à proximité d'un peuplement naturel
d'âge comparable. Le choix de l'âge et du type de production des plants prenait comme objectif
d'analyser des pins gris plantés les plus âgés possible, mais dont la méthode de production se
rapprochait le plus de celles en cours actuellement. Le peuplement antérieur à la plantation se
composait d'épinettes noires (Picea mariana (Mill.) BSP), il était mur et régulier, avec une densité
de recouvrement de 60 à 80%. Une coupe préalable à la plantation s'est déroulée en 1980, en
coupe totale par arbre entier. Le site en régénération naturelle se composait de pins gris jeunes
et équiens, avec un recouvrement de 40 à 60%. Le site naturel a été brûlé en 1983, et le feu a
touché un territoire de 450 km2. La régénération s'est établie de 1983 à 1987, avec une
émergence de semis majoritairement en 1985 (St-Pierre et al. 1991). Aucune intervention de
nature anthropique n'a eu lieu sur ce site entre le moment du feu et celui de l'étude.
Le sol du site planté se caractérisait par un till indifférencié. La couche superficielle a été scarifiée
par la méthode de TTS-35 conventionnel, en 1986. Dans Pentre-sillon, l'humus Mor était de
14.5 cm en moyenne, alors que dans le sillon, son épaisseur ne dépassait pas 5 cm, 16 ans
après le scariflage. En milieu naturel, le sol se caractérisait par un dépôt fluvio-glaciaire. La
matière organique n'avait pas été entièrement brûlée lors du feu (St-Pierre et al. 1991) et l'humus
de type Mor présentait une épaisseur moyenne de 8.5 cm, 17 ans après le feu. Pour les deux
sites, la pente était faible (<12%), le drainage rapide et le sol profond (>1 m). L'horizon B
correspondait à un podzol humo-ferrique.
Les deux sites ont été caractérisés par une placette de 400 m 2 , représentative du peuplement. La
fréquence de chaque espèce d'arbres a été notée et extrapolée à l'hectare afin de déterminer la
densité du peuplement (tableau 4.1). En plantation, la densité de peuplement s'élevait à
71
4 625 tiges ha"1. Le pin gris constituait 79% du peuplement, le reste des individus étant
représenté par de Pépinette noir et du cerisier de Pennsylvanie (Prunus pensyivania L.f.). Les
pins gris présentaient une hauteur moyenne de 4.9 m (n - 50) et un diamètre à la base de
83.1mm (n = 50). La densité du peuplement naturel était de 12 075 tige ha"1. Le pin gris
représentait 85% des individus, le reste du peuplement comportait de l'épinette noire et du
peuplier faux-tremble (Populus tremuloides Michx). Au moment de l'échantillonnage, les pins gris
avaient une hauteur moyenne de 4.3 m (n - 50) et un diamètre à la base de 60.8 mm (n = 50).
Les plants de pin gris utilisés dans cette région ont deux provenances possibles: soit la 83F91,
de la zone écologique 8C1 (48°40'N, 77°50'O); soit la 82I40, de la zone écologique 8C2
(48°15'N, 76°50'O) (Saucier et al. 1998). Les plants se sont développés un an en serre et un an
en aire de croissance extérieure (2-0), dans des récipients de type 45-110 (45 cavités de 110 cm 3
chacune), dont les parois intérieures présentaient des rainures verticales (Pépinière Trécesson,
Abitibi). Ils avaient une hauteur moyenne de 35 cm, un diamètre moyen de 4.2 mm et un ratio
hauteur/diamètre de 8.33. Ils ont été plantés à une densité visée de 2 500 tiges ha"1 dans le fond
du sillon, à l'aide d'un plantoir. La grille de plantation était de 1,8 m entre les plans d'une même
rangée et de 2 m entre les rangées. L'alignement et la position des pins gris dans les sillons de
scarification ont permis de différencier les individus naturels de ceux plantés, permettant de
s'assurer que seuls les individus plantés ont été analysés pour ies fins de ce travail. De plus, ils
étaient reconnaissables lors du prélèvement, par le fait de l'enroulement racinaire qui était visible.
4.2.2 Dispositif expérimental
Le dispositif expérimental se basait sur la comparaison des systèmes racinaires de pins gris
issus de deux peuplements, une plantation et un site régénéré naturellement. Cet élément n'est
pas répété dans le cadre de cette étude. Les 14 pins gris plantés présentaient 15 cycles complets
de croissance. En milieu naturel, une certaine variabilité est observée, du fait que la dispersion
des graines après le feu s'étale sur une période généralement de cinq ans. Ainsi, quatre individus
présentaient 13 années complètes de croissance, quatre en présentaient 14, trois en avaient 15
et finalement trois en avaient 16. Sur les deux sites, les systèmes racinaires de 14 arbres,
sélectionnés par un tirage aléatoire parmi les dominants et les co-dominants, ont été déterrés. Ils
ont été apportés au laboratoire pour les analyses ultérieures.
72
4.2.3 Structures racinaires et échelles d'observation utilisées
L'analyse architecturale des arbres a été choisie pour caractériser la morphogenèse du système
racinaire des pins gris. Cette méthode permet d'établir les liens qui régissent les différents
niveaux d'organisation de la plante en se basant sur l'étude de critères morphologiques définis
(Danjon et al. 2005; 1999; Godin et Caragiio 1998; de Foresta 1983). Les recherches portant sur
l'architecture des racines décomposent ce système en échelles d'observation (Danjon et al.
2005; 1999; Atger et Édelin 1994). Le système racinaire en entier, les axes et les segments
forment les trois échelles utilisées dans cette étude. À l'échelle du système racinaire, toutes les
structures sont considérées, sans égard à leur position spatio-temporelle ou à leur fonction. H
s'agit d'un système ramifié composé de plusieurs axes différents (figure 4.1). La croissance en
longueur d'un axe en particulier découle de la partie terminale de cet axe (méristème). L'ordre
d'axe 1 (OA1) se rapporte à la souche ou la racine pivotante et une ramification correspond à un
ordre d'axe supérieur. Ainsi, les ramifications qui débutent leur croissance à partir du pivot sont
de niveau 2 (ordre d'axe 2 ou OA2) et elles constituent les racines principales («first order
lateral»). L'ordre d'axe 3 (OA3) est associé aux racines ramifiées à partir des racines d'OA2; et
ainsi de suite jusqu'à !'OA6. Dans le cadre de cette étude, les axes sont décomposés en une
troisième échelle d'observation, appelée le segment. Un segment est défini entre chaque
ramification portée par un axe racinaire (figure 4.1). Celui-ci se compose donc d'un ou plusieurs
segments dont le nombre correspond à [1 + le nombre de ramifications portées par l'axe].
4.2.4 Acquisition des données et variables analysées
Sur chacun des deux sites, 14 systèmes racinaires ont été extraits du sol manuellement, en
respectant deux contraintes: 1) maintenir les racines dans leur position initiale de développement
dans le sol pour la cartographie; 2) extraire les racines jusqu'à un diamètre de moins de 5 mm.
Un gabarit de 1,5X1,0 m, gradué à tous les 25 cm et subdivisé par des fils en trois sections a été
utilisé comme référence pour la schématisation des racines (figure 4.2A). Il était posé sur le sol
avec la tige située dans l'un des quatre angles qui était encoche (10X10 cm). En faisant pivoter le
gabarit autour de la tige, toute la surface du sol pouvait être quadrillée et chaque racine
reproduite à l'échelle sur papier. Une fois les racines numérotées et dessinées, les systèmes
racinaires entiers ont été récupérés pour les analyses en laboratoire.
Les dessins ont été numérisés et les racines calquées dans un logiciel de dessin (AutoCAD LT
2000, Cohn 1995). À partir des calques numériques, le système ramifié de chaque individu a été
établi en considérant les axes et les segments. Le patron ainsi obtenu a été intégré dans un
73
fichier d'analyse de l'architecture des plantes, de type MTG (de l'anglais « Multi-scale Tree
Graph », Godin et al. 1999a). Ce type de base de données prend en considération les relations
botaniques qui existent entre les différentes structures d'un système ramifié. Ainsi, le nombre
d'ordres d'axe par système racinaire et le nombre d'axes composant chaque ordre ont été
extraits directement de ce fichier à partir du logiciei AMAPmod (Godin et al. 1999b).
La longueur des segments correspond à la mesure en millimètre entre deux ramifications tout en
suivant l'axe de la racine. La longueur a été extraite à partir d'une fonction d'AutoCAD puis
intégrée pour chaque segment particulier dans !e fichier d'analyse MTG. La longueur des racines
a été calculée pour chaque ordre d'axe (2 à 6) et pour le système racinaire entier à partir de la
somme de la longueur des segments (fonction de sommation, AMAPmod).
Pour chacun des deux sites, six systèmes racinaires ont été sélectionnés par un tirage aléatoire
parmi les 14 individus de départ pour des mesures plus détaillées de la croissance racinaire. Sur
ces individus, la correspondance entre le patron de ramification et les dessins a été établie, ce
qui a permis de confirmer la représentativité des dessins par rapport à la réalité. Sur chaque
segment de racine, deux diamètres ont été mesurés perpendiculairement l'un à l'autre, aux
extrémités proximales et distales, pour un total de quatre valeurs par segment (figure 4.1). La
mesure de deux diamètres par extrémité a permis d'obtenir une évaluation plus juste de l'aire de
la section radiale des segments de racine, souvent de forme elliptique. Le diamètre moyen (en
mm) de chaque extrémité des segments de racines a été calculé à partir d'une transformation de
la formule de l'aire des ellipses (M * R * r, où R et r représentent les deux rayons de l'ellipse; Paré
étal. 1967):
/ Yn * diaml* dianû.
diam (Pou D) = ( l
â
\ ï
n
). 2
Où:
diamP = diamètre à l'extrémité proximale du segment (vers la souche, figure 4.1)
diamD = diamètre à l'extrémité distale du segment (vers l'extrémité de la racine, figure 4.1 )
diami et diam2 = diamètres mesurés sur les segments (figure 4.1)
Le volume des racines a été analysé pour chaque OA (2 à 6) et pour le système racinaire entier.
Le volume d'un axe (Vaxe) correspond à la somme de tous les volumes des segments (cône
tronqué, Vseg) de l'axe en question (Paré et al. 1967). Il est calculé à partir des variables
mesurées de la longueur et du diamètre des segments selon la formule:
74
,
/ídiamP}2 ídiamD')2 ( diamP diamD^S,
n» longueur _$egment»(\
+
+
»
n.- tu***-
I
^2 ,
2
2
1 A
-
Enfin, sur ces six systèmes racinaires analysés en détail, la profondeur de ramification des
racines principales (OA2) et la longueur totale du pivot après la dernière ramification ont été
mesurées (mm). Seul le point de ramification des OA2 est considéré, car la profondeur n'ayant
pas été mesurée sur Se terrain, l'information était perdue une fois les systèmes extraits. Halter et
al. (1993) ont observé que le nombre de racines principales était faible dans les 10 premiers cm
de sol chez des Pinus conforta Dougl. ex Loud, plantés. En considérant ce point, le nombre des
racines principales des pins gris étudiés a été calculé en fonction de quatre classes de
profondeur:
1:0 à-10 cm;
2:-10 à-20 cm;
3: -20 à -30 cm;
4: > -30 cm.
et la distribution obtenue a été comparée entre les deux sites.
4.2.5 Évaluation de la croissance des racines dans le temps
La croissance en longueur des racines a été évaluée pour trois systèmes racinaires par site,
sélectionnés par un tirage aléatoire parmi les six individus analysés en détails (mesure du
diamètre et calcul du volume). Chaque segment a été identifié et sectionné à un centimètre de
son extrémité proximale (figure 4.1 ). Les sections radiales ainsi obtenues ont été coupées à l'aide
de lames de rasoir et colorées à la craie pour bien faire ressortir les cernes de croissance des
racines (Schweingruber 1988). Ceux-ci étant excentrés, leur nombre a été calculé sur le rayon le
plus long, en utilisant une loupe binoculaire. La croissance annuelle en longueur des racines a
été estimée, compte tenu de l'absence de marqueurs externes indiquant les phases de repos
entre les pousses. La longueur des segments a été additionnée lorsque le nombre de cernes
était identique entre deux segments consécutifs. Si le nombre de cernes différait, la longueur du
1 e r des deux segments consécutifs était divisée par [1 + la différence du nombre de cernes entre
les deux segments]. La valeur obtenue correspondait alors à la longueur estimée pour chaque
année séparant les deux segments consécutifs. Cette estimation peut conduire à une sur- ou une
sous- estimation de la croissance annuelle en longueur des racines. Cependant, la fréquence de
ramifications près de la tige était élevée (segments courts, < 15 cm), permettant une grande
75
précision dans ce secteur. D'autre part, en s'éloignant de la tige, bien que la longueur des
segments augmentait, la différence du nombre de cernes entre deux segments était de 2 ou 3
seulement. En tenant compte du fait que, pour les racines, il n'y a pas de marqueur externe pour
déterminer les arrêts de la croissance, donc les pousses annuelles, l'estimation de la croissance
en longueur est considérée représentative.
L'âge des racines a été compté pour tous les OA, à l'exception de la souche, mais les analyses
ont porté uniquement sur les OA 2, 3 et 4, car les OA 5 et 6 comptaient un nombre de
ramifications trop faible pour être considéré (tableau 4.2). L'âge a été ramené en temps depuis la
germination et les 13 premières années de la croissance sont considérées. Cette opération a
permis de comparer la croissance racinaire entre les deux sites en fonction de leur cycle de
développement, et non en fonction des conditions environnementales. La variation annuelle de la
longueur des racines a été comparée entre les deux sites pour les OA 2, 3 et 4, ensemble et
séparément. Le taux d'accroissement annuel moyen, en cm an*1, a été calculé en fonction de
deux périodes de temps, soit de 1 à 5 ans et de 6 à 10. Le pourcentage de longueur des racines
développées pendant ces deux périodes a été calculé par rapport à longueur totale après 13 ans.
Le pourcentage après 10 ans n'est pas présenté du fait que le nombre d'année de la classe
d'âge n'aurait pas été le même. Le taux d'accroissement et le pourcentage par classe de temps
ont été comparés entre les deux sites.
4.2.6 Distribution dans l'espace des systèmes racinaires
L'étude de la distribution des racines porte sur les 28 individus déterrés (14 par site), car ils ont
tous été dessinés. Les sillons de plantation, orientés nord-ouest / sud-est, ont été utilisés comme
point de départ pour diviser le sol autour des tiges en sept secteurs. Le secteur central est
circulaire, centré sur la tige et mesure 60 cm de diamètre, ce qui équivaut à la largeur des sillons
(figure 4.2B). Les secteurs périphériques, au nombre de six, sont de forme triangulaire. Ils partent
de la tige et s'ouvrent en un angle de 60° et la portion du triangle correspondant au secteur
central en est exclue (triangle tronqué). Les secteurs opposés sont groupés par deux (figure
4.2B). Sur le site planté, le secteur 1 se superpose au sillon et les secteurs 2 et 3 se situent sur
les côtés. Sur le site naturel, les secteurs ont été orientés de la même manière que sur le site
planté (sect. 1 : NO-SE), afin de favoriser une meilleure parité entre les données en réduisant
l'influence potentielle de l'exposition. Les secteurs ont été délimités précisément avec le logiciel
AutoCad et la longueur des racines dans chacun a été déterminée. Le pourcentage de la
longueur des racines a été calculé pour les trois secteurs périphériques par rapport à la longueur
totale du système racinaire. Ces trois valeurs ont été comparées, pour un même site. De plus, le
76
secteur ayant le plus de racines a été déterminé pour chaque individu et la fréquence comparée
entre les sites.
4.2.7 Analyses statistiques
Le nombre d'individus utilisé varie en fonction du type d'analyse effectué et des différentes
variables mesurées (tableau 4.2). Le temps nécessaire pour obtenir certaines des variables
explique cette réduction dans le nombre de systèmes racinaires analysés. Les distributions de
fréquence (nombre d'OA par système racinaire, nombre de racines par OA, secteurs les plus
utilisés dans la distribution spatiale des racines) ont été comparées avec un test de khi carré en
tableau de contingence et en fonction de leur distribution autour de la moyenne. Au niveau des
variables de la longueur, du volume et de la répartition en surface, les comparaisons entre les
sites ont été réalisées via la distribution des données autour de la moyenne. L'homogénéité des
variances a été vérifiée pour chaque comparaison. Dans le cas de variances homogènes, une
analyse de variance (ANOVA, plus de deux catégories) ou un test t (deux catégories) a été
utilisé. Dans le cas de variances non homogènes, un test de Kruskal-Wallis (plus de deux
catégories) ou un test f adapté (deux catégories) a été utilisé. La fréquence des OA a été
comparée entre les sites. La fréquence des racines par OA, la longueur et le volume des racines
ont été comparés entre les sites à tous les OA et pour un même site, entre les OA. Le
pourcentage de racines par secteur a été comparé à l'intérieur des sites, alors que la distribution
des racines en profondeur a été comparée entre les sites. Les analyses temporelles n'ont pas été
soumises à des tests statistiques, car le n était trop petit (tableau 4.2). Les analyses statistiques
ont été appliquées selon les méthodes décrites par Zar (1984) et à l'aide du logiciel Jump (JMP
user's guide 2002).
4.3 RÉSULTATS
4.3.1 Patron de ramifications
Vingt-huit systèmes racinaires totalisant 3 656 racines sont analysés. De ce nombre, 1 479 axes
de racine appartiennent aux arbres du milieu naturel et 2 177 à ceux du site planté (tableau 4.2).
Le nombre maximal d'OA formés par les systèmes racinaires des pins gris étudiés varie de
quatre à six pour les deux sites (tableau 4.3). La majorité des arbres édifie jusqu'à cinq OA
racinaires, soit huit individus en milieu naturel et sept en plantation. Les arbres du site naturel
semblent former plus d'OA que ceux du site planté, quoique la probabilité soit tout juste audessus de la valeur seuil (p=0,054). Sur les deux sites, les OA3 et OA4 présentent les effectifs
les plus élevés (tableau 4.2, figure 4.3A). Les OA 5 et 6 en ont le moins, alors que les OA2, soit
77
tes racines principales, sont en nombre intermédiaire. La quantité moyenne de ramifications par
arbre est plus élevée en plantation (155±20) par rapport au milieu naturel (106±16). Cette
différence n'est pas significative bien qu'elle se situe au seuil de la valeur limite de 0,05
(p=0,066). Les arbres plantés initient plus de racines des OA2 (20±2), OA3 (87±12) et OA4
(43±8) que les arbres du site naturel (14±2; 52±8 et 29±5 respectivement). Cependant, seul
POA3 présente une différence significative entre les sites (p=0,019).
4.3.2 Croissance et volume des racines
La longueur totale des racines est significativement plus élevée en plantation qu'en milieu naturel
(p=0,004, figure 4.3B - tout). Il en va de même pour POA2 (p=0,001) et POA3 (p=0,004), dont les
racines totalisent une longueur plus élevée en plantation. La longueur des OA4, OA5 et OA6
s'avère comparable entre les deux sites. En milieu naturel, les racines des OA2 et OA3
présentent des longueurs analogues, alors que celles des OA4, OA5 et OA6 sont
significativement plus courtes (p<0,001). Les racines produites par les arbres plantés sont plus
longues pour I'OA3, de longueur intermédiaire pour I"OA2 et plus courtes pour les OA4, OA5 et
OA6(p<0,001).
La variance du volume des racines est plus élevée pour les arbres plantés que pour les arbres
naturels (figure 4.3C). Cela pourrait expliquer en partie l'absence de différence significative entre
les deux sites bien que les racines des arbres plantés présentent des volumes plus importants
(Ptout=0.179; PAO2 = 0,125; POA3 = 0,234). D'un autre côté, le volume des systèmes racinaires se
concentre principalement au niveau de I'OA2, suivi de I'OA3, cela pour les deux sites. Les
racines des OA4, OA5 et OA6 forment à peine 3% du volume total des systèmes racinaires
(p<0,002).
4.3.3 Évolution temporelle de la croissance en longueur
La croissance en longueur des OA2 a été évaluée de l'année de germination (1 r a année de la
croissance) jusqu'à 13 ans. Sur les plus vieilles racines, le nombre de cernes de croissance est
identique à celui de la base de la tige (figure 4.4). Les racines principales (OA2) des arbres
plantés présentent deux ou trois cernes de moins par rapport à la tige. Cette apparente absence
de croissance s'expliquerait par l'enroulement des racines autour de la souche et par le chignon
qui en englobe une partie. De ce fait, les racines n'ont pu être coupées à leur point de
ramification pour compter les cernes, ce point étant localisé dans la masse compacte issue de
cet enroulement.
78
Les racines des arbres naturels croissent en longueur plus rapidement pendant les cinq
premières années de leur développement (figure 4.4), suivi d'une croissance maximale d'une
durée de un à trois ans, puis d'un ralentissement. La longueur maximale élaborée par les racines
au cours d'une année atteint 3,4 m à cinq ans, 3,9 m à sept ans et 5,0 m à onze ans pour les
trois individus du site nature!. La phase de croissance rapide des racines des arbres plantés
débute après quatre ans et la croissance en longueur par année atteint les valeurs maximales
entre huit et 12 ans (figure 4.4). Le ralentissement de la croissance annuelle des racines se
produit dès l'année suivante. La longueur maximale annuelle des racines des arbres plantés
équivaut presque au double de celle atteinte par les arbres du site naturel, soit à 8 ans avec
6,5 m, et à 12 ans avec 7,2 m et 11,3 m.
Pour les deux sites, les racines des OA2 et OA3 influencent le plus le patron temporel de la
croissance en longueur des systèmes racinaires (figure 4.4). Sur le site naturel, les racines de
PQA2 atteignent rapidement les valeurs maximales, soit entre la 4 e et la 6 e année (1,0 m, 2,1 m et
3,5 m). Le ralentissement de la croissance s'étend sur une période de neuf à dix ans. En
plantation, les racines de POA2 atteignent leur maximum de croissance après six, huit et 12 ans
(3,0 m, 3,1 m et 4,1 m). Le ralentissement de la croissance est plus rapide qu'en milieu naturel,
soit sur une période de moins de cinq ans.
En milieu naturel, la croissance annuelle maximale des racines de l'QA3 survient à cinq (1,3 m),
sept (3,0 m) et 12 ans (3,5 m; figure 4.4). Le ralentissement qui s'en suit se déroule sur une
période de quatre à cinq ans. Les racines de POA3 des arbres plantés atteignent leurs valeurs
maximales après huit (5,0 m), 12 (6,6 m) et 13 ans (4,6 m). Le ralentissement de la croissance en
longueur des racines des arbres plantés est plus rapide comparativement aux arbres du milieu
naturel.
Les racines de I'OA4 ne présentent pas de patron défini de croissance annuelle. Celle-ci varie
d'une année à l'autre, d'un individu à l'autre et en fonction des sites (figure 4.4). Pour le site
naturel, les maxima surviennent à sept, neuf et 11 ans, mais les longueurs maximales pour une
année restent faibles en comparaison avec les autres OA (0,8 m, 0,2 m et 1,4 m). Pour le site
planté, les maxima surviennent plus tard, à la 12e (0,7 m et 0,9 m) et à la 13e (1,0 m) année.
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Il ressort de ces études et de nos résultats que l'activation des gènes VAL2-like et peut-être VAL3 est la cause probable de la répression de CaABI3 et CaABI3-like en fin de développement des graines de C. australe (Figure 5.1). Chose intéressante, le profil inverse est observé dans les graines matures de M. truncatula où VAL2-like et VAL3 sont réprimés en parallèle d'une expression importante de MtABI3 (Figure 3.8). La participation de VAL3 est à considérer avec précaution car le rôle de ce facteur semble mineur dans la répression des gènes de maturation (Suzuki et al., 2007). Ces auteurs ont émis l'hypothèse que l'expression de VAL2 pourrait être induite par les GA. Leur conclusion se base sur la présence du phénotype embryonnaire des plantules du mutant val1 uniquement si ces dernières sont cultivées en présence d'inhibiteur de GA. Ils en déduisent que la synthèse de GA pourrait activer l'expression de VAL2 pour compenser la déficience de VAL1 dans le mutant et permettre un développement normal des plantules (Suzuki et al., 2007). Cette hypothèse recoupe tout à fait nos observations transcriptomiques montrant une activation de la voie de biosynthèse et de signalisation des GA dans les graines matures de C. australe. Conclusion et perspectives
Ces travaux de thèse ont porté sur l'analyse comparative des graines orthodoxes de M. truncatula et récalcitrantes de C. australe par des approches protéomique et transcriptomique. Ils ont été menés dans l'objectif de répondre à deux questions : mettre en évidence des mécanismes impliqués dans l'acquisition de la TD des graines mais également comprendre l'origine de la sensibilité à la dessiccation des graines récalcitrantes en caractérisant pour la première fois à l'échelle moléculaire le développement de l'une d'entre elles. La caractérisation du protéome stable à la chaleur et du transcriptome de graines de C. australe par des techniques haut-débit a permis d'avoir une vue plus globale et plus précise sur le développement de ces graines par rapport aux données publiées jusqu'ici. Les conclusions de nos résultats viennent donc appuyer ou nuancer des résultats précédemment obtenus par des approches plus ciblées. Par exemple, des déhydrines ont été détectées par western-blot chez bon nombre d'espèces récalcitrantes, suggérant un rôle mineur de ces protéines dans la TD, mais aucune donnée n'était disponible concernant les autres familles de protéines LEA. Nos résultats confirment que les déhydrines sont fortement accumulées dans les cotylédons matures de C. australe mais ils montrent également que les autres protéines LEA spécifiques des graines sont nettement moins abondantes que chez M. truncatula, voire absentes. Il est sans doute trop simple de considérer que la sensibilité à la dessiccation des graines récalcitrantes puisse être expliquée par l'absence complète d'un mécanisme majeur exprimé au cours de la maturation des graines orthodoxes : par exemple absence de toutes protéines LEA, des sHSP ou de réponse antioxydante. La recherche de membres spécifiques au sein de ces grandes familles de molécules impliquées dans la TD est une voie plus réaliste. Effectivement, comme pour les protéines LEA, nos données transcriptomiques suggèrent que seules certaines sHSP et certains mécanismes antioxydants sont peu exprimés dans les cotylédons de C. australe. En recoupant ces données avec celles publiées sur d'autres modèles d'étude, nous avons pu ressortir des acteurs jouant probablement un rôle important dans l'absence de la TD de ces graines : HSP17.4, HSP17.9, HSP18.2, glutathion, 1-cys peroxyredoxine, LEA spécifique des graines. Ces travaux apportent également des résultats tout à fait nouveaux concernant le développement des graines récalcitrantes. Pour la première fois, l'expression des gènes codant pour les régulateurs majeurs de la maturation des graines orthodoxes a été étudiée chez une graine récalcitrante. En effet, l'axe est plus tolérant à la dessiccation chez certaines espèces récalcitrantes comme Castanea sativa (Leprince et al., 1999) et certaines protéines LEA (EM6, D113, D34-II) sont beaucoup plus abondantes dans l'axe que dans les cotylédons de graines matures de M. truncatula (Chatelain et al., 2012). La répression du régulon ABI3 couplée à une activation des gènes impliqués dans la biosynthèse et la signalisation des GA et des gènes codant pour les répresseurs de maturation VAL sont autant d'indices suggérant une transition maturation/germination dans les graines matures de C. australe. En se basant sur ce qui a été observé chez les graines orthodoxes, cette phase de transition devrait s'accompagner d'une augmentation du ratio GA/ABA dans les graines de C. australe. Cependant, le modèle est peut être plus complexe car les graines matures de C. australe sont également caractérisées par une activation de l'expression des gènes impliqués dans la biosynthèse et la signalisation de l'ABA ainsi que dans la réponse au stress. Les voies de l'ABA et des GA, connues pour leur antagonisme chez les graines orthodoxes, pourraient donc être activées toutes les deux en fin de développement chez les graines récalcitrantes de C. australe. Mesurer l'évolution de la teneur en GA et ABA au cours du développement des graines nous permettrait de confirmer cette hypothèse. A la suite de cette thèse, l'étude du développement des graines de C. australe sera poursuivie en collaboration avec l'équipe sud-africaine de Dr. Jill Farrant dans le cadre d'une thèse. L'analyse transcriptomique des cotylédons et des axes sera étendue à stades de développement et sera complétée par le dosage des phytohormones, une analyse métabolomique et une analyse cellulaire (microscopie électronique). Le dernier chapitre de cette thèse s'est focalisé sur l'analyse fonctionnelle des deux gènes homologues ABI3 clonés chez C. australe. Malgré une très forte similarité entre eux, seul CaABI3-like est capable d'activer les cibles ABI3 par sur-expression ectopique dans les racines. La fonction de CaABI3, qui n'active que très peu de cibles ABI3 et ne complémente pas le mutant abi3-5 d'A. thaliana, reste à élucider. L'utilisation de prédicteurs de structures pourrait être intéressante pour essayer de comprendre pourquoi CaABI3 n'est pas fonctionnel alors que CaABI3-like, pourtant très proche au niveau similarité de séquences, l'est. Chapitre VI Matériel et méthodes 164
B
A
C
E
D Figure 6.1. Marquage des fleurs pour la récolte des graines au cours de la maturation. Les fleurs sont étiquetées lors de leur complète ouverture (jour 0) (A) et se referment rapidement après la fécondation, ici 1 jour après floraison (DAF) (B). A partir de 4 DAF, la gousse est bien visible (C) et grossit rapidement au cours de l'embryogenèse 7 DAF (D) et 10 DAF (E). A B C Figure 6.2. Différents stades de développement des gousses de C. australe utilisés dans cette étude. Stade immature gousse verte-jaune (CaG) (A), mi-mature gousse jaune (CaY) (B) et mature gousse marron (CaB) (C) (Photos : Udisha Chathuri). 165 1-Matériel végétal 1.1-Medicago truncatula
Deux génotypes de M. truncatula ont été utilisés au cours de cette thèse : le génotype A17 pour les analyses protéomiques et transcriptomiques des chapitres II et III et le génotype R108 pour l'analyse fonctionnelle des gènes CaABI3 et CaABI3-like du chapitre IV. En effet, les deux lignées de mutants M. truncatula comportant une insertion Tnt1 dans le gène ABI3 (NF3185 et NF6003 respectivement appelées Mtabi3-1 et Mtabi3-2 dans le reste de l'étude) ont été obtenues par la Samuel Noble Foundation (Oklahoma, USA) dans le génotype R108. Les graines homozygotes mutantes ont été sélectionnées en se basant sur la couleur des graines qui restent vertes à maturité, phénotype récessif non visible chez les plantes homozygotes. Les insertions Tnt1 dans les deux mutants ont été vérifiées par PCR (Annexe 1 pour les amorces) et les lignées ont été rétro-croisées avec le parent sauvage une fois pour Mtabi3-1 et deux fois pour Mtabi3-2. Les plantes de M. truncatula de tout génotype ont été cultivées en chambre climatique sous une photopériode de 16h à 24°C avec un éclairement de 200 μmol de photons m-2 s-2 et 8h à 21°C sous obscurité. Les fleurs ont été étiquetées au jour de floraison correspondant à leur ouverture totale (Figure 6.1) puis les graines ont été dégoussées à différents intervalles au cours de la maturation : de la fin de l'embryogenèse (11 jours après floraison DAF) à l'abscission. Les graines fraîches ont été immédiatement utilisées pour les manipulations physiologiques ou congelées dans l'azote liquide et stockées à -80°C vue des analyses transcriptomiques, protéomiques et biochimiques. Etant donné l'impossibilité de stocker des graines homozygotes mutantes, des cultures de Mtabi3-1 et Mtabi3-2 ont été maintenues en permanence à partir de graines fraîchement récoltées. 1.2-Castanospermum australe
Les graines de C. australe ont été récoltées au cours de la maturation et à l'abscission sur des arbres poussant à Pietermaritzburg (Kwazulu-Natal, Afrique du Sud) en 2009 et 2011. Celles de la première récolte ont été ramenées à Angers par avion dans les 48h suivant la récolte où elles ont été immédiatement traitées. Les axes embryonnaires de graines immatures (récoltées en mai) et matures (récoltées en juillet) ont été séparés des cotylédons et congelés dans l'azote liquide puis stockés à -80°C en vue du séquençage Illumina. Les cotylédons frais ont été utilisés pour la détermination de la sensibilité à la dessiccation ou séchés un ou trois jours dans un dessiccateur NaCl à 75 % d'humidité relative (RH) avant d'être congelés dans l'azote liquide et stockés à -80°C pour le séquençage Illumina, les analyses protéomiques et biochimiques. Les ARN de cotylédons et d'axes embryonnaires de graines immatures (gousse verte-jaune ; CaG), mi-mature (gousse jaune ; CaY) et matures (gousse marron ; CaB) de la récolte de 2011 (Figure 6.2) ont été extraits en Afrique du Sud puis transportés par avion dans la carboglace jusqu'à Angers pour le séquençage 454. 1.3-Arabidopsis thaliana
Le mutant abi3-5 d'A. thaliana a également été utilisé pour l'analyse fonctionnelle de CaABI3. Ce mutant a été obtenu dans l'écotype Landsberg par traitement EMS (méthanesulfonate d'éthyle) aboutissant à la délétion d'un nucléotide et la production d'une protéine tronquée non fonctionnelle (Bies-Ethève et al., 1999). Des graines issues d'une plante hétérozygote nous ont été données par Thierry Joët de l'IRD Montpellier 166 (génération 0). Les graines homozygotes mutantes (vertes, insensibles à l'ABA) et sauvages (beiges, sensibles à l'ABA) ont été séparées dans la descendance de ces plantes en se basant sur la couleur des graines dans les siliques déhiscentes (génération 1) et en confirmant le phénotype vis-à-vis de la sensibilité à l'ABA dans la génération suivante (génération 2) (cf 2.3 pour le protocole de sensibilité à l'ABA). Comme pour Mtabi3, des cultures homozygotes d'abi3-5 ont été maintenues en permanence à partir de graines fraîchement récoltées. Les cultures se sont faites en chambre climatique sous une photopériode de 16h à 24°C avec un éclairement de 200 μmol de photons m-2 s-2 et 8h à 21°C sous obscurité.
2-Traitements 2.1-Test de germination
Des graines de C. australe issues de la récolte 2009 ont été conservées un an dans une étuve à 15°C 60 % RH au terme duquel leur capacité germinative a été testée. Afin d'éliminer les contaminations fongiques, les téguments ont été régulièrement rincés à l'éthanol 70 %. La capacité germinative de graines de M. truncatula fraîchement récoltées à différents stades développement a été mesurée par percée de la radicule dans les 24 jours après imbibition dans l'eau sur papier filtre à 20°C et à l'obscurité. 2.2-Mesure de tolérance à la dessiccation 2.2.1-M. truncatula
La tolérance à la dessiccation des graines sauvages (R108) et mutantes (Mtabi3-1 et Mtabi3-2) a été mesurée sur des graines récoltées à différents points au cours de la maturation. La teneur en eau (TE) associée à ces stades de développement a été mesurée sur trois à quatre répétitions de 5x3 graines par pesée des graines avant (MF) et après (MS) séchage dans un four à 96°C pendant 48h : TE (en g H2O g MS-1) = (MFMS)/MS. Deux à cinq répétitions de 30 à 50 graines récoltées à chaque stade de développement ont été rapidement séchées dans un dessiccateur K 2CO3 43 % RH (teneur en eau équilibrée à 0,09 g H20 g MS -1) puis imbibées sur papier filtre et eau à 20°C à l'obscurité après 48h dans le dessiccateur. Les graines sont considérées tolérantes à la dessiccation lorsqu'elles germent dans les 24 jours suivant l'imbibition dans les conditions décrites au point 2.1. 2.2.2-C. australe
La sensibilité à la dessiccation des cotylédons de C. australe a été déterminée sur des cubes d'environ 3x5x3 mm isolés du coeur des cotylédons de graines récoltées en 2009. Les cubes sont séchés de 0h à 8h dans un dessiccateur contenant une solution saturée de NaCl 75 % RH puis coupés en deux moitiés. La teneur en eau après séchage est déterminée à partir de la première moitié (cf 2.2.1) tandis que la viabilité du tissu est évaluée par incubation de la deuxième moitié 24h dans une solution à 1 % (m/v) de tetrazolium (SigmaAldrich, France). Après incubation, les tissus vivants sont colorés en rouge contrairement aux tissus morts. Les cubes sont photographiés et la couleur rouge est quantifiée selon l'intensité des pixels par le programme ImageJ (http://rsb.info.nih.gov/ij/). La viabilité des tissus cotylédonaires a été mesurée sur quatre répétitions de séchage indépendants comportant chacun 50 à 100 cubes.
2.3-Mesure de sensibilité à l'ABA
La sensibilité à l'ABA de graines matures R108 (graines sèches post-maturées six mois), Mtabi3-1 et Mtabi3-2 (stade abscission) a été évaluée sur trois répétitions de 40 à 50 graines imbibées sur papier filtre à différentes concentrations en ABA (isomères mixés, Sigma, St Louis, MO, USA) à 20°C à l'obscurité. L'ABA est dissout dans le méthanol avant dilution dans l'eau à 500 μM puis dilution en cascade pour former une gamme décroissante. Les graines témoins ont été imbibées dans l'eau contenant 0,5 % de méthanol, ce qui correspond à la concentration de méthanol dans le à 500 μM d'ABA. La germination est déterminée par percée de la radicule après 14 jours d'imbibition. Pour les graines d'A. thaliana, plus sensibles à l'ABA, seules trois concentrations ont été testées : 0, 1 et 10 μM d'ABA. 3-Analyse bi-dimensionnelle du protéome stable à la chaleur 3.1-Extraction des protéines stables à la chaleur
Les protéines totales ont été extraites à partir de trois répétitions de 25 graines de M. truncatula (A17, R108, Mtabi3-1 et Mtabi3-2) et de 400 mg de cotylédons issus d'au moins trois graines différentes de la récolte de 2009 de C. australe pour chaque répétition. L'extraction est réalisée selon le protocole de Boudet et al. (2006) dans 1 mL de tampon HEPES 50 mM / EDTA 1 mM / cocktail d'inhibiteurs de protéases Complete 1X (Roche), à partir d'échantillons broyés dans l'azote liquide avec mortier et pilon. Après 30 min sur glace et 15 min de centrifugation à 14000 rpm, le surnageant est récupéré et la concentration en protéines solubles totales est mesurée selon la méthode de Bradford (1976). Pour conserver les protéines stables à la chaleur selon la méthode utilisée par Chatelain et al. (2012), cette solution est diluée à 3 μg μL -1 dans le tampon d'extraction et incubée 10 min à 95°C sous agitation (300 rpm) dans un thermobloc (Thermomixer Comfort, Eppendorf). L'échantillon est incubé sur glace 15 min avant d'être centrifugé 15 min à 14000 rpm et 4°C. Les protéines stables à la chaleur, non précipitées par ce traitement, sont récupérées dans le surnageant et dosées par la méthode de Bradford (1976). Après 4h de précipitation en présence d'acide trichloroacétique (TCA) à 20% (v/v) sur glace et 20 min de centrifugation à 14000 rpm et 4°C, le culot est successivement lavé avec 100 μL d'acétone 80%, d'acétone 100%, d'éthanol 80% et 'éthanol 100% puis resuspendu dans 300 μL de tampon de réhydratation (Urée 6 M / Thiourée 2 M / CHAPS 4 % / dithiothreitol (DTT) 1 mM / biolytes 1 %). Après 36 h à 4°C, la concentration en protéines stables à la chaleur effectivement resuspendues est de nouveau dosée par la méthode de Bradford (1976) en réalisant la gamme témoin avec du tampon de réhydratation afin de prendre en compte la présence d'urée dans le tampon. 3.2-Isoélectrofocalisation
Pour l'analyse protéomique, 150 μg de protéines stables à la chaleur de graines de C. australe et de M. truncatula A17 ainsi qu'un mélange 1:1 des deux extraits (300 μg) ont été nécessaires. L'analyse a également été menée à partir de 150 μg de protéines stables à la chaleur de graines de M. truncatula R108, Mtabi3-2, Mtabi3-1. Les extraits sont ramenés à un volume final de 450 μL en ajoutant du tampon de réhydratation. La séparation selon le point isoélectrique (pI) des protéines est effectuée à l'aide de bandelettes de focalisation de
168 Tableau 6.1. Composition des gels de polyacrylamide 12 % 24 cm pour analyse protéomique bi-dimensionnelle. Protogel 40 % = solution Acrylamide / Bis (37,5:1) (Bio-Rad) ; APS = persulfate d'ammonium 40 % (m/v) ; Tampon de séparation 4X = Tris-HCl 1,5 M pH 8,8 / SDS 0,4 % (m/v) ; TEMED = Tetramethylethylenediamine Réactif Volume pour 1 gel Protogel 40 % 12 % 30 mL Glycérol 80 % (v/v) 10 % 12,5 mL Tampon de séparation 4X 1X 25 mL APS 40 % 0,056 % 140 μL TEMED 100 % 0,15 % 150 μL H2O Pour volume final 100 mL 32,5
m
L 169 24 cm sur lesquelles est immobilisé un gradient de pH 3-10 non linéaire (Bio-Rad, Hercules, CA, USA). Une fois imbibées de l'échantillon, les bandelettes sont recouvertes d'huile minérale pour
éviter toute é
vapor
ation.
L'isoélectrofocalisation (IEF) se déroule à 20°C dans une cuve d'isofocalisation (Protean IEF Cell, BIORAD) selon le programme suivant : hydratation active de 3h à 250 V, puis une augmentation progressive du voltage à 6 kV pendant 4h. Ce voltage est maintenu jusqu'à cumuler 27 kVh (6 kVh -1 pendant 4,5h) avant d'augmenter à nouveau jusqu'à 8 kV. Ce voltage est ensuite maintenu jusqu'à cumuler 20 kVh (8 kVh -1 pendant 2,5h). 3.3-Electrophorèse sur gel de polyacrylamide
en condition dénaturante. Une fois séparées selon leur pI, les protéines doivent migrer selon leur poids moléculaire sur un gel de polyacrylamide en conditions dénaturantes (SDS-PAGE). Au préalable, les bandelettes sont dénaturées par une incubation de 15 min dans le tampon EQ1 [DTT 130 mM / Urée 8 M / Tris-HCl 375 mM pH 8,8 / Glycérol 20 % (v/v) / SDS 2 % (m/v)] puis une deuxième incubation de 15 min dans le tampon EQ2 [Iodoacétamide 250 mM / Urée 8 M / Tris-HCl 375 mM pH 8,8 / Glycérol 20 % (v/v) / SDS 2 % (m/v)]. Elles sont ensuite placées au sommet de gels de polyacrylamide 12 % (m/v), dont la composition est donnée dans le tableau 6.1, et recouverte d'une solution d'agarose 1 % (m/v) contenant du bleu de bromophénol afin de les maintenir et permettre la visualisation de la migration des protéines. La migration électrophorétique s'effectue à 10°C pendant 1h à 25 V et 20 h à 110 V dans le système Ettan DALTsix (Amersham Biosciences) avec un tampon de migration [Tris-HCl 15,6 mM / glycine 120 mM pH 8,0 / SDS 0,1 % (m/v)]. 3.4-Coloration des gels et quantification des spots
Les protéines sont fixées dans le gel de polyacrylamide par une solution de fixation [acide acétique 2 % (v/v) / éthanol 40 % (v/v)] pendant 1 h sous agitation. Les gels sont ensuite colorés par incubation dans une solution de coloration [Brillant Blue G colloïdal concentrate (Sigma-Aldrich) 0,08 % (m/v) / méthanol 20 %] pendant 48h. Pour la décoloration, les gels sont tout d'abord brièvement placés dans un mélange acide acétique 5 % (v/v) / éthanol 25 % (v/v), puis dans plusieurs bains d'éthanol 25 % (v/v). Ils sont ensuite numérisés par le scanner GS 800 (Bio-Rad) à la résolution 63,5 x 63,5. Au moins trois gels issus de trois extractions indépendantes par condition sont analysés avec le logiciel PDQuest 7.2.0 software (Bio-Rad). Les intensités des spots sont normalisées selon la méthode de la quantité totale des spots valides. Un test-t a permis de révéler les différences significatives d'intensité entre les spots de M. truncatula et de C. australe et entre ceux de R108 et de Mtabi3-1 / Mtabi3-2. 3.5-Identification des spots
110 spots d'intérêts ont été excisés du gel 2D pour être identifier. Tout d'abord, les spots sont rincés avec 100 μL de carbonate d'ammonium 25 mM pendant 1h et déshydratés avec 100 μL d'un mélange volume à volume d'acétonitrile et de carbonate d'ammonium 25 mM pendant 45 min à température ambiante. Les protéines sont ensuite réduites et alkylées 1h à 57°C en présence de DTT 10 mM puis d'iodoacétamide 55 mM pendant 45 min. Après un nouveau lavage au carbonate d'ammonium et une nouvelle déshydratation à l'acétonitrile 100 %, les spots sont réhydratés avec 10 μL de trypsine à 15 ng μL -1 (Sequencing grade, Promega, Madison, WI) dans du carbonate d'ammonium 25 mM. Après une nuit d'incubation à 37°C, les 170 fragments tryptiques sont extraits par un mélange d'acide formique 1 % dans de l'acétonitrile 70 % et analysés par un spectroscope LC-ESI-MS/MS avec HPLC (Famos-Switchos-Ultimate system, LC Packings, Dionex, San Francisco, CA, USA) couplé à un spectromètre de masse Q-TOF (hybrid quadrupole orthogonal acceleration time-of-flight) (Global, Micromass-Waters, Manchester, UK). Ces données générées sur la plate-forme BIBS (Biopolymères, Biologie Structurale ; INRA Nantes) sont ensuite traitées avec le programme Protein Lynx Global Server (Micromass-Waters). La comparaison avec les séquences des bases de données Uniprot (version août 2010) et TIGR Medicago EST permet l'identification des protéines. Pour le protéome stable à la chaleur de M. truncatula, les spots liés aux protéines LEA sont identifiés grâce au gel
référence publié par Chatelain et al. (2012). 4-Détermination de la teneur en sucres solubles des cotylédons de C. australe
La teneur en sucres solubles (raffinose, stachyose, verbascose, saccharose, fructose et glucose) a été mesurée dans les cotylédons de stade mi-mature et mature de C. australe récoltés en 2009. Après lyophilisation pendant 24 h, la masse sèche des échantillons est pesée avant broyage au broyeur à bille (TissueLyser, QUIAGEN) à une fréquence de 30 s-1 pendant 2 min. 40 μL d'une solution de mélézitose à 4 g/L, servant de témoin interne, et 1 mL d'une solution de méthanol 80 % sont ajoutés au broyat. Les échantillons sont ensuite incubés 15 min à 76°C, puis le méthanol est évaporé au speed-vac (Mi Vac quatro concentrator, GENEVAC) pendant 2 h à 40°C. Le culot est repris dans 1 mL d'eau ultra-pure et centrifugé 5 min à 4°C à 13500 g (R5417, Eppendorf). Le surnageant est dilué entre 25 et 50 fois. Les échantillons sont analysés par chromatographie ionique haute performance en phase liquide, en utilisant le système DIONEX (Dionex Corp., Sunnyvale, CA, USA), contenant une précolonne AS11 ion exchanger et une colonne Dionex CarboPac PA1 (2 x 250 mm). Les sucres sont détectés par ampérométrie après séparation sur une colonne CarboPac PA1 avec un débit constant à 0.25 mL/min de NaOH 0,1 M. La concentration en sucres des échantillons est déterminée par comparaison avec un échantillon standard dont les quantités de sucres sont connues. La concentration du verbascose est quant à elle calculée sur la base de la surface du pic chromatographique correspondant au stachyose du à l'absence de standard . Les teneurs en sucres sont exprimées en mg de sucre par mg de MS. 5-Séquençage du transcriptome de C. australe 5.1-Extraction des ARN et séquençage des banques d'ADNc
Un mélange volume à volume de phénol pH 4 et de tampon d'extraction TLES [Tris 100 mM pH 8 / LiCl 100 mM / EDTA 10 mM pH8 / SDS 1 %] est chauffé quelques minutes à 80°C et versé sur 150 mg de poudre de tissus congelés (cf 1.2 pour la description des tissus) obtenus par broyage dans l'azote liquide avec mortier et pilon. Après 30 secondes d'agitation vigoureuse au vortex, un volume de chloroforme / alcool isoamylique (24:1) est ajouté. Le mélange est vortexé vigoureusement puis centrifugé 10 min à 14000 rpm et 4°C. La phase aqueuse supérieure est récupérée et les ARN sont précipités en présence de LiCl 2 M pendant une nuit à 4°C. Après 30 min de centrifugation à 14000 rpm à 4°C, le culot est repris dans 250 μL d'H 20 DEPC (diethylpyrocarbonate) puis 25 μL d'acétate de sodium 3M pH 5,2 et 500 μL d'éthanol absolu. Après 2h à -20°C et 45 min de centrifugation à 14000 rpm à 4°C, le culot est lavé par 1 mL d'éthanol 70 % puis mis à sécher 10 min à température ambiante pour être finalement repris dans 40 μL d' H20 DEPC. 23 637 contigs annotés avec 98 615 termes GO Figure 6.3. Procédure détaillée et paramètres appliqués pour les étapes de séquençage, assemblage et annotations du transcriptome de graines de C. australe. 172 mesurée par le spectrophotomètre NanoDrop ND-1000 UV-VIS (NanoDrop Technologies) et l'intégrité des ARN est vérifiée à l'aide du bioanalyseur Experion (Bio-Rad). A partir des ARN extraits de cotylédons frais, séchés 1 ou 3 jours et d'axes embryonnaires récoltés en mai et juillet 2009 une banque d'ADNc représentative des gènes exprimés dans une graine de C. australe a été préparée, normalisée et séquencée
par
GenXPro GmbH (Franc
fort-sur-le-Main, Allemagne) avec la technologie Illumina Genome Analyser-IIx (Figure 6.3). Une autre banque d'ADNc a été réalisée à partir des ARN extraits des cotylédons et des axes immatures, mi-matures et matures de graines de C. australe récoltées en 2011 (cf 1.2). La normalisation et le séquençage ont été effectués par Eurofins MWG (Ebersberg, Allemagne) à l'aide de la technologie 454 GS FLX+ (Figure 6.3).
5.2-Assemblage des lectures en contigs
Les 8 410 229 lectures issues des deux séquençages ont été assemblées de novo en deux étapes : tout d'abord avec le programme MIRA 3.4.0 (Chevreux et al., 2004) puis avec DNA Dragon (SequentiX, http://www.sequentix.de/software_dnadragon). La procédure détaillée ainsi que les paramètres utilisés pour l'assemblage est décrite dans la figure 6.3. Seuls les 48 334 contigs de taille supérieure à 200 pb ont été conservés pour l'annotation. 5.3-Annotations des contigs 5.3.1-Description par blast
Deux bases de données nucléotidiques spécifiques de M. truncatula ont été utilisées comme référence pour décrire les contigs de C. australe par similarité (blastn) : MT3.5v5 du groupe international d'annotation du génome de Medicago (IMGAG) http://jcvi.org/cgi-bin/medicago/download.cgi et MtGI11 (Medicago truncatula Gene Index version 11) hébergé par le DFCI (Dana-Farber Cancer Institute) http://compbio.dfci.harvard.edu/tgi/cgi-bin/tgi/gimain.pl?gudb=medicago. Deux versions de Mt3.5 ont été compilées pour augmenter le nombre de résultats : la version publique MT3.5v5 (14/10/2011) et une version mise à disposition par P. Gamas et J. Gouzy (Laboratoire des Interactions Plantes-Microorganismes, Toulouse), utilisant un assemblage plus récent complété par des données RNAseq. A l'aide du programme Blast2GO 2.6.0 (Götz et al., 2008) http://www.blast2go.com/b2ghome, les contigs non décrits après ces deux blasts ont été comparés à deux bases de données protéiques incluant toutes les espèces végétales (blastx) : Swissprot et la base non redondante (NR) du NCBI. Seuls les alignements associés à une E-value inférieure à 10-6 ont été considérés comme significatifs (Figure 6.3).
5.3.2-Annotation par Blast2GO
Afin de regrouper les annotations au sein de grands processus biologiques (BP), fonctions moléculaires (MF) ou compartiments cellulaires (CC), les contigs ont également été décrits à l'aide de la classification Gene Ontology (GO) par le programme Blast2GO 2.6.0 (Conesa et al., 2005 ; Götz et al., 2008). A partir des résultats de blast la base de données NR, les termes GO disponibles dans les bases de données publiques ont été associés à chaque contigs et les plus spécifiques ont été sélectionnés par une règle d'annotation. L'ensemble du processus d'annotation et des paramètres utilisés est décrit dans la figure 6.3. 173 Figure 6.4. Détermination par RT-PCR du seuil d'intensité associé à une accumulation de transcrit sur la puce Affymetrix de M. truncatula. Treize gènes associés à un signal d'intensité croissant sur la puce Affymetrix ont été sélectionnés. L'accumulation de transcrits est détectable après 35 cycles d'amplification pour les gènes associés à une intensité supérieure à 2,8. La présence de la bande attendue est signalée par une étoile rouge. 174
6-Détermination des gènes exprimés au cours du développement des graines de M. truncatula
Les gènes exprimés aux stades 20 DAF, 32 DAF et ABS du développement des graines de M. truncatula ont été déterminés à partir des données issues de la puce Affymetrix (Benedito et al., 2008 ; Verdier et al., 2013). Pour déterminer le seuil d'intensité pour lequel une accumulation de transcrit est détectable, une RTPCR a été effectuée sur 13 gènes associés à signal d'intensité croissant. La bande attendue est observée uniquement pour une intensité supérieure à 2,8 (en log) (Figure 6.4). Respectivement, 32 655, 33 049, et 33 641 sondes sur les 48 116 que compte la puce remplissent ce critère. Les gènes associés à ces sondes ont été annotés par Blast2GO selon la même procédure que celle utilisée pour les contigs de C. australe. Ce jeu de données issu de la puce Affymetrix n'a été utilisé que pour l'analyse GO (Figure 3.4 et paragraphe 1.3.2 du chapitre III). 7-Analyse transcriptomique du développement des graines de C. australe 7.1-Amplification des ARN
Les ARNm ne représentent qu'une très faible proportion des ARN extraits, ils doivent donc être spécifiquement amplifiés. Cette étape a été réalisée en deux temps : transcription inverse des ARNm en ADNc puis transcription in vitro à partir de ces ADNc pour obtenir des ARN amplifiés (ARNa). Le kit Message AmpII aRNA amplification (Ambion) a été utilisé avec quelques modifications dans le protocole. Les concentrations des réactifs n'étant pas précisées dans le protocole du kit, les volumes utilisés plutôt que les concentrations finales des réactifs sont décrits dans ce paragraphe. Les ARN ont été extraits de cotylédons récoltés à trois stades de développement différents en 2011 selon le protocole décrit au paragraphe 5.1. Huit échantillons ont été utilisés : trois extractions d'ARN différentes pour le premier stade (immature ; gousse verte-jaune ; CaG) et le dernier stade (mature ; gousse marron ; CaB) et deux extractions pour le stade intermédiaire (mi-mature ; gousse jaune ; CaY). Pour la première étape de l'amplification, 300 ng d'ARN et 0,25 μL de T7-oligo-dT (Ambion) sont incubés 10 min à 65°C dans un volume final de 3 μL puis 2h à 42°C après ajout de 2 μL d'un mix « first strand » [0,5 μL de tampon « first strand »10X (Ambion) / 1 μL de dNTP (Ambion) / 0,25 μL d'inhibiteur de Rnase (Ambion) / 0,25 μL de Reverse transcriptase Array Script (Ambion)]. 20 μL d'un deuxième mix « second strand » [2,5 μL de tampon « second » 10X (Ambion) / 1 μL de dNTP (Ambion) / 0,25 μL de Rnase H (Ambion) / et 0,5 μL de DNA polymérase (Ambion)] sont ajoutés pour la synthèse du deuxième brin d'ADNc pendant 2h à 16°C. Après ajout de 75 μL d'H20 DEPC, les ADNc sont purifiés à l'aide du kit DNAclear (Ambion) selon les instructions du fabricant et l'élution finale est réalisée avec 2 x 5 μL d'H 20 DEPC préchauffée à 55°C. La transcription in vitro est réalisée par ajout de 6 μL d'un mix [1 μL d'ATP, de GTP, de CTP et d'UTP 75 mM chacun (Ambion) / 1 μL de tampon de réaction T7 10X (Ambion) / 1 μL de T7 enzyme mix (Ambion)] et incubation pendant 2h à 37°C. 175 1 2 G1 G1 CaG CaY CaB Gousse verte Gousse jaune Gousse marron 3 répétitions G1 G2 G3 2 répétitions Y1 Y3 3 répétitions B1 B2 B3 B1 B1 3 4 7 8 G3 G3 12 Y1 Y1 G2 G2 5 6 B3 B3 11 B2 B2 9 Y3 Y3 10 Analyse en DYE SWAP : 12 puces sur la lame 6 comparaisons graine immature (CaG) / graine mature (CaB) (puces 1/2/5/6/7/8) 4 comparaisons graine immature (CaG) / graine mi-mature (CaY) (puces 3/4/11/12) 2 comparaisons graine mi-mature (CaY) / graine mature (CaB) (puces 9/10)
Figure 6.5. Plan d'hybridation des échantillons pour l'analyse du transcriptome de graines de C. australe.
Les cotylédons de trois stades de développement de la graine de C. australe ont été utilisés pour l'analyse : un stade immature gousse verte-jaune (CaG), un stade mi-mature gousse jaune (CaY), un stade mature gousse marron (CaB). Pour le premier et le dernier stade, trois extractions d'ARN différentes ont pu être effectuées mais seulement deux pour le stade mi-mature. L'analyse a été faite en 'dye swap', c'est-à-dire que chaque comparaison entre deux répétitions a été faite deux fois avec inversion des marquages à la Cy5 (vert) et à la Cy3 (rouge). L'analyse complète entre cotylédons immatures et matures compte donc 2x3=6 comparaisons tandis que les analyses complètes avec les cotylédons mi-matures impliquent 2x2=4 comparaisons. Par manque de place sur la lame (qui ne compte que 12 puces), la comparaison Y1 / B1 n'a pas été effectuée pour le moment. Le numéro de la puce utilisée pour chaque comparaison est indiqué par les nombres de 1 à 12. Les ARNa sont finalement concentrés par ajout de 1/100 de volume d'acrylamide (pour rendre le culot plus visible), de 1/10 de volume d'acétate de sodium 3 M pH 5,2 et de 2,5 volumes d'éthanol absolu. Après 1h à -20°C et 45 min de centrifugation à 14000 rpm et 4°C, le culot est lavé avec 1 mL d'éthanol 70 % puis repris dans le volume d'H20 DEPC permettant d'obtenir une concentration d'environ 1 μg μL -1. 7.2-Marquage des ADNc et précipitation des cibles
Le marquage est effectué par incorporation de cyanine rouge (Cy3) ou verte (Cy5) au cours d'une transcription inverse des ARNa. Un mélange de 5 μg d'ARNa, 2 μg de Random nonamères (Sigma) et 20 u d'inhibiteur de RNase (Ribolock, Thermo Scientific) estt mis à incuber à 65°C pendant 10 min dans un volume final de 10,5 μL puis 2h à 42°C après ajout de 20 μL d'un mix « marquage » [tampon « first strand » (Invitrogen) 1X final / DTT 10 mM final (Invitrogen) / mix [dDTP 500 μM final /dCTP 100 μM final] / Cy5 ou Cy3 selon l'échantillon 75 μM final (Interchim) / 200 u de Superscript revertase III (Invitrogen)]. Au bout de 1h à 42°C, 200 u de Superscript revertase sont rajoutés au mélange, soit une concentration finale utilisée pour cette étape de 2X. Après ajout de 79 μL d'H 20 DEPC, les ADNc marqués (les cibles) sont purifiés à l'aide du kit Nucleospin PCR Clean-up (Macherey-Nagel) selon les instructions du fabricant et l'élution finale est réalisée avec 2 x 21 μL d'H20 DEPC préchauffée à 55°C. La concentration en ADNc (ng/μL) et en Cy5 (ou Cy3) (pmol/μL) est mesurée par le spectrophotomètre NanoDrop ND-1000 UV-VIS (NanoDrop Technologies). L'analyse transcriptomique repose sur la compétition entre les ADNc d'un échantillon marqué à la Cy5 et ceux d'un deuxième échantillon marqués à la Cy3 pour l'hybridation des sondes sur une puce. Ces deux échantillons sont hybridés sur puce en un seul dépôt et doivent donc être mélangés avant l'hybridation. Pour cela, 30 pmol de cibles marquées à la Cy5 (échantillon 1) et à la Cy3 (échantillon 2) sont précipitées ensemble selon le protocole décrit à la fin de l'amplification des ARN (cf 7.1). 7.3-Plan d'hybridation
Trois extractions d'ARN différentes ont été utilisées pour le premier et le dernier stade et deux extractions pour le stade intermédiaire. Ces échantillons ont été hybridés en 'dye-swap', approche adaptée aux analyses avec peu d'échantillons et plus robuste d'un point de vue statistique en augmentant le nombre de comparaisons (Figure 6.5) (Churchill, 2002). Le swap est un groupe d'échantillons correspondant à une seule comparaison biologique. Pour nos données sur C. australe trois swaps ont été étudiés : CaG/CaB (immature/mature) ; CaG/CaY (immature/mi-mature) ; CaY/CaB (mi-mature/mature). Chaque comparaison entre deux répétitions a été faite deux fois avec inversion des marquages à la Cy5 (vert) et à la Cy3 (rouge). L'analyse complète entre cotylédons immatures et matures compte donc 2x3=6 comparaisons tandis que les analyses complètes avec les cotylédons mi-matures impliquent 2x2=4 comparaisons. Par manque de place sur la lame (qui ne compte que 12 puces), la comparaison Y1 / B1 n'a pas été effectuée pour le moment. La comparaison entre graine mi-mature et mature est donc incomplète. 7.4-Hybridation des puces et scan des lames
Chaque culot contenant les ADNc marqués des deux échantillons hybridés sur la puce est resuspendu dans 2,2 μL de STC (Sample Tracking Control) (NimbleGen) puis 5,8 μL d'un mix de solution d'hybridation 177 [tubes 1, 2 et 3 du kit d'hybridation (NimbleGen)] avant d'être incubé 5 min à 95°C. 6,3 μL d'échantillon sont déposés sur chacune des puces via le mixer fixé sur la lame, puis cette dernière est placée 16-20h à 42°C dans la station d'hybridation. Le mixer est ensuite décollé de la lame dans une solution de lavage I [tampon lavage I (NimbleGen) / DTT 100 μM] préchauffée à 42°C puis la lame est successivement lavée 2 min avec la solution de lavage I, 1 min avec la solution de lavage II [tampon lavage II (Nimblegen) / DTT 100 μM] et 15 sec avec la solution de lavage III [tampon lavage III (NimbleGen) / DTT 100 μM]. Les lames 12-plex NimbleGen sont analysées par le scanner MS 200 (NimbleGen) et le logiciel MS 200 v1.2 avec une résolution de 2 μm. Le vert (532 nm) et le rouge (635 nm) sont scannés indépendamment, par conséquent deux fichiers TIFF sont générés pour une lame, respectivement nommés lame_puce_date_532.tif et lame_puce_date _635.tif. 7.5-Traitement statistiques
Les fichiers d'image des scans ont été traités par le logiciel DEVA v1.2.1 ; les signaux sont identifiés par alignement de la grille d'identification des sondes et convertis en valeurs numériques. Ces données sont exportées au format pair (données brutes) pour chaque couleur (532 nm et 635 nm) : "lame_puce_date_532.pair" et "lame_puce_date_635.pair". A l'aide des logiciels R v2.14 http://www.rproject.org, Rstudio http://www.rstudio.com et du script 'pair' développé au laboratoire, les fichiers de chaque couleur sont compilés en un fichier texte "lame_puce.txt" au format d'entrée pour une analyse par le package 'LIMMA' (Linear Models for Microarray data du projet Bioconductor http://www.bioconductor.org) pour l'analyse différentielle des signaux : liste pour chaque identifiant de sonde des intensités et du bruit de fond associé à 532 nm et 635 nm. Le script 'Anadiff' analyse les données et sort les résultats présentés sous différentes formes. Les valeurs d'intensité brutes subissent tout d'abord une transformation logarithmique puis sont linéarisées par l'application 'lmfit'. Elles sont ensuite normalisées par la méthode de Loess sans soustraction du bruit de fond (régression par intervalles). Pour l'analyse différentielle des intensités, le package 'LIMMA', permet d'utiliser un modèle Bayésiens d'évaluation statistique de la différence d'expression par modération des écart-types. C'est un test-t stable et puissant adapté aux expériences contenant un faible nombre de répétitions. Un contrôle des faux positifs est fait sur les p-value par le package kerfdr (AgroParisTech) utilisant la procédure de Benjamini-Hochberg (BH). Les sondes sont dites significativement sur ou sous- ées si la p-value corrigée (BH) est inférieur à 5 %. Pour notre étude comparative entre C. australe et M. truncatula nous avons travaillé sur les valeurs d'intensités. Pour l'analyse des intensités, un calcul du bruit de fond est fait sur la moyenne des 10 000 intensités les plus faibles à laquelle on ajoute deux fois l'écart type. Ce bruit de fond est soustrait des intensités normalisées et les valeurs négatives sont remises à zéro. Ces valeurs d'intensités sont exportées en format texte : "norm_intensities_bkg_swap_txt". En parallèle de ces analyses, un fichier de traçabilité et d'assurance qualité est automatiquement généré. Il identifie entre autres le nombre de sondes pour lesquelles la valeur absolue du ratio est supérieure à 1 et la p-value supérieure à 1 %. Ces données sont écartées par l'analyse statistique car trop variables entre les différentes répétitions. 179 étudiés : CaG/CaB (immature/mature) ; CaG/CaY (immature/mi-mature) ; CaY/CaB (mi- mature/mature). Le nombre de sondes écartées est respectivement de 141, 130 et 382 pour les swaps CaG/CaB, CaG/CaY et CaY/CaB, sur un total de 96 250 sondes. La variance est respectivement de 0,066, 0,031 et 0,044. Ces valeurs très faibles nous permettent d'analyser les intensités avec confiance. 8-Analyse fonctionnelle de CaABI3 8.1-Clonage des séquences complètes des gènes MtABI3 et CaABI3
L'ADN génomique des deux espèces a été extrait avec le kit Nucleospin food (Macherey Nagel) à partir de feuilles de C. australe et de M. truncatula R108. La séquence du gène MtABI3 était déjà partiellement disponible dans la base de données MtGI11 sous forme d'un EST (TC193312). Pour CaABI3, un premier fragment du gène a été cloné par PCR dégénérée. Pour cela, un couple d'amorces dégénérées a été dessiné dans les zones les plus conservées du gène, en se basant sur l'alignement des séquences ABI3 de différentes espèces végétales disponibles dans Genbank (Annexe 8 pour les amorces). Le produit PCR a été cloné dans le vecteur pJet1.2 (CloneJET kit, Thermo Scientific, Bremen, Germany) et séquencé. Les séquences complètes ont été obtenues par inverse PCR à partir de 5 μg d'ADN génomique digéré par EcoRI (25 u / 50 μL volume final ; Promega, Madison, WI, USA) puis ligué par la T4 DNA ligase (50 u / 450 μL volume final ; Fermentas, Vilnius, Lituanie). La ligation s'est faite dans un grand volume pour favoriser la ligation de l'ADN sur lui-même et obtenir ainsi un fragment d'ADN génomique circularisé qui a servi de matrice pour la PCR inverse. A partir de la région connue des gènes CaABI3 et MtABI3, de nouveaux couples d'amorces ont été dessinés pour amplifier les séquences complètes qui ont été clonées dans le vecteur pJet1.2 (CloneJET kit, Thermo Scientific, Bremen, Germany) et séquencés. Le principe de la PCR inverse est décrit dans la figure 6.6. 8.2-Construction des vecteurs d'expression pour la surexpression des gènes ABI3 et la complémentation du mutant abi3-5 d'A. thaliana 8.2.1-Les vecteurs binaires et le clonage Gateway
L'analyse fonctionnelle de CaABI3 comprend d'une part une sur-expression du gène dans des racines de M. truncatula et d'autre part une complémentation du mutant abi3-5 d'A. thaliana. Ces deux expérimentations nécessitent donc deux types de vecteurs d'expression différents. Pour la sur-expression dans les racines, les séquences ATG/stop (avec les introns) des gènes CaABI3, CaABI3-like et MtABI3 ont été introduites en aval d'un promoteur constitutif 35S dans le vecteur de destination pK7WG2D (Karimi et al., 2002) par le système Gateway (Invitrogen). Pour la complémentation, la séquence codante de CaABI3 et AtABI3 (contrôle) a été introduite en aval du promoteur de AtABI3 (la séquence en amont de CaABI3 n'ayant pas pu être clonée par PCR inverse) dans le vecteur de destination pKGW (Karimi et al., 2002) par le système Gateway Multisite (Invitrogen). Les vecteurs de destination pK7WG2D et pKGW ainsi que le principe du clonage Gateway sont décrits dans la figure 6.7. Le vecteur pK7WG2D est dit binaire, c'est-à-dire qu'une partie est exprimé dans la bactérie tandis que la région comprise entre les bordures gauche (LB) et droite (RB) est transférée à la plante. Cette région contient un promoteur 35S permettant de sur-exprimer constitutivement le gène ABI3 inséré. Elle contient également un gène codant pour la GFP (Green Fluorescent Protein) afin d'identifier rapidement sous UV les 180 attR1 Prom 35S Prom RolD EgfpER Term 35S A ccdB Expression GFP Surexpression gène
'intérêt attR2 Term 35S Kan R Sélection plante Left Border (LB) Spc / Str R C Right Border (RB) attR1 Kan R ccdB Left Border (LB) Spc / Str R pK7WG2D 12794 pb attR2 Sélection plante Right Border (RB) Sélection bactérie pKGW 9921 pb Sélection bactérie D Séquence codante MtABI3 ou CaABI3 ou CaABI3-like Produits PCR flanqués des séquences attB Vecteur donneur Produit PCR flanqué des séquences attB Séquence Promoteur codante AtABI3 AtABI3 ou CaABI3 Élément 1 Élément 2 Vecteurs donneurs BP clonase TM Vecteur de destination B Sous produit BP clonase TM Vecteurs d'entrée LR clonase TM LR clonase TM Vecteur de destination pK7WG2D Vecteur d' expression pKGW Sous produit Vecteur d' expression
Figure 6.7. Caractéristiques des vecteurs de destination pK7WG2D, pKGW et principe du clonage Gateway monosite et multisite. 181 racines transformées. Le vecteur pKGW est également binaire et permet le transfert du gène ABI3 sous le contrôle de son propre promoteur dans les plantes. Pour les vecteurs pKGW et pK7WG2D, le gène de résistance à la spectinomycine / streptomycine (Spc/Str R) permet la sélection des bactéries transformées alors que le gène de résistance à la kanamycine (Kan R) permet la sélection des racines ou plantules transformées (Figure 6.7A et 6.7B). La BP clonase permet la recombinaison d'un produit PCR flanqué des sites de recombinaison attB avec un vecteur donneur contenant les sites de recombinaison attP pour former un vecteur d'entrée contenant le gène d'intérêt à la place du gène ccdB (toxique pour les bactéries). Notons que la recombinaison entre un site attB et un site attP donne un site attL dans le vecteur d'entrée. Dans un deuxième temps, la LR clonase perme t d'insérer le gène d'intérêt dans un vecteur de destination, contenant les éléments nécessaires à sa surexpression et les gènes de résistance, pour former le vecteur d'expression par recombinaison entre les sites attL du vecteur d'entrée et les sites attR du vecteur de destination (Figure 6.7C). Le vecteur d'expression pour la complémentation du mutant nécessite l'insertion de deux éléments distincts : une séquence promotrice et une séquence codante. Le clonage Gateway Multisite (Invitrogen) est basé sur le même principe que celui décrit précédemment. Deux vecteurs d'entrée possédant des sites attL différents ont été crées par la BP clonase : le premier contient la séquence promotrice et le deuxième la séquence codante. Ces deux séquences d'intérêt sont associées dans un même vecteur de destination pour former le vecteur d'expression par la LR clonase (Figure 6.7D).
8.2.2-Construction des vecteurs expression
Les séquences codantes des gènes AtABI3, MtABI3, CaABI3 et CaABI3-like ainsi que la séquence promotrice de AtABI3 (1 883 pb en amont du codon initiateur) ont été amplifiées par PCR à l'aide d'amorces sens positionnées au niveau du codon initiateur (ou 1 883 pb en amont pour le promoteur) et d'amorces antisens positionnées sur le codon stop (ou juste avant le codon initiateur pour le promoteur). Pour le clonage Multisite, ces amorces sont flanquées des sites attB1 / attB5r / attB5 ou attB2 comme indiqué sur la figure 6.7D (Annexe 8 pour les amorces).
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Le journal. Pierre Singaravélou et Sylvain Venayre. Le magasin du monde. La mondialisation par les objets du XVIIIe siècle à nos jours, Fayard, pp.38-42, 2020, 9782213716787. ⟨hal-04486629⟩
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HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of scientific research documents, whether they are published or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. LE JOURNAL Marie-Ève Thérenty (RIRRA21, UPVM) dans Pierre Singaravé lou et Sylvain Venayre (dir), Le Magasin du monde. La mondialisation par les objets du XVIIIe siècle à nos jours, Fayard, 2020, p. 38-42. En 1789, Charles-Joseph Panckoucke, éditeur et directeur de presse français, adopte le grand format pour sa Gazette nationale. La taille de son journal tranche avec la plupart des journaux post-révolutionnaires imprimés en in-quarto et avec la tradition des petits journaux en in-octavo. Son inspiration est anglaise. En 1712, le Stamp Act, loi de taxation britannique sur la presse conçue pour enrayer la prolifération des journaux, avait eu un effet collatéral inattendu : comme cette imposition était calculée sur le nombre de pages du journal, plusieurs périodiques anglais passèrent en très grand format, inventant le broadsheet (approximativement 29,5 sur 23,5 inches). Le format de ces journaux « patagons », dont on pouvait « avec trois numéros faire un vent » disent leurs contempteurs, s’impose peu à peu dans le monde. Les premiers journaux, caractérisés par une forme imprimée et une périodicité courte, étaient apparus au tout début du XVIIe siècle en Europe. La première gazette est celle de Jean Carolus, publié en allemand à Strasbourg, suivie, en France, par la Gazette de Théophraste Renaudot en 1631. En 1660 naît le premier journal quotidien du monde, le Leipziger Zeitung, tandis qu’aux États-Unis la première feuille américaine, éphémère, Public Occurrences, paraît le 25 septembre 1690. Dès le XVIIe siècle, le développement de la presse est soumis à deux pressions, l’une politique, souhaitant contrôler l’information, l’autre commerciale, préoccupée du développement des affaires. Cette tendance explique la croissance, notamment aux ÉtatsUnis et en Angleterre, d’un modèle libéral avec un fort développement des journaux commerciaux, un faible investissement de l’État et une professionnalisation importante des journalistes. Ailleurs, comme dans l’Europe du Sud, s’imposent des journaux plus dépendants du pouvoir, dont la sphère commerciale demeure plus faible et le personnel moins professionnalisé, largement issu des milieux politiques et littéraires. Les conséquences seront importantes sur la matérialité des journaux (place de l’annonce, rubricage, taille des entreprises, diffusion). Dès la seconde moitié du XVIIe siècle s’installe un système international de l’information où les gazettes circulent dans toute l’Europe, franchissant parfois de très longues distances et s’imposant parmi les objets culturels indispensables des élites. La multiplication des librairies en Europe en soutient la diffusion, de même que les cabinets de lecture. Ce rythme s’accélère au XIXe siècle avec la généralisation des chemins de fer, primordiaux dans le maillage de l’information nationale et internationale. Les gares deviennent des lieux essentiels puisque y sont proposés à la vente livres et journaux. Mais la croissance de ces derniers est aussi fortement dépendante d’autres inventions industrielles comme la production du papier en bobine (dès 1803 en Angleterre), la mécanisation de l’encrage et l’installation grâce à Koenig et Bauer en 1811 de la presse à pression, l’invention de la presse à réaction dans les années 1840, de la rotative dans les années 1880 réalisées à la fois en Angleterre et en France, et enfin de la linotype en 1886 grâce à l’Américain Mergenthaler... Preuve de cette croissance, des kiosques à journaux font leur apparition dans le paysage urbain, à Paris en 1857, à Madrid en 1860. D’une manière générale, le kiosque, les boîtes à journaux, la vente par porteur, l’affichage des journaux sur les murs font partie intégrante de l’animation des espaces publics à la fin du XIXe siècle. Dans tous les pays du monde la périodicité du journal crée des rituels de lecture : le matin au petit déjeuner, au café, le temps d’un trajet dans les transports, le soir après le travail. Proust insistait ainsi avec raison sur la conjonction jouissive entre les catastrophes du monde et le recueillement de la lecture du journal au petit déjeuner. Elle permet effectivement, sans sortir de chez soi, d’entrer dans l’ère de la globalisation. Le Matin, créé en 1884, en témoigne, lui qui, dans le bandeau de sa Une, orne ses oreilles de deux fils télégraphiques montrant qu’il est branché sur le monde. L’essor du journal accompagne la révolution industrielle et sa matérialité quantifiée affole. En 1904, Camille Flammarion évalue que la moitié de la production mondiale de journaux, soit 30 000 titres diffusés à 10,8 milliards d’exemplaires, consomme quotidiennement 1 000 tonnes de pâte de bois, soit la charge de 37 500 wagons traînés par 1 800 locomotives. Si le calcul peut être approximatif, il met en lumière le péril que représente pour les forêts de la planète la croissance d’un objet qui, au tournant du siècle, du fait de l’alphabétisation croissante, de la chute du coût du numéro et de la démocratisation des pratiques, prolifère. Cette impression d’être entré dans un âge d’or du journal est proclamé avec force par tous les observateurs des pays industrialisés occidentaux et va perdurer jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Beaucoup de discours soulignent le paradoxe du journal, à la fois action d’un esprit sur des millions d’autres et feuille sale charriée par la rue. Effectivement, le papier journal, d’une qualité moindre que le papier ordinaire, jaunit facilement à cause de son fort taux de lignine et est souvent réutilisé. Avant que les sacs en plastique n’apparaissent, il sert au petit commerce à envelopper la marchandise, ou à allumer le poêle. Aujourd’hui, dans certains pays, on le recycle. Au Brésil existent ainsi des coopératives de matériaux recyclables qui transforment le papier de presse en objets décoratifs et en vêtements, le travail de collecte et de recyclage, particulièrement pénible, étant souvent assuré par des non-lecteurs. Mais le journal est aussi le signe de la modernité. Jules Claretie, dans une très belle chronique du Temps le 22 février 1881, décrit les boulevards enfouis sous les papiers-journaux les jours de gros événements : « Des feuilles blanches semblent pousser au bout des doigts plus rapidement que les feuilles vertes aux arbres. C’est une éclosion électrique. Les paquets de papier fleurant l’encre typographique s’entassent devant les kiosques. Les marchands déploient et redéploient les gazettes. Les porteurs courent le long des trottoirs en s’arrêtant, de kiosque en kiosque, comme plus tard l’allumeur devant chaque bec de gaz. » Considérer la matérialité d’un journal, format, couleurs, typographie, permet, sans même le lire, d’avoir une idée sur son contenu. En 1896, en Angleterre, Lord Northcliff lance The Daily Mail sur la moitié d’un format broadsheet et invente le tabloïd, nom donné d’après un médicament en comprimés qui proposait un effet condensé. Les travailleurs peuvent ainsi lire rapidement ce journal populaire le matin dans les transports en commun, entre deux stations. Maniables, les tabloïds sont aussi souvent les voix d’une rhétorique populiste, avec des titres sensationnalistes qui mettent en avant les faits divers, les rumeurs, les potins et parfois des fake news. Il en est ainsi du journal le plus vendu aujourd’hui au Brésil, Super Notícias, qui rythme chaque jour le voyage des travailleurs de la région de Belo Horizonte, souvent très pauvres, dans les transports publics. La couleur est tout autant significative. En 1883, Joseph Pulitzer rachète à New York un quotidien en faillite, The New York World. En 15 ans, le tirage de ce journal, fondé sur une recette efficace alliant reportages scandaleux, cartoons et faits divers, devient le plus important du pays. Comme les bandes dessinées sont imprimées dans un supplément en couleur et qu’un de leurs héros est surnommé Yellow Kid, on qualifie The New York World et les journaux du même genre de presse jaune (yellow press). Au XXe siècle, parce qu’ils utilisent la couleur rouge pour leurs titres, les tabloïds anglais, The Daily Mail, The Daily Star, The Sun, sont eux appelés Red Tops. Il est vrai qu’une histoire mondiale du journal est complexe tant l’objet est protéiforme et circulant, à la fois signe de la mondialisation et des identités locales, universel et tellement particulier. Le maintien du niveau de la presse papier dans certains pays tient sans doute à ces spécificités culturelles. Ainsi au Japon, le système de livraison à domicile des journaux sur abonnement est très profondément ancré dans la vie quotidienne et dans les mentalités. 95 % des exemplaires sont vendus par ce biais contre 5 % seulement en kiosque ou en supérette, et tout ceci pour un tarif minime (environ 3 000 yens par mois, soit moins de 25 euros). Cependant, même si dans certains pays (aujourd’hui, les deux journaux les plus vendus du monde sont japonais, le troisième est indien) la presse papier se maintient, son destin global paraît aléatoire devant l’essor des offres d’information numériques gratuites. Les journaux ont donc dû aussi se convertir au digital. Et il faut bien avouer que les versions en ligne ressemblent par leur mise en page... à des tabloïds.
Marie-Ève Thérenty Bibliographie : Dominique KALIFA, Philippe REGNIER, Marie-Ève THERENTY et Alain VAILLANT (dir.), La Civilisation du journal. Histoire culturelle et littéraire de la presse au XIXe siècle, Paris, Nouveau Monde éditions, 2012. Alexis LEVRIER et Adeline WRONA (dir.), Matière et esprit du journal, du Mercure Galant à Twitter, Paris, Presses de l’université Paris-Sorbonne, 2013. Guillaume PINSON, La Culture médiatique francophone en Europe et en Amérique du Nord de 1760 à la veille de la Seconde Guerre mondiale, Québec, Presses de l’université de Laval, 2016.
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Il argue qu'il existe une colonne vertébrale unissant toutes les tentatives vers-libristes : l'idée selon laquelle « le poète parle et écrit pour l'oreille2500 ». Sa poétique repose sur la phonétique expérimentale qui permet d'unir l'intimité du poète à la forme singulière de son vers. Cette forme singulière se révèle le fruit d'une opération psychologique profonde : « [p]our moi, le livre de vers est un drame se passant dans une conscience2501 ». Comme l'explique John Clifford Ireson, « [l]e lyrisme aurait donc pour but d'extérioriser des rythmes fondamentaux (l'expression est de Kahn lui-même2502). Par-là, il entend tout mouvement instinctif de l'être intérieur devant les phénomènes de la vie2503. » En d'autres termes, le vers libre fonde, grâce à sa prise en compte de l'irréductible complexité de la nature de l'esprit humain (les « mouvements de la vie intérieure » qui provoqueraient des « rythmes instinctifs »2504), une nouvelle forme de lyrisme diffractée : « [l]e poème c'est la célébration du mystère qui se passe en un soi douloureux ou un soi attendri, et rien d'autre2505. » Du « drame » au « mystère », la 2495 Ibid., p. 4.
Ibid., p
. 16-17
.
2497
Ibid., p. 24. 2498 Ibid., p. 26. 2499 Ibid., p. 32. 2500 Ibid., p. 31. 2501 Gustave Kahn, dans Jules Huret, Enquête sur l'évolution littéraire [1891], op. cit., p. 380. 2502 Gustave Kahn, Revue Indépendante, t. VII, juin 1888, p. 527. 2503 John Clifford Ireson, L'OEuvre poétique de Gustave Kahn (1859-1936), Paris, A.-G. Nizet, 1962, p. 103. 4 Ibid., p. 46. 2505 Gustave Kahn, Revue Indépendante, t. VII, juin 1888, p. 527, cité par John Clifford Ireson, L'OEuvre poétique de Gustave Kahn (1859-1936), op. cit., p. 104. 2496 602 constance de la référence théâtrale
suggère que l'intimité du poète est une scène sur laquelle différents personnages, les multiples facettes du moi, entrent en confrontation et créent une voix polyphonique. Comme le remarque Henri Scepi, cette définition a des implications sur la nature même du lyrisme moderne, qui connaît alors « de nouvelles modalisations de la parole lyrique monologique2506 ». La fondation du vers libre permet de sonder la profondeur psychologique du poète. 2506 Henri Scepi, « Gustave Kahn : vers libre et position lyrique », dans Gustave Kahn (1859-1936), Sophie Basch (dir.), op. cit., p. 123-142, p. 127. Henri Scepi cite Félix Fénéon qui le premier avait mis en lumière cette idée d'une nouvelle « polyphonie », dans Les Hommes d'aujourd'hui, t. VIII, no 360, 1890. Cette analyse de Fénéon est étudiée et commentée par John Clifford Ireson dans L'OEuvre poétique de Gustave Kahn (1859-1936), op. cit., p. 48. 2507 Gustave Kahn, « Préface sur le vers libre », op. cit., p. 16. 603 Robert de Souza, en 1892, après avoir reconnu que le vers libre était lié à une nécessité d'évolution du vers français, le décrit comme un impératif lié à l'inquiétude intrinsèque de chaque être humain : « par la raideur de son squelette2508, le rythme, la forme telle qu'encore la comprend Hugo, ne vit pas librement ; un renouvellement rythmique répondrait donc autant à des aspirations vibrantes qu'aux lois impersonnelles de la variété2509. » Souza conserve l'idée que le vers doit être l'émanation d'une vibration personnelle, il ajoute que le vers libre reconduit une règle de la rhétorique classique : la variété. En outre, l'irréductible spécificité en germe dans l'esprit de chaque créateur est réduite à l'unité lorsque Souza la décrit comme une simple et unique « activité inquiète » : les créateurs comme les spectateurs ressentent tous une « confuse aspiration [] pour des formes d'art moins délimitées ». Cette même « activité inquiète » est commune parce qu'elle répond chez Souza à des nécessité physiologiques : « [n]os yeux et nos oreilles ont soif d'un ordre plus libre »2510. La même année, Francis Vielé-Griffin s'insurge face aux assauts de Sully Prudhomme contre le vers libre et les symbolistes dans un article pensé comme une réponse à l'ouvrage du parnassien Réflexion sur l'art des vers2511. Dès l'ouverture de cet article, Vielé-Griffin reproche à son aîné de rechercher une « recette scientifico-rythmique [] pour produire le Beau littéraire ». Il ajoute qu'« [u]ne telle formule du Beau étant trouvée, l'Art ne serait plus qu'une Industrie »2512. Les vues d'Henry ent aux vers-libristes de systématiser, contre cette « Industrie », une forme versifiée plus libre et plus individuelle. Elle sert à exprimer, grâce à un substrat originairement scientifique, « [l']individualité même [du poète]2513 ». La souplesse du système est défendue par une théorie scientifique, une physiologie de la flexibilité. Chez Vielé-Griffin, cette conception se charge d'une valeur politique. Comme le proclame l'article de 1890 qui ouvre le numéro initial de la revue Les Entretiens politiques et littéraires dont Vielé-Griffin était le fondateur et le directeur, seule compte la forme libre en vue d'un « Art libre » d'inspiration anarchiste2514. En 1894, Albert Mockel reproche à Henri de Régnier de ne parvenir qu'accidentellement à écrire de véritables vers libres, c'est-à-dire selon lui des « vers tout à fait "ingénus2515" », quand 2508 On remarque la persistance de l'analogie organique. Robert de Souza, Le Rythme poétique, 1892, op. cit., p. 43. 2510 Ibid. 2511 Francis Vielé-Griffin, « Réflexion sur l'art des vers », Les Entretiens politiques et littéraires, no 26, mars 1892, p. 215-220. 2512 Ibid., p. 215. C'est l'auteur qui souligne. 2513 Ibid., p. 217. 2514 Francis Vielé-Griffin, « À propos du vers libre », Les Entretiens politiques et littéraires, no initial, mars 1890, p. 3-11. 2515 Albert Mockel, Propos de littérature, Paris, Librairie de l'Art indépendant, 1894, p. 94. 2509 604
ceux de Vielé-Griffin sont avantageusement soumis à cette « impulsion ingénue2516 ». Le vers symboliste se contente alors de correspondre, dans cette acception, au « rythme spontané et libre2517 », sans qu'aucun rapprochement avec la science psychologique ni physiologique soit pris en compte par Mockel. Deux ans plus tard, dans son essai intitulé La Poésie contemporaine : 1884-1896, Madeleine Vigié décrit ainsi le groupe vers-libriste : « [e]t quelle floraison de talents individuels! Les poètes fuient les cénacles : volontiers ils se cherchent dans la solitude, jaloux de n'être qu'eux-mêmes et cependant, tout en gardant leur physionomie, ils ont des traits communs ayant subi de communes influences2518. » La métaphore du bouquet est appropriée pour décrire le groupe : il s'agit d'un faisceau de poètes qui, sur la base d'ascendances partagées, font fleurir des formes poétiques différentes selon le germe que chacun sent croître en lui. On le voit, la pensée d'origine scientifique perd de sa scientificité en étant décrite par le détour analogique de la botanique. Il est significatif que, parmi les « communes influences », Vigié repère non seulement le refus de « l'histoire » mais aussi celui de « la science ». Demeure toutefois la pensée que chaque poète est une fleur distincte formellement et structurellement des autres, celle d'une « physionomie » individuelle qui se réfléchit sur leur poésie2519. Le vers libre est un instrument plus « subjectif » lié à « l'intuition »2520. La pensée d'Adolphe Boschot est également marquée par cet assouplissement. Après avoir, comme on l'a vu, reproché à Sully Prudhomme la systématisation mathématique de sa conception poétique et le respect aveugle des règles métriques traditionnelles2521, Boschot, qui revendique le droit de la poésie à parer des fleurs de la muse les découvertes scientifiques2522, en vient à recommander une totale liberté formelle dont le poète doit se saisir afin de respecter et d'écouter son instinctive créativité : « [t]out est nouveau sous le soleil, puisqu'à vrai dire rien n'existe pour chaque homme, sinon les nuances d'être que chacun perçoit en lui. [] Alors, tu trouveras d'instinct selon quelles lois particulières tu dois créer2523. » Boschot revendique ce 2516 Ibid., p. 93. Ibid., p. 77.
2518 E. Vigié-Lecoc [Madeleine Vigié], La Poésie contemporaine : 1884-1896, Paris, Mercure de France, 1896, p. 25.
2519
Il convient de noter toutefois que Vigié considère que l'union la plus harmonieuse entre la lyre et la science se trouvait plutôt chez les romantiques, qui, « [d]'accord [] avec les savants, [] ont célébré les harmonies naturelles », ibid., p. 40. 2520 Ibid., p. 262 et 263.
2521 Adolphe Boschot, La Crise poétique, et aussi Le Poète, les Courtisanes et l'Amour, 1897, op. cit., p. 10-11. 2522 « [L]es pensers des savants et des
sages
,
en passant sur son sourire
[
celui
de la Muse nouvelle], prennent la Be
auté et le
Ryth
me
:
elle est déesse
et transfigure les
song
es des hommes », ibid., p. 56. 2523 Ibid., p. 63. 2517
605 paradoxe qui lui permet de rapprocher des « lois » d'un « instinct ». De l'« intuition » de n et de Vigié, on est passé à un concept proche, mais plus marqué biologiquement, « l'instinct ». Cette idée perdurera longtemps, et le vers libre sera récupéré par les symbolistes tardifs comme une émanation inconsciente de la philosophie générale de Bergson. Dans un article de 1910 intitulé « La philosophie de M. Bergson et le lyrisme contemporain2524 », Tancrède de Visan caractérise le symbolisme comme un « lyrisme d'intuition2525 ». Ce mouvement envisage l'esprit humain et le phénomène vital comme des entités souples et mouvantes. L'esprit n'est plus divisé, mais bien en évolution constante2526, la vie n'est plus analysée et disséquée (reproche que Tancrède de Visan formule à l'encontre des parnassiens) mais regardée de l'intérieur comme un « acheminement2527 ». 606 n'est que discrètement scientifique en regard d'autres auteurs. Toutefois, quelques éléments empruntés aux sciences révèlent que le paradigme évolutionniste se répand jusqu'à influencer l'écriture argumentative du poète. Le titre lui-même porte cette empreinte discrète : le substantif « crise », à l'époque, fait toujours référence, en premier lieu, au sens littéral qui est de nature médicale. C'est le premier sens que donnent les dictionnaires de Littré et de Larousse. Le texte s'ouvre d'ailleurs sur un écho à l'acception étymologique de « crise », la séparation, le fait de sectionner, puisqu'il est question du voile du temple qui se déchire2532. En outre, cette crise est caractérisée dès les premières lignes comme « fondamentale » – c'est-à-dire qu'elle regarde les origines et la constitution même du vers – et « exquise »2533. Or ce second adjectif ne peut se comprendre qu'en adoptant le sens médical de l'adjectif dont attestent Littré et Larousse : exquis, dans son acception médicale, caractérise une affection dont les accès (les « crises ») sont réguliers2534. Le jeu avec la biologie et la médecine paraît indéniable, quoique Mallarmé le voile sous l'épaisseur du langage. Selon le sens littéral de l'expression du titre de l'essai de Mallarmé, le vers est regardé comme un organisme atteint d'une maladie qui connaît alors un accès aigu. La langue mesurée du vers français y est décrite comme comportant des « coupes vitales2535 ». Dans le cadre de l'expansion de la théorie cellulaire, d'une pensée de l'organe, l'organisme vivant est désormais structuré et complexe. Le vers, organisé, peut se rapprocher de cette structure cellulaire. larmé l'étudie en diachronie selon les règles de la biologie moderne : tantôt le vers strict est regardé comme un « instrument héréditaire2536 », qui se transmet alors génétiquement et de façon implacable (Darwin avait déjà postulé l'existence de gemmules qui seraient responsables de la transmission des caractères acquis postulée par Lamarck2537), tantôt les poètes modernes l'utilisent comme une « réminiscence2538 », c'est-à- 2532 Ibid., p. 205. Ibid., p. 204. 2534 Le fait que Mallarmé utilise cet adjectif en ce sens est renforcé par le fait que, précisément, la crise du vers de la fin du siècle est cyclique et réglée, puisqu'elle fait écho à la crise – de nature différente – de la fin du siècle précédent (« on assiste, comme finale d'un siècle, pas ainsi que ce fut dans le dernier, à des bouleversements ; mais hors de la place publique », ibid., p. 204). 2535 I
bid., p.
205
. 2536 Ibid., p. 206. 2537 Charles Darwin, De la variation des animaux et des plantes à l'état domestique [The Variation of Animals and Plants Under Domestication, 1868], 2 vol., Edmond Barbier (trad.), Paris, C. Reinwald et Cie, 1879-1880. Voir à ce propos l'essai capital de François Jacob, La Logique du vivant, Une histoire de l'hérédité, op. cit., et plus récemment le chapitre de Staffan Müller-Wille, « Hérédité, race et eugénisme dans le long XIXe siècle », Arjoun Raj (trad.), dans Histoire des sciences et des savoirs, Dominique Pestre (dir.), t. II, Modernité et globalisation, op. cit., p. 390-409. 2538 Mallarmé, « Crise de vers », op. cit., p. 207. 2533
607 dire que la métrique classique est inscrite dans leur patrimoine et qu'ils s'en souviennent comme intuitivement. Il faut dire que Mallarmé considère la métrique comme une création qui remonte aux temps premiers (en cela, il n'est pas si loin des théories d'un Jules de Gaultier, par exemple, et de Rousseau avant lui). Cette création est exposée comme une opération de biologie : « a jailli la métrique aux temps incubatoires2539 ». La forme du vers est un être vivant sorti d'un oeuf. Le jaillissement de la métrique s'énonce dans le texte en prose sous une forme dodécasyllabique à coupe médiane qu'il n'est pas impossible de regarder comme un vers blanc, hypothèse renforcée par le fait que le premier segment de la phrase peut être lu comme un décasyllabe traditionnel en 4+6 : « Arcane étrange ; + et, d'intentions pas moindres, // a jailli la métrique + aux temps incubatoires2540 » (10 [4+6] // 12 [6+6]). Tout se passe comme si Mallarmé reproduisait ce jaillissement poétique en le suggérant par le surgissement d'un rythme mesuré et marqué par la métrique classique. Les deux vers traditionnels, mêlés, semblent ainsi sortir de leur oeuf en même temps que le poète en décrit l'éclosion. Mallarmé reconduit la théorie physiologique selon laquelle la versification française évolue en fonction de la sensibilité humaine : « l'oreille, affranchie d'un compteur factice [le décompte de l'alexandrin régulier], connaît une jouissance à discerner, seule, toutes les combinaisons possibles, entre eux, de douze timbres2541. » Le naturel, le spontané et la sensation (« jouissance ») prennent le pas sur la règle artificielle (« factice »). Comme chez Le Goffic et Thieulin, comme chez Sully Prudhomme, la conception mallarméenne de l'évolution du vers doit être soumise au temps long et à la conception primordiale de l'adaptation. Adaptation indécise, assurément, puisqu'on ne saurait dire si c'est l'oreille humaine qui doit s'adapter aux évolutions du vers (conception de Le Goffic et Thieulin) ou le vers qui doit s'adapter à l'évolution de l'oreille humaine (conception que semble suggérer Sully Prudhomme). Mallarmé se contente de constater un phénomène d'adéquation, d'harmonie, entre les expérimentations mélodiques du vers (le « timbre » est une notion d'ordre prosodique) qui expérimente un relatif assouplissement et les aspirations de l'oreille humaine moderne. Toutefois, il semble bien que ce soit le charme de la variation, appelé de leurs voeux par les arts poétiques antiques et classiques, qui se trouve ici érigé à nouveau en précepte. Cet assouplissement du vers traditionnel est décrit par Mallarmé à l'aide de métaphores relevant discrètement de la biologie, ce qui le conduit à regarder par le même prisme la création du vers libre. 2539 Ibid., p. 208.
Ibid
.
2541
Ibid
., p. 206.
2540 608
Dès l'ouverture de son ouvrage Le Vers libre, Michel Murat appelle la définition d'inspiration biologique que Mallarmé donne du vers libre2542 : ce nouveau vers est « polymorphe2543 ». En somme, le vers libre, comme son nom l'indique, n'a pas de forme fixe. Le choix lexical de Mallarmé est significatif. Le Trésor de la langue française fait remonter la création de « polymorphe », emprunté à l'anglais, au tout début du XIXe siècle. Il concerne d'abord le domaine botanique, se charge d'une acception chimique au milieu du siècle avant de pouvoir s'appliquer à des formes biologiques complexes à partir des années 1870. Il ne connaît pas encore d'acception plus large lorsque l'emploie Mallarmé. Le terme est encore un marqueur de scientificité. Le poète sélectionne un vocable alors presque exclusivement employé pour caractériser un organisme. Si Mallarmé observe une solution de continuité dans l'histoire du vers français, la persistance de la métaphore biologique lui permet de ne pas complètement discréditer la poétique vers-libriste : il la légitime en partie en la liant à des débats modernes. Il constate que le vers libre est le fruit d'une conception proche de l'évolutionnisme, qui se traduit selon François Jacob, par les mots « divergence, diversification, dispersion2544. » Mallarmé concède, avec la prudence et le doigté qui le caractérisent, que cette forme ne va pas de soi. Le modèle biologique ne tient pas jusqu'au bout comme comparant viable. Comme le rappelle François Jacob, le second élément définitoire de la théorie évolutionniste est l'absence de sauts et de changements brusques2545. Le vers libre, avec sa démarche révolutionnaire, tend à égarer le lecteur et à lui faire perdre de vue le lien qui unit le vers libre au vers classique, la branche qui lie celui-ci à celui-là. Il manque ici un chaînon pour expliquer comment la poésie est passée de sa forme métrique la plus rigoureuse à la libération la plus débridée. Entre le type romantique et le vers libre, ce chaînon manquant n'existe que partiellement dans les assouplissements du vers instable tel que le pratique par exemple « Henri de Régnier ». Mallarmé propose en effet de regarder la modernité formelle « sous un aspect triple », « en graduant »2546. Voilà donc un chaînon, puisqu'Henri de Régnier est présenté comme le « révélat[eur] » d'un « trouble transitoire » des poètes devant « l'instrument héréditaire »2547. Ce chaînon de transition est hélas jugé trop « discr[et] », de même que la transitionnelle forme adoptée par Laforgue et son vers faux n'est que l'outil d'une oeuvre de 2542 Michel Murat, Le Vers libre, op
cit., p. 10. Mallarmé, « Crise de vers », op. cit., p. 207. 2544 François Jacob, La Logique du vivant, Une histoire de l'hérédité, op. cit., p. 181. 2545 Ibid., p. 183. 2546 Mallarmé, « Crise de vers », op. cit., p. 206. 2547 Ibid. 2543 609 jeunesse à laquelle ne fut pas donnée suite2548.
Le problème que soulève d'emblé
e
cette définition d'inspiration biologique repose sur l'impossibilité de pouvoir justement circonscrire un fonctionnement stable du vers libre : « on bascule d'une forme trop simple ou trop générale à une relativité sans repère2549 ». En d'autres termes, le caractère révolutionnaire de cette nouvelle forme repose précisément sur la polymorphie, parce que la subjectivité de chaque poète nécessite l'invention d'un instrument particulier qui lui correspond, et que Mallarmé lie intimement à des éléments corporels du poète, souffle intime, doigts qui frôlent ou mains qui frappent. Le vers libre est par conséquent l'émanation formelle d'une irréductible intimité que le corps permet de faire remonter à la surface de l'être pour l'inscrire sur le papier : « Toute âme est une mélodie, qu'il s'agit de renouer ; et pour cela, sont la flûte ou la viole de chacun2551. » Le corps humain et le corps du vers entrent en résonnance pour reproduire le rythme et les harmonies intimes que chaque poète sent confusément bruire en lui. Comme Baudelaire, Mallarmé utilise le mot « science » pour signifier la maîtrise du métier poétique. C'est ici aussi prendre position dans le conflit qui oppose le discours poétique et le discours scientifique, en énonçant l'idée qu'existerait une science de la forme poétique, et que le poète pourrait la décrire plus adéquatement que le scientifique, en empruntant toutefois les outils de ce dernier. 2548 Ibid. Michel Murat, op. cit., p. 10. 2550 Mallarmé, « Crise de vers », op. cit., p. 207. 2551 Ibid., p. 207-208. Mallarmé répète cette métaphore dans sa réponse à l'Enquête sur l'évolution littéraire [1891] de Jules Huret, op. cit., p. 100 : « chaque poète allant, dans son coin, jouer sur une flûte, les airs qu'il lui plaît ». 2549 610 « L'organisme ne peut se dissocier de son milieu. C'est
l'ensemble qui se modifie et qui se transforme2552. » Le vers libre correspond
à une
conception
éminemment moderne, qui, quoique reposant sur le principe d'une tabula rasa problématique dans le cadre d'une pensée confusément évolutionniste, est en accord avec l'état des sciences de son époque. Science et poésie se modifient et se transforment ensemble pour faire plus de place à la subjectivité.
3. SYMBOLISME ET POÉTIQUE EXPÉRIMENTALE
« Orage, lustral ; et, dans des bouleversements, tout à l'acquit de la génération récente, l'acte d'écrire se scruta jusqu'en l'origine. », Stéphane Mallarmé2553. Suivant l'exemple du Roman expérimental, envisagé par Zola à partir des théories de la médecine telle que la conçoit Claude Bernard, les poètes formulent le besoin de faire entrer à son tour la poésie dans le laboratoire. Gustave Kahn reconnaît que l'une des raisons qui, en 1886, ont influencé le tournant du vers libre, qu'il considère comme une entreprise expérimentale, est l'aporie du roman zolien. Il s'agissait de « protester contre la platitude des petits naturalistes, retirer le roman du commérage et du document trop facile, renoncer à de petites analyses pour tenter des synthèses2554 ». Le renouvellement des formes poétiques s'est aussi inspiré du désir zolien de transposer la méthode scientifique dans les lettres, à cela près que le genre poétique, méfiant vis-à-vis d'une lyre jugée par les symbolistes trop égotiste, et reconduisant ce reproche sur le roman naturaliste, cherche à structurer scientifiquement sa langue en vue de constituer des oeuvres totales. L'inspiration scientifique aurait poussé Zola à scruter les petits faits humains, elle permettra à la poésie de s'ouvrir au monde et de chanter l'élan vital universel. Contre les « petites analyses » du roman naturaliste, la poésie expérimentale cherche à atteindre les « synthèses ». Or la synthèse est bien la recomposition, chimique d'abord, de corps simples en corps composés. En 1890, J.-H. Rosny – pseudonyme commun des frères Boex – préface Les Rythmes pittoresques dans lesquels Marie Krysinska revendique l'invention du vers libre dès 18822555. Dans cette préface, les deux frères romanciers, défenseurs de la forme libre, rejettent un vers qui serait centré sur l'intimité du 2552 François Jacob, La Logique du vivant, Une
histoire de l'hérédité, op. cit., p. 172. Mallarmé, « La Musique et les Lettres », op. cit., p. 65. 2554 Gustave Kahn, Symbolistes et Décadents, op. cit., p. 52. 2555 Voir à ce propos Michel Murat, Le Vers libre, op. cit., p. 69-70, mais aussi John Clifford Ireson, L'OEuvre poétique de Gustave Kahn (1859-1936), op. cit., p. 86-89 ainsi que Daniel Grojnowski, « Poétique du ver libre : "Derniers vers" de Jules Laforgue (1886) », Revue d'Histoire littéraire de la France, 1984, no 3, p. 390-413. La microcéphalie était une maladie étudiée à l'époque. Elle demeurait toutefois, comme en atteste la définition de Littré, un synonyme d'idiotisme. Il y a fort à parier que ce « refuge des microcéphalies routinières » décrit peu élogieusement, par le recours à la médecine moderne, les entreprises lyriques des néo-romantiques. Les « chloroses » et autres « infirmités » s'adressent plutôt aux décadents, voire aux symbolistes qui, Vielé-Griffin en tête, mêlent la forme poétique, sa libération, à une conception modérée de l'anarchie. Ils s'écartent de la vigueur poétique que les deux frères appellent de leurs voeux. Les poètes visés sont des feuilles qui ont perdu leur chlorophylle, voire des êtres vivants anémiés, dans les veines desquelles trop peu de sang circule encore pour que l'on puisse considérer que leur oeuvre est vivante. Biologie, médecine et botanique apportent un concours analogique aux deux romanciers afin de méjuger un mouvement, le décadentisme, fréquemment rapproché du symbolisme. Le vers libre pourra à son tour être parfois regardé comme l'une des manifestations de cette évolution en forme de perte : la structure et l'énergie vitale, impulsions inspiratrices, s'amenuisent2557. La poésie moderne, empruntant cette forme novatrice dont J.-H. Rosny encourage le développement, trouvera sa voie nouvelle dans l'« analyse scientifique et philosophique ». Si le vers libre ne se fait pas analytique – on voit qu'une tension s'esquisse entre la « synthèse » de Kahn et l'« analyse » de Rosny, le laboratoire étant plutôt le lieu de la seconde opération –, la vie du mètre français prendra fin. Tout se passe comme si les deux ères poursuivaient une tentative de réconciliation entre la libération formelle, que revendique Marie Krysinska, et les vues poétologiques d'un Sully Prudhomme, souhaitant détourner la poésie moderne d'une inspiration purement égotiste pour ouvrir les vers aux complexes questionnements scientificométaphysiques du moment. 2556 J.-H. Rosny, préface des Rythmes pittoresques de Marie Krysinska, Paris, Alphonse Lemerre, 1890, p. VII-XI, p. XI pour la citation. 2557 Voir en particulier Sully Prudhomme, Réflexions sur l'art des vers, 1892, op. cit. À propos de René Ghil, Tristan Tzara constate l'existence d'une « expérimentation poétique2558 ». Olivier Gallet, définissant un objet littéraire proche, évoque une « littérature d'hapax » et des « prototypes poétiques »2559 qui peuvent nous aider à penser la poésie expérimentale. Comme l'expérimentation, le prototype « frappe d'emblée par un effet de nouveauté produit d'abord par sa forme et s'entend comme annonciateur d'une série2560. » Le prototype importe peu en tant qu'oeuvre en soi, c'est sa démarche expérimentale, sa réalisation concrétisée (réussie ou non, d'ailleurs) qui compte2561. L'oeuvre expérimentale, elle, vaut pour son geste novateur. Elle a valeur de vérification par l'expérience (que cette vérification aboutisse, comme en science, à la validation d'une hypothèse ou à son invalidation). C'est une littérature pour voir, qui, par l'expérimentation, cherche à vérifier la viabilité d'une nouvelle forme poétique. Jean-Pierre Bobillot remarque que la notion même de poésie expérimentale ne va pas de soi2562. On a tendance à considérer que la poésie moderne doit relater, dans le droit sillage des oeuvres de Baudelaire, Rimbaud ou Lautréamont, des expériences, plus personnelles et subjectives, là où l'expérimentation relègue la poésie dans le laboratoire aseptisé et sans questionnement des analystes. Dans l'esprit collectif, l'expérimental serait dépourvu d'idéal2563. Pourtant, on a vu que les oeuvres de ces trois poètes, à divers égards, pouvaient également se rattacher à une certaine conception de l'expérimentation (démarche scientifique, création de nouvelles formes). L'idéal n'est pas non plus absent des oeuvres xpérimentales de Mallarmé, Alfred Jarry et René Ghil, qui mettent en place une pensée universelle à partir d'une réflexion expérimentale, notamment sur la matière du monde et du texte poétique.
3.1.Mallarmé et le poème expérimental : « la corrélation intime de la Poësie avec l'Univers2564 »
La critique a pu insister sur le désintérêt de Mallarmé pour les sciences. Toutefois, ses propres aveux dans la correspondance, le recours à des analogies scientifiques dans ses textes critiques et la présence certes discrète mais parfois revendiquée comme structurelle dans ses 2558 Tristan Tzara, « Essai
sur
la
situation de la poésie »,
Le Surréalisme
au service de la
Révolution
, no 4, décembre 1931,
cité par Jean-Pierre Bobillot dans
l
'
édition partielle
de Le Voeu de vivre, Renn
es
, Presses universitaires de Rennes, coll. « Textes rares », 2004, p. 23.
C'est Tzara qui
souligne. 2559 Olivier Gallet, « Les prototypes poétiques », Poétique, 2012/1, no 169, p. 41-61, p. 41 pour la citation. 613 textes poétiques d'éléments scientifiques, poussent le lecteur attentif à se défier d'un tel jugement. Il est tout d'abord manifeste que Mallarmé se tient au courant de la science de son époque, notamment dans sa perspective culturelle et linguistique. Savant appliqué à l'étude de la linguistique comparée, il traduit un ouvrage de mythologie comparée qui est l'oeuvre du révérend Cox2565. À la fin des Beautés de l'anglais, sa libre traduction d'une anthologie de textes anglais « à l'usage de la jeunesse », Mallarmé fait la liste des scientifiques britanniques à qui il rend un hommage appuyé en plaçant leurs oeuvres parmi les « Belles pages du XIXe siècle ». Humphrey Davy, John Herschel, Charles Lyell et Charles Darwin sont célébrés pour leurs découvertes autant que pour leur manière de les transmettre. Humphrey Davy est un « grand chimiste aux découvertes splendides » qui « eut à sa disposition un talent littéraire. » John Herschel, le grand astronome, découvreur d'étoiles comme son père, est couronné de la « gloire » de celui-ci qui lui a légué le goût des lettres et de la poésie. Charles Lyell, le géologue de l'uniformitarisme, est un « génie » à l'influence phénoménale, allié à « un admirable peintre de tout ce qu'il pense ou voit. » Enfin, Darwin a mis en place une pensée « très neuve » qui a « passionné l'esprit contemporain »2566. Le poète ne rejette pas systématiquement les manifestations du « reportage2567 », et reconnaît que science et poésie peuvent entretenir des rapports. Au sein de son oeuvre, la présence d'un savoir astronomique a fréquemment été relevée et commentée2568. D'autre part, Bertrand Marchal est parvenu à prouver que toute 'entreprise poétique mallarméenne, après 1869 – date d'une forme d'illumination –, est sous-tendue par une conception scientifique du langage2569 qui aboutit à deux des textes poétiques les plus tardifs et les plus formellement novateurs de Mallarmé, les Notes en vue du « Livre », dans un premier temps, puis Un coup de dés jamais n'abolira le hasard2570. La relation entre les deux 2565 Mallarmé, Les Dieux antiques, traduction libre de A Manual of Mythology in the Form of Question and Answer, George W. Cox, 1867, repris dans les OEuvres complètes, Bertrand Marchal (éd.), op. cit., t. II, p. 1445-1567. Voir à propos de cet ouvrage, de sa traduction par Mallarmé et de l'inspiration de Max Müller, la présentation de Bertrand Marchal dans son édition des OEuvres complètes, ibid., p. 1812-1816. 2566 Mallarmé, Beautés de l'anglais [1878], repris dans les OEuvres complètes, Bertrand Marchal (éd.), ibid., p. 1347-1441, p. 1440 pour les citations.
Notons que c'est la traduction du texte de L'Origine des espèces – par Clémence Royer – qui est commentée élogieusement
par Mallarmé. 2567 Mallarmé, « Crise de vers », art. cit., p. 212. 2568 Voir notamment l'ouvrage de référence de Gardner Davies, Mallarmé et le drame solaire, Paris, José Corti, 1959, mais aussi Claude Roulet, Élucidation du poème de Stéphane Mallarmé, Un coup de dés jamais n'abolira le hasard, Neuchâtel, Aux Ides et Calendes, 1943, et Jean-Pierre Richard, L'Univers imaginaire de Mallarmé, Paris, Éditions du Seuil, 1961. 2569 Bertrand Marchal, La Religion de Mallarmé, Paris, José Corti, 1988, p. 83-100. 2570 Voir à propos
de
ce poème
les
étud
es, fondamentales quoique datées de Robert Greer Cohn, L'OEuvre de Mallarmé, Un coup de dés
, René Arnaud (trad.), Paris, Librairie des lettres, coll. « Critique et création », [1951], 614 textes
doit être pensée comme une évolution qui prend justement en compte le rôle que peut jouer la science dans la constitution structurelle profonde de l'oeuvre poétique. Bertrand Marchal montre que le projet du « Livre » – rédigé selon toute vraisemblance entre 1885 et 1895 – est dès le début soumis à une tentation double, qui vise à concilier la pure matérialité de l'homme à une esthétique de l'exhaustif du beau (absolu et pureté)2571. Comme l'explique Éric Benoit2572, l'étude attentive des notes en vue du « Livre2573 », ainsi que des nombreux textes péritextuels, révèle la fascination de Mallarmé pour une pensée proche du scientisme. Cette oeuvre s'énoncerait sur les modèles scientifiques qui régissent le monde : « les brouillons du Livre de Mallarmé nous semblent donc être un terrain très favorable à l'étude de ces isomorphismes entre poésie et épistémologie2574 ». Éric Benoit explique notamment que l'oeuvre est conçue comme « conforme à la dynamique évolutive de l'univers voué à l'accomplissement du Second Principe de la Thermodynamique2575 ». Ce principe tend à l'épuisement énergétique : l'oeuvre doit alors poursuivre l'épuisement de toutes les énergies, notamment par la profusion et la tentative de l'exhaustif. et de Gardner Davies, Vers une explication rationnelle du Coup de dés, essai d'exégèse mallarméenne, Paris, José Corti, 1953. Voir aussi, plus récemment les études de Bertrand Marchal, Lecture de Mallarmé, Paris, José Corti, 1985, p. 269-293, Michel Murat, Le Coup de dés de Mallarmé, Un recommencement de la poésie, Paris, Belin, coll. « L'Extrême Contemporain », 2005 et Quentin Meillassoux, Le Nombre et la sirène. Un déchiffrage du Coup de dés de Mallarmé, Paris, Fayard, 2011. 2571 Bertrand Marchal, Notice pour les notes en vue du « Livre », OEuvres complètes, op. cit., t. I, p. 1372-1375. 2572 Éric Benoit, Mallarmé et le mystère du « Livre », Paris, Honoré Champion, coll. « Romantisme et modernités », 1998. 2573 Mallarmé, OEuvres complètes, op. cit., t. I, p. 945-1060. 2574 Éric Benoit, Mallarmé et le mystère du « Livre », op. cit., p. 361. 2575 Ibid., p. 359. 2576 Ibid., p. 365. 2577 Mallarmé, Notes sur le langage [1869-1870], repris dans les OEuvres complètes, t. I, op. cit., p. 876. 2578 Ibid., p. 877. 2579 Voir à ce propos Mireille Ruppli et Sylvie Thorel-Cailleteau, Mallarmé, La grammaire & le grimoire, Genève, Droz, coll. « Histoire des idées et critique littéraire », 2005, p. 51-80. Le texte des Notes s'ouvre sur une scène de crime initiale que l'algèbre semble à même de pouvoir résoudre, puisque la révélation du crime est immédiatement suivie de formules mathématiques : finir conscience Et peines xxxxxx trop xxx rue crime infame double lieu foule ma place un – crime – égout 480 = 96 × 5 24 fois 2402580 S'ensuit une série d'équations qui semble suggérer la possibilité d'une résolution : multiplications et équivalences apparaissent comme autant de problèmes résolus. Toutefois, le texte dégage une nouvelle donnée, un « Mystère ». Mathématiquement, un « X »2581 fait son apparition, qui signifie une inconnue. Les séries d'« xxx » du début du texte préfiguraient déjà cette part mystérieuse, l'idée que certains éléments de l'affaire du « meurtre » étaient inconnus. Mallarmé semble alors en tirer un théorème qui doit lui permettre d'aboutir à l'idée du Livre : « Comme é est hymne2582 ». Sous cet « hymne » semble se cacher le « Livre » qui paraît s'y substituer juste après. Le Livre/hymne doit donc être conçu comme une équation : un mystère divisé par une idée. Or ces Notes s'ouvrent précisément sur un Mystère, le « crime / infame ». Mallarmé exhibe en ouverture de ces Notes la dimension expérimentale de l'oeuvre telle qu'il commence à la concevoir. Que la pensée relève de la thermodynamique ou d'une expérience mathématique, il s'agit d'éprouver la viabilité d'une forme poétique nouvelle. Les Notes, laboratoire d'écriture du Livre à venir, se font expérimentales en cherchant à développer sur la base de formules scientifiques une sorte de mystérieux protocole poétique. Un de dés jamais n'abolira le hasard reconduit cette attitude expérimentale. Elsa Courant a récemment rappelé que le texte du Coup de dés dévoilait lui-même sa propre structure 2580 Mallarmé, Notes en vue du « Livre », op. cit., p. 947. Ibid., p. 948. 2582 Ibid., p. 949. 2581 616 d'engendrement, en faisant scintiller en fin du poème cette « CONSTELLATION » : le « poème », indice générique livré en sous-titre, se constituerait typographiquement, syntaxiquement et sémantiquement selon le modèle de l'astérisme2583. Typographiquement, parce que les groupes rythmiques se répartissent sur la page selon une logique qui semble à la fois hasardeuse en même temps que soumise à l'interprétation (comme la constellation). Syntaxiquement parce que la phrase mallarméenne se distribue en groupes qui se distinguent par le degré syntaxique2584 : les groupes les plus profondément enfouis dans l'épaisseur grammaticale de la phrase complexe auront ainsi tendance à adopter une police plus réduite comme les étoiles les plus lointaines d'une constellation sont moins visibles. Sémantiquement, enfin, parce que le texte est constitué d'une seule phrase simple dont le fil est éclaté en une multitude de pistes sémantiques que le lecteur est tour à tour invité à suivre puis à abandonner2585. Mallarmé semble tenir à ce modèle de la constellation comme fondement d'une poétique moderne. Paul Valéry2586, lors d'une promenade avec le maître faite la nuit où ce dernier lui avait fait la lecture de son prototype2587, pense avoir compris que Mallarmé a trouvé dans l'organisation stellaire non seulement le modèle, mais aussi « l'Impératif d'une poésie : une poétique2588. » La poétologie mallarméenne, que Valéry regarde comme « un événement de l'ordre universel [], le spectacle idéal de la Création du Langage2589 », s'adosserait à une tentative de rénovation linguistique qui prendrait exemple sur l'ordre cosmique du monde. Mallarmé traduirait poétologiquement la forme éclatée des mondes stellaires. Il faut néanmoins reconnaître qu'il est hasardeux d'avancer que c'est une conception scientifique qui préside à la nouvelle structure poétique. Les constellations sont certes un objet de discussion et d'étude scientifique, mais Mallarmé semble a priori s'en servir surtout comme d'un modèle d'éclatement, de dissolution
2583 Elsa Courant, « Écrire au "folio du ciel" : le modèle de la constellation dans Un coup de dés de Mallarmé », Revue
Le poème de Mallarmé, structuré comme souvent ses textes de prose selon un modèle d'engendrement gigogne multiple, préfigure à ce titre des structures complexes caractéristiques de la modernité poétique du XXe siècle, comme les Nouvelles impressions d'Afrique de Raymond Roussel, qui ajoute à la structure gigogne du poème d'une seule longue phrase la distinction chromatique : à chaque niveau d'énonciation correspond une couleur. Raymond Roussel, Nouvelles impressions d'Afrique [1932], Jacques Sivan (éd.), Romainville, Al Dante, [Paris], Léo Sheer, 2004. 2585 « La fiction affleurera et se dissipera vite », explique Mallarmé dans l'« Observation relative au poème » que la revue Cosmopolis, qui fit paraître en 1897 le poème, exigea du poète pour clarifier sa démarche. Ibid., p. 391. 617 et de fragmentation2590. En somme, Mallarmé fait entrer dans son laboratoire poétologique la connaissance astronomique qui le pousse à expérimenter formellement. Il pose en effet structurellement mais aussi thématiquement la question de la viabilité de son entreprise. Si l'on regarde le « coup de dés » du titre comme une formule « allégorique d['elle]-même2591 », c'est alors la tentative de rénovation formelle qui est vue comme un jeu de hasard numérique : des fragments numéraires de longueur variées sont projetés dans le blanc de la page, comme par hasard des chiffres élus par la chute du dé. Significativement, Mallarmé conçoit ce texte comme un essai, une « tentative », et esquisse la possibilité d'une postérité : « sans présumer de l'avenir », confie-t-il (c'est-à-dire du contexte futur, qui déterminera la survivance ou non de son prototype). Il regarde son poème comme un « genre », avant d'ajouter, à la faveur d'un éloquent subjonctif, « que c'en devienne un »2592. Ce genre découle des expérimentations formelles modernes « chères à notre temps » – vers libre et prose poétique. Cette tentative particulière « participe, avec imprévu [] de poursuites particulières » de la poésie moderne. Mallarmé met en place un poème de la perturbation : si le vers est en crise, le contexte d'avènement de ce coup de dés est celui d'un « naufrage2593 », c'est-à-dire d'une situation critique ayant pour résultante une extinction. La troisième double page voit l'apparition d'un agent, le « MAÎTRE ». Il s'inscrit dans un temps biologiquement long marqué par une histoire des sciences en évolution constante : « hors d'anciens calculs / où la manoeuvre avec l'âge oubliée ». Si ce MAÎTRE comme celui du sonnet « Ses purs ongles très hauts dédiant leur onyx », peut être regardé comme le poète, il est alors légitime de lire ces « anciens calculs » comme le symbole de la métrique traditionnelle dont « jadis il empoignait la barre ». Dans l'économie du texte, cet oubli des « anciens calculs » est concomitant d'une entreprise qui voit le maître secouer un poing fermé sur « l'unique Nombre qui ne peut pas être un autre ». S'apprêter à jeter le dé peut alors apparaître comme une analogie de l'invention d'une nouvelle forme, d'une expérience dont le résultat n'est pas encore connu. 618 division » du Nombre, c'est-à-dire qu'à l'instar de l'ancienne métrique qu'il remplace, il forcerait à nouveau le nombre poétique à une répartition inédite en vers différemment mesurés. Ce maître poète est lui-même marqué, comme la poésie, par un vieillissement, comme en attestent l'adjectif « chenu » et le groupe nominal « barbe soumise »2594. Ce vieillissement est le signe d'une peur de l'extinction que fait planer l'expression « naufrage cela + direct de l'homme2595 ». Puis advient la stimulante « plume solitaire éperdue2596 ». Il a été question d'une aile désormais incapable de porter l'âme poétique dans les nues. C'était peut-être suggérer qu'un ensemble de poèmes portés par la même inspiration n'est plus envisageable, et que la plume de la forme neuve, celle qui expérimente en vue d'une rénovation, doit faire le travail seule (c'est l'équivalent, en somme, de « la flûte de chacun »). Cette plume qui « effleure une toque »2597 puis « scintille » « au front invisible », se métamorphose elle-même en « sirène ». Elle mime une sorte de métamorphose en un être hybride, et rappelle les expérimentations amphibies entre le « vers libre » et la « prose » de Mallarmé. L'analogie biologique se précise puisque cette plume-sirène est recouverte « d'impatientes squames ultimes », terme biologique qui permet de décrire la queue de la sirène comme recouverte d'écailles. Qui plus est, cette plume-sirène « souffl[ète] »2598, signe d'un halètement, voire d'une éclosion poétique hésitante. Le sens qui se dégage de ce poème expérimental se trouve indiqué par la « CONSTELLATION » du Septentrion » de la dernière double page. Cette constellation est regardée à tort comme le signe d'une transcendance qui veut dire quelque chose : « pas tant / qu'elle n'énumère / sur quelque surface vacante et supérieure / le heurt successif / sidéralement / d'un compte total en formation ». Il n'est pas de prédestination, pas de « compte total en formation », pas de destinée permettant d'inférer que les choses, sciences et lettres, évoluent vers un but supérieur, selon une loi qui dépasserait l'humain. Cette « CONSTELLATION », tout en « veillant », « dout[e] »2599. Mallarmé tente de formuler une nouvelle poétique, marquée par le segment, l'hésitation, le balancement entre la rupture et la continuité, sans toutefois présenter sa poétologie comme définitive. Il ne formule pas d'autre loi que celles du hasard et du déterminisme. Un coup de 2594 Ibid., p. 372-373. Ibid. Je suis ici typographiquement la leçon de Michel Murat qui considère le changement de page à l'intérieur d'un même vers comme une « césure », dans Le Coup de dés de Mallarmé, op. cit., p. 131-133. 2596 Ibid., p. 378. 2597 Ibid., p. 378-379. 2598 Ibid., p. 380-381. 2599 Ibid., p. 386-387. 2595 619 dés est une poésie de la perturbation analytique, qui tâtonne en mettant en place, à l'aveugle, des protocoles dont le résultat est imprévisible et dont la longévité ne peut pas être prédite.
3.2.La science chez Jarry : laboratoire d'un hermétisme symbolique
En octobre 1894, le jeune Alfred Jarry – âgé alors de vingt-et-un ans – fait paraître un recueil de poésies intitulé Les Minutes de sable mémorial2600. Il s'agit du premier livre de Jarry. Il est constitué de poèmes parus dans des revues depuis 1893 – notamment le Mercure de France, revue refondée par la jeune génération symboliste2601. Les Minutes de sable mémorial se présente comme un recueil symboliste. Dès sa pièce liminaire, « Linteau », généralement regardée comme un poème programmatique, Jarry formule son esthétique : « Suggérer au lieu de dire, faire dans la route des phrases un carrefour de tous les mots2602. » Cette revendication se trouve au croisement des esthétiques symbolistes du temps. En effet, « Suggérer au lieu de dire » est un écho très direct à des éléments de réponse que Mallarmé formule à l'occasion de l'Enquête sur l'évolution littéraire de Jules Huret, lorsqu'il dit, dans une formule passée à la postérité, que « [n]ommer un objet, c'est supprimer les trois quarts de la jouissance du poème qui est faite du bonheur de deviner peu à peu ; le suggérer, voilà le rêve2603. » Quant à la seconde partie du programme tel que le formule Jarry – la métaphore du voyage hasardeux –, elle semble emprunter des éléments à Gustave Kahn et à Jules Laforgue2604. Le recueil tout entier se place donc dans la mouvance symboliste. Il est par conséquent très bien reçu de ceux-ci, et notamment de Mallarmé2605. La critique a souvent relevé l'intérêt qu'a Jarry pour la science. Durant les cours de Bergson, auxquels il assiste dans le cadre de sa préparation au concours de l'École Normale Supérieure de 1891 à 1893, il est amené à se familiariser non seulement avec la philosophie de l'inconscient – Hartmann –, mais aussi avec la psychologie : il lit Pierre Janet et Théodule Ribot. Bergson fait également découvrir à ses étudiants les Souvenirs entomologiques de Jean- 2600 Voir la biographie de Jarry que propose Patrick Besnier, Alfred Jarry, [Paris], Fayard, 2005, p. 157-158. Jean Moréas, Remy de Gourmont, Albert Samain et Saint-Paul-Roux, notamment, y ont pris une part importante. 2602 Alfred Jarry, Les Minutes de sable mémorial
[1894]
, repris dans les OEuvres complètes d'Alfred Jarry, Henri Béhar, Paul Edwards et Julien Schuh (éd.), Paris, Classiques Garnier, coll. «
Bibliothèque de littérature du XXe siècle »,
t
. II, 2012, p. 42. 2603 Stéphane Mallarmé, réponse à l'Enquête sur l'évolution littéraire [1891], op. cit., p. 103. 2604 « Dans le carrefour les paroles / se croisèrent haletantes. », Gustave Kahn, « Finale », Les Palais nomades, Paris, Tresse & Stock, 1887, p. 165. « [] [I]l me semble entendre ici toute l'intarissable symphonie de l'âme universelle dont cette boîte fut un carrefour d'échos. », Jules Laforgue, « Hamlet ou les suites de la piété filiale » [1886], repris dans les Moralités légendaires [1890], repris dans les OEuvres complètes, Maryke de Courten, JeanLouis Debauve, Pierre-Olivier Walzer (éd.), op. cit., t. II, 1995, p. 391. Ces intertextes sont signalés dans l'édition d'Henri Béhar. 2605 Voir notice de
l'édition d'
Henri
Béhar, op. cit., p. 17.
2601 620
Henri
Fabr
e (les quatre premières séries
sont déjà parues), dans lesquels
, comme le remarque Julien Schuh2606, Jarry puise
les noms des insectes
dont il par
s
ème son
recueil. La critique a fréquemment rapproché le goût de Jarry pour les sciences de son désir d'hermétisme. Dans Alfred Jarry, Critique littéraire et sciences à l'aube du XXe siècle, Matthieu Gosztola explique longuement le mépris du poète pour les ouvrages de vulgarisation, notamment au nom d'une pensée de l'avant-garde2607. Il convient de n'être pas trop clair, en cette période où l'hermétisme devient une valeur en soi. Accumuler des éléments du vocable scientifique permet de brouiller la langue et de créer de la littérature symboliste qui vise à la suggestion2609. Toutefois, l'étude de Gosztola concerne surtout les textes critiques de Jarry, et si d'autres auteurs ont relevé l'attirance du poète pour la science, c'est surtout dans le cadre de ses romans2610. Pourtant, la méthode scientifique informe également sa poésie. En témoigne en particulier, en 1898, le recueil que Jarry propose de ses poèmes de jeunesse, qu'il intitule significativement Ontogénie. Il s'agit pour lui, comme l'explique Julien Schuh, de revendiquer une inspiration complexe sur le modèle biologique qu'Haeckel avait théorisé très peu de temps auparavant2611. Qui plus est, l'influence de Ducasse est souvent commentée : Lautréamont avait montré la voie d'une utilisation esthétique des connaissances scientifiques : on peut voir la science chez Jarry comme une réserve d'objets et de formes inédits, qui, se voyant placés dans un cadre symboliste, voient germer de nouvelles
2606 Julien Schuh
,
Alfred Jarr
y, le colin-maillard cérébral, Paris, Honoré Champion, coll. « Romantisme et modernités », 2014, p. 190. Julien Schuh renvoie à un texte de Paul Edwards qui établit la liste de ces animaux : « Concordance : Faune et flore des Minutes de sable mémorial et quelques textes annexes », L'Étoile-Absinthe, nos 83-84, 1999, p. 4-57. 2607 Matthieu Gosztola, Alfred Jarry, Critique littéraire et sciences à l'aube du XXe siècle, Paris, Éditions du Cygne, coll. « Portraits littéraires », 2013, p. 9-13 et 25. 2608 Ibid., p. 28. 2609 Ibid., p. 37-38. 2610 Voir notamment
Alfred Jarry (Paris, Plon, coll. « Biographique », 1990, p. 82-83), l'étude de Patrick Besnier, qui rappelle que Jarry regardait ses romans, notamment Gestes et opinions du docteur Faustroll, pataphysicien (1898) et Le Surmâle (1901), comme des « romans scientifiques ». Significativement, Gestes et opinions du docteur Faustroll, pataphysicien porte le sous-titre « Roman néo-scientifique », repris dans les OEuvres complètes, op. cit., t. III, 2013, p. 45. 2611 Julien Schuh, Alfred Jarry, le colin-maillard cérébral, op. cit., p. 187. Les échos du biologiste allemand sont également présents au sein de Les Minutes de sable mémorial, puisqu'on y croise des « monères » (Les Minutes de sable mémorial, op. cit., p. 114). 621 potentialités de sens. Il s'agit moins de « scientifiser » la littérature que de placer la science dans un cadre permettant d'en dérouler les potentialités esthétiques2612. Reste que le recueil des Minutes de sable mémorial, considéré comme une réussite pour Paul Fort2613, et même comme un chef-d'oeuvre injustement oublié selon Paul Edwards2614, demeure peu étudié. De l'avis de nombreux commentateurs, c'est pourtant dans ce texte que Jarry a le plus mêlé la poésie et la science. Je me propose de questionner les modalités de ce dialogue en partant de l'hypothèse que la science, dans le recueil poétique, apparaît comme le laboratoire d'un hermétisme symboliste qui tend à devenir une valeur poétique en cette fin de siècle. Dès le premier poème du recueil, « Linteau2615 », la science fait son apparition. Le travail poétique est d'abord décrit comme une « dissection indéfinie [qui] exhume toujours des oeuvres quelque chose de nouveau2616 ». Si l'entreprise relève d'une dissection, c'est bien que, expérimentale, elle regarde le texte dont elle s'inspire comme un corps organique que l'on peut décomposer afin d'y puiser une inspiration originale. Cette entreprise relève d'une forme de paradoxe, puisque si la « dissection » dénote un protocole méthodique, l'adjectif vient décevoir cette première lecture. D'emblée, le travail poétique tel que l'exhibe Jarry se présente comme une méthode scientifique, problématique car aléatoire : avant d'entreprendre son travail de biologiste, le poète ne connaît pas la constitution intime des corps morts de la poésie passée. En outre, le travail poétique devient une forme de manipulation monstrueuse qui, à l'instar du docteur Frankenstein, permet de créer de la vie à partir d'un cadavre. L'influence baudelairienne n'est pas très loin, celle de Ducasse non plus. Jarry emprunte au premier l'idée vaguement palingénésique d'une vie qui s'alimente de mort, au second la méthode qui consiste à retremper sa propre poésie à la source de textes divers afin de créer de l'inattendu (de l'« indéfin[i] »). De cette « dissection indéfinie » sourdent des sens multiples et complexes qui constituent le poème dont se réclame Jarry. Le poète utilise une métaphore chimique pour expliquer cette forme de synthèse : l'oeuvre qui condense les sens possibles est un « diamant du charbon2617 ». On savait en effet, depuis 1797 et Smithson Tennant – qui reprend des hypothèses formulées par Lavoisier – que le diamant est constitué de carbone pur2618, extrêmement condensé. La fin du siècle est fascinée 2612 Ibid., p. 191-192. Sylvain-Christian David a exploité ce rapprochement dans Alfred Jarry, le secret des origines, Paris, Presses Universitaires de France, coll. 622 par l'idée qu'il devient possible, en laboratoire, de fabriquer du diamant grâce à un morceau de charbon. La littérature se saisit de cette idée. Jules Verne, reprenant et corrigeant un roman de Paschal Grousset, L'Étoile du sud (1884), met ce fantasme alchimique en scène : d'un morceau de charbon, par cuisson lente dans le sol, un jeune chimiste fabrique un énorme diamant noir pour conquérir la main de la fille d'un exploitant de mines de diamants2619. Le diamant sans prix devient l'objet analogique d'un amour incommensurable qui constitue la trame de fond de ce roman d'aventure sentimental2620. Autrement dit, la méthode expérimentale – redoublée dans le roman par une opération de vivisection sur une autruche dont il faut à la fois extraire le diamant et conserver la vie pour garder le coeur et la main de la jeune fille – apparaît comme une analogie de la structure de l'oeuvre tout entière qui met en balance l'amour sans prix et le cristal qui permet d'y accéder. Il semble que Jarry joue lui aussi de ces éléments dans l'air du temps, en adjoignant à la métaphore de la dissection – comme chez Verne – celle de la condensation du vil charbon en diamant sans prix. Le laboratoire chimique, autant que celui du biologiste, apparaissent d'entrée de jeu comme les lieux d'élaboration du recueil de Jarry. Toutefois, si ces opérations sont liées à des protocoles scientifiques, il n'en demeure pas moins qu'elles sont aussi les fruits du hasard et de l'inattendu, ce qui rappelle la démarche ducassienne qui fait jaillir du beau de « la rencontre fortuite sur une table de dissection d'une machine à coudre et d'un parapluie2621! » La condensation, la dissection et le hasard2622 semblent repris par Jarry à Ducasse qui les érige en ouverture de son premier livre comme les trois étapes d'une sorte de protocole expérimental. Cette condensation tératogénique a tout d'abord des implications d'ordre formel. Le recueil de Jarry est en effet marqué par une grande liberté qui lui permet de mettre en coprésence des pièces en vers mesurés et classique avec des textes de prose poétique et des petites pièces dramatiques, burlesques et poétiques. Le texte devient l'équivalent d'un corps tantôt biologique (fruit de la « dissection »), tantôt minéral (le « diamant du charbon »). 623 comme des diamants
à la balance de ses oreilles2623 ». Le mot du poème devient un cristal, décrit géométriquement – les mathématiques sont omniprésentes dans l'oeuvre de Jarry –, que le lecteur est amené à peser (un « scrupule » est une mesure de poids) en utilisant ses oreilles comme une balance de minéralogiste. Le recueil se réclame du laboratoire chimique, puisqu'il devient une fabrique à pierres précieuses. Au fil du recueil, des avatars du poète jonglent avec ces polyèdres-vocables2624. Le scientifique Achras, victime de la cruauté d'Ubu, dans « L'autoclète », première pièce de « Guignol », devient aussi le représentant du poète, puisqu'il élève et étudie lui-même des « polyèdres », dont un « icosaèdre » dans un laboratoire où il se fait, comme le poète, « rassembleur de leur foule raboteuse »2625. L'autoclète du titre, celui qui s'invite lui-même, n'est autre que le père Ubu, qui fait irruption dans le laboratoire d'Achras en même temps que dans l'oeuvre de Jarry au point d'en devenir, comme malgré le poète, la figure centrale. Ubu tue le scientifique et paraît ainsi faire naître une tension entre l'inspiration savante et l'inspiration ubuesque. Il n'en demeure pas moins que ce meurtre, qui n'est pas sans rappeler celui de Mervyn chez Lautréamont, est décrit sur un mode qui permet de réunir la veine scientifique avec la veine bouffonne : Achras empalé « tourne en sens divers, en une inconscience de radiomètre2626 ». Cette union du bouffon et du scientifique, condensation qui apparaît fortuite, est reprise dans « L'Art et la Science », qui relate l'histoire des pompes à égouts dénommées pompeusement « herpéthologie ahénéenne »2627 (la science des serpents d'airain). 2623 Alfred Jarry, « Linteau », Les Minutes de sable mémorial, op. cit., p. 46. C'est le cas de la fougère, du hibou et de la mandragore de la scène IV d'« Haldernablou », Les Minutes de sable mémorial, ibid., p. 141-142. 2625 Alfred Jarry, « L'Autoclète », Les Minutes de sable mémorial, op. cit., p. 68. 2626 Ibid., p. 74. 2627 Alfred Jarry, « L'Art et la Science », ibid., p. 86. 2624 624
Enfin, le recueil de Jarry, parsemé d'insectes scientifiquement nommés et décrits2628, de tableaux géométriques du monde2629 et d'animaux minuscules scrutés au microscope2630, se présente surtout comme le lieu d'une tentative de résolution algébrique du mystère. À l'instar de l'énigmatique X mallarméen, la lettre mathématique qui signifie l'inconnue se trouve essaimée tout au long du recueil où elle tend à se charger d'une valeur symbolique. La troisième pièce de « Les trois meubles du mage suranné », intitulée « Animal », décrit un hibou qui annonce la mort, Car il déchiffre sur les tombes l'avenir, Rêvant la nuit devant les X philosophales Des longs fémurs croisés en siestes triomphales2631.
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Contrôle optimal et calcul des variations en présence de retard sur l'état
Mamadou Ibrahima Kone
sciences Spécial : Mathématiques Appliquées présentée par Mamadou Ibrahima KONÉ sous le titre Contrôle optimal et calcul des variations en présence de retard sur l'état. de
:
M. ADIMY Mostafa M. BLOT, Joël M. CARLIER Guillaume Mme FRANKOWSKA Hélène M. HADDAD Georges M. NAZARET Bruno Rapporteur Directeur Examinateur Rapporteur Examinateur Examinateur Directeur de recherche INRIA-Grenoble-Rhône-Alpes Professeur à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne Professeur à l'Université Paris-Dauphine Directeur de recherche Université Pierre et Marie Curie Professeur à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne Professeur à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne † université Paris I - Pantheon Sorbonne, laboratoire SAMM.(EA
4543)
[email protected], http: //samm.univ-paris1.fr/-KONE-Mamadou-
Abstract In this thesis, we have attempted to contribute to the optimization of dynamical problems with delay in state space. We are specifically interested in the viewpoint of Pontryagin who outlined in his book published in 1962 the necessary conditions required for solving such problems. In his work published in 1972, Warga catalogued the possible solutions. Li and al. analyzed the case of periodic control. We will treat an optimal control problem governed by a Delay Functional Differential Equation. Our method is close to the one of P. Michel on dynamical system governed by Ordinary Differential Equations. The main problem ariving out in this approach is the use of the resolvent of the Delay Functional Differential Equation. We also consider Euler-Lagrange condition in the framework of variational problems with delay.
Keywords : Optimal control, Pontryagin principle, Delay Functional Differential Equations, variational calculus with delay. Résumé
L'objectif de cette thèse est de contribuer à l'optimisation de problèmes dynamiques en présence de retard. Le point de vue qui nous intéressera est celui de Pontryagin qui dans son ouvrage publié en 1962 a donné les conditions nécessaires d'existence de solutions pour ce type de problème. Warga dans son ouvrage publié en 1972 a fait un catalogue des solutions possible, Li et al. ont étudié le cas de contrôle périodique. Notre méthode de démonstration est directement inspirée de la démonstration de P. Michel du cas des systèmes gouvernés par des équations différentielles ordinaires. La principale difficulté pour cet approche est l'utilisation de la résolvante de l'équation différentielle fonctionnelle linéarisée de l'équation différentielle fonctionnelle d'évolution qui gouverne le système. Nous traitons aussi de condition d'Euler-Lagrange dans le cadre d'un problème de calcul variationnel avec retard. Mots-clés : Contrôle optimal, principe de Pontryagin, Équation différentielle fonctionnelle avec retard, calcul des variations avec retard. Remerciements Je souhaite en premier lieu, exprimer ma gratitude à Joël BLOT, mon directeur de thèse, dont l'expertise et la patience m'ont été d'une grande aide dans mes recherches. J'ai une réelle admiration pour le sérieux de son travail, la clarté et la précision de sa compréhension des mathématiques. Je remercie Mme Hélène FRANKOWSKA, Directeur de recherche au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) et M. Mostafa ADIMY, directeur de recherche à l'Institut National de Recherche en Informatique et en Automatique (INRIA) d'avoir acceptés d'être les rapporteurs de ma thèse. Je remercie en particulier les Professeurs Georges HADDAD, Bruno NAZARET et Guillaume CARLIER d'avoir acceptés d'être membres du jury. Je remercie le Professeur Marie COTTRELL, ancien du laboratoire Statistique, Analyse, Modélisation Multidisciplinaire (EA 4543), de son accueil et pour l'environnement de travail qu'elle a su crée. Je remercie tous les membres du laboratoire pour leur soutien et leur conseils,en particulier le nouveau directeur le professeur Jean-Marc BARDET avec qui la transition se déroule bien, le Docteur Denis PENNEQUIN, dont les qualités humaines et pédagogiques m'ont indéniablement aidé à améliorer la qualité de mes enseignements, le professeur Fabrice ROSSI pour ces conseils et son soutien le long de la préparation de mon manuscrit, le docteur Julien RANDON-FURLING pour ces commentaires lors de la prÃľparation de mon exposé. J'ai une pensée particulière pour le docteur Jean-Pierre LECA qui m'a ouvert les portes de l'enseignement à l'université et a été un excellent conseiller pédagogique. Je remercie Isidore NGONGO dont l'amitié, les conseils et le soutien m'ont permis de traverser de nombreuses difficultés. Je remercie les doctorants du laboratoire SAMM, dont les encouragements permanents ont été d'un grand soutien. J'ai une pensée particulière pour Alexis FAUTH et Omar ABOURA dont l'amitié et la motivation ont été constant. Je remercie Mme Marie-Lou MARGARIA, Mme Brigitte AUGARDE, Mme Corinne JOBERTABOULKER, Mme Astrid MASSIKA du service administratif de l'UFR 27 de l'université Paris 1, pour leur disponibilité et leur aide. Je voudrais exprimer ma reconnaissance aux membres du laboratoire SAMM, pour leurs conseils et le personnel administratif pour sa disponibilté et aussi l'équipe des doctorants pour la bonne ambiance qu'ils créent. J'ai une pensée forte pour mes proches. Je remercie toute la famille KONÉ. Ma gratitude est destinée à tantie Rockya, à mes parents Sidiki et Mahoua qui m'ont supporté et guidé durant toutes ces années. Merci infiniment à ma soeur Ahoua, mes frères Idrissa et Mohamed qui à mon sens ne mesure pas combien ils me sont chères et combien leur impact est positif dans ma vie. Je remercie mes tantes Aby, Fatou pour leur conseil et leur soutien. Je remercie mes oncles Solomane, Mamadou OUATTARA et Sory SIÉLÉ pour leur soutien et tout ce qu'ils font pour moi. Je ne saurais ne pas citer mon cousin Moumouni ZIBA qui a permis que toute cette aventure puisse prendre forme. Je m'arrête un moment, je me remémore, il y a quelques années de cela j'ai rencontré le Cheick 5 Moustapha SONTA par un heureux hasard (le hasard est ici la manifestement de ce que nous ne pouvons expliquer), qui m'a présenté Mahoua et Marcellin NGUESSAN, l une des rencontres le plus importantes, puis j'ai fait la connaissance Siaka DIARRA et Abibou LASSISSI, ils sont, aujourd'hui, une seconde famille pour moi. Je remercie Salimata DIAKHITÉ pour sa tendresse, sa patience et son soutien lorsque j'avais la tête dans le guidon. J'ai une pensée particulière pour mes grand-parents qui n'ont malheureusement pas pu voir la fin de ma thèse, mais qui, je l'espr̀e aurait été fiers de moi. C'est un honneur et une fièrté pour moi de faire partie de cette famille. Je rend grâce au créateur de me l'avoir permis de naître dans cette famille. Je termine ces remerciements en me disant qu'au fond c'est, probablement la partie la plus importante de cette thèse. ...................................................... 2 Équations différentielles fonctionnelles générales
2.1 Existence et unicité de solutions locales des problèmes de Cauchy 2.1.1 L'énoncé du théorème.................... 2.1.2 La démonstration du théorème 2.1.1............. 2.2 Solutions non prolongeables.........................................................
13 13 13 14 23 26 27 45 45 45 46 54........................ 3 Équations différentielles fonctionnelles linéaires
3.1 Théorème de représentation des fonctions linéaires continues sur C 0 ([a, b], Rn ) 3.1.1 Prolongement de η à [σ, T ] × [σ − r − T, T ]............... 3.1.2 La construction de k(t, s) à partir de η(t, θ) et ses propriétés..... 3.2 Équation intégrale................................. 3.3 Équations différentielles fonctionnelles linéaires................. 3.3.1 Résolvante de l'équation linéaire (3.3.3).................. 3.4 L'équation adjointe du problème linéaire et la forme bilinéaire associée.... 3.4.1 Expression matricielle de la solution de (3.4.4).............. 3.4.2 Expression explicite de z.......................... ................ ................ L'objectif de cette thèse est de contribuer à l'optimisation de problèmes dynamiques en présence de retard. C'est-à-dire qu'à chaque date t, non seulement la valeur de la fonction inconnue en t, x(t), intervient mais aussi toutes les valeurs x(s), quand s ∈ [t − r, t], interviennent. Le point de vue qui nous intérèssera est celui de Pontryagin [47] qui dans son ouvrage édité en 1962 a donné les conditions nécessaires d'existence de solutions pour ce type de problème. Warga [54] dans son ouvrage édité en 1972 a fait un catalogue des solutions possible, Li et al. [39] ont étudié le cas de contrôle périodique. Seront traités : un problème de contrôle optimal gouverné par une équation différentielle fonctionnelle (une classe d'équation différentielle à retard) du point de vue des conditions nécessaires d'optimalité sous forme d'un principe de Pontryagin et un problème de calcul des variations, là aussi du point de vue des conditions nécessaires d'optimalité sous forme d'équation d'Euler-Lagrange. Dans la théorie des équations différentielles ordinaires et dans la théorie du calcul des variations, il existe deux cadres basiques couramment utilisés : 1. le cadre où les fonctions inconnues sont continûment dérivables. 2. le cadre où les fonctions inconnues sont absolument continues. Les hypothèses de base pour ces deux cadres sont différentes : 1. champs de vecteurs et/ou intégrandes continus avec des conditions de Fréchet-différentiabilité partielle pour le premier cadre 2. champs de vecteurs et/ou intégrandes Lebesgue-mesurables avec des conditions de Lebesgueintégrabilité partielles (Caratheodory) pour le second ordre. Dans la théorie du contrôle optimal des problèmes gouvernés par des équations différentielles ordinaires il existe aussi deux cadres basiques couramment utilisés : 1. les fonctions d'état sont continûment dérivables par morceaux (continues) et les fonctions de contrôle sont continues par morceaux. 2. Les fonctions d'état sont absolument continues et les fonctions de contrôle sont Lebesguemesurable bornées. Les hypothèses de base pour ces deux cadres sont différentes : 1. champs de vecteurs et intégrandes continues partiellement Fréchet-différentiable par rapport à la variable d'état. 2. champs de vecteurs et intégrandes Lebesgue-mesurables avec des conditions de Lebesgueintégrabilité partielles. Pour le contrôle optimal des systèmes gouvernés par des équations différentielles fonctionnelles, le second cadre (absolument continue) est traité notamment par H. T. Banks [6], [7] qui utilise une méthode qui est proche de celle de Hale et Verduyn Lunel mais il change la notion de solution ; 9 TABLE DES MATIÈRES il utilise les fonctions absolument continues qui satisfont l'équation Lebesgue presque partout et la fonction initiale est uniquement à variation bornée. Ici nous traitons du premier cadre, celui des fonctions d'état continûment dérivables par morceaux et des fonctions continues par morceaux. Notre méthode de démonstration est directement inspirée de la démonstration de P. Michel [43] du cas des systèmes gouvernés par des équations différentielles ordinaires. La principale difficulté pour cet approche est l'utilisation de la résolvante de l'équation différentielle fonctionnelle linéarisée de l'équation différentielle fonctionnelle d'évolution qui gouverne le système. Naito [45] et Hino [32] se sont intéressés au cas d'équations différentielles fonctionnelles retardées avec un retard infini et Adimy [1] qui traite d'équation différentielle fonctionnelle autonome par des techniques de semi-groupes. Elsgolc [24] a initié un calcul des variations pour les systèmes à retard et une théorie du contrôle optimal de systèmes gouvernés par des équations différentielles à retard, après lui Hughes [ 33] et Sabbagh [50] ont aussi travaillé sur ces sujets. Blot et Ayachi [5] ont développé des méthodes fonctionnelles et variationnelles pour l'existence des solutions presque-périodiques des équations différentielles ordinaires à retard, puis Ayachi [4] a développé des méthodes variationnelles pour la résolution d'équations différentielles fonctionnelles du second ordre avec un retard infini. Pour l'étude de l'équation différentielle linéaire appelée "équation adjointe" nous nous sommes inspirés du travail de McClamroch [42]. Maintenant nous décrivons le contenu de chacun des chapitres. Le chap 1 contient tout d'abord la description des espaces fonctionnels qui seront utilisés : espaces de fonctions continues, de fonctions bornées et continues à gauche, de fonctions bornées et continues à droite, de fonctions réglées, de fonctions Riemann-intégrables, de fonctions Lebesgueintégrables, de fonctions continues par morceaux, de fonctions continûment dérivables par morceaux, de fonctions à variations bornées. Il contient un rappel sur les différents énoncés du théorème de point fixe de Schauder. Il contient des énoncés sur des passages à la limite à gauche ou à droite pour des fonctions définies par des intégrales et des résultats sur les dérivations à gauche ou à droite de fonctions définies par des intégrales. Il contient un développement utile sur la fonction à variation bornée à paramètre qui représente des opérateurs linéaires continus non autonomes jouant un rôle crucial dans les questions de résolution d'équations différentielles fonctionnelles qui nous intéresseront. Le chapitre 2 contient des rappels sur les résultats de base de la théorie des équations différentielles fonctionnelles : existence et unicité des solutions des problèmes de Cauchy, solutions non prolongeables. Par rapport au livre de Hale et Verduyn Lunel [29], nous avons seulement précisé quelques points de démonstration et précisé certaines hypothèses. Dans le chapitre 3 nous traitons des équations différentielles fonctionnelles linéaires non autonomes. Dans un premier temps, en utilisant le théorème de représentation de Riesz du dual d'un espace de fonctions continues par des intégrales de Lebesgue-Stieltjès via des fonctions à variations bornées, nous décrivons le plus possible les propriétés de la matrice à variation bornée qui représente le champ de vecteurs linéaires en utilisant comme seule hypothèse la continuité du champ de vecteurs. Pour la construction de la résolvante d'une équation différentielle fonctionnelle linéaire, nous Contrôl optimal et calcul des variations en présence de retard sur l'état. utilisons (comme Hale et Verduyn Lunel) la résolution d'une équation intégrale, mais sur un espace fonctionnel différent de celui utilisé par Hale et Verduyn Lunel. La description précise des propriétés de la matrice à variation bornée qui représente le champ de vecteurs permet de décrire et de justifier les propriétés des différents termes de la formule de la résolvante. Ceci permet de démontrer rigoureusement la formule (usuelle) de la résolvante et d'établir une liste précise de ses propriétés dans le cadre des solutions continûment différentiables sans autre hypothèse que la continuité du champ de vecteurs. Nous préciserons aussi les propriétés de l'équation différentielle fonctionnelle linéaire appelée "équation adjointe". Dans le chapitre 4 nous traitons d'équations différentielles fonctionnelles retardées non autonomes. Le contrôle du système dynamique est ici une application continue par morceaux, cela entraîne des discontinuités en nombre fini dans le comportement du système dynamique. En nous appuyant sur les résultats du chapitre 2, nous énonçons les résultats d'existence et d'unicité locales de solution du problème de Cauchy, puis à l'aide du chapitre 3 en utilisant une forme adaptée du théorème de représentation de Riesz nous décrivons les propriétés de la matrice à variation bornée en utilisant comme hypothèse la continuité par morceaux du champs de vecteurs. Nous établissons une liste des propriétés de la formule de la résolvante dans le cadre des solutions continûment différentiables par morceaux. Enfin nous étendons au cas continu par morceaux les propriétés de l'équation fonctionnelle linéaire appelée "équation adjointe" explicitée dans le chapitre 4. Dans le chapitre 5 nous établissons un principe de Pontryagin pour un problème de contrôle optimal, avec un critère de Mayer, d'un système gouverné par une équation différentielle fonctionnelle. La démonstration donnée ici est une adaptation de la démonstration réalisée par P. Michel dans le cas des systèmes gouvernés par des équations différentielles ordinaires. Cette méthode consiste à se ramener à des problèmes d'optimisation statique en dimension finie. Une fois fixé un échantillon fini de dates, les seules inconnues sont la largeur des "aiguilles" de la variable de contrôle ; ces aiguilles étant des variations autour de la fonction de contrôle optimal. La principale difficulté conceptuelle et technique pour cette généralisation est le statut de la fonction adjointe (le multiplicateur dynamique). On obtient que le contrôle optimal maximise le hamiltonien, à chaque date, parmi toutes les valeurs possibles du contrôle. Pour l'équation dite adjointe, le hamiltonien n'apparaît pas. C'est la matrice à variation bornée à paramètre qui représente la différentielle partielle du champ de vecteurs (par rapport à la variable d'état retardée) qui permet de formuler cette équation adjointe. L'équation adjointe formulée ressemble à celle de Banks [7] et présente des analogies avec celle formulée par Colonius [22] pour les problèmes périodiques des systèmes gouvernés par des équations différentielles fonctionnelles. Banks et Colonius travaillent dans un cadre de fonctions d'état absolument continues et de fonctions de contrôle Lebesgue-mesurables bornées. Dans chapitre 6 nous établissons une équation que nous qualifions d'Euler-Lagrange pour un problème de Calcul des variations avec un critère sous forme intégrale où la fonction inconnue apparaît avec le retard sur un segment. Les fonctions inconnues sont continûment dérivables. Comme dans le cadre usuel du Calcul des variations, en utilisant les opérateurs de Nemytskii (encore appelés opérateurs de superposition) on peut traduire le fait qu'une fonction est un point critique de la fonctionnelle-critère par une condition, sous forme intégrale, qui utilise les différentielles partielles de l'intégrande du critère. La difficulté est alors de traduire cette condition en une formule valable à chaque date, sans intégrale. Chapitre 1 Espaces fonctionnels et questions d'intégration 1.1 1.1.1 Des espaces fonctionnels Notations
On considère : - N∗ := N \ {0}. - a, b, T ∈ ]0; +∞[ ; n, m, p ∈ N ∗. - S := [a, b], I = [0, T ] des intervalles fermés et bornés de R. - S := l'ensemble des subdivisions de l'intervalle [a, b]. - R = ] − ∞; +∞[. - Rn un espace vectoriel de dimension finie n, muni d'une norme | * |. - Ω est un ouvert de Rn. - U est un sous-ensemble ouvert de R m. - E est un espace vectoriel de dimension finie. - F est un sous-espace vectoriel de R. - B(Ω) la tribu de Borel de Ω. - B(Ω) la tribu de Lebesgue de Ω. - B(S, E) := l'espace de Banach des applications bornées sur S à valeurs dans E muni de la norme de la convergence uniforme. - R(S, E) := l'espace des fonctions réglées sur S à valeurs dans E. - AC(S, E) := l'espace des fonctions absolument continues définies sur S à valeurs dans E. - C 0 (S, E) := l'espace de Banach des applications continues sur S à valeurs dans E muni de la norme de la convergence uniforme. - P C 0 (S, E) := l'espace de Banach des applications continues par morceaux sur S à valeurs dans E muni de la norme de la convergence uniforme. - Cb0 (S, E) := l'espace des applications continues et bornées sur S à valeurs dans E. - Cg0 (S, E) := l'espace des fonctions continues à gauche sur S à va dans E. De plus on définit BCg0 (S, E) := B(S, E) ∩ Cg0 (S, E) et RCg0 (S, E) := R(S, E) ∩ Cg0 (S, E). Muni de la norme de la convergence uniforme BC g0 (S, E) et RCg0 (S, E) sont des espaces de Banach. - Cd0 (S, E) := l'espace des fonctions continues à droite sur S à valeurs dans E. De plus on définit BCd0 (S, E) := B(S, E) ∩ Cd0 (S, E) et RCd0 (S, E) := R(S, E) ∩ Cd0 (S, E). Muni de la norme 13 CHAPITRE 1. ESPACES FONCTIONNELS ET QUESTIONS D'INTÉGRATION
- - - - - - - de la convergence uniforme BC d0 (S, E) et RCd0 (S, E) sont des espaces de Banach. C 1 (S, E) := l'espace des applications dérivables sur S, à dérivées continues, à valeurs dans E. P C 1 (S, E) := l'ensemble des fonctions continues de S dans E, qui sont dérivables sauf au plus en un nombre fini de points, et dont les dérivées aux points de discontinuité ont des limites à gauche et à droite. U C(I, E) ensemble des fonctions uniformément continues définie sur I à valeurs dans E. C := C 0 ([−r, 0]; Rn ) muni de la norme de la convergence uniforme. ∀(σ, φ), (α, ψ) ∈ R × C on définit la distance sur R × C par d((σ, φ), (α, ψ)) = max{|σ − α|, φ − ψ C }. RI(S, E) := l'espace des applications Riemann intégrables sur S à valeurs dans E muni de la norme de la convergence uniforme est un espace de Banach. On a RI(S, E) ⊂ B(S, E), c'est aussi une algèbre quand E = R. La norme de φ ∈ C 0 ([a, b]; Rd ) est définie par φC = sup |φ(θ)|. a≤θ≤b - λn est la mesure de Lebesgue de Rn. - L1loc (Ω, Rn ) est l'espace des (classes d') applications Lebesgue-intégrables sur tout compact de Ω à valeurs dans Rn, quand Ω est un ouvert de R n. - L1 (Ω, Rn ) est l'espace des (classes d') applications Lebesgue-intégrables définies sur Ω
à valeurs dans Rn. - Lp (Ω, Rn ) = {f : Ω → Rn /f mesurable et |f |p ∈ L1 (Ω, Rn }. - L∞ (Ω, Rn ) = {f : Ω → Rn /f mesurable et ∃M > 0 tel que |f | ≤ M pp. dans Ω}.
- L(E, F ) est l'espace des applications linéaires continues définies sur l'espace vectoriel normé E et à valeurs dans l'espace vectoriel normé F. - L0 (X, Y ) est l'ensemble des applications Lebesgue-mesurables définies sur X à valeurs dans Y, où X et Y sont des sous-ensembles de R d munis de la tribu borélienne de R d. - Mn (R) est l'ensemble des matrices carrées d'ordre n. - On note Adh(X), l'adhérence topologique de X. 1.1.2 Définitions
Notation 1 (Limite à gauche et à droite d'une fonction). Soit f : S −→ E une application. - Pour tout t ∈ [a, b[, f (t+) := lim f (s) = lim f (s) est, lorsqu'elle existe, la limite à s→t+ s→t,s>t s→t− s→t,s<t droite de f en t. - Pour tout t ∈ ]a, b], f (t−) := lim f (s) = lim f (s) est, lorsqu'elle existe, la limite à gauche de f en t. Lorsque f (t+) (respectivement f (t−)) existe pour t ∈ [a, b[ (respectivement t ∈ ]a, b]), On définit la fonction f + : [a, b] −→ E (respectivement f − : [a, b] −→ E) en posant ∀t ∈ [a, b[ (f +)(t) = f (t+) et (f +)(b) = f (b) (respectivement ∀t ∈ ]a, b] (f −)(t) = f (t−) et (f −)(a) = f (a)). Définition 1.1.1 (
Fonction réglée
). Soit f : S −→ E. L'application f est réglée quand, ∀t ∈ [a, b[, f (t+) et, ∀t ∈ ]a, b], f (t−) existent dans E. Contrôl optimal et calcul des variations en présence de retard sur l'état. Muni de la norme de la convergence uniforme, l'espace des fonctions réglées est un espace de Banach [23] et de plus R(S, E) ⊂ RI(S, E) où RI(S, E) est l'espace des applications Riemann intégrables sur S à valeurs dans E. Définition 1.1.2 (Applications continues par morceaux). Une application φ : [0, T ] −→ R d (d ∈ N∗ ) est continue par morceaux s'il existe t 0, t1,..., tp avec 0 = t0 < * * * < tp = T tel que : - ∀i = 0,..., p − 1, ψ est continue sur ]t i−1, ti [, - ∀i = 0,..., p, ψ(ti −) := lim ψ(s) existe, - ∀i = 0,..., p, ψ(ti +) := s→ti,s<ti lim s→ti,s>ti ψ(s) existe. Not
ation
2 (Dérivées). Soit f une application d'une variable réelle. On note fd (t) (respectivement fg (t)) la dérivée à droite de f en t (respectivement la dérivée à gauche de f en t). Quand Φ : S × A −→ F où A est un sous-ensemble de l'espace normé E. ∂Φ ∂Φ (t, a) (respectivement ∂t− (t, a)) la dérivée à droite (respectivement à gauche) de l'appliOn note ∂t+ cation partielle Φ(*, a) en t. Définition 1.1.3 (Applications de classe C 1 par morceaux). Une application f : [0, T ] × C × U −→ Rd est de classe C 1 par morceaux si : - f est continue sur [0, T ] × C × U. - f est différentiable par rapport à la seconde variable et D 2 f est continue par morceaux sur [0, T ] × C × U Définition 1.1.4 (Fonctions à mémoire). Si a 0 et x ∈ C 0 ([−r, a]; Rn ) alors, ∀t ∈ [0, a], on définit xt ∈ C par xt (θ) = x(t + θ) pour θ ∈ [−r, 0]. Définition 1.1.5 (Équations différentielles fonctionnelles). Si D est un sous-ensemble de R × C et f : D −→ Rn une application continue, on définit l'équation différentielle fonctionnelle : x (t) = f (t, xt ). (1.1.1) Une application x est une solution de (1.1.1) sur [−r, a] si : - x ∈ C 0 ([−r, a], Rn ) et x ∈ C 1 ([0, a], Rn ). - (t, xt ) ∈ D et x satisfait l'équation (1.1.1) pour tout t ∈ [0, a]. Dé
finition 1.1.
6 (Équations différentielles fonctionnelles contrôlées).
Si D est un sous-ensemble de R × C × Rm et f : D −→ Rn une application continue. On définira l'équation différentielle fonctionnelle contrôlée x (t) = f (t, xt, u(t)). t σ f (s, xs )ds si t≥σ (1.1.3)
Démonstration. Supposons que x soit une solution de x (t) = f (t, xt ) passant par φ en σ. On a xσ = φ. De plus x étant continue sur [σ − r, σ + a], par le lemme précédent, l'application [t → x t ] est une fonction continue sur [σ, σ + a[, donc l'application [t → f (t, x t )] est une fonction continue, comme composée de fonctions continues (t → (t, x t ) et (t, φ) → f (t, φ)), qui vérifie x (t) = f (t, xt ). Par intégration on obtient : t σ x (s)ds = t σ f (s, xs ) si t ≥ σ. Comme x est continue, x est de classe C 1 sur [σ, σ + a] donc x(t) − x(σ) = t x (s)ds. Contrôl optimal et calcul des variations en présence de retard sur l'état. Ainsi on a : x(t) − x(σ) = t σ x(t) = x(σ) + t σ x(t) = φ(0) + f (s, xs )ds ⇒ f (s, xs )ds ⇒ t σ f (s, xs )ds, ce qui est l'équation (1.1.3). Réciproquement supposons que x satisfasse (1.1.3). La fonction [s → f (s, x s )] étant continue, comme composée de fonctions continues, son intégrale indéfinie est dérivable et a pour dérivée f (s, xs ) ; x est dérivable et on a x (t) = f (t, xt ). On a bien l'équation (1.1.1). Les résultats suivants sont issus de [10]. Proposition 1.1.1. Soit φ : [a, b] −→ E. On suppose que (∀x ∈ [a, b[, φ(x+) existe dans E) Alors, en notant (φ+)(x) := φ(x+), on a (φ+) ∈ C d0 ([a, b], E). Démonstration. fixons x ∈ [a, b[, Alors, par hypothèse, on a : ∀ > 0, ∃δ > 0, ∀y, x < y < x + δ ⇒ φ(x+) − φ(y) ≤. (1.1.4) Fixons > 0. Soit y, z tel que x < y < z < x+δ alors, par l'équation (1.1.4) on a : φ(x+)−φ(z) ≤. Faisons tendre z vers y+ alors on a : lim φ(x+) − φ(z) ≤. z→y+ Or lim φ(x+) − φ(z) = φ(x+) − lim φ(z) car * est continue, donc φ(x+) − φ(y+) ≤. z→y+ z→y+ On a prouvé : ∀ > 0, ∃δ > 0, x < y < x + δ ⇒ φ(x+) − φ(y+) ≤ ; donc (φ+) est continue à droite en x. Proposition 1.1.2. Soit φ : [a, b] −→ E. On suppose que : (i) ∀x ∈ [a, b[, φ(x+) existe dans E. (ii) φ bornée sur [a, b]. Alors (φ+) est Riemann-intégrable sur [a, b], et (φ+) = φ Lebesgue-presque partout sur [a, b]. Démonstration. D'après la proposition 1.1.1, (φ+) ∈ Cd0 ([a, b], E). Avec (ii), cf [10], l'ensemble des points de discontinuité de (φ+) est au plus dénombrable, donc est Lebesgue-négligeable, donc, d'après un théorème de Lebesgue, (φ+) est Riemann-intégrable sur [a, b]. Toujours d'après [11], {x ∈ [a, b[: (φ+)(x) = φ(x)} est au plus dénombrable, car inclus dans l'ensemble des points de [a, b[ où φ est discontinue qui est lui-même au plus dénombrable, donc Lebesguenégligeable, donc (φ+) = φ Lebesgue-presque partout sur [a, b].
ESPACES FONCTIONNELS ET QUESTIONS D'INTÉGRATION
Proposition 1.1.3. Soit φ ∈ Cg0 ([a, b], E). Alors, ∀x ∈ ]a, b], lim (φ+)(y) = φ(x). y→x− Démonstration. On fixe x ∈ ]a, b]. Puisque φ est continue à gauche en x, on a : ∀ > 0, ∃δ > 0, ∀y, x − δ < y < x ⇒ φ(y) − φ(x) ≤. Fixons > 0 et y ∈ ]x − δ, x[. Alors ∀z ∈ ]y, x[, on a z ∈]x − δ, x[⇒ φ(z) − φ(x) ≤. Faisons z → y+, alors, puisque * est continue, on obtient φ(y+) − φ(x) ≤. Ainsi on a prouvé : ∀ > 0, ∃δ > 0, ∀y, x − δ < y < x ⇒ φ(y+) − φ(x) ≤ c.-à-d. lim φ(y+) = φ(x). y→x− Conséquence 1.1.1. Si (φ+) est continue, alors (φ+) est continue à gauche, donc, avec la proposition 1.1.3, (φ+) = φ, et donc φ est continue. Théorème 1.1.1.
Soit X un ensemble et Y un espace de Banach. B(X, Y ) := {f : X −→ Y : f bornée }. Alors (B(X, Y ), * ∞ ) est un espace de Banach, où f ∞ := sup f (x). x∈X Démonstration. On vérifie aisément que B(X, Y ) est un espace vectoriel et que * ∞ est une norme sur B(X, Y ). Soit (f n )n ∈ B(X, Y )N une suite de Cauchy, c.-à-d. : ∀ > 0, ∃ N, ∀p, q ∈ N, p, q ≥ N ⇒ fp − fq ∞ ≤. ∀x ∈ X, fp (x) − fq (x) ≤ fp − fq ∞ ≤, de quoi on déduit que : ∀x ∈ X, (f n (x))n est une suite de Cauchy de Y. Puisque Y est complet, ∀x ∈ X, ∃! f (x) ∈ Y tel que f (x) = lim fn (x). n→+∞ Soit > 0, si p, q ≥ N alors ∀x ∈ X, fp (x) − fq (x) ≤, et en faisant q → +∞ on obtient fp (x) − f (x) ≤. Ainsi : ∀ > 0, ∃ N ∈ N, ∀p ∈ N, p ≥ N ⇒ ∀x ∈ X, fp (x) − f (x) ≤ ⇒ fp − f ∞ ≤. Donc : lim fn − f ∞ = 0. n→+∞ (1.1.5) ∀x ∈ X, f (x) ≤ fn (x) − f (x) + fn (x) ≤
f
n −
f
∞
+
f
∞
<
+
∞
donc f ∈ B(X, Y ), et (1.1.5) prouve la complétude. Remarque 1.1.1. Lorsque Y = R, ce résultat est établi dans [3], page 23. La démonstration donnée ici est très semblable.
CHAPITRE 1. ESPACES FONCTIONNELS ET QUESTIONS D'INTÉGRATION 18
Contrôl optimal et calcul des variations en présence de retard sur l'état. Théorème 1.1.2. Soit S = [a, b] un segment de R, Y un espace de Banach et BCd0 (S, Y ) := {f : S −→ Y : f est bornée et continue à droite sur S}. Alors BC d0 (S, Y ), * ∞ est un espace de Banach. Démonstration. On vérifie que BC d0 (S, Y ) est un espace vectoriel comme sous-espace vectoriel de B(S, Y ), et que * ∞ est une norme sur BCd0 (S, Y ). Pour la complétude, soit (φ n )n une suite de Cauchy de BCd0 (S, Y ). Puisque B(S, Y ) est complet et que (φ n )n est aussi une suite de Cauchy de B(S, Y ), ∃φ ∈ B(S, Y ) tel que lim φn − φ = 0. Soit t ∈ [a, b], t 1 ∈ [a, b] tel que t1 > t, alors n→+∞ ∀n ∈ N, φ(t) − φ(t1 ) ≤ φ(t) − φn (t) + φn (t) − φn (t1 ) + φn (t1 ) − φ(t1 ) ≤ 2φ − φn ∞ + φn (t) − φn (t1 ) Soit > 0 et
∈ N tel que φ − φn ∞ ≤ 2. Alors φ(t) − φ(t1 ) ≤ + φn (t) − φn (t1 )∞, et donc 0 ≤ lim inf φ(t) − φ(t1 ) ≤ lim sup φ(t) − φ(t1 ) t1 →t+ t1 →t+ 0 ≤ + lim φn (t) − φn (t1 ) t1 →t+ comme lim φn (t) − φn (t1 ) = 0, donc t1 →t+ ∀ > 0, 0 ≤ lim inf φ(t) − φ(t1 ) ≤ lim sup φ(t) − φ(t1 ) ≤ t1 →t+ ainsi t1 →t+ lim φ(t) − φ(t1 ) = 0. t1 →t+ Donc φ est continue à droite sur S, donc φ ∈ BC d0 (S, Y ). Proposition 1.1.4. Soit E un espace de Banach et g ∈ R(S, E). Les assertions suivantes sont vérifiées. (i) g+ ∈ R(S, E) ∩ Cd0 (S, E) et (g+)(t−) = (g−)(t) pour tout t ∈ ]a, b]. (ii) g− ∈ R(S, E) ∩ Cg0 (S, E) et (g−)(t+) = (g+)(t) pour tout t ∈ [a, b[. Démonstration. Comme g est réglée, l'existence de g(t−) entraîne : ∀ > 0, ∃δ = δt, > 0, ∀s, t − δ ≤ s < t =⇒ g(t−) − g(s) ≤. Soit > 0. Si t − δ ≤ s < r < t nous avons g(t−) − g(r) ≤. Prenons r → s+, nous obtenons g(t−) − g(s+) ≤. Alors nous avons : t − δ ≤ s < t =⇒ g(t−) − g(s+) ≤, i.e. lim g(t−) − g(s+) = 0, de plus lim (g+)(s) = g(t−). Nous avons prouvé (g+)(t−) = g(t−).
s→t−
s
→
t− La définition de g(t+) donne 1 > 0, ∀s, t − δ ≤ s < t =⇒ g(t+) − g(s) ≤. ∀ > 0, ∃δ 1 = δt, Soit > 0. Si t < s < r ≤ t + δ 1 nous avons g(t+) − g(r) ≤. Et ainsi nous avons r → s+ =⇒ g(t+) − g (s+) ≤. Et ainsi nous avons 1 ∀ > 0, ∃δ 1 = δt, > 0, ∀s, t − δ ≤ s < t =⇒ g(t+) − g(s+) ≤, i.e. lim (g+)(s) = (g+)(t). Ainsi nous avons prouvé g+ ∈ C d0 (S, E). Nous avons prouvé (i). La s→t+ preuve de (ii) est similaire.
CHAPITRE 1. ESPACES FONCTIONNELS ET QUESTIONS D'INTÉGRATION
Proposition 1.1.5. E est un espace vectoriel de dimension finie. Soit a < b. Soit M : [a, b] × [a, b] −→ E une fonction vérifiant les propriétés suivantes : (α) ∀s ∈ [a, b], M (*, s) ∈ R([a, b], E). (β) ∀t ∈ [a, b], M (t, *) ∈ RI([a, b], E). (γ) ∃m ∈ R, ∀(t, s) ∈ [a, b] × [a, b], M (t, s) ≤ m. Nous définissons la fonction F : [a, b] −→ E en posant F (t) := t M (t, s)ds pour tout t ∈ [a, b]. a Alors les assertions suivantes sont vérifiées. (i) ∀t ∈ [a, b], M (t+, *) ∈ L 1 ([a, b], E; λ1 ) et nous avons F (t+) := (ii) ∀t ∈ [a, b], M (t−, *) ∈ L 1 ([a, b], E; λ 1) et nous avons F (t−) := [a,t] [a,t] M (t+, s)dλ1 (s). M (t−, s)dλ1 (s). Démonstration. (i) Soit t ∈ ]a, b[. Comme RI([a, b], E) ⊂ L1 ([a, b], E; λ1 ) et m ∈ L1 ([a; b], E; λ1 ), en utilisant le théorème de convergence dominée de Lebesgue on obtient que M (t+, *) ∈ L 1 ([a, b], E; λ1 ). Pour tout h > 0 suffisamment petit, nous avons F (t+h) = t M (t+h, s)ds+ a t+h que lim h→0+ t nous obtenons lim t h→0+ a M (t+h, s)ds. Comme t+h M (t+h, s)ds ≤ h.m nous obtenons t t M (t + h, s)ds = 0, et en utilisant le théorème de convergence dominée de Lebesgue M (t + h, s)ds = pour (ii). t+h [a,t] M (t+, s)dλ1 (s). Et ainsi (i) est prouvée. Le raisonnement est similaire Proposition 1.1.6. Soit S = [a, b]. Soit f n : S −→ Rd, f : S −→ Rd, tel que fn + et f + existent partout et lim fn − f ∞ = 0. A lors n→+∞ lim (fn +) − (f +) = 0. n→+∞ Démonstration. Par hypothèse, on a : ∀ > 0, ∃ n ∈ N, ∀n ∈ N, n ≥ n ⇒ ∀x ∈ S, fn (x) − f (x) ≤. (1.1.6) Fixons > 0 ; soit n ∈ N tel que n ≥ n, soit t ∈ [a, b[, alors ∀δ ∈ ]a, b−t[, on a : f n (t+δ)−f (t+δ) ≤. Fixons t ∈ [a, b[, alors en utilisant la conservation des inégalités larges par passage à la limite, on a : fn (t+) − f (t+) = lim fn (t + δ) − f (t + δ) ≤. δ→0+ On a prouvé : ∀ > 0, ∃n ∈ N, ∀n ∈ N, n ≥ n ⇒ ∀t ∈ S, (fn +)(t) − (f +)(t) ≤ donc : lim (fn +) − (f +)∞ = 0 n→+∞ 20 Contrôl optimal et calcul des variations en présence de retard sur l'état. Proposition 1.1.7. (RCd0 (S, E), * ∞ ) est un espace de Banach et (RCg0 (S, E), * ∞ ) l'est aussi. Démonstration. On a déjà vu que (BC d0 (S, E), * ∞ ) est un espace de Banach. Il suffit de prouver que (RCd0 (S, E), * ∞ ) est un sous-espace vectoriel fermé de (BC d0 (S, E), * ∞ ). Si f ∈ R(S, E) alors ∃(en )n suite de fonctions en escalier de S dans E tel que lim en − f ∞ = 0. n→+∞ Toute fonction en escalier est bornée et (B(S, E), * ∞ ) est un espace de Banach, donc f ∈ B(S, E). On a prouvé : RCd0 (S, E) ⊂ BCd0 (S, E). (1.1.7) Par ailleurs, si (fn )n∈N ∈ (RCd0 (S, E ), * ∞ )N est une suite de Cauchy, alors elle est aussi une suite de Cauchy à valeurs dans (BC d0 (S, E), * ∞ ). Donc ∃f ∈ BCd0 (S, E) tel que lim fn − f ∞ = 0.
n→+∞ ∀n ∈ N∗, ∃en en escalier de S dans E tel que fn − en ∞ ≤ n1. Donc, ∀n ∈ N∗, en − f ∞ ≤ en − fn + fn − f ∞ ≤ n1 + fn − f ∞ → 0 (n → +∞) donc f ∈ RCd0 (S, E). Lemme 1.1.3. Soit I et J deux intervalles fermés de R. Si f ∈ C 1 (I × J, E) et si g ∈ C 0 (I, BV (J, E)), alors le produit f g ∈ C 0 (I, BV (J, E)). Démonstration. Soit p = (x0,., xn ) ∈ SJ et t ∈ I, on a alors : n
f (t, xi )g(t, xi ) − f (t1, xi )g(t1, xi ) − f (t, xi+1 )g(t, xi+1 ) + f (t1, xi+1 )g(t1, xi+1 ) i=0 = n f (t, xi )g(t, xi ) − f (t, xi )g(t, xi+1 ) + f (t, xi )g(t, xi+1 ) − f (t1, xi )g(t1, xi ) i=0 + f (t1, xi )g(t1, xi+1 ) − f (t1, xi )g(t1, xi+1 ) − f (t, xi+1 )g(t, xi+1 ) + f (t1, xi+1 )g(t1, xi+1 ) = n f (t, xi )[g(t, xi ) − g(t, xi+1 )] + f (t, xi )g(t, xi+1 ) − f (t1, xi )[g(t1, xi ) − g(t1, xi+1 )] i=0 − f (t1, xi )g(t1, xi+1 ) − f (t, xi+1 )g(t, xi+1 ) + f (t1, xi+1 )g(t1, xi+1 ) = n [f (t, xi ) − f (t1, xi )][(g(t, xi ) − g(t1, xi )) − (g(t, xi+1 ) − g(t1, xi+1 ))] i=0 + f (t, xi )g(t, xi+1 ) − f (t1, xi )g(t1, xi+1 ) − f (t, xi+1 )g(t, xi+1 ) + f (t1, xi+1 )g(t1, xi+1 )
CHAPITRE 1. ESPACES FONCTIONNELS ET QUESTIONS D'INTÉGRATION
= n [f (t, xi ) − f (t1, xi )][(g(t, xi ) − g(t1, xi )) − (g(t, xi+1 ) − g(t1, xi+1 ))] i=0 + [f (t, xi ) − f (t, xi+1 )]g(t, xi+1 ) − [f (t1, xi ) − f (t1, xi+1 )]g(t1, xi+1 ) = n [f (t, xi ) − f (t1, xi )][(g(t, xi ) − g(t1, xi )) − (g(t, xi+1 ) − g(t1, xi+1 ))] n [f (t, xi ) − f (t1, xi )][(g(t, xi ) − g(t1, xi )) − (g(t, xi+1 ) − g(t1, xi+1 ))] i=0 + [f (t, xi ) − f (t, xi+1 )]g(t, xi+1 ) − [f (t1, xi ) − f (t1, xi+1 )]g(t1, xi+1 ) = i=0 + [(f (t, xi ) − f (t1, xi )) − (f (t, xi+1 ) − f (t1, xi+1 ))]g(t, xi+1 ) + [f (t1, xi ) − f (t1, xi+1 )][g(t, xi+1 ) − g(t1, xi+1 )], et grâce à l'inégalité triangulaire, on a : ≤ n |f (t, xi ) − f (t1, xi )|(g(t, xi ) − g(t1, xi )) − (g(t, xi+1 ) − g(t1, xi +1 )) i=0 + n |(f (t, xi ) − f (t1, xi )) − (f (t, xi+1 ) − f (t1, xi+1 ))|g(t, xi+1 ) i=0 + n |f (t1, xi ) − f (t1, xi+1 )|g(t, xi+1 ) − g(t1, xi+1 )] i=0 ≤ n f (t, *) − f (t1, *)∞ (g(t, xi ) − g(t1, xi )) − (g(t, xi+1 ) − g(t1, xi+1 )) i=0 + n |(f (t, xi ) − f (t1, xi )) − (f (t, xi+1 ) − f (t1, xi+1 ))|g(t, *)∞ i=0 + n xi+1 | i=0 ≤ f (t, *) − f (t1, *)∞ n xi Dy f (t1, y)dy| * g(t, *) − g(t 1, *)∞ (g(t, xi ) − g(t1, xi )) − (g(t, xi+1 ) − g(t1, xi+1 )) i=0 + Vcd (f (t, *)) − f (t1, *))g(t, *)∞ + n xi+1 i=0 xi |Dy f (t1, *)|dy * g(t, *) − g(t 1, *)∞ ≤ f (t, *) − f (t1, *)∞ Vcd (g(t, *) − g(t1, *)) + Vcd (f (t, *)) − f (t1, *))g(t, *)∞ + xi+1 xi |Dy f (t1, *)|dy * g(t, *) − g(t 1, *)∞ ≤ f (t, *) − f (t1 , *)∞ g(t, *) − g(t1, *)BV + f (t, *) − f (t1, *)BV g(t, *)∞ + g(t, *) − g(t1, *)∞ * (b − a)Dy f ∞ ≤ [2f ∞ + (b − a)Dy f ∞ ] * g(t, *) − g(t1, *)BV + g∞ * f (t, *) − f (t1, *)BV ; on a bien [t → f (t) × g(t)] ∈ C 0 (I, BV (J, E)).
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Evaluation des diplômes Licences– Vague A ACADÉMIE :
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YON
Établissement : Université de Saint-Etienne - Jean Monnet Demande n° S3110053903
Domaine : Sciences, technologies, santé Mention : Physique-Chimie Présentation de la mention
La licence mention Physique-Chimie de l'Université Jean Monnet de Saint-Etienne propose une formation orientée vers les enseignements généraux de physique et chimie. Un des débouchés important de cette formation concerne les métiers de l'enseignement, mais il est également possible de poursuivre en master dans les domaines de la physique ou de la chimie. Cette mention s'appuie sur une structure commune avec les mentions scientifiques Physique, Chimie, Mathématiques, Mathématiques appliquées aux sciences sociales et Informatique. En L1, un choix personnalisé de modules disciplinaires permet d'initier les enseignements de chimie et physique ; en L2, un parcours Sciences de la matières et sciences de l'ingénieur apporte une spécialisation plus importante en chimie (chimie organique, chimie inorganique, etc.) et physique (électromagnétisme, électricité, ondes et polarisations, phénomènes oscillatoires, etc.) qui est renforcée en L3 (chimie organique, inorganique, thermodynamique chimique, chimie moléculaire, thermodynamique des mélanges, interférences – diffraction, etc.). Des dispositifs d'aide à la réussite en licence ont été mis en place pour l'ensemble de ces mentions avec des enseignements de soutien ou du tutorat et du suivi personnalisé des étudiants enseignant-référent, suivi du projet professionnel). Avis global : La licence de Physique-Chimie est en cours de réorganisation en cohérence avec les licences de Physique, Chimie et la création de la mention Sciences pour l'ingénieur. L'objectif visé est d'élargir le public au niveau des recrutements en proposant un panel plus large de possibilités et de faciliter des réorientations en L1 et L2 entre ces mentions. La mention Physique-Chimie est orientée vers les métiers de l'enseignement et intègre des modules mutualisés avec les autres mentions. Des débouchés en master dans les deux domaines Physique et Chimie sont également possibles. Cette formation est globalement satisfaisante en termes de contenus pédagogiques pour les objectifs visés et profite de la structure commune pour les dispositifs mis en place dans le cadre du plan réussir en licence. Il est cependant difficile d'analyser le devenir des étudiants avec les informations données qui sont peu nombreuses en termes d'informations chiffrées. On peut aussi s'interroger sur les effectifs inégaux en nombre (en L3, 28 en 2007-2008, 49 en 2008-2009). Cette progression est-elle justifiable dans le temps ou ponctuelle?
1
L'organisation de la formation est cohérente avec l'ensemble des mentions scientifiques grâce notamment à un parcours commun en L2 avec les mentions Physique et Chimie. Une forte mutualisation est développée également en L3, ce qui permet de renforcer les effectifs au niveau des unités d'enseignement (UE) de ces filières. La mention comporte des parcours équilibrés Physique et Chimie adaptés aux objectifs visés des métiers de l'enseignement notamment. Des dispostifs de soutien et de suivi sont mis en oeuvre pour les différentes mentions scientifiques et sont donc également un atout supplémentaire pour cette mention. Peu d'éléments sont fournis sur le suivi des diplômés, rendant ainsi difficile l'évaluation du devenir des étudiants, à la fois en termes de poursuite d'études et de réussite. Les informations chiffrées des effectifs montrent des fluctuations qui ne sont donc pas expliquées dans le dossier. Aucun intervenant professionnel ne participe à la formation dans les domaines disciplinaires (Physique–Chimie). Il serait souhaitable de renforcer le suivi des étudiants en termes de parcours et d'insertion professionnelle, pour avoir une meilleure visibilité sur le devenir des étudiants de cette mention Physique-Chimie de licence. Une analyse plus fine de ces informations pourrait peut-être influer sur le pilotage de la licence.
Avis détaillé
1 Pilotage de la licence : La licence de Physique-Chimie s'appuie sur une structure commune avec plusieurs mentions scientifiques. Des dispositifs de pilotage tant au niveau de l'Université qu'au niveau des mentions ont été mis en place. Cette structuration est pertinente. 2 Projet pédagogique : Le projet pédagogique est adapté aux objectifs visés avec une progressivité de spécialisation dans les parcours L1, L2 et L3 et plus particulièrement pour cette mention, un enseignement équilibré entre Physique et Chimie pour les métiers de l'enseignement notamment. La structure commune modulaire de L1 apporte des UE de méthodologie, ouverture et découverte et des compétences complémentaires (également en L2). Le niveau L3 offre des UE dédiées aux métiers de l'enseignement. 3 Dispositifs d'aide à la réussite : Dans le cadre du Plan Réussite en Licence, des dispositifs importants de soutien, monitorat, suivi personnalisé (enseignants référents) ont été mis en place. Il serait intéressant d' des bilans de ces dispositifs au cours des 4 prochaines années. Insertion professionnelle et poursuite d'études choisies : L'insertion professionnelle est le point le moins développé dans le dossier. Il serait nécessaire de mieux cerner la population étudiante afin notamment de mieux comprendre certaines évolutions d'effectifs et mieux connaître le devenir des étudiants en termes de poursuite d'études et de réussite..
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2434 la Première Guerre mondiale7338), tout comme à l'école municipale supérieure de filles de Munster7339. Mais pas à celle de Phalsbourg7340. En 1878, la directrice de l'école municipale supérieure de filles de cette ville explique pourquoi elle a fixé les vacances de l'établissement « suivant le règlement des vacances des lycées et collèges » : La plupart des enfants qui fréquentent l'école que je dirige ont des frères au Kollège ou dans d'autres établissements d'enseignement secondaire et il est agréable aux parents que les vacances de tous leurs enfants tombent au même moment7341. Le maintien du règlement des vacances que j'ai observé jusqu'ici serait donc très souhaitable, si aucune raison impérieuse n'impose un changement. À ma connaissance, les autres écoles supérieures de filles d'AlsaceLorraine suivent le règlement des vacances des lycées, etc., et les enfants de mon école ne sont pas employées par leurs parents pour la récolte ou pour d'autres travaux agricoles. À Ribeauvillé, la directrice de l'école subventionnée supérieure de filles suspend les cours pendant trois jours « pour les vendanges » en octobre 19007342. L'inspecteur scolaire du cercle, mis devant le fait accompli, désapprouve : « [] les enfants de cette école appartiennent en majorité à des familles de fonctionnaires et de commerçants israélites qui s'occupent peu ou pas du tout de viticulture. De toute façon, les vacances de 7336 ADBR 34AL1427, Soeur Margaretha-Maria Wollscheidt à l'Oberschulrat, 07.05.1904. La directrice demande une prolongation des vacances: « Les parents de nombreuses élèves ont exprimé le souhait que les vacances soient quelque peu prolongées, de telle sorte que leurs enfants puissent se consacrer aux travaux nécessaires ». 7337 ADBR 34AL1332, Soeur Amelie à l'Oberschulrat, 21.07.1891: « L'ouverture des classes tombe au milieu de la récolte du houblon, qui est d'une très grande importance pour les habitants d'ici. Dans de telles conditions, les classes seraient perturbées par les nombreuses dispenses que nous devrions donner aux enfants ». Donc, demande pour déplacer la date de la rentrée. Même demande l'année suivante, en 1896 (34AL1333), en 1898, en 1899, en 1900. 7338 ADBR 105AL2637, Mme Aug. Velle à l'Oberschulrat, 13.02.1918. Cette mère demande l'autorisation de retirer sa fille, âgée de moins de treize ans, de l'école supérieure de filles des Soeurs de Peltre : « Depuis le premier jour de la mobilisation, mon mari se trouve au front, et je dirige depuis ce temps, avec mes quatre enfants mineurs, l'entreprise maraîchère de mon mari. Le travail usant que j'ai dû fournir dans ces années difficiles m'a tant fatiguée que le médecin 'a prescrit le plus grand ménagement. Ma fille est grande et forte. Elle peut me soutenir efficacement dans le ménage comme dans les autres travaux ». Autorisation refusée, malgré un avis favorable de l'inspecteur scolaire de cercle.
7339 ETTWILLER Éric, « L'enseignement secondaire des filles à Munster à l'époque du Reichsland », Annuaire de la Société d'Histoire du Val et de la Ville de Munster, 2012, p. 39-59, p. 52. 7340 ADBR 34AL1447, Mlle Hess au président de Lorraine, 01.06.1878. 7341 Les vacances des frères : un autre moyen de cerner la clientèle d'un établissement. 7342 ADBR 34AL1279, Mlle Schaechtelin à l'inspecteur scol. du cercle de Ribeauvillé, oct. 1900. 2435 vendanges n'ont aucune justification les années où la vendange est peu importante et où elle peut donc être aisément engrangée avec la main-d'oeuvre habituelle »7343. Revenons à l'écolage. À Strasbourg, les écolages des trois écoles congréganistes supérieures de filles se situaient, en 1879, entre 48 et 96 Mark chez les Soeurs de la Divine Providence et celles de la Doctrine Chrétienne. Les deux établissements figurent sur une liste de dix écoles privées supérieures de filles strasbourgeoises, produite par la mairie de Strasbourg pour justifier une augmentation partielle de l'écolage de l'école municipale7344 (l'augmentation aura lieu à la rentrée 1879, juste avant que le directeur de l'établissement ne demande une nouvelle augmentation, comme on l'a vu ci-dessus). Les autres institutions mentionnées sont les écoles : Enseignement (Union des Familles), entre 48 et 80 Mark ; Weber, 48 Mark ; Münch, entre 96 et 144 Mark ; Rausch, entre 128 et 256 Mark ; Fuchs, entre 112 et 240 Mark ; Mury, entre 72 et 96 Mark ; Saigey, entre 96 et 208 Mark ; diaconesses (Bon-Pasteur), entre 42 et 144 Mark. À cette époque, l'écolage à l'école municipale de Strasbourg va de 60 (la mairie veut monter à 80) à 120 Mark7345. Certaines institutions privées visent donc un public moins aisé que celui des écoles publiques, d'autres un public plus aisé, comme on l'a aussi constaté à Mulhouse. Une étude du début du XXe siècle, analysée par James C. Albisetti, sur 3 666 élèves d'écoles publiques et privées supérieures de filles du royaume de Saxe, montre que les propriétaires de fabrique, mais aussi les professeurs d'université et même les professeurs lycées envoient de préférence leurs filles dans les institutions privées, tandis que les filles de commerçants, de professeurs de Realschulen, d'écoles supérieures de filles et d'instituteurs sont plus nombreuses dans les établissements publics7346. 7343 ADBR 34AL1279, l'inspecteur scol. du cercle de Ribeauvillé à l'Oberschulrat, 11.10.1900. L'Oberschulrat répondra que des vacances de vendange peuvent être accordées contre un raccourcissement des grandes vacances ; mais, de toute façon, la directrice est tenue de présenter une demande pour cela. 7344 ADBR 34AL1341, « État des tarifs de l'écolage dans les écoles supérieures de filles d'un certain nombre de villes allemandes, ainsi que dans les écoles privées supérieures de filles de Strasbourg », févr. 1879. 7345 Et les autres écoles supérieures de filles allemandes mentionnées dans la liste : Cologne, entre 100 et 150 M. ; Düsseldorf, entre 100 et 150 ; Leipzig, 120 (150 pour les élèves qui ne sont pas de la commune) ; Stuttgart, entre 60 et 136 ; Munich (Luisenstrasse), 120 ; Mannheim, entre 72 et 144 ; Hambourg, entre 120 et 144 ; Bochum, entre 60 et 150 ; Hagen, entre 90 et 144 ; Francfort, 150 ; Barmen, entre 72 et 144 ; Elberfeld, entre 90 et 132 ; Aix-la-Chapelle, entre 72 et 156. 7346 ALBISETTI James C., Op. cit., 1988, p. 55-56. L'institution privée des filles de professeurs d'université à Strasbourg est l'École Lindner. L'ont fréquentée, entre autres, Helene Bresslau, future épouse d'Albert Schweitzer, et Elly Knapp, future épouse de Théodore Heuss, premier président de la RFA. Cette dernière évoque, dans ses mémoires, un public surtout composé d' « enfants de fonctionnaires ». Elle y détaille également le type de la fille d'officier7347 : Le plus important, on ne l'apprend pas des enseignants, on l'apprend de ses camarades de classe, notamment ce qui concerne la connaissance de l'homme [] Les filles d'officiers jouèrent un rôle particulier. Parce que les pères étaient souvent mutés, les enfants étaient pour la plupart de mauvais élèves et ne comptaient pas beaucoup pour nous. Elles étaient souvent habillées pauvrement – elles n'étaient « élégantes » que jeunes adultes – et se trouvaient sous une forte influence des domestiques. Parfois, elles nous emmenaient dans la chambre des brosseurs ; il y avait là des inscriptions horribles au mur et, même si les brosseurs étaient toujours amicaux et de bonne composition, je ressentais en eux quelque chose d'interdit dont les parents ne devaient rien savoir. Les enfants d'officiers étaient de temps en temps frappés et quelques uns avaient peur de leur père. Le côté positif [de cette éducation] m'apparut seulement quand le frère d'une amie, âgé de dix ans, dû subir une petite opération qu'il endura sans sourciller après avoir refusé l'anesthésie. Son père l'a simplement loué d'être « un vrai fils de soldat ». Particulièrement à Strasbourg, les officiers veillaient à ne rester que peu de temps ; s ne s'établissaient pas, se caractérisant comme étant « en garnison ». Nombre d'entre eux connaissaient à peine le pays et les hommes quand ils partaient. Faisait exception le régiment wurtembergeois, qui était étroitement lié à l'Alsace. A l'inverse, « beaucoup de professeurs restaient durablement », poursuit Elly Heuss-Knapp, « Mon père a refusé toute mutation, car il pensait qu'une génération de Vieux-Allemands devait grandir ici et regarder le pays comme sa Heimat. ». L'instituteur protestant Philippe Husser, issu d'une famille paysanne de Sundhoffen, confie à son journal ses regrets d'avoir mis ses deux filles aînées « au pensionnat » : « Elles ne se sentent plus à l'aise dans notre milieu et ne se dérident qu'en compagnie de personnes de la bonne société. Avec nous, elles se donnent des airs, nous contredisent, se montrent grincheuses, excitées et renfermées. []. Les méthodes éducatives du pensionnat ont certainement des aspects positifs ; mais l'on y néglige un ly Op. cit. point important : l'éducation du coeur »7348. Philippe Husser a-t-il écrit « Pensionat » dans le texte original allemand ou bien s'agit-il d'une mauvaise traduction de « Töchterschule »? Toujours est-il que le curriculum vitae produit par Marie Husser, l'aînée des filles, en 1912 fait état d'une scolarité complète à l'école municipale supérieure de filles de Mulhouse, sans internat, comme on sait. (2)
Dans les académies de Nancy et de Strasbourg Des statistiques
sur les origines sociales
n'ont été trouvées que pour le lycée de jeunes filles
de
Nancy (dans les mêmes rapports qui fournissent, pour les quatre premières années d'existence de l'établissement, des statistiques confessionnelles). Sur les 129 élèves de l'établissement en mai 1901, Mlle Ravaire dénombre : 40 filles de commerçants ; 34 filles d' « universitaires », c'est-à-dire des filles d'enseignants, instituteurs, professeurs du secondaire et professeurs de faculté (2 seulement pour ces derniers, regrette la directrice) ; 14 filles d'industriels ; 11 filles d' « employés » ; 24 filles « dont les parents n'exercent aucune profession ou bien exercent une profession libérale » ; 1 fille d'officier7349. Remarquons que le total fait 124 : il manque 5 élèves dans cette classification. En mai 1902, sur les 175 élèves françaises, il y a : 67 filles de commerçants ; 38 filles d'enseignants ; 34 filles d'industriels ; 13 filles de « fonctionnaires, employés de l'État et de la Ville » ; 21 filles de « rentiers, professions libérales, etc. » ; 2 filles de militaires. En mai 1903, sur les 233 élèves, il y a : 84 filles de commerçants ; 39 filles d'enseignants ; 29 filles d'industriels et banquiers ; 38 filles de « fonctionnaires et employés » ; 34 filles de « rentiers, professions libérales » ; 6 filles de militaires ; 3 filles d' « officiers ministériels ». Enfin, en mai 1904, sur les 273 élèves, il y a : 88 filles de commerçants ; 47 filles d'enseignants ; 38 filles d'industriels et banquier
; 20 filles de 7348 HUSSER Philippe, Un instituteur alsacien entre France et Allemagne. Journal de Philippe Husser, 19141951, Paris, Hachette, 1989, p. 36 (17.08.1914). 7349 ADMM 1T277, Mlle Ravaire à l'inspecteur d'acad. de la Meurthe-et-Moselle, 31.05.1901. 2438 fonctionnaires et employés ; 48 filles de « rentiers, professions libérales » ; 16 filles de militaires ; 16 filles pour « professions diverses », qui est une nouvelle catégorie. Si on regarde l'évolution en pourcentages, on observe que les commerçants sont tout d'abord 31% des pères, puis 38%, puis 36%, puis 32% ; les filles d'enseignants, dont le nombre n'évolue guère – sauf en 1903/04 – alors que la fréquentation globale augmente, sont tout d'abord 26%, puis 22%, puis 17% la deux dernières années ; les industriels et banquiers représentent tout d'abord 11% des pères, puis 19%, puis leur part retombe à 12%, pour remonter, quelque peu, à 14% ; les employés et fonctionnaires représentent tout d'abord 9% des pères, puis 7%, puis 16%, puis leur part retombe à 7% ; les rentiers et professions libérales représentent tout d'abord 19% des pères, puis 12%, puis 15%, puis 18% (faut-il y rajouter les 6% des pères exerçant des « professions diverses »? Cette catégorie nouvellement apparue en 1903/04 était probablement comprise auparavant dans « rentiers, professions libérales, etc. ») ; les filles de militaires comptent pour une part négligeable avant 1903/04, où elles forment 6% de l'effectif total. Les listes d'élèves avec professions des parents sont, elles aussi, d'une grande rareté. Les archives municipales de Remiremont conservent de telles listes pour le début des années 1890 et des années 19107350. Ce sont donc des listes de l'époque des cours secondaires de jeunes filles. Sur 25 élèves en 1890/91 : 10 filles de négociants, 1 fille de tailleur, 1 fille de loueur de voitures, 3 filles d'industriels, 2 filles d'un officier en retraite, 2 filles de rentiers, 2 filles de professeurs et 1 fille du principal du collège, 2 filles d'un greffier de mairie ; l'information manque pour une élève, boursière : la liste de 1891/92 révèle qu'elle s'agit de la fille d'une journalière, donc orpheline de père. Cette liste de 31 noms s'inscrit dans la continuité de l'année précédente, avec prédominance du commerce et de l'industrie (17). Idem pour 1892/93 : 20 filles de négociants et industriels sur 34 noms. La fille de la journalière n'y figure plus, mais une fille d'ouvrier apparaît (elle « demande la bourse »). 2439 de « dessin professionnel » annexés aux cours secondaires7351. Les prospectus de 1885 disaient bien que les cours secondaires de jeunes filles de Remiremont « s'adressent à toutes, riches ou pauvres, à celles qui veulent simplement compléter leurs études primaires et à celles qui désirent obtenir les diplômes réservés aux jeunes filles »7352. Les listes romarimontaines des années 1910 sont des états de paiement : elles distinguent les élèves à 3 Frs/mois des élèves à 2 Frs/mois, et sont donc légèrement incomplètes, en ce qu'elles excluent les boursières. Les 117 élèves recensées dans l'état de paiement du 1er trimestre de l'année 1911/12 (la dernière année des cours secondaires, avant la transformation en collège) viennent en majorité du monde du commerce et de l'industrie, compris au sens large (avec l'artisanat) et sans distinction de niveau de salaire. En faisant entrer dans cette vaste catégorie quelques cas douteux, on arrive à 66 élèves, soit 56% de l'effectif payant7353. La justice, les impôts, les chemins de fer, l'armée, les douanes et l'administration forestière comptent pour 14 élèves, tous niveaux hiérarchiques confondus7354. 12 élèves sont filles d'économes, de comptables, d'un agent d'assurance, du directeur de la Société générale. 14 + 12 + 2 filles de notaires + 1 fille dont le père travaille dans un « bureau de placement », cela fait environ une élève (payante) sur quatre qui est fille de fonctionnaire ou de quelqu'un exerçant un travail de bureau. Il y a encore 9 filles de cultivateurs, 7 de rentiers ou rentières, 4 de médecins et de pharmaciens, ainsi qu'1 fille du maire de Remiremont. 7351 AMRe 1R1, Mlle Journet au maire de Remiremont, 12.10.1891
:
« [] j'ai envoyé l'emploi de notre temps avec le programme des différentes matières dans toutes les familles que j'avais visitées. Mais il y en a beaucoup que je ne connais pas, surtout dans la classe ouvrière ; aussi, j'avais pensé qu'il serait peut-être bon de mettre dans l'Industriel un autre article, qui informerait surtout de la nouvelle classe de dessin et qui pourrait être ainsi conçu : M. le maire prévient les familles qu'une classe de dessin professionnel a lieu aux cours secondaires le mercredi de 9h 1⁄2 à 11h 1⁄2 et le vendredi de 2h à 4h ».
735
2
Cours secondaires de jeunes filles de Remiremont, Remiremont, Veuve H. Mougin, 1885, p. 1 et Cours secondaires de jeunes filles de Remiremont, Remiremont, Victor Jacquot, 1885, p.
1.
7353
10 occurrences de « marchand » (vins, bois, fromages) ; 10 d' « industriel » ; 7 de « négociant » ; 4 de « directeur » (nous présumons directeur de fabrique) ; 4 de « cafetier » ; 3 de « représentant » (nous
prés
um
ons représentant de
commerce)
; 3 de « contremaître »
; 2 de
«
meunier » ; 2 d
' «
entrepreneur »
; 2 de « contrôleur » (nous
présumons c
ontrôleur
des machines)
;
1 de
« blanchi
sserie
», « commerçant »,
« broderies », « féculerie », « brasseur », « boulanger », « épicerie », « maître-cordonnier », « employé de commerce
», « commissionnaire coton », « bazar », « sous-ingénieur », «
fabricant
de
meuble
s
», «
sciage
mécanique
», « fondeur
», « couvreur cylindres », « chef de chantier »,
sculpteur », « peintre ». 7354 4 occurrences d'officiers ; 1 de « cantinier », « juge d'instruction », « procureur », « conservateur des hypothèques », « employé des contributions », « percepteur », « douanier », « brigadier forestier », « garde forestier », « chef de gare ». Une absence, criante : il n'y aucune fille de professeur du collège ou d'instituteur. Mais n'oublions pas que l'effectif total des cours secondaires de Remiremont était de 135 élèves fin octobre 1911. Or 135 moins 117 font 18, dont certainement un certain nombre de filles d'enseignants. En effet, les demandes de bourses (ou demi-bourses) des années 1900 conservées aux archives municipales de Remiremont concernent assez souvent des instituteurs et des professeurs, et même l'inspecteur primaire Claudon7355. Faible présence de filles d'enseignants malgré tout : certaines sont-elles envoyées dans les villes voisines afin d'y suivre, dans un collège, une scolarité secondaire complète? Les archives municipales d'Épinal conservent une liste avec professions des parents datée de novembre 1883, donc également de l'époque des cours secondaires de jeunes filles7356. 16 élèves, dont les parents sont : ancien pharmacien, maître menuisier, « receveur principal entrepreneur », féculier, rentière, revendeur, marchand-tailleur, boulanger, avoué, avocat, industriel (Alice Arnould, « chez M. Pottecher »), institutrice adjointe, receveur buraliste, fondeur, négociant ; la profession des parents n'est pas indiquée pour une élève. Sont inscrites plus tard : une fille d'industriel et une fille d' « entreposeur des postes » en décembre 18837357 ; la fille d'un médecin en janvier 18847358. Des listes d'élèves avec profession des pères ont également été trouvées pour l'école municipale supérieure de filles de Haguenau après 1918, mais elles se rattachent davantage à la période antérieure qu'à celle du régime français. Pour le reste, il faut se contenter de remarques générales, de mentions particulières, de tarifs d'écolage et, beaucoup, de questions de bourses7359. Les filles de militaires apparaissent beaucoup dans les établissements congréganistes et crypto-congréganistes. La diminution de la garnison de Lunéville au début des années 1920 représente un coup dur pour le pensionnat des chanoinesses sécularisées, auxquelles « nombre de militaires confiaient leurs filles »7360. « Encore des inscriptions qu'on ne peut refuser à des militaires qui arrivent à Metz ce jour-même », écrit, fin juillet 1937, la soeur diariste du Pensionnat 7355 AMRe 1R1, dossier des demandes de bourses. AM Épinal 1R40, « Ville
d
'Épinal
.
Cours second
aire de
jeunes filles
.
Liste des élèves », 24.11.1883.
7357 AM Épinal 1R40, l'inspecteur d'acad. des Vosges au maire d'Épinal, 11.12.1883. 7358 AM Épinal 1R40, l'inspecteur d'acad. des Vosges au maire d'Épinal, 03.01.1884. 7359 Par exemple : AMRe 1R1, demandes de bourses, 1891-1911. 7360 LEBLANC Soeur Marie-Colette, Op. cit., 2002, p. 5. 7356 2441 Sainte-Chrétienne de la rue Saint-Gengoulf à Metz7361.
Le journal de cet établissement contient d'autres mentions – cas individuels – de la présence de filles de militaires. Le débat sur la gratuité de l'enseignement public secondaire des filles est un débat typiquement français. On l'a déjà entendu lors de la fondation du collège de jeunes filles de Saint-Dié. La question est même soulevée par la droite, à Remiremont, lorsqu'il s'agit, en 1912, de faire échouer le remplacement des cours secondaires par un collège de jeunes filles7362. Instaurée progressivement autour de 1930, la gratuité fait l'objet de contestations. Ainsi, à Nancy, lorsqu'en février 1934, le conseil municipal demande l'étude d'un projet d'agrandissement du lycée de jeunes filles (projet comportant l'acquisition de deux immeubles voisins), une opposition s'élève au cours de l'enquête7363 : Je m'oppose absolument au présent projet [] pour les motifs suivants. En France, à la différence des dépenses de l'instruction primaire, celles de l'instruction secondaire ne constituent pas une charge obligatoire pour les communes. Certes, dans un passé qui nous semble déjà lointain (c'était avant 1900, « du temps des cheveux et des chevaux »), la Ville de Nancy a cru devoir créer librement un lycée de jeunes filles La question, du reste, a provoqué certaines polémiques Et ceux qui ont voté cette mesure ne songeaient vraisemblablement guère que l'État viendrait troubler les finances communales par l'instauration de l' « École unique ». Au surplus, la Ville a déjà fait un gros effort en faveur de ce lycée en adoptant, le 4 août 1931, un crédit de plus de deux ASC
,
rue Saint-Gengoulf à Metz, Journal 1919-1921-1922, le 28.04.1921 (« Le capitaine Neuville annonce que Renée ne rentrera pas en octobre,
mais seulement en janvier
,
par suite d'un déplacement de la famille pour cette année
»), et
Journal
1936
-
1937,
le
19.07.1937 («
Le colonel d'Argentin nous demande d'accepter ses deux filles, l'une en première A', l'autre en seconde A' ») et le
12
.10.1937 («
Annonce
d'une élève de philosophie, J
acqueline Thibaud
, fille d'un officier revenant de Syrie »).
7
362
Délibérations du conseil municipal de Remiremont, 17.06.1912 : «
M. le
do
cteur Charles
rappelle
qu'
en 1908, il déclarait que l'institution Colin et Tocquard, avec les cours secondaires, d'une part, et, de l'autre, l'institution Jeanne-d'Arc suffisaient à satisfaire les familles. 2442 millions, sous déduction de la subvention de l'État. Quoi qu'il en soit, vu les circonstances, il est absolument inopportun de poursuivre plus avant dans cette voie : c'est le moment de réaliser de sérieuses économies dans les finances publiques ; c'est le moment de revenir sur « les lois génératrices de dépenses » croissant d'année en année, de mettre un terme à la funeste pratique des « crédits d'engagement », selon l'opinion de radicaux éminents, comme MM. les sénateurs Caillaux et Régnier. Or, parmi ces « lois folles », il y a à retenir les textes qui ont institué, par une voie oblique, d'ailleurs, la gratuité de l'enseignement secondaire. Et c'est, vraisemblablement, par suite de l'application de cette mesure démagogique que les locaux du Lycée Jeanne-d'Arc sont devenus insuffisants. Il n'est cependant pas nécessaire de continuer à augmenter le nombre des intellectuels, dont certains, faute d'emplois, deviendront des déclassés : n'y a-t-il déjà pas trop d'avocats ou de médecins du sexe masculin? Au surplus, pour pallier à l'encombrement de l'immeuble de la rue Pierre Fourier, pourquoi ne pas utiliser définitivement celui de la place Colonel Driant? Le mettre à la disposition de Sociétés ne répond pas à un besoin de première nécessité. Et puis, celles qui présentent vraiment un intérêt public pourront être installées dans l'annexe de la mairie de la rue d'Alliance (où se trouve, déjà, la Bibliothèque de l'une d'elles), lorsque, du fait du transfert des musées, il y aura lieu de procéder au regroupement des services à l'Hôtel de Ville même. Ainsi, il ne convient nullement qu'un décret (un arrêté préfectoral étant inopérant en l'espèce) déclare l'agrandissement du Lycée Jeanne-d'Arc d'utilité publique. Je désire que le conseil municipal statue sur la question par appel nominal. La vie à l'école a) Internats et externats (1) L'internat dans l'enseignement public français
Le système de l'internat distingue les établissements publics français, où il est fréquent7364, des établissements publics allemands, où il est inconnu. Dans l'académie de Nancy, on trouve des internats dans la plupart des établissements : quelques cours secondaires de la fin du XIXe siècle, le collège d'Épinal et le collège de Toul font exception. Quelques internats lorrains, parmi les plus grands (lycée de Nancy, collège de Saint-Dié), appartiennent à des sociétés civiles. En décembre 1911, la directrice du collège de Saint-Dié rend compte d'une assemblée générale qui s'est tenue « dans le local du pensionnat », en présence de « la plupart des actionnaires »7365 : Monsieur Ramspacher, industriel, président, ouvrit la séance à 5 heures. Monsieur Iung, secrétaire, rendit compte de la gestion pendant l'exercice 1910-1911 et remit au trésorier, M. Hirsinger, les mille francs que je m'étais engagée à verser à titre de gérante de l'internat. L'actif de la société se compose aujourd'hui du capital souscrit, 25 000 Frs, et de la location versée, 1 000 Frs : 26 000 Frs. Le passif s'élève à 25 327 Frs 60. Il reste donc en caisse 672,4 Frs. Tous les sociétaires présents ont décidé qu'il ne serait pas versé de dividende cette année et que la somme disponible serait consacrée à l'acquisition du matériel que nécessiterait l'arrivée de nouvelles pensionnaires. J'ai fixé moi-même à 1 250 Frs, sauf imprévu, la somme que j'aurais à verser à la fin de l'exercice en cours, pour la location du matériel m'est confié. Ce matériel représente 7364 L'internat fut le principal objet des débats autour de la proposition de loi de Camille Sée (MAYEUR Françoise, Op. cit., 1977, p. 30-31 et 44-52). Ce dernier regrettera que la loi promulguée le 21 décembre 1880 ne le rende pas obligatoire, comme lui l'avait voulu : Lycées et collèges de jeunes filles, Paris, Cerf, 1888 (3e édition), avant-propos de Camille Sée, oct. 1887, p. XXIV-XXVIII. 7365 ADMM W657/67bis, la directrice du collège de jeunes filles de Saint-Dié à l'inspecteur d'acad. des Vosges, 01.12.1911. 2444 actuellement une valeur de 15 000 Frs. Les réparations et aménagements ont coûté un peu plus de 10 000 Frs. Le président espère que M. le maire pourra prochainement dédommager la société de ces frais d'appropriation qui représentent une fraction importante du capital souscrit et qu'il sera alors possible d'augmenter le matériel actuel sans faire un nouvel appel de fonds. J'ai fait remarquer à Monsieur Duceux qu'en ce moment, c'était la société civile de l'internat et non la Ville qui me logeait, que celle-ci réalisait de ce fait une économie de plusieurs centaines de francs et que, d'autre part, en procurant au collège externat 40 élèves, l'internat augmentait les recettes dudit collège de 4 000 Frs au moins. Monsieur Duceux pense aussi qu'il est de toute justice que la Ville subventionne l'internat annexé au collège Jules Ferry, afin de lui permettre de se développer et d'amortir en même temps son capital. Dès que la ville aura acquis l'ancien évêché, une nouvelle assemblée générale des actionnaires sera convoquée à l'effet de discuter les clauses du bail à intervenir entre la Ville et la société ; le bail consenti par l'État expire le 30 septembre prochain. Investir dans un pensionnat, même sans charges d'enseignement, n'est donc pas forcément une entreprise juteuse, contrairement à ce qu'affirmait l'Est républicain, en 1903, pour encourager la Société du Pensionnat du Parc de Santifontaine, encore « en formation »7366 : Financièrement – seul point de vue que nous ayons à envisager – on peut, croyons-nous, attendre raisonnablement la rémunération du capital engagé. On sait, en effet, que si les pensionnats ou institutions sont parfois de médiocres affaires, c'est du fait des charges qu'entraîne la branche dispendieuse de l'enseignement. Or, ici, la Société en création échappe totalement à ces charges, puisqu'elle se bornera à hospitaliser les élèves. Les internats de l'académie de Nancy ne font pas toujours le plein de pensionnaires : « La directrice s'occupe elle-même du service de l'économat de l'internat (achats, menus, etc.) en raison du nombre peu élevé des élèves. Les enfants paraissent satisfaites de la nourriture », note la directrice du collège de jeunes filles de Verdun dans son rapport d'octobre 1927. Nourriture, distractions et discipline sont les sujets récurrents des rapports mensuels. La Première Guerre mondiale – quand elle n'impose pas une fermeture de l'internat, comme à Saint-Dié7367 – complique l'approvisionnement en denrées alimentaires. « Nous avons quelques difficultés pour assurer l'alimentation de nos internes », écrit la directrice du collège de Remiremont en février 1918, « la ration de pain ayant été réduite ces temps derniers à 250 grammes ; mais personne ne songe à se plaindre de ces restrictions indispensables »7368. La fin des hostilités ne résout pas tous les problèmes. Toujours à Remiremont, la directrice du collège, en février 1919 : « Nous éprouvons d'assez sérieuses difficultés pour l'approvisionnement de l'internat. Nous manquons de vin depuis quinze jours, bien que les commandes aient été faites en septembre ; nous donnons comme boisson un thé léger ». Du vin pour les jeunes filles? Sûrement l' « abondance », « vin très largement étendu d'eau » qu'on servait déjà au repas de midi dans les pensionnats privés du XIXe siècle7369. En octobre 1919 : « Nous sommes obligées d'envisager une augmentation du tarif de l'internat. Les prix de pension ne correspondent plus au coût actuel de la vie et nos comptes présentent un déficit ». En février 1920, elle annonce « une nouvelle augmentation du prix de pension » en raison de l'augmentation du prix des denrées. Quatre ans plus tard, elle rend compte d'« un léger relèvement des tarifs de l'internat pour équilibrer le budget » (rapport d'avril et mai 1924). Les archives municipales de Lunéville, qui regorgent de documents sur les comptes de l'internat, font également état de plusieurs hausses des tarifs. En 1936/37, le maire de Lunéville à la directrice7370 : « Nous estimons qu'il serait néce ssaire de mettre les tarifs d'internat de votre établissement en harmonie avec ceux du collège de garçons. Si tel est votre sentiment, je vous serais tout à fait obligé de vouloir bien, après avis de votre Bureau d'administration, m'adresser une proposition dans ce sens, pour être soumise, sans retard, au conseil municipal ». Réponse de Mme Jacquiez : « J'ai l'honneur de vous envoyer le projet de budget d'internat du collège de jeunes filles et école primaire supérieure pour l'exercice 1937. L'augmentation du prix de la vie rend plus difficile l'équilibre de ce budget. modérément – les tarifs d'internat, qui deviennent les mêmes que ceux du collège de garçons ». A Neufchâteau, Mlle Poncey, très prolixe sur l'internat de son collège d'une manière générale, l'est notamment sur la nourriture : « Nourriture saine et suffisante. Le jardin attenant au collège a permis de varier les desserts : fraises et groseilles ont été bien accueillies par les élèves », note-t-elle en juin 19207371 : [Novembre 1920] Nourriture variée et largement suffisante. Les produits du jardin appartenant au collège permettent même un certain luxe de desserts : tartes, compotes de mirabelles, confitures faites à la maison. Les légumes (pommes de terre, choux fournis par le jardin) sont très beaux. La viande est de très belle qualité, supérieure à celle qui était fournie l'an dernier. [Juin 1921] Les légumes et les fruits du jardin (carottes, petits pois, fraises, groseilles, cerises) permettent de varier davantage les menus et en particulier les desserts. [Avril-mai 1922] Le jardin a déjà permis de varier un peu l'alimentation et d'ajouter aux légumes secs quelques légumes frais (épinards, salade). La viande fournie par la dernière adjudication (depuis le 1er avril) est de très bonne qualité. [Décembre 1922] Un plat (oeufs ou viande) a pu être ajouté en décembre au menu du soir. [Octobre 1923] La nourriture est bonne : suffisante et bien préparée. Les prix plus élevés des adjudications ont obligé à ne donner un plat de viande le soir que deux jours par semaine : le jeudi et le dimanche. En janvier 1925, Mme Houillon rapporte : « Pour répondre aux instructions ministérielles relatives à la consommation du poisson, tous les vendredis à midi et, quand c'est possible, le mardi aussi, nous servons à nos internes du merlan, du colin, de la saumonette, de petites soles et on s'ingénie à en varier la préparation et à trouver un légume assorti. Après Pâques, quand la température sera moins fraîche, nous renoncerons 7371 ADMM W657/39bis, rapport mensuel de la directrice du collège de jeunes filles de Neufchâteau, juin 1920. au poisson de mer »7372. Finalement : « Nous avons renoncé à donner aux pensionnaires du poisson le mardi, en raison du prix élevé de vente sur le marché. Nous continuons à en recevoir régulièrement le vendredi » (février 1925). À la rentrée suivante, Mlle Poncey arrive à Saint-Dié avec sa cuisinière7373. Pendant ce temps, à Neufchâteau, Mlle Arlin, qui a succédé à Mlle Poncey, constate qu'il n'y a « pas d'incident pour la nourriture », même si « deux grandes s'abstiennent régulièrement de soupe »7374. Les distractions sont un autre gage de bonne santé. En premier lieu les promenades pendant les congés. Après l'arrivée de Mlle Arlin à Neufchâteau, les autorités scolaires apprennent, dans les rapports mensuels, « l'itinéraire de toutes les promenades »7375, jusqu'à ce que le recteur fasse remarquer, suite au rapport de février 1926, que cela « allonge inutilement les écritures ». La directrice précédente, qui donnait moins de précision7376, avait toutefois dû signaler un fait grave, en février 1923 : « Le 1er février : accident dû à une auto pendant la promenade des internes. L'élève renversée a été soignée huit jours à l'hôpital. Elle est complètement remise. L'accident n'a aucune suite fâcheuse ». Au collège de Remiremont, en mai 1921 : « Les élèves internes dont les familles habitent les environs ont profité du dimanche et du lundi de Pentecôte pour se rendre chez 7372 ADMM W657/67bis, rapport mensuel de la directrice du collège de jeunes filles de Saint-Dié, janv. 1925. 7373 ADMM W657/67bis, rapport mensuel de la directrice du coll de jeunes filles de Saint-Dié, oct. 1925 : « Le tarif actuel, qui est celui de l'année dernière, permet de donner une nourriture abondante et saine. Celleci est préparée avec soin par une cuisinière propre, économe, vive et exacte, qui a quitté l'internat de Neufchâteau, où elle était depuis six ans, pour venir remplir les mêmes fonctions à celui de Saint-Dié ». 7374 ADMM W657/39bis, rapport mensuel de la directrice du collège de jeunes filles de Neufchâteau, oct. 1925. 7375 ADMM W657/39bis, rapports mensuels de la directrice du collège de jeunes filles de Neufchâteau, oct. 1925 (« Grandes sorties : 1° dimanche 18, 2° samedi soir 21. Le dimanche 25, 5 pensionnaires ont été demandées par leurs familles. Jeudi 15 : route d'Épinal. Jeudi 22 : route de Chaumont. Dimanche 25 : courte promenade sous la pluie, route de Coussey. elles. Une quinzaine seulement étaient restées et ont fait, avec une surveillante, une excursion à Gérardmer ». En mars 1922 : « Une dizaine d'internes étaient restées à l'établissement, une excursion fut organisée pour elles à Gérardmer ». En 1927/28, au collège de Neufchâteau, on effectue une « grande sortie » chaque mois7377. Lorsque le temps est mauvais, comme à Remiremont en novembre 1928, il faut trouver d'autres activités : « Les pensionnaires, souvent privées de promenade le jeudi ou le dimanche, par suite du temps pluvieux, ont eu cependant quelques distractions : une audition musicale, puis un concert organisé par une société locale ». Il y a enfin les jeux : au début du XXe siècle, l'internat privé de Mlle Boulangier attaché aux cours secondaires de jeunes filles de Mirecourt possède « 1 jeu de croquet, 1 jeu de puces, 1 jeu de loto, 2 jeux de dames, 1 jeu de nain jaune, 2 jeux de cartes »7378. Les petites fêtes : « A la micarême, les pensionnaires ont été autorisées à organiser une petite réunion intime » au collège de Remiremont en 19287379. La fête de Noël sera étudiée plus loin sous l'angle des actions charitables. Les activités sportives seront étudiées dans la sous-partie consacrée à l'hygiène. Notons pour terminer que le terme de « sortie » ne désigne pas forcément une promenade organisée pour les internes. Ainsi, dans ce rapport de la directrice du collège de Neufchâteau7380 : « Il est à peu près impossible, étant donné les retards des trains et la fréquence des accidents, que les internes profitent désormais des sorties de quinzaine. Je me suis mise d'accord avec M. le principal afin que les frères et les soeurs fussent sou [sic] au même régime, pour suspendre les sorties jusqu'à nouvel ordre, et ne laisser retourner chez elles que les élèves instamment demandées par leurs familles, et par écrit ». Par contre, la « sortie du dimanche » dont parle la directrice du collège de Remiremont dans son rapport d'octobre 1927 paraît bien relever de la promenade. Elle « est accordée à toute élève qui a obtenu des notes satisfaisantes et n'a pas démérité gravement dans sa conduite à l'internat ». 7377 ADMM W657/39bis, rapport mensuel de la directrice du collège de jeunes filles de Neufchâteau, janv. 1928. La discipline à l'internat constitue un domaine à part dans la vie des établissements. En décembre 1927, alors qu'elle juge la discipline « excellente à l'externat », Mlle Genvot, nouvelle directrice du collège de jeunes filles de Remiremont estime qu' « à l'internat, de jeunes maîtresses devront acquérir du prestige et de l'autorité, dans bien des circonstances où le bon vouloir ne saurait être suffisant ». La directrice précédente, Mlle Prévot, remarquait trois ans plus tôt7381 : « Nos élèves internes sont cette année particulièrement dociles et bien élevées, à part quelques unes dont les manières comme le langage demandent une transformation totale que les conseils, en même temps que l'exemple, apporteront ». Au collège de Neufchâteau, Mlle Poncey regrette, en mars 1924, la présence « parmi les internes » de « 4 élèves d'un caractère difficile, mal élevées, entêtées et peu soigneuses ». Le soin touche, en effet, à la discipline ; or on ne peut toujours compter sur les parents, comme Mlle Poncey en a fait l'expérience en 1921/227382 : « Dans l'ensemble, les résultats obtenus sont bons : le service des bonnes est satisfaisant et les maîtresses d'internat veillent à l'ordre et la propreté ; pour certaines élèves, on se limite parfois à la résistance des familles (celles-ci se chargeant du blanchissage du linge) ». En 1925/26, Mlle Arlin7383 : « Quelques pensionnaires ont été punies de mauvaises notes pour avoir oublié de descendre une serviette de table, d'autres pour avoir gardé une serviette sale. Les tournées d'ordre des armoires ont été satisfaisantes ; celles du nettoyage des cu s moins. Il a fallu indiquer à plusieurs pensionnaires l'art de nettoyer une cuvette sale ». La nouvelle directrice du collège de Neufchâteau a fait revoir la décoration des dortoirs à son arrivée : « Les cellules des dortoirs sont coquettes et gentiment ornées par leurs occupantes, par des gravures achetées à M. Crayer à son passage le 26 », note-t-elle en octobre 1925. Ce cadre confortable ne retient pas une pensionnaire remuante de fuguer pendant une nuit de février 1928. L'académie de Strasbourg pendant l'entre-deux-temps reste marquée par son histoire allemande : les collèges et lycées de jeunes filles n'y ont généralement pas 7381 ADMM W657/39, rapport mensuel de la directrice du collège de jeunes filles de Remiremont, nov. 1924. ADMM W657/39bis, rapport mensuel de la directrice du collège de jeunes filles de Neufchâteau, mars 1922. Le lycée de jeunes filles de Metz constitue la seule exception (avec celui de Colmar, pendant quelques années, comme on l'a vu dans la partie monographique). Les archives municipales de Metz permettent de connaître dans le détail son fonctionnement7384. Celui-ci paraît chaotique au milieu des années 1930. La directrice du lycée rapporte ainsi au maire en 19347385 : J'ai 'h l'internat udi entre es une surprise, Mlle Houpert avait cessé presque complètement son service pendant une quinzaine de jours, s'absentant presque continuellement la nuit comme le jour, sans qu'elle m'en ait avertie. Quelques respectables que soient les devoirs de famille, la tâche professionnelle, sauf dans certains cas exceptionnels, me paraît devoir les primer. En tous cas, je désire que la directrice de l'internat, si elle s'absente pour un temps assez long, se fasse remplacer, et pour une courte durée, m'en avise tout au moins, afin que je me tienne en contact plus étroit avec la maîtresse d'internat, trop jeune pour porter seule la grave responsabilité de la direction de 45 jeunes filles. D'autre part, je me permets de vous soumettre les quelques remarques que m'a suggérées cette visite. J'ai trouvé la maison dans un état de malpropreté pén ; j'ai déploré, en particulier, que l'entrée et les corridors soient en cet état un jeudi, jour de visite des parents. Mlle Houpert, que j'ai vue depuis, m'a dit que le personnel domestique avait été insuffisant depuis quelque temps, mais qu'il allait être amélioré. Sans doute aussi demande-t-il une organisation exacte du service et une surveillance constante pour donner le meilleur rendement possible. La salle de bains, où venaient de passer 4 internes, n'était plus utilisable, à 10h et demi du matin ; j'ai appris avec satisfaction que le chauffe-bain à charbon, insuffisant pour un grand nombre de bains, allait être remplacé par un chauffe-bain au gaz. En revanche, les poêles à feu continu permettent un chauffage beaucoup plus régulier de la maison et constituent une amélioration très appréciable. domestique et l'installation de la salle de bain, en attendant que puissent être réalisés les projets d'un nouvel internat. Trois ans plus tard, la même directrice est toujours dans l'attente de nouveaux locaux7386 : J'ai l'honneur de vous informer que je soumets à M. le recteur les nouveaux tarifs d'internat. L'enseignement et l'éducation donnés au lycée de jeunes filles ont, vous le savez, beaucoup de succès et il est certain que les familles de la région les désirent pour leurs filles : j'ai toujours un grand nombre de visites et de demandes au sujet de l'internat, mais son installation, peu confortable, fait préférer d'autres établissements de la région, plus favorisés. Je vous envoie, ci-joint, une lettre comme j'en reçois beaucoup : la famille Corino était très tentée par l'enseignement du lycée et devait amener l'inscription d'autres fillettes du même pays7387. Nul doute qu'un internat offrant les garanties matérielles requises aurait le même succès que l'externat. L'internat offre des aménités : la possibilité de suivre des cours de piano7388 et des couverts, depuis 1933. Auparavant, chaque pensionnaire ramenait ses propres couverts, qu'elle essuyait et rangeait, après qu'ils avaient été lavés par les bonnes. C'est la directrice de l'internat (Houpert) qui a demandé la fin de cette pratique7389 : « Les bonnes pourront laver les couverts beaucoup plus proprement à la cuisine, où elles sont plus à leur aise, qu'au réfectoire, avec un petit baquet d'eau, entourées d'une soixantaine d'élèves voulant toutes passer la première ». C'est aussi l'assurance, pour les parents, d'une vie disciplinée. Un règlement du début des années 1930 se termine en rappelant aux pensionnaires « 1° que les chapeaux et vêtements doivent être très simples et peu voyants, 2° qu'il est tout à fait 7386 AMMe 1Rd580, la directrice du lycée de jeunes filles de Metz au maire de Metz, 12.07.1937. AMMe 1Rd580, Victor Corino, chef d'entreprise à Piennes en Meurthe-et-Moselle (« Production – Exportation – Vins d'Italie – Vins du Midi »), à la directrice du lycée de jeunes filles de Metz, 06.07.1937 : « Nous étions fermement décidés, lors de notre visite, dimanche, et nous étions certains, comme nous le sommes actuellement, que votre lycée représente l'idéal pour l'éducation et l'instruction que nous recherchons pour notre enfant. Malheureusement, l'internat que nous avons visité nous a déçus, et ne convient absolument pas. Et notre fille est encore trop jeune pour la confier à une pension de famille. Si un nouvel internat se formait dans l'année nous vous serions reconnaissants de bien vouloir nous informer ». 7388 AMMe 1Rd580, la directrice de l'internat du lycée de jeunes filles de Metz au maire de Metz, 01.07.1936. D'un commun accord avec Mlle Dominé, directrice du lycée, elle repousse la proposition d'une Madame Mac Farland de donner des cours de piano à l'internat, car, « pour les quelques internes qui prennent des leçons de piano, il n'est pas nécessaire d'engager deux professeurs ». En outre, il y a « certaines garanties au point de vue capacité et manière d'enseigner » que la demanderesse ne peut donner. 7389 AMMe 1Rd583, la directrice de l'internat du lycée de jeunes filles de Metz au maire de Metz, 22.11.1933. 2453 Mattaincourt. La plupart des établissements congréganistes qui nous intéressent reçoivent donc à la fois des internes et des externes. Une fois n'est pas coutume, le territoire pour lequel nous connaissons le mieux le rapport numérique entre internes et externes est l'académie de Nancy, et cela notamment grâce à une enquête menée en Meurthe-et-Moselle pour l'année scolaire 1881/82. Cette dernière nous apprend que : dans les pensionnats de la Doctrine Chrétienne, les internes sont 24 sur 94 élèves à Nancy (Assomption), 38 sur 148 à Toul, 24 sur 119 à Lunéville, 12 sur 80 à Pont-à-Mousson, 9 sur 74 à Blâmont, 6 sur 48 à Baccarat, 13 sur 29 à Thiaucourt ; dans les pensionnats de Sainte-Chrétienne, 62 sur 90 à Longuyon, 16 sur 86 à Longwy, 12 sur 50 à Nancy ; au pensionnat de Ménil à Lunéville, 54 sur 155 ; au pensionnat de la Miséricorde à Toul, 46 sur 87 ; au pensionnat de Briey, 29 sur 76 ; au pensionnat de la Nativité à Pont-à-Mousson, 26 sur 36 ; au pensionnat de Fillières, 21 sur 24 ; au pensionnat de la Sainte-Enfance-de-Marie, 1 sur 16 (l'internat s'y développera plus tard). Dans les Vosges, chez les Soeurs de Portieux, il y a 50 internes sur 268 élèves au pensionnat de Saint-Dié en 1900 et 35 internes sur 55 élèves au pensionnat de Bains-lesBains. Dans la Meuse, les Dames de la Croix à Bar-le-Duc ont 18 internes sur 64 élèves en 1901. Dans le Reichsland, les internats sont parfois très peu fréquentés : celui de l'école supérieure de filles Saint-Charles à Thionville (comptée avec les établissements con ganistes, du fait de ses origines), assez peuplé avant 1871, n'accueille plus que 4 pensionnaires sur 122 élèves en 1887/88. Le contrôle pointilleux exercé par les autorités scolaires allemandes sur les écoles privées supérieures de filles ne s'étend pas à l'internat, en-dehors de la Première Guerre mondiale, pendant laquelle des listes d'internes sont demandées aux établissements. Parmi les établissements privés – non subventionnés – dirigés par des laïques, les purs externats sont, dans l'académie de Nancy : les écoles Duré, Marchand, Béchelé, Valentin (puis Pitoy, puis Mougenot) et Gardeil à Nancy, ainsi que Gassendi et Schmitz dans la même ville, s'il s'agit bien d'enseignement secondaire ; l'école fondée à Épinal par Mlle Lecomte (1871), avant l'adjonction d'un pensionnat en 1913 ; l'école de la Ligue dans cette même ville, avant les années 1890 ; le « pensionnat » Génot à Toul au début des 2454 années 1880 ; et tous les « cours » nancéiens, Maggiolo, Marchal (puis Tourtel), Gédéon, Casse, Dury, Humbert et Devallée. Mais ces derniers finissent – avant la Première Guerre mondiale – par être flanqués d'une pension de famille. Et dans le Reichsland : la plupart des institutions strasbourgeoises (Union des Familles, Münch, Vollmer, Boegner, Anschlin, Schmutz et Saigey, avec un doute pour les deux dernières) ; toutes les institutions mulhousiennes (Guth/Blattner, Boissière/Becker-Laurent, Dollfus et les anciens cours Duruy) ; une série d'institutions survivantes de l'époque française (Hitschler à Colmar, Godel à Thann, Karl à Sainte-Marie-aux-Mines, Fackler à Sélestat) ; des institutions de petites villes dont les fondatrices recherchent des subventions publiques, l'école de l'association scolaire à Saint-Avold, l'école Gysser à Schirmeck, l'école Martin à Wasselonne. Ces petites structures rendent des services appréciés et regrettés, lors des fermetures, qui sont le lot de ces établissements fragiles. Car une partie du public jette catégoriquement le système de l'internat, tel cet habitant – anonyme – de Wasselonne, qui a écrit à l'Express (quotidien bilingue mulhousien) après la fermeture de l'école Martin7392 : Si bonnes que soient nos écoles primaires de filles, elles ne sauraient franchir les bornes relativement restreintes de leur enseignement. Or bien des parents considèrent, ici comme ailleurs, comme complètement indispensable de l'instruction de leurs filles le brevet de capacité. Ils y voient la garantie d'une existence sinon brillante du moins honorable et de jour en jour plus honorée. Cette garantie, les Hoehere Toechterschulen l'offrent aujourd'hui dans un nombre croissant de nos chefslieux de canton. Dispensés d'envoyer leurs enfants dans des pensionnats éloignés et coûteux, les parents intelligents apprécient hautement les établissements en question, et de fait ils ne sauraient trop les apprécier. Là où l'évidence crève les yeux, la discussion devient superflue. Vous confiez un enfant : on vous rend un petit gommeux ou une précieuse passablement ridicule. Triste placement du plus précieux de tous les capitaux! Si nous aimions réellement nos enfants, comme ils sont en droit de l'exiger de nous, nous n'aurions pas attendu jusqu'à ce jour pour comprendre que sous peine de forfaiture, il ne nous est pas permis, à moins de circonstances exceptionnelles, de les arracher à la vie de famille dans les années où ils ont le plus besoin de cette influence douce et salutaire que rien, absolument rien, ne saurait remplacer. Qu'on ne s'y trompe point : ici les intérêts les plus sacrés sont en jeu, les intérêts de l'humanité! Conserver ses enfants chez soi le plus longtemps possible, tout en les associant aux travaux et aux plaisirs de leurs condisciples, envelopper leurs labeurs et leurs joies de l'atmosphère protectrice et bienfaisante de l'amour paternel et maternel, verser goutte à goutte dans leurs coeurs l'inspiration de tous les dévouements sans phrase dont un heureux intérieur possède le secret et prodigue tant d'exemples, les fortifier pour le combat de la vie par le spectacle quotidien d'une activité que rien ne lasse et d'un amour qui peut tout, cela ne vaut-il pas quelques sacrifices pécuniaires, amplement compensés aux jours où nos mains fatiguées chercheront un appui, où nos coeurs refroidis par mille déceptions auront besoin d'un dernier regain d'affection? Les purs pensionnats tenus par des laïques sont, dans l'académie de Nancy, des établissements pour étrangères : le pensionnat protestant de Saint-Dié et les deux pensionnats israélites de Nancy (mais Aron-Weill finit par s'ouvrir aux externes et une externe est attestée chez Braun -Kahn). Dans le Reichsland, il n'y a que l'Auguste-ViktoriaStift à Courcelles-Chaussy (avec, quand même, quelques rares enfants de Courcelles (Pilla, Raab), sans compter l'école maternelle d'application). b) Le temps et le lieu de l'école
(1) La durée de la scolarité
Les élèves des différents établissements étudiés ont en général entre six et seize ans. Certaines sont moins âgées, quand une école maternelle existe en annexe, d'autres plus 2456 âgées, dans les écoles normales annexes et avec le développement des classes de baccalauréat. Les écoles maternelles annexes sont relativement peu nombreuses dans le Reichsland, où existe cependant une tendance à envoyer les enfants à l'école avant l'âge de six ans. Mlle Schmutz, qui vient de fonder une école supérieure de filles à Strasbourg, demande en 1889 aux hautes autorités scolaires « l'autorisation d'accueillir, exceptionnellement, dans la classe inférieure – qui ne compte que 12 élèves – des enfants qui n'ont pas encore six ans »7393. Elle explique : « Dans nombre de familles vieillesalsaciennes règne encore – malheureusement! – l'habitude d'envoyer les enfants à l'école avant l'âge de six ans. Si la soussignée repoussait ces élèves, d'autres écoles les accueilleraient et ils ne reviendraient plus. D'un autre côté, il est matériellement impossible de former une classe maternelle entièrement séparée avec les 4 à 6 élèves actuels ». Les dossiers des écoles supérieures de filles dans les archives de l'Oberschulrat sont parsemés de demandes d'autorisation de parents voulant faire entrer leurs enfants dans une école supérieure de filles dès l'âge de cinq ans. On souhaite notamment ne pas séparer les soeurs7394. Au printemps 1909, le Dr. Nieden, directeur du Bon-Pasteur et de l'École Boegner, regrette un manque de cohérence dans l'accueil des jeunes enfants7395 : Concernant les élèves qui ne sont pas encore âgées de six ans, je me permets les remarques suivantes. La plus jeune parmi elles, qui n'atteindra les six ans que le 22 juin, a été inscrite pendant mon absence, et j'ai fait dire au père qu'il devrait peut-être retirer sa fille. Toutefois, cette fille et les autres qui n'ont pas encore six ans sont physiquement et intellectuellement plus développées que certaines qui ont déjà six ans. Leur retrait est aussi souvent compliqué par le fait que les parents se réfèrent à l'accueil des garçons dans les écoles secondaires avant leurs six ans accomplis. Dans les écoles primaires, il se trouve même des enfants accueillis à Pâques qui atteindront leurs six ans jusqu'au 30 septembre de la même année.
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Contribution à l'étude des propriétés optiques de dépôts plasma de zircone yttriée : influences de leurs caractéristiques microstructurales et physico-chimiques
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La génération d’un plasma par soufflage d’arc s’accompagne également d’instabilités au niveau des caractéristiques du jet à une échelle temporelle de 10-3-10-4 s. PLANCHE et al [1998A] relèvent ainsi que la valeur maximale de vitesse de jet en sortie de tuyère (4 mm) présente des fluctuations régulières, avec une fréquence comprise entre 3 et 20 kHz, qui peuvent être directement reliées aux variations de tension. Ces dernières sont liées au mouvement du pied d’arc sur la paroi anodique dont le déplacement est gouverné par l’équilibre entre les forces de traînée liées à la forte densité du courant de gaz froid (dans la couche limite qui se développe le long de la paroi anodique) et les forces de LORENTZ du plasma [FAUCHAIS, 2004]. Sous l’effet de ces forces, il y a un allongement progressif du pied d’arc qui conduit à une augmentation de la tension. L’amplitude de ce mouvement dépend de l’épaisseur de la couche limite froide qui peut être définie comme la différence entre le rayon électrique re et le rayon interne de la tuyère. Différents modes de déplacement existent, nous ne citerons ici que les deux principaux à savoir : (i) le mode claquage-réamorçage caractérisé par un mouvement de l’arc par des sauts successifs sur la paroi de l’anode et une couche limite relativement épaisse, (ii) le mode oscillant où pour de faibles épaisseurs de couche limite froide, un second accrochage semble se produire alors que le premier subsiste encore. Toutefois, en fonction de l’épaisseur de la couche limite, des modes mixtes peuvent exister. Travaillant à courant constant, les fluctuations de tension (jusqu’à ± 50% de la tension moyenne) s’accompagnent d’une variation de puissance électrique et donc de la longueur et du diamètre du jet en sortie de tuyère [VARDELLE A. et al, 1998]. Les observations optiques et spectrométriques [PFENDER et al, 1998] montrent également que les fluctuations d’accrochage du pied d’arc se traduisent par une alternance de « bouffées » froides et chaudes à l’extérieur de la torche. Ce phénomène de « bouffées » n’est pas sans conséquence sur le traitement des particules : un calcul simple montre que pour une fréquence de fluctuation du pied d’arc de 5
12 Chapitre I : Elaboration de dépôts céramiques par projection par plasma d’arc
kHz
et un temps de séjour des particules dans le jet de 0,8 ms, les particules « voient » environ quatre « bouffées » successives de gaz chaud [FAUCHAIS, 2004]. Dans les torches de projection plasma conventionnelles, si les fluctuations du pied d’arc perturbent le traitement thermocinétique des particules, elles s’avèrent cependant primordiales pour éviter une détérioration prématurée de l’anode par évaporation. Avec un flux thermique de 1010 W/m2 et malgré un refroidissement par circulation d’eau à haute pression (1,5 MPa), un pied d’arc restant fixe pendant une durée supérieure à 150 μs conduit à une détérioration de l’anode [FAUCHAIS, 2004]. Le déplacement de l’arc limite ainsi l’usure de l’électrode. Toutefois, au bout de plusieurs dizaines d’heures de fonctionnement, la surface de l’anode commence à être érodée (Ra > 0,4 μm) ce qui s’accompagne d’une diminution des mouvements du pied d’arc avec des points d’ chage préférentiels où l’usure de l’anode devient critique. I.2.2. Ecoulement et extinction du jet de plasma
L’écoulement rapide d’un jet de plasma chaud dans un environnement gazeux froid et immobile s’accompagne d’un phénomène de cisaillement qui conduit à la création d’anneaux de vortex en périphérie du jet alors que son cœur reste laminaire. En coalesçant, ces anneaux donnent naissance à des vortex instables qui se désagrègent pour former des zones tourbillonnaires de grande amplitude [LUGSCHEIDER et al, 1996] [PFENDER et al, 1998]. De l’air frais est alors incorporé sous forme de poches gazeuses dans le jet de plasma (phénomène d’engouffrement) dont l’écoulement devient de plus en plus turbulent. Les poches gazeuses froides ne se mélangent pas immédiatement dans le jet de plasma, le gaz entraîné pouvant être jusqu’à 40 fois plus dense que le plasma. Ce n’est qu’à la suite d’un échauffement progressif des poches de gaz que le mélange se produit. Ce mélange s’accompagne d’une dissociation des espèces gazeuses de l’air lorsqu’elles atteignent leur température de dissociation : 3500 K pour l’oxygène et 7000 K pour l’azote. Le phénomène d’engouffrement d’air dans le jet de plasma entraîne un refroidissement et un ralentissement progressif du jet de plasma comme le montrent les travaux de TRICOIRE et al [2003] (Figure I-3). Immédiatement en sortie de tuyère, le jet conserve un comportement laminaire à cœur avec des valeurs de température et de vitesse stables et élevées. Pour une distance axiale supérieure à 20 mm, la vitesse et la température du plasma diminuent rapidement et la fraction massique d’air augmente dans le plasma. 13 Chapitre I : Elaboration de dépôts céramiques par projection par plasma d’arc
Ces profils axiaux dépendent également des caractéristiques du mélange plasmagène (débit, nature), de l’intensité de courant d’arc et du diamètre interne de tuyère. Une augmentation de la vitesse d’écoulement du jet (en diminuant le diamètre de tuyère et/ou en augmentant l’intensité de courant par exemple) favorise l’engouffrement d’air. Ce phénomène dépend aussi de la viscosité du mélange plasmagène : l’ajout d’hydrogène diminue la viscosité du mélange ce qui favorise l’entraînement d’air (Figure I-3c). L’ajout d’hélium a un effet inverse surtout au-delà de 10000 K (§I.2.3.1) : la viscosité élevée de ce gaz augmente le caractère laminaire de l’écoulement à coeur [JANISSON, 1999]. Le phénomène d’engouffrement d’air dans le plasma influe donc sur le traitement thermocinétique des particules dans le jet et modifie également, comme nous le verrons (§I.3.3), les caractéristiques physico-chimiques des particules avant impact.
Figure I-3 : Profils axiaux de température (a) et de vitesse (b) du jet de plasma et évolution de la fraction d’air entraîné (c). Condition de tir : Ar-H2 (% vol. H2 = 10-25%), 600 A, tuyère de 6 mm [TRICOIRE et al, 2003]. I.2.3. Influence des paramètres de projection sur les caractéristiques du jet de plasma
De nombreuses études, [VARDELLE M. et al, 1993][PLANCHE et al, 1998A][JANISSON, 1999] par exemple, ont été réalisées pour déterminer l’influence des paramètres de projection sur les caractéristiques du jet de plasma. Il s’agit là d’une étape-clé dans la compréhension du traitement des particules qui est gouverné par les transferts de chaleur, de masse et de quantité de mouvement entre le plasma et les particules. Pour autant, cette étape s’avère complexe du
14 Chapitre I : Elaboration de dépôts céramiques par projection par plasma d
’arc fait de l’imbrication de différents paramètres qui de surcroît peuvent avoir des effets contraires. Ainsi, les paramètres qui permettent d’augmenter la puissance électrique comme par exemple l’intensité de courant ou le pourcentage en hydrogène, conduisent à une augmentation de la vitesse et de la longueur du plasma. C’est également le cas pour les paramètres dont la variation permet une meilleure constriction de la colonne plasma soit en diminuant le diamètre de tuyère, soit en augmentant les teneurs en hélium et surtout en hydrogène. Mais parallèlement à cela, l’augmentation de la vitesse du jet favorise les phénomènes d’engouffrement d’air qui s’accompagnent, comme nous l’avons vu (§I.2.2), d’un refroidissement du jet avec une diminution de sa longueur et de son diamètre. De plus, le traitement thermique des particules ne dépend pas seulement de l’enthalpie du plasma mais également de sa conductivité thermique et du temps de séjour des particules dans le jet. Dans les paragraphes suivants, nous allons donc détailler les influences du débit massique et de la nature du mélange plasmagène, de l’intensité de courant d’arc et du diamètre de tuyère les caractéristiques du jet de plasma. I.2.3.1. Propriétés thermodynamiques et de transport des mélanges plasmagènes
Les propriétés thermodynamiques (enthalpie massique, chaleur spécifique) et de transport (viscosité, conductivité thermique) d’un mélange de gaz plasmagènes dépendent de la composition et de la nature du mélange plasmagène utilisé. Pris séparément, les gaz plasmagènes les plus utilisés (Ar, H2 et He) présentent en fonction de la température de brusques variations de leurs propriétés liées aux réactions de dissociation et d’ionisation (Figure I-4). En combinant leurs propriétés respectives, on peut obtenir un mélange plasmagène avec les propriétés désirées.
Figure I-4 : Propriétés des principaux gaz plasmagènes utilisés en projection plasma. 15 Chapitre I : Elaboration de dépôts céramiques par projection par plasma d’arc
L’hydrogène présente une première augmentation d’enthalpie molaire dès 3500 K (température de dissociation) puis une seconde à sa température de première ionisation vers 14500 K [BOULOS et al, 1994]. Conjugué à sa faible masse molaire, ce gaz permet d’augmenter l’enthalpie massique du plasma (accroissement de la tension d’arc à courant constant avec une très faible variation massique de l’écoulement), sa chaleur spécifique et sa conductivité thermique. Pour l’hélium, le phénomène d’ionisation ne commence qu’à partir de 13000 K [BOULOS et al, 1994] avec un maximum vers 23000 K et l’augmentation de tension étant nettement moindre qu’avec l’hydrogène, l’enthalpie massique du jet est plus faible que celle obtenue avec un ajout d’hydrogène. Enfin, l’argon seul conduit à une enthalpie massique du jet beaucoup plus faible à cause de sa masse molaire plus élevée et d’une plus faible tension d’arc (< 30 V). La viscosité du mélange plasmagène dépend des interactions entre les espèces composant le plasma. Ainsi, la viscosité augmente de manière continue avec la température tant que la fraction molaire électronique xe ne dépasse pas 3% [FAUCHAIS et al, 2000]. Au-delà, les interactions à longue distance entre les espèces chargées deviennent importantes et la viscosité du plasma diminue. Ce phénomène se produit à partir d’une température de 10000 K pour un mélange plasmagène Ar-H2 (Figure I-4). L’ionisation de l’hélium ne se produisant qu’au delà de 13000 K, la présence d’atomes d’hélium non ionisés diminue les interactions entre les espèces chargées Ar+, H+ les électrons. L’ajout d’hélium permet donc d’augmenter la viscosité du mélange à haute température (T > 10000 K). A partir des propriétés de chaque gaz plasmagène, nous pouvons conclure sur leur rôle respectif dans le mélange plasmagène : - l’argon avec une masse molaire élevée apporte la quantité du mouvement au jet de plasma ce qui favorise sa stabilité et l’accélération des particules, - l’ajout d’hydrogène accroît l’enthalpie spécifique du mélange et sa conductivité thermique mais provoque une diminution de sa viscosité. L’hydrogène permet donc d’améliorer le transfert thermique plasma-particule [BISSON et al, 2005] [BOULOS et al, 1994] [VARDELLE M. 16 Chapitre I : Elaboration de dépôts céramiques par projection par plasma d’arc I.2.3.2. Choix du mélange plasmagène
Les propriétés thermodynamiques et de transport du jet de plasma peuvent donc être ajustées en jouant sur la composition du mélange plasmagène. Le choix du mélange plasmagène est réalisé en fonction des propriétés thermophysiques du matériau projeté (conductivité thermique, température de fusion, chaleur spécifique, chaleur latente, masse volumique), de la taille des particules et de l’état thermocinétique des particules souhaité à l’impact de manière à obtenir la formation d’un dépôt conforme au cahier des charges, tout en veillant à assurer une stabilité en fonctionnement de la torche. La notion de Degré de Difficulté de Fusion (DDF) est couramment utilisée pour comparer la quantité de chaleur nécessaire à la fusion de la particule à son temps de séjour fonction de la masse volumique de la poudre. Ce rapport est défini par : (I-1) [ ] DDF J.m 3 2.kg −1 2 = mc p (T f − To ) + mL f ρ1 2 avec m la masse de matériau considéré (kg), cp la chaleur spécifique à T = Tf (J.kg-1.K-1), Tf la température de fusion (K), To la température ambiante (300 K pour notre calcul), Lf la chaleur latente de fusion (J.kg-1) et ρ la masse volumique du matériau (kg.m-3). A titre de comparaison, nous avons regroupé dans le Tableau I-1 les degrés de difficulté de fusion de matériaux céramiques couramment projetés.
Tableau I-1 : Degré de difficulté de fusion de quelques matériaux céramiques pour 1 kg de matière. Matériau Tf (K) ρ (kg.m-3) cp (J.kg-1.K-1) Lf (x103 J.kg-1) DDF (J.m3/2.kg-1/2) ZrO2-Y2O3 3023 6048 669 769 33312 Al2O3 2327 3900 1388 1090 57528 B4C 2723 2520 968 1867 83914 (8% massique)
La zircone yttriée présente un degré de difficulté de fusion faible par rapport à l’alumine et au carbure de bore. Sa masse volumique élevée lui confère un temps de séjour plus long dans le plasma, à même de lui assurer un traitement thermique plus efficace. Il est toutefois nécessaire de travailler avec un mélange plasmagène présentant de bonnes propriétés thermiques (conductivité thermique et enthalpie spécifique). Deux types de mélange sont généralement utilisés : des mélanges binaires Ar/H2 et des mélanges ternaires Ar/He/H2.
17 Chapitre I : Elaboration de dépôts céramiques par projection par plasma d’arc a) Mélange binaire : Ar-H 2
La conductivité thermique d’un mélange plasmagène Ar-H2 est principalement contrôlée par le pourcentage volumique en hydrogène. L’ajout de ce gaz conduit à un fort refroidissement de la colonne d’arc, à une augmentation de sa longueur et donc de la valeur de tension d’arc. La puissance électrique est par conséquent plus élevée ce qui s’accompagne d’une plus forte expansion du jet et d’une vitesse d’écoulement plus importante. Le transfert thermique aux particules est amélioré mais la vitesse d’écoulement élevée favorise l’engouffrement d’air et les propriétés thermocinétiques du jet diminuent alors rapidement. Le mélange le plus couramment utilisé est un mélange Ar-25% vol.H2. Ce mélange assure un bon compromis entre les transferts de quantité de mouvement et de chaleur plasma-particule pour trait des matériaux réfractaires. Les travaux réalisés par PLANCHE et al [1998A], sur des mélanges plasmagènes Ar-25% vol.H2, révèlent par ailleurs la faible dépendance de la vitesse du jet avec le débit massique de gaz plasmagène. Pour une tuyère de 8 mm de diamètre, la vitesse maximale reste quasi constante (1200±100 m/s) bien que le débit massique total soit doublé (0,7 à 1,5 g/s). Ce phénomène peut s’expliquer par une diminution de l’enthalpie massique à débit massique croissant. Ces observations ont amené PLANCHE et al à proposer pour un mélange plasmagène Ar-25% vol.H2 et une torche donnée, la relation empirique suivante : (I-2) ( v max = 0,0259.m g0, 21.I 0, 44. d tuyère )−1,96 avec vmax la vitesse maximale axiale du jet (m/s), mg le débit massique du mélange plasmagène (kg/s), I l’intensité du courant d’arc (A) et dtuyère le diamètre interne de tuyère (m). Nous reviendrons sur la relation (I-2) pour discuter des influences de l’intensité (§I.2.3.3) et du diamètre de tuyère (§I.2.3.4).
b) Mélange ternaire : Ar-He-H 2
Les mélanges ternaires Ar-He-H2 sont utilisés pour assurer un bon traitement thermique des poudres de zircone yttriée tout en limitant le pourcentage volumique en hydrogène plus faible. Pour un mélange ternaire, la présence d’hélium contribue à augmenter la viscosité du mélange plasmagène au-delà de 11000 K [JANISSON, 1999] et donc à retarder le refroidissement du jet par entraînement de l’air environnant en sortie de tuyère. Ainsi, à cœur, le jet de plasma reste laminaire plus longtemps que dans le cas d’un mélange Ar-H2, d’où un allongement du jet et
18 Chapitre I : Elaboration de dépôts céramiques par projection par plasma d’arc
une augmentation de sa vitesse axiale [
FAUCHAIS
et al
,
2001]. PLANCHE et al [1994] relèvent, pour une intensité de 650 A et une tuyère de 6 mm de diamètre, une vitesse axiale maximale de jet de 2180 m/s pour un mélange ternaire Ar-He-H2 (18-30-12 Nl/min) contre 1810 m/s pour un mélange Ar-H2 (45-15 Nl/min). Soulignons que ces mesures de vitesse sont réalisées pratiquement en sortie de tuyère, dans une zone où l’entraînement de l’air n’a pas encore un effet notable. Par ailleurs, la viscosité élevée du mélange ternaire améliorant le transfert de quantité de mouvement du plasma aux particules, ces dernières seront mieux accélérées. Comme pour les mélanges Ar-H2, la conductivité thermique des mélanges ternaires est principalement contrôlée par le pourcentage en hydrogène. Le pourcentage d’hélium contribue cependant à un léger accroissement de cette conductivité thermique mais dans une proportion bien moindre que l’hydrogène [JANISSON, 1999]. Une augmentation du débit massique de gaz avec le pourcentage d’argon s’accompagne d’une accélération accrue des particules et d’une diminution de leur temps de séjour dans le plasma, donc de leur température à l’impact [RENOUART-VALLET, 2004]. Cette variation devient significative lorsque le pourcentage en hydrogène est inférieur à 20 %. Dans ce cas précis, à l’intérieur de la tuyère, la colonne plasma est moins constrictée. L’augmentation de la conductivité thermique du mélange avec le pourcentage en hydrogène tend alors à refroidir la colonne plasma, à assurer par ce biais sa bonne constriction et permet donc d’obtenir un jet plus rapide [JANISSON, 1999]. Des problèmes de stabilité de fonctionnement de la torche à plasma sont à l’inverse reportés par JANISSON [1999] lorsque le débit massique du mélange plasmagène devient faible (inférieur à 4,36.10-4 kg/s) soit pour un pourcentage volumique en hélium supérieur à 40 ou 50% et un pourcentage volumique en hydrogène trop faible (10%vol.).
I.2.3.3. Intensité du courant d’arc
Un accroissement de l’intensité du courant d’arc s’accompagne d’une hausse de la puissance électrique de la torche et de l’enthalpie du mélange gazeux. Ceci conduit à la fois à une augmentation de la vitesse proportionnelle à I [PLANCHE et al, 1998A] (Figure I-5a) et à une très faible variation de la température du jet de plasma en sortie de tuyère. Ceci s’explique par la variation de la température avec l’enthalpie du jet : dans la zone 10000-14000 K, une élévation significative de la température (typiquement de 1500-2000 K) n’est observée que si l’enthalpie du jet est au minimum doublée.
19 Chapitre I : Elaboration de dépôts céramiques par projection par plasma
’arc Figure I-5 : Influence de l’intensité (a) (b) et du diamètre interne de tuyère (a) sur la vitesse maximale à 4 mm en sortie de tuyère. (a) Mélange binaire Ar/H2 (45/15 Nl/min) [PLANCHE et al, 1998A], (b) Mélange ternaire Ar/He/H2 (débit total = 27 Nl/min), φtuyère = 6 mm [JANISSON, 1999]. La vitesse augmente rapidement jusqu’à 500 A puis plus lentement par la suite pour atteindre une valeur maximale au-delà de 600 A. Ce phénomène est lié à l’élargissement de la colonne d’arc avec l’intensité qui, au-delà d’une certaine valeur, est limité par le diamètre de tuyère. Le rendement thermique de la torche diminue alors légèrement et donc l’enthalpie. Pour des diamètres de tuyère élevés (8-10 mm), la constriction thermique du jet est moins importante et la hausse d’intensité de courant d’arc favorise plus l’élargissement du profil de vitesse que l’augmentation de son maximum. Pour les mélanges ternaires, des variations similaires sont observées (Figure I-5b). L’accroissement de la vitesse du jet est plus marquée pour des jets peu constrictés (pourcentage en hydrogène inférieur à 20%) dont le rayon électrique est proche du rayon de tuyère. L’augmentation de l’intensité de courant d’arc s’accompagne également d’un allongement du jet de plasma. Cet allongement du jet est moindre pour des plasmas Ar-H2 : les fortes vitesses en sortie du jet conjuguées à une viscosité faible favorisent l’engouffrement d’air qui provoque un refroidissement du jet. Pour des particules d’alumine fondues broyées [22-45 μm] projetées avec un mélange Ar-H2 (45-15 Nl/min) et une tuyère de 6 mm de diamètre, une augmentation de la puissance électrique (via l’intensité de courant) de 21 à 29 kW s’accompagne d’une hausse de la vitesse des particules de 40%, d’un allongement du jet de plasma de 8% et d’une élévation de 5% de la température de surface des particules [VARDELLE M. et al, 1993]. Retenons, ainsi, qu’il est possible de faire varier, avec l’intensité de courant, la vitesse des particules dans le jet sans modifier de manière significative leur température.
20
Chapitre I : Elaboration de dépôts céramiques par projection par plasma d’arc I.2.3.4. Diamètre de tuyère
Une augmentation du diamètre de tuyère se traduit par une diminution de la vitesse du jet de plasma (Figure I-5a) et du phénomène de pompage de l’air ambiant. Pour un mélange Ar-H2 35-12 Nl/min, à 600 A, le jet présente une vitesse maximale de 1600 m/s pour un diamètre de tuyère de 6 mm contre 900 m/s pour un diamètre de 8 mm [TRICOIRE et al, 2003]. Le rapport des vitesses est pratiquement inversement proportionnel au carré du rapport des diamètres de tuyère (relation (I-2)) : le passage d’un diamètre de 6 mm à 8 mm permet de diviser la vitesse du jet d’un rapport d’environ 1,8. Ce changement de section de tuyère s’accompagne également d’une diminution de la constriction de la colonne d’arc qui conduit à un accroissement du diamètre du jet et des gradients radiaux de température en sortie de tuyère. I.3. Interactions plasma-particules
Le jet de plasma présentant des gradients de température et de vitesse importants (§I.2.2), il est nécessaire de contrôler la trajectoire des particules dans le jet afin que ces dernières soient suffisamment accélérées et fondues pour s’étaler sur le substrat et conduire à la formation du dépôt plasma souhaité. La trajectoire des particules dans le jet dépend des caractéristiques du jet de plasma (enthalpie spécifique, quantité de mouvement), des caractéristiques de la poudre initiale (masse volumique, distribution en taille) et de ses conditions d’injection (type et position de l’injecteur, débit de gaz porteur). L’ensemble de ces paramètres influe sur les transferts de quantité de mouvement et de chaleur entre les particules et le jet de plasma, et également sur les propriétés thermochimiques des particules. Le diagnostic des particules dans le jet s’avère une étape indispensable dans la maîtrise du procédé de projection plasma : il permet de contrôler la température et la vitesse à l’impact en ajustant si besoin les paramètres de projection pour obtenir un dépôt aux propriétés désirées. I.3.1. Injection de la poudre
Les poudres céramiques avec leur faible conductivité thermique (κ < 10 W/m.K pour la majorité) et leur point de fusion élevé (> 2300 K) sont injectées dans les zones chaudes et rapides du jet de plasma pour subir un traitement thermocinétique optimal soit en sortie de la torche (injection externe) soit à l’intérieur de la tuyère (injection interne). Pour pénétrer et être entraînées dans le jet de plasma, les particules doivent être animées d’une quantité de
21 Chapitre I : Elaboration de dépôts céramiques
par projection
par
plasma d’arc mouvement suffisamment élevée pour atteindre le coeur du jet de plasma. Pour ce faire, les particules sont accélérées à l’aide d’un gaz porteur lourd (Ar, N2) puis injectées à travers un injecteur métallique. Le débit de gaz porteur est ajusté de manière à égaliser la quantité de mouvement transférée aux particules à celle du jet de plasma au point d’injection [FAUCHAIS, 2004]. Ainsi lorsque la vitesse du jet augmente, il faut augmenter le débit de gaz porteur en conséquence. Le gaz porteur étant froid, il perturbe le jet de plasma lorsque son débit massique devient supérieur à 10% du débit massique total du jet de plasma [VARDELLE A. et al, 1998]. Cette perturbation est vraiment significative en injection interne pour des mélanges plasmagènes à faible débit massique [VARDELLE M. et al, 2001] où une diminution du rendement de projection est observée [LADRU et al, 2006]. Pour une position d’injection donnée, la viscosité du mélange plasmagène ne semble pas jouer un rôle significatif sur la pénétration des particules dans le jet comme l’ont vérifié VARDELLE M. et al [1993] pour un mélange binaire Ar-H2 et JANISSON [1999] pour un mélange naire Ar-He-H2. Les particules présentent, dans le jet, des trajectoires assez dispersées, ceci est lié à la fois à la distribution granulométrique des poudres et au diamètre de l’injecteur. Les travaux de VARDELLE M. et al [2001] montrent que des particules de tailles différentes ont des vitesses sensiblement identiques en sortie d’injecteur mais des quantités de mouvement distinctes du fait de leurs masses respectives. Ainsi, des particules trop fines ou trop grosses risquent respectivement de ne pas pénétrer dans le jet de plasma ou de le traverser en étant éventuellement entraînées dans les zones périphériques. PLANCHE et al [2003] ont calculé la dispersion des trajectoires de particules d’alumine suivant leur distribution granulométrique pour un même débit de gaz porteur (Figure I-6a) et les effets de l’ajustement du débit massique de gaz porteur sur les particules de taille médiane 60 μm (Figure I-6b).
Figure I-6 : Ajustement du débit de gaz porteur m°g pour l’injection de particules d’alumine [20-100 μm] (a) Dispersion de trajectoire à m°g constant (b) Influence de m°g sur la trajectoire moyenne (taille : 60 μm) {Ar-H2 : 40-14 Nl/min, I = 575 A, φTuyère = 6 mm} [Planche et al, 2003]. 22 Chapitre I : Elaboration de dépôts céramiques par projection par plasma d’arc
Pour avoir un traitement thermocinétique homogène des particules, la dispersion granulométrique doit être la moins large possible : une distribution avec un rapport de 2 entre les diamètres minimal et maximal est ainsi préconisée [FAUCHAIS, 2004] (ceci correspond déjà à un rapport de masse de 8). De même, le diamètre interne de l’injecteur doit être faible (typiquement 1,5-1,8 mm) afin d’avoir une distribution spatiale la plus resserrée possible en sortie d’injecteur. Cependant, le caractère turbulent de l’écoulement à l’intérieur de l’injecteur (3000 < Re < 8000) induit de nombreuses collisions avec les parois internes, notamment pour des particules de taille inférieure à 20 μm, avec pour conséquence une divergence de jet (angle au sommet de 30°) en sortie d’injecteur pour cette gamme granulométrique [VARDELLE M. et al, 2001]. Suivant l’angle de dispersion et la distance radiale, ces particules peuvent alors contourner le jet de plasma pour être entraînées dans les zones périphériques. Elles conduisent à la création de défauts (particules infondues) dans le dépôt car arrivant dans un état soit plastique soit solide sur le substrat (cf. §I.4.2.1). En pratique, le débit massique de gaz porteur est ajusté pour obtenir une trajectoire moyenne de particules déviée de 3 à 4° par rapport à l’axe de la torche, cette trajectoire assurant aux particules un traitement thermocinétique optimal d’après VARDELLE M. et al [1993]. Notons, par ailleurs, que la position de l’injection doit être précise à 0,1 mm près [FAUCHAIS et al, 2001]. En injection externe, l’injecteur doit être positionné axialement dans la zone chaude et laminaire du jet de plasma, soit immédiatement en sortie de la torche. Les travaux réalisés par JANISSON [1999] pour une condition de tir {Ar-He-H2 : 37-55,6-7,4%vol ; I = 320 A ; tuyère de 6 mm} montrent ainsi que la vitesse du jet de plasma diminue significativement à partir de 9,5 mm en sortie de tuyère. Des résultats similaires ont été obtenus pour un mélange binaire Ar-H2 {75-25%vol. ; I = 400 A ; tuyère de 10 mm} [PLANCHE et al, 1998A]. Pour optimiser la distance radiale d’injection, il convient de se souvenir qu’une distance élevée conduit à un « cône d’injection » plus large, les particules les moins énergétiques ne pénètrent pas alors dans le jet mais le contournent. A l’inverse, une distance trop faible s’accompagne d’un échauffement de l’injecteur, des particules peuvent alors s’agglomérer en son extrémité puis se détacher sous l’effet du courant de gaz porteur et induire des défauts microstructuraux dans le dépôt. La valeur du débit de poudre doit être ajustée en fonction du degré de difficulté de fusion des particules (§I.2.3.2) et de la chaleur spécifique du mélange plasmagène. Pour un débit de poudre trop élevé, des effets de charge apparaissent et se traduisent par un refroidissement du jet de plasma. VATTULAINEN et al [1998] relèvent ainsi une diminution de 15% du rendement
23 Chapitre I : Elaboration de dépôts céramiques par projection par plasma d’arc de projection en augmentant le débit de poudre de 1 kg/h (de 1,2 à 2,2 kg/h) dans le cas de la projection de particules d’alumine [22-45 μm] pour une condition de tir {Ar-H2 : 41-14 Nl/min ; I = 610 A ; φ = 6 mm ; dtir = 110 mm}.
Rappel
ons enfin que
les fluctuations de tension
(
§I.2.1) affectent la trajectoire moyenne des particules et donc leur traitement thermocinétique. En effet, le jet de plasma présente une quantité de mouvement différente suivant le mouvement du pied d’arc alors que la vitesse d’injection des particules contrôlée par le débit de gaz porteur reste constante. Des images du phénomène (enregistrées par illuminations successives du plasma et des particules à l’aide d’un laser azote) ont été reportées par FAUCHAIS [2004] pour des particules de molybdène.
I.3.2. Traitement thermocinétique des particules dans le jet de plasma
Les transferts de chaleur, de quantité de mouvement et de masse le long de la trajectoire des particules dans le jet sont gouvernés par les propriétés des gaz plasmagènes dans la couche limite entourant chaque particule [FAUCHAIS et al, 1997]. Différents points sont à prendre en compte : i) Des gradients thermiques conséquents existent dans la couche limite entre la paroi de la particule et l’atmosphère gazeuse. ii) Le phénomène de raréfaction (effet KNUDSEN) devient pénalisant pour les transferts plasma-particules lorsque le rapport du libre parcours moyen (lpm) des espèces composant le plasma à la taille des particules dp (nombre de KNUDSEN : K n = l pm d p ) devient supérieur à 10-2. Le milieu ne peut plus alors être considéré comme continu. A la pression atmosphérique et à 10000 K, lpm est de l’ordre du micron et le phénomène de raréfaction ne peut plus être négligé pour des particules de taille inférieure à 10 μm [FAUCHAIS, 2004]. iii) Soumises à un fort flux thermique (W > 108 W/m2), des particules peuvent partiellement s’évaporer ce qui conduit à la formation d’un nuage de vapeur qui joue un rôle d’écran thermique [PAWLOWSKI, 1995].
24
Chapitre I : Elaboration de dépôts céramiques par projection par plasma d’arc
iv
)
Le chauffage par conduction-convection dans la couche limite joue un rôle prépondérant dans le transfert thermique auquel s’ajoute l’émission radiative du nuage de vapeur pour des particules métalliques. v) La conduction thermique à l’intérieur de la particule doit être prise en compte lorsque la conductivité thermique du plasma est supérieure à celle des particules. Ce phénomène peut être caractérisé par le nombre de BIOT (Bi) : Bi = κ κ p où κ est la valeur moyenne intégrée de la conductivité thermique du plasma et κ p la conductivité thermique de la particule. Pour Bi > 0,03, l’étape limitante dans le transfert thermique est la conduction au sein de la particule : la surface du matériau peut dépasser la température d’évaporation alors que le cœur reste solide. C’est notamment le cas pour des matériaux céramiques réfractaires dans des mélanges plasmagènes Ar-H2 (%vol. H2 > 10%). DOMBROVSKY [2000] a développé une méthode numérique baptisée « Approximation Différentielle Modifiée » (MDPo pour l’acronyme anglais) qui permet de calculer les effets radiatifs et conductifs au sein d’une particule non isotherme. En utilisant les données thermodynamiques de PFENDER et al [1998] pour un plasma Ar-He (47-22 Nl/min), DOMBROVSKY [2002] a appliqué la méthode MDPo pour évaluer l’effet du transfert radiatif sur l’évolution de la température des particules de zircone yttriée (φ = 60 μm). Les résultats sont reportés sur la Figure I-7 et montrent que les particules ne sont isothermes qu’au-delà d’une distance axiale de 80 mm.
Figure I-7 : Evolution du gradient thermique au sein de particules de zircone yttriée de 60 μm de diamètre en fonction de la distance axiale. (1) sans transfert radiatif, (2,3) avec transfert radiatif et coefficient d’absorption k (2) 104 et (3) 105 m-1. (a) température de surface (b) température moyenne (c) température à cœur [DOMBROVSKY, 2002].
Nous examinerons, dans le paragraphe I.3.4.2, les conséquences du transfert radiatif au sein des particules non isothermes sur les erreurs de diagnostic en température. 25 Chapitre I : Elaboration de dépôts céramiques par projection par plasma d’arc vi)
Les caractéristiques des poudres (masse volumique, granulométrie, conductivité thermique, surface spécifique) qui varient avec leur mode d’élaboration ont également une influence non négligeable. Comparons par exemple les poudres fondues broyées de forme angulaire à structure dense aux poudres agglomérées frittées de forme globulaire, constituées d’agglomérats de particules élémentaires consolidées par frittage. Les écarts de masse volumique entre ces deux types de poudre se traduisent par des différences de trajectoire dans le jet. LADRU et al [2006] montrent ainsi qu’il faut augmenter le débit de gaz porteur de 0,4 à 0,6 l/min pour une poudre agglomérée de zircone yttriée afin d’obtenir le même rendement de projection qu’avec une poudre dense. HUREVICH et al [2002] précisent que la trajectoire des particules varie avec le taux de porosité interne : après avoir ajusté le débit de gaz porteur pour des particules avec une porosité interne de 20%, des particules plus poreuses (P = 40%) ne pénètrent pas dans le jet alors que des particules plus denses le traversent. HUREVICH et al [2002] ont aussi évalué l’effet de la porosité interne sur la conductivité thermique d’agglomérats de 30 μm formés avec des particules d’alumine de 1 μm. La conductivité thermique moyenne de la phase solide diminue avec la porosité de 14 W/m.K (pour P = 0%) à 0,11 W/m.K (pour P = 40%). Dans un jet de plasma {Ar-H2 : 75-15 Nl/min ; Pe = 29 kW}, cette différence se traduit par un fort écart de température entre la surface et le cœur des particules. Cet écart est supérieur à 2000 K pour des particules poreuses (P = 20-40%) de 30 μm de diamètre dans les zones chaudes du jet (distance axiale inférieure à 20 mm) contre seulement 250 K pour des particules denses de taille identique. Les particules agglomérées frittées peuvent ainsi conserver leur structure d’origine à cœur tout en présentant une périphérie fondue [KOLLENBERG et al, 1993] [AHMED et al, 2000] ce qui conduit à l’élaboration de dépôts plus poreux. WANG et al [2003] obtiennent ainsi des dépôts de zircone yttriée à 7,6% de porosité avec une poudre fondue broyée contre 15,0% avec une poudre agglomérée frittée. Des travaux de modélisation [VARDELLE A., 1987] [NYLEN et al, 2001] [PLANCHE et al, 2003] montrent que la température des particules à l’impact est déterminée par trois facteurs : l’enthalpie du jet de plasma, le transfert de chaleur plasma-particules qui dépend pour l’essentiel de la conductivité thermique du mélange et le temps de séjour des particules dans le jet. Ce temps de séjour est fonction de la masse volumique, de la granulométrie et de la trajectoire des particules ainsi que de la vitesse d’écoulement du jet et de sa longueur. La distance de tir influe également sur l’état thermocinétique des particules à l’impact sur le substrat. Une distance courte (80 mm) permet d’éviter le refroidissement des particules en
26 Chapitre I : Elaboration de
dép
ôts céramiques par project
ion
par plasma
d’arc dehors du jet de plasma et leur resolidification éventuelle mais s’accompagne d’une élévation de la température du substrat et des gradients thermiques internes durant l’élaboration de dépôts à faible conductivité thermique (à cette distance, des flux thermiques de l’ordre de 2 MW/m2 peuvent être mesurés avec les mélanges Ar-H2 [BOLOT et al, 2003]). Le choix de la distance de tir doit répondre à deux impératifs : obtenir des dépôts plasma avec un rendement de projection optimal et assurer un bon contrôle de la température de surface du dépôt. Alors que les particules sont accélérées et chauffées dans le cœur du jet de plasma, leurs vitesse et température diminuent progressivement avec l’extinction du jet. PFENDER et al [1998] ont montré que la vitesse des particules est maximale à une distance axiale comprise entre 60 et 110 mn suivant leur granulométrie. Au-delà, le pourcentage massique de particules froides de zircone yttriée (T < 1600 K) augmente: il est de 10% à une distance axiale de 80 mm, passe à 18% à 100 mm puis s’élève à 30% à 120 mm pour des particules de zircone traitées dans un plasma Ar-He (47-22,2 Nl/min) [FINCKE et al, 1992]. Ce refroidissement des particules entraîne une diminution du rendement de projection avec également une augmentation de la porosité du dépôt. I.3.3. Traitement thermochimique des particules dans le jet de plasma
Le traitement des particules dans le jet de plasma peut s’accompagner d’une modification de leurs caractéristiques physico-chimiques. Les particules peuvent être en effet réduites, oxydées, nitrurées suivant la zone du jet de plasma traversée et l’atmosphère environnante. Ainsi, en sortie de tuyère, dans la zone laminaire du jet (zone I, Figure I-1), le plasma présente des caractéristiques réductrices (espèces H+ à forte réactivité principalement) et des températures de jet élevées. Lorsque le jet devient turbulent (zone II, Figure I-1), le phénomène d’engouffrement d’air apporte dans le jet de l’oxygène de l’atmosphère environnante qui présente une forte réactivité après dissociation (T>3500 K) d’où des phénomènes d’oxydation des particules métalliques [VOLENIK et al, 1999] [SYED et al, 2002] [ESPIE et al, 2005]. Pour des particules d’oxydes métalliques (ZrO2-Y2O3, TiO2...), seuls quelques travaux rendent compte de modifications physico-chimiques des particules dans le jet de plasma. OHMORI et al [1991] ont proposé un mécanisme réactionnel comprenant deux étapes pour expliquer les variations de stoechiométrie en oxygène des particules de TiO2 après projection :
27 Chapitre I : Elaboration de dépôts céramiques par projection par plasma d’arc
dans la
zone I
du
jet de plasma
(
Figure I
-1), une
réaction
de
ré
duction
se produit
avec d
épart
d’atomes d’oxygène et
formation
de Ti3+ ;
dans
la
zone
II (
Figure I-1)
, les
particules
sont en partie réoxydées par l’oxygène. Notons que cette étape de réoxydation ne se produit qu’en présence d’oxygène dans l’atmosphère de projection. Dans une atmosphère riche en argon, la perte en oxygène n’est pas compensée par la phase de réoxydation des particules. BRANLAND [2002] relève que l’augmentation de la température des particules de TiO2 se traduit par une diminution du rapport [O]/[Ti] qui se caractérise par un noircissement progressif des dépôts (diminution de leur clarté). Le degré de réduction de TiO2 augmente avec le pourcentage en hydrogène dans le mélange plasmagène. Pour la zircone yttriée, INGO [1991] montre qu’un phénomène similaire se produit avec l’obtention de dépôts plasma plus sombres lorsque le mélange plasmagène est enrichi en hydrogène. Ce phénomène est accentué lorsque la projection plasma est réalisée sous vide avec une extension des zones chaudes du plasma et l’absence de réoxydation par engouffrement d’air. L’origine du noircissement de la zircone yttriée fait encore aujourd’hui l’objet de discussions malgré les nombreuses études réalisées. MOYA et al [1988] associent ce changement de couleur à la présence d’impuretés Fe2O3 avec la réduction des cations métalliques Fe3+→Fe2+ et leur migration au niveau des joint de grain. INGO [1991] confirme ce phénomène tout en soulignant que des poudres dépourvues d’impuretés métalliques conduisent également à des dépôts noirs : des analyses XPS (spectrométrie de photoélectrons induits par les rayons X) indiquent que la réduction des poudres conduit à des oxydes ZrO2-x-Y2O3-x sous-stoechiométriques avec un changement de valence Zr4+→Zr3+. GUO et al [1996] montrent au contraire que le noircissement de la zircone yttriée n’est pas lié au changement de valence de Zr ou Y mais à la formation de centres colorés correspondant au piégeage d’électron au voisinage d’une lacune d’oxygène. Par ailleurs, le traitement des particules de zircone yttriée dans le jet peut s’accompagner d’une diminution du rapport atomique en yttrium par rapport au zirconium (Y/Zr) au cœur des particules et d’une augmentation en surface, des phénomènes similaires ayant été observés lors de la réalisation de recuits à des températures comprises entre 900 et 1500 °C [ARFELLI et al, 1990] [HUGUES, 1995]. S’il y a évaporation des particules dans le jet, ceci conduit à un départ préférentiel de l’yttrium. BRANDT [1981] souligne enfin que pour la zircone partiellement stabilisée, la moindre modification physico-chimique des particules dans le jet de plasma s’accompagne d’une évolution des propriétés optiques des dépôts. Il devient alors difficile de dinstinguer les effets microstructuraux de l’influence des caractéristiques physico-chimiques des dépôts plasma. 28
Chapitre I : Elaboration de dépôts céramiques par projection par plasma d’arc I.3.4. Diagnostic des caractéristiques des particules en vol I.3.4.1. Enjeu et contraintes techniques
La connaissance des propriétés des particules à l’impact sur le substrat (température, vitesse) occupe une place centrale dans l’étude des corrélations entre les paramètres de projection et les propriétés microstructurales des dépôts (Figure I-2). La maîtrise du procédé de projection plasma passe donc par le diagnostic des particules en vol. Des outils de diagnostic ont ainsi vu le jour ces deux dernières décennies. Leur développement s’est toutefois heurté aux conditions drastiques qui prévalent en projection thermique (température élevée, particules en suspension dans l’atmosphère de projection...). De tels outils doivent être aussi opérationnels sur de larges gammes de valeurs : de 50 à 300 m/s pour la vitesse, de 1200 à 4500 K pour la température et ceci en présence du rayonnement émis par le jet de plasma. La puissance volumique émise par le plasma peut atteindre à cœur 108-109 W.m-3 et augmente de manière significative avec les vapeurs issues des particules [BOULOS et al, 1994]. Des mesures basées sur le rayonnement thermique émis par les particules ne sont alors réalisables que dans une gamme spectrale où les raies d’émission atomique des gaz plasmagènes sont de très faible intensité [CETEGEN et al, 1998]. Ainsi, les outils de diagnostic sont restés longtemps confinés à des techniques de laboratoire. Le développement d’algorithmes d’identification, de traitement des signaux et la miniaturisation des composants ont permis dans les années 1990 de transposer ces techniques à des fins industrielles. Le DPV2000 commercialisé par la société TECNAR AUTOMATION (1321 rue HOCQUART, ST BRUNO, QUEBEC, CANADA) en est un des s exemples. I.3.4.2. Le DPV2000
Nous présentons succinctement le principe du DPV2000 pour en détailler par la suite les avantages et inconvénients.
a) Description du système
Le DPV2000 permet de mesurer la température et la vitesse à partir du rayonnement thermique émis par les particules en vol. Il peut être décrit comme un ensemble à 3 composants [MOREAU et al, 1994]: 29
Chapitre I : Elaboration de dépôts céramiques par projection par plasma d’arc
i) Une tête optique (Figure I-8) située à proximité du jet de plasma collecte les rayonnements émis par les particules traversant le volume de mesure. Elle est composée de lentilles corrigées des aberrations chromatiques et sphériques qui focalisent le rayonnement sur deux ensembles de fibres optiques.
Figure I-8 : Tête optique du DPV 2000.
Le premier ensemble comprend une cinquantaine de fibres alignées sur 12 mm de long pour relever la distribution radiale des particules dans le jet. Le second ensemble est une fibre unique de 400 microns de diamètre qui est disposée au centre de l’alignement précédemment décrit. Son extrémité est recouverte d’un masque avec deux fentes d’espacement connu. Lorsqu’une particule traverse le volume de mesure, la fibre centrale recueille deux illuminations successives dont on déduit le temps de vol des particules. La vitesse est obtenue en divisant la distance spatiale séparant l’image des deux fentes dans le volume de mesure par le temps de vol des particules. ii) Un module de détection contenant divers composants optiques et électroniques (lentilles, miroir, filtres) permet de prétraiter les informations collectées. La lumière collectée par la fibre centrale est séparée en deux signaux lumineux qui, après filtrage, sont focalisés sur deux pyromètres bichromatiques (λ = 787 nm et λ = 995 nm) de manière à éviter les raies d’émission du mélange plasmagène.
| 1,098
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d2e6e74ae88daf5a36e1d522b2213269_3
|
French-Science-Pile
|
Open Science
|
Various open science
| 2,008
|
Théorèmes d'équidistribution pour les systèmes dynamiques d'origine arithmétique.. Quelques aspects des systèmes dynamiques polynomiaux, Société Mathématique de France, pp.203-294, 2010, Panoramas et Synthèses n° 30, 978-2-85629-3386. ⟨hal-00343207⟩
|
None
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French
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Spoken
| 7,255
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Soit v une place de K. Soit gv une fonction de Green sur X(Cv ) relativement à D (nous dirons aussi que gv est une fonction de Green v-adique). On définit une hauteur locale relativement à D de la façon suivante. Soit P ∈ (X \ D)(Kv ) ; soit n §1.5. HAUTEURS LOCALES ET FONCTIONS DE GREEN 33 son degré sur K et soit P1,..., Pn ses conjugués dans X(Cv ). On pose n 1X gv (Pi ). hv (P ) =
n
i
=1 Si D est effectif et très ample, nous dirons qu’une famille (gv ) de fonctions de Green v-adiques relativement à D, indexée par l’ensemble MK des places de K est élémentairement admissible si pour presque toute place v, gv est définie par un même plongement f = [f0 : · · · : fs ] (défini sur K) de X dans un espace projectif Ps dont D est la section hyperplane {x0 = 0} : pour toute place v, sauf pour un nombre fini d’entre elles, on a ainsi gv (x) = − log
|
f0 (x
)|v
. max(
|f0 (x)|v
,..., |
fs
(
x
)|
v
) Dans le cas général, D est la différence E − F de deux diviseurs effectifs très amples et nous dirons qu’une famille (gv ) est admissible si l’on a gv = gE,v −gF,v pour tout v, où (gE,v )v et (gF,v )v sont des familles élémentairement admissibles de fonctions de Green pour E et F respectivement. Le lemme suivant, dont la démonstration est laissée au lecteur, montre que l’ensemble des familles admis sibles de fonctions de Green est stable par les opérations standard de la géométrie algébrique. Lemme 1.5.5. — Soit X une variété algébrique projective sur un corps de nombres K. a) Soit (gv ) et (gv′ ) des familles de fonctions de Green (élémentairement) admissibles relativement à des diviseurs D et D ′. La famille (gv + gv′ ) est une fonction de Green (élémentairement) admissible relativement à D + D ′. b) Soit X ′ une variété algébrique projective, intègre, définie sur K, soit f : X ′ → X un morphisme et soit D un diviseur sur X tel que f (X ′) 6⊂ D. Si (gv ) est une famille de fonctions de Green (élémentairement) admissible relativement à D, (gv ◦f ) est une famille de fonctions de Green (élémentairement) admissible relativement au diviseur f ∗ D. Proposition 1.5.6. — Soit D un diviseur de Cartier sur X, soit hD une hauteur pour D et soit (gv ) unePfamille admissible de fonctions de Green pour le diviseur D. Alors, la série h(x) = v∈MK εv hv (x) est une somme finie pour tout x ∈ (X\D)(Q) ; de plus, h − hD est bornée sur (X \ D)(Q). Démonstration. — Par linéarité, on se ramène au cas où le diviseur D est très ample et où (gv ) est une famille élémentairement admissible de fonctions de Green. Soit φ : X ֒→ Pk un plongement de X dans un espace projectif dont D est la section hyperplane {X0 = 0} et définissant presque toutes les fonctions de Green. Pour toute place v et tout point x ∈ (X \ D)(Cv ), le point φ(x) a des coordonnées homogènes CHAPITRE
1. H
AUT
EURS SUR L’ESPACE PROJECTIF 34
[x0 :... : xk ] avec x0 6= 0 ; posons alors g
v0 (x) = gv (x) + log |x0 |v. max(|x0 |v,..., |xk |v
Par définition, pour toute place v, la fonction gv0 est bornée, et est identiquement nulle pour presque toute place v. Soit alors K ′ un corps de nombres contenant K et soit x ∈ (X \ D)(K ′ ), de conjugués x(1),..., x(n) sur K. Si φ(x) a pour coordonnées homogènes [x0 :... : xk ], on a donc x0 6= 0 et X X 1 log max |σ(x0 )|,..., |σ(xk
)|p hφ (
x
)
=
hPk (φ(x)) = [K ′ : Q] p∞ ′ σ : K ֒→Cp =− X X 1 |σ(x0 )| log [K ′ : Q] p∞ σ : K ′֒→C max |σ(x )|,..., |σ(x )| p 0 k p n X X 1 εv (gv0 (x(i) ) − gv (x(i) ) =− n[K : Q] i=1 v∈M K n X n X X X 1 1 0 (i) εv gv (x ) + εv gv (x(i) ) =− n[K : Q] i=1 v∈M n[K : Q] v∈M i=1 =− K n X X K 1 1 εv ĥv (x). εv gv0 (x(i) ) + n[K : Q] i=1 v∈M [K : Q] v∈M K X K
La proposition résulte alors de ce que la première somme est bornée indépendamment de x. D. La hauteur détermine les fonctions de Green Soit X une variété algébrique projective sur un corps de nombres, soit D un diviseur de Cartier sur X et soit hD une hauteur pour D. Il est naturel de se demander dans quelle mesure hD détermine D. Suivant qu’on se donne hD exactement, ou à O(1) près, la réponse est fournie par le résultat suivant. Théorème 1.5.7. — Soit X une variété projective lisse sur un corps de nombres K ; soit D un diviseur de Cartier sur X et soit hD une hauteur pour D. a) Supposons que hD soit bornée ; alors la classe de D est de torsion dans le groupe de Picard de X : il existe un entier n et une fonction rationnelle f sur X telle que nD = div(f ). b) Supposons que hD possède une décomposition en somme de termes locaux, donnés par une famille admissible (gv ) de fonctions de Green pour le diviseur D. Si hD est constante, chacune des fonctions gv est constante. Ce théorème est dû à A. Néron pour la première partie, voir Serre (1997), §2.9 et 3.11, et à Agboola & Pappas (2000) pour la seconde. (Dans cet article, il est d’ailleurs observé qu’il suffit de supposer X normale dans l’énoncé du théorème).
§1.6. EXERCICES 35
La seconde partie est tout particulièrement intéressante dans les contextes où l’on dispose de familles admissibles canoniques de fonctions de Green, en particulier celui des systèmes dynamiques (voir Kawaguchi & Silverman (2007a)). §1.6. Exercices
Exercice 1.6.1. — Soit ξ un nombre algébrique, soit d son degré et soit P = a0 X d + · · ·+ad le polynôme minimal. on note H(P ) = max(|a0 |,..., |ad |). On rappelle que la hauteur h(ξ) de ξ est par définition celle du point de coordonnées homogènes [1 : ξ] de P1. Soit P = a0 X d + · · · + ad un polynôme à coefficients complexes de degré d. On note H(P ) = max(|a0 |,..., |ad |). a) Montrer que l’on a l’inégalité √ 2−d H(P ) M(P ) d + 1H(P ). b) En déduire que pour deux polynômes P1 et P2, à coefficients complexes, on a √ (1.6.2) H(P1 )H(P2 ) 2d d + 1H(P1 P2 ) d H(P1 P2 ) 2d 1 + H(P1 )H(P2 ), (1.6.3) 2 où d = deg(P1 P2 ). c) Si P est le polynôme minimal d’un nombre algébrique ξ, montrer que la hauteur h(ξ) est encadrée comme suit : 1 1 1 log H(P ) − log 2 h(ξ) log H(P ) + log(d + 1). d d 2d Exercice 1.6.4. — Soit f ∈ Q(t) une fraction rationnelle non constante, écrite sous la forme P/Q d’un quotient de polynômes P et Q ∈ Q[t], premiers entre eux ; on pose d = max(deg P, deg Q). Montrer que l’on a h(f (ξ)) = d. h(ξ)→∞ h(ξ) lim
Exercice 1.6.5. — Soit ξ un entier algébrique de degré d ; on note ξ1,..., ξd ses Pd conjugués dans C et, pour n ∈ N, Sn = j=1 ξjn la n-ième somme de Newton. On pose aussi μ(ξ) = max(|ξ1 |,..., |ξd |) a) Montrer que pour tout entier n, Sn est un entier relatif qui vérifie |Sn | dμ(ξ)n. (Utiliser le théorème sur les fonctions symétriques.) b) Soit p un nombre entier tel que Sn = Snp pour 1 n d ; montrer que ξ est une racine de l’unité (ou ξ = 0). c) Montrer que pour tout nombre premier p, Snp et Snp sont congrus à Sn modulo p. (Observer que les coefficients du polynôme symétrique X1p +· · ·+Xdp −(X1 +· · ·+Xd )p sont multiples de p.) d) On suppose que ξ 6= 0 et que ξ n’est pas une racine de l’unité ; on va montrer que 2 μ(ξ) e1/(4ed ). Supposons par l’absurde que l’ingalité inverse soit vraie et soit p un
1. HAUTEURS SUR L’ESPACE PROJECTIF
nombre preier tel que 2ed < p < 4ed (il en existe d’après le théorème de Tchébitcheff — postulat de Bertrand). Montrer que |Snp − Sn | < p pour 1 n d, puis que Snp = Sn pour 1 n d. En déduire que ξ est une racine de l’unité. e) Sous la même hypothèse que d), montrer que h(ξ) 1/(4ed3). Pour d’autres résultats dans la même veine, voir l’exercice 2.4.5 du chapitre 2, ainsi par exemple que le livre de Waldschmidt (2000) où est démontré le meilleur résultat connu, dû à Dobrowolski (1979), et repris dans la prop. 2.2.8 du chapitre 2. Exercice 1.6.6. — Soit p : P2 99K P1 la projection linéaire donnée par p([x0 : x1 : x2 ]) = [x0 : x1 ], d’unique point d’indétermination Q = [0 : 0 : 1]. Soit X une courbe de P2, d’équation homogène f (x0, x1, x2 ) = 0. On suppose que X ne contient pas le point Q. Déterminez (en fonctions des coefficients de f ) un nombre réel cX tel que |h(p(x)) − h(x)| cX pour tout x ∈ X(Q). Exercice 1.6.7. — Soit X une variété algébrique projective intègre définie sur un corps de nombres F et soit k sa dimension. a) Démontrer qu’il existe un morphisme fini f : X → P k. (Plonger X dans un espace projectif Pn et vérifier qu’une projection générique convient.) b) Soit L un fibré en droites ample sur X. Démontrer qu’il existe un entier n 1 tel que L n ⊗f ∗ O(−1) soit ample. En déduire que pour toute fonction hauteur sur X associée à L, il existe des nombres réels a > 0 et b tels que hL (x) ah(f (x)) − b pour tout x ∈ Q. c) Démontrer que pour tout x ∈ X(Q), le degré de l’extension F (x)/F (f (x)) est majoré par le degré de f. d) Observer que la hauteur n’est pas majorée sur Pk (F ) (il suffit de traiter le cas où F = Q). À l’aide du théorème de finitude (cor. 1.4.2), en déduire que la hauteur hL n’est pas majorée sur X(Q). e) Démontrer qu’il existe un nombre réel c tel que l’ensemble des points de X(Q) de hauteurs c soit dense dans X pour la topologie de Zariski. (Considérer des points x ∈ X(Q) tels que les coordonnées homogènes de f (x) soient des racines de l’unité.) Exercice 1.6.8. — Soit f : P2 99K P1 une application rationnelle donnée par trois polynômes (f0, f1, f2 ) de même degré d et sans facteur commun. Son lieu d’indétermination Z est un ensemble fini de points. Si X est une courbe de P2, supposée lisse ou au moins lisse en tout point de X ∩ Z, la restriction de f à X \ (X ∩ Z) s’étend en un unique morphisme f ̃ de X dans P1. a) Le degré d ̃ de f ̃ est inférieur ou égal à d, en fait égal à d −card(X ∩Z) (cardinal compté avec multiplicités). Pour que d ̃ = d, il faut et il suffit que X ne rencontre pas Z. ̃ ̃ − h(f(x)) b) Il existe un nombre réel cX tel que pour tout x ∈ X(Q), dh(x) cX. §1.6.
Exercice 1.6.9. — Soit X une variété projective et soit D un diviseur de Cartier effectif sur X. Soit hD une hauteur relative au fibré en droites O(D) sur X. Il existe un nombre réel c tel que hD (x) c pour tout x ∈ X(Q) tel que x 6∈ D. Exercice 1.6.10. — Soit X une variété projective et soit L un fibré en droites sur X. Soit B le lieu des zéros communs de toutes les sections des puissances de L. (Dire que B = ∅ signifie donc qu’une puissance de L est engendrée par ses sections globales.) Soit hL une hauteur relative à L sur X. Il existe un nombre réel c tel que hL (x) c pour tout x ∈ X(Q) qui n’appartient pas à B. Exercice 1.6.11. — Soit L un fibré en droites sur X tel qu’il existe un fibré en droites ample M de sorte que L ⊗ M −1 soit effectif (en d’autres termes, L est gros). Il existe un fermé de Zariski strict Z de X hors duquel la propriété de finitude pour la hauteur hL est vérifiée. Exercice 1.6.12. — Le résultat suivant était implicite dans la démonstration des énoncés de base sur les fonctions de Green. Soit X une variété projective sur un corps K, valué et algébriquement clos et soit D un diviseur de Cartier sur X. Soit λ une fonction d’un ouvert U de X \ D(K) dans R ; on suppose que U est dense dans X(K). On suppose que pour tout point x ∈ X(K), il existe un diviseur de Cartier très ample E ne contenant pas x et une fonction de Green λE pour E tels que la fonction λ + λE s’étende (nécessairement uniquement, car U est dense) en une fonction de Green pour D + E. Alors λ s’étend uniquement en une fonction de Green pour D. CHAPITRE 2 SYSTÈMES DYNAMIQUES D’ORIGINE ARITHMÉTIQUE §2.1. Systèmes dynamiques polarisés A. La définition et quelques exemples
Par définition, un système dynamique polarisé est la donnée d’une variété projective X (disons intègre, mais pas forcément lisse), d’un endomorphisme f de X et d’un fibré en droites ample L sur X tel que f ∗ L soit isomorphe à une puissance L d de L, où d est un entier supérieur ou égal à 2. L’entier d, que Zhang (2006) propose d’appeler le poids de (X, f, L ), est relié au degré de f par la formule deg(f ) = ddim X. On a en effet c1 (f ∗ L )dim X = ddim X c1 (L )dim X = deg(f )c1 (L )dim X, d’où l’assertion en divisant par c1 (L )dim X qui n’est pas nul puisque L est ample. Comme l’a noté Serre (1960), l’action d’un tel endomorphisme sur la cohomologie de X obéit à « l’analogue kählérien des conjectures de Weil ».(1) Supposant X lisse et de dimension k, l’endomorphisme f ∗ du groupe de cohomologie singulière H j (X, C) est diagonalisable et ses valeurs propres sont toutes de valeur absolue archimédienne dj/2. En particulier, tous les degrés dynamiques de f (définis comme les rayons spectraux de f ∗ agissant sur la cohomologie singulière, voir les articles de Cantat et Guedj) sont strictement dominés par le dernier, égal à dk. L’étude des systèmes dynamiques polarisés apparaı̂t ainsi comme un cas particulier des études plus spécifiquement dynamiques exposées dans ce volume. Nous avons déjà donné au paragraphe 1.1/B l’exemple de l’espace projectif Pk et d’un endomorphisme f défini par une famille (f0,..., fk ) de polynômes homogènes de degré d sans zéro commun autre que (0,..., 0). On a en effet f ∗ O(1) ≃ O(d). Les sous-variétés de Pk qui sont stables par f fournissent de même un système dynamique polarisé. Par un résultat de Fakhruddin (2003), c’est en fait le cas général : (1) La conjecture de Weil en question est l’hypothèse de Riemann pour les variétés algébriques sur les corps finis : elle concerne le cas où X est une variété algébrique projective lisse sur un corps fini de cardinal q et f est l’endomorphisme de Frobenius donné par l’élévation des coordonnées à la puissance q. Son poids est q. 40
CHAPITRE 2. SYSTÈMES DYNAMIQUES D’ORIGINE ARITHMÉTIQUE
Proposition 2.1.1 (Fakhruddin). — Soit (X, f, L ) un système dynamique polarisé défini sur un corps infini C.(2) Il existe un plongement ι de X dans un espace projectif Pk tel que ι∗ O(1) soit isomorphe à une puissance de L, et un endomorphisme F de degré d de Pk tels que F ◦ ι = ι ◦ f. (Dans ce qui suit, remplacer L par une puissance sera souvent inoffensif.) Démonstration. — Quitte à remplacer L par une de ses puissances L d, on peut supposer que L est très ample et que, pour tout entier m > 0, d’une part H i(X, L m ) = 0 pour tout entier i > 0, et d’autre part l’homomorphisme de multiplication H 0 (X, L m ) ⊗ H 0 (X, L ) → H 0 (X, L m+1 ) est surjectif. Notons alors ι : X ֒→ Pk le plongement de X dans un espace projectif défini par L ; par construction, on a ι∗ OPk (1) = L et, si m 1, l’homomorphisme naturel de H 0 (X, L)⊗m dans H 0 (X, Lm ) est surjectif. En outre, par un raisonnement élémentaire de régularité de Castelnuovo–Mumford, le faisceau d’idéaux de X dans Pk est de régularité au plus 2 ; en particulier, l’idéal homogène de X dans Pk est engendré par des polynômes de degré d (on a supposé d 2). Pour j ∈ {0, 1,..., dim X}, choisissons par récurrence une section sj dans H 0 (X, L ) qui n’est identiquement nulle sur aucune composante irréductible du lieu d’annulation commun de s0,..., sj−1. Alors, toute composante irréductible du lieu d’annulation commun de s0,..., sj est de codimension > j dans X. En particulier, s0,..., sdim X n’ont pas de zéro commun. On peut en outre supposer ces sections linéairement indépendantes. Complétons-les alors en une base (s0,
..., sk ) de H 0 (X, L ). Soit j ∈ {0,..., k} ; alors, f ∗ sj est une section de H 0 (X, f ∗ L ) = H 0 (X, L d ) et, par l’hypothèse faite sur L, il existe un polynôme Fj ∈ C[X0,..., Xk ], homogène de degré d tel que f ∗ sj = Fj (s0,..., sk ). Les polynômes F0,..., Fk définissent une application rationnelle F : [X0 : · · · : Xk ] 7→ [F0 : · · · : Fk ] de Pk dans lui-même, définie là où les Fj ne s’annulent pas simultanément. Nous allons démontrer qu’il est possible de modifier les Fj de sorte que F soit définie partout. Plus précisément, nous allons démontrer qu’il existe des polynômes F0,..., Fk dans C[X0,..., Xk ], homogènes de degré d, vérifiant f ∗ sj = Fj (s0,..., sk ) et tels que pour tout entier s ∈ {dim X,..., k} et toute composante irréductible Z de V(F0,..., Fj ) ⊂ Pk, codim(Z, Pk ) > j. (On note V(· · · ) le lieu de Pk défini par une famille de polynômes homogènes.) Observons que l’on peut conserver le choix précédent pour F0,..., Fdim X. En effet, si Z est une composante irréductible de V(F0,..., Fdim X ), Z ∩ X = ∅ (un point x de X ∩ Z vérifierait f ∗ sj (x) = 0 pour 0 j dim X et f (x) serait un zéro commun de s0,..., sdim X ). En particulier, codim(Z, Pk ) > dim X car deux sous-variétés de Pk de dimensions « complémentaires » ont un point d’intersection. (2) Cette hypothèse, reprise de Fakhruddin (2003), n’est probablement pas nécessaire pour le présent énoncé. Supposons maintenant j > dim X et F0,..., Fj−1 construits. Notons Pd l’espace vectoriel des polynômes de C[X0,..., Xk ] qui sont homogènes de degré d et Id le sous-espace vectoriel formé des polynômes qui sont identiquement nuls sur X. Pour G ∈ Pd, la condition f ∗ sj = G(s0,..., sk ) définit un sous-espace affine A de Pd, d’espace vectoriel associé Id. Toujours pour G ∈ Pd, et pour Z une composante irréductible de V(F0,..., Fj−1 ), la condition que G soit identiquement nul sur Z définit un sous-espace vectoriel VZ de Pd. Il s’agit de trouver un élément de A qui n’appartienne à aucun des sous-espaces VZ. Comme le corps C est infini, c’est possible dès lors qu’aucun des sous-espaces VZ ne contient A. En initialisant la récurrence, on a démontré que ces composantes Z sont disjointes de X. Or l’hypothèse que l’idéal homogène de X dans Pk est engendré par des polynômes de degré d implique précisément qu’il existe, pour toute composante Z comme ci-dessus, un polynôme H ∈ Id qui n’est pas identiquement nul sur Z. Autrement dit, Id n’est pas contenu dans VZ et a fortiori, le sous-espace affine A dirigé par Id n’est pas contenu dans VZ. Cela conclut par récurrence la construction des polynômes F0,..., Fk. En particulier, les composantes irréductibles de V(F0,..., Fk ) sont de codimension > k dans Pk : cela entraı̂ne que V(F0,..., Fk ) = ∅ et conclut, du même coup, la démonstration de la proposition. 2.1.2. Systèmes dynamiques ab
é
liens. —
Les variétés abéliennes fournissent des exemples fondamentaux de systèmes dynamiques polarisés. Considérons une variété abélienne X sur un corps F, c’est-à-dire une variété projective munie d’une structure de groupe algébrique. Pour tout entier n, la multiplication par n, notée [n], définit un endomorphisme de X. Le théorème du cube, voir par exemple Mumford (1974), entraı̂ne que pour tout fibré en droites symétrique L, le fibré en droites 2 [n]∗ L est isomorphe à L n. Les points prépériodiques d’un tel système dynamique sont les points de torsion de X. L’intérêt de cette remarque est double : si elle suggère d’employer des méthodes de systèmes dynamiques pour aborder des questions arithmétiques ou géométriques concernant les points de torsion d’une variété abélienne, elle permet aussi d’envisager la théorie des systèmes dynamiques polarisés comme une extension de la théorie arithmético-géométrique des variétés abéliennes. Plus généralement, on appellera système dynamique abélien un système dynamique de la forme (X, f ), où X est une variété abélienne et f : X → X un endomorphisme de la variété algébrique X, c’est-à-dire la composition d’un endomorphisme φ de X comme variété abélienne et d’une translation par un point x0 de X. Lorsque φ − id est surjectif, ce qui sera le cas si X est simple et φ 6= id (ou, plus généralement si pour toute sous-variété abélienne Y 6= 0 de X, α|Y 6= idY ), alors le système dynamique (X, f ) est conjugué au système (X, φ). Il convient d’observer qu’un système dynamique abélien n’ est en général pas polarisé, par exemple lorsque X est un produit X1 × X2 et que f = f1 × f2 est donné par la multiplication par deux entiers n1 et n2 distincts sur chacun des facteurs. 2.1.3. Systèmes dynamiques toriques. — Soit d un entier tel que d 2. On
définit
42 CHAPITRE 2. SYSTÈMES DYNAMIQUES D’ORIGINE ARITHMÉTIQUE
un système dynamique sur l’espace projectif Pk en posant f ([x0 : · · · : xk ]) = (xd0 : · · · : xdk ). C’est un système dynamique polarisé car f ∗ O(1) = O(d) ; il est de poids d. Soit G l’ouvert de Pk où aucune coordonnée homogène ne s’annule ; si l’on fixe la coordonnée homogène x0 égale à 1, on voit que G est isomorphe au tore algébrique (Gm )k, où Gm = A1 \ {0} est le groupe multiplicatif. De la sorte, Pk apparaı̂t comme une compactification de G, compactification qui n’est pas du tout arbitraire car la multiplication de G, à savoir l’application m : G × G → G qui définit la structure de groupe sur (Gkm ), s’étend en une action de G sur Pk, donnée par (u, x) 7→ [x0 : u1 x1 : · · · : uk xk ] si u = (u1,..., uk ) ∈ G et x = [x0 : · · · : xk ] ∈ Pk. Plus généralement, on appelle variété torique une variété X, disons projective et lisse, contenant un tore algébrique G comme ouvert dense, de sorte que la multiplication de G s’étende en un morphisme de G × X dans X. Le complémentaire de G dans X est alors un diviseur D, d’ailleurs un diviseur canonique(3) de X. Pour tout entier d 2, l’endomorphisme u 7→ ud de G s’étend en un morphisme f : X → X pour lequel f ∗ OX (D) ≃ OX (dD). On obtient de la sorte un système dynamique polarisé de poids d, si ce n’est que OX (D) n’est pas forcément ample — il appartient néanmoins à l’intérieur du cône effectif de X.(4) De tels systèmes dynamiques seront appelés toriques.
n
Observons que pour u ∈ C, la suite (ud )n ne prend qu’au plus une fois chaque valeur si u n’est pas une racine de l’unité, et ne prend qu’un nombre fini de valeurs sinon. Autrement dit, les points prépériodiques de ces systèmes dynamiques qui sont contenus dans G s’identifient aux k-uplets (u1,..., uk ) de racines de l’unité. Lorsque X = Pk, observons d’ores et déjà une remarquable propriété de la hauteur naturelle vis à vis de ces endomorphismes : Lemme 2.1.4. — Pour
x = [x0 : · · · : xk ] ∈ Pk (Q) et d ∈ N, on a h([xd0 : · · · : xdk ]) = d h([x0 : · · · : xk ]). Démonstration. — Cela résulte immédiatement de la définition de la hauteur, compte-tenu du fait que pour tout corps valué K et toute famille (x0,..., xk ) d’éléments de K, max(|x0 |d,..., |xk |d ) = max(|x0 |,..., |xk |)d. C’est un premier exemple, d’ailleurs fondamental, de hauteur normalisée par rapport à un système dynamique. (3) C’est-à-dire le diviseur d’une k-forme différentielle méromorphe, où k est la dimension de X, supposée lisse. (4) De toutes façons, la théorie des variétés toriques montre que l’image inverse par f de tout diviseur E est linéairement équivalente à dE ; les constructions ci-dessous ne dépendent pas substantiellement du choix d’un diviseur ample E.
§2.1. SYSTÈMES DYNAMIQUES POLARISÉS 43
Les systèmes dynamiques toriques ou abéliens ne sont pas les plus intéressants du strict point de vue de la théorie des systèmes dynamiques ; en revanche, les questions arithmétiques qu’ils suscitent sont souvent fondamentales.
2.1.5. Éléments de classification. —
Soit (X, f, L ) un système dynamique polarisé. Supposons que X soit lisse et géométriquement connexe. D’après le lemme 4.1 de Fakhruddin (2003), voir aussi Cantat (2003), la dimension de Kodaira d’une telle variété X est négative ou nulle. Supposons que kod(X) = 0. Alors, une puissance du fibré canonique de X est trivial, et en caractéristique 0, on peut démontrer que (X, f ) est déduit d’un système dynamique abélien (X ′, f ′ ) par passage au quotient par l’ action d’un groupe fini agissant sans point fixe sur X ′. La démonstration utilise un théorème de Beauville (1983), voir aussi Bogomolov (1974a,b), reposant sur la solution de Yau (1978) à la conjecture de Calabi, à savoir l’existence d’une métrique kählérienne Ricci plate sur X. La classification en dimension 2 est essentiellement due à Nakayama (2002) (voir aussi Fujimoto (2002), ainsi que Fujimoto & Nakayama (2005) pour l’analogue non kählérien) et fait l’objet d’une proposition (prop. 2.3.1) de Zhang (2006), article de synthèse sur le thème de cette conférence et dont je recommande la lecture. Les surfaces qui portent un système dynamique polarisé sont : – les surfaces abéliennes ; – les surfaces hyperelliptiques possédant une revêtement étale par le produit de deux courbes elliptiques ; – les surfaces toriques ; – les surfaces réglées sur une courbe elliptique associées, soit à un fibré de rang 2 de la forme O ⊕ M, où M soit, ou bien de torsion, ou bien de degré non nul, soit à un fibré indécomposable de degré impair. Citons enfin un résultat de Beauville (2001), reposant sur des idées de Amerik et al. (1999), selon lequel une hypersurface lisse de degré au moins 3 de l’espace projectif de dimension au moins 3 n’admet aucun endomorphisme de degré > 1. Pour plus de détails, je renvoie à l’article de Serge Cantat dans ce volume.
B. Hauteur normalisée
Soit (X, f, L ) un système dynamique polarisé défini sur Q. Notons d son poids ; c’est l’unique entier 2 tel que f ∗ L ≃ L d. À la suite de Call & Silverman (1993), eux-mêmes inspirés par la normalisation de Néron (1965) et Tate (voir Lang (1995)) dans le cas où X est une variété abélienne, le but de ce paragraphe est de définir, une hauteur normalisée relative au fibré en droites L. Les résultats qui suivent sont des généralisations directes des propositions correspondants du §1.1. Leur démonstration est identique. Pro
position
2.1.
6
. — (
Rappel
ons
que
d 2.)
Il existe une unique
hauteur relative
à
L, ĥL
:
X(Q) → R telle que ĥL (f (x)) = dĥL (x) pour tout x ∈ X(Q). 44 CHAPITRE 2. SYSTÈMES DYNAMIQUES D’ORIGINE ARITHMÉTIQUE
Démonstration. — Notons E l’espace affine des hauteurs relatives à L sur X(Q) ; son espace vectoriel directeur est l’espace Fb des fonctions bornées de X(Q) dans R. Munissons Fb de la norme uniforme et l’espace affine E de la distance induite. C’est un espace métrique complet. L’application T : φ 7→ d1 φ ◦ f est linéaire et applique E dans lui-même. En effet, si h est une hauteur relative à L, h ◦ f est une hauteur relative à f ∗ L (prop. 1.3.7) donc h ◦ f − dh est bornée. Par suite, T (f ) = d1 h ◦ f est une hauteur relative à L sur X. Cette application T est contractante, de constante de Lipschitz au plus 1/d < 1. Elle possède donc un unique point fixe dans E. La fonction ĥL dont la proposition précédente affirme l’existence et l’unicité est appelée hauteur normalisée, ou hauteur canonique. On a aussi la formule 1 (2.1.7) ĥL (x) = lim n h(f n (x)), n→∞ d pour toute hauteur h relative à L sur X. La hauteur normalisée vérifie les propriétés suivantes : Proposition 2.1.8. — a) On a ĥL (x) 0 pour tout x ∈ X(Q) ; b) un point x ∈ X(Q) vérifie ĥL (x) = 0 si et seulement s’il est prépériodique ; c) pour tout nombre entier D et tout nombre ré el B, l’ensemble de points x ∈ X(Q) de degré au plus D et tels que ĥL (x) B est fini. Démonstration. — La propriété c) résulte immédiatement de ce que ĥL est une hauteur relative à un fibré en droites ample sur X et du corollaire 1.4.2. Comme les hauteurs relatives à un fibré en droites ample sont minorées, la propriété a) est manifeste sur la formule (2.1.7) ci-dessus. Comme au §1.1, elle se déduit aussi, ainsi que la propriété b), de l’assertion de finitude. Soit en effet x ∈ X(Q). On a ĥ(f n (x)) = dn ĥ(x). Si x est prépériodique, il existe des entiers n 0 et p 1 tels que f n (x) = f n+p (x). Par suite, dn ĥL (x) = dn+p ĥL (x), d’où ĥL (x) car d 2. Inversement, si ĥL (x) 0, les termes de la suite (f n (x)) forment un ensemble de points de hauteur normalisée au plus B, tous définis sur le corps Q(x) ; un tel ensemble est fini d’après c). Il existe donc des entiers n 0 et p 1 tels que f n (x) = f n+p (x). Autrement dit, x est prépériodique et ĥL (x) = 0. Voici, d’après Northcott (1950), une conséquence remarquable de la proposition précédente. Corollaire 2.1.9. — Soit (X, f, L ) un système dynamique polarisé défini sur un corps de nombres K. Pour tout entier D, les points de X(Q) qui sont prépériodiques et dont le degré est au plus D forment un ensemble fini. Il convient de remarquer ici que, sous les hypothèses du théorème, l’ensemble des points de X(Q) qui sont périodiques est dense dans X pour la topologie de § Zariski (proposition 2.2.1). Il y en est a fortiori de même de l’ensemble des points prépériodiques. Lorsque, de plus, X est une variété abélienne, la hauteur normalisée obtenue est appelée hauteur de Néron–Tate. La compatibilité d’une telle hauteur avec la loi de groupe de X est assez remarquable : en effet, cette hauteur ĥL est une fonction de degré 2 sur le groupe X(Q), au sens où l’identité suivante est vérifiée : (2.1.10) ĥL (x+y+z)− ĥL (y+z)− ĥL (z+x)− ĥL (x+y)+ ĥL (x)+ ĥL (y)+ ĥL (z)− ĥL (0) = 0 pour tout triplet (x, y, z) de points de X(Q). Une telle fonction est la somme d’une forme quadratique qL, d’une forme linéaire lL et d’une constante (exercice 2.4.9). Dans le cas où les fibrés en droites L et [−1]∗ L sont isomorphes, on dit que L est symétrique et l’on a lL = 0 ; dans le cas antisymétrique où L et [−1]∗ L sont inverses l’un de l’autre, on a qL = 0. D’autre part, lorsque X = P1 et f est l’endomorphisme [x : y] 7→ [xd : y d ] pour d un entier 2, la hauteur normalisée n’est autre que la hauteur naturelle sur P1. Les points prépériodiques pour ce système dynamique sont [0 : 1], [1 : 0] et les points [1 : ξ] où ξ ∈ C est une racine de l’unité. Modulo l’identification entre hauteur d’un point [1 : ξ] et mesure de Mahler M(P ) du polynôme minimal P de ξ, on en déduit le théorème suivant, dont la première partie est essentiellement due à Kronecker. Voir aussi l’exercice 1.6.5 pour une version effective. Corollaire 2.1.11. — Soit P un polynôme irréductible à coefficient entiers. a) Si M(P ) = 0, les racines de P sont des racines de l’unité ou 0. b) Lorsque n → ∞, le degré du corps engendré sur Q par une racine primitive n-ième de l’unité tend vers l’infini. En fait, toutes les racines primitives n-ièmes de l’unité sont conjuguées sur Q (Gauß) puisque le polynôme cyclotomique Φn est irréductible. Comme l’indicatrice d’Euler φ(n) tend vers l’infini avec n, cela redonne la seconde assertion. La première assertion peut également être précisée en disant qu’un polynôme irréductible P ∈ Z[X] tel que M(P ) = 0 est, au signe près, ou bien égal à X, ou bien égal à un polynôme cyclotomique.
C. Normalisation des hauteurs locales
On a étudié au paragraphe 1.5 les décompositions de la hauteur d’un point en somme de termes locaux, indexés par les places de K. Dans le cas d’un système dynamique polarisé, il est naturel de se demander si la hauteur normalisée est justiciable d’une telle décomposition dont chaque terme serait plus ou moins canonique. Dans le cas des variétés abéliennes, la normalisation obtenue remonte à Néron (1965). Revenons donc à la théorie des hauteurs locales en nous plaçant sur un corps K, supposé valué complet et algébriquement clos. Soit X une variété projective sur K, f : X → K un endomorphisme de X et soit D un diviseur de Cartier sur X tel que 46 CHAPITRE 2. SYSTÈMES DYNAMIQUES D’ORIGINE ARITHMÉTIQUE f ∗ D soit linéairement équivalent à dD, où d est un entier 2. Autrement dit, dans le cas où D est ample, (X, f, O(D)) est un système dynamique polarisé. Il y a deux façons pour définir une fonction de Green canonique relativement à D. La première, due à Call & Silverman (1993), procède d’un raisonnement au niveau des fonctions ; la seconde, due à Zhang (1995b), construit des métriques canoniques. Je mélange ici les deux points de vue, les espaces affines des fonctions de Green pour un diviseur D n’étant que l’image par log |·| du torseur des métriques hermitiennes continues sur O(D). Proposition 2.1.12. — Soit α ∈ K(X) tel que f ∗ D = dD + div(α). Il existe une unique fonction de Green ĝD relativement à D telle que ĝD (f (x)) = dĝD (x) − log |α(x)| pour tout x ∈ X(K) qui n’appartient ni à D ni à f ∗ D. Démonstration. — L’ensemble des fonctions de Green pour D est un espace affine de direction l’espace vectoriel des fonctions continues bornées sur X(K). La norme sup de la différence de deux fonctions de Green définit alors une distance sur cet espace qui en fait un espace métrique complet. Si g est une fonction de Green pour D, T (g) = d1 (g ◦ f + log |α|) en est une autre. L’application g 7→ T (g) est contractante, de constante de Lipschitz au plus 1/d < 1. Elle admet donc un unique point fixe dans l’ensemble des fonctions de Green pour D. Exemple 2.1.13. — Supposons que D soit la section hyperplane X0 = 0 de l’espace projectif X = Pk. D’après la structure des endomorphismes de l’espace projectif, il existe des polynômes (F0,..., Fk ) de K[X0,..., Xk ], homogènes de degré d et sans zéro commun non trivial dans K, tels que f ([x0 : · · · : xk ]) = [F0 (x) : · · · : Fk (x)], pour tout point [x0 : · · · : xk ] de Pk. Notons F = (F0,..., Fk ) l’endomorphisme de l’espace affine de dimension k+1 qui relève f. Pour n 0, notons F n = (F0n,..., Fkn ) le n-ième itéré de f ; il relève f n. En outre, les polynômes Fjn (pour 0 j j) sont de degré dn et sans zéro commun non trivial. Comme D est le diviseur des zéros de la « fonction » x0, f ∗ D est celui de F0 ; notant α la fraction rationnelle F0 (x)/xd0, on a f ∗ D = dD + div(α). La fonction g = − log (|x0 | / max(|x0 |,..., |xk |)) est une fonction de Green pour D ; toute autre fonction de Green en diffère d’une fonction continue. La démonstration itérative du théorème du point fixe montre que la fonction de Green canonique pour g est la limite des fonctions de Green 1 1
1
gn (x) = − n g ◦ f n (x) + n log α ◦ f n−1 + · · · + log |α(x)| d d d n n X 1 |F0 (x)| |F0m (x)| 1 = − n log + log d d max(|F0n (x)|,..., |Fkn (x)|) m=1 dm F0m−1 (x) 1 = n log max |F0n (x)|,..., |Fkn (x)| − log |x0 |. d
Pour tout x = (x0,..., xk ) non nul, posons 1 log max(|F0n (x)|,..., |Fkn (x)|). dn Les calculs qui précèdent entraı̂nent que Gn converge vers une fonction G définie sur le complémentaire de l’origine dans l’espace affine et vérifiant les propriétés suivantes : G(λx) = log |λ| + G(x), G(F (x)) = dG(x). Gn (x) = On l’appelle la fonction de Green homogène ; elle est reliée à la fonction de Green canonique pour le diviseur D par la relation gD (x) = G(x) − log |x0 |. Supposons K = C. Alors, G est plurisousharmonique dans Ck+1 \ {0} et est pluriharmonique sur l’image réciproque de l’ensemble de Fatou de f ; voir Sibony (1999), §1.6. Lorsque K est un corps ultramétrique, Kawaguchi & Silverman (2007b) démontrent que G est localement constante sur l’image réciproque de l’ensemble de Fatou de f. Le théorème suivant affirme que ces fonctions de Green normalisées forment une famille admissible, donc donnent lieu comme anoncé à une décomposition de la hauteur normalisée d’un point en somme de termes locaux. Théorème 2.1.14. — Soit (X, f, L ) un système dynamique polarisé défini sur un corps de nombres K. Soit D un diviseur tel que L ≃ O(D) et soit α ∈ K(X) tel que f ∗ D = dD + div(α). Pour toute place v de K, notons ĝv la fonction de Green sur le corps Cv pour le diviseur D, normalisée relativement à α, ainsi que ĥv la hauteur locale associée. Alors, la famille (ĝv ) est admissible et, pour tout x ∈ (X \ D)(Q), on a X εv ĥv (x). ĥL (x) = v∈MK (Comme au paragraphe 1.5, si v est une place de K, on note εv le nombre de plongements du corps K dans Cv qui induisent la valeur absolue correspondant à v.) Démonstration. — La famille (ĝv ) de fonctions de Green normalisées est obtenue en itérant à partir d’une famille admissible (gv0 ) fixée l’opérateur T : (gv ) 7→ ( 1d (gv ◦ f + log |α|v ). D’après le lemme 1.5.5, cet opérateur applique une famille admissible de fonctions de Green sur une autre famille admissible. Plus précisément, d’après cette proposition, cet opérateur fixe presque toutes les composantes gv. Autrement dit, on a ĝv = gv0 pour presque toute place v. Cela démontre précisément que la famille (ĝv ) est admissible. Notons h′ la somme des hauteurs locales associées ; d’après la proposition 1.5.6, c’est la restriction au complémentaire de D d’une hauteur pour ce diviseur. Pour montrer que c’est bien la hauteur normalisée, il suffit donc de vérifier l’équation fonctionnelle qui la caractérise.
48 CHAPITRE 2. SYSTÈMES DYNAMIQUES D’ORIGINE ARITHMÉTIQUE
Soit v une place de K. Pour tout point x ∈ X(Cv ) tel que x 6∈ D et f (x) 6∈ D, on a ĝv (f (x)) = dĝv (x) − log |α(x)|v. Par suite, si un point P ∈ X(K) est tel que P 6∈ D et f (P ) 6∈ D, on a les égalités ĥv (f (P )) = dĥv (P ) − 1 log NK(P )/K (α(x)) v. [K(P ) : K] En sommant ces égalités et en utilisant la formule du produit, on en déduit h′ (f (P )) = dh′ (P ). Pour traiter le cas général, on considère un diviseur E linéairement équivalent à D qui ne contienne ni P ni f (P ) auquel on applique l’analyse précédente.
D. Hauteurs locales sur C et mesures canoniques
Conservons les notations du paragraphe précédent en supposant de plus que K = C et que D est un diviseur ample. Il possède alors une fonction de Green de classe C ∞, gD, dont la forme associée ωD = ddc gD + δD est une forme de Kähler. D’après le théorème de Wirtinger, la mesure (ωD )k est positive, de masse totale égale à l’auto-intersection (D)k de D (si D est une section hyperplane, ce n’est autre que le degré de X, c’est-à-dire le nombre de points d’intersection avec X d’une droite assez générale de Pk.). La démonstration du théorème du point fixe de Picard fait intervenir les itérés n T (gD ) de gD sous l’opérateur T et montre leur convergence vers la fonction de Green ĝD, unique solution de T (ĝD ) = ĝD. Notons que l’on a ddc T (gD ) + δD = 1 c 1 1 dd (gD ◦ f ) + δD + δdiv(α) = f ∗ ωD.
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Préparation et méthode de contrôle d'un anthelminthique vétérinaire : l'arséniate d'étain
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French
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Spoken
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Rev. Elev. Méd. vét. Pays trop., 1972, 25 (3): X33-396
Préparation et méthode de contrôle
d’un anthelminthique vétérinaire :
I’arséniate d’étain
par G. GRAS (*). CHHAY
HANCHENG
(*) et F. FAURAN
(*)
RESUME
Si de nombreux travaux, dont plusieurs parus dans cette revue, ont
montré que I’arséniate d’étain était un excellent anthelminthique,
par
contre, très peu de renseignements ont été publiés jusqu’à présent en ce
qui concerne les méthodes de préparation et d’analyses de ce produit.
Afin de combler cette lacune les auteurs font une étude chimique détaillée
de l’arséniate d’étain. Ils indiquent en particulier des méthodes très simples
de dorage de l’étain en présence d’arsenic et réciproquement. L’application
de ces méthodes à L’analyse de l’arséniate d’étain a permis ensuite d’étudier
et de définir les conditions de formation de ce composé. La formule du
produit obtenu est celle de I’arséniate monoacide stanneux SnHAsO,,
1/2 H:O.
Les propriétés chinuques de l’arséniate d’étain sont dominées par
deux propriétés fondamentales :
1. L’arséniate d’étain s’oxyde lentement à L’air et à la lumière; cette
oxydation est accélérée par la température.
2. L’arséniate d’étain s‘hydrolyse en solution aqueuse en libérant des
quantités relatwement importa+!
d’arsenic soluble à des pH voisins
de la neutralité (entre 6 et 8).
Ces deux observations ont pour conséquence la nécessité d’une part,
de conserver le produit en flacon coloré et hermétiquement
clos, d’autre
part, de l’administrer
r<à sec P en tablettes ou comprimés, I?ngestion en
suspension dans l’eau conduisant à une intoxication arsénicale.
II est bien connu que les arséniates métalliques occupent une place de choix dans le
traitement
des helminthiases
chez les animaux
domestiques.
En effet, si d’une part ils sont le
plus souvent
suffisamment
actifs pour
être
administrés
en une seule prise, ils présentent
d’autre
part l’avantage
d’un prix de revient
peu élevé, donnée particulièrement
importante
en Afrique
où les possibilités
de traitement
du
cheptel sont étroitement
liées à des questions
économiques.
En
pratique,
jusqu’à
ces dernières
années,
seul l’arséniate de plomb a été utilisé sur une
assezgrande échelle chez le mouton (Mc CULLOCH: 1941) (22); (GRABER, 1957) (14).
Pourtant, parmi les arséniates métalliques,
il semble que l’arséniate
d’étain
présente a
priori de multiples avantages. En effet, si
l’arsenic joue un rôle déterminant dans l’activité de ce type de composés, c’est par contre
la nature du cation métallique associé qui en
détermine les caractères de solubilité, en partculier dans les sucs digestifs, et dès lors, son
activité et sa toxicité. Si de surcroît, le cation
métallique associé est doué de propriétés
anthelminthiques, on obtiendra un renforcement de l’activité.
(*) Laboratoire
de Chimie Analytique et Toxicologie, Faculté Mixte de Médecine et Pharmacie, Dakar.
-
C’est ainsi qu’il nous a été permis de
383 -
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montrer sue l’étain. contrairement
au “lomb.
est doué’ d’un pouvoir
cestodicide
(&AS:
1956) (16); (GRAS et UN, 1966) (20).
d’étai” dans le but de le substituer à l’arséniate
de plomb dans cet usage. Le composé utilisé
par HAMADA
est, d’après cet auteur, l’arséniate stanneux SnHAsO,.
Le traitement par les arséniates métalliques
d’animaux destinés à être consommés pose en
outre le problème des résidus de ces arséniates
dans les viandes de boucherie. II semble donc
particulièrement
intéressant que le catio” ne
soit pas toxique car dès lors, seul le problème
de l’arsenic doit être pris en considération.
Les chercheurs
soviétiques ont utilisé sur
“ne grande échelle l’arséniate ,d’étain par le
traitement des hehninthiases du mouton et du
poulet (*), CHUBABRIYA,
1955 (4), 1957 (5),
1958 (6); ULYANOV,
1957 (30).
II semble que l’arséniate expérimenté par ces
auteurs soit l’arséniate stanneux, mais très peu
d’indications
sont fournies quant a” mode de
préparation
et ~d’analyse de ce composé.
Cette condition est également réalisée dans
le cas de l’arséniate d’étain, l’étai” n’étant pas
toxique, il y a là un nouvel avantage par
rapport à l’arséniate de plomb et à beaucoup
d’autres arséniates dont les cations sont souvent
nocifs.
Plus récemment (1966), GERGENAVA
(13)
a apporté quelques précisions su la fabrication
du produit vétérinaire
employé en U.R.S.S.
Ces divers avantages de l’arséniate d’étain
ont été entièrement confirmés par les études
de CASTEL
et GRAS (l), CHHAY
HANCHENG
(3), GRAS et GRABER
(18, 19).
Toutefois, il s’est avéré que l’arséniate d’étain
utilisé par ces auteurs et qui s’est révélé êtrE
l’arséniate monoacide stanneux était un produit
pc” connu et mal défini, d’où la nécessité de
préciser la préparation et les méthodes üanalyses de ce ‘composé.
Une partie de ces travaux a été rapportée,
il y a quelques années, dans la thèse de
CHHAY
HANCHENG
(3). Depuis lors, un
certain nombre d’observations
supplémentaires
nous ont permis de compléter ce travail aussi
bien sur le plan pratique que théorique. L’ensemble de ces recherches fait l’objet de la
présente note.
Les aléas de la préparation
de l’arséniate
d’étain, puis par la suite, de son contrôle,
résident presque essentiellement
en un problème analytique : le dosage de l’étain M
présence d’arsenic et réciproquement.
L’arséniate d’étain devant être utilisé surtout
dans les pays en voie de développement, nous
nous sommes efforcés de mettre au point des
méthodes simples nécessitant un minimum de
matériel et de manipulations
et donc actessibles aux laboratoires même les plus modestement équipés.
CHOIX
D’UNE
METHODE
DE DOSAGE.
ANALYSE
DE L’ARSENIC
EN PRESENCE
D’ETAIN
Diverses
tentatives
trouver une méthode
en présence d’étain.
ETUDE
CHIMIQUE
DE L’ARSENIATE
D’ETAIN
ont été faites pou
de dosage de l’arsenic
Tout d’abord, nous avons essayé la méthode
gravimétrique (29) en précipitant l’arsenic sous
forme de pentasulfure par un courant de H$
à saturation, en se basant sur la solubilité du
sulfure d’étain en milieu fortement
chlorhydrique.
On possède très pc” de renseignements su
les arséniates d’étain. Ils ne sont pas décrits
dans les ouvrages classiques de chimie minérale
français
et étrangers.
0”
n’en trouve
en
particulier qu’une mention très succincte dans
le Traité de chimie minérale de PASCAL (23).
PRAKASH
(24) et PRASAD
(25) ont décrit
sommairement un arséniate stannique dans une
étude consacrée à la formation de gels.
Le précipité obtenu est lavé à l’eau distillée,
à l’alcool, puis séché à l’étuve jusqu’à poids
constant.
Ce procédé peu commode est à
rejeter car les sulfures d’étain précipitent par-
Plus récemment,
a étudié l’activité
(*) Voir à ce sujet l’article de GRAS et GRABER.
1964 (18).
SHIGETO
HAMADA
(27)
insecticide d’un arséniate
-
384 -
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tiellement,
excès.
ce qui
entraîne
des erreurs
SnZ+ est oxydé en Sn4,+ avec
concomitante de H2S04 en SO*.
par
Par la suite, nous avons tenté d’utiliser~la
méthode classique de FLEURY
(11, 12) &i
consiste à réduire l’arsenic
pentavalent
en
arsenic trivalent par l’iodure de potassium en
milieu très acide et à éliminer l’iode formé
par une solution de thiosulfate de potassium,
puis à titrer l’arsenic en milieu bicarbonaté.
Cette méthode n’est pas applicable directement
car l’étain stanneux consomme une partie de
la solution d’iode et intervient au cours de la
réduction de l’arsenic par KI.
Dans ces conditions,
la méthode la plus
rationnelle semble de recourir à une séparation
de l’arsenic par distillation. C’est la technique
que propose SHIGETO HAMADA.
Cet auteur
sépare l’arsenic, après réduction, sous forme
de trichlorure
et dose cet élément en milieu
acide par la classique méthode au bromate de
potassium (18, 21). Cette méthode donne de
bons résultats mais elle est longue à cause de
la distillation de l’arsenic.
Or, l’expérience nous a montré qu’à condition de choisir un réducteur convenable, on
pouvait doser directement
I’arsenic
par la
m&hode au bromate sans avoir besoin de
séparer cet élément par distillation.
Dans l’arséniate d’étain, l’arsenic est à l’état
d’oxydation + 5 et l’étain à l’état d’oxydation
+ 2.
En opérant en milieu sulfurique et à chaud,
-
réduction
Dans cette première étape, on a donc en
présence A@+ et Sn’+.
Dans une deuxième étape, nous utilisons
comme réducteur le sulfate d’hydrazine.
Ce
composé présente un double avantage :
. En milieu acide concentré et à chaud, il
réduit seulement As”+ en AS~+, l’étain par
contre demeure à l’état d’oxydation + 4. En
effet, en présence d’hydrazine
et en milieu
acide, le couple redox SI?+ / Sn4+ fonctionne
d,ans le sens de l’oxydation et non de la réduction, suivant les équations (23) :
2 H+
SnZ+ + W+
+ 2e
+ 2e + NBH~ -t 2 NH2
Le proton, en se transformant
oxyde SnZ+ en Sn4+.
en NH3,
. L’excès de N2Ha est détruit en milieu
sulfurique
concentré
et à chaud; ainsi il
n’influence
pas la solution oxydante utilisée
ultérieurement
pour le dosage de l’arsenic.
L’arsenic est alors dosé sans difficulté par
la méthode au bromate à chaud, en milieu
chlorhydrique et en présence de méthyl-orange
employé comme indicateur. Les réactions sont
les suivantes :
a
‘HaAsO+ + 2 H+ + 2 e = HxAs03 + H,O
b
E à pH =
3I 15 -
V
(1)
Retour au menu
2 BrOj-
+
12 Hf
+
a
5 e e Brz + 6 Hz0
b
E à pH = V
(2)
Mode opératoire
Une prise d’essai d’environ 100 mg d’arséniate d’étain est introduite dans un ballon de
Kjeldahl de 250 ml à l’aide d’un entonnoir.
Compte tenu des valeurs des potenti&
Ajouter 20 ml H&O4 pur et rincer l’entonnoir
redox, dans nos conditions expérimentales, 1~: avec 20 à 30 ml d’eau distillée.
premier couple redox (1) fonctionne dans. le
sens (b), le deuxième dans le sens (a). :Le
Chauffer l,e ballon, sur la rampe à minéralibrome formé au cours de la réaction (2) va sation jusqu’à fumées blanches. Laisser refroidétruire le méthyl orange. La fin du dosage
dir, puis à l’aide d’un entonnoir, introduire
est marquée par la disparition complète de sa 100 mg de sulfate d’hydrazine.
II se produit
coloration rouge et l’apparition d’une coloration
alors une fumée blanche et abondante. Conjaune due au brome.
tinuer à chauffer fortement pendant 30 mn
pour détruire complètement le sulfate d’hydraLa réduction est effectuée dans un ballon
zinc et pour chasser
l’excès
d’anhydride
de Kjeldahl à long col, cc qui permet de porter
sulfureux. Laisser refroidir le ballon. Verser le
la solution à doser à une température élevée
contenu dans un bécher de 250 ml et rincer le
et d’éliminer les produits gazeux.
ballon avec 100 ml d’eau distillée,
puis
ajouter
5
ml
HC1
pur;
porter
au
voisinage
de
Les vérifications
ont été effectuées sur des
l’ébullition;
ajouter
2
gouttes
de
méthyl-orange
solutions d’arséniate de sodium auxquelles nous
et titrer à chaud par une solution 0,l N de
avons ensuite ajouté du chlorure stanneux de
KBr03 jusqu’à disparition de la couleur rouge
façqn à avoir des proportions
à peu prés
et
apparition de la teinte jaune due au brome.
identiques à celles des constituants
de l’a&:
La
stoechiométrie
de la rktion
indique que
niate d’étain. Tous les dosages sont exécutés
1
ml
de
KBrO,
0,l
N
correspond
à 3,75 mg
avec une micro-burette
au centième.
#AS.
Les résultats sont rapportés dans le tableau 1.
Les résultats obtenus sont donc très satisfaisants. A la suite de ces essais, nous proposons la technique suivante pour l’analyse et le
contrôle de l’arsenic dans l’arséniate d’étain.
Matériel
Ballons de Kjeldahl de 250 ml;
Béchers de 250 ml;
Entonnoirs
de verre de 8,5 cm;
Rampe pour minéralisation;
Burette au l/lOO.
-
gravimétriques
Au cours de nos recherches d’une méthode
de dosage de l’étain, nous avons essayé plusieurs techniques. La seule qui se soit révélée
applicable est celle utilisée par SHIGETO
HAMADA
(*).
Réactifs
-
Méthodes
Les méthodes pondérales de dosage de l’étain
sont toutes, basées sur le même principe,, seule
la méthode de séparation préalable varie:
l’étain traité par HNOs donne un composé
insoluble, l’acide métastannique. Cet acide est
recueilli sur un filtre, lavé, séché puis, calciné,
se transforme en SnOz que l’on pèse.
TECHNIQUE
-
DOSAGE
DE L’ETAIN
EN PRESENCE
D’ARSENIC
Cette méthode consiste à attaquer l’arséniate
d’étain par fusion alcaline (mélange de Na* COS
et KN03). Puis la masseest reprise par HNO.
concentré qui transforme le stannate formé
H$O,
RP d = 1,83;
HC1 RP d = 1,19;
Sulfate d’hydrazine RP;
Solution 0,l N de KBr03;
Solution
alcoolique de méthyl-orange
1 p. 100;
Eau distillée.
a
(*) Communication
SHIGETO
HAMADA
à qui nous adressons
-
386 -
personnelle
du
Professeur
(Université
de Nagano,
Japon)
nos vifs remerciements.
Retour au menu
dans la fusion alcaline en acide métastannique
insoluble, l’arsenic passe dans la solution. Le
précipité formé est filtré, lavé d’abord avec
HNO, dilué, puis à l’eau distillée légèrement
acidifiée par HNO, enfin calciné jusqu’à poids
constant et pesé sous forme de SnOz.
par contre oxydé en SI++. Le terme de la
réaction est indiqué par l’empois d’amidon.
Ce procédé présente beaucoup üinconvénients. En effet, la fusion alcaline exige une
température élevée, ce qui rend le choix des
capsules délicat.
Les résultats obtenu
par cette technique
classique sont toujours nettemerut plus faibles
que les quantités théoriques. Ceci est dû au
fait qu’au contact de l’air, une petite quantité
d’étain stanneux est oxydée en étain stannique.
La capsule de silice n’est pas utilisable car
la soude et la potasse formées transitoirement
l’attaquent.
La capsule de nickel n’est pas
utilisable non plus car elle est attaquée par
l’acide nitrique. Nous avons alors essayé les
capsules en porcelaine : a priori, elles peuvent
convenir, mais elles sont fragiles et se cassent
facilement. Seule l’utilisation d’une capsule en
platine nous a permis d’obtenir quelques bons
résultats.
Nous n’avons toutefois
pas retenu cette
méthode car elle est extrêmement longue, chaque dosage demandant au moins 4 heures.
Méthodes
volumétriques
Ces méthodes reposent toutes SUI les propriétés réductrices des composés stanneux visà-vis de solutions
oxydantes
possédant
un
potentiel redox convenable comme les solutions
d’iode, d’iodate et bromate de potassium ou
de sulfate de ceriurn.
La solution titrée d’icde peut être avantageusement remplacée par une solution de KIO,
beaucoup plus stable.
Cette méthode n’est donc pas suffisante pour
doser l’étain total de l’aséniate d’étain. Pour
cela nous avons dû mettre au point un autre
procédé.
Pour cette détermination,
on pourrait, à la
rigueur, utiliser la méthode pondérale que nous
avons déjà décrite, en se servant d’une capsule
en platine.
Toutefois, ici encore, c’est la méthode volumétrique précédente qui nous a paru la plus
rapide; le problème supplémentaire à résoudre
résidant dans le choix du réducteur.
Habituellement, lorsqu’on procède au dosage
de l’étain total par réduction de l’étain IV en
étain II, on a recours à des réducteurs métalliques dont le potentiel redox est inférieur à
celui du système.
Les manipula&ns
sont faciles et rapides et
se prêtent bien à des déterminations
en série.
L’arsenic dans l’arséniate stanneux étant à
l’état d’oxydation
+ 5, une séparation préalable ne semble pas nécessaire; nous avons donc
tout d’abord procédé au dosage direct de l’étain
stanneux.
Dosage
de l’étain
stannew
Cette détermination
est faite sans difficulté
en faisant dissoudre l’arséniate stanneux dans
de l’acide chlorhydrique
à 30 p. 100. On
procède ensuite au titrage de Sn?+ par une
solution 0,l N d’iode. Les réactions sont les
suivantes :
12 G? I- + 2e
S”a+ e snz+ + 2e
Compte tenu de la valeur de son potentiel
redox, l’iode sera réduit en iodure, SI?+ étant
-
sn4+ *
S”2f
+ 2e
E, = +
0,14 v
C’est dans ce but que nous avons essayé
successivement
l’aluminium
(101, le zinc (2),
le cobalt, le nickel et le cadmium (9).
L’aluminium
n’est pas utilisable car la solution chlorhydrique
d’érain devient rapidement
jaunâtre et des particules noires se déposent
au fond du récipient. Ce phénomène semble
dû à la libération d’arsenic et d’étain susceptibles d’interférer
ultérieurement.
D’après CHARLOT
(2), le zinc peut être
utilisé comme réducteur de l’étain en présence
d’arsenic trivalent sans interférence de ce dernier. Nous n’avons pourtant pas pu obtenir
de résultats convenables
avec ce métal, les
quantités d’arsenic étant probablement
trop
grandes.
Avec le cobalt,
387 -
nous avons observé d’abon-
Retour au menu
- -
dants précipités noirs qui ne se resolubilisent
pas, même par chauffage prolongé; la solution
est violette et le virage se fait dès que l’on verse
quelques ml de solution d’iode.
Le nickel est connu pour être l’un des
meilleurs réducteurs de l’étain. Le virage de
l’empois d’amidon est très net, enfin il présente
le gros avantage de ne pas ètre réducteur à
froid, aussi son excès dans la solution n’influe
pas sur la liqueur oxydante. Cependant, il
n’est pas applicable pour le dosage de l’étain
en présence d’arsenic car il se forme un
complexe noir insoluble qui n’est pas attaquable
en solution chlorhydrique concentrée. Dès lors,
les résultats obtenus sont très variables.
Seuls les essais effectubs avec le cadmium
métallique nous ont permis de parvenir à de
bons résultats.
Ce métal a plusieurs avantages. Tout d’abord
il permet d’éliminer l’arsenic de la solution
pas transformation
en trichlorure
d’arsenic
volatile que l’on piègera; ensuite il réduit
-
l’étain IV en étain II quantitativement;
enfin,
il conduit à une solution limpide et incolore
qui, lors du dosage iodométrique
effectué en
présence d’empois d’amidon, permet l’appréciation du virage. En outre, pour éviter la
perte de petites quantités d’étain stannique qui
pourrait distiller an début de l’opération, nous
ajoutons un peu d’acide phosphorique
(15)
pour le fixer en solution sous forme d’ion
complexe stanniphosphorique.
La réduction terminée, I’étain II sera maintenu en atmosphère de gaz carbonique pour
éviter sa réoxydation.
Les vérifications ont été faites sur des solutions d’étain, préparées par dissolution de
quantités comwes d’étain métallique dans HCl.
Nous avons ensuite ajouté à ces solutions
d’étain, de l’arséniate de sodium, de manière à
obtenir une. concentration en As à peu près
identique à celle qu’on devrait trouver théoriquement dans l’arséniate stanneux.
Un dosage à blanc, effectué sur la solution
388 -
Retour au menu
chlorhydrique
de cadmium après un temps de
chauffage égal à celui nécessaire pour le dosage,
montre que ce métal est sans influence sur la
solution oxydante d’iodate.
Les
résultats
tableau II.
sont
rapportés
dans
le
Dans l’ensemble, les résultats peuvent être
considérés comme très satisfaisants, la méthode
permet d’obtenir des résultats reproductibles.
Toutefois,
dans les meilleures
conditions
(essai 5) les chiffres obtenus sont toujours un
peu plus faibles que les chiffres théoriques.
Cet inconvénient est probablement
dû à une
légère réoxydation
de l’étain II par l’air qu’il
n’est pas possible d’éviter dans nos conditions
expérimentales et avec l’appareillage très simple
que nous préconisons.
La technique proposée pour le dosage et
le contrôle de l’étain dans l’arséniate d’étain
est la suivante :
TECHNIQUE
100 HC1 pour dissoudre. Agiter et rincer avec
30 ml d’eau distillée, puis ajouter 60 ml HC1
pur et 2 ml H3P01 pur et agiter. Ajouter 8 g
de cadmium métallique en grenailles et ajuster
immédiatement
le bouchon
rodé surmonté
d’une tubulure. Cette tubulure plonge dans un
bécher qui contient une solution NaOH
à
10 p, 100. Chauffer très doucement au début
pour dissoudre le cadmium qui favorise la
formation
de trichlorure
*arsenic.
Maintenir
l’ébullition
pendant un certain temps pour
chasser tout l’arsenic. L’excès de Cd va réduire
Sn N en Sn II. La solution devient alors claire
et limpide. Continuer
la réduction pendant
10 mn jusqu’à disparition complète du cadmium.
L’extrémité
de la tubulure est alors plongée
dans une solution de NaHCOa
à 10 p. 100.
Ralentir
progressivement
le chauffage pour
éviter le retour massif de la solution bicarlxnatée et permettre
son arrivée par petites
portions dans 1’Erlenmeyer. Au contact de la
solution chlorhydrique,
il y a dégagement de
COz qui maintient
ainsi l’atmosphère
de
1’Erlenmeye.r à l’abri de l’air.
Laisser
-
-
Un erlenmeyer
de 600 ml avec rodage
muni d’une tubulure coudée de 10 mm
de 0, Cette tubulure plonge dans un bécher
de 250 ml contenant
une solution
de
NaOH à 10 p. 100 pour fixer le trichlorure
d’arsenic.
Un bec Bunsen avec grille.
Entonnoirs.
Solution 0,l N de KIO,.
Cadmium métallique R.P.
HCl R.P. d = 1,19.
HZPOI R.P. = 1,70.
Solution de NaOH à 10 p. 100.
Solution de NaHC03
à 10 p. 100.
Amidon soluble.
Bicarbonate de sodium R.P.
complètement.
Introduire alors rapidement quelques pincées
de NaHCOa et titrer immédiatement par une
solution 0,l N de KIOs en présencr d’empois
d’amidon. La stoechiométrie
de la réaction
indique que :
1 ml de KIOa 0,l N +
5,935 mg d’étain
PREPARATION
DE L’ARSENIATE
STANNEUX
Réactifs
-
refroidir
Un certain nombre de tentatives plus ou
moins fructueuses ont été faites avec différents
antagonistes
à base d’étain et d’arsenic
en
particulier :
-
Mode opératoire
Une prise d’essai d’environ 200 mg d’arséniate d’étain est introduite dam. un Erlenmeyer
de 600 ml à rodage émeri à l’aide d’un
entonnoir. Ajouter 10 ml de solution à 30 p.
-
action
action
action
action
action
de H3AsOI sur SnC12;
de Na,HAsO,
sur Sn’&;
de KH*AsO,
sur SnCI,;
de H3As04 sur Sn métal;
de HRAsOI sur SnO.
Toutes ces réactions aboutissent bien à la
formation
d’un arséniate qui a été identifié
comme I’arséniate monoacide stanneux. Néanmoins, seul le couple HaAs04/SnCIz
permet
d’obtenir un produit pur d’une manière repro389 -
Retour au menu
ductible et avec un rendement convenable,
aussi nous décrirons seulement cette méthode.
Nous avons préparé
des mélanges différents
SIlO
correspondant
à un rapport r =
AsîOn
variable et croissant.
PREPARATION
DE L’ARSENIATE
STANNEUX
PAR ACTION
DE L’ACIDE
ARSENIQUE
SUR LE CHLORURE
STANNEUX
Produits
-
Les préparations ont été faites à la température du laboratoire dans des Erlenmeyer bouchés afin d’empêcher les précipités de s’oxyder
à l’air. Les mélanges sont fréquemment
agités
et laissés en contact pendant 24 heures avant
de procéder au lavage et au séchage.
utilisés
SnCl,, 2Hz0
R.P.;
HC1 R.P. md= 1,19;
HNOa R.P. d = 1,35.
Acide arsénique
(préparé
Dans la pratique, nous avons utilisé des
solutions H3As04 contenant 250 g As20j/litre
et de SnCla à 202 g de SnO/litre. Le pH des
liqueurs mères est inférieur à 0,5.
par nous-mêmes).
Le commerce livre en effet, sous le nom
d’acide arsénique, un produit pulvérulent blanc
qui n’est autre que de l’anhydride
arsénique
plus ou moins hydraté et parfois souillé d’impuretés (Fe, Pb) aussi il nous a paru plus
prudent de le préparer
nous-mêmes.
Nous
avons opéré de la façon suivante :
Dans un ballon à col rodé, surmonté d’un
réfrigérant
ascendant,
on introduit
600 g
AsaO, R.P. pour analyse puis, 1.200 g HNOJ
R.P. On chauffe à reflux pendant environ
6 heures jusqu’à obtention d’un liquide incolore
et sirupeux. Verser le contenu du ballon dans
une capsule et évaporer au bain-marie jusqu’à
l’obtention d’un produit blanc et pulvérulent.
L’acide arsénique ainsi obtenu est pratiquement exempt de toutes impuretés.
Mode opératoire
Nous
HaAs04
nous sommes
basés SUI la réaction:
+
SnHAsOl
SnCl,
=
+
2 HCl.
On verse des solutions de titres connus de
SnC12 dans l’acide HC1 N, dans des solutions
d’acide arsénique de titre également connu.
On obtient des précipités blancs, abondants
qui se forment rapidement. Pour une température ~déterminée du milieu, l’aspect physique et
la composition du précipité ainsi obtenu varient
suivant la proportion des deux réactifs utilisés.
Nous avons étudié systématiquement
la formation et la composition de ces précipités afin
de rechercher l’existence d’orto-arséniates
stanneux bien définis dans les zones où les rapports
des mélanges initiaux se rapprochent
de plus
en plus des rapports
théoriques.
-
Les phases solides obtenues sont filtrées sur
Büchner et lavées d’abord abondamment avec
une solution légèrement ,chlorhydrique
(1 p,
100) pour empêcher l’excès d’étain dans la
solution de s’hydrolyser,
puis à l’eau distillée
jusqu’à élimination complète de l’excès des
constituants,
ce qui est vérifié pas l’action de
AgNOa SU~ les eaux de lavage (absence de
formation de chlorure et d’arséniate d’argent).
Après séchage, jusqu’à poids constant à la
température du laboratoire, la composition du
précipité est déterminée par les méthodes analytiques que nous avons précédemment décrites.
Les
résultats
des rapports
analytiques
et la
expérimentaux
1’ =
variation
sno
AszOs
sont rapportés
dans le tableau III. Chaque
résultat donné est la moyenne de trois valeurs
correspondant
à 9 analyses pour l’étude de
chaqne précipité (3 dosages pour l’arsenic,
3 dosages pour l’étain stanneux et 3 dosages
pour l’étain total).
SIIO
L’étude de la variation des rapports
As~05
nous permet de démontrer l’exi~stence d’arséniate monoacide stanneux et non d’arséniates
diacides ou neutres. En particulier,
la valeur
des rapports 7, 8, 9, 10 indique que la formule
du co~mposé obtenu est :
SnHAsOa,
% Hz0
Le déficit en étain stanneux peut permettre
de penser que. ce produit contient une petite
quantité d’arséniate
stannique formé transitoirement
sous l’action de l’oxygène atmosphérique.
390 -
Retour au menu
PROPRIETES
DE L’ARSENIATE
STANNEUX
stanneux diminue et il y a parallèlement une
augmentation de l’étain stannique. Dans ces
conditions, on observe également un très léger
brunissement
du produit, ce qui correspond
probablement
à une libération d’arsenic.
L’arséniate
stanneux que nous â”O”S préparé SnHAs04, y2 Hz0 se présente sous forme
de poudre fine, blanche et amorphe, insoluble
dans l’eau et dans les acides nitrique et sulfurique dilués, mais soluble dans l’acide chlorhydrique et dans l’acide sulfurique concentré
et chaud. Il est très soluble dans l’ammoniaque,
la soude et la potasse.
Une
solution
chlorhydrique
d’arséniate
d’étain présente les diverses réactions de As V
et Su II. Elle donne un précipité jaune de
sulfure d’arsenic par action de l’hydrogène
sulfuré. Le filtrat débarrassé de l’excès Hzs,
donne les réactions de l’étain II.
Action
de Pair et de la lumière
Laissé au contact de l’air et de la lumière.
à la température
du laboratoire
(18“ à 22”)~
le produit s’oxyde lentement; la quantité d’étain
-
La diminution du titre en Sn II a été mise
en évidence par les analyses effectuées sur
des échantillons exposés dans les conditions
que nous venons de décrire (tableaux IV et V).
Cependant, il convient de préciser que si l’étain
stanneux baisse sensiblement
avec le temps,
l’étain total, par contre, ne varie pas. Ceci
indique en outre que l’arséniate d’étain n’a pas
tendance à s’hydrater, fait d’ailleurs corroboré
par la pesée des échantillons.
L’influence
de la lumière est relativement
faible bien que non négkeable
(tableau V).
Ces résultats indiauent au’il est nécessaire
de conserver
le produit
dans des flacons
hermétiquement
clos et de préférence colorés.
Nous avons eu l’occasion d’examiner un échan-
391 -
Retour au menu
tillon d’arséniate Gétain conservé 2 ans en
Afrique, en flacon hermétiquement
clos (*),
La teneur en étain stanneux exprimée en sno
était de 43,OS p. 100, donc un peu inférieure
à celle mesurée après abandon à l’air du produit
pendant 6 jours (voir tableau N).
Action
Porté à la température de 100” pendant
5 heures, l’arséniate d’étain devient anhydre.
Lorsqu’on soumet le produit à l’action de la
chaleur prolongée, il s’oxyde rapidement en
libérant une quantité importante d’arsenic. Il
prend alors une coloration brune.
Il est cependant difficile de tirer des conclusions de ces essais en ce qui concerne la
fixation de délai de péremption pour le produit.
En effet, jusqu’à ‘présent, aucune observation
n’a pu être recueillie quant à l’activité et la
toxicité d’un arséniate stanneux plus ou moins
oxydé. Néanmoins, il est important de souligner
que les composés de l’étain II semblent plus
actifs sur les C&odes que ceux de l’étain N (7,
15, 17). Il est donc souhaitable que les conditions de conservation soient strictement respectées, en particulier
si l’on considère
que
l’action de la chaleur et la lumière accélère le
processus d’oxydation.
Il ne présente pas de point de fusion caractéristique.
Action de l’eau
Comme la plupart des arséniatesmétalliques,
l’arséniate d’étain est insoluble dans l’eau.
Cependant, il est bien connu que les arséniates
les plus insolubles libèrent par hydrolyse une
petite quantité d’arsenic dite arsenic « soluble 8.
(*) Le flacon a été ouvert par trois fois pour
effectuer desprélèvements.
-
de la chaleur
La détermination de cet arsenic « soluble »
présente un grand intérêt car elle est directement en rapport avec la toxicité de l’arséniate.
Il est donc à prévoir que l’arséniate d’étain
puisse s’hydrolyser en solution aqueuse avec
formation d’hydroxyde d’étain insoluble et
libération d’acide arsénique soluble, réaction
392 -
Retour au menu
OtTERMINATION
présentant de gros inconv&dents
que thérapeutique.
DE L'PRSENIC
SOLUBLE
dans la prati-
DPINS L'EAU
EN FONCTION
DU PH
avec HC1 ou NaOH (*). Le bécher est ensuite
placé pendant une heure à l’étuve à 370 et la
suspension soumise à une agitation constante
pendant tout ce temps. Après un repos de
10 mn, on filtre et l’arsenic est dosé dans le
filtrat par la méthode spectrophotométrique de
CRISTAU (8).
Cette hypothèse. a reçu sa confirmation
I<toxicologique I> lors des premiers essais effectués par le docteur GRABER.
L’arséniate
d’étain administré au mouton, en suspension
dans l’eau (technique couramment utilisée pour
l’administration
de lkséniate
de plomb) provoqua des intoxications
arsénicales caractéristiques.
RéSUltstS
Ils sont indiqués dans le tableau VI et le
graphique. Ces résultats montrent clairement
Nous avons étudié les variations de concentration
en arsenic
e soluble u relatives
à
l’arséniate
d’étain en fonction
du pH; les
résultats ont été confrontés
à ceux obtenus
dans les mêmes conditions avec l’arséniate de
plomb.
Compte tenu de l’usage en médecine vétérinaire de ces produits, nous WOIIS utilisé une
mkhode
qui, sans prétendre reproduire
une
digestion in vitro, se rapprocherait beaucoup
plus des conditions physiologiques que celle
habituellement utilisée pour déterminer l’arsenic
(( soluble )) des insecticides agricoles.
Mode opératoire
Un excès SnHAs.04 ou PbHAs04 est délayé
dans un bécher avec 50 ml d’eau distillée dont
le pH a été préalablement ajusté a” pH mètre
-
393
(*) Nous n’avons pas utilisé de solutions tampon
de façon à nous placer dans des conditions aussi
proches que possible de l’administration
pratique du
produit dêns des eaux naturelles.
-
Retour au menu
que I’arséniate stanneux se comporte comme
les autres sels d’étain; il est hydrolysé fortement
pour les pH voisins de la neutralité, en libérant
de l’acide arsénique toxique, à l’origine des
constatations
du Docteur GRABER,
relatives
à l’administration
aux animaux, de la substance
en suspension dans l’eau.
L’arséniate de plomb au contraire, est très
peu soluble aux pH voisins de la neutralité;
l’on conçoit, dès lors, qu’il soit bien toléré
après être administré en suspension aqueuse.
Sur le plan toxicologique,
entraînent une conséquence
ces observations
pratique impor-
tante : l’arséniate d’étain doit être administré
en capsules ou en ,tablettes et son ingestion
chez l’animal doit être de préférence précédée
et suivie d’une diète hydrique.
REMERCIEMENTS
Nous tenons tout particulièrement
à adresses
nos vifs remerciements
à M. le Docteur
GRABER
qui, par la vaste expérimentation
pharmacologique
qu’il a effectuée au Tchad
avec l’arséniate d’étain, a permis la mise an
point du produit.
of veterinary aotbelminlic tin amenate
If many studies, several of which were published in this review bave
shown that starmous arsenate is a very goad anthelmintic, on the ather
ha’nd very lit& information has been published up to now conceming
the metbodr of preparatian and analysis of this product. In order to fil1
this gap we offer detailed cbemical studies of stannous arsenate. In
particular we suggest very simple methods for the dosage of tin mixed
with arsenicand conversly the adaptation of these to the analysisof
stannous arsenate enabled us to observe and define the conditions under
which this compound is fonned. The formula of tbis compound is tbat
of monoacid stannous arsenate SnHAsOo, 1/2 H,O thc chemical propertles of stannous arsenate are governed by two essential properties :
1. Stannous amenate is slowly oxided by air and light; tbis nidation
is
accelerated by temperature.
2. Stannous arsenate is hydralysed when in aquous solution and e cmits s
as fairly important amount of arsenic dissolving for pH close ta
neutrality (between 6 and 8).
These two observations make it necessary first to stock the product
in coloured and air-@ht bottles and second to prescribe it without water,
in tablets or in pills, since the absorption witb water would product
arsenical intoxicatio’n.
REsuMEN
Si numerasos trabajos de 10s cuales muchos salieron en esta revista
han mostrada que el arseniato de estaüo era un excelente antihelmintico,
en cambio muy escasa informaci6n ha sido publicado hasta hoy par 10
que se refiere a 10smétodosde preparacibny a.n&is de esteproducto.
Con cl objeto de calmar esta lapuna, 10s autores hacen un estudio quimiu,
detallado del arseniato de estado. Seüalan en particular métodos muy
sencillos de dosificaci6n del estafio en presencia de arsénico y recfprocamente. La aplicaci6n de estas métados a.1 anGis
del arseniato dc
esGo permiti6 después estudiar y definir las c&diciones de formaci6n
de este compuesto. La f6rmula del producto obtenido es la del arseniato
mono&ido
estadoso SnHAsO,, 1/2 H,O.
Las propiedades quimicas del arseniato de esttio est& dominadas
par dos propiedades fundamentales :
1. El arseniato de esta.& se aida lentamente a1 aire y a la luz; esta
oxidaci6n es acelerada par la temperatura.
-
394 -
Retour au menu
2. El aneniato de esta se hidroliza en soluci6n acuasa liberanda cantidades relativamente importames de arsénico soluble con pH vecinos de
la neutralidad (entre 6 y 8).
Estas dos observaciones tienen como cansecuencia la necesidad par
una parte, de conservar el producto en un frasco coloreado y hermética&nte cerrado, par otro parte, de admmistrarlo
xen secoa en tabletas
o comprimidos, la ingestion en suspension en el agua Ilevando a una
intooxicaci6n’ arsenical.
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2002PA066338_1
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Numerical methods for hyperbolic equations of Saint-Venant type. Chiara Simeoni
To cite this version: Chiara Simeoni. Numerical methods for hyperbolic equations of Saint-Venant type.. Modeling and Simulation. Université Pierre et Marie Curie Paris VI, 2002. English. NNT :. tel-00922706 HAL Id: tel-00922706 https://theses.hal.science/tel-00922706 Submitted on 29 Dec 2013
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THÈSE de DOCTORAT de l’UNIVERSITÉ PARIS VI
Spécialité : MATHÉMATIQUES présentée par Mlle CHIARA SIMEONI pour obtenir le grade de DOCTEUR
de
l’UNIVERSITÉ
PARIS VI
Sujet
de
la thèse :
MÉTHO
DES
NUMÉRIQUES POUR DES ÉQUATIONS HYPERBOLIQUES DE TYPE SAINT-VENANT soutenu
e
le 7
Novembre 2002 devant le jury composé de : M. François Bouchut Mme
Marie-Odile Bristeau M. Bruno Despres M. Thierry Gallouët M. Pierangelo Marcati M. Benoı̂t Perthame M. Giovanni Russo Examinateur Examinateur Examinateur Rapporteur Examinateur Directeur de thèse Rapporteur 2 3
Résumé
L’objet de cette thèse est de contribuer à l’étude numérique des lois de conservation hyperboliques avec termes sources, ce qui est motivé par les applications aux équations de Saint-Venant pour les eaux peu profondes. La première partie traite des questions habituelles de l’analyse des approximations numériques des lois de conservation scalaires. On se concentre sur des schémas aux volumes finis semi-discrets, dans le cas général d’un maillage non-uniforme. Pour définir des discrétisations appropriées du terme source, on introduit le formalisme spécifique de la méthode ”Upwind Interface Source” et on établit des conditions sur les fonctions numériques telles que le solveur discret préserve les solutions stationnaires. Une définition rigoureuse de consistance est ensuite formulée, adaptée aux ”schémas équilibres”, pour laquelle on est capable de prouver un théorème de convergence faible de type Lax-Wendroff. La méthode considérée dans un premier temps est essentiellement d’ordre un en espace. Pour améliorer la précision, on développe des approches à haute résolution pour la méthode ”Upwind Interface Source” et on montre que celles-ci sont un moyen efficace de dériver des schémas d’ordre plus élevé avec des propriétés convenables. On prouve une estimation d’erreur dans Lp, 1 ≤ p < +∞, qui est un résultat optimal dans le cas d’un maillage uniforme. On conclut alors que les mêmes taux de convergence O(h) et O(h2 ) que pour les systèmes homogènes correspondants sont valables. La deuxième partie présente un schéma numérique pour approcher les équations de Saint-Venant, avec un terme source géométrique, qui vérifie les propriétés théoriques suivantes : il préserve les états stationnaires de l’eau au repos, vérifie une inégalité d’entropie discrète, préserve la positivité de la hauteur de l’eau et reste stable avec des profiles du fond discontinus. Cela est obtenu grce à une approche cinétique au système ; dans ce contexte, on utilise une description formelle du comportement microscopique du système pour défini r les flux numériques aux interfaces d’un maillage nonstructuré. On utilise aussi le concept de variables conservatives centrées (typique de la méthode des volumes finis) et des termes sources décentrés aux interfaces. Finalement, on présente des simulations numériques du système des équations de Saint-Venant modifiées pour prendre en compte le frottement et la viscosité, afin de retrouver les résultats de certaines études expérimentales. Une application à la modélisation des termes de frottement pour les avalanches de neige est discutée dans l’Appendice. 4
Abstract
The purpose of this dissertation is to contribute to the numerical study of hyperbolic conservation laws with source terms, motivated by the application to the Saint-Venant equations for shallow waters. The first part deals with usual questions in the analysis of numerical approximations for scalar conservation laws. We focus on semi-discrete finite volume schemes, in the general case of a nonuniform spatial mesh. To define appropriate discretizations of the source term, we introduce the formalism peculiar to the Upwind Interface Source method and we establish conditions on the numerical functions so that the discrete solver preserves the stationary solutions. Then we formulate a rigorous definition of consistency, adapted to well-balanced schemes, for which we are able to prove a Lax-Wendroff type convergence theorem. The method first considered is essentially first order. To improve accuracy, we develop high resolution approaches for the Upwind Interface Source method and we show that these are efficient ways to derive higher order schemes with suitable properties. We prove an error estimate in Lp, 1 ≤ p < +∞, which is an optimal result in the case of a uniform mesh. We thus conclude that the same convergence rates O(h) and O(h2 ) hold as for the corresponding homogeneous systems. The second part presents a numerical scheme to compute Saint-Venant equations, with a geometrical source term, which satisfies the following theoretical properties : it preserves the steady states of still water, it satisfies a discrete entropy inequality, it preserves the non-negativity of the height of water and remains stable with a discontinuous bottom. This is achieved by means of a kinetic approach to the system ; in this context, we use a natural description of the microscopic behaviour of the system to define numerical fluxes at the interfaces of an unstructured mesh. We also use the concept of cell-centered conservative quantities (typical of the finite volume method) and upwind interfacial sources. Finally, we present some numerical simulations of the Saint-Venant system modified by including small friction and viscosity, in order to recover the results of experimental studies. An application to the numerical modelling of friction terms for debris avalanches is proposed in the Appendix.
Table des Matières Introduction
1 Présentation du problème.................... 1.1 Les lois de conservation hyperboliques avec terme source géométrique........................ 1.2 Le système des équations de Saint-Venant....... 1.3 La question numérique des solutions stationnaires... 2
L’approche numérique......
................ 2.1 La méthode ”Upwind Interface Source” pour les termes sources.................
.......... 2.2 L’extension aux discrétisations d’ordre deux...... 2.3 Les résultats de convergence............... 3 La méthode cinétique.......................
3.1 Interprétation cinétique du système de Saint-Venant.. 3.2 La formulation générale du schéma cinétique...... 3.3 Le schéma cinétique pour la méthode ”Upwind Interface Source”........................
4 Conclusions et perspectives....................
4.1 Systèmes modifiés et comparaisons expérimentales... 4.2 Introduction à la page web................ 4.3 Une application aux écoulements granulaires......
Bibliographie..............................
14 14 15 16 17 17 19 21 22 22
23 24 26
26 27 27 29
1 La méthode ”Upwind Interface Source” pour les lois de conservation hyperboliques
1 Convergence
of
the Upwind Interface Source method
for perbolic conservation
laws
1 Introduction.......................... 2 Upwind Interface Source method.............. 3 Well-balanced schemes
.................... 4
Consistency..........
................ 5
hy.
37 38 40 43 47 6
5 A Lax-Wendroff type convergence theorem........... 48
6
Conclusion
.............
................ 54 References................
................
56
2 First and second order error estimates for the Upwind Interface Source method
1 Introduction............................ 1.1 Formalism of the Upwind Interface Source method... 1.2 What is a second order scheme for the Upwind Interface Source method?................... 1.3 Convergence and error estimates............. 2 Error estimates for first order schemes............. 2.1 Stability estimate.........
............ 2.2 Consistency
estimate...................
2.3 Proof of Theorem 1.2...
................
3 Error estimate
s
for second order schemes............ 3.1 Stability estimate..................... 3.2 Consistency estimate................... 3.3 Proof of Theorem 1.3 and
The
orem 1.4......... 4 Remarks and numerical evidence
................
References................
................ 59 60 61 62 64 66 67 69 72 73 75 76 81 81 83
2 L’
approximat
ion numérique
des
équation
s de SaintVenant et applications aux études expériment
ales
3 A kinetic scheme for
the
Saint-Venant system with a term 1 Introduction........................ 2 Preliminaries about the Saint-Venant equations.... 2.1 Properties of the system............. 2.2 Kinetic approach..
............... 3 The kinetic scheme with reflections........... 3.1 The formulas................... 3.2 Properties of the numerical scheme.......
4 Numerical implementation
................ 4.1 Computation of the integrals........... 4.2 Some numerical tests............... References............................ source. 1 1.1 Présentation du problème Les lois de conservation hyperboliques avec terme source géométrique
On considère le problème aux valeurs initiales pour une loi de conservation scalaire avec un terme source, ∂u ∂A(u) + + B(x, u) = 0, t ∈ R+, x ∈ R, ∂t ∂x u(0, x) = u0 (x) ∈ Lp (R) ∩ L∞ (R), 1 ≤ p < +∞, (1.1) (1.2) avec u(t, x) ∈ R et une fonction de flux régulière A à valeurs réelles, avec a(u) = A (u) ∈ C 1 (R). (1.3) On se restreint ici aux termes sources dans l’équation (1.1) définis par B(x, u) = z (x)b(u), z ∈ Lp (R), b ∈ C 1 (R). (1.4) L’équation (1.1) admet une famille d’inégalités d’entropie, ∂S(u) ∂η(u) + + S (u)B(x, u) ≤ 0, ∂t ∂x η (u) = S (u)a(u), (1.5) pour toute paire d’une fonction d’entropie convexe S et flux d’entropie η correspondant (voir [37], [17] et [38]). Pour des hypothèses de régularité plus fortes sur le terme source, Kružkov [37] démontre existence et unicité de la solution entropique du problème (1.1)-(1.2), dans l’espace des fonctions L∞ ([0, T ); Lp (R)), pour tout T ∈ R+. Des résultats récents concernants les systèmes hyperboliques de lois de conservation avec termes sources (voir [4], par exemple) généralisent les travaux classiques [18] sur l’existence globale de solutions faibles à variation bornée (voir aussi [28] et [5]). Pour le cas délicat d’un terme source sin gulier de la forme (1.4), notamment avec une fonction z discontinue, un résultat d’unicité est prouvé dans [55], en utilisant l’approche cinétique formulée rigoureusement dans [44] et [51]. Par comparaison au problème homogène, une différence significative est observée pour les solutions stationnaires de l’équation (1.1), qui sont définies 11
1. PRÉSENTATION DU PROBLÈME
par l’équilibre entre terme source et forces internes ; en intégrant l’équation stationnaire associée à (1.1), on obtient alors la relation algébrique D (u) = D(u) + z(x) = C st, a(u). b(u) (1.6) On suppose dans la suite que la fonction D est strictement monotone, ce qui garantit l’existence d’une solution unique et lipschitzienne de l’équation (1.6). Cette dernière hypothèse apparait restrictive et n’est pas toujours satisfaite dans des situations réalistes, néanmoins elle est utilisée pour simplifier la formulation de certaines théories numériques (voir [10] et [26], par exemple).
1.2 Le système des équations de Saint-Venant
L’analyse des solutions stationnaires des lois de conservation avec terme source géométrique est motivée par leur application aux écoulements permanents dans les rivières et les canaux avec une topographie complexe. u(t,x) h(t,x) Z(x) Les équations de Saint-Venant décrivent l’écoulement monodimensionnel dans un canal rectangulaire par l’intermédiaire de la hauteur d’eau h(t, x) ≥ 0 et de sa vitesse moyenne u(t, x) ∈ R, qui vérifient le système hyperbolique ∂h ∂(hu) + = 0, ∂t ∂x ∂(hu) ∂ g + (hu2 + h2 ) + ghZ = 0, ∂t ∂x 2 (1.7) (1.8) o g est la gravité et Z(x) représente le profil longitudinal du fond du canal, donc h+Z est la cote de la surface libre et hu la quantité de mouvement. La fonction d’entropie du système ( 1.7)-(1.8) est l’énergie physique, E(h, u, Z) = h u2 g 2 + h + ghZ, 2 2 (1.9) pour laquelle on démontre (voir [17] et [54]) l’inégalité d’entropie ∂E ∂ g + [u(E + h2 )] ≤ 0. ∂t ∂x 2 (1.10) 12
INTRODUCTION La prise en compte d’une topographie variable introduit un terme source dans l’équation (1.8) sur la quantité de mouvement, qui intervient dans la définition des états stationnaires, hu = C1, (1.11) 2 u + g(h + Z) = C2, (1.12) 2 avec C1 et C2 constantes arbitraires. En particulier, l’équilibre simple d’un lac au repos est donné par u = 0, h+Z = C st. Une dérivation formelle du système (1.7)-(1.8) à partir des équations de Navier-Stokes est obtenue dans [24], sous certaines hypothèses (hauteur d’eau faible, approximation hydrostatique de la pression, homogénéité verticale des vitesses horizontales). Des questions analogues sont discutées dans [1] et [2]. Des difficultés persistent dans l’analyse du système (1.7)-(1.8), qui sont liées à sa structure mathématique complexe : la preuve de l’existence globale de solutions faibles après apparition de singularités est dans [43] ; d’autres résultats sont présentés dans [38], [46], [47], [35], [16], [48], [13], [3] et [22].
1.3 La question numérique des solutions stationnaires
La présence du terme source dans l’équation (1.1) influence ses propriétés analytiques, par conséquent une approximation correcte de celui-ci apparait comme un point crucial de l’approche numérique du problème (1.1)-(1.2), en particulier pour préserver les solutions stationnaires au niveau discret. Des nombreux travaux sur le sujet ont déjà été conduits, dans le cas des équations scalaires comme pour le système de Saint-Venant, initialement avec des objectifs différents (voir [11], [14], [25] et [39], par exemple). Schéma de Godu
nov implicit 1.8 1.6 1.4 1.2 1 0.8 0.6 0.4 0.2 0 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 1.2 1.4 1.6 1.8 2
La plupart des méthodes proposées se basent sur des schémas classiques pour les lois de conservation hyperboliques, avec un traitement spécifique du 13 2. L’APPROCHE NUMÉRIQUE terme source, ce qui assure une résolution précise des problèmes d’évolution mais se révèle quelquefois insuffisant pour préserver des états stationnaires : l’équilibre simple d’un lac au repos sur une topographie régulière n’est pas bien approché par des schémas centrés standards (même si les perturbations tendent à disparaı̂tre avec une diminution du pas d’espace, voir [57]).
Schéma cinétique standard
1.8 1.6 1.4 1.2 1 0.8 0.6 0.4 0.2 0 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 1.2 1.4 1.6 1.8 2
Une formulation générale du problème des solutions stationnaires pour la méthode des volumes finis est examinée dans le Chapitre 1, o des définitions rigoureuses sont introduites et confirmées par les résultats correspondants. Des approches différentes de cette question ont également été développées dans la littérature, qui conduisent à la construction de schémas numériques adaptés et avec les propriétés requises de conservation des états stationnaires. On se réfère notamment à la méthode des éléments finis, appliquée aux schémas de relaxation (voir [34], [33] et [19]), ainsi qu’aux ”schémas centraux” (voir [45], [52] et [49]), qui sont utilisés pour les applications au cas de termes sources singuliers (voir [41], [15] et [53], par exemple). D’autres techniques sont basées sur les maillages adaptatifs (voir [8], [12] et [7]) et des questions diverses liées à l’analyse numérique du système des équations de Saint-Venant (1.7)-(1.8) sont considérées (voir [6], par exemple). 2 2.1 L’approche numérique La méthode ”Upwind Interface Source” pour les termes sources
La théorie numérique générale présentée dans la première partie de cette thèse utilise la notation classique de la méthode des volumes finis, pour caractériser les structures fondamentales des schémas numériques analysés. 14 INTRODUCTION On pose un maillage non-uniforme sur R, composé de mailles Ci = [xi− 1, xi+ 1 ), 2 2 de centre xi, i ∈ Z et longueur ∆xi, donc les points xi+ 1 sont des interfaces. 2 zi zi+1 xi−1 xi xi− 1 2 xi+1 xi+ 1 ✲ 2 On considère une approximation, constante par maille, de la fonction z dans 1 z(x) dx par exemple, le terme source (1.4), avec des coefficients zi = ∆x Ci i et on remarque que la dérivée de cette fonction discrète est donnée par les différences des valeurs aux interfaces, (2.1) z∆ (x) = zi 1Ci (x), z∆ (x) = ∆zi+ 1 δi+ 1, 2 i∈Z 2 i∈Z o δi+ 1 indique la fonction de Dirac du point xi+ 1 et ∆zi+ 1 = zi+1 − zi. 2
2
2 La méthode des volumes finis, dans le cas semi-discret en espace, commence par une intégration de l’équation (1.1) sur chaque maille, pour obtenir d B(x, u(t, x)) dx = 0, ∆xi ui (t) + A(u(
t
,
xi+ 1
)) − A(u(t, xi− 1
)) + 2 2 dt Ci 1
u(t,
x) dx
la moyenne par maille de la solution analytique
. avec ui (t) = ∆x Ci
i
Un schéma volumes finis pour le
problème
(
1.1
)-
(
1.2) est une approximation de la relation précédente, sous la forme générale présentée dans le Chapitre 1. S’agissant de lois de conservation hyperboliques, les flux numériques sont définis aux interfaces et la condition habituelle de consistance est imposée, pour retrouver les résultats théoriques du cas homogène (voir [36]). La question de la discrétisation du terme source est loin d’être accessoire et un traitement inapproprié produit des résultats insatisfaisants, notamment pour la conservation des solutions stationnaires. Une approche efficace et adaptée au terme source géometrique (1.4) est basée sur des approximations aux interfaces et décentrées, qui apparaissent comme les seules compatibles avec la méthode des volumes finis. En effet, on déduit directement de (2.1) les relations suivantes,
z (x) b(u(t, x)) dx ≈ z∆ (x) b(u(t, x)) dx (2.2) Ci Ci 1 1 ≈ ∆zi− 1 b(u(t, xi− 1 )) + ∆zi+ 1 b(u(t, xi+ 1 )) 2 2 2 2 2 2 1 1 ≈ ∆zi− 1 B(ui−1, ui ) + ∆zi+ 1 B(ui, ui+1 ), 2 2 2 2 15
2. L’APPROCHE NUMÉRIQUE
avec B(u, u) = b(u) la condition de consistance conséquente à cette formulation, qui est généralisée rigoureusement par les définitions du Chapitre 1. Dans les dernières années, la méthode Upwind Interface Source pour les lois de conservation hyperboliques avec terme source a pris un certain essor, en particulier pour son application au problème des états stationnaires du système de Saint-Venant (1.7)-(1.8), et jusqu’aux situations complexes des équations en deux dimensions d’espace (voir la bibliographie du Chapitre 1 et du Chapitre 3, aussi que [40], [23], [56], [32], [9] et [31], par exemple).
2.2 L’extension aux discrétisations d’ordre deux
La méthode décrite précédemment est essentiellement d’ ordre un en espace, sans autres hypothèses sur les fonctions numériques que la simple consistance. Une technique classique pour construire des schémas d’ordre deux consiste à remplacer l’approximation constante par maille des fonctions numériques avec des approximations linéaires, par exemple, qui fournissent des valeurs plus précises aux interfaces (se reporter au Chapitre 2 pour les détails).
+ zi−1 − z i + − ✥✥ z i zi+1 ✥✥✥ ✥ ✥ ✥ xi−1 xi xi+1 xi− 1 xi+ 1 2 ✲ 2
La dérivée de l’approximation linéaire par maille de la fonction z dans (1.4) est alors définie par une partie centrée et les contributions aux interfaces, (2.3) z∆ (x) = zi 1(xi− 1, xi+ 1 ) (x) + ∆2 zi+ 1 δi+ 1, i∈Z 2 2 2 2 i∈Z avec zi une valeur numérique pour la dérivée constante par maille, calculée − en utilisant un opérateur discret spécifique, et dans ce cas ∆2 zi+ 1 = zi+1 − zi+. 2 Un procédé analogue à (2.2) conduit, pour (2.3), à la relation z (x) b(u(t, x)) dx Ci 1 1 ≈ zi
b(u(t, x)) dx + ∆2 zi− 1 b(u(t, xi− 1 )) + ∆2 zi+ 1 b(u(t, xi+ 1 )) 2 2 2 2 2 2 Ci 1 2 1 − + − ≈ zi ∆xi B(ui ) + ∆2 zi− 1 B(u+ i−1, ui ) + ∆ zi+ 12 B(ui, ui+1 ), 2 2 2 16
INTRODUCTION 1 o B(ui ) ≈ ∆x b(u(t, x)) dx et les valeurs aux interfaces de la reconstruction Ci i linéaire par maille de la solution numérique interviennent dans les termes décentrés de l’approximation précédente. Quoique la question de préserver les états stationnaires au niveau discret ne soit traitée rigoureusement que pour des discrétisations d’ordre un (voir la théorie dans le Chapitre 1), les résultats numériques obtenus pour le système de Saint-Venant indiquent que l’extension d’ordre deux du schéma cinétique proposé dans le Chapitre 3 reproduit précisement l’équilibre d’un lac au repos (se reporter au Chapitre 4 pour plus de détails). Pour construire des extensions d’ordre deux de la méthode ”Upwind Interface Source”, une alternative à l’approche que l’on vient d’illustrer consiste à formuler des critères de consistance plus restrictifs sur les discrétisations décentrées aux interfaces du type (2.2). Cette idée est suggérée par la forme du terme source géométrique (1.4), donné par le produit de fonctions avec un ordre de régularité différent. On utilise alors l’approximation constante par maille (2.1) de la fonction z et une reconstruction linéaire par maille de la solution numérique.
+ ui−1 xi−1 u− i u + − ✥✥ i u i+1 ✥✥✥ ✥ ✥✥ xi xi− 1 2 xi+1 xi+ 1 ✲ 2 Par conséquent, les fonctions numériques de la discrétisation (2.2) sont dans
le cas présent
calculées
sur des
nouvelles valeurs aux interface
s, 1 1 z (x) b(u(t, x)) dx ≈ ∆zi− 1 b(u(t, xi− 1 )) + ∆zi+ 1 b(u(t, xi+ 1 )) 2 2 2 2 2 2 Ci 1 1 − + − ≈ ∆zi− 1 B(u+ i−1, ui ) + ∆zi+ 21 B(ui, ui+1 ). 2 2 2
La généralisation formelle de la relation précédente s’écrit − − − + z (x) b(u(t, x)) dx ≈ B + (u+ i−1, ui,
∆
zi− 1 ) + B (ui, ui+1,
∆
zi+ 1 ), 2 Ci 2 pour laquelle on considère la définition de consistance d’ordre deux suivante,
lim ∆z → 0 B + (u, u, ∆z) + B − (u, u, ∆z) = b(u) + O(|∆z|2 ). ∆z 17
2. L’APPROCHE NUMÉRIQUE
La théorie des approximations numériques d’ordre deux admet une formulation univoque, puisqu’on peut passer de l’une à l’autre des discrétisations d’ordre deux décrites précédemment par un simple calcul algébrique sur les quantités utilisées.
2.3 Les résultats de convergence
La question d’énoncer des critères de consistance appropriés pour les approximations numériques adoptées revêt une importance particulière dans la démonstration des théorèmes de convergence. Dans le cas d’un maillage non-uniforme, vérifiant la condition géométrique de non-dégénérescence suivante, ∃ α, β > 0 / α∆xi+1 ≤ ∆xi ≤ β∆xi+1, ∀i ∈ Z, (2.4) une extension du théorème de Lax-Wendroff est présentée dans le Chapitre 1, pour les lois de conservation hyperboliques avec terme source (1.4). Sous la seule hypothèse de consistance sur la discrétisation considérée, on prouve la convergence dans l’espace D (R+ ×R) de la suite approchée obtenue à partir du schéma numérique vers une solution faible du problème (1.1)-(1.2). Cependant, dériver des estimations d’erreur et en déduire la convergence forte dans un espace Lp (R), 1 ≤ p < +∞, reste difficile même dans la situation d’un maillage bien construit mais toujours non-uniforme. On peut d’ailleurs démontrer par un contre-exemple qu’un tel résultat est faux pour la méthode (2.2), si la discrétisation associée ne prend pas en compte explicitement les variations de la taille des mailles. Un modèle extrêmement simple de problème (1.1)-(1.2) est donné par ∂u = z (x), ∂t u(0, x) = u0 (x), (2.5) pour lequel une intégration du terme source suivant la méthode des volumes finis conduit à la discrétisation (2.2), pour l’approximation 1 1 zi + zi+1 zi−1 + zi z (x) dx ≈ −.
∆xi Ci ∆xi 2 2
D’après un développement asymptotique des moyennes par maille dans la rélation précédente, utilisant aussi l’hypothèse (2.4), on obtient 1 1 (zi+1 − zi−1 ) ≈ z (xi ) (xi+1 − xi−1 ) + O(∆xi ), 2∆xi 2∆xi avec |xi+1 − xi−1 | = ∆xi +
∆
xi−1 2 +
∆
xi+1. 2 Il parait alors évident que cette 18 INTRODUCTION approximation converge vers la valeur z (xi ) souhaitée uniquement quand on se restreint au cas d’un maillage uniforme, ∆xi = ∆x, ∀i ∈ Z. Les estimations d’erreur pour la méthode ”Upwind Interface Source” sont détaillées dans le Chapitre 2, dans le cas d’un maillage uniforme, pour le schéma numérique d’ordre un et pour ses extensions d’ordre deux. Pour les discrétisations d’ordre deux, certaines hypothèses de régularité sur les coefficients des dérivées discrètes dans la formulation (2.3) sont nécéssaires afin de garantir l’ordre de convergence attendu. Cela est confirmé par différents calculs numériques menés autour de l’équation (2.5). La stabilité des méthodes considérées est, par contre, relativement simple à prouver même pour un maillage non-uniforme de la forme (2.4) en utilisant les arguments du Chapitre 2.
3 3.1 La méthode cinétique Interprétation cinétique du système de Saint-Venant Par analogie avec les équations d
Euler compressibles de la dynamique des gaz, on peut établir un lien mathématique entre les équations de la mécanique des fluides et la description microscopique du système de particules associé. On considère une fonction χ à valeurs réelles, définie sur R, qui vérifie g χ(ω) = χ(−ω) ≥ 0, χ(ω) dω = 1, ω 2 χ(ω) dω =. (3.1) 2 R R On introduit une densité de particules dans l’espace des phases, présentes au temps t ≥ 0 à la position x ∈ R et ayant une vitesse ξ ∈ R, définie par ξ − u(t, x) f (t, x, ξ) = h(t, x) χ. (3.2) h(t, x) D’après la définition (3.2) et les propriétés (3.1), on déduit les égalités hu = ξf (t, x, ξ) dξ, h = f (t, x, ξ) dξ, R R (3.3) g 2 2 2 hu + h = ξ f (t, x, ξ) dξ. 2 R Le système de Saint-Venant (1.7)-(1.8) est obtenu comme limite formelle de l’équation cinétique suivante pour la densité microscopique (3.2), ∂f ∂f ∂f +ξ − gZ = Q(t, x, ξ), ∂t ∂x ∂ξ (3.4) 19 3.
LA MÉTHODE CINÉTIQUE
avec Q(t, x, ξ) un ”terme de collision” qui vérifie Q dξ = 0, ξQ dξ = 0. R (3.5) R En intégrant l’équation (3.4) par rapport à ξ ∈ R, simplement ou multipliée par ξ, on retrouve les équations du système et l’énergie (1.9) s’écrit 2 π2g2 3 ξ
f
(
t
,
x
,
ξ)
+
f (t
,
x, ξ) + gZf (t, x, ξ) dξ. (3.6) E(h, u, Z) = 2 6 R
On remarque que, en l’absence de terme source externe, le modèle cinétique (3.4)-(3.5) est analogue à l’équation de Boltzmann de la théorie cinétique des gaz, pour laquelle les notations utilisées dans cette partie ont d’abord été introduites (se reporter à [27], par exemple). 3.2 La formulation générale du schéma cinétique
La démarche que l’on vient de présenter permet de construire une classe de schémas numériques, appelés ”schémas cinétiques”, particulièrement adaptés aux équations de la mécanique des fluides, compatibles avec la méthode de volumes finis et qui assurent la conservation au niveau discret des propriétés naturelles du système continu (voir [50] pour la théorie générale). On applique à l’équation (3.4) une méthode de différences finies en temps, avec tn = n∆t, n ∈ N, et un schéma décentré classique en espace, avec le terme source pris en compte directement dans la définition des flux numériques, t n,−
n
,
+ ξ fi+ 1 (ξ) − fi− fin+1 (ξ) − fin (ξ) + (ξ) = 0. (3.7) 1 2 2 ∆xi
L’intégration par rapport à ξ ∈ R de l’équation précédente fournit un schéma pour les quantités macroscopiques associées à (3.3), définies par (3.8) Uin = (hni, (hu)ni ), hni = fin (ξ) dξ, (hu)ni = ξfin (ξ) dξ, R R qui se présente sous la forme Uin+1 − Uin + ∆t n,− Ai+ 1 − An,+ = 0, 1 i− 2 2 ∆xi o les flux numériques sont donnés par les formules cinétiques 1 n,− ξ = fi+ An,− 1 (ξ) dξ, i+ 12 ξ 2 R 1 n,+ n,+ fi− Ai− 1 = ξ 1 (ξ) dξ. ξ 2 2 R (3.9) (3.10) (3.11) 20
INTRODUCTION En toute rigueur, il faudrait remarquer que l’équation (3.7) est employée improprement pour représenter la discrétisation de l’équation cinétique (3.4), puisque le rôle du terme Q n’apparait qu’implicitement dans le procédé numérique. En effet, la présence de collisions introduit dans le cas général une discontinuité en temps sur la densité miscroscopique, ce qui devrait affecter la valeur fin+1 calculée par le schéma numérique. Cependant la définition de la densité discrète, correspondant à la formule (3.2), n ξ − u fin (ξ) = hni χ ni, (3.12) hi et les propriétés (3.1) de la fonction χ garantissent que les variables macroscopiques (3.8) restent continues en temps. On obtient donc un schéma (3.9) valable pour la résolution numérique du système de Saint-Venant (1.7)-(1.8). Les flux cinétiques dans les intégrales de (3.10) et (3.11) peuvent être reécrits sous la forme suivante, n, ± n, ± n n fi+, (3.13) fi+ 1 (ξ) − fi+ 1 (ξ) 1 (ξ) = fi+ 1 (ξ) + 2 2 2 2 tn+1 1 n avec fi+ f (t, xi+ 1, ξ) dt une approximation consistante des va1 (ξ) ≈ ∆t tn 2 2 leurs moyennes aux interfaces, et par conséquent une formulation analogue n, ± n, ± n s’étend aux flux macroscopiques correspondants Ai+ 1 = Ai+ 1 +
Ai+ 1 −Ani+ 1. 2 2 2 2
Les quantités entre parenthèses sont alors des approximations aux interfaces et décentrées du terme source, pour l’équation (3.4) et le système (1.7)-(1.8) respectivement, en accord avec la théorie exposée au
Chapitre 1. 3.3 Le schéma cinétique pour la méthode ”Upwind Interface Source”
Les propriétés du schéma (3.9) dépendent en général de l’approximation choisie pour les flux numériques (3.10)-(3.11), ainsi que du critère retenu pour sélectionner la fonction χ appropriée dans (3.2), et donc dans (3.12), parmi les nombreux choix compatibles avec les propriétés (3.1). Pour la construction du schéma cinétique ”avec réflexions” présenté dans le Chapitre 3, la définition de χ est basée sur la minimisation de la fonctionnelle d’énergie (3.6) et sur la conservation au niveau microscopique des états stationnaires (1.11)-(1.12) du système de Saint-Venant (se reporter au Chapitre 3 pour les détails). La structure des flux numériques est liée à la description physique du système microscopique et du comportement des particules en présence de la barrière 21 3. LA
MÉTH
ODE
CINÉTIQUE
de potentiel représentée par les variations de la topographie (une particule de fluide passe dans une maille voisine ou est réfléchie selon la quantité d’énergie cinétique dont elle dispose).
✞ Zi+1 ✛ 2 Zi−1 ✑ |ξ| ≤ 2g∆Zi+ 21 |ξ|2 ≥ 2g∆Zi− 12 ✛ ☎ ✓ ✲ ✆ ✑ xi−1 Zi xi xi− 1 2 xi+1 xi+ 1 ✲ 2
On montre, dans le Chapitre 3, que le schéma cinétique ”avec réflexions” vérifie au niveau discret certaines propriétés importantes des équations de Saint-Venant, notamment la positivité de la hauteur d’eau et la conservation des états stationnaires d’un lac au repos, sous une condition de CFL adaptée. De plus, la discrétisation assure l’absence d’effets dus aux termes sources dans le cas du problème homogène (l’équation (1.8) avec Z = 0), o elle s’identifie avec le schéma cinétique standard. Il faut souligner que la condition de CFL introduite dans le Chapitre 3 ne dépend pas explicitement du terme source, ce qui permet de traiter numériquement le cas de termes sources singuliers. La consistance du schéma cinétique ne peut plus s’énoncer ici comme pour les équations scalaires (voir [10]) et une définition spécifique est requise (comme indiqué dans le Chapitre 4). Enfin, une inégalité d’entropie discrète correspondant à (1.10) est démontrée. On considère l’énergie microscopique associée à l’interprétation cinétique du système de Saint-Venant dans (3.6), qui est définie par la fonctionnelle H(f ) = π2g2 3 ξ2 f+ f + gZf. 2 6 On multiplie l’équation cinétique (3.4) par H, pour obtenir la relation suivante vérifiée par les solutions faibles, ∂H ∂H ∂H +ξ − gZ ≤ 0. ∂t ∂
x
∂
ξ
Cette inégalité d’entropie au niveau microscopique a une structure analogue à l’équation cinétique (3.4) et une intégration par rapport à ξ ∈ R conduit à la formule macroscopique conservative (1.10), écrite sous la forme ∂E ∂η + ≤ 0. ∂t ∂x (3.14) 22 INTRODUCTION On identifie alors facilement les fonctions numériques qui figurent dans le schéma dérivé pour (3.14) au sens des volumes finis, n ηi+ 1 2 1 ≈ ∆t tn+1 η(f )(t, xi+ 1, ξ) dt. tn 2 Le schéma cinétique ”avec réflexions” et l’inégalité d’entropie correspondante pe uvent être interprétés par la méthode des caractéristiques relative à l’équation (3.4), en appliquant laquelle on retrouve exactement les formules données dans le Chapitre 3 pour les flux numériques cinétiques. 4 4.1 Conclusions et perspectives Systèmes modifiés et comparaisons expérimentales
Les différentes approximations effectuées pour établir formellement le système des équations de Saint-Venant (1.7)-(1.8) restreignent évidemment son champ d’applications. Néanmoins ces équations fournissent un modèle assez réaliste pour décrire les écoulements de rivières ou de canaux et rendent également compte des mouvements d’eau dans des baies peu profondes, ce qui permet notamment d’étudier les problèmes de marées. L’écoulement d’un fleuve est, sur la majeure partie de son cours (seules les zones de confluents ou les débordements nécessitent un traitement particulier), un problème pour lequel le système de Saint-Venant monodimensionel reste pertinent. Cependant, les hypothèses considérées habituellement d’écoulement irrotationnel et non-visqueux doivent être corrigées quand on s’intéresse à la simulation numérique à partir des données expérimentales. La prise en compte dans le modèle analytique de la viscosité du fluide et du frottement au fond du canal conduit alors à des systèmes modifiés capables de prévoir des comportements très divers de la surface libre (trains d’ondes, ressauts hydrauliques, déferlement). Les simulations numériques présentées au Chapitre 4 s’inscrivent dans ce contexte. En particulier, on se concentre sur le profil du fond de la rivière pour analyser le cas de perturbations de l’écoulement dues à un obstacle unique placé au fond d’un canal rectangulaire. Les données utilisées proviennent des expériences menées dans le cadre de l’ACI ”Catastrophes Naturelles : modélisation de processus hydrauliques à surface libre en présence de singularités” (Ministère de la Recherche France). Pour d’autres études expérimentales d’écoulements permanents au-dessus d’un obstacle, peut se reporter aussi à [30], ainsi qu’à [20], [21] et [29] pour des simulations numériques de situations réelles. 4. CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES 4.2 23 Introduction à la page web
Les codes Fortran et les sous-programmes correspondants pour le schéma cinétique ”avec réflexions” développé dans le Chapitre 3 sont disponibles à l’adresse Internet suivante : http ://www-rocq.inria.fr/m3n/CatNat/ Des nombreux tests numériques sont présentés, traités par le schéma d’ordre un et ses extensions d’ordre deux, avec les indications détaillées sur les procédés à suivre pour les reproduire.
4.3 Une application aux écoulements granulaires
La validité des modèles considérés au Chapitre 4 dépend de la précision dans la définition des paramètres physiques utilisés, notamment de la forme du terme de frottement. Les interactions entre les termes sources correspondant à la topographie du fond et au frottement dans le système de Saint-Venant sont particulièrement importantes pour déterminer les états stationnaires. Différentes approches pour la discrétisation des termes de frottement doivent être mises au point selon la nature spécifique de ces termes. Si cette question parait relativement simple à résoudre dans le cas d’un frottement fluide, le problème devient beaucoup plus complexe lorsqu’il s’agit de simuler des écoulements granulaires. Pour ce dernier cas, l’analyse de la dynamique microscopique du système conduit à la formulation d’un terme de frottement discontinu, difficile à traiter par des méthodes classiques. Une première solution du problème numérique des états stationnaires pour un modèle d’avalanche est proposée dans l’Appendice. La méthode est basée sur une représentation cinétique des équations de type Saint-Venant qui décrivent les phénomènes et qui sont traitées ensuite par des schémas cinétiques adaptés. Des progrès dans ce domaine devraient ouvrir un vaste champ d’applications nouvelles. 24
INTRODUCTION Bibliographie
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étude théorique des processus électroniques ayant lieu au cours de collisions atomiques et moléculaires: approches non perturbatives Hicham Agueny THÈSE DE DOCTORAT Pour l'obtention du grade de DOCTEUR DE L'UNIVERSITÉ PIERRE ET MARIE CURIE Ecole doctorale : Chimie Physique et Analytique de Paris Centre ET DE L'UNIVERSITÉ MOULAY ISMAIL Ecole doctorale : Sciences Physiques & Ingénieries Présentée par Hicham AGUENY Etude théorique des processus électroniques ayant lieu au cours de collisions atomiques et moléculaires: Approches non perturbatives Soutenue publiquement le 03/04/2014 devant un jury composé de : Khalil Driss Président
Chesnel Jean-Yves Rapporteur Cherkani-Hassani Mohammed Rapporteur Taïeb Richard Examinateur Dubois Alain Makhoute Abdelkader Co-Directeur de thèse
Si on ne
parvient pas
à résoudre un problème,
cela vient non pas du fait qu'
il est
ir
résoluble, mais de l'incapacité de l'intellect
humain à le résoud
re.
Extrait du
roman « La FORMULE de DIEU »
José Rodrigues Dos Santos
À ma mère disparue, À mon père toujours présent À mes soeurs, À mes frères Remerciements
J'aimerais tout d'abord remercier l'ensemble des membres du jury d'avoir accepté de juger cette thèse: Un grand merci aux professeurs Jean-Yves Chesnel et Mohammed Charkani-Hassani d'avoir accepté d'être les rapporteurs de ce travail. Mes remerciements vont aussi à M. Driss Khalil qui a accept d'être Président du jury. La première partie de cette thèse a été effectuée au Laboratoire de Chimie PhysiqueMatière et Rayonnement (LCPMR), Paris sous la direction de M. Alain Dubois, et la seconde au sein de l'équipe Physique du Rayonnement et des Interactions Laser-Matière (PRILM), Meknès sous la direction de M. Abdelkader Makhoute. Je tiens à remercier chaleureusement mes deux directeurs de thèse pour la haute qualité de leur encadrement et des sujets de recherche qu'ils ont choisi de me confier. Je tiens à remercier également l'ensemble des membres du laboratoire et de l'équipe qui ont croisé ma route et qui ont participé humainement à ma thèse (Alfred Maquet, Richard Taïeb et Jérémie CaillatAngela et David). Je leur adresse ma profonde gratitude. Je tiens à remercier très profondément mes parents qui m'ont tant donné et à qui je dois tout. Rien de tout ça n'aurait pu exister sans eux. 5 2 Régimes de vitesse...............................
7 3 Aspects expérimentals et
théoriques
......................
9
3.1
Contexte expérimental......................... 9 3.2 Contexte théorique. 11 2 Approche semi-classique dans les collisions ion-atome/molécule 1 2 17 Traitement du paramètre d'impact. 17 1.1 Base physique du traitement semi-classique. 17 1.2 Equation eikonale. 19 1.3 Fonctions d'onde non-perturbatives. 25 1.4 Résolution de l'équation eikonale. 26 1.5 Amplitudes de probabilité. 29 1.6 Sections efficaces intégrales. 30 Diffusion élastique et inélastique. 32 2.1 Hamiltonien et approximation asymptotique. 32 2.2 Fonctions d'onde stationnaires. 35 2.3 Fonctions d'onde asymptotiques. 36 2.4 Amplitude de diffusion. 37 2.5 Sections efficaces différentielles. 40 3 Méthodes numériques pour la résolution de l'équation de Schrödinger 45 1 2 Méthodes numériques de discrétisation spatiale. 46 3 2.1 Méthode des différences finies. 47 2.2 Méthode des réseaux de Lagrange. 53 Spectre hamiltonien. 63 3.1 4 Méthode de Lanczos. 64 Etats stationnaires (vecteurs propres). 66 4.1 Méthode d'itération inverse. 66 5 6 Description de méthodes de propagation. 68 7 6.1 Méthode de Crank-Nicolson. 69 6.2 Méthode de Second-Ordre Differenting. 70 6.3 Méthode de Split-Operator. 72 6.4 Méthode de type prédicteur-correcteur. 72 Discussion. 73 4 Processus de transfert de charge dans les collisions ion-molécule : Effets d'interférences 75 1 Introduction. 75 2 Expérience des fentes de Young. 76 3 Etat de l'art des interférences dans les collisions ion-molécule. 78 4 Mise en oeuvre. 81 5 6 ii 4.1 Méthode LCAO-MO. 81 4.2 Bases d'orbitales. 81 4.3. 85 Résultats et discussion. 86 5.1 Sections efficaces totales. 87 5.2 Sections efficaces différentielles en angle d'orientation de la molécule 89 5.3 Sections efficaces différentielles en angle de diffusion. 92 Conclusions et perspectives. 102 Table des matières 5 Effets d interférences d'ordre supérieur dans les collisions ion-molécule à haute vitesse 105 1 Etat de l'art. 105 2 Mise en oeuvre. 110 3 4 2.1 Potentiels modèles utilisés. 110 2.2 2.3 Absorbeurs. 115 2.4 Analyse de paquet d'ondes. 117 Résultats et discussion. 117 3.1 Effets d'interférences dans les collisions F 9+ -H2. 118 3.2 + Effets d'interférences dans les collisions ion-Rb+ 2 /Cs2. 123 Conclusions et perspectives. 130 6 Diffraction Fraunhofer dans les collisions ion-atome 133 1 Introduction. 133 2 Etat de l'art des phénomènes de diffraction. 136 3 Mise en oeuvre des simulations. 143 4 Résultats et discussion. 145 5 4.1 Sections efficaces totales. 145 4.2 Sections efficaces partielles de SC et TE. 150 4.3 Sections efficaces différentielles. 152 Conclusions et perspectives. 168 7 Approches non-perturbatives pour la dynamique multiphotoniques 169 1 Introduction. ................ Introduction générale
La physique atomique et moléculaire décrypte les phénomènes induits entre des atomes, des molécules et leurs constituants, mais aussi des ions, des électrons et des photons. Ce monde de la physique fondamentale trouve indéniablement son souffle depuis plusieurs décennies, dans le développement de modèles sophistiqués, leur implémentation numérique et l'élaboration des protocoles et dispositifs expérimentaux à haute résolution. L'objectif de ce cheminement théorique et expérimental est la description de la structure électronique de ces systèmes atomiques et moléculaires, neutres ou chargés, et l'étude de la dynamique des processus induits lors de leur interaction, en présence ou non d'un champ électromagnétique. C'est dans ce champ de la physique que se situe mon travail de thèse, réalisé dans le cadre d'une cotutelle entre l'Université Pierre et Marie Curie et l'Université Moulay Ismail. Ce manuscrit se compose de deux parties : la première traite des collisions ionatome/molécule, la seconde des collisions électron-atome assistées par un champ laser intense. Bien que distincts, les deux thèmes sont interconnectés puisqu'il s'agit principalement d'étudier les phénomènes de diffusion et la dynamique de structures électroniques d'atomes ou molécules isolés dans des approches non-perturbatives. La compréhension approfondie des processus induits au cours de collisions atomiques et moléculaires reste en effet très parcellaires, en raison des difficultés, d'une part théoriques pour décrire des processus impliquant les systèmes quantiques à N-corps et, d'autre part, expérimentales pour concevoir des expériences complètes, "perfect scattering experiments" [Bederson1969], avec une résolution ultime pour permettre de rendre accessibles tous les mètres décrivant le processus. La compréhension incomplète des processus électroniques ayant lieu au cours de collisions atomiques et moléculaire élémentaires contraste de façon troublante avec l'extraordinaire contrôle et maîtrise de systèmes infiniment plus complexes, dont l'étude peut être abordée par d'autres communautés scientifiques et industrielles, par exemple en chimie, sciences des matériaux et biologie. Ceci n'enlève néanmoins pas la motivation des physiciens et physicochimistes pour développer et tester, en parallèle des travaux expérimentaux, de nouveaux modèles théoriques afin de combler notre ignorance sur des processus élémentaires. Les études dans ce contexte consistent souvent à connaître les mécanismes gouvernant la collision et à fournir des données caractéristiques telles que les sections efficaces. Elles ont pour ambition de comprendre les processus collisionnels élémentaires et d'apporter également des informations fondamentales pour la compréhension et la modélisation de systèmes complexes comme par exemple, les milieux atmosphériques et astrophysiques, les plasmas, froids ou chauds comme ceux de la fusion. Dans le contexte des collisions assistées, qui inclut évidemment l'interaction rayonnement - matière, l'étude des processus multiphotoniques est d'un grand intérêt dans la mesure où la compréhension des mécanismes d'interaction entre le champ électromagnétique et les systèmes atomiques et moléculaires est nécessaire pour interpréter de nombreux phénomènes. Ce sont ces processus, entre autres, qui gouvernent l'absorption, l'émission et l'évolution temporelle de ces systèmes quantiques soumis à un rayonnement électromagnétique d'intensité correspondant au régime perturbatif et de durée longue (par rapport aux temps caractéristiques des systèmes considérés) ou ultra courte, c'est-à-dire à l'échelle femtoseconde ou attoseconde [Hu2013]. Il est possible en outre d'utiliser les photons pour agir sur les atomes ou les molécules, pour contrôler leurs degrés de liberté et pour les placer dans des conditions très éloignées de l'équilibre thermodynamique, comme par exemple pour le contrôle de l'orientation de molécules par pulses laser [Chaochao2012]. D'autre part, ces processus ont la particularité de combiner de manière évidente de nombreux domaines d'application aussi variés que la physique des plasmas, l'optique non linéaire ou l'astrophysique. Leur étude a permis par exemple d'expliquer certains phénomènes observés dans les atmosphères stellaires, notamment l'opacité aux rayonnements infra-rouges du soleil et des étoiles froides [Geltman1973]. Un autre exemple démontrant l'importance ce champ de recherche dans le contexte de la physique des plasmas est donné par la récente démonstration [Brantov2003, WangF2009] de l'augmentation très importante des taux de chauffage des plasmas par les effets des trajectoires électroniques irrégulières dans le milieu ionisé, combinés à ceux des champs laser hautes fréquences et du champ coulombien créé par les noyaux. En conséquence, la compréhension des structures électroniques - états fondamental ou excités, et leur dynamique lors de l'interaction avec un champ électromagnétique ou avec des ions constitue un objectif central dans la physique atomique et moléculaire actuelle. C'est dans ce contexte que se situe mon travail. L'objectif principal porte sur une compréhension approfondie de la dynamique des collisions de cibles atomiques et moléculaires en interaction avec un faisceau d'électrons ou d'ions, en présence, ou non, d'un champ laser intense. La thèse est structurée en deux parties principales : la première porte spécifiquement sur la modélisation des processus de transfert électronique et d'ionisation induits lors de collisions d'ions et de cibles atomiques et moléculaires. L'étude porte particulièrement sur les phénomènes d'interférences et de diffraction observés au cours de ces processus. Nous présentons tout d'abord, au chapitre 1 une présentation des principaux processus collisionnels induits lors de collisions atomiques et moléculaires. Nous développons dans le chapitre 2 la méthode eikonale pour calculer les sections efficaces intégrales et différentielles. Le chapitre 3 s'attache à présenter une revue de différents concepts et méthodes utilisés pour étudier la dynamique de systèmes quantiques. Le chapitre 4 concerne l'étude de la capture électronique dans un système moléculaire monoélectronique, et l'analyse détaillée des phénomènes d'interférence qui peuvent être observés dans les sections efficaces différentielles. Le chapitre 5 est consacré à étudier le traitement des collisions ionisantes ion-molécule (éjection d'un électron, sans transfert vers le projectile) à haute énergie d'impact. Dans ce cas, des structures d'interférences d'amplitude extrêmement faible ont été observées expérimentalement et abondamment commentées dans la littérature. Elles n'ont néanmoins jamais été confirmées théoriquement. Ces structures ont été expliquées par des phénomènes de diffusions multiples du paquet d'onde que constitue l'électron éjecté par les deux centres de la cible moléculaire. L'idée est de modéliser ce type de phénomènes en utilisant une méthode originale qui présente l'avantage de fournir une grande précision de calcul, en vue de confirmer, ou non, la réalité de ces structures. Le chapitre 6 s'attache au traitement des collisions ion-atome à deux électrons actifs pour les processus de simple et double capture. L'objectif est d'expliquer la forme des sections efficaces différentielles qui présentent un minimum suivi d'un pic, qui ont fait l'objet d'interprétations variées, mais non définitives, dans la littérature. La deuxième partie de cette thèse concerne l'étude des processus radiatifs induits lors de collisions électron-atome assistées par un champ laser intense. De façon générale, cette étude porte sur l'effet de "habillage" de la cible par le champ laser intense sur les sections efficaces différentielles. Plus spécifiquement, nous nous intéressons à l'étude des diffusions résonantes et non résonantes pour des processus élastiques et inélastiques. L'effet de la géométrie du champ laser vis-à-vis de l'électron projectile sera étudié dans ce contexte. 4 Chapitre 1 Etat de l'art de mécanismes de collisions avec des ions
Ce travail de thèse concerne la modélisation des processus électroniques induits lors de collisions entre des ions et des cibles atomiques et moléculaires. Dans ce chapitre nous rappelons les mécanismes fondamentaux ayant lieu aux cours des collisions ionatome/molécule, et nous donnons une description générale succincte permettant de traiter une collision sur le plan expérimental et théorique. 1 Lors de collisions ion-atome ou ion-molécule, la cible ou le projectile, peut subir plusieurs types de transformation, suivant la charge relative du projectile vis-à-vis de la cible (pour des systèmes hydrogénoïdes) et la vitesse du projectile relative à celle des électrons de la cible. Le réarrangement du cortège électronique de l'un ou/et de l'autre partenaire de la collision peut impliquer un ou plusieurs électrons suivant les trois types de processus qui nous ont intéressés dans ce travail : capture, excitation ou ionisation. Ces processus sont illustrés sur la figure 1.1, dont la description est donnée ci-dessous • Capture électronique Lors du passage d'un projectile P de charge q près de la cible T, celui-ci est susceptible de capturer un ou plusieurs électrons vers un état lié. On parle alors de transfert de charge,
5 Chapitre 1. Etat de l'art de mécanismes de collisions avec des ions appelé aussi capture (électronique). L'équation suivante traduit ce
mé
canism
e
P q
+
+ T → P (q−s)+ + T s+
. (1.1) ionisation capture excitation Vp Projectile Cible Figure 1.1 – Présentation des processus électronique induits lors des collisions. • Excitation
Lors de la collision entre un projectile et une cible, l'interaction peut induire une transition électronique vers un état excité de la cible selon l'équation ci-dessous P q+ + T → P q+ + T ∗. (1.2) Après ce processus, la cible si elle est
molé
culaire peut
éven
tuellement
se fragmenter. Ces différents processus peuvent intervenir seuls ou se combiner par exemple d'une capture (transfert-excitation).
• Ionisation
Lors de l'interaction entre le projectile et la cible, elle peut conduire à l'éjection d'un ou plusieurs électrons : ionisation simple ou multiple, en induisant la perte de s électron par la cible. Ceux-ci vont être éjectés dans le continuum comme l'indique l'équation suivante P q+ + T → P q+ + T s+ + se−. 6 (1.3)
1.2 Régimes de vitesse
Les processus impliquant un électron sont relativement bien connus [Bethe1930], mais les processus multiples (par exemple bi-électronique) faisant intervenir plusieurs de ces processus simple simultanément (double capture, double excitation, double ionisation, transfert-excitation) sont bien moins compris et ont été et restent défis à relever sur le plan expérimental [Andersen1986, Giese1990, Bordenave1992, Tanis1999, Godunov2001] et théorique [Godunov2000, Pilskog2012, Sisourat2012]. Ces processus impliquant deux électrons seront étudiés dans la suite, en se limitant dans ce manuscrit aux processus de : double capture c'est-à-dire lorsque deux électrons sont capturés, et celui de transfert-excitation qui intervient lorsque un électron est capturé, alors que l'autre est transféré vers un état excité de la cible. 2 Régimes de vitesse
L'importance relative de ces processus varie avec le rapport entre la vitesse du projectile vp et celle de l'électron actif de la cible ve (cf. figure 1.2). Généralement, trois régimes sont considérés selon la valeur du paramètre K défini comme : K= vp. ve (1.4) – Domaine des hautes vitesses de collision K ≫ 1 – Domaine des vitesses intermédiaires K ≃ 1 – Domaine des basses vitesses K ≪ 1 En effet : • Pour K ≫ 1 : c'est le régime perturbatif qui correspond à des courts temps de Zp (où Zp et la charge du collision et/ou des perturbations faibles, si l'asymétrie de charge Zc projectile et Zc est celle de la cible) est inférieure à l'unité. Dans ce domaine, les transitions électroniques peuvent être attribuées à la perturbation créée par le projectile, et la théorie des perturbations au premier ordre décrit un couplage direct entre l'état initial et l'état final. Dans cette gamme de vitesse, les processus d'ionisation et d'excitation dominent. • Pour K ≃ 1 : c'est le domaine intermédiaire dans lequel s'opère le passage des processus à une diffusion à des processus à plusieurs diffusions de l'électron actif. Autrement dit, celui-ci pourra atteindre un état final en passant par des états intermédiaires centrés sur la cible ou sur le projectile, de telle sorte que les processus sont couplés dans ce régime qui implique un traitement non-perturbatif. Dans ce domaine de vitesse, les sections efficaces des trois processus sont toutes du même ordre de grandeur (cf. figure 1.1
7 Chapitre 1. Etat de l'art de mécanismes de collisions avec des ions v/ve=1 Figure 1.2 – Figure extraite de [Fritsch1991] : Sections efficaces des trois processus
écrits ci-dessus induits lors des collisions H + − H en fonction de l'énergie d'impact. où la ligne pointillée indique le domaine intermédiaire). Ce domaine de vitesse est celui correspondant au maximum du pouvoir d'arrêt des ions dans la matière. La nécessité d'une bonne description des mécanismes élémentaires dans ce domaine est importante, notamment dans le but de valider les lois d'échelle dans un domaine où les traitements théoriques complets sont très lourds, voire impossibles pour des systèmes complexes. • Enfin, pour K ≪ 1 : c'est le régime quasi-moléculaire, qui est atteint pour des vitesses de collisions très inférieures à celle de l'électron actif, entre partenaires de charges nucléaires comparables ou non. La théorie peut être alors basée sur une description adiabatique des états électroniques dont les couplages non-adiabatiques sont liés au mouvement relatif entre les partenaires de la collision. Dans ce domaine, les processus électroniques sont dominés par le transfert électronique et sont induits généralement aux croisements entre les courbes d'énergie moléculaire.
1.3 Aspects expérimentals et théoriques 3 Aspects expérimentals et théoriques
Les études expérimentales et théoriques des processus collisionnels sont très nombreuses et ont une longue histoire remontant au début du 20eme siècle, avec la naissance du modèle atomique et la mécanique quantique. La section efficace totale (TCS) est la grandeur essentielle accessible à la théorie et à l'expérience et caractérisant l'importance des différents processus collisionnels induits lors de collisions atomiques et moléculaires. Néanmoins, elle ne permet pas une compréhension détaillée de la dynamique de collision. La grandeur physique contenant l'information la plus complète et la plus détaillée sur ces processus est la section efficace différentielle (DCS). Dans la suite, et en se basant sur les régimes de vitesse de ollision que nous avons décrit précédemment, nous présentons les modèles théoriques les plus utilisés dans le cadre des collisions ion-atome/molécule. Dans un premier temps, nous abordons le contexte expérimental. 3.1 D'un point de vue expérimental, l'étude des systèmes de collision bénéficie d'extraordinaires avancées technologiques qui permettent la compréhension de leur dynamique et de mécanismes mis en jeux lors des interactions entre les partenaires impliqués. Plusieurs techniques permettent de collecter des informations détaillées sur les mécanismes physiques lors de collisions. A titre d'exemple : la spectroscopie de gain d'énergie, la spectroscopie d'électron Auger, la spectroscopie de photons, COLTRIMS (Cold Target Recoil Ion Momentum Spectroscopy) et MOTRIMS (Magneto Optical Trap Recoil Ion Momentum Spectroscopy). Ces dernières servent à mesurer l'impulsion des ions de recul 1, mais aussi des électrons émis contenant toute l'information. • Dans ce contexte, nous pouvons citer les mesures expérimentales d'Othani et al [Ohtani1982] pour étudier la simple capture dans les systèmes C 6+ − He et O7+ − He en utilisant la technique de la spectroscopie de gain d'énergie. Toutefois, la limite de cette technique vis-à-vis du processus de double capture vers les états auto-ionisants rend l'identification de ce mécanisme difficile 2. Une mesure simultanée du gain d'énergie et de l'angle de diffusion du projectile en coïncidence avec l'ion de recul permet de s'affranchir 1. La cible ayant perdu un ou plusieurs électrons s'appelle ion de recul. 2. Notons que la double capture auto-ionisante provoque un élargissement des raies en raison d'un effet cinématique lié à l'émission de l'électron dans le continuum, ce qui rend finalement l'identification du mécanisme difficile. Chapitre 1. Etat de l'art de mécanismes de collisions avec des
ions
à ce problème [Barat1987]. • La technique de spectroscopie d'électron Auger a été développée et utilisée par de nombreux groupes dans le but d'étudier le processus de double capture [Stolterfoht1986, Mann1987, Sakaue1990, Sakaue1991]. Néanmoins, des problèmes de résolution dus à des effets ayant lieu après la collision (effets post-collisionnels) limitent l'efficacité de cette technique, notamment pour pouvoir analyser les voies de double capture auto-ionisante, en raison de la complexité des spectres. Pour cette raison des techniques de coïncidence entre les électrons et l'ion de recul ont été souvent utilisées [Posthumus1992, Moretto1990]. • La technique de spectroscopie de photons est basée sur la détection des photons créés par la désexcitation des états peuplés lors de la collision. Elle a été utilisée pour étudier par exemple le processus de simple capture [Dijkkamp1984, Dijkkamp1985a, Dijkkamp1985b, Martin1989]. Malgré une excellente résolution, la technique est moins utilisée pour le processus de double capture, en raison des états auto-ionisants générés par ce processus. Afin de surmonter à ce problème, des techniques en coïncidence entre les photons et les ions de recul ont été utilisées dans ce contexte [Martin1995, Chen1996]. • La technique de la spectroscopie COLTRIMS (Cold Target Recoil Ion Momentum Spectroscopy) [Ullrich1997, Ullrich2003] est la technique la plus connue et la plus utilisée depuis une dizaine d'années. Elle permet la mesure vectorielle de la vitesse des fragments en coïncidence, ce qui permet d'obtenir les détails de la dynamique de la fragmentation ainsi que la mesure de charge. En effet, ce dispositif s'appuie sur les techniques les plus ré d'imagerie, de temps de vol et de détection en multi-coïncidence. Il donne accès au nombre d'électrons arrachés au système au cours de la collision, à l'identification de chacun des fragments (en charge et en masse), ainsi qu'à la mesure de leur énergie cinétique, après l'explosion du système. L'étude de la fragmentation des molécules doublement ionisées fournit d'ailleurs, des informations extrêmement précieuses sur la forme des surfaces d'énergie potentielle et de la dynamique associée. • Malgré les succès expérimentaux de la technique de COLTRIMS, celle-ci présente une résolution limitée, en raison d'utilisation des jets supersoniques. Afin de s'affranchir de cette limite de résolution, la technique de COLTRIMS est utilisée en combinant un piège magnéto-optique et une spectroscopie d'impulsion d'ions de recul qui donne naissance à la technique de MOTRIMS [Flechard2001, Depaola2008]. 1.3 Aspects expérimentals et théoriques
3.2 La modélisation des processus électronique a évidement débuté par le traitement des collisions ion-atome pour lesquelles un très vaste ensemble d'approches théoriques existé. Dans le cadre des collisions ion-molécule, la modélisation et les calculs théoriques présentent beaucoup plus de difficultés que dans le cas des collisions ion-atome. En effet, lorsqu'il s'agit d'une cible moléculaire, des degrés de liberté supplémentaires s'ajoutent, à savoir : l'orientation de la molécule vis-à-vis de la vitesse du projectile, les distances internucléaires dans la cible moléculaire ainsi que la présence de plusieurs centres diffuseurs. Ces difficultés supplémentaires rendent les calculs plus lourds en terme de temps, malgré l'augmentation des ressources informatiques. Néanmoins, des méthodes théoriques basées sur des approximations et des modèles simples ont été développés à partir de ceux relatifs à des cibles atomiques. La modélisation de ces collisions constitue un défi majeur pour des théoriciens, avec la mise en oeuvre de techniques, de modèles et d'approximations conçues afin de décrire et d'expliquer avec plus de précision les divers processus induits. Dans ce qui suit, nous présentons succinctement certains modèles théoriques permettant d'étudier les processus ayant lieu au cours de collisions ion-atome/molécule.
Modèles théoriques a) Première approximation de Born (FBA)
Dans le cas d'un régime de collision perturbatif (K = vp /ve ≫ 1), les processus d'ionisation et d'excitation sont dominants, et les sections efficaces de ces processus peuvent être calculées dans le cadre de la première approximation de Born, sachant que l'ordre correspondant à la série de représente le nombre d'interactions du projectile avec la cible : une seule interaction pour la première approximation de Born, deux interactions pour la deuxième etc [Cappello2011]. Dans le cadre de la première approximation de Born, le temps de collision doit être petit devant le temps de révolution de l'électron sur son orbite initiale ou finale ; autrement dit, le traitement est valable pour des projectiles ayant une énergie suffisamment élevée par rapport à celle des électrons de la cible. En raison de la simplicité de mise en oeuvre de cette approximation, elle est en effet, la méthode utilisée la plus courante pour modéliser une interaction entre le projectile et la cible. Elle donne des résultats raisonnables, comme nous pouvons le constater en figure 1.3, où elle a été employée pour l'ionisation de la cible H2 O par impact d'ions C 6+, He2+ et H +. Figure 1.3 – Figure extraite de [Cappello2011] : Sections efficaces totales de l'ionisation de la cible moléculaire H2 O par impact d'ions C 6+, He2+ et H +. Les traits pleins représentent les résultats issus de FBA-CW. Les courbes en tirets et en points représentent les résultats semi-empiriques de Rudd [Rudd1989] et HKS [Stolterfoht1997] respectivement.
b) Méthode CDW-EIS
Dans le domaine des énergies intermédiaires jusqu'aux hautes énergies du projectile (régime perturbatif K ≥ 1), un formalisme d'ondes distordues est valable, tel que le modèle de type CDW-EIS (Continuum Distorded Wave - Eikonal Initial State) [Fainstein1991]. Le modèle CDW-EIS est basé sur une théorie perturbative ou le champ coulombien crée par le noyau projectile est inclus dans la forme des fonctions électroniques (d'où le nom "onde distordues"). La méthode CDW-EIS a été beaucoup utilisée pour étudier l'ionisation des cibles moléculaires par impact d'ions à haute énergie. Les résultats issus de cette spects expérimentals et théoriques méthode montrent souvent un très bon accord avec les mesures expérimentales. Citons à titre d'exemple les mesures récentes des distributions d'énergie de l'électron émis lors des collisions F 9+ − H2 obtenues par Chatterjee et al [Chatterjee2010] et comparées avec des calculs de CDW-EIS [Fainstein1991]. Comme nous pouvons le constater en figure 1.4, un très bon accord est obtenu. Notons que l'extension au cas de systèmes à plusieurs électrons complique le calcul. Dans ce contexte, l'approximation des électrons indépendants est le plus souvent employée.
Figure 1.4 – Figure extraite de [Chatterjee2010] : Distributions d'é
nergie de l'électron pour l'ionisation de la cible moléculaire H2 par impact d'ions F 9+ à 5 M eV /u. c) Méthode CTMC
La méthode CTMC (Classical Trajectory Monte Carlo) développée par Abrines et Percival [Abrines1966] est une méthode totalement classique comme son nom l'indique. Vu sa simplicité d'implémentation, sa précision et ses applications dans des domaines très vastes, la méthode CTMC est très utilisée pour modéliser les collisions de particules lourdes, lorsque les méthodes quantiques ou semi-classique ne peuvent pas être employées en raison de leurs complexité intrinsèques. Elle permet, en effet, d'appréhender les régimes de collision allant de celui où le transfert de charge est dominant, jusqu'à celui
13 Chapitre 1. Etat de l'art de mécanismes
de collisions avec des
ions
de l'ionisation directe (cf. Figure 1.2). Cette méthode est basée sur la résolution des équations du mouvement pour chaque particule impliquée. Elle a été en effet, employée pour étudier les processus induits lors de collisions ion-atome/molécule (voir par exemple [Errea2007, Igenbergs2012]). La figure 1.5 montre la région d'énergie où les résultats issus de cette méthode sont valides. Comme nous pouvons le constater, au-dessous de l'énergie 10 keV /u les résultats sont en désaccord avec les méthodes quantiques et semi-classiques [Liu2010] et même avec les mesures expérimentales [Errea2007, Igenbergs2012]. Notons que malgré la simplicité de la méthode, sa mise en oeuvre pour un système impliquant plusieurs électrons devient plus compliquée, et des approximations basées sur le modèle des électrons indépendants ont été utilisées.
d) Méthode close coupling
La méthode close-coupling est une méthode non-perturbative qui peut être traitée soit dans le cadre quantique (par exemple, la méthode quantique QMOCC "Quantum Molecular Orbital Close Coup ") ou semi-classique (à savoir, la méthode semi-classique AOCC "Atomic Orbital Close Coupling"). Ce type de méthodes fut établi par Bates et McCarroll [Bates1958] et développée par de nombreuses équipes (cf. Fritsch et Lin [Fritsch1991]). Elles sont bien adaptées au régime d'énergies intermédiaires, voire à basse énergie. Le principe des méthodes close-coupling consiste à développer la fonction d'onde totale du système "projectile-cible" sur une base d'orbitales atomiques (de type Slater ou gaussiennes, fonctions sturmiennes) [Bransden1992] ou moléculaires. Dans cette approche, l'équation de Schrödinger dépendant du temps peut être reformulée en un système de N équations différentielles couplées, où N est le nombre de fonctions de base utilisé et qui devrait être infini. En pratique, il faut effectuer une troncature de la base de manière à assurer la convergence des résultats sans allonger les temps de calculs de manière prohibitive. Figure 1.5 – Figure extraite de [Liu2010] : Sections efficaces totales du processus de capture induit lors de collisions Be2+ (1s2 ) − H(1s) obtenues à l'aide des quatres traitements théoriques différents.
15 Chapitre 1. Etat de l'art de mécanismes de collisions avec des ions 16 Chapitre 2 Approche semi-classique dans les collisions ion-atome/molécule
Ce chapitre traite l'approche semi-classique employée dans ce travail. Celle-ci dérive d'une approche purement quantique, en traitant classiquement le mouvement relatif entre la cible et le projectile et quantiquement la dynamique des électrons. Cette approximation permet d'alléger de façon considérable les calculs purement quantiques de close-coupling. Dans la suite de ce chapitre, nous allons dériver l'approximation du paramètre d'impact permettant de retrouver l'équation eikonale qui gère l'évolution du système de collision dans l'approche semi-classique et qui est équivalente à l'équation de Schrödinger dépendant du temps. La résolution de cette dernière constitue le point central de notre approche et permet d'obtenir des amplitudes de probabilité permettant de déduire les sections efficaces intégrales et différentielles. 1 1.1 Traitement du paramètre d'impact Base physique du traitement semi-classique
Le traitement semi-classique du paramètre d'impact (TPI) fournit une description précise des collisions ion-atome/molécule [Dewangan1994, Bates1958, Frame1931]. En effet, les noyaux du projectile et de la cible sont lourds (mP /me > 1836), de telle sorte que leur quantité de mouvement est très grande par rapport à celle de l'électron lié. La 17 Chapitre 2. Approche semi-classique dans les collisions ion-atome/molécule validité de cette approximation repose sur la longueur d'onde de de Broglie λd associée au mouvement relatif entre le projectile et la cible. Celle-ci est donnée par λd = 2π, ki (2.1) où ki = μi v est le vecteur d'onde relatif entre le projectile et la cible, μi la masse réduite et v la vitesse relative du système projectile-cible. En effet, pour des vitesses qui ne sont pas trop petites, la longueur d'onde λd est beaucoup plus petite que la taille caractéristique des atomes impliqués et de la zone de collision. On peut décrire alors le mouvement relatif entre le projectile et la cible par un paquet d'onde infiniment étroit et donc par une trajectoire classique. En outre, une très faible fraction de l'énergie cinétique initiale du mouvement relatif est transférée à la cible. Ceci implique qu'en bonne approximation, on peut décrire la trajectoire du mouvement relatif par une trajectoire rectiligne uniforme, c'est-à-dire définie par une vitesse relative constante v et un paramètre d'impact ~b. En revanche, le mouvement de l'électron dans le champ créé par les noyaux du système projectile-cible est décrit quantiquement. Cette description classique de la trajectoire, en parallèle avec la description quantique du mouvement de l'électron, constitue la base du traitement semiclassique des collisions ion-atome/molécule. Ce traitement est démontré [McCarroll1968] équivalent à un traitement quantique dans l'approximation dite "eikonale". On doit donc s'attendre à ce qu'elle s'applique assez mal aux très basses énergies. ~ : la composante transverse à la direction du faisceau
Figure 2.1 – Représentation du vecteur R incident est notée ~b
=
(b, φb ) est
appel
ée paramètre d'impact (~v k Oz).
2.1 Traitement du paramètre d'impact
Dans ce contexte, on peut visualiser les collisions ion-atome/molécule comme suivant : le projectile P se déplace avec une vitesse v constante par rapport à la cible T qui est considérée fixe le long d'une trajectoire rectiligne de t = −∞ à t = +∞. Si on choisit l'origine du système comme le centre de masse des noyaux constituant la cible T (cas d'une ~ cible moléculaire), et en définissant la vitesse v suivant l'axe (OZ), le vecteur position R(t) du projectile relatif à la cible varie de t = −∞ à t = +∞, et s'exprime de la manière suivante (cf. figure 2.1) ~ R(t) = ~b + ~v t, ~b.~v = 0. (2.2) Notons qu'à t = ±∞, P et T sont infiniment séparés et peuvent être considérés isolés. 1.2 Equation eikonale Notation et définition de base
Pour simplifier les notations, nous considérons des collisions entre un projectile P et une cible moléculaire T à un seul électron actif e, ce traitement s'étend naturellement aux systèmes multi-électroniques. Pour décrire ce système du point de vue théorique, il est habituel de se placer dans le référentiel du centre de masse (C.M) du système et d'adopter le système de coordonnées de Jacobi représenté en figure 2.2. Nous passons donc du ~ i (i = A, B) décrivant les positions, respectivement, de système de coordonnées ~rP, ~ri et R ~P, R ~ T, et R ~ définies l'électron et des noyaux au système de coordonnées de Jacobi ~rT, R dans le référentiel du C.M. L'avantage de ce choix réside dans le fait que toute la dé~ est contenue dans un pendance de l'Hamiltonien du système de collision en la variable R terme d'énergie cinétique, comme nous allons voir dans la suite. Il est cependant parfois nécessaire pour comparer avec certaines données expérimentales de calculer les sections efficaces différentielles dans le référentiel du laboratoire. Soit MA, MB, MT, MP et me respectivement les masses des particules A, B, T, P et e, où A et B sont les deux noyaux de la cible moléculaire T (MT = mA + mB ). Afin de mener une discussion générale, nous n'allons pas poser une restriction sur les masses des particules MT, MP et me. Soit μAB, μT, μP, μP T, μi et μf, respectivement les masses réduites de systèmes composés de particules (T ), (T + e), (P + e), (T + P ), P + (T + e) et T + (P + e) et qui sont données par mA mB μAB = (2.3) mA + mB 19
Chapitre 2. Approche semi-classique dans les collisions ion-atome/molécule
μT
=
m e
MT m e + MT μP T = μi = MP (me + MT ) M P + m e + MT, μP = m e MP m e + MP MP MT. MP + MT, μf = MT (me + MP ). MT + m e + MP (2.4) (2.5) (2.6) Ces expressions nous permettent d'écrire μP μP μT μT. = =1− μf μi m2e (2.7)
Figure 2.2 – Système de Jacobi. Soit ~rP et ~rT (cf. figure 2.2) les vecteurs positions de l'électron actif par rapport au ~ le vecteur position de P projectile P et au C.M de la cible T, respectivement. On note R relatif à T tel que ~ = ~rT − ~rP. R (2.8) ~ P définit le vecteur position du projectile P par rapport au C.M de (T + e) et De même R ~ T décrit le vecteur position du C.M de (P + e) relatif au C.M de la cible T. Les vecteurs R 20 2.1 Traitement du paramètre d'impact ~ P, ~rT ) et (R ~ T, ~rP ) sont liés par positions (R ~ T − μT ~rP ~ P = μT R R me μf, ~ T + μP ~rP ; ~rT = R me (2.9) on montre également, ~ P = μT ~rT − ~rP R me, ~ T = ~rT − μP ~rP, R me (2.10) et ~ = R ~P + R ~T − = R me ~rT m e + MT me ~rP. m e + MP (2.11)
Systèmes collisionnels atomiques et moléculaires
L'Hamiltonien total H d'un système composé d'un projectile P et d'une cible (T + e) entrant en collision s'écrit H = T + VT e + VP e + VP T (2.12) où les interactions entre les différentes particules sont coulombiennes 1 : les termes VT e, VP e et VP T définissent les énergies potentielles correspondant respectivement à l'interaction {cible-électron}, {projectile-électron} et {projectile-cible}. Dans le cas des collisions ionmolécule, le terme VT e se décompose en VT e = VAe + VBe. (2.13) L'opérateur d'énergie cinétique T du système est donné (en u.a) par 1 1 2 ∇R~ P − ∇2 2μi 2μT ~rT pour les collisions ion − atome T = − (2.14) 1. On peut traiter aussi les potentiels modèles dans le cas où une partie du cortège électronique (par exemple, électrons de coeur) d'un partenaire peut être considérée gelée.
21 Chapitre 2. Approche semi-classique dans les collisions ion-atome/molécule 1
1 1 2 ∇R~ P − ∇~2rT − ∇2R~ AB 2μi 2μT 2μAB pour les collisions ion − molécule T = − (2.15) où les positions relatives des différentes particules pour les collisions ion-atome et ionmolécule sont présentées en figure 2.3. L'équation de Schrödinger indépendant du temps est donnée alors par (H − E)Ψi = 0 (2.16) où E est l
'é
nergie totale du système dont la fonction
d'
onde associ
ée est Ψi. z z (a) (b) A Ѳm T T RAB φm y rT ex R rP rA x rT ev P rB R v b y B b rP P
Figure 2.3 – Systèmes collisionnels : (a) Collision ion-atome. (b) Collision ion-molécule. MT MP et sont très grands de telle sorte que le mome me (k P )2 dule de l'impulsion incidente kiP et l'énergie cinétique i sont également supérieurs à 2μi ceux de l'électron. Cela suggère que nous pouvons dériver le TPI en enlevant de l'équation de Schrödinger le terme d'énergie cinétique du mouvement relatif. Pour cela, une transformation de fonctions d'onde est définie, et la limite des rapports de masse est tendue (k P )2 vers l'infinie. Afin d'enlever ce terme d'énergie cinétique i, nous substituons 2μi Notons que les rapports de masse ~
P
)
=
exp
(
i~k
P
.
R
~
P
)χ̃(~rT
,
R ~P
)
Ψ
i (~
rT
,
R
i 22 (2.17) 2.1
Tr
aitement du paramètre d'impact dans l'équation de Schrödinger (
2.16),
on obtient
alors
− 1 2 ~ ~ − 1 ∇2 + VT e + VP e + VP T − εT χ̃(~rT, R ~P) = 0 ∇R~ P − i~v.∇ i RP 2μi 2μT ~rT (2.18) pour les collisions ion − atome 1 2 ~P) = 0 ~ ~ − 1 ∇2 − 1 ∇2~ + VT e + VP e + VP T − εT χ̃(~rT, R − ∇R~ P − i~v.∇ i RP 2μi 2μT ~rT 2μAB RAB (2.19) pour les collisions ion − molécule kiP = v. L'équation
de
Schrödinger
(2.16) pour la fonction μi ~ P ) est transformée en les équations données en (2.18) et (2.19) pour d'onde totale Ψi (~rT, R ~ P ) inconnue. une fonction d'onde χ̃ (~rT, R où nous avons utilisé le fait que Nous procédons maintenant à la limite des masses infinies, c'est-à-dire dans les équame −→ 0, et par conséquent, tions (2.18) et (2.19), la limite MT,P lim − μi →∞ 1 2 ~ P ) −→ 0. ∇ χ̃(~rT, R 2μi R~ P (2.20) ~ ~ par A cette limite, RP −→ R ( cf. relation (2.11)), ce qui permet de remplacer ~v.∇ RP ~ ~ ~ ~v.∇R~, ainsi que χ̃(~rT, RP ) −→ χ̃(~rT, R). Ceci permet de réécrire les équations (2.18) et (2.19) sous cette forme
~ =0 ~ ~ − 1 ∇2 + VT e + VP e + VP T − εT χ̃(~rT, R) − i~ v.∇ i R 2μT ~rT pour les collisions ion − atome (2.21) ~ =0 ~ ~ − 1 ∇2 − 1 ∇2~ + VT e + VP e + VP T − εT χ̃(~rT, R) − i~ v.∇ i R 2μT ~rT 2μAB RAB pour les collisions ion − molécule (2.22)
L'élimination du terme d'énergie cinétique (cf. équation (2.20)) permet de retrouver les deux équations ci-dessus, qui diffèrent néanmoins par la présence du terme − 2μ1AB ∇2R~ AB dans l'Hamiltonien du système moléculaire. L'élimination de ce dernier terme dans les 23
Chapitre 2. Approche semi-classique dans les collisions ion-atome/molécule
collisions ion-molécule va permettre de traiter les deux types de collision et les processus électroniques induits de façon identique. Pour cela, nous allons appliquer l'approximation de Born-Oppenheimer à la molécule cible. Cette approximation s'appuie sur le fait que les noyaux sont beaucoup plus massifs que les électrons, alors que les forces agissant sur ces particules sont du même ordre de grandeur. Il s'ensuit que le mouvement nucléaire est beaucoup plus lent que le mouvement électronique. On peut donc considérer que les noyaux de la cible moléculaire sont fixes. L'utilisation de cette approximation en parallèle avec l'approximation soudaine, et qui consiste à geler le mouvement interne de la cible durant le passage du projectile induisant en consé quence des processus électroniques ; est justifiée par le fait que le temps caractéristique associé aux divers mouvements d'une molécule est [Bransden1996, Frolov2002] : • Transition électronique : 10−17 s • Vibration moléculaire : 10−14 - 10−12 s • Rotation moléculaire : 10−12 - 10−9 s La durée d'interaction entre un ion multichargé et une molécule ayant des vitesses relatives de l'ordre de l'u.a (25 keV /uma), est de l'ordre de femtoseconde, temps court comparé au temps caractéristique du mouvement des noyaux. Il est évident alors que les noyaux des molécules bougent beaucoup plus lentement que les électrons. En appliquant alors cette approximation, le terme ∇2R~ peut être éliminé, et donc le AB terme d'énergie cinétique des noyaux est − 1 ~P) = 0. ∇2 χ̃(~rT, R 2μAB R~ AB (2.23) Par conséquent, les équations (2.18) et (2.19) prennent la même forme approximative ~ =0, ~ ~ − 1 ∇2 + VT e + VP e + VP T − εT χ̃(~rT, R) − i~ v.∇ i R 2 ~rT (2.24) où nous avons utilisé le fait que, μT −→ 1 à la limite des masses infinies. L'équation (2.24) est la limite de l'équation (2.18) quand Mme −→ 0. T,P En tenant compte du fait que la vitesse relative v est suivant la direction (OZ) et ~ ~ avec ~b.~v = 0, nous pouvons écrire R(t) = ~b + Z ~~ =v ∂ = ∂. ~v.∇ R ∂Z ∂t 24 (2.25) 2.1 Traitement du paramètre d'impact ~ et ~rT sont indépendantes dans l'équation (2.24), de telle sorte que la Les variables R dérivation par rapport au temps est effectuée à ~rT fixe. D'après l'équation (2.24), nous constatons qu'aucun opérateur n'affecte le paramètre d'impact ~b et la vitesse ~v, ainsi, à la me −→ 0, le mouvement relatif est décrit par une trajectoire rectiligne classique, limite MT,P ~ dépend paramétriquement du ~b et ~v. La variable t, qui est le temps, et la solution χ̃(~rT, R) ~ est reliée aux positions par Z = vt, et nous pouvons alors, paramétriser la trajectoire R ~ selon R(t) = ~b + ~v t, ~b.~v = 0, qui n'est autre que la relation (2.2). Afin d'enlever εTi de l'équation (2.24), nous utilisons la transformation de phase triviale ~ = exp(iε Ti t)ψ̃i (t) χ̃(~rT, R) (2.26) pour obtenir finalement i ∂ ψ̃i (t) = ∂t 1 − ∇~r2T + VT e + VP e + VP T ψ̃i (t) = H̃ ψ̃i (t), 2 (2.27) qui est appelée l'équation eikonale, formellement équivalente à l'équation de Schrödinger dépendant du temps associée à l'approximation semi-classique dans le cas des trajectoires rectilignes uniformes. La résolution de cette équation constitue le point central de notre travail. Nous présenterons dans la suite une résolution détaillée de celle-ci, en utilisant plusieurs techniques numériques (cf. chapitre 3). A partir des équations (2.17) et (2.26), nous constatons, finalement, que la fonction ~ est reliée à la fonction d'onde semi-classique ψ̃i (t) par d'onde totale Ψ(~rT, R) ~ P ) = exp(i~k P.R ~ P + iεT t)ψ̃i (t). (2.31) Dans le cas du transfert de charge, le projectile P capture l'électron dans un état lié
L'électron capturé se meut avec le projectile à la vitesse ~v, et l'Hamiltonien de l'électron dans le champ coulombien créé par le projectile (P + e) est φPf (~rP ).
1 HP = − ∇~r2T + VP e (t). 2
(2.32) L'équation de Schrödinger dépendant du temps pour la dynamique de l'é
lectron
captur
é
s'écrit
alors
∂χP (t) 1.
(2.33) HP χPf (t) = − ∇~r2T + VP e (t) χPf (t) = i f 2 ∂t
La solution traduit à la fois la translation du système et son caractère atomique, et est donnée par [Bates1958, Brinkman1930, Takayanagi1952] χPf (t) = F(~rT, t) exp(−iεPf t)φPf (~rP ), (2.34) où le terme v2 t) (2.35) 2 est appelé le facteur de translation électronique (ETF). Ce facteur de phase tient compte du mouvement de translation de l'électron par rapport à l'origine du repère de collision localisé au centre de masse des noyaux de la cible (cf. figure 2.2). Si le ETF est négligé dans l'expression de χPf (t) donnée par l'équation (2.34), la fonction d'onde résultante prend la forme χPf (t) −→ exp(−iεPf t)φPf (~rP ), (2.36) F(~rT, t) = exp(i~v.~rT − i et satisfait l'équation (2.33) seulement pour la vitesse v = 0. 1.4 Résolution de l'équation eikonale
Après avoir simplifié le système de collision étudié, c'est-à-dire en utilisant l'approximation semi-classique, nous présentons maintenant la résolution de l'équation de Schrödinger dépendant du temps. Les méthodes de résolutions de celle-ci peuvent s'appliquer à tous les systèmes quantiques atomiques et moléculaires soumis à un champ extérieur dépendant du temps. La première méthode que nous allons présenter est basée sur un Traitement du paramètre d'impact traitement semi analytique qui consiste à développer la fonction d'onde électronique sur une base d'orbitales définies analytiquement. Comme nous allons montrer ci-dessous, ceci permet de transformer l'équation de Schrödinger en un jeu d'équations couplées en temps différentielles pour les coefficients du développement, qui présentent les amplitudes de probabilité pour les différents processus électroniques après collisions. Évidement, le recours à des méthodes numériques est nécessaire pour résoudre l'ensemble des équations différentielles couplées, afin d'obtenir les amplitudes de probabilité permettant le calcul des sections efficaces intégrales et différentielles. Tout d'abord, et afin de résoudre l'équation de Schrödinger pour un Hamiltonien purement électronique, nous utilisons la transformation −i ψ̃i (~rT, t) = e Rt −∞ ′ ′ VP T (t )dt ′ ψ(~rT, t ), (2.37) qui permet d'éliminer le terme d'interaction internucléaire 2 VP T dans l'équation de Schrödinger (2.27). Celle-ci prend alors la forme suivante
∂ψ(~rT
,
t)
= i ∂t 1 − ∇~r2T + VT e + VP e ψ(~rT, t) = He ψ(~rT, t), 2
(2.38) où He est l'Hamiltonien électronique. Afin de procéder à la résolution de l'équation de Schrödinger dépendant du temps, nous développons la fonction d'onde électronique ψ(~rT, t) sur une base bâtie à partir d'états électroniques centrés sur le projectile {φPi (~rP )} et la cible {φTi (~rT )}. Ce développement de la fonction d'onde électronique ψ, s'écrit alors ψ(~r, t) = NT X i=1 | aTi (t)χTi (~rT, t) + {z excitation } NP X i=1 | aPi (t)χPi (~rP, t), {z capture (2.39) } où NT (NP ) est le nombre d'états inclus dans la base sur chacun des partenaires de la collision. La première somme dans l'équation (2.39) décrit l'état initial du système (la diffusion élastique) et l'excitation de la cible, alors que la seconde concerne le processus de capture avec les états du projectile. Chapitre 2. Approche semi-classique dans les collisions ion-atome/molécule
données par les équations (2.31) et (2.34) et s'écrivent sous la forme T χTi (~rT, t) = e−iεi t φTi (~rT ) (2.40) χPi (~rP, t) −iεP i t =e φPi (~rP )F(~rT, t) où nous avons choisi la cible T comme origine du repère pour la collision. Notons que le choix de ce référentiel est uniquement guidé par la simplicité d'une représentation de la collision de telle sorte que la résolution de l'équation de Schrödingur dépendant du temps est indépendante de ce choix. Pour cela l'introduction de l'ETF F(~rT, t) (cf. l'équation (2.35)) est nécessaire permettant d'assurer l'invariance galiléenne. Les états électroniques du projectile {φPi (~rP )} et de la cible {φTi (~rT )} sont décrits par des combinaisons de fonctions gaussiennes et s'expriment sous la forme φIi (~rI ) = NI X cIi Gαi,li,mi (~rI ) (I = T, P ) (2.41) i=1 où les coefficients cTi (cPi ) sont obtenus par diagonalisation de l'Hamiltonien de la cible (projectile) sur une base de fonctions gaussiennes. Celles-ci sont définies en coordonnées sphériques par 2 Gα,l,m (~r) = Yl,m (~r)rl e−αr (2.42) avec les harmoniques sphériques Yl,m (~r) où l et m représentent respectivement les nombres quantiques secondaire et magnétique. En substituant le développement de la fonction d'onde ψ(~r, t) (2.39) dans l'équation de Schrödinger dépendant du temps (2.38), nous obtenons le système d'équations différentielles couplées pour les coefficients du développement aIi (t) (I = T, P ). Celui-ci prend la forme matricielle iSȧ = Ma, (2.43) où a est la matrice colonne des coefficients du développement, ȧ celle de leurs dérivées par rapport au temps. La matrice de couplage est définie par ***.
TT
M1N T.
TP
M11. TP M1N P. ***. MNT TT1 * * * MNT TTNT MNT TP1 * * * MNT TPNP MNPPT1 * * * MNPPTNT MNPPP1 * * * MNPPPNP PT M11. ***. PT M1N T. PP M11. PP M1N P. ***. où les éléments de matrice de couplage Mi,j sont donnés par T T P P MijT T = < φTi | He − εTi | φTj > e−i(εj −εi )t MijP P = < φPi | He − εPi | φPj > e−i(εj −εi )t P v2 T MijT P = < φTi | (He − εPi )ei~v.~r | φPj > e−i(εj −εi + 2 )t T P v2 MijP T = < φPi | e−i~v.~r (He − εTi ) | φTj > e−i(εj −εi − 2 )t. (2.44) De même,
la matrice
de recouvrement est
donnée par S= TT S11. ***
.
TT S1N T
.
TP S
11.
TP
S1N P. ***. TT TT SN * * * SN T1 T NT TP TP SN * * * SN T1 T NP PT PT SN * * * SN P1 P NT PP PP SN * * * SN P1 P NP PT S11. ***. PT S1N T. PP S11. PP S1N P. ***. avec les éléments de matrice Si,j T T P P SijT T = < φTi |
φTj >
e−i(
ε
j
−
εi )
t SijP P
= < φP
i |
φPj >
e−i(εj −εi )
t P
P SijT P = <
φ
Ti | ei~v.~r
φPj
> e−i(εj −εi )
t T P
v2
Si
jP T = <
φ
Pi | e−i~v.~r
φTj
>
e i(εj −εi − 2 )t. 1.5 (2.45) Amplitudes de probabilité
Les éléments de matrice de couplage (2.44) et de recouvrement (2.45) sont évalués numériquement [Hansen1990, Hansen1992], et la résolution de l'ensemble des équations 29
Chapitre 2. Approche semi-classique dans les collisions ion-atome/molécule différentielles couplées (2.43) est effectuée par la méthode prédicteur-correcteur présentée au chapitre 3 pour une vitesse v, un paramètre d'impact b, une orientation de la molécule (θm, φm ) (s'il s'agit d'une cible mléculaire) et un état initial i centré sur la cible, suivant notre convention aIk (t → −∞) = δki. (2.46) Un processus quelconque i → f est caractérisé alors, pour un paramètre d'impact b, une vitesse v dans le cas des collisions
ion-atome, par une probabil
ité définie
par Pf i (b, v
) =
|
a
If (b
,
v
,
t
→ +∞)
|2, (2.47)
alors que dans le cas des collisions ion-molécule
et
en tenant compte de
l'orientation (θm, φm ) (cf. figure 2.3-b)), la probabilité est
définie
par Pf i (b, v, θm, φm ) =| a
If
(b, v, θm, φm, t → +
∞
) |2.
| 3,667
|
02/tel.archives-ouvertes.fr-tel-01697847-document.txt_31
|
French-Science-Pile
|
Open Science
|
Various open science
| null |
None
|
None
|
French
|
Spoken
| 7,564
| 12,018
|
e. Molière et Armande : un amour malheureux
Le portrait d'Armande est présent dans quelques anthologies littéraires du XX° siècle dès l'introduction de l'iconographie. Il n'est pas exploité, comme c'est le cas par exemple pour celui de Madeleine Béjart, pour contextualiser le métier de comédien au XVII° siècle, mais en référence à la vie de Molière. Il apparaît pour la première fois, en 1935, dans Les Grands écrivains de France illustrés, accompagné d'une légende indiquant qu'il s'agit de « la femme que Molière vient d'épouser.1621 » 1621 Abry, Bernès, Crouzet, Léger, Les grands écrivains de France illustrés, op., cit., p. 222. 674 Illustration 52 : Anonyme, XVII° siècle, Mademoiselle Molière, Bibliothèque Nationale de France. Quelques ouvrages de la fin du XX° siècle, préfèrent à cette gravure un autre portrait qu'on retrouve, en général, en illustration des morceaux choisis de L'Ecole des femmes, en particulier en lien avec la scène 6 de l'acte II, comme c'est le cas, par exemple dans l'anthologie du XVII° siècle de Georges Décote, parue en 1988 aux éditions Hatier.1622 Illustration 53 Anonyme, XVII° siècle, Armande Béjart, Bibliothèque du musée des Arts décoratifs. Dans cette scène Arnolphe, comme l'indique le paragraphe introducteur, apparaît comme un homme « pathétique » auquel Agnès « impose une insoutenable souffrance.1623 » Dans l'appareil didactique qui prépare à l'étude du texte, des questions sont posées aux élèves afin de les aider à repérer « l'innocence » de la jeune femme et le caractère d'Arnolphe : « sa perspicacité, les manifestations de sa souffrance, les réactions des spectateurs. » La légende qui accompagne le portrait
établit
de façon
explicit
e le
lien entre L
'
Ecole des femmes et les déboires conjugaux de Molière : 1622 1623 Décote Georges, Itinéraires littéraires, XVII° siècle, Paris, Hatier, 1988, p. 191. Ibid. « En 1662, l'année même de la création de L'Ecole des femmes, Molière épouse Armande Béjart de vingt ans sa cadette. Bien qu'Agnès ne soit pas interprétée par sa jeune femme, Molière pose, dans cette pièce, les difficultés que peut provoquer, à l'intérieur du couple, la différence d'âge. » A travers l'image et son commentaire, on invite ainsi l'élève à identifier Armande à Agnès et Molière à Arnolphe. La notice biographique de l'auteur, présentée en début de chapitre, corrobore cette vision d'un Molière qui aurait été malheureux en amour : « La comédienne Armande Béjart, qu'il a épousé en 1662, a vingt ans de moins que lui, et est de plus une redoutable coquette, ce qui rend la vie commune bien agitée. » L'exploitation de ce document est donc intéressante à double titre. Elle dépasse la simple illustration : elle amène l'élève à lire L'Ecole des femmes à la lumière de la vie de l'auteur et elle contribue à illustrer l'image romantique du Molière souffrant de l'inconstance de sa jeune femme.
2. La vie à la cour de Louis XIV
En lien avec l'étude de Molière, deux types de documents iconographiques illustrent la vie à la cour de Louis XIV. On constate d'abord la présence de nombreuses images dont l'objet est de donner à voir des représentations des fêtes royales. C'est ensuite, la préciosité, thème particulier de la comédie moliéresque, qui donne lieu à une iconographie, laquelle est liée à la position que le dramaturge aurait prise dans le débat sur la position de la femme. a. Les fêtes royales : de l'artiste favori du roi à la représentation de l'Artiste
A partir de la seconde moitié du XX° siècle, en lien avec l'étude de Molière, les manuels proposent des documents iconographiques sur le faste des fêtes à la cour de Louis XIV et en particulier sur les journées des Plaisirs de l'île enchantée. Il faut noter que certains de ces documents étaient déjà présents dans L'histoire illustrée de la littérature française de Gustave Lanson,1624 mais ils n'avaient jamais été repris dans les ouvrages scolaires ce qui 1624 Lanson Gustave, Histoire illustrée de la littérature française, op., cit., p. 389, pour les gravures de Le Pautre et de Sylvestre sur « Les plaisirs de l'ile enchantée. » 676 témoigne du fait que leurs auteurs choisissent les illustrations qu'ils introduisent dans leurs pages, en vue d'orienter vers un sens donné la lecture qu'ils proposent des documents iconographiques. La présence des images qu'on peut trouver dans les ouvrages des spécialistes n'est donc pas, en elle-même, une motivation suffisante pour susciter l'intérêt des auteurs des manuels pour les faire figurer dans leurs ouvrages. Dans les années 1960, on ne parle pas encore d'histoire des arts mais on aime à donner à voir aux élèves des images qui illustrent la participation active de Molière aux plaisirs du roi. Alors que l'iconographie est encore très peu présente dans les pages des anthologies littéraires, on retrouve de façon régulière trois gravures : - une d'Isaac Silvestre représentant la première journée des fêtes, en 1664.
Illustration 54 : Silvestre Isaac, (1621-1691) Les plaisirs de l'île enchantée, mai 1664. - une autre du même artiste illustrant la
représentation de La Princesse d'Elide
Illustration 55 : Silvestre Isaac, (1621-1691), Les plaisirs de l'île enchantée, La Princesse d'Elide, 1674. - la troisième gravure est de Jean Le Pautre.
Illustration 56 : Le Pautre Jean, La fête donnée par Louis XIV pour célébrer la reconquête de la FrancheComté, à Versailles en 1674, troisième journée : Le Malade imaginaire, comédie représentée dans les jardins de Versailles devant la grotte de Thétis, 1676. Cette
de
rnière image montre
la représentation du Malade imaginaire, dans les jardins de Versailles lors de la troisième journée des fêtes, en 1673. Elle fait partie de la série de gravures que nous avons déjà évoquées précédemment, mais à l'inverse de celle extraite de l'almanach de 1680, celle-ci a pour objet de représenter les spectateurs plus que la représentation du Malade imaginaire. Ce qui est, avant tout, donné à voir ici, c'est la présence centrale du roi lors de ces festivités. Le spectacle à la cour du monarque est conçu comme un cadre devant un parterre où la figure royale est au centre. Il est celui qui jouit le mieux de la perspective. La scène de théâtre représentée est l'inverse de ce qu'on appelle aujourd'hui un « spectacle vivant ». Elle est donnée comme un tableau dans un cadre magnifique. On peut trouver les deux dernières gravures rassemblées l'une en dessous de l'autre, en pleine page, dans le Manuel des études littéraires françaises de Castex, Surer et Becker. Elles sont les seules illustrations d'un long chapitre de trente pages consacré à Molière, si on excepte le portrait de l'auteur peint par Pierre Mignard, l'autographe du dramaturge et quelques frontispices des comédies. Un commentaire les accompagne, mettant l'accent à la fois sur le luxe des fêtes royales et sur la présence de Molière lors de ces fêtes :1625 « Cette image des fêtes qui se déroulèrent dans le parc de Versailles du 7 au 13 mai 1664, montre bien le faste extraordinaire où se plut Louis XIV, pendant sa jeunesse. Le premier jour, Molière, déguisé en Dieu Pan, parut dans un ballet. » 1625 Castex P-G, Surer P., Becker G., Manuel des études littéraires françaises, Paris, Hachette, 1968, p. 113. 678 Pendant longtemps, ces illustrations sont en général insérées en lien avec la biographie de l'auteur et plus précisément lorsqu'il s'agit de présenter Molière en tant qu'artiste au service du roi. Elles sont rarement exploitées en elles-mêmes et sont l'objet de peu de commentaire. Elles constituent plutôt des documents historiques illustratifs qui contribuent à la représentation de la participation de Molière aux fêtes royales. Il faut attendre les manuels publiés dans les dernières décennies du XX° siècle pour trouver d'autres images concernant les fêtes royales, lesquelles sont exploitées dans une perspective différente. C'est, à ce moment que, nous l'avons vu, les manuels commencent à présenter l'oeuvre du dramaturge comme un théâtre qui n'a pas pour vocation première d'être moralisateur. Une nouvelle image de Molière apparaît : il devient « l'homme qui rit ». En 1987, aux éditions Hachette, Xavier Darcos et Bernard Tartayre, dans le manuel qu'ils consacrent au XVII° siècle, à l'usage des élèves de lycée, introduisent une nouvelle iconographie des fêtes royales, en appui de l'image d'un Molière pour qui, nous disent-ils, la vie est avant tout une fête :1626 « Il accepte la vie telle qu'elle est, avec ses insuffisances, ses trahisons, ses mystifications ; et prend le parti d'en rire. Homme de théâtre, Molière sait que la vie est une vaste comédie, qu'elle se déploie inlassablement comme une farce. [ ] Dès 1664, à Versailles, à l'occasion des fêtes de l'Ile enchantée, le scepticisme de Molière apparaît comme une crise passagère, appelée à être rapidement surmontée. Versailles et une fête ; pour Molière, la vie est une fête. » En illustration de ces propos, les deux auteurs choisissent de donner à voir deux gravures d'époque de Jean Berain (1640-1711) représentant des costumes de ballet.1627 1626
1627 Dar
cos
Xavier, Tartayre
Bernard
, XVII
°
siècle, op
.
,
cit.
,
p
. 250
. Ibi., pp. 252-254. 679
Illustration 57 : Gravures de Jean Berain (1640-1711) représentant des costumes de ballets. Dans ce manuel, lorsqu'il s'agit d'évoquer les fêtes royales, la perspective adoptée n'est plus d'illustrer l'artiste au service de Louis XIV, mais plutôt celle de donner à voir l'image de Molière, qui, comme le dit René Bray, en 1954, auquel font référence les auteurs du manuel,1628 est avant tout « un homme de théâtre » pour qui la vie est un « carnaval. » Cette iconographie demeure purement illustrative, mais la richesse des costumes représente un Molière, dont la vocation se situe avant tout dans le divertissement. Le commentaire qui accompagne ces images propose un discours sur une intériorité supposée de Molière, pour qui, dit-on, toute la partie de son oeuvre, dans laquelle cette dimension festive est présente, aurait été délibérément conçue pour détourner son esprit des tourments qu'il aurait, par ailleurs, endurés :1629 « C'est en concevant des farces, des ballets ou des comédies-ballets destinés aux divertissements de la cour que l'acteur-auteur fera le mieux diversion au pessimisme qui a pu un instant l'habiter. » L'ouverture des programmes vers l'Histoire des arts, dès le début du XXI° siècle, va introduire un nouveau déplacement de l'objectif de la présence de toute cette iconographie des fêtes royales vers, désormais, l'illustration de la comédie-ballet. Les gravures de Silvestre représentant Les Plaisirs de l'île enchantée se diversifient et sont, désormais, associées à la comédie-ballet en tant que divertissement royal. Ainsi, en plus de la représentation de la première journée, on voit apparaître celle de la troisième journée.
1630 1628 1629 1630 Ibid, p. 253. Ibidem. Potelet Hélène, Rives bleues 5°, Paris, Hatier, 2010, p. 125. 680
: Silvestre Isaac, (1621-1691), Les plaisirs de l'île enchantée, troisième journée, 1674. Dans les manuels d'aujourd'hui, parmi toute cette sorte d'images évoquant les fêtes royales, c'est surtout la gravure de Le Pautre concernant la représentation du Malade imaginaire qui semble avoir la préférence des auteurs des manuels. Elle est souvent mise en lien avec la comédie-ballet pour aider à la construction de l'image de Molière comme artiste favori du roi.1631 Même au XXI° siècle, la référence à cette image demeure en général purement illustrative et rares sont les ouvrages qui en proposent une réelle analyse. Seul, le Manuel de littérature française pour les classes de lycée des éditons Bréal, paru en 2004,1632 en présente un commentaire approfondi, en montrant qu'elle permet de comprendre toute la complexité de la nature du rapport établi au XVII° siècle entre la représentation théâtrale et la figure royale. : « La gravure est organisée symétriquement ( à l'image des jardins de Versailles où se situe la scène), autour d'un axe central qui va du roi ( assis au milieu, de dos, entouré de deux membres de sa famille) au sommet du fronton de la scène, en passant par le personnage principal du malade imaginaire, Argan, assis de face sur la scène, entouré d'autres personnages.[] Ainsi l'auteur comique fait face au roi par un effet de miroir burlesque. Parallèlement, la personne royale incarne le spectateur idéal, point focal à partir duquel la représentation, comme les perspectives prennent sens. Le public, qui peut toujours observer le roi, passe symboliquement par lui, par son regard et son jugement, pour pouvoir par son intermédiaire regarder et apprécier l'action représentée : l'organisation matérielle de la représentation implique donc à la fois un rapport immédiat entre le monarque et l'auteur-acteur, et un rapport médiat du public à la réception d'une oeuvre. »
1631 Ibid., p. 126. Astor Dorian (pour la partie consacrée au XVII° siècle), Manuel de littérature française, lycée, Paris, Bréal/ Gallimard, 2004, p. 203. 1632 681
Un tel commentaire demeure cependant une exception et, au mieux, lorsqu'on demande aux élèves d'observer l'image c'est pour repérer « l'espace réservé aux comédiens, aux musiciens et aux spectateurs dans la représentation du Malade imaginaire.1633 » A la fin du XX° siècle,1634 apparaissent aussi deux nouvelles images que nous n'avions jamais repérées jusque-là, lesquelles semblent constituer, avec la gravure de Le Pautre une référence pour évoquer les fêtes royales. Illustration 59 : Ballet de la nuit : Louis XIV à la mandoline, 1653, et Louis XIV en Apollon, Cabinet des Estampes, Bibliothèque nationale de France, Paris.
L'apparition de ces deux images témoigne du fait que l'entrée de l'Histoire des arts dans les programmes a permis aux auteurs des manuels d'ouvrir le chapitre consacré à Molière, et en particulier à la lecture du Bourgeois gentilhomme ou de George Dandin, à la comédie-ballet en tant qu'art, laquelle se trouve contextualisée, en plus des gravures de Le Pautre et de Silvestre, par la représentation de Louis XIV dansant ou jouant de la musique. A travers ces représentations, c'est la figure du roi-artiste qui est mise en avant : 1633 Potelet Hélène, Rives bleues 5°, op., cit., p. 126. Décote Georges
,
XVII° siècle
, op., cit., p. 165. 1635 Himy Olivier, Les couleurs du français 5°, Paris, Hachette, 2010, p. 200 ; Potelet Hélène, Rives bleues, op., cit., p. 125 ; Bertagna Chantal et Carrier-Nayrolles Françoise, Fleurs d'encre 5°, Paris, Hachette, p. 242243. « Louis XIV est un grand amateur de danse et de musique : excellent danseur, il chante et joue de la mandoline. Dès son plus jeune âge, il se mêle sur scène aux artistes professionnels.1636 » On peut penser que, si on insiste sur les gouts artistiques du Roi-soleil, si on donne à voir ces deux illustrations, et si on juge important de souligner en caractères gras que, très jeune, le roi « se mêle aux artistes professionnels », c'est peut-être aussi parce que l'évocation de ce « monarque artiste1637 » participe à la revalorisation de l'image de l'artiste en général et en particulier de celle du comédien qu'était Molière. Le fait de préciser, en lien avec cette iconographie, que Molière est l'inventeur de la comédie-ballet, contribue ainsi à la construction de la mythographie de Molière artiste par excellence : « Molière invente ce type de spectacle (la comédie-ballet) [] pour le plaisir du roi Louis XIV qui adorait la danse.1638 »
b. La ruelle et la préciosité : de la critique de la préciosité à la défense de l'émergence de la pensée féminine
Aux premiers temps de l'introduction de l'iconographie dans les manuels des classes des lycées, dans les années 1930, le courant précieux n'est jamais relié à l'étude de Molière. Il est présent dans les anthologies mais sans lien explicite établi entre la littérature précieuse et l'oeuvre du dramaturge. Dans Les Grands écrivains de France illustrés, une reproduction de La carte de Tendre est donnée en illustration d'un morceau choisi du Dialogue des héros de romans que Nicolas Boileau écrivit en 1665.1639L'extrait proposé à la lecture est introduit par un commentaire indiquant qu'il s'agit d'un dialogue qui «r la manière de Molière dans Les Précieuses ridicules et fait campagne dans le même sens ; Boileau combat un genre particulier de déformation du vrai, une utilisation des personnages historiques qui les fausse. » Le commentaire évoque aussi Mademoiselle de Scudéry et indique que « c'est aux « samedis » où la romancière continuait la tradition précieuse de l'Hôtel de Rambouillet qu'avait été imaginée, vers 1654, la « Carte de Tendre », que l'on peut voir en illustration de ces propos. 1636
1637 1638 1639 Potelet Hélène, Rives bleues 5°, op., cit., p. 125. Ibid. p. 124. Himy Olivier, Les couleurs du français 5°, op.,cit., p. 200. C'est dans l'édition de 1970 du Lagarde et Michard, laquelle, nous l'avons dit, ne modifie rien au choix des textes et à leur analyse mais renouvelle l'illustration, que nous trouvons, pour la première fois, cette iconographie associée à l'oeuvre de Molière. Elle y occupe une place de choix, puisque sur les dix planches proposées en appui de l'étude du théâtre du dramaturge, trois d'entre elles sont regroupées dans une double page intitulée « La préciosité. » On peut y voir : - une gravure d'Abraham Bosse (1604-1676) représentant une ruelle ; - une illustration de L'Astrée extraite de l'édition de 1647 reproduisant le saut de Céladon ; - la Carte de Tendre. Illustration 60 : Documents iconographiques illustrant la préciosité in Lagarde André et Michard Laurent, XVII° siècle, édition de 1970, double page non paginée insérée entre les pp. 192-193. Le pays de Tendre est un royaume fictif et sa carte est allégorique. Comme le remarquent les auteurs de La petite fabrique de l'image, qui l'analysent, elle « propose un 684 discours métaphorique lié à un idéal social et culturel, à une conception de l'homme et de la femme, à une esthétique et à une morale.1640 » Dans le manuel, ces images demeurent purement illustratives, mais elles invitent l'élève à les regarder à la lumière de ce que disent les deux auteurs sur la préciosité dans la rubrique intitulée « Les idées de Molière », laquelle développe les « Thèses de Molière », dont la première concerne la préciosité :1641 « Il (Molière) est impitoyable pour la préciosité ridicule des « pecques provinciales », des bourgeoises prétentieuses et des « gens de latin ».[] C'est Alceste qui, avec sa rude franchise, exprime le sentiment de Molière sur la préciosité : « Ce n'est que jeu de mots, qu'affection pure / Et ce n'est pas ainsi que parle la nature. » A travers ces propos, on peut noter l'influence que l'ouvrage de Paul Bénichou Morales du grand siècle, publié en 1947, a pu avoir sur la lecture scolaire de Molière. Renée Boche et Jacques Gautreau, qui ont réalisé les documents d'accompagnement du manuel de Lagarde et Michard,1642y font référence en citant un extrait de cet ouvrage dans lequel Paul Bénichou évoque «l'hostilité de Molière à l'égard du féminisme naissant » et « son intervention, dès les origines du débat, en faveur des idées traditionnelles. » On retrouve cette analyse dans plusieurs manuels de la même époque. On peut citer en exemple les propos suivants, extraits de l'anthologie du XVI° siècle et du XVII° siècle que Martino et Cailla publient, en 1948, à l'usage des classes de seconde. Il s'agit, ici de présenter Les Femmes savantes, pièce dans laquelle, selon les deux auteurs, Molière défend le même point de vue que dans Les Précieuses ridicules :1643 « C'est encore au féminisme que Molière en a, non pas sous la forme ridicule que lui donnaient les précieuses, mais avec les tentations plus dangereuses qu'il décelait chez ses contemporaines : la recherche d'une forte culture comme moyen de s'affranchir de l'autorité de l'époux et du père, du moins de la limiter. 685 obscurément que son pouvoir de femme en serait diminué. Molière lui donne raison ; il ne prétend pas du tout être avec les novateurs qui jugent heureux et nécessaire un certain affranchissement de la femme par l'instruction. » C'est peut-être le poids qu'à joué le « Lagarde et Michard » dans le monde de l'édition scolaire de la seconde moitié du XX° siècle, qui explique que les auteurs des manuels vont associer à la lecture des Précieuses ridicules ou des Femmes savantes des illustrations sur la préciosité, et en particulier l'image de la Carte de Tendre ; comme si, désormais, on ne pouvait plus parler du dramaturge sans insister, au cours de l'analyse de ses comédies, sur sa critique de la préciosité. L'iconographie, tout en demeurant illustrative induit ici une lecture de l'oeuvre de l'auteur, laquelle, par la présence même des images, accorde une importance toute particulière, au regard que Molière a porté sur les salons féminins de l'époque. Par cette lecture, le courant précieux et l'émergence de la pensée féminine se retrouvent réduits à une recherche esthétique sans intérêt, si ce n'est dangereuse, puisqu'elle remet en cause la position de la femme dans la société. C'est, en 1982, dans l'anthologie des éditions Magnard, qu'on voit se modifier cette lecture de la préciosité. Dans cet ouvrage, l'iconographie de la Carte de Tendre est mise en lien avec les morceaux choisis de L'Ecole des femmes et de Clélie, Histoire romaine, de Mademoiselle de Scudéry.1644 Cependant, ces extraits ne débouchent pas sur l'importance que Molière aurait accordée à la critique des milieux précieux, mais sur un dossier consacré au « féminisme au XVII° siècle ». Celui-ci se déploie sur une double page, dont la Carte du monde de la Lune est le « support » (au sens matériel du terme) d'une réflexion sur l'émergence d'une pensée féministe au XVII° siècle. Le dossier propose en lecture trois textes du XVII° siècle : - le premier de l'abbé Michel de Pure est extrait de La Prétieuse ou le mystère des ruelles, (1656-1658) dans lequel l'auteur défend le roman précieux en tant que traité d'éducation, en particulier pour les femmes ; 1644 Biet Christian, Brighelli Jean-Paul, Rispail Jean-Luc, XVI-XVII° siècles, Collection « Textes et Contextes », Paris, Magnard, 1982 p. 422-427 et 456-457. 686 - le second, dont le titre est révélateur du contenu des propos, appartient à l'oeuvre de Jacquette Guillaume1645 : Les dames illustres où par bonnes et fortes raisons, il se prouve que le sexe féminin surpasse en toute sorte de genre, le sexe masculin, (1665) ; - le troisième texte, dont le titre est tout autant révélateur que le précédent, publié l'année de la mort de Molière, a été écrit par un disciple de Descartes, Poullain de la Barre (16647-1725) : De l'égalité des deux sexes, discours physique et moral, o l'on voit l'importance de se défaire des préjugés. Illustration 61 : Double page iconographique pour L'Ecole des femmes, « Le féminisme au XVII° siècle », in Biet Christian, Brighelli Jean-Paul, Rispail Jean-Luc, XVI-XVII° siècles, Collection « Textes et Contextes », Paris, Magnard, 1982 pp. 456-457.
Dans ce manuel, rien n'est dit sur la position de Molière concernant le sujet. Cependant, la juxtaposition des extraits choisis de L'Ecole des femmes au dossier sur la naissance du féminisme au XVII° siècle, laisse plutôt penser que le dramaturge aurait accueilli favorablement ces idées. Certaines anthologies du lycée de la fin du XX° siècle, vont même plus loin en affirmant que Molière, de par ses idées progressistes, ne pouvait pas s'opposer aux revendications féminines. C'est le cas, par exemple, du XVII° siècle de Robert Horville, dans lequel un dossier est consacré à La femme au temps de Molière :1646 « Un véritable mouvement féministe se dessine qui revendique pour les femmes l'accès au savoir et qui rejette la domination masculine. C'est cette volonté qui anime les 1645 Nous ne possédons aucun détail précis sur la vie de cette auteure ; sa date de naissance et celle de sa mort ne sont pas connues. 1646 Horville Robert, XVII° siècle
,
Paris
,
Hatier
, 1988, p. 215
. 687 précieuses et les femmes savantes. Molière, en fait, ne critique pas ce désir de s'instruire, mais, comme il le fait souvent, les excès qui l'accompagnent. Comment aurait-il pu nier le rôle positif que jouent les femmes dans la vie culturelle française? » On retrouve encore, dans certains manuels du lycée du début de notre siècle, toujours en lien avec la lecture du théâtre de Molière, des dossiers concernant la préciosité et l'émergence du féminisme, lesquels sont toujours illustrés par ce même type d'iconographie. On peut le voir, par exemple, en 2000, dans l'anthologie pour les lycées des éditions Bréal, dans laquelle, en appui d'un morceau choisi des Précieuses ridicules, on donne à voir aux élèves le frontispice de l'édition de 1633 de L'Astrée d'Honoré d'Urfé.1647 En regard du texte, l'encadré sur la préciosité situe cette littérature dans le cadre d'une réflexion des femmes de lettres de l'époque sur l'amour et l'esthétique : « C'est ainsi que le courant précieux épris de paix, de recherche esthétique, et de volonté d'épuration des esprits et des discours, fut finalement, l'apanage des femmes, contre la guerre, le pouvoir infini des maris, la brutalité des rapports de force sociaux. » La place accordée, depuis les années 1950, à l'iconographie relative à la préciosité, en lien avec le théâtre de Molière, est donc intéressante parce qu'elle participe de l'évolution de la lecture de l'oeuvre du dramaturge. Au milieu du XX° siècle, il s'agit de mettre en avant la critique des milieux précieux et de montrer que Molière, à travers Les Précieuses ridicules, a participé à la c ritique de l'émergence du féminisme. A partir de la fin du XX° siècle, la tendance s'inverse. A l'époque où la littérature féministe est au devant de la scène, à l'époque où Simone Weil fait voter la loi sur l'avortement (1974), la lecture scolaire du discours de Molière sur les femmes se modifie. Cette modification va aller de pair avec l'évolution du corpus, comme nous l'avons vu dans notre précédente partie. Ainsi, comme nous l'avons dit dans notre précédente partie, à partir des années 1980, on voit disparaître des manuels les morceaux choisis des Femmes savantes, lesquels sont remplacés par ceux de L'Ecole des femmes. On constate la présence des mêmes images mais, elles sont, désormais, utilisées pour illustrer la prise de position de Molière en faveur de la défense du féminisme. 3. Le théâtre au XVII° siècle
Dès l'introduction des premières images, les auteurs des manuels s'attachent à faire de celles-ci un document illustrant le cadre de la représentation théâtrale du temps de Molière.
a. L'espace théâtral : du théâtre ambulant à la Comédie- Française
Du temps de la jeunesse de Molière, l'espace théâtral, c'est avant tout celui du théâtre ambulant. Les manuels, nous l'avons vu, attachent une importance toute particulière à la jeunesse de Molière et aiment à rapporter ce qu'ils appellent « la naissance de sa vocation », lorsque, encore enfant, son grand père Louis Cressé l'aurait emmené écouter les farceurs et les bateleurs sur le Pont-Neuf. Une image permet à la fois d'illustrer cet épisode et de contextualiser le cadre de l'espace théâtral du temps de Molière. Il s'agit d'une gravure anonyme, datant du XVII° siècle, qui représente les marchands d'Orviétan. On la retrouve dans les ouvrages scolaires de la seconde moitié du XX° siècle, dans lesquels elle est rarement accompagnée d'une légende autre que celle indiquant qu'il s'agit d'une représentation d'un « théâtre ambulant. »
Illustration 62 : Anonyme, Les marchands d'Orviétan, Gravure du XVII° siècle. Sa perspective d'exploitation est donc, en général, purement illustrative. Elle peut, mais beaucoup plus rarement, être l'objet d'un commentaire à vocation contextualisante, 689 comme on le voit dans les différents ouvrages que Chevaillier, Audiat et Aumenier, ont publiés à l'usage des élèves de collège et de lycée,1648 jusque dans les années 1970. Elle apporte alors des éléments complémentaires au discours textuel : « Cette gravure du XVII° siècle offre un aperçu de ce qu'étaient alors les théâtres ambulants. Les acteurs jouent en plein air ; la scène est montée sur des tréteaux. Pour placer leurs drogues, et notamment l'orviétan, lorsqu'il fut à la mode, les vendeurs avaient parfois recours à cette « attraction » : une farce représentée en public par des comédiens à leur solde. » La gravure disparaît des manuels à la fin du XX° siècle. Les ouvrages scolaires d'aujourd'hui consacrent toujours une rubrique au cadre du théâtre ambulant à l'époque de Molière, mais l'image apportée en appui n'est plus la même. Le choix des auteurs des manuels va plutôt vers une iconographie plus actuelle, et ce sont des photogrammes du film d'Ariane Mnouchkine (1978) qui servent souvent d'illustration aux conditions du « théâtre de rue. »1649
Illustration 63 : Photographies de scènes du théâtre de rue extraites du Molière d'Ariane Mnouchkine, 1978. Le fait que cette nouvelle iconographie remplace la précédente, témoigne du caractère patrimonial du film d'Ariane Mnouchkine, lequel est considéré, nous l'avons vu, comme une image incontournable pour la représentation du théâtre de Molière. Ce qui justifie ce choix, c'est peut-être aussi parce qu'on estime que de telles images sont plus aptes à susciter l'intérêt des élèves, lesquels seront mieux à même, à partir de ce support iconographique, d'imaginer 1648 Chevaillier, Audiat et Aumenier, Les nouveaux textes français, 3°, Paris, Hachette, 1948, p.214 ; ibid., 1969, p. 197.
1649 Ballanfat Evelyne, Jardin des lettres, français 6°, Paris, Magnard, 2013, p. 220. 690 le cadre du théâtre ambulant. Son exploitation demeure, cependant, toujours avant tout illustrative. Rares sont les cas où on peut constater une perspective balbutiante d'analyse de l'image comme on peut le voir dans la consigne d'observation donnée aux élèves dans le manuel pour la classe de 6° des éditions Magnard :1650 « Montre comment ces deux images traduisent l'expression « théâtre de rue. » » Au début du XXI° siècle, on constate l'apparition d'une nouvelle image qui illustre le cadre du théâtre de Molière : la Comédie-Française avec la représentation de la salle Richelieu qu'on retrouve dans presque tous les manuels du collège et du lycée,1651en lien avec l'Histoire des arts. La salle ayant été construite plus d'un siècle après la mort de Molière, (entre 1786 et 1790) le choix de cette iconographie, témoigne donc d'un déplacement du rapport établi entre le texte et l'image. On donne à voir la gloire de Molière non plus dans son contexte historique, mais dans la perspective de la transposition de sa célébrité dans les siècles futurs. C'est « la maison de Molière » qui devient ainsi l'emblème de la réussite de l'auteuracteur. On est toujours dans une démarche illustrative mais l'image ancre aussi un savoir sur Molière en l'instituant en tant que figure patrimoniale par excellence, dont la notoriété est devenue symbole du théâtre français. Enfin, pour illustrer le cadre de la représentation théâtrale, on peut remarquer dans les manuels récents un document iconographique extrait du Molière de Laurent Tirard (2007). Ce film, à l'instar de celui d'Ariane Mnouchkine, semble désormais constituer une part du patrimoine culturel à transmettre aux élèves.1652On y voit Romain Duris, dans le rôle de Molière, face à la caméra, le dos tourné à la salle de spectacle, dans une position qui invite à lire dans son attitude et dans son visage toute la fierté de l'artiste jouant devant le roi.
1650 Ibidem. Damas Xavier, La vie en toutes lettres, Français 2°, Paris, Hatier, 2015, p. 57 ; ou autre exemple : Ballanfat Evelyne, Jardins des lettres, français 6°, op., cit., p 218-219 ; ou encore, autre exemple parmi d'autres : Bertagna Chantal et Carrier-Nayrolles Françoise, Fleurs d'encre 6°, op., cit., p. 233. 1652 Bertagna Chantal et Carrier-Nayrolles Françoise, Fleurs d'encre 6°, op., cit., p. 234. 1651 691
Illustration 64 : Molière jouant devant le roi, photographie extraite du Molière de Laurent Tirard, in Bertagna Chantal et
Carrier-Nay
rolle
s François
e, Fleurs d
'
encre
6°
,
p.
233
.
Cette image illustre la gloire de Molière. Dans le manuel pour la classe de 6° des éditions Hachette, elle se superpose au discours de présentation du dramaturge, lequel sous forme de jalons chronologiques, retrace les grandes étapes de la vie de Molière. Ici, l'iconographie complète les informations textuelles données. Même si elle n'est l'objet d'aucun commentaire particulier, de façon insinuante, elle participe à l'ancrage d'un sa sur le caractère de Molière, qui apparaît comme un homme décidé, sûr de lui, duquel émane une véritable force créatrice. b. Billets, programmes et affiches : la contextualisation de la représentation théâtrale
Tous ces documents sont en général insérés dans le texte sans lien établi entre celui-ci et l'image. Leur perspective est donc ici encore purement illustrative et ils n'apportent pas réellement d'information nouvelle. Ils sont cependant une aide donnée à l'élève pour lui permettre de contextualiser le cadre de la représentation théâtrale. Pour ce faire, les manuels de la seconde moitié du XX° siècle donnent à voir la reproduction de billets de théâtre du XVII° siècle. 692
Illustration
65
: Billets de théâtre, (1660), in Des Gran
ges
, et Boud
out
, Histoire de la littérature française
, Paris, Hatier, 1951, p. 546. Dans la même perspective, on retrouve l'affiche d'une représentation dans la salle du Petit-Bourbon. Illustration 66 : Affiche d'une représentation dans la salle du Petit-Bourbon, in Décote Georges, XVII° siècle, p. 182. On note encore une photographie du registre de La Grange. Il est intéressant de remarquer qu'une page de ce document est présente dans l'Histoire illustrée de la littérature française de Gustave Lanson,1653 mais cependant, dans les manuels de la première moitié du XX° siècle, ce document n'est jamais exploité. La encore, cette constatation témoigne du fait 1653 Lanson Gustave, Histoire illustrée de la littérature française, op., cit., p. 53. 693 que les auteurs de ces ouvrages choisissent, comme nous l'avons déjà dit, dans les images que l'on trouve dans les ouvrages savants, uniquement celles qui illustrent leur propos. Jusqu'à la fin de la première moitié du XX° siècle, en effet, l'enseignement de la littérature ne se préoccupe guère de contextualiser le cadre de la représentation théâtrale du temps de Mo Dans les manuels de la seconde moitié du XX° siècle, cette image est souvent accompagnée d'une légende indiquant, comme c'est le cas dans le XVII° siècle que Georges Décote publie aux éditions Hatier en 1987, que c'est sur ce registre que « le comédien La Grange consignait tous les détails matériels concernant la troupe de Molière. » Illustration 67 : Le registre de La Grange, in Décote Georges, XVII° siècle, p. 194. Ces images sont envisagées en tant que documents historiques et elles sont à mettre en lien avec le discours verbal sur la carrière de Molière. Elles disparaissent des manuels du début du XXI° siècle, lesquels vont plutôt orienter leurs choix iconographiques vers des documents du même type mais à valeur « actualisante ». En employant ici ce terme, nous voulons signifier qu'il s'agit de documents qui s'inscrivent dans la perspective de présenter aux élèves des images d'aujourd'hui, lesquelles illustrent « l'actualité » de l'oeuvre de Molière. Ainsi, par exemple, on continue à trouver des affiches du programme de la Comédie-Française, mais celles-ci concernent désormais l'époque 694 contemporaine. Le manuel pour la classe de quatrième des éditions Didier, donne, par exemple, à voir l'affiche de la saison 2010-2011 dans laquelle tous les comédiens de la troupe rendent hommage à Molière en prenant une pose qui rappelle celle du dramaturge portraituré par Nicolas Mignard dans La Mort de Pompée. Illustration 68 : Programme de la Comédie-Française, 2010-2011, in Marais Odile, Fil d'Ariane, 4, p. 229. Il s'agit ici de mettre en relation l'image avec la notoriété toujours actuelle de « l'illustre Molière », comme le disent les auteurs du manuel. En plus d'être illustratif, ce document est donc aussi exploité dans une perspective d'ancrage du savoir. Il participe à la construction du sens dans la mesure où il permet d'institutionnaliser Molière en tant qu'auteur patrimonial dont l'oeuvre ne cesse d'être jouée. Ce message est repris par une citation des propos de Pierre Dux répondant à la question suivante qu'il se pose à lui-même : « Qu'est-ce donc, chez Molière, qui a pu résister aux habitudes de dénigrement et aux lois du vieillissement? » 4.
Conclusion
Tous ces documents se rapportant à la vie et à la carrière de Molière, appartiennent à ce que nous avons appelé l'iconographie illustrative. Leur insertion dans le discours textuel semble d'abord répondre au « plaisir des yeux » des élèves. Cependant, depuis leur apparition dans les premiers manuels illustrés, dans les années 1930, la diversité et l'abondance de ces 695 images témoignent, du fait qu'elles ne sont pas, comme le disent Emilie Abry, Jacques Bernès, Paul Crouzet et Jean Léger, dans la préface des Grands écrivains de France illustrés1654 « simplement ici un copieux appât, [] une invitation à feuilleter, une amusette des yeux, un sacrifice à la mode. » En revendiquant l'importance de l'image pour faire comprendre les textes classiques, les auteurs de cette anthologie sont les premiers à assigner à l'iconographie un rôle pédagogique. Ces images qui entourent le discours textuel participent pleinement de la lecture scolaire de la vie et de la carrière de Molière. Elles témoignent de l'évolution de cette lecture depuis la première moitié du XX° siècle, jusqu'à aujourd'hui. Elles ne sont pratiquement jamais l'objet d'un commentaire. Elles sont juste accompagnées, dans de rares cas, d'une légende. Cependant, par sa seule présence cette iconographie contribue à repérer les différents jalons qui construisent la légende de Molière, que nous avons relevés dans nos parties précédentes. Ce que donne à voir le discours iconographique, c'est, d'abord, la persistance de la construction de l'image romantique de l'écrivain. La présence du fauteuil du dramaturge comme celle du portrait d'Armande, et celle de Molière à l'écoute du vieux Corneille, rappelle l'importance qu'on continue à accorder à la représentation de la grandeur morale de Molière. Ces images vont plus loin que le discours textuel en apportant des documents qui attestent de l'exemplarité d'un homme dont la vie est source de vénération. Si on loue Molière, c'est parce qu'il a voué son existence au théâtre au point de mettre sa vie en danger ; parce que, même malade et malheureux en amour, il n'a jamais cessé de penser à sa troupe ; parce qu'il a toujours été un « homme de coeur », prêt à apporter son soutien à ceux qui l'entourent, comme il l'a fait pour aider Corneille lorsque celui-ci, à la fin de sa vie, a vu son oeuvre délaissée par le public. La présence, encore aujourd'hui, de tels documents est donc d'autant plus intéressante qu'elle construit un discours parallèle au discours textuel. Par les images, Molière continue à mourir en scène ; Armande continue à être représentée comme une coquette et Corneille illustre la générosité de Molière, qui ne l'a pas laissé tomber dans sa vieillesse.
1654 Abry Emilie, Bernès Jacques, Crouzet Paul, Léger Jean, Les grands écrivains de France illustrés, op., cit., Préface p. VIII. 696
Ces images, de façon insinuante, témoignent donc du fait que l'ancienne lecture de Molière, qui fut celle en grande partie du XX° siècle, n'a pas totalement disparu. Elles nous montrent que l'auteur demeure encore aujourd'hui une icône de l'école républicaine, incarnant l'idéal de l'homme dont la grandeur morale est digne d'admiration, modèle éducatif donné en exemple à la jeunesse. Mais, c'est aussi toute l'évolution de la mythographie moliéresque que l'on peut retrouver à travers le discours iconographique se rapportant à la vie et à la carrière de Molière. Les différentes exploitations de la représentation des fêtes royales et celles de Molière à la table de Louis XIV illustrent le passage d'une mythographie à l'autre. En lien avec l'évolution de la lecture scolaire de Molière, ces images donnent à voir le mythe de l'artiste complet. Elles disent la naissance d'un dramaturge exemplaire, homme de théâtre par excellence, qui sut divertir un roi et devenir son ami. Ces documents iconographiques sont l'expression du mythe de « l'homme qui rit », lequel se superpose à partir de la fin du XX° siècle, au mythe précédent. Enfin, tous ces documents iconographiques témoignent aussi du fait que la lecture scolaire des éléments concernant la vie et la carrière de Molière est étroitement liée à celle de l'évolution de la lecture de l'oeuvre de l'auteur. En attestent tous les documents se rapportant à la préciosité. Au milieu du XX° siècle, ils sont utilisés pour représenter les idées critiques de Molière sur les salons précieux féminins. L'évolution des mentalités, à la fin du XX° siècle, la reconnaissance des droits de la femme et l'émergence de la littérature féministe vont contribuer à modifier cet aspect de la lecture de l'oeuvre de Molière. Les mêmes images deviennent alors l'illustration de la participation de Molière à la défense de l'émergence de la pensée féminine.
Chapitre 3 La représentation picturale des personnages de Molière
Dès l'introduction d'images dans les manuels du XX° siècle, les auteurs des anthologies littéraires sont soucieux de donner à voir une représentation picturale des personnages moliéresques, lesquels sont illustrés par une riche iconographie issue de toute une série de documents visuels. Dans cette perspective, on constate d'abord la présence d'images qui montrent des représentations de certains métiers du XVII° siècle, lesquels sont ceux que l'on retrouve dans les comédies du dramaturge. Une partie de cette iconographie, contemporaine de l'écrivain, constitue des témoignages historiques, lesquels auraient pu être des sources d'inspiration pour Molière. Du moins, ces images rendent-elles compte de la réalité telle que le dramaturge a dû l'observer. D'autres documents, plus récents, complètent ce que nous avons choisi d'appeler ces « tableaux parisiens.» Mais, l'iconographie donne aussi à voir une image concrète des personnages créés par lière. Tous ne sont pas représentés, mais dès les premières anthologies illustrées, on peut trouver, en particulier, des figurations d'Harpagon, de Don Juan ou de Tartuffe. Comme les images qui concernent la vie et la carrière de Molière, ces documents sont surtout illustratifs. Constituée de gravures, de dessins d'époque et, plus récemment, pour le 698 collège, d'images spécifiquement conçues à la demande des auteurs des manuels, toute cette iconographie accompagne le discours textuel à l'intérieur duquel elle est insérée sans être l'objet d'un commentaire qui lui est propre. Il s'agit donc de s'interroger sur la fonction de ces documents visuels. Leur rôle se limite-t-il à proposer une représentation graphique des personnages moliéresques? Leur présence s'explique-t-elle seulement par le désir de parler à l'imaginaire des élèves? A travers les choix iconographiques opérés par les auteurs des manuels, ne peut-on pas discerner une visée didactique, laquelle aurait pour objectif d'orienter la « lecture » des comédies de Molière?
1. Les tableaux parisiens
Cette première catégorie est constituée par des illustrations qui donnent à voir une représentation du XVII° siècle à travers des personnages que l'on retrouve dans les comédies de Molière : les médecins, les hommes de cour, les hommes d'épée, les bourgeois sont les représentations iconographiques les plus courantes des manuels du XX° siècle.
a. Les médecins
Les images du corps médical sont celles qui sont les plus nombreuses. Alors que les autres représentations disparaissent des manuels dès la fin du XX° siècle, ce sont les seules qui perdurent encore aujourd'hui. Les premières illustrations que nous avons rencontrées sont extraites d'une série de gravures réalisées par Nicolas Larmessin, contemporain de Molière (1632-1694), caricaturant l'habit de médecin. La plus connue de ces figurations apparaît dès les années 1930, dans Les
Grands écrivains de France illustrés :1655
1655 Abry, Bernès, Crouzet, Léger, Les grands écrivains de France, op., cit., p. 205. 699
Illustration 69 : Larmessin Nicolas, (1632-1694) Habit de médecin, Paris, B.N.F. La légende qui accompagne cette gravure indique que cette caricature « ne messied pas pour costumer Sganarelle. » A travers elle, c'est ainsi le personnage de Sganarelle du Médecin volant qui est illustré, tel que Molière aurait pu l'imaginer. La fortune de cette image dure jusqu'au dernier quart du XX° siècle, époque à laquelle on continue à la retrouver à l'identique ou sous la forme d'une autre variante appartenant à la même série.
1656 Illustration 70 : Larmessin Nicolas, (1632-1694) Un médecin, Paris, bibliothèque
des Arts
déco
ratifs. 1656 Décote Georges, XVII° siècle, op., cit., p. 188. Si les auteurs des manuels donnent à voir aux élèves, jusqu'à la fin du XX° siècle, ces images, c'est toujours en raison de l'importance particulière qu'on accorde dans la vie de Molière à la maladie chronique dont il aurait été atteint. C'est, disent les auteurs des manuels, ce qui permet d'expliquer la présence dans le théâtre du dramaturge des personnages qui sont des caricatures des médecins de l'époque. En voici un exemple extrait des Scènes choisies du théâtre de Molière, de Maurice Rat, en 19421657 : « C'est dans la mauvaise santé de Molière, à laquelle la médecine n'avait pas su remédier, qu'il faut trouver l'origine de ses traits satiriques contre les médecins. » Dans les manuels d'aujourd'hui, on ne retrouve plus ces deux caricatures, mais on constate toujours la présence du même discours, lequel est illustré par des images beaucoup plus récentes, dont la visée est cependant identique. Ainsi, par exemple, dans le manuel 2011 des éditions Magnard pour la classe de cinquième, lequel propose un « Parcours d'une oeuvre » autour du Malade imaginaire, c'est un dessin de Plantu qui illustre la rubrique « Graine de culture » consacrée à « Molière et les médecins » : « Le Malade imaginaire est représentatif de la pensée de Molière concernant les médecins. [] Molière, de santé fragile, et mal soigné, s'est souvent moqué des médecins dans son théâtre. » Illustration 71 : Dessin de Plantu, en illustration de la rubrique « Molière et les médecins », in Ballanfat Evelyne, (dir.), Mots et émotions, Français 5°, Paris, Magnard, 2011, p. 230.
1657 Rat Maurice, Scènes choisies du théâtre de Molière à l'usage des classes de ième et de cinquième, op., cit., p.11.
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posé que le conseil général se retire et que l'ensemble de la manifestation soit annulé. « Jean Glavany s'est complètement désolidarisé des Jeux, et il voulait même tout annuler pour que personne d'autre ne puisse en bénéficier »330. Les arguments de Jean Glavany concernent le désordre des méthodes de management, les « incertitudes juridiques et financières du dossier », en premier lieu desquelles « l'affaire des sponsors » (Encadré 2), ainsi que l'utilisation abusive de stagiaires. Il y aurait beaucoup de dépenses excessives et inconsidérées. Dans un courrier, Jean Glavany explique : « j'ai pris note de vos réflexions concernant les Jeux Pyrénéens de l'Aventure. Mais vous avez sans doute noté que j'ai pris beaucoup de recul par rapport à ce dossier. [] Mon désaccord de fond sur la gestion dudit dossier tient d'une part à son aspect financier et, d'autre part, à la gestion de certains partenariats. [] Je considère que la gestion des partenariats privés (sous l'autorité de Jacques Marion) a révélé un amateurisme aux conséquences dramatiques »331. Contre cette position, Jacques Marion soutient les Jeux Pyrénéens de l'Aventure. Pour lui, « l'affaire des sponsors » est une erreur financière regrettable mais ne remet pas en cause le déroulement des compétitions. « Je reconnais l'erreur pour les sponsors [], mais c'était pas une raison pour tout bloquer. Il fallait qu'on se rattrape, qu'on ne refasse pas l'erreur mais on n'arrête pas tout sous prétexte qu'il manque 2 millions de francs. Au contraire, voyant ça Jean Glavany aurait dû prendre son téléphone et trouver l'argent privé, pour un politique de son niveau c'est rien 2 millions, il a les relations» « De toute façon, toutes les grandes compétitions laissent des déficits énormes, bien supérieur à celui des Jeux Pyrénéens de l'Aventure. Là, il manquait 2 millions de francs, c'est rien 2 millions »332 Jacques Marion et les salariés de Nouvelles Pyrénées Jean Glavany Réduire les dépenses liées à ces Jeux, se retirer du projet, annuler le déroulement des compétitions. Argumentation : Jean Glavany souhaite empêcher la réussite des Jeux pour éviter qu'un succès médiatique marque la présidence du conseil général occupé par un autre que lui. Je reconnais l'erreur des sponsors, mais l'organisation des Jeux doit continuer (et Jean Glavany doit aider à trouver les sponsors manquants). De toute façon, toutes les grandes compétitions accusent d'énormes déficits. Argumentation : L'organisation se compose de stagiaires. Il y a des incertitudes dans le dossier. Jacques Marion n'a pas obtenu de partenaires privés, ses méthodes sont désordonnées et coûteuses. Les partenaires publics ne doivent pas assumer l'ensemble de la manifestation. dossier va accuser « un énorme déficit », l'ensemble du projet doit être interrompu. Tableau 7 : Un état du rapport de force en 1992
330 Brigitte Mauret, entretien 2007. Maurice Dubarry, entretien 2007. Maurice Duchêne, entretien 2007. Jean Glavany, lettre datée du 30 juin 1993 à l'intention de la SARL Nouvelle Pyrénées, Paris. 332 Jacques Marion, entretien 2007 331 194
Défendre les Jeux Pyrénéens contre les politiques qui veulent faire avorter le projet. LES JEUX PYRÉNÉENS DE L'AVENTURE 1993
Par ailleurs, sans le soutien de Jean Glavany, les difficultés commencent pour l'organisation des Jeux : Durant l'été 1992, certains désaccords financiers transparaissent entre les commerçants partenaires de Saint-Lary et de Piau-Engaly, ce qui perturbe la réputation des Jeux. L'affaire « est un détail mais engendre pas mal de bisbilles, des querelles de vallées, comme dans toutes les vallées des Pyrénées »333. Dans les mois qui suivent, l'association écologiste UMINATE intervient pour dénoncer les risques potentiels sur le milieu naturel. Dans une lettre adressée au premier ministre Pierre Bérégovoy puis diffusée très largement, l'association UMINATE pointe le problème du traitement des déchets, la fragilisation des sols par piétinement et demande « à tous les organismes qui ont financé le projet de ne pas s'engager »334. À la demande du Conseil international de protection des Pyrénées CIAPP, une réunion entre les protagonistes permet de désamorcer la situation335, vraisemblablement aussi grâce à l'aide de l'ONF. Enfin, localement certaines entreprises ou prestataires de services se présentent pour concurrencer Nouvelles Pyrénées sur l'organisation des compétitions. Il s'agit notamment de Carole Pellarrey, voyagiste indépendante, dont l'agence est située en vallée d'Aure. La structure organise des séjours nature en France et en Espagne le nom de AdHoc/Comptoir pyrénéen des sports de montagne. Cette personne critique fortement la conduite du projet dans son ensemble et considère que l'organisation devrait lui en revenir en tant que membre de la confédération pyrénéenne du tourisme336. L'élection de François Fortassin
La défaite des uns fait le gain des autres, et c'est François Fortassin maire de Sarp qui prend finalement la présidence du département des Hautes-Pyrénées en 1992. L'intérêt de cet élu n'est pas d'ignorer le projet mais, au contraire, qu'il se développe sous sa responsabilité. Or, après les discours critiques de Jean Glavany et les concurrences locales autour de l'organisation, les Jeux Pyrénéens de l'Aventure se trouvent en situation délicate. Décidé à maintenir le projet au nom du conseil général des Hautes-Pyrénées, François Fortassin va suivre les objectifs organisationnels tout en écartant progressivement le créateur des Jeux par différentes stratégies. Dans un premier temps, il est reproché à Jacques Marion d'être dépensier, mais rapidement les rumeurs parlent d'une « escroquerie ». Comme le raconte Carole Pellarrey, « moi je ne l'ai jamais accusé Marion, mais c'est sûr qu'y en avait qui disaient qu'il se mettait de l'argent dans la poche [Relance : qui?] Ah ben ça, je ne sais pas je peux pas vous dire ». En l'occurrence, des courriers rédigés par Maurice Duchêne retrouvés parmi les documents d'archive accusent nominativement Jacques Marion d'être « foncièrement malhonnête, 333 La personne souhaite garder l'anonymat sur cette partie de l'entretien 2008. Jean-Louis Amella, Ici, on veut marier le sport et la nature. Ce sera pour peu, les premiers Jeux Olympiques de la montagne (et du freestyle), La Dépêche du Midi, 4 février 1993. 335 Protection de la nature et Jeux de l'Aventure, La Dépêche du Midi, 9 février 1993. 336 Carole Pellarrey,
entretien 2007.
eur de tout »337. Ces accusations cessent quelques mois plus tard lorsqu'un audit financier du cabinet EXCO certifie la probité de Jacques Marion338. Toutefois, cette expertise met à jour ce qui va devenir « l'affaire des Sponsors » (Encadré 2). La société Nouvelles Pyrénées possède à sa charge la conception du projet, l'administration des compétitions et la commercialisation de l'ensemble des Jeux, c'est-à-dire la recherche de sponsors. Plutôt que de démarcher individuellement chaque entreprise, et en accord avec Jean Glavany, Jacques Marion fait appel à une société spécialisée dans la commercialisation des grandes manifestations sportives : la société internationale Quarterback dirigée par Denis Naegelen. Conjointement l'agence MGTB/Ayer doit assurer une promotion locale et la création d'un logo et d'une mascotte339. Les sommes engagées sont importantes avec, par exemple, des frais de confection du logo portés à hauteur de 83 000 francs et une dépense de recherche en partenariat et communication estimée à presque de 210 000340. Mais au début de l'été 1992 Quarterback demande une rémunération supplémentaire de encore 200 000 francs et l'exclusivité sur les deux prochaines éditions. Face à cette nouvelle exigence, Jean Glavany envisage les différentes possibilités puis donne son accord, mais Jacques Marion refuse considérant que « c'était pas prévu dans le contrat », « j'aimais pas ça, si cette boite était nulle on allait se retrouver engagé avec eux et je voulais pas »341. À partir de cette période, Jacques Marion, qui ne bénéficie plus du soutien de Jean Glavany, décide de confier la recherche de sponsors à une autre entreprise : la société LLA basée à Paris et dirigée par Christian Leliart. Dans son choix, Jacques Marion suit les conseils de Jean-Louis Brunin : un ancien membre de l'équipe du Paris-Dakar qui travaille comme chargé de mission dans l'organisation des Jeux. Ce dernier connaît l'entreprise par relation. La société LLA, qui travaille sur le Grand prix de France de moto, s'engage à fournir de francs en partenariat privé, mais contre toute attente, cette dernière est mise en redressement judiciaire en décembre 1992 sans avoir effectué de travail. Autrement dit, à cinq mois du lancement des compétitions, l'organisation des Jeux Pyrénéens de l'Aventure ne dispose d'aucun sponsor. Face à cette défaillance financière, il semble que Jean Glavany critique l'ensemble de l'organisation qui utilise des stagiaires sur des postes à responsabilité et ne dispose d'aucun financement privé. À l'inverse, François Fortassin, président du conseil général des HautesPyrénées, souhaite maintenir l'événementiel et rejette la faute sur Jacques Marion en particulier. Encadré 3 : « L'affaire des sponsors »
337 Maurice Duchêne, Courrier à Jean-Louis Brunin, du 26 juin 1993, sur papier de l'AJPA. Et par le même expéditeur en des termes voisins : Courrier à Michel Bascou, le 23 novembre 1993, sur papier de la Société de secours spéléologique de Haute-Garonne. 338 Rapport sur les comptes du 15 janvier 1992 de la société EXCO Fiduciaire/bureau de Tarbes. 339 La presse économique ou spécialisée comporte plusieurs articles au sujet de la communication des Jeux, presque une « affaire à rebondissement », notamment : Véronique Dham, Les Jeux Pyrénéens de l'Aventure déclarent leur flamme à MGTB/Ayer. Stratégie, n° 770, décembre 1991/janvier 1992. Florence Berthier, Deux agences pour les Jeux Pyrénéens. Communication, n° 239, 6 janvier 1992. 340 EXCO Fiduciaire/bureau de Tarbes, Rapport sur les comptes du 15 janvier 1992. 341 Jacques Marion, entretien 2007. LES JEUX PYRÉNÉENS DE L'AVENTURE 1993
« L'affaire des sponsors » qui éclate au tout début de l'année 1993 va perturber un peu les prévisions sportives mais surtout considérablement diminuer le pouvoir du créateur des Jeux dans l'organisation. Premièrement, les conséquences techniques et financières du manque de sponsors imposent une restructuration du programme342. Ainsi, en février 1993, avec l'aide de Maurice Duchêne, les responsables-élus réduisent le nombre d'épreuves qualificatives par domaine, transforment des manches de compétition en simples démonstrations (Tableau 11), et diminuent le nombre d'invitations, notamment à l'intention des accompagnants. Certains éléments annexes envisagés au début du projet sont également écartés (Tableau 3). Les conséquences de cette « affaire des sponsors » sont aussi organisationnelles. En effet, la mise en redressement judiciaire de la société LLA fait perdre à Jacques Marion la maîtrise du segment pertinent de l'environnement qui faisait son pouvoir au sein de l'organisation (Figure 9) et représente pour François Fortassin une occasion de prendre en charge l'ensemble des Jeux. Par culture politique et objectifs personnels, Maurice Dubarry rejoint la position du conseil général et s'engage contre le créateur du projet. Maurice Duchêne, devenu directeur technique de l'organisation des Jeux, suit également l'orientation des élus. En tant que fonctionnaire détaché, ce dernier considère devoir respecter des orientations demandées par les responsables publics. Désolidarisé de Jacques Marion, Maurice Duchêne va servir de relais (Crozier & Friedberg, 1977) et d'exécutant pour le conseil général des Hautes-Pyrénées. L'argumentation de Maurice Dubarry et de plusieurs responsables techniques des fédérations sportives qui collaboraient sur les Jeux insistent sur l'erreur « impardonnable » de Jacques Marion. Et selon Maurice Duchêne, cette erreur se trouve liée aux méthodes utilisées par Jacques Marion et la société Nouvelles Pyrénées, composée de 3 salariés et 10 stagiaires entre 1992 et 1993. « Il y a eu un gros clash justement sur ces compétitions, sur ces Jeux Pyrénéens. C'est que Marion, ils lui avaient laissé le côté média, info et tout ça et sponsor. Et jusqu'au dernier moment, Jacques, il a dit c'est bon, c'est bon je maitrise tout et à la fin, il avait rien »343. « Moi, je vais vous dire, sur ces Jeux, les sponsors, ils nous ont rapporté zéro, soit disant que les privés devaient apporter 5 millions, il y a pas eu un sou, zéro. Mais le discours des personnes devient plus ambigu lorsqu'elles précisent : « Moi, je ne pouvais pas le souffrir ce personnage, ce Marion [], ça n'aurait pas dû être lui qui organise les Jeux Pyrénéens de l'Aventure»347. « Moi, quand on m'a dit que c'était sur les Jeux Pyrénéens j'ai hésité à vous rencontrer. Je voulais pas répondre ». « Duchêne, Quer eux c'était pas pareil ils ont bossé, Marion aussi il a bossé, je ne dis pas qu'il n'a pas bossé Mais il fallait le sortir du circuit parce que personne ne voulait plus le voir »348. « Non, il faut pas en parler de Marion Jacques Marion, ha ha! Elle bien bonne celle là! Marion il est mort, il est enterré, plus personne en parle! Moi, ce que j'ai fait au mont Perdu avec l'UNESCO, ça il faut en parler dans votre étude, voila. Non Marion il ne faut pas en parler »349 Selon quelques-uns des participants, l'organisation des Jeux Pyrénéens de l'Aventure soulève un certain nombre de « conflits d'orgueil » ou de « concurrence entre vallées et entre zones d'une même vallée ». L'idée se trouve formulée en termes différents mais largement admise dans le milieu: « par ce qu'en plus y'avait une sorte de jalousie contre Marion, dans le fond les politiques ils ne voulaient pas qu'il réussisse, ça leur faisait de l'ombre qu'un type tout seul, comme ça, il puisse faire ce que personne n'avait réussi à faire dans les Pyrénées »350. « Marion, à la fin, il avait excité les gens contre lui, parce que parce que disons que c'était un artiste, les gens aiment pas les artistes [] En plus, dans les Pyrénées, les gens, il s ne s'entendent pas trop. Ces Jeux Pyrénéens, avec des personnes importantes qui débarquent ça a heurté les orgueils locaux. Parce que vous savez, ici, chaque vallée, même chaque versant, ou parfois le haut contre le bas il y a choses à respecter, on ne peut pas débarquer comme ça»351. « Les Jeux Pyrénéens, c'est une histoire de personnes, c'est une histoire de personnes qui n'ont pas pu s'entendre. [] Tout ça, c'est typiquement pyrénéen. Personne ne peut s'entendre ici. [] Dans les Alpes, c'est différent, tout le monde n'est pas toujours d'accord, mais quand même, les gens vont de l'avant. Ici c'est pathologique! »352. « C'est typique des Pyrénées. 346 Maurice Duchêne, entretien 2007. Carole Pellarrey, entretien 2007. 348 Maurice Dubarry, entretien 2007. 349 Patrice de Bellefon, guide de haute montagne, écrivain et personnage très reconnu en Pyrénées. 350 Brigitte Mauret, entretien 2007. 351 Compétiteur français aux Jeux Pyrénéens de l'Aventure 1993. 352 Consultant-expert en tourisme, souhaite conserver l'anonymat, entretien 2008. 353 Bernard Tourte, entretien 2006. 347
DE L'AVENTURE 1993 Planche documentaire 15: Aperçu d'articles faisant suite à une conférencee de presse des élus porteurs de l'organisation des Jeux Pyrénéens de l'Aventure 1993
La photographie montre l'une des conférences de presse de l'organisation des Jeux, ni le porteur du projet, ni aucun représentant sportif n'est visible. visible L'article de droite comporte le 3ème visuel el officiel des Jeux (voir la Planche doc. 14 et le Document 11) On remarque, le nom des élus ou parfois celui de Maurice Duchêne, Duchê mais le nom de Jacques Marion arion n'est quasiment jamais mentionné. Source :
Extra
its de La Nouvelle République des Pyrénées
,
10 mai
1993
;
Her
aldo
de
Aragon
,
Aragon
8 mai 1993 ; Heraldo de Aragòn,, 7 mai 1993; 1993
Frankfurter
Allgemeine
Zeitung, 6 mai 1993. Les élus politiques français contrôlent ent désormais l'organisation. Alliance « de famille » entre élus locaux, rhétorique européenne, démarche électoraliste électoraliste les Jeux deviennent une tribune politique en France et en Espagne mais aussi dans d'autres d'autre pays à travers la presse (Planche Planche documentaire 15). Au début de l'année 1993, le conseil général des HautesHautes Pyrénées détache son directeur financier, Francis Cazes, et cinq autres de ses personnels pour 199 SECONDE PARTIE - ÉTUDE DU PROGRAMME PYRÉNÉES : LABORATOIRE DE L'OLYMPISME administrer les Jeux Pyrénéens de l'Aventure. Placé en situation nouvelle de marginal-sécant (Crozier & Friedberg, 1977) entre les deux organisations, Francis Cazes développe les relations entre le conseil général et l'association dirigée par Maurice Dubarry, mais participe également à redéfinir le statut accordé à Jacques Marion (Figure 10). Selon ces responsables, Jacques Marion n'a pas obtenu de partenaires privés, ses méthodes sont désordonnées et coûteuses. Il est inefficace et doit être écarté du projet. Les Jeux doivent se dérouler et se pérenniser sous la responsabilité du conseil général et avec un autre prestataire de service « plus efficace ». Dans ses rapports-bilans de 1994, Maurice Duchêne traduit insidieusement cette position : « Il faut revoir toutes les lacunes de la première édition portant sur le choix des hommes et de certains prestataires de services »354. Le 15 janvier 1993, Jacques Marion est interdit d'accès à la réunion de restitution de l'audit effectué sur les Jeux. Il lui est demandé de démissionner ainsi que de remettre l'ensemble de ses droits à l'Association Jeux Pyrénéens de l'Aventure dirigée par Maurice Dubarry. Jacques Marion refuse. Selon lui l'affaire des sponsors est une erreur, mais ne justifie pas la stratégie du conseil général pour prendre en charge, ou dit-il « s'accaparer », le projet qu'il avait imaginé puis organisé depuis 1988. « Le 15 janvier, le cabinet a rendu son rapport []. C'est ce jour-là que j'ai été débarqué. Il a été expliqué qu'il n'y avait pas assez de fonds privés. Ils ont pris ce prétexte pour me déboulonner [] bien que le cabinet ait mis en avant la qualité du travail préparatoire et mon honnêteté personnelle. Il m'a été signifié que je devais démissionner et que je devais remettre mes droits à l'association. 90 % des gens qui ont participé à cette réunion étaient contre mais ils n'ont rien dit. []. Je considère qu'il y a eu un coup d'État. 200 LES JEUX PYRÉNÉENS DE L'AVENTURE 1993
Jacques Marion Les salariés de Nouvelles Pyrénées et plusieurs bénévoles de l'organisation François Fortassin le conseil général des Hautes-Pyrénées Maurice Dubarry aidé de Maurice Duchêne Prendre en charge les Jeux Pyrénéens et en exclure Jacques Marion. Argumentation : Je reconnais le problème qu'il y a eu avec les sponsors, mais cela reste mon projet, ils se sont accaparés les Jeux. Ils ont utilisé l'affaire des sponsors pour me virer, c'était un prétexte car mon travail ne se résumait pas à la recherche de sponsors. Sans moi les Jeux n'auraient jamais existé. « Ils ont été odieux » Argumentation : Jacques Marion n'a pas obtenu de partenaires privés. Il est inefficace et doit être renvoyé. Ses méthodes sont désordonnées et coûteuses. Les Jeux doivent se développer sous la responsabilité du conseil général et de l'association dirigée par Maurice Dubarry, avec un autre prestataire de service « plus efficace ». Soutenir la position de Jacques Marion dans l'organisation des Jeux.
:
état
du
rapport de force en mai 1993
201 SECONDE PARTIE - ÉTUDE DU PROGRAMME PYRÉNÉES : LABORATOIRE DE L'OLYMPISME CIO (Dir. Juan
Antonio Samaranch) L'ACNOE (Dir. Jacques Rogge) Le CNOE (Dir. Carlos Ferrer) Le CNOSF (Dir. Nelson Paillou) Le COA (Dir. Isidre Baro Cabanes) - Partenariats publics (Région, Europe) - Partenariats sportifs Organisation espagnole* Association Jeux Pyrénéens de l'Aventure (Dir. Maurice Dubarry) (Co-dir. Espagne, Jose Luis Sierra) Maurice Duchêne relais (Fonctionnaire détaché pour l'organisation) 272 Bénévoles à l
organisation Réalisation : André Suchet - 2012 Mouvement Olympique - Responsables techniques issus des fédérations sportives partenaires - Prestataires extérieurs : EXCO, Jean-Pierre Monteil (consultant), 27 médecins, Jean-Louis Brunin (chargé de mission), Dialogic Com. Organisation des Jeux Conseil général (Dir. François Fortassin) Francis Cazes Marginal-sécant (et 5 personnels du Conseil général détachés à la direction administrative et financière des Jeux)
Figure 10 : L'organisation des Jeux Pyrénéens de l'Aventure et son environnement en 1993
Légende textuelle : Les doubles contours délimitent une organisation au sens de Crozier & Friedberg (1977) dont le contenu est détaillé. Les encadrés simples représentent d'autres organisations réduites à l'idée de boite noire dans le cadre de cette étude. À l'intérieur des organisations dont le contenu est détaillé, les acteurs individuels ou collectifs sont en gris. Les liens de relation sont asymétriques ou symétriques. Les doubles liaisons, toujours symétriques, définissent le statut de relais, c'est-à-dire un acteur appartenant à l'une des organisations mais détenteur privilégié de la relation avec une autre. Les encadrés noircis définissent un marginal-sécant, c'est-à-dire un acteur appartenant simultanément à deux organisations.
* Pour le détail de l'organisation en Espagne se référer à la Figure 11 202 LES JEUX PYRÉNÉENS DE L'AVENTURE 1993 3.1.4.
Les
Jeux
Pyr
énéens de l
'
Aventure 1993 : un « exemple » de coopération transfrontalière entre la France et l'Espagne au début de la construction européenne357
« Les Jeux Pyrénéens de l'Aventure seront le premier exemple sportif de l'ouverture des frontières ». Journal télévisé France 3 du 20 mai 1992358 « Ces Jeux pyrénéens ouvrent une nouvelle ère de la cohabitation et de la collaboration entre nos deux pays, [] Ces Jeux démontrent la marche à suivre ». Propos d'ouverture de José-Luis Sierra359 Les Jeux Pyrénéens de l'Aventure sont un projet pensé à partir de 1988, au moment où l'Espagne vient de
rejoindre la France dans l'Europe économique et politique à travers l'Acte unique européen (entré en vigueur en 1987). Les premières demandes de financement sont déposées en 1989 pour étude de faisabilité, puis de 1990 à 1993, ce qui correspond à la mise en place du programme de soutien aux coopérations transfrontalières INTERREG 1 en Pyrénées. L'ouverture des Jeux, au printemps 1993, coïncide avec la période de ratification du traité de Maastricht qui donne naissance à l'UE. La signature du traité date du 7 février 1992, ratifié par les douze pays la Communauté européenne dont la France et l'Espagne durant l'année 1992 et 1993 (Bitsch, 2003; Lequesne & Doutriaux, 1995). Sur le terrain, l'abolition des postes-frontières en Pyrénées date de 1993. L'Europe des Jeux ou l'histoire « d'une vache à lait » en Pyrénées
En décembre 1992, Jaques Marion se présente au Berlaymont à Bruxelles pour solliciter une subvention directe de la commission Européenne. La proposition qui lui est faite oblige à « former une seule et unique équipe sportive pour l'Europe », et « les allemands, les français, les espagnols, les portugais de faire défilé tous les athlètes sous le drapeau européen »362. 357 Ce paragraphe a été l'objet d'un article et d'un chapitre d'ouvrage (Suchet & Jorand, 2012; Suchet, 2011). Edition régionale Midi-Pyrénées, France 3, Reportage et sujet de Josiane Magne et Serge Liberge. 359 Co-président de l'AJPA pour l'Espagne et député au parlement de Huesca
. Propos
retranscrits dans
La
Dépêche
du
Midi
,
16 mai
1993. 360 Yves Dupin
, secrétaire général
de la Commun
auté
de travail des Pyrénées, texte d'intervention publié dans les Actes de la 3ème Conférence européenne des régions de montagne, 1994, p. 151. 361 Rapport du Bureau de représentation en France de la Commission européenne, 1994, Les Régions françaises dans l'UE. Luxembourg : Office des publications officielles des CE. Et aussi
un encart
promotionnel des réalisations menées dans le
cadre des aides financières
de l
'UE visible
dans
La Dépêche
du Midi. 362 « Les Jeux Pyrénéens de l'Aventure », La semaine des Pyrénées, 15 janvier 2004. Puis Jacques Marion, entretien 2008.
Aucune discussion n'est possible. La commission Européenne tente avec les Jeux Pyrénéens de l'Aventure un banc d'essai méconnu de politique sportive communautaire. Une idée impensable aux Jeux Olympiques ou dans une finale de Coupe du monde et dont la ré soulèverait une crise diplomatique. En 1992, les dirigeants européens tentent d'inscrire un précédent ; Un fait intéressant pour l'histoire des politiques sportives en Europe au moment de la signature du traité de Maastricht. La proposition est discutée avec le Mouvement Olympique impliqué dans l'organisation des Jeux. Jacques Marion propose l'affaire à Jacques Rogge également présent à Bruxelles. Jacques Rogge « refuse de cautionner cela »363 et l'organisation des Jeux s'éloigne du volet culture et communication de la commission Européenne. Dans les faits, l'Europe intervient tout de même à hauteur de 5 millions de francs364 sur l'INTERREG 1, un programme de soutien aux coopérations transfrontalières mis en place sur la période 1990-1993 (Bataillou, 2002; Harguindéguy, 2007; Poli, 1995). 363 Rapporté dans Les Jeux Pyrénéens de l'Aventure, La semaine des Pyrénées, 15 janvier 2004. Jean-Michel Dejean, Jeux Pyrénéens de l'Aventure : Montée en puissance, La Nouvelle République des Pyrénées 19 février 1993. 365 La France et l'Espagne sont concernées au niveau des Pyrénées mais aussi sur l'ensemble de leurs limites non maritimes, ou lorsqu'une proximité particulière facilite les échanges (Blatter & Clement, 2000; Coletti, 2010).
Source : Extrait de La Nouvelle République des Pyrénées, Pyrénées 17 mai 1993. Conjointement, l'entreprise Nouvelles Pyrénées utilise le Fond social Européen (FSE) pour les programmes de formation dans la mesure où l'équipe était composée de stagiaires, sta au nombre de dix. « Ça fonctionnait tout sur l'argent de l'Europe, l'entreprise à Marion. Il dit qu'il avait je sais combien de personnes, mais en fait ils étaient deux ou trois. tro Tout le reste, c'était des emplois aidés, [] des emplois de l'Europe, plus il en avait, plus il touchait de ONDE E PYR NÉES DE L'OLYMPISME fric »366. Pour un des bénévoles de la vallée « Ces Jeux, c'était une grosse campagne de pub pour l'Europe, d'ailleurs c'était presque tout l'Europe qui payait je crois ». De l'autre côté, l'organisation des Jeux en Espagne use également de fonds publics à partir de l'argument d'une coopération transfrontalière. Encore pire, d'autres témoignages sur la même période révèlent des projets d'échanges locaux factices dans le but d'obtenir « un maximum d'argent public », notamment les fonds disponibles au début de INTERREG 1. Pour beaucoup, « c'était l'Europe vache à lait ». Les témoignages sont accablants : « C'était pas du tout étonnant pour un dossier en 90, c'était l'Europe vache à lait à l'époque ». « En 1990 [] l'Europe l'Europe c'était une étiquette, comme aujourd'hui le développement durable ». « Dans les années 1990, pour un jeune, monter des projets transfrontaliers sur fond public, c'était quasiment c'était un débouché professionnel. Mais, c'est fini tout ça »367. La frontière des Jeux Pyrénéens de l'Aventure 1993
Sur le terrain, le haut du Sobrarbe et la vallée d'Aure disposent de sites déjà équipés en faveur des nouvelles pratiques sportives et d'une configuration politique locale favorable. Mais en dépit des liens économiques ou industriels avec le transport de marchandises dans le tunnel d'Aragnouet-Bielsa et des origines espagnoles du premier maire de Saint-Lary-Soulan, Vincent Mir, une véritable culture transfrontalière n'est pas présente. Contrairement à la Catalogne ou à l'extrémité occidentale des Pyrénées en proie au séparatisme basque, les vallées du Sobrarbe et celle de l'Aure n'ont aucune tradition linguistique commune (Allières, 1995). Le « barrage de la langue » demeure très concrètement. La quasi-totalité des responsables du tourisme et du sport dans les années 1990 en Pyrénées que nous avons rencontré ne peuvent pas communiquer dans l'autre langue. À l'inverse de toutes les recommandations d'organisation commune avec un échange politique, social et culturel entre les vallées dans le cadre d'un développement local pyrénéen transfrontalier368, les Jeux Pyrénéens de l'Aventure, ou los Juegos Pirenaicos de la Aventura, révèlent une division du travail entre l'Espagne et la France. La gouvernance des Jeux, formellement commune – l'AJPA est une association coprésidée par Maurice Dubarry en France, José-Luis Sierra, en Espagne –, comporte sur le terrain une double organisation séparée (Figure 11). Entre les deux, Sandrine Valentie et Juan Carlos Crespo, chargés des traductions et des relations France-Espagne, deviennent relais (Crozier & Friedberg, 1977). Sandrine Valentie appartient à l'organisation française avec une partie de son activité en Espagne, et réciproquement pour Juan Carlos Crespo. La gestion 366 Maurice Dubarry, entretien 2007. Les deux personnes ont souhaité conserver l'anonymat sur cette partie de l'entretien. 368 Intitulé des recommandations de MOPU et de la DATAR, 1989. Voir également, Commission des Communautés européennes, 1992, Fonds social européen: cadre communautaire d'appui 1990-1992 (objectifs no 3 et 4: Espagne).
Luxembourg:
Office des publications officielles
des
CE
. Commission des Communautés européennes, 1990, Guide pour les initiatives communautaires. Luxembourg : Office des publications officielles des CE. Commission économique pour l'Europe des Nations Unies, 1988, La planification de l'espace pour les loisirs et le tourisme dans les pays de la région de la CEE. New York : Nations Unies. 367 206 LES JEUX
PYRÉNÉENS DE L'AVENTURE
1993
n'est pas commune. Les budgets sont séparés369, les sommes versées pour financement commun sont ensuite divisées entre la France et l'Espagne. Il en est d'ailleurs de même pour l'ensemble des opérations de coopération transfrontalière en Pyrénées. Chaque partie mobilise l'argument transfrontalier pour obtenir des subventions publiques de son pays, subventions utilisées ensuite entièrement dans le pays concerné. En 1993, lorsqu'une des deux parties des Jeux est en difficultés financière, l'organisation française, l'autre pays n'intervient pas370, alors même que la coprésidence de l'association AJPA oblige chaque partie à compenser le déficit, en tout cas au regard de la législation française à laquelle est soumise la structure. Dans tous les autres cas mentionnés pendant les entretiens avec des élus locaux et des présidents d'associations sportives sur la période 1988-1993 en France ou en Espagne371, l'impossibilité de communiquer dans l'autre langue paraît un facteur déterminant. De plus, excepté sur quelques secteurs d'activité précis (achats en Espagne pour les Français, vacances des classes montantes espagnoles dans les stations de ski en France), les personnes témoignent d'une faible tradition d'échange entre les vallées des Hautes-Pyrénées et le haut Aragón. Historiquement, au-delà des difficultés de passage entre les vallées, l'Espagne et la France ne partagent pas les mêmes résolutions des problèmes sur le terrain ou en politique, ni la même conception de l'action collective (Velasco-Graciet, 1998; Mancebo, 1999b). Malgré la figure si connue du contrebandier, l'échange de marchandises sous l'Ancien régime et les accords entre pouvoirs locaux (Bourret, 1991; Poujade, 2008), les annonces affirmant que l'habitat pyrénéen est « historiquement complètement transfrontalier » sont fausses. En Val d'Aran, dans les vallées de Cinca et de Bió, en Donnezan, vallée de Tena, pays de Soule les traditions rurales ne sont pas transfrontalières (M Brunet et coll., 1995; Daumas, 1976; Carrière-Prignitz, Duché-Gavet & Landerouin, 2006; Larguier, 2005)372. Ainsi que le pose un acte de colloque récent sur le thème des fondements historiques et géographiques d'une possible « identité européenne » (Dézert, 2009), les coutumes, les moeurs et les traditions en Europe sont très dissemblables. En 1993, les rapprochements sont politiques ou économiques (Keating, 1997; Bataillou, 2002; Harguindéguy, 2007; Bages Bechade, 2003; Blatter & Clement, 2000; Dalla Rosa, 1992; Palard, 1997), mais il manque localement les motivations sociales et culturelles. Entre partage dans les réalisations et collaborations factices, les subventions ne servent pas souvent la réalité de terrain. ), mais aussi à un manque d'affirmation transfrontalière au centre de la chaîne. La frontière divise clairement l'organisation des Jeux en deux parties, au lieu de servir de « trait d'union entre les peuples de l'Union » au sens des recommandations MOPU et DATAR (Figure 11). La presse qui détaille les avatars de ce projet transfrontalier conclut ainsi par « L'Europe au quotidien est plus difficile à mettre en oeuvre que l'Europe de Maastricht »373. Les acteurs relais sont des personnes en charge des traductions, c'est-à-dire qui peuvent communiquer dans l'autre langue. Alors que le président du CIO, Juan Antonio Samaranch, est espagnol, les relations avec l'ensemble du Mouvement Olympique se font par le biais de l'organisation française des Jeux. Mouvement olympique CIO et CNOSF, COE, COA, ACNOE Partenariat sportif espagnol (Peña Guara) + bénévoles Partenaires publics en Espagne (mancomunidad du Sobrarbe, Municipio de Aínsa, Députation provinciale de Huesca, Gobierno de Aragon) Juan Carlos Crespo relais Organisation administrative des Jeux Maurice Dubarry et Jose Luis Sierra co-présidents Sandrine Valentie relais Organisation des Jeux sur le terrain en France Organisation des Jeux sur le terrain en Espagne Espagne Partenaires publics (Région, Conseil général) Partenariats sportifs français (FFS, FFME) France
Figure 11 : La frontière dans la gouvernance des Jeux Pyrénéens de l'Aventure en 1993.
Légende textuelle : Les doubles contours délimitent une organisation au sens de Crozier & Friedberg (1977) dont le contenu est détaillé. Les encadrés simples représentent d'autres organisations réduites à l'idée de boite noire dans le cadre de cette étude. À l'intérieur des organisations dont le contenu est détaillé, les acteurs individuels ou collectifs sont en gris. Les liens de relation sont asymétriques ou symétriques. Les doubles liaisons, toujours symétriques, définissent le statut de relais, c'est-à-dire un acteur appartenant à l'une des organisations mais détenteur privilégié de la relation avec une autre. Le trait noir épais discontinu représente une frontière étatique. DE L'AVENTURE 1993 3.1.5. L'organisation espagnole des Jeux Pyrénéens de l'Aventure
Au-delà du constat d'une coupure frontalière au sein de l'AJPA et de ce COJPA, l'organisation espagnole des Jeux Pyrénéens de l'Aventure comporte un certain nombre de caractéristiques propres. L'organisation située en Espagne –aussi réduite soit-elle en comparaison à celle située en France qui porte et dirige l'événement depuis 1989– rassemble essentiellement des acteurs politiques mais à des fonctions et des niveaux différents. Le fonctionnement des organisateurs en Espagne témoigne d'une moindre formalisation du système d'action concret (Crozier & Friedberg, 1977; Friedberg, 1997). Premièrement, la distinction française entre élus politiques décisionnaires au sein de l'association Jeux Pyrénéens de l'Aventure ou partenaires (conseil général, municipalité de Saint-LarySoulan) « qui restent dans les bureaux » et stagiaires, salariés, bénévoles présents sur le terrain ne joue pas. Sandrine Valentie, traductrice en charge des relations avec l'Espagne raconte « Les politiques, ils étaient sur le terrain, ce n'était pas du tout comme en France, Eva Almunia, aujourd'hui à un poste de secrétaire d'État en quelque sorte, elle est venue faire les repérages avec moi (pour le déroulement des épreuves sportives sur le terrain) ». Par contre, le financement uniquement public est un point commun de l'organisation espagnole et française. Dans tous les cas, le financement reste majoritairement français à tous les niveaux y compris, par exemple, le mur d'escalade de la compétition qui se déroule à Aínsa374. En dépit des représentations collectives exprimées dans les entretiens qui racontent « une organisation espagnole sans histoire, toujours de bonne humeur 375, certaines tensions existent aussi de l'autre côté de la frontière entre les acteurs en charge du projet. L'engagement espagnol dans cette « iniciativa francesa » ayant débuté avec la mancomunidad du Sobrarbe376, c'est le président de cet organe intercommunal qui co-préside l'AJPA en Espagne : José-Luis Sierra. Mais concrètement, c'est la municipalité de Aínsa dirigée par Joaquín Solanilla, très intéressée par cette idée transfrontalière, qui lance le projet au plan politique et organise les affaires sur le terrain. Or, Jose Luis Sierra, en position de marginal-sécant (Crozier & Friedberg, 1977) entre la mancomunidad et l'organisation des Jeux Pyrénéens de l'Aventure tente d'évincer les responsables de la municipalité de Aínsa engagés dans l'évènement. « Pour la célébration franco-espagnole de ces Jeux Pyrénéens de l'Aventure, 5 personnes ont été élues, laissant en dehors, à notre grande surprise, la municipalité de Aínsa. Je pense deviner dans cette attitude virulente de Mr. Sierra son empressement débordant à politiser la vie publique d'Aínsa, faisant passer ses petits intérêts avant les intérêts généraux du village. Je terminerai en réaffirmant ma volonté de continuer à travailler sans relâche, malgré les obstacles, [] à l'organisation des Jeux Pyrénéens »377. Malgré cette dissension au sein de l'organisation espagnole, l'ensemble des préparatifs se déroule avec une grande efficacité, à partir d'une petite équipe polyvalente et réactive. Les Espagnols, usent de ce que l'on pourrait désormais nommer la méthode grecque378, puisque toutes les installations sont terminées au dernier moment. Une situation qui ne semble pas réduire l'efficacité ni la qualité de l'organisation en Pyrénées espagnoles. « Le mur d'escalade a été monté pendant la nuit, la veille de la visite de sécurité! Y'a pas une erreur de montage pas une ». « Les Espagnols, ils ont toujours tout fait en retard, mais ils sont toujours arrivés avant nous »379. « Les Espagnols, il faut le dire, avec une équipe beaucoup moins nombreuse, ils ont été beaucoup plus efficaces que nous »380. Enfin, au plan sportif –indépendamment des accords avec les fédérations internationales gérés par l'agence Dialogic et par Nouvelles Pyrénées–, les modalités de mise en place des épreuves sur le terrain diffèrent encore entre la France et l'Espagne (Tableau 9). Plutôt que de faire appel aux responsables départementaux de chacune des fédérations sportives concernées, l'organisation espagnole mobilise surtout un club multi-activités local de Huesca: Peña Guara. Organisation technique et sportive espagnole Création, lancement, portage et direction du projet
Engagement tardif et financièrement limité dans le projet FFC, FFS, FFVL, FFME et autres fédérations sportives
à
plusieurs
niveaux
Plur
alité des acteurs spécialisés
De
grés d'action
nationale
Fonction
nement
formel
et collectif, plan
ification
prévisionnelle par tâche et par personne
Principalement Peña Guara Acteur unique
et
polyvalent
Degrés d'action locale Fonctionnement plus informel et moins planifié, tâches menées en groupes restreints Réalisation : André Suchet – 2012
Organisation technique et sportive française
Tableau 9 : Divergences d'organisation technique et sportive entre la France et l'Espagne durant les Jeux Pyrénéens de l'Aventure 1993
377 Traduit de Miguel Cheliz Sierco, Aínsa y los Juegos Pirenaicos de la Aventura, Boletín O Fogaril, diciembre, 1992, p. 19. 378
Pour les Jeux Olympiques d'été 2004 organisés par Athènes, le COJO accumule des retards très importants qui sont alors fortement médiatisés.
379 Sandrine Valentie, entretien 2009. 380 Maurice Dubarry, entretien 2007. LES JEUX PYRÉNÉENS DE L'AVENTURE 1993
Une sorte de division subjective des compétences joue. En raison de l'origine française du projet, les dossiers communs (relations olympiques, invitations des concurrents, conception du programme) sont montés en France par l'entreprise Nouvelles Pyrénées ou par Maurice Duchêne en qualité de fonctionnaire détaché. La France concentre la bureaucratie (Crozier, 1963). Documents d'autorisation, contrats, factures, dossiers de subvention, comptes-rendus techniques, envoi des invitations à tous les participants, bilans sportifs et relations aux fédérations, documents de synthèse, nombreux stagiaires en charge de missions administratives, conventions l'organisation française des Jeux se trouve matériellement assez bureaucratique. En échange, les festivités sont organisées en Espagne. « C'était la fiesta ». D'anciens bénévoles ou responsables de l'organisation racontent les soirées en Espagne et lancent « le seul mot que je connais en espagnol, c'est tinto! », c'est-à-dire vino tinto, le vin rouge381. Comme en atteste la littérature à ce sujet, l'Espagne se constitue en exotisme (Bellefon de, 2003a) ou en altérité (Velasco-Graciet, 1998) de proximité. Entre différences culturelles et discours stéréotypés qui viennent entretenir celles-ci, une sorte de mécanisme imperceptible de reproduction culturelle et territoriale semble à l'oeuvre autour de la frontière en Pyrénées durant cette période. 3.2. Attitude et stratégie du mouvement Olympique
L'implication du CIO dans ce projet transfrontalier de Laboratoire de l'Olympisme en Pyrénées mérite certains éclaircissements. On peut se demander pourquoi le CIO n'a pas rejeté ou simplement ignoré cette initiative. Alors que ce projet mobilise le vocabulaire olympique initialement sans autorisation, l'attitude des organes du CIO envers cette organisation est totalement différente de celle adoptée à l'encontre des Jeux Gay dans la même situation quelques années auparavant (Symons, 2010; Kidd, 2005). Ce chapitre souhaite répondre à cet aspect du sujet, puis contribuer plus largement à l'histoire du phénomène olympique. Les transformations du mouvement olympique à partir de 1980 avec la montée des enjeux économiques et professionnels ont fait l'objet de nombreuses études académiques (Barney, Wenn & Martyn, 2002; Séguin, 2008; Chamerois, 2002; Chappelet, 1991; Chappelet & Kübler-Mabbott, 2008), cela est considérablement moins vrai de l'histoire des relations entre le mouvement olympique et les nouvelles pratiques sportives de glisse urbaine ou de nature. Septième président du CIO, Juan Antonio Samaranch, imagine pourtant une profonde actualisation du programme sportif. En France, dans le même sens, Nelson Paillou, président du CNOSF, établit un certain nombre de projets pour une rénovation complète des Jeux en prévision de l'An 2000. Les diverses réflexions menées en ce sens par les dirigeants du mouvement olympique sont assez mal connues –dans la mesure où elles n'aboutissent finalement qu'à une transformation très mineure du projet sportif du CIO–. De fait, l'étude des attitudes du mouvement olympique face au projet d'une olympiade de l'aventure en Pyrénées représente une
Pyrénéens de l'Aventure : un an après les Jeux Olympiques en Espagne et en France, les Jeux Pyrénéens de l'Aventure ouvrent une fenêtre sur les sports de demain », Sport et Vie, n° 18, Mai/Juin 1993, p. 31-50. Guy Quer, entretien 2007. Sandrine Valentie, entretien 2009. Brigitte Mauret, entretien 2007. SECONDE PARTIE - ÉTUDE DU PROGRAMME PYRÉNÉES : LABORATOIRE DE L
de ' et lle du que. cet effet, il s' de la du mouvement olympique au tournant des années 1980 et 1990, puis la stratégie adoptée durant cette période par l'organisation que préside Juan Antonio Samaranch au sujet des nouvelles pratiques sportives en général et au sujet du programme Pyrénées : Laboratoire de l'Olympisme en particulier. 3.2.1. Le mouvement olympique au tournant des années 1980 entre crise et mutation
On aurait tendance à croire le mouvement olympique d'une solidité inébranlable et d'une puissance économique, sportive et politique immuable au plan international. En réalité, depuis les appels de Pierre de Coubertin qui tardent à susciter l'enthousiasme jusqu'à la remise en cause des Jeux Olympiques de Pékin, les affaires de dopage, les crises de successions et les scandales financiers sont autant d'épreuves que le mouvement olympique a su traverser pour exister. Tout comme les destinations du tourisme de montagne et les établissements étudiés en première partie de ce travail (ENSA, EMHM, chasseurs alpins, Institut de géographie alpine), le CIO représente une institution sportive globale dont le rayonnement n'est pas donné ou inné, il est construit, entretenu et relayé par un ensemble de stratégies d'acteurs. Au-delà des outils de la sociologie française des organisations de Crozier ou Friedberg, la théorie établie par Mintzberg (1982) au Canada –théorie dites de la contingence–, estime qu'une organisation doit nécessairement évoluer pour continuer d'exister au fur et à mesure des transformations du contexte dans le temps ou dans l'espace. Selon cette approche : « une organisation doit nécessairement s'adapter à son environnement pour survivre ». Dans un chapitre d'ouvrage assez remarquable, intitulé Olympic survivals, Tomlinson (2005) adopte ce point de vue. L'auteur dresse une métaphore entre résistance physique et devenir de l'organisation du sport mondial pour aboutir à l'idée que les participants du mouvement olympique sont des « survivants ». Le CIO : une organisation en crise
Sur la période qui nous préoccupe, c'est-à-dire au moment de l'émergence du programme Pyrénées : Laboratoire de l'olympisme, différents auteurs ont estimé le mouvement olympique en crise. Parmi les nombreuses études à ce sujet, on utilisera les recherches francophones de Brohm (1981) puis de Loret (1995) qui représentent des analyses à la fois très différentes, presque contraires, mais justement complémentaires dans la compréhension des difficultés possibles du mouvement olympique durant cette période. Concernant les difficultés internes du mouvement, un article de Brohm (1981), intitulé justement « La crise de l'olympisme », dépeint la multiplication des perturbations au sein de l'organisation. Dans un style caractéristique d'une posture radicale marxiste et critique, cet auteur affirme que « les combines, les magouilles, les violences, l'argent sale, le doping perturbent complètement la prétendue valeur du mythe olympique. [] L'olympisme, loin d'être une Idée pure et noble, a les pattes pleines de sang ». Boycott des compétitions durant la Guerre Froide, attentat de Munich 1972, amateurisme marron, dopage organisé, violences sexuelles et physiques, trafic d'argent, abus de pouvoir L'ouvrage publié par Brohm & Caillat (1984) sous le tire Les dessous de l'olympisme rapporte longuement les travers de ce cette gigantesque organisation mondiale du sport. D'autres auteurs accusent la faible participation féminine et une assemblée « bourgeoise misogyne ». De fait, Brohm (1981, pp. 81-82) estime que « le décalage, le gouffre même, entre l'idéologie et la réalité est devenu trop important. L'idée olympique n'est plus crédible C'est le point de vue adopté aussi à cette époque dans la presse qui annonce sans attendre La fin des Jeux Olympiques382. Cette crise interne est notamment due au vieillissement des membres du CIO. « Qui peut aujourd'hui encore croire en ces fadaises idéalistes inventées par quelques vieillards séniles et réactionnaires » écrit Brohm (1981, p. 82). À partir du cadre théorique marxiste de la lutte des classes entre détenteurs des moyens de production sportive et détenteurs d'une capacité d'efforts physiques, Brohm détaille aussi la « crise endémique de l'amateurisme ». Selon lui ces « gladiateurs des temps modernes » supportent de plus en plus mal le manque de rémunération. la société
[] La glisse est une forme de contre-culture qui conteste et déstabilise les structures institutionnelles du sport. [] Les autorités sportives [dont le mouvement Olympique international ] ne sont même plus contestées ; elles sont ignorées par les adeptes du fun » (Loret, 1990, p. 104 et 142). Le CIO, resté sur le modèle vieillissant d'un sport de compétition, éducatif, culturel et parfois nationaliste serait en perdition face à la montée des nouvelles pratiques. Selon Loret (1995, 1987), l'organisation mondiale du sport basée à Lausanne serait incapable de faire face au renouvellement des aspirations ludiques, festives et alternatives. Il montre aussi que les figures de référence ont changé. La règle, la victoire et le chronomètre s'effacent devant le détournement du sens, le rêve flou et même les fantasmes produits par ces « nouveaux héros de la glisse ». « Ces leaders, éminemment charismatiques de la tribu fun ressemblent plus à Peter Pan qu'aux champions célébrés par Coubertin » (Loret, 1995, p. 72). Des auteurs qui manifestent un désaccord académique avec Loret (1995) ne pensent pourtant pas autrement. Par exemple, au sujet de la course à pied, Defrance (1989) expose ce qu'il considère être un « un schisme sportif » entre l'athlétisme fédéral et les courses libres. Dans son étude, il utilise le vocable de « crise », de « mutation », et oppose nettement les deux variantes de l'activité. Dans une autre publication, cet auteur estime que les années 1990 marquent « la fin d'une très longue période de croissance des organisations sportives » et un « ébranlement du système d'organisation féd qui existait dans les années 1960-70 ». Relativement pessimiste pour le sport institutionnel, éducatif et olympique, cet auteur termine par « La question va être de savoir comment on pourra développer, organiser et gérer des sports éventuellement en décroissance ou vieillissants » (Defrance, 1998, p. 21). Effectivement, Defrance, Houel & Denel (1991) montrent la stagnation ou même la baisse du nombre de licenciés dans certaines activités sportives de compétition associée à une « pénurie de bénévoles » tandis que la participation libre en dehors des stades, des piscines ou des gymnases attire un nombre grandissant de personnes. Ces trois auteurs intitulent leur contribution « Clubs et fédérations : inquiétudes et préoccupations ». Juan Antonio Samaranch ou la stratégie du changement adaptatif
« Au cours de ces douze dernières années, nous avons [réalisé] une série de changements considérables pour nous adapter à la réalité sociale du monde. Si le CIO n'avait pas changé, le Mouvement olympique ne se serait jamais développé. Il serait aujourd'hui démodé, totalement incapable d'attirer les masses ». Propos 1992 de Juan Antonio Samaranch384.
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Moi, je travaille sur l'alimentation : je cherche à comprendre les comportements alimentaires des gens. A savoir ce qu'ils mangent, pourquoi ils mangent telle chose plutôt qu'une autre, En particulier, je travaille sur l'éducation alimentaire. C'est ce que vous allez faire cette année avec l'action « Faire des adolescents des consommateurs avertis ». Je veux voir comment se passent les différentes séances, qu'est-ce que vous en retenez, qu'est-ce que ça change pour vous, qu'est-ce que ça vous apporte. Je vais également aider vos différents
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. - Mon sujet d'étude, c'est vous : les collégiens, les pré adolescents. Vous avez plein de choses à m'apprendre sur votre rapport à l'alimentation, sur vos goûts, sur vos envies, sur vos habitudes alimentaires. Pour mieux vous connaître, je vais vous accompagner dans différents cours comme celui d'EPS et de SVT. Je viendrai aussi en cour de récréation pour discuter avec vous. Et aussi et surtout, en cantine, pour voir ce que vous aimez manger, ce qui vous plait, ce qui vous plait moins. - Pour encore mieux vous connaître, je vais dans quelques temps, avec l'accord des familles, discuter avec vos parents de l'alimentation. Je leur en ai parlé dans la lettre. Je les rencontrerai le 18 novembre à la réunion parents-professeurs. - Voilà, je vais donc mener recherche en sociologie sur l'alimentation des collégiens, et j'ai besoin de votre aide pour y arriver. Je vous remercie donc par avance de tout ce que vous allez m'apporter. Je vous donne le de ma thèse, je vous préviens c'est un peu compliqué : L'enfant comme ressort de l'action publique sur les familles : l'exemple de l'éducation alimentaire. 476 Annexe 3 : Discours de présentation aux élèves de 5ème à Renoir
- Je m'appelle Aurélie Maurice, je viens vous présenter le projet alimentation auquel la classe de 5ème C va participer. - Sachant que l'alimentation est au programme en SVT en 5ème, avec Mme C, la principale adjointe, nous avons décidé de mettre en place un projet appelé « projet alimentation ». - Ce projet s'inspire de l'action s'appelle « Faire des adolescents des consommateurs avertis ». Elle a été conçue par le Conseil général du Val de Marne où je travaille. L'objectif est d'aider les adolescents à mieux maîtriser leurs choix en matière de consommation alimentaire en donnant toutes les informations nécessaires pour bien choisir. - Ce projet représentera à peu près 5 séances dans l'année, avec une sortie cueillette de fruits dans une exploitation agricole en fin d'année et un petit déjeuner que vous servirez aux 6èmes en leur donnant des conseils. - Les séances se feront dans différentes matières : Arts Plastiques, EPS, SVT, mathématiques. - Vous allez commencer par un questionnaire en mathématiques pour mieux vous connaître en tant que consommateur. - Pour ma part, je me présente : Je ne suis pas là pour voir si vous mangez bien. Je viens évaluer l'action du Conseil général, c'est-à-dire vérifier l'intérêt de ce type de projet, son utilité pour les élèves. Je viens voir comment le projet est mis en place et comment il est perçu par les élèves, cad par vous. - Plus précisément, je veux voir comment se passent les différentes séances du projet alimentation, qu'est-ce que vous en retenez, qu'est-ce que ça change pour vous, qu'est-ce que ça vous apporte. Je vais également aider vos différent enseignants dans la réalisation des séances, et peut être faire des interventions moi-même. - Pour mieux vous connaître et pouvoir évaluer ce projet au mieux, je vais vous accompagner dans différents cours tout au long de l'année. Je viendrai aussi en cour de récréation pour discuter avec vous. Et aussi et surtout, en cantine, pour voir ce que vous aimez manger, ce qui vous plait, ce qui vous plait moins. - Voilà, vous allez donc cette année participer à un projet sur l'alimentation, qui va vous permettre de mieux vous connaître et de mieux choisir vos aliments et moi, de mon côté, je vais aider vos enseignants à le mettre en place et l'évaluer pour qu'il se pérennise dans l'établissement, c'est-à-dire qu'il ait lieu chaque année dans au moins une classe de 5ème.
Annexe 4 : Présentation aux parents des élèves de 5ème 4 de Malraux
Bonjour, je m'appelle Aurélie Maurice. Pour la classe de 5ème4, avez-vous eu connaissance de la lettre que j'ai distribuée à vos enfants dans laquelle je me présentais à vous? Ou alors vos enfants vous ont peut-être parlé de moi puisque je suis déjà venue plusieurs fois les voir. Je suis étudiante en thèse, je commence ma 2ème année, j'en ai donc encore pour au moins 2 ans puisqu'une thèse se fait en 3 ans. C'est une sorte de mémoire de 400 pages pour finir mes études. Mon domaine de recherche est la sociologie de l'alimentation. La sociologie c'est une discipline des sciences humaines, des sciences qui travaillent sur l'homme. Ce qui m'intéresse, ce sont les comportements humains. Pour comprendre les comportements humains, il y a plusieurs méthodes, celle que j'ai choisie consiste à observer les comportements et à discuter avec les personnes qu'on étudie. Ces deux méthodes s'appellent l'observation et l'entretien. Mon sujet d'étude c'est les collégiens, je m'intéresse à leur alimentation : leurs goûts, leurs préférences, leurs façons de se comporter à l'école et chez eux. A l'école, je me rends à la cantine dans certains cours, pour voir de quoi ils parlent concernant l'alimentation et qu'est-ce qu'ils mangent à la cantine. A la maison, je voudrais faire des entretiens avec leurs parents et eux-mêmes pour connaître leurs comportements chez eux concernant l'alimentation. Je ne suis pas là pour évaluer une bonne ou mauvaise alimentation, mais je travaille pour mes études sur comment mangent les adolescents chez eux et à l'école. Je me suis fixée deux classes de 5ème : la 5ème 3 et la 5ème 4, la 5ème 4 travaille sur un projet sur l'alimentation toute l'année avec l'infirmière, donc elle est intéressante pour moi. Si vous avez des enfants en 5ème 3 ou 4 et si vous êtes d'accord pour discuter avec moi, ce qui serait précieux pour mon travail, vous pouvez me laisser votre numéro de téléphone. Je suis Aurélie MAURICE, étudiante en doctorat de sociologie à Paris V- La Sorbonne. Ma thèse (qui est un mémoire à rédiger en 3 ans) porte sur l'alimentation des collégiens. Je travaille sur la perception par les jeunes adolescents des informations sur l'alimentation qu'ils reçoivent au collège. C'est pourquoi je m'intéresse à la classe de votre enfant, dans laquelle a lieu l'action « Faire des adolescents des consommateurs avertis » en liaison avec Conseil général. Elle consiste en différentes séances, menées par les enseignants de la 5 ème 4, et coordonnées par Mme Patais, l'infirmière. Cette action vise à sensibiliser les adolescents à l'alimentation. Elle rentre donc complètement dans le sujet de ma thèse. L'objectif étant de comprendre le rapport des adolescents à l'alimentation, je cherche à connaître le mieux possible les élèves de la 5ème 4. Ainsi, je souhaite assister aux différentes séances qui vont avoir lieu durant cette année pour observer comment elles se déroulent. Je vais également participer à la conduite des séances en m'associant aux différents enseignants. Je compte, en parallèle, accompagner les élèves à la cantine, en cour de récréation et dans certains cours, afin de voir quelles informations ils reçoivent sur l'alimentation et d'en discuter par la suite avec eux. Je tiens donc à vous tenir informés de ma venue en 5ème 4 et de ma présence dans la classe tout au long de l'année. Je vous solliciterai peut-être aussi pour discuter avec vous de l'alimentation en famille. Je viendrai me présenter à vous le jeudi 18 novembre lors de la réunion parents/professeurs.
ès à présent, je vous transmets mon numéro
de t
éléphone, pour
r
épondre à d'éventuelles questions que vous vous posez. Vous remerciant par avance de votre attention, et dans l'attente de vous rencontrer, Aurélie
Chers parents d'élèves de la 5ème C, Par le carnet de correspondance, vous avez été informés en début d'année que la classe de 5 C participe à un projet autour de l'alimentation cette année. Il s'inspire de l'action « Faire des adolescents des consommateurs avertis » conçue par le Conseil Général du Valde-Marne, avec lequel je réalise ma thèse. Ce projet vise à faire découvrir aux élèves plusieurs des dimensions de l'alimentation et à mieux se connaître en tant que consommateur. Le « projet alimentation » a lieu en classe de 5ème car l'alimentation est au programme en SVT (sur le sujet de la digestion) et est abordée également dans d'autres matières (histoiregéographie, anglais,). Il s'étend sur toute l'année scolaire 2011-2012, se décline en plusieurs séances et implique l'équipe enseignante de la 5ème C. ème Je suis la personne responsable de ce projet au collège Pierre de Ronsard. De plus, en collaboration avec le Conseil Général et du fait de ma formation d'ingénieur agronome, je suis chargée d'étudier l'intérêt d'un tel projet pour les élèves et leurs familles. Dans cette optique, je me permets de vous demander de m'indiquer votre numéro de téléphone et de remettre cette lettre à votre enfant qui me la fera parvenir par l'intermédiaire de la vie scolaire. Vous remerciant par avance de votre attention, Bien cordialement
, Aurélie MAURICE Ingénieur de l'AgroParisTech Doctorante en Sciences de l'Education Laboratoires d'ALISS (INRA) et du CERLIS (CNRS) Ecole doctorale Sciences Humaines et Sociales, Paris Descartes [email protected]
Numéro de téléphone pour vous joindre : 480 Annexe 7 : Devoirs de SVT à partir du logiciel MacDo dans les deux collèges 481
Image 1 : Feuille de travail de Sanata et Jennifer, 18 janvier 2011, collège Malraux Image 1 : Devoir de Fatimatou, 9 mars 2012, collège Renoir Image 2 : Devoir d'Iris, 9 mars 2012, collège Renoir
482 Annexe 8 : Séance sur les étiquettes alimentaires
Projet Alimentation – 5ème 4 – Les étiquettes
QUES
TIONNAIRE
:
quels renseignements je peux trouver sur un emballage de produit alimentaire? 1. Que signifie la DLC? a) Date Linéaire de Calcul b) Date Limite de Consommation c) Durée Latente de Concentration 2. Que signifie la DLUO? a) Durée Limitée d'Usage Opérationnel b) Distance Lipidique Ultérieure Optimale c) Date Limite d'Utilisation Optimale 3. Comment mesure-t-on la valeur énergétique? a) en kilo joule b) en kilowatt c) en kilo calories d) en kilogramme 4. Que signifie RNJ? a) Radio Nova Jeune b) Risque Niveau Joule c) Repères Nutritionnels Journaliers 5. Que signifie AB? a) Assez Bien b) Agriculture Biologique c) A Boire 6. A quoi correspond un produit commerce équitable? a) le supermarché partage le bénéfice avec l'agriculteur b) le supermarché échange des denrées en poids équitable avec l'agriculteur c) l'agriculteur (du Sud) est assuré d'un revenu décent assuré par des relations de solidarité directe avec les consommateurs du Nord 483 7. Que contient le coca zéro? a) Aucun sucre? b) Moins de sucre que le coca c) De l'aspartame d) De l'acésulfame de potassium 8. Que signifie sans O.G.M? a) Il n'y a pas d'organismes gênant la motricité b) Il n'y a pas d'organismes génétiquement modifiés c) Il y a un maximum de 0,9% d'organismes génétiquement modifiés 9. Qu'est ce qu'un label rouge? a) La qualité de production est meilleure b) Le produit est de couleur rouge c) Il est produit par les communistes 10. A quoi correspondent les substances E? a) Ce sont des ingrédients écologiques b) Ce sont des additifs c) Ce sont des énergies 11. Qu'est ce qu'un AOC? a) Agriculteur Organisé dans le Commerce b) Une Appellation d'Origine Contrôlée c) Un Aliment Ouvert au Commerce 12. 485 Synthèse : Atelier la lecture des étiquettes
Les renseignements emballage : obligatoires qu'on trouve sur un - La dénomination de vente : renseigne sur la nature exacte du produit. Ex : chocolat, fruits au sirop, confiture. Ne pas confondre avec la marque : non obligatoire (cf produits premier prix) - La composition : liste des ingrédients présents par quantité décroissante : du plus important au moins important. Les additifs sont notés E, ce sont des substances le plus souvent chimiques nécessaire pour conserver, pour la texture, pour la couleur de l'aliment. - La date de durabilité : o La DLC : date limite de consommation, pour des produits frais et fragiles (yaourt, fromage, lait, viande,) « A consommer jusqu'au : » A ne pas dépasser! o La DLUO : date limite d'utilisation optimale, pour des produits secs (café, riz, pâtes, ) : l'aliment peut être moins bon au goût après « A consommer de préférence avant le : » - La quantité nette : poids ou volume. Ex : Poids net : 100 g 50 cL Les renseignements facultatifs : - Les labels Label Rouge : indicateur de qualité gustative 486 Commerce équitable : partenariat commercial avec le producteur (pays du Sud) AOC : Appellation d'origine contrôlée : lien garanti entre le produit et un terroir (une zone géographique en France) - Les allégations : toute mention sur les caractéristiques du produit o « riche en calcium », « allégé » => allégation nutritionnelle o « le calcium est nécessaire aux dents et aux os » => allégation fonctionnelle Entraînent la nécessité d'un tableau de valeur nutritionnelle avec : o L'énergie apportée par 100g ou mL du produit en kiloJoules ou en kiloCalories o Les teneurs en lipides/ protéines/ glucides en g et en %RNJ (= Repères Nutritionnels Journaliers) o Les teneurs en oligoéléments (fer, calcium, vitamines) en %AJR (=Apports Journaliers Recommandés) Le logo ne signifie pas que le produit sur lequel il a été apposé va être recyclé! L'industriel fabricant le produit verse une contribution financière à Eco-Emballages. Projet alimentation en 5ème
Voici le déroulement chronologique du projet alimentation réalisé en 2010/2011 à Gustave Monod dans une classe de 5ème. 1) Questionnaire « Quel mangeur je suis? » Les élèves remplissent un questionnaire leur permettant de mieux connaître leur rapport à l'alimentation. 2) Analyse sensorielle Les élèves sont invités à découvrir leurs sens en goûtant des aliments qu'ils ne connaissent pas (le plus souvent) 3) Les étiquettes Les élèves apprennent à décoder les étiquettes alimentaires : que trouve-t-on dessus? 4) Photographies de Peter Menzel Les élèves découvrent ce que mangent quotidiennement des familles dans différents pays du monde 5) Les fruits et légumes de saison Les élèves doivent citer 5 fruits et légumes pour chaque saison 6) Les groupes d'aliments Les élèves font des affiches sur chaque groupe d'aliments qui ont été affichées dans la cantine 7) L'équilibre alimentaire Les élèves apprennent comment savoir s'ils ont mangé équilibré dans la journée. 8) Traitement statistique du questionnaire Les élèves apprennent à faire des diagrammes circulaires et à les analyser, puis à comparer avec les résultats d'une autre classe. 9) Le petit déjeuner des 6èmes Les élèves volontaires servent un petit déjeuner équilibré et complet aux élèves de ème 6 en leur donnant des conseils sur ce qu'il est bon de manger au petit déjeuner.
10) La sortie : cueillette de fruits
A la fin de l'année, les élèves partent cueillir des fruits de saison dans une exploitation agricole. Projet alimentation 5°C A. Babilo, professeur d'Arts Plastiques A--Fabrication d'une nature morte avec les différents groupes d'aliments. 1/Recherches Histoire des Arts: -analyse d'une nature morte aux 5 sens du 17° siécle -Documentation ( avec expo au CDI?) de la façon dont les peintres, les artistes, représentent les différents groupes d'aliments. 1 groupe et 1 panneau par type d'aliments. -Pour la réalisation de la nature morte en peinture, recherche dans des catalogues publicitaires d'images des différents aliments par catégorie. 2/Réalisation d'une nature morte. Choisir et assembler 1 aliment de chaque catégorie pour faire une nature morte. Croquis à partir des images des magasines ou des oeuvres d'art. -travail individuel format 24x32 cm, à la peinture -travail collectif(groupe de 8 élèves) sur des grands formats: chacun représente un aliment, puis mise en place dans un décor. B- -Le menu idéal, reportage photo et/ou filmé sur l'élaboration de ce menu idéal. Ce menu pourrait être cuisiné et servi à la cantine. 1/Définition du menu idéal. -visite aux cuisines, rencontre avec les cuisiniers. -Par groupe, choix de l'aliment idéal. Par catégorie. 2/Le reportage lors du repas Avant: aliments crus, cuisine, préparation Pendant: la présentation, le service, les élèves à table Après: les restes, les poubelles, le nettoyage. 3/Distribution du menu aux élèves de la cantine, panneaux explicatifs aux murs et exposition des natures mortes. Pour cela il nous faut discuter avec l'administration, avoir un petit budjetassossier des collègues URE Dioni A--Fabrication d'une nature morte avec les différents groupes d'aliments.(à afficher lors du repas à la cantine) -1 ° séance cours AP analyse d'une nature morte aux 5 sens du 17° siécle---->cahier -2 séances au CDI (2h en demi groupe) Documentation ( avec expo au CDI?) de la façon dont les peintres, les artistes, représentent les différents aliments. Par groupe.Réalisation de panneaux. -2° seance cours AP( sur 3 séances) Réalisation d'une nature morte. -->Pour la réalisation de la nature morte en peinture, recherche dans des catalogues publicitaires d'images des différents aliments par catégorie, à la maison. -->Choisir et assembler 1 aliment de chaque catégorie pour faire une nature morte. Croquis à partir des images des magasines ou des oeuvres d'art. -travail collectif(groupe de 4 élèves) sur des grands formats: chacun représente un aliment, puis mise en place dans un décor. --> un groupe fait la pyramide des groupes d'aliments. B-
-Le menu idéal, reportage photo sur l'élaboration de ce menu idéal.
Ce menu
pourrait être
cuisiné et servi
à la cantine. 1/Définition du menu idéal. Au CDI. -visite aux cuisines, rencontre avec les cuisiniers. -Par groupe, choix de l'aliment idéal. Par catégorie. 2/le jour du repas -Le reportage photo lors du repas( en Mai)( un mardi ou un jeudi) Avant: aliments crus, cuisine, préparation Pendant: la présentation, le service, les élèves à table Après: les restes, les poubelles, le nettoyage. --> expo photo après dans le hall du collège et à la cantine -Distribution du menu aux élèves de la cantine, panneaux explicatifs aux murs et exposition des natures mortes faites en classe et au CDI. Réalisation du menu en cours D'AP. C--Sorties - Au Louvre pour voir les oeuvres 490 - Dans un verger pour cueillir des fruits en juin( payé par le Conseil Général) D- -Budget -Tirages photos pour expo+ sous-verres -Photocopies pour impression menu ° But de la réunion: Définir le menu, qualifié d'idéal, équilibré mais festif, à servir à la cantine en juin. Etaient présents: les 29 élèves de la classe, Aurélie étudiante doctorante, Maryse la responsable de la cuisine centrale, le responsable de la coordination à la cuisine centrale, Marie Line la diététicienne du conseil général en charge de la cantine du collège Ronsard, Jonathan le responsable de la cantine du collège, M. Dourojeani le documentaliste et moimême A.Bennetot professeur d'Arts Plastiques. Les élèves ont chacun proposé une entrée, une viande ou un poisson, un légume ou un féculent, un laitage ou un fromage, un dessert et une boisson. Les propositions sont restées très raisonnables et peu différentes de ce qui est habituellement proposé à la cantine. Les aliments les plus cités ont été des crudités pour les entrées, le poulet pour la viande, les pommes de terre sous différentes formes pour les légumes, les yaourts et le chocolat pour le dessert. Le repas aura lieu le jeudi 14 juin. Il faut que le menu définitif soit décidé avant le 29 mai pour pouvoir passer les commandes. Maryse reviendra en classe le jeudi 10 mai de 14h à 14h 30 pour finaliser le menu. Cette activité va vous permettre de découvrir le genre de la nature morte à travers les époques. Les artistes ont représenté les aliments au cours des siècles, chacun à leur manière 1) Recherche des images Par internet : sur Google Image : taper « nature morte baroque (par exemple si c'est votre époque) » ou en anglais « still life roman (pour l'antiquité) » et vérifiez bien que les images que vous trouvez appartiennent à votre époque. Appelez nous si vous avez des doutes. Sur les livres : Regardez l'index et cherchez « nature morte » ou feuilletez le livre à la recherche d'une nature morte. Il y a des post-it jaunes sur certains livres, regardez la page. 2) Choix des images Choisissez de 2 images que vous allez imprimer. Appelez nous quand vous avez choisi vos images. Collez-les sur le poster en les espaçant bien. 3) Ecriture sur le poster Marquez en dessous de chaque image le titre de l'oeuvre, le nom de l'artiste et la date. Légendez l'image en marquant ce qui est représenté sur l'image. 4) Préparation de la présent
ation
orale A l'oral, vous allez devoir répondre aux questions suivantes : - Pourquoi avez-vous choisi cette image? - Qu'est-ce qui vous permet de dire qu'elle appartient bien à votre époque? - Qui est l'artiste? - Qu'est-ce qu'on voit sur l'image? - Quelle est la disposition des différents éléments qui composent l'image? - Quelles sont les couleurs, comment est la lumière? - Que veut dire l'artiste à travers cette oeuvre? Quelle est la symbolique selon vous? - Est-ce que ça vous donne envie de manger ce qu'il y a sur l'
Annexe 12 : Séance de traitement statistique du questionnaire « Quel mangeur je suis? » Traitement statistique du questionnaire (Groupe 2 à Malraux)
A partir de quelques questions extraites du questionnaire que vous avez rempli en cours de mathématiques au début de l'année, vous allez utiliser vos connaissances en statistiques pour les traiter. Nous vous épargnons le décompte des réponses à chaque question, nous l'avons fait pour vous! 1) a) b) c) Je prends mon petit déjeuner les jours d'école : Tous les jours : 9 réponses Parfois : 12 Jamais : 3 2) Il m'arrive de manger en dehors des quatre repas (petit-déjeuner, déjeuner, goûter, dîner) a) Oui :20 b) Non : 4 3) a) b) c) d) Je mange des fruits Plusieurs fois par jour : 12 Une fois par jour : 3 3 à 4 fois par semaine : 4 Rarement : 5 Vous devez calculer l'effectif total de la classe, puis faire des diagrammes circulaires pour chaque question, à l'aide d'Excel (voir la fiche d'explication). Faire une phrase de commentaire en dessous de chaque diagramme. 1) 2) 3) 4) Ecrire la question posée.
Faire un tableau Faire le diagramme circulaire correspondant Ecrire une phrase de commentaire en dessous du diagramme 494 Traitement statistique du Questionnaire (Groupe 1)
Je bois des sodas : Coca, Fanta, Schweppes (ne pas compter les lights) Plusieurs fois par jour : Une fois par jour
: 3 à 4 fois par jour : Rarement : 5 3 6 15 Fréquence de sodas bus Plusieurs fois par jour : 17% Une fois par jour : 10% Rarement : 52% 3 à 4 fois par jour : 21%
La plupart des élèves boivent rarement des sodas. Je pense que je mange comme il faut pour rester en bonne santé Oui
:
Non
Je ne sais pas : 16 3 10 Avis des élèves sur leur alimentation Je ne sais pas : 35% Oui : 55% Non 10% La plupart des élèves mangent équilibré pour rester en bonne santé 495
Annexe 13 : Guide d'entretiens parents – Version Malraux 20/01/11 Entretiens parents 1) Les repas de la veille
: achats, choix, cuisine + remarques des enfants 2) Les scénarios Je vais vous soumettre des situations qui pourraient vous arriver, ou qui vous sont déjà arrivées. Si c'est le cas, racontez comment ça s'est passé, sinon, racontez ce que vous pensez que vous feriez dans cette situation. 3) Histoire familiale, trajectoire sociale des parents, migratoire, habitudes alimentaires pendant l'enfance. 4) Alimentation des enfants : contrôle, autonomie, liberté, surveillance Souci alimentation : normes, que faut-il manger? Argent de poche, budget alimentation 5) Discussions parents-enfants alimentation Est-ce que votre enfant vous parle de ce qu'il mange à la cantine, de ses cours sur l'alimentation? Est-ce qu'il vous apprend des choses que vous ne saviez pas? Est-ce qu'il vous donne des conseils? Et vous : que lui dites-vous? Que cherchez-vous à lui inculquer? 6) Rythmes de vie, modes de vie Travail actuel : horaires, Heure de coucher, lever, repas, Chambres des enfants, devoirs, activités extra scolaires, sorties avec les enfants, des enfants seuls, Entretiens parents 1) Les repas de la veille : achats, choix, cuisine, cadre du repas + remarques des enfants 2) Les scénarios Je vais vous soumettre des situations qui pourraient vous arriver, ou qui vous sont déjà arrivées. Si c'est le cas, racontez comment ça s'est passé, sinon, racontez ce que vous pensez que vous feriez dans cette situation. 3) Histoire familiale, trajectoire sociale des parents, migratoire, habitudes alimentaires pendant l'enfance. 4) Alimentation des enfants : contrôle / surveillance, autonomie / liberté Souci alimentation : normes, que faut-il manger? Argent de poche, budget alimentation Choix alimentaires (courses, repas) : quel rôle donné à l'enfant? 5) Relations parent-adolescent Quels moments passez-vous avec vos enfants? Avez-vous beaucoup de temps libre (horaires de travail)? Quand vous arrive t-il de discuter avec vos enfants? De quoi parlez-vous? 6) Rapport à l'école Comment s'est passée votre scolarité? Est-ce que votre enfant vous parle de la cantine? Comment voyez-vous la cantine? Est-ce que le collège Ronsard vous plaît bien? Êtes-vous attaché aux notes, à ce que votre enfant soit sage, apprenne bien? 7) Discussions sur le projet alimentation Est-ce que vous aviez entendu parler de moi ou du projet alimentation avant que je vous contacte? Essayez de vous souvenir quand votre enfant vous en a parlé, à quelles occasions? Que vous a-t-il dit? Qu'en avez-vous pensé? Que lui avez-vous répondu? 8) Rythmes de vie
, modes de vie
Travail actuel : horaires, Heure de coucher, lever, repas, Chambres des enfants, devoirs, activités extra scolaires, sorties avec les enfants, des enfants seuls, Penser à demander l'âge, le métier, la formation si ce n'est pas déjà fait.
Entretiens enfants 1) Les photos
Tu aimes cet aliment? Beaucoup? En manges-tu souvent? A quelles occasions? Avec qui? Lequel tu préfères? 2) Les scénarios : consigne Je vais te donner des situations qui pourraient t'arriver, ou qui te sont dé jà arrivées. Si c'est le cas, raconte comment ça s'est passé, sinon, réfléchis à ce que tu ferais dans cette situation. Dérouler les scénarios en posant des questions supplémentaires pour faire parler sur le sujet en détail.
3) Questions supplémentaires
Journée d'hier + remarques sur les plats + préparation Cantine Grignotage Parents – éducation alimentaire Autonomie : cuisine, courses, argent de poche Alimentation au cours de sa vie : changements, évolution? Attention à ce qu'il mange, à son poids? Choisir ses repas pendant 2 jours. xe 17 : Scénarios parents Repas du soir
Vous avez préparé des épinards avec des oeufs pour le repas du soir. Votre enfant ne veut pas manger les épinards. Que faites-vous? Vous demandez à votre enfant ce qu'il veut pour le diner, il répond une pizza. Que faitesvous? Si le lendemain il redemande une pizza, que faites-vous? A table, votre enfant dit que ce que vous avez préparé n'est pas bon. Comment réagissezvous? Goûter-grignotage Il est 18h30. Votre enfant a faim. Il vient dans la cuisine chercher quelque chose à manger. Que lui donnez-vous? Vous vous rendez compte que pour le goûter, votre enfant a mangé un paquet de biscuits entier. Que faites-vous? Votre enfant arrive de l'école à 17h, complètement affamé : il n'a vraisemblablement rien mangé à la cantine. Que faites-vous?
Demandes de l'enfant
Votre enfant vous demande s'il peut aller au grec samedi midi avec ses amis. Que répondezvous? Vous êtes au supermarché avec votre enfant, il vous demande de lui acheter un sachet de bonbons. Que faites-vous?
Discussions liées à l'alimentation
Votre enfant se pose des questions par rapport à l'alimentation et à l'obésité. Il vous demande quels aliments font grossir. Que lui répondez-vous? Votre enfant vous raconte son cours sur l'alimentation au collège et cherche à vous donner des conseils. Comment réagissez
-
vous
? Prise/ perte de poids
Votre enfant a pris du poids dernièrement, il commence à être un peu enrobé. Que faitesvous? Votre enfant s'inquiète sur son alimentation, il se trouve trop gros. Il mange peu au goûter, ne se ressert pas à table et prend souvent un fruit en dessert. Que lui dites-vous? Votre enfant a maigri ses derniers temps, il mange moins qu'avant. Que faites-vous? Ecole Vous découvrez plusieurs emballages de bonbons dans le sac de votre enfant. Que faitesvous? C'est le matin. Votre enfant est en retard pour l'école. Il vous dit qu'il n'a pas le temps de petit-déjeuner. Que faites-vous?
Annexe 18 : Scénarios enfants
Tu rencontres un australien qui te demande ce qu'on mange en France, que lui réponds-tu? Tu rencontres un martien, qui arrive sur terre et qui te demande ce qu'il devrait manger pour être en forme. Que lui réponds-tu? Ton meilleur ami a pris du poids dernièrement, il te demande des conseils pour maigrir. Que lui dis-tu? Cantine
Ce midi, à la cantine, tu n'as pratiquement rien mangé : c'était un légume que tu n'aimes pas. Ta mère te demande ce que tu as mangé à midi. Que lui réponds-tu? Ce midi, c'était très bon à la cantine. Que dis-tu à tes parents? Si on te proposait des boissons gazeuses à la cantine tous les jours, en prendrais-tu? Si oui, lesquelles? Prises alimentaires à l'extérieur Tes amis te proposent de venir manger au grec avec eux samedi midi. Que fais-tu? On te propose un abonnement gratuit d'une semaine pour tous les midis à Mac Donald's. Que fais-tu? Tu es invité chez un ami pour passer l'après-midi. Amènes-tu quelque chose à manger? Quoi? Ta mère te propose de passer quelque part t'acheter un goûter. Que prends-tu?
A
l'
écol
e Ta mère trouve dans ton sac de classe plusieurs emballages de bonbons. Comment réagitelle? La prof de SVT propose à la classe de lui poser des questions sur l'alimentation. Que lui demandes-tu?
Repas du soir
Ta mère a cuisiné pour le repas du soir un légume que tu n'aimes pas (endive). En mangestu? Ta mère te demande ce que tu veux manger ce soir. Que demandes-tu? Pour le 3ème jour de suite, ta mère a fait pour le repas du soir, de la viande et du riz. Que lui dis-tu? Ta mère a acheté des plats préparés. Elle dit qu'elle en a marre de faire la cuisine. Que lui distu? Ta mère a préparé des merguez au colorant E112. Que lui dis-tu?
alimentation : BILAN
Nom :___________ Prénom
:
___________
Séance 1 : L'analyse sensorielle avec Mme Barlo : 1) Raconte
ce
dont
tu
te souviens : qu'est-ce qu'on avait fait pendant cette séance? ________________________________________
________________
________________
________________________________________________________________________
2) Qu'est-ce que tu
en
as pensé?
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
3) Est-ce que tu en as parlé à tes parents? Si oui, qu'est-ce que tu leur as dit?
___________________________________________________________________________ ____________________________
_______________
________________
________________
Séance 2 : Les étiquettes avec M. Dupré
: 1) Raconte ce dont tu te souviens : qu'est-ce qu'on avait fait pendant cette séance? ___________________________________________________________________________ ___________________________________________________________________________ 2) Qu'est-ce que tu en as pensé? ___________________________________________________________________________ ___________________________________________________________________________ 3) Est-ce que tu en as parlé à tes parents? Si oui, qu'est-ce que tu leur as dit
?
___________________________________________
________________
________________
___________________________________________________________________________ Séance 3 : « Mon alimentation est-elle équilibrée? » avec Mme Chappes : 1) Raconte ce dont tu te souviens : qu'est-ce qu'on avait fait pendant cette séance? ___________________________________________________________________________ ___________________________________________________________________________ 502 ___________________________________________________________________________ 2) Qu'est-ce que tu en as pensé? ___________________________________________________________________________ ___________________________________________________________________________ 3) Est-ce que tu en as parlé à tes parents? Si oui, qu'est-ce que tu leur as dit? ___________________________________________________________________________ ___________________________________________________________________________ Séance 4 : Les groupes d'aliments avec M. Appac : 1) Raconte ce dont tu te souviens : qu'est-ce qu'on avait fait pendant cette séance? ___________________________________________________________________________ ___________________________________________________________________________ 2) Qu'est-ce que tu en as pensé? ___________________________________________________________________________ ___________________________________________________________________________ 3) Est-ce que tu en as parlé à tes parents? Si oui, qu'est-ce que tu leur as dit? ___________________________________________________________________________ ___________________________________________________________________________ Séance 5 : L'analyse statistique du questionnaire avec M. Boum : 1) Raconte ce dont tu te souviens : qu'est-ce qu'on avait fait pendant cette séance? ___________________________________________________________________________ ___________________________________________________________________________ ___________________________________________________________________________ 2) Qu'est-ce que tu en as pensé? ___________________________________________________________________________ ___________________________________________________________________________ 3) Est-ce que tu en as parlé à
parents oui
Annexe 20 : Fiches des élèves par ordre alphabétique (première lettre du prénom)
Agathe Talin Collège Renoir. Au collège -Agathe est amie avec Coline, Léanne et Claire. Elle fait partie d'un groupe de filles un peu en retrait mais qui ne se fait pas embêter par les autres (notamment les dominantes et dominants) -Agathe a 14,5 de moyenne, elle est 10ème. Elle est assez satisfaite de ses résultats. -Agathe est assez discrète à l'école, et très sérieuse. Agathe est autonome depuis le CM2, elle fait ses devoirs toute seule et ne pose pas de questions à ses parents.
Famille
-Son père est inspecteur contentieux à l'URSSAF (Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales), sa mère est chargée d'études à l'URSSAF. -C'est la mère qui cuisine, elle évite de faire des choses que ses filles n'aiment pas, mais si ça arrive, elles ne fait pas deux plats, sauf s'il y a des restes, ou des pates. -La mère pense que Agathe est trop jeune pour aller au kebab avec ses copines, elle peut aller chez des copines ou au cinéma mais il y a toujours un parent pour les amener et les ramener. -Agathe fait de l'équitation et de la gymnastique rythmique. Alimentation -Agathe est de corpulence normale. -Agathe est demi-pensionnaire. Elle ne se plaint pas trop de la cantine. -Agathe n'est pas difficile mais elle ne mange pas beaucoup de légumes ni de fruits. -Agathe fait moins attention à son alimentation maintenant qu'avant, d'après sa mère. Sa mère est soucieuse pour l'alimentation d'Agathe, lui donne des conseils, elle ne veut pas qu'elle prenne du poids comme elle. -Agathe a eu une période où elle faisait très attention, notamment au nombre de fruits et légumes qu'elle mangeait par jour. Elle est assez inquiète pour son poids. Projet alimentation -Agathe parle de ses cours à ses parents mais pas de façon détaillée. -Agathe est intéressée par le projet et sensibilisée à ces questions (notamment par l'événement auquel elle a assisté il y a un an) Agathe en a un peu parlé, la mère se rappelle de certaines séances (maths, techno, mais pas SVT), quand j'interroge Agathe, elle répond souvent qu'elle a parlé de la séance dont je parle (même SVT et la pyramide alimentaire) 504 Amandine Zhang Collège Malraux. Au collège : -Amandine est très seule dans la classe, elle reste un tout petit avec Vanessa et Julie. -Amandine a d'assez bons résultats, elle a eu 13 de moyenne au 2e trimestre. -Elle participe très peu, et très timide mais très calme, elle ne se fait jamais reprendre par les profs. Famille : - Originaire de Chine. - Ses parents sont commerçants, patrons d'un magasin chinois en Guyane mais à la recherche d'un emploi en France. Ils sont arrivés en France en 2010 après avoir passé 18 ans en Guyane. -Après une visite chez le médecin qui l'a alarmée sur le poids de ses enfants, la mère fait plus attention à ce qu'elle cuisine (elle fait moins de fritures) et essaie de raisonner sa fille -Mais elle laisse quand même Amandine manger un peu ce qu'elle veut, par exemple quand elle a faim à 19h : C'est ici! Croissant, crêpes. (elle me montre un placard dans la salle à manger). -Les enfants mangent souvent sur le canapé devant la télévision « Normalement tous manger là-bas. Mais ils veulent prendre toutou et venir ici regarder la télé. Parce que le leur c'est télé, si pas regarder après fâché rire. » Alimentation : - Amandine est en surpoids. - Externe, parce que sa famille habite non loin de l'école -Amandine n'aime pas les légumes « Aurélie : Et les légumes qu'est-ce que t'aimes pas? Mmh. Y a plein. Y a les courgettes, les aubergines, les salades, les épinards. Je sais pas quoi d'autre. » et n'en mange pas. Projet alimentation : -Très réceptive aux cours -En marge de la classe, ne cherche pas à s'intégrer -Parle peu avec ses parents de l'école, n'est pas très volubile A un peu parlé du projet alimentation, notamment des étiquettes : « les flèches » sur le recyclage 505 Amar Kelar Collège Malraux. Au collège : -Amar fait partie du groupe leader des garçons, même s'il n'est pas une forte tête. -Amar a des résultats plutôt mauvais, il a une moyenne de 9 au 2e trimestre. -C'est un élève plutôt sage, qui ne se fait pas trop remarquer.
Famille :
- D'origine algérienne. - Son père est en recherche d'emploi, il touche le RSA et sa mère est femme au foyer. -Les deux parents sont sans activité professionnelle, le père n'arrive pas à trouver un emploi. -La mère est fâchée avec sa propre mère, qui ne s'est pas bien occupée d'elle petite « Elle nous touche pas, elle nous fait rien, même à manger » « Par contre ma mère c'est une française », son père au contraire est « gentil. C'est un algérien ». -Elle au contraire fait très bien à manger « nous en Algérie, elles savent faire la cuisine hein. », a gardé les traditions algériennes. Ne mange pas de porc, même si son mari en mange. Alimentation : - Amar est mince. -Amar est externe, parce qu'il ne veut pas manger de porc. « Non je lui ai dit tu veux manger à la cantine, il m'a dit je mange pas parce que ici en France il prend que du porc et tout » -Il mange bien, même s'il est maigre (elle croit que je viens pour vérifier qu'il mange bien), mais il n'aime pas les légumes. Il aime les frites, le riz, les pâtes, les fruits et le coca. -La mère met un point d'honneur sur la cuisine : « j'achète pas les conserves » « Je travaille avec mes mains, c'est moi qui fais tout » Projet alimentation : -Amar ne s'intéresse pas spécialement aux cours -Il parle peu à ses parents de ses cours -Il fait partie du groupe leader de la classe, il sort parfois au grec ou au mac do avec ses potes, et il adore ça éloigné du discours du projet alimentation N'a pas parlé du projet alimentation à ses parents 506 Arthur Lasserre (portrait p. 348) Collège Renoir. Au collège -Son père pense qu'il est le « bouc émissaire », ce qui est assez le cas. Arthur est en marge dans la classe, il est stigmatisé voire rejeté par certains élèves. Il est proche de Vincent en début d'année puis de Léo qui devient son meilleur ami. -Antoine a des résultats plutôt faibles, il a 10,63 de moyenne, il est 20 e. Alors que, comme dit son père, il a des « capacités ».
Famille
-Son père est chef de projet en communication pour les ressources humaines d'une collectivité territoriale, sa mère est chef de cabine chez Air France. -Le père aime beaucoup cuisiner et bien présenter les assiettes. Arthur apprécie cet effort de son père, alors que sa mère fait beaucoup de plats préparés : elle n'a pas le temps. -Éducation qui se veut à l'écoute et assez souple (les notes ne signifient rien sur la valeur de la personne, si Arthur veut être poubelleur plus tard et qu'il est heureux tant mieux), protectrice. -Encadrement scolaire assez proche : le père regarde sur ProNote, font les devoirs avec Arthur, vérifient son sac, le père l'amène en voiture à l'école pour qu'il ne soient pas en retard. -Arthur fait de la gymnastique deux fois par semaine et du piano. Alimentation -Arthur est mince. -Arthur est demi-pensionnaire et n'aime pas trop la cantine. -N'aime pas trop les légumes (les courgettes), à part les carottes, haricots verts etc. -Arthur fait attention à son alimentation (il boit moins de Fanta) depuis quelques jours parce que son père lui a parlé du diabète et que sa famille est sujette à cette maladie. -Arthur ne s'inquiète pas pour son poids.
Projet alimentation
-Arthur parle de l'école avec son père, mais plutôt de ses problèmes relationnels, notamment avec Valentin, ou de ses bonnes notes. Il n'a parlé de moi qu'après que j'appelle. Le père n'était pas du tout au courant pour le projet alimentation. -Arthur se souvient précisément de la séance sur les étiquettes : des groupes. Mais il me dit que le fichier projet alimentation est vide dans sa tête : rien ne l'a marqué. N'a pas du tout parlé du projet alimentation à ses parents Au collège -Caroline est amie avec Coline, Agathe et Léanne puis en cours d'année, se rapproche de Marion. -Caroline a 13,25 de moyenne au 3e trimestre, elle se situe au milieu de la classe. -Caroline fait très attention à la façon dont elle s'habille pour le collège, à suivre la mode du moment, par exemple en chaussures c'est les « Kaporal ». Famille -La mère gronde peu ses enfants, sauf pour les notes, « ça dure une heure ». Elle fait beaucoup confiance à Caroline : elle ne regarde pas ProNote et l'aide quand elle a eu une mauvaise note. -Caroline fait de l'équitation tous les mercredis. Alimentation -Caroline est de corpulence normale. -Caroline n'est pas difficile, d'après sa mère. « Elle est même curieuse ». Elle mange de tout. -La mère n'a pas trop l'envie ni temps de cuisiner le soir « Je distingue faire à manger et cuisiner quoi », et le week-end elle n'a pas ses filles donc elle ne cuisine pas non plus. -Ce que Caroline n'aime pas « c'est quand c'est Peggy qui cuisine », l'amie de sa mère. Elle a horreur des poivrons depuis qu'elle en a mangé avec Peggy. -Caroline fait attention à son alimentation, surtout depuis la 6e du fait d'une discussion avec Priscille qui lui a expliqué qu'elle fait très attention car elle ne fait pas d'activité physique. Projet alimentation -Caroline parle très peu de l'école à sa mère. « elles ont pas vraiment envie de parler de l'école ». Collège Renoir. Au collège : -Claire est amie avec Lana et Laetitia au début de l'année, puis se rapproche d'Agathe et de ses copines -Claire a de très bons résultats : elle a 17 de moyenne au 3e trimestre et est 1ère. -Claire est très sérieuse et très attentive en cours Famille : -Sa mère est directrice technique dans un Greta (Groupement d'établissements de formation pour adultes), son père est dépanneur informatique à son compte. -Les parents de Claire sont en train de se séparer. Elle a pris du poids depuis que le couple va mal. -Avec la séparation, des choses ont changé : les repas se passent sans la télévision « Je savais que ça allait être comme ça, ben que de manger sans télé ben du coup on retrouve des temps d'échanges pendant le repas et spontanément ils racontent pleins de choses. » -Pour les devoirs, Claire est autonome depuis le CP, elle les fait « volontiers ». Alimentation : -Claire est en surpoids. -Claire est demi-pensionnaire. Elle est plutôt contente de la cantine. -Claire voit une nutritionniste et sa mère essaie de lui cuisiner des aliments adaptés à son « régime » : « On est pas sur des choses Ni graves ni draconiennes en terme de prescriptions mais moi j'ai » -Claire n'est pas compliquée. Elle mange de tout -Claire a intériorisé les conseils du médecin et les normes nutri Projet alimentation : -Est intéressée par le projet alimentation -Claire ne parle pas beaucoup de l'école. « Elle raconte pas forcément beaucoup de choses, c'est très variable. Ça peut être les Elle va pas spontanément raconter tout, elle va raconter des choses mais pas forcément tout. » -Son frère est beau plus bavard qu'elle. Claire a parlé du projet alimentation au tout début de l'année et puis l'a prévenue que j'allais appeler : « Elle m'a parlé de petites choses mais j'ai pas de souvenirs là précis en tête » 509 Coline Malainasse Collège Renoir. Au collège -Coline est amie avec Agathe, Caroline, Léanne et Claire. Elle est très sage à l'école, même timide, on ne l'entend presque pas. Mais elle ne se fait pas embêter par les autres. -Elle a 16,91 de moyenne au 3e trimestre, elle est 4e. -Coline est très appliquée pour ses devoirs, et sa mère l'aide beaucoup.
Famille
-Son père était ingénieur génie électrique et sa mère est femme au foyer. -La mère ne travaille pas, notamment car elle n'a pas envie de laisser sa fille toute seule « après ce qu'on a vécu » (le père est décédé). Elle a arrêté de travailler quand son mari a été muté en Amérique du Sud : ils sont partis vivre 4 ans là-bas (Coline est née là-bas). -Coline fait de la natation (3 fois par semaine) et du tennis (une fois par semaine). Alimentation -Coline est de corpulence normale. -Coline est externe depuis la 6e, du fait notamment de la proximité de leur logement avec le collège, et elle révise ses leçons entre midi et 2. C'est plus reposant pour elle d'être à la maison. -Coline aime la plupart des légumes (mais pas les tomates), certaines viandes et sa mère essaie de s'adapter à ses goûts. Mais si elle ne veut pas du plat, elle n'aura pas autre chose. -Son père est mort d'un cancer du pancréas. La mère modifié l'alimentation familiale pendant la maladie de son mari, à l'aide d'un livre notamment, et elle achète maintenant beaucoup de produits bio, de la farine complète etc. Ca a été une prise de conscience pour elle. Coline n'aime pas toujours le goût des produits bio (par exemple du lait bio, donc la mère n'en achète plus). -Coline ne s'inquiète pas pour son poids, davantage pour ses boutons : son médecin lui a dit que cela pouvait être du à la charcuterie et au chocolat.
Projet alimentation
-Coline parle beaucoup à sa mère de ce qu'elle fait à l'école. -Coline est contente d'avoir ce projet alimentation dans sa classe. Coline a beaucoup parlé du projet alimentation à sa mère, qui trouve que c'est un très bon projet. Au collège -Gaétan est ami avec Timothée. Il est assez en marge dans la classe et a souvent du mal à trouver sa place à la cantine. -Gaétan a 10,5 de moyenne au 3e trimestre et est 21e. Il n'est pas très sérieux, et surtout distrait : il ne note pas toujours ses devoirs sur son agenda, et les fait rarement. -La mère dit suivre au maximum la scolarité de son fils mais elle ne sait pas qu'il y a des cours de latin au collège Renoir. Famille -Son père est directeur commercial, sa mère est bibliothécaire. -Ses parents sont séparés depuis 2000. -La mère est assez débordée, elle dit qu'elle a du mal à retenir ce qui lui dit Gaétan à propos du projet (elle ne se souvient pas de grand-chose quand je l'interroge). Ses enfants sont très autonomes, ils rentrent tout seuls le soir, déjeunent seuls le matin. -Elle dit suivre beaucoup la scolarité de ses enfants, se tenir au courant par le carnet, par les appels du collège. Elle est rassurée par l'organisation du collège : « On a la chance de les avoir dans un collège voilà avec des enseignants, toute une organisation, toute, voilà c'est confortable. » -Gaétan est inscrit à l'Association Sportive de basket du collège et il fait du scoutisme. Alimentation -Gaétan est mince. -Gaétan est demi-pensionnaire. Il mange assez bien à la cantine. Il aime bien les petits pois carottes. -Les plats à la maison sont simples, il s'agit souvent de plats surgelés. Quand la mère est absente (par exemple le samedi), les deux jeunes sont livrés à eux-mêmes pour le repas du midi, et bien souvent ils ne ent pas grand-chose (un bon petit déj le matin et un carré de chocolat et du lait de temps en temps s'ils ont faim). -Gaétan ne s'inquiète pas pour son poids, parce qu'il fait beaucoup de sport. Projet alimentation -Gaétan a peu l'occasion de parler avec sa mère, et quand il l'a, il ne lui parle pas trop du collège. « Ben en général on se voit pas Quand on se voit on se parle pas trop du collège. Elle me demande si ça s'est bien passé, je lui dis oui mais je rentre pas dans les détails. Hector Durand Collège Renoir.
Au collège -Hector est très ami avec Loïc. Il est bien intégré dans la classe et sort avec Sophie pendant quelques mois. -Hector a 17,13 de moyenne, il est 1er, mais il est un peu bavard donc il n'a pas eu les félicitations. Famille - Son père est médecin formateur et sa mère est médecin scolaire. - La mère est prête à faire plusieurs plats pour que tout le monde mange. Son fils ainé est très difficile. -Le père rentre vers 21h le soir donc tout le monde ne mange pas forcément ensemble : il arrive qu'Hector mange seul. -Hector fait du basket (3h) et du tennis (1h). Alimentation -Hector est de corpulence normale. -Hector est demi-pensionnaire mais déteste la cantine, notamment « les trucs qu'on cuit » Le week-end c'est le père qui fait la cuisine, il fait des choses « beaucoup plus riches » que la mère qui essaye d'équilibrer davantage. -Hector n'est pas difficile. Il aime « pratiquement tous les légumes », le seul truc avec lequel il a « un peu de problèmes » c'est le gras autour de la viande. Hector apprécie beaucoup la cuisine de son père, qui cuisine de la « vraie viande ».
Projet alimentation
-Hector parle très peu à sa mère de ce qu'il fait à l'école. -Hector dit discuter beaucoup avec ses parents, il est très curieux de tout. -Hector trouve que ce projet lui a appris beaucoup de choses, qu'il est plus « averti » En a peu parlé à ses parents. Collège Malraux. Au collège : - Une copine: Vanessa (2ème de la classe), relation fusionnelle - Résultats très bons : 15,89 au 2ème trimestre - Très sérieuse: toujours au 1er rang, fait ses devoirs - Participe activement et parle avec entrain Famille : -Sa mère est secrétaire, son père est agent de sécurité incendie. -Vit seule avec sa mère, passe le mercredi et un week-end sur deux avec son père, sa bellemère et sa demi-soeur. -Parle beaucoup avec sa mère, relation très fusionnelle -Famille en ascension sociale, dans laquelle tout ce qui vient de l'école est parole d'évangile : l'école a une place centrale Alimentation : -Julie est plutôt mince. - Externe (sa mère préfère qu'elle ait « quelque chose dans l'estomac ») - N'aime pas la viande (a peur d'attraper des maladies en en mangeant) ni les légumes : est très difficile pour l'alimentation - Mange des raclettes tous les soirs en ce moment - A l'appareil dentaire et sélectionne les aliments qu'elle peut mâcher Projet alimentation : -École au centre des préoccupations de Julie et de sa mère grande réceptivité aux discours scolaires adhésion aux normes véhiculées par l'école donc aux normes en vigueur -Inquiétude par rapport à son poids et à l'incorporation place importante accordée à l'alimentation -Communication très forte avec sa mère : relation fusionnelle -Rapport au groupe de pairs distant : ne cherche pas à s'intégrer au « groupe classe », peut donc tenir un discours différent Julie intériorise le projet alimentation et le véhicule dans sa : joue à l'enseignante avec sa mère devant moi. 513 Kelly Gabrou Collège Malraux. Au collège : -Kelly est très seule mais à midi, elle mange avec Victoria. Elle est le « chien » des filles populaires de la classe - elly a beaucoup de difficultés à l'école, bien qu'elle soit très studieuse. Sa moyenne est de 6/20 au 3e trimestre - elly est sage en classe, elle n'est pratiquement jamais reprise par les enseignants Famille : -Originaire de Côte d'Ivoire, elly y a passé 3 ans et est revenue cette année. -La mère de Kelly est caissière dans un salon de coiffure, son père ne travaille pas. Ses parents sont nés en côte d'Ivoire et sont arrivés en France en 1983. -La mère de Kelly achète beaucoup d'aliments fast food et n'est pas inquiète pour le poids de sa fille « Non non, en pleine croissance. Faut qu'elle se développe ». -Kelly parle peu avec sa mère, et beaucoup plus avec son père. -Elle a 3 grands frères avec lesquels elle s'entend bien, et qui l'amènent au Mac Do. Alimentation : - Kelly est en surpoids. -Kelly est demi-pensionnaire. A la cantine, elle mange globalement bien. - elly n'est pas difficile, elle mange de tout, à part les soupes (mais sa mère en fait peu) Projet alimentation : -Kelly parle peu avec sa mère : elle ne lui raconte pas ce qu'elle fait à l'école, même si sa mère lui demande. - elly est en décalage avec l'école, elle ne comprend pas bien et y est très passive ne retient pas bien ce qu'il s'y passe N'a pas du tout parlé du projet alimentation à ses parents
514 Lana Ricardo Collège Renoir. Au coll
: -Lana est très amie avec Laetitia pendant la 1ère partie de l'année puis elle l'exclut de son groupe et reste avec Claire et des filles d'une autre classe -Lana a de mauvais résultats scolaires : elle a 8,28 de moyenne au 3e trimestre, elle est 24e. -Lana est plutôt sage en classe, bien qu'elle soit parfois dissipée. Elle n'aime pas spécialement l'école : « Je peux pas dire que j'adore les cours, maisCa dépend quel cours quoi » Famille : -Lana est originaire du Portugal mais est née en France. - Ses parents sont tous les deux gérant d'hôtel.
| 27,156
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tel-04106846-19-0049_Ricciutti.txt_9
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French-Science-Pile
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Open Science
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Various open science
| 2,023
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Caractérisation des mécanismes de défense contre les intégrations virales de Banana streak virus et les infections qui en dérivent chez lesbananiers hybrides natifs interspécifiques. Amélioration des plantes. Montpellier SupAgro, 2019. Français. ⟨NNT : 2019NSAM0049⟩. ⟨tel-04106846⟩
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None
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French
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Spoken
| 6,369
| 10,822
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Par ailleurs, les valeurs de charge virale mesurées dans les lots de cochenilles sont largement inférieures (6<ΔCt<17) à celles mesurées dans les feuilles sources (1<ΔCt<9), en rappelant qu’une différence d’un cycle correspond à deux fois plus/moins de particules virales. De plus, les lots de cochenilles correspondent à des ensemble de 10 individus, abaissant la quantité de particules virales acquise dans chaque individu. Néanmoins, les cas de transmission réussis avec l’espèce P. citri suggèrent que cette faible charge virale est suffisante pour transmettre une infection (à partir de lots de 10 cochenilles). Il serait nécessaire de mesurer le taux d’acquisition du BSV par l’espèce Dysmicoccus neobrevipes, décrite pour la première fois comme vectrice du BSV, afin de déterminer si le taux d’acquisition ainsi que la quantité de particules virales acquises diffèrent selon l’espèce. Cela permettrait notamment de mieux comprendre les faibles taux de transmission obtenus avec Dysmicoccus neobrevipes. Afin d’estimer la distribution et l’accessibilité de l’inoculum viral pour les cochenilles vectrices au niveau cellulaire, des essais d’immunolocalisation des particules virales ont été menés sur des bananiers infectés, Cavendish et plantains.
200 A) 100 μM Epiderme Mésophylle Tissus vasculaires Parenchyme Sclérenchyme Xylème Phloème Sclérenchyme B) Parenchyme cortical Endoderme Phloème Xylème Cortex racinaire Parenchyme médulaire
Figure 4.7 : Description histologique de (A) nervure et de (B) racine de bananier. Coupes transversales de nervure (A, microscopie à épifluorescence) et racine (B, microscopie confocale) de bananier sain et indication des principaux tissus observables. 201 2) Localisation histologique des particules virales de BSV chez le bananier a) Immunomarquage du BSV sous microscope à épifluorescence
L’immunomarquage du BSV a été réalisé sur deux parties du bananier riches en tissus vasculaires : les racines et les nervures centrales de feuille. La figure 4.7 indique les principaux tissus observables sur chacun de ces deux organes. L’interprétation d’un échantillon immunomarqué n’est possible que par comparaisons du signal entre un échantillon infecté, un témoin négatif non infecté (dans notre cas, un bananier Cavendish (AAA) sain), et un témoin négatif infecté mais non marqué avec l’anticorps primaire (afin de déterminer la spécificité du signal observé). La figure 4.8 montre le signal obtenu en microscopie à épifluorescence dans une coupe de racine et une coupe de nervure centrale, chez un plantain infecté par le BSV (AAB-BSV) comparé à un plant de Cavendish sain (AAA). Pour le plantain infecté, un deuxième témoin négatif « non marqué » est utilisé pour vérifier la spécificité du signal. Cet échantillon saturé en BSA n’est pas marqué avec un anticorps primaire mais est incubé avec l’anticorps secondaire. Si un signal est observé après marquage à l’anticorps secondaire uniquement, cela indique une fluorescence non spécifique des tissus infectés.
On observe chez le plant sain ainsi que chez le plant infecté une fluorescence de l’endoderme entourant le cortex racinaire (jaune foncé, Fig. 4.8). Ce signal étant présent chez le témoin négatif, on peut la qualifier d’autofluorescence naturelle de l’endoderme. Chez le plant infecté, on observe également un autre signal fluorescent à l’intérieur de cortex racinaire, concentré en périphérie des cellules et dans le parenchyme médullaire (Fig. 4.8, panel du milieu). Cependant, ce signal étant aussi observé chez le témoin non marqué, il ne résulte pas spécifiquement de l’interaction entre l’anticorps primaire et les protéines de capsides du BSV (Fig. 4.8, panel du bas). Dans les coupes de nervure centrale, aucun signal de fluorescence spécifique du virus ou d’autofluorescence n’est observé. Ces images d’immunomarquage en microscopie à épifluorescence ne permettent pas d’observer un signal spécifique du virus, les observations suivantes ont donc été faites en microscopie confocale, afin d’observer les coupes dans un plan unique et d’accroître la précision du signal. Une partie de l’autofluorescence observée semble néanmoins être spécifique des tissus infectés et restreinte à l’espace laminaire du cortex racinaire. On peut suspecter des modifications de structure des tissus lors d’infections par le BSV, à l’instar de ce qui a été reporté chez des bananiers infectés par le Banana bunchy top virus (BBTV, Wardlaw, 1961).
202 Marqué
Marqué Nervure Non maqrué AAB – BSV AAA Racine Figure 4.8 : Immunomarquage du Banana streak virus en microscopie à épifluorescence. Des coupes de racine et de nervure centrale de feuille prélevées sur un bananier Cavendish sain (AAA, témoin négatif, en vert) et sur un bananier plantain infecté (AAB, en rouge) sont observées en microscopie à épifluorescence après un immunomarquage dirigé contre le BSV. Un contrôle négatif de tissus infecté non immunomarqué est présenté pour le bananier plantain. Grossissement 40x. Images: E. Ricciuti 203 Nervure AAB – BSV AAA Racine AAA – BSV 50 μm Figure 4.9 : Immunomarquage du Banana streak virus en microscopie confocale. Coupes de racine et de nervure de feuille de bananier Cavendish sain (AAA), bananier plantain infecté (AAB-BSV) et bananier Cavendish infecté (AAA-BSV), immunomarquée pour le BSV et observées en microscopie. Le signal en vert correspond à l’anticorps secondaire couplé au fluorochrome Alexa 488. Echelle indiquée en haut de l’image. AAA Racine Figure 4.10 : Immunomarquage contrôle du Banana streak virus en microscopie confocale, au fluorochrome Alexa Fluor594 (rouge). Des coupes de racine et de nervure centrale de feuille prélevées sur bananier Cavendish sain (AAA, témoin négatif), sur plantain infecté (AAB, en rouge) marqué et non marqué avec l’anticorps primaire sont observées en microscopie à confocale après un immunomarquage dirigé contre le BSV, avec un anticorps secondaire couple au fluorochrome Alexa Fluor 594 (émission dans le rouge). Echelle indiquée en haut de l’image. Images: M-S Vernerey. 205 b) Immunomarquage du BSV sous microscope confocal
Un deuxième immunomarquage sur les mêmes tissus du bananier plantain infecté et du Cavendish sain, ainsi que sur un bananier Cavendish infecté par le BSV, a été observé sous microscope confocal. L’avantage de cette technique d’observation réside dans la sélection d’un plan focal unique pour la détection du signal, qui permet de s’affranchir d’un signal ou « bruit » de fond dû à la profondeur de l’échantillon (notamment dans des coupes mesurant 60 à 100 μm). L’observation au microscope confocal permet également une meilleure résolution du signal. La comparaison entre les tissus infectés (Fig. 4.9, AAB-BSV et AAA-BSV) et sains (Fig. 4.9, AAA) met en évidence une fluorescence plus importante dans les tissus infectés, et localisée cette fois à l’intérieur des cellules. Les points fluorescents (en vert) semblent être concentrés en périphérie des vacuoles, qui occupent la majeure partie de l’espace cellulaire. De plus, le signal lié au virus est retrouvé dans différents types cellulaires tels que le parenchyme, le phloème et l’épiderme (Fig. 4.7). Cette diffusion du signal d’immunomarquage distingue le Banana streak virus du Banana bunchy top virus (BBTV), un nanovirus du bananier, restreint au phloème (Magee, 1939). En effet, un contrôle de l’immunomarquage sur un Cavendish (AAA) infecté par le BBTV révèle une restriction nette du signal fluorescent aux cellules du phloème (Fig. 4.11). Le signal observé sous microscope confocal est spécifique de l’interaction entre l’anticorps primaire et le BSV. En effet les images obtenues avec le témoin infecté mais non marqué avec l’anticorps primaire (Fig. 4.10, anticorps secondaire couplé à un fluorochrome rouge) montrent en enrichissement du signal uniquement dans les échantillons infecté et marqué par les anticorps primaire et secondaire. L’échantillon de bananier plantain infecté non marqué ne montre pas de signal fluorescent supérieur à l’autofluorescence naturelle de la chlorophylle (nettement visible dans les coupes de nervure, Fig. 4.10, panel de droite).
206 Marqué AAA X10 Non maqrué AAA – BBTV Marqué X40 Figure 4.11 : Immunomarquage du Banana bunchy top virus en microscopie à épifluorescence. Des coupes de nervure centrale de feuille prélevées sur bananier Cavendish sain (AAA, témoin négatif), et infecté par le BBTV (AAA-BBTV, en violet) marqué et non marqué avec l’anticorps primaire sont observées en microscopie à épifluorescence après immunomarquage. Grossissements indiqués au-dessus des clichés. 207
IV. Discussion: 1) Acquisition et transmission des particules virales de BSV
Parmi les 12 tests préliminaires de transmissions menés en 2017, 1 lot avec l’espèce Dysmicoccus neobrevipes transmet BSOLV à partir de Cavendish (AAA) infectés, et 3 lots avec l’espèce Planococcus citri transmettent BSOLV à partir de plantains (AAB) infectés. Les 8 tests résultant en l’absence de transmission ont été réalisés avec l’espèce D. neobrevipes, traduisant la difficulté de transmission avec cette espèce de cochenille, bien que décrite pour la première fois vectrice d’une espèce BSV. Un deuxième test de transmission avec D. neobrevipes, sur un plus grand nombre de plants (15 bananiers Cavendish sains inoculés), et faisant suite à une optimisation de la transmission, résulte en un très faible taux de transmission (1/15). Parallèlement, les trois tests de transmissions réalisés avec l’espèce P. citri sont positifs, bien que la quantification de la charge virale acquise lors du tests d’acquisition indique un faible inoculum viral acquis. Les analyses statistiques menées sur les taux d’acquisition de P. citri indiquent que le génotype (AAA ou AAB) du plant source n’affecte pas la charge virale acquise. En revanche, on ne peut pas exclure que d’autres paramètres non contrôlés dans ces essais puissent affecter l’acquisition ou la transmission du BSV par cochenilles, tels que l’âge des plants sources et des plants inoculés, la saison ou le stade de développement des cochenilles (estimé visuellement dans les essais présentés ici mais non caractérisé morphologiquement). Bien que les tests de transmission effectués lors de ces travaux aient été réalisés dans un cadre préliminaire de mise au point de la transmission, les résultats obtenus soutiennent deux conclusions majeures: 1) Les particules de BSV d’origine endogène et issues de l’activation des séquences eBSOLV sont transmissibles, ce qui confirme l’étude de Meyer et al. (2008) ; et 2) l’espèce Dysmicoccus neobrevipes est capable de transmettre des particules virales de BSV et s’ajoute donc à la liste des espèces vectrices du BSV. Cette espèce de cochenille a été identifiée sur bananiers en Côte d’Ivoire lors de prospections menées pendant ma thèse, sur des parcelles de plantains. Aucune infection n’a été reportée lors de nos prospections sur ces parcelles, cependant elles étaient infectées par le BSV lors des prospections précédentes, en 2008 (communication personnelle). La présence d’une nouvelle espèce vectrice sur des parcelles sporadiquement affectées par la maladie de la mosaïque en tirets constitue un nouvel argument pour évaluer le risque épidémique lié aux infections BSV. Il serait intéressant de répéter le test d’acquisition avec D. neobrevipes afin de comparer les taux d’acquisition à ceux de P. citri, et à terme de comparer les taux de transmission entre ces deux espèces. 2) Les particules virales de BSV ne semblent pas être restreintes au phloème
Les résultats d’immunomarquage présentés dans ce chapitre sont les premièrs concernant le pathosystème bananier / Banana streak virus. Les résultats obtenus révèlent une présence diffuse dans les tissus infectés, et indiquent que les particules virales ne sont pas restreintes au phloème, mais également présentes dans le parenchyme et le mésophylle. Cette localisation histologique est cohérente avec le mode de transmission non-circulant semi-persistant décrit jusqu’à ce jour pour le BSV, puisque rendant les particules virales accessibles aux cochenilles vectrices dès les piqûres d’essai, et nécessitant donc un temps d’acquisition relativement court (quelques minutes, voir Tableau 1.3). La localisation diffuse des particules de BSV dans les deux types de plants source, plantain (AAB) et Cavendish (AAA) est elle aussi cohérente avec l’absence d’effet du génotype bananier sur le taux d’acquisition chez P. citri. Les cochenilles se nourrissant préférentiellement dans le phloème (Cid and Fereres, 2010), on peut suggérer que les piqûres d’essais effectuées dans le mésophylle et le parenchyme par les cochenilles ne contribuent que faiblement à l’acquisition du BSV. De plus, il a été montré chez le puceron (Brevycorine brassicae et Myzus persicae) que l’acquisition du virus augmentait largement lorsque le vecteur atteint le phloème (Palacios, 2002). Hors, seule une partie de la charge virale BSV mesurée dans un bananier infecté est localisée dans le phloème, et donc accessible de manière optimale à la cochenille vectrice. Cette hypothèse est renforcée par la différence relative de charge virale mesurée lors du test d’acquisition dans les lots de cochenilles par à celle mesurée dans le plant source. 3) Des taux de transmission qui restent à déterminer pour évaluer le risque épidémique
Les tests de transmission réalisés lors de ces travaux indiquent qu’une transmission de particules virales de BSV est possible entre des plantains infectés et des bananiers Cavendish sains, et semble être plus efficace avec l’espèce Planococcus citri qu’avec Dysmicoccus neobrevipes. Néanmoins, l’ajout de cette dernière à la liste des espèces vectrices du BSV indique qu’une vigilance doit être maintenue quant au risque épidémique liés au BSV pour la culture du plantain, et surtout pour celle de la banane Cavendish, intensive et quasiexclusivement issue de culture in vitro. Bien que les cochenilles soient considérées comme des vecteurs peu efficaces car peu mobiles, des études portant sur la dispersion du virus de l’enroulement de la vigne (GLRaV, Grapevine Leafroll associated virus) par différentes espèces de cochenilles (incluant P. citri) indiquent que ces vecteurs peuvent être à l’origine 209 d’épidémies virales importantes dans des vignobles (Cid et al., 2010). Le caractère spontané de l’activation de séquences intégrées eBSV chez des bananiers hybrides ne permet pas la mise en place d’un contrôle épidémiologique au niveau de la population virale (ici, le BSV). Seules les populations de cochenilles vectrices peuvent être la cible de stratégies de contrôles, chimiques ou biologiques. Des tests de transmission supplémentaires sont nécessaires sur un plus grand nombre de bananiers pour caractériser le risque épidémique lors d’infections chez des plantains. Les forts taux d’acquisition reportés dans cette étude, ainsi que les quelques cas de transmissions à des bananiers Cavendish, supportent la nécessité d’approfondir ce type d’essais pour réaliser une véritable évaluation du risque épidémique. Points clés du chapitre 3 Les particules virales de BSOLV issues de l’activation eBSOLV-1 sont transmissibles par les cochenilles Planococcus citri et Dysmico
ccus
neobrevipes à des bananiers Cavendish Le taux d’acquisition de BSOLV par P. citri à partir de plantains et de Cavendish infectés est élevé, de 90% et 84%, respectivement Le génotype du bananier hôte (AAA ou AAB) ne modifie pas l’acquisition ni la quantité de virus acquise par P. citri Les particules virales de BSV ne sont pas restreintes au phloème, mais présentes également dans le parenchyme et mésophylle des bananiers infectés
1 BGPI, CIRAD, Univ Montpellier, INRA, Montpellier SupAgro, Montpellier, 34984, France. ANSES, Laboratoire de la santé des végétaux, Station de la Réunion, Pôle de Protection des Plantes, 97410 Saint-Pierre * Corresponding author: [email protected] 2
Banana streak virus (BSV) is responsible of banana streak disease, a widespread viral infection impacting growth and fruit yield of banana (Lassoudière, 2007). BSV is a complex of dsDNA viruses belonging to Caulimoviridae family, badnavirus genus. Some BSV species have endogenous counterparts (eBSV) integrated in banana genome, also involved in infections (Iskra-Caruana et al., 2010). Episomal BSV infections are mealybug-transmitted by at least six species described so far, including Planococcus citri, Planococcus ficus, Paracoccus burnerae, Pseudococcus comstiki, Saccharicoccus sacchari and Dysmicoccus brevipes (Jones, 1999; Kubi
et al., 2001; Lockhart and Olszewski, 1993; Meyer et al., 2008b; Muturi et al., 2013). Dysmicoccus neobrevipes (order: Hemiptera, family: Pseudococcidae), has a pantropical distribution and has been found on banana fields in Côte d’Ivoire and in La Réunion (France, personal communication). D. neobrevipes has been reported to transmit Pineapple mealybugassociated virus (PMWaV, Closteroviridae family) in a semi-persistent manner (Sether et al., 1998). Its ability to transmit BSV in banana was then tested to assess whether epidemic risk exist in banana producing regions. D. neobrevipes colonies fed on banana (plantain, cv. Big Ebanga, AAB genome or Cavendish, AAA genome) undergoing eBSOLV-derived infections, in clip-cages containing 10 to 30 individuals. After three to seven days feeding (acquisition time) on infected source plants, they were transferred to virus-free banana (cv. Cavendish, AAA genome). After seven days of inoculation, clip-cages were removed and inoculated plants were tested for BSV infection weekly for three months. Diagnostic of infection was done using multiplex immunocapturePCR adapted from Le Provost et al. (2006, method's reference: ANSES/LSV MA044, v2). This method combines both serological and molecular tools for detection of episomal viral genomes 212 only, by capturing BSV particles with specific polyclonal antibodies (1:200, Sediag), and by processing PCR on captured DNA. Multiplex PCR is processed in the tube, using five BSVspecific primers including BSOLV primers (0.6 μM) and microsatellite primers (0.8 μM) as control (Geering et al., 2000, 2011; Lagoda et al., 1998). Five pools with different numbers of individuals were tested for 7 days acquisition and 7 days inoculation. One pool (30 individuals) succeed to transmit BSOLV from infected Cavendish plant to virus-free Cavendish plant. Infection was detected between 6 and 10 weeks postinoculation. In a second transmission test, with 3 days acquisition and 7 days inoculation, one pool (15 individuals) over 15 succeed to transmit BSOLV from infected plantain to virus-free Cavendish plant. Infection was detected 10 weeks post-inoculation. These two cases of BSOLV transmission are the first reported for D. neobrevipes. This is a major importance regarding the widespread distribution of this mealybug species in banana producing regions (as in Côte d’Ivoire), and has to be considered when evaluating the epidemic risk of banana streak disease.
References: References: Geering, A.D., McMichael, L.A., Dietzgen, R.G., Thomas, J.E., 2000. Genetic Diversity Among Banana streak virus Isolates from Australia. Phytopathology 90, 921–927. https://doi.org/10.1094/PHYTO.2000.90.8.921 Geering, A.D.W., Parry, J.N., Thomas, J.E., 2011. Complete genome sequence of a novel badnavirus, banana streak IM virus. Arch. Virol. 156, 733–737. https://doi.org/10.1007/s00705011-0946-7 Iskra-Caruana, M.-L., Baurens, F.-C., Gayral, P., Chabannes, M., 2010. A four-partner plant– virus interaction: enemies can also come from within. Mol. Plant-Microbe Interact. M 23, 1394–1402. https://doi.org/10.1094/MPMI-05-10-0107 Jones, D.R., 1999. Diseases of banana, abacá, and enset. Wallingford, Oxon, UK ; New York : CABI Pub. 213 Kubiriba, J., Legg, J., W, T., E, A., 2001. Vector transmission of Banana streak virus in the screenhouse in Uganda. Ann. Appl. Biol. 139, 37–43. https://doi.org/10.1111/j.17447348.2001.tb00128.x Lagoda, P., Noyer, J., Dambier, D., Baurens, F., Grapin, A., Lanaud, C., 1998. Sequence tagged microsatellite sites (STMS) markers in the Musaceae. Mol. Ecol. 659–666. Lassoudière, A., 2007. Le bananier et sa culture. Ed. Quae. Le Provost, G., Iskra-Caruana, M.-L., Acina, I., Teycheney, P.-Y., 2006. Improved detection of episomal Banana streak viruses by multiplex immunocapture PCR. J. Virol. Methods 137, 7–13. https://doi.org/10.1016/j.jviromet.2006.05.021 Lockhart, B.E.L. (University of M., Olszewski, N.E., 1993. Serological and genomic heterogeneity of Banana Streak Badnavirus : implications for virus detection in Musa germplasm. Presented at the International Symposium on Genetic Improvement of Bananas for Resistance to Diseases and Pests, Montpellier (France), 7-9 Sep 1992, CIRAD-FLHOR. Meyer, J.B., Kasdorf, G.G.F., Nel, L.H., Pietersen, G., 2008. Transmission of ActivatedEpisomal Banana streak OL (badna)virus (BSOLV) to cv. Williams Banana (Musa sp.) by Three Mealybug Species. Plant Dis. 92, 1158–1163. https://doi.org/10.1094/PDIS-92-8-1158 Muturi, S., Wachira, F., Karanja, L., Wambulwa, M., E, M., 2013. Paracoccus burnerae (Homoptera; Planococcidae) as a vector of banana streak virus. J. Exp. Biol. Agric. Sci Sether, D.M., Ullman, D.E., Hu, J.S., 1998. Transmission of Pineapple Mealybug WiltAssociated Virus by Two Species of Mealybug (Dysmicoccus spp.). Phytopathology 88, 1224– 1230. https://doi.org/10.1094/PHYTO.1998.88.11.1224 214
DISCUSSION GENERALE
Les travaux réalisés durant ma thèse avaient pour objectif d’appréhender le risque épidémique lié aux infections de Banana streak virus issues des eBSV dans un contexte de production intensive de bananiers hybrides AAB. Pour cela, je me suis intéressée à la biologie des interactions entre les deux formes du virus (endogène et épisomale), les bananiers plantains et les cochenilles vectrices. J’ai suivi sur plusieurs mois différentes populations de bananiers hybrides soumis à des infections BSV d’origine endogène (primo-infections et infections systémiques) pour caractériser d’une part la mise en place d’une primo-infection en suivant la dynamique du virus au cours du temps, et pour caractériser d’autre part les mécanismes de régulation mis en place par les bananiers hybrides contre ces infections et expliquant le phénomène de réversion permettant au bananier de revenir à un phénotype sain. En parallèle et en collaboration avec l’ANSES, nous avons testé la capacité de transmission du virus à partir d’un inoculum de primo-infection issu d’eBSV chez des bananiers plantains, afin d’évaluer le risque de dispersion une fois l’infection déclarée. Ces travaux nous ont fournis des informations nouvelles sur le pathosystème bananier hybride AAB – Banana streak virus au niveau d’un plant et au niveau de la touffe de bananier, éclairant différentes étapes du cycle infectieux du BSV et apportant des éléments clés pour évaluer le risque épidémique lié aux infections issues d’eBSV. Les trois étapes majeures identifiées dans un cycle infectieux viral sont discutées dans les sections suivantes au regard des résultats obtenus lors des travaux que j’ai conduits et des éléments connus dans la littérature scientifique : i) L’établissement de l’infection issue d’eBSV chez un bananier hybride AAB, depuis l’activation des eBSV jusqu’à la répartition du virus dans la touffe ; ii) La régulation de l’infection, et l’impact de la coévolution génome hôte – eBSV sur cette régulation ; et enfin iii) La transmission de l’infection par le vecteur à un plant sain, depuis l’acquisition du virus jusqu’au risque de dispersion sur une parcelle de culture. Un schéma général (Fig. 5.1) illustre et résume les conclusions issues de mes travaux et les hypothèses qui en découlent concernant chacun de ces aspects. 218 Etablissements d’infections BSV d’origine endogènes Déclenchements d’infections BSV
Les intégrations virales eBSV présentes dans le génome B des bananiers plantains, et dans celui des certains des hybrides interspécifiques synthétiques ayant un parent diploïde M. balbisiana (BB) sont infectieuses, car capables de restituer un génome viral fonctionnel. L’activation de ces séquences est associée à des stress génomiques et environnementaux, comme ceux induits par la propagation de masse clonale par culture in vitro (Côte et al., 2010b; Dahal et al., 1998; Dallot et al., 2001b), les croisements génétiques (Lheureux et al., 2003) ou encore des stress thermiques et hydriques (communications personnelles). Les analyses des conséquences du réchauffement climatique prévoient une augmentation de la fréquence d’évènements climatiques extrêmes laissant entrevoir des stress abiotiques plus fréquents dans les décennies à venir qui activeront de plus en plus régulièrement les eBSV de ces bananiers hybrides. La prévalence BSOLV
Lors des travaux présentés dans le premier chapitre de ce manuscrit, nous avons observé un fort taux d’activation des bananiers plantains cultivés en serre, avec l’apparition de plus de 90% de plants infectés au cours de l’essai (57/63 plants). La grande majorité des plants infectés en serre lors de nos essais le sont par l’espèce BSOLV, avec seulement 3 plants infectés par BSGFV et 2 plants co-infectés par les deux espèces virales. Des études de prévalence BSV dans des bananeraies de plantains en République Dominicaine et en République Démocratique du Congo reportaient à l’inverse une prévalence plus importante de l’espèce BSGFV par rapport à BSOLV pour les hybrides natifs de type plantains Macho x Hembra (AAB) et l’hybride synthétique FHIA 21 (AAAB) (Martinez, 2015, thèse) et pour des hybrides natifs (AAB et AB) (Mukwa, 2016, thèse) respectivement. Ces études ont permis l’identification de foyers d’infections sur plus de 30 parcelles d’échantillonnage en République Dominicaine réparties dans différentes provinces, et confirmé le caractère généralisé des infections BSV à partir d’eBSV. Ces résultats indiquent une prépondérance au champ des infections BSGFV plutôt que BSOLV. Les stress auxquels sont soumis les bananiers sont différents entre une culture sous serre (ressources limitées au pot, stress hydrique) et une culture en conditions naturelles, au champ (stress biotiques, thermiques, hydriques). Il apparaît donc que les intégrations eBSOLV et eBSGFV présentent une sensibilité différente selon les stress activateurs, ce qui laisse supposer des niveaux de contrôle des eBSV différents et/ou des voies d’activation différentes. Par 219 ailleurs, lors d’une prospection menée lors de ma thèse en Côte d’Ivoire nous avons échantillonné et analysé des plantains (cv. Big Ebanga) issus de culture in vitro (fournis par Vitropic), maintenus en pépinière depuis plusieurs mois et ayant subi de forts stress hydriques. Une infection BSOLV a été reportée sur 85% de ces plants, où aucune cochenille n’a été détectée (données personnelles), et aucune infection BSGFV. Cette forte prévalence de l’espèce BSOLV chez des plantains subissant les mêmes types de stress que ceux appliqués lors de mes essais en serre (culture en pot, stress hydrique), et pourtant cultivés en région tropicale, supporte l’idée de susceptibilités différentes des intégrations eBSGFV et eBSOLV selon les types de stress abiotiques. Cela peut être lié à des environnements génomiques différents pour chacune des intégrations (Chabannes et al., 2013), puisque eBSOLV se trouve dans l’hétérochromatine riche en rétro-éléments et entre deux rétro-transposons tandis que eBSGFV se trouve à l’intérieur d’un rétro-transposon de type Ty3/gypsy lui-même situé dans le gène mom, dans une région riche en gènes. Une étude chez le maïs a notamment montré que de nombreux éléments transposables étaient activés par des stress abiotiques (thermique, osmotique, exposition aux UV) et stimulaient l’activation de gènes de réponse au stress (Makarevitch et al., 2015). L’activation d’éléments transposables peut résulter d’une baisse de méthylation des résidus cytosine associés à leur séquence lors de stress génomiques. On suppose que les éléments transposables retrouvés dans les régions proches des eBSV jouent un rôle clé dans leur réactivation lors de stress environnementaux, et entraînent dans notre pathosystème une augmentation de la transcription des séquences eBSV dépassant le seuil basal et induisant une infection (voir le mécanisme de régulation proposé dans la section suivante). Quelles différences entre hybrides AAB natifs et synthétiques?
Dans la même étude de prévalence du BSV mené en République Dominicaine, les bananiers hybrides synthétiques FHIA-21 (AAAB) ont montré des taux d’infection plus élevés que les hybrides natifs Macho x Hembra (AAB) (Martinez, 2015, thèse). Néanmoins, la différence de ploïdie pour le génome A entre FHIA-21 et des hybrides AAB natifs ne permet pas une comparaison stricte. En effet, on sait que la ploïdie du génome B est déterminante pour la résistance au Banana streak virus. Le géniteur diploïde BB « Pisang Klutuk Wulung » (PKW) utilisé dans les croisements interspécifiques est porteur sain d’eBSV infectieux (Lheureux et al., 2003) car il ne déclenche pas d’infection d’origine endogène (par activation des eBSV) et est résistant aux infections d’origine exogène, transmises par cochenilles (Lheureux, 2002, thèse). De même, aucune infection n’a été reportée chez des hybrides interspécifiques ABB 220
Pied mère Première couronne Deuxième couronne Figure 5.2: Organisation des rejets autour du pied mère, en conditions naturelles. Gauche) Diagramme de rejetonnage (De Langhe, 1961). Les numéros indiquent les rejets et leur ordre d’apparition (1: premier rejet) autour du pied mère. Les rejets 1 à 5 forment la première “couronne”, les rejets 6 à 10 la deuxième, etc. Droite) Photo d’une touffe de bananier au champ, indiquant le pied mère, 3 rejets de la première couronne, et un rejet de la deuxième couronne. Photo: E. Ricciuti 221 diploïdes pour le génome B, issus de CIV et suivis en serre pendant plusieurs années (Duroy, 2012, thèse).
Ainsi, il semble clair que la ploïdie joue un rôle dans l’activation des eBSV pour une infection et que l’haploïdie pour le génome B chez les hybrides interspécifiques AAB est un facteur clé du déclenchement d’infections BSV issues des eBSV. Cependant on ne peut pas exclure que le nombre de copie de génome A ou la présence de génomes A différents de ceux habituels lors d’amélioration génétique aient également un rôle dans la modulation de la résistance au BSV. On peut en effet suspecter un effet de « dilution » du génome B dans les génomes tri- ou tétraploïde des hybrides interspécifiques, affaiblissant la régulation des eBSV destinée à les maintenir silencieux. Ce type d’effet pourrait expliquer la prévalence de BSV plus importante observée chez les hybrides FHIA-21 (AAAB) par rapport aux plantains (AAB), au-delà de la différence de coévolution entre génome et eBSV. Lors de nos essais suivis en serre, six des 63 hybrides natifs (cv. Big Ebanga) n’ont pas déclenché d’infection BSV, après deux ans de suivi. Le maintien d’un phénotype sain dans ces plants indique une régulation efficace des eBSV pour en empêcher l’activation. Il serait intéressant de suivre une population d’hybrides synthétiques sous les mêmes conditions, en partant de jeunes plants issus de croisements artificiels et porteurs d’un génome AAB, pour déterminer si ce type de régulation efficace existe également chez des hybrides synthétiques. Répartition du virus dans le bananier et ses rejets Une organisation des rejets connue et anticipée
Les infections découlant de l’activation des séquences eBSV chez les hybrides AAB synthétiques étaient systémiques avant la mise en place du suivi des infections. En effet la présence de symptômes de mosaïque en tirets sur plusieurs niveaux foliaires ainsi que la détection du virus dans les feuilles émergentes (feuille de référence pour le diagnostic des plants) indiquent un mouvement systémique du virus dans la plante. L’essai mené sur les hybrides AAB natifs, issus de culture in vitro, a permis de suivre la mise en place de primoinfections BSV d’origine endogène. La présence de virus dans les feuilles émergentes, ainsi que dans les quelques rejets apparaissant au cours de l’essai, confirme la répartition systémique du virus dans le plant, puis dans la touffe pour les quelques plants produisant des rejets. Ce mouvement des particules virales dans les différents rejets permet au virus de persister dans une touffe de bananier infectée lors de la sélection d’un nouveau rejet, à l’issue de chaque cycle de 222 culture, ce qui augmente ainsi le risque de dispersion du BSV dans des bananeraies remplacées en moyenne tous les 10 à 15 ans. En conditions naturelles, l’apparition de rejets suit un schéma précis (De Langhe, 1961), avec une organisation des rejets en couronnes autour du pied principal (Fig. 5.2). Les rejets émergents peuvent alors être de deux types, « choux » ou « baïonnette ». Les rejets choux sont proches du bulbe et de petite taille tandis que les rejets baïonnette sont plus éloignés du pied principal et plus élancés. Ces derniers sont préférentiellement choisis lors de la sélection d’un nouveau rejet. Les touffes de bananiers étant cultivées en pots lors de nos essais, l’émergence des rejets n’a pas suivi le même schéma que celui observé au champ. De plus, nous n’avons pas pu dans nos essais distinguer morphologiquement les rejets choux des rejets baïonnettes. Néanmoins, l’hypothèse d’une répartition du virus dépendante du type de rejets ou de l’ordre d’apparition reste à étudier. Une mesure du titre viral à intervalles de temps réguliers et dans chacun des rejets, comme ce qui a été fait lors de mes travaux, serait intéressante à effectuer en conditions naturelles sur des touffes de bananiers. Si le type de rejet est lié au titre viral, de telles informations pourraient aider à la sélection du rejet le plus « sûr » lors du passage d’un cycle de culture au suivant. Notamment, les observations au champ ont suggéré des connexions plus importantes entre pied mère et rejet « choux » qu’avec les rejets « baïonnette », et une des hypothèses proposait que l’activation des eBSV ne concerne qu’une partie des cellules du pied principal. Les cellules distantes réguleraient alors mieux l’infection provenant du pied mère, à l’inverse des cellules proches, et notamment celles des rejets « choux ». Un tel essai a été initié pendant ma thèse, sur des parcelles de plantains du cv. « Big Ebanga » en Côte d’Ivoire (district de Tiassalé), en mars 2018. Une prospection sur quatre parcelles distinctes a abouti au marquage d’une vingtaine de touffes ainsi qu’à l’identification de tous les rejets de chacune des touffes, afin de réaliser plusieurs échantillonnages à des dates successives. Cependant, au temps T0 (premier échantillonnage), aucun des échantillons analysés n’était infecté, et les plants marqués au champ n’ont pas montré d’émergence de symptômes au cours de l’année suivante. L’essai n’a pas abouti à d’autres échantillonnages pour des raisons techniques liées à la Côte d’Ivoire. Ces parcelles prospectées ont pourtant été la source de foyers infectieux plusieurs années auparavant lors de leur mise en place en 2007 et 2008 (M.L. Caruana, communication personnelle). Cette expérimentation de suivi en plein champ reste primordiale lors d’émergence de nouvelles infections afin de caractériser la répartition du virus dans la touffe en conditions naturelles de culture. La répartition de la charge virale peut également être étudiée au niveau du bulbe, organe central d’où émergent les différents méristèmes formant ensuite les différents rejets (Fig. 1.1). Il serait pertinent de mesurer la charge virale dans les différentes zones méristématiques d’un bulbe afin de voir si certaines zones et donc futurs rejets déclenchent préférentiellement des infections par rapport à d’autres. Une telle caractérisation de la répartition des particules virales dans le bulbe pourrait aider à identifier d’éventuelles régions à haut risque de transmission d’infection notamment lors de propagation clonale par les techniques de PIF (plantes issues de fragments) ou de CIV (culture in vitro), où quelques cellules méristématiques seulement sont prélevées pour émettre un nouveau plant. De tels essais ont été envisagés au début de mon projet de thèse, en couplant mesure de la charge virale et immunomarquage dans différentes coupes de bulbes. Cependant, le manque de matériel végétal riche en rejets pour réaliser ces mesures destructives ne nous a pas permis de mettre en place ce type d’essai. Un effet de saisonnalité
Le mouvement des particules virales dans le plant hôte peut être impacté par un effet de saison, comme cela a été montré pour le virus d’enroulement de la vigne, dont le titre viral augmente au printemps pendant la croissance des plants (GLRaV-3, Tsai et al., 2012). Lors de nos essais en serre, la charge virale dans les bananiers hybrides s’est avérée plus importante en hiver / printemps qu’en été / automne. Bien que les conditions en serre soient contrôlées lors de nos essais, certains facteurs varient néanmoins au cours de l’année, comme le cycle de lumière, le taux relatif d’humidité ou la température effective en serre, variable de quelques degrés en fonction du climat extérieur. Nous avons observé des modifications physiologiques des plants cultivés en serre en fonction des saisons, avec une production foliaire plus rapide à la fin de l’hiver et au printemps, et qui ralentit pendant l’été. Si l’on suppose que des flux de sève élaborée sont plus importants lors de cette période, cela peut entraîner une réallocation des particules virales préférentiellement dans les feuilles systémiques à cette période, comme observé pour le GLRaV3 chez la vigne. Les charges virales mesurées dans nos essais ne reflètent cependant pas d’augmentation à la fin de l’hiver, lors de la « reprise » de croissance des plants. D’autres effets liés à la saison peuvent alors affecter les charges virales que nous avons mesuré. Chez A. thaliana, des recouvrements d’infection ORMV (oilseed rape mosaic virus) ont été associés à un mouvement systémique de siARN antiviraux principalement impliqués dans la régulation PTGS, depuis les organes sources vers les organes puits (Kørner et al., 2018). Il serait ant de caractériser les profils de siARN antiviraux chez le bananier 224 lors d’infection à différents niveaux foliaires et à différentes saisons pour voir si de tels mouvements de siARN peuvent être liés à un effet de la saison sur la charge virale. Par ailleurs, bien que les mesures de charges virales aient été effectuées sur les feuilles, les essais d’immunolocalisation des particules virales dans les tissus infectés ont été réalisés sur des nervures centrales de feuilles ainsi que des racines, organes riches en tissus vasculaires. Les tissus sélectionnés pour ces essais (Chap. 3, section II) ont été prélevés sur le même plant et à la même période (printemps 2017). Une quantité importante de particules virales avait alors été détectée dans les racines (Fig. 4.9), avec un signal plus fort que dans les nervures centrales de feuille. Ce marquage supporte l’hypothèse d’une répartition du virus dans le bulbe, potentiellement liée à la saison ou à d’autres facteurs affectant la physiologie du bananier. Ces mouvements de charge virale liés à la saison supportent la nécessité de réitérer des suivis d’infections en conditions de culture naturelles, où les saisons diffèrent du climat continental et peuvent impacter le mouvement des particules virales dans les plants.
Régulation des infections BSV chez les bananiers hybrides
Les suivis de populations de bananiers hybrides natifs et synthétiques infectés suite à l’activation des intégrations eBSV, et principalement l’espèce eBSOLV, a permis de caractériser qualitativement (statut infectieux) et quantitativement (charge virale) les dynamiques d’infections au cours de temps. Une des observations majeures et partagée par les deux types d’hybrides concerne la fluctuation de la charge virale au cours du temps. Ces fluctuation d’infection chez les hybrides natifs aboutissent à une récupération au cours de l’essai pour 40% des plants. De tels retours à un phénotype sain après une infection ne sont en revanche pas observé parmi les six hybrides synthétiques suivis. La résistance des bananiers diploïdes pour le génome B (BB, ABB) aux infections BSV ainsi que la production de siARN à partir des eBSV chez PKW (Duroy, 2012; Lheureux, 2002) supportait l’hypothèse d’un mécanisme de défense antivirale majeur chez les plantes : l’interférence par ARN. L’hypothèse que les régulations que nous avons observé sont basées sur l’interférence par ARN est fortement supportée par nos résultats. Ce mécanisme est le mécanisme majeur décrit à ce jour pour la défense antivirale, parmi les nombreux mécanismes de défense développés par les espèces végétales contre leurs pathogènes, tels que la modulation de la signalisation hormonale, la reconnaissance de motifs PAMP (Pathogen-Associated 225 Molecular Pattern) ou d’effecteurs viraux par les domaines NB-LRR (nucleotide-binding leucine rich repeat) de protéines de résistance, activant des réactions immunitaires via l’expression de gènes de défenses (Calil and Fontes, 2017). Un mécanisme de régulation réversible entre TGS et PTGS
Les comparaisons entre charge virale et profil de petits ARN antiviraux à différentes étapes de la régulation d’infection ont permis de mettre en évidence un mécanisme de régulation réversible basé sur l’interférence par ARN. Lorsque les plants sont sains, nous avons détecté la production d’ARN antiviraux principalement de 24-nt qui témoignent généralement d’une régulation transcriptionnelle (TGS). Ce niveau de régulation des eBSV permet de maintenir un phénotype sain, en l’absence de stress environnementaux activateurs. La production d’ARN antiviraux chez des hybrides AAB sains se rapproche de celle caractérisée chez le géniteur diploïde BB (PKW), avec des petits ARN de 24-nt principalement, et issus des eBSV (Duroy, 2012, thèse). Hors, ce diploïde BB est résistant aux infections BSV, quels que soient les stress appliqués et l’origine, endogène (eBSV) ou exogène (virus épisomal transmis par cochenille), de l’infection (Lheureux, 2002, thèse). Ces résultats supportent l’hypothèse d’une régulation des infections BSV médiée par les eBSV hébergés dans le génome B.
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5.3.2.2 - Comparaison avec la prise de contrast
e En complément de la microscopie de fluorescence, et pour l'assister dans l'identification des marges tumorales, le neurochirurgien dispose d'une image RMN préopératoire présentant un hypersignal localisant la tumeur (voir Chapitre 1). Cette image, couplée à un système de neuronavigation, permet au neurochirurgien de localiser la tumeur et ses outils et ainsi de se repérer dans le champ opératoire par rapport à l'hypersignal. Nous utilisons cette technique « GPS » pour localiser aussi nos mesures par rapport à cet hypersignal. Nous séparons les échantillons localisés « dans » l'hypersignal, « à la limite » de l'hypersignal et « hors » de l'hypersignal. La Figure 5-12 présente la contribution de chaque état en fonction de la prise de contraste du gadolinium pour les GHG. On remarque que tous les échantillons localisés « dans » la prise de contraste ( ) présentent une dominance de l'état 634, sauf un qui présente une faible contribution de chaque état, avec une légère dominance de l'état 620, comme présenté sur le zoom dans l'encart de la Figure 5-12. Ceci pourrait être corrélé au phénomène de brain shift, cet échantillon est peut-être en limite de prise de contraste. On remarque sur cette Figure 5-12 que la majorité des échantillons à la limite de l'hypersignal ( ) présentent une forte contribution de l'état 634. Enfin, le zoom dans la zone où la contribution de l'état 634 est faible atteste la domination de l'état 620 dans les échantillons qui sont localisés hors de la zone de contraste ( ). Ceci montre l'intérêt du modèle par rapport à l'IRM préopératoire puisque nous détectons de la fluorescence de l'état 620 dans les échantillons localisés hors de la prise de contraste. Il faut t prouver que cette fluorescence est caractéristique du tissu tumoral, ce qui sera discuté dans la partie 5.3.2.3 -. Par ailleurs, lors de l'analyse d'un échantillon par rapport à sa localisation sur l'image RMN préopératoire, il est important de prendre en considération le phénomène de brain shift qui n'est pas corrigé, et qui peut donc expliquer la dominance de l'état 620 dans l'échantillon situé théoriquement dans la prise de contraste. En effet, le décalage de localisation pouvant atteindre 2 à 3 cm, cet échantillon était peut-être en réalité en limite de prise de contraste. Thèse L. ALSTON α634 Dans la prise de contraste En limite de prise de contraste Hors de la prise de contraste α620
Figure 5-12 : Contribution de l'état 634 en fonction de celle de l'état 620 pour tous les échantillons des GHG sous excitation à 405 nm et comparaison avec la localisation de la mesure par rapport à la prise de contraste de l'image RM préopératoire. Les étoiles représentent les échantillons dans la prise de contraste, les carrés ceux en limite de prise de contraste et les triangles ceux hors de la prise de contraste. L'encadré présente un zoom de la zone de faible contribution des deux états et la droite α634=α620 dénote l'égalité des contributions.
La
Figure 5-13 présent
e
la contribution
de chaque état en fonction du temps T2 renvoyé par la séquence FLAIR pour les GBG. On observe que la contribution de l'état 634 est inférieure à celle de l'état 620 dans tous ces échantillons. Toutefois, aucune classification suivant l'hypersignal ne semble possible avec notre modèle. Les variations de temps T2 ne semblent donc pas liées aux variations de fluorescence.
α
634
Dans l'hypersignal FLAIR En limite de l'hypersignal FLAIR Hors de
l
'hypersignal FLAIR
α620 Figure 5-13 : Contribution de l'état 634 en fonction de celle de l'état 620 pour tous les échantillons des GBG sous excitation à 405 nm et comparaison avec la localisation de la mesure par rapport à l'hypersignal FLAIR de l'image RM préopératoire. Les étoiles représentent les échantillons situés dans l'hypersignal, les carrés ceux en limite d'hypersignal et les triangles ceux hors de l'hypersignal. La droite α634=α620 dénote l'égalité des contributions. 5.3.2.3 - Comparaison avec la classification anatomo-histopathologique
Si la localisation sur l'hypersignal de l'image RMN préopératoire donne une information temps réel intéressante mais nuancée par le phénomène de brain shift, la technique de référence aujourd'hui est la classification par l'étude anatomohistopathologique. Il est donc intéressant de confronter le tracé des deux contributions avec la classification anatomo-histopathologique. Cette classification des tissus sondés par 'l'analyse anatomo-histopathologique a été présentée dans le Chapitre 4. Nous étudions donc maintenant la même représentation 2D d'une contribution en fonction de l'autre que dans les paragraphes précédents, mais avec des marqueurs différents en fonction de la classe des échantillons. C'est ce qui est représenté sur les Figure 5-14, Figure 5-15 et Figure 5-16, toujours sous excitation à 405 nm et mesure in vivo. La Figure 5-14 présente la contribution de chaque état renvoyée par l'ajustement des spectres émis par les GHG sous excitation à 405 nm. On y observe que l'état 634 domine largement dans les coeurs tumoraux ( ), ce qui est cohérent avec les données de la littérature qui utilisent uniquement cet état pour ajuster leurs spectres. Dans leurs marges ( ), on observe une contribution majoritaire de l'état 634 ce qui reste cohérent avec l'utilisation de cet état pour identifier les infiltrations à l'aide du microscope actuel. En revanche, nous observons une prédominance de l'état 620 dans leurs marges peu denses ( ) et le tissu sain ( ).
α634 Coeur tumoral Marge Marge peu dense Sain
α
620
Figure 5-14 : Contribution de l'état 634 en fonction de celle de l'état 620 pour tous les échantillons des GHG sous excitation
405 nm et comparaison avec leur classification anatomo-histopathologique. Les étoiles rouges représentent les coeurs tumoraux, les losanges bordeaux représentent les marges, les carrés roses représentent les marges peu denses et les triangles rouges le tissu sain. La droite α634=α620 dénote l'égalité des contributions. Par ailleurs, en comparaison avec la Figure 5-9, nous observons que les coeurs et certaines marges tumorales des GHG sont les échantillons qui présentaient de la fluorescence visuelle (échantillons alignés avec l'axe des ordonnées). Ainsi, pour ces échantillons, notre modèle est cohérent avec les résultats existants. En revanche, alors qu'elles ne présentent pas de fluorescence visible par microscopie, les marges peu denses des GHG présentent une dominance de l'état 620, ce qui montre l'intérêt de notre modèle pour identifier ces marges. La Figure 5-15 propose les résultats de l'ajustement des GBG. On remarque que leurs marges ( ) présentent elles aussi une légère domination de l'état 620 alors qu'elles ne présentent pas de fluorescence visible, comme l'illustre la Figure 5-11. Ainsi, les Figure 5-14 et Figure 5-15 démontrent l'intérêt du modèle pour identifier les marges peu denses des GHG et les marges des GBG, qui ne sont pas identifiables par les techniques actuelles.
α634 Marge Sain α620 Figure 5-15 : Contribution de l'état 634 en fonction de celle de l'état 620 pour tous les échantillons des GBG sous excitation à 405 nm et comparaison avec leur classification anatomo-histopathologique. Les losanges gris représentent les marges et le triangle noir le tissu sain. La droite α634=α620 dénote l'égalité des contributions. Le but final de la méthode est de réussir à discriminer le tissu sain des marges peu denses. Sur la Figure 5-16, nous nous intéressons particulièrement aux échantillons sains ( en provenance des GHG et en provenance des GBG). On peut observer qu'ils présentent aussi une légère prédominance de l'état 620 et qu'on ne peut donc pas les discriminer des α634 marges seulement en fonction de la contribution des deux états.
Marge GHG Marge GBG Marge peu dense GHG Sain (provenance GHG) Sain (provenance GBG) α620
Figure 5-16 : Contribution de l'état 634 en fonction de celle de l'état 620 pour tous les échantillons dans la zone de faible concentration en PpIX et comparaison avec leur classification anatomo-histopathologique, sous excitation à 405 nm. Les losanges bordeaux représentent les marges des GHG, les losanges gris représentent les marges des GBG, les carrés roses représentent les marges peu denses des GHG et les triangles rouges le tissu sain provenant d'un GHG et le triangle noir le tissu sain provenant d'un GBG. La droite α634=α620 dénote l'égalité des contributions et l'autre ligne dénote la séparation de domination de fluorescence émise par la PpIX (au-dessus) de celle induite par l'autofluorescence (en dessous). Thèse L. ALSTON
La présence de PpIX dans les tissus sains était attendue puisque la PpIX fait partie du cycle de biosynthèse de l'hème et est donc présente dans toutes les cellules du corps humain. Une prédominance de l'état 634 dans les cellules tumorales est bien documentée dans la littérature et nous avons montré la prédominance de l'état 620 dans certaines marges. Il faut maintenant trouver un biomarqueur pour discriminer ces marges du tissu sain. Nous proposons de comparer la quantité de fluorescence due à la PpIX avec l'autofluorescence (i.e, la quantité de fluorescence due aux autres fluorophores). La ligne reliant les points (0,1) et (1,0) présente sur la Figure 5-16 permet de séparer la zone où la fluorescence due à la PpIX est plus importante (au-dessus de la ligne) de la zone où l'autofluorescence domine (sous cette ligne). On observe sur cette figure que les échantillons tumoraux sont principalement situés au-dessus de la ligne y=1-x et que quatre échantillons sains sur sept sont situés sur cette ligne. Ainsi, les échantillons sains présentent une quantité de fluorescence due à la PpIX similaire à la quantité d'autofluorescence du tissu. On observe que deux échantillons sains situés dans la zone où la PpIX domine présentent un phénomène de gliose. Enfin, les échantillons tumoraux situés sous cette ligne présentent un faible RSB, néanmoins au-dessus du seuil proposé empiriquement. 5.3.3 - Comparaison aux autres longueurs d'onde d'excitation in vivo
Les résultats présentés dans la partie 5.3.2 - ont été présentés pour une excitation à 405 nm et mesures in vivo. Les Figure 5-17 et Figure 5-18 présentent les résultats des mesures in vivo avec une excitation respectivement à 385 nm et 420 nm. Ces figures présentent la contribution de l'état 634 en fonction de celle de l'état 620 avec des marqueurs représentatifs de la classe et du grade du gliome et un encadré présentant un zoom de la zone de faible contribution des deux états selon le même code couleur que celui utilisé pour présenter les résultats obtenus sous excitation à 405 nm.
Figure 5-17 : Contribution de l'état 634 en fonction de celle de l'état 620 pour tous les échantillons sous excitation à 385 nm avec un zoom dans la zone de faible contribution des deux états. Les échantillons sont représentés en fonction de leur classification anatomo-histopathologique (classe et grade). La droite α634=α620 dénote l'égalité des contributions et la droite reliant les points (1,0) et (0,1) présente la séparation de la zone où il y a plus d'autofluorescence (sous cette droite) de la zone où il y a plus de signal provenant de la PpIX. On observe sur la Figure 5-17 la même tendance que sur les Figure 5-14, Figure 5-15 et Figure 5-16 : l'état 634 domine dans les coeurs tumoraux et marges denses des GHG alors que l'état 620 domine dans les marges peu denses et les échantillons sains des GHG ainsi que dans les marges des GBG. Nous confirmons ici la tendance relevée pour discriminer le tissu sain : ces derniers échantillons se situent autour de la droite où la fluorescence induite par les autres fluorophores est égale à celle induite par la PpIX, comme nous pouvons l'observer sur l'encadré de la Figure 5-17. Toutefois, on observe sur cette même figure que l'état 634 est moins excité par la DEL385 puisque sa contribution dans les coeurs tumoraux vaut 55 au maximum (en unité arbitraires) alors qu'elle vaut presque 100 sous excitation à 405 nm. Nous avons précédemment souligné que la quantité d'autofluorescence variait suivant la source d'excitation et que, parmi nos trois sources d'excitation, la longueur d'onde 385 nm était optimale pour exciter le NADH. Ceci donne une autofluorescence plus élevée sous excitation à 385 nm pour une même concentration en PpIX. Les spectres étant normalisés par cette autofluorescence plus élevée, les résultats de l'ajustement sont minimisés en comparaison avec ceux renvoyés par la DEL405. Ainsi, la division par l'autofluorescence induit donc un biais dans la comparaison inter DEL. α634 α620 Figure 5-18 : Contribution de l'état 634 en fonction de celle de l'état 620 pour tous les échantillons sous excitation à 420 nm avec un zoom dans la zone de faible contribution des deux états. Les échantillons sont représentés en fonction de leur classification anatomo-histopathologique (classe et grade). La droite α634=α620 dénote l'égalité des contributions et la droite reliant les points (1,0) et (0,1) présente la séparation de la zone où il y a plus d'autofluorescence (sous cette droite) de la zone où il y a plus de signal provenant de la PpIX. Thèse L. ALSTON
On observe sur la Figure 5-18 qu'une excitation à 420 nm permet aussi d'exciter la PpIX et d'obtenir des tendances proches de ce qui a été observé sous excitation à 405 nm. On remarque ainsi qu'on peut toujours discriminer les coeurs et marges des GHG, même si la contribution de l'état 634 dans ces échantillons est moins élevée qu'à 405 nm. En effet, le maximum de contribution de l'état 634 vaut 60 sous excitation à 420 nm et presque 100 sous excitation à 405 nm. En revanche, on observe ici que la discrimination des gliomes de bas grade est moins nette (certains présentant une égalité des contributions, voire une dominance de la contribution de l'état 634). On observe aussi une augmentation des échantillons pour lesquels la contribution de la PpIX est inférieure à celle des autres fluorophores. Nous confirmons ici l'intérêt de la DEL385 dont le choix est fondé sur les spectres d'absorption des deux états puisqu'elle permet de retrouver des informations similaires à celles apportées par la DEL405. L'intérêt de la DEL420 est moins prononcé devant celui de la DEL405 même si elle permet de confirmer les tendances déjà observées. Nous montrons ici que l'information apportée par les 3 DELs présente la même tendance et donc que le modèle proposé ne permet pas, à ce stade, de justifier l'intérêt de l'excitation multi-longueurs d'onde. Cependant, nous avons montré sur fantômes que les trois DELs apportaient une information différente et certainement complémentaire, que ne nous retrouvons pas ici probablement à cause du choix de normalisation par l'autofluorescence et par une analyse séquentielle de l'information renvoyée par les trois DELs. L'intérêt l'excitation multi-longueurs d'onde sera plus manifeste à travers une étude rapportée dans la partie 5.4 -. 5.3.4 - Comparaison des mesures in vivo avec les mesures ex vivo
Les mesures ont été réalisées in vivo puis ex vivo pour chaque échantillon. Dans le cadre de l'étude, la réalisation d'une mesure ex vivo permet d'obtenir une deuxième mesure par échantillon. Dans un but clinique, les limites réglementaires sont moins drastiques sur les biopsies que celles in vivo et on pourrait donc largement augmenter les temps d'acquisition et/ou la puissance des DELs afin d'augmenter le RSB. Ce n'est pas ce que nous avons étudié dans cette thèse mais peut être une piste pour la suite : si la mesure in vivo n'est pas assez discriminante, la mesure ex vivo pourrait remplacer les études anatomo-histopathologiques extemporanées. Dans le cadre de l'étude clinique, les mesures ex vivo ont été effectuées suivant le même protocole que les mesures in vivo, soit 6/12/6 couples d'acquisitions de 200 ms respectivement aux DEL385, DEL405 et DEL 420. La Figure 5-19 présente les résultats des mesures ex vivo sous excitation à 385 nm. La Figure 5-20 présente ces résultats ex vivo sous excitation à 405 nm et la Figure 5-21 présente les résultats ex vivo sous excitation à 420 nm. Sur ces 3 figures, l'encadré présente un zoom dans la zone où la contribution de la PpIX est faible, qui correspond à la zone avec peu ou pas de fluorescence visible. Sur ces figures, le code couleur utilisé reste le même que précédemment. α634 α620 Figure 5-19 : Contribution de l'état 634 en fonction de celle de l'état 620 pour tous les échantillons sous excitation à 385 nm et mesures ex vivo. L'encadré présente un zoom dans la zone de faible contribution des deux états. Les échantillons sont représentés en fonction de leur classification anatomohistopathologique (classe et grade). La droite α634=α620 dénote l'égalité des contributions et la droite reliant les points (1,0) et (0,1) présente la séparation de la zone où il y a plus d'autofluorescence (sous cette droite) de la zone où il y a plus de signal provenant de la PpIX. α634 α620 Figure 5-20 : Contribution de l'état 634 en fonction de celle de l'état 620 pour tous les échantillons sous excitation à 405 nm et mesures ex vivo. L'encadré présente un zoom dans la zone de faible contribution des deux états. Les échantillons sont représentés en fonction de leur classification anatomohistopathologique (classe et grade). La droite α634=α620 dénote l'égalité des contributions et la droite reliant les points (1,0) et (0,1) présente la séparation de la zone où il y a plus d'autofluorescence (sous cette droite) de la zone où il y a plus de signal provenant de la PpIX. Thèse L. ALSTON
α634 α620 Figure 5-21 : Contribution de l'état 634 en fonction de celle de l'état 620 pour tous les échantillons sous excitation à 420 nm et mesures ex vivo. L'encadré présente un zoom dans la zone de faible contribution des deux états. Les échantillons sont représentés en fonction de leur classification anatomohistopathologique (classe et grade
La droite α634=α620 dénote l'égalité des contributions et la droite reliant les points (1,0) et (0,1) présente la séparation de la zone où il y a plus d'autofluorescence (sous cette droite) de la zone où il y a plus de signal provenant de la PpIX. En comparant les Figure 5-19, Figure 5-20 et Figure 5-21 avec les Figure 5-17, Figure 5-16 et Figure 5-18 respectivement, nous remarquons que, pour un même échantillon, une même source d'excitation mais une condition de mesure qui change (in vivo ou ex vivo), les contributions des deux états varient en intensité, avec une intensité plus élevée ex vivo. On note par exemple une contribution maximale à 140 (ua) ex vivo et 95 (ua) in vivo sous excitation à 405 nm. Ceci peut s'expliquer par différents phénomènes. Tout d'abord, le prélèvement peut avoir été légèrement décalé par rapport à l'endroit de la mesure in vivo. Ensuite, l'échantillon peut avoir pivoté entre la mesure in vivo et celle ex vivo. La mesure sur biopsie peut donc avoir été effectuée à un endroit légèrement différent. Enfin, la mesure in vivo est plus compliquée à réaliser, l'échantillon étant moins accessible, ceci peut engendrer des différences de mesure, comme proposé dans la partie 5.2.2 -. Ces légères variations ne contredisent cependant pas nos hypothèses, les échantillons avec une large domination de l'état 634 restent les coeurs et les marges des GHG dans les mesures sur biopsies. Les GBG et marges peu denses des GHG restent sous la droite α634=α620 donc dans la zone où l'état 620 domine. Enfin, les échantillons sains restent dans la zone où la contribution de la PpIX à la fluorescence totale est semblable à celle des autres fluorophores. Le Tableau 5-1 montre que le RSB est meilleur sur les mesures ex vivo. Dans le but d'obtenir une classification anatomo-histopathologique extemporanée, l'utilisation de ce système avec des sources plus puissantes et un temps 'acquisition un peu plus long pourrait être envisagée afin d'améliorer encore plus le RSB pour obtenir une classification temps réel Thèse L. ALSTON Page 131 de la biopsie, ce qui est une autre utilisation potentielle et grandement intéressante de notre système. 5.3.5 - Conclusion de l'analyse paramétrique et perspectives
Dans cette partie, nous avons utilisé le modèle d'ajustement développé sur fantômes dans le Chapitre 3 pour analyser les données spectrales collectées dans le cadre de l'étude clinique. Grâce à ce modèle d'ajustement, nous avons tout d'abord prouvé que nous pouvions retrouver in vivo les résultats de l'étude préliminaire ex vivo en montrant que le ratio des deux contributions tend vers 0 pour les coeurs des GHG et 1 ou plus sinon. Par ailleurs, nous avons montré les limites de ce ratio des deux contributions et proposé en complément une étude graphique des deux contributions. Ce graphique permet de conserver toute l'information renvoyée par le fit, contrairement à l'étude du ratio. En effet, si l'on étudie par exemple un échantillon E1(0.5,0.5) et un échantillon E2(4,4), le ratio des deux contributions vaut 1 donc on peut exclure la probabilité d'être dans un coeur tumoral mais on ne peut en dire plus. La représentation graphique permet de formuler l'hypothèse que l'échantillon E 1 est dans la zone saine alors que l'échantillon E2 est dans la zone de marges tumorales. Par ces graphes d'une contribution en fonction de l'autre, nous avons tout d'abord montré que notre modèle permettait de retrouver l'information donnée par les techniques actuelles pour les GHG (fluorescence visible et IRM). En effet, notre modèle nous permet de retrouver l'information donnée par la fluorescence visible (zone où la contribution de l'état 634 domine) et même de dépasser les limites de cette technique pour proposer une discrimination cohérente avec l'étude anatomo-histopathologique, qui est la technique de référence. Sur ce graphique, nous avons ainsi mis en évidence que la densité de cellules tumorales est li à la proportion des deux états dans les échantillons tumoraux. Nous avons aussi proposé une piste de discrimination entre les marges tumorales et le tissu sain, même s'il faudrait plus d'échantillons pour confirmer cette tendance. La Figure 5-22 présente les zones pressenties pour chaque classe après cette étude. Ces zones seront à valider avec plus d'échantillons mais cette classification semble prometteuse pour dépasser les limites de sensibilité des techniques actuelles, en détectant de la fluorescence de la PpIX dans tous les échantillons, sous la forme de deux états, et non uniquement dans les coeurs et marges relativement denses des GHG, sous la forme d'un seul état. Thèse L. ALSTON
Figure 5-22 : Classification proposée pour les échantillons analysés, sous excitation à 405 nm, sur un graphique représentant la contribution de l'état 634 en fonction de celle de l'état 620. En vert, la zone saine. En bleu, la zone légèrement infiltrée des GHG, en jaune la zone avec infiltrations des GHG visibles par les techniques actuelles, en noir, les gliomes de bas grade et en rouge les coeurs tumoraux et marges denses des GHG. La droite α634=α620 dénote l'égalité des contributions. Enfin, l'ébauche de classification proposée se fonde sur l'observation d'un graphe α634=f(α620) et propose donc
des
paramètres qualitatifs.
Des
paramètres
quantitatifs
tradu
isant ces
zones
pourraient être le module et la phase du nombre complexe z défini par z= α620+iα634. La Figure 5-23 propose le tracé du module en fonction de la phase sous excitation à 405 nm pour les mesures in vivo, avec des marqueurs pour chaque classe de tissu, toujours après retrait des patients de faible RSB. L'encadré présente un zoom dans la zone de faible phase et faible module.
Figure 5-23 : Module et phase d'un nombre complexe défini comme z= α620+iα634 en fonction de la classe du tissu. Nous observons sur cette Figure 5-23 que différentes zones semblent se détacher en fonction de la classe des tissus. Pour les GHG (rouge), on observe une décroissance de la phase avec la diminution en cellules tumorales, ce qui est cohérent avec les ratios observés sur la Figure 5-7. Pour les GBG (noir), on observe une phase qui varie mais qu'on ne peut séparer de la phase des tissus sains, ce qui corrobore les résultats du ratio. On observe cependant que le module de la majorité des marges des GBG est supérieur à celui des échantillons sains, ce qui permettrait de les discriminer. 5.4 - Intérêt de représentation 3D l'excitation multi-longueurs d'onde
:
Dans la partie précédente, nous avons comparé les résultats de l'ajustement des spectres émis par un même échantillon en fonction de chaque source d'excitation séparément. Nous proposons dans cette partie d'étudier l'intérêt de l'excitation multi-longueurs d'onde en étudiant conjointement les spectres renvoyés par un même échantillon suivant les trois sources d'excitation. Dans ce but, nous proposons une représentation 3D des spectres obtenus après le post-traitement présenté partie 5.1 -. Pour chaque échantillon, les spectres obtenus pour chaque DEL entre 608 nm et 637 nm sont tracés en 3D. Les coordonnées Sk de chaque point k du spectre 3D sont représentées sous la forme : Sk (Im385, Im405,Im420) où Imj est l'intensité reçue à la longueur d'onde m, sous excitation à j nm. m varie entre 608 et 637 nm. Ce tracé produit au final un nuage de points 3D pour chaque échantillon. Nous traçons ensuite tous les échantillons d'une même classe sur un même graphe, ce qui donne un nuage de points plus conséquent. Nous commencerons par présenter l'allure de ces graphes suivant la classe et le grade des échantillons. Ensuite, nous présenterons différents paramètres quantitatifs issus de ces graphes qui pourraient par la suite servir de biomarqueurs. 5.4.1 - Allure des graphes 3D
Nous observons dans cette partie l'allure des spectres 3D tracés dans la bande spectrale 608-637 nm en fonction de la classe et du grade des échantillons, en excluant les échantillons de faible RSB. La Figure 5-24 présente les graphes 3D pour chaque classe, après retrait des échantillons présentant un faible RSB. Nous ajoutons sur ces tracés un marqueur de la longueur d'onde 620 nm ( ) et un autre de la longueur d'onde 634 nm ( ). Nous avons choisi des axes isométriques pour une meilleure visibilité du poids de chaque source d'excitation. Sur cette Figure 5-24, nous observons les spectres émis par les coeurs tumoraux des GHG (A, rouge), les marges des GHG (B, mauve), les marges des GBG (C, gris), les marges peu denses des GHG (D, cyan), les échantillons sains provenant des GHG (E, vert) et enfin des spectres 3D de bruit simulé (F, noir). Ces spectres de bruit simulés sont gaussiens, avec pour moyenne et écart type ceux du bruit des données saines. Ce bruit des données saines est calculé dans la zone 250-350 nm, comme décrit dans la partie 5.2.2 -. La Figure 5-25 représente le nuage de points des spectres émis par les marges des GHG à l'exception de la marge très dense, bien visible sur la Figure 5-24B. Si nous avons rendu les axes isométriques au sein de chaque graphe, il est important de noter que les échelles sont très différentes d'un graphe à l'autre, ce qui soutient l'observation 1D des spectres proposée dans la partie 5.2.1 - En effet, nous confirmons ici que les amplitudes diminuent avec la quantité de cellules tumorales, avec un ordre de grandeur de 1 (ua) pour les maxima des intensité des coeurs de GHG et l'une de leurs marges ; 0.1 (ua) pour les marges des GBG et les autres marges des GHG (présentées sur la Figure 5-25) ; et entre 0.1 et 0.01 (ua) pour les marges peu denses et le tissu sain. Nous observons que cette diminution permet de discriminer les coeurs des zones peu ou pas infiltrées (certaines marges, les marges peu denses, le tissu sain) mais ne permet pas de dépasser les limites des techniques actuelles en discriminant les marges peu denses des GHG ou les marges des GBG du tissu sain. Figure 5-24 : Représentation 3D des spectres des échantillons en fonction de leur classe, acquis entre 608 nm et 637 nm. Les axes représentent l'intensité de fluorescence reçue sur la barrette du spectromètre pour chaque source d'excitation. Figure A : coeurs des GHG, B : marges des GHG, C : marges des GBG, D : marges peu denses des GHG, E : échantillons sains en provenance des GHG, F : bruit simulé. L'étoile bleue indique la longueur d'onde 634 nm et le triangle rouge celle 620 nm. Par ailleurs, nous savons que des données parfaitement corrélées pour les 3 sources d'excitation apparaîtront comme des droites dans les graphes 3D, illustrant que l'excitation multi-longueurs d'onde a peu d'intérêt. A l'inverse, si les données sont décorrélées, le nuage du point sera plus dispersé, illustrant l'intérêt de l'excitation multi-longueurs d'onde. L'observation de la Figure 5-24 montre que moins l'infiltration en cellule tumorale est dense, moins les données sont alignées, donc moins elles sont corrélées. Nous passons d'un nuage de points proche d'une droite avec pour extrémité la longueur d'onde 634 nm dans les coeurs des GHG à des nuages de points proches de pelotes où les marqueurs des longueurs d'onde 620 nm et 634 nm semblent placés aléatoirement dans les zones moins infiltrées. Enfin, le graphe F montre l'allure de spectres de bruit simulé donc complètement décorrélés. La comparaison des données avec du bruit simulé montre que les données restent globalement corrélées car relativement alignées. Au final, nous observons sur cette Figure 5-24 que les données sont corrélées mais que cette corrélation décroît légèrement avec la quantité en cellules tumorales et donc que chaque mesure spectrale apporte une information différente. La Figure 5-25 présente un zoom des marges des GHG qui ne sont pas visibles sur la Figure 5-24, en raison de la présence d'une marge très dense. On observe sur cette Figure 5-25 que les tracés présentent une direction privilégiée pointant vers la longueur d'onde 634 nm mais que les lignes sont plus courbes que dans les coeurs des GHG, ce qui traduit une légère décor
lation des spectres. Figure 5-25 : Représentation 3D des spectres émis par les marges des GHG hormis une marge très dense. 5.4.2 - Calcul du volume occupé par le nuage de points de tous les échantillons d'une même classe
L'observation des tracés 3D des Figure 5-24 et Figure 5-25 confirme qualitativement l'intérêt de l'excitation multi-longueurs d'onde et la diminution de la corrélation des données avec la diminution de la densité en cellules tumorales. Afin de quantifier ces observations, nous proposons tout d'abord de calculer le volume occupé par une classe. Pour calculer ce volume, nous effectuons une triangulation délimitant les frontières 3D autour du nuage de points et calculons le volume inclus dans les frontières ainsi délimitées. Cette triangulation et le calcul de volume associé sont présentés sur la Figure 5-26.
Figure 5-26 : Volume occupé par le nuage de points formé par les spectres 3D de tous les échantillons d'une même classe. A : coeurs des GHG ; B : marges des GHG ; C : marges des GBG ; D : marges peu denses des GH ; E : échantillons sains provenant des GHG ; F : bruit simulé gaussien. La Figure 5-26 montre que le volume occupé par chaque classe décroît avec la quantité de cellules tumorales pour les GHG et que le volume occupé par les marges des GBG est supérieur à celui occupé par le tissu sain provenant des GHG. Ceci est cohérent avec la diminution de la bosse de PpIX relevée sur les Figure 5-4 et Figure 5-24 pour les GHG : moins il y a de signal, plus le volume décroît. Ces volumes corroborent que, s'il est aisé de discriminer les coeurs des GHG des autres classes, la discrimination des marges peu denses par rapport au tissu sain est plus compliquée en utilisant le volume. Afin d'étudier la robustesse de ce paramètre à un échantillon bruité, nous conservons maintenant tous les échantillons d'une classe, y compris ceux de faible RSB et nous effectuons ce calcul de volume suivant la méthode du « leave one out » : pour une classe donnée, nous calculons le volume sur tous les échantillons sauf un, puis nous rajoutons cet échantillon et retirons un autre échantillon. Ceci est itéré pour tous les échantillons et le volume moyen de chaque classe est calculé, ainsi que l'écart type. Les résultats sont présentés dans le Tableau 5-3. Coeurs GHG 3.07 e-1 2.32 e-1 1.73 e-1 2.41 e-1 2.34 e-1 2.64 e-1 2.47 e-1 1.29 e-1 2.74 e-1 Marges 3.69 e-3 2.60 e-4 3.25 e-3 3.80 e-3 3.80 e-3 2.77 e-3 3.80 e-3 3.80 e-3 3.76 e-3 3.80 e-3 3.80 e-3 3.80 e-3 3.80 e-3 3.80 e-3 2.86 e-2 2.86 e-2 2.86 e-2 2.86 e-2 2.80 e-2 2.86 e-2 2.82 e-2 1.74 e-2 2.86 e-2 5.50 e-3 2.85 e-2 2.81 e-2 2.87 e-2 2.63 e-2 1.92 e-5 3.61 e-5 3.20 e-5 1.71 e-5 3,19 e-5 3,50 e-5 3,89 e-5 tissu sain (GHG& GBG) 9.48 e-4 9.48 e-4 7.98 e-4 9.48 e-4 9.48 e-4 9.48 e-4 3.82 e-4 Bruit simulé 2.54 e-7 2.46 e-7 2.68 e-7 3.05 e-7 3.05 e-7 3.05 e-7 2.67 e-7 GHG Marges GBG Moyenne Ecarttype 2.33e-1 5.35e-2 3.45e-3 9.27e-4 2.59e-2 6.6e-3 3.00e-5 8.46e-6 7.79e-4 2.66e-4 2.79e-7 2.6e-8 Marges peu denses GHG 7.87 e-4 8.76 e-4 2.06 e-4 Tableau 5-3 :
Volume de chaque classe selon la méthode du "leave one out" : pour chaque classe, on calcule le volume occupé par le nuage de points représentant
tous les
échantillons
sauf un
(y compris ceux de faible RSB), puis
on
ajoute cet échantillon et retire un autre. Le volume moyen et l'écart-type associé sont aussi calculés. L'observation du volume moyen sur le Tableau 5-3 soutient la décroissance du volume avec la quantité de cellules tumorales, sauf entre les marges peu denses des GHG et les échantillons sains. Cette différence peut s'expliquer par la présence de 3 échantillons sains provenant de GBG très bruités. Par ailleurs, ce Tableau 5-3 montre que le volume est un paramètre robuste à la présence d'un seul échantillon bruité. En effet, alors que nous avons conservé tous les échantillons pour obtenir ce tableau, y compris ceux de faible RSB, l'écart type est faible devant le volume moyen pour chaque classe. Nous remarquons cependant que le volume sans la deuxième marge des GHG (en gras) est 10 fois plus faible que les volumes calculés avec cet échantillon. Ceci soulève la dépendance du calcul du volume à un échantillon (ici une marge très dense). Enfin, nous observons que le volume moyen des marges des GBG est supérieur au volume moyen des marges des GHG. Ceci peut tout d'abord s'expliquer par la contribution des lipopigments qui n'est probablement pas négligeable dans ces échantillons. Ce volume élevé pourrait aussi s'expliquer par une décorrélation des données plus forte pour les GBG, qu'on peut lier à la quantité plus restreinte de l'état 634 dans ces données. Enfin, le bruit mesuré dans les GBG étant plus élevé que dans les GHG et la normalisation choisie étant plus faible, la présence des oscillations visibles sur Figure 5-2 pourrait aussi expliquer cette augmentation de volume. Sur la Figure 5-27, nous représentons le bruit simulé à partir des données saines, mais aussi le bruit provenant des spectres exclus des Figure 5-24 et Figure 5-26 à cause de leur faible RS . Le bruit provenant des spectres expérimentaux est pris comme le signal collecté sur la bande spectrale 250-350 nm, après retrait de sa ligne de base par un ajustement linéaire, et normalisé par l'autofluorescence. On observe sur cette Figure 5-27 que le bruit provenant de spectres très bruités expérimentalement donne un volume de l'ordre de grandeur de celui des marges et du tissu sain mais 100 fois supérieur au volume du bruit simulé. Ainsi, si la méthode du « leave one out » valide la robustesse du volume à la présence d'un échantillon bruité, l'inclusion de plusieurs échantillons bruités peut perturber ce calcul et l'exclusion des spectres de faible RSB est alors nécessaire. Figure 5-27 : Volume occupé par le nuage de points représentant les spectres exclus à cause du mauvais RSB (A) et volume occupé par le bruit simulé à partir de données de RSB accepté (B).
Le passage dans l'espace 3D permet de prendre en compte l'information apportée par les deux états
, non pas
à l'aide d'un ajust
ement,
comme nous l
'avons
propos
é
dans la partie
5.3 - mais à l'aide de l'information apportée par les différentes sources d'excitation
. Les Figure 5-24 et Figure 5-26 confirment que l'excitation multi-longueurs d'onde, liée à l'hypothèse de la présence des deux états, apporte de l'information qui semble pertinente et prometteuse pour avoir une meilleure discrimination des classes. 5.4.3 - Biomarqueurs associés à une analyse en composantes principales
Après avoir étudié la corrélation des données à l'échelle du nuage de points formé par les spectres émis par l'ensemble des membres d'une classe, nous étudions dans cette partie la corrélation à l'échelle de chaque membre de chaque classe. Nous commençons par réaliser une décomposition en valeurs singulières de la matrice de covariance associée au nuage de points de chaque échantillon. Ceci permet d'analyser la dispersion des points du nuage autour d'un axe principal, et donc d'analyser la dispersion des points dans l'espace 3D pour chaque échantillon. Les coordonnées 3D des différents points du nuage sont disposées dans une matrice de dimension 3 × n avec n le nombre de points du spectre (ici 65). Une décomposition en valeurs singulières de cette matrice donne 3 vecteurs singuliers. Les propriétés mathématiques de cette décomposition en valeurs singulières sont telles que le premier vecteur singulier correspond à l'axe selon lequel les points sont les plus dispersés (variance maximale), le deuxième vecteur singulier correspond à l'axe perpendiculaire au premier où les points sont à nouveau les plus dispersés (variance maximale dans le plan perpendiculaire au premier vecteur singulier), et le troisième vecteur correspond à l'axe perpendiculaire aux deux autres selon lequel les points sont les plus dispersés. La décomposition donne aussi trois valeurs singulières, qui correspondent aux écarts-type de la distribution des points selon les trois axes (leurs carrés correspondent donc aux variances) : la valeur singulière associée au premier axe est maximale, puisque c'est selon cet axe que la variance est maximale. Viennent ensuite, dans l'ordre décroissant, la deuxième valeur singulière et la troisième. En appliquant opération sur les nuages de points montrés dans la Figure 5-24, on obtient pour chaque nuage un axe de variance maximale, qu'on représente par un segment centré sur le centre du nuage et de longueur égale à la première valeur propre de sa matrice de covariance. Les graphes de la Figure 5-24 augmentés de ces segments sont présentés dans la Figure 5-28. Ces opérations vont nous permettre de quantifier la dispersion des nuages de points dans les différentes classes de tissu et étudier l'anisotropie fractionnelle. Thèse L. ALSTON
Figure 5-28 : Ajustement linéaire 3D du nuage de points représentant les spectres de chaque échantillon. Les axes des graphiques représentent les sources d'excitation du système. L'ajustement est tracé en noir. A : coeurs des GHG ; B : marges des GHG (avec un zoom sans l'unique marge dense) ; C : marges des GBG ; D : marges peu denses des GHG ; E : échantillons sains ; F : bruit simulé.
5.4.3.1 - Etude de la première composante principale
Dans le cas de notre étude, plus les spectres issus d'un échantillon selon les trois sources d'excitation sont corrélés, plus leur représentation dans le graphe 3D prend la forme d'un nuage de points alignés, donc de variance très importante dans une direction. La première valeur propre de la matrice de covariance associée à ce nuage de points est alors élevée. A l'inverse, des spectres peu corrélés vont générer un nuage de points dispersés et donner une première valeur propre faible. C'est pourquoi il nous paraît pertinent d'étudier, pour chaque échantillon de chaque classe, la première valeur propre du nuage de points. Nous ajoutons la classe « bruit », à partir des données de bruit simulées. Nous étudions ensuite la moyenne de cette première valeur propre et son écart type calculés sur l'ensemble des échantillons d'une même classe et les représentons sur la Figure 5-29.
Figure 5-29 : Evolution de la première valeur propre de la matrice de covariance du nuage de points de représentant les spectres émis par tous les échantillons de chaque classe dans l'espace 3D. Nous observons sur cette Figure 5-29 que la première VP diminue avec la classe, passant de 1 pour les coeurs des GHG, tendant vers 0 pour les zones peu infiltrées et atteignant 0 pour le bruit. Ceci signifie que la direction principale de dispersion des données a un poids faible dans l'analyse en composantes principales des classes peu infiltrées, donc que les données ne sont pas agencées majoritairement selon cette direction, contrairement aux coeurs de GHG. Cette observation soutient l'observation déjà faite sur les spectres 3D où on a montré que le nuage de points tendait vers une pelote de plus en plus dispersée pour les zones peu infiltrées. Ceci corrobore l'intérêt d'une excitation multi-longueurs d'onde pour obtenir des informations complémentaires à l'analyse suivant une seule source d'excitation. Par ailleurs, la variabilité observée sur cette Figure 5-29 traduit la continuité en cellules tumorales : au sein d'une même classe, la densité en cellules tumorales varie aussi. Pour les coeurs des GHG, cette variabilité peut s'expliquer d'une part par cette discrétisation de la quantité en cellules tumorales mais par la différence de quantité de signal collecté dans les coeurs tumoraux, certains présentant beaucoup moins de fluorescence, à cause du sang ou de certaines zones nécrosées.
5.4.3.2 - Anisotropie fractionnelle (AF)
L'étude de la valeur propre est relative, elle permet de comparer les classes les unes par rapport aux autres mais n'a pas de référence absolue. En revanche, l'anisotropie fractionnelle (AF) est un paramètre absolu, permettant une comparaison des classes entre elles mais aussi une interprétation géométrique du résultat pour chaque échantillon. L'anisotropie fractionnelle a été introduite comme paramètre d'étude du tenseur de diffusion en IRM, afin traduire que le mouvement de diffusion des molécules n'est pas identique dans toutes les directions. Le tenseur de diffusion comporte 9 coefficients traduisant les variations de diffusion dans l'espace pour mettre en évidence la direction préférentielle du déplacement local des molécules d'eau, reflet de l'organisation tissulaire et cellulaire (Le Bihan, 2003). L'anisotropie fractionnelle de ce tenseur traduit alors le degré d'ellipticité en tendant vers 1 pour une diffusion anisotrope et vers 0 pour une diffusion isotrope. Ce biomarqueur permet de suivre l'évolution de certaines maladies (Oppenheim et al., 2004). Figure 5-30 : Evolution de l'Anisotropie Fractionnelle en fonction de la classe des échantillons. En rouge, les coeurs des GHG, en mauve, leurs marges, en cyan leurs marges peu denses, en vert les échantillons sains, en gris les marges des GBG et en noir le bruit simulé.
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La robotique au service de la chirurgie gynécologique : étude comparative entre une hystérectomie par laparoscopie conventionnelle et assistée du robot Viky Stéfan Almaraz Mateos ISSEMENT LIENS Année LA ROBOTIQUE AU SERVICE DE LA CHIRURGIE : ENTRE UNE DEVANT LE JURY COMPOSÉ DE
Président du jury : Mme le Professeur Pascale
HOFFMANN
Membres :
M
. le Docteur Thi
erry MICHY
(directeur
de
th
èse
)
M. le Professeur
Didier
RIETHMULLER M. le Professeur Jean Alexandre LONG A Madame le Professeur Pascale HOFFMANN, présidente du jury, pour me faire l'honneur et le plaisir d'accepter de présider ce jury. Merci pour m'avoir accompagné pendant ces cinq années d'étude, pour votre écoute, votre gentillesse, votre compréhension et pour le partage de vos connaissances. A Monsieur le Professeur Didier RIETHMULLER, merci d'avoir accepté de participer à ce jury, merci pour la richesse de votre enseignement, de votre pédagogie et de votre volonté permanente de nous faire progresser. A Monsieur le Professeur Jean Alexandre LONG, merci infiniment d'avoir accepté de faire partie du jury. Merci pour votre disponibilité, et pour votre travail si précieux dans la réalisation de Au
Docteur Thi
erry MICHY, directeur
de
th
èse
. Merci de votre soutien pour cette thèse mais aussi tout au long de mon internat. Travailler à vos côtés a été passionnant et riche d'enseignements, merci de m'avoir transmis des connaissances fondamentales à la pratique chirurgicale et à la cancérologie, indispensable à ma pratique future. Merci de votre confiance et de votre accompagnement au quotidien.
A ma famille
Mon papa, ma maman, merci de m'avoir aidé et soutenu pendant ces longues années d'études. Pour ce petit mot, ce petit geste qui m'ont permis d'avancer même quand les temps étaient difficiles. Merci de m'avoir supporté, toléré et compris surtout dans les moments de stress et d'incertitude. Merci de votre amour qui me fait grandir chaque jour. Mon grand frère, Juyen, merci pour ton sourire, ta joie de vivre, ta gentillesse et ton amour. Merci pour ton soutien et pour tous ces beaux moments partagés à tes côtés. Merci de m'apprendre à profiter de la vie. Et merci d'avoir fêté tes 25 ans, qui m'ont permis de rencontrer l'amour de ma vie. Evelyne ma belle-soeur, merci de faire partie de notre famille, d'aimer et de soutenir mon frère, de ton aide précieuse et de ton soutien lors de nos premiers pas dans la vie de parents. 6 Loan et Caly, mes petits amours, merci de faire de moi un tonton et un parrain, merci pour votre sourire et votre insouciance. Mes tontons, mes tatas, merci d'être présents dans ma vie, de mes premiers pas à aujourd'hui. Votre sagesse est un exemple pour moi, j'aime le temps passé à vos côtés et l'enrichissement que m'apporte notre famille. Mes cousins, mes cousines, merci de tous ces moments passés depuis notre enfance,
de votre présence à chaque étape de la vie. Mon parrain, ma marraine, avec qui je partage tant de bons moments, merci de votre soutien et de tout ce que vous m'apportez. Mon pépé, ma mamie, merci de votre sagesse et de votre soutien. Vous m'avez tant appris dans le quotidien de la vie. Merci de nous permettre de partager de beaux moments en famille. Mon papi, que j'aurais tellement aimé voir à mes côtés aujourd'hui, ta gentillesse et ton attention me manque profondément. A ma belle famille Claudette, ma belle maman, merci de m'avoir accueilli et de m'accepter avec tant d'amour dans votre famille, merci de votre aide précieuse, merci de ce que vous faites pour Amandine et moi ainsi que pour notre petite poulette. Laetitia, ma belle-soeur, merci de me faire vivre la passion de l'agriculture qui est une véritable échappatoire pour moi, merci de ta confiance, de l'aide précieuse que tu nous apportes et de l'amour que tu nous transmets. Oncles et tantes d'Amandine, merci de votre accueil chaleureux dans votre famille, de votre partage, votre gentillesse et d'être présents dans les différentes étapes de notre vie. Un merci tout particulier à Pierrot, pour sa gentillesse, sa générosité et pour m'avoir tant appris sur le travail agricole. 7 A mes amis JT, Benji, Marco, Axel, Kev, Pej, Jon, Guigui, merci d'être là depuis toutes ces années. Merci de tous ces beaux moments partagés ensemble, des vacances en Espagne au camping sauvage en haut de la montagne du Clergeon. Merci de me soutenir à chaque instant. Et merci de toujours penser à moi, même quand je devais travailler. Merci pour ces moments de rire et de partage. Vous êtes des potos en or. Merci aux copains du lycée (Matt, Vivien, Tintin, Alice, Max et à Djé parti trop tôt) de tous ces moments de légèreté passés ensemble, et aux souvenirs du bon vieux temps. Merci à tous mes copains du foot, Flo, Jojo, Jérome, Régisde l'apprentissage de la vie en équipe, de la solidarité et aux soirées du foot passées ensemble A tous ceux que j'ai rencontré pendant mon internat Aux médecins, à mes maîtres : L'équipe du CHU de GRENOBLE. Anne Cécile, merci pour ton apprentissage de la chirurgie, pour le partage de ton
expérience
en cancérologie,
et
pour ta
disponibilité.
J'ai
tant
de
respect
et d'
admiration
pour
ta qualité
de
chirurgi
en
et aussi
pour
ton cotés Wonder Woman. Ce fut un honneur et un plaisir d'apprendre à tes cotés. François, merci encore
pour
tous ces moments passés au bloc
opératoire, pour la transmission
de
ton savoir-faire et pour ta disponibilité permanente. Merci
à
Véronique pour
l'apprentissage rigoureux de
l
'obstétrique. Merci pour les chaussettes que je mets à chaque garde maintenant. Virginie, merci pour ta gentillesse, ton calme, ta sérénité et la transmission de ton savoir en obstétrique. Anne Laure, merci pour toutes les gardes passées ensemble, pour ta motivation, ton énergie et ton sourire si communicatif. Catherine, merci pour ce que vous m'avez apporté, pour votre confiance, et pour votre rigueur. Travailler à vos côtés fut un honneur. L'équipe d'ANNECY : Malgré un semestre à trois internes, vous avez su transmettre votre savoir. Merci pour m'avoir conforté dans mon désir de faire de la chirurgie, merci pour votre apprentissage au bloc 8 opératoire ou en salle de naissance. Un merci tout particulier à Sébastien pour son écoute et pour le partage de son savoir-faire rigoureux. Merci à Bénédicte pour sa joie de vivre ainsi qu'au Dr TARDIF pour m'avoir fait confiance. C'est avec fierté et motivation que je rejoins votre équipe, merci encore. L'équipe de CHAMBERY : Merci pour m'avoir accompagné dans mes premières gardes d'interne, et merci pour l'apprentissage de la rigueur. Un merci tout particulier au Dr DEYROLLE pour son accompagnement dans mes premiers pas au bloc opératoire. L'équipe de VOIRON : Merci pour ce superbe semestre passé à vos côtés, pour ma première hystérectomie, et pour votre soutien même dans les moments les plus difficiles. Un merci tout particulier à Eric, Laetitia, Ricardo et Marie pour leur écoute et le partage de leurs connaissances. L'équipe de chirurgie viscérale de CHAMBERY : Merci pour le partage de votre spécialité que j'ai tant aimé. Vous m'avez accueilli et considéré comme l'un des vôtres. Je vous remercie de l'apprentissage que vous m'avez offert. L'équipe d'urologie d'ANNECY : Votre accueil a été incroyable. Merci pour ce semestre passé à vos côtés plein d'enrichissement. Merci aux Dr VALIGNAT et SKOWRON pour leur humour décapant, et au Dr ARNOUX pour son aide permanente. L'équipe de radiothérapie d'ANNECY : Votre gentillesse et votre patience m'ont beaucoup touché, merci pour l'apprentissage de votre spécialité. Un merci particulier à Alexandre pour son
accueil et sa générosité. Un grand merci aux manip Radio et aux secrétaires de radiothérapie pour m'avoir permis de passer un semestre très agréable. Aux assistants chefs : Merci à mes anciens chefs, Camille.D pour ton humour, ton énergie et ton intelligence, à Aurore pour ton savoir-faire et ta pédagogie, à Camille.M pour ton calme et ta gentillesse. Ce fut un plaisir d'apprendre à vos côtés. Merci à Fabien pour m'avoir appris à faire mes premiers forceps, et pour m'avoir rassuré lors de mes premières gardes d'interne au CHU. 9 Merci à Sophie pour ta gentillesse. Nous nous sommes connus internes, et ça a été une grande joie de travailler à tes cotés. Merci à Pierre Alain, pour ce semestre passé au CHU, pour ton soutien, et ton encouragement permanent, ta gentillesse, et ton calme. Maryline, merci pour ton écoute, ta gentillesse et ton aide précieuse pendant les gardes. Merci à Cécile, nous avons été co-internes, et tu as été ma chef, ceci a été à chaque fois un grand plaisir de travailler avec toi. Merci pour tous ces bons moments passés ensemble dans ou en dehors de l'hôpital. Merci aux assistantes de CHAMBERY, Emilie.M, Stéphanie, Claire, Kathleen et Caroline pour m'avoir permis de faire ma première césarienne. Merci aux assistants d'ANNECY, Adrien, Anne Flore et Emilie.L et aux partages des bons moments ensemble. Merci à Pierre et Alessandro pour leur amitié et leur gentillesse lors du semestre d'urologie. A mes co-internes : Marion, Chloe, Julie, Aliénor, merci pour avoir partagé avec solidarité ce premier semestre à CHAMBERY, à votre soutien et entre-aide permanente. Merci à Charles pour ton calme, ton amitié et pour ces moments partagés à Lille. Merci à Clem pour ton énergie, ton dynamisme et ta franchise. Merci pour tous ces moments passés ensemble, pour les voyages à Strasbourg ou Montpellier avec Patoche (que je remercie au passage).
Merci
à
Anna
pour ce dernier semestre passé ensemble au CHU. Quel bonheur de travailler à tes côtés, ton humour et ta gentillesse m'ont permis d'alléger le quotidien parfois difficile loin de mes proches.
Anne
Pauline, merci du fond du coeur pour m'avoir prêté ton appartement, pour ton sourire communicatif et ta gentillesse absolue. Delphine, Célia, Max, Théo, Agathe, Clément,
Cé
lia et Claire
,
j'ai été enchanté de vous connaitre pendant l'internat, travailler avec vous fut un véritable plaisir
. Julia et Marine
, une pensée très forte après ce semestre d'été
2017, merci
de votre solidarité
et entre aide. Julia ta
gentillesse m'a beaucoup touché
,
j'ai adoré travailler à tes côtés ces quelques semestre
. Charlotte, Marion, Louise, Elia
, MC,
Florence, merci
pour ce dernier semestre passé au CHU,
merci
de votre compréhension après la naissance de
ma fille. 10 Un grand
merci à Maureen pour ta relecture in English
bien sûr, et
pour le plaisir passé à travailler à tes côtés
. Mathieu mon
co
-
inter
ne
de galère en ur
ologie qui
m
'a soutenu et aidé dans cette spécialité que je
connaiss
ais peu. Amadou, Natalia, Kash et Mona, merci
pour
ce semestre
passé
à vos côtés en chirurgie viscérale, grâce à vous, ceci a
été au top. Un grand merci à Cécilia et Meyriam pour ces moments passé au CHU ou en DIU. Cécilia, merci pour ton aide dans la réalisation de cette thèse. Et une pensée très particulière à Julie, Charlotte, Marion.B, Clara.S, Célia et Aliénor, futurs collègues avec qui j'ai hâte de travailler. Et bien sûr merci à tous les internes que j'ai côtoyé pendant mon internat au détour d'un repas à l'internat ou d'un congrès à l'autre bout de la France Merci à toutes et tous (Robert, Didier, Hervé) les sages-femmes avec qui j'ai travaillé dans les différents centres. Vous avez été les premiers acteurs de notre apprentissage en obstétrique, et du partage de votre passion. Et enfin : Un merci tout particulier et riche d'émotion à ma Mémé que j'ai tant aimé, une seconde maman, tu étais là dans toutes les étapes de ma vie, ton immense générosité et ton immense amour que tu as su donner à chacun de ta famille restent éternels et nous permettent d'avancer dans la vie même dans les moments difficiles. Mes mots ne seront jamais assez forts pour décrire tout l'amour que j'ai pour toi. J'aurais tant aimé te voir à mes côtés en ce jour mais surtout pour tous les autres moments de ma vie, et j'aurais par-dessus tout, aimé que tu connaisses mon trésor de tous les jours. Et surtout un très très très grand merci à Amandine, l'amour de ma vie, tu me soutiens depuis plus de 9 ans, ta force tranquille et ta beauté m'ont permis d'avancer chaque jour, tu sais 11 apprécier mes qualités, accepter mes défauts et surtout me rendre meilleur au quotidien. Merci infiniment pour ta patience malgré la distance et les études, merci de ton amour et merci de m'avoir offert le plus cadeau de la vie avec notre petite Poulette. Merci à ma fille qui du haut de ses 9 mois, me donne le bonheur d'être père, m'offre ses sourires apaisants, la joie et la fierté de fonder une famille. Merci à tous ceux que j'ai pu rencontrer, merci à tous. 12 TABLE DES MATIERES LISTE DES ABREVIATIONS14
RESUME15 ABSTRACT16 INTRODUCTION17 MATERIEL ET METHODES19 DESIGN DE L'ETUDE19 DESCRIPTION D'UNE HYSTERECTOMIE PAR LAPAROSCOPIE19 CARACTERISTIQUES DU ROBOT VIKY EP ET UP20 CRITERE D'INCLUSION ET D'EXCLUSION21 VARIABLES D'INTERET22 Caractéristiques des patientes22 Caractéristiques et techniques chirurgicales utilisées23 Caractéristiques opératoires23 Caractéristiques post opératoires à court terme24 Caractéristiques post opératoires à moyen et long terme24 ANALYSE STATISTIQUE24 CRITERES DE JUGEMENTS PRINCIPAUX ET SECONDAIRES25 RESULTATS26
CARACTERISTIQUES DE LA POPULATION
26 Organigramme de la population étudiée (figure 1)27 Caractéristiques des deux groupes avec tableau récapitulatif (tableau 1)27 Caractéristiques et techniques chirurgicales (tableau 2 et 3)29 Caractéristiques post opératoires à court et moyen terme (tableau 4)35 DISCUSSION37 RAPPEL DES PRINCIPAUX RESULATS37 LIMITES DE L'ETUDE41 PERSPECTIVES42 CONCLUSION44 BIBLIOGRAPHIE46
ANNEXES50
14 - CHUGA : Centre Hospitalo-Universitaire Grenoble Alpes - CHANGE : Centre Hosptalier Annecy-Genevois - - CGR : Concentré Globulaire Rouge - CC : Centimètre Cube - VIKY UP : VIsion Control for endoscopY Porte manipulateur Utérin - VIKY EP : VIsion Control for endoscopY Porte Endoscope - HT : Hystérectomie Totale - HST : Hystérectomie Sub-Totale - SAOS : Syndrome d'Apnée Obstructif du Sommeil - ENS : Echelle Numérique Simple - - NE : non évaluable - TTC : toute taxe comprise - CCAM : Classification Commune des Actes Médicaux - IBODE : infirmière de bloc opératoire diplômée d'état - CEROG : Comité d'Ethique de la Recherche en Obst
rique et Gynécologie - TROS : Temps Réel d'Occupation de Salles
RESUME Objectif : Evaluer le temps opératoire moyen entre la laparoscopie classique et celle assistée du robot VIKY porte-endoscope et manipulateur utérin lors d'une procédure chirurgicale standardisée en gynécologie. Evaluation secondaire de la faisabilité et de la sureté du VIKY. Matériel et méthodes : Etude rétrospective monocentrique. Entre octobre 2017 et décembre 2018, 30 patientes ont été incluses. 10 patientes opérées d'une hystérectomie par laparoscopie assistée des robots VIKY EP + UP forment le groupe 1 et 20 par laparoscopie classique composent le groupe 2. Comparaison entre les deux groupes, du temps opératoire, des complications per ou post opératoires et du nombre d'aides opératoires nécessaires. Résultats : Les caractéristiques des patientes étudiées sont comparables dans les deux groupes. Le temps d'installation moyen du double système VIKY est de 8,5 minutes. Le temps opératoire moyen est de 3h04 en laparoscopie classique contre 3h29 avec VIKY sans différence significative. Aucune différence entre les deux groupes concernant les complications per ou post opératoires, le temps d'hospitalisation et les douleurs post opératoires. Le nombre d'aides opératoires est significativement plus important avec la laparoscopie classique. Conclusion : Le temps opératoire moyen nécessaire à la réalisation d'une chirurgie gynécologique standardisée par laparoscopie assistée du double VIKY est comparable à la laparoscopie classique sans surrisque de complication per ou post opératoire. Il est simple d'installation et d'utilisation avec une courbe d'apprentissage rapide. Il permet de s'affranchir d'une à deux aides opératoires avec des coûts d'achat et d'entretien très abordables.
MOTS CLÉS : laparoscopie assistée du robot VIKY, VIKY UP, VIKY EP, hystérectomie
ABSTRACT Objective: To evaluate the average operating time between conventional laparoscopy and VIKY robot-assisted laparoscopy during a standard surgical procedure in gynaecology. Secondary evaluation of the feasibility and safety of the VIKY system. Methods: Uni-centric retrospective study. Between October 2017 and December 2018, 30 patients were included. Group 1 is composed of 10 patients who underwent an hysterectomy by laparoscopic assisted by VIKY EP + UP robots. Group 2 is composed of 20 patients operated by conventional laparoscopy. Comparison between the two groups of includes operating time, per or postoperative complications and the number of surgical aids required. Results: The characteristics of the patients studied are comparable in both groups. The average installation time of the dual VIKY system is 8.5 minutes. The average operating time is 3h04 in conventional laparoscopy compared to 3h29 with VIKY without significant difference. No difference between the two groups regarding per or postoperative complications, hospitalization time or postoperative pain. The number of surgical aids is significantly higher with conventional laparoscopy. Conclusion: The average operating time required to perform standardized gynaecological surgery by laparoscopy assisted by double VIKY is comparable to conventional laparoscopy without any additional risk of complications per or after surgery. It is therefore safe, easy to install and use with a quick learning curve. It allows the surgeon to free himself from one to two operating aids with a very affordable purchase and maintenance cost.
Key Words : laparoscopy assisted by double VIKY, VIKY UP, VIKY EP, hysterectomy
La chirurgie mini invasive par laparoscopie est devenue une pratique courante dans le domaine chirurgical. Décrite en 1944 par le Raoul PALMER, la première intervention chirurgicale laparoscopique en gynécologie a eu lieu en 1972 par Maurice Antoine BRUHAT et Hubert MANHES à l'Hôtel Dieu de Clermont Ferrand (1). De nombreuses études ont montré l'avantage des techniques mini-invasives en chirurgie gynécologique, en terme de suites opératoires à court et moyen terme, de pertes sanguines, de douleurs post opératoires et de temps d'hospitalisation (2, 3). En France et en Europe, près de 48% des hystérectomies sont réalisées par laparoscopie en 2017 (4). Il s'agit d'une proportion en constante progression par rapport à la voie vaginale et à la laparotomie, probablement expliquée par l'amélioration de la pratique endoscopique, par la progression de la qualité du matériel et l'apport récent de l'assistance robotique (5). La chirurgie laparoscopique en gynécologie requiert dans la plupart des procédures une aide opératoire supplémentaire pour la manipulation utérine. De plus, le port manuel de la caméra peut, lors de procédures chirurgicales longues, aboutir à une instabilité de l'image par le tremblement de l'aide opératoire, pouvant détériorer la qualité du geste chirurgical et augmenter le temps opératoire (6). Les progrès technologiques ont permis l'essor de la robotique dans le domaine chirurgical, avec la commercialisation dans les années 2000 de la laparoscopie robot assistée de la technologie intuitive DA VINCI®, successeur direct du Robot chirurgical ZEUS développé et utilisé pour la première fois en 1997. Démocratisé en 2005 pour la chirurgie gynécologique, il se constitue de 3 bras articulés et un bras porte endoscope, pilotés par le chirurgien à l'aide d'une console externe. Il permet une vision 3D avec une liberté de mouvement à 360° (7). De nombreuses études ont prouvé la non infériorité de la laparoscopie robot assistée par DA VINCI® à la laparoscopie classique (8, 9) avec des résultats comparables en terme de pertes sanguines, de complications per ou post opératoires, et du taux de laparoconversion (10), mais un confort chirurgical supérieur (6, 8). Cette nouvelle technologie nécessite un fort investissement financier qui reste un frein à son utilisation. De plus, le système DA VINCI® nécessite une infrastructure adaptée compte tenu de son poids et de sa taille (7). Il requiert 17 systématiquement un assistant opératoire et une aide supplémentaire pour la manipulation utérine en chirurgie gynécologique (5). Parallèlement à l'essor de ces robots chirurgicaux, se développent des technologies robotiques moins complexes, moins coûteuses et plus rapide d'installation (11, 12), avec l'apparition dès la fin des années 1990, des premiers robots porte-endoscope à commande vocale (1, 11). Les robots AESOP, ENDOASSIST et LAPMAN restent les plus communément retrouvés sur le marché français. Malgré leur performance en terme de stabilité d'image, leurs prix et leur taille n'ont pas permis une bonne évolution de ces robots chirurgicaux (1, 13). En 2005 est apparue la technologie robotique NAVIOT précurseur du VIKY. Il s'agit d'un porteendoscope moins volumineux mais commandé manuellement (11). En 2007 apparait un nouveau système porte endoscope robotisé développé par la société Grenobloise Endocontrol TM, sous le nom de VIKY EP. Validé par la Communauté Européenne en 2007, il s'agit initialement d'un système de mono-bras articulé guidé par commande vocale ou filaire VIKY (11, 12), permettant le maintien et le déplacement de la caméra. En 2010, la société Endocontrol TM développe selon le même principe, le manipulateur utérin VIKY UP, permettant le main tien et le déplacement de la voie basse (14, 15), et de s'affranchir ainsi d'une à deux aides opératoires (11, 16). Les études concernant l'utilisation de la technologie VIKY dans le domaine de la chirurgie gynécologique se limitent à des cases report. Ces arguments nous ont conduits à réaliser cette étude. L'objectif principal de cette étude est d'évaluer le temps opératoire entre la laparoscopie conventionnelle et celle assistée du double système VIKY avec un temps d'installation rapide du matériel robotique, lors d'une procédure chirurgicale standardisée en gynécologie. DESCRIPTION D'UNE HYSTERECTOMIE PAR LAPAROSCOPIE
Il s'agit d'une technique chirurgicale standardisée en gynécologie (4) (annexe 1). Deux types d'interventions peuvent être réalisés : - Une hystérectomie totale permettant l'ablation du corps et du col utérin. Les indications principales sont essentiellement oncologiques avec le traitement des cancers endométriaux, cervicaux et ovariens. - Une hystérectomie subtotale, permettant l'exérèse du corps utérin avec conservation cervicale. Il s'agit d'une technique de référence pour le traitement de l'adénomyose, des utérus myomateux et endométriosique ou dans certaines chirurgies de prolapsus. La patiente est installée en décubitus dorsal, en position gynécologique. Sous anesthésie générale, après désinfection bétadinée et installation des champs stériles, une sonde à demeure est mise en place. Réalisation dans un premier temps d'une canulation de l'utérus, pour l'aide à la manipulation. A l'aide d'une aiguille de Palmer, un pneumopéritoine à 12mmHg de mercure est insufflé. Introduction secondaire du trocart ombilical de 10mm. Exploration de la cavité abdominale et introduction de deux trocarts assistants de 5mm en fosse iliaque droite et 19 gauche et un trocart en sus pubien de 10mm. Repérage des uretères. Puis ligature et section du ligament rond droit ou gauche. Dissection du feuillet antérieur du ligament large. En cas d'annexectomie, réalisation d'une fenestration du ligament large puis d'une ligature et section du ligament Lombo-Ovarien. Dissection secondaire du feuillet postérieur du ligament large jusqu'au torus. Dissection de l'espace vésico-utérin, puis ligature et section du pédicule utérin au regard de sa branche ascendante après individualisation de ce dernier. Les mêmes étapes seront réalisées en controlatérales. Puis colpotomie circonférentielle (en cas d'hystérectomie totale) ou hystérectomie subtotale par section au niveau isthmique. Extraction de la pièce opératoire. Fermeture vaginale en cas d'hystérectomie totale, par des points séparés réalisés en intraabdominale. Vérification de l'hémostase. Lavage de la cavité abdominale. Ablation des trocarts sous contrôle de la vue. Exsufflation du pneumopéritoine et fermeture cutanée (annexe 1). CARACTERISTIQUES DU ROBOT VIKY
EP et VIKY UP (annexe 2) : Le système VIKY « VIsion Control for endoscopY » est un robot chirurgical porte-accessoire motorisé ultra compact pour la chirurgie laparoscopique. Assemblé en France, il a pour rôle de maintenir et de déplacer un endoscope ou un manipulateur utérin selon les besoins du chirurgien, par la voie ou par filaire (pédale au pied du chirurgien). VIKY EP et UP sont en conformité par la directive 93/42/CCE depuis 2007 et 2010 respectivement et sont autorisés par la FDA depuis 2008 pour VIKY EP et 2013 pour UP. Il est constitué d'une console externe de 34*17*37cm pesant près de 9Kg. Cette dernière a pour objectif d'analyser les commandes du chirurgien et d'actionner les moteurs du robot, afin de le déplacer dans les trois dimensions de l'espace et de répondre à la demande du chirurgien. Les robots EP et UP sont constitués de trois moteurs, permettant trois degrés de liberté à l'accessoire : mouvement de rotation haut-bas, mouvement de rotation droite-gauche et mouvement de translation avant-arrière. Chacun d'entre eux pèse moins de 1.5 Kg (annexe 3). Le robot EP porte endoscope, est maintenu par un bras passif articulé de 2.6 Kg, directement fixé à la table chirurgicale par un fixateur, lui apportant une forte stabilité. Le robot est disposé à proximité de la peau de l'abdomen du patient sans interface entre les deux. 20 L'endoscope, introduit dans un trocart, se fixe secondairement au robot EP. Le robot UP porte-manipulateur utérin, est lui aussi maintenu à la table chirurgicale par un bras passif articulé, lui apportant une stabilité et une fixité. Un manipulateur utérin est introduit dans la cavité utérine après hystérométrie et est fixé au robot qui est placé au plus près de la vulve du périnée. Le matériel stérile est complètement immersible et stérilisable, sans consommables ajoutés. Ces robots chirurgicaux peuvent être dirigés et contrôlés par commande vocale ou filaire. En cas de laparoscopie robot assistée de VIKY EP et UP, le contrôle d'un des deux systèmes se fera vocalement, et le second sera dirigé par commande filaire (annexe 4). En ce qui concerne le prix du robot VIKY, il est fixé à 54000 euros TTC pour un robot EP ou UP. En cas de chirurgie par double VIKY le prix sera de 108000 euros TTC. Certaines équipes utilisent de façon alternée, selon les interventions, soit le robot VIKY UP soit le VIKY EP. Dans ce cas, le prix fixé est de 54000 euros pour le robot, mais s'y ajoute 3500 euros supplémentaires pour le logiciel et les adaptateurs nécessaires à l'utilisation non concomitante soit du porte-endoscope soit du porte-manipulateur utérin (17). S'y ajoute des frais annuels de maintenance évalués à 10% du prix d'achat, soit 5400 euros par an. Le système VIKY étant stérilisable, il n'y a pas de frais de matériel consommable. En revanche pour une utilisation régulière de trois à quatre interventions hebdomadaires, la durée de vie du robot est estimée entre cinq et sept ans (17).
CRITERES D'INCLUSION ET D'EXCLUSION
Les critères d'inclusion sont : - Patiente majeure de plus de 18 ans - Une hystérectomie totale ou subtotale avec salpingectomie ou annexectomie bilatérale (annexe 1) pour étiologie bénigne, en chirurgie programmée, par laparoscopie classique ou assistée du Robot VIKY EP + UP, dans la période définie au préalable (octobre 2017 à décembre 2018). Les critères d'exclusion sont: - Patiente mineure (moins de 18 ans) - Présence de plus de deux comorbidités entre HTA, diabète, obésité, SAOS, asthme, coronaropathie, dyslipidémie - - Obésité morbide définie par un IMC supérieure à 40Kg/m2 - Hystérectomie par laparotomie médiane ou transversale - Chirurgie pour une indication carcinologique Ainsi, le groupe 1, composé de patientes opérées par laparoscopie assistée du robot VIKY EP + UP sera comparé au groupe 2, opérées par laparoscopie classique. Seules les patientes qui présentent un nombre de comorbidité inférieur ou égal à deux parmi l'HTA, le diabète, l'obésité, le SAOS, l'asthme, un antécédent de coronaropathie ou une dyslipidémie connue, ont été incluses dans l'étude.
VARIABLES D'INTERET
Pour notre étude, nous avons relevé les variables suivantes : - Caractéristiques des patientes : ● Âge en année ● Indice de masse corporelle en Kg/m2 ● Antécédents chirurgicaux et de chirurgie abdominale ● Tabagisme (réponse binaire oui versus non) ● Antécédents médicaux/comorbidités (HTA, diabète, coronaropathie, asthme, SAOS, obésité) 22 - Caractéristiques et techniques chirurgicales utilisées : ● Laparoscopie classique ● Laparoscopie assistée du robot VIKY EP + UP - Caractéristiques opératoires : ● Temps d'installation du matériel défini en minutes ● Temps opératoire en minutes, caractérisé par le temps entre l'entrée et la sortie du bloc opératoire (TROS). ● Estimation des pertes sanguines en centimètre cube (cc) / transfusion évaluée en nombre de CGR ● Complication per opératoire (saignement, plaie digestive ou urinaire, plaie vasculaire, difficulté de dissection) ● Poids rin évalué en gramme sur la pièce d'anatomopathologie ● Indication de la chirurgie (myomes, adénomyose, endométriose) ● Nombre d'aides opératoires comprenant l'IBODE, l'assistant opérateur et l'aide installée à la voie basse pour la manipulation utérine ● Laparoconversion médiane ou transversale ● Type d'intervention (hystérectomie totale versus subtotale) réalisée selon la technique chirurgicale standardisée. 23 - Caractéristiques post opératoires à court terme :
● Temps de séjour hospitalier en jour (défini par le nombre de jours resté en hospitalisation en incluant le jour d'arrivée et de sortie) ● Douleurs post opératoires évaluées par la valeur de l'ENS la plus élevée pendant l'hospitalisation (comprise entre 0 = absence de douleur et 10 = douleur insupportable) ● Complications post opératoires à court terme, définies par les complications post opératoires pendant le séjour hospitalier. - Caractéristiques post
opéra
toires à moyen et long terme : ● Complications post opératoires apparues après la sortie d'hospitalisation (abcès, hématome, douleurs, saignements, désunion de cicatrice) ● Dyspareunies post opératoires (évaluées entre un mois et un an post opératoires à partir des courriers de consultation)
ANALYSE STATISTIQUE
L'analyse descriptive des différents paramètres quantitatifs a été exprimée avec leurs moyennes et variances. Chacune des moyennes a été interprétée avec son intervalle de confiance à 95%. Concernant les variables qualitatives, les pourcentages (%) ont été présentés avec leur effectif (n). L'analyse comparative entre le groupe 1 « laparoscopie assistée du robot VIKY EP + UP » et le groupe 2 « laparoscopie classique » a été réalisée à l'aide du test non paramétrique de FISHER EXACT, permettant un test de proportion sur deux échantillons indépendants à partir d'un tableau de contingence à quatre cases. Le test t de STUDENT a été utilisé pour la comparaison de moyennes, réalisée sur les variables continues avec un intervalle de confiance à 95%. L'ensemble de ces tests a été réalisé avec des hypothèses 24 bilatérales. Pour chacun des tests réalisés, une valeur de p inférieure au seuil du risque alpha fixé à 5% (p 0,05) était considérée comme significative. L'analyse statistique a été effectuée avec l'aide du logiciel STAT 15. CRITERE DE JUGEMENT PRINCIPAL ET SECONDAIRE
Le critère de jugement principal de notre étude est l'absence de différence significative en ce qui concerne le temps opératoire entre les deux procédures chirurgicales. Les critères de jugements secondaires sont: l'absence de différence significative entre les groupes comparés en ce qui concerne les complications per et post opératoires à court et moyen terme (désunion, abcès, hématome, douleurs chroniques, dyspareunies), le taux de laparoconversion, de pertes sanguines, de douleurs post opératoires et du temps de séjour hospitalier. Le nombre d'aides opératoires nécessaires à chaque intervention sera comparé entre les groupes 1 et 2. 25 RESULTATS CARACTERISTIQUES DE LA POPU
LATION
Entre octobre 2017 et décembre 2018, 64 patientes bénéficiaient d'une hystérectomie totale ou subtotale avec salpingectomie ou annexectomie bilatérale au CHU de GRENOBLE Alpes. Parmi ces patientes, 48 étaient opérées d'une hystérectomie avec salpingectomie ou annexectomie bilatérale par laparoscopie avec ou sans assistance robotique, soit 75% de l'effectif initial. 14 patientes (21.8%) étaient opérées d'une hystérectomie totale ou subtotale par laparotomie et deux par voie vaginale (3.1%), ne permettant pas de les inclure dans l'étude. Sur 48 patientes opérées par laparoscopie, dix d'entre elles bénéficiaient d'une chirurgie assistée du robot VIKY EP + UP soit 21 % des patientes opérées par laparoscopie. Ainsi 38 patientes (soit79%) bénéficiaient d'une laparoscopie classique. Une d'entre elle (1.6%) bénéficiait d'une hystérectomie totale avec annexectomie bilatérale par laparoscopie classique pour utérus polymyomateux, mais la patiente présentait le critère d'exclusion lié au poids avec un IMC à 52 Kg/m2. Parmi les 64 patientes opérées sur la période définie, 17 (26.6%) étaient exclues de l'étude pour avoir bénéficié d'une hystérectomie totale avec annexectomie bilatérale par laparoscopie classique dans le cadre de la prise en charge d'un cancer endométriale. Au total 30 patientes (46.8% de l'effectif initial) sur les 64 opérées étaient incluses dans le protocole d'étude rétrospectivement. Elles sont réparties en deux groupes distincts. Le groupe numéro 1 était composé de 10 patientes (soit 15.6% de l'effectif initial) opérées d'une hystérectomie totale ou sub e avec salping
ectomi
e ou
annex
ectomie
bila
térale
pour
éti
ologie bénigne par lapar
os
copie
assistée du Robot VIKY EP + UP entre octobre 2017 et décembre 2018. Le groupe numéro 2 était composé de 20 patientes (soit 31% de l'effectif initial) opérées d'une hystérectomie totale ou subtotale avec salpingcectomie ou annexectomie bilatérale pour étiologie bénigne par laparoscopie classique. L'ensemble des causes de non inclusion dans l'étude était rapporté dans la Figure 1. Figure 1 : flow chart Patientes ayant eu une HT ou HST entre octobre 2017 et décembre 2018.
n = 64 Laparotomie Laparoscopie Voie basse n = 14 n = 48 n=2 Patientes exclues n = 17 cancer n = 1 IMC ≥40 Patientes incluses dans l'étude n = 30 Groupe 1 Groupe 2 Laparoscopie + VIKY Laparoscopie classique n = 10 n = 20
Caractéristiques des deux groupes étudiés : L'âge moyen des patientes opérées par laparoscopie assistée du robot VIKY EP + UP était de 46.9 ans [44,09 – 49,71] versus 46.15 ans [43,65 – 48,65] dans le groupe de patientes opérées par laparoscopie classique. La comparaison de l'âge moyen entre les deux populations étudiées était statistiquement non significative avec une p-value à 0,348. L'index de masse corporelle des patientes du groupe 1 était significativement comparable (p-value à 0,429) à celui des patientes du groupe 2 avec un IMC moyen de 26,8 [23,28 – 30,31] et 27,15 Kg/m2 [24,77 – 29,52] respectivement. L'étude des comorbidités des patientes (HTA, diabète) ne retrouvait pas de différence significative entre les deux groupes. Dans le groupe 1, 30% des 27 patientes présentaient une obésité non morbide contre 35% dans le groupe 2 sans différence significative (p-value = 0,891). Concernant le tabac, 20% des patientes opérées par laparoscopie assistée du robot VIKY UP + EP présentaient un tabagisme actif, contre 5% des patientes opérées par laparoscopie classique. Il n'y avait pas de différence statistiquement significative entre les deux groupes étudiés avec une p-value à 0,519, bien que le taux de patientes tabagiques semblait plus important dans le groupe 1. A l'inverse, le pourcentage de patientes qui présentaient antécédent de chirurgie abdominale était plus élevé dans le groupe 2 (75%) que dans le groupe 1 (40%). Pour autant, la comparaison entre les deux groupes n'était statistiquement pas significative avec une p-value à 1. L'ensemble des caractéristiques des deux populations était détaillé dans le tableau 1. Tableau 1 : caractéristiques des populations étudiées
GROUPE 1 GROUPE 2 P-VALUE VIKY TEMOINS Population n = 10 Population n = 20 Age (moy en année) 46,9 46,15 IC 95% [ ] [44,08 – 49,71] [43,64 – 48,65] IMC (moy Kg/m2) 26,8 27,15 IC 95% [ ] [23,28 – 30,31] [24,77 – 29,52] Obésité(%) 3 (30%) 7 (35%) NS Diabète (%) 0 (0%) 2 (10%) NS HTA (%) 1 (10%) 4 (20%) NS Coronaropathie connue 0 (0%) 0 (0%) NS SAOS (%) 0 (0%) 0 (0%) NS Asthme (%) 1 (10%) 2 (10%) NS 0 (0%) 0 (0%) NS Antécédent de chirurgie 4 (40%) 15 (75%) NS 2 (20%) 1 (5%) NS NS NS (%) abdominale (%) Tabac (%) 28
Caractéristiques et techniques chirurgicales : Afin de comparer au mieux la laparoscopie classique à la laparoscopie assistée des robots VIKY UP + EP, l'ensemble des patientes incluses dans l'étude bénéficiait d'une chirurgie standardisée en gynécologie bénigne, qui est une hystérectomie totale ou subtotale (annexe 1). Dans le groupe 1, sur les dix patientes incluses, deux bénéficiaient d'une hystérectomie totale, soit 20% des patientes du groupe 1. Dans le groupe 2, seulement une patiente sur les vingt étudiées bénéficiait d'une hystérectomie totale, soit 5% des patientes opérées par laparoscopie classique. Concernant le type d'intervention réalisée (hystérectomie totale versus subtotale) il n'y avait pas de différence significative entre les deux groupes, avec une p-value à 0,519. Les patientes étaient essentiellement opérées pour des pathologies myomateuses (50% dans le groupe 1 et 60% dans le groupe 2 avec p-value = 1) et adénomyosique (20% dans le groupe 1 contre 30% le groupe 2 avec une p-value = 0,879). Les indications chirurgicales pour chacun des groupes étaient représentées par la figure 2.
29 Figure 2 : répartition des indications opératoires. myome myome adénomyose adenomyose endométriose endometriose autres etiologies autres étiologies a) Laparoscopie classique b) Laparoscopie double VIKY
Il n'existait pas de différence significative entre les deux groupes concernant les indications opératoires (table
au
2)
.
Tableau 2 : tableau de comparaison des indications chirurgicales Adénomyose (%) Endométriose (%) Myome (%) Autre (%) GROUPE 1 VIKY Population n = 10 GROUPE 2 TEMOINS Population n = 20 P-VALUE 2 (20%) 2 (20%) 5 (50%) 1 (10%) 6 (30%) 0 (0%) 12 (60%) 2 (10%) NS NS NS NS
Dans cette étude, le temps moyen d'installation du matériel robotique VIKY EP était évalué à 166 secondes [131,32 – 200,67], soit 2 minutes et 46 secondes en moyenne. Pour l'installation du VIKY UP, le temps moyen nécessaire était évalué dans cette étude à 362 secondes, soit 6 minutes et 2 secondes [59,33 – 664,67]. La différence de temps nécessaire à l'installation du VIKY UP par rapport au VIKY EP pouvait s'expliquer par la nécessité de réaliser une hystérométrie première suivie d'une éventuelle dilatation cervicale avant l'introduction du 30 manipulateur utérin. En somme, le temps moyen d'installation du double robot VIKY EP + UP était estimé à 528 secondes, soit 8 minutes et 48 secondes en moyenne. Pour les quatre premières procédures VIKY réalisées au CHU de GRENOBLE Alpes, les temps d'installation du matériel robotique n'avaient pas été inscrits dans les comptes-rendus opératoires. Ainsi le temps moyen d'installation du robot était estimé sur la moyenne des six dernières interventions. Le temps opératoire moyen calculé pour les patientes opérées par laparoscopie assistée du robot VIKY était de 209,1 minutes avec un intervalle de confi à 95% à [176,51 – 241,68], soit 3 heures et 29 minutes environ. En laparoscopie classique, le temps opératoire moyen était de 183,8 minutes [162,68 – 204,91], soit 3 heures et 4 minutes environ. Le temps opératoire moyen nécessaire à la réalisation d'une hystérectomie totale ou subtotale pour étiologie bénigne était statistiquement non significatif entre les deux groupes (p-value à 0,08), bien qu'il semblait en moyenne plus long de 25 minutes lors de procédures laparoscopiques assistées du robot VIKY UP + EP (figure 3). Figure 3 : comparaison du temps opératoire moyen
La moyenne des pertes sanguines était évaluée à 195cc [135,50 – 254,49] dans le groupe 1 et de 287,5cc [192,71 – 382,28] dans le groupe 2. La différence entre les deux était de moins de 31 100cc. La comparaison des pertes sanguines entre les patientes opérées par laparoscopie assistée de VIKY et laparoscopie classique n'était pas significative, avec une p-value à 0,09. Une seule patiente était transfusée de deux culots globulaires en post opératoire sur les 30 patientes incluses dans l'étude. Il s'agissait d'une patiente opérée par laparoscopie conventionnelle. La différence entre les deux groupes n'était donc pas significative (p-value = 1). Aucune complication per opératoire n'était décrite chez les patientes opérées par laparoscopie assistée du robot VIKY (groupe 1). Dans le groupe 2, quatre des vingt patientes opérées par laparoscopie classique (20%) avaient présenté des complications opératoires. Parmi elles, deux étaient d'origine hémorragique avec difficulté d'hémostase au regard du pédicule utérin, une était liée à une hémorragie lors de la manipulation d'un fibrome, et une était liée à une plaie vaginale hémorragique lors de l'installation du manipulateur utérin. Bien que plus fréquente dans le groupe 2, le taux de complication per opératoire dans le groupe 1 et dans le groupe 2 n'était statistiquement pas significatif, avec une p-value à 0,342. La taille et le poids de l'utérus pouvaient influencer le temps opératoire. Afin de s'assurer que ceux-ci ne soient pas à l'origine d'un biais de sélection, nous avions comparé le poids des utérus des patientes opérées dans les deux groupes. Il était récupéré sur les comptes-rendus anatomopathologiques. Dans le groupe 1, le poids moyen des utérus opérés était de 160,5 grammes [94,56 – 226,43], versus 222,31 grammes [146,81 – 297,81] dans le groupe 2. La différence entre les deux groupes n'était statistiquement pas significative avec une p-value à 0,131. Le poids utérin ne représentait pas un biais pour la comparaison des deux groupes dans cette étude. Concernant cette étude, aucune laparo-conversion n'était nécessaire dans le groupe 1comme dans le groupe 2. Une des patientes du groupe 1 avait bénéficié d'une hystérectomie totale avec salpingectomie bilatérale pour un utérus adénomyosique symptoma . Lors de la procédure chirurgicale, le robot VIKY UP avait nécessité une réinstallation compte tenu d'une butée précoce de ce dernier sur le périnée de la patiente. Malgré cela, il persistait un défaut d'exposition lors de la dissection des pédicules utérins et du cul-de-sac vésico-utérin. La procédure VIKY UP avait donc été abandonnée en per opératoire. La manipulation utérine était réalisée par l'IBODE présente depuis le début de l'intervention. De plus, lors de cette même intervention, des difficultés étaient décrites lors de la réalisation de la suture vaginale. Le trocart sus pubien avait été mis en place trop proche du trocart ombilical en début d'intervention et venait en 32 butée contre le moteur du robot VIKY EP, à l'origine d'un défaut d'amplitude des instruments de suture. La procédure VIKY EP avait donc été abandonnée en fin d'intervention afin d'assurer la réalisation de la suture vaginale. Figure 4 : comparaison du nombre moyen d'aide opératoire L'ensemble des caractéristiques opératoires était représenté dans le tableau 3. Tableau 3: caractéristiques opératoires
Hystérectomie totale (%) Temps moyen d'installation du matériel VIKY EP (secondes) IC 95% [] Temps moyen d'installation du matériel VIKY UP (secondes) IC 95% [] Temps opératoire moyen (min) IC 95% [] Pertes sanguines moyennes (cc) IC 95% [] Complication per opératoire (%) Transfusion (%) Poids utérin moyen (g) IC 95% [] Nombre d'aides opératoires N (% de patiente concerné par groupe) Laparoconversion (%) *NE = non évaluable 34 GROUPE 1 VIKY Population n = 10 GROUPE 2 TEMOINS Population n = 20 P-VALUE 2 (20%) 1 (5%) NS 166 [131,32 – 200,67] NE 362 [59,33 – 664,67] NE 209,1 [176,51 – 241,68] 183,8 [162.68 – 204,91] NS 195 [135,50 – 254.49] 287,5 [192,71 – 382,28] NS 0 (0%) 4 (20%) NS 0 (0%) 1 (5%) NS 160,5 [94,56 – 226,43] 222,31 [146,81 – 297,81] NS N=2 (100%) N=3 (100%) p-value ≤0,05 0 (0%) 0 (0%) NS
Caractéristiques post opératoires à court et moyen terme : Plusieurs caractéristiques post opératoires étaient comparées entre les deux groupes étudiés, afin de s'assurer de l'absence de complications majeures post opératoires pouvant induire une recrudescence des douleurs post opératoires ou un allongement du temps hospitalier. Les complications post opératoires à court terme se définissaient par les complications post opératoires survenues pendant le séjour hospitalier. Il pouvait s'agir de complications graves (abcès profond, péritonite, éviscération) ou bénignes (abcès de paroi, constipation, infection urinaire, anémie). Dans le groupe 1, deux patientes (20% des patientes du groupe 1) présentaient des complications. L'une se caractérisait par une infection urinaire (pyélonéphrite), la seconde présentait un tableau de syndrome occlusif sur une incarcération du tube digestif ayant nécessité une reprise chirurgicale à J3 post opératoire. Dans le groupe 2, trois patientes (15%) présentaient des complications post opératoires pendant leur séjour hospitalier. Il s'agissait essentiellement de complications bénignes. Deux d'entre elles présentaient une anémie à 80 et 85g/l d'hémoglobine traitée par fer injectable. Une patiente présentait un tableau de douleur abdominale pendant près de 10 jours sans étiologie clinique ni radio-biologique retrouvée. La comparaison du taux de complications post opératoires à court terme entre les deux groupes est non significative, p-value = 0,862. Dans le mois qui a suivi la sortie d'hospitalisation, aucune patiente opérée par laparoscopie assistée du double VIKY n'avait présenté de complication, re-hospitalisation ou consultation aux urgences gynécologiques. Tableau 4 : caractéristiques post opératoires
à court et
moyen
terme Temps de séjour hospitalier moyen IC 95% [] Complications post opératoire court terme Complication post opératoire moyen terme (%) Dyspareunie Post opératoire (%) ENS post opératoire moyenne (0-10) IC 95% [] 36 GROUPE 1 VIKY Population n = 10 GROUPE 2 TEMOINS Population n = 20 P-VALUE 2,5 [1,72 – 3,27] 2,9 [2,35 – 3,44] NS 2 (20%) 3 (15%) NS 0 (0%) 3 (15%) NS 0 (0%) 1 (5%) NS 3,2 [1,77 – 4,62] 3,75 [2,92 – 4,57] NS
DISCUSSION
Notre étude est la première à comparer la laparoscopie assistée d'un double système VIKY à la laparoscopie conventionnelle, lors d'une chirurgie gynécologique standardisée. La technologie robotique VIKY développée par la société Grenobloise ENDOCONTROLTM, était approuvée pour la première fois par la Communauté Européenne en 2007. Le robot VIKY porte-endoscope avait d'abord fait l'objet d'une étude cadavérique en 2007 par Berkelman (13) et Long (18), avant d'être utilisé et validé in Vivo sur model porcin la même année par Gumbs (12). La première chirurgie sur patient était réalisée le 5 juillet 2007 par l'équipe Grenobloise de Long (6) avec la réalisation d'un curage lymphatique pelvien bilatérale dans le cadre d'un cancer prostatique à haut risque. Les applications et les qualités du robot VIKY porteendoscope sont nombreuses en chirurgie. En chirurgie urologique, une étude de Long (6) en 2012, évaluait le confort chirurgical. Sur 17 interventions il décrivait une qualité d'image évaluée à 9 sur 10 en moyenne avec une stabilité parfaite évaluée à 10 sur 10 en moyenne, à l'origine d'un confort chirurgical évalué avec une moyenne de 7 sur 10.
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LA NORMALISATION COMPTABLE ET SES HOMMES : VERS UNE SOCIOLOGIE DE LA NORMALISATION COMPTABLE
Rouba CHANTIRI-CHAUDEMANCHE
Maître de conférences CREFIGE - Université de Paris-Dauphine Place du Maréchal de Lattre de Tassigny 75775 Paris cedex 16 Tél : 01 44 05 43 52 e-mail : [email protected]
Résumé : L'objet de ce papier est d'analyser le profil des hommes qui participent à l'élaboration des normes comptables. La discussion s'articule autour de trois points : 1) l'opposition entre experts et représentants ; 2) l'émergence de plus en plus marquée de professionnels de la normalisation ; 3) le fait que les participants à la normalisation constituent un « petit monde ». Mots-clés : normes comptables, organismes de normalisation, décision, expertise
Abstract : Who are the standard-setters – Towards a sociology of accounting standard-setting
Our purpose in this paper is to analyse the profile of people involved in accounting standard-setting. The discussion develops three aspects : 1) the opposition between expert and representative standard-setters ; 2) the more and more significant participation of professional standard-setters ; 3) the fact that participants in standard-setting constitute a network. Key words : accounting standards, standard-setting bodies, decision-making, expertise
1 Les normes comptables sont établies pour régir le contenu et la présentation des états financiers afin, notamment, de garantir
fiabilité et la crédibilité des informations comptables publiées et de protéger ceux qui utilisent ces informations pour prendre des décisions. Il n'est donc pas étonnant qu'en période d'« affaires » et de scandales financiers, elles figurent au banc des accusés : des normes non prudentes, tournées vers la reconnaissance d'un profit immédiat ; des normes trop détaillées et, de ce fait, faciles à contourner ; des normes au service de ceux qu'elles sont censées réguler plutôt qu'au service de ceux qu'elles doivent protéger. Sont remis en cause non seulement les normes dans leur contenu et leur forme mais l'ensemble du dispositif qui encadre leur production et leur mise en application. Comme toute règle, la norme comptable est une production humaine. 1-Les normalisateurs : experts ou représentants? 1.1- Problématique de l'« expert » et du « représentant »
On a longtemps opposé les systèmes de normalisation, ou du moins certains d'entre eux, selon qu'ils faisaient intervenir des « experts » ou des « représentants » ou plus schématiquement selon qu'ils fonctionnaient sur une base « technocratique » ou « démocratique ». L'expert est choisi pour ses compétences, auxquelles est souvent associée son indépendance et sa neutralité par opposition au représentant, mandaté pour défendre des intérêts catégoriels (modèle anglo-saxon/ modèle d'Europe continentale). Que recouvrent concrètement les notions d'« expert » et de « représentant » dans le champ de la normalisation comptable? Une analyse des divers dispositifs et de leur fonctionnement permet de clarifier cette opposition en y associant l'étendue des parties impliquées dans l'élaboration des normes comptables. Ainsi, dans les systèmes anglo-saxons, réputés pour privilégier l'expertise, l'élaboration des normes comptables a traditionnellement été confiée à la profession comptable. Parce qu'ils connaissent bien les problèmes comptables et qu'ils y sont confrontés dans leur activité quotidienne, les comptables, qu'ils soient salariés, libéraux ou universitaires, sont les mieux placés pour élaborer les normes comptables et faire face à la complexité croissante des problèmes à traiter. En revanche, dans d'autres dispositifs, dont le système français, on estime 1 Le processus d'élaboration des normes au sein du Conseil National de la Comptabilité et de l'Accounting Standards Board, a fait l'objet d'une étude approfondie reposant sur une observation sur le terrain. Celle-ci s'est déroulée entre mi-1994 et mi-1996 pour le dispositif français et entre octobre 1994 et février 1996 pour le dispositif britannique. Elle s'est traduite par le suivi de projets en cours, la reconstitution d'un processus achevé et l'étude du fonctionnement au jour le jour de l'institution chargée d'élaborer les normes comptables. 2 Sans nier les spécificités propres à chaque dispositif, il nous semble que celles-ci n'apportent rien à la présente discussion. 3 Le dispositif de normalisation international, autour de l'International Accounting Standards Board (IASB), est quasi-unanimement rattaché au modèle anglo-saxon. 3 nécessaire de faire participer à l'élaboration des normes l'ensemble des parties intéressées par la chose comptable, les comptables certes, préparateurs ou certificateurs de comptes mais aussi des « profanes » en matière comptable, amenés à utiliser les comptes : des représentants de l'Etat, des salariés, des banques de données, des investisseurs, C'est d'ailleurs sur l'exhaustivité de la représentation des parties intéressées que repose la légitimité du système français, depuis ses origines dans l'immédiat après-guerre (Scheid et Standish, 1989) L'on peut en définitive s'interroger sur ce qui définit le normalisateur : l'expertise ou la représentation? La qualité de comptable ou l'intérêt pour la chose comptable? Cette interrogation est loin de ne concerner que le domaine de l'élaboration des règles comptables. Elle renvoie à une problématique beaucoup plus large, liée à l'élaboration des règles en général et, notamment, à l'élaboration des politiques publiques. De nombreux travaux concernant le fonctionnement de l'appareil politico-administratif ont soulevé la question de la participation des experts (Anderson, 1978 ; Janis et Mann, 1977) et des groupes d'intérêts au processus de formation des décisions publiques (Meny, 1993 ; Richardson et al., 1982) et noté les interactions entre l'administration, les experts extérieurs et les groupes d'intérêts. Pour Hermet et al (1996, pp. 15, 16), deux types de raisons justifient la mise en place de ces liens : d'une part, le traitement de problèmes d'une haute technicité nécessitant le recours à des sources donnant des éclairages techniques, d'autre part, le souci d'anticiper les réactions des groupes concernés par l'application des règles de manière à mieux identifier les attentes et les résistances. C'est en gardant à l'esprit cette parenté avec la décision publique que nous allons tenter de mieux préciser le profil, en tant qu'experts ou représentants, des participants à la normalisation comptable. La discussion portera successivement sur les normalisateurs au sens strict, à savoir les membres des organismes de normalisation, détenteurs officiels du pouvoir de décision puis sur les autres participants qui interviennent au niveau du travail préparatoire.
1.2- La position des membres des organismes de normalisation
L'opposition entre le modèle anglo-saxon et le modèle continental semble valable à première vue lorsque l'on considère les membres des organismes de normalisation habilités à adopter les normes comptables. Ils n'ont objectivement pas le même profil dans les dispositifs anglosaxons et dans le dispositif français. Dans les pays anglo-saxons, les organismes de normalisation se composent d'un nombre relativement restreint de membres : sept membres au FASB (Financial Accounting Standards Board), neuf ou dix membres à l'ASB 4 (Accounting Standards Board), quatorze membres à l'IASB (International Accounting Standards Board), respectivement organismes de normalisation américain, britannique et international. Pour le choix des individus siégeant à ces comités, la primauté est accordée, si l'on en juge par les textes fondateurs (Dearing Committee, 1988), à l'expertise, c'est-à-dire à une bonne connaissance et à une maîtrise des problèmes comptables. Les membres des organismes de normalisation sont désignés en premier lieu en raison de leurs compétences et de leur expérience en matière comptable. Ce sont en général des individus issus de postes-clés dans les cabinets d'audit, la direction comptable et financière des entreprises ou d'autres institutions (investisseurs notamment) reconnues. En revanche, en France, toutes les parties concernées ou intéressées par la comptabilité se voient en principe offrir une place au CNC : pouvoirs publics, associations et organisations professionnelles, organisations syndicales et patronales, juristes, universitaires, Cela se traduit par un nombre relativement élevé de membres : plus d'une centaine avant la réforme de 1996, 58 membres après. Depuis 1996, outre le président et les six-vice-présidents4, siègent au CNC trente-cinq personnes « compétentes en matière de comptabilité et représentant le monde économique et social », cinq « personnalités qualifiées » et onze « représentants des pouvoirs publics ». A l'exception des personnalités qualifiées nommées à titre personnel en raison de leur expérience et de leurs connaissances dans le domaine comptable, les autres membres sont désignées par les parties prenantes pour siéger en leur nom et déf leurs intérêts. Ainsi, d'un côté des experts, de l'autre, en majorité des représentants. Cette première réponse mérite toutefois quelques nuances. En effet, les membres des divers organismes de normalisation ne sont pas des experts ou des représentants purs, si tant est que ces positions puissent exister. Au sein du FASB ou de l'ASB, la composition des boards laisse la place à plusieurs sensibilités, sous la forme de diverses expériences professionnelles : directeurs financiers, auditeurs, utilisateurs de comptes. Au niveau de l'IASB, cette diversité de points de vue se traduit par ailleurs par la diversité des origines géographiques5. Toutefois, c'est à titre personnel, et non en tant qu'auditeur ou membre de tel cabinet ou ressortissant de tel pays, que ces individus doivent s'exprimer et prendre position6. 5 de normalisation anglo-saxons sont donc en quelque sorte des experts représentatifs d'un point de vue particulier. Parallèlement, les membres du CNC ne sont pas des « représentants » purs. D'une manière générale, les partenaires sociaux désignent pour parler en leur nom des « techniciens de la comptabilité ». Le décret de la réforme parle de personnes « compétentes en matière de comptabilité » pour les représentants du monde économique et social. On a coutume de citer en exemple les représentants des syndicats ouvriers en la personne d'expertscomptables professeurs d'université. L'aspect représentation est censé prévaloir puisque à l'exception des personnalités qualifiées, elles doivent se prononcer au nom de leur groupe et non à titre personnel. L'analyse du profil des membres des organismes de normalisation conduit donc à associer, plutôt qu'à opposer radicalement, l'expertise et la représentation. Cette tendance se confirme lorsque l'on étend la réflexion à l'ensemble des participants au processus d'élaboration des normes comptables.
1.3- Du statut des autres participants à la normalisation
En effet, outre les membres des organismes de normalisation, détenteurs du pouvoir de décision, bien d'autres personnes interviennent et contribuent à forger la norme. Par exemple, au CNC, la norme est certes formellement adoptée en Assemblée plénière qui réunit l'ensemble des membres du CNC. Mais les projets d'avis et de recommandations sont préparés par les sections au sein desquelles sont répartis les différents membres du CNC. Les travaux des sections sont eux-mêmes en général préparés par des commissions et des groupes de travail qui regroupent des membres du CNC mais aussi des personnalités extérieures. Par ailleurs, tout dossier est suivi par un rapporteur qui l'instruit au fil des instances. Le rapporteur est un membre du secrét général, un service du ministère des Finances chargé de la gestion administrative du Conseil et de la préparation et du suivi des dossiers. Ainsi, le projet évolue en fonction de son passage à travers les instances : d'abord en groupe de travail et/ou commission qui effectuent le travail préparatoire de réflexion, de recherche de solutions et de proposition, sous le contrôle de la section ; puis en section qui avalise le projet ; avant d'être définitivement adopté en assemblée plénière (qui se réunit deux à trois fois par an). Le processus d'élaboration des normes au sein des organismes anglo-saxons repose, quant à lui, sur l'interaction entre les membres de l'organisme de normalisation et une équipe « technique », salariée du dispositif. Prenons le cas de l'Accounting Standards Board britannique. Pour préparer les travaux qui seront discutés en son sein, le Board dispose d'une 6 équipe de « directeurs de projets »7. Chaque dossier est confié à un directeur de projet (ou à une équipe de directeurs de projet) chargé de le faire avancer sous le contrôle des membres du Board. En fait, le directeur de projet mène l'ensemble du travail préparatoire, à savoir les recherches et la consultation, la formulation de propositions et rédige les divers documents à publier dans le cadre du due-process (documents de discussion, exposés-sondages, normes). Il rend compte au Board régulièrement. Le Board se réunit deux fois par mois et discute d'un certain nombre de projets en cours, le directeur de projet concerné faisant le point par le biais d'une note préparatoire, préalablement diffusée. Ce document sert de base à la discussion en réunion : le board discute des points essentiels, prend des décisions, confirme ou réoriente certaines propositions avancées par le directeur de projet. Ainsi, le directeur de projet pilote le dossier, en le soumettant régulièrement au contrôle des membres du Board. Par ailleurs, pour aider le directeur de projet dans son travail de recherche d'information et de solution, est constitué, pour chaque dossier, un groupe de cinq ou six personnes compétentes sur le problème traité, appelés « consultants ». Tout au long du projet, le directeur de projet les réunit ou les consulte individuellement en fonction de ses besoins. Ainsi, au CNC comme à l'ASB, la décision d'adopter une norme n'est que l'aboutissement d'un processus qui s'étend ement sur plusieurs années. Elle nécessite un travail préparatoire qui implique des décisions préalables par les instances ou la personne participant au travail préparatoire, « multipliant ainsi les lieux décisionnels », pour reprendre la formule de Meny (1993). D'autres personnes tels les rapporteurs ou les membres des commissions et groupes de travail au CNC, ou bien les directeurs de projet et dans une moindre mesure les groupes de consultants à l'ASB apportent leur contribution au processus. Il convient donc de s'intéresser à ces individus et à leur qualité d'expert ou de représentant. 7 comptabilité publique. Du fait de leur formation et de leur expérience passées, ils ne peuvent donc pas véritablement être considérés comme des experts en matière comptable. Leur rôle au sein du CNC n'en fait par la suite, ni des experts ni des représentants. Il leur est demandé de « rapporter », à savoir de rendre compte, de faire le point des discussions au fil des réunions et au fil des instances. Le travail de recherche et de formulation de proposition n'incombe pas, pour l'essentiel, à eux mais à la commission ou au groupe de travail, qui apporte l'« alimentation essentielle » et d'où doit provenir les amorces de solutions. Mais entre les réunions, les rapporteurs instruisent les dossiers, formalisent les éléments de discussion et les décisions prises, par le biais de procès-verbaux de réunions, de notes de synthèse et de rapports intermédiaires. Pour cette tâche, ils sont censés faire preuve de la plus grande neutralité et mettre de côté leurs opinions personnelles. Ils mettent en perspective, pour les membres des différentes instances, tous bénévoles et souvent très occupés, les éléments issus des réunions précédentes. Ils jouent en fait le rôle de secrétaire d'instance prenant acte des décisions et font le lien entre les différentes instances, expliquant à l'instance « supérieure » les raisons du choix proposé. Difficile à placer sur l'échelle expert-représentant, le rapporteur est en fin de compte une sorte de « mémoire » de ce qui s'est dit, assurant une certaine cohérence du processus. Venons-en aux équipes techniques employées par les organismes anglo-saxons (technical staff) et prenons en guise d'illustration les directeurs de projets à l'ASB8. Contrairement aux rapporteurs du CNC, ils ont un rôle moteur dans le pilotage du projet, avec la de formuler des propositions à l'égard des membres du Board. Ils semblent pouvoir être considérés comme des « experts » à plusieurs titres. Ils sont, en premier lieu, des techniciens de la comptabilité, en raison de leur profil d'origine, des experts-comptables, provenant, pour beaucoup d'entre eux de cabinets d'audit. 8 Des dispositions similaires existent au FASB et à l'IASB. 8 Ainsi, la comparaison entre rapporteurs et directeurs de projet semble confirmer l'empreinte plus technique du processus britannique et plus généralement des processus anglo-saxons, par rapport au processus français. Il faut toutefois se garder de généralisations hâtives et y déceler une évolution vers l'introduction de davantage d'expertise, au niveau du processus préparatoire. En effet, avant la réforme du dispositif britannique en 1990, largement inspirée celle du dispositif américain quelques vingt ans auparavant, l'Accounting Standards Committee (ASC), prédécesseur de l'ASB fonctionnait sur de tout autres bases. Les propositions qui arrivaient devant les membres de l'ASC étaient élaborées au sein de groupes de travail, composés dans l'ensemble de personnalités extérieures à l'organisme de normalisation. Un secrétaire d'instance, appartenant à l'équipe technique de l'ASC, suivait les travaux mais son rôle consistait à enregistrer les décisions du groupe de travail sans réelle participation aux débats, un peu comme le font les rapporteurs aujourd'hui. La comparaison entre rapporteurs et directeurs de projet appelle une remarque complémentaire sur, non pas ce qui les oppose, mais ce qui, d'une certaine manière, les rapproche. Ils ont en commun le suivi des dossiers de bout en bout et le rôle de mettre à la disposition des membres, pourvus du pouvoir de décision, les éléments d'information dont ils auraient besoin. De manière intéressante, le terme « gardien » a été utilisé spontanément à la fois par un directeur de projet à l'ASB et par un rapporteur au CNC pour qualifier leur rôle dans le processus d'élaboration des normes comptables, celui d'assurer une certaine cohérence interne du dossier sous leur responsabilité et, plus largement, de veiller à la cohérence de l'ensemble des travaux de l'organisme de normalisation. Ainsi, au delà de la position d'experts et de représentants, celles de gardiens de la cohérence du projet semble bien résumer le rôle de cette catégorie de participants. Parmi les participants au processus d'élaboration des normes, il convient également d'évoquer le cas des intervenants sollicités ponctuellement sur des dossiers précis. Au CNC, il s'agit des membres de commissions et groupes de travail, non membres du CNC. Par opposition aux membres des sections qui réunissent des techniciens « généralistes » de la comptabilité, les commissions et groupes de travail réunissent des « spécialistes » des problèmes traités, le rôle des commissions étant de préparer les travaux des sections. Les modalités de leur désignation reposent donc sur la recherche d'une certaine expertise sur le projet, même si les préoccupations de représentativité sont toujours présentes, le CNC demandant à ses partenaires de désigner les personnes qu'ils jugent les plus adéquates pour siéger en leur nom. Ils peuvent jouer de ce fait à la fois un « rôle de témoignage » sur les 9 pratiques, le terrain ou les spécificités du dossier, comme un « rôle de gardien du temple, des tables de la loi, de la doctrine », associant ainsi une forme d'expertise à une forme de représentation, constituant « une voix représentative d'une expérience particulière » (entretiens). A l'ASB, le processus est piloté par le directeur de projet sous le contrôle régulier des membres du Board. Pour aider le directeur de projet dans son travail et éviter que le projet ne se développe dans une « tour d'ivoire », il a été prévu de constituer, pour chaque dossier, un groupe de « consultants », spécialistes du problème traité et représentant collectivement différents points de vue. Leur rôle est double. Il s'agit en premier lieu de bénéficier de l'apport de spécialistes du problème traité qui pourront rendre compte de la pratique et constituer une source d'informations et d'idées. Ils permettent par ailleurs, dans la mesure où ils reflètent individuellement divers points de vue, de prendre le pouls de l'opinion et d'apprécier comment seront acceptées les propositions par les différents parties prenantes. Ainsi, dans un cas comme dans l'autre, il est fait appel ponctuellement à des « spécialistes » des problèmes traités, des experts apportant un témoignage sur la pratique, tout en représentant collectivement une pluralité de points de vue. Les membres des organismes, les équipes techniques, les individus sollicités ponctuellement sur des projets précis, est difficile de ne retenir qu'un qualificatif (expert ou représentant) pour rendre compte du profil de l'ensemble des participants dans les dispositifs anglo-saxons (vu à travers le prisme britannique) ou français. Sans gommer des différences indéniables dans les fondements et la philosophie des systèmes, l'on peut conclure que chaque système, à des degrés divers et selon des modalités correspondant à sa tradition, associe l'expertise, qu'elle soit générale ou spécialisée, à la représentation, tout du moins à la représentation de divers points de vue. 10 2- Des notions d' « expert » et de « représentant » à celle de « professionnel de la normalisation » 2.1- L'expert
La sociologie s'est intéressée à la figure de l'expert. Trepos (1996) le dépeint de deux manières, à travers sa compétence, comme un véritable professionnel ou a contrario comme intervenant dans des situations inhabituelles que le simple professionnel serait incapable de traiter. Dans la première acception, l'expert est un professionnel, une personne compétente, par opposition au profane. Si l'on définit l'expert de cette façon, il apparaît au vu de la discussion précédente, que la normalisation comptable est faite par des experts, c'est-à-dire par des individus qui ont une connaissance et une maîtrise générale des problèmes comptables, y compris dans le cadre français. La deuxième acception, quant à elle, oppose l'expert au professionnel ; l'expert « voit » là où le professionnel ne peut pas ou n'a pas le temps d'aller voir (p. 13). Il intervient dans des situations que le simple professionnel ne sait pas traiter. Cette définition semble partagée par Fritsch (cité par Bourdin, 1995) pour qui la situation d'expertise résulte de la rencontre entre une conjoncture problématique et un savoir spécialisé. Un conjoncture problématique suppose qu'« un problème y apparaît du fait que s'avère inapplicable le régime de fonctionnement antérieur de la régulation de ce type de conjoncture » (p. 376) ce qui engendre « l'appel à l'extérieur, à un tiers non partie prenante de la situation ». Comment cette acception peut-elle trouver application dans le domaine comptable? Peut-être peut-on y relier le recours ponctuel, à des « spécialistes », sous la forme des groupes de « consultants » à l'ASB ou des membres des commissions et groupes de travail au CNC. Au cours du travail préparatoire, le beso in se fait sentir de faire appel à des individus qui ont une connaissance pointue des problèmes traités. Il convient donc de distinguer deux types d'« expertises » : une expertise reposant sur une compétence générale et une autre fondée sur un savoir spécialisé. La première concerne le niveau décisionnel - les membres des organismes de normalisation sont en général des « experts généralistes » - alors que la seconde intervient davantage au niveau du processus préparatoire. La deuxième acception évoque le recours à un « tiers non partie prenante de la situation ». Elle trouve un écho dans une certaine conception de la normalisation comptable qui stipule que l'expert se doit d'être indépendant et neutre. Il est indéniable que cette conception est largement partagée du côté anglo-saxon où l'on comprend mal comment peut être légitimée la 11 prise en compte d'intérêts catégoriels déclarés (Scheid et Standish, 1989). En fin de compte, c'est la question de la neutralité et de l'indépendance du savoir qui fonde l'expertise qui est ici posée, question qui dépasse le champ de la normalisation comptable. Pour tenter d'y répondre, nous nous référerons à quelques conclusions menées dans le domaine des politiques publiques. Par exemple, sur les comités d'experts indépendants dans le cadre de l'Union européenne, Lequesne et Rivaud (2001) soulignent les limites de leur indépendance, évoquant « l'enracinement de ses membres dans les systèmes politico-administratifs des Etatsmembres » ou encore le « rapport dialectique marqué à la fois par de l'indépendance et de la dépendance à l'égard des gouvernements nationaux » (p. 876). Saurugger (2002) va plus loin et montre que loin de s'opposer à la représentation, l'expertise lui est associée. « De plus en plus souvent, les acteurs défendent leurs intérêts par le biais de l'expertise », ce qui l'amène à parler d'une « représentation de l'expertise » (p. 375), l'expert constituant lui-même un groupe d'intérêt. En fait, l'expertise est une forme de représentation des intérêts, au même titre qu'une formulation claire des revendications. L'expertise est donc loin d'être neutre puisqu'elle constitue un des « répertoires d'action des groupes d'intérêt pour construire et timer leurs actions » (p. 376). Pour en revenir à la normalisation comptable, une conclusion similaire semble s'imposer. On peut s'interroger sur l'existence même d'une expertise pure, neutre et indépendante. Les individus que nous avons pu interroger ont reconnu que la position défendue est souvent ancrée dans leur expérience et qu'il existe une pluralité de points de vue et d'expertises. Il semblerait donc que l'expertise soit associée à la représentation naturelle d'un point de vue ou d'une vision de la réalité, liés à l'expérience vécue et à la pratique de la comptabilité. Chaque individu, tout « expert » qu'il soit, représente inévitablement quelque chose, son pays, son origine professionnelle voire sa propre expérience personnelle. Si la reconnaissance d'intérêts déclarés est rejetée dans les pays anglo-saxons, celle des « sensibilités » a tout à fait sa place. Au FASB comme à l'ASB, un membre à l'expérience de préparateur de comptes est bien souvent remplacé par un membre ayant le même type d'expérience (Fogarty, Hussein et Ketz, 1992). Cela nous amène à mettre en évidence une première forme de représentation, la représentation spontanée d'un point de vue, allant de pair avec l'expertise. Mais il existe une autre forme de représentation, celle reposant sur un mandat, avec la mission de défendre les intérêts du 12 groupe représenté. Si le représentant mandaté est indésirable dans les systèmes anglo-saxons9, il bénéficie encore d'une certaine protection dans le système français. Intéressons-nous à lui pour retoucher le profil quelque peu caricatural qu'on lui brosse parfois outre-Manche et outre-Atlantique.
2.2- Le représentant mandaté
Dans la réalité observée dans le cadre du CNC - et en harmonie avec les conclusions de Jönsson (1988) sur le dispositif suédois - il s'avère que les représentants mandatés ne sont pas de simples porte-paroles, qui répètent la ligne définie par leur groupe d'appartenance. Au contraire, parce qu'ils sont en général versés dans la comptabilité, ils peuvent prendre une part active dans la formation de la position de leur groupe. Certains peuvent même être considérés comme une « autorité » au sein de leur groupe et c'est en raison de ce statut qu'ils ont été désignés pour le représenter. En fait, le profil du représentant mandaté n'est pas homogène. Les membres du CNC ne se comportent pas tous de la même façon. Leur discours dans le cadre des réunions révèle d'ailleurs comment eux-mêmes se positionnent. Certains se considèrent clairement comme des représentants, se référant constamment au groupe représenté et demandant fréquemment un temps de réflexion avant la prise décision finale afin de pouvoir le consulter. Ils utilisent en général une tournure collective (« nous »). D'autres se voient comme des experts, faisant référence, dans une tournure impersonnelle, à des arguments conceptuels présentés comme indiscutables, sans référence explicite à leurs intérêts en tant que partie prenante. Cette disparité dans le comportement peut s'expliquer par des différences dans les relations qu'entretiennent mandants et mandataires. 13 groupes ne définissent pas de position collective, laissant aux mandataires une marge de manoeuvre et une liberté de parole. Ceux-ci n'ont pas forcément besoin de rendre compte à chaque étape et d'avaliser la position à défendre. En fait, parce qu'ils sont liés professionnellement ou idéologiquement au groupe, ils partagent avec lui un certain nombre d'idées et de conceptions qui transparaissent dans leurs interventions. Enfin, certains membres constituent une autorité au sein de leur groupe et les positions avancées sont leurs positions personnelles, défendues au nom du groupe. Ainsi, selon les groupes représentés, les membres du CNC ont une marge de manoeuvre plus ou moins grande et sont susceptibles de jouer un rôle plus ou moins actif et plus ou moins personnel dans la définition de la position à défendre. La position de représentant mandaté n'est pas toujours de tout confort. Il peut vivre un conflit interne entre la position collective de son groupe et sa position personnelle (Jönsson, 1988). La différence de ton entre les travaux en sections ou en Assemblée plénière et les discussions en groupes de travail sont révélatrices. Dans le premier cadre, des positions officielles manquant parfois de nuances, dans le second, un ton modéré enclin à la négociation. Comme le note Frayssinet (1996, 140-145) au sujet du Conseil Economique et Social, le fait de travailler côte à côte produit une « solidarité fonctionnelle » qui vient contrebalancer les antagonismes et les divergences d'intérêt. Experts représentatifs d'une expérience particulière ou représentants mandatés, voici une version plus élaborée de l'opposition formulée initialement entre experts et représentants. Encore que, nous l'avons vu, dans le dispositif français, ces deux statuts ne sont pas antinomiques. Toutefois, pour qualifier les participants à la normalisation, un autre critère nous semble de plus en plus significatif. Il s'agit de la participation continue ou discontinue à l'élaboration des normes : certains se consacrent à plein temps aux affaires de la normalisation comptable, d'autres n'interviennent que par intermittence, ayant à côté une activité principale d'auditeur, de directeur financier, de professeur, de fonctionnaire, On pourrait donc opposer les « professionnels de la normalisation » aux
isateurs par intermittence. 2.3- Des « professionnels de la normalisation » et des normalisateurs par intermittence
Le statut de « professionnels de la normalisation », à savoir ceux qui, au sein de l'organisme de normalisation, se consacrent à plein temps à l'élaboration des normes comptables (Milot, 14 1997), nous semble prendre de l'importance du fait des tendances imprimées par les réformes des différents dispositifs de normalisation. Il semblerait que l'on se dirige vers un renforcement de l'équipe à plein temps, qu'il s'agisse des membres composant les organismes de normalisation ou de l'équipe technique qui soutient le processus. Cette tendance a sans doute été initiée dans le cadre de la réforme du dispositif de normalisation américain dans les années 70 et a inspiré, plus tard, les réformes d'autres dispositifs anglo-saxons. Le FASB, composé de 7 membres à plein temps, confortablement rémunérés, a remplacé l'APB (Accounting Principles Board) reposant sur les bonnes volontés et le bénévolat. Cette réforme a été jugée nécessaire pour assurer l'indépendance des membres du Board, perçus dans le système précédent comme obéissant à des logiques professionnelles. Les membres du FASB sont salariés de l'organisation, avec une rémunération conséquente, ayant rompu tout lien avec leur employeur précédent ou leur groupe d'origine. Cette « professionalisation » s'est accompagnée d'un renforcement de l'équipe technique composée aujourd'hui de 40 à 50 membres (incluant les managers de projet), dont la plupart sont des salariés du dispositif, quelques autres étant détachés d'un cabinet, d'une entreprise ou d'une université pour une période de deux ans (Gore, 1992 ; Miller et al., 1994) Le FASB offre l'exemple le plus pur dans la mesure où tous les membres du Board sont à temps plein et qu'ils ont à leur disposition une équipe technique conséquente. Cette situation est exceptionnelle, du fait de son coût, et beaucoup d'organismes ont choisi une solution intermédiaire. Au Royaume-Uni, l'ASB a remplacé l'ASC (Accounting Standards Committee) en 1990. L'ASC était un comité constitué par une vingtaine de membres non permanents et bénévoles et disposait de peu de moyens. En particulier, l'équipe technique ne comprenait qu'un nombre très réduit de personnes, dont une partie n'était employée qu'à temps partiel Depuis 1990, son successeur est doté d'un comité plus restreint (9 à 10 membres) au sein duquel deux membres exercent leurs fonctions à temps plein, le président et le directeur technique. Les autres membres continuent d'avoir une activité professionnelle à côté et reçoivent une rémunération pour leur participation à la normalisation. Cette professionalisation concerne également l'équipe technique, désormais composée d'une dizaine de directeurs de projet (salariés directs ou en détachement). La tendance se confirme si l'on se tourne du côté de l'IASB dont les structures ont été réformées en 2001. Depuis 2001, sur les 14 membres, 12 sont à plein temps et une équipe technique de plus en plus étoffée se met en place. Ainsi, la nouvelle génération des organismes de normalisation anglosaxons semble privilégier la professionalisation, à la fois au niveau décisionnel (les membres du Board) et préparatoire (l'équipe technique). Si beaucoup continuent à participer à titre 15 ponctuel, que ce soit au sein des autres organismes du dispositif (fondations chapeautant le dispositif, organismes de conseil, comités d'urgence) ou dans le cadre même de l'élaboration des normes, par le biais des groupes de « consultants », il est indéniable que la normalisation est de plus en plus aux mains de « professionnels de la normalisation ». Le cas français se situe en quelque sorte en porte-à-faux avec cette évolution. La très grande majorité des intervenants ne sont pas des « professionnels de la normalisation » mais assurent une « participation discontinue », à côté d'une activité principale, dans le cadre des sections, commissions et groupes de travail. Avant la réforme, seul le secrétaire général était un membre à temps plein. Tous les autres exercaient d'autres fonctions par ailleurs, y compris le président. Ce dernier recevait une rémunération modique. La réforme de 1996 a renforcé le statut du président. Celui-ci exerce désormais une fonction permanente rémunérée et dont les fonctions sont exclusives de toute autre activité professionnelle (à l'exclusion d'activités d'enseignement ou de fonctions exercées au sein d'organismes internationaux). L'on pourrait penser que cela traduit timidement cette tendance à la professionalisation. Mais hormis le président et le secrétaire général, les 56 autres membres continuent d'intervenir par intermittence et bénévolement. Cette situation peut être mise sur le compte de la philosophie du système – on a voulu maintenir le principe de la représentation des intérêts et de surcroît celui d'une représentation qui se veut exhaustive, se traduisant par plus d'une cinquantaine de membres – comme également d'aspects financiers. Le critère de la participation continue/discontinue semble donc conforter l'opposition entre modèles anglo-saxon et : le premier voit se renforcer l'équipe à plein temps, avec de véritables « professionnels de la normalisation » ; le deuxième fait reposer la normalisation sur la participation discontinue de multiples acteurs, en quelque sorte des experts « d'en bas »10. 16 des acteurs de la normalisation mérite d'être soulignée. Aux dires des acteurs eux-mêmes, interrogés dans le cadre français et britannique, les participants à l'élaboration des normes comptables constituent une sorte de réseau, de cercle, « un petit monde » en quelque sorte. 3- « Un petit monde » Un des éléments frappants au cours des réunions du Conseil National de la Comptabilité réside dans les liens qui unissent les individus présents. La plupart d'entre eux semble bien se connaître et avoir de fréquentes occasions de se rencontrer en dehors du CNC, par exemple dans le cadre d'une réunion d'un groupe de travail rattaché à l'Ordre des Experts-Comptables ou à la Compagnie nationale des commissaires aux comptes ou lors de conférences ou de débats sur un thème relatif à la comptabilité et aux règles comptables. Il n'est pas rare de faire référence dans les débats du CNC à ce qui a été dit dans d'autres enceintes où bien des participants autour de la table du CNC étaient présents. D'ailleurs, il suffit de comparer la composition des instances du CNC et des groupes de travail animé par les organes de réflexion doctrinale de la profession comptable pour se rendre compte que la plupart des noms reviennent souvent11. En fait, interviennent au nom d'un groupe donné, au CNC et dans d'autres enceintes traitant des règles comptables, les mêmes personnes. Ainsi, sur toute la population de comptables libéraux, seuls quelques-uns d'entre eux, toujours les mêmes, participent aux débats et aux travaux de réflexion, d'abord au sein de leurs propres instances puis dans les instances extérieures. Pareillement, ce sont souvent les mêmes entreprises, représentées par les mêmes personnes, qui sont actifs au sein du Medef ou au sein d'associations représentant les entreprises et leurs comptables, et que l'on retrouve dans ces enceintes de réflexion et de travaux en matière de comptabilité et de règles comptables. Quant aux analystes et aux juristes, leur participation se résume à quelques noms. Du côté des pouvoirs publics, administrations intéressées (administration fiscale, chancellerie, INSEE-Banque de FranceCentrale des bilans, COB) sont souvent présentes par le biais des mêmes personnes. Il y a donc, au sein de la communauté de comptables et d'individus intéressés par la chose comptable, une minorité qui s'intéresse, qui suit et qui s'implique dans les affaires de la normalisation comptable. 11 Les organes de réflexion doctrinale de l'OEC et de la CNCC réunissent, non seulement des professionnels comptables, mais aussi des personnes provenant d'horizons divers, dans une représentation large, proche de celle du CNC. Une conclusion relativement similaire peut être dégagée pour le système britannique. Certes, les parties prenantes sont moins directement présentes dans le processus et la séparation est plus nette entre l'organisme normalisateur et le « monde extérieur ». Mais les consultations auxquelles procède l'ASB, qu'elles soient formelles ou informelles, associent souvent les mêmes parties par le biais des mêmes personnes, que ce soient les répondants aux documents publics dans le cadre de la procédure du due-process, une partie des « consultants » sollicités pour intervenir sur les projets individuels, ou les bénéficiaires de rencontres régulières informelles avec des représentants de l'ASB12. D'une manière générale, l'ASB se trouve face aux mêmes interlocuteurs individuels. Ce cercle relativement fermé a l'occasion de se retrouver lors de dîners débats organisés par les instituts d'experts-comptables ou certaines associations ou bien lors de conférences organisées sur le thème de la comptabilité et des règles comptables. Il semblerait également que ce soit grosso modo ce même réseau qui soit sollicité par les pouvoirs publics ou par d'autres organismes de régulation (autorité boursière, autorité de réglementation des institutions financières) dans le cadre de réflexions ou de consultations sur un thème touchant à la comptabilité et à l'information comptable et financière. Il y aurait donc, si l'on s'en tient aux cas français et britannique, une sorte de « classe normalisatrice », un réseau informel de personnes qui suivent de manière régulière les travaux en matière de comptabilité et règles comptables. Le même constat a été fait par Jönsson (1988) concernant le système suédois de normalisation. Celui-ci utilise d'ailleurs la notion « d'élite », emprunté à la science politique, pour décrire le fait qu' existe un ensemble stable d'individus et d'organismes faisant autorité et jouant un rôle actif dans le développement des règles comptables (pp. 216-218). Ce constat effectué au niveau national nous semble encore plus valable au niveau international. La composition des organismes du dispositif international (l'assemblée des administrateurs ou trustees, l'IASB, le comité d'interprétation, l'organisme de conseil) est révélatrice : beaucoup s'occupaient déjà des affaires de la normalisation soit dans leur propre pays soit au niveau international. Même l'équipe technique n'échappe pas à cette dimension réticulaire. D'après leur bref curriculum vitae fourni par les communiqués de l'IASB, il s'avère qu'un certain nombre d'entre eux ont travaillé dans des organismes de normalisation nationaux avant d'être recrutés par l'IASB. « Elite », « club », « réseau », « establishment » (Haring, 1979 ; Gore, 1992), Il y a pléthore dans les termes utilisés par ceux qui se sont penchés sur l'élaboration des normes pour caractériser le fait que les individus qui suivent et qui s'impliquent dans la réflexion sur les règles comptables constituent une minorité au sein de la large communauté comptable (à savoir l'ensemble des personnes intéressées et/ou impliquées par la comptabilité et la chose comptable) et qu'au sein de chaque groupe ou partie prenante, seul quelques personnes suivent ces questions. Nous pourrions reprendre à notre compte la notion de réseaux d'action publique (policy networks) telle que définie par Le Galès et Thatcher (1995, p. 14): « Dans un environnement complexe, les réseaux sont le résultat de la coopération plus ou moins stable, non hiérarchique, entre des organisations qui se connaissent et se reconnaissent, négocient, échangent des ressources et peuvent partager des normes et des intérêts ». Finalement, audelà du normalisateur institutionnel, il est possible d'identifier un normalisateur informel réunissant les membres de ce réseau. Notre observation des processus français et britannique nous conduit à proposer une caractérisation de ce normalisateur informel. Loin de représenter un seul groupe ou une seule catégorie d'intérêt, il constitue un ensemble « pluriel » rassemblant des individus provenant d'horizons professionnels divers. Cette implication provient d'un intérêt direct du groupe d'appartenance pour les questions de la normalisation - c'est un moyen de peser sur le processus - et/ou d'un intérêt purement personnel pour ces questions. Mais, la pluralité n'exclut pas que tous ne s'impliquent pas de la même façon et que certains groupes y soient plus représentés et plus actifs que d'autres en fonction de leurs moyens (argent, temps, personnes intéressées) et de leur intérêt pour le processus et ses conséquences. Il existe un « noyau dur » reflétant un équilibre et un rapport de forces entre les parties prenantes et il semble raisonnable d'avancer que cet équilibre est susceptible d'évoluer dans le temps. Par ailleurs, le poids des personnalités n'est pas à négliger. Certains individus parviennent à jouer un rôle moteur, imprimant un cap et des valeurs au processus d'élaboration des normes (Jönsson, 1988 ; Gore, 1992). Conclusion A partir d'une opposition plutôt sommaire entre la figure du normalisateur expert et du normalisateur représentant, nous avons tenté d'enrichir les profils des participants à la normalisation. Pluralité d'experts, pluralité de représentants mais aussi professionnels de la normalisation et participants par intermittence Ce faisant, cette discussion nous a conduits à nous interroger sur les contours du normalisateur, balayant un spectre de définitions, allant de la plus restrictive, les membres pourvus d'un pouvoir décisionnel, à la plus large, l'ensemble des individus qui participent à l'élaboration des normes comptables, en passant par les professionnels de la normalisation. Cela aboutit à la remise en cause d'une définition purement institutionnelle du normalisateur pour privilégier la notion de normalisateur informel, à savoir l'ensemble des individus qui suivent et qui s'impliquent dans la réflexion sur les règles comptables. Cette discussion a également permis de faire ressortir un certain nombre d'évolutions relatives aux hommes et aux femmes qui font la normalisation comptable. Deux tendances ont été soulignées en particulier : davantage d'expertise technique au niveau du processus préparatoire ; une présence plus massive de professionnels de la normalisation dont le métier est d'élaborer des normes comptables. Comme nous l'avons vu, ces tendances concernent essentiellement les dispositifs anglo-saxons. Le dispositif français, quant à lui, a maintenu, au travers de la réforme de 1996-98, certaines de ces spécificités, notamment le principe d'une large représentation des intérêts, celle-ci allant de pair avec le maintien d'une participation discontinue. Dans le contexte actuel d'une mondialisation de l'économie en général et des normes comptables en particulier, cette « résistance » peut surprendre. Mais notons qu'elle concerne le normalisateur institutionnel L'on peut s'interroger sur ce qu'il en est du normalisateur informel : ses composantes les plus actives ont-elles tendance à se rapprocher du modèle dominant?
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Elle the caractérise les The model here simply extrapolates from current technology, and hence resulting power consumption substantially exceeds the power efficiency requirement. We further note that the 2009 PIDS machines selon leur mode de fonctionnement, c’est-à-dire la multiplicité des flots de contrôle chapter increases the supply voltage for LOP devices in long-term years. This is inconsistent with the required et de données. Il en découle quatre catégories sont dessous : more “green” and power-efficiency of competitive consumer portable qui products, as listées well as theciglobal quest for energy-efficient electronics products. Thus, we expect that the power gap seen in 2009 will be partially addressed – SISD :bySingle Instruction stream Single Data stream : exécution séquentielle ; a revised LOP supply voltage roadmap in future ITRS editions. – MISDPotential : Multiple Instruction Single exécution surPortable un flot de donsolutions are discussed instream the Design chapter.Data Specificstream solutions :for SOC Consumer include architecture optimization in high-level design stages based upon power consumption analysis, and customized PE nées (pipelinée) ; realization. – SIMDDue : Single Instruction stream Multiple Data : exécution synchrone to the discontinuous trajectory of supply voltage in the future,stream logic switching (i.e., dynamic) power shows d’une behavior 2013 to 2014, from 2018 to 2019, from 2020 to 2021. mêmenon-monotone instruction par from plusieurs processeurs surand différentes données ; – MIMD : Multiple Instruction stream Multiple Data stream : exécution sur plusieurs SOC CONSUMER PORTABLE PROCESSING PERFORMANCE TRENDS processeurs avec chacun son flot de contrôle. The SOC Consumer Portable driver’s processing performance can be assumed proportional to the product of device La majorité des architectures appartiennent à la catégorie SIMD ou MIMD performance and the number of PEsparallèles on the SOC. Figure SYSD7 shows that there remains a superlinearly growing gap [92]. between the processing requirement and the available processing performance. This gap can potentially be solved by Les architectures MIMD sont les architectures multiprocesseurs composées d’un nombre de increasing the number of PEs, subject to power and design effort constraints. Potential solutions are discussed in the processeurs connectés à travers un réseau d’interconnexion. processeurs opèrent de maDesign chapter, and include appropriate hardware/software (HW/SW) partitioningLes in high-level design stages, as well as automated interface technologyexécutant from high-levelune design stages topropre implementation design stages (e.g., high-level synthesis).locales nière asynchrone chacun tâche sur un ensemble de données
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Introduction ou globales. Les architectures MIMD se divisent en deux groupes : architectures à mémoire partagée et architectures à mémoire distribuée [38]. Dans les architectures SIMD, nous trouvons les processeurs vectoriels pipelinés et les tableaux de processeurs (Arrays). Les processeurs vectoriels exploitent la régularité des traitements sur les éléments d’un vecteur (tableau linéaire de nombres). Ce type de processeurs est couramment utilisé sur les supercalculateurs. Dans tout ce qui suit, nous nous intéresserons aux tableaux de processeurs. Ces derniers sont caractérisés par un contrôle centralisé et des données distribuées. Les processeurs d’une machine de ce type n’ont pas de séquenceur et sont juste des éléments simples de calcul appelés processeurs élémentaires (PE). Chacun possède une mémoire de données locale et reçoit ses instructions d’un unique séquenceur de sorte que tous les processeurs exécutent la même instruction de manière synchrone [38]. Comparaison SIMD/MIMD : efficacité de SIMD pour le TSS
Les systèmes MIMD peuvent exécuter des instructions différentes sur des données multiples. Ces processeurs parallèles sont alors intéressants pour l’exploitation de processus disjoints comme le parallélisme au niveau tâche. Quant aux architectures SIMD, il s’agit de processeurs parallèles permettant d’effectuer des traitements identiques sur différentes données favorisant ainsi un parallélisme de données inhérent aux applications de TSS. De point de vue intégration sur puce, les architectures MIMD sont plus coûteuses en comparaison avec les architectures SIMD. En effet dans ces architectures, il s’agit de plusieurs flots d’instructions et donc plusieurs décodeurs ce qui consomme beaucoup de puissance et de surface sur la puce. Le contrôle de l’application pose un problème majeur pour ces architectures. En effet, le temps global d’exécution d’un algorithme parallèle peut être très significativement dégradé par une mauvaise utilisation des ressources ou mauvaise répartition des charges de calcul. L’avantage des architectures SIMD tient à ce que seules les unités de calcul doivent être dupliquées. En effet, une seule unité de contrôle suffit à décoder les instructions pour tous les processeurs. Sur ce type d’architectures les instructions traitant des données parallèles sont diffusées à tous les processeurs pour être appliquées aux données réparties dans les mémoires locales de ces processeurs, telle qu’illustrée dans la figure 1.2. Ainsi, tous les processeurs effectuent d’une manière synchrone la même instruction, mais sur des données différentes. Vu leurs caractéristiques, les architectures SIMD sont plus faciles à program- Réseau d’interconnexion inter-
PE
Unité de c
ontrôle PE PE PE PE PE Mem Mem Mem Mem Mem Contrôle Données F IGURE 1.2 – Architecture SIMD
mer. Du fait du haut niveau de synchronisme, les interactions sur architectures SIMD sont faciles à mettre en œuvre et implantées de façon efficace. Le tableau 1.1 illustre trois points majeurs faisant la différence entre les systèmes SIMD et MIMD. D’après ce tableau,
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Contexte 7 TABLE 1.1 – Différences de fonctionnement des systèmes SIMD et
MIMD Opérations à un instant donné Adresses de mémoires Réception des valeurs des voisins SIMD Identiques Identiques Au même instant MIMD Différentes Différentes Indépendante
nous dé
dui
sons que les machines MIMD sont adéquates pour les algorithmes parallèles irréguliers, alors que les machines SIMD répondent efficacement aux algorithmes réguliers. Les architectures SIMD sont particulièrement populaires en traitement d’image par exemple, car elles permettent de s’approcher de la configuration spatiale de l’image. Elles présentent un bon support pour les applications data parallèles [35]. Citons par exemple les processeurs de traitement de signal (DSP) qui intègrent aujourd’hui des unités SIMD afin de répondre aux traitements numériques intensifs [35], [97]. Les processeurs généralistes sont dotés aussi d’extensions SIMD. À titre d’illustration, Intel, avec sa famille de processeurs Pentium, a ajouté un jeu d’instructions limitées de type SIMD de technologie MMX au début de 1997. Par la suite, l’arrivée des processeurs Pentium III et 4 incluait de nouvelles technologies, SSE et SSE2, avec pour but d’étendre l’utilisation de la technologie SIMD. Nous concluons que les architectures massivement parallèles de type SIMD sont les cibles d’exécution les plus adaptées et performantes pour les applications data parallèles. Elles sont destinées principalement à assurer un parallélisme de données. Visant les applications régulières de TSS, nous optons alors pour ces architectures vu leur efficacité pour ce type de traitements. Des exemples de machines SIMD incluent la Connection Machine 2 de Thinking Machines Corporation, la MP-1 de MasPar [13] ou les DAP de AMT [39] et la Zephir de Wavetracer. Déclin des machines SIMD traditionnelles
Ces machines ont connu un essor à l’époque de la Connection Machine. Elles étaient conçues comme des circuits spécialisés destinés à des applications bien précises. À la fin des années 90, on assistait à un déclin de ces architectures entièrement propriétaires du fait de la complexité technologique d’un côté et du coût de conception d’un autre côté. En effet, il était difficile de pouvoir synchroniser l’horloge sur plusieurs processeurs intégrés sur des cartes séparées. La conception de processeurs ad-hoc spécifiques pour ces machines a aussi augmenté leur coût de développement et de fabrication surtout avec l’apparition sur le marché de nouveaux processeurs standard et performants qui étaient beaucoup moins chers. Il était alors moins coûteux d’acheter des processeurs standard et de les inclure dans une machine que de concevoir un nouveau processeur spécifique vendu à petite échelle. Ces problèmes ont alors conduit à l’abandon des machines SIMD. Les progrès technologiques récents : renaissance de SIMD Cependant, l’évolution des performances des processeurs n’a cessé de croître rapidement. En effet, les avancées technologiques concernant l’intégration n’ont cessé d’évoluer en suivant la célèbre loi de Moore. On voit ainsi se profiler des circuits intégrés au milliard de transistors. Ce contexte a poussé les concepteurs à reconsidérer l’intérêt et la faisabilité des architectures parallèles sur une puce. Ajoutons de plus, le grand intérêt et efficacité que ©
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présentaient les architectures SIMD vis à vis des traitements réguliers et parallèles de données. Ainsi, des extensions SIMD, tel qu’énoncé précédemment, sont ajoutées à la plupart des nouveaux processeurs. Du fait de leur structure simple, on voit aussi apparaître des systèmes SIMD embarqués tel est l’exemple du calculateur Symphonie [26], développé par le CEA-LETI, qui fait partie du système de veille infrarouge du Rafale. Ces systèmes répondront aux besoins des applications TSI temps réel.
Contraintes de conception d’architectures parallèles sur SoC
Visant le domaine des systèmes sur puce, concevoir de tels circuits pose des contraintes en termes de développement et de coût. Les circuits matériels spécifiques sont capables de surmonter les contraintes de vitesse. Cependant, ces solutions dédiées sont sujettes à des contraintes supplémentaires. En effet, elles doivent faire face à une augmentation rapide des coûts d’accès au silicium et à des besoins de faible consommation et de robustesse. Une autre contrainte est liée à la dynamique toute particulière du marché des systèmes embarqués. Afin de rester compétitif, les constructeurs se doivent de garder les coût et temps de production extrêmement bas tout en optimisant leurs temps de mise sur le marché (TTM). Il faut alors faire appel aux nouvelles méthodologies de conception et d’intégration. 1.2 Problématique Complexité croissante des SoCs
La complexité des systèmes sur puce ne cesse de croître, d’autant plus lorsqu’il s’agit de systèmes hautes performances. Ces systèmes sont soumis à des contraintes de temps de mise sur le marché (conception, développement, vérification, validation, etc.). Il s’avère alors nécessaire de réduire leur temps de développement tout en assurant leur performance et facilité d’adaptation. En effet, offrir de nos jours un système flexible est d’une importance majeure vue que les applications multimédias récentes sont en pleine évolution et se caractérisent par la diversité des algorithmes (filtrage, corrélation, etc.) ainsi que leurs nombreux paramètres. L’exploration et la comparaison de différentes solutions algorithmiques requièrent l’utilisation d’architectures programmables et flexibles. Par le terme flexibilité, on entend l’adaptabilité du système à répondre aux différents besoins d’un domaine d’applications précis. La flexibilité est requise pour des raisons de coût de conception en permettant de modifier une architecture en fonction de l’évolution ou des caractéristiques très diverses des applications.
Compromis performance/flexibilité
La figure 1.3 [5] montre le compromis performance/flexibilité entre une architecture à usage général et une architecture complètement spécialisée. La performance est évaluée en termes de ratios d’efficacité de surface (MOPS/mm2 ), efficacité énergétique (MOPS/mW) et efficacité de poids (MOPS/Kg). Bien que les architectures spécifiques offrent de meilleures performances vis à vis d’une application donnée, elles restent des solutions dédiées limitant leur flexibilité. Leur spécificité exige aussi des méthodes de conception bien appropriées et l’utilisation des composants spécifiques tel que le recours aux accélérateurs matériels dédiés à l’exécution d’une application bien précise.
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IGURE 1.3 – Compromis performance/flexibilité SIMD spécifiques à une application
Ce contexte touche particulièrement les architectures SIMD dont la plupart sont conçues pour être spécifiques à une application particulière. À titre d’exemple, on cite l’architecture SIMD sur puce dédiée au traitement d’images et spécialisée dans la détection de contours [91] et l’architecture SIMD sur puce décrite dans [93] dédiée pour l’application d’estimation de mouvement (VBSME : Variable Block Size Motion Estimation). Ces systèmes sont aussi souvent des solutions propriétaires vu qu’ils se basent sur des composants dédiés et destinés pour une tâche bien particulière. Les tendances actuelles de conception des SoCs demandent à ce que le matériel soit de plus en plus programmable, comme une solution à la flexibilité, afin de suivre l’évolution croissante du logiciel. En effet, il faut éviter d’avoir à concevoir une nouvelle architecture aussi souvent qu’un nouvel algorithme est créé, ce qui peut arriver souvent dans un domaine aussi créatif que les multimédias (synthèse d’image, jeu vidéo, etc.). En cela, le fait d’avoir une architecture adéquate et programmable permet de s’adapter efficacement à une grande classe d’algorithmes. Nos travaux : intégration d’IP, modélisation haut niveau et validation sur FPGA
Nos travaux traitent plusieurs points clés : – Pour faire face à la complexité croissante des systèmes sur puce, de nouvelles méthodologies d’intégration se basant sur l’utilisation des composants logiciels ou matériels existants (IP) sont apparues pour assurer la flexibilité [12]. En effet, les nouveaux outils et méthodes de conception se basent de plus en plus sur la réutilisation des blocs préconçus. Pour diminuer le coût de développement d’un système sur puce, il faut aussi connaître les bons composants à intégrer (disposer d’un large catalogue d’IP) et savoir comment les intégrer de manière efficace (appliquer une méthodologie de réutilisation) [1]. Cela s’applique aussi parfaitement pour les architectures parallèles (SIMD). Ces architectures sont soumises à de fortes contraintes de performance, de coût de production et de temps de mise sur le marché. La réutilisation de blocs préconçus s’avère donc utile pour accélérer la conception de tels systèmes. Les composants IP peuvent être de trois sortes : description comportementale du composant (IP soft), description RTL synthétisable du composant avec contraintes de placement-routage (IP synthétisable) ou bloc matériel placé, routé et optimisé selon une filière technologique (IP hard) [108]. La complexité réside donc dans l’assemblage des IPs. Une évaluation et un raffinement préalable de ces composants s’avèrent nécessaires en vue d’intégration dans le système final. Citons comme exemple la conception
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Introduction des PEs qui est la plus délicate dans une architecture SIMD. Dans la perspective de réaliser une architecture massivement parallèle, la simplicité PE et de sa conception est un point fondamental [117]. – Afin de faire face aux difficultés de conception des SoCs, des techniques de modélisation et des langages communs ont été utilisés. En effet, une conception à un haut niveau d’abstraction permet d’aborder les systèmes tout en s’affranchissant, dans un premier temps, des détails qui font leur complexité. En revanche, elle doit aussi être accompagnée, dans un deuxième temps, de processus de raffinements permettant de systématiser des mises en œuvre effectives. Dans ce contexte, l’ingénierie dirigée par les modèles (IDM) est considérée aujourd’hui comme l’une des approches les plus prometteuses dans le développement des systèmes. L’IDM offre un cadre conceptuel permettant la génération automatique du code du système à partir d’une modélisation de haut niveau. On cite l’environnement GASPARD qui est un environnement de codesign orienté pour les applications de traitement de signal intensif [28]. Il se base sur l’usage de l’IDM comme méthodologie de conception en allant de la modélisation en UML jusqu’à la génération de code. – De nouvelles plateformes de prototypage et d’expérimentation sont aussi apparues afin de faciliter la validation et vérification des SoCs, à savoir les circuits reconfigurables (FPGA). En effet, une solution intermédiaire entre les processeurs généralistes et les circuits complètement dédiés s’appuie sur la technologie en plein essor des circuits logiques programmables ou PLD, et en particulier la famille FPGA. Les FPGAs telles des ardoises magiques, peuvent être reconfigurés à volonté. Ils peuvent donc être dédiés à une application de manière temporaire puis reprogrammés pour une toute autre application (flexibilité). Les FPGAs offrent de même une souplesse de conception grâce à leur facilité d’utilisation et leur facilité de programmation avec la disponibilité des outils nécessaires ; ce qui raccourcit les cycles de conception et permet d’effectuer des essais réels. L’avantage principal des circuits logiques programmables réside donc dans la rapidité de mise au point qu’ils procurent. Cela permet une mise à disposition très rapide du système embarqué. C’est pourquoi les circuits logiques reprogrammables sont souvent utilisés pour le prototypage rapide de systèmes et aux petits volumes de production. Dans notre travail, nous utiliserons alors les FPGAs comme cible de prototypage et d’expérimentation de part ses capacités, sa vitesse et sa grande flexibilité. Rappelons de plus que notre objectif est de proposer des architectures génériques et ad-hoc en fonction de l’application. Motivations de SIMD sur puce
Différents éléments de réponse par rapport aux approches et méthodologies citées plus haut ont été proposés pour les architectures multiprocesseurs sur puce. Cependant peu de travaux s’intéressent aux méthodologies de conception des architectures SIMD sur des cibles reconfigurables (FPGA). Nous ciblons les architectures SIMD sur puce pour plusieurs raisons : – les architectures SIMD sont de bon supports pour les applications de TSS (tel que précédemment montré ) ; – les architectures SIMD sont caractérisées par un nombre important de processeurs élémentaires (simples processeurs) offrant une grande capacité de calcul à un coût relativement faible ;
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1.3 Contributions 11
– les architectures SIMD présentent un modèle de programmation simple : un parallélisme reposant sur la répétition de petites unités d’exécution relativement simples à réaliser et sur un séquencement global ; – une seule copie du programme est nécessaire et donc une faible consommation mémoire ; – le parallélisme massif SIMD a une excellente efficacité énergétique sur les traitements réguliers [56, 22]. Il est alors nécessaire de faire appel aux nouvelles méthodologies pour la conception des architectures SIMD afin d’assurer une conception plus rapide et plus efficace. Concevoir rapidement une architecture SIMD flexible aura un grand impact sur les applications de TSS. Contribution
C’est dans ce cadre que se situe notre travail. Il s’agit de définir et implémenter une architecture SIMD sur puce adaptée à une large variété d’applications de traitement de signal systématique. Un environnement facilitant la conception de telles architectures en fonction des besoins s’avère alors nécessaire. Pour répondre aux exigences d’efficacité, de réutilisation et de programmation, il est nécessaire de pouvoir concevoir une architecture avec un processus facile et re-programmable tout en tenant compte d’une application donnée. Afin de maîtriser la complexité, il faut pouvoir réutiliser au mieux les composants ou les blocs de composants déjà existants, qu’ils aient été produits précédemment en interne ou qu’ils soient mis à disposition par un vendeur extérieur. La gestion du parallélisme et de la répétitivité, induite par la réplication des éléments de calcul, dans le système est aussi un point clé qu’il faut pouvoir traiter spécifiquement.
1.3 Contributions
Notre contribution touche donc le domaine de conception des architectures SIMD parallèles sur puce et consiste à proposer des solutions permettant de résoudre les problèmes évoqués précédemment. En effet, le travail réalisé se compose de quatre axes :
La définition d’un modèle pour mppSoC : générique et adaptatif
Un modèle générique et flexible pour un système mppSoC (massively parallel processing System on Chip), système SIMD massivement parallèle sur puce, a été proposé. Ce modèle a été inspiré principalement de l’architecture traditionnelle MasPar [13]. Il est flexible, paramétrique et configurable afin de s’adapter à une application donnée. Le système mppSoC est spécifié à un haut niveau d’abstraction dont différentes configurations peuvent être construites. La proposition d’une démarche de conception rapide et modulaire
Une démarche de conception par assemblage de composants a été définie. Différents composants matériels (IP) tels que processeur, mémoire, réseau d’interconnexion, etc. ont été conçus et implémentés. Afin de favoriser la réutilisation de ces IPs dans la conception de mppSoC, une bibliothèque de composants, mppSoCLib, a été mise en place. Un processus
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Introduction de raffinement/transformation des IPs a été aussi réalisé. Ce processus a pour but d’adapter l’IP utilisé aux exigences de l’architecture matérielle et des contraintes de conception.
Le développement d’un outil de génération de configurations mppSoC
Un outil de génération de configurations instances du modèle mppSoC a été développé. À partir d’une spécification à un haut niveau d’abstraction (modèle UML utilisant le profil MARTE), l’outil permet la génération automatique du code VHDL tout en s’appuyant sur la bibliothèque d’IP dédiée à mppSoC. L’outil permet à l’utilisateur de choisir une configuration SIMD répondant à ses besoins applicatifs. Il a été intégré dans l’environnement Gaspard [28]. Expérimentation sur FPGA En vue de tester et valider le modèle mppSoC ainsi que sa démarche de conception, les circuits FPGA ont été choisis comme des plateformes cibles. Un prototypage de différentes configurations mppSoC variant leurs paramètres ainsi que leurs composants intégrés a été effectué. Une mesure de performances peut se faire en se basant sur les outils de simulation et synthèse. Cette étape est d’un intérêt majeur et permet de valider les performances de la configuration mppSo définie. Si les performances de l’architecture générée sont insuffisantes alors une simple modification de la modélisation haut niveau peut se faire facilement. Suite à la quelle, l’outil développé permet alors de régénérer le code VHDL de la nouvelle architecture définie. Dans un contexte applicatif réel, le système mppSoC a été utilisé pour définir une chaîne de traitement vidéo temps réel.
1.4 Plan
Le manuscrit est organisé selon le plan suivant :
Chapitre 2 : État de l’art
Dans ce chapitre, nous présentons le contexte de nos travaux qui abordent le domaine de traitement de signal systématique. Nous présentons les motivations qui nous ont conduit à adopter les architectures SIMD pour le TSS. Nous étudions et comparons alors différentes architectures SIMD proposées. Nous décrivons de même les méthodologies de conception optées. À partir de cette étude, nous positionnons nos travaux et nous donnons les grandes lignes de nos contributions.
Chapitre 3 : Modèle mppSoC : architecture SIMD paramétrique et générique
Ce chapitre a pour but de définir le système mppSoC. Une vue globale du modèle générique de mppSoC est présentée. Nous détaillons alors ses caractéristiques, ses aspects paramétriques et ses différents composants. Cette analyse du modèle est aussi accompagnée par une justification des concepts permettant la flexibilité de mppSoC.
Chapitre 4 : Méthode de conception rapide et programmation de mppSoC
Dans ce chapitre, la démarche de conception modulaire proposée pour générer des configurations mppSoC est détaillée. À ce niveau, nous présentons les différentes approches proposées pour concevoir et implémenter une architecture SIMD sur puce se basant sur la bibliothèque d’IPs mppSoC, mppSoCLib. Enfin, un jeu d’instructions parallèle développé permettant la programmation du système mppSoC est présenté.
© 2011 Tous droits réservés. http://doc.univ-lille1.fr Thèse de Mouna Baklouti Kammoun, Lille 1, 2010 1.4 Plan 13
Chapitre 5 : Outil de conception de mppSoC : mise en œuvre et expérimentation sur FPGA
Ce chapitre décrit la mise en œuvre de l’outil de génération de configurations mppSoC : d’un modèle UML-MARTE jusqu’à la génération du code VHDL synthétisable. Ce code permet l’implémentation de mppSoC sur FPGA. Les outils de synthèse et de simulations sont alors utilisés afin de mesurer les performances d’une configuration donnée. Une étude de cas d’une application de traitement vidéo embarquée temps réel placée sur différentes configurations mppSoC est présentée. Cette étude permet non seulement de donner un aperçu sur l’outil développé mais valide aussi les différentes propositions et implémentations faites précédemment.
Chapitre 6 : Conclusion et perspectives
Nous concluons cette thèse par le bilan des travaux effectués et détaillons les contributions apportées avant d’aborder quelques perspectives à nos travaux. © 2011 Tous droits réservés. http://doc.univ-lille1.fr Thèse de Mouna Baklouti Kammoun, Lille 1, 2010
Chapitre 2 État de l’art 2.1 2.2 2.3 2.4 2.5 2.6 © 2011 Tous droits réservés. Applications de traitement de signal systématique et intensif
Architectures SIMD pour le TSS..
................
2.2.1 Modèle d’exécution SIMD.
.................
2.2.2 Motivations : efficacité de SIMD
pour le
TSS....... 2.2.
3
SIMD embarqué.............. ......... Architectures SIMD sur FPGA................... 2.3.1 Intérêt des FPGA....................... 2.3.2 Classification des architectures SIMD sur FPGA.....
Conception et prototypage des architectures SIMD....... 2.4.1 Besoin de nouvelles méthodologies d’intégration....
2.
4.2
Intégration d’IP
........................
2.4.3 Environnements de conception pour systèmes sur puce. Quelle méthodologie d’assemblage
?............... Conclusion..............................
15 17 18 18 19 20 21 22 28 29 29 31 33 35 http://doc.univ-lille1.fr Thèse de Mouna Baklouti Kammoun, Lille 1, 2010
2.1 Applications de traitement de signal systématique et intensif 15
Ce chapitre traite tous les points clés évoqués précédemment. Nous débutons par une introduction aux applications de traitement du signal systématique en mettant l’accent sur leurs spécificités en terme notamment de parallélisme de données. Cette partie a pour but de familiariser le lecteur avec le contexte d’étude de nos travaux. Les applications visées peuvent tirer profit d’exécution sur des architectures parallèles SIMD vu leur régularité. Nous étudions alors l’évolution des architectures SIMD et leurs réalisations récentes. Une attention particulière est accordée aux architectures SIMD à base de FPGA. L’FPGA est utilisé comme une plateforme cible d’expérimentation vu qu’il facilite de tester rapidement différentes configurations architecturales. Les outils de conception et réalisation des systèmes sur puce, particulièrement à architectures parallèles, sont après introduits. Nous mettons l’accent sur les environnements à base de réutilisation de composants. Nous verrons alors que la conception à base d’IP permet de répondre à certains défis de conception de SoC. Mais, nous constaterons que peu de travaux sont en liaison avec les architectures SIMD permettant la génération rapide et facile de telles architectures qui soient flexibles et pouvant s’adapter à une application donnée. Une analyse de cet état de l’art montre les limites et les problématiques rencontrés dans la conception des architectures SIMD sur puce. Au terme de ce chapitre, nous serons alors en mesure d’introduire notre système mppSoC et nous mettrons en exergue les grandes lignes de nos contributions. 2.1 Applications de traitement de signal systématique et intensif
Le traitement du signal (TS) est la discipline qui développe et étudie les techniques de traitement, d’analyse et d’interprétation des signaux. Un signal peut être défini comme étant la représentation physique d’une information à transmettre. Parmi les types d’opérations possibles sur ces signaux, on peut dénoter le contrôle, le filtrage, la compression de données, la transmission de données, la déconvolution, la prédiction, l’identification, etc 1. La partie du TS qui nous intéresse est sa partie la plus intensive et la plus gourmande en
calcul
, dénotée
TSI
dans la
figure 2.1.
Une
application
est dite intensive si elle
op
ère sur une grande masse
de données
, et s’il faut fortement l’optimiser pour obtenir la puissance de calcul requise et répondre aux contraintes d
’
exécution
du s
ystème
[15].
Le traitement de signal intensif (figure 2.1) se compose d’une phase de Traitement de Signal Systématique (TSS) suivie d’une phase de Traitement de Données Intensif (TDI). Le TSS correspond à la première phase de traitement des signaux et consiste en l’application de traitements très réguliers (indépendants de la valeur des données) appliqués systématiquement aux signaux d’entrée pour en extraire les caractéristiques intéressantes. Celles-ci sont ensuite traitées par des calculs plus irréguliers (dépendants de la valeur de ces grandeurs) dans la phase de TDI. Le TDI consiste le plus souvent à extraire les informations pertinentes d’un ensemble important de données. Les applications de TSI sont largement utilisées dans des domaines variés allant de l’automobile aux communications sans fils, en passant par les applications multimédias et les télécommunications : filtrages (FIR, LMS...), transformations (DCT, FFT...), codage d’erreurs (Turbo code, viterbi...), compression et décompression d’image et de flux vidéo (JPEG, MPEG), etc. Ces applications sont rencontrées souvent dans les SoC et sont caractérisées par leur grande puissance de calcul ce qui nécessite la parallélisation des traitements.
1. http ://fr.wikipedia.org/wiki/Traitement_du_signal © 2011 Tous droits réservés. http://doc.univ-lille1.fr Thèse de Mouna Baklouti Kammoun, Lille 1, 2010 16
État
de l’
art
TS
TSI
TSS TDI : Traitement de Signal : Traitement de Signal Intensif : Traitement de Signal Systématique : Traitement de Données Intensif F IGURE
2.1 – Composition du TSI Exemple d’applications
Quelques exemples représentatifs des applications de TSI composées d’une phase de TSS et une phase de TDI sont illustrés ci dessous : – Traitement sonar : un système de détection sous marine se base sur une première étape de traitement systématique (constituée d’une FFT qui ajoute une dimension fréquentielle aux données traitées) sur les données produites par les hydrophones (microphones répartis autour du sous-marin). Cette première phase produit des données représentant les échos captés. Ces échos sont ensuite analysés par un traitement de données : la poursuite. Ce traitement est dédié à la détection d’objets et à leur poursuite au cours du temps. – Récepteur de radio numérique : cette application en émergence fait appel à une partie frontale de TSS consistant à la numérisation de la bande de réception, la sélection du canal et l’application de filtres permettant d’éviter les parasites. Les données fournies par traitements systématiques sont ensuite envoyées dans le décodeur dont le traitement est plus irrégulier (synchronisation, démodulation, etc.). – Convertisseur 16/9-4/3 : Souvent devant notre télévision et en utilisant une télécommande on peut passer d’un format à un autre avec une certaine facilité. En pratique, ce processus se décompose en deux étapes [69]. La première consiste à créer des pixels à partir du signal vidéo au format 16/9 via une interpolation, il en résulte un nouveau signal vidéo. La seconde étape supprime certains pixels de ce signal de manière à ne conserver qu’une partie de l’information, cela permet le passage au format 4/3. Cette application ne considère à aucun moment la valeur des pixels, il s’agit donc de traitement de signal systématique. – Radar anti-collisions : la prévention des collisions dans un système se fait par le biais d’une antenne qui renvoie un signal sous la forme d’un flux de données contenant des informations relatives à la présence d’obstacles, un écho. Ces informations seront filtrées dans une phase de traitement systématique de manière à en faire ressortir les caractéristiques intéressantes (la présence d’obstacles). Cette phase est suivie d’une analyse irrégulière de ce nouveau flux de données de manière à valider la présence d’un obstacle, à déclencher un freinage d’urgence ou à le poursuivre si nécessaire [61]. Cette application est illustrée à la figure 2.2.
Caractéristiques du TSS
Notre travail se concentre particulièrement sur les applications de traitement de signal systématique et intensif qui jouent un rôle crucial dans le domaine des multimédias et traitement d’images et de la vidéo. Telle qu’illustré par les exemples précédents, une application est dite systématique si son traitement consiste principalement en des calculs réguliers
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ollision et
indépendants, appliqués systématiquement sur des données en entrée pour fournir des résultats. Le TSS offre diverses caractéristiques intéressantes du point de vue des données et des calculs : l’organisation des données en tableaux, le changement de la taille des tableaux au fil des calculs et l’évolution possible du nombre de leur dimension. La régularité de ces traitements fait que l’ensemble des calculs effectués sur les données sont indépendants de leurs valeurs. Ces calculs ne sont généralement pas différents d’une application à une autre (composés majoritairement de produits scalaires, transformés de Fourier (FFT), etc.). Ces caractéristiques de TSS démontrent que l’interaction des calculs avec les données est plus importante que la nature des calculs eux-mêmes. L’exécution de ces applications fait souvent appel à des techniques parallèles et distribuées et l’utilisation de circuits spécialisés. La majorité de ces applications exigent un traitement en temps réel et sont souvent embarquées. Des contraintes drastiques de consommation et de surface s’ajoutent alors aux contraintes de temps. Les difficultés de développement des applications de TSS sont principalement l’exploitation du parallélisme de données et le respect des contraintes de temps et des ressources d’exécution. La complexité croissante des algorithmes implémentés, et l’augmentation continue des volumes de données et des débits applicatifs, requièrent souvent la conception d’architectures dédiées [20]. Il est alors nécessaire de trouver des architectures efficaces offrant les performances suffisantes pour l’exécution de telles applications. Dans ce cadre et afin de profiter de ce parallélisme, il est logique de penser à l’utilisation des systèmes parallèles sur puce. Parmi les quels on trouve ceux à architecture SIMD qui sont bien adaptés aux applications de TSS. La section suivante introduit les architectures SIMD, leurs spécificités et met l’accent sur leur évolution.
2.2 Architectures SIMD pour le TSS
Les architectures SIMD ont toujours constitué un centre d’intérêt important pour les applications de TSI exploitant un parallélisme de données inhérent à ces applications. En particulier, la majorité des applications de TSS manipulent des ensembles de données (typiquement vecteurs, matrices, etc.) en répétant la même opération sur chaque donnée. Ceci fait que le parallélisme SIMD est efficace offrant les performances suffisantes pour exécuter ce type d’applications. Dans une première partie, nous définissons le modèle d’exécution SIMD. Dans une deuxième partie, nous détaillons ses spécificités en tant qu’architectures adaptées au TSS et nous survolons ses apports par rapport à ce domaine applicatif.
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2.2.1 État de l’art Modèle d’exécution SIMD
Le modèle d’exécution SIMD se base sur un parallélisme de données. Ce type de parallélisme est bien adapté dans notre cas puisque nous avons besoin d’effectuer une même opération sur toutes les données ou bien sur un ensemble de données. Les propriétés de régularité des applications de TSS, tant au niveau des traitements que de l’accès aux données, ont motivé l’utilisation de ce parallélisme de type régulier. Ce modèle permet alors d’exprimer efficacement et correctement les applications ciblées. En terme de programmation, le contrôle est séquentiel alors que l’accès aux données s’effectue en parallèle. Partant d’un seul programme data parallèle contenant à la fois instructions séquentielles et parallèles, l’ordre d’exécution est piloté par une unité de contrôle unique. Cette unité exécute toute instruction séquentielle et de contrôle et envoie les instructions parallèles à un ensemble de processeurs élémentaires (PE) indépendamment des données locales. Celles-ci résident dans la mémoire locale de chaque PE. Du fait du comportement synchrone de l’architecture SIMD, les PEs exécutent la même instruction au même instant sur des données différentes. Ils sont en effet guidés par le processeur de contrôle et n’ont aucune autonomie individuelle. Parmi les instructions exécutées, on trouve des instructions de communication. Les communications au sein d’une architecture SIMD s’effectuent d’une manière synchrone. Elles peuvent être soit des communications de voisinage soit des communications point à point assurant un transfert de données parallèle. Ce modèle se base aussi sur un système de contrôle de l’activité (masquage) qui permet de désigner les PEs qui participent à l’exécution de l’instruction courante et désactiver les autres.
2.2.2 Motivations : efficacité de SIMD pour le TSS
D’après le paragraphe précédent, nous avons montré que le modèle d’exécution SIMD assure un parallélisme de données bien adapté aux applications de TSS. Dans le cas des applications de traitement vidéo par exemple (réduction de bruit, etc.), la plupart des opérations sont exactement les mêmes pour toutes les données, et donc profitent efficacement des architectures SIMD. Le fait d’avoir des flots séparés pour traiter les données reste une solution efficace pour le calcul rapide sur un grand nombre de données. L’aspect synchrone d’une architecture SIMD facilite beaucoup la programmation parallèle. En effet, pour le programmeur, tout se passe comme si son programme s’exécutait sur une architecture séquentielle classique, à la seule différence que les instructions parallèles exécutent une même opération sur des données multiples au lieu d’une opération simple. L’unicité du code à écrire simplifie encore la programmation. En plus de son modèle de programmation, le modèle d’architecture SIMD offre plusieurs avantages. En effet, une architecture SIMD est simple à concevoir. Une seule copie du programme est nécessaire avec un décodage d’instructions simple. Ceci minimise les coûts vu qu’on duplique uniquement les unités d’exécution sans dupliquer l’unité de contrôle (qui demande beaucoup plus de ressources). En effet, la distribution du contrôle entraîne un sur-coût matériel et logiciel qui peut être pénalisant. Les architectures SIMD peuvent traiter un très grand nombre de données dans un même cycle. Elles allient alors la simplicité à l’efficacité. Un autre critère très important est la synchronisation naturelle des processeurs lors des communications ; il n’y a donc pas de problèmes de synchronisation inter-processeur par définition. Pour ce type d’architecture, le parallélisme est souvent obtenu en appliquant directement les traitements sur la structure. Ainsi, les opérations matricielles se mettent en œuvre
© 2011 Tous droits réservés. http://doc.univ-lille1.fr Thèse de Mouna Baklouti Kammoun, Lille 1, 2010 2.2 Architectures SIMD pour le TSS 19
aisément sur des architectures SIMD en matrice 2D de processeurs. Nous notons différents réseaux SIMD bidimensionnels à base de processeurs bit série tels que Goodyear’s MPP [94], GAPP [74], DAP [39], etc. Pour les architectures SIMD à structure linéaire, les données seront ées linéairement tel est l’exemple de CLIP7 [40], SLAP [37], SYMPATI [10], PRINCETON [100], etc. De point de vue consommation de puissance, les processeurs SIMD s’avèrent économiques. Ils présentent une consommation de puissance réduite et une excellente efficacité énergétique sur les traitements réguliers [34]. Un parallélisme de données exploité sur une architecture SIMD permet de réduire la consommation de puissance tout en réduisant la charge de recherche et décodage des instructions [89]. Dans [87], les auteurs montrent que l’utilisation des instructions SIMD permet de diminuer la puissance dissipée sur un certain nombre de benchmarks représentatifs du traitement d’images. La localité permet de même de réduire la consommation [36]. En effet, plus les unités communicantes (tel est l’exemple du PE et sa mémoire de données) sont proches sur la puce, plus la consommation liée aux transferts de données est réduite de façon drastique. Il est clair alors que les architectures SIMD présentent de bon candidats pour implémenter efficacement les applications de TSS. Ces applications sont de nos jours de plus en plus embarquées (traitement multimédia, capteurs intelligents, cryptologie, etc.) introduisant des contraintes de consommation, d’encombrement et de temps réel. Elles exigent alors des systèmes embarqués ou SoC, d’ou la nécessité des systèmes SIMD sur puce. 2.2.3 SIMD embarqué
La grande majorité des architectures SIMD s’est heurtée vers la fin des années 90 à un problème de coût matériel. En effet, ces architectures s’étaient basées sur des processeurs spécifiques, et n’avaient pas profité de l’évolution des processeurs du commerce (Mips, Alpha, Pentium, etc.). Elles étaient alors dépassées en performances par des composants standard. Plus spécifiquement, les machines SIMD les plus anciennes ont été des machines complètement câblées telle que CM2 [27] et beaucoup de processeurs avaient des fonctionnalités limitées. D’autres machines SIMD de taille importante étaient coûteuses en terme de construction et temps de conception. Cet obstacle est à présent en partie levé grâce aux possibilités d’intégration offertes par les technologies actuelles. De plus, le coût de fabrication d’un système utilisant des microprocesseurs standard du commerce revient moins cher qu’un système bâti autour de quelques processeurs spécifiques puissants. Un autre problème est la limite de l’augmentation de la fréquence de fonctionnement vu qu’il était difficile de diffuser de manière synchrone les instructions à tous les processeurs se trouvant sur des cartes séparées. Avec l’évolution récente des technologies d’intégration et l’utilisation des circuits programmables ainsi qu’au besoin ressenti par l’industrie du jeu vidéo, de nouveaux processeurs SIMD sont apparus. Dans ce cadre, une attention particulière doit être aussi accordée aux approches SIMD avec les coprocesseurs graphiques GPU. En effet, les cartes graphiques présentent de nos jours un grand intérêt pour le monde du calcul haute performance et il est bon de procéder à une petite description de leurs fonctionnements. Les accélérateurs graphiques présents aujourd’hui sont capables en plus des traitements graphiques d’effectuer des calculs scientifiques. Par exemple, les circuits graphiques de la société NVidia ont évolué vers une architecture massivement parallèle en considérant plusieurs unités de calcul SIMD. Aujourd’hui, un circuit Geforce 8 GTX [66] permet d’exécuter 12288 threads pour
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État de l’art multiprocesseurs fonctionnant à une fréquence de 1.5 GHz. Toutefois, la taille et la consommation du circuit sont assez rédhibitoires pour une utilisation embarquée puisque le circuit comporte au minimum 681 millions de transistors sur 470 mm2 pour une consommation de l’ordre de 150 W. D’autres circuits sont aussi développés à savoir le Larrabee [96] fabriqué par Intel qui sert pour le calcul de rendu 3D et du calcul haute performance. Un autre circuit fabriqué par la société Tilera [109] est composé de 64 processeurs VLIW associés via un réseau sur puce et composé de quatre contrôleurs mémoires. Chacun des cœurs est en mesure de faire fonctionner un noyau Linux ce qui peut paraître assez lourd dans le cadre de notre problématique des architectures flots de données pour le TSS. Ajourd’hui, nous voyons aussi la commercialisation de plus en plus de DSP destinés pour les applications de TS. La plupart de ces DSP présentent une architecture SIMD à savoir Ardbeg de ARM [110], MuSIC de Infineon [90] et Sandblaster de Sandbridge [101]. Ces architectures massivement parallèles ont été pleinement influencées par les progrès technologiques récents des circuits intégrés. L’augmentation de la capacité d’intégration des transistors rendent le placement d’une grille SIMD complète sur une unique puce envisageable. La fréquence de fonctionnement de ces architectures dépend fortement de leur intégration, c’est-à-dire de la proximité physique des processeurs. On voit alors facilement l’avantage qu’on pourrait tirer en les intégrant sur un seul circuit intégré. La diffusion synchrone d’instructions à plusieurs processeurs intégrés sur une seule puce est plus aisée dans ce contexte. Le secteur de l’embarqué reprend souvent sur une même puce les architectures hautes performances que l’on pouvait trouver il y a quelques années sur de gros calculateurs et l’on peut raisonnablement se dire que ce transfert de technologie deviendra de plus en plus courant. D’ailleurs de nos jours, plusieurs architectures SIMD sur puce sont apparues. C’est la raison pour laquelle nous avons envisagé la création d’un système SIMD massivement parallèle dédié aux applications de TSS qu’il nous est possible d’intégrer au sein du même circuit. Ce système sur puce doit répondre aux besoins applicatifs et à des critères de consommation d’énergie, de performance ou de surface. Notre travail s’intéresse particulièrement aux systèmes SIMD sur des circuits à architectures programmables à savoir les FPGAs. L’intérêt suscité par les FPGA est essentiellement motivé par leur grande flexibilité (grâce à leur reprogrammabilité), la facilit qu’ils présentent dans la mise en œuvre des applications, etc. La section suivante justifie ce choix et survole des exemples de systèmes SIMD sur FPGA. 2.3 Architectures SIMD sur FPGA
Le développement des technologies micro-électroniques a relancé l’intérêt pour certains concepts qui, il y a encore quelques années, trouvaient des difficultés pour leur concrétisation réaliste. Cette évolution croissante des circuits intégrés a favorisé alors la renaissance des systèmes SIMD sur puce. Parmi les technologies en plein essor, nous trouvons les circuits programmables en particulier la famille FPGA. L’intérêt des FPGA est détaillé dans le paragraphe suivant. Une classification des architectures SIMD sur FPGA sera après présentée.
© 2011 Tous droits réservés. http://doc.univ-lille1.fr Thèse de Mouna Baklouti Kammoun, Lille 1, 2010 2.3 Architectures SIMD sur FPGA 2.3.1 21 Intérêt des
FPGA
Deux principales cibles de conception sont offertes aux concepteurs : les circuits spécifiques ASICs et les circuits matriciels programmables FPGAs. Un ASIC est un circuit dédié exclusivement à un type d’application où tout est figé. La possibilité d’effectuer des modifications ou d’améliorer certaines fonctionnalités ne peut se faire que par la conception d’un nouvel ASIC. Ceci a un coût en terme de temps de conception, de complexité et d’argent. Mais en contre partie, ces circuits offrent les meilleures performances temporelles et de consommation.
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Etant étroitement liée au discours, comme nous l'avons mentionné, elle est présente dans toutes les formes de communication et d'échange dont le fonctionnement et les conduites sont liés à des processus de 214 rétroaction, de collaboration, de coopération entre les acteurs participants à la communication. Toutefois, dans les écrits traditionnels, l'interactivité n'était pas clairement perceptible ou, autrement dit, non explicite. C'est un phénomène qui passe souvent inaperçu dans la mesure où il est exprimé implicitement. L'objectif était souvent informationnel servant à divulguer un message. Les procédés utilisés pour faire interagir le récepteur n'étaient pas bien diversifiés comme c'est le cas avec les nouvelles formes de communication électronique. Auparavant, on utilisait principalement le texte verbal pour convaincre et interpeller l'autre à interagir. Il s'agit de bien travailler le texte stylistiquement afin de réussir à transmettre un message convaincant et performant. C'est la cohérence discursive qui aboutisse au processus de l'interactivité. Nous citons ainsi Mohamed Bouattour qui a souligné, dans son livre « Interaction et argumentation dans les Fables de la Fontaine » (2007), que 'argumentation', 'interaction' et 'cohérence', notions qu'il a largement développées dans cette référence, sont des phénomènes complémentaires et liés. Il dit à ce propos : « Il est évident que la cohérence s'investit de tout ce qui contribue à la logique du discours, et que l'argumentation comme l'interaction obéissent à la charge de la cohérence dans toutes ses acceptions : thématique, sémantique et discursive. » (p.8). Partant d'une étude des 'Fables', il souligne que, dans un texte traditionnel, la cohérence discursive est au service de l'interactivité. Il ajoute, dans la même perspective : « () le discours est la réalisation en surface d'un certain nombre d'activités langagières et d'opérations linguistiques, et qu'il institue sa cohérence par la mise en relation de plusieurs éléments à la fois, dont le consentement et l'adhésion de l'interlocuteur. » (ibid. p.6). Nous déduisons donc que les interlocuteurs interagissent facilement à un énoncé cohérent. Néanmoins, dans les écrits traditionnels, nous ne relevons pas une variété et une multiplicité de procédés d'écriture. La performance et la valeur d'un texte étaient plutôt recherchées dans sa bonne forme et son style d'écriture. Ce qui comptait le plus, dans ces textes, c'est le travail et la richesse du texte sur le plan stylistique. Pour mettre en valeur une thématique bien déterminée, ce qui l'emporte dans un écrit traditionnel, c'est la mise en texte du lexique qui la décrive. Ainsi, afin de mettre en exergue la dimension émotionnelle d'un texte, par exemple, il faut que ce dernier soit traversé par le vocabulaire relatif aux émotions et aux sentiments. C'est à travers le lexique et les expressions appropriés à ce domaine, offrant au texte une coloration émotionnelle, qu'on invite le lecteur à interpréter et à interagir. Une bonne mise en forme lexicale, stylistique, énonciative, textuelle est incontournable dans les textes traditionnels. L'interaction entre le lecteur et le texte ou le lecteur et l'émetteur du message est effectuée par l'intermédiaire des procédés textuels verbaux comme la métaphore, la comparaison ainsi que d'autres divers procédés. C'est donc le langage qui joue le rôle d'une intermédiaire qui garantisse l'établissement de relations interactives entre les différents acteurs de la communication. Dans un tel contexte, l'aspect interactif servant à argumenter voire même persuader est véhiculé fondamentalement par le verbal. S'adresser au pathos de quelqu'un implique un soin de la langue, une rhétorique émotionnelle qui vise à toucher les sentiments du lecteur. C'est pour cette raison que l'aspect interactif des écrits classiques émane d'un bon usage de la langue et de sa mise en discours. Nous y constatons le recours de l'énonciateur à des procédés stylistiques expressifs illustrant sa focalisation sur le bon usage et la bonne mise en texte du lexique en question, en l'occurrence le lexique des sentiments et des émotions. Ces catégories affectives sont verbalisées notamment par le langage. Divers moyens linguistiques sont mis en oeuvre à isée argumentative. Nous soulignons, entre autres, l'emploi d'un vocabulaire partagé entre la communauté langagière afin qu'il soit compris et facilement interprété. Les subjectivèmes, offrant au texte sa dimension émotionnelle, sont aussi des unités linguistiques qui permettent de mesurer le degré d'implication du locuteur dans son propre propos et par ailleurs les réactions émotives de son interlocuteur. L'emploi des pronoms personnels de la première et de la deuxième personne est également révélateur de l'aspect interactif de ces textes. Sur l'axe syntagmatique, les éléments de la phrase se combinent pour produire le sens. Leur présence en elle-même est révélatrice de la visée argumentative du locuteur et participe, de ce fait, à la dimension interactive de tout le texte. L'organisation et la clarté du discours ainsi produit permettent au récepteur de bien s'imprégner du discours qu'on lui fournit. L'objectif du locuteur est l'adhésion de son auditoire ou son lecteur. Cette adhésion est assumée à l'aide d'arguments solides servant à toucher le côté affectif de l'interlocuteur et à inspirer sa confiance et sa conviction. L'interactivité entre les différents interlocuteurs est véhiculée par un ensemble d'éléments textuels verbaux pertinents. L'échange était nécessairement verbal. Si nous récapitulons, nous constatons donc que, dans les écrits traditionnels, la dimension émotionnelle est traduite notamment par des procédés langagiers performants. La puissance de ces procédés linguistiques témoigne d'un travail de la langue et de sa mise en texte. Le locuteur use du langage afin d'agir sur son interlocuteur et l'inviter à interagir. C'est par un bon usage de la langue et du lexique 216 relatif au domaine des émotions et des sentiments ainsi qu'une cohérence discursive que l'aspect interactif de ces textes est véhiculé. Dans les écrits traditionnels, nous ne relevons pas une multiplicité et une variété de procédés linguistiques et extralinguistiques comme c'est le cas dans les nouveaux écrits électroniques où l'interactivité est véhiculée par le mariage entre divers procédés verbaux et non verbaux. L'aspect interactif de ces nouveaux types d'écrit est devenu un phénomène complexe dans la mesure où il est influencé par le style d'écriture et les contraintes qui conditionnent ce type d'écrit.
2. Interactivité / Interaction entre utilisateurs de la CMO (nouveau type d'écrit : nouvelle forme d'interactivité)
Avec les technologies numériques, il est devenu possible de réaliser des dispositifs pouvant traiter une multitude 'énoncés dans divers formats sur des supports aux formes variées tout en prenant en compte l'activité de l'utilisateur dans le traitement des énoncés. La variété d'énoncés, de systèmes et de compétences d'usage sont autant de facteurs qui vont modifier les modes d'action et de représentations en déplaçant les frontières et le cadre de l'illusion. L'interactivité est une notion sous-jacente à l'action de l'utilisateur actif sur les réseaux sociaux. Cette notion ne lui est pas exclusive. Elle a accompagné le développement du domaine des technologies de l'information et les pratiques discursives qui s'en emparent. C'est son application dans le domaine de la CMO qui l'a propulsée à l'avant scène et qui en a révélé la richesse, mais aussi la multidimensionnalité et la relative complexité. L'interactivité constitue, en fait, un dispositif structurel, conceptuel et technique qui offre aux utilisateurs des nouvelles technologies d'information et de communication un espace libre d'échange et d'interaction. Ces utilisateurs peuvent générer librement un océan d'informations qu'ils partagent avec les autres utilisateurs de la toile d'araignée. Ils sont constamment appelés à faire des choix afin d'investir intellectuellement dans ces espaces informatifs caractérisés par la non-linéarité et la discontinuité. Nous remarquons que l'évolution des médias électroniques ne cesse d'acquérir une capacité interactive de plus en plus intense et problématique. L'interactivité, par l'intermédiaire des discours et des représentations qui lui sont associées, va pénétrer dans l'espace social à travers différents dispositifs techniques. Elle joue ainsi le rôle de catalyseur au service des discours de promotion des nouvelles technologies. Elle se présente comme le symbole d'un nouveau type de communication à interface technique et virtuelle. C'est d'ailleurs dans l'interactivité que réside le caractère révolutionnaire des nouveaux médias. Ce phénomène leur offre de plus en plus d'autonomie, et les délivre de leur simple fonction-outil, jusqu'à les amener à un rôle de partenaire de l'utilisateur humain, avec qui un véritable dialogue est instauré. Et c'est ce qui a expliqué, en fait, notre choix de ce type de formes de communication remettant en cause le fonctionnement et la nature des relations interhumaines et le rapport homme-machine (Bernard Lamizet et Ahmed Silem, 1997). L'interaction entre l'homme et la machine a été entendue dans un registre communicationnel, notamment verbal. Cette interaction, que la machine semble vouée à simuler, trouve son aboutissement dans le dialogue et les discussions entre utilisateurs. L'interactivité vient, par ailleurs, s'installer dans des fs permettant habituellement l'échange d'informations entre usagers, établissant ainsi une communication entre interlocuteurs humains et machines qui s'est développée, par la suite, pour devenir un échange entre interlocuteurs humains tissant un réseau de relations interhumaines. Elle est ainsi considérée comme le produit d'un réseau de média qui stimule des relations homme-machine, mais également des relations interhumaines via la machine. En effet, la caractéristique interactive des forums de discussion, des blogs, des pages de discussion sur Facebook et de la plateforme de microblogging Twitter, s'est propagée, par abus de langage, à la relation via la machine entre l'utilisateur et son correspondant à distance. C'est, en fait, cette caractéristique constante dans notre corpus, qui a attiré notre attention et qui nous a incitée à mettre en oeuvre ce nouvel aspect interactif des nouvelles pratiques discursives étudiées qualifiant le lien communicationnel qui unit plusieurs utilisateurs d'un même service. Dans les écrits électroniques, en l'occurrence dans notre corpus, le phénomène de l'interactivité a largement changé par rapport aux écrits traditionnels. Dans le contexte numérique, il est puissamment influencé par les conditions de la production d'un tel discours et le style d'écriture ainsi utilisé. A la différence des travaux précédents, peu nombreux, qui l'ont réduit à un processus technique et à la relation homme-machine à visée informative, dans notre travail, nous avons constaté la présence d'une double interactivité dans les espaces de CMO ; une interactivité entre les différentes formes de communication choisies traduite notamment par le phénomène de l'hypertextualité, mais également une interactivité plus importante et plus riche entre les usagers de ces formes d'échange et qui constitue la raison d'existence des ces pratiques discursives. C'est, en fait, le second type d'interactivité ou d'interaction interhumaine 218 qui est le plus complexe et le plus multidimensionnel dans la mesure où il nous met face à une interactivité presque totalement différente de celle que nous connaissons avec les sources d'information et les écrits traditionnels et à laquelle participe une variété de facteurs et d'éléments hétérogènes. En effet, la dimension émotionnelle de ces nouveaux types d'écrit, qui a constitué l'objet central de notre étude, était à l'origine de la naissance de divers procédés d'écriture résultant de la spontanéité et de l'immédiateté des ces espaces de communication. L'étude de notre corpus a montr l'émergence de multiples nouvelles formes écrites propres à la CMO. Le caractère émotionnel était traduit notamment par des formes non-verbales variées. Ces différentes constructions émergentes résultent principalement de la dynamique et du dépassement des frontières entre écrit et oral, comme nous l'avons révélé tout au long de ce travail. Ce changement d'écriture constitue, alors, l'un des facteurs qui ont largement influencé d'autres phénomènes inhérents au discours et récurrents dans ces espaces de communication virtuelle en l'occurrence le phénomène d'interactivité. Ainsi, profitant de cette dynamique et de ce bouleversement d'écriture devenue 'atypique' (Anis, J. 2004), l'interactivité est devenue une sorte de compensation et une valeur à investissement imaginaire considérable. Chacun cherchera à combler intuitivement le vide sémantique en lui substituant un sens imaginaire, voire symbolique, dans un espace de projection idéal d'une créativité technologique, comme si l'interactivité devenait tout à coup un refuge et un moyen capable de déplacer la rigidité technique vers l'interaction, susceptible d'embrasser toutes les fluctuations des relations humaines, pour réussir à s'imposer comme outil de médiation, symbole d'une communion prometteuse entre la sphère technologique et la sphère sociale. Dans ces nouveaux espaces d'échanges, la communication constitue une activité qui organise la réalité invitant les autres à agir et interagir. Toute lecture scripturale, visuelle, audiovisuelle engage une participation émotive, sensorielle et intellectuelle chez le spectateur. Elle l'invite à partager et à interagir avec les autres participants établissant ainsi un réseau relationnel dynamique et productif. Dans un tel contexte, l'interactivité est devenue un élément fonctionnel et constructif participant à la reconstruction de la communication et par la suite à la reconstruction du message et de son sens. Nous constatons qu'elle fait partie intégrante du message et de sa diffusion. Elle constitue une composante indissociable du message. Les utilisateurs sont appelés à utiliser et décoder les différentes données qui ont été mises à leur disposition par les 219 auteurs afin de construire le sens. Que la communication soit synchrone ou asynchrone, un réseau de relations s'établit entre les différents utilisateurs. Cette interactivité relationnelle est par ailleurs le catalyseur de ces espaces de communication qui en garantit la réussite et la richesse. D'ailleurs, à la différence des écrits traditionnels où l'interactivité est traduite uniquement par le verbal, dans les écrits électroniques, nous relevons une variété et une multiplicité de procédés reflétant l'aspect interacti de ces espaces d'échange. Les manifestations de l'interactivité apparaissent sous diverses formes et modalités. Nous pouvons ainsi dire que toute technologie utilisée pour échanger des informations sous forme d'images, de graphiques, de données, de son est un média interactif. Lors de l'analyse de notre corpus, nous avons pu relever une variété de procédés d'écriture linguistiques et extralinguistiques servant à traduire les émotions et les sentiments des utilisateurs. Ces différents procédés révèlent la dynamique des écrits en question et en témoigne l'aspect très interactif. En fait, nous savons que le recours aux émotions était, depuis longtemps, l'un des procédés remarquables dans les textes argumentatifs dans la mesure où l'affectivité en général est considérée comme étant le chemin le plus court et le plus efficace pour convaincre voire même persuader. C'est, en fait, cette dimension émotionnelle présente dans les textes traditionnels et généralement dans tout type de discours, qui leur offre un aspect interactif. L'interactivité, dans ces cas, fonctionne en parallèle avec la dimension émotionnelle. C'est pour cette raison qu'elle constitue une constante dans notre contexte numérique où les discours sont fortement marqués par la présence d'éléments émotionnels. Ces derniers interpellent les utilisateurs à interagir et à établir des relations entre eux. Dans ce cadre virtuel, les discours ainsi produits sont puissamment connus par leur aspect interactif expliqué par la forte présence des émotions, dimension sur laquelle nous avons focalisé notre attention tout au long de cette étude. Cette interactivité résulte également de l'aspect social et de l'accessibilité de ces écrits à un grand public diversifié, d'où elle s'apparente à une collaboration plus ou moins réussie sur des activités, des communications, des interactions, des pratiques, des événements qui se croisent. Divers facteurs entrent ainsi dans la construction du phénomène d'interactivité propre aux écrits électroniques. Nous avons souligné, pour ne citer que les principaux facteurs, la dimension émotionnelle qui traverse constamment ces écrits, l'aspect social et l'accessibilité des médias ainsi utilisés, la spontanéité et l'immédiateté des pratiques discursives qui s'en emparent et notamment le style d'écriture qui émerge dans ces écrits et qui résulte à son tour des cteurs ainsi cités. Ce 220 sont ces différents facteurs qui ont fait de l'interactivité un phénomène largement différent de celui que nous confrontons avec les écrits et les sources d'informations traditionnels. Dans ce contexte virtuel, l'interactivité vise à établir un réseau de relations interhumaines semblable à celles de la réalité. Ces espaces virtuels entrainent l'intégration d'une certaine humanité, une présence émotionnelle et affective, la création d'une sensation de proximité et de familiarité à la fois entre les sites de connexion et les utilisateurs. Ils peuvent, de façon efficace, développer une proximité relationnelle intime. Avec le développement du numérique, l'individu acquiert le privilège de réorganiser la société à sa guise en choisissant avec qui il se connecte, en composant son carnet d'adresses, en se ralliant à un groupe ou en constituant autour de lui un micro réseau. Nous constatons qu'il y a une recherche d'interactions chez les usagers dans le but de pallier leur absence physique. Dans ces espaces de libre expression, ils passent d'une interactivité langagière à traves le langage à une interaction sociale permettant des liens sociaux entre un grand public diversifié. Cette interactivité est le fruit du couplage étroit entre action et réaction. La dynamique de ces réseaux sociaux a fait de l'interactivité un phénomène non-négligeable et qui mérite de s'y attarder. D'un phénomène sous-jacent et quasiment non-perceptible dans les écrits traditionnels, l'interactivité est devenue un processus plus développé et plus complexe et qui ne mérite pas moins d'attention que d'autres phénomènes caractéristiques des écrits électroniques. S'il était, auparavant, véhiculé par le texte, il est traduit, dans le contexte numérique, à la fois par le verbal ainsi que d'autres procédés non-langagiers. Ces espaces interactifs ont révolutionné les techniques d'écriture, combinant les langages des mots visuels et sonores et les images animées. Divers procédés verbaux et nonverbaux invitent les internautes à interagir entre eux. Nous pouvons ainsi relever des procédés scripturaux, des procédés graphiques (image, icône, photo, etc.) des procédés audiovisuels, etc. Tous ces procédés facilitent les interactions entre un grand nombre d'utilisateurs, dans la mesure où ils simplifient souvent le message qui sera réduit à une image, à une forme iconique, à un son, etc. A la différence des textes classiques où le récepteur est censé chercher l'intention et le message de son émetteur dans la totalité du texte, dans le contexte numérique, le message peut être traduit tout simplement par un simple signe, un procédé graphique ou sonore souvent indépendamment du contenu verbal. Ce qui facilite l'accès à l'information et la non-ambiguïté de son interprétation. Le co-énonciateur ne trouve pas des difficultés au niveau de l'identification de l'intention de son énonciateur avec qui il va interagir voire établir des relations intimes. 221 Dans les différentes formes de communication sur lesquelles nous nous sommes appuyée, nous avons vu le recours à des procédés partagés par toute la communauté pratiquant ces pratiques discursives. De nombreux procédés ont été employés pour mettre en scène les émotions et les sentiments des utilisateurs et par la suite mettre en oeuvre la dimension interactive de ces écrits. Ces procédés de mise en scène font de la communication électronique une communication semblable à celle établie en présentiel, et c'est pour cela que nous les avons considérés comme catalyseur de l'aspect interactif de ces discours. Le recours à ces procédés atténue le caractère virtuel de ces écrits afin d'appuyer par la suite leur aspect interactif. Nous pouvons ainsi noter que les formules interjectives ('hhhhh!', 'hehehe!', 'hélas!', 'Ahhhh!', 'Ohhhh', etc.), qu'elles soient employées comme des réactions à des énoncés ou comme déclencheurs de nouvelles réponses, constituent un témoin et un appui de ce caractère interactif. Les formules acronymiques ('lol','mdr', 'xxd', 'wtf', etc.) jouent également le même rôle permettant aux usagers d'exprimer leurs états émotionnels par quelques sigles ou mots abrégés. Ces deux procédés verbaux récurrents dans notre corpus constituent un parfait exemple accélérateur de l'interactivité sur ces espaces de communication virtuelle. Ils participent à la motivation et la théâtralisation des échanges et permettent d'établir des liens sociaux et des relations interhumaines. En fait, c'est vrai que l'interactivité peut être ici véhiculée par le lexique, mais différemment aux textes traditionnels, dans le contexte numérique, le discours est devenu plus dynamique et plus proche de celui produit en face-à-face. D'autres procédés d'écriture relèvent du graphique et du non-verbal et participent également à accentuer l'aspect interactif qui l'emporte dans ces écrits à distance. Nous avons, par exemple, montré comment les émoticônes peuvent remplacer le verbal et jouer le rôle de certains actes de langage. partir de l'analyse de notre corpus, nous avons vu que ces formes iconiques peuvent former des énoncés à part entière, constituant ainsi des réponses à d'autres énoncés qui reflètent l'aspect interactif de ces pratiques. Les émoticônes jouent, par ailleurs, un rôle considérable dans la communication électronique. Réduire une émotion à un geste ou à une mimique faciale permet de la concrétiser et de la rendre plus réelle et motive, par la suite, la communication et les interlocuteurs à réagir rapidement. L'échange devient ainsi plus vivace et plus motivé. Ce qui appuie l'aspect interactif de ces écrits. Les émoticônes constituent, en fait, un déclencheur et un catalyseur du processus d'interactivité. Elles servent à accélérer l'échange lors d'une discussion. Permettant de répondre rapidement 222 et d'exprimer un état émotionnel instantané, elles étendent les fils de discussion à un public plus large. Dans les forums de discussion et les blogs de cuisine, par exemple, ou de beauté qui ont fait partie de notre corpus, nous avons constaté l'emploi abondant de diverses variantes de ces formes iconiques qui décrivent clairement les états émotionnels des interlocuteurs. Elles sont utilisées comme étant des procédés d'argumentation avec des objectifs de marketing. Elles constituent souvent des réponses traduisant des états émotionnels de consentement ou de non-consentement des internautes. Ici, elles désignent des émotions négatives ou positives souvent sous forme de réponses qui consolident les relations interactives et appuient l'aspect interactif. D'ailleurs, les émoticônes constituent l'un des procédés les plus performants et les plus puissants qui accentuent l'aspect interactif de ces discours tout en rendant la communication plus vivace et plus dynamique. Elles servent à mettre en scène les émotions ressenties par les utilisateurs, invitant les autres à les partager. Donc, en dépit de l'absence physique, ces procédés, décrivant des gestes et des mimiques faciales, gardent la dimension interactive d'une communication face-à-face. C'est vrai que les émoticônes constituent un procédé interactif par excellence, cependant, il n'est pas le seul, d'autres procédés y participent également. Nous relevons ainsi certains procédés graphiques comme les photos, les images, les représentations caricaturales, etc. qui visent à attirer l'attention des récepteurs du message. Comme les émoticônes, ces procédés servent aussi à mettre en scène la dimension émotionnelle des écrits électroniques. Etant employés dans un espace virtuel, ils visent à pallier l'absence physique des internautes et à réduire la distance qui les sépare. Leur objectif est de rendre la communication dynamique et et, par ailleurs, interactive. Ces procédés attirent l'attention des utilisateurs et les invitent à réagir. C'est ainsi que se produisent des fils de discussion riches et motivants. En fait, le recours à ces divers procédés traduit des attentes fortes en termes de proximité relationnelle, de convivialité et d'identification mutuelle. Il consolide, de ce fait, l'aspect interactif permettant de construire un réseau de relations interactives. A l'aide de ces procédés, les utilisateurs peuvent s'exprimer librement et spontanément. Ils peuvent construire des énoncés agressifs, ironiques, humoristiques, de critique, etc. sans être sanctionnés ou censurés. Ces espaces, nous l'avons montré à maintes reprises, leur offrent une liberté d'expression illimitée. Ils peuvent participer à diverses discussions sur les blogs, les forums, Facebook et la plateforme de microblogging Twitter qui ne partage pas la même structure que les formes déjà mentionnées, fournissant ainsi des données, des 223 commentaires, des réponses à des questions, des interrogations, etc. en bref, tout un circuit d'informations sur diverses thématiques. Ainsi se multiplient des fils de discussion avec des gens souvent inconnus, seul l'espace médiatique les réunit. En fait, dans les pratiques discursives traitées, les utilisateurs recourent à des procédés d'écriture qui reflètent mieux leurs émotions et leurs sentiments et qui leur permettent d'agir sur leurs interlocuteurs pour qu'ils puissent sympathiser avec eux et partager les mêmes états émotionnels. C'est pour cette raison, que nous avons constaté la présence massive de procédés qui relèvent d'une communication en présentiel. Ce sont ces procédés qui intensifient l'aspect interactif de ces écrits dans la mesure où ils servent à garder le côté humain et dynamique de ces conversations virtuelles. Associer des procédés graphiques au texte verbal réactive et motive l'échange chargeant le discours d'une dimension authentique. Cette association confirme, par ailleurs, que tout est interactif dans ces nouvelles formes de communication. Nous avons remarqué une interaction entre les différents éléments textuels hétérogènes qui forment ces discours. L'interprétation du sens est ainsi faite suite à l'interaction et au mariage des divers éléments linguistiques et extralinguistiques. Tant que l'écriture est souvent ambigüe et non conforme à la norme, le lecteur est appelé à chercher le sens dans d'autres procédés comme les images, les photos, les représentations caricaturales, les formes iconiques, etc. Dans ce cas, pour que la communication soit aboutie, il doit partager mêmes codes, notamment ceux qui ont été créés dans ce contexte numérique, avec les autres internautes. Ces combinaisons du texte, de l'image et du son rendent possible l'interactivité et créent une relation active et dynamique entre l'homme et la machine, et entre les hommes, dans un type de dialogue spécifique et singulier. Dans les différentes pratiques discursives étudiées, nous avons constaté la multiplicité et la variété des procédés d'écriture employés dans le but de traduire les émotions et les sentiments des utilisateurs. Nous avons souligné une différence et une complexité à la fois au niveau de la structure qu'au niveau du contenu de ces formes. Mais, l'un des saillants critères qui les unissent, est celui de l'interactivité, entre autres, bien qu'il soit traduit de différentes manières dans chacun de ces types d'écrit. Comme nous l'avons noté, diverses manifestations révèlent l'aspect interactif des formes de communication en question, mais qui diffèrent d'une forme de communication à une autre. D'ailleurs, même si elles partageaient de nombreuses manifestations, chacune peut avoir d'autres codes qui lui sont spécifiques et qui la distinguent des autres pratiques discursives. Ainsi, nous remarquons que l'écriture sur la plateforme de 224 microblogging Twitter, qui est très contraignante et brève, possède des procédés qui lui sont propres et qui font d'elle un lieu considérable d'interaction et d'échange. Cette écriture est, par ailleurs, conditionnée par l'emploi de quatre opérateurs fondamentaux organisant la communication et l'interaction dans ces textes brefs, et qui sont hashtag#, @, http:// et RT, comme l'illustre le tweet suivant qui contient les quatre opérateurs : Ces opérateurs sont connus par être éminemment fonctionnels en orientant le lecteur vers l'extérieur du tweet et, partant, régulant les interactions à distance que créent les tweets. En dépit de la complexité qu'ils peuvent donner aux tweets, ils constituent des codes qui appuient l'aspect interactif de Twitter. Ils servent à organiser l'échange et à multiplier les fils de discussion, participant ainsi à une grande diffusion d'informations et à la construction d'un réseau de relations interhumaines. Ces opérateurs, systématiquement employés dans les tweets et renvoyant à d'autres hyperliens, permettent d'établir de nouvelles relations entre l'utilisateur et d'autres liens ou d'autres pages de discussion. Ils rendent la communication plus dynamique en quant le lecteur à la fois dans la production des tweets et dans leur diffusion. Ce dernier devient très actif et participe à l'enrichissement et à la diffusion du message construit par le twitteur notamment par l'opérateur RT qui lui permet la réémission et la reproduction du même tweet afin qu'il soit partagé par d'autres utilisateurs. Ce sont les followers de chaque twitteur qui vont interagir entre eux produisant ainsi un réseau de relations qui peut s'étendre à un grand nombre d'utilisateurs. D'ailleurs, la fonction Retweeter (RT) constitue l'un des facteurs qui appuient l'aspect interactif de Twitter. Elle participe à la réémission et à la diffusion d'un tweet à une grande échelle et par la suite, elle invite les internautes à s'intégrer et s'investir sur cette plateforme. Cette fonction permet aussi de partager le tweet sur d'autres réseaux sociaux comme Facebook et établit ainsi une interactivité entre les différentes pratiques discursives. Les hashtags, qui servent à attribuer une coloration émotionnelle aux tweets, permettent 225 également de structurer les discours autour de mots-clés. Considérés comme étant de puissants organisateurs du discours en ligne, ils servent à mettre l'émotion ressentie en mots-clés en l'étiquetant à l'aide d'un ensemble de termes émotionnels. Ils sont devenus un élément opératoire et fonctionnel dans le discours, c'est ce qui explique, par ailleurs, son emprunt et son emploi abondant sur d'autres réseaux sociaux comme Facebook, après avoir été propre seulement à Twitter. Cet opérateur rend l'utilisateur plus dynamique en le renvoyant à des mots étiquettes ayant la même charge sémantique. Il constitue un index vers des sujets traitant la même thématique. De ce fait, il établit une interactivité au niveau sémantique entre les différents mots-clés qu'il étiquète, mais également entre l'utilisateur et une infinité d'hyperliens et de réseaux divers. Le lien http://, qui constitue lui-aussi une constante dans le tweet voire sur les autres réseaux sociaux, reflète l'aspect interactif de Twitter. Cet aspect se manifeste au niveau de l'interactivité des utilisateurs avec d'autres réseaux et d'autres pages de discussion via Twitter. Cet opérateur, qui s'est propagé pour être utilisé dans toutes les formes de communication dans le but de l'enrichissement, est un facteur qui participe largement au phénomène de l'hypertextualité. En dépit de la non-linéarité et la discontinuité qu'il donne aux textes, il participe à la construction de divers réseaux relationnels à la fois entre les différentes pratiques discursives et entre un public diversifié surfant sur de nombreux sites web. Il accentue ainsi l'aspect interactif de cette plateforme en rendant la communication plus active et plus dynamique et en multipliant les liens inter-discursifs et les relations d'interaction interhumaines. Quant à l'opérateur @, né avec les adresses électroniques (les e-mails) et développé pour devenir propre à la plateforme de microblogging Twitter avec quelques utilisations récentes sur d'autres réseaux sociaux, constitue le facteur qui traduit par excellence l'aspect interactif de Twitter, dans la mesure où il sert à lister les récepteurs du tweet en question installant par la suite un réseau de relations et d'interactions entre les utilisateurs. Cet opérateur permet de mentionner la liste des personnes à qui s'adresse le twitteur dans son tweet. C'est pour cette raison, qu'il constitue un parfait témoin de la dimension interactive des tweets. Il sert à établir un large réseau de relations entre le twitteur et ses récepteurs, mais également entre les différents récepteurs d'un même tweet. C'est ainsi qu'il révèle la puissante interactivité opérationnelle de Twitter qui en élargit la popularité en dépit de sa complexité. Ces opérateurs, organisateurs du discours en ligne, ont fait des tweets des formes technodiscursives spécifiques. Ils permettent de concilier la brièveté et la pauvreté 226 lexicale des tweets et participent à appuyer l'aspect interactif de cette plateforme. Grâce à son aspect interactif, Twitter constitue la plateforme de microblogging la plus populaire et la plus accessible. D'ailleurs, nous remarquons qu'au cours des dernières années, il a été imposé comme un outil majeur de communication politique dans de nombreux pays européens et autres, offrant aux politiciens un accès permanent en temps réel à la sphère publique, et devenant ainsi un outil privilégié pour les interactions publiques et privées. Dans les tweets, à côté de ces opérateurs et des procédés déjà relevés dans les autres formes de communication traitées dans notre corpus, nous soulignons aussi l'emploi abondant des photos, des représentations caricaturales et notamment des séquences vidéo qui attirent l'attention des utilisateurs et les interpellent à s'exprimer et à interagir. Ces procédés de théâtralisation appuient ainsi le caractère interactif des tweets. L'interactivité est également traduite par les différentes fonctions qu'offre Twitter à ces utilisateurs comme 'Répondre', 'Partager', 'Favoris', 'Intégrer le Tweet', Copier le lien du Tweet', 'Ajouter un commentaire', etc. Toutes ces fonctions permettent d'appuyer l'aspect interacti de cette plateforme en produisant des fils de discussion développés et ouverts. Voici, par exemple, comment les captures d'écran cidessous illustrent l'interactivité assumée successivement par les fonctions 'Répondre' et 'Retweeter', qui impliquent la participation du lecteur à la construction et la diffusion du message :
Figure7 : Capture d'écran de la fenêtre permettant de répondre à un tweet 227 Figure8 : Capture d'écran de la fenêtre permettant de Retweeter un tweet
Les deux figures ci-dessus entrainent que n'importe quel abonné au compte 'Europe 1' peut interagir en répondant ou en retweetant un tweet. En répondant au tweet, dans la figure1, il va établir un fil de discussions où une chaîne de réponses et de réactions au tweet principal s'installe. La figure2 montre qu'un abonné à ce compte peut Retweeter un tweet à ses abonnés, tout en ayant la possibilité d'ajouter un commentaire. Et c'est, en fait, ce commentaire qui traduit l'aspect interactif et qui va déclencher une suite d'interactions entre les différents followers participant ainsi à la diffusion du tweet en question. Cet aspect interactif est également perceptible sur d'autres niveaux comme celui de l'interactivité entre les différentes formes de communication en question. Ce phénomène est ici traduit par l'hypertextualité qui constitue une nouvelle forme d'interactivité.
3. L'hypertextualité et le rôle interactif du lecteur
Une interaction et un échange d'informations entre les réseaux sociaux sont devenus une spécificité de la CMO. Comme elle participe à la construction d'un discours hétérogène, notion que nous traiterons dans le prochain chapitre, l'hypertextualité participe également au phénomène de l'interactivité. Elle consiste à renvoyer le lecteur à l'extérieur du texte qu'il consulte à travers des hyperliens le projetant dans d'autres pages de discussion ou d'autres pages web. Ces liens 228 hypermédias permettent de se déplacer rapidement d'une forme à une autre, établissant ainsi un réseau de relations entre les différentes formes de communication. L'ensemble des textes s'organise en réseau et se donne à lire de façon non linéaire, offrant au lecteur non seulement le texte, qui est entre ses mains, mais toute une documentation textuelle ou imagée susceptible de l'éclairer. Le dispositif hypertextuel met ainsi le texte en relation avec son contexte et son intertexte. En offrant au lecteur la possibilité de naviguer dans les textes et d'échapper aux contraintes de la linéarité, l'hypertexte sollicite la collaboration du lecteur et fait de lui un partenaire actif. Ce dernier acquiert un nouveau statut faisant de lui une partie pre de la constitution du texte lui-même. Ce qui permet d'inscrire les traces de la lecture dans une activité d'écriture qui s'articule au texte original et qui pourra être prolongée et augmentée par d'autres nouveaux lecteurs. Autrement dit, l'hypertextualité amène le lecteur à se déplacer d'une forme de communication à une autre et d'une page de discussion à une autre afin de construire le sens de son texte, bénéficiant ainsi de nouvelles relations interactives. Ce phénomène permet donc une interactivité à deux échelles ; la première consiste à lier différentes pratiques discursives, quant à la deuxième, elle sert à établir un réseau de relations entre un public très diversifié. C'est le fait de commenter et d'échanger qui pourra enrichir un texte et le diffuser. D'ailleurs, dans certains contextes, en dépit de sa complexité et de la discontinuité qu'elle apporte aux textes, l'hypertextualité est considérée comme une sorte de compensation de la brièveté ou de la pauvreté lexicale d'un texte, comme c'est le cas avec Twitter. En renvoyant à l'extérieur du texte, ce phénomène appuie l'aspect interactif des écrits électroniques. Il constitue une nouvelle forme d'interactivité qui rend la communication plus vivace et le lecteur très actif et dynamique. Nous avons ainsi montré comment les différents opérateurs de Twitter, qui ne constituent, en fait, que des liens hypertextuels renvoyant à l'extérieur du tweet, participent à traduire la dimension très interactive de cette plateforme de microblogging. En effet, quoique l'hypertextualité permette de produire un écrit fragmenté et décontextualisé, elle offre au lecteur une multiplicité et une liberté dans ses parcours, ses déplacements n'étant plus limités par la linéarité du texte matérialisée par un début et une fin. Les liens hypertextuels ou les mots cliquables vont permettre au lecteur d'enchaîner avec une nouvelle fenêtre. Le passage d'une information à une autre ou d'une idée à une autre, obéit alors au choix et à la recherche du lecteur plutôt qu'à un sens et une interprétation imposés par l'auteur. Et comme nous l'avons mentionné, le lecteur devient un participant à la construction du sens voire du texte à part entière. Le 229 texte devient ainsi plus fluide et interactif. Nous déduisons donc que l'interactivité favorise la participation du lecteur, du spectateur ou de l'utilisateur et qu'elle est à l'origine d'une relation nouvelle entre l'auteur et le lecteur, ainsi qu'entre le lecteur et le texte. Il s'agit d'une relation d'interactivité dans laquelle tous ces facteurs sont impliqués. Nous déduisons, alors, que le phénomène de l'hypertextualité donne un nouveau statut au lecteur qui devient constructeur du sens et du texte lui permettant d'élargir ses réseaux relationnels et favorisant une nouvelle forme d'interactivité entre diverses formes de communication.
4. Synthèse
Diverses manifestations entrainent l'aspect puissamment interactif des pratiques discursives sur lesquelles nous nous sommes basée tout au long de ce travail et qui révèlent que cette caractéristique est une constante dans les écrits électroniques en général. La logique des interfaces numériques, même si elle est conçue pour s'adapter au mieux à notre comportement naturel, nous oblige également à nous y adapter. Nous assistons, d'ailleurs, à de très amples changements cognitifs s'opérant en nous dans la simple tâche consistant à lire et à échanger des informations sur un écran plutôt que sur un papier. Nous remarquons, alors, une nette différence entre les performances cognitives liées à la lecture et à l'échange sur des textes traditionnels, et à ceux via les nouvelles pratiques discursives. Ceci se manifeste notamment au niveau concret et abstrait de raisonnement de l'individu. A l'écran et dans le contexte numérique, nous nous attachons plus aux détails concrets du texte, alors que sur le papier et dans les écrits traditionnels, nous intégrons mieux ses enjeux abstraits. Nous constatons donc que les pratiques discursives numériques augmentent les performances de la pensée concrète attachée aux détails autant qu'elles diminuent la capacité d'abstraction des individus. Il se crée une interactivité qui élargit le rôle du lecteur en le sortant d'une passivité déterminée et en lui offrant une participation et un dialogue avec l'auteur par l'intermédiaire de la machine et son programme. D'ailleurs, par l'intermédiaire de l'interactivité, l'utilisateur joue un rôle actif comme récepteur-émetteur et augmente ainsi les possibilités de création. C'est ce qui a permis d'inscrire ces hypermédias dans un processus de production et de création de discours interactifs, avec une grande importance accordée à l'intégration de l'image, du texte et du son, et qui s'éloigne de plus en plus des écrits et des discours traditionnels en permettant des réalisations nouvelles et multiformes qui mettent en question les frontières entre les genres. 230 Nous constatons donc que, dans le contexte des nouvelles formes d'échange et d'interaction, l'interactivité est assumée par de nouveaux processus d interaction. A côté du texte, d'autres procédés y participent faisant de ces espaces un espace interactif réel. Nous avons ainsi noté le recours au texte, à l'image, aux icônes, au son, aux séquences vidéo, aux liens hypertextes, etc. A la différence de l'écrit traditionnel, l'écrit électronique se donne moins à lire qu'à regarder ou à écouter. Il est devenu un spectacle mis en scène et une théâtralité s'adressant à tous les sens. L'objectif principal consiste à établir des relations avec un public diversifié, en dépit des contraintes techniques qui conditionnent le fonctionnement de cet espace numérique. La multiplicité et la variété de ces procédés servent à cibler un public très diversifié. En fait, d'un public circonstancié avec les écrits traditionnels, nous essayerons, à l'aide de ces procédés, de réussir à s'adresser et à convaincre un public diversifié. Toutefois, l'association de ces divers procédés linguistiques et extralinguistiques remet en question les aptitudes pragmatiques des utilisateurs de ces nouvelles formes de communication. Elle nous amène à réfléchir aux conditions de félicité et de réussite de la transmission d'un message qui doivent prendre en compte les aptitudes pragmatiques des utilisateurs. Et nous déduisons, par ailleurs, que la réussite de la transmission d'un message implique une bonne exploitation de toutes les données linguistiques, textuelles, sémiologiques afin de parvenir à convaincre tout en tenant compte des contraintes qui régissent le contexte numérique. Dans ce chapitre, nous avons constaté que l'interactivité constitue un phénomène intrinsèque aux nouvelles formes de communication. Ceci est expliqué par le fait que leur objectif principal et la raison de leur existence sont basés sur l'échange de discours interactifs invitant les utilisateurs à agir et interagir afin de construire des réseaux relationnels entre toute la communauté langagière pratiquant ces discours. L'analyse de notre corpus a montré que tout est interactif dans les écrits électroniques. Nous avons pu relever différentes formes d'interaction à divers niveaux. D'une interactivité entre les différents éléments constituant le discours permettant d'associer le verbal, l'iconique, le graphique, le typographique, l'hypertextuel voire le visuel et l'audiovisuel, nous passons à une interaction entre les utilisateurs établissant un réseau de relations entre eux. Nous avons également souligné une nouvelle forme d'interactivité entre les différentes formes de communication assurée par le recours abondant au phénomène d'hypertextualité. Cette dernière a conféré au un nouveau statut faisant de lui une partie intégrante dans la constitution du sens du texte voire du texte lui-même. Ce 231 qui a révolutionné notre rapport à l'écrit et aux textes tout en renouvelant notre accès à la connaissance et en bouleversant notre vision du monde. Dans ce contexte numérique, nous avons remarqué que le mariage entre divers éléments variés sert à appuyer l'aspect interactif des discours ainsi produits. Un discours hétérogène est, par ailleurs, plus agréablement et plus facilement reçu qu'un discours ordinaire. Par l'association d'une variété d'éléments verbaux et non-verbaux, on vise à rendre le discours plus réel et plus authentique afin d'impliquer le lecteur dans l'échange. L'écriture est souvent interactive et ouverte. Elle ne cesse de façonner notre pensée et notre sensibilité. Chapitre 2 Le discours des RSN : un discours hybride
A partir de l'étude et de l'analyse de notre corpus, nous avons remarqué la multiplicité et la diversité de procédés d'écriture qui servent à exprimer les sentiments et les émotions des utilisateurs des types de CMO étudiés et qui offrent par la suite une dimension émotionnelle à ces types d'écrit. Etant réalisés dans un espace d'expression libre, ces écrits électroniques acquièrent une dimension émotionnelle très remarquable et traduite de différentes manières. Nous avons pu identifier différentes formes linguistiques et extralinguistiques permettant de traduire les sentiments et les émotions des utilisateurs de ces formes de communication. Nous notons ainsi l'émergence de diverses nouvelles formes écrites liées au lexique des émotions. Ceci nous a permis de déduire la complexité et l'ambiguïté de ces écrits électroniques et de parler de la construction d'un discours 'hybride' où s'associent diverses formes écrites. Nous avons observé l'imposition de divers phénomènes aussi bien de langue que du discours tels que l'intertextualité, l'hypertextualité, l'hybridité, la continuité / discontinuité, la multimodalité, termes que nous tenterons de définir tout au long de ce chapitre.
1. Multimodalité
La pratique de l'écriture électronique telle que nous venons de la décrire a généré un phénomène qui n'est pas propre à la langue française et serait, par ailleurs, proche d'une langue à l'autre (Anis, 1999 ; Tatossian, 2010). Elle est marquée par l'émergence d'un mode d'écriture déviant par rapport aux conventions et aux règles scripturales standard. J. Anis (1999) les envisage notamment sur le plan discursif et pose alors la de la validité des unités traditionnelles de phrases ou de mots. La multiplicité et la variété tant des supports de communication en ligne que des pratiques discursives qui en résultent, ont un effet considérable sur la forme et le contenu du discours produit dans ces nouveaux espaces de communication. Ce nouveau type de discours spontané et souvent immédiat est largement marqué par une multiplicité de codes et de modalités d'écriture. Cette multiplicité et cette diversité sont 233 expliquées notamment par les conditions matérielles qui conditionnent la production de ce discours, mais également par son immédiateté et sa spontanéité. Autrement dit, les contraintes techniques mises en place par les supports utilisés étaient à l'origine de la création de nouvelles formes écrites qui réussissent à l'expression émotionnelle tout en prenant en considération ces contraintes. La spontanéité et l'immédiateté ont également un effet remarquable sur le style du discours produit qui se rapproche largement de l'oral et notamment de l'oral familier. Ceci s'explique par le fait que ces conversations en ligne et à distance ne sont que des reproductions de conversations réelles raison Marcoccia les a désignés, en 2004, par l'expression « faire du face à face avec de l'écrit ». C'est-à-dire, ce sont des échanges en ligne, mais qui usent les outils de la communication réelle notamment au niveau de l'expression des sentiments et des émotions. Il s'agit de la réalisation simultanée du discours et des interactions par l'écrit. Les quatre formes de communication étudiées, dans ce travail, en l'occurrence blogs, forums, Facebook et Twitter entrainent un mélange de formes écrites utilisées pour exprimer les émotions et les sentiments des utilisateurs. Ces écrits font souvent place à des pratiques écrites particulières. L'analyse du corpus a montré la présence de formes linguistiques et de formes extralinguistiques souvent associées à l'oral. Les utilisateurs de ces pratiques discursives, se trouvant dans un espace libre de communication, recourent à une variété de moyens leur permettant d'exprimer leurs sentiments et leurs émotions. Ce qui nous a permis de parler de la construction d'un discours multimodal où s'associent divers procédés d'expression émotionnelle. Mais, avant d'expliquer ce phénomène et ses manifestations, nous commençons par définir ce que désigne la multimodalité pour nous situer par rapport à cette question. En fait, nous remarquons que le phénomène est très large dans la mesure où il peut s'appliquer à divers domaines et diverses disciplines. Dans ce cadre, nous nous limiterons à le définir dans le context numérique. Partant du terme'modalité' qui désigne, en linguistique, ''l'ensemble de formes permettant au locuteur d'indiquer la manière dont il envisage le contenu de son énoncé.'' Dans le dictionnaire Electronique des Synonymes (DES du CRISCO),'modalité' est définie comme l'« ensemble des faits linguistiques (mode, forme assertive, interrogative ou injonctive de la phrase, adverbes ou auxiliaires modaux) traduisant l'attitude du sujet parlant par rapport à ce qu'il énonce ». La multimodalité signifie, par ailleurs, l'ensemble de modalités et de procédés permettant à une personne d'exprimer une idée, une pensée, un sentiment, une émotion, etc. En ce qui concerne l'expression des émotions, les indices sont souvent recherchés 234 dans les modalités verbales, vocales et visuelles (gestuelles). 235 mêmes procédés mais en les appropriant à ce contexte numérique et en les manifestants au niveau de l'écrit. De notre part, ce qui nous intéresse d'un point de vue linguistique, c'est plutôt la multimodalité au niveau scriptural traduite par la pluralité et la variété de procédés expressifs employés pour verbaliser les sentiments et les émotions des utilisateurs. La multimodalité renvoie ainsi à la diversité de ressources sémiotiques servant à exprimer les émotions dans un discours virtuel et concourant par la suite à la réalisation simultanée du discours et des interactions en contexte numérique. C'est l'ensemble de modalités ; textuelle, graphique, de parole, de gestes, d'image, etc. renvoyant chacun à des systèmes de signes dotés d'une grammaire (terme à considérer dans un sens très large) qui en décrit l'organisation et l'usage. Elle désigne les différentes manifestations lexicales (textuelles), langagières (orales), mimogestuelles (formes iconiques), graphiques (images, caricatures), typographiques (signes de ponctuation) voire même audiovisuelles (vidéo) qui servent à exprimer les émotions des utilisateurs des nouvelles formes de communication et d'interaction. Nous avons ainsi identifié, à partir de l'analyse de notre corpus, que les utilisateurs recourent à de nombreux procédés linguistiques et extralinguistiques afin de traduire leurs sentiments et leurs émotions. Profitant de la liberté d'expression et de l'immédiateté qui caractérisent ce type d'écrit, ils utilisent le verbal et le non-verbal, l'essentiel c'est d'extérioriser leurs émotions plus aisément et le plus largement possible. A côté du langage, ils empruntent d'autres moyens non-verbaux plus expressifs concrétisant leurs émotions. Nous avons remarqué l'emploi du lexique relatif aux émotions habituellement utilisé dans les discours traditionnels qu'il soit explicite ou implicite (colère, peur, peur bleue, bonheur, baume de coeur, heureux, tristesse, mélancolique, magnifique, etc.). Les formes interjectives, qu'elles soient connues ou propres aux écrits électroniques, sont largement utilisées pour l'expression émotionnelle des internautes. Nous en citons quelques unes 'Ah! Oh! Hein! hhhh! hahaha! héhé! qui traduisent un état émotionnel à polarité positive ou bien d'autres traduisant un état émotionnel négatif comme Merde! Pff! Ouff! etc. Nous avons aussi relevé d'autres expressions lexicales, mais qui étaient créées dans ces espaces de communication comme les expressions acronymiques (lol, mdr, ptdr, xd, wtf, omd, etc.), les emprunts, les abréviations (jtm pour 'je t'aime', biz ou bz pour 'bisous', t m mank pour 'tu me manques', etc.). Ces dernières visent à renforcer le côté affectif entre les scripteurs. Certains phénomènes graphiques s'appliquent à ces procédés lexicaux afin de traduire des émotions intenses tels que l'étirement qui sert à insister sur une émotion par la reproduction de la même lettre ou le même phonème ou bien à transcrire la prononciation d'une séquence linguistique (looooool, mdrrrrrr, je t'aimmmmme, bizzzzzzz, biiiiiiiz, hhhhhh Aaaaah! Ohhh! Pffff! XXXXd, etc.), servant ici à imiter un rire ou un cri à l'oral. Ce phénomène d'étirement s'applique aussi à la ponctuation, qui est détournée de son usage ordinaire et hypertrophiée, afin de mettre l'accent sur une émotion intense dans la mesure où la multiplication d'un point d'interrogation ou d'exclamation accentue l'émotion ressentie. Il renforce souvent l'expressivité en discours d'une façon symbolique. D'autres procédés graphiques sont mis en oeuvre tels que l'usage particulier des majuscules et des minuscules notamment l'utilisation abondante de majuscules (PEUR BLEUE, MAGNIFIQUE! HHHHH! XXXD! etc.) pour mettre un élément en relief, ou encore pour la démonstration d'un cri, d'un hurlement et par la suite mettre l'accent sur l'intensité de l'émotion ressentie. L'étude de notre corpus a également montré le recours à d'autres procédés extralinguistiques qui relèvent de l'oral ordinaire, servant à exprimer les émotions des utilisateurs de ces formes de communication. Ces procédés sont liés à des formes iconiques, des images, des photos, des caricatures, des vidéos, etc. Les émoticônes, formes iconiques formées par la combinaison de signes typographiques, imitant des gestes et des mimiques, constituent, par excellence un procédé traduisant l'expression émotionnelle des internautes. Ces formes iconiques imitent des gestes et servent à rendre la communication électronique plus proche du réel et par la suite plus expressive. Elles transcrivent les émotions des scripteurs dans le discours. Ces formes sont fréquemment utilisées dans les formes de communication sur lesquelles nous nous sommes appuyée. Nous notons que la plupart des procédés mentionnés ci-dessus apparaissent régulièrement dans les différents types d'écrit étudiés notamment dans les pages de discussion sur Facebook, les forums et les blogs qui jouissent d'une liberté au niveau des contraintes techniques. Nous avons remarqué que ces pratiques discursives offrent aux utilisateurs une liberté d'écriture et d'expression illimitées. C'est ce qui a expliqué, comme nous l'avons noté, la naissance de ces différents procédés d'écriture déviants. Tous ces procédés extralinguistiques constituent, en fait, des traces de procédés oraux utilisés habituellement dans une conversation réelle face à face et traduits dans 237 l'espace numérique par des formes écrites nouvelles. Ils constituent des phénomènes d'oralisation et de transcription de séquences habituellement utilisées dans les parlers ordinaires visant ainsi à instaurer un réseau de relation et un degré de familiarité permettant de traduire les émotions des utilisateurs de ces formes de CMO. Les procédés d'expressivité se manifestent donc de diverses manières et présentent la spécificité de mettre à jour des particularités du discours oral ordinaire et populaire. C'est ce qui confirme l'idée du mélange oral et écrit dont ont parlé plusieurs chercheurs (Liénard 2012, Laroussi et Liénard 2012, Anis 2004, Marcoccia 2005, etc.). Les supports modernes de communication constituent alors l'espace de la création de procédés permettant d'exprimer des émotions plus difficiles à transmettre à l'écrit derrière un ordinateur, qu'à l'oral lors d'une discussion, ainsi que d'instaurer une tonalité spécifique dans ce discours moderne. Les utilisateurs veulent écrire vite, vrai et de manière originale afin d'exprimer leurs émotions. Comme à l'écrit, les éléments linguistiques seraient manifestables graphiquement, mais ils se réaliseraient d'une manière dynamique, immédiate, comme c'est le cas à l'oral. L'objectif premier est de traduire librement leurs émotions dans un nouveau type de discours tout en mettant en oeuvre diverses stratégies de représentations linguistiques. Il s'agit donc d'écrits pratiqués dans des circonstances et des situations particulières, le plus souvent libres, relâchés et sans contraintes laissant libre court à l'imagination, à l'originalité et à l' ivité. C'est ce qui a été à l'origine de la construction d'un discours multimodal où s'associent diverses formes verbales et non-verbales. Il s'agit d'une nouvelle manière d'écrire où se combinent divers éléments. Diverses modalités d'écriture s'associent dans un même discours servant à verbaliser les sentiments et les émotions de ses producteurs. A ce propos nous pouvons nous référer à la typologie de Liénard (2007), qui avait l'intérêt d'expliciter le recours par le scripteur à divers procédés scripturaux souvent déviants qu'il regroupe selon la fonction discursive ou l'effet perlocutoire qu'ils véhiculent. Il regroupe ces derniers en trois fonctions : fonction de « simplification » (simplifiant la langue et permettant de fournir un message court), fonction de « spécialisation » (entrainant une certaine originalité et pouvant acquérir une dimension ludique) et fonction d' « expressivité » (permettant d'exprimer les émotions des utilisateurs). A chaque fonction Liénard accorde un ensemble de procédés d'écriture qui l'assument. Selon Anis (2003) et Liénard (2007), ces procédés déviants pallient à la fois l'absence physique des interlocuteurs et les contraintes techniques inhérentes aux outils médiateurs. 238 Dans notre cas, ce qui nous intéresse, c'est seulement la fonction expressive de ces écrits électroniques qui permet aux utilisateurs de traduire leurs émotions à l'écrit. Ces derniers combinent divers procédés pour produire des messages brefs et expressifs. Comme nous l'avons souligné, un lexique très varié, de registres populaire, familier, argotique, voire vulgaire habituellement employés à l'oral plutôt qu'à l'écrit, sont utilisés pour accorder une dimension émotionnelle à ces pratiques discursives modernes. Cette créativité scripturale, elle-même, est caractérisée par une hétérogénéité dans la mesure où une même émotion peut être exprimée de diverses manières lexicale, iconique, typographique, etc. Nous assistons donc à une hétérogénéité aussi bien dans le discours assumée par la multiplicité de procédés d'expression que pour une même émotion qui peut être traduite de diverses manières. Il s'agit d'une importante hétérogénéité dans les usages linguistiques des internautes. Les discussions sur Facebook, blogs et forums présentent le plus de variations dans les usages linguistiques et graphiques. Ceci s'explique par le fait que l'écriture dans ces types de CMO est moins contraignante que celle dans Twitter. En effet, si certains utilisateurs écrivent en respectant la norme académique, d'autres écrivent de façon déviante et atypique. C'est ce qui appuie la multimodalité qui caractérise le discours que nous sommes en train d'étudier. Ces écrits niques sont aussi considérés comme multimodaux, en ce sens que leur décodage sémiotique fait intervenir non seulement des éléments linguistiques, mais également extralinguistiques, visuels comme les émoticônes, les images, les caricatures, etc. La communication multimodale fait intervenir, de ce fait, plusieurs modes de communication reproduits par l'écrit dans notre cas d'étude. Les procédés cités ci-dessus entrainent une multimodalité verbale, prosodique et gestuelle permettant d'exprimer les émotions des utilisateurs. Diverses manifestations peuvent désigner l'émotion soit directement par un terme soit indirectement par la configuration d'une situation liée à un comportement gestuel associé et ici vient le rôle des émoticônes, par exemple, qui renvoient à des gestes. En fait, l'investissement affectif peut être assumé simultanément et de façon complémentaire par plusieurs canaux communicatifs et des codes sémiotiques différents tels que le langage, la mimique, la gestuelle, la qualité de la voix, etc. Tous ces éléments s'entremêlent afin d'exprimer l'état émotionnel d'une personne. Le langage est un code parmi d'autres mais qui s'agit d'un médium central. L'écriture électronique repose sur un principe essentiel impliquant de trouver un substitut écrit au paraverbal, aux marques 239 d'intonation (les majuscules pour signifier que l'on crie) et aux expressions mimogestuelles produites lors d'une conversation, principalement celles qui sont liés à l'expression des émotions (les émoticônes). Ainsi, ces substituts spécifiques à ce type d'écriture interagissent avec les contenus verbaux pour orienter l'interprétation globale de l'échange permettant de faire passer l'expression émotionnelle du locuteur à l'écrit. Du fait, nous pouvons dire que la multimodalité constitue ainsi une forme d'adaptation à la fois au contexte d'interaction et à la variété des dispositifs d'interaction. La multiplicité et la variété des pratiques discursives mises en place par la CMO se reflètent sur les modes d'écriture des participants à ces espaces d'échange et d'interaction. Les interactions avec les autres utilisateurs leur permettaient de recourir à divers codes partagés par la communauté utilisant la CMO et propres à l'écriture numérique. Nous avons remarqué que, outre le langage, les substituts de gestes, de positionnement dans l'espace, de la voix, ainsi que d'autres formes de communication incarnée dans les interactions interpersonnelles sont fréquemment reconnus dans les dispositifs modernes de communication. Ceci a suscité un sentiment d'urgence pour tenir compte systématiquement des aspects multimodaux des environnements numériques dans la mesure où ils se concentrent de plus en plus sur le contenu multimodal favorisant ainsi l'intertextualité et l'inter . Nous mettons ainsi l'accent sur l'interaction de la langue et du contenu multimodal dans les médias numériques. Ce qui nous amène à penser à la question de la multimodalité et le potentiel interdisciplinaire dans ces nouveaux espaces de communication. Et c'est, en fait, cet intérêt relativement nouveau à leur aspect multimodal, qui a apporté avec lui diverses questions liées à l'application et à l'interprétation des ressources sémiotiques au-delà de la langue dans des contextes numériques ainsi qu'un certain nombre de considérations méthodologiques. Pour récapituler, nous pouvons dire que la multimodalité est un phénomène très fréquent dans l'espace numérique. Elle constitue l'une des caractéristiques et des constantes, entre autres, des écrits électroniques. C'est pour cette raison que nous l'avons déjà fixée comme l'un des critères sur lesquels nous nous sommes basée pour la constitution de notre corpus. D'ailleurs, la multiplicité des pratiques discursives, qui ne cessent de se développer, était à l'origine de l'émergence de nouvelles formes écrites propres à l'expression des émotions dans le contexte numérique. Diverses formes sémiotiques déviantes, relevant souvent du registre oral, s'associent au langage et au lexique habituellement utilisé pour exprimer des sentiments et des émotions. Dans le 240 contexte numérique, les procédés verbaux et les procédés non-verbaux fonctionnent toujours en complémentarité. Ces nouvelles formes écrites acquièrent leur sens de leur association avec les formes linguistiques standard. C'est à partir du contexte que nous puissions dégager le sens de ces formes extralinguistiques créées dans ce contexte numérique. Nous soulignons ainsi l'association de l'écrit avec des traces de l'oral voire de l'oral familier. Ceci nous l'avons expliqué par l'immédiateté et la spontanéité de ces écrits jouissant d'une liberté d'expression inépuisable. La multimodalité favorise ainsi la combinaison de différents codes sémiotiques hétérogènes permettant aux internautes d'exprimer leurs sentiments et leurs émotions comme c'est le cas dans une conversation réelle. De la sorte, nous assistons, dans ces écrits électroniques, à la construction d'un discours multimodal fortement marqué par le recours à divers codes linguistiques et extralinguistiques traduisant l'expression émotionnelle des participants à la communication électronique. Ce discours mélange le verbal, le gestuel, le phonatoire, le visuel, la mimique, le typographique, etc. éléments qui s'interfèrent afin de donner à ce discours une dimension émotionnelle. Cette dimension est notamment véhiculée par l'intermédiaire des procédés non-verbaux dans ce type de discours dans la mesure où ces derniers ent de mieux concrétiser les émotions ressenties et offrent aux interlocuteurs l'opportunité de les extérioriser d'une manière plus véridique et plus touchante par le biais d'un clavier. Si ce discours est largement connu par sa multimodalité assumée par la pluralité et la variété de codes sémiotiques, il est également marqué par l'emploi d'autres formes écrites et des liens, mais qui renvoient le lecteur souvent à l'extérieur des pages de discussion qu'il utilise. Ces formes, dont plusieurs servent à exprimer les émotions des scripteurs, offrent, par ailleurs, au discours étudié une hypertextualité et une intertextualité considérables. Mais, cette hypertextualité constitue-t-elle une entrave à l'interprétation et à la compréhension du sens ou au contraire elle constitue un élargissement et un enrichissement d'informations via d'autres pages de discussion? C'est ce que nous essayerons d'étudier dans la section suivante de ce chapitre.
2. Hypertextualité
Les écrits électroniques étudiés dans ce travail ont été marqués par le recours à une variété de procédés d'écriture servant à traduire les émotions des utilisateurs de ces espaces de communication. Ces procédés, référant à divers registres de la langue, ont 241 permis la construction d'un discours hétérogène où le sens est le résultat de l'association de ces différents éléments. Nous avons vu que ce discours use diverses modalités d'écriture contribuant à sa multimodalité. Mais, ces écrits, étant connus par leur déviation à la norme et à l'écriture académique, ne présentent pas seulement une multiplicité et une variété au niveau des codes sémiotiques utilisés à l'intérieur du même texte, mais ils sont également caractérisés par l'emploi de liens et de formes écrites renvoyant le lecteur à l'extérieur de la page de discussion consultée. Nous considérons désormais ces éléments comme étant des procédés concourant à l'hypertextualité de ces écrits. Donc, à côté de la multimodalité de ces écrits, nous identifierons un autre phénomène qui est celui de l'hypertextualité et qui vont participer à la production d'un discours fortement hétérogène. Dans cette section, notre intérêt sera porté sur le phénomène de l'hypertextualité et ses différentes manifestations dans notre corpus. Pour ce faire, nous commençons par définir ce que veulent dire les termes 'hypertextualité' et 'hypertexte'. Comme la multimodalité, la question de l'hypertextualité est un phénomène assez large qui a été beaucoup exploité notamment en littérature. G. Genette (1982) est l'un des fondateurs et des chercheurs qui ont largement travaillé sur ce concept et ses acceptions en littérature. Il le classe parmi les cinq types de relations transtextuelles (intertextualité, paratextualité, métatextualité, architextualité et hypertextualité), qui peuvent exister entre deux ou plusieurs textes, évoquées dans son livre « Palimpsestes », en 1982 où il a développé la théorie de la « transtextualité ». D'ailleurs, Genette, sous le terme d'intertextualité, regroupe deux catégories : l'intertextualité et l'hypertextualité. Là où l'intertextualité met en évidence un rapport de coprésence, l'hypertextualité traduit une relation de dérivation entre deux textes. En ce qui concerne l'hypertextualité, il l'explique ainsi comme étant : « Toute relation unissant un texte B (hypertexte) à un texte antérieur A (hypotexte) sur lequel se greffe d'une manière qui n'est pas celle du commentaire. »27 Dans l'hypertextualité, en littérature, il inclut certains procédés de réécriture tels que l'imitation, la pastiche, la parodie, le plagiat, etc. travail dans la mesure où nous nous intéresserons plutôt à l'étude de la question de l'hypertextualité dans le contexte numérique tout en faisant abstraction de son acception dans le domaine littéraire. Ainsi, en informatique, le terme 'hypertexte' désigne un procédé qui permet une circulation entre les différents textes par l'intermédiaire de mots charnières. Il réfère à un ensemble de liens internes spécifiques, dits hyperliens, permettant des circulations transverses dans le document. Autrement dit, ce sont des liens et des mots qui permettent de naviguer d'une page web à une autre et par la suite d'un texte à un autre. Ces liens permettent de naviguer soit à l'intérieur du même texte véhiculant des relations entre les différents fragments qui le composent, soit à l'extérieur du texte établissant des relations avec d'autres textes. L'hypertextualité permet, de ce fait, de relier différents textes par des liens dans ou hors toute structure linéaire ou hiérarchique. La technique de l'hypertexte consiste à relier entre eux des fragments de textes qui peuvent être appelés et apparaître instantanément sur l'écran d'un simple clic de la souris sur un mot ou une icône. Dans notre contexte, nous pouvons la définir comme étant un ensemble de liens permettant d'établir un réseau de relations entre différents réseaux de communication ou bien entre différentes pages de discussion du même réseau d'échange. Il s'agit de la mise en relation entre divers textes qui entretiennent souvent des relations sémantiques entre eux. D'ailleurs, cette interchangeabilité entre les différents réseaux de communication est l'une des caractéristiques du domaine numérique et de la CMO. En contexte numérique et en particulier dans notre corpus, le phénomène de l'hypertextualité se manifeste sous forme de mots et de liens cliquables permettant d'accéder à d' textes en relation avec le texte consulté. Ce phénomène est fréquemment remarquable sur la plateforme de microblogging Twitter, mais également sur les autres pratiques discursives étudiées dans notre travail de recherche. Le phénomène est souvent impliqué par les contraintes techniques qui conditionnent le fonctionnement de certains réseaux sociaux. Ces contraintes appellent, dans la plupart des cas, un échange et une interactivité entre les divers dispositifs de communication. Nous avons signalé que la plateforme de microblogging Twitter constitue l'un des moyens qui concrétisent par excellence ce phénomène dans la mesure où il présente un fonctionnement très contraint. Nous avons ainsi vu que le fonctionnement de ce type de CMO est conditionné par quatre opérateurs opérationnels (@, RT, # et http//), qui renvoient tous le lecteur à l'extérieur du tweet. Ainsi, les hashtags renferment une forte dimension émotionnelle et permettent d'accéder à un ensemble de mots-clés à l'extérieur du tweet servant à expliciter et à 243 enrichir le sens voulu par le message. L'opérateur RT sert à réémettre un même tweet et par la suite il lui offre une grande diffusion sur d'autres réseaux de communication. C'est ce qui permet d'établir un réseau de relations via les interactions se rapportant à ce tweet. Dans la même visée interactive, la mention @ permet de lister les utilisateurs à qui s'adresse le tweet tissant ainsi une interactivité à une grande échelle. Quant à l'opérateur http://, fréquemment utilisé sur tous les réseaux de communication grâce à sa visée informationnelle, il constitue l'élément qui illustre bien l'hypertextualité de Twitter dans la mesure où il renvoie à diverses pages web enrichissant le contenu sémantique du tweet. Il permet de concilier la brièveté et la complexité des tweets en invitant le lecteur à naviguer sur d'autres pages de discussion ou sites web plus riches en matière informationnelle. Ces opérateurs sont considérés comme des technomots qui fragmentent et délinéarisent les messages auxquels ils s'appliquent. Ce qui a offert à Twitter une hypertextualité considérable. Ces opérateurs très fonctionnels ont largement participé à l'interactivité sur Twitter que ce soit entre ses différents utilisateurs ou bien avec les autres moyens de communication. Toutefois, ces opérateurs ne sont pas caractéristiques seulement de Twitter, nous les trouvons également dans les autres types de CMO. Nous avons ainsi souligné que le hashtag, exemple, s'est développé pour être employé dans d'autres réseaux de communication notamment Facebook. Le recours à l'adresse http:// est également récurrent dans tous les réseaux étudiés avec une visée d'investissement informationnel et d'interactivité entre les différents types de CMO. L'hypertextualité est, de ce fait, liée à l'interactivité constituant l'un des vecteurs qui la véhiculent. Elle installe un rapport interactif entre l'utilisateur et les différents textes afin d'interpréter le sens. C'est pour cette raison, que nous avons considéré le phénomène d'hypertextualité comme étant l'une des manifestations de la dimension émotionnelle dans notre corpus. Autrement dit, si certains éléments assumant l'hypertextualité sont pris comme étant liés à l'expression des émotions, c'est parce qu'ils assument tout d'abord une dimension interactive. D'ailleurs, l'hypertextualité est un phénomène qui offre une ouverture à ces écrits proposant ainsi une structure d'information interactive. Il donne à l'utilisateur la possibilité de naviguer librement et lui offre un accès rapide à chacun des éléments constitutifs de l'ensemble. Avec l'hypertexte, les lecteurs peuvent se déplacer très facilement d'un texte à l'autre. Ils risquent de ne pas ressentir les différences, les séparations qui existent entre les textes, s'attachant plutôt à leur interconnexion. Les textes électroniques détruiraient ainsi leurs différentes identités, fusionnant ensemble dans de vastes réseaux de textes 244 immédiatement intégrés, préférant la perspective d'interconnexions multiples à leur autonomie d'objet. Le rôle des hyperliens, dans les écrits électroniques, est d'enrichir les connaissances des lecteurs en multipliant les informations via la connexion à d'autres liens. Ces derniers permettent de clarifier un message qui n'est pas clair ou d'expliciter un sens qui est difficilement interprétable et compréhensible. Le recours aux hyperliens joue ainsi un rôle considérable dans la construction du sens d'un énoncé ou d'un texte. C'est grâce à la complémentarité et la continuité des différents textes représentés par les hyperliens que le sens est construit. Ainsi, le recours aux hyperliens sur la plateforme de microblogging Twitter sert à atténuer la pauvreté lexicale des tweets due à la brièveté de ce type d'écrit. Les différents opérateurs, mis en place par les contraintes propres au dispositif, sont là pour nous donner plus d'informations tant sur le message que sur certains facteurs participants à la situation de communication (@ par exemple). Et nous avons déjà signalé que l'hashtag donne une dimension émotionnelle aux écrits auxquels il s'applique tout en mentionnant une liste mots-clés se rapportant au vocabulaire désigné par le mot mis en hashtag. Ce dernier, étiquetant des mots-clés, renvoie à divers textes traitant la même thématique. L'hashtag et l'adresse http:// sont les deux opérateurs qui garantissent l'enrichissement et l'investissement du message en améliorant son contenu. En fait, l'hypertextualité consiste à réunir des éléments de registres différents en l'occurrence des formes langagières et des formes technolangagières. Autrement dit, des mots et des technomots interagissent dans un même énoncé ou dans un même texte pour construire le sens. Comme la multimodalité, elle permet la production d'un discours hétérogène où s'associe le verbal au technique.
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Chez les participants passés à la retraite entre 2001 et 2007, il est intéressant de noter que la moyenne d'augmentation du temps total de comportement sédentaire était environ trois fois plus élevée (+8,4 h/semaine) que la moyenne d'augmentation de l'activité physique de loisir (+2,5 h/semaine). L'augmentation la plus importante de temps de comportement sédentaire pendant les loisirs concernait le temps passé devant l'ordinateur comparé au temps passé à lire et à regarder la télévision. Ce changement de comportement semble en phase avec l'expansion rapide de l'utilisation des ordinateurs et d'Internet dans différentes populations françaises pendant cette période (20012007). Ceci souligne l'importance d'évaluer les différentes dimensions des comportements sédentaires et pas seulement de la télévision, qui est elle-même connue pour augmenter avec le passage à la retraite (Evenson et al. 2002, Touvier et al. 2010). L'intérêt principal était de regarder pour un événement majeur de la vie l'évolution de l'activité physique et de la sédentarité, problématique qui se cantonne majoritairement dans la littérature à s'intéresser aux unes ou aux autres de ces pratiques. En plus des comportements sédentaires, cette étude est l'une des premières à avoir réalisé une évaluation détaillée des changements dans différents types d'activité physique de loisir chez des participants passant à la retraite (Barnett et al. 2013a). Chez les participants, l'augmentation de l'activité physique modérée (comme par exemple la marche ou le jardinage) a participé en moyenne pour les deux tiers à l'augmentation du temps total d'activité physique de loisir. Ceci est en accord avec les résultats des études précédentes dans lesquelles le passage à la retraite était associé avec une augmentation de la pratique sportive (Evenson et . 2002), avec une augmentation d'un score d'activité physique total (Barnett et al. 2013a, Brown, Heesch and Miller 2009) ainsi qu'avec une augmentation de la proportion de participants qui atteignaient les recommandations d'activités physiques de l'OMS (Berger et al. 2005). Il existe un certain nombre de raisons qui peuvent expliquer l'augmentation d'activité physique de loisir lors du passage à la retraite. Premièrement, le passage à la retraite est associé à une diminution des contraintes de temps au quotidien, ce qui signifie plus de temps disponible pour les sujets qu'ils peuvent donc consacrer par exemple à des activités physiques. Deuxièmement, les préoccupations pour la santé augmentent avec l'avancée en 92 âge, ce qui peut augmenter la motivation à la reprise ou l'augmentation de l'activité physique de loisir. Au-delà des résultats descriptifs les associations entre activité physique et sédentarité ont permis de mettre en avant des résultats d'intérêt. Si l'on considère les participants qui n'étaient pas retraités en 2007, les changements de temps passé devant la télévision pendant les loisirs étaient associés différemment selon les changements de temps d'activité physique au travail (association positive) ou avec les changements de temps d'activité physique de loisir (association négative). L'association positive avec l'activité physique au travail pourrait être intuitivement interprétée comme un comportement compensatoire, expliqué par le besoin de se reposer en dehors du travail. L'association négative avec l'activité physique de loisir pourrait refléter les choix effectués en termes de budget-temps dans cette population de travailleur. Bien qu'il n'existe pas d'étude antérieure sur des associations similaires en longitudinal, des relations négatives transversales entre le temps passé devant la télévision et l'activité physique de loisir ont déjà été montrées (Kaleta and Jegier 2007, Sugiyama et al. 2007). Si la retraite est une rupture nette entre une période de travail et de non-travail, nos données nous ont permis de regarder l'influence de cette rupture sur une large période de temps. En effet, nous avons pu comparer des comportements chez des personnes ayant un statut identique (travailleur ou retraité), mais avec un destin (en 2007) ou un passé (en 2001) différent. On a pu ainsi observer qu'en 2001, les participants qui allaient continuer à travailler jusqu'après 2007 passaient moins de temps devant la télévision et plus de temps assis au travail que ceux qui allaient passer à la retraite. C'est-à-dire que cela nous permet de mettre en évidence l'existence potentielle pour certains comportements sédentaires non pas d'une rupture nette, mais plus de changements graduels représentant une sorte de préparation à la retraite. Par ailleurs, nous avons pu observer qu'en 2007, les individus qui étaient récemment passés à la retraite avaient des comportements d'activité physique (loisir ou utilitaire) et de sédentarité (télévision, ordinateur, lecture, tâches domestiques assises) plus favorables à la santé que les participants à la retraite déjà depuis plus de six ans. Ceci pourrait indiquer soit qu'il existe un temps d'adaptation après le passage à la retraite, soit que les comportements se modifient progressivement à partir du passage à la retraite (ou une combinaison des deux). 93 Nous avons vu dans cet article que le passage à la retraite était marqué par de profonds changements des comportements, avec l'augmentation des comportements sédentaires et la baisse d'activité physique. Ces modifications sont néfastes pour la santé, dans une population qui devient de plus en plus sédentaire l'âge avançant. Si les relations entre activité physique et événements de santé dans les populations vieillissantes sont très étudiées, il n en est pas de même pour la sédentarité. En effet, à la différence de SU.VI.MAX où les questionnaires permettent d'évaluer différents contextes de pratiques, la grande majorité des études existantes ne permet pas d'avoir une vision d'ensemble des relations entre événements de santé et prise en compte globale des comportements d'activité physique et de sédentarité. Nous avons vu dans cet article que le passage à la retraite était marqué par de profonds changements dans les comportements, avec l'augmentation des comportements sédentaires et la baisse des niveaux d'activité physique. Ceci nous amène à nous interroger sur les conséquences sur la santé de telles modifications. C'est ce sujet que nous traiterons pour les paramètres cardiométaboliques dans l'article 3 et pour la somnolence diurne excessive dans l'article 4. 94
III. CHANGEMENTS DE COMPORTEMENTS SEDENTAIRES ET FACTEURS DE RISQUE CARDIOMETABOLIQUES : UNE ETUDE LONGITUDINALE CHEZ DES ADULTES FRANÇAIS Article
N
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O BJECTIFS DE L'ETUDE
Les objectifs de ce travail étaient, en utilisant les données longitudinales des études SU.VI.MAX et SU.VI.MAX 2, d'étudier les changements de trois comportements sédentaires de loisir (la télévision, l'ordinateur et la lecture) en relation avec les changements de différents facteurs de risque cardiométaboliques sur une période de six ans. 1. METHODES P OPULATION SPECIFIQUE
Les sujets de l'étude étaient les participants des cohortes SU.VI.MAX et SU.VI.MAX 2, pour lesquels des données de sédentarité et d'activité physique étaient disponibles en 2001 et 2007, ainsi que des données sur différents facteurs de risque cardiométaboliques (IMC, pourcentage de masse grasse, tour de taille, tension artérielle systolique et diastolique, pression pulsée, glycémie, triglycérides, le cholestérol des lipoprotéines de haute/basse densité (HDL et LDL)) pendant la même période. Comparées aux 12 741 sujets inclus initialement dans la cohorte entre 1994 et 1995, les analyses ont porté spécifiquement sur les sujets de 45 ans ou plus (pour avoir un âge d'inclusion similaire chez les hommes et chez les femmes), qui n'avaient pas été alités plus de quatre semaines dans l'année précédant le remplissage du questionnaire, et ceux ayant renseigné toutes les covariables utilisées dans les modèles multivariés, soit 2 517 participants (1 311 hommes et 1 206 femmes). M ESURES CLINIQUES ET BIOLOGIQUES
La taille, le poids, le tour de taille et le pourcentage de masse grasse ont été mesurés chez chaque participant en sous-vêtements et pieds nus. La taille a été mesurée à 0,5 cm près avec une toise murale. Le poids (kg) et le pourcentage de masse grasse (exprimée en pourcentage du poids corporel) ont été mesurés en utilisant un bio-impédancemètre de marque Tanita® TBF-300 (Tanita Corp., Tokyo, Japon). L'IMC (kg/m2) a été calculé par le rapport du poids corporel (kg) divisé par la taille au carré (m2). Le tour de taille a été mesuré chez le sujet en position debout à l'aide d'un mètre ruban inextensible à mi-distance entre le rebord costal inférieur et la crête iliaque sur la ligne médio-axillaire. La mesure de la pression artérielle (PA) a été effectuée une fois sur chaque bras, chez des participants qui avaient été préalablement couchés pendant 10 minutes, à l'aide d'un sphygmomanomètre standard à mercure. La moyenne des deux mesures a été utilisée pour les analyses. Lorsque la pression artérielle systolique (PAS) était strictement supérieure à 160 mm Hg et/ou si la pression artérielle diastolique (PAD) était strictement supérieure à 100 mm Hg, la PA était mesurée à nouveau après 5 minutes de repos, et la valeur la plus basse des deux PA était retenue pour les analyses (Hercberg et al. 1998). La pression pulsée (PP) a été calculée comme étant la valeur de la PAS moins la PAD. Des prélèvements de sang veineux ont été réalisés le matin après un jeûne de 12 heures, et l'analyse de tous les échantillons a été centralisée. Les paramètres mesurés étaient : la glycémie à jeun, le cholestérol-HDL et les triglycérides en utilisant une méthode enzymatique (Advia 1650; Bayer Diagnostic, Puteaux, France). Le cholestérol des lipoprotéines de basse densité (cholestérol-LDL) a été calculé en utilisant la formule de Friedewald. Nous avons utilisé les définitions du syndrome métabolique selon les critères du NCEPATPIII (Grundy et al. 2005) et selon les critères de la Fédération Internationale du Diabète (IDF) comme analyses de sensibilité (Alberti et al. 2009). Selon les critères du NCEP-ATPIII, le syndrome métabolique est basé sur la présence de trois ou plus des critères suivants : tour de taille ≥102 cm chez les hommes ou ≥ 88 cm chez les femmes ; PAS ≥ 130 mm Hg et/ou PAD ≥ 85 mm Hg, et/ou utilisation de médicaments antihypertenseurs ; de triglycérides ≥ 1,7 mmol/l ; de HDL-cholestérol < 1,03 mmol/l chez les hommes et < 1,3 mmol/l chez les femmes ; glycémie sanguine à jeun ≥ 5,6 mmol/l et/ou l'utilisation de médicaments antidiabétiques. Selon les critères IDF, le syndrome métabolique est basé sur la présence d'un tour de taille ≥ 94 cm chez les hommes et ≥ 80 cm chez les femmes avec deux ou plus des critères précédents, qui sont identiques à ceux fournis par la NCEP-ATPIII (à l'exception de la limite du tour de taille).
C OVARIABLES
Le sexe, la date de naissance et le niveau d'éducation ont été obtenus lors l'inclusion à l'aide d'un questionnaire auto-administré. Le niveau d'éducation a été codé en trois catégories en fonction du diplôme le plus élevé (école primaire, lycée, université ou équivalent). Le statut tabagique (jamais fumé, ancien fumeur, fumeur actuel) a été évalué en septembre 1998 par un questionnaire distinct envoyé à l'ensemble de la cohorte.
A NALYSES STATISTIQUES
Les variables de sédentarité et d'activité physique issues du MAQ ont été utilisées sous forme quantitative, en heures par semaine. Pour chaque participant, les changements de sédentarité et de facteurs de risque cardiométabolique entre 2001 et 2007 ont été calculés comme la valeur mesurée en 2007 soustraite de la valeur en 2001. Pour les analyses descriptives, les variables continues et catégorielles ont été décrites respectivement sous forme de moyenne ± ET et des pourcentages. 2. RESULTATS DE L'ETUDE C OMPARAISON ENTRE INCLUS ET LES EXCLUS
La sous-population étudiée était différente de la population incluse dans SU.VI.MAX 2 mais non-incluse dans cette étude. En effet, notre échantillon comprenait plus d'hommes (52,1 vs. 42,8%, p<0,001), plus de participants avec un diplôme universitaire (35,9 vs. 46,0%, p<0,001), et ceux-ci avaient un IMC plus faible (24,2 kg/m2 vs. 23,9 kg/m2, p=0,004) et étaient plus âgés au début de l'étude (58,5 ans vs. 55,2 ans, p<0,001). A NALYSES DESCRIPTIVES
L'âge moyen en 2001 était de 55,5 ans (Tableau 11). Plus d'un tiers de la population avait un diplôme universitaire ou un diplôme équivalent (35,9%). Les trois activités sédentaires de 98 loisir étudiées ont augmenté pendant la durée de l'étude, avec la plus grande augmentation pour l'ordinateur (+3,2 h/sem.). Les facteurs anthropométriques et le pourcentage de masse grasse ont augmenté pendant la durée de l'étude (tous p<0,001), ainsi que la glycémie à jeun, les triglycérides, le cholestérol-LDL, le cholestérol-HDL ayant diminué (tous p<0,01). En utilisant les définitions de la NCEP-ATPIII et de l'IDF, la prévalence du syndrome métabolique en 2001 était respectivement de 10,1% et 13,2%.
Tableau 11 - Caractéristiques [moyenne (ET) ou pourcentages] de la population d'étude (n=2517) en 2001 et les changements entre 2001 et 2007 Caractéristiques Âge en années 2001 Changement (20072001) p* 55,5 (4,9) Hommes 52,1 Niveau d'éducation Primaire Secondaire Tertiaire 22,3 41,8 35,9 Statut tabagique Jamais Ancien fumeur Fumeur 46,2 42,0 11,8 Employé 40,6 -31,8 <0,001 Activité physique en h/sem, Loisirs Professionnelle 4,9 (5,5) 7,7 (12,7) 1,0 (0,1) -5,8 (0,2) <0,001 <0,001 Sédentarité de loisir en h/sem, Télévision Ordinateur Lecture 15,6 (8,8) 2,4 (4,5) 7,8 (5,4) 1,9 (0,2) 3,2 (0,1) 0,7 (0,1) 10,1 13,2 2,8 8,6 0,003 <0,001 24,9 (3,6) 27,7 (7,4) 84,8 (11,6) 0,56 (0,03) 0,8 (0,1) 3,5 (0,1) 132 (15) 83 (9) 49 (11) -0,3 (0,4) -3,5 (0,2) 2,13 (0,27) 0,35 <0,001 <0,001 5,1 (0,7) 1,09 (0,58) (0,02) 0,03 (0,01) <0,001 0,01 Syndrome métabolique NCEP-ATPIII IDF Facteurs de risque cardiométaboliques† IMC en kg/m2 Pourcentage de masse grasse Tour de taille en cm PAS en mmHg PAD en mmHg PP en mm Hg Glycémie en mmol/L Triglycérides en mmol/L 99 HDL-cholestérol en mmol/L LDL-cholestérol en mmol/L 1,61 (0,42) 3,58 (0,82) -0,03 (0,01) 0,10 (0,02)
<0
,001
<0,
001 *: p
de
test de Student
t
appariés
ou de test de chi-2 de McNemar †: les facteurs de risque cardiométaboliques n'ont pas été mesurés pour tous les participants à la visite de suivi. En conséquence, les tailles d'échantillon pour chaque facteur de risque avec deux mesures
étaient
:
IMC=2 287; pourcentage de masse grasse=2 209; tour de taille=1 864; PAS=1 866; PAD=1 866; PP=1 866; glycémie=1 639; triglycérides=1 640; HDL-cholestérol=1 636; LDL-cholestérol=1 636. IMC: indice de masse corporelle. TAS: tension artérielle systolique. BDP: tension artérielle diastolique. PP: pression pulsée. HDL: lipoprotéines de haute densité. LDL: lipoprotéines de faible densité. A SSOCIATIONS BIDIRECTIONNELLES ENTRE LES COMPORTEMENTS SEDENTAIRES DE LOISIR ET LES FACTEURS DE RISQUE CARDIOMETABOLIQUES
En 2001, le temps de télévision pendant les loisirs était associé à tous les facteurs anthropométriques et biologiques dans un sens défavorable, excepté pour le cholestérol-HDL et le cholestérol-LDL (p=0,07 et p=0,09 respectivement) (Tableau 12). Les changements de télévision pendant les six ans de l'étude étaient significativement associés aux changements des indicateurs anthropométriques, mais pas des indicateurs biologiques (excepté le cholestérol-HDL). Si le temps passé devant la télévision en 2001 n'était pas associé au changement des facteurs de risque cardiométaboliques, l'IMC, le pourcentage de masse grasse, le tour de taille, la PAS, la PAD et les triglycérides en 2001 étaient eux associés de manière défavorable avec les changements de temps passé devant la télévision pendant les loisirs entre 2001 et 2007. En 2001, le temps d'ordinateur pendant les loisirs était associé à tous les facteurs anthropométriques ainsi qu'aux triglycérides et au niveau de LDL-cholestérol dans un sens défavorable. Les changements d'ordinateur pendant les six ans de l'étude étaient significativement associés aux changements de tour de taille et de la PAD. Si le temps passé devant un ordinateur en 2001 n'était pas associé à au changement d'un quelconque facteur cardiométabolique, l'IMC, le tour de taille, les triglycérides et le LDL-cholestérol en 2001 étaient eux associé d'une manière défavorable avec les changements de temps passé devant un ordinateur pendant les loisirs entre 2001 et 2007. En 2001, le temps de lecture pendant les loisirs était associé aux facteurs anthropométriques, mais aucune autre relation transversale longitudinale n'a été retrouvée. Dans les analyses explorant les relations entre facteurs de risque cardiométaboliques et le temps passé devant un ordinateur stratifiées sur le sexe, on observe que les relations 100 transversales entre comportement sédentaire et indicateurs anthropométriques étaient plus fortes chez les femmes (de deux à huit fois). De même, si dans les analyses sur les deux sexes on n'observait pas de relation entre temps passé devant un ordinateur au début de l'étude et variation de facteurs de risque cardiométaboliques pendant l'étude, on observe chez les femmes une relation significativement positive avec les changements d'IMC. 2001 β Télévision Changement p β p 2001 β Ordinateur Changement p β p 2001 β Lecture Changement p β p IMC (kg/m2) 0,06 0,004 <0,001 0,31 0,01 0,02 0,04 0,001 0,08 -0,001 <0,001 0,91 0,02 0,01 0,01 0,28 0,04 -0,01 0,003 0,09 -0,000 -0,000 0,96 0,97 Pourcentage de masse grasse 0,09 0,01 <0,001 0,07 0,03 0,04 0,01 <0,001 0,12 -0,01 <0,001 0,65 0,03 0,01 0,18 0,60 0,07 -0,001 0,002 0,94 0,01 -0,001 0,77 0,94 0,17 0,02 <0,001 0,28 0,08 0,04 <0,001 0,06 0,20 -0,02 <0,001 0,50 0,09 0,05 0,02 0,02 0,09 -0,03 0,014 0,20 0,02 -0,01 0,55 0,77 PAS (mm Hg) 0,13 0,01 0,001 0,91 0,11 -0,04 0,01 0,52 0,05 -0,10 0,52 0,30 -0,01 0,10 0,93 0,09 0,09 0,05 0,55 0,47 0,08 0,01 0,27 0,84 PAD (mm Hg) 0,06 0,05 0,01 0,10 0,05 0,01 0,05 0,71 0,02 -0,02 0,71 0,77 -0,04 0,10 0,45 0,01 0,01 0,02 0,79 0,72 0,03 0,05 0,47 0,31 PP (mm Hg) 0,07 -0,03 0,02 0,42 0,06 -0,05 0,06 0,27 0,03 -0,09 0,58 0,20 0,03 -0,001 0,61 0,98 0,03 0,05 0,56 0,39 0,05 -0,03 0,38 0,54 0,002 0,003 0,01 0,13 0,03 -0,001 0,09 0,67 0,002 -0,000 0,39 0,91 0,002 0,000 0,50 0,92 -0,003 0,002 0,16 0,49 -0,001 0,000 0,71 0,94 0,004 0,001 0,003 0,19 0,004 0,0001 0,03 0,99 0,01 0,002 0,009 0,17 0,01 0,000 0,02 0,92 0,003 -0,000 0,15 0,81 0,004 -0,001 0,16 0,57 HDL-cholestérol (mmol/L) -0,002 4,10-5 0,07 0,96 -0,001 -0,002 0,25 0,02 -0,002 5,10-5 0,20 0,97 -0,002 -0,001 0,36 0,22 1 0,002 0,55 0,13 0,002 -0,002 0,28 0,06 LDL-cholestérol (mmol/L) 0,004 -4,10-4 0,09 0,44 0,001 0,01 0,74 0,04 0,02 -0,002 <0,001 0,67 0,02 -0,000 0,002 0,92 0,003 0,006 0,46 0,07 0,003
-0,
001
0,5
4
0,83 *: les modèles ont été ajustés sur l'âge, le sexe, le niveau d'éducation, le tabagisme, le temps passé à faire de l'activité physique modérée à intense au travail en 2001, le temps passé à faire de l'activité physique de loisir en 2001 et sur l'IMC pour les variables à expliquer non anthropométriques. Les participants qui ont déclaré une médication pour l'hypertension artérielle, le diabète ou la dyslipidémie ont été exclus des analyses correspondantes. A SSOCIATIONS ENTRE COMPORTEMENT SEDENTAIRE DE LOISIR ET SYNDROME METABOLIQUE
Dans les analyses transversales, un plus grand temps de télévision a été associé avec une prévalence plus élevée de syndrome métabolique, quelle que soit la définition utilisée (définition de l'IDF : OR=1,03, IC à 95% [1,02 ; 1,05] p<0,001; définition NCEPATPIII: OR=1,03, IC à 95% [1,01 ; 1,05] p=0,003) ; de même plus les individus passaient de temps devant un ordinateur, plus la probabilité d'avoir un syndrome métabolique était élevée (pour la définition NCEP-ATPIII, OR=1,04, IC à 95% [1,01 ; 1,07] p<0,001). En revanche, le temps de lecture n'était pas associé dans ces en analyses transversales avec la présence du syndrome métabolique. Dans les analyses longitudinales, un temps plus important passé devant la télévision était associé avec une augmentation du risque de développer un syndrome métabolique en utilisant la définition de l'IDF ; pour la définition NCEP-ATPIII, la significativité n'était pas atteinte (p=0,07) (Figure 20). En revanche, aucune association n'a été retrouvée pour le temps passé devant un ordinateur, quelle que soit la définition du syndrome métabolique. Enfin, le temps passé à lire en 2001 pendant les loisirs était associé à une augmentation du risque de développer un syndrome métabolique selon la définition NCEP-ATPIII, mais pas selon la définition IDF. * : les modèles ont été ajustés sur l'âge, le sexe, le niveau d'éducation, le tabagisme, le temps passé à faire de l'activité physique modérée à intense au travail en 2001, le temps passé à faire de l'activité physique de loisir en 2001.LCL: limite inférieure de l'intervalle de confiance à 95%, UCL: limite supérieure de l'intervalle de confiance à 95%. Les participants présentant un syndrome métabolique au début de l'étude ont été exclus des analyses. Les degrés de significativité pour la définition NCEP-ATPIII étaient de p = 0,07 pour la télévision, p = 0,21 pour l'ordinateur et p = 0,04 pour la lecture. Les degrés de significativité pour la définition de l'IDF étaient de p = 0,02 pour la télévision, p = 0,37 pour ordinateur et p = 0,28 pour la lecture. TV : télévision. Computer : ordinateur. Reading : lecture. Figure 20 - Odd ratios (IC à 95%) pour l'association entre une augmentation d'une heure de temps passé devant la télévision, l'ordinateur ou à lire pendant les loisirs en 2001 (h/sem.) et l'incidence de syndrome métabolique en 2007, selon la définition NCEP-ATPIII et IDF
3. DISCUSSION
Cette étude a montré qu'une augmentation d'une heure de télévision ou de lecture par semaine était associée avec une augmentation six ans après de 2 à 3% du rapport des risques de syndrome métabolique, alors que cette augmentation n'est pas retrouvée pour l'ordinateur. Ces associations étaient indépendantes de l'âge, du sexe, du niveau d'éducation, du statut tabagique et de l'activité physique de travail et de loisir. Ces résultats prolongent ceux d'une étude précédente sur le risque de syndrome métabolique de 1998 à 2001 chez ces sujets (Bertrais et al. 2005), et apportent de nouveaux éléments sur les relations entre comportements sédentaires et facteurs de risque cardiométaboliques, au niveau de chaque domaine, dans un objectif de prévention spécifique pour chaque individu. Cette étude est la première qui a regardé de façon prospective l'association entre plusieurs domaines des comportements sédentaires et le syndrome métabolique. Gennuso et al. ont observé lors d'analyses transversales portant sur 5 000 adultes américains une association dose-réponse linéaire entre la sédentarité mesurée par accélérométrie et le syndrome métabolique (Gennuso et al. 2015). Ces auteurs ont rapporté qu'une heure de sédentarité par jour de plus était associée avec un risque supplémentaire de syndrome métabolique de 9%. Les différences entre cette étude et la nôtre peuvent être expliquées par les différents desseins expérimentaux des études L'imprécision inhérente aux mesures subjectives de la sédentarité, à savoir le nombre d'heures d'activité sédentaire mesurées peut aussi participer. Cette imprécision peut mener à une diminution des effets apparents de l'activité sur les événements de santé due au biais de la dilution de régression (Frost and Simon 2000). Comme dans notre étude, les comportements sédentaires (avec des mesures objectives ou subjectives) ont été associés aux facteurs de risque cardiométaboliques dans plusieurs études transversales (Dunstan et al. 2005, Ford et al. 2005, Gao et al. 2007, Lahjibi et al. 2013), ajoutant de la plausibilité scientifique à nos résultats longitudinaux concernant le syndrome métabolique. Bien qu'utiliser un ordinateur pendant les loisirs n'ait pas été associé au risque de syndrome métabolique dans les analyses longitudinales, nous avons trouvé lors des analyses transversales que celui-ci était associé d'une manière défavorable avec l'IMC, le pourcentage de masse grasse, le tour de taille, les triglycérides et le LDL-cholestérol. On - 105 - peut se poser la question de savoir si les différences d'association entre regarder la télévision et utiliser un ordinateur en relation avec le syndrome métabolique sont dues à un effet différent sur la physiologie humaine ou sont causées par un manque de puissance statistique. Dans notre étude, les participants ont passé six fois et demie plus de temps pendant leurs loisirs devant la télévision que devant leur ordinateur. Enfin, il a été montré que le temps passé devant la télévision était associé à une augmentation de l'apport énergétique et des troubles du sommeil (Braude and Stevenson 2014, Chapman et al. 2012), association encore non étudiée avec le temps passé devant un ordinateur chez les adultes. Les publications actuelles sur les comportements sédentaires durant les loisirs portent essentiellement sur le temps de télévision, le temps global d'écran ou le temps passé assis. Il existe très peu d'études explorant les associations entre le temps passé devant un ordinateur ou à lire et les facteurs de risque cardiométaboliques, les études existantes étant le plus souvent transversales. Par exemple Nang et al. ont récemment montré plusieurs associations significatives entre une variable composite de temps ordinateur et de temps de lecture et la pression artérielle sur 3 305 adultes de Singapour (moyenne d'âge 47,1 ans) (Nang et al. 2013). En outre, des articles axés sur les associations avec le temps d'écran lorsque le temps de télévision et ordinateur (séparément) étaient disponibles ou les comportements sédentaires de loisir agrégés lorsque le temps de lecture était disponible suggèrent que ces résultats étaient pour la plupart non significatifs (Aadahl, Kjaer and Jorgensen 2007, Bertrais et al. 2005, Chau et al. 2014, Chen, Pang and Li 2009, Ford et al. 2005, Kim et al. 2013, Sisson et al. 2009). Nous avons montré que l'augmentation du temps passé devant la télévision en six ans était significativement associée à des changements défavorables de l'IMC, du pourcentage de masse grasse et du tour de taille. Ces résultats prolongent les informations déjà apportées par les études transversales. De tels résultats, qui portent sur une variable d'exposition modélisée en fonction du changement d'une variable dépendante, sont moins enclins à des biais de confusion que ne le sont les modèles classiques étudiant une association transversale. De ce fait, leur utilisation permet de renforcer la preuve du lien de causalité. Cela se justifie par le fait que, pour qu'un facteur de confusion persiste dans un modèle sur les changements, il est nécessaire que le changement du facteur de confusion varie d'une manière similaire à celle de la variable d'exposition dans le temps. Cependant, le modèle statistique ne fournit pas de plus forte inférence de la direction de l'association que ne le fait un modèle longitudinal. Une seule étude a fait rapport sur les - 106 - relations entre les changements de comportement sédentaire et des changements dans les facteurs de risque cardiométaboliques avec l'avancée en âge (Wijndaele et al. 2010). Ces auteurs ont utilisé un échantillon de 3 846 adultes australiens et ont trouvé des associations positives significatives sur cinq ans de suivi entre les changements de temps passé à regarder la télévision et les changements de tour de taille ou un score composite de syndrome métabolique chez les femmes. Nos résultats étendent la conclusion de ces auteurs à l'IMC et au pourcentage de masse grasse, et ajoutent des preuves supplémentaires pour étayer l'hypothèse selon laquelle le temps passé à regarder la télévision peut prédire l'apparition du syndrome métabolique plusieurs années plus tard. À l'inverse, nous avons constaté que les valeurs initiales de l'IMC, du pourcentage de masse grasse et du tour de taille pourraient prédire les changements de temps devant un écran (temps à regarder la télévision ou à utiliser un ordinateur) pendant les loisirs. Ces observations sont cohérentes avec les résultats d'études térieures qui ont indiqué que certains facteurs anthropométriques (poids, IMC, obésité) étaient prospectivement associés avec le temps passé assis (Ekelund et al. 2008), avec mode de vie sédentaire (Mortensen et al. 2006) ou avec des niveaux d'activité physique réduits (Golubic et al. 2013, Lakerveld et al. 2011, Mortensen et al. 2006). Nos analyses longitudinales n'ont identifié que peu d'associations entre les comportements sédentaires de loisir et les facteurs de risque cardiométaboliques biologiques. - 108 - IV. EFFETS COMBINES DE L'ACTIVITE PHYSIQUE DE LOISIR ET DU COMPORTEMENT SEDENTAIRE DANS LA SOMNOLENCE DIURNE EXCESSIVE AU COURS DE L'AVANCEE EN AGE CHEZ LES ADULTES FRANÇAIS
Article N°4
O BJECTIFS DE L'ETUDE
Les objectifs de cette étude transversale étaient d'étudier les effets de l'activité physique et de la sédentarité (indépendamment ou regroupé) avec la Somnolence Diurne Excessive (SDE) dans un échantillon d'adultes français. 1. METHODES P OPULATION SPECIFIQUE
Les sujets de l'étude sont des participants de la cohorte SU.VI.MAX 2, pour lesquels étaient disponibles les données de sédentarité et d'activité physique en 2001 ainsi que les données sur la SDE (via une version française de l'échelle de sommeil d'Epworth). Les analyses ont porté spécifiquement sur les sujets de 45 ans ou plus (pour avoir une moyenne d'âge similaire chez les hommes et chez les femmes), et ceux ayant renseigné toutes les covariables utilisées dans les modèles multivariés, soit 4 941 participants.
M ESURES DE LA SDE
La SDE a été évaluée à partir de la version française de l'échelle de somnolence d'Epworth (ESS) (Johns 1991). Il s'agit d'un outil répandu, validé et fiable pour l'évaluation des SDE chez les adultes (Johns 1992, Kaminska et al. 2010). L'ESS comprend 8 items, servant à évaluer la possibilité de somnoler dans différentes situations/contextes, avec des réponses possibles allant de 0 (ne somnole jamais) à 3 (probabilité élevée de somnoler). Ainsi, le total du score peut varier de 0 à 24, un score plus élevé indiquant une propension accrue à somnoler pendant la journée. La SDE a été définie comme un score d'ESS> 10 (Johns 1991, Johns 1992).
C OVARIABLES
Le questionnaire sociodémographique administré dans le cadre de l'étude SU.VI.MAX 2 a fourni des informations sur le sexe, l'âge, le niveau d'éducation (primaire, secondaire et tertiaire), l'état matrimonial (marié-cohabitation/vivant seul), le statut d'emploi (retraité, travailleur ou personne au foyer), le statut tabagique (jamais, ancien eur, fumeur actuel) et d'anxiété («Êtes-vous ou avez-vous été traité pour des troubles anxieux? » Oui/Non). La consommation d'alcool en g/jour a été estimée à l'aide d'un questionnaire validé semi-quantitatif de fréquence alimentaire. Parallèlement à l'évaluation de la SDE, les participants ont également répondu à cinq questions oui/non sur leurs habitudes de sommeil/préoccupations : la satisfaction avec le sommeil, la difficulté d'endormissement, le réveil nocturne fréquent, l'utilisation de somnifères, et l'histoire personnelle de troubles du sommeil. Le poids corporel a été mesuré en utilisant la balance impédancemètre Tanita® TBF-300 (Tanita Corp., Tokyo, Japon). La taille a été mesurée à 0,5 cm près avec - 110 - une toise murale. L'IMC a ensuite été calculé comme étant le poids (en kg) divisé par la taille au carré (en m). 2. RESULTATS DE L'ETUDE C OMPARAISON ENTRE INCLUS LES EXCLUS
Des 6 850 adultes inclus dans l'étude SU.VI.MAX 2, ceux qui ont été exclus de la présente analyse (n = 2 671) étaient plus souvent des femmes, plus jeunes, plus 11 http://www.sports.gouv.fr/IMG/pdf/2-1_recommandations_aps_oms.pdf - 111 - susceptibles de vivre seules, d'être des fumeurs, d'avoir un niveau d'éducation élevé et d'avoir un emploi. En outre, les personnes exclues avaient des niveaux inférieurs d'activité physique de loisirs, rapportaient plus de difficulté à s'endormir, étaient plus susceptibles d'avoir un historique de troubles du sommeil et d'utiliser des somnifères que ceux inclus dans l'étude (données non présentées).
A NALYSES DESCRIPTIVES
L'âge moyen de notre échantillon était de 61,9 ans (ET = 6,1). Un total de 709 personnes (17%) était classé comme ayant une SDE. Les caractéristiques sociodémographiques selon le statut de SDE sont résumées dans le Tableau 13. Caractéristiques des participants N 2007 selon leur statut de l échelle sommeil )
Hommes Âge (ans) Niveau d'éducation Primaire Secondaire Tertiaire Statut d'emploi Actif Retraité Personne au foyer Marié ou vivant en couple Statut tabagique Jamais Ancien Actuel Indice de Masse Corporelle (kg/m)2 Grande quantité d'alcool ingéré (g/joura) Temps passé à regarder la télévision (h/semaine) Temps passé sur un ordinateur (h/semaine) Temps passé à lire (h/semaine) Traitement contre l'anxiété (passé ou présent) Sommeil satisfaisant Difficulté à s'endormir Réveils nocturnes fréquents Médication pour le sommeil Historique de troubles du sommeil Activité physique totale de loisir (h/semaine) N ESS ≤ 10 (n=3,470) ESS > 10 (n=709) P 1,825 4,179 43,2 62,1 (6,0) 45,8 61,4 (6,1) 0,20 0,01 0,62 632 1,498 2,049 15,0 35,7 49,4 15,8 36,8 47,4 1,262 2,539 378 3,523 29,0 9,5 61,5 83,9 36,3 6,8 57,0 86,3 1,897 1,938 344 4,179 661 4,179 4,179 4,179 4,179 2,993 3,344 2,221 813 839 4,179 45,5 56,1 8,4 25,2 (3,9) 16,1 16,8 (16,5) 5,2 (6,8) 8,2 (6,4) 5,8 73,2 20,2 51,0 19,4 18,9 5,6 (5,5) 44,9 47,8 7,3 25,6 (4,1) 14,7 16,2 (15,5) 6,1 (7,9) 7,9 (7,2) 34,0 64,0 18,9 63,9 19,6 26,1 4,8 (4,5) <0,001 0,11 0,53 0,02 0,36 0,15 0,004 0,29 <0,001 <0,001 0,43 <0,001 0,91 <0,001 <0,001
Les valeurs sont la moyenne (SD) ou le pourcentage avec des valeurs de p issues de tests de chi-2 ou de t de Student, le cas échéant. a : Défini telle que> 30,0 g/j pour les hommes et> 20,0 g/ j pour les femmes. A SSOCIATIONS ENTRE ACTIVITE PHYSIQUE DE LOISIR ET SDE
Dans les modèles bivariés, le temps d'activité physique de loisir était plus faible chez les personnes atteintes de SDE (Tableau 13). Les résultats des modèles de régression logistique multivariée - non ajustés et ajustés pour le sexe, l'âge, le niveau d'éducation, le statut professionnel, l'état matrimonial, l'IMC, les comportements sédentaires, l'anxiété, la satisfaction avec le sommeil, le réveil nocturne fréquent, l'histoire personnelle de troubles du sommeil, et l'intervalle entre l'évaluation de l'activité physique et l'administration de l'ESS - sont résumés dans le Tableau 14. Dans les modèles complets, l'activité physique de loisir totale était significativement et inversement associée avec la SDE (ORQ4 vs Q1 = 0,70, IC à 95% [0,54 ; 0,89]). Afin de tester la robustesse de nos analyses, nous avons réajusté les modèles après exclusion des participants qui avaient déclaré avoir pris des somnifères (n=811). La grande majorité de ces médicaments appartenait à la famille des benzodiazépines. Les résultats de cette analyse de sensibilité sont présentés au Tableau 15. Dans ces modèles, l'association inverse significative avec l'activité physique de loisir restait significative (ORQ4 vs Q1 = 0,72, IC à 95%: [0,54 ; 0,95]). Tableau 14 - Analyse en régression logistique de l'association entre somnolence diurne excessive (ess> 10) et quartiles de temps d'activité physique de loisir (n = 4 179)
Activité physique de loisir totale Quartile 1 Quartile 2 Quartile 3 Quartile 4 Ptendance Modèle 1a Modèle 2b Modèle 3c 1 0,89 (0,72-1,11) 0,80 (0,64-0,99) 0,62 (0,49-0,78) < 0,0001 1 0,91 (0,73-1,14) 0,85 (0,67-1,06) 1 0,91 (0,73-1,14) 0,85 (0,67-1,06) 0,69 (0,54-0,88) 0,003 0,70 (0,54-0,89) 0,004
Les valeurs sont des odds ratios avec un intervalle de confiance à 95% ESS : Epworth Sleepiness Scale a : Modèle 1: non-ajusté b : Modèle 2: ajusté sur le sexe, l'âge, le niveau d'éducation, le statut d'emploi, le statut marital, l'IMC, la satisfaction du sommeil, le réveil nocturne fréquent, l'histoire personnelle de troubles du sommeil, l'anxiété et l'intervalle entre l'évaluation de l'activité physique de loisir et l'administration de l'ESS c : Modèle 3: Modèle 2 + comportements sédentaires (regarder la télévision, utiliser un ordinateur, lire) - -
Tableau 15 - Analyse en régression logistique de l
'
association
entre somnolence diurne excessive (ESS> 10) et quartiles de temps d'activité physique de loisir après exclusion des participants sous somnifère (n=3 368) Activité physique de loisir totale Quartile 1 Quartile 2 Quartile 3 Quartile 4 Ptendance Modèle 1a Modèle 2b Modèle 3c 1 0,93 (0,72-1,19) 0,85 (0,66-1,09) 0,64 (0,49-0,83) 0,0006 1 0,95 (0,74-1,22) 0,91 (0,71-1,18) 0,70 (0,54-0,93) 0,016 1 0,95 (0,73-1,22) 0,91 (0,71-1,18) 0,72 (0,54-0,95
0,024 Les valeurs sont des odds ratios avec un intervalle de confiance à 95% ESS ; Epworth Sleepiness Scale a: Modèle 1: non-ajusté b: Modèle 2: ajusté sur le sexe, l'âge, le niveau d'éducation, le statut d'emploi, le statut marital, l'IMC, la satisfaction du sommeil, le réveil nocturne fréquent, l'histoire personnelle de troubles du sommeil, l'anxiété et l'intervalle entre l'évaluation de l'activité physique de loisir et l'administration de l'ESS c : Modèle 3: Modèle 2 + comportements sédentaires (regarder la télévision, utiliser un ordinateur, lire)
A SSOCIATIONS ENTRE COMPORTEMENTS SEDENTAIRES ET SDE
Les résultats des modèles de régression logistique multivariée pour les comportements sédentaires - le temps passé à regarder la télévision, utiliser un ordinateur, la lecture et le temps sédentaire total non-ajustés et ajustés pour le sexe, l'âge, le niveau d'éducation, le statut professionnel, l'état matrimonial, l'IMC, l'activité physique, l'anxiété, la satisfaction avec le sommeil, les réveils nocturnes fréquents, l'histoire personnelle de troubles du sommeil, et l'intervalle entre l'évaluation des comportements sédentaires et l'administration de l'ESS - sont résumés dans le Tableau 16. Modèle 1a Modèle 2b Modèle 3c 1 1 1 Quartile 2 (9,9 – 16,0 h/sem.) 0,95 (0,76-1,19) 0,92 (0,74-1,16) 0,93 (0,74-1,17) Quartile 3 (16,0 – 21,5 h/sem.) 0,88 (0,70-1,11) 0,86 (0,67-1,08) 0,86 (0,68-1,09) Quartile 4 (> 21,5 h/sem.) 0,84 (0,62-0,98) 0,73 (0,57-0,94) 0,73 (0,57-0,94) 0,03 0,01 0,01 1 1 1 Quartile 2 (0 – 3,5 h/sem.) 1,02 (0,80-1,30) 0,95 (0,74-1,22) 0,95 (0,74-1,22) Quartile 3 (3,5 – 7,0 h/sem.) 0,90 (0,72-1,12) 0,87 (0,69-1,10) 0,87 (0,69-1,10) Quartile 4 (> 7,0 h/sem.) 1,31 (1,06-1,62) 1,31 (1,05-1,63) 1,30 (1,05-1,62) 0,05 0,06 0,06 1 1 1 Quartile 2 (3,5 – 6,9 h/sem.) 0,89 (0,70-1,14) 0,89 (0,69-1,14) 0,89 (0,69-1,14) Quartile 3 (6,9 – 10,5 h/sem.) 0,74 (0,60-0,91) 0,79 (0,64-0,98) 0,81 (0,65-0,99) Quartile 4 (> 10,5 h/sem.) 0,69 (0,55-0,88) 0,74 (0,58-0,94) 0,76 (0,60-0,97) 0,0004 0,01 0,01 1 1 1 Quartile 2 (20,5 – 28,2 h/sem.) 0,95 (0,76-1,20) 0,94 (0,75-1,18) 0,94 (0,75-1,19) Quartile 3 (28,2 – 37,8 h/sem.) 0,83 (0,66-1,04) 0,83 (0,65-1,06) 0,84 (0,66-1,06) Quartile 4 (> 37,8 h/sem.) 0,97 (0,77-1,22) 0,97 (0,76-1,23) 0,97 (0,76-1,24) 0,53 0,59 0,62 Temps passé à er la télévision Quartile 1 (< 9,9 h/sem.) Ptrend Temps passé sur l'ordinateur Quartile 1 (0 h/sem.) Ptrend Temps passé à lire Quartile 1 (< 3,5 h/sem.) Ptrend Temps total sédentaire Quartile 1 (< 20,5 h/sem.) Ptrend
Les valeurs sont des odds ratios avec un intervalle de confiance à 95% ESS : Epworth Sleepiness Scale ; h/sem : heures/semaine a: Modèle 1: non-ajusté b: Modèle 2: ajusté sur le sexe, l'âge, le niveau d'éducation, le statut d'emploi, le statut marital, l'IMC, la satisfaction du sommeil, le réveil nocturne fréquent, l'histoire personnelle de troubles du sommeil, l'anxiété et l'intervalle entre l'évaluation de la sédentarité et l'administration de l'ESS c : Modèle 3: Modèle 2 + activité physique de loisir totale Le Tableau 17 résume les résultats de l'analyse de régression logistique de l'association transversale entre SDE et le temps passé dans les quatre combinaisons d'activité physique et de sédentarité (référence = Faible activité physique/Fort temps sédentaire). Dans le modèle non ajusté, nous avons trouvé un effet protecteur significatif d'une forte activité physique couplée avec un fort temps sédentaire avec la SDE, association qui n'a pas été observée dans le modèle ajusté sur toutes les covariables.
Tableau 17 - Analyse en régression logistique de l'association entre somnolence diurne excessive (ess> 10) et combinaison d'activité physique et de sédentarité (n=4 179) Combinaison d'activité physique et de sédentaritéa Modèle 1b Modèle 2c 1 1 Faible activité physique / Faible temps sédentaire 1,13 (0,91-1,41) 1,13 (0,89-1,40) Forte activité physique / Fort temps sédentaire 0,79 (0,63-0,99) 0,84 (0,66-1,06) Forte activité physique / Faible temps sédentaire 0,80 (0,63 1,01) 0,87 (0,67-1,11) 0,003 0,07 Faible activité physique / Fort temps sédentaire p global
Les valeurs sont des odds ratios avec un intervalle de confiance à 95% ESS : Epworth Sleepiness Scale a : l'activité physique forte/faible a été dichotomisée sur la base des recommandations OMS pour les adultes de 2,5 h/semaine ; les comportements sédentaires forts/faibles totaux ont été dichotomisés sur la base de la médiane de la variable de 28,2 h/ semaine. b : Modèle 1: non-ajusté c : Modèle 2 : ajusté sur le sexe, l'âge, le niveau d'éducation, le statut d'emploi, le statut marital, l'IMC, la satisfaction du sommeil, le réveil nocturne fréquent, l'histoire personnelle de troubles du sommeil, l'anxiété et l'intervalle entre l'évaluation de l'activité physique de loisir et l'administration de l'ESS 3.
DISCUSSION
Au sein d'une population d'adultes français, nous avons montré que la pratique hebdomadaire d'activités physiques de loisir étai significativement associée à un OR d'avoir une SDE de 0,70. Cette association favorable persistait même en limitant les analyses aux individus qui ne prenaient pas de somnifères. Cependant, notre hypothèse selon laquelle l'activité physique de loisir, lorsqu'elle était couplée avec une faible sédentarité, serait protectrice contre le SDE n'a pas été étayée par nos résultats. Il convient de noter que des associations inverses de comportements sédentaires avec l'activité physique (Mansoubi et al. 2014) et la SDE (Whitney et al. 1998) ont été rapportées, bien que d'autres données ne soient pas en faveur d'une telle relation (McClain et al. 2014). Nous avons constaté que le temps total de comportement sédentaire n'était pas associé à la SDE. Cependant, le temps passé à regarder la télévision et le temps consacré à la - 117 - lecture apparaissaient protecteurs contre la SDE, tandis que le temps passé sur un ordinateur semblait conférer un risque accru de SDE (OR de 1,30). Il n'existe pas aujourd'hui d'étude ayant évalué, chez les adultes, les associations entre SDE et différents comportements sédentaires. Une méta-analyse récente rapporte des effets non consistants de différents types d'écrans utilisés (ordinateur, télévision) sur le temps sommeil de nuit des adolescents (Bartel et al. 2015). En outre, des études ont démontré que l'utilisation le soir de dispositifs émetteurs de lumière (par exemple les écrans d'ordinateur) pourrait conduire à une vigilance accrue pendant la soirée, entrainer la suppression de sécrétion de mélatonine (un marqueur de l'horloge circadienne), et une diminution de la vigilance la matinée d'après (Cajochen et al. 2011, Chang et al. 2015). Selon les résultats issus de notre étude, il est donc possible que certains comportements sédentaires aient des effets variables sur le statut de SDE. La littérature sur le sujet se restreint au temps de télévision, et ne permet pas de comparer nos résultats, en particulier sur les personnes vieillissantes. Cependant, une revue de la littérature récente a montré des relations plutôt homogènes entre différents comportements sédentaires et divers événements de santé (de Rezende et al. 2014). Nos résultats sont en grande partie concordants avec les conclusions d'une étude américaine ayant inclus des individus âgés (55-84 ans) montrant un lien inverse significatif entre la somnolence diurne et les siestes avec l'activité physique (Chasens et al. 2007, Hays, Blazer and Foley 1996). Nos résultats sont également conformes aux données d' essai contrôlé randomisé de six mois mené auprès de personnes âgées atteintes de troubles du sommeil, qui ont été randomisés dans un programme de tai-chi ou à des exercices de faible intensité (Li et al. 2004). Les participants au programme de taichi ont signalé une réduction de la SDE (évaluée par l'ESS) par rapport à leurs homologues du groupe d'exercice à faible intensité. Pendant la pratique de l'activité physique, l'absorption du glucose par le cerveau diminue avec l'augmentation de l'intensité de l'exercice, et peut éventuellement déclencher des changements métaboliques adaptatifs dans les régions corticales frontales (Kemppainen et al. 2005). Dans l'ensemble, l'oxygénation et l'activité métabolique dans toutes les régions du cerveau augmentent pendant l'exercice (Bergouignan et al. 2011). Dans notre étude, la prévalence de la SDE était de 17% et ne différait pas significativement entre les sexes. Une autre étude basée sur les scores du ESS a montré des taux inférieurs chez les femmes comparées aux hommes chez des personnes âgées françaises (12% chez les hommes et 6% chez les femmes) (Tsuno et al. 2007). En utilisant une seule question (le sentiment d'être excessivement somnolent pendant la journée), une autre étude a montré une prévalence de 22,7% chez des hommes et 16,1% chez des femmes âgés françaises ne vivant pas en institution (Empana et al. 2009). La littérature indique des résultats variables dans les relations entre SDE et le sexe ou l'âge (Ohayon 2006). Dans nos modèles bivariés, la SDE était associée à un âge un peu plus jeune, au fait d'être actif professionnellement, d'avoir un IMC un peu plus élevé, à passer plus de temps devant un ordinateur, d'avoir un traitement contre l'anxiété, d'avoir un sommeil moins satisfaisant, des réveils nocturnes plus fréquents et d'avoir une histoire personnelle de troubles du sommeil. La somnolence diurne pourrait en effet être influencée par l'historique de durée et la qualité du sommeil, le moment de la journée, le contexte, le fait d'avoir des troubles du sommeil, la consommation de drogues, l'hygiène du sommeil, et plusieurs déterminants physiologiques (Hays et al. 1996, Johns 1991). DISCUSSION GENERALE I. INTERRELATIONS DE L'ACTIVITE PHYSIQUE AVEC LA SEDENTARITE
Avant de s'intéresser aux relations que peuvent avoir l'activité physique ou la sédentarité avec les événements de santé ou des déterminants de certains comportements, il était nécessaire de se demander quelles sont les relations entre ces deux comportements. Il était également important de chercher à mieux comprendre si différents domaines d'un même grand comportement (sédentarité ou activité physique) pouvaient être liés entre eux. En effet, il n'est pas prouvé que chaque activité physique spécifique soit positivement associée avec les autres activités physiques, de même qu'il n'est pas prouvé que chaque activité physique soit négativement liée avec toutes les activités spécifiques sédentaires. 1. MARCHE ET VELO : INTERRELATIONS ET RELATIONS AVEC LES AUTRES ACTIVITES PHYSIQUES
Dans le premier article, nous avons montré que la plupart des pratiques de marche et de vélo étaient associées positivement à la pratique d'activités physiques de loisir. Cependant, cette relation était négative avec la marche pour aller au travail. De même, nous avons montré des relations variables pour chaque domaine de marche et de vélo par rapport aux autres déterminants potentiels. Un point de discussion important à propos de ces relations était que les relations des domaines de marche entre eux, bien que significatifs et positifs, étaient de moindre amplitude (pouvant atteindre un facteur un dixième) comparées aux relations entre les mêmes domaines du vélo. Notre approche était centrée sur la prise en compte des domaines de la marche et du vélo en tant que pratiques si ce n'est indépendantes, au moins différenciées. Cette approche (pour les transports ou pour d'autres domaines de l'activité physique) est nouvelle. Ainsi, nous n'avons par exemple trouvé qu'un nombre très limité d'études sur les interrelations des transports actifs (entre type de transport et/ou de domaine). Les résultats de cet article apportent donc des informations nouvelles, en indiquant que cinq des six domaines de la - 120 - marche et du vélo sont associés positivement avec les activités physiques de loisir, et qu'une partie de ces domaines sont positivement liés entre eux. Cependant, nous avons aussi montré que la marche d'un domaine en particulier était négativement associée au vélo d'un domaine différent. Nous avons aussi mis en évidence dans notre population que la marche pour aller au travail était associée négativement avec les activités physiques de loisir, et, bien que certaines études aient analysé des relations entre marche pour aller au travail et activités physique de loisirs, aucune n'a étudié d'associations strictement similaires. Butler et al., en 2007, ont mis en évidence qu'une variable de marche en tant que moyen de transport (comprenant la marche pour aller au travail) était associée positivement à un index d'activité physique de loisirs, mais seulement chez les femmes (Butler et al. 2007). Hu et al., en 2002, ont mis en évidence une association positive, chez les hommes en particulier, du transport pour aller au travail (marche et vélo) avec les activités physiques de loisirs (Hu et al. 2002c). 2. ACTIVITE PHYSIQUE ET SEDENTARITE : DE LA MESURE A L'INTERET DES RELATIONS
Le deuxième article était consacré à l'évaluation à travers le passage à la retraite des pratiques d'activité physique et de sédentarité. Nous y avons étudié les relations entre les changements de ces pratiques chez les participants qui ont travaillé pendant toute la durée de l'étude, ceux qui passaient à la retraite et ceux qui ont toujours été à la retraite. Les résultats ont montré des relations négatives (entre temps de télévision et d'activités physiques de loisir) ou positives (entre temps de télévision et activité physique au travail), relations retrouvées principalement dans la population des participants qui ont travaillé du début à la fin du suivi. Pour mettre ces résultats en perspective, il faut citer certaines études qui ont évalué les niveaux d'activité physique et de sédentarité avant et après le passage à la retraite (Barnett et al. 2012b, Harvey, Chastin and Skelton 2014). Il faut noter qu'aucune ne s'était intéressée spécifiquement aux associations entre les sous-domaines de ces comportements comme nous avons pu le faire avec les données collectées chez les participants de l'étude NutriNet. Le manque de résultats significatifs pour les participants qui sont passés à la retraite entre le début et la fin du suivi et ceux déjà passés à la retraite au début du suivi peut être expliqué par le fait que ceux-ci avaient plus de temps libre après la retraite. Ils n'avaient donc en conséquence pas à faire de choix entre les comportements sédentaires de loisir et l'activité physique, hypothèse mentionnée récemment dans une autre étude (Maher et al. 2013). Cette hypothèse a un intérêt double. Cela impliquerait qu'une modification du temps de télévision chez personnes qui vont passer à la retraite pourrait modifier le temps d'activité physique de loisir (plutôt que d'être remplacé par une autre activité sédentaire). Cela indiquerait aussi que - 122 - contrairement à ce que peuvent montrer certaines études qualitatives, les personnes à la retraite ont le temps de pratiquer des activités physiques en plus de leurs occupations habituelles (Barnett et al. 2012a).
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17. L’alinéa A(6)(b) définit le second type d’« Entité d’investissement » comme toute Entité dont les
revenus bruts proviennent principalement d’une activité d’investissement, de réinvestissement ou de
négociation d’Actifs financiers ou de Crypto-actifs concernés, si l’Entité est gérée par une autre Entité qui
est un Établissement de dépôt, un Établissement gérant des dépôts de titres, un Organisme d’assurance
particulier ou une Entité d’investissement décrite à l’alinéa A(6)(a). Une Entité est « gérée par » une autre
Entité si l’Entité gestionnaire exerce, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un autre prestataire de
services, l’une ou l’autre des activités ou opérations décrites à l’alinéa A(6)(a) pour le compte de l’Entité
gérée. Néanmoins, une Entité ne gère pas une autre Entité si elle ne détient pas le pouvoir discrétionnaire
de gérer les actifs de celle-ci (en tout ou partie). Lorsqu’une Entité est gérée par un ensemble d’Institutions
financières, d’Entités non financières (ENF) ou de personnes physiques, cette Entité est considérée
comme gérée par une autre Entité qui est un Établissement de dépôt, un Établissement gérant des dépôts
de titres, un Organisme d’assurance particulier ou une Entité d’investissement décrite à l’alinéa A(6)(a), si
l’une des Entités gestionnaires constitue une telle autre Entité. Par exemple, une compagnie fiduciaire
privée qui fait office de siège social ou d’agent agréé d’un trust ou qui rend des services administratifs non
liés aux Actifs financiers, aux Crypto-actifs concernés ou à l’argent du trust, n’exerce pas les activités et
opérations décrites à l’alinéa (A)(6)(a) pour le compte du trust, de sorte que le trust n’est pas « géré par »
la compagnie fiduciaire privée au sens de l’alinéa (A)(6)(b). De même, une Entité qui investit tout ou partie
de ses actifs dans un fond commun, un fonds négocié en bourse ou un organisme similaire ne sera pas
considérée comme étant « gérée par » le fond commun, le fonds négocié en bourse ou l’organisme
similaire. Dans ces deux exemples, il convient de déterminer en outre si l’Entité est gérée par une autre
Entité afin de vérifier si l’Entité mentionnée en premier relève de la définition d’une Entité d’investissement
énoncée à l’alinéa (A)(6)(b).
18. Une Entité est considérée comme exerçant à titre d’activité principale une ou plusieurs des activités
décrites à l’alinéa A(6)(a), ou les revenus bruts d’une Entité proviennent principalement d’une activité
d’investissement, de réinvestissement ou de négociation d’Actifs financiers ou de Crypto-actifs concernés
aux fins de l’alinéa A(6)(b) si les revenus bruts de l’Entité générés par les activités correspondantes sont
supérieurs ou égaux à 50 % de ses revenus bruts durant la plus courte des deux périodes suivantes :
• La période de trois ans se terminant le 31 décembre de l’année précédant l’année au cours de
laquelle le calcul est effectué ; ou
• La période d’existence de l’Entité si celle-ci est inférieure à trois ans.
Comme précisé dans le paragraphe 10ter ci-dessus, pour appliquer le critère fondé sur les revenus bruts,
il convient de prendre en compte la totalité de la rémunération générée par les activités correspondantes
d’une Entité, que cette rémunération soit versée directement à l’Entité soumise au critère ou à une autre
Entité.
NORMES INTERNATIONALES D'ÉCHANGE AUTOMATIQUE DE RENSEIGNEMENTS EN MATIÈRE FISCALE © OCDE 2023
126
19. L’expression « Entité d’investissement », telle que définie à l’alinéa A(6), exclut les Entités qui sont des
ENF actives parce qu’elles satisfont aux critères énoncés aux alinéas D(9)(d) à (g) (à savoir les ENF qui
sont des structures de détention et les centres de gestion de la trésorerie appartenant à un groupe non
financier ; les nouvelles ENF ; et les ENF qui sont en liquidation ou émergent d’une procédure de faillite).
20. Une Entité sera généralement considérée comme une Entité d’investissement si elle fonctionne ou se
comporte comme un organisme de placement collectif, un fonds mutuel, un fonds négocié en bourse, un
fonds de capital-investissement, un fonds spéculatif, un fonds de capital-risque, un fonds de rachat
d’entreprise par endettement ou tout organisme de placement analogue dont la stratégie consiste à investir
ou à réinvestir dans des Actifs financiers ou des Crypto-actifs concernés et à effectuer des transactions
sur ces actifs ou ces Crypto-actifs. Une Entité dont l’activité principale consiste à réaliser des opérations
d’investissement, d’administration ou de gestion concernant des intérêts directs dans des biens
immobiliers sans recours à l’emprunt pour le compte de tiers, telle qu’une société d’investissement
immobilier, ne constituera pas une Entité d’investissement.
[…]
Actif financier
[…]
24. Dans ce contexte, il est indiqué à l’alinéa A(7) que l’expression « Actif financier » désigne un titre (par
exemple, représentant une part du capital dans une société de capitaux ; une part ou un droit de jouissance
dans une société de personnes comptant de nombreux associés ou dans une société en commandite par
actions cotée en bourse, ou un trust ; une obligation — garantie ou non — ou un autre titre de créance),
une participation, une marchandise, un contrat d’échange (par exemple de taux d’intérêt, de devise, de
taux de référence, contrats de garantie de taux plafond et de taux plancher, contrat d’échange de
marchandises, de créances contre des actifs, contrats sur indices boursiers et accords similaires), un
Contrat d’assurance ou un Contrat de rente, ou tout droit (y compris un contrat à terme standardisé ou de
gré à gré ou une option) attaché à un titre, un Crypto-actif concerné, une participation, une marchandise,
un contrat d’échange, un Contrat d’assurance ou un Contrat de rente. Par contre, la notion d’« Actif
financier » ne peut désigner un intérêt direct dans un bien immobilier sans recours à l’emprunt ni une
marchandise qui est un bien matériel, comme le blé.
[…]
25bis. Dans chaque cas, la question de savoir si un actif est un Actif financier est indépendante de la forme
sous laquelle cet actif est émis. Par conséquent, un actif émis sous la forme d’un Crypto-actif peut être
simultanément un Actif financier.
[…]
Produit de monnaie électronique spécifique
29bis. L’alinéa A(9) définit l’expression « Produit de monnaie électronique spécifique » comme tout produit
qui est :
33. Une représentation numérique d’une Monnaie fiduciaire unique ;
34. Émis à réception de fonds aux fins de procéder à des transactions de paiement ;
35. Représenté par une créance sur l’émetteur libellée dans la même Monnaie fiduciaire ;
36. Accepté en paiement par une personne morale ou physique autre que l’émetteur ; et
37. En vertu d’obligations réglementaires applicables à l’émetteur, remboursable à tout moment et
à sa valeur nominale pour la même Monnaie fiduciaire sur demande du détenteur du produit.
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38. L’expression « Produit de monnaie électronique spécifique » n’inclut pas un produit créé à
seule fin de faciliter le transfert de fonds d’un client à une autre personne conformément aux
instructions du client. Un produit n’est pas créé à seule fin de faciliter le transfert de fonds si,
dans le cadre ordinaire des activités de l’Entité à l’origine du transfert, les fonds associés à ce
produit sont conservés plus de 60 jours après réception des instructions visant à faciliter le
transfert ou, en l’absence d’instructions, si les fonds associés à ce produit sont conservés plus
de 60 jours après leur réception.
29ter. L’alinéa A(9)(a) stipule qu’un produit doit être une représentation numérique d’une Monnaie
fiduciaire unique pour être considéré comme un Produit de monnaie électronique spécifique. Un produit
sera considéré comme représentant et reflétant numériquement la valeur de la Monnaie fiduciaire dans
laquelle il est libellé. Par conséquent, un produit reflétant la valeur de plusieurs monnaies ou actifs n’est
pas un Produit de monnaie électronique spécifique.
29quater. L’alinéa A(9)(b) stipule que le produit doit être émis à réception des fonds. Cette partie de la
définition signifie qu’un Produit de monnaie électronique spécifique est un produit prépayé. L’« émission »
s’entend au sens large comme incluant l’activité consistant à rendre disponibles de la valeur prépayée
stockée et des moyens de paiement en échange de fonds. À cet égard, les produits stockés sous forme
électronique et magnétique peuvent être « émis », y compris les comptes de paiement en ligne et les
cartes physiques utilisant la technologie de la bande magnétique. Cet alinéa prévoit en outre que le produit
doit être émis aux fins de la réalisation d’opérations de paiement.
29quinquies. L’alinéa A(9)(c) stipule que, pour être un Produit de monnaie électronique spécifique, un
produit doit être représenté par une créance sur l’émetteur libellée dans la même Monnaie fiduciaire. À cet
égard, une « créance » comprend toute créance monétaire sur l’émetteur, reflétant la valeur de la Monnaie
fiduciaire représentée par le produit de monnaie électronique émis en faveur du client.
29sexies. En vertu de l’alinéa A(9)(d), un produit doit être accepté par une personne physique ou morale
autre que l’émetteur pour être considéré comme un Produit de monnaie électronique spécifique, ce qui
signifie que ces tiers doivent accepter le produit de monnaie électronique comme moyen de paiement. Par
conséquent, les instruments prépayés spécifiques, conçus pour répondre à des besoins précis et ne
pouvant être utilisés que de manière limitée, parce qu’ils permettent au détenteur de la monnaie
électronique d’acheter des biens ou des services uniquement dans les locaux de l’émetteur de la monnaie
électronique ou au sein d’un réseau limité de prestataires de services en vertu d’un accord commercial
direct conclu avec un émetteur professionnel, ou parce qu’ils ne peuvent être utilisés que pour acquérir un
éventail limité de biens ou de services, ne sont pas considérés comme des Produits de monnaie
électronique spécifiques.
29septies. L’alinéa A(9)(e) stipule que l’émetteur du produit doit faire l’objet d’une surveillance afin de
s’assurer que le produit est remboursable à tout moment et à sa valeur nominale pour la même Monnaie
fiduciaire, sur demande du détenteur du produit, pour que le produit soit considéré comme un Produit de
monnaie électronique spécifique. À cet égard, la « même » Monnaie fiduciaire désigne la Monnaie
fiduciaire dont le produit de monnaie électronique est une représentation numérique. Lorsqu’il procède à
un remboursement, il est admis que l’émetteur peut déduire du montant du remboursement tous les frais
ou coûts de transaction.
29octies. La définition exclut les produits qui sont créés uniquement afin de faciliter un transfert de fonds,
conformément aux instructions données par un client, et qui ne peuvent pas servir à stocker de la valeur.
Par exemple, ces produits peuvent être utilisés pour permettre à un employeur de verser les salaires
mensuels à ses salariés ou pour permettre à un travailleur immigré d’envoyer de l'argent à des membres
de sa famille vivant dans un autre pays. Un produit n’est pas créé à seule fin de faciliter le transfert de
fonds si, dans le cadre ordinaire des activités de l’Entité à l’origine du transfert, les fonds associés à ce
produit sont conservés plus de 60 jours après réception des instructions visant à faciliter le transfert ou,
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128
en l’absence d’instructions, si les fonds associés à ce produit sont conservés plus de 60 jours après leur
réception.
Monnaie numérique de Banque centrale, Monnaie fiduciaire, Crypto-actif, Crypto-actif concerné et
Transaction d’échange
Les expressions « Monnaie numérique de Banque centrale », « Monnaie fiduciaire », « Crypto-actif »,
« Crypto-actif concerné » et « Transaction d’échange » doivent être interprétées conformément aux
Commentaires relatifs au Cadre de déclaration des Crypto-actifs.
[…]
Paragraphe B — Institution financière non déclarante
[…]
Alinéa B(1) — Considérations générales
30. L’alinéa B(1) présente les diverses catégories d’Institutions financières non déclarantes (c’est-à-dire
dispensées de l’obligation déclarative). L’expression « Institution financière non déclarante » désigne toute
Institution financière qui est :
a) Une Entité publique, une Organisation internationale ou une Banque centrale, sauf :
i.
En ce qui concerne un paiement résultant d’une obligation détenue en lien avec une
activité financière commerciale exercée par un Organisme d’assurance particulier, un
Établissement de dépôt ou un Établissement gérant des dépôts de titres ; ou
ii.
En ce qui concerne l’activité consistant à conserver des Monnaies numériques de
Banque centrale pour des Titulaires de compte qui ne sont pas des Institutions
financières, des Entités publiques, des Organisations internationales ou des Banques
centrales.
Alinéas B(2) à (4) — Entité publique, Organisation internationale et Banque centrale
31. Une Institution financière qui est une Entité publique, une Organisation internationale ou une Banque
centrale constitue une Institution financière non déclarante, selon l’alinéa B(1)(a), sauf en ce qui concerne
un paiement résultant d’une obligation détenue en lien avec une activité financière commerciale exercée
par un Organisme d’assurance particulier, un Etablissement de dépôt ou un Etablissement gérant des
dépôt de titres. Aux termes de l’alinéa B(1)(a), une Institution financière qui est une Entité publique, une
Organisation internationale ou une Banque centrale est une Institution financière non déclarante.
Toutefois, en vertu de l’alinéa B(1)(a)(i), l’exclusion ne s’applique pas à un paiement résultant d’une
obligation détenue en lien avec une activité financière exercée par un Organisme d’assurance particulier,
un Établissement de dépôt ou un Établissement gérant des dépôts de titres. De même, selon l’alinéa
B(1)(a)(ii), l’exclusion ne concerne pas l’activité consistant à conserver des Monnaies numériques de
Banque centrale pour des Titulaires de compte qui ne sont pas des Institutions financières, des Entités
publiques, des Organisations internationales ou des Banques centrales. Ainsi, une Banque centrale qui
exerce une activité financière, consistant par exemple à intervenir en tant qu’intermédiaire pour le compte
de tiers en dehors de ses attributions de Banque centrale, n’est pas une Institution financière non
déclarante selon l’alinéa B(1)(a)(i) en ce qui concerne les paiements reçus en rapport avec un compte
détenu en lien avec cette activité. De la même manière, en vertu de l’alinéa B(1)(a)(ii), la conservation de
Monnaies numériques de Banque centrale pour des Titulaires de comptes qui ne sont pas des Institutions
financières, des Entités publiques, des Organisations internationales ou des Banques centrales est
également une activité pour laquelle une Banque centrale n’est pas une Institution financière non
déclarante.
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129
[…]
Alinéas B(5) à (7) — Caisses et fonds
36. Selon l’alinéa B(5), l’expression « Caisse de retraite à large participation » désigne une caisse établie
en vue de verser des prestations de retraite, d’invalidité ou de décès, ou une combinaison d’entre elles, à
des bénéficiaires qui sont des salariés actuels ou d’anciens salariés (ou des personnes désignées par ces
salariés) d’un ou de plusieurs employeurs en contrepartie de services rendus, dès lors que cette caisse :
a) N’est pas caractérisée par l’existence d’un bénéficiaire unique détenant un droit sur plus de
5 % des actifs de la caisse ;
b) Est soumise à la réglementation et communique des informations aux autorités fiscales ; et
c) Satisfait à au moins une des quatre exigences énoncées à l’alinéa B(5)(c) (la caisse bénéficie
d’un régime fiscal préférentiel ; l’essentiel des cotisations provient des employeurs qui la
financent ; les versements ou retraits sont autorisés uniquement lorsque surviennent les
événements prévus ; et les cotisations des salariés sont limitées par référence à un montant).
36bis. La section VIII(B)(5)(a) stipule que, pour qu’une Institution financière puisse être considérée comme
une Institution financière non déclarante au titre de la catégorie des Caisses de retraite à large
participation, l’Institution financière doit, entre autres, s’assurer qu’elle ne compte aucun bénéficiaire
unique détenant un droit supérieur à 5 % des actifs de la caisse. Dans le cas où le fonds comporte plusieurs
compartiments qui, dans les faits, fonctionnent comme des produits de retraite distincts, notamment du
fait de la ségrégation des actifs, des risques et des revenus attribués à ces compartiments, le critère
permettant de déterminer si un bénéficiaire unique détient un droit supérieur à plus de 5 % des actifs du
fonds doit être appliqué au niveau de chaque compartiment.
Entité à but non lucratif qualifiée
36ter. Les alinéas B(2) à B(9) énumèrent les catégories suivantes d’Institutions financières non
déclarantes : « Entité publique », « Organisation internationale », « Banque centrale », « Caisse de
retraite à large participation », « Caisse de retraite à participation étroite », « Fonds de pension d’une
Entité publique, d’une Organisation internationale ou d’une Banque centrale », « Émetteur de carte de
crédit homologué » et « Organisme de placement collectif dispensé ».
36quater. Outre ces catégories, les juridictions peuvent aussi souhaiter traiter les Entités à but non lucratif
qualifiées en tant qu’Institutions financières non déclarantes. Toute juridiction qui adopte cette disposition
facultative doit mettre en place les mécanismes juridiques et administratifs appropriés pour faire en sorte
qu’une Entité qui revendique le statut d’Entité à but non lucratif qualifiée remplisse bien les conditions
visées à l'alinéa D(9)(h) de la section VIII avant d’être considérée comme une Institution financière non
déclarante.
36quinquies. Comme exemple de mécanisme approprié, citons un régime réglementaire détaillé qui
prescrit les conditions auxquelles une Entité peut être traitée comme une Entité à but non lucratif qualifiée,
et dans lequel une autorité publique vérifie que ces Entités remplissent bien ces conditions. Un mécanisme
est également approprié si une Entité à but non lucratif qualifiée devrait obtenir une décision favorable de
la part d’une autorité publique ou judiciaire sur le fait qu’elle est bien une Entité à but non lucratif qualifiée.
De même, un mécanisme d'inscription par lequel les Entités à but non lucratif qualifiées doivent demander
à figurer dans un registre géré par l’État (dans le cadre de l’obtention d’un statut national d’exemption
fiscale ou pour confirmer la déductibilité fiscale de dons en faveur de l’organisme de bienfaisance, par
exemple) pourrait être un mécanisme approprié. En tout état de cause, le recours à un tel mécanisme pour
confirmer qu’une Entité remplit les conditions de l’alinéa D(9)(h) de la section VIII est obligatoire avant
qu’une telle Entité puisse être considérée comme une Entité à but non lucratif qualifiée et donc comme
une Institution financière non déclarante.
NORMES INTERNATIONALES D'ÉCHANGE AUTOMATIQUE DE RENSEIGNEMENTS EN MATIÈRE FISCALE © OCDE 2023
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36sexies. Si la juridiction de mise en œuvre souhaite ajouter la catégorie « Entité à but non lucratif
qualifiée » et a mis en place, ou compte mettre en place, les mécanismes de vérification juridiques et
administratifs appropriés, elle peut modifier la section relative aux Institutions financières non déclarantes
en ajoutant un élément supplémentaire, « Entité à but non lucratif qualifiée », aux alinéas B(1)(f) et B(10),
qui contient une liste des catégories d’entités nationales qui remplissent les conditions de l’alinéa B(10) ou
qui définit ces conditions de manière générique, à savoir :
B. Institution financière non déclarante
1. L’expression « Institution financière non déclarante » désigne toute Institution financière qui
est :
[…]
f) une Entité à but non lucratif qualifiée.
[…]
10. L’expression « Entité à but non lucratif qualifiée » désigne une Entité résidente d’une
[Juridiction] à qui l’administration fiscale [ou un autre organisme public] de [Juridiction] a confirmé
qu’elle remplit toutes les conditions suivantes :
40. i) Elle est établie et exploitée dans [Juridiction] exclusivement à des fins religieuses,
caritatives, scientifiques, artistiques, culturelles, sportives ou éducatives ; ou elle est
établie et exploitée dans [Juridiction] et elle est une fédération professionnelle, une
organisation patronale, une chambre de commerce, une organisation syndicale, agricole
ou horticole, civique ou un organisme dont l'objet exclusif est de promouvoir le bien-être
social ;
41. ii) Elle est exonérée d’impôt sur les sociétés dans [Juridiction] ;
42. iii) Elle n'a aucun actionnaire ni aucun membre disposant d’un droit de propriété ou de
jouissance sur ses recettes ou ses actifs ;
43. iv) Le droit applicable de [Juridiction] ou les documents constitutifs de l’Entité excluent que
les recettes ou les actifs de l’Entité soient distribués à des personnes physiques ou à des
organismes à but lucratif ou utilisés à leur bénéfice, à moins que cette utilisation ne soit
en relation avec les activités caritatives de l’Entité ou à titre de rémunération raisonnable,
à la valeur de marché, pour les biens et services rendus, acquis ou souscrits par l'Entité ;
et
44. v) Le droit applicable de [Juridiction] ou les documents constitutifs de l’Entité imposent
que, lors de la liquidation ou de la dissolution de l'Entité, tous ses actifs soient distribués
à une entité publique ou à une autre Entité qui réponde aux conditions énoncées aux
points i)à v), ou soient dévolus au gouvernement de [Juridiction] ou à l'une de ses
subdivisions politiques.
Paragraphe C — Compte financier
[…]
Alinéa C(2) — Compte de dépôt
66. L’expression « Compte de dépôt » […] comprend tous les comptes commerciaux, les compteschèques, d’épargne ou à terme et les comptes dont l’existence est attestée par un certificat de dépôt, un
certificat d’épargne, un certificat d’investissement, un titre de créance ou un autre instrument analogue
auprès d’un Établissement de dépôt Institution financière dans le cadre habituel d’une activité bancaire ou
liée. Un Compte de dépôt comprend également :
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45. Les sommes détenues par les organismes d’assurance en vertu d’un contrat de placement
garanti ou d’un contrat semblable ayant pour objet de verser des intérêts ou de les porter au
crédit du titulaire ;
46. Un compte ou un compte notionnel qui représente tous les Produits de monnaie électronique
spécifiques au profit d’un client ; et
47. Un compte qui héberge une ou plusieurs Monnaies numériques de Banque centrale au profit
d’un client.
[…]
67bis. Tous les Produits de monnaie électronique spécifiques qu’une Entité détient au profit d'un client
sont considérés comme constitutifs d’un Compte de dépôt de ce client. Aux fins de déterminer la valeur
de ce Compte de dépôt, une Institution financière déclarante est tenue de totaliser la valeur de tous les
Produits de monnaie électronique spécifiques que le Titulaire de compte détient auprès de cette Institution
financière déclarante. De même, tout dispositif par le biais duquel l’Entité détient une Monnaie numérique
de Banque centrale au profit d’un client sera considéré comme un Compte de dépôt. Dans les cas où un
Produit de monnaie électronique spécifique ou une Monnaie numérique de Banque centrale a été émis(e)
en tant que Crypto-actif, une Entité est considérée comme détenant cet actif au profit d’un client dans la
mesure où elle conserve ou administre les instruments permettant le contrôle de l’actif (par exemple, des
clés privées), et a la capacité de gérer, de négocier ou de transférer à des tiers l’actif sous-jacent pour le
compte de ce client.
[…]
Alinéa C(3) — Compte conservateur
68. Selon l’alinéa C(3), l’expression « Compte conservateur » désigne un compte (à l’exclusion d’un
Contrat d’assurance ou d’un Contrat de rente) ouvert au bénéfice d’une autre personne et sur lequel
figurent un ou plusieurs Actifs financiers.
68bis. Un dispositif visant à conserver ou administrer l’instrument permettant le contrôle d’un ou de
plusieurs Actifs financiers émis sous la forme d’un Crypto-actif au profit d’une autre personne est
également un Compte conservateur, dans la mesure où l’Entité a la capacité de gérer, de négocier ou de
transférer à des tiers les Actifs financiers sous-jacents pour le compte de la personne.
Alinéa C(4) — Titre de participation
69. La définition d’un Titre de participation couvre spécifiquement les participations détenues dans des
sociétés de personnes et des trusts. Dans le cas d’une société de personnes qui est une Institution
financière, l’expression « Titre de participation » désigne toute participation au capital ou aux bénéfices de
cette société. Dans le cas d’un trust qui est une Institution financière, un « Titre de participation » est
considéré comme détenu par toute personne considérée comme le constituant ou le bénéficiaire de tout
ou partie du trust ou par toute autre personne physique exerçant en dernier lieu un contrôle effectif sur le
trust. Ce qui vaut pour un trust qui est une Institution financière s’applique également à une structure
juridique équivalente ou similaire à un trust, ou à une fondation qui est une Institution financière.
70. Selon l’alinéa C(4), une Personne devant faire l’objet d’une déclaration est considérée comme le
bénéficiaire d’un trust si elle a le droit de bénéficier, directement ou indirectement (par l’intermédiaire d’un
prête-nom , par exemple), d’une distribution obligatoire ou discrétionnaire de la part du trust. Des
distributions indirectes par un trust peuvent survenir lorsque le trust procède à des paiements à une tierce
partie pour le compte d’une autre personne. Par exemple, les cas où un trust acquitte les droits de scolarité
ou rembourse un prêt contracté par une autre personne doivent être considérés comme des distributions
indirectes par le trust. Les cas où le trust accorde un prêt sans intérêt ou à un taux d’intérêt inférieur au
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taux du marché ou à d’autres conditions non conformes au principe de pleine concurrence sont également
considérés comme des distributions indirectes. Par ailleurs, l’annulation d’un prêt accordé par un trust à
son bénéficiaire constitue une distribution indirecte au cours de l’année où le prêt est annulé. Dans tous
les cas ci-dessus, la Personne soumise à déclaration sera le bénéficiaire du trust recevant la distribution
indirecte (c’est-à-dire, dans les exemples ci-dessus, le débiteur des droits de scolarité ou le bénéficiaire
des conditions de prêt favorables). À ces fins, un bénéficiaire qui peut prétendre à une distribution
discrétionnaire de la part de ce trust sera considéré comme bénéficiaire uniquement s’il perçoit une
distribution au cours de l’année civile ou d’une autre période de référence comptable pertinente (ce qui
signifie que cette distribution a été versée ou qu’elle est due). Cela vaut également lorsqu’il s’agit de
déterminer si une Personne devant faire l’objet d’une déclaration peut être considérée comme le
bénéficiaire d’une structure juridique équivalente ou similaire à un trust, ou d’une fondation.
71. Lorsque des Titres de participation sont détenus par un Établissement gérant des dépôts de titres, ce
dernier assume les obligations déclaratives, et non l’Entité d’investissement. L’exemple suivant illustre la
façon dont ces obligations déclaratives doivent être exécutées : la Personne soumise à déclaration A
détient des participations dans le fonds d’investissement L. Les participations de A sont conservées par le
dépositaire Y. Le fonds d’investissement L est une Entité d’investissement et, de son point de vue, ses
participations sont des Comptes financiers (à savoir des Titres de participation dans une Entité
d’investissement). L doit considérer le dépositaire Y comme son Titulaire de compte. Étant donné que Y
est une Institution financière (à savoir un Établissement gérant des dépôts de titres), et que les Institutions
financières ne sont pas des Personnes soumises à déclaration, ces participations ne donnent pas lieu à
la communication d’informations par le fonds d’investissement L. Pour le dépositaire Y, les participations
détenues pour le compte de A sont des Actifs financiers détenus dans un Compte conservateur. Il incombe
à Y, en tant qu’Établissement gérant des dépôts de titres, de déclarer les participations qu’il détient au
nom de A.
[…]
Alinéas C(9) à (16) — Comptes préexistants et nouveaux comptes de personnes physiques
et d’entités
81. Les alinéas C(9) à (16) portent sur différentes catégories de Comptes financiers classés en fonction
de leur date d’ouverture, de leur titulaire ainsi que de leur solde ou de leur valeur : « Compte préexistant »,
« Nouveau compte », « Compte de personne physique préexistant », « Nouveau compte de personne
physique », « Compte d’entité préexistant », « Compte de faible valeur », « Compte de valeur élevée » et
« Nouveau compte d’entité ».
82. Premièrement, un Compte financier est classé en fonction de sa date d’ouverture. Ainsi, un Compte
financier peut être soit un « Compte préexistant », soit un « Nouveau compte ». Selon les alinéas C(9) et
(10), ces expressions désignent un Compte financier géré au [xx/xx/xxxx] par une Institution financière
déclarante et ouvert à partir du [xx/xx/xxxx], ou si le compte est considéré comme un Compte financier
uniquement en vertu des modifications apportées à la Norme commune de déclaration, au [date d’entrée
en vigueur de la NCD-1 révisée] ou ouvert à compter du [date d’entrée en vigueur de la NCD révisée],
respectivement. Néanmoins, dans le cadre de la mise en œuvre de la Norme commune de déclaration,
les juridictions sont libres de modifier l’alinéa C(9) afin d’inclure également certains nouveaux comptes de
clients préexistants. Dans ce cas, l’alinéa C(9) devrait être reformulé comme suit :
9. Alinéa C(17) — Compte exclu
86. L’alinéa C(17) recense les différentes catégories de Comptes exclus (c’est-à-dire de comptes qui ne
sont pas des Comptes financiers et sont donc dispensés des obligations déclaratives), qui sont :
48. a) Les comptes de retraite et de pension ;
49. b) Les comptes bénéficiant d’un traitement fiscal favorable autres que les comptes de retraite ;
50. c) Les contrats d’assurance-vie temporaire ;
51. d) Les comptes détenus par une succession ;
52. e) Les comptes de garantie bloqués ;
53. ebis) Les Produits de monnaie électronique spécifiques pour les transactions de faible valeur
54. f) Les comptes de dépôt sur paiements excédentaires non restitués ; et
55. g) Les comptes exclus à faible risque.
[…]
93. L’alinéa C(17)(e) porte de manière générale sur les comptes où des fonds sont détenus par un tiers
au nom de parties à une transaction (c’est-à-dire des comptes de garantie bloqués). Ces comptes peuvent
être des Comptes exclus s’ils sont ouverts en lien avec l’un des éléments suivants :
[…]
e) la création ou l’augmentation de capital d’une société, à condition que le compte satisfasse à toutes les
conditions énoncées à l’alinéa C(17)(e)(v).
94. Pour être un Compte exclu au sens de l’alinéa C(17)(e)(ii), un compte doit être ouvert en lien avec la
vente, l’échange ou la location d’un bien immobilier ou personnel. La définition du concept de bien
immobilier ou personnel par référence au droit de la juridiction où est tenu le compte considéré contribuera
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à éviter des difficultés d’interprétation quant à la question de savoir si un actif ou un droit doit être considéré
comme un bien immobilier, un bien personnel, ou ni l’un ni l’autre.
94bis. Une « confirmation indépendante » désigne, aux fins de l’alinéa C(17)(e)(v)(ii), une confirmation
écrite attestant la création ou l’augmentation de capital de la société, telle qu’un extrait du registre du
commerce ou une confirmation de l’avocat, du notaire ou d’un autre prestataire de services facilitant
l’opération en vertu du droit applicable.
94ter. L’alinéa C(17)(e)(v)(iv) reconnaît que, dans certains cas où la création d’une société échoue, un
compte ouvert à cette fin peut également être utilisé pour effectuer des paiements à divers prestataires de
services impliqués dans le processus de constitution en société. En conséquence, les remboursements
effectués aux personnes ayant apporté les montants peuvent être effectués nets des honoraires des
prestataires de services et honoraires similaires, qui, aux fins de l’alinéa C(17)e)(v)(iv), comprennent les
sommes versées aux avocats, aux notaires, au registre du commerce et les autres paiements requis pour
faciliter la constitution en société ou l’apport de capital.
Produits de monnaie électronique spécifiques pour les transactions de faible valeur
94quater. L’alinéa C(17)(ebis) dispose qu’un Compte de dépôt qui représente tous les Produits de
monnaie électronique spécifiques détenus au profit d’un Titulaire de compte, dont la moyenne du solde ou
de la valeur du compte en fin de journée sur une période glissante de 90 jours au cours de toute période
de 90 jours consécutifs ne dépasse pas 10 000 USD n’importe quel jour de l’année civile ou d’une autre
période de référence adéquate, est un Compte exclu. La moyenne du solde ou de la valeur du compte en
fin de journée sur une période glissante de 90 jours au cours de toute période de 90 jours consécutifs doit
être déterminée pour chaque jour et est obtenue un jour particulier en additionnant le solde du compte en
fin de journée de chacun des 90 derniers jours consécutifs, puis en divisant la somme obtenue par 90,
comme illustré par l’exemple suivant :
• Un Compte de dépôt représentant tous les Produits de monnaie électronique spécifiques d’un
Titulaire de compte est créé le 12 octobre de l'année N. Le solde ou la valeur du compte en fin
de journée est de 10 USD au cours des 81 derniers jours de l’année N (du 12 octobre au 31
décembre), et de 100 000 USD au cours des 9 premiers jours de l'année N+1 (du 1er janvier
au 9 janvier) ; le solde ou la valeur du compte en fin de journée sur 90 jours en moyenne mobile
au cours d’une période de 90 jours consécutifs est de (10*81)+(100 000*9)=900 810/90, soit
10 009 USD. Aussi, le seuil est dépassé le 9 janvier N+1 et le Compte de dépôt n’est pas un
Compte exclu à partir de ce jour. Il sera donc soumis aux obligations déclaratives prévues par
la NCD au titre de l'année N+1. Le Compte de dépôt est un Compte exclu au titre de l'année
N.
[…]
Comptes exclus à faible risque
[…]
103. Les exemples suivants illustrent l’application de l’alinéa C(17)(g) :
[…]
• Exemple 7 (Compte d’une coopérative de logement) : type de compte détenu par ou pour le
compte d’un groupe de propriétaires ou par la société de copropriété aux fins du règlement des
dépenses de la copropriété ou de la coopérative de logement et remplissant les conditions
suivantes : (i) il est régi par la législation nationale en tant que compte spécifique destiné à
couvrir les coûts d’une copropriété ou d’une coopérative de logement, (ii) le compte ou les
montants versés et/ou conservés sur le compte bénéficient d’un traitement fiscal préférentiel,
(iii) les montants détenus sur le compte ne peuvent être utilisés que pour régler les dépenses
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de la copropriété ou de la coopérative de logement et (iv) aucun propriétaire ne peut verser,
annuellement, un montant supérieur à 50 000 USD. Dans les cas où certaines des conditions
précitées (par exemple le traitement fiscal préférentiel ou la limite des versements fixée à
50 000 USD) ne sont pas remplies, d’autres caractéristiques ou restrictions permettant
d’assurer un niveau équivalent de faible risque peuvent être envisagées, en tenant compte des
spécificités nationales. Il peut s’agir d’éléments tels que : (i) le fait de limiter à 20 % les
cotisations annuelles et totales dues au cours de l’année pouvant être imputées à une seule
personne, (ii) le fait de confier la gestion du compte à un professionnel indépendant, (iii) le fait
de fixer les montants des cotisations et de décider de l’affectation des fonds en accord avec
les propriétaires et conformément aux actes constitutifs de la copropriété ou de la coopérative
de logement ou (iv) le fait d’interdire les retraits du compte à des fins autres que les dépenses
de la copropriété ou de la coopérative de logement. Compte tenu de l’existence d’autres
conditions générales permettant de s’assurer de manière équivalente que le compte considéré
présente un faible risque d’être utilisé dans un but de fraude fiscale, ce type de compte pourrait
être défini en droit interne comme un Compte exclu.
Paragraphe D – Compte déclarable
[…]
Alinéas D(2) et D(3) – Personne devant faire l’objet d’une déclaration et Personne d’une
Juridiction soumise à déclaration
[…]
Personne devant faire l’objet d’une déclaration
[…]
111. L'alinéa D(2) définit l’expression « Personne devant faire l’objet d’une déclaration » comme une
Personne d’une Juridiction soumise à déclaration autre que :
56. a) Une Entité société dont les titres font l’objet de transactions régulières sur un ou plusieurs
marchés boursiers réglementés ;
57. b) Une Entité qui est une Entité liée d’une Entité société décrite précédemment ;
58. […]
112. La question de savoir si une Entité qui est une société qui est une Personne d’une Juridiction soumise
à déclaration est elle-même une Personne devant faire l’objet d’une déclaration, conformément à la
description figurant à l’alinéa (2)(i) du paragraphe D, peut dépendre de l’existence de titres de cette société
faisant l’objet de transactions régulières sur un ou plusieurs marchés boursiers réglementés. Un titre fait
l’objet de « transactions régulières » s’il fait l’objet d’un volume significatif de transactions de façon
continue, alors que l’expression « marché boursier réglementé » désigne une bourse qui est officiellement
reconnue et surveillée par une autorité publique compétente pour ce marché et dont la valeur annuelle
des actions qui y sont négociées est significative.
113. Pour chaque catégorie de titres de la société, on considère qu’il y a « un volume significatif de
transactions de façon continue » si (i) les titres de chacune de ces catégories sont négociés, en quantités
non négligeables, sur un ou plusieurs marchés boursiers réglementés pendant au moins 60 jours
ouvrables au cours de l’année civile antérieure ; et si (ii) le nombre total de titres dans chacune de ces
catégories qui sont échangés sur le ou lesdits marchés durant l’année antérieure représente au moins
10 % de l’encours moyen des titres dans cette catégorie au cours de ladite année. Aux fins de la Norme,
l’expression « chaque catégorie de titres de la société » désigne une ou plusieurs catégories de titres de
NORMES INTERNATIONALES D'ÉCHANGE AUTOMATIQUE DE RENSEIGNEMENTS EN MATIÈRE FISCALE © OCDE 2023
136
la société qui (i) ont été cotés sur un ou plusieurs marchés boursiers réglementés au cours de l’année
civile précédente et (ii), au total, représentent plus de 50 % (a) du total des droits de vote combinés
rattachés à toutes les catégories de titres de cette société donnant le droit de vote et (b) de la valeur totale
des titres de cette société.
[…]
Alinéas D(6) à (9) – ENF et Personnes détenant le contrôle
[…]
125. L’alinéa D(9)(a) décrit comme suit le critère d’attribution du statut d’ENF active aux « ENF actives à
raison des revenus et des actifs » : moins de 50 % des revenus bruts de l’ENF au titre de l’année civile
précédente ou d’une autre période de référence comptable pertinente sont des revenus passifs et moins
de 50 % des actifs détenus par l’ENF au cours de l’année civile précédente ou d’une autre période de
référence comptable pertinente sont des actifs qui produisent ou sont détenus pour produire des revenus
passifs. Le critère permettant de déterminer si un actif est détenu pour produire un revenu passif n’exige
pas que ce revenu soit réellement produit au cours de la période considérée. L’actif doit simplement être
du type de ceux qui produisent ou peuvent produire un revenu passif. Les espèces, par exemple, doivent
être considérées comme produisant ou étant détenues pour produire un revenu passif (des intérêts) même
si elles ne produisent pas réellement ce revenu.
126. Pour déterminer ce que signifie l’expression « revenus passifs », il faut se référer aux règles
particulières à chaque juridiction. Sont généralement compris dans les revenus passifs la partie des
revenus bruts composée des éléments suivants :
59. a) Dividendes ;
60. b) Intérêts ;
61. c) Revenu équivalent à des dividendes ou à des intérêts ;
62. d) Rentes et redevances, autres que les rentes et redevances tirées de l’exercice actif d’une
activité menée, du moins en partie, par des salariés de l’ENF ;
63. e) Rentes ;
64. f) Revenu provenant de Crypto-actifs concernés ;
65. fg) Excédent des gains sur les pertes issus de la vente ou de l’échange d’Actifs financiers ou
de Crypto-actifs concernés ;
66. gh) Excédent des gains sur les pertes issus de transactions (y compris les contrats et
opérations à terme, options et autres transactions du même type) relatives à tout Actif financier
ou Crypto-actif concerné ;
67. hi) Excédent des gains de change sur les pertes de change ;
68. ij) Revenu net tiré de contrats d’échange ; ou
69. jk) Montants reçus au titre de Contrats d’assurance avec valeur de rachat.
Nonobstant ce qui précède, les revenus passifs ne couvrent pas, dans le cas d’une ENF qui agit
régulièrement en tant que courtier en Actifs financiers ou en Crypto-actifs concernés, tout revenu d’une
transaction passée dans le cadre habituel de l’activité de ce courtier. En outre, le revenu tiré d’actifs utilisés
pour investir le capital d’un organisme d’assurance peut être considéré comme un revenu actif.
126bis. Pour faciliter une mise en œuvre efficace de la Norme, la définition d’un revenu passif retenue par
les juridictions doit, en substance, correspondre à la liste figurant au paragraphe 126. Chaque juridiction
peut définir, dans ses règles particulières, les éléments de la liste des revenus passifs (tels que les revenus
équivalents à des intérêts et des dividendes) qui cadrent avec la législation nationale.
NORMES INTERNATIONALES D'ÉCHANGE AUTOMATIQUE DE RENSEIGNEMENTS EN MATIÈRE FISCALE © OCDE 2023
137
[…]
Paragraphe E – Divers
Alinéa E(1) – Titulaire de compte
140. Dans le cas d’un compte joint, chacun de ses titulaires est considéré comme Titulaire du compte
s’agissant de déterminer s’il s’agit d’un Compte déclarable. Ainsi, un compte est déclarable si l’un ou l’autre
de ses titulaires est une Personne devant faire l’objet d’une déclaration ou une ENF passive dont une ou
plusieurs Personnes en détenant le contrôle sont des Personnes devant faire l’objet d’une déclaration.
Lorsque plusieurs Personnes devant faire l’objet d’une déclaration sont titulaires d’un compte joint,
chacune d’elles est considérée comme étant Titulaire du compte et se voit attribuer le total du solde du
compte joint, y compris aux fins de l’application des règles d’agrégation énoncées à l’alinéa C(1) à (3) de
la section VII. Dans le cas d’un compte dont les droits de propriété sont divisés entre le nu-propriétaire et
un usufruitier, le nu-propriétaire et l’usufruitier peuvent être considérés comme des co-Titulaires du compte
ou comme des Personnes détenant le contrôle d’un trust aux fins des obligations de diligence raisonnable
et de déclaration.
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C'est une série épaisse de pied d'escarpement recevant des brèches d'écroulement sous-marin à caractère proximal. Schistes (vire) 40 ~""""~..L-~+-~~ D : discordance" post-rift" Dolomies microbrèchiques l Jm, " "Microbrèche cendrée" du Jurassique moyen Microbrèche Tm Brèche à matrice siliceuse et clastes de dolQmies noires et interlits rosés
. Calc
aires htés
DUcrobrèchiques à crinoïdes (granoclassement) Calcaires rnicrobrèchiques â zone siliceuse blanche Calcaires bioclastiques à crinoïde et nérinées (Bathonien) Microbrèche de couleur grise à lamellibranches et pentacrines Dolomies blanches (Ladinien terminal) BER6 B Dolomies du Trias moyen
Coupe du Lac des Béraudes ( rive gauche). Figure 2.10 : Faille jurassique du lac des Béraudes et datation des brèches de pied d'escarpement.
41 Sédimentation et mobilité tectonique du Briançonnais au Mésozoi'que, b '/'t' tectonirnte du Briançonnais au Mésozolque SédimentatIOn et mo
Ile ". compartiment abaissé montre um~ série épai~se et brèchique. ~e n?u~elles d,atat.io.n~ permettent de préciser l'âge des breches de la nve gauche du lac, c est a dire de 1 achvlte paroxysmale de la faille (fig. 2. lOB). La base de la coupe montre un ou deux mètres de brèche à matrice de Jurassique supérieur-Beriassien (Remaniella jerasini), directement surmontés par des marnes brèchiques du Santonien-Campanien (Globotruncanita sp.). La faille fonctionne donc au Jurassique supérieur et rejoue au Crétacé terminal. Ce fonctionnement est vraisemblablement postérieur aux dépôts des faâès classiques de "microbrèche cendrée" du Dogger, dont la répartition est uniforme à l'échelle régionale [Mercier, 1977]. La discordance « post-rift » est recouverte par les produits d'érosion du compartiment soulevé (écroulement du nez de bloc basculé). J'en déduis que la lacune importante de la série réduite à l'ouest de la faille est essentiellement due à l'ablation du nez du compartiment surélevé lors de l'activité de la faille au Jurassique supérieur-Berriasien, cette faille ayant rejoué de façon importante au Santonien-Campanien. On remarque également que la superposition des corps brèchiques d'âge Berriasien et Santomen dans le compartiment affaissé (lacune de 60 Ma) implique une érosion de celui-ci lors de la réactivation de la faille au Crétacé supérieur et donc peut-être une inversion de subsidence à cette époque. Un rejeu en transtension 00 transpression pourrait expliquer une telle inversion.
A) Vallon Claus (VCl) 1 NNW
La Main de Dieu 1 Cs D Au Vallon Laugier (VLaug). Un demi-graben de largeur kilométrique est visible en rive droite du torrent du Vallon Laugier, sous la klippe du pic des Houerts. Il a été transporté au sein de la nappe du Chatelet sans avoir été significativement déformé par la compression alpine. Ce bloc basculé a fonctionné au CaUoVQ-(}xfordien et a été réactivé à l'Albien supérÏeW'et au Turonien supérieur (voir discussion dans la publication 1 et au § II-3).
B) Vallon Obscur (VObs)
Les Aspaturas 1 NNW 1 Dans le massifde la Font Sancte (Fon), A l'entrée du vallon Claus (fig. 2.11A et 2.12), une faille inverse (ou décrochante) de direction NW-SE se poursuit vers le SE et ressort dans le vallon Obscur (fig. 2.11B}. La disposition géométrique des couches indique qu'elle se superpose à une ancienne faille normale séparant deux aires de sédimentation au Camien-Dogger. La structure n'est pas tout à fait cylindrique, si bien que l'inversion se fait soit par un mécanisme de poinçon (fig. 2.IIA}, soit de butoir {fig. 2.11 B}. Tm Chacun de ces vallons transverses à l'allongement des structures compressives est fermé par une succession d'anticlinaux {fig. 2.I2) appuyés contre une faille vraisemblablement ancienne (planche 4, photos A à C), car celle-ci décale les couches du Jurassique supérieW' et la croûte constituée de nodules ferro-magnésiens du Crétacé inférieur. J'en déduis que l'âge probable pour cette faille d'orientation actuelle N 140 est Crétacé supérieur. Elle est visible dans la vallée de l'Ubayeaumveau des pics de la Font Sancte (faille 3, fig. 2.13 et planche 4, photo C). En dépliant la coupe du Vallon Claus, on reconstitue une faille listrique et son anticlinal de compensation (roll-o-ver} transportés au sein la nappe du Chatelet et fortement déformés lors de la phase de chevauchement vers le SW selon le scénario suivant (fig. 2.12).
Figure 2.11 : Ancienne faille déformée à l'entrée des vallons Claus (A) ~t ~bscu: (B}, au sein ~e l~ nappe du Chatelet (localisation sur la figure 2.21). La structur~ n'est pas tout a fait cylmdnq4e du faIt dune tectonique alpine polyphasée [poinçonnement en (A), phssement en (B)]. Tm: dolomies du Trias moyen complet (DB: niveau repère de dolomies?lanches du Ladinien s~périeur) ; Ts. : dolomies du Trias supérieur (Camien) : Jm : marnes épaisses et calcaires du Jurassique moyen; Js : calcaires du Jurassique supérieur; Cs: calschistes du Crétacé supérieur.
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DCD CD 0- C Panestrel ssw Font Sancte (--_._-_._--, NNE J~!lqto_ ç,'p)~p~~~,, Nappe du Chatelet ~ -------'... --. P'? ~ Vl ~ _ / '-U"~l. ut: na
J
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Cs
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Nappe
du Marinet 1
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?
Re
prise en rétrochevauchement de la faille
Figure 2.13 : Trois failles probablement crétacées transportées et déformées au sein de la nappe du Chatelet (rive droite de l'Ubaye) Ti : quartzites du Trias inférieur; Tm: dolomies du Trias moyen (dB : niveau repère de dolomies blanches du Ladinien supérieur) ; Ts: brèches et dolomies du Camien ; Jm: calcaires épais du Jurassique moyen; Js : calcaires du Jurassique supérieur; Cs : calcschistes du Crétacé supérieur; Cs-E : calcschistes du Crétacé supérieur-Eocène indifférenciés.
Sédimentation et mobilité tectonique du Briallç01mais au Mésozoïque
(1) Transport de la nappe du Chatelet sans défonnation significative de la faille. La reconstitution géométrique impose une troncature de la base l'anticlinal de compensation des Heuvières (Heu). /.~E (2) Chevauchement hors-séquence et poinçonnement des couches jurassico-crétacées par l'épaisse série du Trias moyen. Ce chevauchement serait initié à la faveur d'une structure d'âge triasique et jurassique mise en évidence par une variation brutale d'épaisseur des séries du Trias supérieur (Ts) et du Dogger (Jm)..~ / 'a (3) Fonctionnement en rampe de chevauchement de la faille crétacée au moment où celleci atteint le point d'inflexion. L'anticlinal de compensation, jusqu'alors transporté passivement, s'accentue pour fonner le train de plis qui fenne les vallons Claus, Obscur et Font Sancte (planche 4, photos A et B).
/.!.z CI) "(1).-=:: i.1 l! / l:
: i ';::J/! i i./ (4) Flexion synclinale de la nappe lors de la phase de rétrocharriage qui affecte l'ensemble de la zone briançonnaise. Les failles crétacées peuvent également être légèrement reprises en rétrochevauchement (voir détail fig. 2.13). La coupe de la vallée de l'Ubaye montre le prolongement de ces failles nonnales supposées crétacées (failles 1 à 3, fig. 2.13). t ).') B) Système de paléofailles de la vallée de la Haute-Ubaye : exemple d'inversion structurale
~ ~ n;> ~ R 1) 1
~ La coupe de la Haute-Ubaye entre St Paul-sur-Ubaye et Maljasset a été décrite par Gidon [1962} et plus récemment par Michard & Henry [1988} et Platt et al. [1989}. Ces derniers auteurs proposent une reconstitution paléogéographique en considérant que cette coupe comprend 7 nappes distinctes de par leur série stratigraphique, qui ont été fortement déplacées les unes par rapport aux autres. Je propose une autre option en ramenant le nombre de nappes à 3 (exception faite du Briançonnais interne) avec du haut vers le bas : la klippe du pic des Houerts (équivalente à la nappe de Peyre-Haute) ; la nappe du Chatelet; 11 1 la nappe de Marinet. La nappe du Chatelet « s'enracine» au bord interne de la zone briançonnaise, à la différence de Michard & Henry [l988} et la nappe du Marinet s'organise autour du cœur de Penno-Trias de l'anticlinal du Marinet (fig. 2.14, voir aussi la coupe I-r, partie 3). Cette dernière aurait été disséquée secondairement par les rétroécaillages (voir partie 3) en plusieurs unités tectoniques. Elle présente des séries stratigraphiques très différentes au niveau de l'anticlinal du Marinet et de part et d'autres. Je considère que celles-ci étaient séparées par des failles nonnales, dont on retrouve de nombreux témoignages dans la sédimentation : 1 1 II 1 ci o "0 CS ---~) l'1 l:: o..., ~I Û 1 1 1 '1 La série de la Barge est une sene de bassin composée d'un Dogger détritique (microbrèches et brèches de dolomies grises et jaunes) surmonté par des radiolarites du 46 fi o:l oC U ::l " oB '2 ';::J 1 47 pi Sé
dimentation et mobilité tectonique du Briançonnais ail Mésozoique Sédimentation et mobilité tectonique du Briançonnais au Mésozoïque Malm, des calcaires du Néocomien et des calcschistes Crétacé supérieur à Eocène à passées détritiques silicoclastiques.
11-3) Les filons sédimentaires: marqueurs d'extension A) Généralités
: La série de la Tête du Sanglier montre une discordance des calcschistes crétacés sur les quartzites du Trias inférieur. Elle a donc subi une profonde érosion antérieure et/ou contemporaine du Crétacé supérieur, qui présente des faciès gréseux à sa base [Gidon, 1962]. Les diaclases et les fentes remplies de sédiments (filons) sont utilisés en complément des discordances angulaires et des failles syn-sédimentaires pour charactériser le régime de déformation contemporain de la sédimentation [Tricart et al., 1986, Soyer & Tricart, 1987, Bernoulli et al., 199D, Bouillin & Bellomo, 1990]. .Cette érosion montre que l'anticlinal du Sanglier était un horst au Crétacé et que le synclmal de la Barge était un graben. Le fait que l'on retrouve les faciès gréseux du Crétacé s~périeur dans la série de la Barge montre que ces deux séries étaient proche. Leur différence d'épaisseur suggère l'existence d'une faille normale entre elles ayant fonctionné à partir du Dogger et jusqu'au Crétacé supérieur.'Le remplissage sédimentaire des filons est de même nature que les dépôts contemporains sur le fond marin. Le type de sédiment peut nous renseigner sur les conditions et l'âge de leur ouverture ou réouverture (car l'âge du remplissage peut être différent de celui de la fracturatio-n) : La série du Sommet Rouge est réduite, car elle correspond à un relief jurassicocrétacé: au Malm (filons pélagiques et un paléoescarpement de faille au Pont Vouté, planche 5, photo C) et au Crétacé inférieur (hard-ground). Ce relief a reçu une sédimentation brèchique au Turonien inférieur [Gidon, 1962, p.6Û] et au ConiacienSantonien [Mi chard & Henry, 1988] et montre des filons pélagiques remplis au Turonien moyen (détermination M. Caron), qui recoupent le sommet du Malm encroûté. Une brèche du Turonien-Santonien a été trouvée, au sommet des calcaires noduleux du Malm en placage mince sous une brèche plus jeune du (Campanien)-Maastrichtien (déterminations M. Caron). Cette caractéristique est commune avec les affleurements de la brèche de la Madeleine [Debelmas, 1961] et du lac des Béraudes (fig. 2.9B). TI s'agit d'une paléopente vers l'ouest affectée par des érosions sous- marines successives. Les brèches du Crétacé supérieur proviennent du horst de la Tête du Sanglier situé plus à l'est. La ~érie de la Grande Roche présente un Crétacé supérieur épais plissé en synclinal. Cette séne de graben prolongeait à l'ouest du Sommet Rouge. . La nappe du Marinet proviendrait donc d'un domaine paléogéographique unique, qui a SUbI une forte structuration accompagnée de mouvements verticaux différentiels ess~ntiellement au Crétacé. A ce titre, elle présente des affinités avec la nappe inférieure du GUll. II est remarquable de constater que les axes des anticlinaux (anticlinal du Marinet anticlinaux aval et amont du Gui!) correspondent toujours aux zones les plus profondément érodées au Mésozoïque, et plus spécialement au Crétacé. 48
(1)
Les
fractur
es
élargies par
dissolution karstique lors de l'émersion liasique sont souvent remplies lo-rs de la transgression dogger par des dolomies mI
des
calcaires de couleur variable (gris, jaune ou rosé), parfois brèchiques. Leurs remplissages sont comparables aux romblements des poches de brèches trouvés au niveau des failles synsédimentaires (figure 4, publication 2).
(2) Les fractures ouvertes de façon mécanique sont remplies de dolomies précoces en milieu marin subtidal au Trias, 00 de micrite fine à ammonites de petite taille, de calcaires à entroques, de marnes rouges ou vertes suivant les conditions d'oxydo-réduction du milieu pél-agique au Jurassique supérieur-Crétacé. Les filons à remp-lissages pélagiques sont appelés " filons neptuniens " et contiennent souvent des foraminifères planctoniques. En milieu karstique, des cimentations et des cristallisations se développent dans les filons en fonction de leur profondeur par rapport à la nappe phréatique, car les ronditio-ns diagénétiques de cristallisation-dissolution en milieu vadose sont très instables [James & Choquette, 19&7}. Le passage dans un milieu OOose insaturé facilite l'élargissement par dissolution des cavités. Au contraire, le passage dans un milieu vadose saturé permet la cristaUisationde calcite palissadique ou le -développement d'encroûtement alguaire sur les épontes en l'absence de remplissage. Dans le cas d'un remplissage polyphasé, une lithification rapide du premier remplissagedo-lom.itique est obtenue aprèsdiagenèse précoce en milieu vadose saturé (mélange eau douce/eau salée). Elle peut être suivie d'une nouvelle fracturation avec des épontes nettes, puis d'un nouveay remplissage,qyi peut être de nature différente ou identique au précédent. Ces figures sont utilisées pour reconstituer la succession des cycles de fracturationdisso-l-ution-remp1issage des filons karstiques {fig. 2.15et 2.16-}, avec l'aide de la méthoded-u log diagénétique (§ 1-2-C). L'ensemble de ces données chronostratigraphiques (diagénèse, mi-crofaunes,... } ont ·permis·de dater ces filons.
49 > POLARITE r o 0 microbrèches jaunes @ 10cm POLARITE 15cm 1 Succession des évènements subis par le sédiment (méthode du log diagénétique) ®~ Dolomies jaunes litées Calcite palissadique ®~ Dolomies rosées Succession des évènements subis par le sédiment (méthode du log diagénélique) d'après la synthèse des observations sur les dfférents échanlinons Fracturation CD ~ @ ~ Dolomies grises litées, par
microbrèchique. a Fracturation, brèchification in situ
Argilites à galets encroûtés d'oxydes Réouverture de fractures Erosion
~ ~ Pédogenèse (traces de racine, figures de retractation, oxydation des clastes, argiles) Microbrèche à matrice de dolomies jaunes avec petits galets de dolomies blanches et de calcaires noirs perforés avec blocs de calcaires fossilifères du Dogger et de calcaires noirs de l'Anisien. Figure 2.15 : Karstification du Pas de la Condamine(Con) avec plusieurs
phase
s de
fracturation remplissage. La calcite palissadique indique un épisode en milieu vadose insaturé entre deux épisodes de comblement de cavités par des sédiments marins secondairement dolomitisés (2 et 3). Le domaine a donc ré-émergé au cours de la transgression Dogger. Lithophages ( proche de l'émersion) Erosion côtière, formation des galets Fracturation
Figure 2.16 : Remplissages karstiques de la Tête d'Oréac (Oré). La transgression Dogger est progressive avec plusieurs cycles de fracturationlremplissage et plusieurs indices d'émersion (galet perforé, trace d'oxydation pédogénétique, etc.). 50 51 Microbrèche cendréè à blocs de calcaires noirs anisiens ou calcaires bioclastiques à Echinodermes Fracturation
p
Sédimentation et mobilité tectonique du Briançonnais au Mésozoïque Sédimentation et mobilité tectonique du Briançonnais au Mésozoïque
Hypothèse 1 (Winterer & Sarti, 1994) : On considère que les diaclases et filons peuvent se former dans les contextes suivants: (1) lors d'une flexion des couches avec un différentiel de subsidence, des fractures se forment parallèlement à la' pente et la dissociation d~s bancs par glissement gravitaire produit des brèches [Winterer & Sarti, 1994], (hypothèse 1, fig, 2,17), (2) lors du fonctionnement d'une faille normale, des fissures se forment parallèlement à l'escarpement de faille et des brèches d'écroulement se déposent au pied de l'escarpement [Claudel, 1995], (hypothèse 2, fig, 2,17). Flexion des couches, qui provoque des fissures, des glissement s et la créat ion de cavité s perpendiculaires à la ligne de plus grande pente. (3) lors d' flexure en surface associée au fonctionnement d'une faille normale en profondeur [Soyer, 19&7], intermédiaire ente hypothèse 1 et 2 de la figure 2.17. (4) lors d'une sollicitation d'un réseau de diaclases préexistantes par une nouvelle extension perpendiculaire ou fortement oblique (héritage). B) Analyse géométrique des filons du domaine briançonnais
SDépôt des sédiments dans les cavité s. La direction et le pendage des filons assimilés à des plans ont été reportés sur canevas de Wulff (projection en hémisphère inférieur) à l'aide du logiciel A1acCan de J.P. Bouillin (LGCA, Grenoble). Ces données sont présentées par ordre chronologique sur les planche A à G, ci-après, Ce logiciel m'a permis de débasculer les couches et de restaurer les structures (rotations). En effet, les filons se trouvent dans des couches encaissantes basculées par la tectonique mésozoïque (rifting) et déformées par la tectonique alpine. Les principaux critères de restarnation sont la remise à plat: Hypothèse 2 (Claudel, 1995) des couches déposées au dessus des filons; des paléohorizontales données par la stratification du remplissage filonien en supposant que celle-ci était horizontale au moment du dépôt (ce qui est généralement le cas pour les sédiments fins). AFaille normale avec un démant ellement du haut de son escarpement (paléopente) et formation de fissures perpendiculaires à la ligne de plus grande pente. S Dépôt des sédiments Lorsqu'ils ne résultent pas de réouverture de fractures anciennes, les filons s'ouvrent en général perpendiculairement à la stratification des couches encaissantes. S'il y a un angle important entre les filons et la stratification, cela indique plutôt que les filons sont posténerns au basculement des couches ou se trouvent SlY un escarpement de faille très inclinée (planche G, Mortice). dans les fissures.
Rgure 2.17 : Deux possibilités de formation de brèches et de filons sédimentaires le long d'une pente. 52 53 > Sédimentation et mobilité tectonique du Brimlçormais au Mésozoïque Sédimentation et mobilité tectonique du Briançonnais au Mésozoïque
Hypothès e 1 (Winter er & Sarti, 1994) : On considère que les diaclases et filons peuvent se fonner dans les contextes suivants: (1) lors d'une flexion des couches avec un différentiel de subsidence, des fractures se fonnent parallèlement à la' pente et la dissociation d~s bancs par glissement gravitaire produit des brèches [Winterer & Sarti, 1994], (hypothèse 1, fig. 2.17). (2) lors du fonctionnement d'une faille nonnale, des fissures se fonnent parallèlement à l'escarpement de faille et des brèches d'écroulement se déposent au pied de l'escarpement [Claudel, 1995], (hypothèse 2, fig. 2.17). Flexion des couches, qui provoque des fissures, des glissement s et la créat ion de cavité s perpendiculaires à la ligne de plus grande pente. (3) lors d'une flexure en surface associée au fonctionnement d'une faille nonnale en profondeur [Soyer,· 1987], intennédiaire ente hypothèse 1 et 2 de la figure 2.17. (4) lors d'une sollicitation d'un réseau de diaclases préexistantes par une nouvelle extension perpendiculaire ou fortement oblique (héritage).
B) Analyse géométrique des filons du domaine briançonnais
BDépôt des sédiments dans les cavité s. La direction et le pendage des filons assimilés à des plans ont été reportés sur canevas de Wulff (projection en hémisphère inférieur) à l'aide du logiciel A1acCan de J.P. Bouillin (LGCA, Grenoble). Ces données sont présentées par ordre chronologique sur les planche A à G, ci-après. Ce logiciel m'a pennis de débasculer les couches et de restaurer les structures (rotations). En effet, les filons se trouvent Jans des couches encaissantes basculées par la tectonique mésozoïque (rifting) et défonnées par la tectonique alpine. Les principaux critères de restauration sont la remise à plat: Hypothèse 2 (Claudel, 1995) des couches déposées au dessus des filons; des paléohorizontales données par la stratification du remplissage filonien en supposant que celle-ci était horizontale au moment du dépôt (ce qui est généralement le cas pour les sédiments fins). AFaille normale avec un démant ellement du haut de son escarpement (paléopente) et for mat ion de fi ssures perpendiculaires à la ligne de plus grande pente.
B Dépôt des sédiments
Lorsqu'ils ne résultent pas de réouverture de fractures anciennes, les filons s'ouvrent en général perpendiculairement à la stratiflcation des couches encaissantes. S'il Ya un angle important entre les filons et la stratification, cela indique plutôt que les filons sont postérieurs au basculement des couches ou se trouvent sur un escarpement de faille très inclinée (planche G, Mortice). dans les fissures.
Rgure 2.17 : Deux possibilités de formatio n de brèches et de filons sédimentai res le long d'une pente.
52 53 Planche B : Filons sédimentaires d'âge Trias supérieur-Lias Planche A : Filons sédimentaires du Trias moyen pôle de la stratification du Trias moyen; pôle des filons sédimentaires; +• meilleur pôle de la stratification du Trias moyen; • pôle d'une surface d'érosion. X 9 mes. Replats de la Queue (RQ), rive gauche de l'Ubaye Filons dolomitiques jaunes à blancs au sein du Ladinien terminal (flanc inverse de la nappe
Chatelet) Rotation effectuée: remise à plat de la stratification du Trias moyen (112862). + • pôle des filons sédimentaires; meilleur pôle de la stra~ifïca~ion du Trias.moyen ; • pôle de la stratification visible dans les filons X pôle de la stratification du Trias moyen; • pôle de la stratificatIOn du Jurassique sup. 20 mes.
Pont Vouté (PVl), rive droite de l'Ubaye Filons à
rempl
issage dolomitique rosé affectant le Ladinien teminal Rotation effectuée:
remise à plat de la stratification du Jurassique supérieur (157W42)
b) Trias
moyen
a
)
A
ctuel Vallon
Laugier (VLaug) 7 mes.,- c
)
Trias-Lias b) Jurassique sup. La reconstitution au Jurassique supérieur (b) montre que les pôles des filons s'alignent sur un plan basculé à ce stade. Les filons sont nés..... Filons dolomitiques claires au sommet des dolomies grises du Ladinien Rotation effectuée: remise à plat de la stratification du Trias moyen (147NE32). c:::=:J a) Actuel perpendiculairement à la stratification du Trias (c). Ils ont été basculés avec elle vers le NW au Jurassique supérieur (b). comparaison avec l'affleurement ci-dessus (RQ) L::..:..::':":'::~':'="::":":"_--~-~_":""':"'_-----""'""1.......L_--, 44 mes.
Pont Vouté (PV) (regroupement des sites PVl et PV2) N max = 2 Pont Vouté (PV2), rive gauche de l'Ubaye Filons à remplissage dolomitique rosé dans le Ladinien terminal Rotation effectuée: remise à plat de la stratification visible dans le remplissage filonien (1558W27). b) Trias moyen a) Actuel Vallon Obscur (VOb) 5 mes. max = Filons intra-triasiques à remplissages de dolo
mies blanches associés à un basculement par faille mettant en contact dolomies blanches et dolomies sombres (comme au verrou de l'Ausselard); celle-ci étant scellée par une croûte siliceuse à Dasycladales du Trias. Rotation effectuée: remise à plat de la stratification du Trias moyen (130w74). Trias-Lias N1 • max • b) Trias-Lias a) Actuel =3 ~ ~ max=8 -~ 24 mes. •• • Vallon de Chauvet (Chau), rive gauche de l'Ubaye a) Actuel b) Trias moyen 13 mes. Les"dalles" de Fouillouse (DaI) Filons à remplissage fin jaune pâle dans les couches du Trias moyen, la stratification de celles-ci est subverticale à inverse. Rotation effectuée: remise à plat de la surface (136852). c::J N Filons à remplissage dolomitique dans le Ladinien terminal sous la discordance du Dogger. Aucune rotation ne semble nécessaire ici, puisque la stratification du Dogger est horizontale. Les directions correspondent à celles du Pont Vouté (PVl et PV2). comparaison entre (Dai) et (PY), planche B N 1 Trias-Lias 1 max = 5 max = Actuel a) Actuel 8 mes. b) Trias moyen 54 Chau (a), PVl et PV2 (-) 55..
Planche C : Filons sédimentaires d'âge Trias supérieur-Lias pôle des filons sédimentaires; X pôle de la stratification du Trias; +• meilleur pôle de la stratification du Trias moyen. Planche D : Filons sédimentaires d'âge Dogger-Malm
Ces données sont également présentées dans la publication 2, figures Il et 12. 18 mes. Signal des Tête (Têt) • pôle des filons à remplissage pélagique;.. pôle de la stratification du Jurassique sup.; Filons dolomitiques jaunes affectant le Trias moyen réduit X pôle de la stratification du Trias supérieur; meilleur pôle de la stratification du Trias supérieur. + Rocher Roux (RR) 1 •• Les filons neptuniens se trouvent au contact entre le Trias supérieur (Norien) basculé et érodé, et une mégabrèche du Jurassique supérieur. Ces données n'ont pas besoin d'être débasculées puisque l'affleurement est couronné par des calcaires du Jura ssique supérieur subhorizontaux. Le basculement des couches du Norien date donc du Paléopente : 45SE2ü Jurassique. La surface d'érosion à la base de la mégabrèche (paléopente) affleure à plusieurs endroits et sa pente a pu être calculée. max = 5.... • t- Actuel c:=J 1 directions comparables 1.;'. :.;'.;'.;'. 1 (Têt), (Cond), ( From) 15 mes. Pas de la Condamine (Cond) Deux types de filons dolomitiques affectent le Ladinien supérieur: le remplissage jaune recoupe le remplissage gris microbrèchique. Rotation effectuée: remise à plat de la stratification interne du filon de dolomie jaune (l5üE56). c:::2J (:'.::.;'.::.;',:,1 1 directions comparables (RR), (Vlou), (Alp) Crête de Vallouret (Vlou), vallée de l'Orceyrette 7 mes. Filons neptuniens au sommet du Rhétien. La stratification du Rhétien est voisine de celle du Norien du Rocher roux. Les données n'ont donc pas été basculées. max 4 N = 1 max = ~~~E=-j2 + a) Actuel b) Trias-Lias pôle de la stratification du filon de dolomies jaunes; • pôle de la stratification du filon de dolomies grises. 6 mes. Col des prés Fromage (From) Filons de calcite rosée dans dolomies jaunes
plus
ou
m
oins
bréchifiées du Carnien (série inverse). Rotation effectuée: remise à plat de la stratification
du Trias supérieur (3W43): 50 mes. Chalet de l'Alp (Alp), vallée
de l
'Orceyrette Filons neptuniens datés du Callovo-Oxfordien (Bourbon & Graciansky, 1975) au sommet du Norien. Pas de rotation nécessaire, les filons sont subverticaux et les pendages du Norien similaires à ceux du Rocher Roux. N 1 N max = 2 max = 19 N15D Actuel Trias-Lias 56 57 r pa
Planche E : Filons sédimentaires d'âge Dogger-Malm Planche F : Filons sédimentairtes d'âge Aptien-Albien
• pôle des filons karstiques; ~ pôle des filons pélagiques; meilleur pôle de la stratification du Trias supérieur ; X pôle de la stratification du Trias supérieur; + pôle de la stratification du Jurassique moyen; • meilleur pôle de la stratification du Jurassique moyen; • + + pôle des filons à remplissage pélagique; pôle de la stratification du Jurassique sup. ; + pôle de la paléofaille nonnale x pôle de la stratification du hard-ground ; • meilleur pôle de la stratification du hard-ground ; Vallon du Pansier (coupe basale de la Moulière) Fouillouse (FOU) Rotation avec remise à plat des couches dogger-malm (stratifications moyenne 22 NW 80). Filons à remplissage pélagique scellés par un hard-ground c)e l'Aptien-Albien au sommet du Jurasique supérieur (voir figure ci-dessous). 22 mes. Rotation effectuée: remise à plat de la stratification du hard-ground (88S43). • • + a) Actuel :.~.. "... • + '.• N max = 5..' b) Dogger a) Actuel b) Aptien-Albien 30 mes. La Moulière (Mou) ____ hard-ground ~~=--" Deux types de filons affectent les dolomies du Norien : des filons karstiques à remplissage dolomitique vraisemblablement du Lias-Dogger et des filons à remplissage pélagique du DoggerMalm. La série est verticale dans la charnière du synclinal de la nappe de Peyre-Haute (voir figure 9, publication 2). Rotations effectuées dans l'ordre suivant: 1) remise à plat des couches Dogger Malm ; 2) remise à plat des couches noriennes après la première rotation. b) Dogger-Malm N filons
Ax
e
N1ü7N15 Remarque: Les filons sont subperpendiculaires à la stratification du hard-ground et leur direction est proche du plan de faille normale déformée N120-160 reconnu sur le terrain au niveau de l'anticlinal frontal de Fouillouse et des petites failles inversées visibles
à l'affleurement. 6
mes
. 1 max = 2
Figure 2.18 : Dalle montrant des filons remplis et scellés par le hard-ground (croûte minéralisée générée par des stromatolites de milieu profond) caractéristique du Crétacé inférieur en Briançonnais. Ce hard-ground est ici daté de l'Aptien terminal-Albien (voir figure 2.22).
---
1'>-++~ ~ ~ + + t. ~ " d '7 0,J ~ <. ".""., ".r C "-. "
stromatolites
en
"
choux fleur
"
~
------tII-
~
BL
~
c) Trias-Lias a)
A
ctuel
N 1 24 mes
.
Remarque: Au Dogger-Malm (b), la fracturation réouvre les diaclases et filons hérités
de l'extension liasique (c). 58 ~
~~-
"':~
.::
. --
filons remplis de hard-ground 59 /J!fj3 Planche G : Filons sédimentaires du Crétacé supérieur
• + pôle des filons à remplissage pélagique; pôle de la stratification du Jurassique sup. ; Age de la déformation: x pôle de la stratification du Trias moyen; pôle de la stratification du filon. + Col de la Pisse (Pis) o 10 mes. e e e Filons crétacé supérieur au sommet du Ladinien en stratification verticale. Rotation effectuée: remise à plat de la stratification interne du remplissage filonien (llON86). • e • max = 4 a) Actuel Filons à remplissage marneux rouges ou verts d'âge crét
acé sur une surface d'érosion affectant le Dogger-Malm actuellement subhorizontal. • Cénomanien Turonien / Failles récentes ( Chevauchements Unités de Peyre-Haute max 6 • Aptien Albien Zone dauphinoise N • Callovien Oxfordien Nappes de Flysch à Helminthoïdes 23 mes. a. Tri
as sup.
Lias Schéma structurale: b) Crétacé supérieur
La Mortice (Mor) Trias moyen Autres unités briançonnaises et subbriançonnaises = • Ecailles intermédiaires Unités piémontaises de marge Unités piémontaises d'océan direction prédominante
Remarque: La stratification du Jurassique supérieur n'est pas horizontale au moment de la formation des filons. Les filons sont dans l'axe de plus grande pente et non perpendiculaire à la stratification. Vallon Laugier (VLaug) 9 mes. Filons datés du Turonien supérieur sur la surface d'érosion affectant le sommet érodé des calcaires roses du Jurassique supérieur. Filons mesurés sur une surface d'érosion affectant le Js N 1 Faille N8ü daté du Jurassique supérieur et rejouant au Crétacé supérieur. max 3 = 10 km
Figure 2.19A : Carte des orientations de filons mesurées par intervalle chronostratigraphique.
60 61 ~ Sédimentation et mobilité tectonique du Briançonnais au Mésozoïque Sédimentation et mobilité tectonique du Briançonnais au Mésozoïque
o C) Résultats : Z z-....;:l VJ VJ <1.) <1.) VJ VJ <1.) <1.) El El VI VI 1 V L z-.... ;:l 2~ z- -- Qi 'Cl ::J D j c.N ~ Il.2 E x (ij C1l > 1'E li") <'1...... z,-/,-~ -o 1 VI o z z- o«) 1 o - 1
Les directions mesurées pour la période du Trias moyen sont N30, N70-80, N160. Les directions mesurées pour la période du Trias supérieur-Lias sont comparables et varient de N15 à N30 et N 135 à N160 avec une direction marquée N90 à NllO. Ces directions semblent donc être en partie héritées de l'épisode de fracturation du Trias moyen. Les filons pélagiques du Jurassique N135 à N160 reprennent en partie les directions du Trias-Lias (La Moolière), par contre la direction N45 à N60 est nwins bien exprimée, alors qu'elle devrait mieux correspondre aux directions reconnues pour l'extension Callovooxfordienne {paléopentedu Rocher Roux). Ceci montre l'importance des phénomènes d'héritage et/ou des effets gravitaires (morphologie sous-marine). Sur le site de Fouillouse, la direction N90-120 semble dominer à l'Aptien-Albien (fig. 2.18 et 2.19A et 19B); on retrouve également la direction N45 du Callovo-Oxfordien.
N Z ~ o o C'l...... N o 0 • (J ~ Il :; E x o C1l ::2: <D E 1 o Z Z z- ~
La fracturation la plus ancienne s'observe dans les dolomies du Trias moyen et correspond à des diaclases perpendiculaires à la stratific~tion. Ces diaclases s'ouvrent et se remplissent de dolomies triasiques (planche A, replats de la Queue). On en trouve en abondance dans le sommet du Ladinien, où cette fracturation serait liée à une activité sismique (§ I-I-B). Les diaclases ou les filons dolomitiques, qui recoupent le sommet du Ladinien supérieur (planche C, Pont Vouté) ou du Camien (planche C, Col des prés fromage) sont scellés par les sédiments post-rifts et perpendiculaires à la stratification triasique et pas toujours à celle du Dogger-Malm. Ceci suggère qu'ils ont été basculé avant le dépôt du Dogger-Malm ; ils sont donc probablement contemporains de l'émersion liasique. Les filons de L'Alp datés du Jurassique supérieur [Bourbon et al., 1975] associés à la paléopente du Rocher Roux (figures Il et 12, publication 2 et planche D) montrent deux directions principales de fracturation. La direction N150 apparaît prépondérante et elle est subperpendiculaire à la direction N45 de la paléopente (qui serait associée à une paléofaille de même direction). Cette direction N150 semble donc héritée de la phase de rifting liasique et réouverte au Dogger-Malm, au même titre que les filons à remplissage pélagique de la Moulière réouvrant des filons plus anciens (planche E). Les filons se développent principalement aux époques suivantes : Ladinien supérieur; Carnien-Lias ; Bathonien supérieur et Callovien-Oxfordien ; Aptien-Albien ; Turonien. 0 Au vu de ces données, l'ouverture des filons à une période donnée n'est pas la traduction directe d'un régime d'extension. En effet, on observe très souvent une réouverture de directions héritées en fonction de la sollicitation par les contraintes tectoniques ou tout simplement soos l'influence de la pente (elle-même controlée par les structures: blocs basculés, escarpement de faille, etc.). Ceci expliquerait en partie certaines disparités entre les directions de filons mesurées sur différents sites pour une même époque (fig. 19A). Une autre explication serait d'envisager des rotations différentielles entre les nappes fFaur-e, 1990}, mais je ne retiens pas.cette hypothèse.car : z- Q) ~ g • :!l E lI) Il ':; N ~ N E.f (1) certaines orientations de filons (NIlO) se retrouvent aussi bien en Ubaye qu'à l'est de la Durance {si l 'on .compare par exemple les directions d-u Poot Voutéavec.ceBe de la Moulière au Trias supérieur-Lias, fig. 19A); s::: o· <1.).... 1 >-"8!ZeE ~ >< ua s::: VJ <1.) ~ >. .c::: 0 E-< El (2) ces rotations différentielles ne sont pas confirmées par l'étude paléomagnétique {publication 3}.
62 63 Sédimentation et mobilité tectonique du Briallç01mais all Mésozoïque Sédimentation et mobilité tectonique du Brianç01mais au Mésozoïque n-4)
Les hard-grounds : un indice indirect d'activité tectonique Haut Fouillouse
Le développement d'encroûtements stromatolitiques minéralisés (hard-grounds) en milieu marin profond remplace la sédimentation dans certaines zones du fait de : entraînement des sédiments en suspension par des courants (ex. upwellings) ; canalisation du flux sédimentaire en dehors de la zone considérée (by pass) ; stockage en amont de la totalité de l'apport sédimentaire. Ce phénomène est donc relié principalement à 1'hydrodynamisme du bassin et aux flux sédimentaires. Or, ces deux facteurs dépendent étroitement de la morphologie du fond marin, c'est pourquoi les hard-grounds se développent préférentiellement sur les hauts fonds ou sur les pentes adjacentes à des bassin profonds [Bertrand-Sarfati & Monty, 1994]. Dans le cas du domaine briançonnais, Bourbon [1980] les a associé soit à des modifications morphologiques consécutives à un événement tectonique, soit à une latitude propice aux courants d'upwellings qui empêchent toute sédimentation. La première hypothèse est d'ors et déjà confirmée par la coïncidence fréquente entre ces hard-grounds et les marqueurs de déformation (filons, brèches de pente, escarpement de faille), par exemple sur l'affleurement de Fouillouse (fig. 2.18 et 2.20). Les hard-grounds peuvent donc fournir des indications sur l'activité tectonique au même titre que les surfaces d'érosion ou les filons sédimentaires. Bourbon [1980] distingue périodes de développement d'une sédimentation pélagique (ou hémipélagique) condensée en Briançonnais: au Callovien (?)-Oxfordien inférieur ; au Crétacé inférieur (du Berriasien supérieur au Vraconien, voir Annexe 2) ; à la limite Crétacé supérieurlPaléocène. Plusieurs hard-grounds d'âge différent peuvent être superposés [Lualdi et al.,1989]. Par exemple, une croûte siliceuse provenant de l'anticlinal frontal de Fouillouse (fig. 2.20) montre deux hard-grounds successifs datés par encadrement de l'Aptien supérieur-Albien supérieur. Ces deux hard-grounds sont séparés par le dépôt de calcaires à petites Hedbergelles. Le fonctionnement de la faille de Fouillouse (située actuellement au front de l'anticlinal) a du interrompre à deux reprises la sédimentation pélagique et permettre le développement de ces encroûtements. 1 cm 14 ~I
Figure 2.20: Etude du hard-ground (échantillon FOU2 A et B) prélevé au sommet de l'anticlinal de Fouillouse (Fou). La détermination des foraminifères planctoniques permet d'encadrer les deux niveaux successifs de hard-ground entre l'Aptien supérieur et l'Albien terminal.
6. Marnes fossilifères avec fragments de croûte stromatolitique. Ces marnes contiennent les foraminifères suivants (planche 6) : P/anomalina (P.) buxtorfi, P. praebuxtorfi, Rota/ipora (R) tehamaensis, R subticinensis, R ticinensis et R Appeninica. P. Buxtorfi définit une Total Range Zone à l'Albien terminal, la zone à R. Appeninica [Robaszynski & Caron, 1995].
5. Encroûtement stromatolitique (hard-ground 2) 4. Micrite à petites Hedbergelles
Les corrélations biostratigraphiques entre les différentes coupes levées en Briançonnais (fig. 2.21 et 2.22) permettent de préciser les dates d'occurrence des surfaces d'érosion ou des hard-grounds dans les sédiments du Crétacé: Aptien supérieur-Albien supérieur ; Turonien moyen-supérieur ; Santonien-Campanien. Celles-ci peuvent être comparées à celles des niveaux rencontrés dans les quatre formations li thologiques du Crétacé et du Tertiaire définies dans les Préalpes Médianes romandes [Guillaume, 1986] et chablaisienne [Hable, 1997]. Au sein de la Formation de l'Intyanon (Aptien inf Turonien moy.), la transition Aptien supérieur-Albien inférieur est marquée par un hard-ground [Python-Dupasquier, 1990]. La sédimentation des Couches Rouges l23 des Préalpes (Turonien sup.Eocène inf.) présentent trois formations limitées par des discontinuités ou hard-grounds minéralisés [Guillaume, 1986]. 3. Encroûtement stromatolitique (hard-ground 1) à Nubéculaires (planche 6). 2. Matrice de micrite à entroques remaniées et riche en Ticinelles et Hedbergelles. La présence des dernières formes de Globigerinelloïdes ferreolensis et des premières formes de Ticinella sp. (praecolomiellidae?) marque le début de l'Aptien supérieur. Au sein du remplissage, on distingue au moins trois niveaux érosifs avec un début de croissance d'endostromatolites arrêtée par une décantation (planche, photos). 1. Clastes de calcaires à Radiolaires et Calpionelles (transition Crassico1aria- Calpionella ~p.) et formation de pseudo-nodules du Malm (voir planche 6). Déterminations de M. Caron et E. Blanc 64 65
Figure 2.21 : Localisation des marqueurs de déformation ou de mouvements verticaux mésozoïques dans la zone briançonnaise: Sédimentation et mobilité tectonique du Briançonnais au Mésozoïque
Le sommet de la Formation de Rote Platte! (Turonien sup. Santonien sup.) montre une surface d'érosion et de non dépôt, qui traduirait un soulèvement [Hable, 1997]. Entre la Formation des Forclettes2 (Maastrichtien sup.) et celle des Chenaux Rouges 3 (Eocène inf.) se trouve également un hard-ground épais, qui marque localement la transition Crétacérrertiaire. Les épisodes majeurs de condensation trouvés en Briançonnais se retrouvent dans les Préalpes médianes. Ils signent la mobilité tectonique de l'ensemble du domaine briançonnais au Crétacé. Marqueurs d'instabilité tectonique: ~ ll-S) Répartition géographique et chronologique de l'ensemble des marqueurs de mobilité tectonique
La figure 2.21 donne la localisation de la totalité des marqueurs de mouvements synsédimentaires trouvés sur le terrain d'étude. Les marqueurs datés grâce à l'analyse micropaléontologique sont reportés sur le tableau chronostratigraphique de la figure 2.22, qui ne concerne donc que la période de sédimentation pélagique. L'ensemble des indices de déformation syn-sédimentaire nous permettent d'identifier les périodes de mobilité tectonique qui ont affecté le domaine briançonnais au cours du Mésozoïque: (1) Ladinien inférieur ; Paléopente @ i) Paléofaille U Filons sédimentaires ~ Karst @ Olistostrome éY Siump Mégabrèche (2) Ladinien supérieur-Carnien ; (3) Lias inférieur ; (4) Callovien-Oxfordien ; Age de la déformation. (5) Aptien-Albien ; (6) Turonien supérieur ; o Trias (7) Campanien-Maastrichtien. _ Lias _ Dogger-Malm e Crétacé (1) Ladinien inférieur La variation significative de l'épaisseur des "calcaires rubanés" du Ladinien inférieur indique une subsidence croissante d'ouest en est, vraisemblablement d'origine tectonique (§ I-I-A). Faure [1990] décrit des diaclases N140-N170 à la base des « calcaires rubanés» de la nappe de Champcella. Il en déduit une extension NE-SW d'âge Ladinien inférieur. Je retrouve localement cette direction Nl60 (Replats de la Queue, fig. 2.19), mais d'autres sites montrent plutôt des directions de filons N70 à N80. Je ne peux donc pas confirmer cette direction d'extension régionale. (2)
Ladini
en
supérieur-Carnien
Les séismites et les dissociations des bancs du Ladinien érieur et du Carnien sont les indices d'une activité tectonique (§ 1), mais je ne dispose pas d'arguments géométriques pour la caractériser. 10 km 1 66 67..--,.
.--, ;:s 0..--, 00 ;:s ::z:: «l...J > S' «l 6 0 c '<il Q) -0 <'Cl ::E '-' Z''s.... Cl) 'O;:sh al ~...J's u ;:l u C 0 ~... ~ ---. Cl) U t=: ~ al...J V) ;:s 0 -0 C..9 ~ -0 <3 -ê - ~ 0 ~..92 V) ---..--, G ~ t: Cl) tt <il ::- ;:l -0 (3 U ~..<:: u 0 ~..c: u ;:l <t:: ::: 0 ~ Cl) -0 V) 0 ~..<:: ~ U 0 t:.... ~ 'ë.0..--, 0. «l tU..c: Ü '-' u Cl) -0 0 2 <0 ~ Cl..--, «l ::: 'Ë 0-..--, f-<.8 ~ 0. «l Ü..--, ;:s 0..--, ;:s <'Cl..<:: U '-' Q) > ;:l tU..c: U..--, '0 V1 '-' 0 <3 V1 tU...J ~ '-'.... 0 -Q) ~ ~ tU...J 0. ;:s &~ 0 u ~ ~.... 0..c: u ~.... 0 oc, N ~ 0....; 0. ;:s 0..--, 0. u Z C....0..--,....o eV) ~ '0 <Cl)....«l -0 E-< E-< &:Q 2 <0 Z Cl)..--, V) & 0 Cl) -0 ;:l V) V) 'P:;...J a:l ~ Cl '-' 0. :< -0 C.... tU.:1 '" ~ 0;..--, ;:s 0 u ~ la iii.... Cl) '-' 0 V) ;:s ~..c: U 'S ~ 0..... 'il Oj ;> èV),il.... <'Cl ;:l e.o tU ::E 0.... Sédimentation et mobilité tectonique du BriançOlmais au Mésozoïque
·0 «i > 0 (3) Lias inférieur (Sinémurien-Toarcien)..<:: U 0..c: u ~ ÉOCENE PALEOCENE
Les données provenant de la nappe de Peyre-Haute montrent qu'au moins une phase de fracturation avec basculement de blocs s'est produIte pendant l'intervalle SinémurienBathonien. Le réseau de fractures a guidés les dissolutions karstiques durant l'émersion du domaine briançonnais au Sinémurien (§ 1-2), si bien qu'une partie de la fracturation est antérieure ou contemporaine de cette émersion. L'orientation actuelles de ces failles est N-S et E-W, mais les basculements observés sont en majorité vers l'ouest. Un basculement identique existe dans la nappe du Chatelet (Panestrel-Font Sancte, figure 6, publication 2). L'extension responsable de ces déformations serait, en direction actuelle, proche de E-W et par conséquent oblique par rapport à l'axe du rift NE-SW reconstitué d'après la cinématique des plaques [Lemoine et al., 1989]. Cette extension devient strictement perpendiculaire à cet axe (NW-SE) en prenant en compte la rotation anti-horaire de plus de 30° mise en évidence par le paléomagnétisme (voir partie 3 et 4).
(4) Callovovien-Oxford
ien
Après l'ouverture initiale de l'océan Téthys ligure, la fracturation se développe dès le Bathonien supérieur (La Moulière, figure 9, publication 2) et surtout au Callovien-Oxfordien mais cette fois dans un contexte de forte subsidence.
BARREMIEN ------l---l---I--l----I--+-f---+---+-f--+--+-+--+-t----t--t-___j_---t--t----t--r-iHAUTERl
VIEN----+--l--+---I------t----J-+--+-+--+---+-+-+-+--t--+-t----t--j~___j__j-___r-1 TITHONIEN ----+--l----l---J.-+--+-I-+-+-I--+-+-+--+-+-+-----t-+-+-+--+-j--------jKIMMERIOOIEN-----+---l----+--i--I---+-+-+---1--1-+---1-+--+-+--+-[--+---+-+----+-t--r- @
Br
èche V
Filons ~ Pente ~ Faille
8
Surface d'érosion e
Les failles et les basculements datés de cette époque ont une orientation différente de ceux de l'étape précédente (failles E-W à NE-SW, filons N45 à N65 et Nl35 à N150, basculements vers le S, le SE ou le NW). L'extension associée serait orientée NNW-SSE (direction actuelle). L'exemple, qui illustre le mieux cet épisode de déformation est le bloc basculé du Vallon Laugier. Le plan de faille décale la discontinuité post-rift et les couches du Dogger. La direction de cette faille (N80) est transverse à la direction N-S attendue pour une faille "synrift" [Tricart et al., 1988]. De nombreux marqueurs permettent de dater le début du fonctionnement de la faille du Callovien-Oxfordien (figure 8, publication 2). Il ne s'agit pas d'un rejeu des failles liasiques, mais de l'expression d'une nouvelle déformation en extension dont les effets se superposent à ceux du rifting téthysien (subsidence thermique). Cet exemple a fait l'objet d'un article paru que le lecteur trouvera à la fin de ce volume (publication 1). Une preuve d'extension contemporaine de l'expansion océanique de la Téthys ligure en Briançonnais: les failles du Vallon Laugier. Hard-grotmd
Figure 2.22: Inventaire des marqueurs de déformation pour la période pélagique"post-rift". Les périodes de mobilité tectonique sont enregistrés dans la sé~imentation pé~agique d,u domaine briançonnais : au Callovien-Oxfordien, ~ l' Aptien-Albien s~péneur, au Tur?men supéneur.. et au Campanien-Maastrichtien. Le fonctIOnnement de la faIlle du lac des Beraudes au Bemaslen correspond au rejeu de la faille jurassique. Marie-Elisabeth
Claudel, Thi
erry
Dumont & Pierre Tricart Comptes Rendus de l'Académie des Sciences, Paris, Sciences de la terre et des planètes/ 1997, nO 325, pp. 273-279. Note remise
le
27 janvier 1997, acceptée
après
révision
le
7 avril 1997. 69
68 Sédimentation et mobilité tectonique du Briançonnais au Mésozoïque Sédimentation et mobilité tectonique du Briançonnais au Més
ozoïque
Cet événement tectonique du Callovo-oxfordien est accompagné d'érosions sousmarines qui ont décapé les séries mésozoïques plus profondément que le rifting téthysien. En effet, on trouve dans les sédiments de cet âge des blocs resédimentés de quartzites du Trias inférieur (brèche de Tête Noire, § II-I-A, fig. 2.8), ce qui n'apparaît jamais dans les brèches liasiques, et ces niveaux pélagiques reposent parfois directement sur les quarzites du Trias inférieur (lac des Béraudes, § II-2-A, fig. 2.9). Ce phénomène permet d'expliquer l'importance des lacunes dans certaines séries de la nappe de Roche-Charnière ou des « Ecailles intermédiaires» (unités de Combrémont et du Prorel-Rio secco, partie 3) et de suggérer que ces lacunes ne sont pas entièrement le fait de l'émersion du Lias-Dogger.
III) STRUCTURATION MULTIPLE DU DOMAINE BRIANÇONNAIS AU MÉSOZOÏQUE
L'analyse de la sédimentation du domaine briançonnais nous a permis de mettre en évidence plusieurs périodes significatives de nwhilité tectonique au cours du méSOZOÏque :.:. L'extension de la plate-forme carbonatée au Ladinien inférieur se traduit par des aires de subsidenceilifférentielle. Cette extension préfigure l'emplacement des structures du rifting téthysien car nombres de filons sont repris lors de la fracturation liasique..:. L'extension ladino-camienne montre des séismistes associées à un volcanisme (cinérites).
(5) Aptien-Albien supérieur
Les hard-grounds de cet âge caractérisent les séries de haut-fond. Ils représentent toute la sédimentation du Crétacé inférieur sur la plupart des unités briançonnaises étudiées. Durant cette période, une surface minéralisée apparaît au sein de la Formation de l'Intyanon des Préalpes médianes (§ II-4). Cet événement correspondrait à une variation du niveau marin enregistrée à l'échelle mondiale [ Fôllmi, 1989, Hable, 1997]. Le domaine briançonnais, qui était émergé au Lias, est donc resté en relief par rapport aux autres domaines de la marge qui sont effondrés à Cette époque..:. L'extension liasique correspond au rifting téthysien; elle se traduit par l'émersion de 1'ensemble du domaine briançoanais (deux aires distinctes).
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L' influence de la famille sur la réussite scolaire à travers l'aide aux devoirs. Education. 2019. ⟨dumas-04220848⟩
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a) Les avantages et les inconvénients du questionnaire
(1) Les avantages : Le questionnaire donne la possibilité d’interroger beaucoup de participants en un temps donné ce qui donne l’avantage d’avoir beaucoup de points de vue. C’est une approche qui est moins contraignante que les entretiens car elle demande moins de temps. De plus, les parents n’ont pas eu à se déplacer spécialement pour l’enquête ce qui facilite leur volonté de m’aider. 23 (2) Les inconvénients : L’inconvénient principal est qu’il n’y a pas d’aspect relationnel dans le questionnaire, en effet, je n’ai pas rencontré les personnes à qui je l’ai fait passer, ce que je regrette car j’aurais aimé avoir des précisions par rapport à certaines réponses. Par ailleurs, lors de l’analyse des réponses, j’ai eu l’impression que ma démarche aurait sans doute été prise plus au sérieux si j’avais interrogé directement les parents ; en effet, certains d’entre eux semblent avoir répondu rapidement et au hasard.
b) Échantillon pour mes questionnaires
(1) Questionnaires à destination des parents d’élèves : Mon étude a uniquement été menée dans des classes de CE2. La raison de ce choix réside dans le fait que c’est une classe qui se situe au milieu de la scolarité obligatoire, puis également car à partir de cet âge, les difficultés scolaires deviennent de plus en plus visibles et l’inquiétude des parents devient de plus en plus forte quant aux résultats et à l’avenir de leurs enfants. De plus, c’est une classe charnière, en effet, il s'agit de la dernière année de cycle 2. • Pour ma première école (en zone rurale) composée de 29 élèves, j'ai distribué deux questionnaires par famille, un pour le père et un pour la mère de l’élève, ce qui constitue en tout 58 questionnaires : 43 personnes ont répondu dont 23 mères et 20 pères. Parmi les 29 élèves, 18 ont eu les deux parents qui ont répondu et 7 n'ont eu qu'un parent qui a répondu. Parmi les élèves ayant eu un seul parent qui a répondu : 4/7 parents sont des femmes. Pour 4 élèves seulement aucun des parents n'a répondu. Je suis donc partie sur une analyse de 25 élèves avec 86 % de réponses. • Pour ma seconde école (en zone urbaine) composée de 28 élèves, j'ai également distribué deux questionnaires par famille, ce qui constitue en tout 52 questionnaires : 26 personnes ont répondu dont 19 mères et 7 pères. Parmi les 28 élèves, 4 élèves ont eu les deux parents qui ont répondu et 16 n'ont eu qu'un parent qui a répondu. Parmi les élèves ayant eu un seul parent qui a répondu : 13/16 parents sont des femmes. Pour 4 élèves aucun des parents n'a répondu. Je suis donc partie sur une analyse de 24 élèves avec 85 % de réponse. • Pour ma troisième école (en zone REP), j'ai également distribué deux questionnaires par famille, ce qui constitue en tout 34 questionnaires et seulement 12 personnes ont répondu dont 10 mères et 2 pères. Cette classe comportait moins d’élèves que mes deux premières classes. Parmi les 17 élèves, 2 élèves ont eu les deux parents qui ont répondu et 8 n'ont eu qu'un parent qui a répondu. Parmi les élèves ayant eu un seul parent qui a répondu : 8 parents sont des femmes. Pour 7 élèves aucun des parents n'a répondu. Je suis donc partie sur une analyse de 10 élèves avec 58 % de réponse. 24 On peut donc observer une différence d’échantillon entre les écoles. En effet, pour l’école rurale j’ai pu remarquer que j’avais récolté beaucoup plus de réponses des deux parents (18 parents (père et mère) pour l’école rurale, contre 4 dans l’école urbaine et 2 dans l’école REP). De plus, dans les deux premières écoles j’ai récolté plus de 80 % de réponses alors que dans l’école située en zone REP, j’ai récolté seulement 58 % de réponses.
(2) Questionnaires à destination des enseignants : Pour faire passer ces questionnaires, j’ai utilisé les réseaux sociaux afin de demander de l’aide à des enseignants de différents profils et venant d’écoles de toute la France. J’ai donc expliqué ma démarche en proposant un lien de mon questionnaire, sur une page dédiée aux professeurs des écoles. J’ai bien précisé qu’il s’adressait uniquement à des enseignants d’école élémentaire du fait qu’il n’y ait pas de devoirs en école maternelle. J’ai obtenu la réponse de 21 enseignants
18 femmes et 3 hommes. 2. L’entretien
L'entretien comme méthode de recherche fait partie des méthodes qualitatives de la sociologie, il sert à analyser la production d'un discours qui se fait. Pour répondre à mes hypothèses, cette méthode m’a semblé être la meilleure car elle permet aux enquêtés d'avoir une marge de parole plutôt large, ainsi les personnes interrogées ont pu s'exprimer librement et j’ai pu rebondir facilement sur ce qu'ils disaient. Il existe plusieurs types d'entretiens et ceux que j’ai menés étaient semi-directifs car j’avais une question de départ identique pour toutes les personnes interrogées ainsi qu’une grille d'entretien ; cependant les questions de relance étaient propres à chaque entretien en fonction de ce que me répondait la personne interrogée. Les questions préparées n’étaient donc pas forcément posées dans l’ordre prévu, cela venait en fonction des paroles de l’enquêté. Il y avait donc une liberté pour le chercheur mais aussi pour l’enquêté. L’enquêteur laisse venir l’enquêté afin qu’il parle ouvertement. Le but pour l’enquêteur est alors de laisser une parole libre à son enquêté tout en recentrant l’entretien si le sujet n’est plus adapté. De plus, il est important que l’enquêteur adopte une position neutre afin de ne pas influencer les réponses de l’enquêté, ce qui s’appelle « la neutralité bienveillante ».
a) Les avantages et les inconvénients de l’entretien semi-directif
(1) Les
a
vantages
: Grâce
à
ce type d’entretien, l’enquêté organise
son
discours librement ; en effet, gr
âce
aux questions ouvertes, il n’est pas trop guidé et l’enquêteur reste en retrait. Il s’agit donc d’une conversation fluide et naturelle qui se met
place car les réponses sont spontanées. De plus, il permet de rebondir directement sur un propos dit par la personne interrogée, il paraît donc plus précis que les questionnaires puisqu’on peut demander des explications en face à face. (2) Les inconvénients
: L’inconvénient serait qu’il est coûteux en temps, contrairement aux questionnaires ; j’ai donc réussi à interroger un plus grand échantillon de personnes par questionnaire que par entretien.
b) Population interrogée pour mes entretiens
Mon entretien a été réalisé avec un enseignant ayant travaillé en réseau prioritaire et en réseau non prioritaire. J’ai également fait appel à mon réseau proche afin de l’interroger. La personne interrogée travaillait en REP l’année dernière et enseigne cette année en zone rurale. Je désirais interroger une deuxième personne travaillant l’année dernière en zone rurale et enseignant cette année en REP, cependant après de nombreuses relances, cet enseignant n’a pas répondu à ma demande. c) La passation Concernant l’entretien réalisé, j’ai établi le contact avec mon enquêté en lui disant que je réalisais un mémoire sur la réussite scolaire uniquement : en effet, je n’ai pas donné la thématique exacte, notamment le terme « influence de la famille » du fait que cela aurait influencé les réponses. J’ai ensuite donné rendez-vous à mon enquêté dans un lieu neutre car le lieu peut influencer fortement le discours des enquêtés. Je ne voulais surtout pas l’interroger sur son lieu de travail car c'est un lieu qui n'est pas neutre et où il peut ressentir la pression, il était préférable que je le rencontre dans un autre lieu. De plus, le fait d'être enregistré peut aussi modifier le discours des enquêtés mais j’ai quand même choisi de le faire afin qu'il n'y ait pas de déperdition du passage de l'oral à l'écrit et pour pouvoir être concentrée totalement dans son discours. Je lui ai donc précisé qu'il serait enregistré en demandant si cela ne lui posait pas de problème et il a accepté. J’ai ensuite retranscrit mon entretien pour pouvoir l’analyser. C. Choix et pertinence des questions
(1)
Questionnaire
à
destination des parents d’élèves
(
voir
annexe1) : Dans un premier temps, j’ai demandé aux parents quelques informations qui pouvaient être utiles à ma recherche. Tout d’abord, le sexe de l’enquêté car je voulais savoir si l’aide apportée pour les devoirs variait en fonction du père ou de la mère ; en effet, selon mes recherches, même si la mère est celle qui aide le plus le père aide de plus en plus son enfant dans la tâche des devoirs. J’ai demandé ensuite de préciser leur âge car je pensais qu’il pouvait avoir une influence quant à la difficulté à aider l’enfant ; en effet, selon moi, plus le parent est âgé, plus les méthodes qu’il avait lors de sa scolarité sont éloignées de celles d’aujourd'hui. Les questionnaires étant anonymes, je me suis dit que les parents accepteraient de répondre à cette question indiscrète. Mon hypothèse s’est révélée inexacte, cette question n’était donc pas pertinente. Concernant le niveau d’étude et le métier, il était intéressant pour moi de voir si le niveau professionnel des parents influençait l’aide aux devoirs, en effet, les parents de catégorie socioprofessionnelle élevée semblent aider davantage leurs enfants. 26 J’ai demandé aux parents le métier qu’ils exerçaient mais après réflexion et pour faciliter mon analyse, j’aurais dû uniquement demander leur catégorie socio-professionnelle en leur fournissant une grille pour qu’ils se repèrent ; j’ai donc opéré de cette manière pour ma troisième école. Par rapport à la question sur la situation conjugale, je désirais voir si l’aide chez le père et chez la mère était différente lorsque les parents étaient séparés, cependant, si deux parents cochent « marié », je ne peux pas savoir si ce sont les parents de l’enfant qui sont encore mariés ou s’ils se sont remariés. Ils pouvaient en effet cocher « divorcé » mais aussi « marié » ou également « divorcé » et « célibataire », mes modalités de réponses n’étaient pas pertinentes et je n’ai donc pas pu me servir de cette question pour mon analyse. Puis, j’ai désiré demander aux parents le nombre d’enfants qu’ils avaient ainsi que leur âge car d’après mes recherches, plus l’enfant a de frères et sœurs, moins les parents auront de temps pour s’occuper des devoirs de chaque enfant. Je voulais donc vérifier ce fait en posant cette question. En second temps, j’ai interrogé les parents d’élèves sur les conditions dans lesquelles sont réalisées les devoirs car lors de mes recherches, j’ai remarqué que les conditions et le moment où ils sont effectués pouvait influencer la réussite de l’enfant. Pour la question « à quel moment votre enfant fait-il son travail scolaire le plus fréquemment », mes modalités de réponses ne sont pas pertinentes, en effet, la modalité « avant le coucher » peut regrouper toutes les autres modalités, j’aurais dû préciser « juste avant de se coucher ». De plus, pour cette même question, si l’enfant va au périscolaire mais qu’il fait ses devoirs à la maison, un parent peut cocher « après le goûter » mais également « dès son arrivée à votre domicile » pour ce cas de figure il y avait deux possibilités de réponses alors que je demandais « le plus fréquemment ». J’aurai donc dû pour cette question et de nombreuses autres, demander de numéroter les choix des réponses dans l’ordre au lieu de dire « le plus fréquemment ». La question « votre enfant fait-il toujours ses devoirs à la même heure? » ne s’est pas révélée être vraiment utile pour mon enquête. En troisième temps, j’ai posé des questions concernant l’aide apportée par les parents. Pour cette partie du questionnaire, je reste vigilante par rapport aux réponses des enquêtés. En effet, je me doute que certains parents ne sont pas tout à fait honnêtes sur certaines réponses, de peur d’être jugés notamment pour les questions « aidez-vous votre enfant à faire ses devoirs? », « combien de temps en moyenne » et « éprouvez-vous des difficultés à aider votre enfant? », les parents éprouvant des difficultés à aider n’oseront pas forcément le dire car ils peuvent se sentir honteux, de même que ceux qui n’aident pas souvent leurs enfants ou passent très peu de temps sur la tâche. J’utilise donc ces questions pertinentes pour mon analyse mais je reste prudente quant aux résultats car il y a toujours une marge qui ne correspond pas à la réalité et à l’échelle de mon échantillon, cela est difficile à vérifier. Pour la question « vous arrive-t-il de donner du travail supplémentaire », je voulais voir si des parents de milieu aisé donnaient plus de devoirs supplémentaires comme vu lors de mes recherches, de même pour la question concernant les cours particuliers. Par rapport à la question sur la réaction des parents lorsque l’élève a de mauvais résultats, elle me semblait importante afin de vérifier si les parents de milieux plus aisés consacraient, comme vu lors des recherches, plus de temps à comprendre les erreurs de leurs enfants en apportant une aide complémentaire et s’ils y arrivaient plus facilement que des parents de milieux populaires. De plus, lors des recherches, on peut remarquer que les parents de milieux plus 27 difficiles, ont tendance à punir leurs enfants plus rapidement car ils tiennent au respect, je voulais donc vérifier ce fait en posant cette question. Cependant, peu de parents seront honnêtes sur cette question, en effet, je pense que certains n’oseront pas cocher « je donne une punition ». Enfin, concernant la rencontre avec l’enseignant, les recherches montrent que les parents de milieu défavorisés semblent être éloignés de l’école et donc rencontrent moins l’enseignant que ceux de milieu favorisé. De même, les mères rencontrent plus les enseignants que les pères. Suite à l’analyse des réponses à mon questionnaire, je me suis donc rendu compte que mes questions n’étaient pas toutes pertinentes et que certaines avaient des modalités de réponses mal formulées. De plus, il est difficile de juger sur le milieu social dans lequel vivent les enfants en ayant uniquement la CSP des parents comme facteur, il aurait fallu demander aux parents leur revenu mais cela m’a paru trop indiscret dans un questionnaire. C’est pourquoi je me suis plutôt basée sur la comparaison entre les écoles pour comparer les milieux aisés et les milieux défavorisés. Je suis partie sur l’idée que dans une école urbaine non prioritaire il y avait davantage de familles aisées que dans une école d’éducation prioritaire même s’il y a des exceptions et que cela repose sur des préjugés.
(2) Questionnaire à destination des enseignants : J’ai tout d’abord demandé aux enseignants leur sexe et depuis combien de temps ils enseignaient afin de voir si cela avait un impact sur leur vision par rapport aux devoirs ainsi que sur leurs pratiques. De même pour la question sur le milieu dans lequel ils enseignaient, en effet, selon mon hypothèse de base, les élèves de zone REP étant moins aidés par leurs parents, je voulais voir si ceux qui enseignaient dans ce milieu étaient du même avis que moi. J’ai également voulu connaître le type de poste des enseignants enquêtés pour voir si cela influençait aussi leur vision. La première question à l’intention des enseignants consistait à connaître leur opinion sur le rôle de l’école : plusieurs propositions leur étaient faites et ils devaient alors les numéroter par ordre d’importance. Concernant les questions sur l’aide aux devoirs, je voulais savoir si les enseignants interrogés accordaient une place importante aux devoirs et s’ils en donnaient à leurs élèves, sachant que normalement les devoirs écrits sont interdits. Pour la question « vous attendez que les parents s'impliquent dans la vie scolaire de leurs enfants par... », je voulais savoir si les enseignants attendaient que les parents s’impliquent pleinement dans l’aide aux devoirs, s’ils comptaient sur eux pour que les élèves réussissent. J’ai ensuite posé une question plutôt ouverte afin de connaître selon eux l’utilité des devoirs pour comparer avec mon point de vue et mes recherches. Pour mes rares enquêtés qui ne donnaient pas de devoirs, je voulais en connaître la raison et voir si cela était à cause des inégalités au sein des familles. Par rapport à la question « vous arrive-t-il d’avoir des élèves qui ne font pas leurs devoirs? » je voulais savoir si les enseignants en zone REP avaient plus d’élèves qui ne faisaient pas leurs devoirs que ceux en zone non prioritaire, afin de voir si l’aide possible de la famille avait une influence. Je voulais aussi savoir si les enseignants percevaient si l’aide apportée par un parent enseignant (plus susceptible à mon sens d’aider son enfant) se répercutait en classe. 28 La question « pensez-vous qu’un parent puisse donner une méthode différente de la vôtre? » n’a finalement pas eu de pertinence pour mon enquête. Pour la question « vous arrive-t-il d'avoir des parents d'élèves qui font "avancer" leurs enfants sur une notion avant que vous ne l'ayez enseignée? », je voulais voir si les parents poussaient leurs enfants à la maison à aller plus loin que ce qui est fait en classe ou s’ils se contentaient d’exécuter ce qui était demandé par l’enseignant. Concernant les parents ne parlant pas la langue française, je voulais me rendre compte si leurs enfants étaient davantage en zone REP ou non et si dans les classes où des parents ne parlent pas français, il y avait plus d’élèves qui ne faisaient pas leurs devoirs, ce qui me permet donc de voir si les parents ne parlant pas français ont des difficultés à aider. Enfin pour la question sur l’influence de l’aide de la famille ainsi que l’influence du milieu social sur la réussite scolaire, les enseignants enquêtés auraient-ils la même vision de base que moi? Pour ceux répondant « oui » à cette question je voulais savoir comment ils l’observaient concrètement afin de voir si leur réponse était fondée ou non.
D. Mode d’analyse des données
Afin d’analyser les résultats des questionnaires, j’ai retranscrit toutes les questions et les réponses de chaque personne sur un tableau d’analyse de données, j’ai procédé à un regroupement des données selon les différentes variables puis je les ai retranscrites en pourcentage dans des graphiques. Pour chaque questionnaire, je demandais aux parents d’indiquer leur sexe, leur âge, leur profession et leur niveau d’étude, ce qui m’a permis de comparer les réponses en fonction de la situation socio-économique des familles et donc d’observer si ce facteur influence ou pas les relations qu’ils ont avec l’école.
E. Difficultés rencontrées. J’ai tout d’abord éprouvé des difficultés d’ordre académique c’est-à-dire savoir comment faire de la recherche, comment faire le lien entre les parties, comment réussir à rédiger un plan cohérent. J’ai eu ensuite des difficultés à créer des questionnaires, je les ai modifiés plusieurs fois avant qu’ils soient à mon sens le plus clair possible. Certaines questions seraient à mon avis à supprimer car elles ne sont pas pertinentes pour mon enquête, d’autres trop complexes dont les réponses ne m’ont pas permis une analyse correcte. J’ai voulu traiter de plusieurs sujets en même temps et je me suis rendu compte que mon questionnaire était trop large. Puis j’ai rencontré des difficultés au niveau organisationnel pour le choix et l’utilisation des logiciels permettant l’analyse de mes résultats. Enfin, des difficultés d’ordre spatio-temporel sont survenues, en effet, j’ai fait ma première enquête de terrain en mars 2018 et la seconde en novembre 2018, ce qui a compliqué la comparaison des données.
III. Présentation des résultats de la recherche A. Résultats et analyse à partir des questionnaires adressés aux familles 1. École rurale
Après le temps scolaire, 68 % des élèves de l’école rurale rentrent à leur domicile, 24 % se rendent au périscolaire et 8 % à un autre endroit. 68 % des enfants font leurs devoirs à domicile ce qui est un pourcentage non négligeable sachant que 24 % se rendent au périscolaire, les devoirs ne sont donc pas faits au périscolaire. Concernant le moment où sont faits les devoirs, 72 % des enfants de l’échantillon réalisent leurs devoirs après un goûter, 8 % après avoir joué, 16 % directement en rentrant et 4 % juste avant de se coucher. Par ailleurs, 88 % des élèves de l’échantillon font leurs devoirs dans une pièce avec d’autres personnes et seulement 12% les font seuls dans leur chambre. Cependant 64 % des élèves réalisent leurs devoirs à la même heure. De plus, 76 % des enfants de l’échantillon réalisent leurs devoirs de leur plein gré. A propos de l’aide apportée par les parents, 100 % des mères consultent les devoirs de son enfant contre seulement 85 % des pères. De plus, 65 % des mères aident toujours leurs enfants contre 25 % des pères. On remarque donc dans cette école que les mères aident plus souvent leurs enfants que le père, le plus grand pourcentage pour les pères est de 45 % et se situe dans l’item « j’aide parfois mon enfant ». Seulement 5 % des pères et 4 % des mères n’aident jamais. Les motifs pour les parents qui n’aident pas sont : « mon enfant n’en a pas besoin » ou « je n’ai pas le temps » (50 %/50 %). Pour les parents aidant, 61 % des pères disent aider 10 à 20 minutes en moyenne par jour, 17 % de 20 à 30 minutes en moyenne par jour et 17 % de 5 à 10 minutes en moyenne par jour, les mères sont 59 % à aider de 10 à 20 minutes en moyenne par jour, 27 % de 5 à10 minutes en moyenne par jour et 9 % de 20 à 30 minutes en moyenne par jour. On observe tout de même 1 père qui aide plus de 45 minutes ce qui semble beaucoup par jour. Le temps d’aide des parents est donc varié et se fait dans 56 % des cas tout au long des devoirs et dans 36 % des cas uniquement à la fin des devoirs. 32 % seulement des personnes interrogées donnent du travail supplémentaire à leur enfant, certainement afin de refaire avec lui les exercices quand ce dernier n’a pas obtenu de bons résultats car 81% des mères et 76 % des pères essaient de comprendre avec l’enfant ses erreurs ce qui se fait souvent en refaisant des exercices ou des exercices du même types comme l’ont précisé certains enquêtés. Dans cette école rurale, aucun enfant n’a recours à des cours particuliers mais 68 % d’entre eux ont des cahiers de vacances. 16 % des hommes et 17 % des femmes estiment avoir des difficultés à aider leur enfant, parmi les motifs on retrouve une grande différence dans les méthodes d’enseignement entre celles qu’ils ont connues étant élèves et celles de leur enfant (33% pour les mères et 20 % pour les pères), la difficulté de concentration de l’enfant (33% pour les mères et 20 % pour les pères) mais également le fait de ne pas comprendre ce qui est attendu (16% chez les mères et 40 % chez les pères). On peut alors se demander comment il est possible pour les parents d’être 30 efficaces dans leur aide s’ils ne comprennent pas ce qui est demandé ou si les méthodes enseignées aujourd'hui ne sont pas les mêmes que dans leur scolarité. Pour la participation à la vie scolaire, 43% des mères suivent les résultats de leur enfant, 37% participent aux réunions, 20 % participent à des sorties et aucune des mères n’a pas l’occasion de participer. Pour les pères, 47 % suivent les résultats, 29% participent aux réunions, 15 % participent aux sorties et 9% n’ont pas l’occasion de participer. Les résultats entre les pères et les mères sont donc plutôt divergents quant à la participation à la vie de l’école. En ce qui concerne les rencontres avec l’enseignante, 70% des hommes n’ont jamais rencontrés l’enseignante contre seulement 30% des femmes : il s’agit de l’inverse. Certains pères ont déclaré que c’était leur épouse qui suivait le plus la scolarité. Cependant, j’ai tout de même remarqué que les pères étaient souvent très impliqués, contrairement à ce que je pouvais penser à la suite de la lecture d’ouvrages. À la suite de mon enquête, je remarque donc que les pères sont plutôt présents dans l’aide aux devoirs des élèves, cependant, les mères suivent dans la plupart des cas toujours plus la scolarité que les pères, en effet, j’ai relevé seulement un cas où le père aide plus que la mère sur 18 élèves (ceux dont les deux parents m’ont répondu) et seulement un cas où l'élève n'est jamais aidé par ses parents.
2. École urbaine
Après le temps scolaire, 47 % des élèves de l’école urbaine rentrent à leur domicile et le pourcentage est le même pour les enfants se rendant au périscolaire. Concernant le moment où sont faits les devoirs, 33 % des enfants de l’échantillon réalisent leurs devoirs après un goûter, 29 % après avoir joué et 24 % directement en rentrant. Un parent précise « ma fille revendique le droit de jouer avant de faire ses devoirs ». On peut donc remarquer que bien que 48 % des enfants aillent au périscolaire, seulement 4 % y font leurs devoirs, 96 % des enfants allant au périscolaire réalisent donc leurs devoirs à leur domicile ; le retour du périscolaire, semble être une heure tardive pour les enfants pour une pleine concentration dans leur travail, on peut donc poser ici la question d’inégalité face aux élèves ayant des parents qui rentrent tôt et ceux ayant des parents qui finissent le travail plus tard. Par ailleurs, plusieurs parents précisent que les devoirs se font à la cuisine pendant que l’adulte prépare à manger ainsi, 71 % des élèves de l’échantillon font leurs devoirs dans une pièce avec d’autres personnes et seulement 29 % les font seuls dans leur chambre. 62 % des élèves réalisent leurs devoirs à la même heure et 76 % des enfants de l’échantillon réalisent leurs devoirs de leur plein gré. A propos de l’aide apportée par les parents, 94 % des mères consultent les devoirs de leur enfant contre 100 % des pères (fait à relativiser car moins d’hommes ont répondu). De plus, 67 % des mères aident « toujours » leurs enfants contre 71 % des pères. Aucun des parents n’aide jamais son enfant. On peut donc remarquer que malgré le peu de père ayant répondu, la majorité d’entre eux sont investis dans l’aide aux devoirs. Concernant le temps de l’aide moyenne par jour, les pères aident tous de 10 à 20 minutes, les mères, elles, aident pendant des temps variés, 44 % des mères aident de 5 à 10 minutes, 33 % de 10 à 20 minutes et 22 % de 20 à 30 minutes. L’aide des parents n’excède donc pas les 30 minutes et se fait dans 80 % des cas tout au long des devoirs. 48 % des personnes interrogées donnent du travail supplémentaire à leur enfant, certainement afin de refaire avec lui les exercices quand ce dernier n’a pas obtenu de bons résultats car 63% des mères et 72 % des pères essaient de comprendre avec l’enfant ses erreurs ce qui se fait souvent en refaisant des exercices ou des exercices du même type comme l’ont précisé certains enquêtés. Dans cette 31 école urbaine, aucun enfant n’a recours à des cours particuliers mais 71 % d’entre eux ont des cahiers de vacances. Seulement 14 % des pères et 16 % des mères estiment avoir des difficultés à aider leur enfant, certains précisent « ce n’est pas une partie de plaisir car quand mon enfant ne veut pas faire ses devoirs, c’est très difficile », certains affirment que leurs enfants résistent pour ne pas faire la tâche. De plus, un parent évoque la dyslexie de son enfant qui rend la réalisation des devoirs encore plus difficile. Une mère, élevant son enfant seule, affirme qu’elle arrive à gérer seule l’aide pour son enfant car elle n’en a qu’un mais elle pense que cela doit être très difficile dans les familles monoparentales ayant plusieurs enfants à charge. Parmi les parents ayant des difficultés à aider leur enfant, 67 % des mères et tous les pères affirment que cela est dû à la difficulté de concentration de l’enfant et 33 % des mères affirment que cela est dû aussi à l’écart entre leur scolarité et celle de leur enfant. Pour la participation à la vie scolaire, 41 % des mères suivent les résultats de leur enfant, 35 % participent aux réunions, 15 % participent à des sorties et 9 % n’ont pas l’occasion de participer, pour les pères, 50 % suivent les résultats, 25 % participent aux réunions, 17 % participent aux sorties et 8 % n’ont pas l’occasion de participer. Les résultats entre les pères et les mères sont donc similaires quant à la participation à la vie de l’école. Les parents semblent donc être investis dans la vie de l’école. En ce qui concerne les rencontres avec l’enseignant, 29 % des pères n’ont jamais rencontré l’enseignante contre 44 % des mères (fait à relativiser sachant que moins d’hommes ont répondu). Certains pères ont déclaré que c’était leur épouse qui suivait le plus la scolarité : je cite « c’est plutôt mon épouse qui suit la scolarité des enfants ». Cependant, j’ai tout de même remarqué que les pères étaient souvent très impliqués contrairement à ce que je pouvais penser à la suite de la lecture d’ouvrages. À la suite de mon enquête, je remarque donc que les pères sont plutôt présents dans l’aide aux devoirs des élèves ; cependant, les mères suivent dans la plupart des cas toujours plus la scolarité que les pères : en effet, j’ai relevé pour cette école seulement deux cas où le père aide plus que la mère sur 4 élèves (ceux dont les deux parents m’ont répondu). Les devoirs à la maison semblent tout de même être une tâche complexe à réaliser. Mes constats pour cette école sont à relativiser car beaucoup plus de mères ont répondu, en effet, il y a plusieurs familles où l’enfant ne vit qu’avec sa mère, les comparaisons entre l’aide apportée par les mères et les pères sont donc difficiles à établir et ne sont pas équilibrées. École REP
Après le temps scolaire, 50 % des élèves de l’école située en zone REP rentrent à leur domicile, 20% se rendent au périscolaire et 30% chez une nourrice. Concernant le moment où sont faits les devoirs, 50% des enfants de l’échantillon réalisent leurs devoirs après un goûter et 40% directement en rentrant. La totalité des élèves de l’échantillon font leurs devoirs dans une pièce avec d’autres personnes. On peut alors se demander si les conditions dans lesquelles sont réalisées les devoirs sont optimales. 60% des élèves réalisent leurs devoirs à la même heure. De plus, 90% des enfants de l’échantillon réalisent leurs devoirs de leur plein gré, ce qui prouve que l’activité des devoirs ne semble pas être dérangeante pour les élèves. 32 A propos de l’aide apportée pour la réalisation des devoirs, tous les parents de l’échantillon consultent le cahier de texte de leurs enfants. 90 % des mères aident toujours leurs enfants contre 100 % des pères (à relativiser du fait qu’il n’y ait que deux pères interrogés). Aucun des parents n’aide jamais son enfant. Cependant, un des deux pères et une des mères estiment avoir des difficultés à aider leur enfant. Concernant le temps de l’aide, un des pères aide de 10 à 20 minutes et l’autre père aide de 20 à 30 minutes en moyenne par jour, ce qui est un temps considérable. Les mères, elles, aident pendant des durées variées, 30% des mères aident de 5 à 10 minutes en moyenne par jour, 40% de 10 à 20 minutes en moyenne par jour et 10% de 30 à 45 minutes en moyenne par jour. L’aide quotidienne des parents paraît donc très longue pour les élèves de cette école. Concernant le travail supplémentaire, seulement 20% des parents de l’échantillon en donnent à leur enfant. De plus, dans cette école située en zone REP, aucun enfant n’a recours à des cours particuliers et 50% d’entre eux ont déjà eu des cahiers de vacances. Pour la participation à la vie scolaire, 47 % des mères suivent les résultats de leur enfant, 6% participent aux réunions, 6 % participent à des sorties et 6 % n’ont pas l’occasion de participer. Les deux pères de l’échantillon participent seulement en suivant les résultats de leur enfant. En ce qui concerne les rencontres avec l’enseignant, les deux pères ont déjà rencontré l’enseignante et 80 % des mères également, seulement 10 % des mères n’ont jamais rencontré l’enseignante. Mes constats pour cette école sont également à relativiser car beaucoup plus de mères que de pères ont répondu à mon questionnaire.
4. Comparaison entre les écoles
Le but de ma recherche était de répondre à mes hypothèses mais également de pouvoir comparer la pratique de l’aide aux devoirs selon différents types d’écoles. J’avais beaucoup de préjugés de par mon vécu et de par les recherches que j’ai effectuées sur les élèves issus de zone REP. Pour moi, ces derniers étaient plus souvent en grande difficulté scolaire que les élèves issus de milieu plus favorisé. D’après mes recherches, j’ai remarqué que l’écart avait tendance à se resserrer grâce à l’école « bienveillante » d’aujourd’hui : en effet, des mesures sont prises depuis quelques années pour justement resserrer l’écart entre les écoles prioritaires et non prioritaires, on peut par exemple trouver des classes dédoublées et le dispositif « plus de maîtres que de classes » qui joue en la faveur des élèves issus de zones prioritaires. Dans l’école rurale, on constate que sur 25 élèves, 12 sont en difficulté scolaire au niveau de leur travail, ce qui représente 48% des élèves ; dans l’école urbaine, sur 24 élèves, 9 élèves sont en difficulté scolaire au niveau de leur travail, ce qui représente 37,5% des élèves ; enfin, dans l’école située en REP, sur 10 élèves, 6 sont en difficultés scolaires soit 60% des élèves de la classe. Certes, il y a donc plus d’élèves en difficulté dans l’école située en REP (à relativiser car peu d’élèves de la classe font partie de l’échantillon), mais l’écart avec les deux autres écoles n’est pas aussi important que je le pensais. Concernant l’aide aux devoirs, dans l’école rurale, 65% des mères et 25% des pères aident « toujours » leur enfant, 5% des pères et 4% des mères n’aident « jamais ». De plus, 100% des mères et 85% des pères consultent le cahier de texte de leur enfant. Dans l’école urbaine, 67 % des mères et 71% des pères aident toujours. 100 % des pères consultent le cahier et 94 % des 33 mères. Dans l’école REP, 90 % des mères et 100 % des pères aident toujours. Enfin, 100 % des pères et des mères consultent le cahier de texte. On peut donc remarquer que les élèves se font autant aider en zone urbaine qu’en zone rurale et qu’en zone REP. Ce qui diffère cependant, c’est l’aide apportée par les pères, en effet, c’est en zone rurale que les pères aident le moins (85 % seulement consultent le cahier de texte de leur enfant contre 100 % en zone REP et urbaine). Le temps d’aide est également différent entre les écoles, on remarque que les parents passent en moyenne plus de temps à aider dans les écoles REP et urbaine que dans l’école située en zone rurale, par exemple, en zone rurale, 9% des mères aident de 20 à 30 minutes alors qu’en zone REP et urbaine elles sont plus de 20% à aider autant de temps. Les recherches montrent également que les parents issus de milieu plus défavorisé sont plus éloignés du milieu scolaire et ont plus « peur » d’en approcher. D’après mon enquête, dans l’école rurale, 15% des pères et 20% des mères participent aux sorties scolaires, 29% des pères et 37% des mères participent aux réunions. Dans l’école urbaine, 17% des pères 15% des mères participent aux sorties scolaires, 25% des pères et 35% des mères participent aux réunions. Dans l’école REP, les deux pères suivent les résultats uniquement, 6% des mères seulement participent à des sorties scolaires mais il y a tout de même 41% des mères qui vont aux réunions. On remarque donc que pour la participation aux sorties scolaires, les pourcentages sont plus élevés pour les écoles urbaine et rurale que pour l’école REP. Ce que je peux conclure pour ces trois écoles, c’est que mes résultats ne sont pas forcément en accord avec les théories trouvées lors de mes recherches : en effet, les pères aident beaucoup leurs enfants et souvent tout autant que les mères, de plus, les parents, même ceux de la zone REP, participent le plus possible à la vie scolaire de leur enfant, ils n’ont donc pas « peur » du milieu scolaire. Les parents sont donc aujourd’hui actifs dans la vie scolaire de leur enfant et aident du mieux qu’ils peuvent. Cependant, je peux également expliquer l’écart avec les recherches et mes résultats par le fait que les enseignants sont de plus en plus conscients de l’influence de la famille sur les devoirs et de l’importance que ces derniers ont dans cette pratique, les enseignants savent aujourd’hui que sans l’aide et le suivi des parents, les devoirs ne seront probablement pas faits, ils savent que dans certaines familles, notamment où des parents ne parlent pas français, les devoirs sont impossibles à faire. Les enseignants d’aujourd’hui font donc en sorte de réduire l’écart entre les élèves venant de familles où les devoirs sont réalisables et les autres familles où il est plus difficile de les faire, pour cela, ils ne donnent parfois pas de devoirs ou bien ils font en sorte qu’ils soient faits/revus en classe.
B. Résultats et analyses obtenus à partir des questionnaires destinés aux enseignants 1. Parmi les 21 personnes ayant répondu, 18 sont des femmes et 3 sont des hommes. Parmi eux, 42%5 enseignent depuis moins de 5 ans, 4 % depuis 5 à 10 ans, 33 % de 11 à 20 ans et 19 % depuis plus de 20ans. Concernant le type de poste, 57 % sont titulaires d’une classe, 9 % sont directeurs, 28 % sont professeurs des écoles stagiaires et 4 % sont titulaires de plusieurs classes. De plus, 626 % enseignent en milieu urbain et 38 % en milieu rural. Il y a donc plus d’enseignants exerçant en milieu urbain que rural dans mon échantillon. De même, il y a moins d’enseignants exerçant en zone Rep qu’en zone non REP : 33 % contre 67 %. Ma population enquêtée est donc plutôt hétérogène (voir graphiques en annexe 6). Concernant le rôle accordé à l’école, les enseignants devaient classer les réponses proposées sur une échelle de 1 à 4 : « transmettre des connaissances et des savoirs » semble être le rôle arrivé le plus souvent en première proposition, il obtient une moyenne de 2,14/4. Les enquêtés partagent presque tous le même avis quant à l’importance donnée aux devoirs, en effet, ils devaient noter sur une échelle de 1 à 5 l’importance de ces derniers, 0 correspondant à « pas du tout important », la moyenne obtenue est de 2,33. Le pourcentage le plus haut obtenu est de 28 % et se situe à l’échelle « 3 » qu’on peut qualifier de « assez important ». Tableau 1: Tableau récapitulatif des réponses des enquêtés à la question « quelle est l’importance des devoirs selon-vous? Sur une échelle de 1 à 5, quelle est l’importance des devoirs selon vous? 0 correspond à « pas du tout important » et 5 à « très important » Les devoirs semblent donc être plutôt importants
mais
cette importance est à modérer car il
s
ne semblent pas être
indispensables
(
voir détail des
répons
es ci
-dessus). Cependant, il y a 90 % de mes enquêtés qui donnent des devoirs et seulement 10 % qui n’en donnent pas, ils paraissent donc tout de même assez importants sachant qu’ils en donnent majoritairement. On peut également observer que parmi ceux qui donnent des devoirs, 60 % donnent de l’oral uniquement, 5 % de l’écrit uniquement et 35 % de l’oral et de l’écrit alors que 95 % savent que les devoirs écrits sont interdits depuis 1956. Au vu des résultats obtenus et malgré l’interdiction de donner des devoirs, cette pratique reste tout de même très répandue. L’utilité des devoirs selon mes enquêtés conforte les recherches effectuées, on retrouve entre autres la préparation au collège, la consolidation et l’application de ce qui a été vu en classe, la relecture des leçons pour pouvoir mémoriser, acquérir de l'autonomie et une rigueur méthodologique et également le lien avec les familles ainsi que l’implication des parents. 5 Arrondi à l’inférieur 6 Arrondi au supérieur
Pour les enseignants ne donnant pas de devoirs, les raisons sont également en phase avec mes recherches, à savoir, à cause des inégalités dans les familles mais également pour laisser du temps aux enfants pour ses loisirs, pour se reposer car ils travaillent assez à l’école. L’enquêté a même évoqué que les devoirs iraient à l’encontre des droits de l’enfant notamment du droit aux loisirs. Pour les enseignants donnant des devoirs, on observe qu’il arrive « parfois » que des élèves ne fassent pas leurs devoirs : 50 % des réponses puis 30 % des enquêtés ont répondu qu’ils avaient « toujours » des élèves qui ne font pas leurs devoirs. Ce qui est plutôt conséquent, il semble donc y avoir beaucoup d’élèves qui ne font pas leurs devoirs car il n’y a que 5 % des enquêtés qui ont répondu que cela n’arrivait jamais.
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Certains expriment un désintérêt (« Taɛarabt u yi-d-tuqeɛ ara lemɛana, ufiɣ-tt-id c'est pas ma langue » [Je me moque complétement de l'arabe, ce n'est pas ma langue]), d'autres vont jusqu'à formuler une « haine » de cette langue : « nekreh-itt, tḥerṣ mliḥ tamaziɣt » [Nous la détestons, elle opprime fortement la langue berbère]. Cet ensemble d'éléments explique un très faible usage de l'arabe dans les documents des comités et des associations : si elle n'est pas totalement absente, ce n'est dû qu'au fait que certains documents en arabe sont réclamés de manière impérative par l'administration étatique pour accorder les agréments ou les subventions. 3- Le français : le « choix » d'une langue de communication écrite. La totalité des documents produits par les comités et la très grande majorité des documents des associations (sauf ceux qui concernent la littérature kabyle) le sont donc en français, quelle que soit leur date : les archives de l'association Itri, les archives de l'APC où on retrouve des courriers des comités de village datant des années 1990, ou 2000), les documents que j'ai pu consulter (affiches, PV de réunions, règlements intérieurs) datant de la fin des années 2000 ou du début des années 2010 sont tous rédigés en français. Ce choix pouvait ne pas en paraître un pour les militants des anciennes associations ou pour les moins jeunes qui activent dans les comités de village : ils ont essentiellement connu une scolarisation en français. Mais l'aspect volontariste apparaît nettement dans l'attitude des militants de ce que j'ai appelé la 2ème génération d'associations. Passés par le système ire algérien en arabe, et donc maîtrisant la langue arabe, ces militants continuent pourtant de faire un usage privilégié du français. Les explications des militants interrogés à ce sujet évoquent trois causes qui s'entremêlent : - C'est un choix par défaut : ne pouvant choisir l'arabe pour les raisons évoquées plus haut, il ne reste que le français. - C'est un choix induit par la place historique du français en Kabylie, et plus particulièrement sa place dans le mouvement d'affirmation et de revendication identitaire. Un militant souligne ainsi : « Akka i tt-id-ǧǧan la génération iɛeddan » [C'est un héritage de la génération précédente] ; la majeure partie des livres sur la Kabylie, notamment les ouvrages des grands écrivains (sont cités Mouloud Feraoun, Mouloud Mammeri, Taos Amrouche, Boulifa), sont rédigés en français. En somme, on observe ici, comme dans le reste de la Kabylie, un nouveau rapport à la langue qui implique des dynamiques de profond renouvellement, à l'écrit comme à l'oral : renouvellement du vocabulaire par la néologie ou la réappropriation de termes tombés en désuétude, extension des usages écrits, surtout dans le domaine littéraire. Ce processus, à la fois produit et perçu par les propres locuteurs du kabyle, se traduit entre autres par les noms que l'on donne à la langue berbère de Kabylie : taqbaylit / tamaziɣt. Les usages de l'écrit demeurent toutefois encore restreints pour le kabyle, symboliques de l'affirmation identitaire avec les tifinaɣ, et le manque de distance ne permet pas de dire quelles seront les conséquences de la généralisation dans cette zone de l'apprentissage du tamaziɣt à l'école. Pour le moment, l'usage d'une langue écrite véhiculaire demeure donc nécessaire et la pression du français sur le kabyle reste encore forte : la plupart des interviews réalisées lors de cette enquête (voir les nombreuses citations dans ce travail) mélangent kabyle et français à des degrés divers. Mais l'attachement à la langue, notamment la langue dite « ancienne » ou « authentique » maîtrisée par les anciens, diffusée par les premières élites, par les chanteurs reconnus, reste fondamental tout comme la volonté de la transmettre, de la renouveler, parce que la langue reste considérée comme un fondement de l'identité kabyle, comme l'exprime (en trois langues) l'un de nos informateurs : malgré l'usage du français, « lḥemdulleh Leqbayel toujours d Leqbayel » [Tant mieux, les Kabyles sont toujours des Kabyles].
Conclusion Générale
Projetant analyse du fait tribal en Kabylie, la première partie de ce travail a permis, grâce à un retour théorique sur la « tribu » (lɛerc), de construire une grille d'analyse qui pousse à reconsidérer les rapports de parenté et la définition du politique dans la société kabyle ancienne. La perspective d'analyse qui s'impose insiste sur l'échelon villageois, lieu du politique à travers ses institutions : les événements survenus en Kabylie en 1980 ont orienté le regard savant vers la redécouverte de l'assemblée villageoise, acteur clandestin, et donc invisible, depuis l'insertion de la société kabyle dans un ordre étatique. Cette grille d'analyse ne doit pas cependant éluder la question de l'articulation avec la parenté. Par ailleurs, ce sont les processus de transformations/adaptations de la tribu qui constituent un objet d'étude. L'étude du fait tribal doit prendre en compte son caractère dynamique qui est renforcé par l'insertion des tribus dans l'histoire, qui se marque pour la Kabylie par son intégration dans des Etats centralisés. La structure tribale kabyle s'est transformée dès l'application d'une politique administrative coloniale directe : les descriptions réalisées par les agents de la conquête, les préjugés qui les ont accompagnés ont poussé à l'application d'une politique administrative dite « organisation kabyle » (1858) qui s'est appuyée sur les institutions villageoises et sur le cadre tribal, tout en les transformant profondément. Puis, si le douar, qui correspond souvent en Kabylie à la tribu, reste l'unité administrative, les institutions villageoises ne bénéficient plus d'une quelconque reconnaissance légale après le soulèvement de la Kabylie en 1871 et le rattachement de la région au territoire civil. En parallèle, le rapport aux éléments composant l'ordre tribal se modifie. Certains de ces éléments (référents tribaux et relations intertribales, code de valeurs, tradition littéraire) fondaient à l'époque précoloniale / aux débuts de la conquête une conscience de soi « kabyle » que traduisait l'utilisation des termes aqbayli / taqbaylit. Avec les discours d'affirmation identitaire construits, dès le début du XXème s., par une élite lettrée, immergée dans la culture française mais aussi profondément ancrée dans la société kabyle et sa culture originelle, ces éléments sont alors inscrits dans une catégorie « berbère » diffusée par le savoir construit à l'époque coloniale ; des éléments constitutifs de cette société sont mis en valeur, les lettrés tentant de renverser les jugements négatifs portés sur ces éléments qui deviendront par la suite des emblèmes identitaires (littérature orale, s économiques/culturelles diverses). Les structures et institutions tribales sont, elles, parfois, valorisées dans le cadre d'enjeux politiques modernes (combat nationaliste indépendantiste). Après 1980, le souci de la prise en charge volontariste et de la modernisation de la langue et de la culture berbère domine, en réaction à leur négation officielle et à la crainte de leur folklorisation. Les institutions traditionnelles elles-mêmes apparaissent comme un enjeu à la fois identitaire et politique dans le cadre d'une lutte pour le pluralisme dans l'Algérie indépendante. Avec l'apparition, à la fin des années 1980, dans les villages de nouveaux acteurs (le comité de village qui correspond à l'ancienne tajmaɛt rénovée ; l'association culturelle) marqués par la revendication identitaire berbère se pose la question de savoir comment l'affirmation identitaire jusque là énoncée reconstruit un « socle socio-anthropologique prégnant » à l'échelle locale. Pour répondre à ces questions qui portent sur des phénomènes se développant au sein des villages mais également à une échelle supra-villageoise (mais locale), la réalisation d'une monographie s'est imposée, monographie construite autour d'un questionnement : comment à travers un exemple précis peut-on analyser et interpréter le maintien et les réappropriations des éléments liés à la structure tribale et à l'ordre tribal kabyle? Comment se fait l'articulation avec les phénomènes d'affirmation / de revendication / de reconstruction identitaire berbère? 417 Pour cette monographie, le territoire tribal des At Zemmenzer (intégrant les Iḥesnawen) a été choisi comme terrain pour une étude scientifique car c'est ce territoire que permettait d'objectiver conjointement les descriptions coloniales / la représentation et la pratique qu'en ont les populations se définissant aujourd'hui comme les At Zemmenzer. Ce territoire, qui a pu varier du fait du caractère politique de la tribu kabyle, a fait l'objet d'une délimitation et d'une description précise par les agents de l'administration coloniale. C'est dans ce cadre que nous avons proposé une reconstruction historique de cette tribu, afin de saisir les phénomènes de permanence/transformations des éléments constitutifs de la société tribale et leur réappropriation en lien avec l'affirmation identitaire berbère. Ce travail a mis en évidence quatre grand s axes
.
Axe 1 : Cette tribu a connu une
déstructuration
relativ
ement limitée
. Le territoire d'abord, a été l'objet de découpages administratifs divers. Mais l'espace traditionnel de la tribu s'est longtemps maintenu sans grand bouleversement du point de vue des découpages, ainsi que du point de vue du peuplement : constitué presque entièrement en « douartribu » à la fin du XIXème s., ce n'est qu'avec la guerre d'indépendance algérienne que disparaissent le nom et le territoire de lɛerc des circonscriptions administratives officielles. Par ailleurs, ce n'est que tardivement (1984) que l'ancien territoire tribal a fini par être complétement disloqué intégrant trois circonscriptions administratives (APC) dont l'une a cependant hérité du nom de la tribu. Ainsi le nom de la tribu, un des référents immédiatement visibles permettant d'objectiver l'identité des At Zemmenzer, s'est maintenu dans les représentations que la population a d'ellemême mais également sous sa forme arabisée (Beni Zmenzer) dans les dénominations administratives. Ces découpages réalisés après l'indépendance ne laissent pas les populations indifférentes. Les At Zemmenzer réagissent à ces découpages parce que, semble-t-il, cela remet en cause la représentation qu'ils ont de leur espace vécu : rattachement à une commune représentative d'une autre entité tribale ; rattachement à une commune marquée par l'urbanité qui fait de leurs villages de montagne des périphéries. Ces transformations administratives ne mettent pas fin à une pratique du territoire comme espace de relations privilégiées : déplacements, mariages. Toutefois l'endogamie (à l'échelle des villages / de la tribu) depuis une trentaine d'années a fortement diminué. En parallèle aux découpages des circonscriptions, l'insertion dans les Etats (colonial puis algérien) a abouti à la mise en place de nouvelles structures administratives qui ont eu des impacts sur les éléments fondant la cohésion de la tribu : importance du tissu de relations tribales (à travers les alliances et conflits, le rôle des saints et marabouts, l'organisation économique avec des productions plus ou moins spécifiques faisant leur renommée) ; relations importantes avec l'autorité turque qui a empiété en partie sur cette tribu ; place particulière des échelons villageois et tribal, dont le fonctionnement interne, excepté l'indépendance des villages, est peu visible dans les sources disponibles. Toutefois les institutions villageoises sont restées actives pendant plus d'un siècle malgré une existence informelle, et ce, dans lieu qui n'a pas connu de politique d'exception menée par un administrateur « kabylophile ». En effet, soumise définitivement en 1851, la tribu voit la mise en place d'une emprise directe, et reçoit « l'organisation kabyle » en 1860. Cela bouscule les principes d'auto-organisation de cette population. Après l'insurrection de 1871, à laquelle les At Zemmenzer ont activement participé en lien avec la confrérie Rahmaniya, ils deviennent un douar intégré à la commune de plein exercice de Tizi-Ouzou (1884). Elle reçoit alors une nouvelle organisation administrative et de nouvelles institutions sont légales nommées par le préfet d'Alger (un caïd à la tête du douar ; un amin ou « chef de fraction » pour chaque village). Puis avec la réforme de 1919 apparaît une djemaa de douar élue avec à sa tête un président qui participe au conseil municipal. Toutefois, deux organisations bien différentes ont coexisté : 418 - Cette organisation légale ; Une organisation non officielle, avec le maintien des assemblées villageoises traditionnelles qui ont continué à exercer certaines de leurs anciennes prérogatives, voire de nouvelles (gestion de la vie quotidienne des villageois ; maintien de certaines prérogatives judiciaires pour la défense de la herma (lḥerma) du village). D'autre part, il faut souligner ici la permanence d'un mode de représentation à l'échelle tribale qui semblerait avoir perduré bien qu'il n'apparaisse qu'à certains moments de manière discontinue. Les données collectées ne permettent pas en l'état de préciser cette pérennité éventuelle d'une assemblée tribale. Les assemblées villageoises ont peu à peu pris en compte leur insertion dans un ordre administratif extérieur. Loin de s'ignorer, les deux organisations (légales / non officielles) semblent avoir composé l'une avec l'autre, que ce soit à l'époque coloniale ou après l'indépendance de l'Algérie. Ces assemblées villageoises, loin d'avoir connu une longue agonie, ont perduré et semblent avoir de manière générale obtenue une certaine reconnaissance officieuse, d'autorités qui ont pu tenter de s'appuyer sur elles (surveillance par le caïd pendant la colonisation, noyautage par le FLN après l'indépendance).
Axe 2 : On observe dans les différents villages le maintien, le réinvestissement, l'actualisation des institutions traditionnelles (précoloniales). L'assemblée a ainsi montré au XXème s. des capacités d'adaptation à des ordres politiques différents.
marque tournant dans ce processus d'adaptation, avec le développement du militantisme lié à la revendication identitaire berbère. Une profonde rénovation des assemblées villageoises (rajeunissement et organisation sur le modèle associatif) aboutit alors à la généralisation des comités de village. L'usage assez répandu du vocabulaire tajmaɛt/leǧmeɛ n taddart inscrit comité de village et assemblée générale dans la continuité avec les institutions anciennes. Cette continuité n'est cependant pas qu'une invention : la composition, le fonctionnement et les prérogatives des assemblées villageoises dénotent tout à la fois des éléments de continuité/adaptation ou de rupture. On peut souligner différents éléments. Le choix des ṭṭamen repose dans la très grande majorité des cas encore sur la structure lignagère des villages, et se fait avec les mêmes critères énoncés (sagesse, éloquence, sens du sacrifice). Mais est apparue une désignation tournante des membres de l'adrum pour occuper la fonction, ainsi que l'intégration de volontaires au sein du comité. Parfois, il y a eu rupture avec l'organisation traditionnelle : l'articulation parenté/politique a disparu de certains villages, cependant de manière encore très minoritaire. La prise de décision à l'unanimité a disparu et a été adopté le vote à la majorité simple, sur le modèle de la culture politique moderne. Tous les domaines d'intervention dévolus aux anciennes djemaa demeurent, en connaissant parfois des adaptations. Entre autres, les comités et les assemblées générales procèdent toujours à l'édiction de règles et à la prise de sanctions à l'encontre des villageois, règles et sanctions qui s'adaptent à une société nouvelle : ainsi la mise en quarantaine peut-être aujourd'hui appliquée telle quelle ou être redéfinie comme un refus d'intervention du comité en faveur du villageois. Ce processus de permanence/adaptation s'observe dans l'apparition des « règlements intérieurs », successeurs des qanun. Ils mêlent à la fois la forme et l'esprit des qanun et un texte-programme pour les villages qui explicite les principes qui inspirent l'action des comités. On y retrouve cependant toujours cet objectif consistant en la préservation du domaine d'honneur du village (lḥerma), élément essentiel persistant de l'organisation socio-politique ancienne. Sa protection est constamment réaffirmée par une gestion rigoureuse des éléments perçus comme des menaces nouvelles (les « étrangers », les divisions politiques, l'interférence des islamistes). 419 Enfin, il faut souligner le rapport complexe qui se met en place avec les autorités étatiques (justice administration locale), initié dès la période coloniale. De plus en plus, l'horizon des comités comprend ces autorités dans leur fonctionnement, de même que les autorités étatiques prennent en compte une instance qui semble être devenue incontournable. Au niveau local, après l'ouverture politique du début des années 1990, les APC ont été gérées par des personnalités des différents villages et qui ont parfois elles-mêmes oeuvré dans le mouvement culturel berbère, les associations culturelles ou les comités. Par contre, la prise en compte des comités et des documents qu'ils produisent par des tribunaux qui sont sous le contrôle direct de l'administration centrale de l'Etat constituent une nouveauté essentielle dont l'étude devra être approfondie. Il faut noter que ce processus de continuité/adaptation n'est pas linéaire et prend des formes diverses. Les comités ne fonctionnent pas toujours de manière régulière, ils peuvent traverser des périodes d'« assoupissement » ou des crises qui empêchent leur fonctionnement. Le degré d'adhésion des populations est variable selon les moments et selon les bénévoles qui activent au sein des comités. Malgré tout, les cas de villages ayant vu leur comité cesser de fonctionner puis renaître indique que ce mode d'auto-organisation reste toujours mobilisable, et la diversité à l'oeuvre peut être interprétée comme un signe que la société kabyle, loin de fossiliser ses institutions « traditionnelles » négocie son rapport au changement. C'est également ainsi que peut s'interpréter la multiplication des organisations supravillageoises qui sont créées dans cet espace après 2001, organisation elles aussi diverses. L'échelle intervillageoise, notamment tribale, semble avoir constitué un réseau d'interconnaissance mobilisé dès 1980 pour organiser les actions liées au « Printemps berbère ». Avec 2001, on voit de jeunes villageois, y compris des militants affiliés aux partis politiques, partir à la recherche d'un nouveau cadre de mobilisation. Apparaît alors au sein de l'APC de Beni Zmenzer une coordination communale (appelée aussi « arch ») en lien avec les comités de villages, et qui a constitué un échelon intermédiaire entre le village et ses institutions (source de légitimité) et les cadres de mobilisation qui s'étaient constitués à l'échelle de la région. A partir de 2003, sans lien apparent avec le « mouvement des arch », des comités s'associent au sein de coordinations de comités de village à l'échelle d'une commune (Beni Zmenzer, Souk-el-Tnine) ou d'une partie seulement (villages des Iḥesnawen, ne constituant qu'une partie de l'APC de Tizi-Ou ). Cette dernière s'est auto-dénommée « arch ». Ces organisations non-permanentes, représentant différents villages, agissant face aux administrations locales ou avec elles, se construisent à l'intérieur du tissu administratif mis en place par l'Etat. Elles agissent pour aménager un territoire, le défendre de même que les citoyens qui y résident. Mais elles reposent dans ce cas encore sur la prééminence des communautés villageoises qui doivent valider toute décision. La fin des années 2000, donne naissance à une initiative originale menée par d'anciens membres de la coordination communale de 2001. Ils créent une association au niveau de la commune de Beni Zmenzer, pour mener des actions à cette échelle mais aussi parfois à celle de l'ancienne tribu. Cette articulation entre références anciennes (termes, pratiques, organisations) et revendication identitaire / politique correspond à une double position des acteurs dans le champ social, militants de la revendication identitaire qui prennent en charge des initiatives au sein des communautés villageoises. Axe 3 : les parcours de ces acteurs et l'action des associations révèlent les facteurs et ressorts de l'articulation entre l'affirmation identitaire berbère et la réappropriation d'éléments de la société tribale. Cette articulation repose sur ce double positionnement des acteurs qui prendront en charge les comités et les associations à partir de la fin des années 1980. D'abord à l'échelle de la région / voire en lien avec l'émigration en dehors de la région, à Alger ou en France, ils connaissent l'influence des discours d'affirmation identitaire berbère. Les années 1960-70 ont joué un rôle fondamental dans le processus de reconstruction identitaire, grâce à la diffusion de la sensibilité berbère au sein de la population au coeur des villages, alors que des discours officiels de négation de la berbérité et une politique d'arabisation renforcent un sentiment de frustration en Kabylie. On observe, en effet, une scolarisation devenue plus massive à partir des années 1950, ce qui permet la lecture des ouvrages des élites lettrées. De plus, de nouveaux acteurs (développement d'associations en émigration à la fin des années 1960 et dans les années 1970, en particulier l'Académie berbère) diffusent des revues. D'autres vecteurs permettent une plus large diffusion : la chanson/néo-chanson, véhiculée par la radio, ou les disques et cassettes ramenés par les émigrés en même temps que les livres et les revues. De nouveaux lieux jouent aussi le rôle de relais (col ges, lycées, universités ; stades de foot). Ainsi, l'affirmation identitaire berbère ne s'est pas cantonnée à des élites intellectuelles ou économiques mais cette sensibilité a bien acquis une véritable assise populaire, ce que confirme le profil des membres des comités ou des associations dans les décennies qui suivent. Mais ces individus sont en même temps insérés dans un tissu local, dont on a montré qu'il n'avait pas été totalement déstructuré par la colonisation ni par l'Algérie indépendante. Aussi cette affirmation identitaire berbère s'articule-t-elle à des référents locaux et à la culture, la mémoire transmises au sein des familles, des communautés villageoises. Puis cet espace, comme le reste de la Kabylie connaît deux tournants. Dans les années 1980, la sensibilité berbère s'affirme ouvertement et l'action devient plus collective. Dans les années 1990, la diffusion de la sensibilité berbère se poursuit et s'accompagne d'un travail concret de (re)construction identitaire effectué grâce aux associations. Un nouvel acteur local s'ancre alors dans certains villages, de manière assez pérenne puisqu'après les militants qui ont vécu la sensibilisation des années 1970 ainsi que la mobilisation de 1980, et qui ont créé des associations dans les années 1990, une nouvelle génération milite dans le cadre d'associations, après la période chaotique qui suit le soulèvement de 2001. Cela montre la transmission qui se fait entre générations, d'une part de la sensibilité berbère, d'autre part, de la volonté de s'engager bénévolement, en s'appuyant aussi bien sur la modernité (organisation, activités) que sur la « tradition » (sélection de pratiques, d'objets mais aussi d'attitudes, de valeurs, vus comme un « héritage » que l'on veut garder). Toute une génération apprend ainsi à militer dans le cadre du village, y compris en collaboration avec le comité, successeur de la tajmaɛt, qui exerce une autorité morale. Les associations révèlent là encore une jonction entre la sensibilité berbère et les éléments de la société tribale ancienne qui se sont maintenus, plus ou moins transformés par les modifications du contexte politique et socioéconomique dans lequel vivent les At Zemmenzer : des référents locaux, liés à la mémoire collective 421 (noms des associations) ; la littérature orale ; des rituels (rassemblant la communauté villageoise) ; des savoir-faire (activités économiques traditionnelles) ; des objets C'est cette rencontre qui aboutit, à l'échelle locale, à un véritable travail de (re)construction identitaire qui dépasse les simples discours, à partir des années 1990.
Axe 4 : Une
re)construction identitaire qui prend des formes diverses : abandon, folklorisation et muséification, réappropriation symbolique, enrichissement et actualisation. Ce travail de (re)construction identitaire touche des objets culturels divers, dont les usages sociaux se modifient alors. Ces modifications sont liées à des interactions complexes avec les transformations économiques et sociales d'une région qui subit de plein fouet la crise de l'économie traditionnelle (précoloniale) liée à l'intrusion coloniale. D'autre part, c'est dans le cadre d'influences diverses que les militants des associations agissent localement. Depuis la fin du XIXème s., des discours divers sont construits sur la Kabylie : « mythe kabyle », mais aussi dépréciation d'une société jugée archaïque ; discours folklorisant certains aspects de la culture comme des curiosités pittoresques, naïves d'une civilisation jugée primitive. La crainte de la disparition/folklorisation de ces objets est exprimée par les élites lettrées qui se donnent pour mission de faire oeuvre de sauvegarde. A partir des années 1960, les discours de négation/refoulement de la berbérité par les autorités algériennes dominent. L'affirmation identitaire berbère prône alors à partir de la fin des années 1970, plus qu'une simple sauvegarde, des actions volontaristes pour prendre en charge leur modernisation, ce qui peut être réalisé dès le début des années 1990. L'action des associations montre alors depuis cette date que des éléments sont abandonnés, ou exposés comme des objets de musée : ces objets inadaptés au système économique ou à la vie moderne, subissent une folklorisation liée aussi à l'intériorisation d'un discours dévalorisant/réducteur. Cependant certains aspects symboliques de ces objets sont encore réappropriés par la population (usages de poteries lors de rituels ; décors de maisons enrichis et réutilisés dans d'autres contextes). Des créations récentes deviennent aussi des objets « traditionnels » : ainsi des robes kabyles apparues dans les années 1930. La littérature orale, elle, résiste mieux, peut-être grâce à la prise en charge précoce dont elle a fait l'objet à l'échelle de la région. Les dynamiques initiées dès le début du XXème s. par les élites lettrées (sauvegarde dans des recueils poétiques mais aussi enrichissement par le passage à l'écrit et la création) se retrouvent sur ce terrain où une dynamique de production poétique s'est maintenue au sein de la population tout en s'adaptant (thématiques, passage à l'écrit). On assiste ainsi à un travail d'enrichissement/de création. Les associations mènent dans ce cadre des actions de éservation et de diffusion du « patrimoine » littéraire et des créations récentes. Elles mettent en place des moyens modernes de transmission : nouvelles occasions d'énonciation de pièces de la littérature orale lors des célébrations, appropriation de l'écrit et production de revues, représentations théâtrales. Les associations, et autres acteurs locaux, participent également à la construction d'une mémoire régionale et locale qui tranche avec la mémoire officielle diffusée par l'Etat algérien. La mémoire des origines et de la période « tribale » n'a pas disparu mais est projetée dans un passé cyclique ou sans dimension, et parfois articulée avec la dimension identitaire berbère. Les représentations publiques du passé organisées par les comités et les associations ajoutent grâce à leur construction mémorielle deux repères : la guerre d'indépendance algérienne et le combat pour la reconnaissance de la langue et de l'identité berbères de Kabylie. Ces deux événements s'ancrent par la diffusion massive des souvenirs qui leur sont liés, avec des référents aussi bien locaux que régionaux. Ce sont deux repères par ailleurs articulés autour d'un paradigme commun : combattre, résister à la négation ou à l'agression physique (répression) ou morale (des discours) des autorités centrales. Les associations/comités contribuent ainsi à doter la communauté des At Zemmenzer d'une « mémoire forte », constituée de représentations spécifiques du passé qui répondent au déni 422 identitaire lié à l'idéologie officielle et à la politique culturelle de l'Etat : on assiste à un processus de construction identitaire en situation de minorité. Cette situation de minorité se révèle aussi particulièrement dans le rapport à la langue qui s'est construit en Kabylie, depuis le XIXème s. : elle est devenue le premier paramètre de la définition identitaire. Cela a impliqué des dynamiques de profond renouvellement de la langue, à l'écrit comme à l'oral : néologie, extension des usages écrits, surtout dans le domaine littéraire. Les usages de l'écrit demeurent toutefois encore restreints pour le kabyle, et sont symboliques de l'affirmation identitaire avec les tifinaɣ. L'usage d'une langue écrite véhiculaire demeure donc nécessaire et, en parallèle au refus affirmé d'employer la langue arabe, la pression du français sur le kabyle reste encore forte : le choix de cette langue, pour des raisons historiques et politiques, par les nouvelles générations d'acteurs malgré leur scolarisation en arabe, est assez emblématique. Mais l'attachement à la langue kabyle, à son apprentissage, à son renouvellement est toujours fort parce que la langue est considérée comme fondement de l'identité kabyle. Bilan : Quel est l'apport de cette étude sur l'articulation entre société tribale kabyle et reconstruction identitaire berbère à l'échelle locale? Un nouveau rapport aux éléments constitutifs de la culture s'instaure donc : ils deviennent des symboles de l'identité. On observe à travers le cas des At Zemmenzer, comment le rapport de la société kabyle à sa culture a pu se modifier. Au-delà de toutes les permanences/adaptations et les (re)constructions, apparaît, de manière plus ou moins visible, ce nouveau rapport, bien que les enjeux autour de ces objets soient différents. Ce nouveau rapport apparaît clairement pour la langue, pour les objets par exemple. Mais on peut aussi analyser sous cet angle les institutions villageoises et les organisations supra-villageoises. Si elles peuvent être observées comme des acteurs qui se sont maintenus ou ont été transformés en étant adaptés par les militants marqués par la sensibilité berbère, elles sont également devenues l'objet de discours montrant ce rapport moderne à la culture. Les discours soulignent leur autochtonie, les lient à la tradition et à la fidélité aux ancêtres. C'est aussi parfois le cas des règlements intérieurs de village ou « nouveaux qanun » qui, au-delà de l'édiction de pénalités défendant le domaine d'honneur du village, explicitent les référents identitaires auxquels se rattache la communauté villageoise. Le nom At Zemmenzer, les mots comme lɛerc/arch tendent à diffuser eux aussi l'image d'une spécificité et à servir de symbole de l'identité. Ainsi, on peut parler de rapport moderne à tous ces objets : perçus comme des permanences culturelles, un stock disponible légué par les générations antérieures, quelles que soient les transformations qu'ils ont subies, ils deviennent symboles d'identification collective. Ces emblèmes n'effacent pas l'identité locale (village, tribu) mais l'articulent avec les référents kabyle ou berbère. Imposer le nom sous sa forme kabyle traduit une volonté de réaffirmer l'emprise des acteurs sur l'espace à l'échelle locale tout en s'inscrivant dans l'affirmation de l'identité berbère de la région. Ils se constituent par contre en rupture avec l'identité nationale algérienne telle que la définit l'Etat. Les relectures de l'histoire locale /régionale, de récits issus de la orale dénotent la même articulation. L'intérêt d'une étude localisée croisant société tribale kabyle (en référence aux structures anciennes) / reconstruction identitaire berbère (phénomène plus récent remontant au début du XXème s.) est de montrer l'imbrication entre ces deux états de faits. Ainsi, d'après l'exemple des At Zemmenzer, terrain qui n'a pas connu de politique d'exception coloniale que ce soit au niveau administratif ou au niveau de la scolarisation, il nous semble possible d'affirmer/de confirmer que : 1 Le processus d'affirmation identitaire (au niveau des discours) et de (re)construction identitaire ne naît pas ex-nihilo. Déjà, la première partie de ce travail avait permis de montrer l'existence d'une conscience de soi kabyle qui précède la colonisation ; les 423 discours d'affirmation identitaire berbère qui se développent au XXème s. sont le fait d'une élite lettrée restée en lien étroit avec la Kabylie et cette élite, demeurée attachée à sa propre culture, qui avait pris de la distance par rapport à la culture française, réagit de manière complexe face aux images du « mythe kabyle » et à d'autres discours de l'époque coloniale, même si c'est la culture française qui lui a donné les « outils » pour son action. Cette élite a servi et sert encore de référence aux militants et aux acteurs locaux sensibilisés à la berbérité à partir des années 1960-70. Au moment de la diffusion de cette affirmation identitaire, ils sont eux-mêmes fortement insérés dans le tissu local qui n'a pas été complétement disloqué par les politiques coloniales ni par celles de l'Algérie indépendante. Ces militants agissant à l'échelle des At Zemmenzer, ont pu eux aussi être influencés de manière complexe par la culture française. Surtout, ils ont articulé les motifs puisés dans les discours d'affirmation identitaire berbère aux référents locaux, aux éléments de la société et de la culture qui avaient survécu selon le processus de permanence / adaptation évoqué précédemment. 2- 3- Cette articulation ne se cantonne pas à une élite, mais imprègne largement les communautés villageoises, même si on a pu montrer que des tensions pouvaient révéler des voies diverses pour la construction de discours identitaires (par exemple le discours alliant préservation de l'identité kabyle et maraboutisme), voire le rejet de cette affirmation identitaire par certains (de tendance islamiste). Le profil des acteurs qui investissent les comités de village comme celui de ceux qui militent dans les associations culturelles montrent que toutes les classes d'âge sont à un moment mobilisées. Les comités voient part plus faible des plus de 60 ans tandis que les moins de 40 s'investissent aujourd'hui : ils sont capables de se mobiliser même en cas de difficultés de fonctionnement des comités. En parallèle, les plus jeunes (18-30 ans) s'investissent dans les associations culturelles. Cela indique la transmission d'une génération à l'autre (au sein des familles, dans les différentes organisations) de la sensibilité berbère et de la volonté de se réapproprier les organisations et la culture de la société ancienne. Ces éléments ne constituent pas de simples survivances maintenues par les anciens, ou par la génération qui a vécu le « Printemps berbère » : les jeunes qui activent dans les associations culturelles ainsi que certains membres qui investissent actuellement les comités de village sont nés après 1980. Par ailleurs, sauf cas particuliers, il ne s'agit pas d'une élite intellectuelle : le niveau scolaire de ces acteurs reste moyen. La reconstruction identitaire issue de cette articulation a une large ampleur : elle touche tous les domaines et prend une forme dynamique. Les acteurs n'hésitent pas à transformer plus ou moins profondément les éléments constitutifs de cette culture. Ces transformations prennent des formes diverses depuis la muséification/folklorisation jusqu'à l'adaptation, l'enrichissement par la création. Ainsi, il est essentiel de souligner que ce processus ne correspond pas à une nostalgie d'un passé idéalisé que l'on voudrait conserver sous forme fossilisée. Les acteurs n'hésitent pas à abandonner des éléments jugés inadaptés à la modernité et ainsi à transformer profondément la langue, la littérature voire même les institutions. C'est ainsi qu'il faut interpréter, nous semble-t-il, les transformations de l'organisation villageoise qui vont même parfois jusqu'à l'abandon de l'articulation avec la structure lignagère. De plus en plus, cette organisation prend en considération les articulations possibles avec le tissu administratif étatique. On pourrait cependant souligner un bémol dans ces transformations : l'intégration des femmes dans les sphères d'activité publique (comités mais aussi associations) n'est pas à l'ordre du jour. Si cela n'est même pas envisageable dans les comités, 424 leur faible présence dans l'encadrement des associations (sauf tant qu'animatrices de cours) traduit probablement une barrière difficile à franchir pour le moment. Pour finir, on peut insister sur des transformations en cours dont les effets ne peuvent pas encore être totalement analysés, par manque de recul, mais qui pourront avoir des implications à l'échelle locale. On a assisté en effet à un infléchissement de la position de l'Etat quant à la langue et à la culture berbères : en 1990-91, on assiste à la création des premiers DLCA (Départements de Langue et Culture Amazigh) ; en 1995, est créé le HCA (Haut Commissariat à l'Amazighité) et la langue berbère est introduite dans le système d'enseignement ; en 2002, la langue berbère devient langue nationale ; puis est créée une chaîne publique de télévision diffusant en « tamaziɣt » Ces décisions sont le résultat d'une revendication identitaire autour de la langue. Il s'agit d'un premier domaine qui fait l'objet d'une prise en charge officielle, et il serait intéressant d'étudier à terme les orientations de cette prise en charge ainsi que les impacts sur le processus de construction identitaire analysé dans ce travail. De même, la prise en charge par des pôles universitaires (comme les DLCA) pourrait avoir des effets sur cette reconstruction identitaire et il serait intéressant de s'interroger sur les inflexions que cette prise en charge pourrait impulser quant au processus de reconstruction identitaire. En parallèle, des réalités comme les institutions villageoises ou les organisations qui se mettent en place à l'échelle de plusieurs villages (les « arch »), agissent de manière prégnante, tissent de plus en plus de liens avec des structures liées à l'Etat et sont décrites aujourd'hui comme porteuses de la spécificité et de l'identité kabyle/berbère. Ces organisations, elles, ne font pas l'objet de revendication, alors qu'elles affirment la prétention à représenter légitimement les communautés villageoises. On peut souligner quelques pistes concernant ce paradoxe. Déjà, la nécessité de demander un agrément avait pu être perçue comme un moyen de contrôle par l' . D'autre part les acteurs / les documents qu'ils produisent réaffirment avec insistance le caractère « apolitique » de ces organisations villageoises ou intervillageoises. Cela traduit le refoulement du politique par la « hantise de l'éclatement » profondément intégrée. BEAUD Stéphane, WEBER Florence, 2003, Guide de l'enquête de terrain, Paris, La Découverte, 356 p. BEAUSSIER Marcelin, 1887, rééd. 1958, Dictionnaire pratique arabe-français contenant tous les mots employés dans l'arabe parlé en Algérie et en Tunisie, Alger, La Maison des Livres, 1093 p. BONTE Pierre et IZARD Michel dir., 1991, Dictionnaire de l'ethnologie et de l'anthropolgie, Paris, PUF, XI-755 p. BRUNET Roger, FERRAS Robert, THERY Hervé, 1993, Les mots de la géographie : dictionnaire critique, Montpellier, Reclus, La documentation française, 518 p. DICTIONNAIRE HISTORIQUE DE LA LANGUE FRANÇAISE, 1992, Le Robert, Paris, 2 tomes, XXI-2383 p. 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302
[
Alger
44
I
8]
:
Fonds
des
Bureaux arabes
«
Travail
historique
et
gé
ographique sur les tribus du cercle de Tizi-Ouzou »
(1865
). -6 MIOM 42 [Alger 1 M 204] : Dossiers du Senatus consulte Arrêté du préfet d'Alger en date du 31 mars 1890 (création de la « djemaâ spéciale) ; Reissolet, «Rapport d'ensemble sur les opérations de la délimitation de la tribu des Beni Zmenzer », 1891 (comprend une « notice historique sur la tribu » ; carte de la délimitation du territoire) ; Arrêté du préfet d'Alger en date du 31 mars 1890 (nomination d'une djemaâ spéciale). -117 MIOM 55 : Fonds des Affaires indigènes « Minute de rapport sur la délimitation et la répartition de la tribu des Beni Zmenzer », 1897. -915 : Fonds de la sous-préfecture de Tizi-Ouzou 915 64 dossier « Courriers et rapports pouvant intéresser mon successeur » : « La Kabylie et les conséquences de la guerre – La Kabylie et les réformes indigènes », 20 septembre 1919 ; dossier « Statut politique des indigènes » : Catalogne, « Note sur les résultats de la loi du 04/12 : 1919 », s.d. ; « Télégramme officiel du 12 décembre 1922 » (bilan des élections de 1919) ; dossier « Kanounes kabyles » : « Délégation de Mr le Conseiller Estrabant en date du 16 mai 1923 »
Lettre du sous-préfet au préfet d'Alger, datée du 6 novembre 1922 ; Lettre au préfet, 27 janvier 1927 ; rapport du sous préfet au préfet du 23 mai 1923. 915 85 443 « Etat concernant les pélerinages de la commune de Tizi-Ouzou », 20 novembre 1950.
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3df195265392d1ed4340a80487816789_1
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French-Science-Pile
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Open Science
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Various open science
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L'échinococcose-hydatidose en Afrique centrale. I
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None
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French
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Spoken
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| 8,771
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Rev. Elev. Med.
“6, Pays trop.,
1969, 22.1
(SS-671
L’échinococcose-hydatidose
en Afrique centrale
1. -
Echinococcose
cor M.
GRABER,
des animaux domestiques et sauvages
P. TRONCY.
R. TABO,
1. SERVICE
et 0. OUMATIE
(Insmut d’élevage et de Médecine Vélér:na~re des pays tropicaux,
Laboratoire de Forcha, Fort-Lamy, République du Tchad)
INTRODUCTION
Au cours de la 24e session du comité de l’office international
des épizooties (1956). la commission permanente
de I’Echlnococcose
récemment
créée, dans une résolution,
demondalt
« la poursuite de l’étude épidémiologique
de cette maladie
et la recherche
des moyens les plus efficaces à
mettre en cevvre pour lutter contre une parasltose particulièrement
dangereuse
pour l’homme
et dont les conséquences
économiques
sont représentées, dans de nombreux
pays, par des pertes
énormes ».
A cette époque. l’Afrique
au Sud du Sahara
pouvait sembler peu concernée par cette recommandation
: on n’lgnoralt
pas, cependant,
que
l’Afrique
du Nord étalt une réglon fortement
contaminée
et que
plusieurs
sous-espèces
d’Echinococcus
granulosus
exIstalent en Afrique
du Sud. Dans le reste du continent,
seules quelques observations
sporadiques
signalaient
çà et
là l’existence de la malade
Depuis les connaissances
concernant
I’Echinococcose hydatldose en Afrique
ont notablement
progressé
notamment
en Egypte, en Afrique
Orientale
et en Afrique du Sud (SIMITCH. 1963).
En Afrique centrale, c’est-à-dire
au Tchad, en
République
Centrafrlcalne
et au Nord-Cameroun, les enquêtes commencées
en 1954, se sont
accélérées
ces dermères
années, de telle sorte
qu’il est actuellement
possible, dans cette zone.
de chiffrer l’importance
de I’Echlnococcose
des
anomaux domestiques
et sauvages.
INTRODUCTION
MATÉRIEL
ET MÉTHODE
1. Animaux
outopsiés
et zones
prospectées.
14.304 arumaux ou total ont été autopsiés de
1954 à 1968, se répartissant
ainsi :
158 Dromadaires
(Tchad)
1.687 Bouvillons*
(dont 123 pour l’Ouest de
la R. C.A.)
5.798 Zébus adultes (dont 626 pour la R. C. A.
et 409 pour le Nord-Cameroun)
780 Chèvres (Tchad)
10 Porcs (R. C. A.)
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163 Anes et Chevaux
(Tchad)
175 Probocidiens,
suidés et rumlnontssauvoges
(Tchad
et R.C. A.).
Les autopsies ont été faltez. soit dans les principaux abattoirs
du Tchad, du Nord-Cameroun
et de la R. C.A. (Bangui
et Bouar),
soit directement en brousse (rumlnants
sauvages et moutons). Ont été oins1 couvertes :
- Au Nord-Cameroun
une
entre le 1oe et le 12e parallèle.
zone
comprise
- En R. C.A., l’ouest et le centre du pays,
entre le 48 et le 8e parallèle.
- Tout le Tchad, sauf une partie du Salamat
et le B. E. T., entre le 16e et le 20~ parallèle.
Ces
régions éloignées sont d’un accès dlfficlle et les
troupeaux
sont dispersés sur des surfaces ~mmenses. L’enquête sera reprise dès que les circonstances le permettront.
2. Méthode.
Les échinocoques
expédiés au laboratoire
on+
été soigneusement
examinés,
comptés, pesés et
disséqués.
Ont été également
appréciés
l’état
de maturité.
la taille et l’aspect des kystes (uniloculaire, multiloculalre,
ou multivésiculaire).
Le sable hydatique de chaque paraslte fertile a
également
été recwll~
et éclairci
à l’acide lactique. Les scolex, les ventouses et les crochets ont
<té mesurés. Dans l’ensemble,
il s’agissait bien
d’E?hrnococcus
gronulosus
(BATSCH 1786),
RUDOLPHI 1801 qui vit habituellement
dans l’intes-
tln grêle
carnivores
du chien, du chat
sauvages.
et de nombreux
RÉSULTATS
1. Echinococcone
du dromadaire.
1. Taux d’infestoiion.
Sur 158 dromadaires
adultes
sacrifiés,
59
étaient porteurs de kystes hydatiques, soit 37.46
p, 100 (tableau no 1 et carte no 1).
Sous réserve d’investigations
ultérieures,
le
Batha semble être la région
la plus touchée.
D’une façon générale, les pourcentages
recueillis ou Tchad, en Egypte, au Soudan, au Maroc et
en Tunisie
(tableau
no 2) sont assez voisins,
lorsqu’ils ont affaire à des chameaux
adultes et
âgés (de 25 à 50 p. 100).
En ce qui concerne les jeunes animaux,
on ne
connaît pour l’Egypte que les chiffres d’EL GARHY et SELIM (1958) : 7,60 p, 100 des 4.135 dromadaires
tués à I’abattar
d’lmbaba
de décembre 1955 à novembre
1956. Ces chameaux
étalent pour la plupart or,g,na,res
du Soudan.
Le nombre d’animaux
âgés porteurs de kystes
échlnococciques
semble donc en Egypte et au
Soudan quatre fois plus élevé que cher les jeunes.
Ce point méritat
d’être souligné car, au Tchad,
-~LI”S,
qu’il sera dit plus loin - on reirouve le
même phénomène
cher lezébu.
L’importance
des taux d’infestatlon
du dromodaire. dans les pays d’élevage
camel~n, n’a pas
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BORKOU
% LARGEA”
ENNEDI
.ma
l
-B0”b.R
-51
-
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et Syrte), considère
que, dans certains pays, le
chameau joue un rôle essentiel dans la transmis51on de I’échinococcose
humaine
et animale,
oplnmn que les auteurs, dans le5 conditions
du
Tchad.
partagent
entièrement.
1 ,3. Taille.
Des séries de mensurations
ont été effectuées
surdes parasites r&zoltés à Koundjourou
(~BATHA)
en 1964. Les dimensions
vont del cm dediamèire pour les plus petits à IO-12cm
pour les plus
1 .2. Localisofion.
gros. Le plus souvent, les kystes mesureni
de
Les kystes se rencontrent
surtout dons le foie et ( 2 à 3,5 cm de dIamètre,
ainsi que I’lndique
le
le poumon
(tableau
no 3). Souvent les deux
tableau
cl-dessous.
organes sont atteints. Plus rarement le parasite se
localise à la rate, constatation
également faite en
10
50
bà
7à
lcm
6 cm
/ cm
8 cnl
Egypte (EL-GARHY
et SELIM, 1958) et ou SOU11
9
6
3
DAN (MALEK 1959).
La locollsation
des kystes hydotiques
du cha63 SOI, 70,78
p. 100
26 soit 29.22 p. 100
meau varie d’un pays 0 l’autre. En Egypte (ELGARHY et SELIM 1958), I’éch~nococcose
pulmoLa petite taille des échinocoques
signe-t-elle
naire est plus répandue
que I’échinococcose
des mfestations
récentes. II est actuellement
imhépatique.
II en est de même au Maroc (FAURE,
possible
de
l’affirmer.
1949 ; BOUIN.
1920). Au Soudan (MALECK,
- 58 -
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+ un
animal
à localisario”
i”con”“e.
2.2. Zébus adultes.
(tableau
no 5)
II est bon de noter qu’un kyste de 2 à 3 cm
pèse de 5 à 15 gi-ammes, un kyste de 3 à 4 cm de
15à25grammeset
un kystede8cm180grammes.
Leur origine est la suivante :
Fort-Lamy
: zébus arabes et Bororos,
bœufs
Kouris de l’ouest tchadien.
Atl et Abéché
: zébus arabes,
sédentaires
d’octobre
à juin et transhumants
de juillet à
octobre.
Bangor, Moundou
et Maroua
: rébus entretenus sur place et sacrifiés en saison de pluies
quand l’état des plstes empêche le bétail venu du
nord d’alimenter
les marchés.
Fort-Archambault
: zébus arabes provenant
du centre Tchad et du Salamat.
1 .4. Etal de molurilé.
Au total, BO hydatides provenant
de 33 chameaux ont été examinés.
69 d’entre eux (soit
86,25 p. 100) se sont révélés fertiles, les autres,
dans la proportion
de deux tiers. étant dé@
calcifiés.
La même observation
a été faite en Egypte
(ABDOU
1965) où le pourcentage
de kystes fertiles cher le chameau est d’environ
68,4 p. 100.
1 .5. Role pofhogène
2.3. Commenfoires.
Le +aux d’infestatlon
de jeunes bouwlons
est
très faible, presque nul (0,OS p. 100). Celui des
adultes es+ beaucoup plus élevé : il est en moyenne
pour I’Afrlque centrale de 1,39 p. 100 (de 0 p. 100
à 7.49 p. 100).
L’incidence
globale de I’Echinococcose
bovine
en Afrique centrale est de 1.08 p, 100. Ces chiffres
cachent des dIsparItés Importantes
(carte “3 3).
En R. C. A., I’hydatidose
bovine est ~nconnuechez
les Bororos de la réglon ouest mais elle existe à
Bangui chez des zébus Importés du Tchad.
Au Nord Cameroun,
comme dans l’Ouest et
l’Est tchadien,
la maladie est peu répandue
(de
0.48 à1.09 p. IOO), saufà Mossakory (5,79 p. 100).
Par contre le Centre-Tchad,
le Salamat
et le
Moyen Char1 semblent être des zones de plus
forte endémicité
(de 3 à 7.5 p. 100).
On est bien Io~n éwdemment
des taux d’lnfestation du bétail de I’Afrlque du Nord : en Algé-
II est encore très mal connu et la maladie n’est
généralement
pas diagnostiquée
du wvant de
l’animal.
Les signes sont frustes et discrets. On
note, si I’échinococcoseest
massive, un omo~gr~zsement plus ou moins marqué,
de l’apathie
et
de l’anorexie.
Parfols se manifeste
une toux
petite et sèche avec respiration
accélérée.
A
I’auscultatlon,
ce qui frappe, c’est la dlsparltlon
du murmure
véslculalre
et, dans certains cas,
l’existence
de sifflements.
D’une façon générale,
lorsque,
cher le chomeau, le vétérinaire
se trouve confronté
avec
une pneumopath!e
mal déterminée.
la posslbllité d’une lésion échinococcique
plus ou moins
avancée doit toujours être enwsag&.
2. Echinococcose
2.1.
Bouvillons
(tableau
du Zébu.
(6 à 3 ans)
na 4 et carte
no 2).
-
5.9
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-
61 -
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rue, 30 p. 100 (JORE d’ARCES. 1953 ; SENEVET
1951) : (1” Maroc de 3 à 95 p. 100, en moyenne
42 p. 100 (FAURE, 1949 : VELU et SARTHOU,
1935 ; BAROTTE
et VELU, 1924;
ROBERT,
1927 ; VAYSSE, 1955) ; à Tunis, 8 à 11 p, 100
(BEN OSMAN, 1965)*.
EnEgypte,ABDOU(1965)etELKHORDY(1946)
pensent que 8 à 10 p. 100 des bêtes à cornes de ce
pays sont atteintes
de kystes pulmonaires
ou
hépatiques.
Au Soudan deux séries d’observations
ont été
faites :
- La première,
en zone sahélienne,
concerne
la provoncedu
Darfourentre
le’l2eei le130 parallèle. MALEK (1959) signaleà
Kostl 1 zébu porteur
de lésions sur les 94 animaux
autopsies,
soit
1.06 p. 100. Au Tchad sur le même parallèle,
le
pourcentage
d’fnfestation
est de 0,99 p. 100
(48 cas sur 4.832 autopsiés).
- La seconde, à cheval sur la zone soudanienne et sur la zone soudono-guinéenne,
Intéresse la Provence du Haut Nil, autour de la ville
de Malakal,
et le dlstrlct de Pibor. réglons comprises entre le Be et le IOe parallèle.
De 3,s à
12.5 p. 100 des zébus sont porteurs
de kystes
hydatiques
(EISA et Coll., 1962 ; EISA, 1963).
Seules les enquêtes plus poussées permettroiit
de
savoir 51, sur cette bondes’étendant
du Chori au
Nil, l’incidence
de I’échinococcose
bovine est
plus Importante
que dans les réglons sahélien“es plus o.” Nord.
* De 1963 à 1965. CeI+e diminution,
par rapportoux
statistiques
précédentes
es+ imputable
~VX mesures proses
en Tunisie
pour lutter contre
/a rage (destruction
des
chiens) et pour (ISSU~~~ une meilleure
inspection
des viandes.
Généralement,
chez le zébu tchadien,
les
kystes hydatiques
sont de petite taille et très
souveni stériles. La localisation
hépatique
est de
l règle (95 p. 100).
Retour au menu
~ statistlaues
wécises et les seuls renseianements
‘cl”““!s sont four .nis par EISA et Coll. (7962) qui,
Sur les 5.495 ovins autopsiés au Tchad, plus
.,ur,,\c?
d’Equatoria,
signalent
6 moudans la rv-“‘-=
du tiers étalent des moutons
Bororos
à po11 tons par,=“,>
.+-,,-- de
kystes hydatiques
sur les
/
court. Or, on sait que les proprlétalres
de ces
31 autopsiés.
troupeaux
n’emploient
marnons de chiens, ce qui
pourrait
expliquer
le faible taux d’lnfestatlon
4. Echinococcose
de la Chèvre.
globale
: 0,19 p. 100 (tableau no 6 et carte no 4).
Cette constototlon
est confirmée
au laboraSur 780 chèvres examinées.
originaires
de
toire où : sur environ
1.500 Bororos,
un seul
toutes les préfectures du Tchad, aucune n’a été
animal a été trouvé porteur
de kyste hydatique : trouvée parasitée.
les 5 autres cas concernalent
des moutons arabes
noirs à ~011 long.
5. Echinococcose
de I’Ane et du Cheval
Dans les pays sohéliens ou sahariens,
I’échinococcose
du mouton
est beaucoup
plus fréLa maladie est totalement
inconnue
chez les
quente. En Algérie, en Tunisie, au Maroc. I’infeséquidés du Tchad (163 autopsiés).
tatlon est supérieure
à 20 p, 100 (SIMITCH. 1963).
Par contre en Egypte, I’échinococcose
o”~“e et 6. Echinococcose
du Porc.
caprine semble assez peu répandue
: de 1,s à
En R. C. A., elle semble - pour I’lnstant 5 p, 100 selon les auteurs (EL KHORDY,
1946 ;
Inexistante.
ABDOU,
1965). Au Soudan, II n’existe pas de
3. Echinococcose
du Mouton.
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7. Echinococcose
des animaux
sauvages.
Sur 175 éléphants,
Suidés et Artiodactyles
sauvages abattus au Tchad, en R.C. A. et au
Nord-Cameroun,
deux animaux
seulement,
un
Phacochère
et un Oryx. (tableau
no 7 et carte
no 3) présentaient
dans le foie un échlnocoque
immature et stérile, ce qui donne un taux d’lnfestation de 1.4 p. 100. toux superposable
~ jusqu’à
plus ample informé-à
celui des zébus d’Afrique centrale (1,08 p, 100).
L’échinococcose
des animaux
sauvages a été
signalée à plusieurs reprises en Afrique au Sud du
Sahara.
-par
NELSON et RAUSCH (1963) au Kenya
où sur 2.057 animaux
autopsiés, la maladie n’a
été rencontrée
“US).
que chez
un Gnou
(Gorgon
fouri-
-par
VERSTER (1962) chez les animaux
suivants : Gorgon taur,nus et Equus burchelli
dans
le Sud-Ouest
africain
; Georhynchus
copensis
au Cap et Phacochoerus oethiopicus en Zambie.
Par ailleurs unecommunication
du même auteur,
lue à l’occasion d’un symposium sur la recherche
helminthologique
en Afrique du Sud, mentionne
la présence, cher des Oryx du désert du Kalahari,
de kystes hydatiques
du poumon.
une
par RICCI (1940), àArero,
antilope
indéterminée.
en Ethiopie,
cher
- par CASTRO-AMARO(1960),
chez un singe
(Papio rhodesiae) au zoo de Lourenço-Marqués.
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- par MYERS et Coll. (1965) cher un colobe
capturé au Tanganyika
pour le compte du zoo de
San-Antonio
(Texas).
Dans l’ensemble.
les cas d’Echinococcose
d’animaux
sauvages sont en Afrique assez rares
et localisés à des zones bien déterminées
où
cohabitent
Artlodactyles
et Carnivores.
CONCLUSIONS
De cette enquête réalisée en Afrique centrale
(Tchad, R.C. A., Cameroun)
de 1956 à 1968 et
qui a porté sur près de 14.304autopsies.
quelques
points saillants méritent de retenir l’attention
:
10 Le taux d’mfestation
le plus élevé a été
rencontré
chez le dromadaire
adulte des zones
Nord du Tchad (37,46 p. 100). La même constatation a été faite dans certains pays du Nord et du
Nord-Est de l’Afrique
où l’élevage
camelin
est
important,
à tel point que divers auteurs pensent
que, souvent, le chameau joue un rôle essentiel
dans latransmission
de I’échlnococcose
humaIne
et animale.
Les localisations
sont hépatiques
et pulmonw
res, parfois spléniques.
Au Tchad, plus de 85 p.
100 des
moyenne
kystes sont fertiles.
Ils mesurent
de 2 à 3,5 centimètres.
en
20 L’échinococcose
bovine
qui
touche
1.08 p. 100 du cheptel est irrégulièrement
répartie. Inconnue
dans l’Ouest de la R. C.A., elle
est relativement
fréquente dans certaines régions
du Tchad (Centre Salomot, Moyen-Chars,
Massakory, de 3 à 7.49 p. 100). Les jeunes sont 25 fois
moins parasités que les adultes.
30 Chez les owns l’incidence
paraît faible (0,19 p. 100).
de la maladie
40 Aucun cas n’a jusqu’à
présent - été
signalé chez les porcs, les chèvres et les équidés
d’Afrique
centrale.
50 Les animaux
sauvages peuvent également
héberger des kystes hydatiques,
à peu près dans
la même proportion
que chez le zébu (1,14 p. 100).
Ce travail préliminaire
n’a pas la prétention
de faire le tour complet du problème
: il reste à
couvrir les préfectures qui ne l’ont pas encore été
(6. E. T. de la R. C. A., Solamat « pro parte ») et
0 préciser un certain nombre de points, notomment le rôle exact du dromadaire
et du mouton
dans la génèse de la maladie, ainsi que la répartition de I’échinococcose
ovine en fonction
des
races et du mode d’élevage.
Retour au menu
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French-Science-Pile
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Open Science
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Various open science
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None
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French
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Voir l'analyse qui en est donnée par Jean Ouédraogo dans l'introduction à l'ouvrage collectif paru en 2010, L'imaginaire d'Ahmadou Kourouma. Contours et enjeux d'une esthétique. Paris: L'Harmattan. restent là, au milieu de la ville, comme des coquilles vides, épuisées et éteintes297 ». La lecture géocritique ainsi proposée de l'oeuvre de Kourouma permet de questionner une vision trop noire du destin du personnage, et d'en faire tour à tour un manipulateur en certaines circonstances et un manipulé en d'autres, en fonction des bouleversements subis par les environnements citadin et rural sur lesquels il a de moins en moins prise au fil du roman. C'est en ce sens que s'y jouerait une « priorité de l'espace sur le temps298 », qui permet de repenser la notion d'événement à partir non plus des dualités ville/village, ou modernité/tradition, qui recoupent celle qui distingue la « bâtardise299 » du monde légitime, mais à partir de la dualité entre le monde visible et le monde invisible (ou extraterritorial). L'ambivalence entretenue par le romancier entre ces multiples systèmes d'opposition permet ainsi de requalifier bon nombre d'épisodes non plus en échecs pour Fama mais, avec une interprétation nuancée, en accomplissement de prophéties. C'est ainsi que le trajet final accompli par Fama, blessé, dans l'ambulance, peut s'apparenter à la cavalcade majestueuse au cours de laquelle il rêve de parcourir le Horodougou sur un fabuleux « coursier blanc300 » Or au-delà du cas singulier de Fama, la recomposition des rapports sociaux due aux bouleversements provoqués par les mouvements de colonisation puis de décolonisation sur les jeux de pouvoir se manifeste à travers le destin de nombreux personnages de roman, en avec les rites. En effet, tout un pan de la littérature africaine s'inscrit dans la représentation d'une polarité qui oppose l'Afrique dite « traditionnelle » à des composantes issues de la « modernité », en particulier celle qu'a entraînées la colonisation occidentale à partir du XIXème siècle et dont la légitimité normative est fortement questionnée301. Cependant, les textes ne seront pas considérés uniquement sous l'angle de leur littérarité, en négligeant les qualités esthétiques propres à chaque oeuvre ; comme l'écrit Jean Ouédraogo, citant Isaac Bazié, il s'agira de ne pas se « laisser prendre au piège du 'primat de la référentialité directe et quasiment du témoignage'302 ». Comme s'exclame Fama à de nombreuses reprises pour qualifier tout ce qui ne rentre plus dans sa perception traditionnelle, c'est-à-dire d'avant les Indépendances, du monde. Les Soleils des Indépendances, p. 11 par exemple et à de nombreuses autres occurrences
. 299 300 Les Soleils des Indépendances, p. 171. Garnier, Xavier. 2009. « Modernités littéraires en Afrique : injonction ou évidence? » Itinéraires. Littérature, textes, cultures (2009‐3):89‐101. 301 Ouédraogo, Jean. 2010. L'imaginaire d'Ahmadou Kourouma. Contours et enjeux d'une esthétique. Paris: L'Harmattan, p.8. 302
pensée est hérité d'une période bien plus ancienne. Cela entraîne une confusion des registres temporels, dans la mesure où le passé vient s'incruster dans le présent. Ou plutôt, c'est leur interprétation de la manière dont le passé devrait être mis en oeuvre dans le présent qui occasionne une rupture temporelle : ces personnages sont comme des héritiers fantômes du passé qui ne peuvent être à leur place dans l'époque contemporaine. b) Rites et maintien des liens sociaux
Le sociologue Serge Paugam identifie, pour chacun des types de liens sociaux (les liens de filiation, les liens de participation élective, les liens de participation organique et les liens de citoyenneté), des formes de protection et des formes de reconnaissances auxquelles ils donnent accès303. Par exemple, les enfants reçoivent une protection matérielle très forte de la part de leurs parents lorsqu'ils sont petits, de même qu'une forme de reconnaissance affective essentielle à leur bien-être psychologique. Le fait de savoir qu'ils peuvent « compter sur » leurs parents est garant de leur sécurité. Cette certitude fonde la confiance que les enfants éprouvent à l'égard de leurs parents et vice-versa, ces derniers pouvant s'attendre à être pris en charge, une fois âgés et parvenus en situation de dépendance, par leurs descendants. Cette confiance vis-à-vis des autres personnes, qu'elles soient proches (dans les cercles électifs de famille, d'amis) ou plus lointaines (cercles professionnels, citoyens), est alors fondatrice de la cohésion d'une société dans son ensemble. Les rites peuvent faire partie des moyens permettant de maintenir ces liens de confiance. Ils occupent une place significative dans la littérature d'Afrique subsaharienne. Comme le souligne Yves Dakouo, ils font partie intégrante de la société africaine et constituent à ce titre un « paradigme explicatif du comportement des individus dans la société et des personnages dans les oeuvres de fiction304 ». Les rites ont donc une fonction particulière dans le maintien du lien social, qui peut s'évaluer à l'aune de considérations religieuses, mais pas uniquement. Leur fonction anthropologique n'est effectivement pas seulement spirituelle : elle est aussi politique, dans la mesure où la ritualisation est un moyen de « régler les rapports entre ce qui est donné dans l'existence humaine et ce qui paraît la dépasser305 ». Ce faisant, elle implique de manifester des rapports hiérarchiques de plusieurs ordres : d'une part, entre l'homme et « ce qu'il ne peut maîtriser », un « numineux » sacré qui appartient au domaine du surnaturel ; d'autre part, entre les hommes eux-mêmes, puisque comme certains d'entre eux sont garants du respect des rites, une nécessaire hiérarchie sera établie entre ceux-là et les autres, auxquels s'appliquent les normes qu'ils édictent. La dimension politique est donc bel et bien présente ; la configuration des rapports sociaux, qu'elle s'effectue au nom de principes religieux ou au nom des équilibres socio303
, Serge. . Dakouo, Yves. 2010. « Chapitre 5. Les pratiques rituelles dans Les Soleils des indépendances d'Ahmadou Kourouma ». in L'imaginaire d'Ahmadou Kourouma. Contours et enjeux d'une esthétique. Editions Karthala, p. 112. 304 305 Ibid., p. 113. économiques, conduit toujours fondamentalement à des organisations sociales et politiques qui engagent la communauté dans son ensemble. Envisager les rites dans cette dimension élargie et renouvelée, c'est donc reconnaître qu'ils participent, à leur manière, à l'étendue de liens sociaux, eux-mêmes garants du lien social global dont les nombreuses déliaisons contemporaines ont été abordées dans l'Introduction générale. Or certains de ces rites particulièrement présents et actifs dans les sociétés africaines contemporaines font l'objet de vives critiques, en particulier de la part de la « communauté internationale » et des institutions politiques et médiatiques qui s'en font le relais. L'indignation est particulièrement vive à l'égard des mutilations génitales qui, touchant 200 millions de femmes dans le monde selon l'UNICEF306, entraîne de lourdes séquelles sur les plans sanitaire et psychologique. Certes, il s'agit là d'un exemple paradigmatique fréquemment mis en avant pour illustrer le pire aspect des rites traditionnels ; il sert fréquemment d'instrument pour dénoncer les communautés et les personnes qui le pratiquent, sans que son rôle symbolique ne soit examiné avec rigueur. Ces mutilations génitales peuvent être classées en quatre catégories, selon l'Organisation Mondiale de la Santé, en fonction de la pratique effectuée sur le corps féminin307. Elles vont de l'ablation de certaines parties génitales à l'infibulation, partielle ou totale, du sexe féminin. Ces mutilations sont pratiquées dans l'ensemble du continent, certaines étant davantage localisées que d'autres308. Le « repassage des seins » est un autre type de mutilations qui consiste à empêcher la poitrine des jeunes filles de se développer, à l'aide de bandages, de pressions exercées les seins, voire de brûlures volontaires309. Particulièrement douloureuses et traumatisantes, ces pratiques effectuées principalement au Cameroun, au Togo et en Guinée sont justifiées par la crainte des familles de voir leurs filles être séduites ou violées par des hommes310. La perspective de faire face à des grossesses prématurées effraie autant pour les conséquences physiologiques qui attendent les mères, dont le corps est encore trop jeune pour enfanter, que pour les coûts matériels et financiers liés à l'éducation des enfants au sein de famille déjà très pauvres. Plutôt que d'agir sur le contrôle du désir masculin et sur sa dangerosité, c'est alors une nouvelle fois le corps féminin qui est l'objet de violences. L'opprobre et la culpabilisation se déplacent ainsi des hommes, dont le désir est normalisé, vers les femmes, condamnées à vivre avec un corps meurtri car jugé responsable des violences qui pourraient lui être infligées par les hommes. Pratiquer le repassage des seins sur sa propre fille, c'est donc, pour une mère, espérer garantir en quelque sorte qu'elle ne sera pas victime de la folie des hommes et qu'elle parviendra à l'âge adulte sans UNICEF. 2020. « Female Genital Mutilation (FGM)
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Ainsi l'infibulation, davantage pratiquée en Afrique de l'Est, tandis que l'excision s'étend principalement à l'ouest de la bande sahélienne. 308
Bangré, Habibou. 2006. « Cameroun : une campagne contre le « repassage » des seins ». Afrik.com. Consulté le 9 octobre 2020 (https://www.afrik.com/cameroun-une-campagne-contre-le-repassage-des-seins). 309 GAMS. 2016. « Le "repassage des seins" au Cameroun ». Fédération GAMS. Consulté le 9 octobre 2020 (https:// federationgams.org/2016/03/16/le-repassage-des-seins-au-cameroun/). 310
avoir été violée, donc prête pour le mariage avec un homme qui la prendra intacte. C'est donc s'efforcer de donner toutes les chances à sa fille de faire partie de la société à sa majorité, tandis qu'une grossesse prématur la condamnerait à l'exclusion et à la honte - même si celle-ci est la conséquence d'un viol. On voit alors que le rite imposé par une société est intimement lié aux pressions qui s'exercent sur certains de ses membres. Les développements à venir dans les pages qui suivent s'efforcent ainsi de nuancer l'idée selon laquelle les rites feraient l'objet d'une perpétuation ininterrompue pour de seuls motifs liés à la continuité des traditions. L'enjeu est plus complexe et lié à la cohésion de la société dans son ensemble, à ce qui permet aux groupes qui la constituent de se tenir ensemble, quel qu'en soit le prix. Nous allons voir comment un exemple littéraire permet de mettre en lumière les dilemmes posés par ces pratiques rituelles par rapport au lien social et à la manière de le maintenir dans des sociétés bouleversées ; il ne s'agira bien évidemment pas de les réhabiliter, mais de les comprendre à travers le filtre de la représentation littéraire et des questionnements stylistiques qu'elles soulèvent. Y compris si ces rapports semblent désirés, comme lorsque elle-même et le marabout Abdoulaye entament un « rite de séduction » (Dakouo, 2010) dans un chapitre ultérieur. Le viol! Dans le sang et les douleurs de l'excision, elle a été mordue par les feux du fer chauffé au rouge et du piment. Et elle a crié, hurlé313 Les exclamations qui ponctuent ce premier épisode reviendront systématiquement à chacune de ses occurrences. Programmatique, ce passage annonce les thèmes qui imprégneront ensuite toutes les futures occurrences de la scène de l'excision, en particulier la couleur « rouge », du sang et de la douleur, qui baigne l'environnement de Salimata à chaque fois qu'elle se remémore la scène. Mais quelques lignes plus loin, juste après ce souvenir, Salimata reprend conscience dans le monde réel, piquée par une punaise : la blessure de l'insecte survient comme un écho lointain, amoindri mais réel, de la douleur initiale du « fer chauffé au rouge et du piment », entraînant ensuite une chaîne de souvenirs : À ce point, une punaise du lit piqua Salimata à la fesse, elle la rechercha jusque sur les pieds et les épaules de Fama, la rattrapa du côté des oreillers et l'écrasa. Entre ses doigts une puanteur d'excrément se colla. Vilaine bête! elle rejeta la couverture ; il faisait chaud. Les ronflements de Fama remplissaient la pièce. Elle repensa encore à son excision, à ses douleurs, à ses déceptions et à sa maman314 La réalité lui donne ainsi l'occasion de repenser sans arrêt au passé et à la violence du choc. Même après s'être rendormie, le souvenir revient tourmenter Salimata sans relâche, rompant la séparation nette entre le rêve et la réalité : Elle referma la porte, se recoucha, pour dormir le petit reste de la nuit. Quand Salimata se releva, dans le champ de l'excision, le soleil était arrivé au-dessus des têtes, deux matrones l'assistaient315. Seul le changement de paragraphe signale que le sommeil a succédé à la veille. Le texte en lui-même joue sur l'ambiguïté des temporalités, puisque le verbe « se relever » ne désigne pas le fait que Salimata se réveille de nouveau, dans le temps présent, mais bien qu'elle se lève physiquement après l'excision, dans le passé. 314 Ibid., p. 34. 315 Ibid., p. 37. l'auto-destruction de l'Afrique316 ». Chez Salimata, les relations de confiance et de sécurité envers les hommes sont définitivement brisées, ce qui l'empêche d'avoir une sexualité épanouie. Cette impossibilité entraîne celle de donner la vie : en ce sens, métaphoriquement, la reproduction mécanique et cruelle des rites entrave la reproduction sexuelle. Dans le roman de Kourouma, on voit donc qu'une société ne peut se régénérer si elle entretient un rapport étouffant et aliénant à l'Histoire. D'autres types de rites peuvent cependant entraîner de profondes ruptures sociales, alors qu'ils semblent théoriquement avant tout servir à recréer du lien entre les individus. Parmi ces actions dont la reproduction semble garantir la cohésion sociale, figure l'organisation des funérailles et des rites de veuvage en l'honneur des défunts. Dans certains romans se déroulant dans des pays d'Afrique de l'Ouest, au Sénégal par exemple, ces funérailles constituent des épisodes narratifs vis-à-vis desquels l'instance narratrice dispense un message parfois réprobateur. Dans Une si longue lettre, publié en 1979, Mariama Bâ dresse le portrait sans concession d'une société patriarcale sénégalaise qui considère les femmes comme des variables d'ajustement dans la vie de famille et l'équilibre financier de la société317. Le roman prend la forme d'une lettre adressée à son amie Aïssatou par la narratrice, Ramatoulaye, qui vient de perdre son époux, Modou Fall. Le chagrin de l'héroïne ne peut toutefois tempérer son indignation face à des pratiques qui dépossèdent les épouses et les livrent, sans protection, à l'avidité de leur bellefamille, malgré les sacrifices consentis par le pass pour assurer leur bien-être. En effet, il leur revient d'organiser des funérailles matériellement grandioses, quelle que soit la véritable condition financière du foyer, afin de témoigner aux yeux de tous générosité et abondance. Sans cela, les épouses courent le risque de passer pour des ingrates ou des infidèles : C'est le moment redouté de toute Sénégalaise, celui en vue duquel elle sacrifie ses biens en cadeaux à sa belle-famille, et où, pis encore, outre les biens, elle s'ampute de sa personnalité, de sa dignité, devenant une chose au service de l'homme qui l'épouse, du grand-père, de la grand-mère, du père, de la mère, du frère, de la soeur, de l'oncle, de la tante, des cousins, des cousines, des amis de cet homme. 316 Dakouo, Yves. 2010. Op. cit., p. 130. 317 Bâ, Mariama. 1983 [1979]. Une si longue lettre. Abidjan: Nouvelles éditions africaines.
L'humiliation ne s'arrête cependant pas là ; alors que Ramatoulaye est la première épouse et la mère de douze enfants, elle se voit dépossédée de la majorité de ses biens par sa bellefamille, à l'avantage de sa co-épouse Binétou, de vingt ans sa cadette. C'est l'indignation et l'ardeur de sa fille qui la poussent à se battre pour réclamer son dû légitime. À cette critique de funérailles obscènes qui ne font que réveiller l'avidité des autres membres de la famille, s'adjoint celle d'une polygamie encouragée dans les normes sociales au nom du bien-être de l'époux et de son droit à « posséder » plusieurs épouses, tout comme on parlerait de biens matériels. c) Un imaginaire féministe postcolonial parmi d'autres
La critique de ces pratiques traditionnelles, telle qu'elle apparaît dans les romans d'Ahmadou Kourouma et de Mariama Bâ, ne peut toutefois se passer elle-même d'une distanciation analytique accordant une grande place au décentrement. Il serait, en effet, trop facile de condamner unilatéralement des pratiques sociales au prétexte qu'elles seraient jugées arriérées et patriarcales du fait même de leur enracinement culturel dans une société donnée. Autrement dit, on court un risque à donner toute la place à une critique issue d'un certain bord, à ne cesser de stigmatiser l'excision, les cérémonies de veuvage et la polygamie, ainsi qu'à renvoyer ces pratiques à leur origine proprement et uniquement africaine, par opposition à des « valeurs » occidentales de libération et d'émancipation (ou d'empowerment) de la femme qui, pour être réellement libre et émancipée aujourd'hui, devrait tourner le dos à ces rituels considérés comme passéistes et aliénants. Ce risque, c'est celui de défendre un « féminisme civilisationnel », selon les mots de Françoise Vergès. Comme elle l'écrit, Les femmes racisées sont acceptées dans les rangs des féministes civilisationnelles à la condition qu'elles adhèrent à l'interprétation occidentale du droit des femmes. Aux yeux de leur idéologie, les féministes du Sud global restent inassimilables car elles démontrent l'impossibilité de résoudre en termes d'intégration, de parité et de diversité les contradictions produites par l'impérialisme et le capitalisme. Le féminisme contre-révolutionnaire prend alors la forme d'un fémonationalisme, d'un fémo-impérialisme, d'un fémo-fascisme, ou de marketplace feminism (fém isme du marché). Ces féminismes qui n'ont pas toujours les mêmes arguments et représentations trouvent cependant un point de convergence : ils adhèrent à une mission civilisatrice qui divise le monde entre cultures ouvertes à l'égalité des femmes et cultures hostiles à l'égalité des femmes318. La pression épistémologique exercée par l'Occident dans d'autres circonstances se manifeste également dans les luttes féministes en tant que telles. Il n'y a pas un féminisme, mais plusieurs manières d'être féministe, dont les présupposés théoriques divergent assez radicalement selon qu'ils émanent de luttes situées dans le Nord ou dans le Sud global319.
318 Vergès, Françoise. 2019. Un féminisme décolonial. Paris: La Fabrique, p. 80. De nombreux travaux s'intéressent à cette diversité pratique et conceptuelle des féminismes, de l'Africana feminism aux revendication de Voz de la mujer. Voir les nombreuses contributions de l'ouvrage collectif dédié aux études postcoloniales sur le genre et le féminise, ainsi que son introduction générale: Verschuur, Christine et al. 2010. Genre, postcolonialisme et diversité de mouvements de femmes. Graduate Institute Publications. Genève: L'Harmattan. Comme le souligne encore Françoise Vergès, deux types d'oppressions peuvent en effet s'exercer sur les femmes : certaines par la culture, d'autres par les structures. Les premières sont apparentées à des pratiques culturelles, affaires de « mentalités », tandis que les secondes concernent plus globalement les structures politico-économiques garanties par un certain capitalisme globalisé : Le capitalisme n'a aucune hésitation à faire sien le féminisme corporate (celui qui demande l'intégration dans leur monde) ou le discours des droits des femmes d'après lequel les inégalités entre femmes et hommes sont une question de mentalités, de manque d'éducation plutôt que de structures oppressives. Non pas que la transformation des mentalités et qu'une éducation antiraciste et antisexiste soient négligeables, loin de là, mais il faut dénoncer l'obstination à ne pas admettre qu'il s'agit de structures, que sans racisme le capitalisme racial s'effondre et avec lui tout un monde construit sur l'invisibilisation, l'exploitation, la dépossession320. Or le fait de mettre systématiquement l'accent sur ces oppressions culturelles invisibilise celles qui se manifestent à travers les réseaux de domination capitaliste. À trop souligner les premières, on court ainsi le risque de passer à côté de celles qui ont des consé sociales et économiques collectives, tout aussi injustes et ancrées dans le temps long321. La dimension politique de la lutte s'efface dans le même temps. Bien sûr, il ne s'agit pas de remettre en cause la légitimité des luttes contre des oppressions héritées de pratiques anciennes qui ne cessent d'infliger des blessures physiques (dans le cas des mutilations féminines) et psychologiques (les mêmes, ainsi que pour les pratiques de polygamie par exemple) à l'heure actuelle. Cependant, à trop porter le regard sur ces pratiques, et à considérer les oppressions subies par les femmes africaines uniquement à travers leur prisme, est perdue la possibilité d'avoir une lecture globale des enjeux d'un féminisme contemporain « décolonial ». Ce qui avait été déjà souligné dans Ogundipe-Leslie, Molara. 1994. Re-Creating Ourselves: African Women & Critical Transformations. Trenton: Africa World Press. 321 A l'instar du projet historique, anthropologique mais aussi militant de Cheikh Anta Diop, dans Nations nègres et culture notamment. 322 l'ensemble de la population africaine, féminine et masculine323. En affaiblissant le pouvoir des hommes africains, en les privant des attributs symbolique et politiques qu'ils détenaient auparavant, l'emprise coloniale a ouvert la nécessité pour eux de renforcer le pouvoir qui leur restait sur d'autres êtres, en l'occurrence les femmes324. La perte de virilité imposée par les Blancs sur les hommes Noirs via la servitude et les humiliations a bouleversé l'ensemble des équilibres sociaux. Ahmadou Kourouma a dépeint cette prédation européenne sur les pouvoirs symboliques africains dans Monnè, outrages et défis325, roman qui met en scène la déchéance progressive de Djigui Keïta, roi de Soba, confronté à l'invasion coloniale et à sa perte progressive de pouvoir malgré son refus obstiné de l'admettre et toutes les ruses dispersées par le narrateur dans le texte326. Cet affaiblissement des masculinités pourrait ainsi avoir conduit, in fine, à renforcer la minoration des femmes. La précaution de Françoise Vergès à vouloir réintroduire l'existence d'une pression spécifiquement capitaliste et politique dans le jeu des dominations exercées sur les femmes doit donc être complétée par la prise en compte de son historicité. Elle nuance le clivage trop schématique qui opposerait une situation pré-coloniale idéale à un état de domination coloniale (et postcoloniale) et capitaliste forcément oppressant pour les femmes. Revenons aux deux romans pris en es ci-dessus. Difficile en effet d'en faire les vecteurs d'un féminisme civilisationnel. Dans Les Soleils des indépendances, Salimata n'a pas seulement le rôle d'une victime. Certes, elle est un de ces « personnages-mémoire327 », dont l'expérience romanesque déborde le cadre fictionnel en raison des blessures qui lui sont infligées et dont la mémoire se manifeste de manière récurrente, par exemple lorsqu'elle se remémore la scène de l'excision. Mais le trait de son caractère qui lui attire finalement la sympathie la plus grande des lecteurs, c'est son invincible indocilité. Quels que soient les coups que lui infligent les hommes, Salimata les dépasse ou les renvoie. Après le viol subi dans la case de Tiékoura, elle refuse successivement les deux hommes qu'on veut lui imposer pour mari et décide de s'enfuir avec Fama. Pour une étude
des
stratégi
es
stylist
iques et narratives qui mettent en scène toutes ces ruses
, en
particulier par le truchement
de la figure du traducteur, voir Le Quellec Cottier, C. 2008. « Le romanesque africain sous le signe de la ruse : L'étrange destin de Wangrin d'Hampaté Bâ et Monnè, outrages et défis d'Ahmadou Kourouma ». Etudes de Lettres 1(279):103‐18. 326 Bonnet, Véronique. 2006. « Histoires du féminin, discours au féminin dans l'oeuvre d'Ahmadou Kourouma ». Études françaises 42(3):111. 327
systématiquement toutes les nuits de Mariam et Fama et contraint ce dernier à abandonner ses prérogatives de mari polygame. Il n'a d'autre choix que de dormir seul, les deux femmes sur une natte séparée. Enfin, à l'issue de la détention de Fama, Salimata n'assiste pas à son retour : peutêtre s'est-elle enfuie avec son marabout Abdoulaye, comme le suggère son ami Bakary, le seul à s'être rendu à la prison pour recueillir Fama. Tous ces exemples font de Salimata une femme certes victime de nombreuses injustices infligées par des traditions aliénantes, mais certainement pas une personne soumise et résignée. Bien au contraire, c'est « sa part d'indocilité, de fantaisie et de révolte » qui la rend aussi attachante. Comme le souligne Véronique Bonnet, « Tout se passe comme si la tradition et son cortège d'injonctions mémorielles était contredite par l'action volontariste des femmes ; s'esquisse alors une autre construction de la mémoire328 ». Si le terme de « féminisme » doit s'appliquer avec précaution329, concernant des littératures africaines francophones, en raison de la difficulté méthodologique d'éviter de parler depuis « centre » vers une périphérie330, à tout le moins peut-on examiner le rôle que joue la reproduction de certaines pratiques, telle qu'elle est perçue par les personnages féminins, dans le maintien des liens sociaux. Ces pratiques peuvent s'envisager sous l'angle des inégalités existant entre femmes et hommes dans la vie sociale, politique et économique, car elles permettent d'aborder ces enjeux avec un regard plus apaisé. Par-delà les clivages idéologiques qui associent les combats féministes à une kyrielle de revendications que toutes les femmes ne partagent pas nécessairement sur la planète, l'existence d'inégalités structurelles dans la constitution du lien social est en effet une réalité observée sur de très nombreux terrains331 et permet de rassembler les entreprises d'émancipation féminine autour d'objectifs communs. Voir les distinctions théoriques données dans l'introduction de Carol Boyce Davies à l'ouvrage qu'elle a coordonné avec Anne Adams Grave, Ngambika: Studies of Women in African Literature. Trenton: Africa World Press, 1986. 329 330 Nkealah, Naomi. 2016. « (West) African Feminisms and Their Challenges ». Journal of Literary Studies 32(2):61‐74. 331 Héritier, Françoise. 2002. Masculin/Féminin. Paris: Odile Jacob. J'emprunte ce terme à l'anthropologue Françoise Héritier, à travers ses travaux sur la « valence différentielle des sexes ». Voir les deux premiers chapitres dans Héritier, 2002. Ibid. entre tenant.e.s de traditions anciennes et personnages en quête d'émancipation. Un exemple en est donné par Tante Nabou, une vieille femme qui cherche à éduquer sa propre nièce, la petite Nabou, de la manière la plus traditionnelle qui soit, afin d'en faire une épouse soumise envers l'homme qu'elle cherche à lui faire épouser, son fils Mawdo. Ce dernier est pourtant déjà marié à l'amie et correspondante épistolaire de Ramatoulaye, Aïssatou, mais la classe sociale de cette première épouse n'est pas du goût de la vieille Nabou, pour laquelle les noces de son fils avec une « bijoutière » représentaient une déchéance sociale. Pour cela, le projet de la tante est de faire « de cette enfant une autre moi-même ». Elle incarne ainsi le désir de « reproduction », au sens littéral, de son propre caractère, à des fins de préservation de ce qu'elle juge convenable pour l'harmonie sociale : des noces entre époux de même rang social. L'éducation de la petite Nabou a donc pour objectif d'en faire une épouse soumise, conforme au modèle idéal que se fait la tante d'une « bonne » épouse, sans prendre en compte la souffrance infligée au couple heureux que formait déjà Mawdo avec Aïssatou. Cette perfidie est semblable à celle manifestée par Dame Belle-mère, mère de la toute jeune Binétou, qui la jette dans les bras de Modou alors qu'elle a l'âge de la fille que celui-ci a eue avec Ramatoulaye simplement pour des questions matérielles. Prête à tout pour retrouver son rang, son époux et sa dignité, elle n'hésite pas à opprimer une autre femme, Ramatoulaye. Dans le roman de Mariama Bâ, les femmes sont donc tout autant les victimes des oppressions exercées par les hommes et un certain conservatisme des traditions, que les proies de machinations montées par des femmes pour assurer leurs privilèges financiers. En ce sens, il n'y a pas de naturalisation morale : la femme, dans les romans de l'écrivaine, n'est pas un être foncièrement naïf ni innocent, tandis que l'homme incarnerait toujours des défauts patriarcaux. Au contraire, en rendant les femmes capables des mêmes machinations que les hommes, Mariama Bâ abolit la possibilité d'une critique féministe qui lui reprocherait un essentialisme moral et genré. Comme l'écrit Médoune Guèye, « En dépeignant la réussite des personnages féminins tels que la mère du mari ou la mère de la co-épouse, Bâ souligne que la responsabilité des torts de la polygamie est partagée. () Ainsi, la critique de M. Bâ ne s'arrête pas au niveau de la responsabilité des hommes dans les méfaits de la polygamie, elle se distingue par sa portée sociale, sans exclusion de la responsabilité féminine333 ». Qu'en conclure sur le rôle que joue la reproduction de ces traditions sur le lien social, d'où qu'émane ce conservatisme? On voit qu'il est le jeu de personnages masculins aussi bien que féminins, manière de renvoyer les deux sexes dos à dos sans idéaliser l'un plus que l'autre. Or la conscience que les femmes africaines font face à de multiples oppressions, que la critique contemporaine qualifierait d'intersectionnelles334, a été mise en évidence par Molara OgundipeLeslie, citée par Carol Boyce Davies : Guèye, Médoune. 1998. « La Question du féminisme chez Mariama Bâ et Aminata Sow Fall ». The French Review 72(2):312. 333 Voir une synthèse transdisciplinaire et
historique
de ce concept
dans Lénel, Pierre et Virginie Martin. 2012. « La contribution des études postcoloniales et des féminismes du "Sud" à la constitution d'un féminisme renouvelé: vers la fin de l'occidentalisme? » Revue Tiers Monde (209):125‐44.
She makes the point (extending Mao-Tse Tung's "mountain on the back" metaphor) that African women have additional burdens bearing down on them: 1) oppression from outside (foreign intrusions , colonial domination etc.); 2) heritage of tradition (feudal, slave-based, communal, 3) her own backwardness, a product of colonization and neo-colonialism and its concomitant poverty, ignorance etc.; 4) her men, weaned on centuries of male domination who will not willingly relingquish their power and privilege; 5) her race, because the international economic order is divided along race and class lines; 6) her self335. Parmi les six points mis en évidence figurent les enjeux culturels, économiques et politiques, repris dans des études féministes plus récentes ; mais surtout, la question du « soi », de la propre tendance des femmes à devoir dépasser les oppressions qu'elles s'infligent à ellesmêmes, est peut-être la plus cruciale. C'est ce qui explique que dans Une si longue lettre, Ramatoulaye, pourtant femme d'expérience et éduquée, se plie à la coutume de la polygamie. L'intériorisation de la nécessité de maintenir ces traditions pour conserver le lien social est telle qu'elle se refuse à demander le divorce, comme le lui conseillent ses amies proches et sa propre fille Daba. Cette « responsabilité des torts336 », si elle se manifeste de facto par la reproduction des mêmes pratiques par les femmes et les mères, dont elles ont été victimes jadis, sur leur fille, leur nièce ou leur soeur, peut toutefois être nuancée par la liberté effectivement à ces femmes de s'en émanciper. Les exemples qui précèdent montrent que la place réservée à celles qui refuseraient volontairement de sortir des règles imposées par ce jeu social est considérablement amoindrie, voire se résumerait à une exclusion définitive de la société. La reproduction des oppressions par les femmes sur les femmes obéit alors à un intérêt vital, peut-être inconscient, de se maintenir dans les relations qui s'exercent entre hommes et femmes. Cet intérêt est notamment d'ordre financier. Les pressions instaurées par le patriarcat permettent à certaines d'en tirer de substantiels bénéfices, qui les invitent ainsi à participer volontairement à la servitude imposée sur leurs consoeurs. Dans le roman de Mariama Bâ, l'attitude de la vieille Nabou qui cherche à tout prix à marier sa nièce à Mawdo, au détriment de sa première épouse Aïssatou, est justifiée par le désir de retrouver un rang social supérieur à celui qu'Aïssatou offrait à son mari. Le mariage de son fils avec une jeune femme de rang élevé bénéficie ainsi à toute famille, ce dont Nabou est bien consciente. On voit ainsi que la ruse du patriarcat est comparable, d'une certaine manière, à celle du capitalisme. Il transforme ses victimes en complices, par le jeu d'intérêts spécifiques (matériels, honorifiques) qu'il est seul à pouvoir leur assurer et qui garantiront qu'elles sauront le perpétuer si elles veulent se maintenir dans le jeu social. La pression est donc double : reproduire les inégalités femmes-hommes, dans le cas qui nous occupe, permet donc non seulement de ne pas être exclues des dynamiques sociales et de ne pas être marginalisées, mais aussi d'en tirer des avantages substantiels. C'est d'une certaine manière pour leur bien, et pour celui de leurs Davies, Carol Boyce et Anne Adams Graves. 1986. descendants, que ces femmes continuent d'être complices d'un système qui leur fait subir de fortes pressions par ailleurs. Dans ces conditions, c'est de la jeune génération que pourra provenir le salut. Dans La Grève des Bàttu d'Aminata Sow Fall, Lolli, fidèle épouse de Mour, se plie à tous les caprices de ce dernier malgré ses incartades pour le rendre heureux. Car « sa mère le lui avait enseigné, et toutes les tantes, les oncles, les parents proches ou éloignés lui avaient répété les mêmes litanies de recommandations le jour de son mariage, puis la nuit où elle devait rejoindre le domicile conjugal, enfin, en toute occasion337 ». Soumise à ce qu'on lui a enseigné, Lolli craint les malédictions qui résulteraient de sa désobéissance. Mais lorsqu'un soir, Mour lui annonce qu'il prendra une deuxième épouse, la réaction de Lolli est violente : « elle a perdu tout contrôle parce qu'elle pouvait s'attendre à tout, sauf à cela. Elle qui avait tout encaissé et qui pensait que c'était fini, le temps des souffrances et des coups inattendus, elle ne peut pas recevoir cette nouvelle charge. En d'autres temps, oui, elle aurait pu supporter, elle aurait enregistré l'événement avec indifférence, mais maintenant 'les temps ont changé, mon gars'338 ». Or, c'est la fréquentation des messages passés par les féministes « à la radio, dans les meetings, dans les cérémonies familiales », et surtout l'insistance et l'engagement de sa fille Raabi, militante convaincue, qui lui ouvrent les yeux sur l'indignation légitime que peut faire ressentir sa situation339. Voici venu le temps de l'émancipation des femmes qui, en ant de se soumettre à l'injustice, ne contribuent pas à briser les liens sociaux, mais à en recréer d'autres, adaptés aux enjeux contemporains de solidarité entre elles-mêmes, qu'elles soient militantes, amies, soeurs, mères ou filles. De ce point de vue, si la reproduction conservatrice de pratiques oppressantes pour les femmes ne conduit qu'à l'aliénation de toute une société à un passé conservateur, c'est la critique et la libération de ces entraves qui conduisent à une prise de conscience élargie de multiples oppressions. 338 Ibid., p. 59.
Il est toutefois remarquable que la polygamie connaisse depuis quelques années un regain de faveur de la part de jeunes femmes sénégalaises éduquées. Devenir la deuxième épouse d'un homme plus âgé qu'elles permet d'assurer une sécurité matérielle à laquelle elles n'auraient pas accès avant de nombreuses années, ainsi qu'une liberté de mouvement et de temps plus importante. Mais une fois encore, si cette pratique est considérée comme source d'émancipation pour la jeune femme, elle s'effectue au détriment de la première épouse, rarement consultée sur le deuxième mariage. Sa colère, sa peine et sa déception envers le mari ne suffisent pas à empêcher des noces qui, en fabriquant des « émancipées », les transforment en victimes. Voir Kane, Coumba. 2018. « Au Sénégal, la polygamie ne rebute plus les femmes instruites ». Le Monde. Consulté le 11 octobre 2020 (https://www.lemonde.fr/afrique/article/ 2018/05/11/au-senegal-la-polygamie-ne-fait-plus-peur-aux-femmes-instruites_5297654_3212.html). 339 340 Ibid., p. 39. in fine, se bâtit sur le dos des plus pauvres - et se révèle irréalisable, entraînant la chute de Mour. La conception de la modernité qui en ressort a donc deux visages : dans le cas de Mour, elle doit s'effectuer à l'encontre des mendiants, donc en brisant les liens de solidarité qui existaient naguère dans la Ville - les mendiants recevaient une aumône en échange de prières pour le bien-être de leurs donateurs ; mais elle se révèle alors irréaliste, car moralement inadmissible dans une société incapable de vivre sans le recours aux croyances et prophéties traditionnelles qui ont précisément besoin des mendiants pour se réaliser. Cette rupture de la reproduction d'une tradition, accomplie au nom de l'égoïsme d'un fonctionnaire ambitieux, est donc condamnée à sa perte : elle ne conduit qu'à la brisure de liens sociaux. En revanche, dans le cas de Lolli, le fait de briser le cycle de la polygamie - ou, à tout le moins, d'en comprendre l'injustice et de la contester : Lolli ne divorce pas -, se révèle au contraire créatrice de nouveaux types de liens. e) Une communauté brisée, pour le meilleur ou le pire? L'opposition souvent mise en scène dans la littérature entre traditions et modernité peut donc être repensée à nouveaux frais, quand les enjeux du postcolonialisme et d'un féminisme intersectionnel recoupent ceux de la lutte plus ancienne contre la présence coloniale et les normes culturelles et sociales qu'elle a imposées avec la présence des colons. Dans ces romans, l'Occident et ses pratiques sociales apparaissaient comme une menace contre laquelle résister ; le maintien des traditions pouvait faire figure d'actes de résistance. Mais se faisant, le lien social ne tient pas per se, il se construit uniquement par opposition à des forces qui lui sont extérieures. Au risque de tenir le rôle individuel pour secondaire, dépassé, tandis que seule compte la cohésion de l'ensemble. L'individu est ainsi écrasé par la force des responsabilités qui pèsent sur lui, dont celle de maintenir des pratiques et des traditions considérées comme essentielles à la définition identitaire d'une communauté. C'est ainsi que s'exprime le dilemme auquel font face la Grande Royale et le Chevalier dans L'Aventure ambiguë, de Cheikh Hamidou Kane. Dans une société en pleine mutation, confrontée aux coups de boutoir de la colonisation, faut-il envoyer les enfants à l'école « des Blancs », au risque de les voir oublier les coutumes traditionnelles? Le chef des Diallobé est conscient de sa responsabilité dans le destin collectif : Si je leur dis d'aller à l'école nouvelle, ils iront en masse. Ils y apprendront toutes les façons de lier le bois au bois que nous ne savons pas. Mais, apprenant, ils oublieront aussi. Ce qu'ils apprendront vaut-il ce qu'ils oublieront? Je voulais vous demander : peut-on apprendre ceci sans oublier cela, et ce qu'on apprend vaut-il ce qu'on oublie? () Si je ne dis pas aux Diallobé d'aller
à
l
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école nouvelle, ils
n
'
i
ront
pas
. Leurs demeures tomberont en
ruin
e, leurs enfants mourront ou seront réduits en esclavage. La misère
s'installera chez eux
et leurs
coeurs seront pleins de ressentiments
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341 Kane, Cheikh Hamidou. 1998 [1961]. L'Aventure ambiguë. Paris: 10-18, p. 45. Le choix du Chevalier sera donc lourd de conséquences pour l'ensemble de la communauté. Le développement, mais l'oubli et la menace culturelle, d'un côté ; la survie identitaire, mais la misère et la mort, de l'autre. Or la décision d'envoyer ou non les enfants à l'école doit s'incarner, de manière significative, afin de matérialiser l'engagement du chef de manière irréfutable et convaincante pour les autres familles. Cela commence donc par son propre fils, Samba Diallo. Ce dernier se retrouve ainsi au coeur d'un dilemme éthique et politique vis-à-vis duquel il n'a pas son mot à dire. Tout au long du roman, le parcours de Samba est celui d'un être déchiré entre ses racines et l'éducation nouvelle qu'il reçoit, qui l'éloigne de plus en plus de ce et de ceux qui l'avaient formé dans son enfance. Alors qu'il était un garçon particulièrement apprécié du Maître, qui voyait en lui un disciple spirituellement très éveillé, son séjour en Europe le rend dubitatif face à ces croyances et le plonge dans l'incertitude quant à son futur. La certitude qui avait poussé le chef à sacrifier son destin au nom de la survie de la communauté n'est même plus garantie : « Nous ne vivons plus. Nous sommes vides de substance et notre tête nous dévore. Nos ancêtres étaient plus vivants. Rien ne les divisait d'eux-mêmes342 ». Ce qu'éprouve intimement Samba Diallo, c'est donc la conscience d'une division d'avec soi-même, à travers l'éloignement spirituel et culturel de sa communauté vis-à-vis de leurs traditions. La « fascination de ces signes et de ces sons qui constituent la structure et la musique343 » la langue occidentale, se mue en haine contre ceux qui, comme il l'explique à Adèle, « s'interposèrent et entreprirent de me transformer à leur image. Progressivement, ils me firent émerger du coeur des choses et m'habituèrent à prendre mes distances du monde344 ». Une hallucination lui fait alors apparaître le visage du Maître des Diallobé, comme dans un rêve ; la souffrance de Samba provient du fait d'être gagné par les « ténèbres », de ne plus brûler « au coeur des êtres et des choses345 ». 343 Ibid., p. 171. 344 Ibid., p. 172. 345 Ibid., p. 173. Dans ce contexte, la capacité des traditions à exercer un pouvoir reliant entre les êtres est particulièrement problématique. Au motif de préserver la survie matérielle de la communauté, menacée par les destructions de la colonisation, le Chef et la Grande Royale condamnent Samba Diallo à un exil intérieur qui le coupe de tout lien spirituel avec eux. Ce sacrifice, aussi nécessaire a-t-il pu paraître, montre toutefois comment le destin individuel du jeune garçon est repoussé au second rang, derrière celui de tout un village347. La reproduction des traditions semble toutefois condamnée à l'échec, dans un cas comme dans l'autre : ou bien, si elle est maintenue, elle fait courir le risque au village de dépérir ; ou bien, lorsqu'elle est menacée d'être brisée par l'éloignement spirituel des enfants, elle ne peut plus s'exercer sans conduire à sa perte le malheureux exilé. L'envergure de L'Aventure ambiguë est donc d'avoir mis en scène ce dilemme impossible à résoudre autour du maintien des traditions dans le contexte menaçant de la colonisation. Ce faisant, le roman ne prétend pas délivrer de solution : il se clôt sur la mort de Samba Diallo, victime des tragiques injonctions auxquelles est soumise une communauté en pleins bouleversements. On voit donc que la soumission à des systèmes de croyances et de traditions héritées du passé est loin de garantir la stabilité culturelle et politique d'une communauté, confrontée à des dilemmes éthiques particulièrement nets dans le cas de L'Aventure ambiguë. La réussite consécutive au choix de reproduire ou non ces systèmes dépend de la personne qui les éprouve et, surtout, de ses conséquences sur le lien social. Ce dernier se retrouve fréquemment brisé, ce qui semble à une conception particulièrement tragique de l'Histoire, telle que considérée dans les romans étudiés. Envisageons désormais une autre manière de considérer ces traditions. Elles peuvent parfois être qualifiées de soumission, dans certains contextes, à une norme extérieure qui décourage significativement toute capacité d'émancipation de la part de la communauté concernée. Nous allons voir en effet comment une certaine lecture littérale des textes religieux cette fois-ci, à la différence des théories politiques et afrocentristes qui nous occupaient dans les romans de Léonora Miano, ainsi que l'interprétation conséquente de tout un mode de vie, entraînent également l'imposition d'un référent extérieur à la société et la déliaison conséquente du corps social au nom, paradoxalement, d'une prétendue unité du corps. 3. INTÉGRISME ET FONDAMENTALISME : L'ABSOLU CONTRE LE LIEN
Pour étudier ce phénomène, tous les textes que nous avons choisi d'étudier intègrent la représentation de manifestations extrêmes de cette allégeance à un corpus dogmatique bien précis. C'est ce qui nous permet de parler d'intégrisme, terme qui désigne « l'attitude de conservatisme intransigeant dans une religion, un parti, un mouvement348 ». Forgé au début du XXème siècle dans le contexte de la religion catholique, le mot est aujourd'hui couramment employé, parfois sans recul critique ni historique, pour désigner le djihadisme, dont la présence dans la sphère médiatique s'accroît à mesure que les défis sociaux qu'ils représentent sont interprétés comme se multipliant à l'échelle internationale. Comme toute forme de radicalisation, le djihadisme est le produit d'une « articulation entre une idéologie extrémiste et une logique d'action violente349 », au cours de laquelle un individu aliène son libre-arbitre à l'interprétation de principes tirés de textes et de normes idéologiques, en l'occurrence celles de l'Islam. Cette interprétation n'admet pas de remise en question ni de critique : elle entraîne alors un système de domination sur une destinée individuelle - et souvent collective. Dans ce chapitre, le djihadisme et ses représentations dans la littérature sont ainsi vus comme un cas d'étude particulier, aux implications importantes pour notre projet de description des ruptures des liens sociaux, qui ne prétend nullement épuiser l'ensemble des phénomènes regroupés sous le terme d'intégrisme ou de radicalisation350. Le djihadisme émerge sur la scène internationale dans le contexte de la guerre en Afghanistan, dès 1979351. Cependant, il s'agit de la manifestation géopolitique d'un concept issu de l' sunnite, qui repose sur le djihad et les deux interprétations qui en sont données. Comme l'écrit Abdelasiem El Difraoui, le mot dérive d'une racine sémitique signifiant « faire un effort352 ». Il existe deux types de djihad : le « grand djihad » concerne l'effort spirituel accompli à titre individuel pour « devenir un meilleur être humain et un meilleur croyant », tandis que le « petit djihad » désigne « le combat armé, offensif dans de rares exceptions, mais dans la grande Entrée « Intégrisme » dans ATILF - CNRS, et Université de Lorraine. « Trésor de la Langue Française Informatisé ». Trésor de la Langue Française Informatisé. Consulté 25 août 2020 (http://www.atilf.fr/tlfi). 348 Châteauneuf-Malclès, Anne. 2016. 352 Difraoui, Abdelasiem El. 2016. Le djihadisme. Paris: Presses Universitaires de France, « Que sais-je? ». majorité des cas défensif353 ». Dans l'islam chiite et soufi, cette distinction est approfondie ; le djihad « majeur » désigne donc « l'effort des âmes », et le « djihad mineur » celui des « corps354 ». On voit donc que la quête spirituelle se situe à la racine de ce qui deviendra, par la suite, une conquête militaire accomplie au nom de la foi. Le djihadisme se donne certes le djihad comme justification spirituelle et source théorique, mais la part de violence qui l'accompagne ne vient pas du texte coranique à strictement parler. De plus, comme le montre Matthieu Guidère, le djihadisme en tant que tel n'est pas né au XXème siècle ; l'épisode afghan représente plutôt le point culminant, parce que le plus visible depuis l'entrée de la modernité et des réseaux de communication à distance, d'une chaîne de pratiques dont la théorisation idéologique a été effectuée dès les premiers califats du VIIème siècle355. Enfin, comme l'indiquent Ladan et Roya Boroumand, le djihadisme tel qu'il se manifeste dans le terrorisme est même la conséquence d'une confluence d'inspirations théoriques et idéologiques qui remontent au marxisme et à la critique du modèle libéral du nationalisme356. Dans ce contexte, parler de djihadisme comme d'une oeuvre de foi serait accorder un grand crédit à ceux qui le professent, au détriment des réalités historiques qui l'ont vu émerger sur la scène internationale. C'est en tenant les deux bouts du fil conducteur que représente la quête spirituelle de rapprochement intime avec ce qui est considéré comme sacré que nous aborderons cette troisième partie. L'histoire internationale contemporaine nous confronte régulièrement à des manifestations d'intégrisme et de fanatisme de toutes sortes. Ce qui retiendra notre attention dans les à venir ne concerne pas tant le déroulé géopolitique et historique de l'intégrisme, que le rapport au langage et au monde qu'il engage. Loin de ne se présenter que comme un rapport exclusif aux textes religieux et à l'idée de divinité qui en découle, ces phénomènes reposent en effet sur une ontologie langagière qui entraîne, par la suite, une conception particulière du lien entre individus. Par l'illusion d'un langage transparent, qui abolit l'opacité singulière des mots et des choses, l'idéologie radicale prétend rassembler tous les individus dans une entité globale et unique. Il impose l'idée d'une reliance fondamentale entre les hommes que le texte sacré justifie et explique. 353 Ibid. 354 Guidère, Mathieu. 2015. « Petite histoire du djihadisme ». Le Débat n° 185(3):36. 355 Ibid. 356 Boroumand, Ladan, et Roya Boroumand. 2002. « Terror, Islam, and Democracy ». Journal of Democracy 13(2):5‐20. a) Mépris des hommes et fanatisme religieux : de la sérialité à l'Absolu divin Terre ceinte
nous plonge dans la ville de Kalep, ville imaginaire d'Afrique subsaharienne tombée aux mains d'un groupe de djihadistes, la Fraternité. Comme le souligne Florian Alix, Kalep évoque phonétiquement aussi bien Kidal qu'Alep et nous renvoie donc à des épisodes récents de l'histoire contemporaine357. L'auteur indique par ailleurs que c'est en entendant parler d'un couple condamné à mort au Mali pour avoir eu des relations hors mariage, ce qui est considéré comme un adultère par les djihadistes, qu'il a eu l'idée d'écrire ce roman. C'est d'ailleurs la représentation d'un épisode de ce genre qui ouvre le récit. Les scènes du livre peuvent donc renvoyer à des situations géopolitiques qui ont eu cours ou se déroulent toujours dans certaines régions encore dominées par ces groupes terroristes, qu'il s'agisse du Nord du Mali ou du Proche-Orient, gangréné par les troupes de l'Etat islamique qui resurgissent par vagues et déstabilisent les équilibres socio-politiques depuis 2006358. Les représentations physiques des djihadistes renvoient ainsi les lecteurs à un imaginaire désormais bien connu grâce aux médias et aux nombreuses images qui nous parviennent de ces groupes terroristes, en particulier celles qu'ils publient eux-mêmes sur les réseaux sociaux à des fins de propagande pour contourner les systèmes établis359. Le portrait du djihadiste contient un certain nombre de traits caractéristiques, comme autant de clichés permettant d'identifier immédiatement l'identité « intégriste » du personnage. Au premier rang de ces traits figurent le turban et la barbe noire. Les descriptions d'Abdel Karim, chef de la police de la Fraternité, ainsi fréquemment référence à ladite barbe noire et à son regard tout aussi sombre. La petite Rokhaya, fille de Ndey Joor et Malamine, qualifie plus généralement les membres de la confrérie de « personnes avec des turbans et des armes360 », montrant que son regard d'enfant ne retient immédiatement que ces deux indices les plus caractéristiques de leur identité. À titre de comparaison, dans le roman Les Intranquilles, du Tunisien Azza Filali, une scène décrit une assemblée de fidèles auxquels s'adresse un prédicateur d'un mouvement radical.
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Developing a circular economy : Public policies and responses from economic actors Eugénie Joltreau
To cite this version: Eugénie Joltreau. Developing a circular economy : Public policies and responses from economic actors. Economics and Finance. Université Paris sciences et lettres, 2021. English. NNT : 2021UPSLD021. tel-03612392 HAL Id: tel-03612392 https://theses.hal.science/tel-03612392 Submitted on 17 Mar 2022
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Georges Sand, Impressions et souvenirs, 1872 À
mes grands-parents,
Remerciements
En premier lieu, je souhaiterais remercier Stéphanie Monjon, ma directrice de thèse. Merci de m’avoir accordé votre confiance lorsque je vous ai contactée pour mon projet de thèse. J’ai été très heureuse de vous côtoyer pendant ces quatre ans, de découvrir vos projets pédagogiques innovants et votre engagement très inspirant. J’ai beaucoup appris de vous, en tant que chercheuse et en tant que personne, et vous suis infiniment reconnaissante pour cela. Je remercie mon jury de thèse : Sophie Bernard, Philippe Delacote, Patrice Geoffron, Matthieu Glachant, Mouez Fodha et Eugenie Dugoua. Je soumets cette thèse à votre avis, et ai hâte des discussions que nous aurons à ce sujet. J’adresse à Sophie Bernard et Philippe Delacote un remerciement particulier pour leur rôle de rapporteur et leur implication dans la pré-soutenance. Je remercie également Sophie pour son accueil à Montréal et mon « presque visiting ». Ce fut malheureusement court, mais j’en garde un souvenir formidable. Merci à Patrice Geoffron et Matthieu Glachant pour leur implication et leur suivi tout au long de ces années. Je remercie Eugenie Dugoua pour les discussions que nous avons eu récemment et ses encouragements ; et Mouez Fodha pour son implication en tant que membre du jury. Merci à mes relectrices et relecteurs pour leurs remarques pertinentes et conseils de rédaction avisés sur ces chapitres : Céline, Eugénie, Leslie, Olfa, Matteo, Romain, Romain, Robin, Leopold, Antoine, Jeanne ; merci de m’avoir accordé de votre temps. J’ai réalisé cette thèse au sein du Laboratoire d’Économie de Dauphine. Je tiens donc à remercier tous les chercheurs qui le composent pour avoir participé à mon apprentissage, et pour tous les moments partagés ensemble. Lors de ma thèse, j’ai eu l’opportunité de pouvoir dispenser des enseignements à l’Université Paris-Dauphine. Cette expérience fut très formatrice et complémentaire de ma formation de doctorante. Merci à Stéphanie Monjon, Marie Bessec, Hélène Lenoble, Franck Bien et Sophie Méritet de m’avoir fait confiance pour leurs enseignements. Je remercie le groupe des doctorants pour l’ambiance chaleureuse qui a toujours régné dans le « sas » et dans le bureau P157. Chaque matin je me réjouis de vous retrouver pour partager des déjeuners, des cafés, aller au sport, à la piscine, piqueniquer au bois, fêter les anniversaires, faire des tours de cour... Merci pour votre présence tout au long de ces années! Vous êtes tous des chercheurs exceptionnels. Leslie, ma voisine de bureau depuis le départ, merci pour ta gentillesse et ton amitié. Clara, merci pour ces discussions sur l’écologie et de m’avoir introduite au CNIF. 5 Noémie, Quentin, Amine, Paul, Mathilde, Eleonore, Léopold : merci d’avoir été mon quotidien. J’ai adoré partager le bureau avec vous, ainsi que les à-côtés. Plus généralement, merci à tous les doctorants, les plus anciens comme les nouveaux. Je pense à Marine, Pierre, Marion, Yeganeh, Nina, Homero, Matteo, Etienne B., Etienne G., Christian, Alexis, Maroua, Sandra, Charlotte, Emy, Paul, Adèle, Morgan, Doriane, Julien, Yohan, Fatou, Aimée, Cécile, Adèle, Cédric, Laura, Jeanne, Arthur, Benoît ; et souhaite la bienvenue à tous ceux qui nous ont rejoint cette année. J’ai une pensée particulière pour Etienne. Je te dois énormément pour tout le soutien que tu m’as apporté tout au long de ces années
et
t’en serai toujours reconnaissante
. J’
ai
également une pensée
pour Romain G.,
Romain P. et Daniel. Daniel, merci pour tes encouragements depuis la première année, ta positivité et tes conseils avisés. Romain G, je garde de très bons souvenirs de notre voyage d’étude à Toulouse. Merci Romain P.
pour tes conseils de rédaction. Mes remerciements vont également aux membres du personnel administratif du département et de l’École Doctorale de PSL. En particulier, merci à Karène, Vanina et Cécile pour votre aide et votre bonne humeur. J’ai eu une reconnaissance particulière envers Matthieu Glachant qui m’a suivie tout au long de mes années de thèse et m’a accueillie avec Pierre Fleckinger à l’École des Mines, au CERNA. L’École des Mines est un endroit inspirant, dans lequel je me suis sentie toujours heureuse, et ai été très bien accueillie. Ce travail de thèse doit énormément à Pierre Fleckinger, qui a accepté de travailler avec moi sur mon premier travail théorique. Tu m’as beaucoup appris et je t’en remercie sincèrement. Merci pour ta bienveillance, ta patience et ta générosité. Je tiens à remercier les doctorants, post-doctorants, chercheurs et personnel du laboratoire d’économie des Mines qui m’ont fait un accueil chaleureux : Simon, Victor, Damien, Anne-Sophie, Connie, Rémi, Victor K, Victor L, Félix, Barbara, Sabrine, Denis, Sven. Pardon si j’en oublie. J’ai tout adoré, avec vous, dans cet endroit. Les déjeuners au parc, les buffets, les visites souterraines, les fléchettes, les apéros au jardin, les séminaires. En particulier, merci à toi Simon pour ton accueil et ton soutien. Tu es un chercheur formidable et j’ai été toujours été très impressionnée par tout ce que tu entreprends (Sea Plastics!). Nous avons formé une belle équipe à Grenoble avec Victor, Etienne et Laura. Merci à vous toutes et tous de m’avoir accueillie dans votre laboratoire, ce fut un plaisir de partager ces moments et ces réflexions avec vous. In addition, I shall warmly thank the Climate Policy’s department of the German Institute for Economic Research. Thank you, Karsten, Olga, Jan, Jörn, Puja, Ingmar, Nils, Carlotta ; for having me these few months, I have learned so much working by your sides
. Carlotta, thank you for the great Berlin experience. I am also particularly thankful to Katrin Sommerfeld, who introduced me to academia during my first research experience at ZEW. Thank you for your kindness, and for everything that you taught me. Je remercie également les chercheuses et chercheurs d’autres laboratoires, qui m’ont accordé de leur temps et dont j’admire beaucoup les travaux : Etienne Lorang, Helen Micheaux, Antoine Missemer, Quentin Couix et Nathalie Gontard. Etienne, merci d’avoir été mon acolyte de « thèse recyclage ». 6 J’ai une pensée pour tous les colocataires qui ont partagé ma vie ces dernières années. On dit que le nombre 13 porte chance : Naomi, Loÿs, Hugo, Anne, Leïla, Grégoire, Hélène, Coralie, Mathilde, Clément, Elsa, Élisa et Anna-Regina. Merci à toutes et tous pour ces moments à mes côtés. Je n’oublierai jamais cette « époque » de ma vie avec vous. Naomi, ma « première coloc », merci d’avoir ouvert le bal fabuleusement. Merci à toi Leïla pour ta joie piquante, ton ambition et ta motivation pour toutes les sorties culturelles, bien-être, sportives et festives. Merci Mathilde d’avoir été un exemple et une source d’inspiration. Être témoin de ta générosité, ta créativité et ton engagement m’a émerveillée et fait grandir. Merci Elsa et Elisa pour votre soutien et votre joie de vivre pendant les confinements et couvre-feux à répétition, de m’avoir fait sortir la tête de mon travail au moment où ça devenait le plus difficile. Merci à mes amies de toujours. Votre présence est mon trésor. Florence, je suis obligée de commencer par toi. Nous n’habitons plus l’une à côté de l’autre et pourtant, je le ressens comme si c’était toujours le cas. Je continue de grandir à tes côtés, et avec Marine. Marine, merci de me montrer ce que veut dire être soi-même. Chanelle, merci d’être une source d’inspiration et pour tout le soutien que tu m’apportes. Sabrina merci pour ton amitié toutes ces années. Hilda merci d’être toujours présente depuis si longtemps maintenant. Cassandra, merci d’être toujours à mes côtés. Merci à Marion F. pour ta joie de vivre, et ces moments avec toi dans le Sud, avec ta famille. Adélie, ta gentillesse a toujours été d’un grand réconfort. Vous êtes des amies extraordinaires et je me réjouis à l’avance de chaque moment passé avec vous. Merci à tous ceux qui contribuent à mon bonheur depuis de nombreuses années : Marion C., Willyse, Léa, Justine, Céline, Claire, Matthieu D., Alexis, Elisabeth, Noémie, Roxane, Juliette, Mathilde L., Paul, Zoé, Mathilde P., Jeanne, Barbara, Diane, Alice, Eugénie, Matthieu N., Olfa, Marine, Robin, Damien. Thank you Ege and Ava. Merci de m’accorder votre amitié. Vous savoir dans ma vie me rend très heureuse. Merci à tous les autres, tous ceux que j’ai pu oublier, qui ont fait partie de cette expérience de thèse, et de ma vie, je m’en excuse. Enfin, mes remerciements vont bien évidemment à ma famille. Merci à mes parents pour leur soutien et leur amour depuis toujours. J’ai énormément de chance de vous avoir. Merci à mes frères pour leur présence. Thibaut, merci pour ton soutien inconditionnel et pour ces exploits sportifs en Ardèche. Merci à mes cousins, cousines, oncles, tantes. Caroline, merci pour tous ces moments passés ensemble en Bretagne et dans le sud. Ce sont des souvenirs que je garderai toujours précieusement. Pour finir, j’ai une pensée émue pour mes grands-parents à qui je dédie cette thèse.
7 - Développer une
économie circulaire : politiques publiques et réponses des acteurs économiques.
Eugénie Joltre
au
10 Table des matières Introduction générale, résumé des articles & conclusion générale. 21 Abréviations utilisées............................. 23 1 Définir l’économie circulaire...................... 27 1.1 Une première définition de l’EC................ 27 1.2 La littérature thermoéconomique et le recyclage....... 34 1.2.1 Question économique : considérations d’ordre... 35 1.2.2 Question technique : le recyclage complet, au cours
d
’une seule période, est impossible......... 36 Le
cycl
age écologique et les en
jeux
environnement
aux
.... 39
1.3.1
Nature des matériaux et cycles biogé
ochimiques.. 39 1.3.2 Analyses de flux de matière et cyclage écologique. 40 1.3.3 Limites planétaires.................. 41 Révision du concept d
’économie circulaire.......... 42 Politiques publiques........................... 45 2.1 Cadrage théorique....................... 45 2.1.1 Externalités...................... 45 2.1.2 Allocation....................... 46 2.1.3 Cadre adopté dans la thèse............. 46 Politiques publiques et instruments étudiés dans les articles de thèse............................. 47 2.2.1 Obligations de recyclage............... 47 2.2.2 La Responsabilité Élargie des Producteurs (REP). 49 2.2.3 Autres mécanismes de financement et d’incitations financières pour le développement du recyclage.. 58............................ 59
Résumé du chapitre I........
.............. 60 1.3 1.4 2 2.2 3 Articles de thèse 3.1 11 TABLE DES MATIÈRES 4 I 3.2 Résumé du chapitre II..................... 67 3.3 Résumé du chapitre III..................... 70 Conclusion générale........................... 78 Implementing a Circular Economy with Producer Responsibility 87 Organizations 1 Introduction............................... 91 2 Context................................. 94 2.1 PROs legal form and objective function............ 94 2.2 Fee modulation......................... 95 The model................................ 96 3.1 Material flows and costs............
........ 96 3.2 Recycling rates, collection
costs
and treatment
cost
s..... 97 3.3 Externalities........................... 98 3.4 Total social cost......................... 98 Model with independent materials................... 99 4.1 Social optimum......................... 99 4.2 On the impossibility of achieving the first-best with a nonprofit PRO. 100 4.3 Monopoly PRO. 101 3 4 4.4 4.5 5 4.3.1 For-profit (or unlimited reserves). 101 4.3.2 Nonprofit with controlled reserves. 102 Governance in monopoly PROs. 103 4.4.1 For-profits. 103 4.4.2 Nonprofits (and limited reserves). 104 Competition. 106 4.5.1 Exclusive Competition : package pricing. 107 4.5.2 Non-exclusive Competition. 109 Uniform fees. 110 5.1 Constrained optimum. 110 5.2 Independent monopoly PRO. 111 5.2.1 For-profit PRO. 111 5.2.2 Nonprofit PRO. 112 12 Préambule 5.2.3 5.3 5.4 On the difficulty of balancing a budget with a uniform fee. 114 Producers’ governance in a monopoly PRO. 115 5.3.1 For-profits. 115 5.3.2 nonprofits. 115 Exclusive competition between PROs. 117 6 Interdependent use of materials. 117 7 Discussion. 119 8 Conclusion. 122 Appendix. 123 I.A Notations. 123 I.B General model. 123 I.C Firm program. 124 I.D Social Optimum. 124 I.E For-profit PRO. 126 I.F Nonprofit PRO. 127 I.G Competing PROs. 129 I.G.1 Exclusive competition. 129 I.G.2 Non-exclusive competition. 129 I.H PRO with a social responsibility. 130 I.I Firm program with a uniform fee. 130 I.J Constrained Optimum with a uniform fee. 131 I.K For-profit PRO program with a uniform fee I.L. 134 nonprofit PRO program with a uniform fee. 136 I.M Producer’s governance. 137 I.N Interdependent materials. 138 I.N.1 Social Optimum. 140 I.N.2 PRO program. 140 I.O Interdependent materials & a uniform fee. 143 I.O.1 Social optimum. 143 I.O.2 PRO’s program. 144 I.O.2.1 For-profit PRO. 144 I.O.2.2 nonprofit PRO. 145
13 TABLE DES MATIÈRES II Extended Producer Responsibility, Packaging Waste Reduction 149 and Eco-design
1 Introduction. 152 2 Literature and conceptual framework. 155 Data and context. 162 4 3.1 The variable of interest : EPR. 162 3.2 The dependent variable. 166 3.3 Set of controls. 168 Identification strategy. 172 4.1 5 Endogeneity. 174 Findings. 176 5.1 Baseline results. 176 5.2 IV results. 179 5.3 Robustness. 183 5.4 Concluding remarks. 185 6 Substitution between materials and eco-design. 185 7 Regressions by packaging material. 189 8 Policy implications. 191 Appendix. 194 II.A Implementation of EPR in the Europe of 28. 194 II.B Construction of the EP R variable. 196 II.C Construction of the greenvote variable. 197 II.D Construction of the material price variable. 200 II.E Simulations. 201 III Recycling in a Globalised Economy 207 1 Introduction. 210 2 Literature review. 214 3 Context and empirical analysis. 217 4 3.1 Context. 41 2
Restauration du signal-prix des coûts de la fin de vie aux producteurs 52 3 Répercussion des coûts avals par l’éco-organisme aux producteurs. 93 I.2 Household packaging fees (2019 e/t)................. 1 Définir l’économie circulaire................
1.1 Une première définition de l’EC.............. 1.2 La littérature thermoéconomique et le recyclage..... 1.3 Le cyclage écologique et les enjeux environnementaux. 1.4 Révision du concept d’économie circulaire........ 2
Politiques
publiques.....
................
2.1 Cadrage théorique..................... 2.2 Politiques publiques et instruments étudiés dans les articles de thèse........................ 3 Articles de thèse....................... 3.1 Résumé du chapitre I................... 3.2 Résumé du chapitre II................... 3.3 Résumé du chapitre III..................
4 Conclusion générale............
......... 22. 23 27 27 34
39 42 45 45.
47 59. 60. 67. 70 78
INTRODUCTION, RÉSUMÉ & CONCLUSION espace Abréviations utilisées
• ACV : analyse de cycle de vie • ADEME : agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, désormais rebaptisée agence de la transition écologique • DEEE : déchets d’équipements électriques et électroniques • EC : économie circulaire • ERC : éviter-réduire-compenser • G-R : Georgescu-Roegen (Nicholas) • HMGD : hiérarchie des méthodes de gestion des déchets • OCDE : organisation de coopération et de développement économiques • ONG : organisation non gouvernementale • R&D : recherche et développement • REP : responsabilité élargie des producteurs • UE : Union Européenne • VHU : véhicules hors d’usage
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*** Les déchets sont devenus le symbole d’une consommation effrénée et d’un système économique incompatible avec les enjeux environnementaux actuels et futurs. La Banque Mondiale estime à 3,4 milliards de tonnes la quantité de déchets municipaux qui devrait être produite dans le monde d’ici à 2050. 1 Jambeck et al. (2015) évaluent qu’entre 4,8 et 12,7 millions de tonnes métriques de déchets plastiques ont été déversées dans l’océan en 2010. Dans le cas des plastiques, la notion de déchet laisse de plus en plus la place à celle de pollution. Les déchets plastiques se fragmentent en particules microscopiques et nanoscopiques, et ainsi, ne laissent plus entendre la possibilité d’une valorisation économique ou simplement, d’une récupération prochaine. 2 Face à l’épuisement des ressources et les quantités grandissantes de déchets, la «solution» avancée par des experts de l’industrie, des académiques et des ONG a été de plaider pour la transition vers une économie dite «circulaire» (Kirchherr et al., 2017; Geissdoerfer et al., 2017). Ce concept doit ensuite être traduit dans des politiques publiques et des modèles d’affaires soutenables. Dans cette thèse, nous allons explorer le concept d’économie circulaire (EC) et analyser des politiques publiques qui visent à opérer une transition vers une EC. Définir le concept d’EC est un exercice complexe, car sa définition est vaste et toujours débattue (Lonca et al., 2018; Merli et al., 2018; Homrich et al., 2018). Néanmoins, une affirmation semble faire consensus : l’EC s’inscrit en opposition à une économie dite linéaire, c’est-à-dire, qui suivrait la logique extraction-productionconsommation-rebut (Monsaingeon, 2017; Merli et al., 2018). Dans cette logique, les déchets créent de nouvelles ressources, selon le concept «du berceau au berceau» de McDonought et Braungart 2011, où, dans cette phore, la renaissance (le recyclage) remplace la mort (le déchet). Dans la Section 1, nous examinons le concept d’EC et en particulier, son interprétation par les décideurs politiques et les acteurs économiques. Ceci nous permet de mieux comprendre les politiques d’EC mises en place en Europe. L’EC incarne un changement de paradigme économique, dont l’attention porte sur la notion de déchet. En particulier, le triptyque «réduire, réutiliser, recycler» est vu comme un moyen de mettre en place l’EC. Pour autant, l’EC ne semble pas donner une priorité à la réduction des déchets. L’EC vise à économiser les ressources, soit de façon absolue, soit relativement à la valeur économique créée ; et à décroître les pollutions, liées au rebut des déchets et aux activités présumées évitées par l’EC (par exemple, l’extraction). Aujourd’hui, l’ambition 3 de l’EC, telle que décrite par la Fondation Ellen MacArthur, devient plus exhaustive ; abordant plus largement les aspects environnementaux tout au long du cycle de vie des produits. L’attention 1. Article en ligne de la Banque Mondiale "Trends in Solid Waste Management" consulté le 14/10/2021. 2. Le Président de la République française, Emmanuel Macron, a déclaré lors de sa visite à Marseille en septembre 2021 «Face à la pollution plastique en mer, la solution n’est pas le ramassage en mer, c’est déjà trop tard». Article du 03/09/2021, La Provence 3. Ou plutôt, l’EC en tant qu’ambition. 24
INTRODUCTION, RÉSUMÉ & CONCLUSION
de l’EC se détourne légèrement des déchets et porte davantage sur la conception des produits et des systèmes de produits, qui doit «éliminer» la notion de déchet et de pollution à la source. 4 La multiplicité des définitions, faisant naître un débat sur ce que devrait représenter l’EC au vu d’objectifs de sauvegarde des ressources et de l’environnement, nous amène à caractériser l’EC comme une ambition ; en opposition à un moyen clairement défini répondant à un objectif précis. Ceci nous amène par la suite à réfléchir à la pertinence du concept d’EC. Nous nous interrogeons si le recyclage est capable de garantir une pérennisation de l’approvisionnement en matériaux pour l’économie d’une part. D’autre part, nous nous demandons comment l’EC se positionne par rapport à une circularité définie à un niveau plus large (celle de la nature), et dans quelle mesure elle pourrait effectivement répondre aux enjeux environnementaux contemporains. Dans ce but, nous commençons par analyser la littérature «thermoéconomique». 5 Cette littérature questionne la possibilité physique d’une économie qui pourrait fonctionner uniquement grâce au recyclage (sans extraction). Elle nous rappelle que toute la matière que nous valorisons économiquement est constamment au contact de l’air, du vent, de l’eau, des organismes vivants... qui emportent avec eux une fraction de la matière utilisée dans l’économie. En outre, les processus de recyclage ne peuvent jamais être totalement efficaces, c’est-à-dire qu’il n’est jamais possible de recycler 100% d’une certaine quantité de matière au cours d’une même période. Ces pertes pourront être minimisées, par exemple, en développant l’efficacité du recyclage, sans jamais disparaître. 6 En parallèle, cette littérature nous permet de définir un cadre conceptuel décrivant d’importants enjeux économiques de la fin de vie des produits. Les déchets se distinguent des ressources naturelles par une différence dans la dispersion de la matière qui les compose. La dispersion est spatiale, chimique et informationnelle ; et peut limiter économiquement et techniquement les possibilités de valorisation (ex : gisements trop dispersés, matériaux trop mélangés, méconnaissance de la composition du déchet). Dans un deuxième temps, nous observons qu’au cours du temps, les sociétés industrielles ont développé un recyclage industriel, tout en se désinscrivant des cycles naturels, c’est-à-dire qu’elles ont diminué leur taux de cyclage écologique. 7 En particulier, les sociétés industrielles ont perturbé les cycles naturels du carbone, de l’azote, et du phosphore. Pour être à la hauteur des enjeux environnementaux, l’EC devra considérer une circularité plus large que le seul recyclage industriel. Ceci ne sera possible qu’en respectant un certain nombre de limites au niveau des 4. Le premier principe de l’EC pour la Fondation Ellen Macthur est design out waste and pollution. Elle regarde les déchets et la pollution comme les conséquences des choix de conception des produits. 5. La littérature cherchant à appliquer les principes thermodynamiques à l’économie. 6. Un jour peut-être, l’économie pourra compenser cette perte de matière en allant «miner» les déchets et leurs particules, dans les lieux où ils se seront dispersés. Nous précisons ces résultats dans la section 1.2. 7. Le taux de cyclage écologique est l’intégration dans les cycles naturels. Par exemple, Haas et al. (2020) désigne le cycle écologique comme le flux de biomasse renouvelable utilisé par la société, et les flux sortants qui en résultent dans l’environnement et qui réintègrent les cycles biogéochimiques. 25 prélèvements et des rejets de matière issus de l’économie. L’EC représente un concept intéressant pour baisser l’utilisation des ressources en minimisant les pertes économiques, mais elle devra accorder une priorité à la réduction des déchets, et plus largement de l’empreinte matérielle (la quantité totale de matières premières extraites pour satisfaire les demandes de consommation finale ; Nations unies, 2019). Elle devra également considérer l’intensité de pollution des matériaux utilisés. Les politiques d’EC prennent de plus en plus d’importance dans l’agenda des décideurs publics. En particulier, la Commission européenne a développé le Circular Economy Package en 2015, et le Circular Economy Action Plan a été adopté en 2020 comme partie intégrante du Green Deal européen. En Chine, une politique d’économie circulaire a également vu le jour avec le Chinese Circular Economy Promotion Law en 2009 (World Bank, 2008; Geissdoerfer et al., 2017). Dans cette thèse, le cadre de référence en termes de politiques est l’Union Européenne (UE). Les deux instruments de politique publique qui font l’objet d’une analyse approfondie dans les articles de thèse sont la Responsabilité Elargie des Producteurs (REP) et les objectifs de recyclage. Leur apparition remonte au début des années 1990, mais ils étaient plus récemment au cœur du Circular Economy Package (Hughes, 2017). Dans la section 2, nous présentons en premier lieu les notions économiques utilisées pour justifier l’intervention publique, en particulier, la notion d’externalité qui sera utilisée dans le chapitre I. Par la suite, nous décrivons les instruments étudiés pendant la thèse : les obligations de recyclage et la Responsabilité Élargie des Producteurs (REP). L’instrument règlementaire étudié est le taux de recyclage. Il règlemente la part des déchets générés sur le territoire national devant être recyclée. Dans le chapitre III, nous prenons en compte le fait qu’il n’oblige pas à un recyclage local, c’est-à-dire que les exportations de déchets destinées au recyclage permettent de satisfaire cet objectif règlementaire. La REP fait supporter (partiellement ou totalement) aux producteurs les coûts économiques de la fin de vie de leurs produits. Cette responsabilité est guidée par un objectif de traitement, comme un taux de recyclage. Cette combinaison devrait permettre de produire des incitations à l’écoconception des produits en vue de la fin de vie. Par exemple, si les producteurs supportent les coûts de recyclage de leurs produits, il est attendu qu’ils conçoivent des produits plus recyclables et générant moins de déchets, afin de baisser ces coûts. La REP représente un instrument clef de l’EC, et pourrait permettre d’aborder de nombreux aspects environnementaux concernant la conception des produits. Dans la section 3, nous présentons les résultats des différents articles de thèse. Le premier article analyse l’efficacité économique de la REP lorsqu’elle est organisée autour d’un éco-organisme, une organisation qui prélève des contributions financières aux producteurs soumis à la REP pour financer le recyclage de leurs produits. Ici, nous cherchons à comprendre sous quel ensemble de règles, l’écoorganisme va répercuter les coûts effectifs du recyclage aux producteurs, c’est-à-dire sans distorsion. Le deuxième article étudie si le tarif au poids de la REP emballages différencié par matériau implémenté dans les années 1998-2015 dans 25 pays européens a conduit à une réduction des déchets d’emballages ou une substitution entre 26 INTRODUCTION, RÉSUMÉ & CONCLUSION matériaux d’emballages. Enfin, le troisième chapitre s’interroge sur les déterminants théoriques de l’existence d’un marché international des déchets recyclables et de son interaction avec la politique de recyclage nationale du pays exportateur de déchets. La section 4 présente la conclusion générale de cette thèse.
1 Définir l’économie circulaire 1.1 Une première définition de l’EC
Dans cette partie, nous souhaitons proposer une définition qui correspond à celle sur laquelle s’est basé l’établissement des politiques publiques évaluées dans cette thèse. La notion de déchet constitue l’objet d’attention principal de cette première définition (Merli et al., 2018).
Encadré 1 : Qu’est-ce qu’un déchet?
La Directive cadre sur les déchets de 2008 donne la définition légale du déchet : «toute substance ou tout objet dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention ou l’obligation de se défaire» (Art. 3). L’absence de propriétaire implique un problème de stockage, d’allocation du coût et de l’éventuelle opportunité de ce reste. Nous différencions la notion de déchet d’une ressource et d’ une pollution. Le déchet est issu d’une ressource, mais contrairement à elle, il présente une forme de nuisance a, de dégradation, due à une utilisation humaine. Le déchet ne se trouve pas dans son environnement ou sa forme «naturel». En outre, le déchet se différencie d’une pollution, car il représente une forme matérielle dont on attend une possible réutilisation (coût d’opportunité) ou de récupération/déplacement pouvant diminuer la nuisance. Ainsi, la notion de déchet semble uniquement associée à la fraction solide b de la matière restante après utilisation et ceci lorsqu’elle est accompagnée de nuisances (encombrement, toxicité). Nous définissons le déchet comme une matière résultante d’une utilisation humaine contenant un objet de nuisance, qui appelle à une intervention dont le but est de réduire cette nuisance, et la considération qu’on aurait pu/pourra en valoriser au moins une fraction et/ou utiliser cette matière à une autre fin. La définition économique que nous développons est la suivante : une matière résultant d’un processus de production ou de consommation, présentant une externalité négative et pouvant être ré-allouée, tout ou partiellement, comme intrant productif pour un coût économique et environnemental défini ou indéfini. Par «indéfini», nous entendons, notamment, inconnu. c D’un point de vue économique, la pollution a forcément un «prix» négatif (coûts de dépollution) alors que le prix d’un déchet peut être positif, négatif ou nul ; en fonction de sa composition, des conditions de marché, des politiques 27
1. DÉFINIR L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE publiques et de la technologie disponible. Ce résultat est explicité dans le modèle du chapitre III (dans la lignée de Baumgärtner, 2004). a. Pour certains auteurs, cette nuisance peut simplement
être d’ordre psychologique (Harpet, 1997; Cavé, 2015). Le déchet touche donc aussi à nos représentations. b. Cette perception pourrait évoluer avec le développement des technologies de retrait du carbone dans l’atmosphère. En outre, les liquides sont parfois catégorisés comme déchets, comme dans la nomenclature n¶ 849/2010 déchets de l’UE. Cependant, la Directive cadre sur les déchets de 2008 exclut explicitement les gaz et les liquides. c. Cette définition considère aussi que le déchet puisse être utilisé comme intrant productif pour une activité de réparation ou de vente. Le caractère indéfini du coût suggère une volonté ou la considération qu’on aurait pu valoriser économiquement cette matière, sans que cette possibilité soit démontrée. Dans l’encadré 1, nous avons donné la définition d’un déchet, qui représente un objet de nuisance (certain) et une opportunité de valorisation, possible, potentielle ou désirée. Cette possibilité sera définie par le marché 8, les politiques publiques et la technologie disponible ; sous le label "économie circulaire". L’EC est caractérisée par deux objectifs, répondant aux deux menaces matérialisées par le déchet : une pénurie des ressources (le déchet comme coût d’opportunité, gaspillage) et une pollution de l’environnement (le déchet comme risque environnemental). Ces menaces trouvent un écho scientifique dans le Rapport Meadows et al. (1972). Les auteurs mettent en garde que la poursuite de la croissance pourrait causer l’épuisement des ressources naturelles et l’accumulation trop importante de pollutions. La conséquence pour la société pourrait être un effondrement, écologique, social et économique (Meadows et al., 1972). En 1966, Kenneth E. Boulding évoquait déjà ces deux menaces. Il propose une description de la Terre comme un «vaisseau spatial», dont les réservoirs de ressources et de pollution sont limités. « La Terre est devenue un vaisseau spatial unique, sans réservoir illimité de quoi que ce soit, que ce soit pour l’extraction ou la pollution, et dans lequel, par conséquent, l’Homme doit trouver sa place dans un système écologique cyclique qui est capable d’une reproduction continue de la forme matérielle même s’il ne peut échapper à des apports d’énergie». (traduit de l’anglais ; p. 4) Premièrement, Boulding (1966) nous rappelle l’existence d’une cyclicité naturelle dans laquelle nous devons nous inscrire. Deuxièmement, si la société économique veut elle aussi être capable d’une reproduction matérielle, en utilisant le déchet comme une ressource, elle ne pourra échapper à des apports énergétiques. Quelques décennies plus tard, le concept d’EC est popularisé par McDonought et Braungart 2011 à travers leur ouvrage «du berceau au berceau», où l’EC, en s’attaquant au problème de pollution lié au déchet par la valorisation, permettrait également de réduire la pression sur les ressources. La Fondation Ellen MacAthur a 8. Les conditions de marchés seront influencées par le rapport social et culturel au déchet, notamment lorsque celui-ci désigne un produit encore en état de fonctionnement ou pouvant être réparé.
28 INTRODUCTION, RÉSUMÉ & CONCLUSION
également grandement participé à la diffusion du concept auprès des entreprises et des politiques, et promeut qu’un schéma circulaire rendrait possible une poursuite de la croissance sans utiliser davantage de ressources (MacArthur, 2015a). Aujourd’hui, c’est la Fondation MacArhur qui donne le la sur ce que devrait représenter l’EC (Kirchherr et al., 2017). En ce qui concerne les cycles biologiques naturels, pour McDonought et Braungart (2011) et la Fondation Ellen MacArthur (2015b), il convient de distinguer une sphère biologique, où les matériaux biodégradables nourrissent les cycles biologiques (et se régénèrent) et une sphère technique, où les matériaux techniques (non renouvelables) sont restreints à la sphère économique et au recyclage industriel pour ne pas contaminer les milieux naturels et ne pas puiser dans le stock de ressources non renouvelables.
Encadré 2 : Ressources renouvelables versus non renouvelables
Une ressource est considérée comme finie ou non renouvelable lorsque son renouvellement n’est pas compatible avec notre horizon temporel (par exemple, la concentration des métaux dans les mines). Les ressources dites renouvelables sont issues de la biomasse. Elles pourraient être considérées comme non renouvelables si le rythme d’exploitation et la pollution deviennent tels qu’ils empêchent le renouvellement de la biomasse. D’autre part, les problématiques d’EC doivent prendre en compte les aspects énergétiques. Nous avons besoin de matériaux pour capter, stocker et diffuser l’énergie nécessaire aux systèmes de production-consommation, ainsi qu’au système de re-bouclage 9 des matériaux. Ainsi, l’économie circulaire doit pouvoir être économe en matériaux, car le réservoir est limité et en outre, elle aura besoin de matériaux supplémentaires pour l’énergie qui fera re-circuler les produits et les matériaux. MacArthur (2015b) préconise de privilégier les «boucles les plus petites» (celles utilisant le moins d’énergie). Par exemple, la réparation (la petite boucle) permet de conserver plus d’énergie et de travail (de valeur) contenus dans le produit que le recyclage (la grande boucle). Avant l’émergence de l’EC comme paradigme économique, l’Europe prônait déjà en 1975 les fameux principes -réduire, réutiliser, recyclerdans sa politique de gestion des déchets (Directive 75/442/EEC). Mais il faut attendre la Directive cadre sur les déchets de 2008 pour qu’ils soient listés selon un ordre de priorité, qui définit la hiérarchie des méthodes de gestion des déchets. 9. Les systèmes de collecte, de recyclage ou de réparation. 29
1. DÉFINIR L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE Hiérarchie des Méthodes de Gestion des Déchets (HMGD) 1. Prévention 2. Préparation en vue du réemploi 3. Recyclage 4. Autre valorisation, notamment valorisation énergétique 5. Élimination
Notons que sans établir la HMGD, la Directive de 1994 relative aux déchets d’emballages instituait la prévention comme priorité pour la gestion des déchets. Dans les textes européens, la prévention désigne à la fois, la réduction de la quantité de déchets 10 et la réduction de l’intensité de pollution (la teneur en substances nocives du déchet). Pour une intensité de pollution et une efficacité énergétique données, l’application de la HMGD permet d’économiser l’énergie, les matériaux, et les dommages associés à l’utilisation de ces matériaux et de cette énergie. Nous la considérons donc comme une politique d’économie des ressources et des dommages environnementaux. En tant que politique d’économie des dommages, la HMGD fait écho à celle utilisée dans les études d’impact sur la biodiversité. La hiérarchie de la «compensationmitigation » vise à limiter les dommages des activités économiques sur la biodiversité et les écosystèmes. Elle est traduite par un ordre de priorité : Éviter-RéduireCompenser (la séquence ERC ; Bigard, 2018; Bigard et al., 2020). La séquence ERC a été introduite dans le droit européen en 1985 pour l’évaluation des incidences sur l’environnement des projets (Directive 85/337/CEE), puis en 2001, comme une nécessité d’application pour les politiques, plans et programmes susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement (Directive 2001/42/CE). Aujourd’hui le concept d’EC et la HMGD semblent très proches. Kirchherr et al. (2017) ont analysé 114 définitions de l’économie circulaire issues de la littérature académique et de rapports (politiques, praticiens). Malgré une prolifération des définitions, ils montrent que l’EC est le plus souvent décrite comme une combinaison d’activités de réduction, de réutilisation et de recyclage des déchets. Le Parlement européen adopte la définition suivante «L’économie circulaire est un modèle de production et de consommation qui consiste à partager, réutiliser, réparer, rénover et recycler les produits et les matériaux existants le plus longtemps possible afin qu’ils conservent leur valeur. De cette façon, le cycle de vie des produits est étendu afin de réduire l’utilisation de matières premières et la production de déchets». 11 Le Parlement précise que les ressources peuvent être utilisées 10. Ceci inclut l’option de réemploi avant que les produits ne deviennent des déchets. Le point n¶ 2 de la HMGD se réfère à des déchets qui doivent être préalablement préparés (par exemple, netto és) en vue d’un réemploi. 11. Article «Économie circulaire: définition, importance et bénéfices», site du Parlement consulté le 18/09/2021. 30
INTRODUCTION, RÉSUMÉ & CONCLUSION
«encore et encore pour recréer de la valeur». L’EC représente donc une stratégie de productivité des ressources (moins de ressources sont utilisées relativement à la valeur créée). Le Circular Economy Action Plan de l’UE vise un modèle de croissance «régénérateur» –reprenant la terminologie de MacArthur– qui permettrait de limiter l’empreinte matérielle de la consommation globale à un niveau 12 toléré par l’environnement (Communication 2020/18). Le Ministère (français) de la Transition Écologique adopte une définition proche de celle du Parlement européen, et ajoute que l’EC doit permettre de limiter la consommation des ressources. 13 La loi sur la promotion circulaire de la République populaire de Chine, présente l’EC comme un terme générique pour les activités de réduction, réutilisation et recyclage (World Bank, 2008). Homrich et al. (2018) montrent que les définitions utilisées pour l’EC incluent également d’autres concepts tels que, la symbiose (ou l’écologie) industrielle (où les rejets de certaines industries sont les intrants d’autres industries) et le développement de modèles d’affaires soutenables (par exemple, promouvoir un service plutôt que de vendre un produit). C’est par exemple le cas de l’Agence (française) de la Transition Ecologique (ADEME) qui définit plusieurs piliers pour l’EC : extraction durable, écologie industrielle et territoriale, économie de la fonctionnalité, réemploi, réutilisation, recyclage. Ces piliers s’apparentent à la HMGD, c’est-à-dire qu’ils reprennent une stratégie d’économie des ressources et des dommages. Seulement, ils en précisent certaines modalités (par exemple, l’économie de la fonctionnalité et du partage peut être rangée dans la case prévention et réemploi). Notons l’ADEME s’écarte de la notion de déchet en ajoutant une condition sur l’extraction (qui doit être «durable») des ressources vierges. Existe-t-il une différence entre l’EC et la HMGD? D’après les différentes définitions de l’EC, la HMGD semble appartenir à l’EC, excepté que l’EC précise beaucoup moins souvent un ordre de priorité et inclut moins fréquemment la prévention dans ses définitions (Merli et al., 2018 ; surtout chez les praticiens dans Kirchherr et al., 2017). En outre, la HMGD représente historiquement une politique de gestion des déchets, tandis que l’EC est une ambition de transformation du modèle économique. Néanmoins, la terminologie adoptée par le cadre législatif utilise de plus en plus le concept d’EC lorsqu’elle définit ses politiques de gestion des déchets. Par exemple, la Commission européenne a défini un Circular Economy Action Plan et le gouvernement français, une Loi Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire (CEAP, 2021 ; loi AGEC, 2020). Malgré un point d’ancrage autour des déchets, les pollutions générées par l’économie ne se limitent pas à celles liées à ce qu’on considère comme déchet. Les acteurs de la société en ont conscience, et cela complique grandement l’exercice d’une défi12. Les limites planétaires que nous explicitons dans la section 1.3 13. La définition adoptée est la suivante : «L’économie circulaire consiste à produire des biens et des services de manière durable en limitant la consommation et le gaspillage des ressources et la production des déchets.» Nous interprétons qu’ici, l’économie des ressources ne se fait pas seulement relativement à la valeur créée (productivité des ressources), mais de manière absolue. Source : https://www.ecologie.gouv.fr/leconomie-circulaire, consulté le mercredi 4 novembre 2020.
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recourir à des techniques numériques permettant de prendre en compte ces fluctuations ou bruits quantiques aussi que le caractère multimode de notre système. En effet, avec ce modèle théorique du champ moyen, on assume que les perturbations sont très petites devant ce champ moyen. Ce qui dans le régime d'oscillation paramétrique n'est plus vrai, car la population est macroscopique dans les états oscillants 1 et 4. C'est donc la principale limitation de ce modèle. La technique numérique utilisée quant à elle, a pour avantage de ne pas nous limiter aux approximations précédentes.
D Résultats numériques et comparaisons avec l'expérience
Les résultats présentés dans cette partie ont été exposés dans un article publié en 2010 [26] dans lequel l'oscillation paramétrique a été démontré dans les micropiliers. Les expériences ont été réalisées au Laboratoire de Photonique et Nanostructures (LPN) du CNRS à Marcoussis, en France par l'équipe dirigée par Jacqueline Bloch. Le propos de cet article était de confronter les résultats expérimentaux à des simulations numériques de type Monte Carlo quantique. Ce sont ces dernières qui vont nous intéresser tout particulièrement. Nous allons dans un premier temps expliquer succinctement en quoi consiste une simulation Monte Carlo, pour ensuite nous intéresser à la caractérisation du système ou comment, depuis les données expérimentales, nous remontons D. Résultats numériques et comparaisons avec l'expérience 52 jusqu'aux paramètres de nos simulations (partie D.1). Nous regarderons et commenterons ensuite les résultats obtenus, bien évidemment en regard de ceux obtenus par les expériences (partie D.2). Nous finirons cette partie ainsi que ce chapitre (partie D.3) par une discussion sur le caractère multimode de notre système et sur les effets que cela a sur le calcul des corrélations. D.1 Présentation des simulations Monte Carlo quantiques
Avant de parler des résultats obtenus, il nous faut présenter en quoi consiste une simulation Monte Carlo quantique et plus précisément en quoi consistent nos simulations. Pour étudier l'oscillation paramétrique dans notre système de façon complète et son évolution, nous cherchons les solutions numériques des équations stochastiques de la représentation de Wigner des champs bosoniques du photon et de l'exciton. Avec cette technique, nous sondons la dynamique du système, en prenant en compte son caractère multimode, indispensable à la compréhension des phénomènes en jeu dans une telle configuration. Dans le modèle théorique présenté précédemment, seuls quatre modes sont pris en compte. Ici tous les modes possibles le sont. Le caractère multimode en optique quantique est loin d'être anecdotique, produisant des effets très importants [27]. Cet algorithme Monte Carlo nous donne aussi accès aux fluctuations autour du champ moyen, quelques soient leurs intensités. Pour une description de l'algorithme utilisé dans ce travail et des équations associées, ainsi qu'une définition de ce qu'est un algorithme Monte Carlo quantique, je renvoie le lecteur à l'annexe A. Disons seulement que l'algorithme originellement développé par I. Carusotto et C. Ciuti en 2005 [28] est basé sur les excitons et les photons de cavité et non sur les polaritons. Le code correspondant a été initialement écrit pour simuler des cavités planaires [12, 28]. Pour passer à une géométrie 0D, il suffit d'implémenter le profil du potentiel de la cavité VC (x) comme indiqué équation (2.6). Le potentiel extra-pilier ne pouvant être infini, il a été choisi une énergie de 500 meV qui au vu de la fenêtre d'énergie dans laquelle nous travaillons ( dizaine de meV), est très grande. Dés à présent, voyons quels en sont les autres paramètres pertinents et comment ils ont été déterminés.
Paramètres du Monte Carlo
Le paramètrage des simulations Monte Carlo est réalisé à partir des données expérimentales obtenues au LPN. Le spectre de luminescence réalisé par excitation non résonnante est représenté en rouge sur la figure 2.11. À partir de l'énergie des différents pics, on peut remonter jusqu'aux paramètres qui vont nous intéresser. Après extrapolation linéaire (sans prendre en compte l'interaction polariton-polariton) on obtient la courbe en pointillés noirs. Si on simule avec ces mêmes paramètres, c'est la courbe bleue que l'on obtient. Cette dernière n'est pas obtenue avec une simulation d'excitation non résonante (cela n'est pas réalisable avec notre programme car il ne prend pas l'interaction exciton-phonon en compte) mais avec une simulation d'un pulse localisé spatialement et temporellement (δt = 0.05 ps et δx = 0.05 μm). La composante temporelle du pulse nous permet d'exciter toutes les énergies relevantes de notre système et la composante spatiale, tous les moments. Plusieurs remarques peuvent être faites.
' E1 E2 E3 E '!'!! :;<;5!'!(! !)! $ #%!"#&!" !$'' +,-./0- !$'!!$
'( Figure 2.11 – Spectre de luminescence non-résonante d'un pilier de 3×3.2 μm. En rouge les résultats expérimentaux, en bleu le spectre d'absorption obtenu numériquement et en pointillés noirs le calcul analytique (régime linéaire) avec les mêmes paramètres que ceux du Monte Carlo. La courbe bleue est obtenue à l'aide d'une excitation gaussienne temporellement et spatialement localisée (δt = 0.05 ps et δx = 0.05 μm) à une énergie quasi-résonnante (∆p = 0 = 1605.6 meV ; ~ω (0) = Ep − (E2 + E3 )/2 = 1.5 meV). Les autres paramètres sont ~ωX C 1601.7 meV, γC = γX /2 = 0.1 meV, kz = 27 μm−1, ΩR = 7.5 meV et g = 0.01 meV. Ce sont les mêmes paramètres que pour la figure 2.8. D.
Tout d'abord, on remarque sur la courbe expérimentale de la figure 2.11 que le second pic est dédoublé. Cela vient de la levée de la dégénérescence des niveaux (2) et (3) qui est dû au fait que le pilier n'est pas exactement carré. Cette asymétrie donne ce léger espacement de leur énergie. À partir de cet espacement, on remonte facilement à la taille du plot qui est approximativement de 3 × 3.2 μm. L'énergie des excitons est quant à elle évaluée à 1605.6 meV et pour les photons de cavité planaire équivalente à k = 0 μm−1 à 1601.7 meV. La largeur de raie des excitons elle est prise égale à 0.2 meV pour les excitons et 0.1 meV pour la cavité. Pour les autres paramètres on a kz = 27 μm−1, ΩR = 7.5 meV et g = 0.01 meV. Ces paramètres sont obtenus par les expérimentateurs. Sachant que ni (x) = hΨ̂†i (x)Ψ̂i (x)i = φ2i (x)hâ†i âi i, on en déduit que seul φ2i (x) nous intéresse. Pour passer dans l'espace réciproque, une de Fourier nous donne R transformée p la distribution à attendre :
|F(φi (x), k)|2 = | dxφi (x)eikx |2 / Lx Ly. Car ni (k) = D.
Résultats numériques
et comparaisons avec
l
'expérience 55 hF(Ψ̂†i (x), k)F(Ψ̂i (x), k)i = |F(φi (x), k)|2 hâ†i âi i.
Analytiquement on trouve :
F(φi (x), k) = Avec : αi (ku ) = βi (ku ) = −1 αj (kx ) + βj (kx ) αj (ky ) + βj (ky ) 2Lx Ly iLu (−1)ni,u +1 eiku Lu − 1 π (ni,u + 1) + ku Li iLu (−1)ni,u +1 eiku Lu − 1 π (ni,u + 1) − ku Lu (2.20) si ku = − Lπu (ni,u + 1) sinon si ku = − Lπu (ni,u + 1) sinon On
voit
donc bien
sur la
figure 2.12
la
correspondance entre thé
orie
,
simulations et résultats expérimentaux. Cela nous conforte d'autant plus, à la fois sur la validité de notre modèle et sur celle de nos simulations. Avant de se focaliser sur l'oscillation paramétrique, il nous reste une subtilité quant à l'excitation, à préciser.
Subtilité de l'excitation
Pour le moment, nous n'avons pas particulièrement focalisé notre attention sur l'excitation du système. L'effet dont nous allons parler n'est pas facile à distinguer expérimentalement, mais il est important à signaler car numériquement il a beaucoup d'importance et aide à la compréhension de la physique liée à notre système. Comme nous l'avons dit, pour obtenir l'oscillation paramétrique de notre système il nous faut l'exciter à résonance avec les niveaux (2) et (3). Précédemment nous avons dit qu'une faible levée de dégénérescence avait lieu dans le système étudié. Cette dernière n'aura que très peu d'influence sur la dynamique de notre système étant donné qu'elle est du même ordre que la largeur en énergie de nos modes. Par contre, la position de la pompe sur le pilier va être déterminante comme le montre la figure 2.13. On peut noter que lorsque la pompe est parfaitement centrée sur le pilier et à résonance avec les mode (2) et (3), la population dans ces modes est nulle (figure 2.13.a). L'origine de ce phénomène est à chercher dans la distribution spatiale des modes de pompe et dans l'intégrale de recouvrement entre la pompe et ces modes (2) et (3) : Fi (t) explicitée dans la partie B.2. Pour une onde plane, quelque soit son énergie, on aura toujours Fi (t) = 0 pour i 6= 1. Pour le cas d'un spot gaussien, cela dépendra de sa position. S'il est centré sur la cavité, on aura comme pour l'onde plane Fi (t) = 0 pour i 6= 1. Cela explique pourquoi, sur la figure 2.13.a, seul le mode (1) présente une population. À l'heure d'avoir un pompage symétrique horizontalement avec le plot, le mode (3) et le mode (1) sont les seuls à avoir un recouvrement non nul. Comme nous venons de le dire, la population dans le mode (2), qui apparaît sur la figure 2.13.b, vient de l'important couplage qu'il existe entre les modes (2) et (3). Et enfin, lorsque la pompe n'a pas de symétries communes avec le plot alors tous les modes ont un recouvrement non nul et on peut alors injecter une population dans le ou les modes souhaités comme dans la figure 2.13.c où les populations des modes de pompe sont équivalentes et où on voit l'apparition de l'oscillation paramétrique des modes (2) et (3) aux modes (1) et (4). Comme cela a été dit, cela a peu d'application en pratique car la focalisation sur les piliers est réalisée à l'aide d'un objectif de microscope et le spot a peu de chance d'être une gaussienne parfaitement symétrique. Cependant, cela explique pourquoi l'injection des polaritons dans les modes de pompe n'est pas si évidente. Des petits déplacements D. Résultats numériques et comparaisons avec l'expérience 57 ou asymétries peuvent donner lieu à de grands changements dans l'injection Dans ce qui suit, nous allons nous intéresser à l'oscillation paramétrique. Pour les simulations qui suivent, grand soin a été apporté à ne pas avoir une pompe présentant des symétries relatives à celles du pilier, afin d'avoir une population dans les modes (2) et (3) suffisante et homogène. D.2 Oscillation paramétrique : numériques vs. expériences
Focalisons notre attention sur l'oscillation paramétrique et sur ses caractéristiques. Pour ce faire, nous allons dans un premier temps, nous intéresser aux spectres du pilier en excitation résonnante et à ses variations en fonction de la puissance d'excitation, pour ensuite comparer les puissances du signal et du complémentaire.
Spectres de l'OPO (a) Int e no nsi rm té ali de sé po e( m a.u pe.) Pompe (b) Pompe Energie (meV) Energie (meV) Figure 2.14 – Spectre en excitation résonnante du plot au niveau des modes (2) et (3) en fonction de l'intensité de pompe normalisée à la puissance seuil (P th). Résultats des simulations Monte Carlo en (a) et de l'expérience en (b). Les paramètres des simulations sont les mêmes que pour la figure 2.11 à l'exception du detuning laser-polariton qui est nul ici. Images extraites de la référence [26]. Les spectres sont représentés sur la figure 2.14.a pour les simulations et 2.14.b pour les résultats expérimentaux obtenus au LPN. La pompe est masquée car bien plus intense que le signal et le complémentaire. Sur ces deux images, on observe bien la présence d'un seuil avant lequel l'oscillation n'apparaît pas. Sur les résultats expérimentaux avant le seuil, on arrive à distinguer faiblement les différents modes propres du système comme les modes (1) et (4) ou encore les modes (5) et (6). Par contre, ils ne sont pas visibles dans le cas des simulations. Cela vient de l'interaction avec les phonons acoustiques qui n'a pas été pris en compte dans les simulations. Seront dénommés respectivement signal et complémentaire les deux pics de part et d'autre de la pompe. Le signal étant celui à plus basse énergie (autour de 1597 meV) et le complémentaire celui à plus haute (autour de 1605 meV). On remarque cette fois sur les résultats numériques la présence d'un autre pic plus faible proche de 1602 meV. Sa faible intensité le rend inobservable expérimentalement. Si l'on filtre, comme on l'a fait dans la partie précédente, l'image est trop bruitée pour en retirer quelques informations directement. Mais si l'on projette cette distribution sur la base des états propres du plot (calcul de la fonction de corrélation spatial), on trouve qu'il semble correspondre à un mélange des modes (1, 2) et (2, 1). C'est donc un processus d'oscillation paramétrique parasite qui à partir de deux polaritons du mode (1, 1) (mode (4)) donne soit un polariton dans le mode (0, 1) (mode (2)) et un dans le mode (2, 1) ou un polariton dans le mode (1, 0) (mode (3)) et un dans le mode (1,
. Revenons au signal et au complémen
Signal Complémentaire taire. Les résultats de la reconstruction de la distribution dans l'espace réciproque en excitation résonnante sont dessinés figure 2.15. On y voit, encore une fois, que les simulations et les expériences ont une très bonne correspondance. Pour le si20◦ gnal, on observe un unique lobe et pour le complémentaire quatre. Ces modes ressemblent beaucoup aux modes (1) et (4). 0◦ Le signal correspond à 75% au mode (1) et le complémentaire à environ 55% au mode (4). Dans la partie suivante, −20◦ −20◦ 0◦ 20◦ nous reparlerons de la relation entre mode propre du pilier et mode d'oscillation pa-
Fig. 2.15 – Reconstruction
de
la distriburamétrique
. tion
dans
l'
espace
ré
ciproque
après
filtrages du Maintenant que l'oscillation paramé- spectre de la figure 2.14, des modes oscillants. trique est mise en évidence, concentrons- À gauche, le signal et à droite le complémennous sur les caractéristiques du signal et taire. En haut, les résultats des simulations et en bas, ceux des expériences. du complémentaire. Caractéristiques
du signal et du complémentaire
C'est avant tout l'intensité, ainsi que la largeur spectrale de nos deux faisceaux, qui va nous intéresser. Ces données sont représentées pour les simulations et pour les expériences sur la figure 2.16. Les figures 2.16.a et 2.16.b correspondent à l'intensité intégrée en fonction de la puissance de pompe. Un seuil apparaît au niveau duquel les quatre courbes expérimentent un brusque changement, qui correspond au début de l'oscillation paramétrique. En ce qui concerne les figures 2.16.c et 2.16.d, c'est à dire la largeur spectrale du signal et du complémentaire, plusieurs remarques peuvent être faites. Tout d'abord sur les résultats expérimentaux on peut voir que dans le régime d'oscillation la largeur semble saturée autour de 0.05 meV. Cela vient de la limite de résolution du spectromètre utilisé. En ce qui concerne les simulations, pour plus de précision les pics, correspondant au signal et au complémentaire, sont ajustés à une lorenztienne de la- D.
Complémentaire Intensité intégrée (a.u.) Signal (b) Largeur des piques (meV) (a) 0.5 0.3 0.4 0.2 0.3 0.2 0.1 0 (c) 10 (d) 1 0.1 10 100 0 Intensité de pompe
(
a.u.
) Figure 2.16 – Caractéristiques de notre OPO en fonction de la puissance de pompe. À gauche, (a) et (c) correspondent aux résultats expérimentaux et à droite, (b) et (d) aux simulations pour les mêmes paramètres que la figure 2.14. En haut, les graphes (a) et (b) correspondent à la variation de l'intensité intégrée du signal (cercles rouges) et du complémentaire (carrés noirs) en fonction de l'intensité de pompe. En bas, les graphes (c) et (d) reproduisent la largeur des pics en fonction de l'intensité de pompe. La zone hachurée définit le régime d'oscillation paramétrique. Images extraites de la référence [26]. D. Résultats numériques et comparaisons avec l'expérience 60 quelle on déduit la largeur de ces pics. Si nous nous reportons aux résultats du modèle analytique traités dans la partie précédente, on peut voir sur la courbe du champ moyen 2.9 que la zone A d'instabilité donnant l'oscillation paramétrique s'étend sur une certaine gamme d'énergie, suivie d'une nouvelle zone de stabilité. Ce qui correspond à l'observation expérimentale et numérique. Cet effet a déjà été prédit théoriquement [29] pour des cavités planaires excitées à l'angle magique mais c'est la première observation expérimentale. Afin de mieux comprendre les processus en jeu, concentrons-nous sur les résultats numériques. Sur la figure 2.17, on peut voir différentes courbes traitant de l'accord de phase. Le trait rouge correspond à l'énergie du laser de pompe. En cercle noir, on a l'accord de phase constaté entre le signal, le complémentaire et la pompe : (Es + Ec )/2. L'accord est vraiment très bon, bien que, comme cela a été dit dans la partie B.2, théoriquement D. Résultats numériques et comparaisons avec l'expérience 61 on ne peut avoir accord parfait. Quant aux étoiles rouges elles indiquent l'accord de phase estimé entre le mode (1) et (4) renormalisé par la population excitonique dans le plot. Les traits en pointillés noirs correspondent à l'énergie du laser plus ou moins la largeur des modes. 0 1 + gnX ωCi + ωX ei = ~e
E −
ωi
= 2 2 q
(
ωC
i − ωX + gnX )2 + 4Ω2R où nX = hΨX Ψ†X i la densité excitonique dans le plot. On voit bien que c'est le décalage excitonique qui nous permet d'avoir un très bon accord de phase. En effet, pour une pompe de faible intensité, donc une population excitonique faible, le désaccord est d'environ meV. Au fur et à mesure que cette densité excitonique augmente, l'accord de phase s'affine jusqu'à être assez bon pour permettre l'oscillation. Un bon accord de phase est défini par rapport à la largeur de nos modes. On voit bien que l'oscillation se produit lorsque l'on a l'accord de phase estimé, compris entre plus ou moins la largeur de raie des modes. Ensuite, la densité devient si importante que l'accord de phase est détruit. C'est l'accord de phase, dépendant de la densité excitonique, qui explique pourquoi l'oscillation a lieu malgré les conditions initiales peu favorables, ainsi que, pourquoi notre OPO s'éteint lorsque l'intensité d'excitation, donc la densité excitonique est trop importante. D.3 Corrélation et modes "frustrés"
Nous avons vu que les simulations étaient en très bon accord avec les expériences. Le modèle présenté dans la partie C semble lui aussi correspondre. Attardons-nous sur cette correspondance. Dans un premier temps, nous allons exposer les résultats numériques obtenus pour les corrélations entre les modes (1) et (4) et les comparer avec ceux obtenus analytiquement. Ensuite, afin d'illustrer notre propos, nous étudierons les résultats numériques obtenus pour une configuration proche de celle étudiée, ce qui nous permettra d'observer plus clairement le caractère multimode du système. Corrélation : révélateur de multimodalité Ce sont les corrélations entre le bruit des modes 1 et 4 qui vont nous intéresser. Les résultats de ces corrélations donnés par le modèle analytique sont présentés dans la partie C.3, et nous indiquent que le signal et le complémentaire doivent être fortement corrélés. Regardons les résultats obtenus avec les simulations. Pour ce faire, les quadratures nécessaires ont été implémentées. C'est à dire : ni (t) et ni (t)nj (t) où correspond aux moyennes sur les configurations du Monte Carlo (cf. Annexe A pour la relation entre les opérateurs et les fonctions complexes des simulations Monte Carlo). Comme le montre la figure 2.18, qui représente la fonction de corrélation du bruit de la population des modes (1) et (4), les résultats ne sont pas ceux attendus. Ils sont loin d'être en accord avec ce qui a été obtenu avec le modèle (figure 2.10). C'est sous le D.
Résultats numériques et comparaisons avec l'expérience Bruit de la différence σ− entre les modes 1 et 4 25 62 (a) 20 15 10 5 0 1!!"! 10!"!" (b) 2 # 10!" Intensité de pompe (a.u.)
Figure 2.18 –
Fonction de corrélation quantique normalisée entre les modes (1) et (4) en fonction de la puissance de pompe, déterminé avec l'aide des simulations Monte Carlo. Les paramètres sont les mêmes que pour la figure 2.14. seuil d'oscillation que nous avons les meilleurs résultats, tout en restant loin de la limite quantique standard. Au dessus du seuil, nous avons un excès de bruit très important alors que nous nous attendions à de fortes corrélations. On peut donc conclure que nous n'avons pas de corrélations quantiques entre les modes (1) et (4) dans ce régime d'oscillation paramétrique. Alors pourquoi avons-nous un tel écart entre notre modèle à 4 modes et les simulations Monte Carlo multimodes? Revenons à la figure 2.18. Dans le modèle analytique, nous avons considéré que l'OPO oscillait dans les modes (1) et (4). Modes qui sont les modes propres de notre système, comme nous l'avons vu sur la figure 2.12, en régime linéaire. Mais cela ne signifie pas pour autant qu'il s'agit des modes oscillants. Sur la figure 2.15, nous avons reconstruit la distribution des modes oscillants, dans laquelle on observait l'oscillation. À première vue, ils ont une bonne concordance (en termes de distribution) avec ceux utilisés dans le modèle. Si on calcule la fonction de corrélation spatiale entre les modes (1) et (4) du modèle et ceux obtenus dans le régime d'oscillation avec les simulations, on trouve une correspondance à 75% pour le signal avec le mode (1) et de 55% pour le complémentaire avec le mode (4). Les modes oscillants sont bien proches des modes du modèle mais ils ne correspondent pas exactement. Et c'est ce désaccord qui va expliquer la mauvaise concordance des résultats. Les modes dans lesquels nous avons l'oscillation sont des modes "frustrés". Ce sont des combinaisons linaires des modes utilisés dans le modèle analytique. Le calcul de corrélation de bruit σ− étant calculé sur la base du régime linéaire, les corrélations sont nécessairement dégradées. Pour illustrer pleinement ce caractère multimode, regardons les résultats obtenus lorsqu'on change légèrement les paramètres des simulations.
D. Résultats numériques et comparaisons avec l'
expérience
63 (b) 5 μm (a) (c) 100!% 50!% $!' 100!% 0!% 50!% 0!% 1 2+3 4 5+6 100!% 1 2+3 ) 4!' 5+6 50!% ( 1 2+3 4 5+6 Pompe 0!%!' '!'!(!'!"#"!"#$!"#%!"#&!"##!$''
Energie (meV) Figure 2.19 – Spectre pour un pilier de 4.15 × 4.15 μm avec un désaccord entre la pompe et le mode (2) (ou (3) ici équivalent car dégénéré) de ∆p = 0.2 meV. En bleu, le résultat de la simulation et en pointillés noirs l'extrapolation analytique des modes propres du pilier (équivalent au spectre en régime linéaire). En (a), (b) et (c) est représentée l'analyse des différents pics présents sur le spectre, comprenant dans la partie supérieure leur distribution spatiale et au-dessous leur composition en fonction des six premiers modes propres du régime linéaire. Les résultats sont obtenus pour une intensité de pompe Ip = 104 a.u Les paramètres 0 = 1607 meV, ~ω (0) = 1599 meV et γ = γ = 0.1 meV. Les autres paramètres sont ~ωX C C X sont les mêmes que pour la figure 2.11. D.
Mode propre ou mode "frustré"
Ces simulations ont été réalisées pour un plot carré de 4.15 × 4.15 μm, avec un désaccord entre la pompe et le mode (2) (ou (3) ici équivalent car ils sont dégénérés) de ∆p = 0.2 meV (décalage vers le rouge de la pompe). Les résultats sont reproduits sur la figure 2.19. On constate qu'il y a sur le spectre, un processus d'oscillation paramétrique. Les pics (a) et (b) sont équidistants de la pompe. Pour ce qui est du troisième pic, on a équidistance entre ce dernier (c) et (a) par rapport au pic (b). Ce qui traduit un second processus paramétrique. On remarque qu'aucun des pics ne coïncide avec le spectre en régime linéaire, dessiné en pointillés noirs sur la figure 2.19, à l'exception du premier dont l'écart peut être dû à une population de polaritons importante. Ce qui tend à nous indiquer que l'oscillation ne prend pas place dans les modes (1) et (4). Regardons de plus chacun de ces pics. Sur la figure 2.19, est indiqué pour chaque pic sa distribution spatiale reconstruite par filtrage spectral ainsi que l'accord entre cette distribution et les modes exposés dans le partie B.1. Le premier pic en (a) correspond assez bien au mode fondamental (1) : un peu plus de 75% de correspondance. Par contre, le pic (b) lui ne correspond pas du tout au mode (4) : 0.2% de correspondance seulement. Il correspond plus au mode (1) (75.2%). Le mode (4) n'intervenant pas dans cette oscillation paramétrique, il va de soi que les corrélations entre le mode (1) et ce dernier seront faibles. Conclusion et Perspectives
Pour conclure, grâce à cette étude nous comprenons mieux l'oscillation paramétrique dans les microcavités piliers en régime de couplage forte. Dans un premier temps, nous avons vu comment on pouvait modéliser ce système par quatre niveaux aux règles de diffusion bien établies. Ces règles indiquaient plusieurs processus de diffusion dont diffusion par oscillation paramétrique des modes (2, 3) vers les modes (1, 4). Suite à quoi, nous nous sommes attachés à montrer que les symétries existantes entre la pompe et le pilier pouvaient changer dramatiquement l'efficacité d'injection dans les D. Résultats numériques et comparaisons avec l'expérience 65 modes choisis. Puis, nous avons montré que dans un tel modèle, les corrélations entre le mode 1 et 4 étaient éminemment quantiques. Afin de pousser plus loin notre étude, nous avons utilisé des simulations Monte Carlo, qui nous ont permis de comparer nos résultats à ceux obtenus au sein du LPN. La concordance entre les deux fut remarquable, mettant en évidence l'existence d'un processus d'oscillation paramétrique dans ces piliers micrométriques. Des caractéristiques des faisceaux signal et complémentaire produits, jusqu'à leurs distributions ont pu être reproduites. Nous avons aussi compris le rôle déterminant de la renormalisation due aux interactions exciton-exciton, dans l'accord de phase. Cette renormalisation engendre l'extinction de l'oscillation paramétrique à forte puissance. Mais surtout, nous avons compris le rôle déterminant des effets multimodes en nous intéressant aux corrélations dans les simulations. En effet, on a pu voir que si l'oscillation peut prendre place dans les modes 1 et 4 utilisés dans le modèle, elle pouvait aussi avoir lieu dans d'autres modes. Cet effet explique pourquoi il ne nous a pas été possible de observer numériquement, et nous indique aussi que si l'on diminuait la taille du pilier, on pourrait favoriser l'oscillation dans les modes 1 et 4. D'un autre côté l'étude des corrélations des modes "frustrés" oscillants devrait révéler aussi des effets quantiques très riches. La route est donc ouverte pour l'étude détaillée des corrélations quantiques dans les microcavités 0D telles que ces piliers. Cette étude des oscillations paramétriques est à relier à toute une série de propositions faites récemment. Études se basant sur des géométries 0D, pour générer d'autres types d'états non classiques de la lumière par exemple [27, 30, 31]. Ainsi, couplant plusieurs micropiliers de façon adéquate on peut imaginer augmenter la constante d'interaction non-linéaire, ou encore séparer plus facilement le signal du complémentaire. du Bibliographie du Chapitre 2
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Suite à quoi, nous rapporterons la première démonstration expérimentale de la superfluidité des polaritons, ainsi que son pendant numérique réalisé durant ce doctorat, dans la partie B. Puis, dans la partie C, nous focaliserons notre attention sur les écoulements turbulents dans les superfluides, et plus particulièrement sur la formation hydrodynamique de vortex dans les superfluides de polaritons. Et enfin, dans une dernière partie (partie D), nous regarderons de plus près les propriétés de spin et de polarisation des polaritons, propriétés qui, comme nous le verrons, permettent de contrôler le potentiel effectif subi par les polaritons et ainsi ouvrir la voie à un grand nombre d'expériences permettant de mieux comprendre ces états si particuliers de la matière. Sommaire
A Superfluidité dans les atomes......... A.1 Gaz de Bose et condensation......... A.2 Superfluidité.................. A.3 Régimes d'écoulement............. B Superfluidité des polaritons.......... B.1 Condensation à l'état solide.......... B.2 Superfluide de polaritons excitoniques.... B.3 Résultats numériques et expérimentaux... B.4 Effet Čerenkov dans un fluide de polaritons. C Turbulences et superfluide de polaritons... C.1 Cas des atomes................. C.2 Cas des polaritons............... C.3 Piégeage de vortex............... D Défauts et polarisation de spin........ D.1 Hamiltonien
effect
if
dépendant
du spin.... D.2 Résultats numériques et expérimentaux...
Conclusion et Perspectives
.............. Bibliographie du chapitre 3....... 71. 71. 72. 77 79. 80. 81. 87. 90 93. 94. 96. 101 103. 103. 107 113 115
A. Superfluidité dans les atomes A 71 Superfluidité dans les atomes
Cette partie va nous servir à introduire les concepts associés à cette propriété qu'est la superfluidité. Dans un premier temps (partie A.1), nous partirons du gaz de Bose pour en venir au condensat de Bose-Einstein. Puis, nous regarderons la relation qui lie la superfluidité et ces condensats, et comment peut être décrit un tel état (partie A.2). Et enfin, nous nous attarderons sur les différents régimes d'écoulement des fluides, ainsi que la relation qu'ils entretiennent avec la superfluidité (partie A.3). A.1 Gaz de Bose et condensation
S. N. Bose en 1924 proposa une statistique pour décrire les photons, qui prend en compte l'indissernabilité des photons et la possibilité d'en avoir plusieurs dans un même état. En 1924-1925, A. Einstein généralisa cette statistique aux particules de spin entier. Statistique qui est aujourd'hui connue comme la distribution de Bose-Einstein et qui peut s'écrire comme suit : 1 ni = exp EkiB−μ −1 T d (a) λdB où ni correspond au nombre de particules dans le niveau d'énergie Ei, μ le potentiel chimique, kB la (b) constante de Boltzmann et T la température. A. Einstein pointa du doigt qu'à l'équilibre thermodynamique et à basse température, des bosons identiques, sans interaction entre eux, devaient se condenser tous dans le même état et devenir indiscernables, ce qui est aujourd'hui connu comme condensation de BoseEinstein. (c) Sur la figure 3.1, est schématisé le passage d'un gaz de bosons à haute température, descriptible classiquement, à basse température condensée. À haute température la vitesse d'une particule peut être représentée par un vecteur (figure 3.1.a). Les particules ont une distance moyenne notée d. À plus basse tempéra(d) ture (figure 3.1.b), les particules ne peuvent plus être décrites classiquement et sont caractérisées par leur longueur d'onde thermique de Broglie λdB, qui s'écrit :
Fig. 3.1 – Schéma représentant la transition d'un gaz de bos sons classique à un condensat de 2π~2 Bose-Einstein. (3.1) λdB = mkB T avec m la masse d'un boson, kB la constante de Boltzmann, et T la température. À encore plus basse température (figure 3.1.c) comme l'indique l
'équation (3.1), la A. Superfluidité dans les atomes 72 fonction d'onde devient telle que le recouvrement des paquets d'ondes devient non nul (λdB ≈ d). Une partie du gaz peut être décrite par une fonction d'onde macroscopique, cela correspond à une fraction de gaz condensée et une autre non-condensée. Enfin, comme le montre la figure 3.1.d, à température nulle, tous les paquets d'ondes sont confondus. On a un condensat de Bose-Einstein pur, qui correspond donc à un état macroscopique quantique de la matière dans lequel les particules sont indiscernables et décrites par une fonction d'onde macroscopique. C'est en 1995 que la première observation expérimentale d'un tel phénomène a été réalisée dans les atomes ultrafroids, par M. H. Anderson et al. [1]. Les températures de condensation atteintes étaient de l'ordre de 100 nK. A.2 Superfluidité
La superfluidité a été découverte dans l'Helium (4 He) par P. Kapitza, J. F. Allen, et D. Misener en 1937 [4, 5]. Elle consiste en un nouvel état liquide de l'hélium en deçà du point lambda à 2.17 K, dans lequel la conductivité thermique est très importante, et A. Superfluidité dans les atomes 73 donc la viscosité très faible 1. C'est donc bien avant la mise en évidence de la condensation de Bose-Einstein dans les atomes ultra froids qu'a eu lieu la découverte de la superfluidité. F. London est le premier, en 1938, à remarquer que la température de la transition superfluide de l'hélium 4 (2,17 K) est du même ordre de grandeur que celle de condensation de Bose-Einstein d'un gaz parfait de même densité que l'hélium liquide (3,2 K), d'où son intuition que les deux phénomènes étaient liés [6]. Les interactions entre atomes d'hélium étant trop importantes pour être négligées, le modèle du gaz parfait semble difficile à appliquer ici. Des expériences récentes ont montré que s'il existe bien une relation entre ces deux phénomènes, elle n'est pas aussi directe que ce qu'avait suggéré F. London. Seul 10% environ de l'hélium 4, dans sa phase superfluide, est condensé [7]. L'avancée majeure dans la compréhension de ce phénomène date de 1941 et est due à L. Landau [8]. Il a développé un modèle basé sur deux fluides en interaction. Notons que L. Tisza, en 1938, avait déjà suggéré cette idée [9]. La physique de l'hélium 4 à très basse température est très complexe, du fait des fortes interactions entre atomes. C'est pourquoi, la modélisation par un fluide c et un fluide condensé permet de simplifier la description. Cette description phénoménologique a permis de définir plusieurs comportements propres à un tel fluide, sur lesquels nous allons revenir. Une autre étape importante, dans la compréhension de ces fluides atypiques, fut celle permise par le travail de N. N. Bogoliubov en 1946 [10]. Il a permis d'obtenir un modèle non phénoménologique le diagramme de dispersion linéaire des superfluides pour de faible excitation comme le montre la courbe bleue de la figure 3.2. Pour ce qui est du reste de la courbe de dispersion de l'hélium, son explication sera faite par R. Feynman et M. Cohen, en 1956 [11]. Cette partie de la courbe s'explique en termes de pseudo particules appelées rotons. et L. Onsager ont montré que le moment angulaire des vortex ainsi formés devait être quantifié et égal à nh/m, où h est la constante de Planck, n un entier et m la masse des éléments constituant le superfluide. Nous reparlerons de ces vortex dans les superfluides dans la partie C de ce chapitre. Courant persistant : Aussi appelé metastabilité de supercourant. Si on place de l'hélium liquide (non superfluide) dans un anneau tournant, le fluide tourne avec l'anneau. On refroidit l'hélium liquide en-dessous du point lambda alors que l'anneau tourne. Si on arrête la rotation de l'anneau, alors le superfluide continue de tourner et ce, sans perte de charge. Le superfluide tourne, en théorie pour une durée indéfinie. Il est dans un état métastable qui donne lieu à un supercourant. Cet effet, contrairement au précèdent, ne peut exister que dans des superfluides. Les condensats sans interactions ne présentent pas un tel effet. Ces courants persistants ont été observés expérimentalement dans l'hélium en 1964 [13]. Pour ce qui est des atomes froids il faut attendre 2005 pour la première réalisation d'un condensat annulaire [14] et 2007 pour la mise en évidence de courant persistant [15]. Second son : Cet effet est dû aux excitations collectives thermiques. Dans un superfluide, la conduction thermique se fait non par diffusion mais par une propagation similaire à celle des ondes sonores, d'où le nom de second son. Cela donne lieu à une discontinuité dans la conductivité thermique de l'hélium, qui est modérée en phase fluide et extrêmement élevée dans sa phase superfluide [16]. Il est à l'origine d'un effet spectaculaire, appelé effet fontaine 2. 2. http ://www.alfredleitner.com/superfluid.html Effet Josephson : Lorsqu'un superfluide est séparé en deux par une barrière de potentiel, on peut observer un tunneling cohérent à travers la barrière. Cela donne lieu à des oscillations dites de Josephson [17, 18]. Le nom vient de l'analogie faite entre les paires de Cooper de la théorie BCS et le superfluide. Ces analogies ont récemment fait l'objet de beaucoup d'études résumées sous le nom de BEC-BCS crossover. J'invite le lecteur intéressé par la question à se référer au livre de A. J. Leggett "Quantum Liquids" [19]. Il existe d'autres effets qui découlent plus ou moins directement de ceux vus précédemment (écoulement sans viscosité, expansion anisotrope, oscillation collective, etc.). Nous nous contenterons d'en décrire un dernier, qui est celui qui va nous intéresser tout particulièrement dans la suite de ce travail. Bien que, L. Landau prédit trois effets dont celui du seau tournant et celui de second son, c'est ce dernier qui est généralement appelé : critère de Landau de superfluidité. Critère de Landau de superfluidité L. Landau [8] explique que pour un superfluide s'écoulant à une vitesse v, le Hamiltonien du système peut s'écrire H = H0 −v p̂ avec H0 le Hamiltonien au repos et p̂ l'opérateur impulsion. Ici l'énergie du fondamental de H aura un moment total de l'ordre de J = N mv avec N le nombre de particules. Par conséquent, son état fondamental aura une énergie supérieure à celui de H0. Ce fluide en déplacement est donc dans un état métastable. La création d'une excitation coûtera, par conséquent, une énergie E(p) − vp. À température nulle le superfluide n'est perturbé que si E(p) − vp > 0. Donc, tant que v 6 vc, avec E(p), (3.3) vc = min p p on a un fluide en déplacement dans son état fondamental, soit un superfluide. Cela rejoint le critère du courant persistant, énoncé plus haut. À partir de l'équation de Gross-Pitaevskii (3.2), on peut déterminer le spectre des excitations élémentaires d'un tel fluide. Pour ce faire, on utilise la transformation de N. N. Bogoliubov, qui consiste à écrire : −iωj t ∗ iωj t Ψ̂(t) = Ψ̂0 + ûj e +
v̂j e e−iμt
En réécrivant l'équation 3.2 pour uj et vj, dans le cas homogène, on trouve la dispersion suivante : s 2 ~2 k 2 + ~2 k 2 c2s E± (k) = ± 2m p avec cs = gn/m la vitesse du son dite de Bogoliubov, qui correspond à la vitesse du son dans le condensat. On peut distinguer deux cas. – Pour k ≫ 2mcs /~ dans ce cas E(k) ≈ ~2 k 2 /2m ce qui correspond à la dispersion d'une particule libre. – Pour k ≪ 2mcs /~ alors on a E(k) ≈ ~cs k. Pour les excitations de petit moment, on a donc une réponse linéaire caractéristique de phonons.
A
. atomes Sur la figure 3.2, on peut voir en rouge ces deux différents régimes. Sur les figures 3.3, sont représentées deux dispersions pour un condensat à gauche, s'écoulant à une vitesse v < cs qui correspond à un régime subsonique, soit ici au régime superfluide à proprement parler. Dans un tel régime, la diffusion élastique est inhibée et donc la viscosité tend vers zéro. À droite, on a la dispersion pour une vitesse d'écoulement v > cs. Soit un régime supersonique, encore appelé Čerenkov, dans lequel le fluide ne peut plus être considéré comme superfluide car il peut présenter des excitations de quasiparticules correspondant à des phonons du condensat. Maintenant que nous avons vu comment se traduit cette superfluidité dans l'espace réciproque, intéressons-nous à l'espace réel, et plus particulièrement à ce qui se passe lorsque que l'on stimule la diffusion élastique, en plaçant un objet dans le flux du fluide.
A. Superfluidité dans les atomes A.3 77
Avant de cibler le cas des superfluides, intéressons-nous à un modèle simple, d'un gaz parfait sans interaction. Ce modèle simple, emprunté à I. Carusotto, permet de bien comprendre ce à quoi on peut s'attendre quant aux effets produits par un objet placé dans la course d'un fluide. Dans un gaz parfait constitué de particules de masse E(kx, ky ) m0, lorsqu'un objet se déplace lentement (par rapport à la vitesse du son) à une vitesse v = ~k/m, on a émission d'ondes de pression par l'objet dans toutes les directions de l'espace. Ces ondes de pression peuvent être interprétées en termes de phonons acoustiques. Prenons le cas inverse : un objet fixe et k0 k un gaz de vitesse d'écoulement v = ~k/m0. La dispersion d'un tel milieu est parabolique comme représentée figure 3.4, telle que : E(k) = ~2 k2 /2m0. La fonction d'onde de notre gaz pourra s'écrire comme une onde kx progressive de vecteur d'onde k : Ψ(x, y) ∝ exp(ikx) et la diffusion élastique engendrée par l'objet prenky dra place sur le cercle de rayon k0, dans l'espace ré
Fig. 3.4 – Dispersion d'un gaz ciproque, ce qui équivaut à produire une onde circuparfait de particule de masse laire centrée sur l'objetpen question, de vecteur d'onde m0. Ici est représenté le cas su- k0 : Ψ′ (x, y) ∝ exp(ik0 x2 + y 2 ). On aura interférence personique où k > k0. entre ces deux ondes. Les maximums de ces franges p d'interférence auront lieu pour : kx + 2πn = k0 x2 + y 2, avec n ∈ N. On peut distinguer trois cas différents : subsonique, limite et supersonique. On peut réécrire la relation entre x, y et n : 2 2 2 2πnk (k0 − k 2 )2 k0 − k 2 2 =1 (3.4)
y + x− 2 4π 2 n2 4π 2 n2 k02 k0 − k 2 Cas subs
onique : k < k0 Dans ce cas, l'équation (3.4) correspond à des ellipses concentriques dont un foyer est localisé sur l'objet (pour nous x = y = 0) et l'autre en y = 0 et x = 2πnk/(k02 − k 2 ). Le grand rayon vaut Écoulement 2 2 a = 2πnk p0 /(k0 − k ) et le petit rayon b = 2πn/ (k02 − k 2 ). L'allure des franges est représentée sur la figure 3.5.
La
dis
- Fig. 3.5 – Allure des franges d'interférence tance entre les franges à l'avant du défaut pour le cas subsonique. Le point noir représente l'objet fixe. est égal à 2π/(k0 + k).
dans les atomes
Cas limite : k = k0 On peut réécrire la relation entre x, y et n, ce qui donne : k0 2 πn x=− y + 4πn k0 π/k0 Cette fois ce sont des hyperboles suivant la direction de propagation que l'on aura. Écoulement Leur foyer est en πn/k0 sur l'axe x. Ce cas correspond à une vitesse d'écoulement égale à la vitesse du son dans le fluide.
Fig. 3.6 – Allure des franges d'interférence L
'allure des franges est représentée schépour le cas limite. matiquement sur la figure 3.6 et leur séparation à l'avant de l'objet est de π/k0. Cas supersonique : k > k0 D'après l'équation (3.4), on peut déduire que le profil sera doublement hyperÉcoulement bolique en fonction du signe de n, dont l'origine sera sur l'axe x à une distance de 2πnk/(k02 − k 2 ), de demi axe focal a = 2πnk0 /(k02p − k 2 ) et de demi axe non focal b = 2πn/ (k02 − k 2 ). dans un milieu à une certaine vitesse v. Elle induit une polarisation locale dans le milieu qui peut donner lieu à une émission lumineuse. Lorsque la vitesse de phase de cette onde émise est inférieure à la vitesse de la particule, alors une interaction constructive entre les différentes ondes émises donne lieu à un rayonnement caractéristique. L'image typique de cet effet est celle des réacteurs nucléaires, donc la piscine dans laquelle ils sont plongés émet une lumière bleue. La figure 3.8 montre les résultats de simulation de condensat en interaction s'écoulant à travers un défaut. On voit nettement à l'avant du défaut des modulations de la densité qui correspondent à ce qui a été dit dans le cas supersonique. En effet, ici la vitesse d'écoulement est 10% plus élevée que celle du son de Bogoliubov. La présence de turbulences à l'arrière du défaut, indiqué en pointillés rouges, seront discutée dans la partie C.1. Voici ce qu'on pouvait dire sur les superfluides génériques (atomiques) et sur la superfluidité en général. Intéressons-nous à l'application de ce concept aux polaritons excitoniques. B Superfluidité des polaritons
La superfluidité est fortement liée à la condensation de Bose Einstein, c'est pourquoi dans ce qui suit, nous commencerons par nous intéresser à la condensation à l'état solide (partie B.1) et plus particulièrement la condensation des polaritons. Suite à quoi, nous rentrerons dans le vif du sujet : la superfluidité des polaritons. Nous analyserons théoriquement comment cet effet se traduit pour ce système qu'est la microcavité semiconductrice (partie B.2). Pour ensuite en venir aux résultats expérimentaux obtenus au laboratoire LKB à Paris, dans l'équipe de A. Bramati et aux simulations de ces ré- B. Superfluidité des polaritons 80 sultats (partie B.3). Nous finirons cette partie B par des résultats sur l'effet Čerenkov précédemment cité dans ces fluides de polaritons (partie B.4). B.1 Condensation à l'état solide
Le concept de condensation de Bose-Einstein par définition s'applique aux bosons. Mais à l'image des atomes bosoniques comme l'hélium 4 qui sont composés de protons, neutrons et électrons, d'autres particules composées peuvent présenter cette phase condensée. En théorie, toutes quasi-particles bosoniques peuvent prétendre à la condensation. Que ce soient les phonons, plasmons, polarons et magnons ou encore les excitons et bien sûr les polaritons. Tous ces condensats sont regroupés sous l'appellation de condensat de Bose-Einstein à l'état solide, car les pseudo particules précédemment citées apparaissent dans des phases solides de la matière. Cela a pour conséquence principale que leur observation (prédite ou effective) ne nécessite pas des températures aussi basses que pour les atomes (de l'ordre du microkelvin pour les atomes et de l'ordre de la dizaine de kelvin pour les condensats en phase solide). Ce très grand avantage par rapport aux atomes est dû à la faible masse de ces bosons ainsi qu'à la possibilité d'atteindre de très fortes densités. La première observation d'un tel condensat fut obtenue en 2000 pour des magnons [21] pour une température de 14 K. Comme nous l'avons vu dans le premier chapitre, les excitons sont des bosons, donc peuvent prétendre à la condensation. Leur principale différence avec les photons ou encore les magnons sont les interactions existantes entre particules. Cela dit, la condensation de telles quasi-particules s'est révélée impossible jusqu'à maintenant. En cause, la dynamique interne aux excitons qui recèle des états noirs (non observables optiquement), dans lesquels la condensation se ferait [22]. Une condensation d'excitons a malgré tout bien été ée, mais pour des excitons de bi-couche [23]. Ces excitons indirects naissent de la proximité de deux puits quantiques qui permet l'appareillement d'un trou d'une couche avec un électron de conduction de l'autre. Une autre méthode pour s'affranchir des états noirs des excitons, est de coupler très fortement les états brillants à un champ électromagnétique, c'est à dire d'utiliser les polaritons.
Condensation des polaritons
Bien que pas directement connectée à la superfluidité que nous allons expliciter dans un instant, la condensation des polaritons se doit de figurer dans cette thèse. Ne serait-ce que pour en comprendre les différences. Cette condensation fut démontrée en 2006 par J. Kasprzak et al. à l'EPFL de Lausanne [25]. La température de l'échantillon était de 19K. Sur la figure 3.9 on peut voir un image extraite de la thèse de J. réciproque. On passe d'une distribution thermique (thermal cloud ) à une distribution thermique plus une condensée (condensate + thermal cloud ). L'excitation employée ici est non résonante et c'est la principale différence avec notre configuration. Cela consiste à exciter à une énergie bien plus haute que celle des polaritons bas (≈ 100 meV) et grâce à des cascades de désexcitation (émission de phonons) les polaritons vont diffuser vers les niveaux d'énergie les plus bas. Dans ces désexcitations, les interactions ainsi que la forme particulière de la dispersion des polaritons jouent un rôle déterminant. Bien entendu, comme explicité dans la partie A, ce condensat doit avoir des propriétés de superfluidité car les polaritons sont des particules en interaction [26, 27]. La configuration du système rend difficile l'évaluation des critères précédemment cités et donc la mise en évidence de la superfluidité. B.2 Superfluide de polaritons excitoniques
La première prédiction théorique de propriétés de superfluidité pour les polaritons excitoniques excités à résonance est due à I. Carusotto et C. Ciuti [28, 29]. Quant à la première observation directe, elle a été réalisée 5 ans plus tard, en 2009, par A. Amo et al. [30] au laboratoire Kastler Brossel (LKB). Notons les résultats obtenus aussi par A. Amo et al., à l'université Autonoma de Madrid, sur la propagation d'une goutte superfluide de polariton [31]. Ici l'excitation est à l'angle magique à laquelle on ajoute un pulse à grand angle au niveau du complémentaire. Cela a pour effet de créer une goutte de superfluide au niveau du signal (proche de k = 0). L'observation de la propagation de cette goutte montre une dispersion constante au cours du temps, ce qui indique un comportement superfluide. Pour notre part nous nous intéressons à un autre type d'excitation : une excitation résonante ou presque résonante. Voyons la théorie associée à cette configuration. Ce développement correspond au travail réalisé par I. Carusotto et C. Ciuti [28, 29]. L'idée principale est assez similaire à ce qui a été fait dans le chapitre 2. On va déterminer les B. Superfluidité des polaritons 82 équations du champ moyen, suite à quoi nous déterminerons la stabilité de ce champ moyen, à l'aide de la linéarisation de Bogoliubov appliquée aux perturbations. Équation
s
du
champ
moyen D'après l'équation 1.24, on peut écrire les équations d'évolution de des opérateurs â(†) de création (annihilation) d'un photon de cavité et ceux b̂(†) correspondants aux excitons. Le résultat s'écrit comme suit : d Ψ̂C (
, t) i = dt Ψ̂X (x, t) γC V (x) − i 0 ˆ C Ψ̂C (x, t) Fp (x, t) 0 2 + h + γX 0 Ψ̂X (x, t) 0 VX (x) − i + g|Ψ̂X (x, t)|2 2 (3.5)
où : ωC (−i∇) ΩR 0 h = 0 ΩR ωX et avec : – Ψ̂C (x, t) et Ψ̂X (x, t) respectivement le champ associé aux photons et aux excitons. – x le vecteur position dans le plan perpendiculaire à la direction de croissance (x = (x y)T ). – VC (x) et VX (x) respectivement les potentiels extérieurs photoniques et excitoniques. On peut faire un rapprochement entre cette équation (3.5) et l'équation (3.2). En réécrivant l'équation (3.5) dans la base polaritonique (restreint aux polaritons bas uniquement) cela devient encore plus évident :
γLP d 2 i Ψ̂LP (x, t) = ωLP (−i∇) + VLP (x) − i + gLP |Ψ̂LP (x, t)| Ψ̂LP (x, t) + F̂p (x, t) dt 2 (3.6) 2 2
Avec
VLP = |Xk |
VX
+ |
Ck | VC le potentiel extérieur vu par les polaritons bas et gLP = |Xk |4 g la constante d'interaction entre polaritons bas aux mêmes modes (voir chapitre 1 partie D.3). On peut noter trois différences principales : (i) Le terme de perte γLP vient du temps de vie fini des excitons et des photons dans le système. Ici le temps de vie τ = ~/γLP est de l'ordre de la dizaine de pico-secondes, alors que le temps de vie caractéristique dans un piège optique des atomes est de l'ordre de la seconde. Pour compenser ces pertes, il faut donc continuellement pomper notre système sans quoi la dynamique propre du système nous serait inaccessible. (ii) C'est la seconde différence avec l'équation de Gross-Pitaevskii (3.2), le terme de pompe F̂p. (iii) La dernière différence vient de la dispersion qui n'est pas parabolique pour les polaritons. Cela dit, l'approximation de la dispersion parabolique pour des excitations de faible vecteur d'onde dans le plan, se révèle une approximation raisonnable et permet de simplifier les calculs. Ces équations (3.5) et (3.6) correspondent donc à des équations de Gross-Pitaevkii hors équilibr . Dans cette partie de traitement analytique, on prendra le cas simple d'une onde plane d'excitation sans potentiels extérieurs (VC = VX = 0). L'excitation sera traitée classiquement tel que Fˆp (x, t) ≈ Fp ei(kp x−ωp t) avec Fp l'amplitude de la pompe, kp le vecteur d'onde dans le plan et ~ωp l'énergie de la pompe.
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ECOLE DOCTORALE FERNAND-BRAUDEL ED 411 Centre de Recherche sur les Médiations EA 3476 Thèse pour obtenir le grade de docteur de l'Université de Lorraine en Études cinématographiques Présentée et soutenue par : Agnès PERRAIS le 12 décembre 2017 LYRISME ET POLITIQUE EN CINÉMA Duras, Garrel, Godard, années 1970-1980 Volume 1 Thèse dirigée par :
M
. le Professeur
Vincent LOWY JURY : Directeur : Vincent LOWY, Professeur en Études cinématographiques – École Nationale Supérieure Louis-Lumière (CREM EA 3476) Rapporteurs : Giusy PISANO, Professeur en Études cinématographiques – École Nationale Supérieure Louis-Lumière (IRCAV EA 185) Pierre BEYLOT, Professeur en Études cinématographiques – Université Bordeaux Montaigne (CLARE EA 4593) Examinateurs : Corinne MAURY, Maîtresse de conférences en histoire et esthétique du cinéma – Université de Toulouse Jean Jaurès (LARA-SEPPIA EA 4154) Laurent JULLIER, Professeur en Études cinématographiques – Université de Lorraine (IRCAV EA 185)
REMERCIEMENTS Je tiens tout particulièrement à remercier
mon
de thèse, Vincent Lowy, pour sa disponibilité, sa bien
veillance et
pour la
confiance qu'il m'a accordée
en
accept
ant d
'encadrer
ce
travail
. Je remercie l'École doctorale Fernand-Braudel de l'Université de Lorraine, ainsi que Jacques Walter et l'ensemble du laboratoire du CREM, Béatrice Fleury et Brigitte Simonot. Merci également au pôle Praxitèle pour son accueil, à Carole Bisenius-Penin et Jean-Matthieu Méon. Je remercie également l'Institut européen de cinéma et d'audiovisuel (IECA Nancy). Mes plus vifs remerciements vont également à Giusy Pisano, Laurent Jullier, Corinne Maury et Pierre Beylot pour l'intérêt qu'ils ont porté à ce travail en acceptant de participer au jury de soutenance. Je dois beaucoup au professeur Michel Murat (Université Paris IV Sorbonne) pour son aide dans l'approche du lyrisme et des poétiques de Rimbaud et du surréalisme. Je remercie également Françoise Zamour (École Normale Supérieure Ulm) pour ses conseils et son soutien, ainsi que Jean Cléder (Université de Rennes II) pour ses remarques bibliographiques. Les chercheuses en littérature et en philosophie Léa Nicolas-Teboul (Paris III Sorbonne Nouvelle) et Clotilde Nouët (Paris I Panthéon-Sorbonne) m'ont aussi apporté une aide précieuse et amicale par les remarques et les travaux qu'elles ont pu me communiquer. Merci à Gabriel B., Antoine G. et Emmanuel F. pour leur aide technique et amicale, à Laëtitia, Lysa, Justine, Kahina, ainsi qu'à ma famille pour son soutien. Je remercie enfin Gwénaël pour son soutien indéfectible, ses encouragements et les nombreuses discussions qui ont rendu possible l'aboutissement de ce travail. INTRODUCTION 11 PARTIE I - APPROCHE THÉORIQUE 33 CHAPITRE 1 : LYRISME ET POLITIQUE, QUELLES CONDITIONS POUR PENSER UN RAPPORT? 35
1.1. Pourquoi penser un rapport entre le lyrisme et le politique en cinéma? 39 1.1.1. Le « cinéma de poésie » chez les formalistes russes 40 1.1.1.1. Adrian Piotrovski et les « ciné-genres » 40 1.1.1.2. Chklovski et le « cinéma de poésie » 42 1.1.2. Généalogie d'une cristallisation objectiviste de la pensée de l'art politique 44 1.1.3. Les années 1970-1980 et la critique du marxisme 48 1.1.3.1. Un recentrement cinématographique sur l'intime? 49 1.1.3.2. La subjectivité dans la critique du marxisme et la notion de romantisme révolutionnaire 52 1.1.4. Symbolisme et matérialisme, sujet et objet 55 1.2. Historicité du concept de lyrisme en littérature 60 1.2.1. De la poésie grecque au romantisme 61 1.2.2. Evolutions modernes de la compréhension du lyrisme autour de la question du sujet 65 1.2.3. Penser un lyrisme objectif au-delà de l'intériorité 71 1.3. Figures du lyrisme objectif : principes de Hölderlin, poétique rimbaldienne, réception surréaliste 77 1.3.1. Hölderlin. La pensée de la césure contre l'idéalisme, le primat du langage sur la synthèse du sujet 79 1.3.2. Rimbaud. Le « Je est un autre » et le « dérèglement » des sens : une matérialisation de la sensation 85 1.3.3. André Breton et le surréalisme : l'image comme rapport subversif 95 Conclusion
101 PARTIE II - ÉTUDES DE CAS : DURAS, GARREL, GODARD 105 CHAPITRE 2 : MARGUERITE DURAS ET LE RÉCIT, LA FORME POÈME ET L'ENJEU DE LA SUBJECTIVATION 107
2.1. Le récit en lambeaux : Le « lyrisme du matériau » 112 2.1.1. La structure musicale et poétique de Césarée : une « synthèse non conceptuelle » 114 2.1.2. Nathalie Granger : une combinatoire minimale 121 2.2. Élever les conditions du récit au rang de sujet : le temps et le lieu comme enjeux politiques de mémoire et de territoire 127 2.2.1. Perturber l'ordre des lieux : réunir par-delà la césure et ouvrir l'infime 129 2.2.1.1. Le pouvoir du nom comme franchissement des frontières : la construction d'une utopie par le détour 129 2.2.1.2. L'espace d'une maison comme appel au désordre : les puissances intérieures archaïques 133 2.2.2. Temps macroscopique et temps microscopique, le temps lyrique comme contre-récit 140 2.2.2.1. La résistance au temps de l'actualité : concurrence de deux séries de temps 141 2.2.2.2. L'Histoire comme catastrophe : l'invocation pathétique des vaincus 144 2.3. La voix lyrique : enjeu politique de la prise de parole 150 2.3.1. Le rythme de la voix comme mouvement du désir : le lyrisme empathique de Césarée 152 2.3.1.1. La difficulté à dire : l'arrachement au rien 153 5 2.3.1.2. La conjuration de l'écart par la parole comme « désir absolu » 156 2.3.2. L'énonciation lyrique : enjeu politique d'une resubjectivation 161 2.3.2.1. Une voix non fictive 162 2.3.2.2. De la désidentification à la subjectivation 163 2.3.2.3. La parole comme lieu de l'utopie 166 2.3.3. L'acte de parole comme effort d'authenticité et acte politique dans Nathalie Granger : « jouer un peu sa propre musique » 168 2.3.3.1. La solidarisation par l'acte de parole 168 2.3.3.2. Déconstruire le langage aliéné 170 2.3.3.3. Jouer « sa propre musique » 173
Conclusion 175 CHAPITRE 3 : PHILIPPE GARREL ET LE LYRISME DE L'IMAGE : IMPLICATIONS POLITIQUES DE L'HÉRITAGE ROMANTICO-SURRÉALISTE 177
3.1. La construction d'un lyrisme de l'image 186 3.1.1. La poésie contre le récit : une logique d'autonomisation du plan 187 3.1.1.1. Contre la clôture fictionnelle 188 3.1.1.2. Perturbations narratives à l'intérieur de la fiction 191 3.1.1.2.1. Plans hétérogènes de narration : un travail de brouillage 192 3.1.1.2.2. Suspensions de la narration 195 3.1.2. Réduction et concentration : un dispositif d'intensification de l'image 199 3.1.2.1. Une esthétique de la pauvreté pour donner les pleins pouvoirs à l'image 201 3.1.2.2. La question de la croyance en l'image : la lyrique amoureuse 209 3.1.2.3. Le ly isme du matériau : l'image comme preuve d'authenticité pour le réel 215 3.2. Du surréel à la magie, de la subversion au repli : ambiguités et pertinences politiques de l'héritage surréaliste et romantique 221 3.2.1. Sortir du monde : l'art comme un mystère, le modèle magique hérité du romantisme 224 3.2.1.1 La dichotomie jour/nuit : le rêve contre le réel 225 3.2.1.2. Amour fou et femme-mystère : la lyrique mélancolique du rêve perdu 234 3.2.1.3. Une essence magique de l'image : espoir et mélancolie 242 3.2.2. Penser l'art et la vie ensemble : matérialisme et activisme 246 3.2.2.1. L'héritage de l'agit-prop : une signalétique politique 247 3.2.2.2. La figure de l'artiste : la question du travail pour repenser les rapports entre l'art et la vie 255 3.2.2.3. La présentation du politique au prisme de l'expérience, le lyrisme du sujet et ses limites 260 Conclusion 267 CHAPITRE 4 : JEAN-LUC GODARD ET LE LYRISME OBJECTIF 269
4.1. Le déplacement du lieu du lyrisme : de la subjectivité à la matière sensible 277 4.1.1. Le jeu avec l'identification lyrique de l'artiste à son art : déconstruction du stéréotype romantique 278 4.1.1.1. La figure de l'artiste comme fou 279 4.1.1.2. La figure de l'artiste comme producteur 284 4.1.2. Des figures plutôt que des sujets : remise en cause du principe d'identité, « démoralisation » du drame 287 4.1.2.1. La « géométrisation des procédés » : schématisation du drame 288 4.1.2.2. Études de gestes et de corps 294 4.1.2.3. La non-adhérence de l'identité au discours, la « démoralisation du langage » 300 4.1.3. Le collage : le geste du montage élargi comme lieu du lyrisme 306 4.1.3.1. Le collage poétique par la mise en scène : l'image surréaliste et l'association libre 310 4.1.3.2. Le collage-montage : dialectique de l'homogène, dialectique de l'hétérogène 314 4.1.3.3. Le collage comme système : le « thème secondaire » 317 4.2. Triple aspect de la dialectique : perturbations et déploiement du lyrisme 326 4.2.1. Une dialectique post-romantique : la critique et le lyrisme affrontés 328 6 4.2.1.1 La critique de l'amour par son envers, la violence 329 4.2.1.2. La critique de l'art par le travail et le spectacle 336 4.2.1.3. La critique de la notion d'art dans la vie : la dialectique de l'amour et du travail 343 4.2.2. Une mise en tension sans résolution : politique du mouvement, lyrisme du geste 349 4.2.2.1. Répétition et circularité : polysémie du geste 349 4.2.2.2. Aller -retours et bégaiement : de l'obstacle au franchissement 354 4.2.2.3. - Les arrêts de la dialectique : la question de la beauté comme terreur 359 4.2.3 Le désenchantement post-révolutionnaire : le « destin ironique » de la dialectique 364 4.2.3.1. La dégradation cynique 365 4.2.3.2. Le trou noir 370 4.3. Le lyrisme objectif : la critique intégrée au lyrisme 375 4.3.1. Les plans de mer : une « logique de la sensation » matérialiste 376 4.3.2. Le retournement de l'image aliénée contre elle-même par le ralenti : utiliser le modèle vidéo pour retrouver le lyrisme cinématographique 386 4.3.3. Le court-circuit figuratif pour refonder l'alliance entre pensée et sensation : la musique 397
Conclusion Nous donnerons également parfois en note des références minutées correspondant aux passages des films analysés. Ces minutages sont approximatifs et peuvent varier en fonction des supports de visionnage. Cette étude est un essai d'articulation dans le champ cinématographique de la notion de lyrisme avec celle de politique. Elle propose une double orientation : d'une part une tentative théorique de reproblématisation générale et historique de la notion de lyrisme sous un angle critique et politique, qui conduira à l'élaboration de nouveaux éléments définitionnels, et d'autre part, une analyse plus spécifique de problématiques posées en cinéma par différentes manières de figurer des enjeux politiques par les ressources du lyrisme. Nous tenterons donc d'élaborer une compréhension cinématographique du lyrisme, affranchie de la tentation de transposer les caractéristiques littéraires du lyrisme aux procédures filmiques. En s'écartant d'une approche littéraire ou sémiologique qui ne permet pas toujours selon nous de saisir les spécificités de la figuration cinématographique, il s'agit d'envisager la notion comme outil heuristique et herméneutique possible en cinéma, plutôt que comme genre homogène constituant une catégorie identificatoire et typologisante. Dans cette perspective qui vise à une problématisation de la notion en cinéma, nous partirons néanmoins d'une exploration nouvelle et critique de la tradition littéraire, car elle conditionne en grande partie la réception de la notion, notamment en France, et marque par ailleurs profondément les oeuvres que nous étudions, soit parce que leurs auteurs en revendiquent l'héritage, soit parce que ces oeuvres en présentent elles-mêmes des traces. L'enjeu de repartir de la tradition littéraire est ainsi à la fois d'y trouver des pistes d'analyse, mais aussi de comprendre historiquement ce qui se joue dans la notion de lyrisme, et notamment dans la réception des oeuvres littéraires où elle est centrale. Il s'agit alors de montrer comment le ly isme apparaît comme enjeu d'une élaboration politique dans le champ esthétique, aussi bien en littérature, notamment à travers le romantisme et son héritage critique, qu'en cinéma de façon contemporaine. Nous arrivons alors à notre seconde orientation. Nous chercherons à mettre à l'épreuve notre nouvelle manière d'envisager la notion de lyrisme en examinant trois oeuvres 11 cinématographiques qui à la fois conjuguent l'ambition de se situer sur un terrain politique1 avec le réinvestissement de certaines ressources du lyrisme, mais qui témoignent également de profondes divergences éthiques et esthétiques, qui se donnent en partie à comprendre à la lumière des choix référentiels opérés par les auteurs au sein de l'héritage littéraire et artistique, et en particulier au sein du romantisme. L'enjeu de notre recherche sur la dimension politique du lyrisme en cinéma est triple. D'une part, il s'agit de réinvestir une notion qui est restée jusqu'à présent essentiellement théorisée en littérature et qui dans la critique de cinéma n'est massivement utilisée que dans une acception courante. Souvent employé en équivalence avec l'adjectif « poétique », le terme « lyrique » demeure en général un mot-valise dont on ne sait pas précisément ce qu'il recouvre. Désignant tantôt la présence d'un imaginaire onirique, tantôt une forte présence de la subjectivité de l'auteur, notamment dans l'usage d'une voix off, tantôt la présence de thématiques du romantisme – nature, amour, sentiments etc., tantôt encore des traits formels, la qualification de lyrique en revient souvent à désigner une atmosphère dont le caractère saillant serait d'emporter le spectateur dans une émotion2. Nous tâcherons alors de reprendre au sérieux la notion pour en réélaborer un contenu consistant, en montrant que cette utilisation courante correspond en général à une compréhension tronquée du lyrisme, notamment au prisme d'un romantisme affadi. Nous abordons ainsi un deuxième enjeu plus général. Par cette étude, il s'agit pour nous d'en finir avec un préjugé dualiste répandu, qui a été déjà vivement remis en cause dans le champ littéraire3 mais qui continue de sous-tendre l'acception courante du lyrisme, et qui maintient un soupçon d'apolitisme, voire de conservatisme, sur le lyrisme, et en tout cas le marque au sceau d'un défaut de rigueur. Dans la critique que 1 Précisons dès à présent que cette catégorisation est évidemment sujette à polémique, en premier lieu pour nous, mais ce n'est pas l'objet de notre recherche. Il ne s'agit pas ici de déterminer si un film est politique ou non car notre ambition n'est pas normative. Nous nous appuyons dans le choix de notre corpus soit sur les ambitions déclarées par les auteurs, notamment chez Philippe Garrel, soit sur notre propre parti-pris de lecture que nous justifierons en examinant sur quelles conceptions du politique il peut se fonder. D'autre part, il s'agira d'étudier comment la dimension politique est traitée dans les films, afin de déterminer quel sens politique se dégage in fine de ces derniers. 12 fait François Furet des Histoire(s) du cinéma de Jean-Luc Godard par exemple, il lui reproche une « vision sacrée » de l'histoire comme « tragédie lyrique4 », qui s'opposerait à une rigueur scientifique. Ce préjugé repose selon nous sur le fait de comprendre le lyrisme à la fois comme primauté des effets de la forme sur le fond, et comme genre du sujet5, selon un modèle appauvri du romantisme, et d'en tirer une opposition entre subjectivité et objectivité, intériorité et monde extérieur, sentiments individuels et enjeux collectifs, sensibilité et rationalité, mysticisme et matérialisme, imaginaire et réel. D'autre part, l'identification du lyrisme au romantisme marque de nos jours cette forme esthétique au sceau d'un passéisme, redoublé par la référence à un âge d'or qui caractérise effectivement le romantisme6. Enfin, malgré les travaux déjà anciens de Jacques Rancière qui ont renouvelé la compréhension de ce qui pourrait se nommer « art politique », le soupçon sur le lyrisme dans le champ du cinéma continue de se nourrir d'une représentation particulière du cinéma politique selon l'alternative entre le cinéma militant représentatif – ou « narratif à thèse », de type fiction de gauche, et le cinéma de type brechtien, antispectaculaire et réflexif, dans lequel on peut trouver classés Jean-Marie Straub et Danièle Huillet, Jean-Luc Godard ou récemment Miguel Gomes par exemple. Face à cette alternative, il s'agit pour nous de repolitiser la notion de lyrisme, notamment en mettant en avant les apports d'une certaine tradition lyrique critique du romantisme qui, de Rimbaud aux surréalistes, n'a fait que jouer contre cette définition appauvrie et, de fait, conservatrice du lyrisme, afin de proposer just une conception du lyrisme comme lieu de destruction du dualisme entre sensible et intelligible, imaginaire et réel. En effet, comme nous le développerons, le lyrisme pour nous se caractérise par l'affirmation de la dimension polémique et heuristique de la sensation. Enfin, le troisième enjeu que nous voyons à l'étude de cette notion, est d'examiner a contrario ce qu'on entend quand on parle de politique dans des films qui 4 François Furet, « Lettre(s) à Godard », Cahiers du cinéma, Hors-série « Le Siècle du cinéma », novembre 2000, p. 7. 13 se placent dans cette tradition lyrique. À un point de vue puriste qui n'identifie comme politiques que les films répondant aux critères de l'avant-garde militante, quand bien cela reviendrait à reprendre des codes déjà anciens d'une avant-garde des années 19601970 – ciné-tract, film d'intervention etc.–, répond aujourd'hui un point de vue postmoderniste qualifiant de politiques tous les films qui conjuguent une thématique en prise avec le monde contemporain et une forme remettant plus ou moins en cause les normes représentatives. Ce point de vue a remis à la mode l'adjectif « poétique » dans la critique de gauche, sans pour autant que la compréhension de ce qui est poétique ou lyrique ne soit éclairée, et a posé l'idée contestable que le poétique serait en soi politique. Dans l'emploi de l'adjectif « politique » également, cette critique en reste souvent aussi à une simple désignation qui peut recouvrir aussi bien des thématiques que des systèmes formels, et ne discute pas du contenu thétique des films selon des critères proprement politiques. Dans le cas des films qui sortent de la stricte forme militante, les enjeux politiques peuvent parfois apparaître plus vagues, et leur analyse perturbée par l'utilisation du lyrisme, ce qui requiert selon nous un effort accru pour déterminer le sens de cette articulation. Au-delà du débat entre le réalisme jdanovien et l'avant-garde, entre un art au service de la révolution et un art révolutionnaire dans la discipline, il s'agit donc pour nous, dans notre corpus, d'examiner d'un point de vue politique, le résultat et le sens de cette alliance entre lyrisme et ambition politique. Nous nous demanderons ainsi quel rôle joue le lyrisme dans la figuration des enjeux politiques : constitue-t-il une perturbation de leur intelligibilité, un appauvrissement de leur traitement, joue-t-il un rôle d'amplificateur ou bien proprement de problématisation pertinente du politique? Il s'agira ainsi de voir comment et à quelles conditions le lyrisme peut constituer un angle fécond de traitement du politique, en proposant plusieurs études de cas qui nous semblent présenter des options différentes. Afin d'examiner précisément cette articulation, nous avons choisi un corpus restreint, à la fois pour privilégier les études approfondies de quelques films et pour cibler un moment politique particulier au sein duquel il serait possible de procéder à une comparaison de différents positionnements cinématographiques et politiques qui nous paraissaient paradigmatiques. Nous avons choisi de travailler sur trois auteurs : Marguerite Duras et Jean-Luc Godard pour la génération qui a connu la guerre, et Philippe Garrel pour la génération 14 issue de 1968. Au sein des oeuvres de ces cinéastes, nous avons choisi six films réalisés entre 1972 et 1984, Nathalie Granger et Césarée, Sauve qui peut (la vie) et Prénom Carmen, et enfin Elle a passé tant d'heures sous les sunlights7 et Liberté, la nuit. Il s'agit donc d'un corpus ancien. On pourrait regretter que cette étude ne porte pas sur des auteurs contemporains et se concentre sur des auteurs déjà canonisés. Il est vrai que nous aurions eu un terrain d'investigation passionnant dans le champ contemporain, notamment au vu d'une production de films documentaires qui nous semblent porter aujourd'hui la trace de cet essai de renouvellement du discours politique par certains moyens du lyrisme. Néanmoins, plusieurs raisons nous ont confortée dans notre choix. D'abord, si Godard a été effectivement très largement étudié, notamment dans plusieurs monographies, cela est nettement moins vrai pour Garrel8 et pour Duras9. En outre, la question de leur héritage théorique et notamment des liens avec le romantisme nous parait peu posée de façon approfondie10, alors qu'elle est cruciale, au moins dans les cas de Godard et de Garrel. Réexaminer leur oeuvre sous l'angle du lyrisme peut alors ouvrir de nouvelle pistes. Enfin, la raison essentielle est que ces cinéastes occupent une place centrale dans le nouage particulier opéré entre poésie et politique par une tradition française en cinéma qui se retrouve encore aujourd'hui, et dont les débats théoriques transparaissent massivement dans la critique. Cette tradition, qui s'est imposée en particulier par la Nouvelle Vague et aux Cahiers du cinéma dans les années 1960, nous semble issue d'un héritage du « cinéma de poésie11 » des cinéastes 7 Nous abrègerons parfois le titre en Les sunlights. Les deux monographies sur Philippe Garrel, celle de Philippe Azoury et celle de Thibault Grasshoff, qui sont venues combler un manque, n'étaient pas encore parues au début de notre travail. 9 À l'exception d'articles spécifiques, notamment dans l'ouvrage collectif dirigé par Bernard Alazet, Christiane Blot-Labarrère et Robert Harvey, Marguerite Duras : la tentation du poétique, Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2002 et des études de Youssef Ishaghpour, déjà anciennes, l'essentiel des études sur Marguerite Duras portent sur son oeuvre littéraire ou examinent ses films d'un point de vue littéraire. L'ouvrage dirigé par Jean Cléder, Marguerite Duras, le cinéma, Paris, Lettres modernes Minard (Etudes cinématographiques, 73), paru récemment en 2014, apporte en cela une nouvelle approche importante. 10 Pour Garrel, Thibault Grasshoff mentionne rapidement le romantisme à propos du traitement de l'amour, voir Philippe Garrel, une esthétique de la survivance, La Madeleine, Editions Lettmotif, 2015, p. 122. Quant à Godard, cette question est beaucoup plus souvent évoquée, mais abordée soit par la dimension mélancolique soit par la dimension réflexive de l'oeuvre de Godard, selon la définition du romantisme comme philosophie de la littérature posée par l'ouvrage de Philippe Lacoue-Labarthe et Jean-Luc Nancy, L'absolu littéraire. Théorie de la littérature du romantisme allemand, Paris, Seuil, 1978. À ce jour, c'est l'étude récente de Georges Didi-Huberman, Passés cités par JLG, L'oeil de l'histoire 5, Paris, Editions de Minuit, 2015, Paris, Minuit, qui nous semble problématiser le plus la question. 11 L'expression est théorisée par les formalistes russes, notamment par Viktor Chklovski, « Poésie et prose au cinéma », Textes sur le cinéma, Lausanne, L'Âge d'homme, 2011, p. 58-60, et se retrouve chez Jean Epstein dans les deux volumes des Écrits sur le cinéma : 1921-1953, Paris, Seghers, 1974-1975. Pier Paolo Pasolini en proposera par ailleurs une relecture dans son article de 1965 « Le cinéma de 8 15 soviétiques12. En reprenant les enjeux de recherche formelle et figurative au détriment du romanesque et du récit, le courant des Cahiers du cinéma en a postulé l'articulation nécessaire avec une perspective éthique, à travers l'idée célèbre du travelling comme affaire de « morale13 ». Puis dans l'année 1969 où prend de l'ampleur un débat politique au sein de la critique, entre la défense maoïste d'une avant-garde culturelle, les gauchistes libertaires, et les marxistes proches du parti communiste restant sur la ligne d'un cinéma « populaire », un article important de Jean Narboni contre Z de CostaGavras pose une ligne de démarcation entre le champ politique et le champ moral, en définissant le projet que doit se donner un film politique : procéder à « l'étude objective des rapports sociaux [qui] dépassent largement les phénomènes de sujet, de personne14 ». L'analyse politique ne pouvant s'opérer sous la forme spectaculaire issue de l'idéologie capitaliste et bourgeoise, une forme critique et réflexive était affirmée comme indispensable. Ainsi se trouvaient mis en opposition une forme romanesque et psychologique traditionnelle qui aboutissait à un cinéma moral, et un cinéma de recherche censé ouvrir des politiques par le langage cinématographique lui-même. Mais cette conception de la recherche formelle sous le modèle brechtien entérinait aussi un rejet du lyrisme, considéré comme non critique et complice du spectaculaire. Ainsi aujourd'hui, même si des nuances sont apportées, une ligne de partition entre l'idée d'un cinéma politique qui passe par un travail de distanciation anti-émotionnel, et une idée du poétique comme portant en lui-même une critique politique reste profondément ancrée. Mais cela conduit à évacuer certaines parties de la problématique. En ce qui concerne Godard par exemple, et en particulier son travail des années 1980, un certain embarras apparaît chez plusieurs critiques qui constatent un héritage du constructivisme matérialiste des cinéastes russes, mais également un fond romantique récurrent, notamment dans un lyrisme mélancolique15. poésie », L'expérience hérétique, Paris,
, 1976, p. 135-155.
Il y fait un usage polémique du prisme linguistique, en opposition à une tradition formaliste qu'il reconnaît notamment chez Godard ou chez Michelangelo Antonioni. 12 Nous verrons que dans le cas de Philippe Garrel, cet héritage est plutôt issu de la branche française du cinéma de poésie, incarnée notamment par Jean Epstein. 13 L'expression originale de Luc Moullet à propos de Samuel Fuller « La morale est affaire de travellings », est reprise et renversée par Godard en « Les travellings sont affaire de morale », dans Jean Domarchi et al., table ronde « Hiroshima notre amour », Cahiers du cinéma, 97, juillet 1959, p. 5, puis par Jacques Rivette dans l'article sur Kapo « De l'abjection », Cahiers du cinéma, 120, juin 1961, p. 5455. 14 Jean Narboni, « Le Pirée pour un homme », Cahiers du cinéma, 210, mars 1969, p. 54-55. Voir également du même auteur l'article « Le cahier des autres », Cahiers du cinéma, 212, mai 1969, p. 4. 15 Voir notamment les articles du hors-série d'Art Press consacré à Godard, en particulier l'article de Dominique Païni « La bonne distance », Art press spécial Godard, hors-série 4, 1985, p. 52-55. Les deux 16
Cette association leur semble contradictoire, alors que les surréalistes notamment avaient proposé une articulation semblable, et les conduit à parler à la fois de période métaphysique mais aussi de travail dialectique, sans que l'articulation entre les deux termes ne soit approfondie. En fait, cette gêne paraît sous-tendue par les équivalences posées entre romantisme et métaphysique du sujet d'une part et entre constructivisme formel et travail politique d'autre part. En ce qui concerne Garrel, qui s'éloigne de l'héritage des cinéastes soviétiques, c'est plutôt une filiation avec le cinéma poétique d'Epstein qui est relevée, associée à l'idée un peu vague d'une politique de l'intime et de l'amour16. Mais dans ce cas, le politique passe un peu à la trappe, en restant soit considéré comme une thématique17, soit invoqué comme enjeu profond mais de façon furtive. Chez Duras, c'est plutôt son travail anti-représentatif qui a été mis en avant comme fondateur d'une modernité cinématographique, et seul Youssef Ishaghpour a articulé précisément le rapport entre cet avant-gardisme et le lyrisme, autour de cette proposition sur laquelle nous reviendrons : De la mort de la narration naît le lyrisme du matériau18 ». En regard, le travail critique récent sur le politique chez Duras est très majoritairement influencé par la pensée de Jacques Derrida et par la compréhension blanchotienne de la communauté, ce qui nous semble juste, mais l'utilisation de cette tradition philosophique la réduit souvent à appuyer l'étude de traits formels comme l'écriture du ressassement, ou du silence, en faisant primer le champ métaphysique sur le champ politique. Nous avons donc l'impression que la pensée politique de Duras est peu prise au sérieux19. partage du sensible
Dans tous les cas, ce que recouvre la notion de poésie en cinéma demeure extraordinairement complexe, non seulement dans l'utilisation très diverse qu'en fait la critique aujourd'hui, mais aussi depuis les origines du cinéma, entre les manifestes politiques d'Eisenstein qualifiés par ses contemporains de « cinéma de poésie », les recherches atmosphériques d'Epstein, la veine du cinéma poétique français de Marcel Carné et Jacques Prévert, ou encore la reprise de la notion de « cinéma de poésie » par Pier Paolo Pasolini. Il s'agit donc pour nous de comprendre comment a été pensé le cinéma de poésie, pourquoi une conception du cinéma de poésie semble dépolitisée par rapport au modèle de l'avant-garde et une autre intrinsèquement liée à un enjeu politique. Or, c'est par un détour vers le passé et par l'essai d'une généalogie qui, si elle n'est pas exhaustive, permettra, espérons-le, de proposer des pistes, qu'il nous a semblé nécessaire de repenser cette alternative, en réexaminant des cinéastes qui ont non seulement mis en jeu dans les oeuvres que nous étudions un pan particulier du poétique, le lyrisme, en l'articulant avec une problématisation d'ordre politique, mais qui ont de surcroît constitué des boussoles, de différentes manières, à la fois pour les cinéastes, mais aussi pour la critique et la théorisation du cinéma. Notre étude se veut ainsi une réarticulation nouvelle d'un fond assez largement partagé, afin de proposer une synthèse permettant d'aborder de façon plus éclairée le cinéma contemporain. Nous avons choisi l'angle du lyrisme, car l'examen de cette notion nous permet de sortir de cette catégorie-valise de « poésie », et de proposer une délimitation du nouage entre poésie et politique. En effet, nous montrerons que dans la notion de lyrisme, sous certaines conditions, peuvent s'articuler puissance critique et plénitude sensible permettant de sortir d'une stricte association de la critique à la distanciation sensible. Or il convient aussi de souligner que nos cinéastes ont un rapport direct avec le lyrisme littéraire, soit par l'écriture textuelle proprement dite, dans le cas de Duras21, soit par la présence massive de références soit au romantisme et à ses suites, soit au surréalisme chez Godard et Garrel. Il ne s'agit pas pour nous, en mentionnant cela, de pointer une hypothétique utilisation du lyrisme littéraire adapté au cinéma, mais de rappeler ce que nous interprétons comme une inscription dans une histoire culturelle 20 Jacques Rancière, Le Partage du sensible, Paris, La Fabrique, 2000. Qualifier l'écriture de Duras de lyrique ne va pas de soi. Nous expliquerons pourquoi cela nous parait néanmoins justifié dans certains cas. plus générale, une tradition de pensée en art. Nous partirons du fait que ces cinéastes travaillent tous, certes différemment et parfois dans certaines parties seulement de leur oeuvre, notamment celles que nous étudions, dans le sens d'une exploitation des ressources expressives du matériau cinématographique en lui-même. Ils le font en outre en n'abandonnant pas tout à fait le cadre de la fiction au profit d'une recherche expérimentale pure. La distinction des genres se trouve alors rendue inepte : entre fiction, documentaire et expérimentation, se rejoignent fabulation, volonté discursive et heuristique dans le réel, et travail de la matière cinématographique en elle-même. À l'imaginaire et à l'espace fictif, est confrontée l'affirmation d'une valeur de vérité dans le réel des agencements proposés par la figuration cinématographique, et cette articulation est pour nous une des caractéristiques du lyrisme tel que nous le définirons. La perturbation de la narration traditionnelle ou la disjonction du son et de l'image, caractéristique d'un cinéma de la modernité tel qu'il avait été identifié par Gilles Deleuze dans L'image-temps22, ou par Youssef Ishaghpour23, apparaissent notamment comme des principes premiers d'un cinéma qui tente de sortir de la symbolisation et de la vraisemblance romanesque pour passer de la simple émotion à une « logique de la sensation24 ». Ainsi, on peut observer de manière générale chez ces cinéastes un travail sur l'assemblage de matériaux hétérogènes, selon ce que nous appellerons une logique d'images25, affranchie des critères rationnels de la narration. D'autre part, ces cinéastes lient, dans les films que nous avons choisis, cette recherche sensible avec la figuration de questions politiques. Pour brosser un aperçu thématique de ces questions, Garrel s' e ainsi à la guerre d'Algérie vue de France dans Liberté, la nuit, à la débâcle de l'après-1968 dans Elle a passé tant d'heures sous les sunlights, Godard revient au cinéma avec Sauve qui peut (la vie) qui apparaît comme un brûlot contre la violence capitaliste et la réification des rapports humains, et esquisse ensuite dans Prénom Carmen une critique du travail et de l'amour sur fond de braquage ; Marguerite Duras enfin, propose dans Nathalie Granger une charge contre l'oppression des identités sociales à travers la question de la violence, et dans Césarée une remise en perspective historique et mythique de la violence d'État. 22 G. Deleuze, L'image-temps, op. cit. Y. Ishaghpour, D'une image à l'autre. La nouvelle modernité du cinéma, op. cit. 24 G. Deleuze, Francis Bacon. Logique de la sensation, Paris, Le Seuil, 2002. 25
Dans cette expression, nous entendons images au sens fort d'images poétiques. 19 À chaque fois, l'enjeu n'est pas dans le traitement d'une question sociale particulière, et les films n'apparaissent ainsi pas comme des films de lutte, mais dans une volonté d'embrasser des questions politiques plus générales, mettant en jeu aussi bien l'intimité que les identités sociales, aussi bien les imaginaires que l'espace collectif, c'est-à-dire portant aussi bien sur le partage de places sociales et économiques opéré par le pouvoir que sur le « partage du sensible » tout entier. Or, de la même manière que l'avait opérée une poésie lyrique post-romantique, on peut voir dans ces films une sortie du symbolisme traditionnel confinant l'image au statut de signifiant au profit d'un matérialisme de la sensation. Ce basculement prend alors en charge un travail de rupture du consensus entre image et sens caractéristique de ce « partage du sensible », qui fait porter plutôt la puissance critique du film sur ses procédures et sa construction matérielles, sur les images créées, que sur le symbole que représenteraient les situations filmées, c'est-à-dire, plutôt sur la figuration que sur la représentation, pour reprendre la distinction de Jean-François Lyotard26. La distance avec le cinéma militant représentatif peut s'interpréter à la lumière de la période que nous avons choisie. La période du tournant des années 198027 est un peu délaissée, soit au profit du contemporain, soit au profit des années autour de 1968, qui ont marqué effectivement une rupture assez nette dans le champ ciné ographique, notamment autour du traitement du politique. Si les années 1960 avaient vu émerger beaucoup de films politiques directement liés au contexte de lutte, il a paru intéressant d'examiner l'après, au moment où le maintien résolu de la droite au pouvoir puis la déception des années Mitterrand marquaient à la fois un affaiblissement des luttes sous le coup de la répression, une normalisation et une amplification du capitalisme, et un éclatement des forces de gauche sous le double mouvement d'une radicalisation vers la lutte armée d'une part et d'un ralliement à une gauche libérale de gouvernement d'autre part. Dans cette période d'angoisse politique exacerbée, apparaît en parallèle chez les cinéastes de notre corpus une refonte ou du moins une interrogation sur leur poétique. Dans le cas de Godard et de Garrel, on a parlé de « retour à la narration28 », relativement à leurs oeuvres précédentes, c'est-à-dire 26 Jean-François Lyotard, Discours, figure, Paris, Klincksieck, 1971. Le premier film de notre corpus est Nathalie Granger, sorti en 1972, et le dernier Elle a passé tant d'heures sous les sunlights, qui date quant à lui de 1985. Entre les deux, deux films sont de 1979, Césarée et Sauve qui peut (la vie), et Liberté, la nuit est sorti en 1983 tout comme Prénom Carmen. 28 En ce qui concerne Garrel, Thomas Lescure emploie notamment cette formule, dans T. Lescure et P. Garrel, Une caméra à la place du coeur, Aix-en Provence, Admiranda/Institut de l'image, 1992, p. 83. En ce qui concerne Godard, c'est plutôt l'expression d'un « retour au cinéma-cinéma » qui revient. Voir 27 20 le travail en vidéo de Godard dans un projet d'intervention politique plus directement militante et les formes expérimentales de Garrel portées par une mystique utopique. Certes, les films que nous étudions s'affirment dans le champ fictionnel plutôt que dans une recherche de l'ordre du cinéma expérimental, mais la trame narrative est loin de répondre aux exigences classiques, perturbée par l'inflation du lyrisme. Or il est intéressant de constater par rapport aux oeuvres précédentes que si le lyrisme pouvait sembler l'élément principal des « poèmes » cinématographiques de Garrel dans les années 1970, il était absent chez Godard dans cette même période. On note ensuite une convergence dans le recours au lyrisme, é à l'espace de la fiction et à la reformulation d'une réflexivité politique. Après l'émulation politique de la fin des années 1960 et du début des années 1970, l'utilisation du lyrisme apparaît alors particulièrement signifiante. Notre proposition principale consiste donc à prendre au sérieux une conception du lyrisme comme potentialité politique, en la différenciant du lyrisme proprement romantique. Dans une dissidence avec ce mouvement, une ligne allant de Hölderlin aux surréalistes en passant par Rimbaud, paraît avoir tracé la promesse d'un lyrisme particulier, que nous avons choisi d'appeler « lyrisme objectif », en référence à l'expression rimbaldienne de « poésie objective29 ». À partir du programme romantique allemand, qui formulait de façon parallèle à la Révolution française une conception de la poésie comme philosophie, destinée à se réaliser dans la vie en vue de l'émancipation Antoine de Baecque, Godard : une biographie, Paris, Grasset, 2010, p. 576, et Alain Bergala, « Le combat avec l'ange : les années quatre-vingt », Nul mieux que Godard, Paris, Cahiers du cinéma, 1999, p. 23. A. Bergala oppose ce retour au « long détour des années politiques », ibid. Il emploie également l'expression de « narration retrouvée » à propos de Comment ça va?, « Le cinéma retrouvé », ibid., p. 27. 29 Arthur Rimbaud, Lettre à Georges Izambard du 13 mai 1871, OEuvres complètes, Paris, Gallimard, 2009, p. 339. 21 universelle30, Hölderlin avait apporté en effet des critiques à cet idéalisme fondé sur la notion de sujet, par une relecture de la pensée grecque antique et par un travail de la langue à rebours de l'idéal expressif. Dans les lettres de Rimbaud, au moment de la Commune un siècle plus tard, s'affirmait un programme de poésie hors du cadre de l'intériorité et de l'espace sentimental. Le « je » n'y était plus entité consistante et homogène subsumant le monde, mais construction dynamique, dont l'incarnation prenait autant de formes que celles des visions, dégagées de la raison, de l'ordre social établi. Ce principe constructiviste débarrassant l'énonciation de son contrôle sur ellemême et de l'autorité qui en découlait, sous la forme notamment d'une pensée du poète comme élu ou prophète, permettait alors de mettre à mal le lyrisme romantique par le matérialisme et, comme le formulaient les surréalistes, par la dialectique. André Breton formulait en effet un programme de réactivation de la puissance sensible du lyrisme en la pensant comme intervention dans le réel. Ce lyrisme objectif semble ainsi le contraire exact de l'expression du sentiment du poète sur le monde. Il présente la forme objectivée des visions du poète, c'est-à-dire la matérialisation des sensations données par le monde au poète. Cette forme objectivée peut ainsi être une forme collective et réappropriable, dont la valeur de réel est affirmée, au lieu d'être confinée dans l'espace de l'intériorité. C'est dans ce décentrement appliqué à la conception de la subjectivité que réside pour nous la valeur politique du lyrisme. La subjectivité n'est pas pensée comme une entité singulière et consistante, sur le modèle d'une propriété intérieure d'un homme qui en délivre formulation au lecteur, mais comme processus en construction et de construction d'une expérience du monde. Pour le récepteur, l'oeuvre peut alors véritablement être une proposition d'expérience de subjectivation commune. Or, nous suivons Rancière pour poser comme coeur du politique la confrontation de la police, comme ce qui détermine des places exclusives, avec les processus de subjectivation qui brouillent ces places31. La problématisation de la subjectivité par l'expérience sensible et l'affirmation d'une potentialité de saisie collective, dans le réel, des figurations proposées par les oeuvres, sont ainsi les deux pôles d'enjeu politique du lyrisme que nous explorerons. 30 Voir notamment Friedrich Schiller, Lettres sur l'éducation esthétique de l'homme, Lettres sur l'éducation esthétique de l'homme, Paris, Aubier, 1992, et les analyses de P. Lacoue-Labarthe et J.-L. Nancy, L'absolu littéraire, op. cit. 31 J. Rancière, Aux bords du politique, Paris, Gallimard, 2004, p. 112-113. Enfin, la particularité du lyrisme par rapport au travail de distanciation critique tel qu'il avait été pensé par Brecht notamment, est qu'en proposant ce processus de resubjectivation par le régime de la sensation, il questionne non seulement les régimes d'existence sociale mais aussi le régime de perception ainsi que l'ordre rationnel. Ce dernier est réaffirmé comme un régime de sens parmi d'autres, arbitrairement placé au sommet de la hiérarchie, dont il s'agit de s'émanciper de la règle par le « dérèglement de tous les sens32 » qu'avait formulé programmatiquement Rimbaud. Rappelons alors qu'il ne s'agit pas d'une simple expérience d'altération perceptive aléatoire, mais d'une opération stratégique et construite, comme le précise la modification ultérieure de la formule rimbaldienne en « long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens33 », qui articule alors raison et dérèglement. En cela, il nous semble qu'on peut considérer la distanciation critique, lorsqu'elle est posée comme régime exclusif, comme le signe d'un partage qui reproduit un ordre politique oppressif, entretenant une rupture avec des sensations qui font l'objet de soupçons. L'enjeu politique du lyrisme est justement de travailler à les émanciper d'un ordre perceptif arbitraire, et d'en affirmer la valeur de vérité, contre l'ordre habituel et contre le consensus. Nous pourrons formuler ainsi ce que nous poserons comme le propre du lyrisme objectif : produire une critique de l'ordre du réel par le dissensus sensible. L'idée d'une efficacité de la sensation libre apparaît alors comme un postulat qui doit faire l'objet d'une sorte de croyance, que l'on retrouve dans les formulations surréalistes34, non pas au sens spirituel ou magique mais dans un sens d'engagement, celui du « comportement lyrique35 » qui doit recouvrir aussi bien la pratique poétique que la vie entière. L'analogie entre l'amour et la poésie était alors dans le surréalisme le principe de cette croyance. Cette adhésion nécessaire de l'artiste à son énonciation – et dans le cas du cinéma, aux gestes de présentation et d'agencement de l'image – comme non fictive mais appartenant au réel, est pour nous en tant qu'elle prend la forme d'un mouvement de désir, ce qui constitue la substance véritable de ce qui est qualifié souvent de « souffle » ou d'« envolée » lyriques, et de toutes les métaphores océaniques ou météorologiques évoquant un mouvement d'emportement émotionnel. Or ce que recouvre ce mouvement ne saurait être réduit à 32 A. Pour répondre à ces questions, nous avons choisi de conjoindre au sein d'une perspective d'esthétique générale, une réflexion théorique issue d'un champ extérieur au cinéma, le champ littéraire, et une approche esthétique fondée sur l'analyse des films. Il nous a paru important de tenir les deux bouts de ce grand écart pour mettre en relation les concepts que nous proposons avec leur examen précis dans la construction 36 Nous signalerons par exemple
dans le
champ littéraire
la
thèse
non encore
publiée d'Alessandro De Francesco Pour une théorie non dualiste de la poésie
, 2013,
sous la
direction
de
Georges Molinié
,
Paris IV Sorbonne
, qui
propose
une autre
théorie
de cette
articula
tion, avec un
corp
us
de
po
ésie
anti
-lyrique. Si ses
perspectives théoriques ne sont pas les nôtres, nous reviendrons dans notre premier chapitre sur la manière dont il tente d'en finir avec le dualisme forme et fond, poésie et réel. En cinéma, notre étude se concentre sur une tradition française, mais il faudrait explorer d'autres cinématographies. Dans le champ du lyrisme, nous pensons par exemple au cinema novo brésilien, en particulier à Glauber Rocha, ou de manière contemporaine, à des cinéastes aussi différents que Pedro Costa, Jia Zhangke, ou encore Sylvain George. 24 des oeuvres de notre corpus. Il s'agit ainsi à la fois d'approfondir l'analyse de quelques films, tout en en replaçant la compréhension dans une perspective plus large, à la fois généalogique et tournée vers le cinéma contemporain, autant dans sa critique que dans sa fabrication. Si nous sommes repartie du domaine littéraire, c'est parce que le champ du lyrisme en cinéma est un champ presque vierge. Il n'y a pas d'ouvrage portant de façon exclusive sur la question. S'il on trouve assez souvent les termes « lyrisme » ou « lyrique » dans des articles, ils ne sont quasiment jamais développés. Sur le poétique par contre, outre les théorisations anciennes du « cinéma de poésie », très liées à des modèles littéraires, un récent regain d'intérêt permet de sortir d'une part de l'approche sémiologique, et d'autre part d'une approche thématique qui se concentre sur les films donnant à entendre des poèmes ou bien sur les films réalisés par des poètes. Un effort de théorisation a été fait pour comprendre les liens entre poésie et cinéma : l'ouvrage de Corinne Maury Habiter le monde, Éloge du poétique dans le cinéma du réel emprunte une perspective phénoménologique37 et dans une voie différente l'ouvrage dirigé par Jean-Louis Leutrat Cinéma & littérature, le grand jeu, tente de dépasser la question de l'adaptation de textes au cinéma pour comprendre le jeu figuratif de l'association de matières hétérogènes38. Mais la question du lyrisme n'y est pas approfondie, et encore moins la relation possible du lyrisme avec le politique. Le champ littéraire est à nos yeux celui dans lequel la notion a été théorisée de la façon la plus issante pour notre propos. Dans notre perspective, la référence étymologique - λυρική - au caractère chanté, ou déclamé avec un accompagnement musical, de la poésie39, nous parait peu stimulante car soit elle amène par analogie à travailler sur la musique dans le cinéma, soit elle se réduit à une compréhension métaphorique trop vague. Comme Alessandro De Francesco le résumait dans sa thèse, « cela tombe sous le sens de rappeler que la poésie, depuis des siècles, ne chante plus40 », et dire qu'un film « chante41 » métaphoriquement nous paraît également 37 Corinne Maury, Habiter le monde, Éloge du poétique dans le cinéma du réel, Crisnée, Yellow Now, 2011. 25 improductif. Nous avons donc choisi de nous émanciper de l'étymologie. En revanche, nous serons amenée à réexaminer l'analogie musicale au point de vue des logiques de composition et d'une figuration d'ordre non sémantique. De même, l'utilisation de l'adjectif lyrique dans la peinture, en particulier dans la dénomination d'« abstraction lyrique » appliquée au courant de peinture d'après-guerre, apparaît comme une simple transposition encore une fois métaphorique du concept littéraire, dans l'idée d'une plénitude sensible, notamment de la couleur et du rythme, opposée au formalisme antispectaculaire et conceptuel de l'abstraction géométrique. Or, en littérature, la définition du lyrisme a fait l'objet de nombreux débats et analyses, dont la richesse porte la trace des enjeux, notamment politiques. Il nous a donc paru plus fécond de nous fonder sur cet ensemble critique. Au sein de ces études, nous nous sommes appuyée sur la définition désormais canonique du lyrisme en tant que genre par Käte Hamburger, dans son ouvrage Logique des genres littéraires42, qui pose deux principes fondamentaux et discriminants du genre lyrique : l'association du caractère irréel de l'énoncé et du caractère réel de l'énonciation, qui en font une structure ouverte par opposition au système clos de la fiction, et la présence du poids de réel dans l'expérience de l'objet plutôt que dans l'objet de l'expérience. Nous avons complété cette définition technique qui pouvait nous enfermer dans une approche de l'énonciation impossible à transposer au cinéma, d'un texte de Martine Broda43 qui nous a éclairée sur l'importance de renverser la pensée du lyrisme en le comprenant moins comme genre du sujet, où le monde se subsume dans la subjectivité, que comme genre du désir, au sens d'une sortie de l'espace du sujet vers le monde. Un autre ensemble critique important a été l'ouvrage collectif dirigé par Dominique Rabaté, Figures du sujet lyrique44, qui approfondit de manière plus technique la critique de l'idée du lyrisme comme genre de l'intériorité du sujet. D'autre part, cet ouvrage a le mérite de sortir d'une approche trop typologisante du lyrisme comme genre. À ces approches techniques, nous avons associé une problématisation plus générale du romantisme et de ses dissidences, à partir de la synthèse de Löwy et Sayre, Révolte et mélancolie45, qui a considérablement informé notre différenciation des enjeux politiques au sein du romantisme. Cet ouvrage a inspiré notre propre lecture politique de différents enjeux du lyrisme. À cet ensemble théorique issu à la fois de la théorie littéraire, de l'histoire des formes artistiques et de la philosophie politique, nous avons associé un travail d'analyse filmique sur notre corpus, enrichi des études déjà menées sur les auteurs choisis. Nous avons pensé cette analyse comme moyen de travail et non comme fin signifiante en soi,
46 J. Rancière, Aux bords du politique, op. cit. J. Rancière, Les écarts du cinéma, Paris, La Fabrique, 2011, p. 111. 48 Walter Benjamin, « Sur le concept d'histoire », OEuvres, vol. 3, Paris, Folio, 2006, p. 427-443. 49 W. Benjamin, « L'auteur comme producteur », Essais sur Brecht, Paris, La Fabrique, 2003, p. 122144. 50 J.-F. Lyotard, Discours, figure, op. cit. et Textes dispersés I, Esthétique et théorie de l'art, Louvain, Leuven University press, 2012. 47 27
étant entendu, comme l'écrit Jacques Aumont, qu'« on ne peut pas exactement décrire une image, ni l'expliquer, par elle-même ni par d'autres images, seules []. L'image résiste, de toute son obstusité, elle s'obstine à dire plus ou autre chose, à s'échapper dans des directions imprévues et immaîtrisables51 ». Tout en souscrivant à ces mots, notre approche de l'analyse de film, quelque peu délaissée par les auteurs contemporains, nous a paru nécessaire pour trois raisons. Du point de vue de la recherche d'abord, l'étude du détail des oeuvres permet d'éviter des généralisations, des approximations, des projections critiques non justifiées, y compris les nôtres, qui à notre sens sont pour beaucoup dans le flou que nous avons pointé dans la définition en cinéma du poétique. Nous voulions sortir des intuitions pour nous confronter aux corps des oeuvres. D'autre part, le travail un peu ingrat de dégagement des structures des films a permis de faire apparaître les récurrences de motifs et les lignes figuratives, ce qui a été nécessaire à l'étude de la perturbation de la narration par le lyrisme. La première étude de cas, consacrée à Marguerite Duras, est ainsi l'occasion d'examiner à partir de la structure de Césarée comment la logique d'images se substitue concrètement à la logique narrative. Enfin, cette étude analytique des oeuvres a tout autant un but théorique qu'un but pratique. En effet, nous avons également travaillé dans l'optique de la pratique cinématographique que nous menons en parallèle de nos recherches, comme réflexion pour la fabrication de films. De ces réflexions méthodologiques découle l'organisation de notre étude. Étant donné à la fois notre ambition de revenir sur une histoire des formes plus générale et l'emprunt au champ littéraire pour former notre concept de lyrisme objectif, nous avons 51
Jacques Au
mont
, Am
nési
es, Paris, P.O.L., 1999, p. 123-125. « Mais, Degas,
ce
n'est point avec des idées que l'on fait des vers C'est avec des mots. », Stéphane Mallarmé cité par Paul Valéry dans Degas danse dessin, Paris, Folio Gallimard, 2003, p. 148. 52
28 choisi de commencer par une première partie théorique consacrée à poser les jalons conceptuels de notre articulation du lyrisme et du politique53. Revenir sur les problèmes posés par les divergences herméneutiques concernant la nature d'un cinéma politique a paru nécessaire tout d'abord pour comprendre les présupposés pouvant mener à un rejet du lyrisme. Une lecture historique des enjeux politiques et théoriques marquant la période de réalisation de nos films, notamment autour des notions d'avant-garde, de cinéma militant ou de didactisme, a paru pertinente afin de mieux comprendre la cristallisation d'une conception du politique en cinéma soit vers un objectivisme, soit vers sa dissolution dans une approche subjectiviste. Mais principalement, cette partie nous permet de faire un état des lieux de la conception du lyrisme dans son historicité, notamment en littérature autour du romantisme, pour trouver d'une part les raisons de ce que nous considérons comme une lecture tronquée du lyrisme, et d'autre part de dégager la tradition poétique qui a pensé selon nous spécifiquement une articulation du lyrisme et du politique. Un retour précis sur les éléments des poétiques de Hölderlin, de Rimbaud et d'André Breton éclairera la çon dont selon nous les films de notre corpus en reprennent des principes et des procédures. Si l'association de cet état de l'art étendu concernant la notion de lyrisme et d'une étude de trois poétiques spécifiques peut sembler prendre la forme d'une longue digression théorique hors du champ cinématographique, examiner la compréhension littéraire de la notion et les auteurs de références dont l'influence doit être prise au sérieux, est apparu indispensable pour empêcher des approximations dans notre recherche en cinéma, qui gagne en outre selon nous à être replacée dans un champ disciplinaire élargi à l'histoire de l'art en général. 53 Ce choix est la raison de la dimension relativement réduite de cette introduction dont les présupposés seront expliqués de manière plus détaillée dans le premier chapitre. Si la première des parties analytiques permettra ainsi d'examiner chez Duras la substitution d'une logique d'images à la logique narrative, qui nous paraît commune aux trois cinéastes, elle s'orientera plus particulièrement sur la question des processus de subjectivation qui nous parait travaillée en profondeur par le lyrisme de Duras. Ce lyrisme, qui passe à la fois par l'image et le son, mais aussi dans Césarée par une forme poétique littéraire posant le sens de l'acte de parole et de diction au sein de cette problématisation de la subjectivité, met en jeu selon nous un aspect primitiviste du politique, réactivant des catégories morales, réinterrogeant le partage de l'espace et des temps dans une optique assez proche d'un communisme benjaminien54, sortant de l'actualité pour se placer au niveau d'une pensée de l'Histoire, envisagée comme catastrophe. L'acte de parole, comme objectivation d'un processus de subjectivation politique, apparaît alors comme chemin d'émancipation. Chez Garrel, le lyrisme mis en oeuvre nous semble beaucoup plus proche d'une pensée romantique traditionnelle, à la fois au plan des thèmes traités, mais également parce qu'il articule de manière moins intrinsèque un ensemble de procédures esthétiques avec la thématisation politique. La pensée de la subjectivité nous semble ainsi maintenue dans son aspect individuel et intérieur, allant de pair avec une pensée du politique en termes d'expérience, en l'occurrence celle de la génération de 1968 et celle de leurs parents durant la guerre d'Algérie. Néanmoins nous tâcherons de dégager ce qui nous semble tenter de surmonter cette dualité, notamment dans une approche matérialiste de la matière cinématographique. Enfin, la dernière partie, consacrée à Godard, dessinera pour nous les contours 'un lyrisme objectif possible en cinéma. Il ne s'agira pas de faire de Godard le parangon de l'articulation du lyrisme et du politique, mais de montrer comment les films des années 1980, en s'ancrant dans une réflexion contemporaine sur les rapports marchands en régime capitaliste et leur influence sur l'amour et le travail, solidifient des principes de collage dialectique d'éléments hétérogènes, qui permettent d'associer de façon féconde la recherche d'une plénitude sensible et la critique par une figuration objective de configurations politiques. Par un jeu de superpositions et de perturbations réciproques, un principe de constructivisme matérialiste joue ainsi contre une subjectivité auctoriale absolue, et une dialectique négative opposant lyrisme et distanciation ironique se mue en une dialectique positive qui élabore la possibilité
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La (Charte Nationale d'Education et de Formation, 1999), cette charte est disponible aussi sur http://www.men.gov.ma/Fr/Pages/CNEF_Droits_devoirs_individus_collectivites.aspx, 28/11/2016. La ha te Natio ale, Op.Cit. Ainsi, le schéma128 suivant montre l'évolution des étudiants de l'Enseignement Supérieur selon le Ministère de l'éducation nationale. 3.4 L'enseignement du français au Maroc
Dans un premier temps, il nous semble important de présenter davantage l'enseignement du français au Maroc, et de décrire son évolution au fil du temps dans le parcours scolaire, du primaire au supérieur, ainsi que les réformes ayant été appliquées à ce système. Dans un deuxième temps, nous nous intéresserons à la pratique de langue française à quel enseignement de français ont été soumis les étudiants et préciserons quel type de français leur a-t-on inculqué. Cela nous servira à contextualiser notre problématique.
3.4.1 L'enseignement du français au Maroc avant et après le régime du protectorat
A l'arrivée de la colonisation française, l'enseignement du français était imposé et calqué sur l'enseignement d'écoles en France, selon (KRIKEZ, 2005, p.38) «() Il [le français], s'enseignait de la même manière qu'on le faisait aux élèves français natifs de la langue en France métropolitaine et notamment à Paris, à Strasbourg ou ailleurs. » En effet, le français tient une place capitale grâce à l'enseignement bilingue introduit au Maroc après l'indépendance. Ainsi, en 1912, les français mettent peu à peu en place des écoles bilingues ou modernes et c'est ainsi que la langue française est devenue la langue de l'enseignement au Maroc. En fait, son enseignement était basé essentiellement la langue française sur l'écrit plutôt que sur l'oral véhiculant la culture française, (CHAMI, 1987 : 30) exprime cette vision comme 128 Ministère de l'Éducation nationale de l'Enseignement Supérieur de la Formation des Cadres et de la recherche Scientifique, http://www.men.gov.ma/Fr/Pages/Ens-collegial.aspx, consulté le 13/07/2014. suit : « Avant l'indépendance, l'enseignement du français disposait d'horaires massifs. Principal véhicule de l'action pédagogique, le français était enseigné en tant qu'objet d'analyse et, de ce fait, une place importante était accordée à la langue écrite, par l'entremise, de textes littéraires d'où l'importance, dans les anciens programmes, des textes de lecture, des exercices synthétiques d'enrichissement du vocabulaire et de rédaction( )les pédagogues d'alors se souciaient fort peu de l'utilisation orale que les apprenants pouvaient faire du français( )»129 Il est à noter enfin, que l'indépendance n'a rien changé, puisque les programmes étaient inspirés des programmes et méthodes françaises. .Th se.Op. it Th se.Op. it Th se.Op. it communicatif et consistait à amener les apprenants à acquérir la compétence de communication au sens de les rendre capables de comprendre, parler, lire et écrire avec le maximum d'aisance dans toutes les situations où le français leur est indispensable, ou simplement utile(Ibid., p.66) »132 Cette réforme de 1987 marqua l'enseignement/ apprentissage du français dans la mesure où elle a introduit, pour la première fois, des notions spécifiques du français langue étrangère et de la didactique. Ainsi, de nouvelles pratiques ont été adoptées à l'écrit et à l'oral. En 1994, une autre réforme, visait principalement l'autonomie de l'apprenant comme nous remarquons dans le Texte Officiel133 : « Pour l'enseignement du français, l'objectif fondamental est de contribuer à enrichir et à parachever la formation de l'élève de façon à le faire accéder à une autonomie suffisante dans la sphère où il est appelé à évoluer. » Ainsi, nous résumons ci-après les principales actions134 mises en place lors de cette réforme : elles consistent à l'assouplissement de l'approche didactique et des contraintes méthodologiques, en impliquant l'apprenant l'autonomie) ; dans son apprentissage (le principe de à l'application de la pédagogie de l'erreur ; à l'intégration des thèmes d'actualité dans les programmes et contenus pour une pratique fonctionnelle de la langue ; à mettre l'accent sur l'aspect communicatif de la langue en supprimant progressivement les textes littéraires. L'organisation des contenus en unité didactique dans les manuels se fait selon AHNOUCH (2005) « dans un ordre can : lecture, langue, activités orales et expression écrite » ; à l'introduction d'activités d'écoute à partir de documents sonores et/ou audio visuels à l'oral ; à la mise en place de la démarche inductive en langue ; à l'intégration d'une séance de régulation à la fin de chaque unité didactique avec des activités de soutien pour le renforcement de l'acquisition. En outre, la compréhension de l'écrit se base sur « l'analyse de discours, l'approche comparative de texte et la synthèse de textes et de documents » dans les pratiques de classe. La production de l'écrit s'appuyait sur la grammaire de texte et de discours. Cit pa Haida M. th se Op. it. MEN,, Les e o a datio s pédagogi ues elatives à l'e seig e e t du f a çais da s le se o dai e, Casa la a, Éditio s Magh i es. Da s Mi a SADIQUI, Dida ti ue du f a çais au l e au Ma o. E t e dida ti ue des la gues et dida ti ue des dis ipli es s ie tifi ues, Le f a çais à l'u ive sité, - |, http://. ulleti.auf.o g/i de.php?id= # uotatio, o sult le / /. Selo Haida, M.–, Th se de Do to at, https://halshs.a hi es-ou e tes.f /tel/do u e t, o sult le / /. Entre 2002-2003, l'enseignement du français a connu une réforme globale. Le gouvernement a introduit pour la première fois au Maroc le système modulaire apparu dans la charte Nationale d'Éducation et de Formation. L'enseignement de la langue française a également été réformé, du primaire au supérieur. Toutefois, la didactique instaurée en 2002 reprend les mêmes approches pédagogiques de la réforme de 1994, notamment dans le second cycle à travers la mise en oeuvre de projets pédagogiques séquentiels en introduisant les textes littéraires comme le confirme (KRIKEZ 2005 : 85). L'approche didactique adoptée par la réforme de 2002, comporte à la fois les fondements didactiques relevant des sciences de l'éducation et certains aspects méthodologiques et didactiques propres au FLM. Cependant, la question est celle de l'adéquation de cette approche didactique avec la situation actuelle de l' enseignement du français, puisque il s'agit d'un contexte et d'un public totalement différents. Dans le cadre universitaire, un plan d'urgence a été lancé en 2003 et reconduit officiellement en 2009 ayant pour objectif d'introduire une nouvelle conception de programmes de langue afin de répondre aux besoins des étudiants. Toutefois, au vu du taux élevé d'échec des étudiants il s'est avéré que la mise en place de ces nouveaux programmes (cours de TEC) n'est pas compatible à l'université marocaine. À cet effet, sous l'égide de la Commission Nationale des langues, un travail d'ingénierie pédagogique a été mené dans le cadre du Projet20. Ainsi, nous avons assisté à l'intégration de plusieurs dispositifs tels que : le manuel de langue Cap université élaboré selon la démarche du FOS et du Cadre Européen Commun de références pour les langues (CECRL) et le test de positionnement qui permet, selon l'échelle du CECRL (A1, A2, B1, B2, C1, C2) d'identifier les niveaux des étudiants. Nous soulignons enfin que ces fondements didactiques et méthodologiques (démarche FOS ou même le CECRL), restent ignorés par les formateurs et concepteurs de cours ou de formation du français dans les établissements du tourisme au Maroc. Ainsi, nous présentons dans le chapitre qui suit, une synthèse des principaux courants qui ont marqué le champ de la didactique du français non généraliste ainsi que l'évolution des différentes dénominations qui expriment, selon chaque période (de l'avant 1990 à l'après 2000), les priorités des didacticiens. Cette présentation nous semble nécessaire dans la mesure où elle nous permettra de nous positionner par rapport à ces appellations et leurs méthodologies, mais elle permettra également aux enseignants du français du tourisme au Maroc qui sont en poste ou futurs de prendre conscience de l'arrière plan conceptuel de ce champ du français langue étrangère afin de mieux cadrer leur enseignement du français pour un public assez spécifique.
Chapitre 4 Du français langue de spécialité au français langue professionnelle De quelques appellations en circulation 4.1 Le français militaire
La naissance de l'enseignement du français « de spécialité » ou sur Objectif Spécifique, suivant un enchaînement logique et historique, remonte aux années vingt du siècle précédent, avec la parution du premier manuel d'un français spécialisé dédié aux militaires indigènes en 1927, l'ouvrage est intitulé (Règlement provisoire du 7 juillet pour l'enseignement du français aux militaires ènes (1927). H.QOTB(2007)135 faisant la description méthodologique de ce manuel, précise qu'il s'agit d'un enseignement d'un bagage de plusieurs centaines de mots et d'expressions facilitant les rapports de la vie courante militaire afin de « ()contribuer au développement de la richesse de nos colonies en rendant plus aisées les relations des indigènes avec nos administrateurs, nos commerçants et nos industriels (Le Règlement pour l'enseignement du français aux militaires indigènes, 1927, repris par KHAN, 1990 : 97).» Toutefois, ce manuel était réservé spécialement aux soldats indigènes des colonies françaises du continent noir. Cette diffusion restreinte ne touche qu'un public très spécifique (des militaires indigènes). l'année du premier travail sur le français de spécialité, actuellement le (FOS), puisqu'il comprend certaines caractéristiques du Français sur Objectif Spécifique comme le souligne H. QOTB : « Il s'agit d'un besoin spécifique, un bagage lexical spécialisé dans un domaine donné (l'armée) et un temps limité consacré à l'apprentissage sans oublier bien sûr les responsables français à la rentabilité de cet apprentissage. »
4.2 Le Français Scientifique et Technique
Une autre appellation était utilisée à l'époque pour cette langue de spécialité dans les domaines scientifiques et techniques. HOLTZER, (2004:15)137 replace cette appellation dans son contexte historique : « La désignation FST résulte d'une décision politique datant de la fin des années 1950, prise dans un contexte de défense des intérêts économiques de la France, de son influence géopolitique (en particulier dans les pays en voie de développement, dont les ex-colonies françaises. »
4.2.1 Approche méthodologique du Français Scientifique et Technique
Le français scientifique et technique est influencé par les principes méthodologiques des méthodes SGAV basées sur la combinaison du son et de l'image. En effet, les principes méthodologiques du FST consistent à préparer les apprenants en quatre étapes : commencer par le français fondamental et ensuite, initier les apprenants à la langue de spécialité, c'est-àdire, au discours spécialisé de leurs domaines. Ainsi, plusieurs ouvrages ont été conçus pour valider cette mouvance comme : « Le Vocabulaire Général d'Orientation Scientifique (VGOS), - Les Vocabulaires spécialisés : Vocabulaire d'initiation aux études agronomiques, Vocabulaire d'initiation à la critique et à l'explication littéraire, Vocabulaire d'initiation à la vie politique et Vocabulaire d'initiation à la géologie, - Certains Dictionnaires contextuels comme celui du français pour la géologie et celui du domaine de la vie politique. » 138 Historiquement, cette appellation vient de l'espagnol « frances instrumental » suite au séminaire (SEDIFRALE) (Sesiones para Docentez e Investigadores de Frances Lengua Extranjera) aux débuts des années 1970, réunissant les universités d'Amérique Latine, y compris l'Argentine. Il s'agit d'un enseignement spécialisé du français financé par la France, 136 138 H.QOTB 2007-Thèse –Op.cit. Cit pa H. Qot -Th se Op.Cit. Cité par Adolfo NDOMINGIEDI ZOLANA. Concevoir un programme de Français sur Objectifs Spécifiques : Difficultés théoriques et pratiques : le cas de la faculté d'économie de l'université Agostinho Neto Luanda-Angola. Thèse de Doctorat. Université Nice Sophia ANTIPOLIS, 2013. French. <NNT : 2013NICE2001>. HAL Id: tel-00840355. Consulté le 25/10/2015. au profit des ingénieurs argentins qu'EDF a formé à son système de tarification et qui ont dû apprendre le français pour l'utiliser dans le cadre de leur profession. Le français instrumental adopte donc, une conception utilitaire de l'apprentissage du français pour un apprenti non-francophone, il se réduit à l'entraînement à la lecture de textes spécialisés. 4.3 Le français fonctionnel
Le français fonctionnel est né suite à une crise économique mondiale qui marqua le début des années 70, sous la plume de Louis PORCHER dans son article « Monsieur THIBAUT et le bec Bunsen »139. La relance du français était la solution pour faire face à la réduction budgétaire consacrée à la diffusion du français à l'étranger dont la réduction des heures d'apprentissage du français au sein des établissements scolaires. En effet, le gouvernement français reconnaît le français fonctionnel dans le Bulletin Officiel pour des postes d'enseignants à l'étranger et crée des centres d'études et de documentation scientifique et technique (Khartoum et Mexico). Le gouvernement français mettra en place également en 1976, un programme intitulé « Formation des boursiers prioritaires », destiné aux pays non francophones ayant des relations stratégiques avec la France. Toutefois, cette nouvelle vision ciblant les fonctions ira à l'encontre du français fonctionnel que PORCHER L. définit comme « [] un français qui sert à quelque chose par rapport à l'élève ».140 Nous présentons successivement les définitions de : LEHMANN D. (dir.) (1980 : 5) qui explique d'abord ce qu'est le français fonctionnel en le considérant comme un « apprentissage du français par des adultes non francophones à des fins professionnelles, scientifiques (au sens large) et techniques : connaître du français pour en faire usage dans son domaine, sa discipline, sa spécialité, son métier ». Et de G.VIGNER (1980 : 20-21) 141 qui complète cette définition en insistant sur le fait que le Français Fonctionnel se centre sur la variété des usages, il souligne que : « fonctionnel s'oppose à général, usuel et culturel, parlant d'un enseignement où la demande explicite porte sur la maitrise d'une modalité particulière d'utilisation de la langue en rapport avec un domaine de référence spéci , à des fins d'information, de documentation, liées le plus souvent à des préoccupations scolaires, universitaires, professionnelles, enseignement pour 139 PORCHER L., 1976, « Monsieur THIBAUT et le bec Bunsen » in Etudes de Linguistique Appliquée, ELA n° 23. Cité par Adolfo N. ZOLANA. 2013- Thèse. Op.cit. 141 Cité par F.MOURLHON DALLIES 2008, dans Enseigner une langue à des fins professionnelles. P.23-24. 140 lequel la motivation culturelle, du moins posée en termes explicites, sera seconde, voire dans certains cas inexistantes ». La période du français fonctionnel marqua une rupture avec la conception de l'enseignement du français à des publics précis jusqu'alors utilisé. Selon Op.cit. Nous pouvons résumer cette nouvelle vision méthodologique qui a donné lieu à plusieurs modèles143 comme suit : - le modèle de Denis LEHMANN qui mettait l'accent sur trois aspects : la prise en compte « des besoins des apprenants, des situations de communication prévues et l'analyse d'actes de parole » ; - le modèle de MOIRAND S. qui ajoutera l'analyse du discours aux trois aspects suggérés par Denis LEHMANN ; - le modèle circulaire de Rémy PORQUIER et Denis LEHMANN en 1981 qui insiste sur les quatre éléments principaux qui entourent l'apprentissage dont « la description des participants, les situations de communication, la mise en forme pédagogique et l'analyse du discours authentique ». Toutefois, le FF a fait l'objet des critiques de certains didacticiens qui le voient comme un enseignement généralisé et une approche applicable à tout public. Selon PORCHER (1976) : « les pistes sont brouillées »144, car cette nouvelle notion coexistait avec plusieurs « noms de baptême » : (FI, FST, F de spécialité). Ces équivalents approximatifs dénoncent son « ambigüité » (D. COSTE 1980), ce qui va causer son déclin au dire d'(O.CHALLE, D. et LEHMANN (1990)). Il sera remodelé dans les années 1980 par l'approche communicative pour se diriger vers un enseignement fonctionnel de la langue. En dépit de ces critiques, le français fonctionnel constitue une base considérable pour la nouvelle appellation qui gagnera la scène didactique au début des années 1990 : celle du français sur objectif(s) spécifique(s), pour avoir considéré comme point de départ l'analyse des besoins des apprenants et non le contenu à enseigner. 4.4 Le français de spécialité/ le français spécialisé
Au dire de MOURLHON-DALLIES (2008 : 24), le français fonctionnel « n'a pas brusquement cessé d'inspirer les concepteurs des programmes d'enseignement ». L'abandon de l'appellation «français fonctionnel » constitua selon elle, la phase de doute et de maturation didactique qui donna naissance à la période du français de spécialité et du français spécialisé. C'est ainsi que dans les années 1990, les domaines de spécialité connaissent un regain d'intérêt. En effet, plusieurs manuels spécialisés sont parus chez Didier, Hachette, CLE International et aux presses Universitaires de Grenoble (PUG) comme : Le français de l'entreprise (1991), Le français de l'hôtellerie et de la restauration (1992), Le français du tourisme (1993), La Voyagerie (1992) et Service Compris (1995). Ces productions ont contribué selon M.DALLIES à une forme « d'officialisation des enseignements par la création « dans des universités ou dans des centres culturels français, de filières et de cursus centrés sur des domaines de spécialités » (Idem : 25). Par ailleurs, la Chambre de commerce et d'industrie de Paris (CCIP) a certifié ces formations spécifiques par une série de Certificats de français des affaires, français du tourisme et de l'hôtellerie et français des professions. Cela a donné naissance aux cours de français du tourisme dans des pays étrangers, et notamment au Maroc dans les instituts français. Ces considérations nous permettent donc de mener une réflexion de fond sur les évolutions de l'enseignement du français de spécialité. Nous commençons d'abord par la distinction naturelle qui existe entre les disciplines académiques, comme les mathématiques, le droit, la médecine et les secteurs économiques comme le tourisme ou la santé. Ce découpage permet la délimitation des domaines, d'avoir une idée sur les spécialisations en présence et sur ce qu'ils recouvrent. En parlant de langue de spécialité, nous la distinguons naturellement de la langue générale ou commune. Elle constitue un sous-ensemble de la langue générale qui désigne la totalité de la pour transmettre des connaissances spécialisées. Mais quelle distinction entre langue de spécialité et langue spécialisée. À partir des années 1950, le français de spécialité apparaît sous le nom de Langue de Spécialité (LSP) ou Français de Spécialité (FSP). Le Dictionnaire de didactique des langues définit les langues de spécialité comme : « une expression générique pour désigner les langues utilisées dans des situations de communication (orales ou écrites) qui impliquent la transmission d'une information relevant d'un champ d'expérience particulier » (GALISSON & COSTE (dir.), 1976 : 511). Selon lui, ce cloisonnement « tend à isoler artificiellement des spécialités connexes et évolutives ». Il convient de remarquer donc la circularité des définitions autour de la langue de spécialité et de la langue spécialisée, d'où la difficulté de définir ces deux notions de manière précise. A nos yeux, malgré la position des didacticiens sur la définition du français spécialisé, le français langue de spécialité reste l'appellation la plus utilisée dans la scène didactique du français non généraliste. Dans le champ de l'enseignement du français à une fin professionnelle, cette délimitation est indispensable pour le didacticien concepteur de formation qui focalise son attention directement sur le domaine visé afin d'opérer un choix pertinent dans la collecte des données. F.MOURLHON DALLIES (2008 : 29) retrace à travers le schéma ci-après, les évolutions de la question de spécialisé et des spécialités dans le champ de la didactique des langues avant 1990 et après 2000 :
145 MANGIANTE, J. M. (2006). Français de spécialité ou français sur objectif spécifique : deux démarches didactiques distinctes. In Linguistique plurielle : Valencia. 25, 26 et 27 Octobre 2006 (pp. 137-152). Departamento de Lingüística Aplicada. PDF en ligne consulté le 01/01/2015. 146 Lerat, P. 1995. Les langues spécialisées. Paris : Presses Universitaires de France. Ava t De Vo a ulai es sp ialis s La gue de sp ialit s à Ap s F a çais de sp ialit d oit,tou is e Co u i atio sp ialis e La gues sp ialis s Le at, Te tes sp ialis s Cusi -Be he, Dis ou s sp ialis s Moi a d, le à Dis ou s p ofessio els Moi a d FLP Mou lho -Dallies, En parcourant ce schéma de gauche à droite
, nous observons une série de dénominations qui expriment, selon chaque période, les priorités des didacticiens : avant 1990, l'intérêt se focalisa principalement sur la langue ensuite sur les situations de communication en introduisant la notion du discours (de 1990 à 2000). Après 2000, Moirand avec les discours professionnels et enfin en 2006 F.Mourlhon-Dallies propose la nouvelle appellation de « français langue professionnelle » FLP.
4.4.1 Approche méthodologique du français Langue de Spécialité
Il convient de noter que le français fondamental (inventaire lexical des termes les plus fréquents du français) influença l'approche méthodologique du français de spécialité. F e h, Th se - Op.Cit. Français fundamental Français de spécialité
Le français fondamental est considéré comme une base indispensable pour une première étape d'apprentissage du FLE pour des élèves en situation scolaire. Il leur propose une acquisition progressive et rationnelle qui permet ainsi de mieux maîtriser le français. A partir de l'analyse de la langue parlée, le FF se base sur une gradation grammaticale et lexicale. Il constitue, en 1959, l'inventaire lexical des termes les plus fréquents du français. Il se présente sous forme d'une étude lexicale en deux listes : 1. Le Français Fondamental, premier degré, constitué de 1475 mots. 2. Le Français Fondamental, second degré de 3000 mots. D'un point de vue pédagogique, les manuels du français de spécialité suivent le cursus méthodologique du Français Fondamental. Ce modèle s'applique sur les méthodes de langues de spécialité :. Niveau I : Les bases de la langue usuelle, avec un contenu basé sur FF1 2. Niveau II : Tronc commun scientifique reposant sur le Vocabulaire Général d'Orientation Spécifique (VGOS) 3. Le perfectionnement : les langues spécialisées par discipline avec des Vocabulaires d'initiation (GAULTIER & MASSELIN, 1973) Par ailleurs, il est à noter que le Centre de Recherche et d'Étude pour la Diffusion du Français (CREDIF) joue un rôle important en faveur de la présence du français de spécialité, optant à l'époque pour l'universalisme de son enseignement au détriment de la diversité des publics, au moyen de stages, de rencontres internationales, des journées d'études, la tenue de « cours spéciaux pour Étudiants Étrangers » dont une partie est consacrée aux langues de spécialité. 4.5 Lexique spécialisé?
Certains linguistes théoriques ou descriptifs lient les « langues spécialisées » au lexique (RONDEAU 1983 : 25), d'autres les distinguent par leurs situations d'utilisation et par le type d'information qu'elles véhiculent. Prenons la définition de J. DUBOIS et al. (1994 : 440)148 qui définit la langue de spécialité en l'opposant à la langue commune. Il prend appui sur l'approche récente de la socioterminologie en considérant que la terminologie est à l'origine de ce concept : « On appelle langue de spécialité un sous-système linguistique tel qu'il rassemble les spécificités linguistiques d'un domaine particulier. En fait, la terminologie, à l'origine de ce concept, se satisfait très généralement de relever les notions et les termes considérés comme propres à ce J. DUBOIS et al. (1994), Le Dictionnaire de Linguistique et des Sciences du Langage. Larousse –Paris. domaine. Sous cet angle, il y a donc abus à parler de langue de spécialité et vocabulaire spécialisé convient mieux. Langue de spécialité s'oppose à langue commune. » Toutefois, on ne peut pas réduire la langue spécialisée à la constitution de répertoires de vocabulaire comme le confirme ainsi LERAT (1995 :20)149 : « Une langue spécialisée ne se réduit pas à une terminologie : elle utilise des dénominations spécialisées (les termes), y compris des symboles non linguistiques, dans des énoncés mobilisant les ressources ordinaires d'une langue donnée » ; pour autant, le lexique et les répertoires spécialisés demeurent utiles. En fait, l'intérêt pour le lexique change d'un domaine à l'autre, MOURLHON DALLIES (2008 : 29-30) donne l'exemple du français du tourisme, domaine pauvre de glossaires, elle souligne à ce propos : « Selon les domaines, par exemple, l'intérêt pour le lexique est – de nos jours encore- plus ou moins marqué : si le lexique spécialisé du « français du tourisme » est assez minimaliste, celui du « français juridique » ou du « français des banques » est très développé ». Ainsi, aux yeux de l'auteure, les didacticiens et les linguistes doivent se positionner face aux différences de domaine. Dans le domaine scientifique et technique, Kocourek (1982) appelle à un usage spécialisé de la langue à travers une étude permettant l'explication et la compréhension des caractéristiques lexicales et grammaticales liées au domaine. Enfin, la langue spécialisée est un français obéissant à des logiques domaniales. 4.3 Le Français sur Objectif (s) Spécifique (s) et sa distinction du Français de spécialité
Cette nouvelle dénomination est née au début des années 1990 après le Français Fonctionnel et l'enseignement fonctionnel du français. Il est question de savoir a priori comment situer le français sur objectifs spécifiques dans le parcours de la didactique du français langue étrangère. Calqué sur l'expression anglo-saxonne Languages for specific purposes, le FOS exprime bien qu'il s'agit d'usages particuliers de la langue. Il n'est pas du tout une notion nouvelle, d'ailleurs G. HOLTZER (2004: 9) l'a décrit comme « un faux objet neuf », ce qui est nouveau selon elle, c'est la promotion de l'expression. Parce qu'il a hérité du Français F son approche méthodologique, il?? « constitue aujourd'hui un domaine distinct (mais non autonome méthodologiquement parlant) dans le territoire couvert par la didactique des langues. » MANGIANTE et PARPETTE (2004 : 5) proposent, pour définir le FOS, l'analyse des situations d'enseignement des langues étrangères, chaque situation décrit un public spécifique : un enseignement généraliste du français dans le cadre de sa formation initiale dans l'institution scolaire ; un enseignement sur demandes spécifiques émanant du monde professionnel avec des objectifs bien déterminés et un temps bien défini. En effet, à travers cette deuxième situation, nous comprenons que deux facteurs caractérisent alors le FOS : la contrainte temporelle et la détermination de l'objectif. Or, MANGIANTE, dans son article « français de spécialité ou français sur objectif spécifique : deux démarches didactiques distinctes »150, trace une ligne entre ces deux notions qui prêtent à confusion. Une formation en FOS, pour être conçue, nécessite une connaissance préalable des détails d'une demande et donc un public bien défini, tandis que le français de spécialité offre une formation dans une spécialité ou un domaine d'activité professionnelle pour un public plus large. Il s'agit « d'une démarche projection de l'enseignant ou de l'institution d'enseignement sur les besoins langagiers propres à la pratique d'une profession ou une activité spécialisée. »151 Nous avons mis en gras les termes demande et offre pour expliquer davantage : selon JM-Mangiante et Ch.Parpette, ce sont ces deux logiques qui distinguent bien et de manière 150 J.M. MANGIANTE, Linguistique Plurielle, Université d'Artois. PDF en ligne. Consulté en octobre 2015. Idem. 151 précise le FOS du FSP. Ainsi, « Le terme demande recouvre le cas où un besoin extérieur précis, pour un public dûment identifié, est à l'origine du programme de formation. Celui d'offre recouvre le cas où une institution propose une formation à des publics potentiels »152. Cette demande traduit des objectifs très précis qui sont en lien direct avec un profil de sortie, mais l'offre, ses objectifs et son profil de sortie sont très flous voire hypothétiques. Pour mieux comprendre, Ch.PARPETTE & J.M. MANGIANTE (2004 :17) donnent une précision très pertinente pour distinguer le FOS du français de spécialité : « Le FOS travaille au cas par cas, ou en d'autres termes, métier par métier, en fonction des demandes et des besoins d'un public précis ». En effet, avec la montée des entreprises dans les demandes de formation linguistique et dans le souci de s'adapter aux besoins langagiers de chaque public, le FOS se distingue par les impératifs de rentabilité-efficacité exigés par les demandes reçues des terrains. Le tableau que propose J.M. MANGIANTE153 résume de manière schématique ce qui est dit plus haut : F.MOURLHON-DALLIES (2008) quant à elle, définit le FOS au singulier et au pluriel : au singulier, il concerne un public spécifique suite à une demande ciblée et unique qui se Le français sur Objectif Spécifique et la classe de langue (2007 :18-19) Idem, op.cit 153 caractérise par une ingénierie de formation pointue. Pour mieux comprendre, nous donnons l'exemple de la formation des guides touristiques jordaniens qui veulent apprendre le français seulement pour pouvoir exercer leur métier et faire visiter aux touristes français des sites et monuments historiques ; cette formation a une durée très limitée et se présente souvent sous forme de cours intensifs. Pensé au pluriel, le FOS est considéré comme une façon d'enseigner le français focalisé non pas sur un type de langue mais sur le besoin de chaque public (M. DALLIES 2008 : 51). L'auteure explique que ce qui a légitimé davantage le FOS au pluriel est le fait d'avoir de nombreuses démarches et objectifs à traiter en formation à savoir le lexique de spécialité, la syntaxe, le discours de spécialité, les interactions professionnelles (idem, p. 52). Or, L'auteure compare le FOS à l'ESP : il convient de mentionner que L'ESP tient à catégoriser son public entre l'occupationnel (English for Occupational Purposes) et l'académique (English for Academic Purposes). L'occupationnel a des objectifs professionnels déterminés alors que le public académique n'a pas d'objectifs bien définis, alors que dans le champ de la didactique française, on parle du FOS au singulier et au pluriel. Toutefois, M-Dallies confirme que si l'on transpose la définition anglo-saxonne des publics sur le cas français, on s'aperçoit que le public académique correspond au public du français de spécialité qui se caractérise par des objectifs plus larges dans un temps de formation plus long.
4.3.1 La démarche FOS
Dans le souci d'adapter l'offre à la demande et afin d'amener les enseignants à maîtriser la conception des programmes de FOS, MANGIANTE et PARPETTE (2004 : 9) présentent une démarche-type fondée sur l'analyse des besoins, la collecte de données et l'élaboration de cours. Cette méthodologie constitue pour le concepteur d'un programme de formation en Français sur Objectif Spécifique, un outil de réflexion et d'élaboration didactique qu'il doit adapter avec son propre environnement et ses propres cas et d'analyser ce qu'il peut réaliser en fonction de ses contraintes (matériel pédagogique, documents etc.).
4.3.1.1 Le point de départ : la demande ou l'offre de formation?
Avant même de présenter les 4 étapes de la démarche FOS, il convient de rappeler que ce type d'enseignement se caractérise par la grande diversité de ses contextes et donc une grande variété de cas. Nous nous limitons à quelques exemples qui sont en rapport avec le domaine du tourisme et de l'hôtellerie qui fait l'objet de notre étude et qui sont donnés par certains auteurs de livres de FOS, dont Dominique Abry (2007 : 8-13-14) cas 1 -2-3 et MANGIANTE et PARPETTE ( 2004 :11) cas 4 : Cas 1 : « Professionnels du tourisme et de l' hôtellerie recevant, dans leurs pays, des touristes français » p.8 Cas 2 : « Une école hôtelière de la région Rhône-Alpes qui reçoit régulièrement des stagiaires de toutes nationalités pour y suivre des cours d'hôtellerie/restauration/oenologie ; pour optimiser le stage professionnel, les apprenants bénéficient parallèlement d'un perfectionnement en langue française orientée vers le domaine. »p.13 Cas 3 : « l'Alliance Française de Gabrone, capitale du Botswana, pays anglophone, a reçu une demande émanant d'opérateurs locaux de safaris, souhaitant augmenter la part de leur clientèle francophone, ils demandent la mise en place d'une formation pour leurs guides de safaris.les cours auront lieu dans la réserve, au nord du pays, où se déroulent les safaris. Tous débutants, le guides devront être en mesure d'accompagner des touristes francophones pendant des excursions d'une journée, mais également de plusieurs jours, ce qui implique la présentation de la réserve, de sa flore, de sa faune, mais aussi des règles à respecter, la gestion du bivouac, etc. »p.13-14 Cas 4 : « En 1997, dans le cadre du développement touristique du pays, un programme de formation linguistique en français pour le personnel de l'hôtellerie et celui de la restauration a été mis en place dans des hôtels internationaux. Le professeur assurait son cours à l'ensemble des employés (réceptionnistes, personnel de chambre, serveurs, maitres d'hôtel, etc. sur leurs lieux de travail. »p.11 Ces cas présentent en effet, des types de demandes possibles dans le domaine de tourisme/ hôtellerie mais dans un contexte français, un public généralement constitué de professionnels déjà en exercice. Il existe certainement d'autres cas dans les différents domaines ainsi que des offres sans demande précise. Au Maroc, le contexte diffère, le public également, puisqu'il s'agit d'un pays francophone où le français est une langue d'enseignement et les étudiants suivent leurs études supérieures en français après avoir fait leurs études secondaires en arabe. Dans ce cas le français est enseigné en parallèle à leurs études disciplinaires. Pourtant, on trouve des demandes de la part des Ministères comme le cas du Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Formation des Cadres dont l'objectif est l'élaboration d'un cours de langue pour les étudiants scientifiques à l'université. Le Ministère du tourisme marocain a lancé également un appel à projet sous forme d'une demande pour la mise à niveau en français. Nous reviendrons sur ce projet plus tard pour plus de détails. Toutefois ces demandes institutionnelles n 'ont pas pour but de répondre à des besoins immédiats en langue pour des étudiants, ce qui veut dire que ce type d'enseignement n'est pas apparenté au FOS puisque le FOS exige des objectifs très précis et une rapidité dans la réalisation de la formation. Un autre cas qui nous interpelle également, celui des centres de langues, des organes privés ou des instituts spécialisés en enseignement de langues (institut français au Maroc par exemple). On trouve parmi les formations linguistiques proposées, des modules sur une spécialité ou un domaine d'activité tel le français du tourisme, le français des affairesetc. Dans ce cas, la demande n'est pas institutionnelle, mais plutôt sociale, ciblant un public plus large, comme l'expliquent ainsi MANGIANTE&PARPETTE (2004 :13): « La mise en place des cours n'est pas le résultat d'une demande, mais une sorte d'anticipation du centre de langue, dans le souci de diversifier son offre et donc ses clients. Ne sachant pas à l'avance quel sera exactement le profil du public intéressé, l'organisme se doit de proposer un programme pouvant convenir au plus grand nombre possible, et visant non pas des métiers (infirmière, médecin, secrétaire médicale, par exemple), mais l'ensemble de la branche d'activité professionnelle (BAP), en l'occurrence celle de la médecine. Nous ne sommes pas plus dans une logique de la demande, mais bien dans une logique de l'offre qui conduit à travailler pour un public plus large, donc moins précisément identifié et à priori diversifié. » Il s'agit donc clairement ici d'un programme de formation non pas en FOS, mais plutôt en Français de spécialité. Ce programme d'offres sans demande ne cible pas spécialement un type de public distinct (comme des réceptionnistes dans un hôtel par exemple), mais propose une formation à tout le public intéressé par le français du tourisme, que ce soit pour les réceptionnistes, maîtres d'hôtel ou voituriers Ainsi les objectifs de ce type de formation visent à recenser la majorité des énoncés et élaborent des activités pédagogiques en fonction de l'activité professionnelle du public. Cette approche qui relève de l'offre est « une approche globale d'une discipline ou d'une branche professionnelle, ouverte à un public le plus large possible.»(Idem :17) Nous pouvons donc distinguer trois catégories d'apprenants du FOS : - des apprenants qui se formeront l'institution auxquels ils sont en FOS suite à la demande de l' ou de rattachés. (Cas4) Ce type de formation prend un aspect commercial : « Dans certains cas, il s'agit même d'une véritable commande commerciale : tel hôtel achète une formation à un centre de langue pour enseigner le français au personnel de réception, par exemple. Le lien entre la demande de formation et un objectif professionnel s'impose de façon claire.» (MANGIANTE, PARPETTE, 2004, p.15) - Apprenants qui cherchent à maximiser leurs chances de trouver un travail dans un tel ou tel secteur en fonction de leur spécialité, ou qui s'inscrivent dans un centre de langue afin de perfectionner leur français. Leur motivation est l'espoir d'un avenir professionnel meilleur. Le concepteur essaie de répondre aux questions suivantes : Qui? (le profil de l'apprenant : diplôme, âge, nationalité, etc.) ; Pourquoi? (l'objectif de la formation) ; Où (analyse de l'environnement/contexte).
4.3.1.2 L'analyse des besoins
Après l'analyse de la nature du public concerné par une demande de formation de FOS, il convient d'analyser les besoins des apprenants c'est-à dire ce qu'ils doivent apprendre plus précisément lors de cette formation spécifique, il faut donc « se demander ce que des individus ont besoin d'apprendre, c'est poser implicitement qu'ils ne peuvent pas tout apprendre d'une langue, donc que des choix doivent être opérés » comme le souligne (LEHMANN, 1993 : 116). Pour reprendre les termes de LEHMANN, ces apprenants ne veulent pas apprendre LE français mais plutôt DU français POUR agir professionnellement. Comme nous l'avons précédemment signalé, l'élaboration d'un programme de FOS qui relève d'une demande bien définie, se fait d'abord par l'identification du public comme point de départ et ensuite, le concepteur (enseignant) procède à l'analyse des besoins et à la collecte de données. Ce type de formation qui se fait en urgence, MANGIANTE& PARPETTE (2004 : 21-22) nécessite comme le soulignent « une sélection sévère afin d'orienter l'enseignement sur les situations de communication auxquels sera confronté l'apprenant, dans son activité professionnelle et les discours qui sont à l'oeuvre dans ces situations ». Enfin, René RICHTERICH (1997)154 confirme dans son article sur la définition et l'antidéfinition des besoins langagiers, que l'identification et l'analyse de besoins ne sont pas limités et que chaque personne ou institution donne des informations assez particulières : «() il n'y a donc pas une, mais des analyses, définitions ou identifications de besoins qui ont chacune leur but leur sens, leurs instruments, et leurs pièges. On en vient ainsi à les considérer toutes, globalement, comme des moyens de recueillir différemment des informations sur des personnes et des institutions qui permettront à celles-ci de prendre conscience de certains faits ».
4.3.1.2.1 Quels besoins à recenser?
Dans le domaine de l'enseignement/apprentissage d'une langue, l'une des composantes du BESOIN est l'état de manque et de déséquilibre qui nécessite la quête d'un nouvel équilibre. Ainsi, le manque qu'un apprenant de langue peut sentir dépend d'un PROJET dans lequel il est inscrit. Concernant des publics adultes, une intime relation existe entre les besoins et les exigences, demandes sociales et institutionnelles soulignée ainsi par R. 155 156 Porcher L. (1978) « Interrogations sur le public, la langue, la formation », in Études de linguistique appliquée n° 30. Cette pyramide a été prise du lien suivant : http://jeveuxseduire.fr/wp-content/uploads/2014/03/Maslow-pyramide-coachseduction.jpg, consulté le 17/12/15. Ainsi, un diagnostic des besoins de l'apprenant doit aboutir à l'établissement de sa «carte d'identité psychosociologique » c'est-à-dire l'apprenant est considéré comme un « être psycho-social» et non plus un «être linguistique». Ce diagnostique est le préalable à la détermination des objectifs et au choix des contenus d'enseignement/apprentissage. De ce qui préc
ède,
nous
comprenons que l'analyse des besoins en FOS consiste à recenser deux types de composantes que les apprenants devront acquérir durant la formation : les composantes linguistiques et les composantes extralinguistiques
selon D. ABRY (2007 : 29-
30)
157
. Les composantes linguistiques : Concernant les composantes linguistiques, il s'agit des discours auxquels les apprenants seront confrontés : « Le lexique : terminologie du domaine, part du lexique courant, collocations relevant de divers champs sémantiques (le monde du travail, les syndicats, le courrier d'entreprise, les fluctuations de prix, etc.) Les structures morphosyntaxiques récurrentes : numéraux, expression de la quantité, comparaison, connecteurs, verbes modalisateurs, expression de la probabilité, etc. La composante phonologique : prononciation correcte et sans hésitation de données chiffrées, intonation correcte, utilisation adéquate des pauses, etc. La composante paralinguistique : intonation, langage du corps, postures, gestes, mimiques. » (idem : 30). Toujours dans le cadre des composantes linguistiques, il est également important de recenser les registres de discours et les différents échanges présents dans le milieu professionnel : un échange touriste/réceptionniste implique un registre familier selon le contexte. Le recensement de ces discours est une étape fondamentale et décisive pour le formateur, elle est préalable au recensement du lexique spécialisé qui « n'est pas celui qui pose le plus de problème aux apprenants étrangers lorsque ceux-ci sont eux même spécialistes du domaine en question » (idem : 30). Les composantes extralinguistiques : En ce qui concerne les composantes extralinguistiques, il s'agit de s'interroger sur : Abry D. (dir.) Le français sur Objectifs Spécifiques et la classe de langue, CLE INTERNATIONAL. « La composante sociolinguistique : Quel est le style qu'un groupe social utilise? « Comment s'adresser à un collègue, à son patron, à un étranger? Comment maitriser les termes d'adresse en français? » (idem : 30). La composante stratégique : il s'agit de la compétence communicationnelle qui permet de compenser les difficultés ou ratés de la communication : Comment refuser sans dire « non »? Comment demander poliment? Comment annoncer une mauvaise nouvelle sans inquiéter ni vexer un client? La composante socioculturelle et interculturelle : Selon MANGIANTE&PARPETTE (2004 : 23) cette composante « joue un rôle important dans l'organisation des institutions et dans les relations entre les individus, tant sur le plan comportemental que langagier ». En effet, prendre conscience de tous les aspects du comportement de leurs interlocuteurs étrangers et des relations hiérarchiques au sein du monde professionnel qui varient d'un pays à l'autre, est très indispensable pour l'efficacité des échanges professionnels. Comme le souligne Odile CHALLE (2002 :122) « le français de spécialité ne peut se travailler sous l'angle du langage sans envisager d'aborder une dimension culturelle du domaine concerné ». Pour le formateur, ces données sont plus difficiles à recenser que les données linguistiques, puisqu'ils sont implicites. Ainsi, le contact avec le terrain s'avère indispensable. Pour l'apprenant, D. ABRY (2007 : 46) souligne que : «C'est en nouant lui-même des contacts avec des spécialistes de son domaine que l'apprenant pourra le plus efficacement confronter sa culture et celle du milieu où il exercera son activité ». Pour clore notre exposé sur l'analyse des besoins, qui est la deuxième étape qui précède la collecte des données, il convient de préciser que dans la démarche de conception de formation, cette analyse des besoins est évolutive. Elle constitue une recherche continue qui peut changer selon l'institution ou les apprenants qui préfèrent travailler sur des questions différentes que celles choisies au départ par le formateur.
4.3.1.2.2 Des outils pour l'analyse des besoins
Plusieurs outils peuvent servir le formateur/concepteur dans sa mission de recueil des informations concernant la formation envisagée : L'expérience personnelle du concepteur, son entourage ou les méthodes de français existantes, constituent des ressources importantes. Selon MANGIANTE&PARPETTE (2004 : 25), dans une première phase d'analyse, avant tout contact avec le milieu concerné, le formateur devrait savoir s'il est proche ou éloigné des situations cibles : la formation se déroule-t-elle en France ou dans le pays d'origine? Le français sera donc utilisé dans le pays d'origine ou en France? Répondre à ces deux questions est important dans la mesure où « la proximité géographique et culturelle avec les situations cibles facilite bien le travail d'analyse du concepteur. »(idem, p.25) BINON &VERLINDE, (2003 : 35-36-37)158 dont l'expérience en FOS, notamment en français des affaires (FDA), remonte aux années soixante-dix a été couronnée par l'élaboration du Dictionnaire d'apprentissage du français des affaires (DAFA, 2000). Ils dressent une grille intitulée analyse des besoins communicatifs. Cette grille se compose de deux axes : Situations de communication et Opérations langagières, applicable sur le public du français des affaires. Nous constatons après la lecture de certaines grilles d'analyse, telle que la grille de BINON &VERLINDE, que l'accent est mis tantôt sur l'aspect communicatif de l'apprentissage, tantôt sur l'aspect interculturel. Le premier répond au besoin d'apprendre à communiquer dans le milieu professionnel. Pour le deuxième aspect, il s'agit de prendre en compte la dimension socioprofessionnelle de la communication, en s'intéressant aux besoins des apprenants en terme culturel. L'aspect langagier est bien évidement présent dans toutes les grilles d'analyse. Chaque concepteur prend en compte l'une des composantes mentionnées plus haut selon l'expérience de chacun et selon le public auquel il a affaire. Pour clôre ce panorama des modèles d'analyse des besoins, il paraît intéressant de souligner que l'analyse minutieuse de la situation des publics signifie la capacité à mieux préparer une réponse pédagogique convenable. Voi liste des g illes e a e es. Selon Denis Lehmann, la réduction des besoins à la composante linguistique montre « l'inattention portée aux impératifs de tout apprentissage, mais également un déficit théorique à prendre en compte la notion de compétence de communication dans toute son extension » (Lehmann, 1993 : 121). 4.3.2 L'élaboration didactique
Comme nous l'avons déjà évoqué, un projet de FOS se construit en cinq étapes : la demande de formation, l'analyse des besoins, la collecte des données, l'analyse des données et la cinquième étape concerne enfin l'élaboration des activités qui se fait à partir des données collectées et analysées (MANGIANTE &PARPETTE 2004 : 8). Les auteurs de l'ouvrage Le français sur Objectifs Spécifiques et la classe de langue invitent quant à eux les concepteurs à recueillir et analyser des données authentiques afin de compléter l'analyse des besoins (2007 : 31). Selon eux, cette étape est une source d'information pour l'enseignant. En prenant contact direct avec le lieu de travail, formateur peut avoir une main sur les documents et discours professionnels le qui s'y pratiquent. Il est à noter que, dans le cadre de l'enseignement du FOS, cette opération reste possible dans la mesure où la formation émane d'une demande d'organismes (entreprise, hôtel, université, etc.) qui acceptent de collaborer avec le formateur dans sa démarche de collecte de données authentiques. Toutefois, pour un concepteur de formation en français de spécialité, voué aux cursus académiques ancrés dans les domaines, le contact avec le milieu professionnel sans demande ou intervention de l'institution demeure malheureusement une tâche assez difficile. Face à cette difficulté, lesdits auteurs proposent des alternatives telles que : le recueil des données à partir des émissions/documentaires télévisés comportant de nombreuses scènes et activités professionnelles les plus proches de la réalité permettant une exploitation didactique ; dans le domaine du tourisme citons des films tels que Garçon (Claude SAUTET, 1983), Décalage horaires (Danielle THOMPSON, 2002). » (Idem : ). En outre, les ressources multimédias sont également très riches d'informations et peuvent être utilisées aujourd'hui en tant que supports à l'élaboration d'activités didactiques : « Quel que soit le domaine de spécialité concerné, l'Internet est une mine de documents authentiques actuels, disponibles ; les documents relèvent aussi bien de la compréhension orale qu'écrite, les genres de textes sont encore plus variés que ceux traditionnellement utilisés dans la classe : visites virtuelles de lieux touristiques, dictionnaires de spécialités, salles d'opérations virtuelles, vidéos de cours universitaires, vidéos de conférences » ( Idem :35). Toutefois, il convient d'utiliser ces ressources avec une mise en garde puisqu'il s'agit de documents audiovisuels qui doivent être traités selon une démarche proposée par les auteurs de l'ouvrage Le Français sur Objectifs Spécifiques et la classe de langue, ( p.34) composée de 4 points essentiels : la sélection, nécessaire avant toute utilisation, permet au formateur de « tamiser » les documents selon le plus intéressant et le mieux adapté au domaine, au niveau et aux objectifs du public (l'adaptation). Ces données authentiques qui ne sont pas des documents bruts et n'ont pas de caractère pédagogique, nécessitent de rétablir une progression pour être utilisables à des fins didactiques (le traitement). Enfin il convient d'actualiser ces documents authentiques qui sont évolutifs afin qu'ils soient en conformité avec la réalité du monde professionnel (l'actualisation). Pour conclure, notons qu'une autre appellation vient coexister avec le FOS et le français de « spécialité » : « le français à visée professionnelle » qui a émergé dans le champ de la didactique du français langue étrangère depuis 1990 effaçant celle du « français de la communication professionnelle » qui s'est caractérisée par la transversalité et a été classée à un niveau de spécialisation moindre en ignorant la marque des domaines, le secteur ou la profession. Toutefois, ces formations ne ciblent pas des postes bien déterminés. Une importante demande des entreprises pour des formations en français mais avec un degré de spécialisation fixé sur les besoins du poste dans un domaine donné a impulsé l'apparition d'un nouveau courant dans le champ de la didactique du FLE : le Français Langue Professionnelle (FLP). Ce courant se démarquant du FOS par son public, s'adresse à des personnes dont le cadre d'exercice de la profession est purement francisant c'est-à- que les employés sont appelés à exercer leur profession entièrement en français, à savoir les échanges avec les collègues ou avec la hiérarchie en français, la pratique du métier en français ainsi que l'ensemble des aspects juridiques, à la différence du FOS dont le cadre de travail n'est pas entièrement en français. Bien que le public du FLP n'est pas du tout le même dans notre cas, la démarche du FLP consiste à penser les logiques professionnelles (postures professionnelles ; modes de présentation de l'information propres au domaine ; les raisonnements attendus à un poste de travail donné). (Idem : 80-81). Conclusion Tel était le dernier chapitre de la première partie qui a été dédié à présenter la trajectoire des FLS, FOS, FLP qui synthétise l'évolution du français de ce champ de la didactique du français langue étrangère. Rappelons que l'intérêt derrière la présentation de ces courants, est de situer notre étude par rapport à cette présentation globale des appellations qui existent dans le champ de la didactique du français, mais également par rapport aux différentes méthodologies et arrière plan conceptuel de ce courant. Mais également de démontrer des insuffisances : à savoir pas assez ancré dans le domaine du tourisme, dans notre cas. Si nous avions à nous positionner, nous nous choisirions le champ du français de spécialité dans la mesure où notre public cible est engagé dans un long cursus (2 ans ou plus), comme le témoigne MOURLHON-DALLIES (2008 : 73) : « si l'on s'adresse à des étudiants en voie de professionnalisation, engagés dans des cursus plus longs que des opérations de formations ponctuelles, on parle plutôt de français de spécialité ». Ces courants transversaux dont le FOS avec sa démarche en 5 étapes, constituent dans notre cas, bien qu'elle ne concerne pas forcément une formation rapide et sur mesure pour des professionnels, une base méthodologique et une démarche structurée permettant la préparation progressive au français pour le travail adapté au contexte marocain vu le niveau faible des étudiants en français.
Deuxième partie Investigation didactique Introduction de la deuxième partie
Cette deuxième partie se veut le côté pratique de la présente étude. Il s'agit de confronter notre problématique au terrain suivant une démarche bien calculée et une méthodologie de recherche reconnue et cohérente visant atteindre les objectifs escomptés. Cette étape vient bien évidemment après une première partie dans laquelle nous avons défini le cadre orique et conceptuel qui sous-tendent notre recherche ainsi que le contexte social, institutionnel, politique et culturel de l'enseignement du français au Maroc et du tourisme comme cas d'étude. Rappelons que l'objet de cette recherche porte principalement sur les pratiques, les contenus didactiques et les besoins (langagiers ou autres) des étudiants en voix de professionnalisation dans le domaine du tourisme. À la définition de ces éléments de contexte qui entretiennent un lien direct avec la problématique et l'hypothèse de travail, nous avons pu planifier notre enquête de terrain en déterminant le corpus et en accordant une attention particulière aux ressources méthodologiques mobilisées permettant une collecte des données fiables et légitimes. Ainsi, nous avons divisé cette partie en trois chapitres. Ces derniers constituent trois méthodes différentes de la collecte de données : l'observation de classe qui permet de mieux connaître l'environnement direct et les acteurs sociaux (étudiants et enseignants) qui sont les sujets de l'enquête (chapitre 5), le questionnaire que l'on a administré aux 350 étudiants, afin d'appréhender leur point de vue sur les aspects observés auparavant lors de la première étape de l'enquête (chapitre 6) et l'entretien par lequel nous avons réalisé une série d'interview enregistrées auprès des enseignants (chapitre 7). Nous présentons dans cette partie, l'ensemble des résultats de l'enquête de terrain en analysant chacune de ces démarches méthodologiques entreprises prenant en compte le contexte, l'environnement d'apprentissage, les situations de communication ainsi que les représentations des acteurs sociaux, que sont les étudiants et les enseignants.
Chapitre 5 L'observation de classes
Avant toute analyse, il nous semble nécessaire de récapituler dans ce chapitre, les premiers moments de l'enquête, nos réflexions, nos hésitations ainsi que l'enchaînement méthodologique de notre étude sur le terrain. Ce chapitre constitue en effet la première étape de notre recherche et servira de base pour la suite de l'analyse des autres démarches méthodologiques entreprises. Nous nous penchons ici sur l'observation, méthode qui nous permet de décrire le contexte et de donner une vue 'ensemble de la situation de l'enseignement du français au sein des centres de formation touristique et hôtelière au Maroc. Nous avons déjà précisé notre échantillon, qui se compose de l'ensemble des établissements choisis, ainsi que les raisons de sa délimitation. Toutefois, il est important de présenter chaque établissement, afin de le mettre dans son contexte géographique et socioculturel. Nous tenons également à expliquer le choix du mode d'observation et de la temporalité d'investigation ainsi que l'étape d'entrée sur le terrain avec toutes ses contraintes et ses négociations. 5.1 L'enquête par observation Dans le Dictionnaire de didactique du français langue étrangère et seconde 159,
l'observation est définie comme suit : « L'observation est une technique de recherche développée par les sciences expérimentales, de type psychologique, anthropologique ou social, pour démontrer et étayer la pertinence de leur travaux. Depuis les anthropologues du début du XXème siècle (Bronislaw Malinowski), l'observation expérimentale est sortie des laboratoires pour devenir une observation participante sur le terrain, c'est-à-dire une observation où l'observateur vit la réalité de ses observés, tout en tenant un journal de ce vécu. » (2003 :181) L'observation, comme son nom l'indique, permet à l'observateur d'observer la réalité et de décrire ce qu'il voit et ce qu'il vit dans son journal. Selon A.M. Arborio et P. Fournier (2008 :7), l'observation est une pratique sociale qui permet au chercheur d'être physiquement présent au sein de la société (à observer) et de voir ce qui se passe en temps réel. Ces auteurs (2008 :8) soulignent que cette pratique constitue « une façon d'échapper aux sentiments de dépossession » face aux différents outils de traitement de données. Ils avancent à ce propos : « Elle (l'observation) peut donc servir à contrôler l'intelligibilité des traitements quantifiés. Elle est aussi un moyen de résister aux constructions discursives des interviewés en permettant de s'assurer de la réalité des pratiques évoquées en entretien». 160 Retenons les expressions soulignées : contrôler l'intelligibilité des traitements quantifiés et s'assurer de la réalité des pratiques évoquées en entretien. Ces deux qualités de l'observation expliquent l'importance de cette pratique pour la crédibilité de l'étude. Nous établissons donc constats contextualisés au moment de l'observation selon le niveau, le formateur, les apprenants, et où se passe l'observation. Nous faisons l'hypothèse que l'observation offre un aperçu de la situation enseignement/apprentissage du français du tourisme dans la classe. Elle est à la fois une observation analytique et interprétative, dans la mesure où elle permet une description
J-P- Cuq, 2003, . , Pierre FOURNIER, de S F. dir. 2005 . Arman C PARIS
| 52,287
|
668e8518e8648892c91f58eb278157c7_12
|
French-Science-Pile
|
Open Science
|
Various open science
| 2,018
|
Dépenses consacrées à l'enseignement supérieur et à l'enseignement professionnel, 2014
|
None
|
French
|
Spoken
| 6,802
| 12,273
|
12 http://dx.doi.org/10.1787/888933721440
Personnes dotées d’un niveau d’instruction élevé dans la population en âge de travailler, par pays de naissance, 2015
En pourcentage du groupe correspondant, population âgée de 15 à 64 ans
%
70
Personnes nées à l’étranger
23
21 0.4 30
17
22
11
29
59
15
32
18
21
14
Personnes nées dans le pays considéré
15 0.5
2
60
18
9
21
10
13
6
1
4
14
16
2
18
9
10
13
3
Pourcentage de personnes nées à l’étranger
dans la population âgée de 15 à 64 ans
50
40
30
20
10
IT
A
CH
L
FI
N
SV
K
CZ
E
NL
D
ES
P
TU
R
DE
U
GR
C
SV
N
R
CH
E
US
A
SW
E
DN
K
OC
DE
M
EX
HU
N
BE
L
PR
T
AU
T
IS
L
FR
A
X
L
NO
T
NZ
LU
L
IR
ES
S
R
GB
AU
L
R
IS
PO
N
CA
0
Source : Calculs de l’OCDE, d’après Eurostat, Enquête sur les forces de travail, et sources nationales, juillet 2017. Voir notes de chapitre.
12 http://dx.doi.org/10.1787/888933721459
Mesurabilité
La collecte de statistiques sur l’éducation par l’UNESCO-OCDE-Eurostat (UOE) constitue la principale source de données sur
les inscriptions et les diplômes dans le supérieur, par pays d’origine et de destination. La notion d’étudiants internationaux
est plus pertinente pour l’analyse de la mobilité des étudiants. En l’absence de données sur les étudiants internationaux,
on utilise celles relatives aux étudiants étrangers afin d’obtenir un panorama plus complet.
La base de données sur les immigrés dans les pays de l’OCDE fournit les informations les plus complètes et comparables sur
les immigrés qui vivent dans les pays de l’OCDE. Les données proviennent essentiellement des recensements démographiques
et des registres de la population avec, en complément, des enquêtes sur la population active, moins précises pour les petites
populations. Comme la plupart des recensements suivent un cycle décennal, on ne disposait pas de données suffisamment
récentes pour offrir un panorama détaillé de la situation concernant les titulaires de doctorat.
Science, technologie et industrie : Tableau de bord de l’OCDE 2017 © OCDE 2018
127
3. EXCELLENCE DE LA RECHERCHE ET COLLABORATION
4. Mobilité des scientifiques
Flux bilatéraux internationaux d’auteurs scientifiques,
2006-16
Grands flux bilatéraux, par première et dernière affiliation
principale répertoriée
Le saviez-vous ?
Les scientifiques qui entreprennent des recherches à
l’étranger puis retournent dans l’économie dans laquelle
ils ont publié pour la première fois contribuent à élever
la qualité globale de la recherche de cette économie de
20 % en moyenne.
Flux principal (dans le sens indiqué : A B)
Flux inverse (B A)
GBR USA
USA CHN
CAN
USA
DEU
USA
IND
USA
JPN
USA
FRA
USA
USA
AUS
USA
KOR
HKG
CHN
DEU
GBR
GBR
AUS
ITA
USA
DEU
CHE
ESP
USA
USA
CHE
GBR
CAN
FRA
GBR
BRA
USA
FRA
DEU
NLD
USA
ISR
USA
JPN
CHN
DEU
AUT
ITA
GBR
FRA
CAN
IRL
GBR
ESP
GBR
La mobilité des scientifiques favorise la circulation des
connaissances. L’une des solutions pour l’étudier consiste
à observer les changements d’établissements d’affiliation
mentionnés dans les publications parues dans les revues
spécialisées. Cette approche montre que la circulation des
cerveaux (renouvellement) est beaucoup plus importante que
les gains ou les pertes (flux nets). Au cours de la période 200616, les neuf plus grands flux bilatéraux internationaux
de scientifiques ont fait intervenir les États-Unis. Sur les
40 premiers flux bilatéraux internationaux, 14 ont représenté
un bénéfice net pour les États-Unis, 6 pour le Royaume-Uni et
5 pour la Chine.
En 2016, les auteurs établis au Luxembourg et en Suisse
affichaient les taux de mobilité les plus élevés au sein de la
zone OCDE. Dans l’économie médiane, 95 % des scientifiques se
trouvaient déjà là au moment de leur précédente publication.
Les schémas de mobilité varient selon les économies ; par
exemple, en Israël et en Italie, la majorité des entrants sont
en réalité des réentrants, c’est-à-dire des chercheurs de retour
dans leur pays de départ. Au contraire, en Suisse, la plupart
des chercheurs affichant une mobilité internationale sont de
nouveaux arrivants.
À quelques exceptions près, les scientifiques qui ne changent
pas d’économie d’affiliation (résidents) sont davantage
susceptibles de publier dans des revues de moindre notoriété.
Les sortants tendent à être associés à des publications mieux
cotées que leurs homologues résidents ou réentrants. C’est
cependant la tendance inverse que l’on observe aux ÉtatsUnis, où les scores obtenus par les chercheurs entrants restent
supérieurs à ceux des chercheurs qui sont restés dans le pays,
ce qui montre une capacité durable du pays à attirer des
scientifiques de haut niveau.
USA TWN
FRA
CHE
ITA
FRA
NLD
DEU
RUS
USA
GBR
CHN
MEX
USA
Définitions
Les auteurs scientifiques sont référencés dans la base de
données Scopus des revues à comité de lecture, et associés à un
identifiant d’auteur unique, attribué par Elsevier. La mobilité
internationale est déterminée pour les auteurs ayant publié au
moins deux articles au cours de la période de référence, sur la
base des changements d’affiliation et de l’ordre de publication.
Les résidents sont les scientifiques dont l’économie d’affiliation
reste la même au cours de la période de référence. Les réentrants
sont les auteurs qui sont de retour dans l’économie de leur
première affiliation ; c’est ce qui les distingue des nouveaux
arrivants. Enfin, les sortants sont évalués à partir de leur
affiliation au début de la période de référence.
SWE USA
USA
TUR
CAN
CHN
ESP
FRA
NLD
GBR
0
10 000
20 000
30 000
40 000
Flux
Source : Calculs de l’OCDE, d’après Scopus Custom Data, Elsevier,
version 4.2017, juillet 2017. Davantage de données via StatLink. Voir
notes de chapitre.
12 http://dx.doi.org/10.1787/888933721478
128
L’indicateur SJR (Scimago Journal Rank) mesure l’influence
scientifique des revues spécialisées en tenant compte à la
fois du nombre de citations dont elles ont bénéficié et de
l’importance, ou de la notoriété, des revues dans lesquelles
ces citations paraissent (González-Pereira et al., 2010).
Science, technologie et industrie : Tableau de bord de l’OCDE 2017 © OCDE 2018
3. EXCELLENCE DE LA RECHERCHE ET COLLABORATION
4. Mobilité des scientifiques
Mobilité internationale des auteurs scientifiques, 2016
En pourcentage des auteurs, par dernière affiliation principale répertoriée en 2016
Nouveaux arrivants
%
20
Réentrants
Sortants
Flux nets (échelle de droite)
%
5
4
15
3
10
2
5
1
0
0
-5
-1
-2
-10
-3
-15
-4
-5
LU
X
CH
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L
GB
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F
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D
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FR
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IS
R
ES
T
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N
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C
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SV
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D
CZ
E
IT
A
KO
R
BR
A
LV
A
RU
S
CH
N
JP
N
PO
L
TU
R
-20
Source : Calculs de l’OCDE, d’après Scopus Custom Data, Elsevier, version 4.2017, juillet 2017. Davantage de données via StatLink. Voir notes de chapitre.
12 http://dx.doi.org/10.1787/888933721497
Impact attendu des citations des auteurs scientifiques, par profil de mobilité, 2016
Valeurs SJR (Scimago Journal Rank) moyennes pour 2015
Sortants
Nouveaux arrivants
Réentrants
Résidents
Valeur moyenne, SJR 2015
3.5
3.0
2.5
2.0
1.5
1.0
0.5
IS
L
CH
E
US
A
GB
R
IS
R
NL
D
DN
K
DE
U
SW
E
CA
N
FR
A
BE
L
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S
AU
T
FI
N
NO
R
LU
X
IR
L
ES
P
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A
NZ
L
HU
N
JP
N
ES
T
KO
R
CH
L
PR
T
ZA
F
CH
N
GR
C
SV
N
CZ
E
M
EX
BR
A
PO
L
IN
D
LV
A
SV
K
TU
R
RU
S
ID
N
0
Source : Calculs de l’OCDE, d’après Scopus Custom Data, Elsevier, version 4.2017 et valeurs SJR (Scimago Journal Rank) de 2015 des titres de la liste de
revues Scopus (consulté en juin 2017), juillet 2017. Davantage de données via StatLink. Voir notes de chapitre.
12 http://dx.doi.org/10.1787/888933721516
Mesurabilité
Élaborés à l’origine par Elsevier (2011), les indicateurs bibliométriques donnent des informations complémentaires sur
la mobilité internationale des chercheurs ; ils sont toutefois expérimentaux et doivent, à ce titre, être interprétés avec
prudence (Moed et al., 2013). Les données sur la mobilité sont moins précises voire manquantes pour les auteurs qui
sont moins prolifiques, ou qui intègrent ou quittent des fonctions non universitaires. Il arrive que les affiliations à des
établissements soient enregistrées après un certain délai et ne reflètent pas le lieu où la recherche a été menée. Dans cette
édition, les auteurs qui ont plusieurs affiliations se voient associer une « économie principale » par document (celle-ci
étant sélectionnée aléatoirement si toutes les économies ont le même poids). Plus important encore, une attribution non
rigoureuse des identifiants aux auteurs peut fausser les estimations de la mobilité, qui seront sous-évaluées si plusieurs
identifiants sont affectés à une même personne, ou surévaluées si les personnes possèdent des noms courants. L’initiative
ORCID (Open Researcher and Contributor ID) promeut l’utilisation d’identifiants uniques pouvant être associés aux résultats
de recherche des chercheurs. L’OCDE a réalisé et publié une analyse du réseau de mobilité internationale des scientifiques
et de ses principaux moteurs (Appelt et al., 2015).
Science, technologie et industrie : Tableau de bord de l’OCDE 2017 © OCDE 2018
129
3. EXCELLENCE DE LA RECHERCHE ET COLLABORATION
5. Mondialisation de la R-D
R-D des entreprises financée par des fonds étrangers,
par source de financement, 2015
En pourcentage des dépenses intérieures de R-D des entreprises
Le saviez-vous ?
Le Royaume-Uni est le premier bénéficiaire des
financements de l’UE pour la R-D dans l’enseignement
supérieur : il a reçu 615 millions EUR en 2014, c’est-à-dire
8 % de la R-D dans l’enseignement supérieur.
Entreprises étrangères
Organisations internationales
Autres fonds du reste du monde
Ventilation non disponible
Part des DIRDE financée par le reste du monde, 2005
ISR
Dans notre économie mondialisée actuelle, les entreprises
financent leurs activités de R-D de diverses manières, et
notamment à l’aide de leurs propres fonds (par exemple, bénéfices
non distribués) et de sources nationales et internationales. La
principale source internationale consiste en des paiements
en provenance d’entreprises étrangères, dont celles qui
entretiennent des relations de propriété ou de contrôle avec
l’entreprise qui cherche à financer sa R-D. Les subventions et les
contrats de recherche émanant d’organisations internationales
sont une autre source internationale importante. Dans de
nombreux pays, les fonds étrangers soutiennent une part
considérable de la R-D des entreprises : plus de 20 % en Autriche,
en Irlande, en Islande et en République tchèque, et plus de
50 % en Israël où une large part de la R-D des entreprises est
menée par des entreprises affiliées sous contrôle étranger, et
en Lettonie où près de 40 % des DIRDE sont financées par l’UE.
54.3
LVA
50.4
ISL
35.9
CZE
IRL
AUT
GBR
FIN
CAN
HUN
SVK
NLD
Dans beaucoup de pays aussi, les entreprises affiliées sous
contrôle étranger sont responsables d’une part importante de
la R-D des entreprises : plus d’un cinquième dans la plupart
des pays, et plus de la moitié en Autriche, en Belgique, en
Irlande, en Israël, en République slovaque, en République
tchèque et au Royaume-Uni. Cette tendance met en lumière
la mondialisation de la R-D des entreprises et son importance
dans les entreprises multinationales. Le Japon est le dernier
du classement pour ce qui est des financements par des fonds
étrangers et par des entreprises affiliées sous contrôle étranger,
ce qui témoigne de son degré relativement faible d’intégration
à l’environnement de R-D international.
NOR
CHE
ITA
BEL
UE28
NZL
ZAF
FRA
POL
GRC
Les organisations internationales, et notamment l’Union
européenne, financent plus de 40 % de la R-D des entreprises en
Lettonie. Les fonds de la Commission européenne (CE) peuvent
aussi être particulièrement importants pour la R-D menée par
les établissements d’enseignement supérieur et les organismes
publics de recherche. Les premiers bénéficiaires en sont
l’Allemagne et le Royaume-Uni. Ces fonds sont plus déterminants
au Royaume-Uni où ils soutiennent 7.4 % de la R-D de l’État et de
l’enseignement supérieur contre seulement 3.9 % en Allemagne
– un pourcentage plus élevé que dans n’importe quel autre pays
de l’Europe de l’Ouest, à l’exception de la Grèce ou de l’Irlande.
EST
ESP
OCDE
SWE
SVN
USA
DNK
DEU
PRT
RUS
Définitions
CHL
TUR
AUS
CHN
KOR
MEX
JPN
0
5
10
15
20
25
30
35
%
Source : OCDE, Base de données sur les statistiques de la recherche et
développement, http://oe.cd/srd-fr, juin 2017. Davantage de données via
StatLink. Voir notes de chapitre.
12 http://dx.doi.org/10.1787/888933721535
130
Le reste du monde recouvre l’ensemble des institutions et personnes
qui ne disposent pas, sur le territoire économique considéré, de
site, de lieu de production ou de locaux dans lesquels ou depuis
lesquels mener des activités économiques et des opérations
économiques de grande envergure. Il regroupe toutes les unités
(y compris parties d’entreprises, universités, organismes publics,
organisations à but non lucratif, etc.) non résidentes dans le
pays de référence, ainsi que les organisations internationales et
entités supranationales, y compris les installations et activités
qu’elles possèdent à l’intérieur du pays considéré.
Les entreprises affiliées sous contrôle étranger sont les entreprises
du pays de référence détenues majoritairement par une société
mère étrangère.
Science, technologie et industrie : Tableau de bord de l’OCDE 2017 © OCDE 2018
3. EXCELLENCE DE LA RECHERCHE ET COLLABORATION
5. Mondialisation de la R-D
Dépenses de R-D engagées par des entreprises affiliées sous contrôle étranger, échantillon de pays,
2015 ou année disponible la plus récente
En pourcentage des dépenses intérieures de R-D des entreprises
2015
%
80
2005
70
60
50
40
30
20
10
E
N
JP
CH
A
US
N
FI
A
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A
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P
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SW
CA
L
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ES
T
AU
R
K
E
CZ
GB
L
BE
SV
L
IR
IS
R
0
Source : OCDE, Base de données sur les activités des entreprises multinationales, http://oe.cd/amne ; Eurostat, Base de données FATS entrantes ; OCDE,
Base de données sur les statistiques de la recherche et développement, http://oe.cd/srd-fr, juin 2017. Davantage de données via StatLink. Voir notes de
chapitre.
12 http://dx.doi.org/10.1787/888933721554
Financement de la R-D de l’État et de l’enseignement supérieur en Europe par la Commission européenne, 2015
Millions EUR PPP, prix de 2010
R-D de l’enseignement supérieur, financée par la CE
R-D de l’État, financée par la CE
Ventilation non disponible
R-D État et enseignement supérieur, financée par la CE, 2005
Financement > 300 millions EUR
Million EUR
1 000
Financement < 300 millions EUR
N
LV
A
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R
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P
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0
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K
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L
RO
U
0
L
50
A
IT
A
200
P
100
K
400
L
150
E
600
R
200
U
800
C
250
Source : OCDE, Base de données sur les statistiques de la recherche et développement, http://oe.cd/srd-fr ; Eurostat, statistiques de la recherchedéveloppement ; Eurostat, PPP pour agrégats SEC 2010, juillet 2017. Davantage de données via StatLink. Voir notes de chapitre.
12 http://dx.doi.org/10.1787/888933721573
Mesurabilité
Du fait de l’internationalisation croissante de la R-D et des autres activités économiques, il devient difficile de déterminer
précisément les flux financiers associés à la R-D qui circulent entre les entreprises, ainsi que la nature exacte de ces flux.
Si les enquêtes sur la R-D permettent de recueillir des informations pertinentes, elles sont essentiellement axées sur les
activités de R-D intra-muros nationales. Par conséquent, dans la plupart des pays, les informations sur les activités de R-D
des multinationales à l’étranger sont rares, voire inexistantes. Sans compter que la collecte d’informations précises sur la
valeur et la nature économique des flux transnationaux de R-D entre entreprises peut poser beaucoup de problèmes, dans
la mesure où les pratiques des multinationales en la matière, y compris le financement et l’exploitation de la production
intellectuelle qui en résulte, tendent à refléter des stratégies d’optimisation fiscale. La mesure de la mondialisation de la R-D
au niveau des États et d’autres institutions hors entreprises n’en est qu’à ses débuts, et la comparabilité des données reste
à ce jour limitée et concentrée dans un nombre restreint de pays. La dernière édition du Manuel de Frascati (OCDE, 2015)
consacre un chapitre à la mesure des différents aspects de la mondialisation de la R-D (voir http://oe.cd/frascati).
Science, technologie et industrie : Tableau de bord de l’OCDE 2017 © OCDE 2018
131
3. EXCELLENCE DE LA RECHERCHE ET COLLABORATION
6. Inventions internationales
Co-inventions internationales dans le domaine des TIC,
2012-15
En pourcentage du nombre total de familles de brevets IP5 dans les économies
Brevets liés aux TIC
Tous les brevets
CZE
1.2
MYS
0.8
HUN
0.7
NZL
0.9
NLD
10.5
MEX
0.8
IRL
1.3
SGP
2.4
CHE
9.8
IND
7.2
TUR
0.7
GRC
0.4
RUS
2.0
ESP
4.7
AUT
7.9
CAN
15.5
BEL
4.6
BRA
1.5
NOR
2.1
SWE
9.1
ISR
5.8
AUS
4.7
POL
1.8
GBR
24.6
DNK
4.2
HKG
1.5
UE28
223.6
ZAF
0.6
FIN
5.9
USA
177.6
ITA
14.2
DEU
95.8
BRIICS
79.3
FRA
34.7
CHN
68.0
OCDE
802.4
TWN
52.7
Nombre total de familles
de brevets IP5, milliers
KOR
101.3
JPN
260.1
0
10
20
30
40
%
Source : OCDE, STI Microdata Lab : Base de données sur la propriété intellectuelle,
http://oe.cd/ipstats, juin 2017. Davantage de données via StatLink. Voir
notes de chapitre.
12 http://dx.doi.org/10.1787/888933721592
132
Le saviez-vous ?
Plus de 70 % des brevets liés aux technologies de
l’information et des communications (TIC) détenus par des
entreprises des Bermudes, de la Barbade, des Îles Caïmans
et des Îles Vierges britanniques sont inventés à l’étranger.
La diversité favorisant la créativité et l’innovation, les
inventions naissent souvent de collaborations au sein d’une
même économie ou entre acteurs de différentes économies.
Les informations contenues dans les inventions brevetées,
concernant le lieu de résidence des détenteurs et des inventeurs,
aident à mettre en lumière les collaborations internationales
en matière d’innovation. Elles montrent également la mesure
dans laquelle les innovateurs accèdent aux connaissances
dans d’autres économies pour trouver les compétences et les
qualifications qui répondent le mieux à leurs besoins.
Sauf dans les technologies liées à la santé, la collaboration
internationale entre inventeurs a augmenté dans tous les
domaines technologiques et, en particulier, dans celui des TIC.
Les co-inventions internationales sont plus courantes dans les
TIC que dans d’autres domaines technologiques, et représentent
un tiers ou plus de tous les brevets liés aux TIC pour des
économies comme la République tchèque ou la Malaisie.
Qui plus est, à quelques exceptions près (la Chine, notamment),
les inventions brevetées qui concernent les TIC reposent,
en moyenne, sur des inventeurs basés dans un nombre
d’économies relativement plus élevé. Il en ressort que les
entreprises des TIC ont généralement accès aux connaissances
développées dans un plus grand nombre d’économies, par
rapport aux stratégies d’acquisition des savoirs appliquées
dans d’autres domaines.
Il y a souvent découplage entre les inventeurs et les détenteurs
d’inventions brevetées relatives aux TIC, une tendance plus
marquée dans ce domaine technologique que dans les autres
puisqu’elle concerne en moyenne 7.6 % des brevets des TIC mais
6.4 % des brevets toutes technologiques confondues. Dans la zone
de l’OCDE, la part des inventions TIC étrangères que détiennent
les économies varie entre 57 % (Luxembourg) et 0.6 % (Italie).
Définitions
Les familles de brevets IP5 correspondent aux brevets déposés
auprès des cinq principaux offices de brevets (IP5). Les co-inventions
internationales désignent les familles de brevets IP5 dont un coinventeur au moins est localisé à l’étranger. Les pourcentages
sont calculés en divisant le nombre de co-inventions
internationales par le nombre total de familles de brevets IP5,
pour une économie donnée, dans le domaine technologique
considéré. Le nombre d’économies de résidence des inventeurs est
un indicateur fondé sur le nombre moyen d’économies dans
lesquelles se situent les inventeurs des familles de brevets
IP5 détenus par des résidents de l’économie en question. Les
inventions étrangères détenues dans les économies correspondent à
la part, dans le nombre total de familles de brevets IP5 détenues
dans une économie, de celles qui sont détenues par un résident
de l’économie alors qu’aucun des inventeurs n’en est luimême résident. Les brevets liés aux TIC sont recensés à l’aide
des codes de la Classification internationale des brevets (CIB)
(voir Inaba et Squicciarini, 2017) et alignés sur les définitions
de l’OCDE du secteur des TIC (2017) et des produits TIC (2008).
Science, technologie et industrie : Tableau de bord de l’OCDE 2017 © OCDE 2018
3. EXCELLENCE DE LA RECHERCHE ET COLLABORATION
6. Inventions internationales
Nombre d’économies de résidence des inventeurs, par technologie, 2012-15
Moyennes, toutes technologies confondues, familles de brevets IP5 selon la résidence du détenteur du brevet
Fourchette minimum-maximum
Brevets liés aux TIC
Autres brevets
Nombre
1.6
1.5
1.4
1.3
1.2
1.1
N
N
R
N
CH
KO
JP
S
TW
IIC
DE
BR
OC
IT
A
A
G
HK
S
U
FR
DE
AU
D
28
UE
A
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K
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R
GB
DN
R
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N
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P
T
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N
E
SW
SG
E
CH
CA
L
BE
IN
D
1
Source : OCDE, STI Micro-data Lab : Base de données sur la propriété intellectuelle, http://oe.cd/ipstats, juin 2017. Davantage de données via StatLink. Voir notes
de chapitre.
12 http://dx.doi.org/10.1787/888933721611
Inventions TIC étrangères détenues par les économies, 2012-15
En pourcentage du nombre total de familles de brevets IP5 dans les économies
Brevets liés aux TIC
Dix premières économies
%
100
80
%
20
Tous les brevets
Autres économies
15
60
10
40
5
20
U
BR
B
VG
B
HK
G
CY
M
LU
X
IR
L
SG
P
CH
E
NL
D
BM
AU
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SW
E
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N
FR
UE A
28
US
A
NO
R
M
YS
GB
R
DE
U
TW
OC N
DE
CA
N
PO
L
BR
A
DN
K
BE
L
KO
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HU
N
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U
NZ
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JP
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RU
S
C
BR HN
IIC
S
TU
R
IS
R
ES
P
IN
D
IT
A
ZA
F
0
0
Source : OCDE, STI Micro-data Lab : Base de données sur la propriété intellectuelle, http://oe.cd/ipstats, juin 2017. Davantage de données via StatLink. Voir notes
de chapitre.
12 http://dx.doi.org/10.1787/888933721630
Mesurabilité
Les collaborations peuvent revêtir différentes formes : co-inventions internationales par plusieurs entreprises, grandes ou
petites, pôles de recherche conjointe mis en place par des établissements privés et publics (par exemple, entre des entreprises
et des universités ou établissements publics de recherche), ou encore réseaux formels ou informels de scientifiques. Dans
le cas des multinationales, la collaboration internationale témoigne souvent d’un processus suivant lequel les entreprises
s’appuient sur des installations de recherche et d’innovation implantées dans plusieurs économies pour mobiliser des savoirs
géographiquement dispersés et/ou développer des complémentarités avec des inventeurs étrangers. Le degré de collaboration
entre des inventeurs à l’échelle internationale peut dépendre d’un large éventail de facteurs, notamment la structure de
l’entreprise ou de l’établissement auxquels ils appartiennent, le domaine technologique de l’invention, et la proximité
linguistique et culturelle. Les brevets liés aux TIC recouvrent 13 domaines définis selon les caractéristiques techniques et
les fonctionnalités qu’ils permettent d’obtenir (par exemple, communication mobile, réseau à haut débit, informatique de
haute puissance et analytique de données massives). Comme la plupart des inventions ne sont protégées que dans certaines
économies, l’utilisation des données de différents offices de brevets peut conduire à des résultats différents.
Science, technologie et industrie : Tableau de bord de l’OCDE 2017 © OCDE 2018
133
3. EXCELLENCE DE LA RECHERCHE ET COLLABORATION
7. Collaboration en matière d’innovation
Entreprises menant des activités d’innovation
en collaboration avec des établissements d’enseignement
supérieur ou de recherche, par taille, 2012-14
En pourcentage des entreprises actives dans l’innovation de produit et/ou
de procédé, dans chaque catégorie de taille
PME
Grandes entreprises
GBR
+6.0
BEL
+2.0
AUT
+0.2
FIN
-2.8
SVN
-4.3
EST
+5.2
NOR
+1.6
ESP
+1.8
NLD
+3.3
DNK
+0.6
DEU
-1.4
ISL
JPN
-5.4
FRA
+0.8
POL
+1.8
Variation du taux de
collaboration des
PME entre 2012 et 2014
HUN
CZE
-3.7
-2.8
SVK
-0.5
TUR
+4.4
CHE
-5.9
GRC
-10.7
PRT
-0.1
LVA
-1.9
KOR
-8.1
BRA
-0.9
NZL
CHL
+0.8
AUS
-1.9
0
10
20
30
40
50
60
70
80
%
Note : La comparabilité internationale peut être limitée du fait des
différences méthodologiques entre les enquêtes sur l’innovation et des
profils de réponses propres à chaque pays. Les pays européens suivent
le schéma harmonisé de l’Enquête communautaire sur l’innovation.
Source : OCDE, d’après OCDE, Enquête de 2017 sur les statistiques
nationales de l’innovation et Eurostat, Enquête communautaire sur
l’innovation (CIS-2014), http://oe.cd/inno-stats, juin 2017. Davantage de
données via StatLink. Voir notes de chapitre.
12 http://dx.doi.org/10.1787/888933721649
134
Le saviez-vous ?
En moyenne, seules 13 % des petites et moyennes
entreprises (PME) actives dans l’innovation mettent
au point leurs innovations en collaboration avec des
universités ou des établissements de recherche, contre
31 % des grandes entreprises.
Les entreprises se spécialisent pour être plus compétitives ; la
collaboration leur permet d’avoir recours à un plus grand vivier
de ressources et de savoirs, et de partager les risques. Les profils
de collaboration dépendent des caractéristiques des entreprises
et de leurs objectifs en matière d’innovation. Par exemple, les
formes d’innovation fondées sur la R-D peuvent nécessiter de
faire appel à différents types de partenaires. Les travaux menés en
collaboration avec des établissements d’enseignement supérieur
ou des établissements publics de recherche constituent une
source importante de transfert de connaissances pour les grandes
entreprises. Dans la plupart des pays, celles-ci sont généralement
deux à trois fois plus susceptibles d’y avoir recours que les PME.
La collaboration en matière d’innovation est plus fréquente
avec les fournisseurs et les clients. Dans le cas des grandes
entreprises, les fournisseurs jouent un rôle dominant compte
tenu de l’intégration croissante des chaînes de valeur. Dans des
pays comme l’Allemagne, la Corée, la Finlande et le Royaume-Uni,
la collaboration avec les clients est au moins aussi importante,
en particulier pour les PME actives dans l’innovation. Cette
tendance pourrait être une indication de l’importance des
utilisateurs en tant que moteurs de l’innovation.
Les partenaires étrangers peuvent aussi jouer un rôle majeur dans le
processus d’innovation, compte tenu du rôle croissant des chaînes
de valeur mondiales. Mais les taux de collaboration internationale
varient sensiblement d’un pays à l’autre. Dans certaines petites
économies ouvertes, les entreprises privilégient fortement la
collaboration avec des partenaires étrangers, un phénomène
qui pourrait être lié à des facteurs tels que la spécialisation
sectorielle, des possibilités limitées de collaboration au niveau
national et, parfois, à la proximité de pôles de savoir extérieurs. La
taille des entreprises semble constituer un déterminant majeur
de la collaboration internationale : quel que soit le taux global
observé en la matière, les grandes entreprises sont bien plus
susceptibles que les PME de choisir cette forme d’interaction.
Définitions
La collaboration en matière d’innovation implique une participation
active à des projets d’innovation (c’est-à-dire visant à introduire
sur le marché un produit ou un procédé nouveau ou sensiblement
amélioré) menés conjointement avec d’autres organisations,
mais exclut la sous-traitance pure et simple des activités
correspondantes. Elle peut inclure la mise en œuvre conjointe
d’innovations avec des clients et des fournisseurs, ainsi que des
partenariats avec d’autres entreprises ou organisations.
La collaboration internationale en matière d’innovation suppose une
participation transnationale active à des travaux d’innovation
collaboratifs.
Le classement des entreprises selon leur taille est conforme
aux recommandations du Manuel d’Oslo, et s’appuie, dans
la majorité des pays, sur le nombre d’employés. Les PME
s’entendent des entreprises de 10 à 249 salariés, à quelques
exceptions près spécifiées dans les notes de chapitre.
Science, technologie et industrie : Tableau de bord de l’OCDE 2017 © OCDE 2018
3. EXCELLENCE DE LA RECHERCHE ET COLLABORATION
7. Collaboration en matière d’innovation
Entreprises menant des activités d’innovation en collaboration avec des fournisseurs ou des clients, par taille, 2012-14
En pourcentage des entreprises actives dans l’innovation de produit et/ou de procédé, dans chaque catégorie de taille
Fournisseurs
%
50
Clients
PME
30
10
10
30
50
70
Grandes entreprises
IT
A
PR
T
KO
R
DE
U
CH
L
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L
LV
A
TU
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NZ
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N
DN
K
K
N
GR
C
NO
R
SV
N
JP
SV
L
R
BE
GB
T
ES
90
Note : La comparabilité internationale peut être limitée du fait des différences méthodologiques entre les enquêtes sur l’innovation et des profils de
réponses propres à chaque pays. Les pays européens suivent le schéma harmonisé de l’Enquête communautaire sur l’innovation.
Source : OCDE, d’après OCDE, Enquête de 2017 sur les statistiques nationales de l’innovation et Eurostat, Enquête communautaire sur l’innovation
(CIS-2014), http://oe.cd/inno-stats, juin 2017. Davantage de données via StatLink. Voir notes de chapitre.
12 http://dx.doi.org/10.1787/888933721668
Entreprises engagées dans des collaborations internationales à des fins d’innovation, par taille, 2012-14
En pourcentage des entreprises actives dans l’innovation de produit et/ou de procédé, dans chaque catégorie de taille
PME
61
57
43
53
47
55
52
24
23
38
49
53
73
19
49
33
52
56
61
47
16
55
71
43
49
R
29
N
57
KO
24
Grandes entreprises
JP
%
100
80
Taux de PME innovantes
60
40
20
A
L
BR
L
IS
R
CH
U
TU
S
T
DE
AU
P
L
NZ
PR
L
PO
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HU
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NL
LV
A
R
NO
K
N
DN
N
FI
T
AU
SV
L
K
BE
SV
R
GB
ES
T
0
Note : La comparabilité internationale peut être limitée du fait des différences méthodologiques entre les enquêtes sur l’innovation et des profils de
réponses propres à chaque pays. Les pays européens suivent le schéma harmonisé de l’Enquête communautaire sur l’innovation.
Source : OCDE, d’après OCDE, Enquête de 2017 sur les statistiques nationales de l’innovation et Eurostat, Enquête communautaire sur l’innovation
(CIS-2014), http://oe.cd/inno-stats, juin 2017. Davantage de données via StatLink. Voir notes de chapitre.
12 http://dx.doi.org/10.1787/888933721687
Mesurabilité
Dans les enquêtes qui suivent le schéma de l’Enquête communautaire sur l’innovation, les taux de collaboration se rapportent
aux entreprises actives dans l’innovation de produit ou de procédé. Dans les autres cas, ils portent sur les entreprises
pratiquant tous types d’innovation. Le concept de collaboration en matière d’innovation varie selon les modèles d’enquêtes,
lorsque les groupes d’entreprises auxquelles la mesure s’applique diffèrent.
Par ailleurs, la structure et les caractéristiques des enquêtes peuvent influer sur les réponses des entreprises et, par conséquent,
sur les résultats. Ainsi, les réponses aux questions sur les activités d’innovation et aux questions complémentaires sur la
collaboration avec des tierces parties peuvent varier selon l’ordre des questions, le champ de l’enquête, ou la combinaison
avec d’autres types d’enquêtes. Les problèmes de comparabilité qui en découlent sont examinés dans le cadre de la révision
en cours du Manuel d’Oslo OCDE/Eurostat sur la mesure de l’innovation dans les entreprises (http://oe.cd/manueldoslo).
Science, technologie et industrie : Tableau de bord de l’OCDE 2017 © OCDE 2018
135
3. EXCELLENCE DE LA RECHERCHE ET COLLABORATION
Notes et Références
Chypre
La note suivante est incluse à la demande de la Turquie :
« Les informations figurant dans ce document qui font référence à “Chypre” concernent la partie méridionale de l’Île. Il n’y a
pas d’autorité unique représentant à la fois les Chypriotes turcs et grecs sur l’Île. La Turquie reconnaît la République Turque
de Chypre Nord (RTCN). Jusqu’à ce qu’une solution durable et équitable soit trouvée dans le cadre des Nations Unies, la
Turquie maintiendra sa position sur la “question chypriote”. »
La note suivante est ajoutée à la demande de tous les États de l’Union européenne membres de l’OCDE et de l’Union
européenne :
« La République de Chypre est reconnue par tous les membres des Nations Unies sauf la Turquie. Les informations figurant
dans ce document concernent la zone sous le contrôle effectif du gouvernement de la République de Chypre. »
Israël
« Les données statistiques concernant Israël sont fournies par et sous la responsabilité des autorités israéliennes ou d’un
tiers compétents. L’utilisation de ces données par l’OCDE est sans préjudice du statut des hauteurs du Golan, de JérusalemEst et des colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie aux termes du droit international. »
« Il est à noter que les données statistiques sur les brevets et marques israéliens sont fournies par les offices des brevets
et des marques des pays concernés. »
3.1. Excellence de la recherche et spécialisation
Quantité et qualité de la production scientifique, 2005 et 2015
Les « publications les plus citées » sont les 10 % de publications les plus citées, les valeurs étant normalisées par domaine
scientifique et par type de document (articles, recensions et actes de conférences). Les valeurs SJR (Scimago Journal Rank) sont
utilisées en complément pour hiérarchiser les publications ayant obtenu le même nombre de citations au sein d’une catégorie.
Cette mesure est un indicateur de substitution de l’excellence de la recherche. Les estimations sont fondées sur des comptages
fractionnaires des documents publiés, par auteur affilié à des établissements dans chaque économie.
Spécialisation et impact de citation dans quelques disciplines scientifiques, 2015
“Les « publications les plus citées » sont les 10 % de publications les plus citées, les valeurs étant normalisées par domaine
scientifique et par type de document (articles, recensions et actes de conférences). Les valeurs SJR (Scimago Journal Rank) sont
utilisées en complément pour hiérarchiser les publications ayant obtenu le même nombre de citations au sein d’une catégorie.
Cette mesure est un indicateur de substitution de l’excellence de la recherche. Les estimations sont fondées sur des comptages
fractionnaires des documents publiés, par auteur affilié à des établissements dans chaque économie. Les documents publiés
dans des revues multidisciplinaires/génériques sont affectés sur une base fractionnaire aux codes ASJC des articles qui citent et
des articles cités.
L’indicateur de spécialisation relative a été calculé en divisant la part d’un champ disciplinaire donné dans la production scientifique
totale du pays par la part de ce champ disciplinaire dans la production scientifique mondiale. S’il est supérieur à 1, le pays est
très spécialisé dans le champ disciplinaire en question, autrement dit la part de ce domaine dans la production du pays a une
importance relative plus élevée que la part de ce domaine dans la production scientifique mondiale en général, selon les données
collectées dans la base Scopus. Les chiffres ont été arrondis. Les cas où le nombre de documents d’une économie et d’un champ
disciplinaire donnés est trop faible ont été supprimés.
3.2. Excellence de la collaboration scientifique
Collaboration scientifique internationale, 2015
On définit la collaboration internationale comme le nombre de publications dont un auteur au moins est affilié à l’économie
de référence et dont un auteur au moins est affilié à un établissement d’un autre pays ou d’une autre économie, exprimé en
pourcentage du nombre total de publications dont un auteur au moins est affilié à l’économie de référence. Ce nombre inclut une
part relativement faible de documents attribués à un seul auteur affilié à plusieurs établissements dans différentes économies.
La collaboration internationale comprend les documents dont l’auteur principal est affilié en premier lieu à un établissement
dans l’économie de référence et les documents dont l’auteur principal est affilié en premier lieu à un établissement étranger.
L’auteur principal est déterminé dans la plupart des cas sur la base de l’identité de l’auteur correspondant désigné. Pour la part
relativement réduite de documents pour lesquels on ne dispose pas de cette information, c’est le premier auteur mentionné qui
est considéré comme l’auteur principal.
136
Science, technologie et industrie : Tableau de bord de l’OCDE 2017 © OCDE 2018
3. EXCELLENCE DE LA RECHERCHE ET COLLABORATION
Notes et Références
Impact de citation de la production scientifique et degré de collaboration internationale, 2012-16
La production scientifique correspond au nombre total de documents citables (articles, recensions et actes de conférences) publiés
dans des revues scientifiques indexées dans la base Scopus.
L’impact de citation normalisé est le rapport entre le nombre moyen de citations que reçoivent les documents publiés par des
auteurs affiliés à un établissement dans l’économie de référence et le nombre moyen de citations à l’échelle mondiale, au cours
de la même période, par type de document et discipline.
La normalisation des valeurs relatives aux citations est axée sur les documents (c’est-à-dire effectuée au niveau de chaque
document). Si un document est publié dans une revue relevant de plusieurs disciplines, on calcule une moyenne sur l’ensemble
de ces disciplines. Les valeurs indiquent la relation entre l’impact moyen d’une unité et la moyenne mondiale pour la discipline
et le type de document considérés, à laquelle correspond la valeur 1 (par conséquent, un score de 0.8 signifie que l’unité se situe
20 % en-dessous de la moyenne, tandis qu’un score de 1.3 signifie qu’elle se situe 30 % au-dessus de la moyenne).
On définit la collaboration internationale comme le nombre de publications dont un auteur au moins est affilié à l’économie
de référence et dont un auteur au moins est affilié à un établissement d’un autre pays ou d’une autre économie, exprimé en
pourcentage du nombre total de publications dont un auteur au moins est affilié à l’économie de référence. Les articles émanant
d’un auteur unique affilié à des établissements de plusieurs pays peuvent ainsi être comptabilisés au titre de la collaboration
internationale entre les établissements.
Les chiffres pluriannuels sont des moyennes (ou des totaux) d’estimations annuelles.
Production parmi les 10 % de publications les plus citées et profils de collaboration internationale, 2015
Ce graphique montre la distribution des publications les plus citées de chaque pays ou économie. Il s’agit des 10 % de publications
les plus citées, les valeurs étant normalisées par domaine scientifique et par type de document (articles, recensions et actes
de conférences). Les valeurs SJR (Scimago Journal Rank) sont utilisées en complément pour hiérarchiser les publications ayant
obtenu le même nombre de citations au sein d’une catégorie. Cette mesure est un indicateur de l’excellence de la recherche. Les
estimations sont fondées sur des comptages fractionnaires des documents publiés, par auteur affilié à des établissements dans
chaque économie.
Les publications les plus citées sont réparties entre plusieurs catégories, selon que leur auteur principal est affilié à un établissement
du pays ou étranger (autrement dit, selon que l’auteur principal est affilié en premier lieu dans l’économie de référence ou à l’étranger).
L’auteur principal est déterminé dans la plupart des cas sur la base de l’identité du premier auteur correspondant désigné. Pour la
part relativement réduite de documents pour lesquels on ne dispose pas de cette information, c’est le premier auteur mentionné
qui est considéré comme l’auteur principal. Les documents dont l’auteur principal est affilié à un établissement dans l’économie
de référence peuvent ou non avoir fait l’objet d’une collaboration internationale, ce qui conduit à distinguer les collaborations
internationales avec l’auteur principal affilié dans le pays, des documents dont tous les auteurs sont affiliés dans le pays.
3.3. Mobilité internationale des personnes hautement qualifiées
Mobilité internationale des étudiants inscrits dans l’enseignement supérieur, 2015
Pour la Corée, l’Italie, la République slovaque, la République tchèque et la Turquie, les données se rapportent aux étudiants
étrangers. Les étudiants étrangers sont définis selon leur nationalité. Ces données ne peuvent être comparées à celles sur les
étudiants internationaux. Elles sont donc présentées séparément dans le tableau et le graphique.
Le nombre total d’inscrits inclut l’ensemble des étudiants internationaux ou étrangers. La répartition par domaine d’étude est
fondée sur le nombre d’étudiants dont le domaine d’étude est renseigné.
L’enseignement supérieur correspond aux niveaux 5 à 8 de la CITE-2011.
Les domaines d’étude mentionnés correspondent à des domaines d’étude et de formation de la classification CITE-F 2013.
Pour les États-Unis, la catégorie Santé et protection sociale inclut tous les programmes interdisciplinaires, y compris ceux sans
composante spécifique Arts et lettres.
Pour le Japon, les données sur les technologies de l’information et des communications sont incluses dans d’autres domaines.
Pour les Pays-Bas, le nombre total d’étudiants dans l’enseignement supérieur exclut le niveau doctoral.
Doctorants internationaux et nationaux dans les domaines des sciences naturelles, de l’ingénierie et des TIC, 2015
L’enseignement supérieur correspond aux niveaux 5 à 8 de la CITE-2011.
Les domaines d’étude mentionnés correspondent à des domaines d’étude et de formation de la classification CITE-F 2013.
Pour le Japon, les données sur les technologies de l’information et des communications sont incluses dans les autres domaines.
Personnes dotées d’un niveau d’instruction élevé dans la population en âge de travailler, par pays de naissance, 2015
Les personnes dotées d’un niveau d’instruction élevé sont définies comme étant celles dont le plus haut diplôme ou niveau de
formation validée se situe au niveau 5 ou plus de la classification CITE-2011.
| 46,452
|
tel-04194171-2021PA100141.txt_26
|
French-Science-Pile
|
Open Science
|
Various open science
| 2,023
|
Gouverner les étrangers au Maroc : les Subsahariens au guichet, et au-delà. Science politique. Université de Nanterre - Paris X, 2021. Français. ⟨NNT : 2021PA100141⟩. ⟨tel-04194171⟩
|
None
|
French
|
Spoken
| 7,046
| 10,335
|
Le pouvoir discrétionnaire des agents gouvernementaux et acteurs privés de l’Anapec
L’histoire de cette institution ne date pas de l’an 2000 car l’Anapec a des prédécesseurs qui ont contribué à définir les contours de son action qui s’inscrit ainsi dans la trajectoire des conflits des années 1920 qui ont opposé, d’une part, les patrons qui voulaient avoir une maîtrise sur le recrutement de la main d’œuvre étrangère et les bureaux de placement privés qui étaient gérés par des entreprises et, de l’autre, l’État qui voulait intervenir dans le marché du travail pour protéger la main d’œuvre nationale contre toute concurrence étrangère. Les réformes et les grands projets coloniaux engagés au Maroc par l’administration coloniale, pour mieux exploiter l’économie marocaine, demandaient la disponibilité d’une main d’œuvre qualifiée que l’État colonial ne trouvait pas forcément sur place. Le recours à une main d’œuvre étrangère apparut donc très vite comme l’une des solutions mobilisées par les entreprises françaises et étrangères au Maroc. Devant l'affluence des demandes d'emploi formulées par les travailleurs « métropolitains » et «européens », désireux de migrer au Maroc, des agences officieuses effectuaient illégalement des placements aux colonies et donnaient parfois aux candidats des informations erronées qui n’étaient en phase avec la réalité du terrain. Pour capter cette demande forte, des acteurs individuels et des entreprises situées au Maroc et à l’étranger ouvrirent des bureaux spécialisés dans l’introduction de ces travailleurs étrangers, dans le but de fournir aux entreprises françaises une main d’œuvre qualifiée mais aussi de bon marché. En contrepartie d’un tel service, ils percevaient des commissions et des ristournes sur chaque placement qu’ils réalisaient. Un réseau de trafic de travailleurs qualifiés et bon marché avait ainsi émergé au Maroc. Mais la présence massive de cette main d’œuvre a eu pour conséquence d’occasionner une pénurie de logements pour accueillir ces travailleurs étrangers. Constituée essentiellement de travailleurs espagnols, russes, allemands, italiens, grecs et portugais, cette main d’œuvre étrangère introduite par ces bureaux de placement privés avait cependant commencé à concurrencer la main d’œuvre locale mais aussi la main d’œuvre française. Pour les protéger contre cette concurrence, l’État décida en 1921 d’intervenir directement pour réguler le placement de la main d’œuvre étrangère en créant ses propres services publics gérés par ses propres agents municipaux. Ces bureaux de placement gérés par des agents municipaux consignaient dans des registres publics toutes les offres et demandes d’emploi qu’ils recevaient de la part des entreprises publiques et privées, et ils les affichaient publiquement devant chaque bureau municipal. Pour éviter à ce que ces agents municipaux ne soient concurrencés par les bureaux privés, l’État interdit l’activité de tous les bureaux privés, il rendit gratuites toutes les opérations de placement et avait donna un délai de six mois à ces bureaux pour qu’ils cessent toute activité au Maroc sous peine de sanctions pécuniaires789. L’État interdit également aux entreprises d’employer un étranger ou un indigène qui ne s’était préalablement pas fait enregistrer sur l’un des registres tenus par les agents de ces bureaux de placement municipaux. Ces agents municipaux devinrent ainsi les seuls habilités à recevoir les demandes d'emploi dans le protectorat mais aussi celle partant du Maroc en direction des autres colonies et en Métropole. En 1926, pour doter ces agents des moyens bureaucratiques et institutionnels, l’État mit en place l’Office de la main d’œuvre qui a été remplacé en 1934 par l’Office marocaine de la main d’œuvre (OMM), rattaché directement au secrétariat du protectorat à Rabat qui, à son tour, bénéficiait également de bureaux à l’étranger, notamment à Paris790. À l’indépendance du Maroc, l’État a remplacé l’OMM en 1967 par une Commission de main d’œuvre dirigée par un Conseil supérieur de main d’œuvre, qui hérite non seulement les compétences de l’OMM mais aussi celles des agents des anciens bureaux municipaux. En 2000, l’Anapec hérita à son tour des compétences de toutes ces institutions. Le principe de la création d’une institution publique chargée d’assurer une mission d’intérêt public, celle de garantir la protection de la main d’œuvre marocaine, fut consacré par l’État dans le dahir de juillet 2000 portant création de l’Anapec. Dans un contexte néolibéral791, le passage d’un Office à une Agence nationale a reconduit sous une autre forme les anciens rapports de force hérités de l’architecture bureaucratique, plaçant ainsi les hauts fonctionnaires de l’État en position de force par rapport aux organisations patronales et syndicales. Ce changement institutionnel est aussi 789 Voir les dispositions du dahir de 1921 sur la création de des bureaux municipaux de placement...op cité Le bureau de l’Office marocaine de la main d’œuvre à Paris était au 16, rue
Des Pyramides,
Paris
791
Béatrice Hibou et Mohamed Tozy datent les prémisses du néolibéralisme au début des années 1978, au moment des réformes des Finances publiques, mais qui s’est accentué au début des années 1990 et 2000, voir Hibou et Tozy, 2020. le produit d’une circulation internationale des modèles de gouvernement car l’adoption du dahir de 2000 a abouti à une modification de dénomination qui devait, théoriquement, ressembler à l’ANPE (Agence nationale pour l’emploi) en France. Cette nouvelle institution marocaine (Anapec) fait partie des nouvelles structures du gouvernement des étrangers mais aussi d’une structure à travers lesquelles l’État intervient directement pour réguler le marché du travail. De 1926 à nos jours, les agents de l’État ont occupé une place centrale au sein des différentes architectures bureaucratiques mises successivement en place au sein de ces organismes publics. Autrement dit, de l’ancienne Commission consultative de 1930 chargée d’administrer l’OMM à l’actuel Conseil d’administration qui dispose de tous les pouvoirs de l’Anapec__ en passant par l’ancien Conseil supérieur de la main d’œuvre de 1967 qui supervisait les travaux des Commissions de main d’œuvre dirigées au niveau local par les gouverneurs __, on constate que les fonctionnaires dominent ces instances en termes de représentativité mais aussi en termes de pouvoirs de décision et d’exécution792. En ce qui concerne l’Anapec, aucun acteur non gouvernemental ne siège au sein de son CA qui est l’organe de direction et de décision de l’institution. Sur les quatorze membres qui le composent, aucune organisation patronale et syndicale n’y est représentée. Le comité d’étude est le seul organe bureaucratique de l’agence où siègent des représentants issus d’organisations patronales et syndicales. Cependant, ce comité d’étude est aussi largement dominé par les hauts fonctionnaires et cadres de divers ministères, notamment par des agents issus des départements de l’Emploi, de l’Intérieur, des Mines, de l’Agriculture, du Tourisme, de l’Artisanat, etc. Au sein des instances dirigeantes des bureaux locaux de l’Agence on note aussi un rapport de force bureaucratique similaire : présidées par les gouverneurs des différentes régions ou provinces, dans ces bureaux locaux, dominés par les fonctionnaires des administrations décentralisées et déconcentrées, y siègent seulement deux représentants des travailleurs, deux représentants du patronat et deux représentants des syndicats majoritaires. Nommé par le chef du gouvernement et doté de tous les pouvoirs administratifs et exécutifs de l’Agence, le directeur de l’Anapec est chargé de mettre en œuvre des décisions du CA mais il agit en son propre nom et il a le pouvoir d’autoriser ou de refuser tous les actes administratifs qui engagent la responsabilité de l’Agence. Pour assurer pleinement sa mission, le directeur de l’Agence est épaulé par un personnel administratif constitué de deux catégories d’agents: l’une est constituée essentiellement de fonctionnaires détachés et l’autre d’agents et experts recrutés
792 Pour plus de détail sur la composition de ces instances, voir les dahir de Créer Royal numéro 319- 66 du 14/8/1966 ans instituant des commissions de la main d'œuvre un Conseil supérieur de la main d'œuvre, BO n° 2860, p.991. selon les propres besoins du directeur. Dès sa création, les agents de l’Office de la Formation professionnelles et de la promotion de l’emploi (OFPPT) ont été transférés à l’Anapec. Sous sa direction, l’Agence recrute et gère son personnel qui vient en grande partie des agents du ministère du Travail et de celui de l’Intérieur. Les centrales syndicales et les organisations patronales sont totalement absentes dans le processus de recrutement de ces agents mais aussi elles n’occupent aucune fonction parmi le personnel administratif de l’Agence, dominé par des fonctionnaires et agents gouvernementaux. Placée sous la tutelle de l’État, doté d’un statut d’établissement public et d’une autonomie financière, l’Agence fonctionne depuis sa création grâce aux subventions de l’État, aux dons et legs, emprunts et recettes que rapportent les commissions et taxes qu’elle touche auprès des entreprises sur chaque placement de travailleur émigré marocain à l’international ou sur chaque demande d’introduction d’un travailleur étranger au Maroc par une entreprise. L’essentiel de ses ressources vient de ses activités de placement de main d’œuvre marocaine à l’international. L’Anapec a d’autres fonctions que de gérer les étrangers. Le pouvoir de faire ou de défaire des travailleurs étrangers ne constitue certes pas l’activité principale de ces agents, mais ils jouissent d’un pouvoir exorbitant lorsqu’il s’agit de décider de l’employabilité ou non d’un étranger. Par exemple, sur les 2 657 629 demandeurs d’emploi enregistrés auprès de l’Agence entre février et septembre 2019, 77 824 travailleurs marocains ont été placés à l’international contre 45 travailleurs étrangers insérés dans le marché du travail national793. Si les chiffres publiés par l’Agence donnent des indications sur le nombre de migrants insérés par an, ils restent silencieux sur le nombre de demandes déposées par entreprise, ce qui ne permet pas d’évaluer la proportion des réponses positives sur l’ensemble des demandes déposées ni la part des taxes prélevées dans le placement des étrangers au Maroc dans son budget de fonctionnement. En revanche, on sait que lorsqu’un employeur souhaite demander une attestation d’activité lui permettant d’employer un seul étranger il verse à l’Agence une redevance de cinq mille dirhams (soit cinq cents euros), et il doit y rajouter 1500 dirhams (150 euros) à chaque demande supplémentaire jusqu’à la limite de cinq demandes par an, par métier et par employeur. Cela dit, une entreprise ne peut pas employer dans un même métier plus de cinq étrangers par an. Cependant, lorsqu’il ne souhaite pas que son offre soit publiée sur le site d’annonce de l’Agence, il paye uniquement les 1500 dirhams pour chaque demande. Cette configuration bureaucratique place les agents de cette institution au cœur de la défense de la préférence nationale, parce que les rapports de force dans le champ administratif leur sont largement favorable : ils ont donc le pouvoir de décider qui peut entrer ou sortir du marché de travail, en délivrant cette attestation à l’employeur ou en la lui refusant. Ils accordent ou refusent aux étrangers le droit d’accéder régulièrement au marché de travail. Pour assurer pleinement l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire, l’État marocain oblige toutes les entreprises évoluant sur son territoire à produire cette attestation d’activité qui prouve la non-disponibilité d’une compétence locale capable de satisfaire leurs demandes. Cette activité de production et de délivrance d’attestation d’activité place ces fonctionnaires dans une position d’intermédiaires : intermédiaires entre l’État et les employeurs, mais aussi entre ces derniers et les travailleurs étrangers. Ces agents intermédiaires reçoivent les offres d’emploi envoyées par les entreprises, réceptionnent les demandes d’emplois des nationaux, passent des entretiens de placement avec eux, instruisent les demandes d’autorisation déposées, etc. Leur mission vise à maitriser l’afflux des travailleurs étrangers sur le marché de travail. Cette gestion de flux fait ainsi de l’attestation de l’activité salarié étrange
procédure de filtrage. L’attestation de l’activité de salarié étranger comme procédure de filtre
Les autorisations sont demandées par les employeurs pour avoir la preuve qui atteste que le recours à cet étranger est justifié par l’absence d’un profil local apte à occuper le même poste. Ainsi, le pouvoir de filtrage conféré aux agents de l’Anapec s’exerce tout au long du processus qui aboutit soit à un refus soit à la délivrance de cette attestation. Constitué par l’employeur, le dossier de demande doit impérativement être accompagné d’un ensemble de pièces sur la base desquelles les fonctionnaires peuvent effectuer un travail de comparaison et d’analyse avant toute prise de décision par le directeur de l’Agence.
-
Figure 31 Modèle de demande d’attestation d’activité pour travailleur étranger, prévu par l'Anapec
E N - Ê E D E L E N E P I E Lieu, Date....................................................... A Monsieur le Directeur Général de l Agence Na
i
nale de
P m i n
de
l emploi
et
des
Compétences
(
ANAPEC)
Objet : Demande d a e a ion d ac i i po Demande de renouvellement d a e a aille a ion d ac i i ange. po ou a aille ange. N.B. : La lettre de demande doit : x x x Mentionner les nom et prénoms du salarié étranger, son numéro de passeport et le po e le el l en ep i e comp e l emba che ; P en e ne b e p en a ion de l ac i i de l en ep i e e le motivations du choix de ce candidat étranger pour le poste ; Lister l ensemble des pièces jointes au dossier de demande. Nom et qualité du signataire
Signature manuscrite Cache de l En e i e Source: Guide de l’Anapec pour le recrutement de travailleurs étrangers, 2019
Adressée directement à la Direction générale de l’Anapec, cette lettre écrite par l’employeur doit non seulement motiver son choix porté sur un étranger plutôt que sur un Marocain, mais aussi mentionner toutes les informations permettant aux agents d’identifier le candidat choisi et les tâches que ce dernier occupera au sein de l’entreprise. Cette lettre doit être accompagnée d’une part d’une fiche descriptive du poste qui comporte l’intitulé du poste, sa localisation, la situation hiérarchique, la nature du contrat (CDD ou CDI), le salaire, et, de l’autre, d’une fiche descriptive du profil recherché en termes de formations, d’expériences et de compétences linguistiques. Pour montrer que le profil du candidat étranger concorde à la fiche de poste, l’employeur doit fournir aux agents un curriculum vitae détaillé du salarié étranger ainsi que tous les justificatifs légalisés et correspondant: diplômes, attestations de travail émises par les anciens employeurs, certificats de validation du niveau de langue requis pour le poste, etc. Les qualifications professionnelles du candidat sont évaluées à l’aune des diplômes et attestation de travail du candidat. Lorsque les agents constatent que le candidat étranger correspond à l’une des catégories dispensées de cette attestation, ils délivrent directement celle-ci sans le mettre en concurrence à un profil national, et la trajectoire bureaucratique du candidat prend ainsi fin794. 794 Nous verrons dans la section suivante les catégories exemptées de cette procédure. Mais lorsqu’ils constatent que le candidat étranger ne figure dans aucune des dix-sept catégories qui constituent la liste dérogatoire, la procédure prend une nouvelle tournure. Pour compléter le dossier, les agents demandent ainsi à l’employeur de remplir une fiche d’annonce sous forme d’appel d’offre à un recrutement.
Figure 32 Formulaire d’annonce presse de l’Anapec
Source : Guide de l’Anapec pour le recrutement de travailleurs étrangers, 2019
Pour s’assurer qu’il n’y a pas un profil marocain qui corresponde au poste, les agents invitent l’employeur, une fois que le dossier complet est reçu par la direction de l’Agence, à publiciser l’offre d’emploi dans au moins deux catégories de presse d’envergure nationale ou locale: l’une arabophone et l’autre francophone. Cette publicisation de l’offre permet, selon certains agents interviewés, à « filtrer les demandes, à mettre en concurrence le poste pour s’assurer qu’il n’y a aucun Marocain qui présente le même profil que le candidat étranger795.» L’annonce publiée dans la presse invite les candidats intéressés à postuler directement en envoyant leur dossier au journal à travers lequel ils auraient été informés, et ce dernier prendra le soin de les transmettre 795 2021 Entretien n°15 avec A.G.B, agent à l’Anapec, Rabat, le 26 novembre 2018. à son tour à l’Anapec. Parallèlement à cette publicisation médiatique, les agents et les fonctionnaires de l’Agence se transforment en « chasseurs de têtes » ou de « mains796 », et ils s’engagent dans une course contre la montre pendant une bonne semaine pour procéder à des opérations de profilage des candidats dans la base de données des demandeurs d’emploi (SIEG). Celle-ci constitue la plus grande base de données qui recense au niveau national les demandeurs d’emplois de nationalité marocaine. Les migrants régularisés sont la seule catégorie de demandeurs d’emploi qui y figure depuis 2015. Avant les opérations de régularisation qui ont abouti à la mise en place de la SNIA, aucun étranger n’était éligible à l’inscription dans cette base de données nationale. Entre février et juin 2019 plus de 2.422 474 demandeurs d’emploi étaient régulièrement inscrits dans cette base de données nationale, contre 2 357 155 demandeurs inscrits entre juillet et octobre de la même année. A la même période, l’Agence a recueilli 432 668 offres d’emploi auprès des entreprises situées au Maroc et à l’international. Gérée et administrée par les 86 agences locales de l’Anapec, 4 agences universitaires, 6 Centres d’orientation professionnelles situées en milieu rural et 4 unités mobiles que constituent le réseau national de l’Anapec, cette base de données est l’un des outils bureaucratiques que les agents de l’Anapec mobilisent pour défendre le principe de la préférence nationale. C’est dans cette vaste base de données que les agents piochent les profils comparables à celui de l’étranger. S’ouvre ainsi une nouvelle étape dans le process de filtrage, celle de la sélection et du tri des candidats Marocains demandeurs d’emploi ciblés797. Depuis la création de l’Agence, l’instruction des dossiers est confiée aux agents de la Cellule A/E (Attestation/Étranger) de la Direction de l’Anapec. Selon la responsable de la Cellule A/E de l’Anapec, en 2014 son service a reçu en 2014 par exemple plus de 4000 demande contre 1.900 en 2009. « Avant, nous étions plus rapides, car nous recevions moins de demandes. Actuellement nous pouvons en recevoir jusqu’ à 20 par jour798». Aujourd’hui il est difficile d’évaluer le nombre de demandes que reçoit ce service. C’est ce service qui est chargé de recevoir les demandes, les étudier et prendre une décision positive ou négative adressée à l’employeur. Après avoir dépouillé les dossiers de candidature envoyés par les organes de presse et épluché la base de données SIGEC, les agents arrêtent une liste de candidats qu’ils convoquent à un entretien de tri et de sélection pour aboutir à deux ou trois profils à envoyer à l’employeur. À l’issue de ces entretiens de tri et de sélection, les différents agents qui reçoivent les candidats 796 Ibid. Toutes ces informations sont issues de mes entretiens avec des agents de l’Anapec des villes B et C (D.B.V Entretien n°12 ; J.I.L, entretien n°13, 18 décembre, 2018; B.N.Y entretien n°14). 798 L’Économiste, « Compétences marocaines d’abord »...op. cit. dressent un rapport joint à la liste des candidats présélectionnés qu’ils adressent au directeur de l’institution pour décision. Mais lorsqu’ils ne trouvent aucun profil, ils adressent à celui-ci uniquement le rapport. Dans le premier cas, la direction de l’Agence prend le plus souvent la décision de notifier à l’employeur de la liste des candidats présélectionnés. Mais dans le second cas, en l’absence d’un profil national qui répond aux exigences du poste, une réponse positive est donnée à l’employeur, et une preuve lui en est donnée: est établit une attestation d’activité de salarié étranger qui prouve que l’étranger présente un profit rare dans la main d’œuvre marocaine et qu’aucun Marocain ne répond favorablement audit profil. Est-ce que l’employeur est obligé d’employer l’un des profils que lui auraient transmis les agents de la Direction? La réponse est bien évidemment non. Tel est le cas, mentionné plus haut, de deux filles envoyées en 2018 par l’Anapec Marrakech à un propriétaire de restaurant de nationalité française, F.E.R, qui était à la recherche d’une caissière (qu’il avait déjà trouvée : M.D.D) : Après avoir reçu les deux candidates en entretien, le « patron français » notifia aux candidates son refus de les engager, et il en fait rapport aux agents de l’Anapec. Mais à sa « grande surprise » les agents décidèrent à nouveau de lui envoyer deux autres nouvelles candidates. « Pour mettre fin à la procédure qui devenait de plus en plus longue et compliquée799 », le patron décide finalement d’employer l’une de ces deux dernières candidates. Malgré le refus de l’administration locale, le « patron français » décide cependant d’employer M.D.D, une diplômée étrangère, comme caissière dans un autre restaurant, mais cette fois-ci sans contrat de travail régulièrement visé par l’État et en se passant des agents de l’Anapec. Pour sa part, M.D.D estime avoir été plutôt « victime d’une discrimination800 » à cause de sa couleur de peau et de son origine, et a accepté d’être employée sans contrat comme un moyen pour compenser cette discrimination801. Après avoir passé l’entretien avec les candidats qui composent la liste transmise par l’Agence, l’employeur peut refuser ou accepter l’un d’entre eux. Lorsqu’il accepte l’un d’entre eux, il peut déclencher le processus de signature du contrat et organiser la prise de fonction du national, qui boucle par ricochet l’exclusion du candidat étranger initialement présenté par l’employeur. Mais lorsqu’il décide de les refuser, il doit impérativement établir un procès-verbal dans lequel il justifie son refus. Ce procès-verbal est envoyé directement au ministère de l’Emploi pour arbitrage et décision finale. Celui-ci peut à son tour exiger la reprise d’une nouvelle procédure ou accorder son visa sur le contrat de l’étranger. C’est aux agents de la Direction de l’Emploi du ministère qu’appartient en dernier ressort le pouvoir de viser ou non le modèle 799 Extrait de mon carnet de terrain. Ces informations ont été tirées de l’entretien que j’ai effectué avec M.D.D, mais aussi avec F.
.R, le « patron français » (entretien n°78), Marrakech, le 25 novembre 2018. Entretien avec M.D.D, caissière dans un restaurant, Marrakech, le 22 novembre 2018. 800 Ibid. 801 Ibid. - de contrat de travail rempli par le salarié et son employeur. Le cas de cet employeur français montre que le dispositif de préférence nationale érigé par l’État pour favoriser le recrutement de ses nationaux au détriment des étrangers ne fonctionne pas totalement, car certains patron ont recours au recrutement illégal pour éviter toutes ces démarches bureaucratiques très lourdes. Ce qui pourrait expliquer en partie les baisses de contrats visés par ces agents depuis 2011 (voir figure ci-après), une baisse qui contraste avec l’augmentation significative de travailleurs illégaux sur le marché du travail.
Figure 33: le nombre de contrats visés par le ministère du Travail (2011-2014) Source: L’Économiste n°4416 (chiffres fournis par la Direction de l’Emploi)
Ces fonctionnaires sont convaincus qu’à travers cette activité bureaucratique ils sont investi d’un pouvoir et d’une mission qui visent à protéger l’ordre public économique contre la concurrence des étrangers. Cependant, l’État a mis en place des conditions dérogatoires à ce principe, ce qui permet à certaines catégories d’ étrangers, qui aspirent travailler au Maroc, à ne pas se soumettre à toute cette procédure bureaucratique. Instituer un régime dérogatoire pour certaines catégories de salariés étrangers
Le marché du travail comme lieu du gouvernement des étrangers n’est pas seulement un espace où les acteurs s’affrontent et collaborent autour des logiques du contrat et du visa de travail ; il représente aussi un lieu où des dérogations sont à l’œuvre. Car au Maroc comme ailleurs, gouverner les étrangers, c’est aussi réserver une place de choix à certaines catégories de salariés étrangers au détriment d’autres, en instaurant des régimes dérogatoires à la logique du contrat et visa qui, décrite plus haut, fait de l’exclusion et de la discrimination du salarié étranger le principe fondateur du marché du travail au Maroc. La régulation et le contrôle de l’accès des étrangers au marché du travail local sont donc indissociables de l’usage de pratiques dérogatoires. Qui dit dérogation dit multiplication de catégories de travailleurs et de statuts d’exception dérogeant aux règles de droit commun applicables en principe à l’ensemble des travailleurs étrangers. Les institutions habilitées à attribuer ces dérogations et les modalités de preuve propres à chacune d’entre elles varient d’une catégorie à une autre. Les critères d’attribution de ces exceptions peuvent ainsi faire intervenir différents acteurs et institutions mais aussi différentes conditions juridiques et socio-administratives. À partir de mon enquête de terrain, l’analyse de ces catégories dérogatoires donne à voir quatre grandes configurations : celle où la nationalité du salarié étranger est prise en compte par les agents ; celle où ce qui prime, ce sont les qualités professionnelles de l’étranger et les intérêts qu’il représente pour la société d’accueil ; celle ù la situation personnelle de l’étranger est prise en compte (son statut matrimonial, l’ancienneté de son séjour, sa résidence ou ses attaches familiales) ; celle où c’est sa situation administrative sur le territoire qui prime. Conditions liées à la nationalité du salarié : Tunisiens, Algériens et Sénégalais
La première forme de dérogation apportée à la logique du contrat est celle basée sur la nationalité du salarié étranger. Selon les chiffres issus du RGPH de 2014, les Français constituent la première communauté d’étrangers au Maroc, suivis des Sénégalais et des Algériens. Les Tunisiens quant à eux n’occupent que la onzième position, loin derrière les Congolais mais devant les Américains, les Allemands, les Belges et les Camerounais. Parmi les 80.001 étrangers soumis aux impératifs du contrat de travail et du visa administratif, seulement 17% d’entre eux bénéficient du régime dérogatoire, à savoir les Sénégalais (7,2%), les Algériens (6,8%) et les Tunisiens (3%). Lorsque les juristes coloniaux préparaient le texte du dahir de 1934, __ qui a imposé pour la première fois aux travailleurs étrangers l’obligation de présenter un contrat de travail visé par Paris Nanterre l’administration__, Algériens, Sénégalais et Tunisiens dépendaient tous différemment à la souveraineté de l’Empire colonial français au Maroc, et ces juristes n’auraient jamais imaginé que ces trois catégories de salariés bénéficieraient un jour d’une dérogation au détriment des Français802. Pourtant, depuis 1957, l’État marocain prévoit un régime dérogatoire concernant les étrangers issus des États avec lesquels il a conclu des conventions d’établissement. La première nationalité concernée par cette dérogation concerne les Tunisiens. Après l’indépendance du Maroc et celles de certaines colonies de l’Empire français, une première dérogation s’instaure en faveur des migrants tunisiens qui, en vertu de la convention santé et travail du 30 mars 1959, sont les premiers étrangers à avoir été dispensés à la fois de formalités du visa d’entrée et celles du contrat de travail au Maroc803. À la suite des négociations engagées entre les deux anciens protectorats français nouvellement indépendants, les Tunisiens «protégés français» au Maroc sont transformés en des citoyens tunisiens exonérés de toutes formalités de visa d’immigration mais aussi de toute procédure d’un contrat de travail pour étranger et d’un visa valant autorisation provisoire. Ils ont ainsi été exclus d’abord du champ d’application du dahir de 1934 puis des dispositifs du Code de travail de 2003 relatives aux formalités de contrat. Tunisiens et Marocains bénéficient d’un régime dérogatoire dans les deux pays respectifs. S’ils ne constituent pas une menace à l’ordre public, ils peuvent avec un simple passeport entrer librement sur le territoire marocain, mais aussi y travailler librement sans être astreints à demander une autorisation de l’administration. Mais les Tunisiens ne sont pas seuls étrangers concernés par ce régime dérogatoire au Maroc. Les salariés algériens constituent la deuxième catégorie d’étrangers bénéficiant de ce régime dérogatoire du point de vue de leur nationalité. Avec le déclenchement de la guerre d’Algérie, des milliers de réfugiés algériens traversèrent les frontières maroco-algériennes pour se réfugier sur le territoire marocain. Cette nouvelle vague d’immigration est venue se rajouter à celles enclenchée à la suite de la conquête française de l’Algérie au début du XIXe siècle mais aussi durant la période de la colonisation de l’Algérie et du Maroc. L’indépendance de l’Algérie a amené le nouveau gouvernement à conclure un accord bilatéral pour régler le sort de ces milliers réfugiés et migrants algériens établis au Maroc. C’est dans ce contexte que les deux États ont décidé d’entrer en négociation pour aboutir à un accord de liberté d’établissement de leurs citoyens dans ces deux pays respectifs. Bien que leur statut fût disputé parfois au Maroc durant la période du protectorat, les Algériens étaient en principe considérés par les autorités marocaines comme des ressortissants français, là où les autorités espagnoles leur niaient cette même 802
803 Voir chapitre 1
Voir la Convention
d’établissement maroco-tuni
sienne
-
436 . L’un des objectifs de la convention maroco-algérienne de janvier 1963 était donc de régler et de stabiliser définitivement le statut de la population algérienne au Maroc. Cette convention place les Algériens dans une situation juridique plus confortable que d’autres catégories d’étrangers. En dépit de la fermeture des frontières et du gel diplomatique entre les deux pays depuis 1994, cette dérogation perdure paradoxalement encore aujourd’hui. Au même titre que les nationaux marocains et que les citoyens tunisiens, els Algériens peuvent eux aussi accéder librement au marché de travail sans être obligés de suivre la procédure du contrat de travail ni demander une autorisation spéciale pour travailler. À l’instar des salariés tunisiens, ils jouissent d’une régime spécial les plaçant dans une situation d’égalité juridique du point de vue des droits sociaux et professionnels805. Quant aux Sénégalais, la vague d’indépendance qui a touché les anciens territoires de l’AOF au début des années 1960 a fait de la nouvelle République du Sénégal l’État d’appartenance officielle des milliers de sujets et tirailleurs sénégalais issus de l’AOF et de l’AÉF, qui vivaient encore au Maroc après le départ de l’administration coloniale française au Maroc. D’abord sujets de l’Empire colonial français au Maroc puis citoyens de l’Union française au Maroc, cette population était désignée administrativement sous les termes « Sénégalais » ou « tirailleurs sénégalais »806. Signée à Dakar entre l’État marocain et sénégalais, la convention de 1963 fixant les conditions d’établissement de cette population au Maroc est le résultat d’un compromis trouvé entre l’État sénégalais et le gouvernement marocain. « Le gouvernement du Sénégal et le gouvernement du Royaume du Maroc, désireux d'assurer à leurs nationaux respectifs un statut particulier conforme au rapports spécifiques existant entre les deux pays, inspirés par l'amitié qui les unit et propre à encourager et à développer les rapports entre leurs deux peuples, sont convenus (que) les nationaux de chacun des parties contractantes bénéficieront sur le territoire de l'autre partie de la législation du travail, des lois sociales et de la sécurité sociale dans les mêmes conditions que les nationaux de cette partie. Tout national de l'une des parties contractantes jouit sur le territoire de l'autre partie contractante des mêmes droits civils que les nationaux de ladite partie807.» Depuis cette date les Sénégalais jouissent d’un statut particulier les plaçant juridiquement au même pied d’égalité que les nationaux marocains: pour se rendre au Maroc, ils n’ont pas besoin 804 Voir chapitre 1 Voir la Convention d’établissement maroco-algérienne 806 Voir le chapitre 3. 807 Voir la convention culturelle signée à Rabat le 25 juillet 1963 entre le Maroc et le Sénégal, BORM n° 2666, du 29 juillet 1963, p.1841, voir aussi la Convention d’établissement signé à Dakar le 27 mars 1964 entre les gouvernements marocain et sénégalais, BORM n° 2773, du 22 décembre 1965, p.1726. de visa et ont la possibilité, s’ils trouvent un employeur au Maroc, occuper le poste sans que l’employeur ne soit dans l’obligation de solliciter auprès de l’administration une autorisation spéciale. Mais jusqu’au début des années 80, la mise en œuvre de cette dérogation restait relativement compliquée dans la mesure où ils faisaient objets de suspicion au même titre que les autres Subsahariens en ce qui concerne la véracité de leur état civil, car il était difficile pour certains d’entre eux de prouver leur nationalité sénégalaise. Aujourd’hui encore, se présenter comme Sénégalais est un moyen pour de nombreux salariés subsahariens d’échapper quotidiennement aux mesures restrictives du marché de travail. Figure 34 : Type d'activité selon la nationalité, ensemble de la population étrangère, RGPH 2014 Source: RGPH 2014
Ainsi, tout en conservant le statut juridique de travailleurs d’étrangers, les salariés tunisiens, algériens et sénégalais ne sont pas soumis aux dispositifs de régulation et de contrôle applicables aux salariés étrangers: ils sont dispensés des frais de timbre et des formalités liées au contrat de travail. Cependant, ces dérogations permettent certes à ces étrangers de s’affranchir de la logique du contrat et du visa, mais il leur est difficile d’effacer les stigmates liées à leur condition de migrants. Cette forme d’égalité juridique consacrée dans ces différentes convention se heurte dans la réalité à certaines considérations sociales et professionnelles : bénéficier de l’exonération administrative ne signifie pas forcément avoir facilement un accès au marché de travail. Le cas des Algériens est révélateur. Culturellement, historiquement et géographiquement plus proche des nationaux marocains mais politiquement suspects, les Algériens sont, selon les chiffres officiels (voir tableau ci-haut), les derniers étrangers ayant accès au marché de travail au Maroc. Cette tendance est confirmée par certains de mes interviewés : bien qu’ils ne pâtissent officiellement d’aucun obstacle administratif à l’entrée au marché de l’emploi, certains d’entre eux estiment pourtant qu’ils sont « victimes de la méfiance de certains employeurs marocains » qui les « assimilent parfois à des idées sombres qui lient parfois les deux pays808». Arrivé au Maroc dans les années 2005 pour travailler dans le secteur du bâtiment au compte d’une entreprise spécialisée dans la construction de maison, AFJ a décidé dans les années 2014, après avoir perdu son boulot sans motif valable, selon lui, d’ouvrir un salon de coiffure dans un quartier de Marrakech, en collaboration avec un autre Marocain. Après avoir perdu son boulot en 2011, il n’a plus retrouvé un autre travail. Mais lorsque nous lui posons la question de savoir pourquoi n’a-t-il pas pu trouver un nouvel emploi, il répond : « je pense que tout ça c’est politique (voix basse. Silence prolongé) (...) Écoute, je vais te dire une chose : j’ai assisté naïvement avec des collègues marocains à l’une des manifestations appelées en 2011 par le mouvement du 20 février (M20F). Une semaine après, j’ai été licencié. Comment tu qualifies ça? Dis-le-moi!809» Cet étranger explique non seulement son licenciement par sa participation à ce mouvement mais aussi le fait qu’il n’ait plus retrouvé un autre emploi au Maroc, car selon lui il aurait été fiché par les services de contrôle au niveau local. Lors de mon enquête de terrain, l’expérience professionnelle de A.J.F est certes un exemple très particulier et singulier dans le milieu des étrangers que j’ai rencontrés, mais son cas reste intéressant car il surestime le rôle de la police dans la surveillance des Algériens et dans l’influence des employeurs à ne pas employer les Algériens. Cependant, je ne dispose pas suffisamment de données qui me permettent de généraliser son cas à l’ensemble des Algériens qui vivent et travaillent au Maroc. En analysant les données officielles sur l’emploi j’ai pu néanmoins faire le constat que les Algériens sont non seulement les étrangers les moins actifs sur le marché de l’emploi mais aussi les plus touchés par le chômage, et ce malgré le fait qu’ils constituent la troisième communauté de migrants au Maroc. Le classement des travailleurs étrangers soumis à ce régime dérogatoire par nationalité montre que les Sénégalais arrivent largement en tête avec plus de 80% d’actifs occupés, suivis par les actifs tunisiens (50%) algériens (32%). Mais lorsque l’on compare les travailleurs étrangers soumis à la logique du contrat et du visa à ceux soumis au régime dérogatoire on constate que les Espagnols, les Italiens, les Français, les Syriens, les Allemands, les Belges sont les 808 809 A.J.F, Marrakech 03 aout 2019. Ibid. Alimou Paris Nanterre moins occupés au Maroc par rapport aux Guinéens, Maliens, Ivoiriens, Américains, Congolais, etc. Ce régime dérogatoire a institué ainsi une différence entre deux catégories de salariés étrangers : ceux soumis à la fois aux contrôles bureaucratiques des agents du ministère de l’Intérieur et ceux du ministère du Travail et ceux qui échappent aux contrôle de ces derniers mais soumis à celui des agents du ministre de l’Intérieur. Si les salariés français quant à eux y sont soumis, une catégories d’entre eux sont désormais exemptés du principe de la préférence nationale, mais restent soumis à l’autorisation de visa que le ministère accorde en principe plus facilement : il s’agit de jeunes professionnels français qui arrivent pour travailler au Maroc dans le cadre du programme d’échange « jeunes professionnels », prévu dans l’accord franco-marocain du 24 mai 2001810. Conditions liées aux qualités professionnelles du salarié et aux intérêts de la société d’accueil
La deuxième catégorie de dérogation à la logique du contrat est celle qui fait des conditions liées aux qualifications professionnelles du salarié et les intérêts qu’il représente pour la société d’accueil, indépendamment de son appartenance nationale. Employée le plus souvent par les agents de l’Anapec dans leurs discours officiels, la notion de « compétences étrangères nécessaires au développement de l’économie », mentionnée également dans le guide officiel rédigé par l’institution à destination des recruteurs de salariés étrangers, est difficile à interpréter faute de définition claire et précise de leur part. Il apparait dans mon analyse documentaire et de mes entretiens avec des patrons, des travailleurs étrangers et certains agents que diverses catégories sont cependant rattachées à cette notion. Cette dernière est employée d’abord pour désigner les « salariés faisant partie du personnel d'encadrement d’entreprises exerçant des activités d’offshoring ». Cette catégorie apparait officiellement pour la première fois dans la circulaire du premier ministre, Benkirane, adressée en mai 2016 à certaines directions générales dont celle de l’Anapec. Portant sur la mise en œuvre de l’offre offshoring visant à encourager l’installation et la localisation des entreprises étrangères au Maroc, cette circulaire invite leurs directeurs généraux à prendre toutes les mesures nécessaires à la facilitation de démarches administratives afin d’encourager l’installation des compétences au Maroc. En plus des facilités administratives, des avantages économiques et des exonérations fiscales, cette circulaire dispense le personnel d’encadrement de ces entreprises de la procédure de demande d’attestation d’activité 810 Voir l’accord entre le Maroc et la France du 24 mai 2001, f à l’échange de jeunes professionnel ; pour salarié étranger. Selon cette circulaire, les entreprises offshore qui respectent le manuel de procédure « bénéficient de la facilitation des démarches de recrutement des expatriés auprès du ministère de l'Emploi pour le personnel d'encadrement avec un salaire net mensuel supérieur à 20000 dirhams et dans la limite de cinq personnes ainsi que les démarches d'obtention des visas pour les étrangers invités (directeur, client, expert ; etc.) par ces entreprises811». La notion de « compétences étrangères nécessaires au développement de l’économie » est également employée par les représentants de l’État et les agents de l’Anapec pour qualifier certaines catégories jouissant de pouvoirs et de qualités professionnelles particulières au sein du monde des affaires, de la galaxie économique et du paysage financier du pays, notamment les dirigeants d’entreprises, les gérants de sociétés, les fondés de pouvoir, les actionnaires étrangers, les associés et tous les salariés étrangers employés par l’une des sociétés ayant le statut de Casablanca Finance City (CFC), cet « hub économique et financier africain situé à la croisée des continents », comme le définissent ses dirigeants. C’est l’arrêté de 2005 pris par le ministre marocain de l’Emploi qui accorda à la plupart de ces catégories professionnelles la dérogation au principe de préférence nationale812. Pour en bénéficier, elles doivent cependant prouver leur appartenance à l’une de ces catégories en produisant des pièces justificatives fournies par leurs institutions ou corporation de tutelle ou d’appartenance. Pour les fondés de pouvoir et les gérants de la société, il s’agira des statuts de la société, du registre du commerce et le PV de la nomination; pour les actionnaires et les associés, il s’agit des statuts de la société et le document attestant la répartition des parts ; et pour les employés travaillant à CFC, il s’agit de fournir une attestation délivrée par cette institution. Le terme de « compétences étrangères nécessaires au développement de l’économie » renvoie à un dernier ensemble de catégories exemptées de formalités de la logique du contrat: il s’agit des professionnels étrangers reconnus par l’État comme disposant de hautes qualifications professionnelles et de talents rarissimes au Maroc. C’est le cas notamment des entraineurs, des sportifs de haut niveau, des artistes talentueux mais aussi tout étranger exerçant une profession ne pouvant pas être exercée par un national marocain. Sous réserve d’apporter les justifi
Le Chef du Gouvernement, circulaire n° 5/2016, adressée à Mesdames et Messieurs les ministres, p.8 Arrêté du ministère de l’emploi et de la formation professionnelle du 25 novembre 2005... op cité DIALLO Alimou| Thèse de doctorat | Université Paris-Nanterre
catifs, l’étranger qui entre dans l’une de ces catégories n’est pas soumis aux exigences du principe de la préférence nationale. Les entraineurs et les sportifs étrangers doivent produire un documents de l’une des fédération sportives du Maroc, l’artiste étranger quant à lui est obligé de recueillir l’avis de la DGSN qui prouve qu’il ne constitue pas une menace pour l’ordre public. Selon Nadia Khrouz, « la politique d’immigration de travail mise en place par les gouvernements marocains successifs peut donc être assimilée à une sélection des étrangers candidats selon l’intérêt accordé à leur profil pour des considérations économiques ou politiques813.» Exprimée sous forme de facilitations, cette politique de dérogation au principe de préférence nationale est subordonnée aux intérêts que les hauts fonctionnaires de l’État marocain y perçoivent pour la société d’accueil, et non pas en fonction de la peur de les voir concurrencer la main d’œuvre local. Cette classification des salariés étrangers en fonction de leur apports économiques, financiers et symbolique à la société d’accueil vise en réalité à tracer une frontière entre travailleurs étrangers « utiles » pour l’économie et la société d’accueil et travailleurs étrangers indésirables auxquels il faudra opposer systématiquement le principe de préférence nationale pour justifier leur exclusion et leur discrimination. Dans ce sens, les agents de l’Anapec, en se portant garant de cette logique, se veulent défenseurs de l’ordre économique et les intérêts économiques de l’État-nation marocain. Dans l’imaginaire de ces agents et commis de l’État, ces dérogations constitueraient un moyen pour eux de drainer des compétences et des capitaux financiers nécessaires à la vitalité de l’économie nationale. Ainsi, l’activité de ces agents se concentre aussi sur la vérifications de preuves fournies par les étrangers qui prétendent à ce régime dérogatoire. Cependant, ces dérogations ne s’appliquent uniquement pas aux étrangers en fonction de leur utilité réelle ou espérée par les commis de l’État, elles concernent aussi certaines catégories d’étrangers répondant à certains critères liés à leur condition matrimoniale, familia et de durée de résidence au Maroc.
| 20,472
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68236483e0dd4ae6584753fc9b25e471_48
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French-Science-Pile
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Open Science
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Indicateur C5 Transition entre les études et la vie active : où en sont les 15-29 ans?
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None
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French
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Spoken
| 6,676
| 10,563
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Huit pays ont déclaré que tous les enseignants (100 %) étaient évalués, et quatre autres, qu’entre 80 % et 99 %
des enseignants l’étaient. En Espagne et aux Pays-Bas, 70 % environ des enseignants sont évalués, alors qu’en
Belgique (Communauté française), en Hongrie et en Israël, moins de 30 % des enseignants le sont chaque année
(voir le tableau D7.1 et le tableau D7.2 disponible en ligne).
Les pays utilisent un éventail d’approches différentes pour évaluer les enseignants, selon les objectifs qu’ils
poursuivent. Il a été demandé aux pays de décrire chacun des cinq différents types d’évaluation des enseignants et
de répondre à des questions les concernant :
i) Évaluation au terme de la période probatoire : Cette forme d’évaluation porte sur l’accès à la profession d’enseignant.
ii) Évaluation régulière : Cette forme d’évaluation renvoie au processus mené dans les établissements en vertu
du Code du travail, qui impose aux employeurs d’évaluer régulièrement la performance et les résultats des
enseignants qu’ils emploient.
iii) Évaluation de certification : Par certification, en entend le processus mené pour déterminer et confirmer
officiellement que les enseignants sont aptes à enseigner.
iv) Évaluation de promotion : Cette évaluation est souvent volontaire et a lieu dans le cadre de décisions sur le statut
professionnel (la plupart des pays l’intègrent dans l’évaluation régulière).
v) Évaluation du mérite : Cette forme d’évaluation est explicitement conçue pour identifier un nombre limité
d’enseignants très performants pour reconnaître et récompenser l’excellence de leur travail.
Soucieux de disposer d’un cadre global et cohérent d’évaluation des enseignants qui favorise le développement
professionnel de chaque enseignant tout au long de sa carrière et du corps enseignant dans son ensemble (DarlingHammond, 2012), les pays combinent souvent plusieurs types d’évaluation. L’évaluation régulière est la catégorie
la plus souvent citée, mais la plupart des pays ont fait état de l’utilisation de deux, voire de la plupart des types
d’évaluation des enseignants.
Le type le plus courant d’évaluation des enseignants qui soit réglementé dans un cadre général est l’évaluation
régulière (dans 24 des 28 pays concernés). Vingt pays ont indiqué que cette forme d’évaluation était obligatoire ;
et dix-huit pays ont déclaré la pratiquer à intervalle régulier ou selon un cycle donné, la plupart du temps, chaque
année. Bien que l’évaluation régulière soit réglementée en Belgique (Communauté française), en Pologne et en
République tchèque, elle est volontaire et doit être demandée par les enseignants eux-mêmes (voir le tableau D7.3b).
Deux autres formes d’évaluation utilisées dans le cadre de la gestion de la performance, l’évaluation de certification
et l’évaluation de promotion, sont moins souvent utilisées (elles le sont dans 11 et 12 pays, respectivement).
L’évaluation des enseignants est obligatoire pour leur certification dans 8 des 10 pays dont les données sont
disponibles, mais elle ne l’est pour leur promotion que dans 4 des 11 pays dont les données sont disponibles.
534 Regards sur l’éducation 2015 : Les indicateurs de l’OCDE © OCDE 2015
Quels sont les systèmes d’évaluation des enseignants et des chefs d’établissement ? – INDICATEUR D7
chapitre D
Il est également courant de soumettre les enseignants à une évaluation à l’issue de la période probatoire (dans 21 des
28 pays à l’étude). Sur les 19 pays dont les données sont disponibles, 17 ont déclaré que cette forme d’évaluation était
obligatoire et 2 pays, qu’elle était volontaire. Parmi les pays où cette forme d’évaluation est obligatoire, 10 ont déclaré
que les évaluations avaient lieu à intervalle régulier, généralement chaque année. Sur les 27 pays dont les données
sont disponibles, 9 seulement ont déclaré que les programmes de gratification des enseignants s’inscrivaient dans
un cadre général.
Gouvernance et responsabilités en matière d’évaluation des enseignants
Dans le premier cycle de l’enseignement secondaire, les enseignants qui peuvent faire l’objet d’une évaluation sont
ceux en poste dans les établissements publics (dans au moins 9 des 10 pays dont les données sont disponibles),
dans les établissements privés subventionnés par l’État (dans 7 des 10 pays dont les données sont disponibles) et
dans les établissements privés indépendants (dans la moitié environ des pays dont les données sont disponibles).
Les types d’enseignants visés dans le cadre général dépendent de la forme d’évaluation. Concernant l’évaluation
régulière, le cadre général vise le plus souvent les enseignants en poste dans les établissements publics (dans
l’ensemble des 24 pays à l’étude), les enseignants sous contrat permanent (dans 22 des 23 pays), les enseignants
sous contrat à durée déterminée (dans 18 des 22 pays), voire tous les enseignants quel que soit leur contrat de
travail (dans 16 des 21 pays). Par définition, l’évaluation au terme de la période probatoire vise les enseignants
en période d’essai (dans 18 des 20 pays). L’évaluation de certification vise les enseignants sous contrat à durée
déterminée (dans 8 des 10 pays), les enseignants sous contrat permanent (dans 6 des 10 pays) et les enseignants
dont la certification est provisoire (dans 6 des 10 pays). Les enseignants sous contrat permanent sont visés dans les
évaluations de promotion dans 10 des 11 pays, et dans les évaluations du mérite dans les 8 pays dont les données
sont disponibles (voir le tableau D7.3b).
Les circonstances dans lesquelles les enseignants sont évalués varient sensiblement entre les pays. Le plus
souvent, les enseignants sont évalués dans le cadre de décisions relatives à leur statut professionnel. Dans le cas
des évaluations régulières et des évaluations au terme de la période probatoire, il y a ensuite des évaluations qui
font suite à des problèmes de performance, d’autres réalisées à la discrétion du chef d’établissement ou en rapport
avec une demande émanant des enseignants, ainsi qu’en raison de plaintes. Les évaluations de certification sont
généralement menées dans le cadre de décisions sur l’emploi des enseignants, à leur initiative, ou en réaction à une
plainte ou à des problèmes de performance. Le plus souvent, les évaluations de promotion s’inscrivent dans le cadre
de décisions sur le contrat de travail des enseignants, souvent à leur initiative. De même, ce sont le plus souvent les
enseignants qui demandent une évaluation du mérite.
Le caractère obligatoire des évaluations des enseignants dépend du type d’évaluation. Les évaluations régulières, les
évaluations au terme de la période probatoire et les évaluations de certification sont obligatoires dans la majorité
des pays, tandis que les évaluations de promotion ou du mérite sont généralement volontaires. L’évaluation régulière
est obligatoire dans 20 pays, mais volontaire dans 3 pays. Dix-huit des vingt pays ont déclaré que l’évaluation
régulière avait lieu à un intervalle régulier. L’évaluation au terme de la période probatoire est obligatoire dans
17 pays (et périodique dans 10 de ces pays), et volontaire dans 2 pays. De même, l’évaluation de certification est
obligatoire dans huit pays (et périodique dans cinq pays), et volontaire dans deux pays. Par contraste, l’évaluation
de promotion est volontaire dans sept pays et obligatoire dans quatre pays, tandis que l’évaluation du mérite est
volontaire dans cinq pays et obligatoire dans deux pays. La fréquence des évaluations varie, mais la plupart des pays
où les évaluations sont périodiques ont indiqué que celles-ci avaient lieu chaque année.
Dans la plupart des pays (soit dans 24 des 28 pays), les autorités centrales (19 pays) ou nationales (7 pays) en
charge de l’éducation définissent la procédure d’évaluation des enseignants. Les autorités centrales ou nationales
en charge de l’éducation partagent aussi cette responsabilité avec les autorités en charge de l’éducation à l’échelle
régionale (en Corée), infrarégionale (dans deux pays) et locale (dans quatre pays). Au Japon, la définition de la
procédure d’évaluation est du ressort des autorités régionales et locales en charge de l’éducation. Outre les autorités
en charge de l’éducation, le chef d’établissement (dans sept pays), le conseil de direction (dans sept pays) et le
pouvoir organisateur (dans quatre pays) des établissements, les organisations professionnelles d’enseignants (dans
trois pays) et le chef d’établissement adjoint (dans deux pays) jouent également un rôle dans la définition de la
procédure d’évaluation. La procédure d’évaluation des enseignants est définie essentiellement par les organisations
professionnelles d’enseignants en Irlande et par les conseils de direction des établissements aux Pays-Bas.
Divers acteurs sont responsables de l’évaluation des enseignants. Toutes formes d’évaluation confondues, ce sont
le plus souvent les chefs d’établissement et les autorités en charge de l’éducation à divers niveaux qui évaluent
les enseignants. Il est courant que l’évaluation au terme de la période probatoire et l’évaluation de certification
Regards sur l’éducation 2015 : Les indicateurs de l’OCDE © OCDE 2015
535
D7
chapitre D
Environnement pédagogique et organisation scolaire
soient menées par le superviseur des enseignants concernés (c’est le cas dans 10 des 20 pays et dans 4 des
10 pays, respectivement). Il est courant aussi que d’autres membres de la direction (dans 8 des 23 pays) et des
superviseurs (dans 6 des 22 pays) se chargent des évaluations régulières. Dans quelques pays, des évaluateurs
externes accrédités et des enseignants en poste dans le même établissement sont également impliqués dans
l’évaluation des enseignants.
D7
Sources d’information et procédures courantes
Dans 75 % des pays au moins, les principales normes d’évaluation des enseignants sont les normes d’enseignement
fixées à l’échelle centrale ou nationale. Il est fréquent aussi d’utiliser une description des missions générales et
professionnelles des enseignants dans tous les types d’évaluation, sauf dans l’évaluation de certification (dans 20 %
des pays). Le code de conduite des enseignants, le plan de développement ou le projet scolaire de l’établissement ainsi
que le règlement interne de l’établissement sont également utilisés à titre de normes de référence dans plusieurs
pays (voir le tableau D7.4b).
Les domaines et aspects majeurs de l’évaluation des enseignants sont la planification et la préparation, l’instruction
et l’environnement en classe. Viennent ensuite le développement professionnel, la contribution au développement
scolaire et les liens avec la communauté. Les cinq types d’évaluation des enseignants couvrent ces aspects.
Un éventail de méthodes, d’instruments et de sources d’information est utilisé pour évaluer les enseignants ; les
pays puisent dans cet éventail des éléments qu’ils combinent chacun à leur façon pour évaluer différents aspects de
la performance des enseignants. Les observations en classe et les entretiens avec les enseignants sont les méthodes
les plus souvent utilisées dans l’évaluation régulière, l’évaluation au terme de la période probatoire et l’évaluation de
certification (dans au moins quatre pays sur cinq). Les rapports des enseignants sur leurs accomplissements et leur
auto-évaluation sont également souvent utilisés comme source d’information, contrairement aux enquêtes auprès
des parents et/ou des élèves qui le sont moins dans l’évaluation régulière, l’évaluation en fin de période probatoire
et l’évaluation de certification. Les résultats scolaires des élèves sont utilisés dans 8 des 19 pays dans les évaluations
régulières, mais le sont moins souvent dans l’évaluation de certification et l’évaluation en fin de période probatoire.
Les sources d’information les plus souvent utilisées dans les évaluations de promotion et du mérite sont les rapports
des enseignants sur leurs accomplissements et les observations en classe ; viennent ensuite l’auto-évaluation des
enseignants et les entretiens avec les enseignants.
Les enseignants se voient attribuer une note ou classer dans une catégorie sur une échelle de performance en matière
d’instruction au terme de la période probatoire dans 15 des 18 pays, dans le cadre de l’évaluation de promotion dans
9 des 11 pays, de l’évaluation régulière dans 13 des 20 pays, de l’évaluation de certification dans 6 des 10 pays,
et de l’évaluation du mérite dans 3 des 6 pays. Tous les pays ont déclaré disposer de mécanismes permettant aux
enseignants de contester les résultats de leur évaluation de certification, tandis que quatre des cinq pays ont déclaré
disposer de mécanismes permettant aux enseignants de contester les résultats de leur évaluation au terme de la
période probatoire et de leur évaluation de promotion. Des mécanismes permettent aux enseignants de contester
les résultats de leur évaluation régulière dans deux pays sur trois.
Utilisation des résultats des évaluations des enseignants
Dans 14 des 20 pays, les résultats des évaluations régulières des enseignants sont pris en considération dans les
décisions relatives à leurs activités de développement professionnel. Les résultats de ces évaluations peuvent influer
sur la rémunération des enseignants (dans 11 pays) et sur l’évolution de leur carrière (dans 10 pays). Des résultats
positifs à une évaluation régulière ne donnent pas nécessairement lieu à des gratifications dans 9 des 19 pays, mais
peuvent y donner lieu dans 10 pays. Les gratifications les plus courantes consistent à offrir aux enseignants en
poste davantage de possibilités de développement professionnel, à reconnaître publiquement leurs mérites et à
modifier leurs responsabilités professionnelles. Des résultats négatifs à une évaluation régulière ne sont pas sans
conséquence pour les enseignants ; les mesures les plus courantes sont de soumettre les enseignants concernés à
une nouvelle évaluation (dans 16 pays) ou de leur imposer une formation obligatoire (dans 10 pays). De piètres
résultats peuvent aussi valoir aux enseignants un licenciement (dans neuf pays), un report de leur promotion ou
de l’évolution de leur carrière (dans huit pays), un gel de leur augmentation salariale (dans cinq pays), un transfert
dans un autre établissement (dans cinq pays) et une suspension (dans quatre pays) (voir le graphique D7.2 et le
tableau D7.5b disponible en ligne).
Dans 12 des 20 pays, l’évaluation des enseignants au terme de la période probatoire influe sur les décisions relatives
à la possibilité d’obtenir un contrat. Les résultats des évaluations influent aussi sur la rémunération des enseignants
dans neuf pays, mais pas dans les neuf autres. Ils interviennent dans les choix relatifs aux activités de développement
536 Regards sur l’éducation 2015 : Les indicateurs de l’OCDE © OCDE 2015
Quels sont les systèmes d’évaluation des enseignants et des chefs d’établissement ? – INDICATEUR D7
chapitre D
professionnel des enseignants dans 11 pays. La réussite de la période probatoire peut donner lieu à des gratifications
(dont des offres d’emploi) dans 9 pays, mais pas dans les 10 autres. Sans surprise, des résultats négatifs à cette
évaluation entraînent l’échec de la période probatoire dans les 19 pays. Ils donnent lieu à d’autres sanctions ou
mesures courantes : les enseignants concernés peuvent être licenciés (dans 12 pays), se voir refuser un contrat
permanent (dans 11 pays), se voir imposer une nouvelle évaluation (dans 11 pays), se voir refuser le passage au
statut d’enseignant certifié (dans 7 pays) ou se voir imposer une formation obligatoire (dans 6 pays).
Graphique D7.2. Utilisation des résultats des évaluations régulières des enseignants (2015)
Pour les enseignants de la filière générale du premier cycle du secondaire
Influence sur le développement professionnel
et l’évolution de carrière
Oui
Autre
Non
Éclaire le choix des activités de développement professionnel des enseignants
Affecte le niveau salarial
Affecte l’évolution de carrière
Primes/mesures incitatives en cas de bonnes performances
Autres mesures incitatives
Possibilités supplémentaires de développement professionnel
Changements dans les responsabilités professionnelles
Reconnaissance publique ou récompense
Promotion
Aide pour entreprendre des études de 3e cycle
Congé sabbatique ou allocation de temps
Offres d’emploi
Possibilités d’entreprendre des recherches dans le cadre de l’établissement
Mesures dissuasives en cas de mauvaises performances
Nouvelle évaluation
Formation obligatoire
Licenciement
Report d’une promotion ou d’une évolution de carrière
Gel de l’augmentation salariale
Transfert
Refus d’octroi d’un contrat permanent
Suspension
Échec à l’issue de la période probatoire
Autres mesures dissuasives
Refus du passage au statut d’enseignant certifié
Suspension ou retrait de la certification
0
5
10
15
20
25
Nombre de pays
Les actions/récompenses/sanctions sont classées par ordre décroissant du nombre de pays indiquant qu’ils utilisent les résultats des évaluations des enseignants à ces fins.
Source : OCDE. Tableau D7.5b disponible en ligne. Voir les notes à l’annexe 3 (www.oecd.org/fr/education/regards-sur-l-education-19991495.htm).
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933284648
Les résultats des évaluations de promotion sont utilisés pour choisir les activités de développement professionnel
des enseignants dans cinq des neuf pays. Ils peuvent aussi influer sur l’évolution de leur carrière (dans 8 des 11 pays)
et sur leur rémunération (dans 7 des 11 pays). D’excellentes performances peuvent donner lieu à une promotion
(dans 8 des 10 pays), tandis que de piètres performances peuvent freiner la promotion ou l’évolution de la carrière
(dans 7 des 10 pays), ou entraîner un gel de l’augmentation salariale (dans 4 des 10 pays). Dans six des huit pays, les
résultats des évaluations du mérite influent sur la rémunération des enseignants.
Regards sur l’éducation 2015 : Les indicateurs de l’OCDE © OCDE 2015
537
D7
chapitre D
Environnement pédagogique et organisation scolaire
Les résultats des évaluations de certification influent sur les décisions relatives à l’accès des enseignants à des
contrats, au renouvellement de leur contrat à durée déterminée ou à leur accès à des postes permanents (dans 5 des
10 pays). D’excellentes performances peuvent donner lieu à des promotions dans deux des neuf pays, mais pas dans
les sept autres. Si les enseignants obtiennent de mauvais résultats, ils peuvent toutefois se voir refuser le passage
au statut d’enseignant certifié (dans huit des neuf pays) ou un contrat permanent (dans six des neuf pays), se voir
imposer une nouvelle évaluation (dans quatre des huit pays), voir leur certification suspendue ou retirée, ou même
être licenciés (dans quatre des neuf pays).
D7
L’évaluation des enseignants peut influer sur leur salaire et l’évolution de leur carrière, mais d’autres facteurs et
critères entrent également en compte. Le graphique D7.6 et le tableau D7.6 (disponible en ligne) étudient l’influence
relative/le niveau d’influence de ces autres facteurs et critères.
Évaluation des chefs d’établissement
L’évaluation des chefs d’établissement n’est pas aussi développée et pratiquée que l’évaluation des enseignants.
L’importance d’une direction scolaire efficace est largement reconnue, mais de nombreux pays ne disposent pas
des outils et des mécanismes requis pour évaluer les chefs d’établissement. Toutefois, comme la direction des
établissements est essentielle à la qualité de l’enseignement et de l’apprentissage, un nombre croissant de pays
prennent des initiatives pour renforcer les capacités de direction au sein de leurs établissements.
Les chefs d’établissement sont avant tout responsables de la gestion et de l’administration de leur établissement.
Le chef d’établissement – ou directeur, proviseur, etc. – est l’autorité suprême au sein de l’établissement ; viennent
ensuite dans la hiérarchie le chef d’établissement adjoint, les chefs de département, etc. En règle générale, on ne
compte pas plus d’un directeur par établissement.
La section suivante porte sur l’évaluation des chefs d’établissement dans le premier cycle de l’enseignement
secondaire.
Prévalence et nature de l’évaluation des chefs d’établissement
Dix-neuf des trente-sept pays dont les données sont disponibles ont déclaré que l’évaluation des chefs d’établissement
était requise par la loi ou la réglementation, et d’application sur tout le territoire. En Angleterre (Royaume-Uni),
l’évaluation des chefs d’établissement n’est requise que dans les établissements publics, mais elle est largement
pratiquée aussi dans les établissements privés. Au Canada, la réglementation de l’évaluation des chefs d’établissement
varie entre les provinces et les territoires, tandis qu’aux États-Unis, les chefs d’établissement ne sont évalués que
dans certains États. En Israël, l’évaluation des chefs d’établissement n’est obligatoire que dans l’enseignement
primaire et le premier cycle de l’enseignement secondaire, mais elle est aussi largement pratiquée dans le deuxième
cycle de l’enseignement secondaire. De même, aux Pays-Bas, elle n’est obligatoire que dans l’enseignement primaire,
mais elle est largement pratiquée dans l’enseignement secondaire.
L’évaluation des chefs d’établissement n’est pas obligatoire en Australie, au Danemark et en Lettonie, mais elle
y est régulièrement pratiquée. La Finlande offre une très grande autonomie à l’échelon local dans le domaine de
l’évaluation de l’éducation, y compris de l’évaluation des chefs d’établissement. En Lettonie, les chefs d’établissement
sont évalués dans le cadre de l’agrément des établissements et des programmes. Dans les autres pays dont les données
sont disponibles, l’évaluation des chefs d’établissement n’est pas obligatoire (voir le graphique D6.1 et le tableau D7.7
disponible en ligne). Neuf pays ont déclaré que tous les chefs d’établissement (100 %) étaient évalués. La République
slovaque a déclaré que 99 % au moins des chefs d’établissement étaient évalués, et l’Angleterre (Royaume-Uni), que
tous les chefs d’établissement l’étaient dans les établissements publics et qu’une majorité d’entre eux l’étaient dans
les établissements privés. En Espagne, 70 % des chefs d’établissement sont évalués, tandis qu’en Colombie, 20 %
seulement environ des chefs d’établissement le sont.
Gouvernance et responsabilités en matière d’évaluation des chefs d’établissement
Dans les 19 pays dont les données sont disponibles, les chefs d’établissement peuvent faire l’objet d’une évaluation
et sont visés dans le cadre général d’évaluation des membres de la direction des établissements. Dans sept de ces
pays, seuls les chefs d’établissement peuvent faire l’objet d’une évaluation et sont inclus dans le cadre général
d’évaluation. Dans 11 des 19 pays, les chefs d’établissement adjoints sont aussi inclus dans ce cadre et, en Angleterre
(Royaume‑Uni), on y ajoute les chefs de département adjoints. Au Mexique, en Nouvelle-Zélande et au Portugal, les
chefs d’établissement, les chefs d’établissement adjoints, les sous-directeurs et les chefs de département sont inclus
dans le cadre général d’évaluation.
538 Regards sur l’éducation 2015 : Les indicateurs de l’OCDE © OCDE 2015
Quels sont les systèmes d’évaluation des enseignants et des chefs d’établissement ? – INDICATEUR D7
chapitre D
Les circonstances dans lesquelles les chefs d’établissement sont évalués varient considérablement. C’est dans le
cadre de décisions relatives à leur contrat de travail que les chefs d’établissement sont le plus souvent évalués (dans
13 pays). Les chefs d’établissement peuvent également être évalués à la demande du conseil de direction (dans six
pays) ou de son président (dans cinq pays). Ils peuvent également l’être à la suite d’une plainte dans quatre pays et à
leur demande dans six pays (voir le tableau D7.8b).
L’évaluation des chefs d’établissement est obligatoire dans tous les pays dont les données sont disponibles, sauf
en Pologne, où elle est effectuée à la demande des chefs d’établissement. Dans tous les pays qui ont déclaré que
l’évaluation des chefs d’établissement était obligatoire, sauf en France (dans l’enseignement primaire) et en
République tchèque, les évaluations ont lieu périodiquement, à intervalle régulier. La fréquence à laquelle les chefs
d’établissement sont évalués varie fortement entre les pays. Dans les 16 pays où l’évaluation périodique des chefs
d’établissement est obligatoire, cette évaluation a lieu chaque année en Angleterre (Royaume-Uni), en Colombie,
en Corée, en Espagne, en Nouvelle-Zélande et en République slovaque, et tous les trois ans en France (dans le
deuxième cycle de l’enseignement secondaire) et en Israël (dans l’enseignement primaire et le premier cycle de
l’enseignement secondaire). Les évaluations ont lieu entre une fois tous les quatre ans en Communauté flamande
de Belgique, en Grèce, au Mexique, au Portugal et en Turquie (dans l’enseignement primaire et le premier cycle
de l’enseignement secondaire), et une fois tous les cinq ans en Communauté française de Belgique et en Hongrie
(voir le tableau D7.8b et les tableaux D7.8a et c disponibles en ligne).
La procédure d’évaluation des chefs d’établissement est définie à divers niveaux de l’exécutif ou par des autorités
en charge de l’éducation, avec ou sans le concours d’autres instances. Dans tous les pays dont les données sont
disponibles, sauf en République slovaque et en République tchèque, les autorités centrales ou nationales en charge
de l’éducation définissent la procédure d’évaluation des chefs d’établissement. La procédure d’évaluation est
définie par les autorités régionales en charge de l’éducation en République tchèque et par les autorités en charge de
l’éducation dans les États et à l’échelle locale aux États-Unis. En Corée, il existe diverses formes d’évaluation des chefs
d’établissement et les autorités centrales, régionales et locales jouent un rôle dans la définition de la procédure de
toutes les formes d’évaluation ou de certaines d’entre elles. Outre les autorités en charge de l’éducation, les pouvoirs
organisateurs (dans cinq pays), les conseils de direction (dans trois pays) et des organismes centraux (dans trois
pays) jouent également un rôle dans la définition de la procédure d’évaluation. En République slovaque, c’est l’entité
à l’origine de la création de l’établissement qui définit la procédure d’évaluation du chef d’établissement (et non les
autorités centrales en charge de l’éducation) et le chef d’établissement qui définit la procédure d’évaluation du chef
d’établissement adjoint (voir le tableau D7.8b).
Divers acteurs sont responsables de l’évaluation des chefs d’établissement. Il s’agit le plus souvent d’un ensemble
d’acteurs, dont les autorités en charge de l’éducation à plusieurs niveaux, le chef d’établissement, un évaluateur
externe accrédité, des membres du pouvoir organisateur de l’établissement, le conseil de direction et/ou des
organismes intermédiaires.
Sources d’information et procédures courantes
Tous les pays évaluent les chefs d’établissement en fonction d’une ou de plusieurs normes de référence qui indiquent
clairement ce que les chefs d’établissement sont censés savoir et faire. Tous les pays dont les données sont disponibles,
sauf la Belgique (Communauté flamande), le Portugal et la République tchèque, les évaluent sur la base de normes
nationales ou régionales en matière de direction d’établissement. Vient ensuite dans ce classement la description
des missions générales et professionnelles des chefs d’établissement (dans 12 pays), qui est utilisée par la Belgique
(Communauté flamande) et la République tchèque. Quelques pays utilisent le code de conduite (cinq pays), le plan
de développement ou le projet scolaire de l’établissement (cinq pays) ou le règlement intérieur de l’établissement
(quatre pays), mais ces références sont moins souvent utilisées (voir le tableau D7.9b).
L’évaluation des chefs d’établissement porte sur un éventail d’aspects, de compétences et de responsabilités. Tous
les pays dont les données sont disponibles ont déclaré que l’évaluation des chefs d’établissement portait sur leur
direction générale et leur direction pédagogique. Ces pays (à l’exception de la Hongrie) évaluent aussi les chefs
d’établissement dans le domaine de l’organisation et de la planification du développement, et de la gestion des
ressources. Dans au moins quatre des cinq pays, les évaluations portent aussi sur le climat scolaire, les relations au
sein de la communauté, les compétences interpersonnelles et la responsabilisation.
Les pays utilisent ou combinent divers instruments et sources d’information pour obtenir un descriptif précis, juste
et fiable de la performance des chefs d’établissement. Parmi les 18 pays dont les données sont disponibles, les
instruments ou sources d’information les plus souvent utilisés sont les entretiens avec les chefs d’établissement
Regards sur l’éducation 2015 : Les indicateurs de l’OCDE © OCDE 2015
539
D7
chapitre D
Environnement pédagogique et organisation scolaire
menés par un évaluateur (dans 15 pays), ainsi que les rapports sur les réalisations des chefs d’établissement
(dans 13 pays) et leur auto-évaluation (dans 12 pays). Il est courant aussi que les pays se basent sur des visites
dans les établissements (10 pays) et sur les résultats des élèves (9 pays). Un pays sur trois environ tient également
compte des points de vue de parties prenantes, recueillis lors d’enquêtes auprès des enseignants, des élèves et de
leurs parents.
D7
À l’issue de leur évaluation, les chefs d’établissement se voient attribuer une note ou classer dans une catégorie sur
une échelle de performance en matière de direction d’établissement dans deux pays sur trois. Des mécanismes ou
des procédures permettent aux chefs d’établissement de contester les résultats de leur évaluation dans quatre pays
sur cinq.
Utilisation des résultats des évaluations des chefs d’établissement
Dans 11 des 18 pays dont les données sont disponibles, les résultats des évaluations des chefs d’établissement
interviennent dans les décisions relatives à l’évolution de leur carrière. Les évaluations des chefs d’établissement
interviennent dans le choix de leurs activités de développement professionnel dans la moitié des pays dont les
données sont disponibles, soit dans 9 des 18 pays, mais pas dans 6 pays (voir le graphique D7.3 et le tableau D7.10b
disponible en ligne).
Les résultats des évaluations des chefs d’établissement influent sur les décisions relatives à leur promotion dans
sept pays et sur le rythme auquel ils sont promus ou ils progressent dans l’échelle barémique dans trois pays. En
Colombie, ces résultats influent sur les deux aspects. Parmi les sept autres pays dont les données sont disponibles,
quatre ont indiqué que ces résultats influaient sur d’autres aspects en rapport avec l’évolution de la carrière des chefs
d’établissement, et trois, qu’ils n’avaient aucune influence.
Graphique D7.3. Utilisation des résultats des évaluations des chefs d’établissement (2015)
En filière générale du premier cycle du secondaire
Influence sur le développement professionnel
et l’évolution de carrière
Oui
Autre
Non
Affecte l’évolution de carrière
Éclaire le choix des activités de développement professionnel
des chefs d’établissement
Primes/mesures incitatives en cas de bonnes performances
Augmentation salariale permanente
Prime ponctuelle
Possibilités supplémentaires de développement professionnel
Autres mesures incitatives
Augmentation salariale durant une période déterminée
Prime financière pour le budget de l’établissement
Mesures dissuasives en cas de mauvaises performances
Nouvelle évaluation
Report d’une promotion
Licenciement
Transfert
Formation obligatoire
Gel de l’augmentation salariale
Échec à l’issue de la période probatoire
Refus d’octroi d’un contrat permanent
Suspension
Autres mesures dissuasives
0
2
4
6
8
10
12
14
16
18
20
Nombre de pays
Les actions/récompenses/sanctions sont classées par ordre décroissant du nombre de pays indiquant qu’ils utilisent les résultats des évaluations des chefs d’établissement à ces fins.
Source : OCDE. Tableau D7.10b disponible en ligne. Voir les notes à l’annexe 3 (www.oecd.org/fr/education/regards-sur-l-education-19991495.htm).
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933284655
540 Regards sur l’éducation 2015 : Les indicateurs de l’OCDE © OCDE 2015
Quels sont les systèmes d’évaluation des enseignants et des chefs d’établissement ? – INDICATEUR D7
chapitre D
Dans le premier cycle de l’enseignement secondaire, les chefs d’établissement peuvent être récompensés pour
leurs bonnes performances dans 11 des 15 pays dont les données sont disponibles, mais ils ne le sont pas dans
4 pays. Leurs bonnes performances peuvent leur valoir des primes ou d’autres avantages, voire les deux. Les
chefs d’établissement performants peuvent recevoir une augmentation salariale permanente (dans huit pays),
une prime ponctuelle (dans cinq pays) et/ou une augmentation salariale durant une période déterminée (dans
un pays). En Corée et au Mexique, ils peuvent bénéficier de possibilités supplémentaires de développement
professionnel. En République tchèque, les établissements et leur pouvoir organisateur choisissent de quelle façon
récompenser les chefs d’établissement.
Les évaluations négatives des chefs d’établissement donnent le plus souvent lieu à une nouvelle évaluation (dans
10 des 17 pays) ; vient ensuite le report de leur promotion (dans 8 pays). De piètres performances peuvent aboutir
au licenciement (dans six pays), au transfert dans un autre établissement (dans cinq pays), à l’échec de la période
probatoire (dans quatre pays) ou à la suspension (dans trois pays). En Angleterre (Royaume-Uni), en Espagne
et en République slovaque, les chefs d’établissement peuvent recevoir une gratification financière s’ils sont très
performants, mais peuvent aussi être sanctionnés financièrement au travers du gel des augmentations salariales
s’ils sont peu performants. En Colombie, en Corée, en Grèce, au Mexique et au Portugal, les chefs d’établissement
sont tenus de participer à des formations.
L’évaluation des chefs d’établissement peut influer sur leurs salaires et l’évolution de leur carrière, mais d’autres
facteurs et critères entrent également en compte. Le graphique D7.6 et le tableau D7.11 (disponible en ligne)
étudient l’influence relative/le niveau d’influence de ces autres facteurs et critères.
Influence ou contrôle des établissements dans le domaine de l’évaluation des enseignants
et des chefs d’établissement
L’influence des établissements sur l’évaluation des enseignants et des chefs d’établissement varie considérablement
d’un pays à l’autre. Dans le premier cycle de l’enseignement secondaire, les établissements exercent une influence ou
un contrôle modéré à élevé sur l’évaluation des enseignants dans 16 des 22 pays dont les données sont disponibles ;
leur influence est minime ou nulle dans les 6 autres pays. Par contraste, les établissements n’ont guère, voire pas du
tout d’influence, sur l’évaluation des chefs d’établissement dans 10 des 18 pays dont les données sont disponibles,
mais leur influence en la matière est grande dans 5 pays et modérée dans 3 pays (voir le tableau D7.13, disponible
en ligne).
Influence de l’évaluation des enseignants et des chefs d’établissement sur diverses décisions
En toute logique, l’évaluation des enseignants a une influence modérée à élevée sur l’évaluation de la performance
de chaque enseignant (dans 15 des 24 pays) et sur les mesures prises pour aider les enseignants à améliorer leurs
compétences pédagogiques (dans 14 des 23 pays). Par contraste, elle n’a pas d’influence sur la probabilité de fermer
des établissements (dans 22 des 23 pays) et n’a guère, voire pas du tout d’influence sur la taille des budgets des
établissements (dans 21 des 22 pays), sur l’évaluation de la gestion des établissements (dans 21 des 25 pays) ou
sur l’évaluation de la performance des établissements (dans 19 des 25 pays). Dans la plupart des pays, l’évaluation
des enseignants n’a guère, voire pas du tout, d’influence sur les salaires des enseignants ou sur les primes qui leur
sont versées. Dans quelques pays, les enseignants très performants peuvent toutefois recevoir une augmentation
salariale et/ou une prime ponctuelle (voir le graphique D7.4 et le tableau D7.12 disponible en ligne).
L’évaluation des chefs d’établissement a une grande influence sur l’administration des établissements dans 7 des
19 pays dont les données sont disponibles, mais n’en a pas dans 9 pays. Elle n’a guère, voire pas du tout, d’influence
sur l’évaluation de leur établissement ou de chacun des enseignants, sauf en Colombie, au Mexique, en Pologne, au
Portugal, en République slovaque, en République tchèque et en Turquie. Dans la plupart des pays dont les données
sont disponibles, l’évaluation des chefs d’établissement n’a pas d’influence sur les budgets des établissements, la
probabilité que des établissements ferment ou les salaires ou primes versés aux enseignants ; dans quelques pays,
elle a un peu d’influence sur ces aspects.
Utilisation de l’évaluation des enseignants et des chefs d’établissement à des fins formatives
et sommatives
L’évaluation des enseignants et des chefs d’établissement est utile en soi ainsi que dans le cadre d’un système
plus vaste d’évaluation au sein des établissements. L’objectif général de l’évaluation des enseignants et des chefs
d’établissement est de fournir à ceux-ci un retour d’information formatif. Les enseignants ont par exemple besoin
d’un retour d’information sur leur performance pour les aider à identifier comment améliorer leurs pratiques
et pour créer, avec le soutien de leur direction, une communauté d’apprentissage au sein de leur établissement.
Regards sur l’éducation 2015 : Les indicateurs de l’OCDE © OCDE 2015
541
D7
chapitre D
Environnement pédagogique et organisation scolaire
L’objectif sommatif de l’évaluation des enseignants et des chefs d’établissement est de juger de leur efficacité
pour prendre une série de mesures et de décisions relatives à leur statut professionnel (concernant, par exemple,
l’évolution de leur carrière ou leur progression dans l’échelle barémique, et l’opportunité de leur verser des primes
ou de leur imposer des sanctions financières).
Graphique D7.4. Niveau d’influence des évaluations des enseignants
et des chefs d’établissement sur différentes décisions (2015)
En filière générale
D7
Élevé
Modéré
Aucune incidence
Évaluation des enseignants
Faible
Variable
Données manquantes
Évaluation des enseignants à titre individuel
Offre d'aide aux enseignants pour renforcer
leurs compétences pédagogiques
Augmentation salariale des enseignants
sur la base de critères de mérite/performance
Prime ponctuelle sur la base de critères de mérite/performance
Évaluation de la performance de l'établissement
Évaluation de l'administration de l'établissement
Réduction salariale des enseignants sur la base
de critères de mérite/performance
Probabilité de fermeture de l'établissement
Évaluation des chefs d’établissement
Évaluation des enseignants à titre individuel
Offre d'aide aux enseignants pour renforcer
leurs compétences pédagogiques
Augmentation salariale des enseignants
sur la base de critères de mérite/performance
Prime ponctuelle sur la base de critères de mérite/performance
Évaluation de la performance de l'établissement
Évaluation de l'administration de l'établissement
Réduction salariale des enseignants sur la base
de critères de mérite/performance
Probabilité de fermeture de l'établissement
0
5
10
15
20
25
30
35
Nombre de pays
Les actions/récompenses/sanctions sont classées par ordre décroissant du nombre de pays indiquant que les évaluations des enseignants ont un niveau élevé d’influence sur ces décisions.
Source : OCDE. Tableau D7.12, disponible en ligne. Voir les notes à l’annexe 3 (www.oecd.org/fr/education/regards-sur-l-education-19991495.htm).
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933284666
Seize pays ont déclaré utiliser l’évaluation des enseignants à des fins à la fois formatives et sommatives. Huit de ces pays
ont indiqué que le degré d’utilisation de cette activité était élevé, trois, qu’il était modéré, et deux, qu’il était minime
à des fins à la fois formatives et sommatives. La Corée et la Turquie ont déclaré que le degré d’utilisation de cette
activité était modéré à des fins formatives, mais minime à des fins sommatives. Par contraste, la République tchèque
a fait état d’un degré d’utilisation élevé à des fins sommatives, mais minime à des fins formatives. Trois pays ont
déclaré utiliser l’évaluation des enseignants à des fins formatives uniquement : la Belgique (Communauté française)
et l’Italie, où le degré d’utilisation est élevé, et l’Australie, où le degré d’utilisation est modéré (voir le graphique D7.5
et le tableau D7.14 disponible en ligne).
Les tendances sont similaires s’agissant de l’évaluation des chefs d’établissement. Dans tous les pays dont les
données sont disponibles, sauf en Espagne et au Mexique, l’évaluation des chefs d’établissement est utilisée à des
fins à la fois formatives et sommatives, ou l’est uniquement soit à des fins formatives, soit à des fins sommatives. La
moitié de ces pays (10 pays) ont déclaré que le degré d’utilisation de l’évaluation des chefs d’établissement à des fins
à la fois formatives et sommatives était élevé, deux pays, qu’il était modéré, et deux autres pays, qu’il était minime.
542 Regards sur l’éducation 2015 : Les indicateurs de l’OCDE © OCDE 2015
Quels sont les systèmes d’évaluation des enseignants et des chefs d’établissement ? – INDICATEUR D7
chapitre D
Graphique D7.5. Niveau d’utilisation des évaluations des enseignants
et des chefs d’établissement à des fins formatives et/ou sommatives (2015)
En filière générale
Élevé
Modéré
Faible
Aucune utilisation
Nombre de pays
25
20
IRL, MEX,
ESP
CHL, CZE,
ISR
15
AUS, DNK,
HUN, KOR,
TUR, COL
10
5
0
BFL, BFR,
ENG, FRA,
GRC, ITA,
NZL, PRT,
SVK, SVN
Formatives
D7
AUS, BFR,
IRL, MEX,
ESP
CHL, ISR,
KOR, TUR
DNK, HUN,
COL
BFL, CZE,
ENG, FRA,
GRC, NZL,
PRT, SVK,
SVN
Sommatives
Évaluation
des enseignants
MEX, ESP
CZE, ISR,
KOR, TUR
BFR, MEX,
ESP
ISR
HUN, COL
CZE, HUN,
KOR, COL
AUS, BFL,
BFR, DNK,
ENG, FRA,
GRC, NZL,
PRT, SVK,
SVN
AUS, BFL,
DNK, ENG,
FRA, GRC,
NZL, PRT,
SVK, SVN,
TUR
Formatives
Sommatives
Évaluation des chefs
d’établissement
Source : OCDE. Tableau D7.14 disponible en ligne. Voir les notes à l’annexe 3 (www.oecd.org/fr/education/regards-sur-l-education-19991495.htm).
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933284674
Par ailleurs, la Turquie a déclaré que le degré d’utilisation de l’évaluation des chefs d’établissement était élevé à des
fins sommatives, mais minime à des fins formatives. Par contraste, la Belgique (Communauté française) a déclaré
que le degré d’utilisation de l’évaluation des chefs d’établissement n’était élevé qu’à des fins formatives.
Définitions
Par développement professionnel, on entend la formation continue visant à actualiser, développer et enrichir les
connaissances des enseignants et des chefs d’établissement. Cela inclut toutes les activités conçues pour développer
les compétences, les connaissances, l’expertise et autres caractéristiques des individus, tant au travers de leur
réflexion et de leur travail personnels qu’au travers de cours formels.
Par normes de référence, on entend les documents qui sont à la base des critères d’évaluation, soit ceux qui
définissent ce que les enseignants et les chefs d’établissement sont censés savoir et faire, les tâches qu’ils sont censés
accomplir et la règlementation qu’ils sont censés respecter.
Par évaluation des chefs d’établissement (ou directeurs), on entend l’évaluation individuelle des chefs d’établissement
en vue de juger de leur travail et de leur performance sur la base de critères objectifs. Les résultats des évaluations
des chefs d’établissement peuvent être utilisés pour choisir les activités de développement professionnel des chefs
d’établissement et peuvent influer sur l’évolution de leur carrière et sur l’opportunité de leur verser des primes.
Par évaluation des enseignants, on entend l’évaluation individuelle des enseignants en vue de juger de leur travail
et de leur performance sur la base de critères objectifs. Les résultats des évaluations des enseignants peuvent être
utilisés pour choisir les activités de développement professionnel des enseignants et peuvent influer sur l’évolution
de leur carrière et sur l’opportunité de leur verser des primes. Le terme « enseignants » désigne tous les professionnels
directement impliqués dans l’instruction des élèves, y compris les enseignants qui prennent en charge des élèves/
étudiants constituant une classe entière dans une salle de classe ou des élèves/étudiants réunis en petits groupes
dans une salle spécialisée, ou qui donnent des cours particuliers dans une salle de classe ou un autre local.
Méthodologie
Les données se rapportent à l’année scolaire 2014/15 et proviennent de l’Enquête OCDE-INES de 2014 sur
l’évaluation.
Des remarques spécifiques concernant les définitions et les méthodes appliquées dans chaque pays figurent à
l’annexe 3 (www.oecd.org/fr/education/regards-sur-l-education-19991495.htm).
| 26,293
|
2d1ebbeec1c9f99f81289c31ed2382a0_26
|
French-Science-Pile
|
Open Science
|
Various open science
| 2,013
|
Résultats de la modélisation des retraites : Arabie Saoudite
|
None
|
French
|
Spoken
| 7,390
| 12,535
|
L’âge d’ouverture des droits au Pension credit passe progressivement à 65 ans,
parallèlement à la hausse de l’âge de la retraite pour les femmes.
Régime privé facultatif
Les pouvoirs publics mettent actuellement en place l’inscription automatique à un
régime de retraite d’entreprise, en commençant par les plus gros employeurs. Les régimes
à cotisations définies nécessiteront un taux minimum global de cotisation de 8 %.
Variantes de carrière
Retraite anticipée
Le régime public n’autorise pas le versement d’une pension avant l’âge de la retraite.
Retraite différée
Il est toujours possible de reporter la liquidation de la retraite publique afin de
bénéficier d’une majoration de la pension. Cette majoration vient s’ajouter à la pension
normale lorsque la personne fait valoir ses droits pour la première fois ou les fait valoir de
nouveau.
Jusqu’au 6 avril 2005, le report de la liquidation de la retraite ouvrait droit à une
majoration d’environ 7.5 % par année de report (soit 1 % toutes les 7 semaines). Depuis le
6 avril 2005, cette majoration a été portée à environ 10.4 % par année de report (soit 1 %
toutes les cinq semaines).
PANORAMA DES PENSIONS 2013 : LES INDICATEURS DE L’OCDE ET DU G20 © OCDE 2013
409
9.
PANORAMA DES PENSIONS 2013 : DESCRIPTIFS PAYS – ROYAUME-UNI
Le montant du supplément obtenu dépend de la durée du report. Les personnes
concernées ont le choix entre l’une des options suivantes :
● Une majoration à vie de la pension hebdomadaire (si le départ à la retraite est reporté
d’au moins 5 semaines).
● Un somme globale imposable versée en une seule fois (si le départ à la retraite est
reporté pendant au moins un an). Cette somme globale est constituée du montant de la
pension publique non perçue pendant la durée du report, majoré d’un taux d’intérêt
garanti supérieur d’au moins deux points au taux de base de la Banque d’Angleterre. Le
choix doit être fait lors de la liquidation de la pension publique.
Enfants
Les deux piliers du régime public de retraite (pension publique de base et retraite
publique complémentaire) assurent une protection pour les périodes d’éducation des
enfants. Cette protection couvre les personnes qui n’ont pas d’emploi rémunéré et celles
qui travaillent mais dont le salaire est inférieur au seuil de cotisation au régime de retraite.
Avant le 6 avril 2010, en ce qui concerne la pension publique de base, la protection était
assurée par Home Responsibilities Protection (HRP), qui couvrait les années consacrées à
élever au moins un enfant de moins de 16 ans. Ce dispositif réduisait le nombre d’années
requis pour percevoir une retraite à taux plein de sorte qu’avec un HRP suffisant, seules
20 années d’activité (incluant les périodes pour lesquelles des cotisations à la sécurité
sociale peuvent être validées) étaient nécessaires. Pour la retraite complémentaire, les
années consacrées à l’éducation d’un enfant de moins de 6 ans étaient validées ; les
parents s’occupant de leurs enfants étaient réputés avoir une rémunération égale au
premier seuil de salaire
Le dispositif HRP a été remplacé par un système de crédits hebdomadaires de la
sécurité sociale (National insurance credits) pour les parents et les aidants naturels. Les
personnes atteignant l’âge de la retraite après 2010 peuvent recevoir des crédits s’ils
touchent des allocations (Child benefit) pour un enfant de moins de 12 ans. Ces crédits
peuvent compter pour leurs droits à la pension nationale de base et à la retraite
complémentaire. Toutes les années acquises avant 2010 dans le cadre du HRP ont été
converties en années de crédits à la sécurité sociale.
Chômage
Les périodes de chômage indemnisé (assurance chômage ou assistance) sont créditées
sur le compte de sécurité sociale pour la pension publique de base. Pour la retraite
complémentaire, ces périodes ne sont pas validées auprès de la sécurité sociale.
410
PANORAMA DES PENSIONS 2013 : LES INDICATEURS DE L’OCDE ET DU G20 © OCDE 2013
9.
PANORAMA DES PENSIONS 2013 : DESCRIPTIFS PAYS – ROYAUME-UNI
Résultats de la modélisation des retraites : Royaume-Uni
Selon le revenu
Minimum
De base
Niveau brut relatif des pensions
Crédit
Taux brut de remplacement
2.5
1.25
2.0
1.00
1.5
0.75
1.0
0.50
0.5
0.25
0
0
0.25
0.50 0.75 1.00 1.25 1.50 1.75 2.00
Salaire individuel, en proportion du gain moyen
0
0.25
0
0.50 0.75 1.00 1.25 1.50 1.75 2.00
Salaire individuel, en proportion du gain moyen
Net
Brut
Niveau relatif des pensions, brut et net
Taux de remplacement, brut et net
2.5
1.25
2.0
1.00
1.5
0.75
1.0
0.50
0.5
0.25
0
0
0.25
0.50 0.75 1.00 1.25 1.50 1.75 2.00
Salaire individuel, en proportion du gain moyen
Hommes
Femmes (si différent)
0
0.25
0
0.50 0.75 1.00 1.25 1.50 1.75 2.00
Salaire individuel, en proportion du gain moyen
Salaire individuel, en multiple de la moyenne
Salarié à revenu médian
0.5
0.75
1
1.5
2
30.7
27.9
30.1
32.6
33.8
33.8
39.8
36.8
39.1
41.8
43.0
43.0
37.9
55.8
40.1
32.6
22.5
16.9
48.0
67.2
50.6
41.8
30.5
23.9
Patrimoine retraite brut
5.9
8.7
6.3
5.1
3.5
2.6
(en multiple du salaire individuel brut)
6.5
9.5
6.9
5.6
3.8
2.9
Patrimoine retraite net
5.7
8.6
6.1
4.9
3.4
2.5
(en multiple du salaire individuel brut)
6.3
9.4
6.7
5.4
3.7
2.8
Niveau relatif brut des pensions
(en % du salaire moyen brut)
Niveau relatif net des pensions
(en % du salaire moyen net)
Taux de remplacement brut
(en % du salaire individuel brut)
Taux de remplacement net
(en % du salaire individuel net)
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888932968271
PANORAMA DES PENSIONS 2013 : LES INDICATEURS DE L’OCDE ET DU G20 © OCDE 2013
411
9.
PANORAMA DES PENSIONS 2013 : DESCRIPTIFS PAYS – SLOVÉNIE
Slovénie
Indicateurs essentiels
Slovénie : le système de retraite
en 2012
Salaire de l’ouvrier
moyen
Le système associe un régime public lié à la
rémunération et des régimes minimum et
ciblé.
Slovénie
OCDE
EUR
17 200
32 400
USD
22 700
42 700
Dépenses publiques
au titre des retraites
En % du PIB
10.9
7.8
Espérance de vie
À la naissance
79.5
79.9
À 65 ans
18.7
19.1
En % de la population
d’âge actif
26.6
25.5
Population de plus
de 65 ans
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888932970209
Conditions d’ouverture des droits
Les principales conditions figurent dans le tableau ci-dessous. Pour les femmes, le
nombre d’années de cotisations requis pour un départ à la retraite à l’âge minimum
augmente de trois mois par an et il atteindra 38 années à partir de 2013. L’âge minimum
pour percevoir une pension augmente aussi pour les femmes, de quatre mois par an, et
s’établira à 58 ans à partir de 2014.
Hommes
Femmes (2012)
Femmes (2014)
Années de cotisations
15
20
40
Âge de la retraite
65 ans
63 ans
58 ans
Années de cotisations
15
20
37 ans et 9 mois
Âge de la retraite
63 ans
61 ans
57 ans et 4 mois
Années de cotisations
15
20
38
Âge de la retraite
63 ans
61 ans
58 ans
Un âge pour percevoir la retraite à taux plein a été instauré en 1999. Il est désormais de
63 ans pour les hommes et atteindra 61 ans pour les femmes en 2023. L’âge de la retraite à
long terme a été encore repoussé à 65 ans pour les hommes comme pour les femmes suite
à une réforme intervenue en 2013. Cette réforme récente n’est pas prise en compte dans les
résultats des modèles.
Calcul des prestations
Régime lié à la rémunération
Le régime lié à la rémunération verse 35 % de la pension de référence aux hommes et
38 % aux femmes, sous réserve que les conditions minimales d’ouverture des droits
(15 années de cotisations) soient remplies (la pension de référence correspond à la
moyenne des 18 meilleures années de salaire (net), avec revalorisation selon des
coefficients représentant 73.2 % de la croissance des salaires nominaux (nets) en 2012).
Au-delà, le taux d’acquisition est de 1.5 % par an après 2000. Avant 2000, le taux
d’acquisition annuel était déterminé selon les termes de la loi sur la retraite et l’invalidité
de 1992. Cela signifie qu’en 2012, le taux de remplacement net pour une carrière complète
412
PANORAMA DES PENSIONS 2013 : LES INDICATEURS DE L’OCDE ET DU G20 © OCDE 2013
9.
PANORAMA DES PENSIONS 2013 : DESCRIPTIFS PAYS – SLOVÉNIE
(40 années de cotisation pour les hommes, 38 pour les femmes) s’établissait à 57.7 % pour
les premiers et à 61.9 % pour les secondes
Le salaire de référence se fonde sur une période comprenant les meilleures années
consécutives depuis 1970. La période de référence a été allongée en 2000 et porte sur 18 années
depuis 2008. La pension de retraite est calculée sur la base du salaire individuel net.
Le calcul de l’ajustement des salaires des années antérieures, destiné à refléter
l’évolution des prix et du niveau de vie, est actuellement très complexe. Dans un premier
temps, les salaires des années antérieures sont revalorisés en fonction de la progression
des salaires moyens à l’échelle nationale. Ensuite, pour harmoniser les pensions perçues
par les retraités de différentes années, les prestations versées aux nouveaux retraités sont
minorées d’un coefficient reflétant l’augmentation des salaires pendant les toutes
dernières années. Par exemple, le salaire revalorisé d’un actif partant à la retraite en 2011
était ramené à 73.2 % de son montant total. Pour un départ à la retraite en 2010, le
coefficient de réduction était de 74 %.
Une base minimum d’évaluation des pensions s’applique au salaire ouvrant droit à
retraite. Cette base minimum est restée au même niveau qu’en 2011, faute d’ajustement des
retraites en 2012. Cette même année, elle se montait en moyenne à 551.16 EUR par mois.
Le salaire ouvrant droit à retraite est également soumis à un plafond, fixé à quatre fois
le montant de la base minimum d’évaluation des pensions, soit en moyenne 2 204.64 EUR
par mois en 2012.
Les pensions mises en paiement sont revalorisées deux fois par an (en février et en
novembre) afin de progresser approximativement au même rythme que le salaire moyen
brut. La mesure de la croissance des pensions est la croissance de la base minimum, qui
comme indiqué précédemment, n’a pas été revalorisée en 2012 en raison de lois
spécifiques bloquant l’ajustement des pensions dans le cadre des mesures d’austérité. Le
non-ajustement des pensions en 2012, ainsi que l’interruption du versement de l’allocation
supplémentaire aux retraités à faible revenu et son transfert dans la loi sur la sécurité
sociale à compter du 1er janvier 2012, ont eu un impact sur la pension moyenne par rapport
à l’année 2011.
L’accroissement de la pension moyenne en vertu des mesures d’ajustement énoncées
est inférieur à celui qui résulte de l’évolution de la valeur de chaque année admissible
depuis 2000.
Pension minimum
La pension minimum est fixée à 35 % de la base minimum d’évaluation des pensions.
Régime ciblé
Une allocation de sécurité sociale était versée sous conditions de ressources aux
retraités à faible revenu (jusqu’au 31 décembre 2011). Depuis le 1er janvier 2012, cette
allocation relève de la législation sur la protection sociale.
PANORAMA DES PENSIONS 2013 : LES INDICATEURS DE L’OCDE ET DU G20 © OCDE 2013
413
9.
PANORAMA DES PENSIONS 2013 : DESCRIPTIFS PAYS – SLOVÉNIE
Résultats de la modélisation des retraites : Slovénie
Selon le revenu
Minimum
Niveau brut relatif des pensions
Ciblé
Taux brut de remplacement
2.5
1.25
2.0
1.00
1.5
0.75
1.0
0.50
0.5
0.25
0
0
0.25
0.50 0.75 1.00 1.25 1.50 1.75 2.00
Salaire individuel, en proportion du gain moyen
0
0.25
0
0.50 0.75 1.00 1.25 1.50 1.75 2.00
Salaire individuel, en proportion du gain moyen
Net
Brut
Niveau relatif des pensions, brut et net
Taux de remplacement, brut et net
2.5
1.25
2.0
1.00
1.5
0.75
1.0
0.50
0.5
0.25
0
0
0.25
0.50 0.75 1.00 1.25 1.50 1.75 2.00
Salaire individuel, en proportion du gain moyen
Hommes
Femmes(si différent)
0
0.25
0
0.50 0.75 1.00 1.25 1.50 1.75 2.00
Salaire individuel, en proportion du gain moyen
Salaire individuel, en multiple de la moyenne
Salarié à revenu médian
0.5
0.75
1
1.5
2
32.9
31.0
31.0
39.2
55.1
56.1
49.4
46.6
46.6
59.0
80.0
81.2
40.6
62.0
41.4
39.2
36.7
28.0
59.0
80.8
59.7
59.0
57.0
46.5
Patrimoine retraite brut
8.8
13.5
9.0
8.5
8.0
6.1
(en multiple du salaire individuel brut)
11.3
17.3
11.5
10.9
10.2
7.8
Patrimoine retraite net
8.8
13.5
9.0
8.5
7.7
5.9
(en multiple du salaire individuel brut)
11.3
17.3
11.5
10.9
9.9
7.5
Niveau relatif brut des pensions
(en % du salaire moyen brut)
Niveau relatif net des pensions
(en % du salaire moyen net)
Taux de remplacement brut
(en % du salaire individuel brut)
Taux de remplacement net
(en % du salaire individuel net)
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888932968157
414
PANORAMA DES PENSIONS 2013 : LES INDICATEURS DE L’OCDE ET DU G20 © OCDE 2013
9.
PANORAMA DES PENSIONS 2013 : DESCRIPTIFS PAYS – SUÈDE
Suède
Indicateurs essentiels
Suède : le système de retraite en 2012
La partie liée à la rémunération repose sur
un système de comptes notionnels, auquel
s’ajoute une modeste cotisation obligatoire à
des régimes individuels à cotisations définies
financés par capitalisation. Il existe par
ailleurs un complément de retraite soumis à
conditions de ressources. Les régimes de
retraite professionnels, qui comprennent des
éléments à prestations définies et des
éléments à cotisations définies, couvrent une
grande partie des salariés.
Salaire de l’ouvrier
moyen
Suède
OCDE
SEK
387 300
278 000
USD
59 500
42 700
Dépenses publiques
au titre des retraites
En % du PIB
8.2
7.8
Espérance de vie
À la naissance
81.7
79.9
À 65 ans
19.8
19.1
En % de la population
d’âge actif
32.5
25.5
Population de plus
de 65 ans
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888932970266
Conditions d’ouverture des droits
La pension liée à la rémunération et la « premium pension » peuvent être liquidées à
partir de 61 ans. Le droit à une retraite garantie est acquis après trois années de résidence.
La liquidation de ce droit est possible à partir de 65 ans. La retraite garantie maximum est
acquise après 40 années de résidence ; pour des durées plus courtes, elle est réduite au
prorata.
Calcul des prestations
Des cotisations, égales à 18.5 % de la rémunération ouvrant droit à pension, sont
créditées puis revalorisées selon une moyenne mobile sur trois ans du salaire moyen à
l’échelle nationale. La rémunération ouvrant droit à pension se définit comme le salaire
diminué de la part salariale des cotisations au régime de retraite (c’est-à-dire au système
de comptes notionnels comme au premium pension system), laquelle s’élève à 7 % du salaire
brut, soit un taux de cotisation effectif sur le salaire brut de 17.21 %, dont 14.88 % sont
affectés au système de comptes notionnels et 2.33 % aux régimes par capitalisation à
cotisations définies. Les cotisations ne sont prélevées que lorsque la rémunération
annuelle dépasse un certain plancher, fixé à 18 612 SEK en 2012, ce qui représente un peu
moins de 5 % du salaire moyen, mais sont dues sur l’intégralité de la rémunération pour
toutes les personnes percevant un salaire supérieur à ce plancher. La rémunération servant
de base au calcul des prestations est plafonnée à 409 500 SEK en 2012, soit un plafond
effectif en termes de salaire brut de 440 323 SEK en 2012 (légèrement inférieur à 114 % du
salaire moyen). L’assiette des cotisations patronales est également soumise à ce plafond,
mais une taxe supplémentaire est due au-delà de ce plafond. Le taux de cette taxe est
identique à celui de la cotisation de retraite mais son produit est directement affecté au
budget de l’administration centrale et ne donne lieu à aucun droit à pension.
PANORAMA DES PENSIONS 2013 : LES INDICATEURS DE L’OCDE ET DU G20 © OCDE 2013
415
9.
PANORAMA DES PENSIONS 2013 : DESCRIPTIFS PAYS – SUÈDE
Régime lié à la rémunération
Le nouveau régime lié à la rémunération repose sur un système de comptes
notionnels. Les comptes notionnels sont augmentés chaque année du capital-retraite des
personnes décédées, réparti entre les survivants du même âge (« gains hérités »). En cas de
décès avant l’âge auquel le départ à la retraite devient possible (61 ans), le montant des
« gains hérités » correspond à leur montant réel. Au-delà de cet âge, il est estimé sur la base
de la mortalité observée au cours d’une période antérieure (calculée à partir de tables de
mortalité unisexe sur cinq ans).
Lors du départ à la retraite, le capital fictif constitué est converti en rente, à l’aide d’un
coefficient qui dépend de l’âge individuel du départ à la retraite et de l’espérance de vie à
cette date (d’après les tables de mortalité unisexe des cinq années précédentes). Un taux
d’actualisation réel de 1.6 % par an est également appliqué pour calculer la rente. À titre
d’exemple, la valeur du coefficient de rente à 65 ans est de 15.4 pour l’année 2000 ; elle
passera à 16.8 à l’horizon 2020 et à 17.4 à l’horizon 2040. Pour une personne née en 1946, le
coefficient de rente effectif s’établit actuellement à 16.31 pour un départ en retraite à
65 ans, à 18.64 pour un départ à 61 ans et à 13.41 pour un départ en retraite à 70 ans.
Après le départ à la retraite, les pensions sont revalorisées en fonction de la hausse du
salaire moyen nominal, amputée du taux d’intérêt imputé de 1.6 % pris en compte dans le
coefficient de rente.
Par ailleurs, un « mécanisme d’équilibre » a été mis en place : si les actifs (fonds de
régulation plus valeur estimée des recettes de cotisation) deviennent inférieurs aux passifs
(capital fictif constitué et valeur en capital des pensions mises en paiement), l’indexation
des pensions mises en paiement et les rendements portés au crédit des comptes
notionnels sont diminués du ratio actifs/passifs. On utilise le ratio d’équilibre de l’année t
pour calculer la valeur d’équilibre ou se prononcer sur la nécessité d’actionner le
mécanisme d’équilibre pour l’année t+2. L’activation du mécanisme d’équilibre entraîne
une baisse des taux de remplacement du régime national mais peut aussi les faire
remonter en cas de redressement du régime et de relèvement de la valeur d’équilibre
(l’indice d’équilibre peut être supérieur à l’indice de revenu pendant la période de
redressement). Le ratio d’équilibre pour 2012, qui est également la valeur d’équilibre pour
2014, s’établit à 0.9837.
Ratio d’équilibre
2012
2011
2010
2009
2008
2007
0.9837
1.0198
1.0024
0.9549
0.9826
1.0026
Aux fins de modélisation, les coefficients de rente sont calculés à l’aide des règles cidessus et des données tirées des tables de mortalité de la base de données
démographiques des Nations Unies. On suppose que le mécanisme d’équilibre n’influe pas
sur la revalorisation des prestations.
Pension minimum
La « pension garantie » est un complément soumis à conditions de ressources destiné aux
personnes ne pouvant prétendre qu’à un faible montant de prestations au titre des comptes
notionnels. Pour une personne seule, la prestation garantie complète s’établissait en 2012 à
93 720 SEK pour un retraité vivant seul né après 1938, soit 24 % du salaire brut moyen.
416
PANORAMA DES PENSIONS 2013 : LES INDICATEURS DE L’OCDE ET DU G20 © OCDE 2013
9.
PANORAMA DES PENSIONS 2013 : DESCRIPTIFS PAYS – SUÈDE
Pour une personne seule, la pension garantie est dégressive au taux de 100 % pour la
première tranche de 55 440 SEK (2012) de revenu au titre de la pension liée à la
rémunération et de 48 % au-delà. Ce seuil correspond à 14 % du salaire moyen. Ce n’est que
lorsque la pension liée à la rémunération excède 135 076 SEK – près de 35 % du salaire
moyen – que le droit à la pension garantie est épuisé.
Aux termes de la législation actuelle, la pension garantie est indexée sur les prix.
Cependant, dans la modélisation, l’hypothèse de base pour tous les pays est que la valeur
des prestations de retraite versées au titre du filet de protection sociale tendra, avec le
temps, à suivre le salaire moyen plutôt qu’à diminuer par rapport au niveau de vie général.
À cela s’ajoute une allocation logement qui couvre 93 % des frais de logement, à
concurrence de 5 000 SEK par mois pour une personne seule. Depuis le 1er janvier, une
somme égale à 170 SEK par personne est venue majorer l’allocation logement. L’allocation
logement constitue pour les retraités suédois une part importante du niveau de vie
minimum. Elle est soumise à conditions de ressources et n’est pas prise en compte dans les
calculs de la modélisation.
Régime à cotisations définies
Une cotisation supplémentaire, égale à 2.5 % du revenu ouvrant droit à pension (soit
un taux effectif de cotisation égal à 2.33 % de la rémunération brute) alimente un compte
de retraite individuel ou « premium pension ». Pour l’investissement de ces fonds, les assurés
ont le choix entre un grand nombre de formules.
Lors de leur départ à la retraite, les intéressés peuvent choisir les modalités de
perception de ces prestations. Ils peuvent demander la conversion de la pension en rente
pour éviter les risques d’investissement, mais aussi opter pour une rente variable, leurs
fonds continuant alors d’être investis par le gestionnaire de fonds qu’ils ont choisi. Ces
rentes n’ont pas de valeur garantie. Le principe de calcul de la pension dans ce cas est le
suivant : l’encours du compte est divisé par le nombre d’annuités (sur la base d’une
estimation de l’espérance de vie moyenne) et la pension est calculée sur la base d’un taux
d’intérêt futur estimé de 3 %, dont on retranche les frais de gestion. Si le rendement est
supérieur à 3 %, soit un versement complémentaire est effectué, soit le solde du compte est
plus élevé, si bien que la base de calcul de la pension annuelle est, elle aussi, plus élevée.
Régimes professionnels quasi obligatoires
On estime que dans leur ensemble, les régimes professionnels couvrent près de 90 %
des salariés. Il n’existe que quatre grands régimes de ce type. La modélisation a retenu le
régime ITP destiné aux cadres, qui associe des éléments à prestations définies et des
éléments à cotisations définies. Ce régime a été renégocié. L’ancien système reste en
vigueur, avec quelques changements mineurs, pour les personnes nées en 1978 et avant,
tandis que le nouveau couvre les personnes nées à partir de 1979.
ITP1
Depuis le 1er janvier 2007, les salariés nés en 1979 et au-delà commencent à acquérir
des droits à pension à partir de l’âge de 25 ans dans le cadre du nouveau régime ITP1, qui
fonctionne intégralement selon le principe des cotisations définies. La cotisation est égale
à 4.5 % du salaire jusqu’à 7.5 fois le revenu de base (409 500 SEK en 2012). Pour les tranches
de salaire excédant 7.5 fois le revenu de base (divisé par 12 pour un mois), la cotisation est
PANORAMA DES PENSIONS 2013 : LES INDICATEURS DE L’OCDE ET DU G20 © OCDE 2013
417
9.
PANORAMA DES PENSIONS 2013 : DESCRIPTIFS PAYS – SUÈDE
de 30 %. Le salaire ouvrant droit à pension devient le salaire brut en espèces, hors
remboursements de frais.Les cotisations sont payées dès la première couronne
suédoise (SEK) de salaire.
Le salarié peut choisir le type d’épargne et le gestionnaire du fonds. Cependant, la
moitié au moins de la cotisation doit être investie dans une assurance retraite
traditionnelle. Le salarié peut également choisir une garantie de remboursement et une
protection familiale de 1, 2, 3 ou 4 fois les montants de base par an sur 5, 10, 15 ou 20 ans.
Les cotisations des personnes qui n’indiquent pas de choix sont investies dans une
assurance retraite traditionnelle sans garantie de remboursement ni protection familiale.
C’est ce choix par défaut qui a été retenu dans la modélisation.
Les salariés dont le salaire annuel est supérieur à dix fois le revenu de base
(546 000 SEK en 2012) peuvent choisir de relever du nouveau régime avec l’accord de leur
employeur. Cette possibilité s’applique que le salarié ait souscrit un plan ITP2 traditionnel
ou qu’il ait opté pour un autre plan ITP.
Variantes de carrière
Retraite anticipée
Il est possible de partir en retraite à partir de 61 ans dans le cadre du régime public de
retraite (pension liée à la rémunération et « premium pension »). Il n’y a pas d’âge fixe de
départ à la retraite. Les comptes notionnels et le calcul de la rente assurent une réduction
actuarielle automatique en fonction de l’âge du départ à la retraite.
La pension garantie soumise à conditions de revenu ne peut être liquidée avant 65 ans.
Que la pension reposant sur les comptes notionnels soit liquidée avant ou après 65 ans, la
pension garantie reste calculée comme si elle avait été liquidée à 65 ans.
Dans le cadre du nouveau régime ITP1, les pensions sont normalement servies à partir
de 65 ans, mais elles peuvent l’être à partir de 55 ans. Les pensions sont viagères mais elles
peuvent être servies intégralement ou partiellement pendant une période limitée, qui ne
peut être inférieure à cinq ans. Dans la modélisation, la rente est considérée comme
viagère. Le montant de la pension est déterminé par le total des cotisations versées, le
rendement, les droits et taxes, et la durée pendant laquelle la pension sera versée.
Retraite différée
Le bénéfice de la pension basée sur un système de comptes notionnels et de
la« premium pension » peut être différé sans limite d’âge supérieure, là encore avec
ajustement actuariel automatique. Il est également possible de cumuler un emploi et une
retraite. Enfin, la retraite peut faire l’objet d’une liquidation partielle (à 25 %, 50 % ou 75 %
de la pension à taux plein). La pension garantie est ajustée par rapport aux autres pensions
du régime vieillesse suédois et aux régimes nationaux étrangers comparables, mais elle
n’est pas réduite par les revenus tirés du travail ou du capital, de retraites professionnelles
ou d’une assurance retraite privée. Il est donc également possible de cumuler un emploi et
la pension garantie.
La retraite professionnelle ITP1 peut être reportée après l’âge de 65 ans, mais aucun
droit supplémentaire à pension ne peut être acquis au-delà cet âge, sauf accord particulier
avec l’employeur.
418
PANORAMA DES PENSIONS 2013 : LES INDICATEURS DE L’OCDE ET DU G20 © OCDE 2013
9.
PANORAMA DES PENSIONS 2013 : DESCRIPTIFS PAYS – SUÈDE
Enfants
Dans le cadre du régime public de retraite, les années durant lesquelles une personne
a et vit avec des enfants de moins de 4 ans sont validées. Dans un ménage biparental, en
l’absence de choix officiel, les périodes validées sont accordées au parent ayant le revenu
le plus faible. Ces majorations sont calculées selon la formule la plus intéressante parmi les
trois suivantes : 1) si le revenu est nul ou inférieur à la rémunération des années
précédentes, elles sont établies sur la base du salaire de l’année précédant la naissance de
l’enfant ; 2) pour les salariés à faible revenu ou les personnes qui ne travaillaient pas avant
d’avoir des enfants, elles sont établies sur la base de 75 % du salaire moyen à l’échelle
nationale ; 3) si le revenu augmente effectivement ou s’il ne diminue pas de façon sensible
après le début des responsabilités liées aux enfants, elles sont fixées à une fois le revenu de
base. Dans les trois cas, l’État prend en charge l’intégralité des cotisations au système de
retraite (à la fois la pension liée à la rémunération et la « premium pension »), mais
seulement à concurrence du plafond de rémunération prévu par le système de retraite
(voirla section « Calcul des prestations »).
Par ailleurs, les allocations versées aux personnes en congé parental sont également
considérées comme un revenu ouvrant droit à pension. Le bénéficiaire acquitte la
cotisation salariale de retraite de 7 % sur ses prestations. L’État prend en charge l’ensemble
des cotisations patronales (10.21 %) dues sur les prestations de sécurité sociale, y compris
les allocations parentales.
L’allocation parentale est versée comme suit pendant 480 jours :
● 390 jours à 80 % du revenu annuel du parent à concurrence d’un plafond égal à 10 fois le
montant des prix de base (l’équivalent d’un salaire annuel de 440 000 SEK en 2012) ;
● 90 jours à un taux uniforme et forfaitaire de 180 SEK par jour.
L’allocation parentale est calculée sur une base journalière. Les parents à revenu
modeste ou nul perçoivent une allocation minimum garantie de 180 SEK par jour. Les
480 jours d’allocation parentale sont répartis à parts égales entre les deux parents
(240 jours pour chacun). Un parent peut également transférer des jours à l’autre, à
concurrence de 180 jours.
Dans le cadre du régime professionnel ITP, il est recommandé à l’employeur de cotiser,
par l’intermédiaire d’une assurance, pour la retraite d’un salarié pendant des périodes de
congé parental pouvant aller jusqu’à 13 mois (ce que font la plupart des employeurs).
Chômage
Les allocations chômage et allocations de formation versées aux demandeurs
d’emploi qui participent à des programmes actifs du marché du travail entrent dans les
revenus ouvrant droit à pension et l’État prend à sa charge la part patronale des cotisations.
Les allocations chômage liées à la rémunération sont égales à 80 % de la rémunération
antérieure pendant les 200 premiers jours, puis à 70 % de la rémunération antérieure entre
le 201e et le 300e jour. Par la suite, l’indemnisation est suspendue, à moins que l’un des
deux parents n’ait un enfant de moins de 18 ans, auquel cas une allocation égale à 70 % de
la rémunération antérieure est maintenue pendant 150 jours supplémentaires. Les
allocations chômage sont plafonnées à 680 SEK par jour et ne peuvent être inférieures à
320 SEK par jour (ce plancher ne s’applique que si le demandeur d’emploi a travaillé à
temps plein pendant les 12 mois précédant l’épisode de chômage).
PANORAMA DES PENSIONS 2013 : LES INDICATEURS DE L’OCDE ET DU G20 © OCDE 2013
419
9.
PANORAMA DES PENSIONS 2013 : DESCRIPTIFS PAYS – SUÈDE
Après avoir perçu des allocations chômage pendant un certain nombre de jours, le
bénéficiaire a le droit de s’inscrire à un programme de garantie d’emploi et de
développement personnel, et de percevoir la prestation prévue dans ce cadre. Si le
demandeur d’emploi percevait une allocation chômage avant son inscription au
programme, cette prestation est égale à 65 % du salaire qu’il percevait avant de perdre son
emploi (680 SEK au maximum par jour). Dans le cas contraire, elle s’élève à 223 SEK par
jour.
420
PANORAMA DES PENSIONS 2013 : LES INDICATEURS DE L’OCDE ET DU G20 © OCDE 2013
9.
PANORAMA DES PENSIONS 2013 : DESCRIPTIFS PAYS – SUÈDE
Résultats de la modélisation des retraites : Suède
CD (professionnel)
CD
Selon le revenu
Niveau brut relatif des pensions
Minimum
Taux brut de remplacement
2.5
1.25
2.0
1.00
1.5
0.75
1.0
0.50
0.5
0.25
0
0
0.25
0.50 0.75 1.00 1.25 1.50 1.75 2.00
Salaire individuel, en proportion du gain moyen
0
0.25
0
0.50 0.75 1.00 1.25 1.50 1.75 2.00
Salaire individuel, en proportion du gain moyen
Net
Brut
Niveau relatif des pensions, brut et net
Taux de remplacement, brut et net
2.5
1.25
2.0
1.00
1.5
0.75
1.0
0.50
0.5
0.25
0
0
0.25
0.50 0.75 1.00 1.25 1.50 1.75 2.00
Salaire individuel, en proportion du gain moyen
Hommes
Femmes (si différent)
0
0.25
0
0.50 0.75 1.00 1.25 1.50 1.75 2.00
Salaire individuel, en proportion du gain moyen
Salaire individuel, en multiple de la moyenne
Salarié à revenu médian
0.5
0.75
1
1.5
2
50.0
35.1
44.3
55.6
101.9
146.8
50.2
36.7
45.0
55.3
97.5
128.6
55.6
70.2
59.1
55.6
67.9
73.4
55.3
68.8
58.5
55.3
72.9
79.1
Patrimoine retraite brut
9.9
12.4
10.5
9.9
12.0
12.9
(en multiple du salaire individuel brut)
11.1
14.0
11.8
11.1
13.4
14.4
Patrimoine retraite net
7.5
9.8
8.0
7.4
8.6
8.5
(en multiple du salaire individuel brut)
8.4
10.9
9.0
8.3
9.6
9.5
Niveau relatif brut des pensions
(en % du salaire moyen brut)
Niveau relatif net des pensions
(en % du salaire moyen net)
Taux de remplacement brut
(en % du salaire individuel brut)
Taux de remplacement net
(en % du salaire individuel net)
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888932968214
PANORAMA DES PENSIONS 2013 : LES INDICATEURS DE L’OCDE ET DU G20 © OCDE 2013
421
9.
PANORAMA DES PENSIONS 2013 : DESCRIPTIFS PAYS – SUISSE
Suisse
Indicateurs essentiels
Suisse : le système de retraite en 2012
Le système de retraite suisse comporte trois
composantes.Le régime public est lié à la
rémunération, mais selon une formule
progressive.Il existe également des retraites
professionnelles obligatoires et une
p re s t at i o n co m p l é m e n t ai re s o u m i s e à
conditions de ressources.La pension
professionnelle peut être complétée à titre
facultatif.
Salaire de l’ouvrier
moyen
Suisse
OCDE
CHF
86 900
39 100
USD
94 900
42 700
Dépenses publiques
au titre des retraites
En % du PIB
6.3
7.8
Espérance de vie
À la naissance
82.5
79.9
À 65 ans
20.7
19.1
En % de la population
d’âge actif
28.1
25.5
Population de plus
de 65 ans
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888932970285
Conditions d’ouverture des droits
L’âge d’ouverture des droits à retraite dans le régime public et dans les dispositifs
professionnels obligatoires est actuellement de 65 ans pour les hommes et 64 ans pour les
femmes. Pour bénéficier d’une retraite à taux plein, 44 années de cotisation sont
nécessaires pour les hommes et 43 pour les femmes.
Calcul des prestations
Régime lié à la rémunération
La retraite du régime public est calculée sur la base de la rémunération moyenne
perçue sur l’ensemble de la carrière.Cette rémunération dépend du nombre d’années de
cotisation et du salaire moyen perçu entre 20 ans et l’âge de la retraite. Les prestations sont
encadrées par un plancher et un plafond. Entre ces deux limites, la formule de calcul
« reposant sur deux piliers » est favorable aux revenus moyens. Elle permet une
redistribution du sommet vers le bas de l’échelle des revenus. La pension est comprise
entre 13 920 CHF et 27 840 CHF pour une carrière d’assurance complète, soit entre 16 % et
32 % du salaire moyen. La prestation maximum est atteinte lorsque la rémunération
moyenne perçue sur l’ensemble de la carrière s’élève à 83 520 CHF, ce qui correspond à
96 % du salaire moyen à l’échelle nationale. La pension servie à un couple marié ne peut
pas être supérieure à 150 % de la pension maximum.
Les prestations sont revalorisées tous les deux ans. Les pensions mises en paiement
sont indexées à 50 % sur les prix et à 50 % sur le salaire nominal.
Régimes professionnels obligatoires
Un régime de prévoyance professionnelle obligatoire a été introduit en 1985. Il repose
sur des « bonifications » créditées sur un compte de retraite individuel et s’adresse aux
personnes dont la rémunération annuelle s’élève à 20 880 CHF au moins. Ces bonifications
diffèrent selon l’âge :
La valeur de l’avoir accumulé au moment du départ à la retraite dépend du taux
d’intérêt appliqué aux cotisations des années antérieures. Ce taux d’intérêt s’établit
422
PANORAMA DES PENSIONS 2013 : LES INDICATEURS DE L’OCDE ET DU G20 © OCDE 2013
9.
Âge
PANORAMA DES PENSIONS 2013 : DESCRIPTIFS PAYS – SUISSE
25-34 ans
35-44 ans
45-54 ans
55-64/65 ans
7
10
15
18
Bonifications de vieillesse (en % du salaire coordonné).
actuellement à 1.5 %. Les bonifications de vieillesse sont calculées annuellement en
pourcentage du salaire coordonné. Si le taux d’intérêt est approximativement équivalent
au taux de progression de la rémunération, un homme ayant accompli une carrière
complète aura, à 65 ans, accumulé un avoir égal à 500 % de sa rémunération. Toutefois, il
est possible d’accumuler une somme supérieure (ou inférieure) si le taux d’intérêt est
supérieur (inférieur) à la hausse de la rémunération. La modélisation suppose que le taux
d’intérêt appliqué est, à terme, équivalent à l’évolution de la rémunération.
L’employeur doit acquitter au moins la moitié des bonifications de vieillesse, la
fraction restante étant à la charge du salarié.
Lors du départ en retraite, l’avoir figurant au crédit du compte individuel est converti
en une rente de vieillesse annuelle au moyen d’un taux de conversion, qui s’établit à 6.90 %
pour les hommes et 6.85 % pour les femmes. En outre, le retraité peut également percevoir
au moins un quart de l’avoir accumulé sous forme de capital.
Ce système obligatoire correspond au minimum garanti par la loi. Les institutions de
prévoyance agréées (caisses de retraite) sont libres d’offrir des prestations plus
avantageuses que celles garanties par la loi. On parle alors de prestations
« surobligatoires ». La majorité des salariés retraités bénéficient de ces prestations
« surobligatoires ».
Régime ciblé
Les prestations complémentaires soumises à conditions de ressources sont versées
lorsque les prestations liées à la rémunération et autres sources de revenu ne sont pas
suffisantes pour couvrir les besoins vitaux. Leur montant annuel est égal à la différence
entre les dépenses reconnues et le revenu calculé (prestations, revenu d’activité, revenu du
patrimoine, etc.). Pour une personne seule, les dépenses reconnues se décomposent
comme suit :
Éléments entrant dans le calcul des prestations complémentaires
(PC)
Montant annuel
(pour une personne seule vivant à son domicile)
Besoins vitaux
19 050 CHF
Loyer brut maximum
13 200 CHF
Montant maximum du remboursement des frais liés à la maladie ou à l’invalidité
25 000 CHF
La prestation complémentaire est indexée de la même façon que les pensions
publiques de retraite, à savoir à 50 % sur les prix et à 50 % sur les salaires. Pour les retraités
modestes, des compléments d’un montant discrétionnaire peuvent être accordés au
niveau des cantons, mais la modélisation ne les prend pas en compte.
Prestations facultatives
L’épargne-retraite facultative est encouragée par des mesures de déductibilité fiscale
des cotisations. Ces cotisations peuvent être placées sur un compte domicilié dans une
banque oudans le cadre d’une police d’assurance spécifique et ne peuvent pas être retirées.
PANORAMA DES PENSIONS 2013 : LES INDICATEURS DE L’OCDE ET DU G20 © OCDE 2013
423
9.
PANORAMA DES PENSIONS 2013 : DESCRIPTIFS PAYS – SUISSE
En 2012, elles étaient plafonnées à 6 682 CHF par an pour les salariés et à 33 408 CHF par an
pour les travailleurs indépendants. Il est possible de cotiser pendant cinq années
supplémentaires au maximum après l’âge normal de la retraite. Les prestations ne peuvent
être perçues que cinq ans avant l’âge de la retraite au plus tôt. Elles sont imposables au titre
de l’impôt sur le revenu.
Variantes de carrière
Retraite anticipée
Dans le régime public, le départ en retraite anticipée est possible deux ans avant l’âge
normal de la retraite, c’est-à-dire à 63 ans pour les hommes et 62 ans pour les femmes.
Pour chaque année d’anticipation, la pension à taux plein subit une décote de 6.8 %. Cette
décote est équivalente à un ajustement actuariel de 4.5 % au titre de chaque année
supplémentaire de versement des prestations et de 2.3 % au titre de chaque année de
cotisation manquante, selon les hypothèses de modélisation de l’OCDE.
Pour les femmes nées entre 1939 et 1947, les prestations ne sont minorées que de 3.4 %
par an, l’objectif étant d’atténuer les effets du relèvement de l’âge de la retraite des
femmes (passé à 63 ans en 2001 et 64 ans en 2005).
Les régimes de prévoyance professionnelle autorisent les départs anticipés à partir de
58 ans. Il appartient aux caisses de retraite de définir les conditions dans lesquelles ce
départ anticipé s’effectue. En règle générale, le taux de conversion appliqué à l’avoir du
salarié pour calculer le montant de la rente annuelle est minoré de 0.15 à 0.20 point de
pourcentage par année d’anticipation. Cette réduction de 0.2 point équivaut à un
ajustement actuariel, selon la mesure classique, de 2.95 % par année d’anticipation
(augmentant avec le nombre d’années d’anticipation). Si l’on tient compte également de la
perte de cotisations et de bonifications de vieillesse qu’entraîne le départ anticipé à la
retraite, la réduction de la prestation théorique est comprise entre 7.1 % (pour un an
d’anticipation) et 6.35 % (pour cinq ans) par année d’anticipation.
Il est possible, dans une certaine mesure, de percevoir des prestations de retraite
anticipée tout en continuant d’exercer une activité professionnelle rémunérée.
Retraite différée
La retraite du régime public et les retraites professionnelles peuvent être différées audelà de l’âge normal de la retraite. La retraite du régime public peut être différée de cinq
ans au maximum. Elle est alors majorée comme suit :
Report
Ajustement (%)
1 an
2 ans
3 ans
4 ans
5 ans
5.2
10.8
17.1
24.0
31.5
Les hommes qui travaillent au-delà de 65 ans et les femmes qui travaillent au-delà de
64 ans n’acquittent pas de cotisations si leur rémunération est inférieure à 16 800 CHF par
an. Pour les salaires supérieurs à ce niveau, la cotisation est prélevée en cas de report de la
pension ou en cas de cumul de la retraite et d’un emploi, mais aucun droit supplémentaire
à pension ne peut être acquis.
La pension servie par les régimes professionnels peut être reportée jusqu’à 70 ans
selon des modalités définies par les caisses de retraite. En règle générale, le taux de
424
PANORAMA DES PENSIONS 2013 : LES INDICATEURS DE L’OCDE ET DU G20 © OCDE 2013
9.
PANORAMA DES PENSIONS 2013 : DESCRIPTIFS PAYS – SUISSE
conversion est majoré de 0.2 point par année de report conformément à une
recommandation de l’Office fédéral des assurances sociales (les caisses de retraite fixent
librement le montant de cette majoration).
En principe, il est possible de cumuler une retraite professionnelle et un emploi. Dans
la pratique, le cumul concerne principalement les personnes qui n’ont pas effectué une
carrière complète ou qui ont pris une retraite non pas différée, mais anticipée. En
conséquence, la modélisation suppose que les personnes qui continuent de travailler audelà de l’âge normal de la retraite reportent la liquidation de leur retraite professionnelle.
Après 65 ans, on cesse de cotiser au régime public.
Enfants
Dans le régime public, les années consacrées à l’éducation d’enfants (de moins de
16 ans) sont validées comme si la rémunération avait été égale à trois fois la pension
minimum de l’année au cours de laquelle le parent part à la retraite. Pour 2012, cette
pension était de 41 760 CHF, soit 48 % du salaire moyen national. Si le parent est marié
durant la période considérée, la majoration est répartie à parts égales entre les conjoints
ou partenaires d’une union enregistrée.
L’octroi de périodes validées en lien avec l’éducation des enfants n’est pas imposé
dans les régimes professionnels.
Prise en charge de proches
La prise en charge de proches (jeunes ou âgés) qui ont besoin d’aide donne lieu à
l’attribution de bonifications pour tâches d’assistance. Cette bonification, qui n’est pas
cumulable avec celle accordée au titre de l’éducation des enfants, correspond à trois fois le
montantannuel de la pension de vieillesse minimum. Les bonifications acquises par une
personne mariée (ou vivant avec un partenaire dans le cadre d’une union enregistrée) sont
partagées en parts égales entre les conjoints.
Les régimes professionnels ne sont pas tenus de proposer ces bonifications.
Chômage
Les allocations chômage sont assujetties au paiement de cotisations de sécurité
sociale et sont donc comptabilisées comme des salaires pour le calcul de la pension
publique. L’assurance chômage verse 80 % du salaire antérieur. Les personnes sans enfant
à charge qui perçoivent une indemnité journalière totale supérieure à 140 CHF et les
personnes qui ne souffrent pas d’un handicap perçoivent 70 % du salaire assuré. La durée
d’indemnisation par l’assurance chômage varie entre 90 et 640 jours. Un chômeur en fin de
droits qui relève de l’aide sociale n’a pas de cotisations à payer. Si son revenu est très bas,
ce sont bien souvent les autorités municipales qui paient la cotisation minimum.
Les chômeurs qui perçoivent des indemnités journalières de chômage sont tenus de
rester affilier à l’assurance décès et invalidité dans le cadre des régimes professionnels. Ils
ne sont en revanche pas tenus d’acquitter des cotisations de vieillesse. Ils peuvent
cependant acquitter ces cotisations s’ils le souhaitent (parts patronale et salariale).
Les indemnités journalières versées en cas de maladie ou d’accident sont soumises
aux cotisations de la même manière.
PANORAMA DES PENSIONS 2013 : LES INDICATEURS DE L’OCDE ET DU G20 © OCDE 2013
425
9.
| 27,031
|
12/tel.archives-ouvertes.fr-tel-00392209-document.txt_4
|
French-Science-Pile
|
Open Science
|
Various open science
| null |
None
|
None
|
French
|
Spoken
| 6,271
| 11,432
|
188 fig. 2 Façade postérieure, entrée et clocher 189 1994 Lambersart Saint-Sépulcre
Adresse : Canteleu Maître d'oeuvre : François Penet
Maître d'ouvrage : association paroissiale « La Canteleusienne » Financement : commune
Date début des travaux : 1993
Date fin des travaux : 1994 Matériaux : Gros oeuvre : brique Couverture : ardoise Plan : rectangulaire Couverture : pans et terrasse
Décor
particulier
:
mobilier
de
l'ancienne
église
Archives
: AHDL 6 L
164 Historique : La démolition de l'église Saint-Sépulcre de 1866 en train de s'effondrer est votée par le conseil municipal en décembre 1992. Seul le clocher est sauvegardé. Le nouvel édifice s'intègre dans un projet de rénovation du quartier comprenant des logements et un domicile collectif pour personnes âgées. fig.1 Vue extérieure, façade principale fig. 2 Vue extérieure, ancien clocher 190 fig. 3 Extrait du plan cadastral 328.AV.1331 fig. 4 Ancienne église (photo Nord Eclair 07-03-92)
191 1965 Lambres-lez-Douai Saint-Sarre Adresse : rue Jean Jaurès Maître d'oeuvre : Aimé Rondeau
Maître d'ouvrage : commune Financement : dommages de guerre Date
dé
but des
trav
aux
:
1963 Date fin des travaux : 1965 Matériaux : Gros oeuvre : ossature en béton armé. Murs de brique recouverts d'une mosaïque rose. Couverture : feuilles de cuivre Plan : rectang
ulaire
Couverture : deux pans à pente douce Décor particulier : Christ en croix en mosaïque vénitienne et
mosaï
que
en façade de Robert Bou
quillo
n
. Vitrerie
d
'
art de A. Lemoine de Douai. Archives :
AD Cambrai CAS ; AM Lambres
-lez-
Douai Historique : L'ancienne église de 1825 est détruite par bombardement aérien en août 1944. Dès 1954, Aimé Rondeau soumet un avant-projet. Mais la situation tarde à se débloquer. Un baraquement tient lieu d'église pendant 20 ans. L'église actuelle est de plan rectangulaire. Le clocher implanté à gauche de l'entrée domine le baptistère, relié à l'église par un couloir. fig. 2 Projet, vue perspective intérieure oct. 1955 (AD Cambrai CAS) 192 fig. 4 Projet, élévation oct. 1955 (AD Cambrai CAS) fig. 3 Plan de situation oct. 1955 (AD Cambrai CAS) fig. 5 Élévation 01-03-66 (AM Lambres Dossier lotissement) fig. 6 Extrait du plan cadastral AE 64 fig. 8 Ancienne église (photo AM Lambres) Fig. 7 Avant-projet d'abords, plan 17-05-65 (AM Lambres Dossier lotissement)
193 1961 Landrethun-le-Nord Saint-Martin Adresse : RD 231 Maître d'oeuvre : Joseph Philippe
Maître d'ouvrage : commune Financement : dommages de guerre Date début des travaux : 1958 (avant-projet en 1955) Date fin des travaux : 1961 Matériaux : briques, charpente fer et bois Couverture : ardoise
Plan :
rect
ang
ulaire
Couverture
:
double pan Bibliographie : « Répertoire des églises nouvelles de France », Art chrétien, n° 2728, 1962 Archives : AM : délibérations du conseil municipal, adjudication des travaux, plan topographique, dommages de guerre, correspondance diverse. Historique : L'ancienne église datant du début du XVIIIe siècle, détruite par bombardement pendant la seconde guerre mondiale, se trouvait dans le cimetière. A la Reconstruction, l'architecte, sur proposition de l'architecte diocésain, l'abbé Fernand Pentel, détermine un nouvel emplacement en bordure du cimetière, surélevé par rapport à la route. L'église est à vaisseau unique, un clocher est greffé à l'un des angles de la façade. fig.1 Vue extérieure 194 fig. 3 Plan 01-08-55 (AM Landrethun) fig. 2 Coupe transversale 06-08-56 (AM Landrethun) fig. 4 Extrait du plan cadastral AB 22 195 1968 Leffrinckoucke Jésus
vrier Adresse : Cité Firminy, rue Roger Salengro Maître d'oeuvre : Marcel Sézille, ingénieur béton armé : M. Bergeaux
Maître d'ouvrage : commune Financement : dommages de guerre
Date début des
trav
aux :
1966 Date fin
des
travaux
:
1968 Matériaux : Gros oeuvre : béton armé, charpente en bois lamellé-collé Couverture : multicouches
Plan : rectangulaire Couverture : pan unique Décor particulier : sculptures, chemin de croix en cuivre martelé, tapisserie, vitraux de l'entreprise
Claude Blanchet Archives : 6 L 171, 171
Historique : Les dommages de guerre revenant à l'église du centre village sont transférés à cette construction dans un quartier industriel en pleine expansion destinée à devenir le lieu de culte principal. L'église est orientée nord-sud. Les façades d'éclairement se trouvent à l'est et à l'ouest. L'édifice peut accueillir 400 personnes. Il comprend, du nord au sud : un porche couvert, une chapelle des morts reliée à l'église par une cloison mobile, une entrée comportant le baptistère, la nef, la sacristie. L'autel du Saint-Sacrement se trouve dans l'axe longitudinal du déambulatoire. Une salle de catéchisme et un bureau sont contigus au choeur. fig. 1 Vue extérieure, façade principale fig. 2 Vue extérieure, façade occidentale 196 fig. 3 Vue extérieure, façade postérieure fig. 4 Plan masse 15-02-67 (AHDL 6 L 171) fig. 5 Maquette mars 1960 (photo AHDL 32 N 171) 197 1982
Leffrinckoucke Sainte-Catherine Adresse : Leffrinckoucke village, rue du 2 juin 1940
Maître d'oeuvre : Maître d'ouvrage : commune
Financement :
d
ommage
s
de guerre Date début
des travaux
:
Date fin des travaux : 1982 Matériaux : Gros oeuvre : soubassement de brique, béton Couverture : fibro-ciment
Plan : rect
ang
ulaire Couverture :
pan unique Archives : AHDL 6 L 172, AM Historique : La commune de Leffrinckoucke comporte trois secteurs distincts : village, gare, plage. De l'église communale au milieu du cimetière du secteur village, il ne reste rien après la seconde Guerre mondiale. La municipalité décide, avec l'accord de l'évêché, d'édifier une église et un presbytère dans le secteur central de la plage, le diocèse réalisant à sa diligence une chapelle dans le secteur village. Les dommages de guerre afférant à l'église sont donc transférés à un nouveau lieu de culte proche des usines de Firminy, en pleine expansion. En revanche, les dommages de guerre afférant à l'ancienne chapelle de Firminy ainsi que ceux concernant le mobilier de la chapelle Notre-Dame-dela-Mer sont transférés à l'église du centre du village. La construction d'un lieu de culte restreint est confiée dans le secteur village à l'architecte communal Marcel Sézille mais c'est une chapelle provisoire en bois qui est finalement édifiée. Elle est remplacée par un bâtiment préfabriqué en 1982. Ce dernier est détruit en pour laisser place à une école. Une chapelle votive est installée à l'emplacement de l'ancienne chapelle en 1997. fig. 1 Vue extérieure 1982 (photo AHDL 32 N 172) 198 fig. 2 Projet de Marcel Sézille, vue perspective [mai 1959] (AHDL 6 L 172) fig. 3 Projet de Marcel Sézille, entrée [mai 1959] (AHDL 6 L 172) fig. 5 Ancienne église (photo Bulletin municipal de Leffrinckoucke, 4ème trimestre 1997, n° 45, p. 4) fig. 4 Projet de Marcel Sézille, plan [mai 1959] (AHDL 6 L 172)
199 1954 Lens Notre-Dame-de-Boulogne Adresse : rue Prosper Mérimée Maître d'oeuvre : Fernand Pentel
Maître d'ouvrage : association diocésaine d'Arras Financement : évêché
d'Arras
Date début des travaux : 1950
Date fin des travaux : 1954 Matériaux : béton armé, dalles ciment Couverture : tôles Fibrociment
Plan : rectangulaire Couverture :
pan unique
Bibliographie : « Répertoire des églises nouvelles de France », Art chrétien, 1962, n° 27-28. Archives : Service immobilier de l'évêché d'Arras IM 258
Historique : En 1949, l'association diocésaine d'Arras achète un terrain aux Houillères à Lens pour y construire une église. L'abbé et architecte Fernand Pentel est chargé du projet. Il construit une église halle formée d'une unique nef couverte d'un pan incliné. Elle est largement éclairée par les verrières orientées sud-ouest. L'ensemble des bâtiments forme un plan en L depuis l'adjonction en 1959 d'une salle de catéchisme, d'une sacristie et d'un logement à l'étage. 200 fig. 2 Plan masse extrait du plan cadastral (IM 258) 201 1993
Lens Sainte-Barbe Adresse : rue Saint-Valentin Maître d'oeuvre : William Twitchett
Maître d'ouvrage : association diocésaine d'Arras Financement : évêché d'Arras
Date début des travaux : 1991 Date fin des travaux : 1993 Matéria
ux
:
briques
Couverture : tuiles Plan : rectangulaire Couverture : à double pente Décor particulier : verrière d'Emmanuelle Tauss. Clocher en tube d'acier. Archives : Service immobilier de l'évêché : permis de construire du 09-09-91 ;
C
DAS
Historique : L'ancienne église Sainte-Barbe devant être démolie pour cause de vétusté, l'association diocésaine décide de la remplacer à peu de frais. L'architecte du diocèse se charge de l'aménagement d'un ancien ouvroir d'une cité minière. Il devient donc le lieu de culte principal pour le quartier de la Fosse 4. fig. 1Vue extérieure (Photo CDAS) fig. 2 Vue intérieure (photo CDAS) 202 fig. 3 Maquette (photo CDAS) 203 1967 Lens Sainte-Élisabeth
Adresse : route de Béthune Maître d'oeuvre : Jacques Durand. Ingénieur : Andrzej Kulesza. Maître d'ouvrage : association diocésaine d'Arras Financement : comité paroissial de Sainte-Élisabeth
Date début des travaux :
1965
Date fin des travaux : 1967 Matériaux : Charpente et ossature métallique. Elévation en briques pleines. Revêtement intérieur des murs en lames de bois exotique rainées. Couverture : tôles d'acier galvanisé. Revêtement intérieur de la couverture en lames de pin. Plan : rectangulaire Couverture : long pan Décor particulier : Vitraux de M. Blachet
Bibliographie : ouvrage en
polo
nais sur la réalisation de l'église, Ateliers de l'imprimerie M. Kwiatkowski & Cie, Lens. Archives : Service immobilier de l'évêché : permis de construire du 27-10-65
Historique : L'église est édifiée dans la paroisse Sainte-Élisabeth pour remplacer une chapelle provisoire. Le terrain est acheté au groupe de Lens des Houillères du Pas-de-Calais. Cette église de 400 places est spécialement ouverte aux immigrés polonais de la région de Lens. fig. 2 Plan [s.d.] (Service immobilier de l'évêché) fig. 3 Maquette (photo Service immobilier du diocèse)
205 1956 Lens Sainte-Thérèse Adresse : rue de La Bassée, fosse 14 Maître d'oeuvre : Fernand Pentel?
Maître d'ouvrage : association diocésaine d'Arras Financement : évêché d'Arras
Date dé
but des travaux
: 1955
Date fin des travaux : 1956 Matériaux : brique, béton armé Couverture : tôles Fibrociment
Plan :
rectangulaire Couverture : pan unique à faible pente
Archives : Service immobilier de l'évêché : permis de construire, certificat de conform
ité Historique : Sainte-Thérèse est une petite église à nef unique située dans une cité minière. A l'origine, en 1925, une chapelle avait été aménagée dans l'une des classes de l'école Sainte-Thérèse, louée à l'association diocésaine, pour les habitants de la Cité 14. Quand le bail n'a plus été renouvelé, l'association diocésaine a acquis un terrain des Houillères route de La Bassée pour y construire de lieu de culte. 206 fig. 2 Plan [s.d.] (Service immobilier de l'évêché) 207 1962
Lens Saint-Vulgan Adresse : route de Lille Maître d'oeuvre : Fernand Pentel Maître d'ouvrage : association diocésaine d'Arras
Financement : dons, souscription
s
Date
dé
but
des travaux : 1961
Date fin des travaux : 1962 Matériaux : briques, béton Couverture : voile de béton
Plan : circula
ire
Couverture : coupole
Décor particulier : vitraux du Père Cholewka de l'abbaye Saint-Paul de Wisques. Bibliographie : Structures, art chrétien, « Les nouvelles églises du diocèse d'Arras », juin 1966, n° 11, p. 28-30. « Répertoire des églises nouvelles de France », Art chrétien, 1962, n° 27-28. Élisabeth Dubois, Thérèse Lefebvre, « Églises et chapelles des compagnies houillères en Artois », Les dossiers de Gauheria, 2000, n° 6, p. 149-150.
Historique: La chapelle Notre-Dame-des-Mines, construite par la Société des Mines de Lens en 1921, desservait la cité n° 2. Devenue trop petite, elle fut remplacée par un nouvel édifice inauguré en 1962, dédié à Saint-Vulgan. L'église conçue par Fernand Pentel est un cylindre en briques couvert par une coupole en voile de béton. L'église est éclairée par une bande circulaire de vitraux en verre éclaté, courant sous la base du toit. À l'arrière de l'église se trouve la chapelle de semaine qui peut s'ouvrir sur l'autel principal. De part et d'autre de cette chapelle sont situées deux salles de catéchisme et la sacristie. fig. 2 Vue intérieure(photo Structures, art chrétien, juin 1966, n° 11, p. 30) fig. 1 Vue extérieure (photo Structures, art chrétien, juin 1966, n° 11, p. 30) 208 fig. 3 Plan (photo Structures, art chrétien, juin 1966, n° 11, p. 28) fig. 4 Extrait du plan cadastral feuille 6 209 1962
Leval Saint-Saulve Adresse : rue Marcel Ringeval Maître d'oeuvre : Fernand Dumont
Maître d'ouvrage : commune Financement : dommages de guerre
Date début
des travaux
:
1959 Date fin des travaux
: 1962 Matériaux : Gros oeuvre : brique, béton, béton armé Couverture : tuiles de Beauvais, zinc
Plan :
rectangulaire Plan de Couverture : deux pans et terrasse Décor particulier : vitraux de Largillier
2.
Historique : L'église déjà reconstruite après la Première Guerre mondiale en 1922 est bombardée en 1944. L'église actuelle, de l'architecte Fernand Dumont, est située sur le même emplacement que l'ancienne. Il conçoit plusieurs projets refusés par la commission d'art sacré et l'architecte-conseil du MRU, Paul Koch. Il dessine au final un édifice au plan simple et fonctionnel et aux lignes plus sobres. L'église comprend une grande nef de 600 places en forme de coque de navire retourné, une tour carrée d'une hauteur de 22 m. L'abside plus étroite que la nef est éclairée par de hautes verrières. Au chevet est accolée une construction basse couverte d'un toit terrasse abritant les salles et les sacristies. fig.1 Vue extérieure, façade principale fig.2 Vue extérieure, façade latérale 210 fig. 4 Plan [s.d.] (AD Cambrai 7 L 2.244) fig.3 Façade latérale (AD Cambrai 7 L 2.244) fig. 4 Projet, façade 15-11-55 (AD Cambrai CAS) fig. 5 Projet, façade latérale 15-11-55 (AD Cambrai CAS) fig. 6 Projet, plan 15-11-55 (AD Cambrai CAS) fig. 7 Ancienne église (photo AD Cambrai)
211 1961 Libercourt Saint-Henri Adresse : quartier de la Fosse 5, Boulevard Faidherbe Maître d'oeuvre : Jean-Frédéric Battut, Robert Warnesson
Maître d'ouvrage : association diocésaine d'Arras Financement : évêché d'Arras, paroisse Date
dé
but des
travaux
:
1960
Date fin des travaux : 1961 Matériaux : briques, béton armé Couverture : ardoises bleues en fibrociment Plan : polygonal Couverture : en triangles opposés
Décor particulier : vitraux de Blanchet. Bibliographie : « Répertoire des églises nouvelles de France », Art chrétien, 1962, n° 27-28. Élisabeth Dubois, Thérèse Lefebvre, « Églises et chapelles des compagnies houillères en Artois », Les dossiers de Gauheria, 2000, n° 6, p. 169-171. Archives : AD Nord 70 J 86-87 : fonds Battut-Warnesson
Historique : Une chapelle est ouverte au culte en 1923 au milieu des cités de la Compagnie des mines d'Ostricourt. En 1942, une nouvelle paroisse est érigée. En 1957, les Houillères vendent à l'association diocésaine un terrain destiné à l'édification d'un vaste ensemble paroissial. Cette église originale fait donc partie d'un programme composé de plusieurs édifices répartis sur un terrain boisé. L'église se distingue des autres bâ par son architecture caractéristique et son emplacement à l'angle du terrain, au confluent de deux voies de passage. Un clocher-signal indique la présence du lieu de culte. L'architecture de l'église est une adaptation de celle du pavillon anglais de l'Exposition Universelle de Bruxelles de 1958. fig.1 Vue extérieure 212 fig. 2 Extrait du plan cadastral AL 208
213 1955 Liévin Notre-Dame-de-
L
ourdes
Adresse : Rue de la liberté, fosse 16, lieu-dit « La Plaine »
Maître d'oeuvre : réalisation artisanale Maître d'ouvrage : paroisse Financement : collecte
Date début des travaux : 1954 Date fin des travaux : 1955
Matériaux : briques Couverture : tôle
ondulée
Plan : rectangulaire Couverture : double pan
Bibliographie : Jean-Pierre Roger, Liévin. - 3000 ; + 2000, de la pierre polie à nos jours, Imprimerie artésienne, Liévin, 1970, p. 115. Élisabeth Dubois, Thérèse Lefebvre, « Églises et chapelles des compagnies houillères en Artois », Les dossiers de Gauheria, 2000, n° 6, p. 172. Archives : Service immobilier du diocèse IM 274
Historique : Ce modeste édifice a été construit uniquement avec les fonds et le travail des paroissiens de Liévin, notamment les mineurs de la cité 16. C'est un édifice, modeste par sa taille et ses matériaux. fig. 2 Plan masse [s.d.] (SI Arras IM 274) fig.3 Extrait du plan cadastral AX 16 1980 é
eur Adresse : rue Émile Zola, lieu-dit « Au-dessus la rue Pasteur » Maître d'oeuvre : André Évard
Maître d'ouvrage : commune Financement : commune, dons
Date début
des travaux
:
1979
Date fin des travaux : 1980 Matériaux : maçonnerie de briques pleines, charpente lamellée collée Couverture : bardeaux d'asphalte Plan : hexagonal Couverture : six pans à très forte pente
Bibliographie : Élisabeth Dubois, Thérèse Lefebvre, « Églises et chapelles des compagnies houillères en Artois », Les dossiers de Gauheria, 2000, n° 6, p. 179181. Franck Debié, Pierre Vérot, Urbanisme et art sacré, Paris, Critérion, 1991, p. 189. Archives : AM : permis de construire, plans, déclaration d'achèvement des travaux
;
SI Arras Historique : Pour desservir les corons situés entre Bully-Grenay et Liévin, une première chapelle est édifiée en 1912. Après sa destruction pendant la Première Guerre mondiale, une seconde chapelle est reconstruite en 1924. Cette dernière, dont l'ossature en béton est dangereusement fissuré, est démolie en 1979. L'église actuelle s'inscrit dans un plan hexagonal. L'autel, au centre, fait face aux bancs de prière distribués en hémicycle. La seconde moitié du bâtiment, séparée du reste par des cloisons coulissantes, est réservée aux salles de catéchisme et à la sacristie. La forme de l'édifice est celle d'une tente. A l'origine, le toit d'ardoise ne couvrait qu'une partie de la hauteur de la charpente en bois. En 1993, pour remédier à problèmes de fuites, il a été rehaussé. fig.2 Vue intérieure. fig. 4 Élévation [s.d.] (SI Arras) fig.3 Plan [s.d.] (SI Arras) fig. 5 Extrait du plan cadastral AE 1001 217 1994
Lille La Passerelle Adresse : Centre d'affaires Euralille Maître d'oeuvre : Patrice de Willencourt
Maître d'ouvrage : association diocésaine Financement : évêché de Lille, société immobilière du triangle des gares Date début des travaux : Date fin des travaux : 1994 Matériaux : Gros oeuvre : Plan : rectangulaire Décor particulier : vitraux de Luc Six Archives : AHDL, Archives service immobilier diocèse Lille Historique : Baptisé « lieu de silence et d'écoute », ce lieu oecuménique est installé dans un local d'Euralille dans les conditions d'un bail gratuit avec la société du centre commercial. L'aménagement est de la responsabilité du bailleur, l'association diocésaine. Envisagé comme « un lieu de silence et de recueillement ouvert à tous, beau, paisible, oasis de calme au milieu du brouhaha », la surface brute est aménagée en deux espaces : un hall d'accueil et un espace de recueillement. fig.1 Vue intérieure, espace d'accueil fig. 2 Vue intérieure, espace de recueillement 218 fig.3 Vue générale du triangle des gares à Lille (le centre commercial est situé au-delà des voies de chemin de fer) fig.4 Plan de la surface brute 11-05-94 (SI évêché Lille) fig. 5 Schéma d'organisation commerciale, plan 30-03-92 (SI évêché Lille) 219 1999
Lille Notre-Dame-de-la-Treille Adresse : place Gilleson Maître d'oeuvre : Pierre-Louis Carlier
Maître d'ouvrage : association diocésaine Financement : évêché de Lille, souscription
s
Date
début des travaux
: Date
fin
des travaux : 1999 Matériaux : Gros oeuvre de la façade : plaques de marbre, tirants métalliques Couverture : ardoises
Plan :
rectangulaire Couverture : deux pans Décor particulier
:
vitrail de Ladislas Kijno, portail de Georges Janclos
Bibliographie : Frédéric Vienne (dir.), Notre-Dame de la Treille. Du rêve à la réalité, histoire de la cathédrale de Lille, Marseille, Yris, 2002, 312 p. Archives : AHDL 5 R
1940 à 1954 Description : La construction de la cathédrale de Lille a débuté au XIXe siècle pour s'achever avec le chantier de la façade à noël 1999. À partir de 1984, le conseil épiscopal envisage l'achèvement de la construction par la façade, qui n'était alors que provisoire. Il étudie plusieurs projets, allant d'une façade transparente à une aile de bureaux. Pierre-Louis Carlier est enfin désigné pour mener à bien le projet. Un voile de marbre translucide, une rosace en verre thermoformé et un portail en bronze constituent la nouvelle façade. fig.2 Vue intérieure, portail fig.1 Vue extérieure, parvis 220 fig.3 extrait du plan cadastral
KZ 187 221 1960 Lille Saint-Curé-d'Ars Adresse : Quartier du faubourg de Béthune, boulevard de Metz Maître d'oeuvre : AAA : Ludwik Peretz, Maurice Salembier
Maître d'ouvrage : CDL Financement : évêché de Lille, souscriptions
Date dé
but
des travaux : 1960
Date fin des travaux : 1960 Matériaux : Gros oeuvre : briques, béton, flèche de métal Couverture : ardoise
Plan :
rectangulaire Couverture : deux pans
à faible pente Déc
or
particulier
:
vitrail
du baptistère de Claude Blanchet, vitraux de l'Atelier monastique de Saint-Benoît-sur-Loire
. Bibliographie : Bulletin des Chantiers du Diocèse de Lille, n°6, nov. 1961, p. 2. « Répertoire des églises nouvelles de France », Art chrétien, 1962, n° 27-28. Art chrétien, n° 21-22, p. 48-49. Jean Capellades, Guide des églises nouvelles en France, Paris, Le Cerf, 1969. Archives : AHDL 4 C 189, 5 C 189, 32 N 189, Cartons CDAS, P 147 ; IFA DAU 176/3
Historique : La première église édifiée par les Chantiers du diocèse de Lille est située dans un quartier d'immeubles des années 1950. L'édifice, de plan rectangulaire, est sur deux étages. Des salles d'oeuvre sont situées sous l'église qui est légèrement surélevée. La nef peut accueillir 600 personnes. L'éclairage est zénithal sur l'autel, latéral dans la nef. Le plafond est en bois. Le baptistère est placé à droite de l'autel. Quatre colonnes, au centre du choeur, supportent un clocher très aérien tubes d'acier métallisé et servent d'appui au dais très lumineux qui surplombe l'autel. Désacralisée en 1983, l'église dont on a supprimé le clocher est maintenant une maison de quartier. fig.1 Vue extérieure, façade latérale fig.2 Vue intérieure (photo IFA DAU 176/3) 222 fig. 3 Vue extérieure, façade sur le boulevard fig. 4 clocher (photo IFA DAU 176/3) fig. 5 Vue extérieure, adjonction de bureaux pour la maison de quartier fig. 6 Extrait du plan cadastral de 1981 section MV 111 223
1959 Lille Saint-Louis Adresse : Fives, rue Broca Maître d'oeuvre : Henri Baselis, Gérard Delétang
Maître d'ouvrage
: commune
Financement : dommages de guerre Date début des travaux : 1957 Date fin des travaux : 1959 Matériaux : Gros
oeuvre
: brique, béton armé
Couverture :
tu
iles Plan : rectangulaire Couverture : deux pans Décor particulier : vitraux de Largillier Archives : AHDL 4 F 192, 62 G 192, 6 L 192, 7 L 192
Historique : L'ancienne église datant de la fin du XIXe siècle est détruite par bombardement en 1944. Le nouvel édifice présente une ossature en béton armé, un parement en brique. Il comprend la nef principale, sans aucune colonne intermédiaire, pouvant accueillir 700 personnes, un vaste choeur, deux nefs latérales. Le clocher carré jouxte le choeur. fig.1 Vue extérieure, façade principale fig. 2 Vue extérieure, façade postérieure 224 fig.3 Élévation (Nord Eclair 05-08-56) fig. 4 Projet, élévation (Le journal de Lille et de la région lilloise 06-10-54) fig. 5 Extrait du plan cadastral section XD
36 225 1953 Lille Saint-Sacrement Adresse : Fives, rue Decarnin Maître d'oeuvre : Gustave Gruson
Maître d'ouvrage : association diocésaine de Lille Financement : dommages de guerre, collecte de fonds
Date début
des travaux : 1950 Date fin des travaux : 1953 Matériaux : Gros oeuvre : brique, béton armé Couverture : tuiles vernissées, zinc
Plan : carré
Couverture : quatre pans et terrasse Déc
or
particulier :
Christ en bois
de
tilleul
du sculpteur lillois
Er
ny
Archives : AHDL 6 L 201, 7 L 201, 32 N 201, P 201, 1 D
Flipo Pierre Historique: L'ancienne église, construite par le curé d'une paroisse voisine après la Première Guerre mondiale et donnée à l'association diocésaine en 1926 est détruite par bombardement en 1944. Le nouvel édifice en brique et béton comprend un sanctuaire, éclairé par de grandes verrières colorées sur ses trois façades principale et latérales, et plusieurs salles de plus faible hauteur qui ceinturent ce sanctuaire. Le clocher de plan carré est implanté à un angle de la construction. Le plan a été conçu à partir des données du curé Pierre Flipo, qui au cours de ses voyages en Suisse et aux États-Unis pour collecter des fonds a repéré plusieurs éléments de l'église Saint-Antoine de Bâle, de l'église d'Aaran en Suisse (vitraux) ou encore de la gare de Washington (alvéoles avec lumières incandescentes). fig.1 Vue extérieure 226 fig. 2 Timbre édité pour l'appel à souscription (AHDL 7 L 201) fig.4 L'église en chantier (photo AHDL 32 N 201) fig.3 Maquette photo AHDL 7 L 201) fig.5 Ancienne église en ruine (photo AHDL 32 N 201) fig. 6 Extrait du plan cadastral section BV
239 227 1982
Lille Saint-Vincent-de-Paul Adresse : Moulins, cité Kellermann, rue Buffon, rue de Mulhouse Maître d'oeuvre : Bernard Reichen et Michel Robert
Maître d'ouvrage : commune Financement : commune, évêché de Lille
Date dé
but des travaux : 1980 Date fin des travaux : 1982 Matériaux : Gros oeuvre : brique Couverture : Plan : rectangulaire Décor particulier : vitraux de Luc Six Archives : AHDL 4 F 200, 32 N 200, 6 L 200, 62 G 200, Dossier CDAS Historique : L'église Saint-Vincent de Paul, édifiée en 1838-41 par l'architecte lillois Charles Benvignat, devant être démolie, le diocèse décide d'aménager un lieu de culte dans les anciennes usines Le Blan en cours de reconversion. Les bancs en arc de cercle autour de l'autel éclairé par la lumière des vitraux peuvent recevoir 200 personnes. Les locaux comptent en plus une petite chapelle de semaine, une salle de réunion, un bureau et une salle mortuaire. Quelques éléments du mobilier de l'ancienne église ont été remployés. fig.2 Vue intérieure (photo Nord Eclair 03-08-82) fig.1 Vue extérieure, l'usine Le Blan reconvertie 228 fig.3 Vue extérieure, entrée de la chapelle fig.4 Ancienne église (photo Nord Eclair 03-08-82) fig. 5 Extrait du plan cadastral section MO 229 1958 Lillers
Notre
-Dame
-de-la-Paix
Adresse : hameau de Rieux Maître d'oeuvre : Petitjean
Maître d'ouvrage : conseil paroissial Financement : dons, souscriptions
Date début
des travaux : 1957
Date fin des travaux : 1958 Matériaux : brique Couverture : tôles fibrociment
Plan : rectangulaire Couverture : double pan
Décor particulier : statue de
Notre-Dame
de
la P
aix,
don d'un
artiste
portugais de Lill
ers
Bibliographie : L'Écho paroissial de Lillers, mai 1957 à juin 1958. Gaquère (F.), Le chanoine Campagne (1896-1958), Éd. des oeuvres missionnaires, Arras, 1973, p 112-131.
Historique : Cette petite église est construite dans un hameau de Lillers sous l'impulsion du curé de la paroisse. C'est un édifice de plan traditionnel, élevé en brique par la main-d'oeuvre locale. Le clocher est bâti hors oeuvre. 230 231 1980 Lomme Saint-Christophe Adresse : Cité des cheminots, rue Élie Petitprez Maître d'oeuvre : Maurice Salembier
Maître d'ouvrage : association diocésaine de Lille Financement : assurance, souscription
Date début des travaux : 1979 Date fin des
trav
aux
: 1980 Matériaux : Gros oeuvre : brique, charpente bois Couverture : tuile
Plan :
rectangulaire
C
ouverture : longs pans
Archives : AHDL 6 L 207, 32 N 207, Carton CDAS
Historique : Une église est bâtie en 1931 dans un quartier né autour des rails au lendemain de la Première Guerre mondiale. Un incendie l'anéantit en 1977. Le nouvel édifice est reconstruit au même endroit. Maurice Salembier conçoit une église accueillante, dont l'aménagement permet de rassembler les fidèles autour de l'autel. L'autel est en effet situé au milieu d'un grand côté de la nef de plan rectangulaire et les bancs sont disposés en arc de cercle. Le bâtiment comprend en outre une salle de réunion et un narthex pouvant abriter des gens en cas d'affluence. fig.4 Vue extérieure, façade postérieure fig.3 Autel fig.5 Extrait du plan cadastral B4
262 233 1964 Lomme Saint-Pierre Adresse : Mitterie, rue Danton Maître d'oeuvre : AAA : Ludwik Peretz
Maître d'ouvrage : CDL Financement : souscriptions
Date début des travaux : 1963 Date fin
des travaux
:
1964 Matériaux : Gros oeuvre
: Couverture
: Plan : rectangulaire Couverture : terrasse
Bibliographie : Bulletin des Chantiers du Diocèse de Lille, nov. 1963, n° 8, p. 14 ; nov. 1964, n° 9, p. 13. Archives : AHDL carton CDAS
Historique: La chapelle Saint-Pierre est conçue comme chapelle provisoire en dur dans l'attente d'un projet d'église définitive. C'est un bâtiment de plan rectangulaire pouvant être coupé en plusieurs sections grâce à des cloisons mobiles. À l'extérieur un petit cloître permet la circulation entre les différentes parties à l'abri des intempéries. Dans la partie réservée à l'autel l'utilisation du bois, dans sa couleur naturelle, a permis un effet décoratif sobre. Trois églises provisoires de ce type ont été construites à Armentières, Lomme et Saint-André. La chapelle Saint-Pierre a été achetée dans les années 1990 par un particulier et transformée en deux appartements. fig.2 Projet, plan [s.d.] (AHDL Carton CDAS) fig.3 Plan masse de l'ensemble cultuel projeté janv. 1963 (AHDL Carton CDAS) fig.4 Maquette (photo Bulletin des CDL, nov. 1963, n° 8, p. 14)
La Valeur Adresse : quartier de La Valeur, place de l'église M
aître
d'oeuvre
:
Joseph Philippe
Maître d'ouvrage : association diocésaine
d'Arras Financement :
év
ê
ché
d'Arras
Date début des
trav
aux : 1966 Date fin des travaux : 1968 Matériaux : ossature en béton, parement en brique Couverture : tuiles plates Plan : rectangulaire avec décrochement pour le baptistère et les salles annexes (sacristie, salle de catéchisme) Couverture : double pan Archives : Service urbanisme de la commune : plans, permis de construire, correspondance diverse. Historique : L'église « La Valeur » fait partie des équipements collectifs d'un quartier résidentiel neuf. Sa situation sur une place met en valeur son architecture sobre. L'édifice, de plan rectangulaire, comprend une nef unique. Il est élevé en brique, matériau de prédilection de Joseph Philippe. Elle n'est pas signalée par un clocher mais simplement par une croix fixée au-dessus du porche. 236 fig.2 Extrait du plan cadastral AK 408 237 1987 Longuenesse Sainte-Catherine
Adresse : ZAC Sainte-Catherine Maître d'oeuvre : Georges Loiseau
Maître d'ouvrage : association diocésaine d'Arr
as
Financement : évêché
d
'Arras
Date début des trav
aux : 1983 Date fin des travaux : 1987 Matériaux : briques, charpente lamellée collée Couverture : vercuivre
Plan
: en c
roix
grecque
Couverture : pans multiples
Archives : Service
urbanisme
de la
commune: permis de construire, plans Historique : Le relais Sainte-Catherine est implanté dans un ensemble de logements HLM en face d'un centre commercial imposant. Il comprend un petit oratoire de plan octogonal situé au coeur du bâtiment, un hall d'accueil, deux salles de réunion, un logement, répartis dans les branches du plan en croix grecque et dans les espaces de jonction entre ces branches. fig.2 Extrait du plan cadastral
rinité Adresse : Les Oliveaux, rue Vincent Auriol
Maître d'oeuvre : AAA :
André Lys
,
Maurice Salembier
Maître d'ouvrage : CDL Financement : évêché de Lille, souscriptions Date
dé
but
des travaux
: 1966 Date fin des travaux : 1968 Matériaux : Gros oeuvre : briques, béton armé, charpente en bois lamellé-collé Couverture : cuivre Plan
:
carré Couverture : longs pans Décor particulier
:
vitraux de Blanchet,
tabern
acle,
co
uvercle
du baptistère de Fauck
Bibliographie : Jean Capellades, Guide des églises nouvelles en France, Paris, Le Cerf, 1969. Bulletin des chantiers du diocèse, nov. 1963, n° 8, p. 11 ; nov. 1964, n° 9, p. 5 ; nov. 1966, n° 11, p. 4-5 ; nov. 1967, n° 12, p. 10 Archives : AHDL 6 L 213, 32 N 213, 4 C 213, P 213, 2 cartons CDL ; IFA DAU 227/1
Historique : L'église Sainte-Trinité est construite dans un nouveau quartier où une paroisse est créée en 1963. Le projet étudié par André Lys est longtemps discuté puis Maurice Salembier lui est associé. Eglise de plan carré, disposition en diagonale, annexes jointes. Autel surélevé, sol descendant vers l'autel. Capacité de 600 places. fig.1 Vue extérieure, façade principale fig.2 Vue intérieure (IFA DAU 227/1) 240 fig.3 Chantier de l'église en cours (photo Bulletin des CDL, nov. 1967, n° 12, p. 10 ) fig.4 Vue extérieure fig.5 Projet d'André Lys, élévation, nov. 1963 (AHDL Carton CDL fig.6 Plan (Bulletin des CDL, nov. 1963, n° 8, p. 11 ) fig.7 Extrait du plan cadastral AS 122 241 1975 Lys-les-Lannoy Sainte-Thérèse
Adresse : rue Chanzy Maître d'oeuvre : Émile De Plasse
Maître d'ouvrage : association diocésaine de Lille
Financement
: évê
ché
de Lille, caisse de péréquation des paroisses
Date début
des travaux : 1974 Date fin des travaux : 1975 Matériaux : Gros oeuvre : brique Couverture : tuile
Plan
:
rectangulaire Couverture : deux pans
Archives :
AHDL 62 G 216, P 216
Historique : Il s'agit d'une chapelle de secours aménagée dans un quartier ouvrier de la paroisse Saint-Luc à Lys-les-Lannoy. L'intervention de l'architecte Émile DePlasse a consisté à aménager une salle existant à l'arrière d'une maison servant depuis 50 ans de salle de réunions et de local du Secours catholique. L'architecte a supprimé les salles du rez-de-chaussée afin de créer un passage direct de la rue à la chapelle. Ces transformations ont été exigées essentiellement pour des raisons de sécurité. La chapelle Sainte-Thérèse, devenue superflue, est fermée en 2004. 242 fig. 2 Projet de transformation de la chapelle, plan et coupe 15-02-73 (AHDL P 216) fig.3 Extrait du plan cadastral
243 1959 Maisoncelle Saint-Jean-Baptiste
Adresse : place de l'église, RD 71 Maître d'oeuvre : Henri Frey, Jean Bureau
Maître d'ouvrage :
commune
Financement : dommages de guerre Date début des travaux : 1959 Date fin des travaux : 1959 Matéria
ux : portiques en béton armé, murs en pierre de Baincthun
C
ouverture
:
tuiles
de Beauvais Plan : rectangulaire Couverture : double pan Décor particulier : vitraux en dalles de verre éclaté de Gabriel Loire. Sculpture de SaintJean-Baptiste par Jean Lambert-Rucky
Bibliographie : « Répertoire des églises nouvelles de France », Art chrétien, 1962, n° 27-28. Archives : AD 37 J 56 : fonds Frey
Historique : L'église de Maisoncelle est détruite le 8 mai 1944 par bombardement aérien. Une nouvelle église est reconstruite au même emplacement sur la place du village. La nef unique, de plan rectangulaire, est largement ouverte sur le côté Sud, permettant un éclairage direct et important sur l'autel. Le clocher est implanté à droite du choeur.
244 245 1956
Marck Notre
-
Dame
-
de-Lourdes Adresse : rue Jules Ferry Maître d'oeuvre : Charles Parenty
M
aître
d'
ouvrage
:
association paroissiale
Financement :
évêché d'Arras, association paroissiale, dons
,
souscriptions, dommages
de
guerre
Date début des travaux : 1955 Date fin des travaux : 1956 Matéria
ux : agglomérés creux enduits Couverture : eternit grandes ondes
Plan : rectangulaire Couverture :
double
pan
Décor particulier : Le mobilier est celui de l'ancienne église Saint-Martin de Marck
Archives :
CDAS
, service immobilier de l'évêché d'Arras Historique : L'é
Notre-Dame-de-Lourdes est un lieu de culte secondaire à Marck. C'est un édifice modeste de plan rectangulaire signalé par un clocher situé à droite du porche d'entrée. De simples fenêtres éclairent le bâtiment. fig.1 Vue extérieure (photo CDAS) 246 fig.2 Vue intérieure (photo CDAS) 247
1964 Marck Saint-Martin Adresse : impasse Saint-Martin Maître d'oeuvre : Maurice Suaudeau
Maître d'ouvrage : commune Financement : dommages de guerre Date début des travaux : 1958 Date fin des travaux : 1964 Matériaux : béton armé, lissé au coulage à l'extérieur Couverture : voûte en béton armé Plan : ellipsoïdal Couverture : ellipsoïdale Décor particulier : fresque de Geneviève Colladant d'Andréis. Vitraux en dalles de verre de Gabriel Loire Bibliographie : « Répertoire des églises nouvelles de France », Art chrétien, 1962, n° 27-28. Archives : AM : dommages de guerre, adjudication des travaux, délibérations du Conseil Municipal ; DRAC : dossier CRMH Historique : L'église actuelle remplace l'église paroissiale du XVe siècle détruite par les bombardements alliés lors de la libération du territoire le 28 septembre 1944. Dès 1948, la municipalité confie les travaux de reconstruction à l'architecte Maurice Suaudeau de Calais. Le chantier est initialement prévu à l'emplacement de l'ancienne église dans le cimetière, puis le choix est fait d'un accès plus facile. L'église est donc édifiée sur le côté du cimetière en vue de la place de la mairie. Elle est entièrement en béton armé, édifiée selon un plan en ellipse, doublé d'une ceinture latérale moins élevée que le corps central qui s'interrompt au Nord. Cette ceinture comprend un porche couvert, un bas-côté, un hall, une sacristie, un bureau, une chaufferie. Le baptistère est situé sous le clocher. fig.1 Vue extérieure (AM Marck) fig.2 Vue intérieure sur le choeur (photo CDAS) 248 fig. 4 Vue intérieure sur la tribune (photo DRAC Dossier CRMH) fig.3 baptistère (photo DRAC Dossier CRMH) fig.5 Coupe transversale 15-01-58 (AM Dossier église) fig.6 Plan 15-01-58 (AM Dossier église) fig.7 Extrait du plan cadastral feuille 2 249 -
Notre-Dame-des-Victoires Adresse : Pont de Marcq, rue Jean Jaurès, rue de l'église
Maître d'oeuvre :
Paul Dessauvages
Maître d'ouvrage : commune Financement : commune, État
Date début des travaux : 1976 Date fin
des trav
aux :
1977 Matériaux : Gros oeuvre : brique, bois, charpente métallique Couverture : éléments en bac-acier avec isolation et revêtement complexe multi-couches
Plan : rect
angulaire
Couverture :
en
selle
de cheval
Décor particulier : vitr
aux de
Blanchet-Lesage
,
mobilier liturgique de Marc Hénard
Historique: Construite en 1863 et souffrant d'affaissement de sa toiture, l'ancienne église est démolie en 1973. Une chapelle provisoire est aménagée dans l'ancienne salle de théâtre de la paroisse. Edifiée sur l'emplacement de l'ancienne, la nouvelle église est dessinée tout en courbes, sur un plan rectangulaire. Son pignon-clocher évoque la proue d'un navire. Elle comprend un vaste narthex, une nef dont le plafond s'élève vers l'autel, un sanctuaire éclairé par deux larges vitraux et un éclairage zénithal, une sacristie. Les deux cloches proviennent de l'ancienne église.
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French-Science-Pile
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Open Science
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Various open science
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« Selon l'Insee, « la personne de référence du ménage est déterminée à partir de la structure familiale du ménage et des caractéristiques des individus qui le composent. Il s'agit le plus souvent de la personne de référence de la famille quand il y en a une, soit l'homme du couple, si la famille comprend un couple ». Dans la suite du texte, le qualitatif retraité s'applique à la personne de référence du ménage : par exemple « ménage retraité » signifie « ménage dont la personne de référence est retraitée ». Source : ibid., p. 4. 85 Ibid., p.7. 46 Carte 7 : les six France de la géographie des retraités
Les six groupes sont définis par Jean-François Léger comme suit : les groupes 1 et 2 sont caractérisés par une faible proportion de ménages retraités, notamment parmi les agriculteurs, les artisans, les commerçants ou les chefs d'entreprises. Au contraire, les cadres et professions intermédiaires y sont plus nombreux. On trouve ces ménages principalement dans les grands pôles urbains et leur couronne. Le groupe 3 décrit des ménages retraités aux caractéristiques proches de la moyenne nationale, avec une surreprésentation d'ouvriers et d'employés retraités. Ils se situent quasiment tous dans le nord-est de la France et correspondent aux anciens bassins industriels. Le groupe 4 est défini par une proportion de ménages retraités supérieure à la moyenne nationale et compte une part élevée d'agriculteurs retraités. Il s'agit de zones rurales localisées 47 dans la partie ouest de la France, suivant un triangle qui s'étend de la pointe occidentale de la Bretagne au sud du Bassin Aquitain et du Massif Central. Le groupe 5, dont la proportion de retraités est plus élevée que celle de la moyenne nationale, comprend une part significativement plus importante de cadres et professions intermédiaires ainsi que d'artisans, commerçants et chefs d'entreprises retraités. Ce groupe se trouve essentiellement en Provence Alpes-Côte-d'Azur et en Corse ainsi que le long du littoral atlantique, le sud-ouest et une partie des Cévennes. Le dernier groupe présente des caractéristiques assez proches de la moyenne nationale et se concentre notamment dans les régions Centre, Bourgogne-Franche-Comté, Auvergne ainsi qu'une partie des régions Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, Aquitaine et le sud de la région Poitou-Charentes. Ainsi, les travaux de Jean-François Lé concluent à une répartition spatiale des retraités différenciée, résultant de l'héritage des spécialités économiques anciennes et actuelles et ayant induit des développements territoriaux inégaux : des zones historiquement dominées par l'activité agricole ou industrielle qui accueillent majoritairement des retraités au capital économique le moins élevé, tandis que les aires urbaines et les zones à potentiel touristique attirent les retraités au capital économique élevé. « Ce constat rappelle que les grandes localisations économiques structurent longuement et fortement, bien après leur éventuelle reconversion, la démographie des territoires. Cette inertie permet aussi d'entrevoir des perspectives sociales, économiques et démographiques très inégales d'un territoire à l'autre. 2.2 Le vieillissement, un processus physiologique, social et identitaire
De tout temps et dans la plupart des sociétés, la vieillesse a toujours été crainte parce qu'elle est considérée comme une étape de perte et de déclin et surtout parce qu'elle nous renvoie à la proximité de la mort : « le vieillissement a toujours été synonyme de perte physique, notamment 86 Léger J.F., « La répartition géographique des retraités, op. cit., p.7. de la force, de la rapidité et de l'endurance. Toutes ces dimensions ont toujours été associées directement aux possibilités de survie de l'individu, que l'on soit dans le cadre d'un environnement naturel agressif, dans lequel il faut trouver sa pitance, ou dans le cadre d'une civilisation socialement plus avancée, où le travail est indispensable à la survie. »87 Dans les sociétés occidentales l'étude du vieillissement est restée très longtemps le domaine de la médecine88. Cela orientera radicalement le prisme des recherches. La gériatrie nait au XIXe siècle et les premiers vieillards à être étudiés par les médecins sont des personnes qui vivent dans les grandes institutions parisiennes89, lesquelles ont à l'époque la vocation « d'accueillir » toutes les personnes indigentes ou impotentes, dont beaucoup sont des femmes. Les médecins vont développer dans ces établissements les premières recherches empiriques et systématiques. Aussi la description du grand âge s'est faite à travers l'étude d'une population, certes âgée pour l'époque90, mais dont l'autre caractéristique était d'être extrêmement pauvre et démunie. Ainsi, s'est créée une vision du vieillissement assimilable à un processus d'avancée vers des conditions de plus en plus misérables qui aboutissent le plus souvent à l'impotence ou à l'aliénation. Cette image misérabiliste du vieillissement va perdurer, d'autant plus que les thérapeutiques préconisées restent très longtemps cantonnées à une adaptation, parfois aléatoire, de celles utilisées pour les plus jeunes et à des préconisations issues des pratiques anciennes de la médecine : « malgré [des aspects systématiques et novateurs], la thérapeutique reste archaïque, finalement très proche de celle préconisée au siècle précédent. Durand-Fardel préconise ainsi les séjours à la campagne, les bords de mer, les montagnes boisées de sapins, etc. Il vante également la sagesse du vieillard et indique qu'il faut savoir être vieux, invitant à la modération.91 ». Cette orientation scientifique a conduit à de nombreuses représentations et autres fausses conceptions quant à cette population. En dirigeant la construction des connaissances relatives aux personnes âgées d'une part, à travers une vision médicale et d'autre part, avec pour sujet une catégorie spécifique, l'étude du vieillissement s'est principalement restreinte aux dimensions biologiques et tout particulièrement à leurs répercussions 87 Pfitzenmeyer, Prendre soin du grand âge. Un défi pour une société plus juste, L'Harmattan, Paris 2010, p. 17. 88 Nous le verrons de manière plus loin. 89 En 1804, Philippe Pinel publie La Médecine Clinique dont un chapitre est consacré à l'étude de patients âgés à la Salpêtrière. Sa patientèle était uniquement féminine et la plupart de ces femmes étaient indigentes. 90 Les personnes qui étaient considérées comme vieilles à cette époque avaient vingt à trente ans de moins que celles d'aujourd'hui. 91 Pollet G., « La vieillesse dans la littérature, la médecine et le droit au XIXe siècle : sociogénèse d'un nouvel âge de la vie », Retraite et société, 2001/3, n° 34, p. 41. 49 physiologiques délétères. C'est d'ailleurs, encore souvent, de cette manière qu'il est défini dans les cours de médecine : « Le vieillissement correspond à l'ensemble des processus physiologiques et psychologiques qui modifient la structure et les fonctions de l'organisme à partir de l'âge mûr. Il est la résultante des effets intriqués de facteurs génétiques (vieillissement intrinsèque) et de facteurs environnementaux auxquels est soumis l'organisme tout au long de sa vie. Il s'agit d'un processus lent et progressif qui doit être distingué des manifestations des maladies »92. Ce qui a notamment évolué est que la médecine distingue aujourd'hui le vieillissement pathologique du vieillissement normal. 2.2.1. Les processus de vieillissement biologiques : causalité ou circularité?
Il
n'est pas question ici
de nier les répercussions du vieillissement sur l'organisme humain
. Il n'est d'ailleurs pas nécessaire d'être un professionnel de santé pour en constater les effets. Audelà des disparités individuelles, ils sont bien réels et inévitables. Le constat que nous énonce Claude Lafon est sans appel : « Avec le temps qui passe, tous les organes et toutes les fonctions de l'individu s'affaiblissent. De la cellule à l'organisme, tous les niveaux d'organisation et de fonctionnement sont touchés. Le nombre des cellules diminue dans la plupart des tissus ; leur potentiel et leur vitesse de multiplication régressent ; les cellules s'encombrent de matériaux non dégradables ; la synthèse des protéines diminue ; le métabolisme (l'ensemble des réactions biochimiques) est moins fiable, les enzymes malformées et moins efficaces ; des cellules altérées apparaissent. Les détériorations s'amplifient sans que l'on sache exactement laquelle est première et déterminante. Et l'organisme perd progressivement la capacité à assurer ses fonctions vitales, à se défendre, à s'adapter aux sollicitations et aux variations de l'environnement.93» Cela nous paraît d'autant plus évident que le vieillissement s'accompagne de modifications de l'apparence physique que nous considérons comme spécifique aux plus âgés : le renouvellement de la peau se fait moins vite, ses capacités de protection baissent, elle perd de sa souplesse et apparaissent les rides puis les tâches dites de vieillesse94. Les cheveux se raréfient, ils blanchissent. La masse musculaire régresse et induit une posture moins solide, 92 Cours en ligne : « Le vieillissement humain », Université Médicale Virtu
elle Francophone. Consultable en ligne : http://campus.cerimes.fr/geriatrie/enseignement/geriatrie1/site/html/cours.pdf. 93 Lafon C., « Vieillir : mieux comprendre pour mieux agir », Recherche en soins infirmiers, 2008/3, n° 94, p. 4. Les lentigos séniles, ou tâches de vieillesse, sont parfois également appelées « fleurs de cimetière », ce qui ne laisse aucun doute quant à leur interprétation. un dos plus vouté Autant de stigmates visibles qui étiquettent, au fur et à mesure de leur apparition, les individus dans la catégorie des personnes âgées. Du côté du fonctionnement interne des organes, le constat n'est guère plus engageant : le débit cardiaque, la capacité respiratoire et la fonction rénale diminuent. Tout le système hormonal est modifié, conduisant à des perturbations des horloges et des rythmes biologiques. Nous pourrions très certainement continuer cette liste pendant de nombreuses pages, tant le processus de vieillissement a un impact sur l'ensemble de l'individu : morphologique, physiologique, cellulaire, biochimique et fonctionnel. Comme nous l'ont dit bon nombre de résidents lors de nos entretiens : « Mieux vaut ne pas vieillir! ». Pourtant, nous verrons plus loin que ces modifications d'une part, ne suivent pas une évolution universelle et linéaire et que d'autre part, elles n'ont pas obligatoirement de répercussions néfastes pour les personnes. Au cours des XXe et XXIe siècles, les sciences médicales et biologiques ont fait des progrès extraordinaires. Elles ont réussi à accéder aux « mécanismes » les plus intimes, à rendre compte de la plupart des changements constatés chez les individus et à décrire la manière dont ils s'opèrent. Toutefois, elles n'ont toujours pas permis d'expliquer l'ensemble des processus relatifs au vieillissement : « L'organisme n'est pas un simple « tas de cellules », mais un système complexe et intégré, un réseau dans lequel les éléments sont liés par la circulation d'informations. Les cellules communiquent entre elles, et les grands systèmes intégrateurs, systèmes nerveux, hormonal et immunitaire, assurent l'unité physiologique et l'intégrité du tout. []
Tout
agit et réagit sur tout, et le nombre des variables en interaction est tel que la corrélation observée entre deux paramètres n'implique que rarement un lien de causalité. Avec la complexité du vivant, l'effet réagit sur la cause, donnant l'illusion de la précéder : la causalité n'est plus simplement linéaire, elle devient circulaire. Si, pour une raison ou une autre, notre pression artérielle augmente, cette augmentation est immédiatement détectée, et, par le jeu d'une boucle de régulation, entraîne une contre-réaction, égale mais de signe opposé. Toute variation entraîne sa propre négation. bien échapper à la sénescence, telles que les cellules cancéreuses. Aussi, l'idée répandue d'assimiler vieillissement cellulaire et vieillissement de l'organisme est erronée, de même que combattre l'un ne sera pas forcément efficace sur l'autre. Autre idée préconçue : le vieillissement serait un processus qui se déclencherait à partir d'un certain âge, notamment lorsque nous commençons à en porter les stigmates (rides, cheveux blancs, lunettes, etc.). Or, il s'avère que nous commençons à vieillir assez tôt. Ici aussi les scientifiques ne sauraient déterminer un âge précis, mais on peut repérer une diminution des capacités, très variables selon les organes et les individus, à partir de vingt ans. L'organe qui vieillit le moins vite est le cerveau (hors pathologie). Deux raisons à cela : « La première est évolutive : les systèmes de régulation, dont la fonction est de maintenir la constance et l'intégrité de l'organisme, donnent toujours la priorité à la sauvegarde du milieu intérieur et de son « chef d'orchestre ». La seconde est physiologique, conséquence de la plasticité et du dynamisme de la machinerie cérébrale : parce qu'il se restructure en fonctionnant, le cerveau change en permanence, comme s'il « rajeunissait » sans cesse, mais par morceaux. 96» Alors que le sens commun voit comme normale ou naturelle la baisse des capacités mnésiques, la mémoire (ou plutôt les différentes mémoires) reste opérationnelle, même à des âges très avancés. Souvent, les personnes âgées se plaignent d'avoir des « pertes de mémoire », principalement au sujet des faits les plus récents. Ces oublis (toujours, hors pathologie) tiennent au que, comme les jeunes, la construction des circuits neuronaux nécessite du temps97. De plus, en avançant en âge, les personnes sollicitent différemment leurs 96 97 Lafon C., « Vieillir : mieux comprendre pour mieux agir », op. cit., p. 10. Nous ne nous engagerons pas ici dans une description détaillée du fonctionnement de la (les) mémoire(s). Nous rappelons simplement que pour qu'un souvenir s'ancre correctement, ce processus nécessite du temps et des réitérations : « La mémorisation résulte d'une modification des connexions entre les neurones d'un système de mémoire : on parle de " plasticité synaptique " (les synapses étant les points de contacts entre les neurones). Lorsqu'une information parvient à un neurone, des protéines sont produites et acheminées vers les synapses afin de les renforcer ou d'en créer de nouvelles. 52 capacités et peuvent avoir tendance à réduire certains champs, notamment ceux liés à leur ancienne activité professionnelle. Comme elles considèrent qu'il est « normal de perdre la mémoire », elles font moins d'effort pour la mobiliser. Enfin, les émotions jouent un rôle central dans la capacité à l'attention et à la mémorisation. Aussi, il est nullement étonnant que, tout particulièrement chez les personnes en établissement, leurs capacités soient réduites : la rupture avec l'environnement social et physique, souvent rapide et brutale, la réduction considérable des tâches quotidiennes effectuées, la routine de la structure, la présence de pathologies, la proximité avec la mort, etc. plongent les personnes dans une situation de stress et de léthargie peu favorable au maintien des fonctions mnésiques et des autres Une dernière idée est contestable98, celle que le vieillissement serait un processus linéaire et uniforme. Le vieillissement et la vieillesse s'inscrivent dans des processus dynamiques fortement corrélés aux caractéristiques individuelles et sociales des personnes. Le vieillissement est présent tout au long de l'existence et ses effets ne se réduisent pas aux ultimes années de la vie : « Il n'y a pas de vrai commencement, mais il y a toujours un instant d'avant, et un instant d'après : vieillir, c'est passer de l'un à l'autre. C'est avancer en âge, changer, apprendre, aimer, connaître des réussites, des échecs C'est voir évoluer ses proches, les voir vieillir, et, parfois, les voir mourir. C'est s'obliger à accepter un environnement social qui change constamment, sur lequel chacun a peu d'impact, et auquel il est difficile parfois de s'adapter. C'est enfin, intérioris , faire sienne, l'idée de la fatalité de l'échéance finale dont la possibilité s'accroît avec le temps qui passe99 ». Pourtant, nous avons tendance à penser que la vieillesse s'accompagne systématiquement de maladies et de perte d'autonomie et qu'elles sont inéluctables. Même notre vocabulaire pour définir les difficultés d'une personne change en fonction de son âge. Pour les plus jeunes, on parlera de handicap, mieux, de personnes « en situation de handicap », ce qui autorise à penser un état non statique mais dynamique et contextualisé et ainsi, à rechercher des solutions de récupération et/ou de compensation. Pour les vieux, le terme handicap est négligé au profit de celui de dépendance. 99 Lafon C., « Vieillir : mieux comprendre pour mieux agir », op. cit., p. 13. d'autonomie 100». Le mot « état » renvoie, lui, à l'idée de permanence. Ainsi, tout concourt à nous laisser penser que nous sommes tous voués « naturellement », biologiquement, à terminer notre vie dans un état nécessitant une assistance accrue de notre entourage et/ou de la société. Dans cette conception, les systèmes d'aide ne font qu'enregistrer le niveau de dépendance des personnes âgées par le biais de grilles figées (AGGIR, Fragire, Pathos101) dont l'objectif est de déterminer des aides humaines, matérielles et financières, attribuées soit directement, ou affectées aux établissements de soins et/ou d'hébergement. Dès lors, les individus, passé un certain âge, doivent-ils régulièrement répondre, auprès de différents professionnels, de la cohérence de leur propos, de leur hygiène, de leur habillement, de leur alimentation, de leur mode de déplacement (à l'intérieur et à l'extérieur de leur domicile), de leur élimination fécale et urinaire, de leur communication à distance, de leur gestion administrative, de l'entretien de leur logement, de leurs achats, du suivi de leur traitement médical, de leurs activités de temps libre102, etc. Autant de questions souvent recueillies en dehors de leur contexte et dont il n'est nul besoin de relever le caractère intime, voire intrusif, et bien souvent inutile. Surtout, cette vision de la vieillesse ne permet pas de penser un retour en arrière, une amélioration possible. Il nous est, encore aujourd'hui, difficile d'imaginer que les personnes âgées puissent se réadapter et regagner tout ou en partie leurs capacités. Pour preuve, l'une des expérimentations retenues par la Fondation de France, dans le cadre de son à projet annuel intitulé « Vivre ses choix, prendre des risques. Un droit pour les personnes âgées », fut celle d'une association varoise, primée pour avoir proposé une rééducation aux personnes atteintes de cécité : effectuée à domicile, elle permet aux personnes âgées qui ont perdu la vue de se réapproprier leur habitat, de réapprendre à y vivre en autonomie (déplacements, hygiène, utilisation des ustensiles ménagers, etc.). Ce qui nous paraît évident, devient exceptionnel passé un certain âge. Certes, en vieillissant, nos capacités à s'adapter aux changements physiologiques et environnementaux se modifient, mais il est rare qu'elles disparaissent complétement. Les travaux de certains professionnels de la gériatrie démontrent que les individus, même très âgés, sont capables d'utiliser leurs ressources en termes de compensation biologique et physiologique et d'adaptation psycho-cognitive, sociale, affective, etc. 102 Nous reprenons ici les items de codification de la grille AGGIR, définie ultérieurement. 54 tout au long de leur vie en maintenant des fonctions vitales et une homéostasie suffisantes, mais également un niveau fonctionnel leur offrant une vie en toute indépendance. »103ˉ104 Globalement, la part des personnes conservant leur autonomie et leur lucidité jusqu'à la fin de leur vie ne cesse de croître en France. En 2009, seules 13 % des personnes de plus de 75 ans, vivant à leur domicile, sont considérées comme dépendantes. D'après l'enquête « Handicap – Santé » de la DRESS 105 (2016), moins d'un sixième d'entre-elles présentent au moins une limitation cognitive, la moitié au moins une limitation physique et un quart au moins une limitation sensorielle et seules 8 % cumulent les trois types de limitations106. Ainsi, nous vivons de plus en plus longtemps, mais surtout en meilleure santé et, pourrait-on dire, nous restons « jeunes » de plus en plus vieux : « Selon Patrice Bourdelais, l'âge d'entrée dans la vieillesse biologique recule régulièrement. A l'appui de sa démonstration, il calcule un indicateur synthétique constitué à partir d'une moyenne entre l'âge auquel il reste dix ans à vivre et l'âge pour lequel la probabilité de survie est identique à celle d'un homme de 65 ans en 1985. Il obtient ainsi un âge d'entrée dans la vieillesse qui aurait varié, pour les hommes, de 60 ans en 1850 à 70 ans en 1995 ; il serait passé de 61 ans à 76 ans au cours de la même période chez les femmes. 107» 103 Pfitzenmeyer P., Prendre soin du grand âge, op.cit., p. 46-47. Toutefois, comme le vieillissement résulte d'un nombre multiple de facteurs intriqués les uns aux autres, l'équilibre que construit la personne reste fragile. Aussi, les modifications brusques et/ou importantes (physiologiques, environnementales, etc.) peuvent entraîner une chaîne de décompensation avec des conséquences extrêmement délétères et durables, voire définitives. « La perte des réserves fonctionnelles, plus ou moins accélérée selon les individus, fonction de paramètres génétiques, stochastiques et environnementaux rencontrés tout au long de la vie, va pouvoir amener certaines personnes âgées dans des zones de fragilité, où un stress mineur peut être responsable d'une décompensation de la fonction en dessous du niveau autorisant l'individu à vivre sans assistance. [] Tout au long de la vie, de multiples agressions plus ou moins intenses, parfois responsables de déficits souvent totalement compensés et de ce fait cachés, vont s'additionner aux effets délétères de certaines maladies pour amener les performances de la fonction d'équilibre à un niveau insuffisant pour répondre au stress engendré par la vie quotidienne. » ibid., p. 60-61.
105 Se référer à : L. Calvet, « Etat de santé et dépendance des personnes âgées en institution ou à domicile », Etudes et résultats, DREES, n° 0988, décembre 2016. 106 Contre respectivement en institution :
68
%, 91 %,
45
% et
33
%. 107 Bigot R., Croutte P., Müller J., « Evolutions des conditions de vie et des aspirations des seniors en France depuis trente ans », Cahier de recherche, CREDOC, décembre 2013, p. 26. Pour plus de précisions, se reporter à l'ouvrage de Patrice Bourdelais : L'âge de la vieillesse. Histoire du vieillissement de la population, Odile Jacob, Paris, 1997 et notamment le chapitre VII intitulé « Pour une nouvelle analyse du vieillissement », p. 241 – 253. Cet indicateur s'appuie sur « trois principaux changements d'ordre 55 On doit rappeler ici que ce qui peut poser problème n'
est pas l'augmentation
de
la durée de vie individuelle
(
cela reste toujours une bonne nouvelle pour chacun d'entre nous!), mais bien le phénomène de gérontocroissance des sociétés occidentales contemporaines
. C'est le nombre total de personnes âgées, induisant ipso facto un nombre d'individus en mauvaise santé et/ou dépendants plus important, qui crée la difficult
é
a
ctuelle, principalement d'un point de vue économique.
On doit également
rappeler que l'augmentation du nombre de personnes âgées, vécue depuis la fin du XIXe siècle comme un problème, voire une menace, pour la population française, n'est autre que le fruit des grandes révolutions scientifiques et techniques, économiques, sociales, politiques et culturelles notamment
au siècle
dernier : «
[
elles] ont transformé
de manière
extraordin
aire
l'environnement
de
l'être
humain,
améliorant
ses conditions
de vie, d'hygiène et d'alimentation qui sont les causes essentielles de l'augmentation
de
l'e
spérance
de vie. »
108
L'appréhension que nous avons du vieillissement et de la vieillesse, la nôtre et celle des autres, relève autant d'idées préconçues liées à notre propre histoire, qu'à des données médicales et/ou statistiques. Elle se base sur nos propres valeurs, nos aspirations de « jeunes », souvent en total décalage avec celles des « très âgés ». Cette vision s'inscrit également dans des représentations relatives à un vieillissement basées sur des données très anciennes qui ne correspond plus du tout aux caractéristiques épidémiologiques, sociales, culturelles, etc. des personnes âgées vivant actuellement. En outre, vieillesse et vieillissement ont certes une base biologique, mais leurs caractéristiques, et surtout leurs effets, s'expriment de manières très différenciées selon l'origine sociale et l'environnement des personnes. 109 Source : Blanpain N., « L'espérance de vie par catégorie sociale – méthode et principaux résultats », Documents de travail, n ° F1602, Insee, 2016. 56 ans pour les hommes et de 4,2 ans pour les femmes110. Par ailleurs, pour les catégories « ouvriers » ou « employés », les années de vieillesse sont beaucoup plus difficiles car elles cumulent des risques de maladies et/ou d'invalidités auxquels les personnes issues des catégories sociales favorisées échapperont le plus souvent : « A 86 ans, dans les conditions de mortalité des années 2000-2002, [] les plus diplômés [hommes et femmes] peuvent espérer vivre à cet âge encore 20 % plus longtemps que les non-diplômés. 111» La durée de vie, l'état de santé et la qualité de la vie durant la vieillesse sont intimement liés à la position sociale 112 (revenu, ancienne catégorie socio-professionnelle, niveau d'étude, type de logement, etc.) : « La mortalité suit ainsi un gradient inverse à la longévité : elle augmente de manière significative à mesure qu'on descend dans l'échelle [sociale], et cela, quelle que soit la cause médicale constatée.113 » Ces inégalités sont également renforcées par une iniquité d'accès aux services et établissements de soins et d'accompagnement dans des zones où les populations sont plus vulnérables, notamment en milieu rural isolé114. Ici, se joue toute la différence entre limitations fonctionnelles et restrictions d'activités. Certes, les premières sont prédictives des secondes, mais le niveau et les conséquences sont très largement corrélés aux ressources financières, culturelles, matérielles et humaines dont disposent les personnes. Parce qu'elles ne possèdent pas toutes les mêmes, certaines pourront rencontrer des difficultés importantes au quotidien quand d'autres parviendront à maintenir un niveau d'activité et d'autonomie satisfaisant en dépit de limitations fonctionnelles. Raisons pour lesquelles l'analyse sociologique a e sa place dans l'étude de la vieillesse et du vieillissement car elle permet de décrire et d'expliquer les phénomènes et dynamiques mis en oeuvre dans ces différents processus : de quelle manière une société construit-elle des références et des organisations spécifiques aux tranches d'âges des plus âgés, notamment en termes de politiques publiques ; comment ces populations sont-elles distribuées statistiquement ; à quelles typologies de comportements ou de modes de vie font-elles référence et enfin, de quelles manières les personnes composant cette même société intègrent-elles individuellement ce changement dans leur rapport à elles-mêmes, aux autres et au monde?
110 Source : Blanpain N., « Les hommes cadres vivent toujours 6 ans de plus que les hommes ouvriers », Insee Première, n° 1584, février 2016. 113 Lafon C., « Vieillir : mieux comprendre pour mieux agir », op. cit., p. 21. 114 Nous traiterons de ces disparités territoriales ultérieurement. 2.2.2 L'étude du vieillissement dans les sciences humaines 2.2.2.1 Les théories fonctionnalistes
Les sciences sociales se sont intéressées aux processus de vieillissement, en tant que sujet d'étude spécifique, beaucoup plus tardivement (hormis les travaux démographiques dont nous avons traité plus haut). Elles ont toutefois, ces dernières années, grandement participé à démontrer que l'avancée en âge ne se réduit pas à une dégradation physiologique et que la vieillesse n'est pas systématiquement la cause, ni le synonyme de pathologie. Certes, les premiers travaux en sociologie (à partir des années 1960) empruntaient très largement cette vision et s'inscrivaient très largement dans une perspective fonctionnaliste. A cette période, deux théories s'opposent. D'une part, celle dite de l'activité, développée par Robert Havighurst et Ruth Albrecht, lors d'une étude américaine menée en 1953115. Les deux sociologues relatent que, globalement, les personnes enquêtées font preuve d'un certain contentement, sans grande variation selon l'âge et la position sociale, qui est très largement lié au niveau d'activités des individus. Ces personnes, en vieillissant, perdent un certain nombre de rôles (parent, salarié, etc.). Selon les auteurs, ceux qui sont le plus satisfaits de leur vie sont ceux qui ont su intensifier ou s'investir dans d'autres rôles : militant associatif ou politique, grand-parent, etc. Ainsi, pour « réussir » leur vieillissement, les individus doivent s'adapter en entretenant une forme de flexibilité dans les rôles et fonctions qu'ils exercent. De cette théorie va découler tous les préceptes pseudo-scientifiques116 exhortant les personnes ayant passé un certain âge à « bien vieillir » via une d'entrainements physiques et mentaux, induisant par la même que, en cas d'échec, la responsabilité incombe à celles et ceux qui ne se seront pas suffisamment efforcés de les suivre : « nous sommes aujourd'hui responsables de notre santé, de notre bonheur et, plus encore, de notre vieillissement. Ce dernier peut être qualifié de « bon vieillissement » si nous arrivons à garder le plus longtemps possible l'aspect physique et l'investissement socio-économique d'une sujet jeune. A l'inverse, il est « mauvais », si les maladies et les handicaps viennent ternir le mythe d'une éternelle jeunesse. » Voir : Havighurst R., Albrecht R., Older people, Green and Co., New-York, 1953. 116 La quête de la fontaine de jouvence et autres potions ou élixirs de longue vie remontent à la nuit des temps. Les publicités actuelles vantant des produits de rajeunissement, voire les sujets de certaines recherches scientifiques, ne sont qu'une version contemporaine de ce mythe. 117 Pfitzenmeyer P., Prendre soin du grand âge, op. cit., p.31. 58 L'autre théorie développée à cette époque est celle du « désengagement » par Elaine Cumming et William Henry118. Ils décrivent le vieillissement non pathologique comme un processus réciproque119, fonctionnel, irréversible et universel : « Ce désengagement se traduit par une diminution du nombre de rôles sociaux joués par l'individu, par une baisse de ses interactions sociales et par un changement dans la nature de ses relations qui sont désormais davantage centrées sur les liens affectifs et moins sur la solidarité fonctionnelle 120». Dans cette perspective, la baisse des capacités physiques et cognitives coïncide avec celle relative à l'engagement social des personnes, les deux conduisant à un enchainement de pertes fonctionnelles. Passé un certain âge (environ 80 ans), la situation des individus se stabilise, leur permettant de mener une vie « désengagée » plus sereine. A partir des années 1980, ces deux théories vont être fortement critiquées pour laisser place principalement au concept de déprise. 2.2.2.2 Le concept de déprise
Initialement construit par Jean-François Barthe, Serge Clément et Marcel Druhle121, ce concept a été développé, notamment par Vincent Caradec, à partir des années 2000. Ici, le vieillissement n'est plus conçu comme un mouvement inexorable du déclin des activités, s'imposant à tous, mais comme une étape de la vie durant laquelle les individus réaménagent leur existence en fonction des contraintes auxquelles ils font face : « La déprise est ainsi un processus actif à travers lequel les personnes qui vieillissent mettent en oeuvre des stratégies de reconversion de leurs activités, de manière à s'économiser et afin de continuer à faire ce qui a le plus de signification pour eux. 122» Dans cette perspective, l'analyse sociologique vise à étudier d'une
118 Cumming E. et Henry W. ; Growing Old. The Process of Disengagement, Basic Books, New York, 1961. 119
Comme si la personne âgée et la société étaient l'une et l'autre en accord pour que la première se retire du monde : avec ses capacités qui diminuent, elle se tourne de plus en plus vers elle-même, quand et dans le même temps, la société lui retire les rôles qui lui étaient dévolus.
120 121 Caradec V., « Vieillir au grand âge », Recherche en soins infirmiers, 2008/3, n°94, p. 29. Voir notamment : Barthe J-F., Clément S., Druhle M., « Vieillesse ou vieillissement? Les processus d'organisation des modes de vie chez les personnes âgées », Les Cahiers de la Recherche sur le Travail Social, n° 15, 1990, p. 11-31. 122 Caradec V., « L'expérience sociale du vieillissement », Idées économiques et sociales, 2009/3, n° 157, p. 42. 59 part, ces nouvelles contraintes qui surviennent au fil des ans et qui constituent des « déclencheurs de reconversion » et d'autre part, les stratégies de réaménagement opérées par les personnes. Pour Vincent Caradec, ces déclencheurs sont liés à des événements (ou un ensemble d'évènements) qui créent une rupture dans l'existence ; ils ne se limitent pas à un incident qui survient dans le parcours des personnes, mais sont bien relatifs à des processus pouvant déclencher des déprises. Le sociologue en distingue cinq. Premièrement, les personnes en vieillissant doivent faire face à des difficultés ou accidents de santé qui peuvent induire des limitations fonctionnelles. Il faut cependant, comme nous l'avons vu plus haut, éviter de considérer qu'ils relèvent uniquement du registre individuel et physiologique. Car, au-delà, les limitations fonctionnelles sont à mettre en lien avec l'environnement physique dans lequel évoluent les personnes : adaptation ou non du logement et de son extérieur, hauteur des trottoirs, praticité ou non des transports en commun, etc. Autant de facteurs qui, à handicaps ou difficultés « équivalents », vont inférer sur le maintien ou la limitation des activités des personnes. Le deuxième déclencheur, très fréquent dans le discours des plus âgés, est celui que Vincent Caradec intitule « la baisse d'énergie » : « Celui-ci s'exprime, au cours des entretiens, dans le registre de la fatigue, du manque d'entrain, d'une perte d'envie, du sentiment de ne plus pouvoir suivre. 123» Il faut le distinguer analytiquement des problèmes liés aux limitations fonctionnelles car ces propos peuvent être tenus par des personnes en bonne santé physique et cognitive. Troisièmement, la déprise peut provenir de l'amoindrissement des « opportunités d'engagement ». Les personnes gées peuvent voir s'effilocher, peu à peu, une partie de leurs réseaux sociaux et de fait être moins sollicitées : enfants devenus adultes, départ en retraite, perte des proches, des autres individus de la même génération, du conjoint. Si, dans certaines de ces situations, les personnes peuvent opérer des reconversions dans de nouveaux rôles (comme celui de grand-parent, de bénévole), d'autres, telle la perte du conjoint, sont bien souvent très difficiles à compenser. Le quatrième déclencheur est fortement en lien avec le précédent, « il intervient dans le cadre des interactions avec autrui et permet, lui aussi, de souligner le caractère relationnel de la déprise. 60 les enfants incitent leur parent âgé à ne plus conduire par peur d'un accident. De plus, les interactions avec des anonymes peuvent également jouer un rôle. Les plus âgés cherchent parfois, en renonçant à des sorties ou du moins en aménageant leurs horaires, à éviter ou à limiter les confrontations avec les jeunes dont ils redoutent les agressions physiques ou, plus sûrement, symboliques.124 » A l'inverse, d'autres personnes âgées vont chercher à affronter des situations à risque afin de se prouver qu'elles sont encore capables de mener certaines activités. Le cinquième déclencheur peut survenir dès lors que les individus âgés prennent conscience qu'ils approchent de la fin de leur vie. La plupart des personnes auront tendance à restreindre leurs activités, estimant que cela « ne vaut plus le coup ». D'autres, au contraire, face à un sentiment d'urgence multiplient les projets « tant qu'il en est encore temps ». A la lecture de cette typologie, il faut se garder de penser que ces évènements déclencheurs agissent de manière mécanique sur les restrictions d'activités qu'opèrent les personnes âgées. D'une part, toutes ne réagissent pas de la même manière face aux incidents ou accidents de la vie, voire parfois de façon strictement contraire. D'autre part, les connexions entre les différents déclencheurs sont complexes et ne peuvent s'appréhender isolément. Enfin, les individus peuvent, non seulement, développer des stratégies différentes, mais également les faire varier dans le temps. 2.2.2.3 Les stratégies de reconversion
Toujours selon Vincent Caradec, trois grands types de stratégies de reconversion peuvent être distingués : l'adaptation, l'abandon et le rebond pour faire face aux déclencheurs de la déprise. Dans le premier cas, les personnes âgées maintiennent leurs activités, mais sont contraintes de s'ajuster à leur nouvelle situation, en utilisant soit des aides techniques soit humaines. Il faut également noter que les facilités d'adaptation dont font preuve les personnes sont corrélées à leur niveau d'instruction et, bien sûr, à leur niveau de revenu. La deuxième stratégie peut surprendre dans sa dénomination. Elle peut revêtir trois formes différentes : « l'abandon/substitution », « l'abandon/sélection », qui consiste à opter pour une activité de même registre, mais à un rythme moins intensif, en dosant son activité en fonction de l'estimation que les personnes se font de leurs capacités : restreindre ses déplacements en voiture sur des routes bien connues et proches du domicile, « aller » à la messe ou en voyage grâce à la télévision, etc. L'objectif étant de réaliser une sélection afin de maintenir les activités 124 Caradec V., « L'épreuve du grand âge », op. cit.,p. 17. 61 qui paraissent essentielles à leur vie. Au fur et à mesure qu'elles sont tenues de réduire le périmètre et le champ de leurs loisirs ou de leurs tâches quotidiennes, les personnes âgées peuvent avoir à se résoudre à les abandonner complétement (« abandon/renoncement »). « Choix » parfois très douloureux lorsqu'il s'agit d'une activité que les personnes ont toujours exercée ou qu'elles aimaient particulièrement et qui, souvent, représentait ce qui leur permettait de se dire : « je suis vieille, mais ça, j'arrive encore à le faire » : broderie, lecture, instrument de musique, etc. La dernière stratégie est à l'opposé de la précédente et consiste « à renouer avec une activité délaissée, à s'engager dans une activité nouvelle ou à accroître son investissement dans une activité déjà pratiquée.125 ». Certains reprennent une activité antérieure (souvent après avoir pris soin longtemps de leur conjoint), voire s'aventurent à en découvrir de nouvelles, car elle ne correspondait pas au goût de leur conjoint : voyage organisé, club de loisirs, etc. Ici aussi, il ne faut pas considérer ces stratégies de manière trop linéaire. D'une part, les personnes âgées peuvent alterner pour l'une et l'autre, soit selon la situation soit selon la temporalité dans laquelle elles se situent. D'autre part, certaines pourront opter pour des stratégies d'adaptation, puis avec l'avancée des incapacités se tourner vers des stratégies de rebond, voire d'abandon. Inversement, elles peuvent être empêchées pour une durée déterminée et prévoir par anticipation de nouveaux modes d'organisation afin de s'adapter en cas de nouvelles difficultés : il en va ainsi de certains individus qui suite à une chute, vont trouver des solutions d'adaptation pour leur logement et des moyens de prévention (téléalarme, lumière, etc.). Enfin, la description de ces stratégies doit se comprendre au sens typique : ce sont des constructions théoriques, abstraites, élaborées par Vincent Caradec à l'appui des entretiens et des observations qu'il a pu conduire. Les personnes âgées n'ont pas forcément une conscience accrue des choix ou non-choix qu'elles ont dû opérer au cours de leur vieillissement : « Le travail de déprise est donc un travail réflexif de l'individu qui relie son existence, qui oriente et interprète les abandons qu'il consent au fur et à mesure de l'avancée en âge. Tout autant qu'un détachement, il met en jeu des reprises de soi, des réinvestissements de certaines activités qui viennent partiellement compenser les abandons. 126 Mallon I., « Le « travail de vieillissement » en maison de retraite », Retraite et société, 2007/3, n°52, p. 48. 2.2.3 L'expérience corporelle du vieillissement
Vieillir, c'est voir son corps changer. La sénescence du corps a non seulement un impact sur les utilisations que l'on peut en faire, mais également sur le regard que nous portons sur nousmême ainsi que celui porté par les autres127. Il s'agit d'un des aspects du vieillissement que la sociologie a le plus tardivement étudié, il est pourtant l'aspect le plus visible de ce processus. Dans un texte co-écrit avec Thomas Vannienwenhove, Vincent Caradec128 explique que l'expérience corporelle du vieillissement se dessine à travers différentes dimensions. La première, celle qui a été le plus étudiée, nous est imposée de l'extérieur par la société et les individus qui la composent. Ainsi, le sentiment de vieillir nait au fur et à mesure du passage des différents marqueurs chronologiques de l'existence, normés socialement par les politiques publiques sociales et de santé : départ en retraite, courriers d'invitation à effectuer des dépistages Il se constitue également via l'évolution du contexte des relations aux autres qui fait prendre conscience de son âge. L'interactionnisme symbolique a mis en évidence que l'identité personnelle se crée en réaction aux images de soi renvoyées par les autres. Ces interactions sociales peuvent être positives ou négatives, cela n'empêche pas de les craindre l'une et l'autre. Ainsi en va-t-il, pour chacun d'entre nous, de redouter le moment où une jeune personne se lèvera pour laisser sa place dans les transports en commun. Il faut toutefois, nuancer le rôle joué par les interactions avec les autres et ne pas leur accorder un poids excessif en termes d'assignation identitaire. Premièrement, les autres sont multiples, leur regard pluriel, leur étation tout autant. Deuxièmement, les personnes, même très âgées, ont tout à fait la latitude de les considérer comme non pertinents : bien souvent le regard des autres ne vient que conforter ce dont on est soi-même déjà convaincu. De fait, la conscience de son vieillissement naît également et surtout « de l'intérieur », via le truchement d'un miroir ou l'apparition d'une incapacité129. Selon les deux auteurs cités cidessus, l'expression de ce sentiment relève de trois registres : la santé, la beauté et l'énergie du corps, chacun pouvant être décrit positivement ou négativement. Celui qui est très souvent
128 Ou comment je regarde les autres et comment me regardent-ils? Caradec V., Vannienwenhove T., « L'expérience corporelle du vieillissement », Gérontologie et société, 2015/1, vol. mobilisé est relatif au corps organique, c'est-à-dire son état de santé et ses capacités physiques. Il s'agit en effet, de marqueurs qu'il est difficile d'ignorer et de masquer, a fortiori dans un contexte où les sciences médicales sont omniprésentes, voire omnipotentes dans le domaine. Le deuxième registre relève de l'esthétique de son corps. Souvent les personnes décrivent une forme de surprise : les rides, les cheveux blancs sont venus petit à petit, puis arrive le moment où, seules devant leur miroir, elles ressentent une sorte d'étrangeté, un corps qu'elles ne reconnaissent plus. Le dernier registre concerne la vitalité du corps : « le sentiment d'être en forme, le fait de ressentir un certain bien-être s'opposent à la fatigue et à la faiblesse énergétique, perçues comme des signes du vieillissement.130 » Devant ce sentiment, véhiculé par son propre regard et/ou celui des autres, dans une société où la vieillesse est largement dévalorisée, les personnes vont tenter de mobiliser un certain nombre de techniques et de tactiques afin d'éloigner le plus longtemps possible les signes du vieillissement corporel, ce que Vincent Caradec nomme le « travail sur le corps vieillissant » : il est dual, à la fois pratique et symbolique. Pratique à travers différentes techniques médicales, chirurgicales, cosmétiques et médicamenteuses, mais également via diverses attitudes ou activités sensées retarder le vieillissement, telles que l'alimentation ou le sport. « Une même pratique peut [] se trouver dotée, par ceux qui s'y engagent, de vertus multiples : son action est alors susceptible de s'inscrire dans plusieurs registres. De ce point de vue, les activités physiques et sportives constituent un exemple intéressant. Elles sont, effet, volontiers considérées comme bénéfiques à la fois pour la santé et la beauté du corps. Cependant, à l'inverse, certaines pratiques sportives peuvent, à partir d'un certain âge, être jugées à risque pour l'intégrité corporelle. De même, leur impact en termes de vitalité et de bien-être fait l'objet d'appréciations contradictoires selon que l'énergie corporelle est considérée comme une ressource susceptible d'être renouvelée grâce à l'activité physique ou, à l'inverse, comme une réserve limitée, qui doit être préservée en évitant tout effort inutile.
»
Le travail symbolique du vieillissement s'exprime à travers l'interprétation des transformations corporelles et de leurs signes. Comme ils sont multiples, ils peuvent être intégrés de manière différente, voire contradictoire. 130 Caradec V., Vannienwenhove T., « L'expérience corporelle du vieillissement »,op. cit., p. 86. 131 Caradec V., Vannienwenhove T., « L'expérience corporelle du vieillissement »,op. cit., p. 88. 64
Toutefois, ces stratégies ont leurs limites et les personnes âgées peuvent s'engager dans un processus de déprise provoquant un cercle vicieux : parce qu'elles n'ont plus l'énergie, les capacités physiques ou qu'elles appréhendent le regard des autres, certaines pourront limiter leur sortie, par exemple, et, de fait, augmenter le risque de limitations fonctionnelles. Ce mécanisme sera d'autant plus délétère que les personnes évoluent dans un environnement physique et social peu favorable. Inversement, pour celles qui bénéficient d'« entours sociaux » propices, comme supports pour le maintien de prises à son environnement domestique (soutien familial, amical et professionnel) et extérieur (hauteur des trottoirs, présence de bancs, proximité des commerces, etc.), leur niveau d'activité peut tout à fait rester satisfaisant pour elles. Enfin, il faut noter que les incidences du vieillissement corporel et les interprétations qu'en font les individus sont différentes selon leur genre. Nous traiterons de cette question plus loin. 2.2.4 Transitions biographiques et (re)-constructions identitaires, un rapport au monde et à soi qui évolue 2.2.4.1 Les transitions biographiques
Les différents changements (corporels, sociaux), conduisent à des modifications identitaires et sont également à mettre en lien avec les transitions biographiques qui jalonnent la vie des personnes qui avancent en âge. Il s'agit de trois grands caps, « occasions privilégiées d'activation du processus de construction identitaire, ces moments de transition constituent aussi des points d'observation privilégiés du vieillissement. 132 ». Le départ en retraite a été longtemps considéré, en sciences sociales, comme un passage difficile pouvant engendrer une crise identitaire. Il est vrai que pour les premières personnes ayant pu bénéficier d'une pension, cette dernière période de la vie était souvent courte avec des moyens d'existence relativement limités133. Depuis les années 1970, le contexte est clairement plus favorable en termes de santé, de revenus et de situation de couple (du fait de la nette augmentation de la durée de vie après 60 ans pour les hommes et les femmes). Ces différentes améliorations permettent aujourd'hui aux personnes qui cessent leur activité professionnelle d'envisager leur nouvelle vie sous un angle beaucoup plus positif et d'endosser de nouveaux 132 Caradec
V
., « L'expérience sociale du vieillissement »,
Id
ées économiques et sociales, 2009/3, n° 157, p. 38. 133 Nous n'aborderons pas de manière approfondie les ressources économiques des personnes âgées, champs de recherche à part entière.
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Les communautés macrozoobenthiques des sédiments meubles intertidaux du littoral Nord – Pas-de-Calais : structure, relations avec les limicoles hivernants et enjeux de conservation
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doc.univ-lille1.fr Thèse de Céline Rolet, Lille 1, 2015
Liste des tableaux Table 2: Mean macrobenthic biomasses (g.m-2), mean shorebird abundances and mean human abundances with their standard deviations (± SD) calculated for the 78 sampling squares and for each studied period......................................................................................................187 © 2015 Tous droits réservés.
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, Lille
1,
2015 Introduction générale
Crédits photographiques : © Olivier Glippa. Vue sur la baie de Wissant depuis le Cap Gris-Nez (haut gauche) et vue sur Wimereux depuis la Pointe de la Crèche (bas gauche). © Christophe Luczak. Vue sur la plage et le port de Boulogne-sur-Mer (haut droit) et plage de Merlimont (bas droit). © 2015 Tous droits réservés. 1 doc.univ-lille1.fr Thèse de Céline Rolet, Lille 1, 2015 Introduction
générale Contexte général
Le littoral Le littoral est un espace dont les limites apparaissent difficiles à définir car elles sont à la fois floues et mobiles dans le temps et dans l’espace (Godet, 2008). En effet, définir le littoral relève d’un exercice de style puisqu’il existe autant de définition que d’auteurs (Dauvin et al., 2002), depuis celles que donnent les dictionnaires de langue française jusqu’aux définitions des géographes. La définition la plus couramment utilisée du littoral est celle donnée par le Petit Robert (1991) : « ce qui appartient, qui est relatif à la zone de contact entre la terre et la mer ». Sur le terrain et notamment pour les géomorphologues, il apparaît que le domaine littoral comprend tout ce qui, soit au-dessous, soit audessus du niveau moyen des eaux, est soumis à l’action des forces responsables du tracé de la côte et de ses changements (De Martonne, 1909). Progressivement, le terme évolue selon une approche qui renvoie à la nature comme aux pratiques sociales. Bousquet (1990) distingue ainsi trois définitions complémentaires : le littoral de « nature » sous la dépendance et l’énergie du milieu, le littoral « d’œkoumène » habité et mis en valeur par l’homme et le littoral « d’institution » que régissent les textes législatifs et réglementaires. Pour Corlay (1995), le littoral doit être appréhendé comme « un système aux éléments multiples, dont les deux composantes majeures sont d’une part l’écosystème, c’est-à-dire un milieu aux potentialités diverses et aux contraintes très fortes et, d’autre part le sociosystème, combinaison de facteurs qui relèvent de la société ». Quant aux géographes ils ne proposent pas de limites figées à cet espace littoral, car ce dernier est, de par sa nature même, un espace dynamique et mobile. L’extension du mot littoral dépend donc directement de la problématique à traiter. Afin de cerner la complexité de ce système, il convient de considérer à la fois les caractères physiques et biologiques spécifiques à l’espace littoral, mais aussi d’étudier ses dynamiques particulières à diverses échelles spatiales. Nous considérerons donc que le littoral est une zone de transition plus ou moins progressive entre les domaines terrestre et marin et que cette zone est soumise à des contraintes physiques très puissantes et largement fluctuantes dans le temps. Cette zone d’interface entre les domaines terrestre
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et marin est ainsi représentée par une mosaïque de systèmes écologiques ou écosystèmes. On retrouve en premier lieu les systèmes dunaires et les falaises, zones tampons entre la terre et la mer, puis la zone intertidale (ou estran) composée des plages et estuaires, et le subtidal peu profond caractérisé par une zone de « surf » ; ces deux dernières zones peuvent être qualifiées de vrai domaine littoral « marin » (Godet, 2008). Ces différents systèmes (i.e. zone de surf, zone intertidale, dune et/ou falaise) influencés par la mer et en interaction permanente, sont considérés comme un vaste écotone (Frontier et al., 2008) et présentent plusieurs caractéristiques uniques. En effet, ces trois systèmes sont caractérisés par des frontières longues et ouvertes et subissent des changements fréquents et importants en fonction des conditions environnementales. Ils sont intimement liés à travers le stockage, le transport et l’échange de sédiments mais également via un échange de nutriments, de matière organique et d’animaux qui se déplacent entre les différents systèmes. Enfin, les communautés biologiques vivant ou se déplaçant au sein de cette interface terre/mer sont d’origine terrestre et/ou marine (Figure 1 ; Schlacher et al., 2015). Figure 1 : Schéma conceptuel d'un écosystème dune– plage-zone de surf, illustrant les quatre caractéristiques et processus définissant ces zones et leurs assemblages écologiques : 1) des frontières longues et ouvertes, 2) des zones malléables en fonction des conditions environnementales, 3) les échanges entre les différents systèmes et 4) l’interface terre-mer composée d'espèces terrestres et marines (Schlacher et al., 2015).
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Introduction
générale
Caractéristiques écologiques des substrats meubles en milieu intertidal A l’échelle du globe, deux tiers des littoraux sont représentés par des estrans sableux (McLachlan et Brown, 2006). Ces zones intertidales sableuses sont caractérisées par des paramètres physiques et écologiques uniques. Les estrans sableux, et notamment les plages, sont communément définis d’après le régime de marée, l’exposition aux vagues et la granulométrie du sédiment. On peut ainsi distinguer deux principaux types de morphologie pour les plages sableuses : (i) le type « réflectif » où les plages sont étroites et caractérisées par une forte pente, des sédiments grossiers et l’absence de zone de surf et (ii) des plages dites « dissipatives » qui, à contrario, ont une zone intertidale large et sont caractérisées par des pentes très faibles voire inexistantes, des sédiments fins et par la présence d’une zone de surf (Masselink et Short, 1993 ; Short, 1996). Longtemps qualifiées de « désert marin », les plages sableuses sont aujourd’hui reconnues comme un haut lieu de biodiversité abritant une faune abondante et diversifiée (McLachlan et Brown, 2006). L’environnement interstitiel accueille de nombreux micro-organismes (bactéries, microphytobenthos et protozoaires). Les estrans sableux abritent également de nombreuses espèces d’invertébrés : zooplancton, méiofaune et macrofaune benthique, insectes mais aussi des espèces de vertébrés telles que les poissons, les tortues, les oiseaux marins et parfois même des mammifères ; cette zone leur procure un habitat transitoire et/ou permanent pour la reproduction, l’alimentation et la migration (Van de Kam et al., 2004 ; McLachlan et Brown, 2006 ; Schlacher et al., 2008a ; Defeo et al., 2009 ; Delany et al., 2009 ; Schlacher et al., 2015). Les organismes macrozoobenthiques (ou macrofaune benthique ou macrobenthos, représenté par des individus retenus par un tamis de vide de maille de 1 mm et donc caractérisés par une taille supérieure à 1 mm) constituent une part importante des espèces peuplant les plages et estuaires tant en quantité qu’en diversité. Les Crustacés, Polychètes et Mollusques sont les taxons les plus représentatifs et les plus souvent rencontrés. Ces espèces animales, en grande partie sédentaires, vivent à l’état adulte en relation permanente avec le sédiment et interagissent entre elles et avec leur environnement pour former une communauté benthique (Dauvin, 1993).
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Introduction générale
Ces communautés macrobenthiques ont reçu beaucoup d’attention de la part des écologues et sont de ce fait relativement bien connues par rapport à d’autres compartiments biologiques tels que la méiofaune par exemple. Les travaux portant sur les communautés macrobenthiques des substrats meubles, et plus particulièrement leur zonation sur le domaine intertidal des plages, ont débuté dans les années 1950. Dahl (1952) démontre alors que l’estran sableux peut se subdiviser en trois grandes parties (Figure 2) : une première partie située en haut de plage et caractérisée par la présence d’Amphipodes de la famille des Talitridae dans les régions tempérées qu’il nommera « the subterrestrial fringe ». Une seconde zone, « the midlittoral zone », localisée en milieu d’estran et caractérisée par des Amphipodes de la famille des Haustoriidae et par les Isopodes du genre Eurydice spp. Enfin, une troisième zone localisée en bas de l’estran et caractérisée par une plus grande diversité macrobenthique avec des Amphipodes appartenant à plusieurs familles (Haustoriidae, Phoxocephalidae et Oedocerotidae), qui correspond à la zone « the sublittoral fringe ». Quelques années plus tard, Salvat (1964) définit quatre zones en se basant sur les propriétés de la teneur en eau du sédiment : zones de dessiccation, de rétention, de résurgence et de saturation (Figure 2). D’autres auteurs, comme Brown (Figure 2), dénombreront deux zones (Fernandes et Soares-Gomes, 2006), alors que certains montreront qu’aucune zonation des communautés macrobenthiques ne peut être mise en évidence (Haynes et Quinn, 1995; Rodil et al., 2006). Cependant, McL lan et Jaramillo (1995) et plus récemment Schlacher et Thompson (2013b), à partir de synthèses basées sur une compilation de différents travaux menés sur un nombre important de plages à travers le monde, ont montré que 62% des études reconnaissent l’existence de trois zones typiques telles que celles définies au préalable par Dahl (1952). © 2015 Tous droits réservés. 5 doc.univ-lille1.fr Thèse de Céline Rolet, Lille 1, 2015
Introduction générale
Figure 2 : Les trois schémas de zonation de la macrofaune des estrans sableux (zonation de Brown, Dahl et Salvat ; adapté de McLachlan et Brown, 2006).
EHWS correspond à Ebb High Water Spring et ELWS à Ebb Low Water Spring. Au sein des estuaires, les communautés macrobenthiques se répartissent en fonction de deux gradients : un gradient de salinité horizontal et un gradient de salinité vertical depuis l’amont de l’estuaire jusqu’à l’embouchure (Ysebaert et al., 2003). Les organismes macrobenthiques occupant les estuaires se répartissent ainsi sur trois principaux secteurs depuis l’amont vers l’aval : le secteur oligohalin (salinité < 5 PSU) souvent pauvre en espèces, le secteur mésohalin (5-18 PSU) et le secteur polyhalin (18-30 PSU) ayant tous deux une diversité un peu plus élevée (Knox, 2001). En fonction des conditions environnementales (salinité, caractéristiques sédimentaires...), les estuaires peuvent présenter un nombre variable de communautés benthiques. Ainsi, à titre d’exemple, Ysebaert et al. (2003) ont pu mettre en évidence quatre communautés macrobenthiques au sein de la zone intertidale de l’estuaire de l’Escaut : deux au sein de la zone polyhaline, une au sein de la zone mésohaline et la quatrième à l’embouchure de l’estuaire au sein de la zone polyhaline. En baie de Saint-Brieuc, depuis le fond de baie vers les bas niveaux de la zone intertidale, quatre communautés benthiques sont également présentes : une communauté à Scrobicularia plana, une seconde à Macoma balthica et Hediste diversi , une troisième à Cerastoderma edule et Tellina tenuis et une quatrième à Donax © 2015 Tous droits réservés. 6 doc.univ-lille1.fr Thèse de Céline Rolet, Lille 1, 2015 Introduction générale vittatus et Magelona spp (Ponsero et Sturbois, 2014).
En considérant uniquement les zones mésoet polyhalines, Blanchet et al. (2014) ont montré qu’au sein de certains estuaires français tels que ceux de la Seine et de la Somme, deux communautés benthiques étaient présentes : une communauté à S. plana/M. balthica/C. edule localisée en amont de la zone intertidale et une communauté de sables mobiles caractérisée par des Amphipodes de la famille des Haustoridae (i.e. Bathyporeia spp.), localisée au niveau des bancs exposés à l’action des vagues et des courants tidaux. Caractériser les communautés benthiques (richesse, distribution spatiale...) permet d’appréhender leurs fonctionnalités biologiques au sein de l’écosystème, notamment en matière de réseau trophique. Au sein des écosystèmes intertidaux sableux, les organismes benthiques appartenant à la macrofaune représentent un maillon clé du réseau trophique (Raffaelli et Hawkins, 1999). En raisonnant en terme plus simple de chaîne trophique, les consommateurs primaires sont caractérisés par des organismes suspensivores tels que les Mollusques Bivalves qui se nourrissent des producteurs primaires (phytoplancton et matière organique particulaire) et par des organismes détritivores (certains Crustacés tels que les Amphipodes et les Isopodes) qui consomment des débris végétaux. Les consommateurs secondaires représentés en majorité par des Polychètes et d’autres Crustacés (crevettes et crabes) se nourrissent des consommateurs primaires. Finalement, en haut de la chaîne trophique, les « topprédateurs », oiseaux, poissons et mammifères marins, se nourrissent sur tous les niveaux de
chaîne trophique (Figure 3 ; McLusky et Elliott, 2004 ; Bergamino et al., 2011).
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Figure 3 : Exemple de réseau trophique au sein de la zone intertidale (Modifié de McLusky et Elliott, 2004). Les groupes encadrés et colorés seront étudiés dans la suite de ce
manuscri
t
Les « top-prédateurs »les plus fréquemment rencontrés au sein des plages et estuaires sont les oiseaux appartenant à différentes familles : Scolopacidés, Charadriidés et Haematopodidés qui forment le groupe des limicoles (« Shorebirds » ou « Waders » en anglais), les Anatidés (canards et oies) et les Laridés (mouettes, goélands et sternes) (Burton et al., 2012). Le littoral leur procure un habitat pour l’alimentation, la reproduction et la nidification. Les Laridés se nourrissent principalement de poissons et d’invertébrés benthiques dans les bas niveaux de la zone intertidale et dans la zone de surf (Schlacher et al., 2014a) alors que les limicoles occupent tout l’estran à marée basse pour se nourrir © 2015 Tous droits réservés. 8 doc.univ-lille1.fr Thèse de Céline Rolet, Lille 1, 2015
Introduction générale d’invertébrés benthiques. Leur répartition spatiale est ainsi fortement influencée par la répartition de leurs proies (Prater, 1981 ; McLusky et Elliott, 2004), notamment lors des périodes d’hivernage et des haltes migratoires pré et post-nuptiales (Piersma et al., 1993). Durant ces périodes, l’abondance et la diversité des limicoles présents sur les estrans sableux et vaseux dépendent à la fois de la biomasse en invertébrés benthiques disponible (Moreira, 1997 ; Newton, 1998), de la superficie intertidale réellement accessible pour s’alimenter (Ponsero et al., 2012), des perturbations anthropiques (Flamant et al., 2005 ; Schlacher et al., 2013 ; Martin et al., 2014) et de l’existence de reposoirs à proximité (Van Gils et al., 2006). Le haut de la zone intertidale est également un habitat important pour la nidification de nombreuses espèces d’oiseaux (e.g. Grand Gravelot Charadrius hiaticula). Face aux perturbations anthropiques, cet habitat doit être considéré plus explicitement pour la conservation des espèces. Enfin, les zones intertidales offrent un large éventail de services écosystémiques : stockage et transport de sédiments, dissipation des vagues et protection contre les événements extrêmes (tempêtes), décomposition des matières organiques et des polluants, filtration de l’eau et assainissement, recyclage de la matière organique et des éléments nutritifs, support à des activités récréatives et ressources alimentaires (Bivalves et Crustacés notamment ; Brown et McLachlan, 2002 ; Schlacher et al., 2008a ; Defeo et al., 2009). Une zone sous influence anthropique
Malgré une biodiversité unique et riche et un nombre important de services écosystémiques rendus par les littoraux (Defeo et al., 2009), ces derniers subissent de plein fouet l’influence anthropique que ce soit à l’échelle globale, sous l’effet des changements climatiques, ou à l’échelle locale, en conséquence d’une urbanisation croissante (Schlacher et al., 2008a). Aujourd’hui, plus de 60% de la population mondiale vit à moins de 60 km du littoral (IPCC, 2007). Cette anthropisation sur la frange côtière a débuté il y a deux siècles (Nordstrom, 2000) et devrait s’intensifier dans les décennies à venir (Brown et McLachlan, 2002 ; Halpern et al., 2008).
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L’intense développement sur le littoral, inévitable conséquence du progrès économique, entraîne une modification des écosystèmes côtiers et une perte d’habitats pour de nombreuses espèces (Schlacher et al., 2008a). La construction d’infrastructures en domaine littoral (complexes portuaires, digues, jetées...) peut altérer la dynamique naturelle du transport sédimentaire et induire de profonds changements d’abondance, de diversité et de distribution spatiale des communautés benthiques (Lewis et al., 2003; Bertasi et al., 2007; Schlacher et al., 2008a). Les activités récréatives telles que la pêche à pied, la randonnée, l’utilisation d’engins motorisés (tracteurs, 4 X 4, quads...), le nettoyage et l’engraissage des plages peuvent directement impacter les organismes benthiques (Peterson et Bishop, 2005 ; Speybroeck et al., 2006 ; McLachlan et Brown, 2006; Schlacher et Thompson, 2007, 2012 ; Schlacher et al., 2008b). Ces perturbations anthropiques peuvent finalement avoir des répercussions directes sur les maillons supérieurs du réseau trophique tels que les oiseaux marins (perte ou diminution des ressources), mais également indirectes (Goss-Custard et Verboven, 1993) en perturbant leur comportement alimentaire (Thomas et al., 2003), leur reproduction et leur nidification (Lord et al., 1997, 2001). La pollution agit également à différentes échelles spatiales et temporelles et inclue une grande variété de matériaux, allant des molécules jusqu’au débris plus gros (e.g. microplastiques ; Thompson et al., 2004 ; Cole et al., 2011) pouvant porter atteinte à la physiologie, la survie, la reproduction et le comportement de nombreuses espèces inféodées aux zones tidales (Ivar do Sul et Costa, 2014). Les changements globaux sont une autre source de perturbation pouvant conduire à une réorganisation des écosystèmes (Brown et McLachlan, 2002 ; Godet et Luczak, 2012) et par conséquent à une modification des relations trophiques (exemple du Puffin des Baléares Puffinus mauretanicus dans l’Atlantique Nord-Est ; Luczak et al., 2011). L’augmentation des températures peut influencer directement ou indirectement les espèces de l’échelle individuelle à celle des communautés (Goberville et al., 2014) : perturbations de la croissance des espèces (McLachlan et Brown, 2006), changements phénologiques (exemple de la migration chez les oiseaux, Jaffré et al., 2013 ; exemple du recrutement des organismes benthiques, Philippart et al., 2003) et perturbations des interactions entre espèces (modifications du réseau trophique, Dugan et al., 2003). L’augmentation du niveau marin ainsi que les événements extrêmes peuvent causer de profondes modifications des paysages littoraux © 2015 Tous droits réservés. 10 doc.univ-lille1.fr Thèse de Céline Rolet, Lille 1, 2015
Introduction générale en altérant la morphologie des plages et impactant de ce fait les espèces qui y vivent par perte de leur habitat (Harris et al., 2011). Cette liste, loin d'être exhaustive, montre la multitude de facteurs pouvant perturber, à différentes échelles, le fonctionnement des écosystèmes intertidaux. De par le monde, les nombreuses preuves de l’impact anthropique s’exerçant sur les habitats littoraux ont conduit les scientifiques et les décideurs politiques à développer des plans de conservation et de gestion de ces écosystèmes. Cependant, des conflits inévitables persistent entre la préservation des habitats et de la biodiversité et le développement des exigences économiques (Schlacher et al., 2008a). Les mesures de conservation applicables au domaine intertidal Bien qu’il n’existe pas de convention internationale multilatérale spécifique aux zones littorales et côtières, un certain nombre de textes contiennent des dispositions qui permettent de protéger l’espace littoral (Mesnard et Lozachmeur, 2002). Citons tout d’abord la Convention de Ramsar relative à la protection des zones humides d’importance internationale ratifiée en 1971 et mise en action à partir de 1975 ou encore la Convention sur la Diversité Biologique (CDB ou Convention de Rio) de 1992 dont les objectifs premiers sont la conservation de la biodiversité, l’utilisation durable de ses ressources et le partage juste et équitable des avantages découlant de l'exploitation des ressources génétiques (CDB, 1992). Nous pouvons également citer deux traités internationaux de protection des espaces naturels et des espèces animales : la Convention de Bonn, relative à la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage (1979) et la Convention de Berne, relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel en Europe (1979 A l’échelle européenne, la convention pour la protection de l'environnement marin de l'Atlantique Nord-Est (OSPAR), ouverte à la signature en 1992, a remplacé les précédentes conventions de Paris et d’Oslo des pays l'Union Européenne (OSPAR, 1992). Sous ses cinq stratégies environnementales, la convention OSPAR promeut la mise en œuvre d'une approche fondée sur les écosystèmes. Différentes directives issues du droit international ont ensuite été mises en œuvre au niveau communautaire. Un réseau de zones protégées « Natura 2000 » a de ce fait été créé. Les sites sont désignés en application © 2015 Tous droits réservés.
11 doc.univ-lille1.fr Thèse de Céline Rolet, Lille 1, 2015 Introduction générale de la Directive Oiseaux (79/409/CE) relative à la conservation des oiseaux sauvages (1979) et de la Directive Habitats (92/43/CE) relative à la conservation des habitats naturels, de la faune et de la flore sauvages
.
En juillet 2002, le 6ème programme d’actions
environnementales
de l
’Union Européenne
a défini
des objectifs et des zones prioritaires en faveur d’
actions
pour la nature et la biodiversité
et a cherché à promouvoir
ces
actions pour la protection
des
zones
marines
. En con
s
équence
, tous les pays européens
ont dû s’acquitter de leurs obligations
internationales
en appliquant les Directives O
iseaux et
Habitat
s
à
l’environnement marin
.
La partie marine du
rése
au « Natura 2000 »se doit d’être un réseau écologique européen cohérent. La France a ainsi proposé ses sites « Natura 2000 »en fonction des habitats inscrits à la Directive Habitats et en fonction des espèces inscrites
à
la Directive Oiseaux. Les sites choisis sont nommés plus spécifiquement « Zones Spéciales de Conservation (ZSC) » pour ceux désignés en vertu de la Directive Habitat et « Zones de Protection Spéciale (ZPS) » pour ceux désignés en vertu de la Directive Oiseaux. En octobre 2000, le parlement et le conseil européen adoptent une nouvelle directive la « Directive-Cadre sur l’Eau » ou DCE (2000/60/CE) concernant la protection des ressources en eaux douces, saumâtres et salées, superficielles ou souterraines, de transition et côtières. En juin 2008, une nouvelle directive, spécifique cette fois-ci au domaine marin, est finalement mise en œuvre : la « Directive Cadre Stratégie pour le Milieu Marin » ou DCSMM (2008/56/CE) dans le but de protéger plus efficacement l'environnement marin au sein de l'Union Européenne. Il s’agit du premier instrument législatif de l'UE relatif à la protection de la biodiversité marine avec comme objectif final d'atteindre le « bon statut écologique »dans les eaux marines de l'UE et l'amélioration de l’état de conservation de la biodiversité marine d'ici 2020. Cette directive rappelle également les objectifs de la CDB et encourage les pays à développer des réseaux d'Aires Marines Protégées (AMP) et à entreprendre des coopérations régionales et transfrontalières (Vong, 2010). En plus des conventions internationales et des directives européennes, différentes mesures de protection sont mises en place à l’échelle nationale. Ces mesures peuvent être spécifiques aux espaces naturels littoraux : Loi littoral, dispositions relatives au Domaine Public Maritime, Conservatoire du littoral, schémas de mise en valeur de la mer et contrats de baie ; alors que d’autres ne sont pas spécifiques et s’appliquent également au milieu continental telles que les directives territorial © 2015 Tous droits réservés. 12 doc.univ-lille1.fr Thèse de Céline Rolet, Lille 1, 2015 Introduction générale d’aménagement, les espaces naturels sensibles, les sites classés et inscrits, les réserves naturelles, les arrêtés de biotope, les parcs nationaux et parcs naturels régionaux (Mesnard et Lozachmeur, 2002). De nombreuses mesures de protections mises en œuvre au niveau international, communautaire et national existent donc et permettent une protection du domaine littoral marin. Cependant, ces différentes mesures se chevauchent régulièrement, démontrant la valeur écologique et biologique des espaces concernés, mais peuvent être à l’origine de désaccords entre les différents acteurs quant à leur gestion/conservation. Problématiques et objectifs dans un contexte régional
Nous avons choisi comme site d’étude le littoral de la région Nord – Pas-de-Calais et plus particulièrement ses zones intertidales (plages et estuaires) composées de substrats meubles qui représentent 95% du linéaire côtier. Située au sein de la Manche orientale et au sud de la mer du Nord, la région est un secteur côtier sous forte influence anthropique (Halpern et al., 2008), le détroit du Pasde-Calais étant l’une des routes maritimes les plus fréquentées au monde avec 700 navires par jour (18% du trafic mondial ; Dewarumez et al., 2002). C’est une source de danger potentiel non négligeable en matière de pollution chronique et/ou majeure. Des phénomènes de grande ampleur ont déjà eu lieu sur les côtes de la Manche impactant de façon notable les écosystèmes côtiers : naufrages du Torrey Canyon (1967) au large des côtes de Cornouailles (Royaume-Uni) et de l’Amoco-Cadiz (1978) au large des côtes finistériennes (Dauvin, 1979). Le littoral régional est également un espace naturel fragmenté, la continuité spatiale étant rompue principalement par les zones industrialoportuaires de Dunkerque, Calais et Boulogne-sur-Mer. A ce jour, les espaces naturels littoraux n’occupent plus que 7 km de rivages dunaires dans le département du Nord alors que seuls 20% des 112 km de côte du département du Pas-de-Calais sont artificialisés (Meur-Férec, 1995). Situé sur la voie de migration Est-Atlantique, le domaine intertidal régional fait également office de corridor, car comme tout domaine intertidal, les estrans du Nord – Pas-de-Calais sont également les milieux abritant de façon privilégiée les oiseaux limicoles (Charadriidae, Scolopacidae, Haematopodida
) en © 2015 Tous droits
réservés.
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, Lille 1, 2015 Introduction générale période de reproduction mais surtout en stationnement migratoire et en hivernage (Marzec et Luczak, 2005 ; Spilmont et al., 2009). Il apparaît finalement que le littoral de la région Nord – Pas-de-Calais présente la situation paradoxale d’être fortement anthropisé (urbanisation, industrialisation, tourisme, activités récréatives...) mais d’être également protégé grâce au développement de politiques publiques et l’application des directives européennes à cette échelle régionale (Dewarumez et al., 2002). Dans ce contexte régional, il est donc indispensable de renforcer les connaissances de ces écosystèmes intertidaux meubles (plages et estuaires) aux niveaux descriptifs et fonctionnels et de mettre en évidence les secteurs à forte valeur écologique. Une telle approche est primordiale pour (i) dresser un état des lieux de ces systèmes en cas de perturbation anthropique majeure et (ii) améliorer, voire faciliter, la prise de décisions des mesures de gestion et de conservation par les acteurs politiques et les gestionnaires des espaces naturels. Partant de ce constat, les problèmes à résoudre sont à la fois à finalités fondamentales et appliquées. « Paradoxalement à la facilité de son accès », le domaine intertidal et plus particulièrement les communautés benthiques semblent beaucoup moins connues que celles du domaine subtidal (Cabioch et Glaçon, 1975 ; Souplet et Dewarumez, 1980 ; Souplet et al., 1980 ; Prygiel et al., 1988 ; Davoult et al., 1988 ; Desroy et al., 2003 ; Foveau, 2009). Depuis quelques années, le laboratoire d’Océanologie et de Géosciences (LOG UMR CNRS 8187) fait l’objet de nombreuses demandes quant à des besoins de connaissances aussi bien descriptives que fonctionnelles (relation avec l’avifaune) de ce milieu intertidal à l’échelle régionale et ce à des fins de gestion/conservation : baie de Canche (Luczak et al., 2002), baie de Wissant (Vallet et Dauvin, 2001), réserve naturelle nationale du Platier d’Oye (Luczak et al., 2008), plage des Hemmes de Marck (état des lieux avant travaux Calais Port 2015 ; Luczak et al., 2010), plage de Petit-Fort-Philippe (suivi de l’impact de la centrale nucléaire de Gravelines ; Dewarumez, 1978 – 2013). Aux échelles nationales et européennes, de nombreux programmes ont également été mis en place et visent à recueillir des données relatives aux habitats côtiers et à référencer les habitats benthiques (le programme national REBENT Réseau BENThique
– © 2015
Tous droits réservés. 14 doc.univ-lille1.fr Thèse de Céline Rolet, Lille 1, 2015 Introduction générale http://www.ifremer.fr/rebent/ ou
encore
le programme européen MESH
Mapping
European Seabed
Habitats – http://www.searchmesh.net). De ces différents travaux résulte la production de cartes des habitats benthiques, outil reconnu comme une première étape essentielle et un point de référence fondamental pour la planification spatiale marine, la gestion et la conservation de ces écosystèmes d’interface (Shumchenia et King, 2010). La majorité des études portant sur les habitats benthiques reposent aujourd’hui sur la classification d’habitats EUNIS (Connor et al., 2004 ; Davies et al., 2004) afin de mettre en place un système commun de classification des habitats à l’échelle européenne (Galparsoro et al., 2012). A l’échelle régionale, des données nécessaires à la réalisation d’une cartographie des communautés macrozoobenthiques des substrats meubles intertidaux existent mais de façon dispersée pour certains secteurs du littoral. Un travail de compilation de ces données « historiques » est nécessaire en vue d’établir de nouvelles campagnes de terrain pour explorer les zones jusqu’ici non connues. Cette compilation et le traitement de ces données est indispensable pour caractériser les communautés benthiques des sédiments meubles intertidaux et pour aboutir in fine à une cartographie à l’échelle du littoral régional. Cette cartographie se veut un outil utile, à la fois pour la société et les usagers du littoral, mais également comme préalable indispensable à toute étude fonctionnelle de ces écosystèmes. Quelles sont les communautés macrobenthiques présentes sur les estrans meubles de la région Nord – Pas-de-Calais? Quelle est leur organisation spatiale? Les zones intertidales du littoral régional, situées sur la voie de migration Est-Atlantique, servent également de zones d’alimentation pour de nombreux limicoles en halte migratoire en période d’hivernage et de stationnements préet post-nuptiaux. La seconde problématique concerne le rôle trophique de ces estrans sableux au niveau de l’organisation des interactions limicoles (prédateurs) et macrofaune (proies) dans un cadre spatial. De nombreuses études ont en effet démontré que la distribution des limicoles sur les estrans sableux est conditionnée par la présence de leurs ressources alimentaires (Goss-Custard et al., 1977; Piersma et al., 1993; VanDusen et al., 2012). Cette hypothèse est-elle vérifiée à l’échelle régionale? Existe-t-il des zones « hot-spot » pour l ’accueil des © 2015 Tous droits réservés. 15 doc.univ-lille1.fr Thèse de Céline Rolet, Lille 1, 2015
Introduction générale limicoles en hivernage? Quelle est la capacité d’accueil du littoral régional pour les limicoles hivernants? Comme mentionné précédemment, le littoral régional est le siège d’une importante urbanisation et industrialisation mais également de nombreuses activités récréatives et touristiques. La troisième problématique concerne donc l’impact de certaines activités anthropiques sur les communautés macrobenthiques des estrans meubles de la région. Est-ce qu’un aménagement portuaire peut affecter la diversité, les densités, les biomasses et la distribution spatiale de ces communautés? Cet aménagement peut-il avoir des répercussions sur les consommateurs supérieurs tels que les limicoles par effet de cascade trophique? De nombreuses études ont également démontré que les perturbations engendrées directement par l’homme avaient un impact sur la répartition spatiale des limicoles, les empêchant d’accéder aux sites les plus attractifs pour ce qui est des ressources alimentaires ; ces dérangements peuvent même entraîner une désertification du site par les limicoles (Gill et al., 2001b ; Burton et al., 2002a, 2002b ; Goss-Custard et al., 2006). La présence humaine est-elle un facteur conditionnant la distribution spatiale des limicoles à l’échelle régionale? Ce travail de thèse entre dans le cadre d’un projet de recherche « Biodiversité », le projet MACROFONE (2012-2015) « Les communautés MACROzoobenthiques des sédiments meubles intertidaux du Nord – Pas-de-Calais : structure, FONctionnement Ecologiques, relations avec l’avifaune hivernante » porté par le Dr. Christophe Luczak (Laboratoire d’Océanologie et de Géosciences UMR 8187) et financé par la région Nord – Pas-de-Calais et la Fond
ation pour la Recherche sur la Biodiversité (FRB). © 2015 Tous droits réservés. 16 doc.univ-lille1.fr Thèse de Céline Rolet, Lille 1, 2015 Introduction générale
Organisation du mémoire
Ce mémoire de thèse est composé d’articles publiés et en préparation. Le premier chapitre de ce mémoire est consacré à la présentation du site d’étude : le littoral de la région Nord – Pas-de-Calais. Quatre principaux points seront abordés notamment le contexte environnemental, les différents habitats et la biodiversité qu’accueille le littoral régional, les impacts anthropiques rencontrés ainsi que les mesures de gestion et de protection mises en place jusqu’à ce jour. Le second chapitre a pour but de présenter et décrire les différentes communautés macrobenthiques rencontrées sur les zones intertidales meubles du littoral Nord – Pas-de-Calais en matière de diversité, densités, biomasses et de distribution spatiale. La zonation de ces différentes communautés macrobenthiques sur les estrans meubles régionaux est mise en évidence. Enfin, les communautés macrobenthiques observées à l’échelle régionale ont été reliées à la classification d’habitats EUNIS, classification commune aujourd’hui adoptée à l’échelle européenne pour caractériser les habitats. Ce chapitre fait ainsi l’objet d’un fascicule cartographique destiné aux usagers du littoral, gestionnaires et scientifiques et d’une publication parue dans la revue Continental Shelf Research répondant aux questions suivantes : Quelles sont les communautés macrobenthiques présentes sur les estrans meubles de la région Nord – Pas-de-Calais? Quelle est leur organisation spatiale? La typologie d’habitats EUNIS est-elle applicable aux estrans meubles du nord de la France? Le troisième chapitre se focalise sur l’étude des limicoles en hivernage sur le littoral régional. Nous nous sommes intéressés à la distribution spatiale de ces limicoles sur les estrans meubles au niveau spécifique et global afin de mettre en évidence les zones à enjeux de conservation pour leur accueil en période hivernale. Nous avons également testé si leur répartition était conditionnée par la distribution et l’abondance de leurs ressources alimentaires (i.e. biomasse de la macrofaune benthique). Enfin, nous avons appréhendé la notion de capacité d’accueil d’un site pour les limicoles en estimant leurs besoins énergétiques et leurs consommations sur les différents secteurs meubles du © 2015 Tous droits réservés. 17 doc.univ-lille1.fr Thèse de Céline Rolet, Lille 1, 2015
Introduction générale littoral Nord – Pas-de-Calais. Ce chapitre se compose de deux publications dans des revues scientifiques naturalistes. Une première parue dans la revue régionale Le Héron qui répond aux questions suivantes : La répartition des limicoles hivernants est-elle liée à l’abondance et à la répartition de leurs ressources alimentaires à l’échelle régionale? Existe-t-il des zones « hotspot » pour leur accueil en période d’hivernage? Une seconde publication, en préparation pour la revue Alauda, qui répond à la problématique suivante : Quelle est la capacité d’accueil du littoral régional pour les limicoles hivernants? Le quatrième chapitre a pour objectif de mettre en lumière les possibles conséquences des perturbations anthropiques sur les communautés benthiques des sédiments meubles et sur les limicoles hivernants de la région. Dans un premier temps, nous avons choisi comme site d’étude la plage des Hemmes de Marck située à l’Est de Calais et nous avons testé si les aménagements portuaires (extension du port et construction d’une digue à l’Ouest de la plage en 1984) pouvaient avoir une influence sur les communautés macrobenthiques (i.e. diversité, densités, biomasses, distribution spatiale) et de ce fait un impact sur les limicoles hivernants par effet de cascade trophique. Dans un deuxième temps, nous avons étudié si la distribution spatiale des limicoles au sein d’un estuaire, la baie de Canche, était conditionnée par leurs ressources alimentaires et/ou par des perturbations anthropiques directes (i.e. présence humaine sur l’estran) à plusieurs périodes de l’année : en hivernage et aux périodes préet post-nuptiales. Ce chapitre se compose de deux publications. La première, publiée dans la revue Biological Conservation et concernant le site des Hemmes de Marck, répond aux questions suivantes : Est-ce qu’un aménagement portuaire peut affecter la diversité, les densités, les biomasses et la distribution spatiale des communautés macrobenthiques? Cet aménagement peut-il avoir des répercussions sur les consommateurs supérieurs tels que les limicoles par effet de cascade trophique? La seconde publication, concernant le site de la baie de Canche et en préparation pour la revue Journal of Applied Ecology, répond aux questions suivantes : A l’échelle locale, quels facteurs conditionnent la distribution spatiale des limicoles : la répartition et l’abondance de leurs ressources alimentaires ou la présence humaine?
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Lille
1,
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Introduction générale
Le cinquième chapitre est une synthèse générale de ce travail et énonce les perspectives notamment dans l’optique d’une amélioration des mesures de préservation et de conservation des zones intertidales meubles à l’échelle régionale. © 2015 Tous droits réservés.
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Thèse de Céline Rolet, Lille 1, 2015 Chapitre I Le littoral Nord – Pas-de-Calais : caractéristiques environnementales, enjeux écologiques et socioéconomiques
Crédits photographiques : © Olivier Glippa. Epis de la plage de Sangatte (haut gauche), chars à voiles et centrale nucléaire de Gravelines en arrière-plan (haut droit). © Adrien Cartier. Détroit du Pasde-Calais avec un porte-conteneur et les côtes anglaises du Kent (bas).
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Thèse de Céline Rolet, Lille 1, 2015
Chapitre I I Caractéristiques environnementales générales du littoral Nord – Pas-deCalais 1. Contexte géographique et géomorphologique
Situé en Manche orientale et au sud de la mer de Nord, mers épicontinentales de faibles profondeur (50 mètres en moyenne pour un maximum de 100 mètres ; Dauvin, 2012), le littoral Nord Ŕ Pas-de-Calais s’étend sur un linéaire côtier de 140 km depuis la frontière belge, située au nord-est, jusqu’à la baie d’Authie, située au sud-ouest (Figure I-1). Ce littoral est caractérisé par une façade nord, orientée sud-ouest/nord-est, et une façade ouest, orientée nord/sud.
Figure I-1 : Localisation des principaux types de littoraux de la région Nord – Pas-de-Calais (d’après Héquette, 2010). ©
2015 Tous droit
s
réserv
és. 21 doc.univ-lille1.fr Thèse de Céline Rolet, Lille 1, 2015
Chapitre I La côte située entre Calais et la frontière belge marque la limite entre la mer du Nord et la plaine maritime flamande située en arrière, zone basse qui peut être située sous le niveau moyen de la mer et protégée par un long cordon dunaire étroit s’étendant jusqu’à la Belgique. En raison de la présence des agglomérations de Calais et Dunkerque, ce cordon n’est cependant pas continu (Augris et al., 1990). A l’approche des Caps Blanc-Nez et Gris-Nez et au niveau de la baie de Wissant, la côte se dessine en falaises de plus en plus abruptes. Quelques petits estuaires comme celui de la Slack et du Wimereux découpent la côte où des massifs dunaires peuvent se développer (les Dunes de la Slack). Cette zone correspond au Boulonnais qui s’étend sur 40 km depuis le Cap Blanc-Nez (Sangatte Escalles) jusqu’au sud de Boulogne-sur-Mer et est caractérisée par des falaises datant de l’ère secondaire (Jurassique et Crétacé), essentiellement composées de carbonates. Cette zone marque également la limite méridionale de la plaine flamande et la limite géographique entre la mer du Nord et la Manche orientale. Les estrans sableux, présents au pied des falaises, laissent parfois entrevoir un platier rocheux ainsi que des blocs issus de l’érosion progressive des falaises (Pierre, 2005). A partir du sud de Boulogne-sur Mer, le littoral est de nouveau caractérisé par des estrans sableux et délimité par un long cordon dunaire entrecoupé par deux estuaires : la baie de Canche (800 ha) et la baie d’Authie (1300 ha) (Figure I-1). 2. Caractéristiques climatiques et hydrodynamiques aContexte climatique
Le littoral de la région Nord Ŕ Pas-de-Calais bénéficie d’un climat de type océanique. Les amplitudes thermiques sont faibles, les hivers doux et les étés plutôt frais. Il existe cependant des disparités climatiques entre les villes du littoral en fonction de leur orientations par rapport à la mer et donc par rapport aux vents dominants (Le Cam et Baraer, 2011). Le littoral est soumis à deux types de régimes de vents (Figure I-2): Le plus fréquent, caractérisé par des vents de secteurs sud sud-ouest (SSW) ou ouest sudouest (WSW). ©
2015 Tous droits réservés
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22 doc.univ-lille1.fr Thèse de Céline Rolet, Lille 1, 2015 Chapitre I
Le second, caractérisé par des vents provenant du secteur nord à nord-est (N à NE). Ces vents, plus rares, sont généralement plus intenses et provoquent des conditions d’agitation non négligeables sur la côte (Le Cam et Baraer, 2011).
Figure I-2 : Rose des vents annuels dans le Pas-de-Calais par 50°9 N et 1°3 E (d’après Le Cam et Baraer, 2011).
bContexte hydrodynamique
La marée Le marnage bordant le sud de la mer du Nord et la Manche orientale est de type macrotidal (˃ 4 mètres) à mégatidal (˃ 8 mètres). Il subit une forte amplification due à la bathymétrie peu profonde et à l’action de la force de Coriolis sur les côtes françaises (Salomon et Breton, 1991). De ce fait, le marnage est décroissant du sud vers le nord, atteignant environ 9 mètres en vive-eau au niveau de la baie de Somme et 5 mètres au niveau de la frontière belge (Castel et al., 1997 ; Lazure et Desmare, 2011 ; Figure I-3). © 2015 Tous droits réservés. 23 doc.univ-lille1.fr Thèse de Céline Rolet, Lille 1, 2015
Chap
itre
I Figure I-3 : Marnage en Manche orientale et au sud
de
la mer du Nord (modèle de marée
CSTFRANCE
; modifié
de Lazure et Desmare, 2011).
Le régime tidal est de type semi-diurne (période de 12,4 heures), impliquant deux basses mers et deux pleines mers par jour et une périodicité bimensuelle responsable du cycle de vive-eau et de morte-eau. Spatialement, les courants de marée s’accélèrent à l’entrée du détroit du Pas-de-Calais et suivent, sur les côtes françaises, l’inclinaison du trait de côte au Cap Gris-Nez. Le courant de flot, lié à la phase montante de la marée, est ainsi dirigé vers le nord sur la façade de la Manche orientale et vers l’Est sur la façade de la mer du Nord. Le courant de jusant, lié à la phase descendante de la marée, est dirigé vers le sud sur la façade Manche orientale et vers l’Ouest sur la façade de la mer du Nord. L’intensité des courants de marée au large est considérable puisqu’elle peut atteindre, lors de marées de vives eaux, des vitesses supérieures à 1 m.s-1. Elle est en revanche affaiblie au cours des marées montantes et descendantes, atteignant 0,30 m.s-1 en moyenne au cours de la marée montante et 0,15 m.s-1 en moyenne au niveau de la côte et des estrans (Lazure et Desmare, 2011 ; Figure I-4).
© 2015 Tous droits réservés. 24 doc.univ-lille1.fr Thèse de Céline Rolet, Lille 1, 2015 Chapitre
I Figure I-4 : Vitesses maximales en vives eaux moyennes en Manche orientale et au sud de la mer du Nord (modifié de Lazure et Desmare, 2011). L’exposition aux vagues Sur le littoral Nord Ŕ Pas-de-Calais, les directions de vagues enregistrées au déferlement sont essentiellement de secteur sud-ouest sur la façade Manche orientale et de secteur nord à nord-ouest sur la façade mer du Nord. Sur les côtes de la mer du Nord, les conditions modales sont caractérisées par des hauteurs significatives au large comprises entre 0,5 et 1,5 mètres (Bonnefille et al., 1971 ; Ardhuin et Accenci, 2011 ; Figure I-5), provoquant des hauteurs de houle à la côte inférieures à 1,2 mètres dans 80% des cas (Clique et Lepetit, 1986). En revanche, sur les côtes de la Manche orientale, les houles au large proviennent du secteur sud-ouest à ouest. Cependant, en raison de la présence de nombreux bancs sableux, la houle y est réfractée et arrive avec une provenance ouest-sud-ouest à sud-ouest (Sipka, 1998). Les conditions modales y sont donc similaires, puisque dans 80% des cas, les hauteurs de vagues ne dépassent pas 1,2 mètres (Clique et Lepetit, 1986).
© 2015 Tous droits réservés. 25 doc.univ-lille1.fr Thèse de Céline Rolet, Lille 1, 2015 Chapitre I
Figure I-5 : Hauteurs moyennes significatives des vagues en Manche orientale et au sud de la mer du Nord (modifié d’Ardhuin et Accensi, 2011).
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2013AIXM4716_2
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French-Science-Pile
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Open Science
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Various open science
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Caractérisation et modélisation des mémoires Flash embarquées destinées aux applications faible consommation et à forte contrainte de fiabilité.
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None
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Spoken
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Les nouvelles technologies à triple caisson permettent désormais de polariser les différents caissons pour améliorer l’efficacité d’effacement. La Figure 1.9 présente un schéma de principe de l’effacement par effet tunnel Fowler-Nordheim, ainsi que les conditions de polarisation. Lorsque la cellule est effacée, les électrons sont évacués de la grille flottante vers le substrat (QFG > 0) et la tension de seuil VT est faible (0 < VT < 3V).
VG ≈ 18V CG Oxyde inter-poly ON O FG VS = 0V Source VD = 0V Oxyde tunnel n+ n+ Drain Substrat – type p VB = 0V Figure 1.9 : Schéma de principe illustrant l’effacement par effet tunnel Fowler-Nordheim et les conditions de polarisation d’effacement d’une cellule mémoire
Flash Lecture du point mémoire
L’opération de lecture du point mémoire se fait en appliquant une tension sur la grille de contrôle, nommée VCG de lecture. La tension de drain VD est généralement polarisée autour du volt, ici VD = 0.7V. Lorsque la charge QFG est négative (électrons dans la grille flottante), la tension de seuil VT du transistor est élevée (transistor bloqué) et on ne détecte pas de courant IDS pour la tension VCG de lecture appliquée. La cellule est alors programmée. Lorsque la charge QFG est positive (absence d’électrons dans la grille flottante), la tension de seuil VT du transistor est basse, on détecte alors un courant significatif IDS pour la tension de lecture VCG appliquée, le transistor est passant et la cellule est alors effacée. Pour lire l’état d’une cellule mémoire Flash, une autre méthode peut être utilisée, la mesure du VT à courant de lecture fixe. Dans ce cas, on balaye la caractéristique IDS(VCG) et on définit la tension de seuil VT comme étant la tension VCG correspondant à la valeur de courant IDS fixée, généralement à quelques microampères (1 à 10 μA). Deux tensions de seuil sont alors définies correspondant aux niveaux programmé (VtPG) et effacé (VtER) (Figure 1.10). 28
Chapitre 1 : Introduction aux Mémoires Non Volatiles
IDS
(
A)
ID ≈ 10 μA QFG < 0 Programmée «0» QFG > 0 Effacée «1» VCG (V) VTER
VTPG Figure 1.10 : Caractéristique IDS(VCG) pour une opération de lecture à ID fixe, VD=0.7 V
I.3.3.3 La cellule Flash au sein d’un plan mémoire Description d’un plan mémoire
Pour former des capacités de stockage de plusieurs millions ou milliards de bits, les cellules mémoires élémentaires doivent être organisées de façon matricielle, en lignes et en colonnes [Cappelletti '99]. Les lignes, appelées « wordlines », sont connectées à la grille de contrôle et les colonnes, appelées « bit-lines », sont connectées au drain des cellules. Ces dénominations sont utilisées pour signifier que le plan mémoire est organisé en mots (« word ») de 8, 16 ou 32 bits. Outre cette organisation en mot, il existe également un découpage en « pages » qui associés, forment un « secteur ». Ainsi, une programmation par « secteur » ou par « page » permet de programmer plus rapidement le plan mémoire que dans le cas d’EEPROM. Dans les produits Flash, des caissons d’isolations différents permettent de séparer les parties du plan mémoire alors que pour la mémoire EEPOM, le substrat est commun à toutes les cellules et cette notion de secteur n’existe pas. Autour de la matrice mémoire, on retrouve les circuits de décodage d’adresse par ligne et par colonne, les bascules haute tension (« latches ») permettant d’acheminer les signaux de wordline et de bit-line générés par un circuit de génération haute tension appelé « pompe de charges », l’amplificateur de lecture, et les circuits logiques destinés à la gestion de l’information. Tous ces éléments sont représentés
Figure 1.11. Circuits logiques (gestion) Amplificateur de lecture Latches Décodeur de colonnes col1 wl0 wl1 wl2 wl3 page wl7 secteurs bl0 bl1 bl2 bl3 bl4 bl5 bl6 bl7 mots
Figure 1.11 : Schéma organisationnel du plan mémoire
29 Matrice de source Décodeur de lignes col0......... Générateur de haute tension Registres de contrôle
Chapitre 1 : Introduction aux Mémoires Non Volatiles Architectures NOR et NAND
Les architectures les plus utilisées sont la NOR et la NAND, illustrées Figure 1.12. Il est à rappeler que les travaux réalisés dans le cadre de cette thèse l’ont été uniquement sur une architecture de mémoire Flash NOR. Pour l’architecture NOR, les cellules mémoires sont toutes connectées en parallèle, ce qui permet un accès direct et rapide à n’importe quelle cellule du plan, rendant cette architecture intéressante pour les applications embarquées. Le drain de chaque cellule étant accessible, l’écriture s’effectue par injection de porteurs chauds qui est beaucoup plus rapide que l’injection Fowler-Nordheim. En revanche, ce gain de temps se paye par une augmentation des dimensions de la cellule unitaire (facteur 2.5 environ par rapport à la NAND). Les cellules sont effacées par FN en appliquant une polarisation négative sur la grille de contrôle. La Flash NOR est essentiellement utilisée pour le stockage de codes d’instruction (téléphones portables (principal marché des mémoires NOR), décodeurs TV, appareils photo, tablette PC,...). (a) (b) Figure 1.12 : Schéma du plan mémoire en architecture NOR (a) et NAND (b)
Pour l’architecture NAND, les cellules mémoires sont connectées en série. Comme la NOR, la grille de contrôle est connectée à une « wordline » mais le drain n’est pas adressable. Les cellules ne peuvent donc être écrites et effacées qu’en Fowler-Nordheim. L’accès en lecture à une cellule s’effectue en polarisant la grille des autres cellules afin qu’elles soient passantes. Le temps d’accès est donc plus long que dans le cas d’une mémoire NOR. En revanche, de part la connexion en série des cellules, la programmation peut être réalisée par blocs procurant des temps de programmation plus rapides que pour l’architecture NOR. Enfin, l’absence de contacts individuels de drain présente l’avantage de réduire considérablement la taille du point mémoire (surface 4 fois plus petite par rapport à la NOR), ce qui permet d’atteindre de hautes densités d’intégration. En raison de son faible coût par bit, l’architecture NAND est plutôt utilisée pour le stockage de masse de données (clés USB, cartes mémoires des appareils photos, lecteurs mp3,...). Les caractéristiques des 2 architectures sont comparées dans le tableau récapitulatif de la Figure 1.13. 30
Chapitre 1 : Introduction aux Mémoires Non Volatiles NOR
Capacité mémoire 1MB à 256 MB Vitesse en lecture 50 à 100 Mo/s Débit en écriture 0.5 Mo/s Temps en écriture 1μs Temps en effacement 100ms Modes de programmation FN/CHE Programmation 8 à 10V Tension de programmation Effacement -8 à -10 V Programmation 10 à 100 μA Courant de programmation Effacement négligeable Densité d’intégration Moyenne NAND 256MB à 64GB 10 à 30 Mo/s 7 à 10Mo/s 300μs 2ms FN/FN 18 à 20V -18 à -20 V négligeable négligeable
Elevée Figure 1.13 : Comparaison des architectures NOR et NAND
I.3.3.4 Les phénomènes de dégradation liés au plan mémoire
Il existe des phénomènes de dégradations spécifiques intrinsèques à tous les plans mémoires, ce sont les perturbations. Elles peuvent survenir lors d’une opération d’effacement, de programmation ou de lecture sur une cellule donnée et engendrer une altération non désirée sur une cellule voisine ou proche. Avec le temps, ces perturbations peuvent modifier l’état d’une cellule : une cellule effacée peut gagner des charges et se programmer, à l’inverse une cellule programmée peut perdre des charges jusqu’à être considérée comme une cellule effacée. Par la suite, nous emploierons également le terme de « disturb » pour désigner ces perturbations. Perturbations en effacement
La perturbation en effacement (autrement appelé « erase disturb ») intervient lorsque l’on modifie involontairement l’état d’une cellule en effectuant une opération d’effacement sur une autre cellule. Cela arrive lorsque les fortes tensions appliquées sur la grille de la cellule ne sont pas isolées des cellules auxquelles on ne veut pas accéder. En général, sur les mémoires EEPROM et Flash, l’effacement est réalisé par blocs ou secteurs. Ainsi, toutes les cellules d’un même bloc ou secteur sont polarisées simultanément. Tant que les hautes tensions utilisées sont indépendantes d’un bloc à l’autre, la perturbation en effacement est impossible [Sikora '06].
Perturbations en programmation et en lecture
La perturbation en programmation (ou en lecture), autrement appelé “programming disturb” (ou « read disturb ») intervient lorsque l’on modifie involontairement l’état d’une cellule en effectuant une opération de programmation (ou de lecture) sur une autre cellule. Ces deux types de perturbations ayant sensiblement les mêmes causes seront discutés de manière conjointe. Ces perturbations deviennent non-négligeables lors de programmations ou de lectures répétées, sur un mot d’une même wordline ou sur la même bit-line. Plus le nombre de lecture, d’écriture ou de cycles d’écriture/effacement sera grand, et plus l’influence de ces perturbations sera prépondérante. 31
Chapitre 1 : Introduction aux Mémoires Non Volatiles Perturbations en programmation (« gate disturb » et « drain disturb »)
Le « gate disturb » correspond à la perturbation de grille que subissent les cellules non sélectionnées lorsqu’une cellule située sur la même wordline est programmée, comme l’illustre la Figure 1.14a. La cellule adressée A est programmée par porteurs chauds en polarisant son drain à VD = 4.2V et sa grille de contrôle à VCG = 8V. Toutes les cellules de la même wordline ont donc aussi leur grille de contrôle polarisée à 8V et peuvent être perturbées. Si ces cellules sont programmées (Figure 1.14b), les électrons stockés dans leur grille flottante peuvent traverser par effet tunnel l’oxyde inter-poly ONO jusqu’à leur grille de contrôle. Les cellules, perdant des charges, se retrouvent peu à peu effacées. Si ces cellules sont effacées (Figure 1.14c), les électrons du substrat peuvent traverser par effet tunnel l’oxyde tunnel jusqu’à leur grille flottante. Les cellules, gagnant alors des charges, se retrouvent peu à peu programmées. On parle alors de programmation légère, ou également de « soft-programming ». Ces deux cas de perturbations de grille pour une opération d’écriture sont aussi présents lors d’une opération de lecture. VD = 4.2V Bitline 1 BL 2 BL 3 BL 4 VG = 8V Figure 1.14 : Schéma matriciel du « gate disturb » durant la programmation (a) et ses effets sur des cellules non sélectionnées programmées (b) et effacées (c) de la même wordline Cellules perturbées Wordline1 A WL 2 WL 3 (a) VG = 8V VG = 8V CG CG Oxyde inter-poly ON Oxyde inter-poly ON O Source VD = 0V FG VS = 0V Oxyde tunnel n+ n+ FG VS = 0V Source Drain O VD = 0V Oxyde tunnel n+ n+ Drain Substrat – type p Substrat – type p VB = 0V VB = 0V (b) (c)
Le « drain disturb » correspond à la perturbation de drain que subissent les cellules non sélectionnées lorsqu’une cellule située sur une même bit-line est programmée, comme l’illustre la Figure 1.15a. La cellule adressée A est programmée par porteurs chauds en polarisant son drain à VD = 4.2V et sa grille de contrôle à VCG = 8V. Toutes les cellules effacées de la même bit-line voient alors un potentiel de 4.2V sur leur drain, qui peut les perturber. Si ces cellules sont programmées (Figure 1.15b), les électrons stockés dans leur grille flottante peuvent traverser l’oxyde de grille par effet tunnel jusqu’au drain. De plus, des 32
Chapitre 1 : Introduction aux Mémoires Non
Volatiles - trous peuvent être générés dans le substrat par phénomène d’ionisation par impact et être injectés dans la grille flottante, menant à une perte de charge et une diminution du VT des cellules perturbées. Si ces cellules sont effacées (Figure 1.15c), les électrons du substrat, accélérés vers le drain, peuvent traverser l’oxyde de grille par effet tunnel jusque dans la grille flottante. Les cellules, gagnant alors des charges, se retrouvent peu à peu programmées.
VD = 4.2V Bitline 1 BL 2 BL 3 BL 4 Cellules perturbées Wordline1 A VG = 8V WL 2 WL 3 Figure 1.15 : Schéma matriciel du « drain disturb » durant la programmation (a) et ses effets sur des cellules nonsélectionnées programmées (b) et effacées (c) de la même bitline (a) VG = 0V VG = 0V CG CG Oxyde inter-poly ON Oxyde inter-poly ON O VS = 0V Source Oxyde tunnel n+ n+ O VD = 4.2V FG VS = 0V Drain Source Substrat – type p VD = 4.2V FG Oxyde tunnel n+ n+ Drain Substrat – type p VB = 0V VB = 0V (b) (c)
Perturbations en lecture (« read disturb »)
Le « read disturb » correspond à la perturbation de grille que subissent les cellules non sélectionnées lorsqu’une cellule située sur la même wordline est lue, comme l’illustre la Figure 1.16a. Contrairement au cas de « programming disturb », la cellule A adressée est lue avec les conditions suivantes : le potentiel de drain proche du volt (0.7V) et le potentiel de grille de contrôle entre 4 et 5V. Bien que cette tension de grille soit faible devant celle utilisée pour programmer la cellule (≈ 8V), des lectures répétées et continues sur un même mot ou une même page peuvent altérer les cellules se trouvant sur la même wordline. Ces cellules peuvent à terme, gagner des charges (électrons) et se retrouvées « soft-programmé » (Figure 1.16b). Ce phénomène sera étudié en d au chapitre 3. 33
Chapitre 1 : Introduction aux Mémoires Non Volatiles
0V VD = 0.7V 0V Wordline1 0V VG = 4 5V A WL 2 0V WL 3 BL 3 0V BL 4 Cellules perturbées Bitline 1 BL 2
Gain de charges (soft-prog) (a) (b) Figure 1.16 : Schéma matriciel du « read disturb » durant la lecture (a) et exemple de softprogrammation (gain de charges) de certaines cellules d’une population de cellules effacées (b) Courants de fuite de Bit-line
Le courant de fuite de bit-line, couramment appelé « Bit-line Leakage » ou BLL, correspond à la somme des courants de drain de toutes les cellules non sélectionnées lorsqu’une cellule, située sur la même bit-line, est programmée (Figure 1.17). Les courants mis en jeu lors de l’écriture de la cellule sont : le courant de drain de la cellule que l’on veut programmer (nommé IdSEL), qui peut être mesuré dynamiquement pendant le signal de programmation, et le courant de fuite de toutes les autres cellules non sélectionnées se trouvant sur la bit-line (IdUNSEL = Σ Id).
IdSEL = ID de la cellule sélectionnée Bitline Wordline IdUNSEL = Σ ID des cellules non sélectionnées
Figure 1.17 : Représentation des courants de consommation : IdSEL, le courant de consommation de la cellule et IdUNSEL, le courant de fuite du à toutes les cellules non-sélectionnées sur la bit-line. Ainsi, le courant total de consommation d’une cellule mémoire se définit par la somme du courant IdSEL et du courant de fuite de bit-line IdUNSEL. I.3.4. Limitations et solutions envisagées pour le futur des mémoires non volatiles
Depuis quelques années, la miniaturisation des composants a imposé de nouvelles contraintes que ce soit au niveau du procédé de fabrication ou des conditions de polarisation toujours plus réduites afin d’être en adéquation avec applications de type basse consommation. Dans ce paragraphe, nous présentons les principales limites de miniaturisation des mémoires non volatiles à
34 Chapitre
1
: Introduction
aux
Mémoires Non
Volatiles grille flottante, puis nous exposons les solutions envisagées continuer à améliorer ou pour remplacer à plus ou moins long terme les mémoires non volatiles. Lors des étapes du procédé de fabrication, une des étapes critiques à la diminution des dimensions est l’étape de photolithographie. Cette étape, définissant l’ensemble des opérations permettant de délimiter les extensions latérales des matériaux sur la surface du substrat, devient de plus en plus difficile à réaliser. De plus, une des principales limitations, liée à la réduction de la taille de la grille flottante, concerne la quantité de charges (nombre d’électrons) qui y est stockée afin de distinguer les deux états logiques de mémorisation. La réduction du nombre d’électrons entraine d’importants problèmes de fiabilité [Deleruyelle '04]. Par ailleurs, d’autres problèmes peuvent survenir au niveau de cellules intégrées dans un plan mémoire, comme des interférences entre cellules adjacentes ou encore des perturbations d’écriture ou de lecture survenant en ligne ou en colonne [Sikora '06]. Les limites de miniaturisation du transistor à grille flottante sont principalement dues aux réductions des deux oxydes entourant la grille flottante : l’oxyde tunnel et l’oxyde interpoly ONO. I.3.4.1 Limites de l’oxyde tunnel
La limite principale de la miniaturisation des mémoires Flash est la réduction de l’épaisseur de l’oxyde tunnel et son dimensionnement reste un challenge technologique important. La problématique majeure est de permettre un bon fonctionnement du transistor à grille flottante et garantir un critère de rétention à 10 ans. Il est généralement admis que la limite intrinsèque physique de l’épaisseur d’oxyde pour les mémoires est d’environ 6 nm [Lai '98]. En dessous, les électrons stockés dans la grille flottante fuient par courant tunnel direct. Cependant même si 6 nm d’oxyde semblent être une limite suffisante pour garantir le bon fonctionnement de la mémoire, les dégradations de l’oxyde tunnel limitent ces épaisseurs à des valeurs bien plus importantes. Ainsi, les épaisseurs critiques définies par l’ITRS [ITRS '11] sont 9 à 10nm pour les mémoires Flash NOR et 6 à 7 nm pour les Flash NAND. En plus de cette limite intrinsèque, il existe une autre limitation due à la dégradation de l’oxyde tunnel suite aux nombreux cycles d’écriture/effacement au cours desquels l’oxyde est soumis à de fortes contraintes électriques (> 9 MV/cm). Ce phénomène de dégradation, appelé SILC (Stress-Induced Leakage Current), se manifeste par une augmentation du courant de fuite à faible champ (4-8 MV/cm) à travers l’oxyde tunnel [Riess '99], et sera étudié au chapitre 2 où nous proposerons de le modéliser. I.3.4.2 Limites de l’oxyde ONO
Dans le but de maintenir un couplage capacitif suffisant entre la grille de contrôle et la grille flottante (αG compris entre 0.6 et 0.7), un des challenges de réduction des dimensions est de réduire l’épaisseur de l’oxyde inter-poly sans toutefois augmenter les courants de fuite. Depuis des années [Yim '03] [Park '04], un oxyde tri-couche ONO est utilisé et semble avoir atteint ses limites. Ce problème peut être résolu par l’utilisation de matériaux diélectriques à forte permittivité ou « highk » (HfO2, Al2O3, HfAlO, HfSiO...) pour remplacer le traditionnel oxyde ONO. Il a été démontré que l’intégration d’oxyde d’Hafnium HfO2 comme diélectrique de contrôle permettait de diminuer les tensions de programmation grâce à un meilleur coefficient de couplage αG, tout en maintenant une bonne rétention des données [Van Duuren '06]. Parmi les différents matériaux étudiés, un intérêt particulier a été donné à l’aluminate d’hafnium (HfAlO), qui combine à la fois la constante
35 Chapitre 1 : Introduction aux Mémoires Non Volatiles diélectrique élevée du HfO2 et la barrière énergétique élevée et la bonne stabilité thermique de l’Al2O3 [Molas '07] [Guiraud '12]. I.3.4.3 Les solutions envisagées pour les mémoires non volatiles
Les mémoires à nano-cristaux de silicium (Si-NCs) Le principe est similaire à celui des mémoires à grille flottante, à la différence que ce sont des nanocristaux de silicium qui constituent la couche de stockage. Les mémoires à nanocristaux de silicium ont été présentées pour la première fois en 1995 par IBM [Tiwari '95] et ont subi par la suite des évolutions importantes. Les phases de programmation et d’effacement s’effectuent par effet tunnel Fowler-Nordheim. La possibilité d’utiliser également l’injection par porteurs chauds (CHE) pour la programmation permet de localiser l’injection d’électrons du côté du drain ou de la source, ce qui peut être intéressant selon les applications visées. Qui plus est, le fait que les nanocristaux soient physiquement isolés les uns des autres, permet de stocker des charges dans des sites séparés (côté drain et côté source), ce qui donne lieu à un stockage de charges multi-niveaux [De Salvo '03]. Le procédé de fabrication est de plus totalement compatible avec le procédé CMOS.
La Figure 1.18 représente le schéma et la coupe TEM d’une cellule mémoire à nano-cristaux de silicium. Grille de contrôle Nano-dots O SiO 2 N
SiN O SiO 2 Nano-dots SiO 2 Oxyde tunnel Source n+ n+ Oxyde tunnel Drain Si
O 2
Substrat
Si Substrat –
type
p (a) (b) Figure 1.18 : Représentation schématique (a) et coupe TEM (b) d’une cellule mémoire à nanocristaux de silicium (Nano-dots)
La principale limitation de ce type de mémoire réside dans le faible couplage capacitif entre les nanocristaux et la grille de contrôle (αG ≈ 0.3), et donc à l’utilisation de tensions de programmation encore élevées. L’ d’un oxyde de contrôle à forte permittivité diélectrique (« high-k ») permettrait d’améliorer cela. Les mémoires MRAM
Les premières mémoires MRAM ou magnétorésistives ont été d ́développées par IBM à la fin des années 90, grâce aux découvertes successives de la magnétorésistance tunnel (TMR), et de la magnétorésistance géante. Ces mémoires utilisent le concept du changement de polarité ferromagnétique d’une « Jonction Tunnel Magnétique » (MJT) (en anglais MTJ pour Magnetic Tunnel Junction), dont la résistivité varie en fonction de la magnétisation rémanente de ses constituants [Kim '03] [Motoyoshi '04]. La résistance de la MJT dépend de l’orientation relative des moments
36
Chapitre 1 : Introduction
aux Mémoires Non
Volatiles magnétiques des deux couches ferromagnétiques. Si les deux moments magnétiques sont parallèles, la résistance est faible (état « 0 ») et lorsqu’ils sont antiparallèles, cette résistance est élevée (état « 1 »). Les avantages de la MRAM sont les suivants : une programmation très rapide (quelques ns), une tension d’alimentation faible et un nombre illimité de cycles d’écriture/effacement. Malheureusement, les inconvénients sont majeurs comme la taille de la cellule (une centaine de cellules Flash) difficilement réductible à cause des faibles courants de lecture mis en jeu, la faible compatibilité avec les procédés logiques CMOS, mais surtout des courants d’écriture élevés (≈ 4 à 10 mA/cellule). Le premier démonstrateur de mémoires MRAM opérationnel a été présenté par IBM en 1999 [Parkin '99] puis la MRAM est devenue une réalité commerciale en 2006 grâce à Freescale [Freescale '06].
Les mémoires à changement de phase (PCM, PRAM)
Les mémoires à changement de phase, appelée aussi PCM (Phase Change Memory) ou encore PRAM (Phase-change Random Access Memory) est basée le principe de changement de résistivité du chalcogénure en fonction de sa phase (cristalline ou amorphe), découvert grâce aux travaux de S. Ovshinsky [Ovshinsky '68]. Ce type de matériau est utilisé notamment dans l’industrie des disques compacts réinscriptibles, où un faisceau laser focalisé en un point de la surface du disque chauffe le matériau pour le faire changer d’état. Le chalcogénure le plus répandu dans les mémoires PCM utilise le tellure en alliage ternaire avec le germanium (Ge) et l’antimoine (Sb) selon Ge2Sb2Te5, nommé GST [Pellizzer '04]. La programmation s’effectue en faisant circuler un courant qui va auto-échauffer le chalcogénure par effet Joule et le faire changer d’état [Pellizzer '06] [Annunziata '09]. La phase cristalline présente une faible résistivité et correspond à l’état logique « 1 » et, l’état amorphe est quant à lui très résistif (« 0 » logique). Cette mémoire est un bon candidat pour l’avenir des mémoires non volatiles et possède de multiples avantages : une vitesse de programmation élevée (< 30 ns), une tension de programmation faible, une taille de cellule comparable aux cellules Flash et DRAM (10 F2), et une bonne réductibilité de la taille de la cellule. En 2006, Samsung commercialisait des dispositifs mémoires PCM de 512Mb tandis qu’Intel annonçait une mémoire PCM de 1 Gb fabriquée en 45 nm. En 2010, Samsung a produit un dispositif PCM de 512 Mb embarqué sur le nœud 65 nm, jusqu’à sa dernière réalisation (2012), une mémoire PCM 8Gb en 20 nm [Choi '12]. Les mémoires ReRAM
Les mémoires ReRAM (Resistive Random Access Memory) sont basées sur le principe de changement de résistance électrique au sein de la cellule mémoire pour déterminer la valeur du bit stockée. Le changement de résistance est lié à une modification de la structure du matériau lors du passage d’un courant électrique. De nombreux matériaux inorganiques ou organiques ont donc été testés pour leur propriété de changement d’effet résistif. Ces mémoires dégagent un fort potentiel en termes de performances et permettraient un bond important pour les mémoires non volatiles. La ReRAM, similaire à la DRAM en termes de vitesse, a l’avantage de conserver l’effet de non-volatilité des mémoires Flash en consommant très peu d’énergie. En 2007, Fujitsu avait montré un prototype de ReRAM utilisant du titane et de l’oxyde de nickel, et depuis, de grandes entreprises (Sharp, Samsung, Panasonic, HP en partenariat avec Hynix Semiconductor) se sont lancées dans la course à la production de masse.
37
Chapitre 1 : Introduction aux Mémoires Non Volatiles I.4 La fiabilité des mémoires non volatiles
La fiabilité de la cellule mémoire est toujours un aspect très important dans le développement de technologies de mémoire non volatiles à grille flottante. Il existe deux notions majeures en ce qui concerne la fiabilité : la notion d’endurance et la notion de rétention. L’endurance est la capacité du point mémoire à pouvoir subir un très grand nombre de cycles d’écriture/effacement (jusqu’à 1 million de fois) tout en distinguant correctement les états écrits et effacés. La rétention repose sur l’aptitude de la cellule mémoire à retenir le plus longtemps possible l’information stockée. Classiquement, une cellule mémoire doit être capable de garder l’information pendant 10 ans. Nous présentons par la suite deux notions de fiabilité. I.4.1. Notion d’endurance
Les cycles répétés d’écriture/effacement que subit une cellule mémoire au cours de sa durée de vie altèrent la qualité de l’oxyde tunnel, au travers duquel les charges transitent afin d’être stockées dans la grille flottante. Sous l’effet de forts champs électriques, le courant traversant l’oxyde tunnel crée des pièges dans le volume de ce dernier et à l’interface Si/SiO2 qui vont impacter le bon fonctionnement de la cellule. La fenêtre de programmation se réduit en fonction du nombre de cycles, du aux charges piégées dans l’oxyde qui vont « écranter » les porteurs voulant le traverser et diminuer la quantité de charges stockée dans la grille flottante. Enfin, une dégradation trop importante induit l’apparition d’un grand nombre de pièges qui limitent considérablement l’endurance et peuvent même conduire jusqu’au claquage de l’oxyde tunnel.
I.4.2. Notion de rétention
L’objectif de la rétention est de caractériser la perte de charge du point mémoire à température ambiante dans le but d’estimer sa durée de vie. Pour la caractériser, on mesure la dérive de la tension de seuil ΔVt en fonction du temps, qui représente l’image de la quantité de charges de la grille flottante, et donc de l’information mémorisée. Afin de réduire les temps de test, on active thermiquement (recuit à température élevée en four) les pertes de charge, qui sont classées en deux types : les pertes de charge intrinsèques et les pertes de charge extrinsèques. I.4.2.1 Pertes de charge intrinsèques
Les pertes de charge intrinsèques dépendent directement du procédé de fabrication et de l’architecture du point mémoire. Liées à la qualité intrinsèque de l’oxyde tunnel, elles touchent la majorité des cellules du plan mémoire. Lorsqu’une cellule est programmée, les charges négatives (électrons) stockées dans la grille flottante induisent un faible champ électrique aux bornes des oxydes ONO et tunnel qui peut provoquer la fuite de ces charges. L’oxyde tunnel ayant une plus faible épaisseur que l’oxyde ONO, les charges auront plus tendance à fuir à travers l’oxyde tunnel. Les tests en rétention sont réalisés par l’intermédiaire de tests accélérés en température puis par extrapolation grâce à des modèles. En utilisant la loi d’Arrhenius, on est capable d’extrapoler les temps de rétention à température ambiante, dans les conditions d’utilisation du produit.
38 Chap
itre 1 : Introduction aux Mémoires Non Volatiles I.4.2.2 Pertes de charge extrinsèques
Les pertes de charge extrinsèques sont attribuées à des cellules mémoires dont la perte de charge est liée soit à la présence de contaminants autour de la grille flottante, soit à des défauts apparaissant dans l’oxyde tunnel après un nombre répété de cycles d’écriture/effacement. La contamination ionique est désormais un mécanisme de pertes de charge bien connu, identifié par la présence d’ions (principalement les cations sodium Na+) dans les diélectriques entourant la grille flottante. Leur charge positive compense la charge stockée dans la grille flottante et provoque une diminution de la tension de seuil de la cellule mémoire. Ce mécanisme, caractérisé grâce à la méthode du cycle de Mielke [Mielke '83], est de mieux en mieux maitrisé grâce aux a orations des procédés de fabrication. Par ailleurs, les pertes de charge extrinsèques peuvent être associées aux défauts dans l’oxyde tunnel, dus à la dégradation produite par les cycles d’écriture. Ce phénomène, très critique pour les mémoires non volatiles, est appelé le SILC. Pour l’étudier, on cycle une population de cellules pour créer des défauts dans l’oxyde tunnel et on étudie la dérive de la tension de seuil en fonction du temps. Ce phénomène ne touche pas toutes les cellules du plan mémoire, mais quelques cellules atypiques, plus fragiles, qui perdent plus de charges que les autres. Ces cellules extrinsèques, s’observant dans la queue de distribution d’une population de cellules (Figure 1.16b), sont appelées « Single Bit Failed » ou SBF. Cette étude est généralement faite à température ambiante, car les températures trop élevées (au-delà de 150°C) peuvent réparer les défauts crées et faire disparaître ce phénomène de SILC [Riess '98].
I.5 Présentation des deux domaines d’étude : caractérisation électrique et test
Dans un premier temps, nous présenterons tout ce qui concerne l’aspect caractérisation électrique de dispositifs élémentaires (capacités, transistors, cellule mémoire unitaire) afin d’étudier leur fiabilité. Nous verrons comment les caractériser et expliquerons les moyens, outils et méthodes d’analyse associés. Dans un second temps, nous présenterons le domaine du test de mémoires et aborderons quelques définitions générales sur le test des macrocells mémoires ainsi que les principaux flots de tests utilisés dans l’industrie. Enfin, nous détaillerons la macrocell mémoire Flash sur laquelle se sont portés nos travaux de recherche et les méthodes de traitement de données et d’analyse associées.
I.5.1. Caractérisation de dispositifs élémentaires
La aractérisation des dispositifs élémentaires (capacités, transistors, cellule mémoire unitaire, CAST) présentée dans ce manuscrit a été réalisée sur des bancs de test manuel, semi-automatique ou automatique, dont le système de mesure est présenté Figure 1.19. 39
Chapitre 1 : Introduction aux Mémoires Non Volatiles Appareil de mesure
Carte à pointes Matrice à relais Plaque Chuck Régulateur thermique Banc
de test Figure 1.19 : Schéma du système de mesures effectuées sur banc de test
Il se compose de plusieurs éléments : Le banc de test :le testeur automatique permet de mesurer un grand nombre de structures de test, nommées TEG (Test Element Group), de manière automatique. Il se déplace automatiquement sur la plaquette pour poser les pointes sur la TEG à mesurer et permet de tester plusieurs wafers à la suite. Le chuck et régulateur thermique : lors du déplacement d’un site à l’autre, le testeur déplace en fait le chuck (ou thermochuck) sur lequel est posé le wafer maintenu sous vide. Pour des mesures en température, ce chuck est lié à un régulateur thermique qui permet de maintenir constante la température pendant la durée du test. Il est à noter que l’ensemble « chuck + régulateur thermique» peut générer un certain bruit de mesure qui peut induire certaines perturbations. La matrice à relais et carte à pointes : la matrice à relais permet d’aiguiller les signaux provenant de l’appareil de mesure sur la carte à pointes. Elle peut éventuellement perturber la mesure en introduisant des fluctuations additionnelles (résistances parasites). La carte à pointes utilisée pour caractériser tous les dispositifs élémentaires présentés par la suite possède 22 pointes, qui sont posées sur des plots de contacts (pads) de la TEG à tester. L’appareil de mesure : les différents appareils de mesures sont nombreux. Il peut s’agir d’un analyseur de paramètre (HP4142 ou HP4156) destiné à mesurer des caractéristiques traditionnelles capacité/tension ou C-V et courant/tension ou I-V, d’un LCR-mètre (HP4182) utilisé pour mesurer une capacité, d’un générateur de pulses (Keithley 81110 ou 8110) permettant de générer des signaux spécifiques pour le test de mémoires, ou encore d’appareils de mesures avancés comme l’Agilent B1500 ou le Keithley K4200. Chaque analyseur de paramètre est composé d’unités de mesure appelées « SMU » (« SourceMonitor Unit »), chacune étant capable d’appliquer une polarisation (courant ou tension) et de mesurer en même temps le signal de réponse (tension ou courant). La station UNIX/Windows : utilisée pour écrire et lancer les programmes de test (développés en langage Labview), interagir avec le testeur et sauvegarder les données de tests. I.5.1.1 Caractérisation de capacités et transistors MOS
La caractérisation de capacités MOS permet d’étudier la fiabilité des oxydes (qualité intrinsèque, claquage d’oxyde, piégeage de charges dans l’oxyde et à ses interfaces) et passe généralement par la mesure de ses caractéristiques capacité/tension (C-V), et courant/tension (I-V). Afin de pouvoir comparer des capacités de différentes géométries (W, L), les mesures sont en général normalisées
40
Chapitre 1 : Introduction aux Mémoires Non Volatiles
par la
surface
en traçant la caractéristique de la densité de courant/tension (J-V). La caractéristique C-V permet de déterminer les paramètres suivants : L’épaisseur de l’oxyde tOX (Å) en régime d’accumulation [Ghibaudo '00] La valeur de la capacité d’oxyde COX (F) (en régime d’accumulation) L’effet de la poly-déplétion de la grille (en régime d’inversion forte) Le dopage de grille NG (en régime d’inversion) [Ricco '96] Le dopage moyen du substrat NSUB (en régime de désertion) [Maserjian '74] Traditionnellement, des capacités de surface importante sont utilisées pour extraire les propriétés électriques de la capacité tunnel. La valeur de cette dernière étant trop faible pour être mesurée sur un transistor au vu de sa faible surface d’oxyde. Différentes structures de capacités tunnel existent et sont énumérées ci-dessous : capacité tunnel « plane », réalisée par la superposition d’une surface plane de poly-silicium1 (poly1) sur une surface plane d’active, pour estimer la fiabilité extrinsèque et intrinsèque de l’oxyde capacité tunnel « inter-digitée » ou « périmétrique », réalisée par la superposition d’une surface plane de poly- cium1 (poly1) sur des doigts d’active, pour prendre en compte les effets de bords dans le sens de la largeur W de la structure capacité tunnel « poly-finger », réalisée par la superposition de doigts de poly-silicium1 (poly1) sur une surface plane d’active, pour prendre en compte les effets de bords de l’oxyde dans le sens de la longueur L de la structure La caractérisation de transistors MOS permet d’étudier leur fiabilité par l’intermédiaire de différents tests, souvent accélérés en tension ou en température afin de réduire les temps de test. Les transistors MOS, soumis à des contraintes électriques (stress), vont se dégrader dus à des défauts qui vont se retrouver piégés principalement dans l’oxyde de grille ou à l’interface Si/SiO2, altérant ainsi les principaux paramètres du transistor (tension de seuil, transconductance, pente sous le seuil). L’objectif de ces tests de caractérisation est d’estimer les durées de vie des transistors pour les conditions de fonctionnement appliquées au produit et de proposer des modèles aux concepteurs et aux technologues afin qu’ils puissent améliorer la qualité et la durée de vie du produit en jouant sur des paramètres de conception (polarisations, géométries, signaux) et/ou de fabrication. La caractérisation des transistors MOS s’étend à plusieurs catégories dont les tests fonctionnels (mesures des caractéristiques usuelles de courant/tension comme IDS IBS IGS (VGS) et IDS(VDS), les tests liés à la dégradation du transistor (stress porteurs chauds, NBTI, stress de grille et de drain, évaluation du piégeage par la méthode de pompage de charges) et les tests liés au claquage (tension, charge et temps moyen au claquage d’oxyde et de jonctions). I.5.1.2 Caractérisation d’une cellule mémoire Flash unitaire
La caractérisation d’une cellule mémoire Flash s’effectue en général, dans un premier temps, par l’étude de son comportement statique, qui passe par l’acquisition de caractéristiques élémentaires du type courant/tension (principalement les courbes IDS-IBS-IGS(VGS)) permettant de déterminer la valeur de paramètres fondamentaux : la transconductance maximale (gain GmMAX), la pente sous le seuil (en anglais « Subthreshold Slope », SS), le coefficient de couplage de grille αG, la tension de seuil de la cellule à l’état U.V. (VtUV), les niveaux des tensions de seuil programmées (VtPG)
41 Chapitre 1 : Introduction aux Mémoires Non Volatiles et effacées (VtTER) et la fenêtre de programmation (en anglais « Programming Window, PW) définie comme la différence entre VtPG et VtER. Dans un second temps, le comportement dynamique est étudié en mesurant les cinétiques de programmation et d’effacement. Enfin
, le dernier point d’étude concerne l’aspect consommation de courant (ou d’énergie) de la
cellul
e. Il se compose d’une part, de la mesure du courant (ou de l’énergie) consommé par une cellule en phase de programmation et d’autre part, de la mesure du courant (ou de l’énergie) de fuite des cellules non sélectionnées situées sur la même bit-line, également appelé courant de fuite de bit-line (en anglais Bit-Line Leakage ou BLL). Nous détaillerons les méthodes de mesure et de calcul utilisées pour l’évaluation de ces courants de consommation dans le chapitre 3. De plus, il existe une structure de test particulièrement intéressante nommée le « TRansistor EQuivalent » (TREQ) ou également « Dummy cell », qui a exactement la même géométrie que la cellule, mais la particularité d’avoir la grille de contrôle et la grille flottante court-circuitée. Sur ce dispositif, on détermine les paramètres électriques comme la tension de seuil VtTREQ, le gain de transconductance GmTREQ, la pente sous le seuil SSTREQ, mais également étudier les phénomènes de dégradation par des stress porteurs chauds, des perturbations de grille ou de drain, ainsi que l’évaluation des courants de fuite de bit-line, abordé à la section I.3.3.4.
I.
5.1.3
Caractérisation d’une CAST de cellules
Nous disposons également de structures de test appelées CAST (Cell Array Stress Test), qui sont constituées de plusieurs milliers de cellules mémoires toutes connectées en parallèle (Figure 1.20a). Cette structure matricielle, où les drains, sources et grilles sont communs, a été présentée pour la première fois en 1997 [Cappelletti '97], avant d’être brevetée par STMicroelectronics en 2000 [Pio '00]. En mesurant les caractéristiques ID(VCG) d’une CAST, on peut suivre les variations de tensions de seuil de nombreuses cellules en même temps. La CAST est très utile pour étudier la fiabilité en rétention, puisqu’elle nous informe sur le comportement à la fois intrinsèque et extrinsèque de cellules provenant d’une statistique intéressante (Figure 1.20b) [LeRoux '09]. La taille des CAST varie entre 10K et 600K. Nous précisons que le courant de drain ID d’une CAST est la somme des courants de drain de toutes les cellules en parallèle. Drain Courbe après stress ou rétention ID = 100 μA D Comportement intrinsèque S
Source Grille G ID = 10 nA Comportement extrinsèque Courbe initiale (b) (a) Figure 1.20 : Schéma de principe d’une CAST (a) et caractéristique ID(VCG) avant et après contrainte (b) (qui peut être un stress électrique ou une contrainte de temps dans le cas d’un test de rétention)
42
Chapitre 1 : Introduction aux Mémoires Non Volatiles I.5.2. Test de mémoires non volatiles
Le Test de mémoires non volatiles est un des deux grands volets de ce travail de thèse et un outil indispensable aux industriels pour qualifier et valider une technologie. À la fin du flot de fabrication d’une technologie, des tests paramétriques sont effectués afin de vérifier la bonne conformité électrique des plaques de silicium sortant d’usine et de réajuster, en cas de problèmes, certains paramètres du procédé de fabrication. Par la suite, d’autres tests électriques sont effectués au niveau de l’EWS (Electrical Wafer Sort) afin de valider électriquement que les circuits fabriqués soient fonctionnels, fiables, performants et conformes aux spécifications requises. Ces tests sont réalisés sur des véhicules de tests complets appelés « macrocell », qui sont assez proches du produit final. I.5.2.1 Test de macrocell mémoire Définition d’une macrocell
Une macrocell est un véhicule de test conçu durant la phase de développement d’une technologie. Il a pour but de tester, valider et qualifier les circuits fabriqués et de permettre d’améliorer le flot de fabrication. Principalement utilisé en R&D, une macrocell comprend les principales fonctionnalités que le produit final, mais se démarque par sa capacité à embarquer des modes de tests spécifiques destinés à éprouver le circuit dans des conditions peu usuelles et/ou limites afin de le caractériser de manière plus avancée. Il existe des macrocells mémoires dédiées au test de qualification de mémoires embarquées (Flash, EEPROM, ROM, SRAM) ou encore des macrocells logiques qui permettent de tester des circuits logiques plus ou moins complexes (portes logiques, chaines de scan,...). Ce travail de thèse est axé sur une macrocell mémoire embarquée de type Flash, nommée “ANNA“, qui sera présentée et détaillée dans la section I.5.2.2. D’autres travaux portant sur le développement de méthodes de diagnostic associées à la fiabilité des mémoires non volatiles à grille flottante ont été réalisés sur macrocell mémoire EEPROM dont les résultats sont reportés dans [Aziza '04] [Plantier '12]. Les outils de test
De façon générale, le test d’un circuit intégré s’effectue tout au long des étapes de fabrication par le biais de tests paramétriques et fonctionnels. Le système de test, désigné par l’acronyme ATE (Automated Test Equipement) et utilisé dans le cadre de cette thèse, est un testeur industriel Agilent V93K. Durant les tests sous pointes, les wafers sont testés en utilisant une carte à pointes (en anglais « probeCard »). Le testeur est associé à un manipulateur appelé « prober », qui a pour rôle de saisir et manipuler les wafers, de réaliser l’alignement de la plaque en fonction de sa position spatiale (X, Y, Z, θ), de lire son numéro d’identification et d’effectuer l’alignement des pads de la puce à tester avec les pointes de la carte à pointes. Un logiciel de test spécifique (SmarTest) est utilisé pour écrire les programmes, lancer les tests et traiter et analyser les résultats. En fonction des spécifications de test définies, la puce est considérée bonne (« Good BIN ») ou mauvaise (« Bad BIN ») et triée selon des classes de rejet. Les résultats Pass/Fail des différentes puces testées sont sauvegardés dans un fichier de résultat, nommé STDF (STandarD File), généré après chaque wafer testé.
43
Chapitre 1 : Introduction aux Mémoires Non Volatiles Flots de tests EWS
L’EWS est l’opération qui consiste à tester électriquement chaque puce fabriquée sur plusieurs wafers de lots de production afin de vérifier leur bonne fonctionnalité. Ces tests électriques permettent d’avoir une grande quantité de données et d’informations utiles pour trouver et comprendre la source de défaillance d’une puce testée. Les programmes de test EWS sont des flots, composés d’une ou de plusieurs séquences de test, destin à vérifier la fonctionnalité des puces testées et à trier les puces bonnes et mauvaises.
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Images in medicine
Le syndrome de Morel-Lavallée: une entité à ne pas méconnaitre
Ammar Mahmoudi1,&, Ahmed Zrig2
1
Service de Chirurgie Générale et Digestive, CHU Fattouma Bourguiba de Monastir, Monastir, Tunisie, 2Service d’Imagerie Médicale, CHU Fattouma
Bourguiba de Monastir, Monastir, Tunisie
&
Corresponding author: Ammar Mahmoudi, Service de Chirurgie Générale et Digestive, CHU Fattouma Bourguiba de Monastir, Monastir, Tunisie
Key words: Epanchement lymphatique, retard de cicatrisation, traumatisme tangentiel, Morel-Lavallée
Received: 10/02/2015 - Accepted: 25/02/2015 - Published: 03/03/2015
Pan African Medical Journal. 2015; 20:200 doi:10.11604/pamj.2015.20.200.6312
This article is available online at: http://www.panafrican-med-journal.com/content/article/20/200/full/
© Ammar Mahmoudi et al. The Pan African Medical Journal - ISSN 1937-8688. This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons
Attribution License (http://creativecommons.org/licenses/by/2.0), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original
work is properly cited.
Image en medicine
Le syndrome de Morel-Lavallée correspond à un épanchement
sérolymphatique secondaire à un traumatisme tangentiel en regard
d'un tissu richement vascularisé. Les aspects morphologiques sont
variables en fonction de la durée d'évolution et de l'organisation
éventuelle d'une capsule fibreuse. Le traitement conservateur
associe bandage compressif et ponctions-aspirations. Le traitement
chirurgical doit être envisagé dans les formes résistantes. Nous
rapportons l'observation d'un homme âgé de 22 ans, sans
antécédents pathologiques, qui avait présenté, à la suite d'un
accident de la voie publique; motocycliste heurté par une voiture où
il a été trainé par terre, plusieurs plaies au niveau de l'hémiabdomen gauche qui avaient été suturées. Le scanner abdominal a
montré un foyer de lacération splénique avec intégrité du pédicule,
et un hémopéritoine de faible abondance. Devant la stabilité
hémodynamique on a opté pour un traitement non opératoire qui a
été un succès. Trois semaines après, le patient présentait une
douleur lombaire gauche. Il avait une plaie fibrineuse en regard d'un
œdème douloureux lombaire gauche. La palpation trouvait une
masse fluctuante sous la plaie. Il y avait un syndrome inflammatoire
biologique. L'échographie des parties molles identifiait une collection
liquidienne anéchogène homogène extra-aponévrotique lombaire
gauche. Le diagnostic d'épanchement post-traumatique de Morel-
Lavallée a été retenu. Il a été réalisé à deux reprises à dix jours
d'intervalle, une ponction évacuatrice de la collection ramenant
respectivement 120 cc et 70 cc de liquide séro-hématique, un
pansement compressif puis une contention. Les suites étaient
favorables avec amélioration de la symptomatolgie et dispariton de
la collection lombaire.
Figure 1: (A) œdème et plaies de la région lombaire gauche.
La palpation trouvait une masse fluctuante sous les plaies; (B)
l’échographie des parties molles identifiait une collection
liquidienne
anéchogène
homogène
extra-aponévrotique
lombaire gauche
Pan African Medical Journal – ISSN: 1937- 8688 (www.panafrican-med-journal.com)
Published in partnership with the African Field Epidemiology Network (AFENET). (www.afenet.net)
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Le corps du soldat valide, comme le corps du soldat blessé, appartiennent à la nation ; la preuve : 79 % des mobilisés blessés ont été récupérés pour la guerre en 1916 ; et le nombre atteint 91 % en 1918.1146 Cette assertion est définie ainsi en 1916 : « Le devoir du soldat est de se soumettre aux ordres qu'on lui donne. Son corps ne lui appartient pas. Il en a fait don à la patrie. Et, cela posé, le devoir du médecin est de ménager les forces du blessé dans l'intérêt du pays. Il est un chef et doit se faire obéir. »1147
1 - L'évacuation sanitaire
Le nombre de blessés, très élevé en 1914, est compensé par l'incorporation, en 1915, des classes 14, 15 et 16 et l'appel des classes anciennes de 1889 à 1901. Cette récupération des effectifs, ainsi que l'abrogation des sursis et les visites fréquentes des réformés et des exemptés (loi Dalbiez du 17 avril 1915), permet de faire face à la fois aux exigences militaires et aux impératifs économiques qui se multiplient.1148 Les frères Verly partent à trois à la guerre. Nature fragile et ajournement pour faiblesse pour l'un, fluxion de poitrine et bronchite suspecte pour l'autre : malgré leurs problèmes de santé, Félicien et Henri sont incorporés au milieu de l'année 1915 ; quant à Léon, la mort dans l'âme car il doit quitter son poste de professeur de collège, il est à son tour déclaré bon pour le service armé par le conseil d'Aire-sur-la-Lys du 15 janvier 1917. « Je fus incorporé le 16 avril 1917. Je pris le train à Berguette, près de Béthune, à 15 h, sous une pluie battante. Nous ne retrouvâmes le beau temps qu au sud de la Loire. »1149 Ainsi, des hommes nouveaux viennent tour à tour remplacer les blessés qui s'élèvent à 600 000 évacuations sanitaires par mois durant toute la guerre en France.1150 Henri Verly, téléphoniste au moment où il est blessé le premier jour de l'attaque de la Somme, raconte son évacuation sanitaire à Moreuil : Avec Félicien, je devais monter à l'assaut avec l'infanterie afin de placer une ligne téléphonique jusqu'au point où celle-ci allait parvenir. L'assaut commença à deux heures. Je sautais le parapet avec la seconde vague. [] Je reçus une balle dans l'avant-bras gauche avant que j'eusse fait dix mètres. Un mécanisme d'évacuation sanitaire est observable dans le cas d'Henri Verly, blessé sur la première ligne du front. Les étapes sont les suivantes : 1- Les soldats procèdent aux premiers soins sommaires entre eux ; ici, le frère a quitté l'assaut avec le blessé ; ensemble ils reviennent vers le parapet de la première ligne française ; là, les secours d'urgence ont lieu sous forme de pansement destiné à comprimer le bras et empêcher un trop fort écoulement du sang. 2- Un médecin se trouve dans la zone d'attaque, il est installé au poste de secours et il s'occupe du plus urgent, ici remettre le bras en place ; c'est lui qui fait appeler la voiture ambulance et qui fait partir le blessé vers le lieu d'évacuation. 3- Le blessé, emmené en voiture, ne peut pas tout de suite être hospitalisé, sans doute les routes sont-elles encombrées par la logistique militaire ; le blessé est pour un temps, ici près de sept heures, placé dans une église qui sert de premier centre intermédiaire entre le front et l'hôpital. 4- L'ensemble des blessés de la bataille est regroupé dans la ville proche, ici Cayeux est le second centre intermédiaire, qui ne dispose pas de salles médicalisées ; l'attente se poursuit, elle dure 26 heures. 5- Le blessé est enfin emmené dans un hôpital militaire de campagne, ici Moreuil ; il s'agit d'un lieu chirurgical où un médecin major procède aux opérations sous anesthésie complète ; le nombre de lits est suffisant pour que les soldats opérés puissent en avoir chacun un. 6- Moreuil n'est réservé qu'à ces cas de première urgence ; d'autres hôpitaux militaires prennent ensuite le relais. « Nous sommes arrivés ce matin à 4 heures à l hôpital du Grand Palais. L'hôpital est très chic. Je ne peux pas sortir aujourd'hui, mais je commencerai peut-être demain. N'est-ce pas agréable que de vivre la vie à Paris pendant quelque temps? »1152 L'hôpital militaire semble un havre rassurant après tant de temps d'attente. Le récit de Henri Verly, à cet égard, est intéressant à suivre : eu égard aux centres de soins intermédiaires, le Grand Palais est qualifié de « très chic ». Henri décrit ensuite comment il voit le Grand Palais transformé en hôpital : « Je suis confortablement installé dans la salle 10. Cette salle contient environ 100 lits. Fin de journée : Occupations libres
Soucis : 1) Besoin d'argent 2) Démobilisation des esprits 3) Encombrement des lieux milieu de la salle. Quand j'aurai écrit, je ferai la lecture : il y a des bouquins, des journaux, etc. » « Je ne regretterai pas cet hôpital car nous n'y sommes pas bien. Nous sommes mal nourris. » « J'ai visité les Invalides, les Tuileries, un peu le Louvre ; tout ça se trouve auprès du Grand Palais ; cela me fait un bien incomparable. » « On se couche quand on veut. » « Des pantoufles, on ne nous en donne pas. Il faut courir sur la dalle fraiche ou chausser à chaque fois ses godasses, ce qui n'est pas bien pratique, surtout pour moi. » « Du tabac, nous n'en touchons pas. » « Il faut tout acheter, jusqu'au savon pour se laver. C'est scandaleux, mais c'est comme ça. » « On voit que la guerre dure depuis longtemps ; les infirmières et les donateurs en ont bouffé aussi. » « Les infirmiers, en général, sont de vrais goinfres qui ne s'occupent absolument pas de nous. Nous ne recevons pas du tout les faveurs et les douceurs que des blessés reçoivent dans des hôpitaux auxiliaires ou civils. » « Il n'y a que les infirmières qui sont gentilles ; mais elles sont trop peu. » « On doit faire place à d'autres qui sont annoncés. » Document 77 : Tableau - Trois hôpitaux en 1916 : le parcours du soldat Henri Verly, blessé au bras. 1) Grand Palais du 11 au 16 septembre 1916
. Source : Félicien, Henry et Léon Verly,
C
'
est là que
j'ai vu la guerre vraie
, correspondance et souvenirs des
années
de
guerre
, op. Etape 2 – Hôpital mixte de Meulan
Le point de vue « J'ai déménagé ce matin par automobile et suis arrivé à Meulan, à 40 km de Paris. Je suis à l'hôpital mixte. Ca paraît être mieux qu'au Grand Palais, tout d'Henri Verly 1- Ce qui est, selon lui, au moins comme nourriture. » positif, ce sont 3 « Quelques jours encore, et on m'enlèvera mon drain. » « Je ne souffre pas. » aspects « La plaie se referme assez rapidement. J'ai déjà un centimètre de chair de - la nourriture repoussé tout autour. » - l'évolution de son « Je ne ferai pas de mécanothérapie ainsi que tu le penses. Chez nous, on bras blessé laisse faire la nature. » - la vie d'embusqué « Je n'ai pas besoin de plus de douceurs, moi qui suis embusqué. » 2 Ce qui est, selon lui, négatif, ce sont : - les soins - le tout payant - l'ennui Constats : - D'une part une réaction d'ennui, alors qu'Henri se plait par ailleurs à des parties de canotage sur la Seine D'autre part, l'impression de ne voir partout que des blessés « Comme soins, je crois fort que ça laissera plutôt à désirer. » « Qu'on m'envoie mon rasoir mécanique car ici je suis forcé de me faire raser en payant. » « La vie est monotone ici, c'est la vraie campagne. » « Dans ce patelin, comme à Paris, on ne voit que des estropiés ou des blessés. » « Pour passer le temps, ici, nous avons la pêche, les parties de canot sur la Seine avec des copains valides des bras. Hier, nous sommes restés sur l'eau pendant 2 h avec un camarade estropié des pieds qui ramait
» « Nous partons à cinq ou six éclopés : ceux qui ont les bras bons rament ; bien souvent, cela revient aux béquillards car tous les autres, touchés au ventre, à l'épaule, au bras, ne peuvent le faire sans se fatiguer. On accoste, on va reconnaître le pays, on revient. »
Source , correspondance et s , op. cit., pp. 313-394. Etape 3 - Centre spécial de réformes de Clignancourt
« L'établissement est immense. Nous y sommes comme dans une caserne. » Description du centre Objectif : proposer des convalescences aux blessés de guerre Démarche en cinq points du soldat blessé pour entrer en convalescence « Il m'est arrivé une fâcheuse histoire : je me suis fait voler 10 fr la nuit dernière dans mon portefeuille. » « Chaque après-midi, je viens au cercle où on se distrait gratis. Je joue au billard, aux dames, au jacquet. J'y ai retrouvé des 'pays' : Hennebelle et Leclercq d'Aubers. » « Une 'convalo' n'est accordée qu'après le passage devant trois commissions. J'en ai donc pour quelques jours ici. » « Je compte que vous m'ayez envoyé le certificat d'hébergement que je vous ai demandé. Cette pièce m'est absolument nécessaire pour revenir en 'convalo'. » - 1 « Obtenir trois feux verts du Major ; à chaque fois, passage d'une heure devant la commission. » - 2 « On m'a confirmé un mois de 'convalo'. » - 3 « Avoir un lieu d'hébergement pour la sortie ; un certificat doit être envoyé par les hébergeurs, en l'occurrence la famille. » - 4 « Passer au Paquetage du Convalescent. J'ai touché un chic tricot, une chemise, un caleçon, une paire de chaussettes. » - 5 « Le voyage est compris dans les trente jours. » Document 79 : Tableau - Trois hôpitaux en 1916 : le parcours du soldat Henri Verly, blessé au bras. 3) Clignancourt du 20 novembre au 6 décembre 1916. Source : Félicien, Henry et Léon Verly, C'est là que j'ai vu la guerre vraie, correspondance et souvenirs des années de
, op. cit., pp. 313-394. Pour des cas réels de blessures, comme celui d'Henri Verly qui demande trois mois d'hospitalisation et un mois de convalescence, et qui sont suivis d'un retour sur le front, combien sont si éprouvés moralement qu'ils ne peuvent envisager de rejoindre leurs contingents? Car, malgré « le don à la patrie » exigé de chacun, les cas d'évitement deviennent nombreux et frôlent la réelle hémorragie. « Oui, les réformés passent de nouveau ; il y en aura certainement encore quelques-uns de dénichés. Mais c'est triste quand même de voir tout cela. »1154, nous dit Félicien Verly le 7 décembre 1916, depuis son cantonnement sur le front de Champagne (SP 134). Félicien lui-même, depuis Mesnilles-Hurlus près de la ferme de Beauséjour, comme il le dit sans craindre la censure militaire, cherche à ne pas trop s'impliquer et à esquiver les sorties sous la pluie dès qu'il le peut : « Comme les conducteurs avaient bien du travail, je partis avec eux. La neige commença à tomber ; je rentrais tout mouillé, encore qu'en rentrant j'avais un bon feu qui m'attendait. Une autre fois, quand je verrai le temps mauvais, je me tiendrai peinard autant que possible. »1155 Chacun invente son système pour éviter l'exposition au feu. D'aucuns optent pour le choix de faire durer l'hôpital le plus possible : « Quand on est malade, on voudrait être guéri ; et quand on est dispos, on désirerait être malade pour ne plus être ennuyé par le service. »1156 D'autres choisissent, pour continuer à survivre à la guerre, de prendre de la 1154 Ibid., Lettre 308, Félicien à Louis, 7 XII 1916, p. 391. Ibid., Lettre 309, Félicien à Y
vonne, 8 XII 1916, p. 392. 1156 Ibid, Lettre n° 244, Félicien à Yvonne, le 22 septembre 1916, p. 327. distance par rapport aux batailles. Voilà la paix essentielle, vivre dans son cocon : « Je ne connais plus grand chose de neuf à t'apprendre. Te dirai-je que les Boches nous canardent assez bien autour de la batterie? Cela ne peut guère t'intéresser vu que nous-mêmes on s'en moque et qu'on dort bien quand même. »1157 Bien que les soldats, spécialement ceux du canton de La Bassée, aient comme motivation principale de « reprendre nos pays »1158, ils savent que la victoire n'est pas pour demain. Ni la paix pour après-demain. Ainsi, en mars 1917, lorsque les troupes entrent très facilement dans une tranchée allemande sans avoir livré de combat, les hommes voient bien qu'il s'agit d'un repli stratégique : « Tu me parles d'avance. Ce recul des Boches a dû certainement être volontaire et prévu par eux car ils avaient tout nettoyé sur leur passage de façon à rien nous laisser. S'ils l'ont fait, peut-être y étaient-ils forcés par des raisons quelconques. Enfin, ils ne nous ont toujours rien abandonné, ni comme hommes, ni comme matériel. »1159 Alors, le mieux est de temporiser ; les blessures qui ne passent pas sont, à cet égard, une aubaine! « La radioscopie m'a découvert quelque chose de superbe et qui m'explique que je n'ai aucune force dans le bras : il n'y a pas de consolidation à l'endroit de la facture, les os ne sont pas réunis et jouent au moindre effort. C'est excellent pour moi. On ne tentera certes pas une greffe osseuse pour combler la fissure, ce doit être trop tard. Bref, je suis content. »1160 Henri Verly ne va pas jusqu'à refuser les s oins afin d'être réformé même si la non-consolidation de son bras est envisagée par lui comme quelque chose de « superbe ». Il est en effet des attitudes caractérisées qui inquiètent les autorités. Parmi elles, les « épidémies de refus de soins »1161. Le cas de Henri Verly s'y apparente de plus en plus : « Ma blessure m'ayant rendu mon bras impotent, c'est un cas de réforme. Rien d'extraordinaire, mais j'ai aussi des chances de m'en tirer. En tout cas, le temps passe toujours. Je sais me débrouiller, soyez sans crainte. Ils ne me tiennent pas encore. »1162 Ce climat de rejet d'opération et de rebuffade devant les plâtres pour garder sa blessure invalidante a comme objet bien compris d'obtenir à la fois l'éloignement du front, le statut de réformé et les indemnités conséquentes.1163 Pourtant, la médecine met ses connaissances et ses traitements nouveaux au service des hommes : radiographie, morphine antidouleur, greffes. Les divers malaises sont soignés avec efficacité, la preuve « le manque d'appétit » de Félicien qui est solutionné après sept à huit jours : « Maintenant, tout va pour le mieux, je peux boire un litre de vin tranquille ou une bouteille de bière. »1164 Tout autre est le cas des malades choqués psychologiquement par la guerre. Bien que la médecine ait fait de réels progrès entre 1914 et 1918 pour traiter de tels traumatismes1165, il existe de réelles difficultés de définition de ces maladies. On a vu le cas d'Edward Tanner qui, choqué par les tirs et les combats de la mi-octobre 1914 sur le territoire d'Illies, a commencé par se perdre dans le petit hameau de l'Halpegarbe qu'il 1157 Ibid
., L
ettre n
°
245
, Fél
icien
à Léon
, le
26 septembre
1916,
p. 329
. Ibid., Lettre n°
371
, Henri à
Y
vonne, le 25 mars 1917, p. 438. 1159 Ibid., Lettre 373, Félicien à Louis, 27 III 1917, p. 439. 1160 Ibid., Lettre n° 393, Henri à ses parents, le 23 avril 1917, p. 454. 1161 Vincent Diet, « Droit des blessés et intérêt de la nation : une casuistique de guerre (1914-1918) », Revue d'histoire moderne et contemporaine, op. cit., p. 87. 1162 Félicien, Henry et Léon Verly, C'est là que j'ai vu la guerre vraie, correspondance et souvenirs années de guerre, op. cit., Lettre n° 397, Henri à Louis, le 27 avril 1917, p. 460. 1163 Vincent Diet, « Droit des blessés et intérêt de la nation : une casuistique de guerre (1914-1918) », Revue d'histoire moderne et contemporaine, op. cit., p. 88. 1164 Félicien, Henry et Léon Verly, C'est là que j'ai vu la guerre vraie, correspondance et souvenirs des années de guerre, op. cit., Lettre n° 406, Félicien à Louis, le 23 mai 1917, p. 483. 1165 Exposition Guerre et Trauma, Soldats et ambulances, soldats et psychiatres, 1914-1918, In Flanders Fields Museum, Ieper, Belgique, 1er novembre 2013-30 juin 2014, Vitrines W1 à W4. 1158 426 qualifie d'ailleurs de « village », puis on le voit rentrer dans une maison abandonnée pour dormir alors que son régiment était en peine reconquête du hameau de Ligny-le-Grand, et enfin on voit sortir le matin habillé avec des vêtements civils qu'il a trouvés dans l'habitation. Il sera condamné à mort et exécuté. Quand commence son shell-shock (obusite)? A quel degré de maladie psychiatrique est arrivé ce soldat? Le problème peut être évoqué par le biais des remarques de Félicien Verly qui, sans jamais dévier vers la paranoïa, montrent des paliers successifs franchis dans le refus d'obéissance à l'autorité, symbolique du refus de la guerre : - Etape 1 : Le corps est fatigué, les officiers sont « sur notre dos ». Depuis huit jours, on fait des étapes. Tous les jours, c'est réveil à 3 ou 4 heures du matin, aussi on est fatigué. On dort à cheval. Maintenant, nous sommes au cantonnement définitif. On va faire des manoeuvres, paraît-il. Le patelin où nous sommes est assez petit, mais nous ne sommes pas trop mal logés. Il n'y a qu'un problème : les officiers qui nous embêtent du matin au soir. Ils sont sur notre dos pour nous emmerder. Enfin, si on pouvait être tranquille, ce serait au moins le filon.1166 - Etape 2 : Le soldat en viendrait, pour un peu, au contact physique avec ses supérieurs. Nous revoilà en batterie, aussi, encore une fois, les ennuis. En ce moment, c'est un sous-lieutenant qui commande la batterie, aussi il fait du service. Il y a des moments où, volontiers, je lui flanquerais ma main par la figure, tellement il nous emmerde.1167 - Etape 3 : L 'impossibilité physique et psychique d'exprimer son refus de la guerre. Enfin, on se console encore en pensant que cela finira sans doute un jour. Il est temps car, sans cela, on en sortira fou. Puisqu'il faut subir ce sort sans murmurer, subissons-le, mais avec quel regret de ne pouvoir crier sa façon de penser.1168 Jamais Félicien ne dérape vers des excès irréparables. Pourtant son traumatisme psychologique est important : « On en sortira fou », dit-il. Félicien voudrait « pouvoir crier sa façon de penser ». Impossible. Mieux vaut rester dans le rang. 1167 427 avec les trois hospitalisations d'Henri Verly -, autant la méfiance est grande envers les troubles nerveux. Henri, dont le prolongement de la troisième hospitalisation devient suspect, en sait quelque chose avec les interrogatoires et les électrothérapies qu'on lui fait subir. Il faut amener les hommes à céder, malgré eux, aussi les pressions s'accumulent tant sur les hommes que leur souhait en arrive à vouloir retourner dans leur régiment d'origine : Une pièce manquante à mon dossier va encore retarder mon passage devant les Commissions. Demain, je passe à la radio-électro. On nous en fait tant faire, on nous interroge tellement qu'il y a de quoi en devenir fou. Heureusement que l'on est habitué à ces imbécilités militaires. La nourriture n'est pas épatante ici. Il y en a surtout peu. C'est la misère partout.1170 Henri obtiendra, finalement, le certificat d'handicap qu'il souhaite. La guerre se finit pour lui. Le corps blessé physiquement ou psychologiquement véhicule par conséquent une triple représentation : d'abord, quand ce corps est atteint à un degré estimé supportable, il est signe d'une douleur profonde mais à peine reconnue ; ensuite, quand il atteint une norme au-dessus de l'acceptable, il est propice à un retrait du monde guerrier, il permet de repartir définitivement en famille ; enfin, quand il dépasse les limites admises et se manifeste par un refus corporel ou psychologique caractérisé, il ouvre diverses voies : la désertion que débouche sur la peine de mort – on l'a vu pour Edward Tanner -, le suicide – le cas a été évoqué précédemment, l'internement psychiatrique – personne dans le canton n'a eu à le vivre, le glissement la blessure vers l'infection et la mort –, c'est l'objet de l'étude suivante. 3) Le corps et la mort Henry Victor Willis, né en Australie en 1896, est surnommé 'Harry' par toute la famille. Il est l'un des quatorze enfants de John Willis – décédé - et de Janet. C'est une famille d'ouvriers agricoles, habitant à Alberton, région de Gippsland, dans l'Etat de Victoria. En 1915, Harry est trop jeune, 19 ans, pour s'engager dans l'armée, mais une fille lui adresse une plume blanche, symbole de couardise dans les pays anglo-saxons. Il s'engage alors, imitant la signature de sa mère, obligatoire pour les moins de vingt ans. Il s'embarque avec le 31e bataillon à bord du Wandilla, destination l'Egypte. Finalement, il est amené à Marseille avec la 5e division australienne en juin 1916 et est aussitôt dirigé sur Fleurbaix où il arrive début juillet 1916. Le 20 juillet, Harry Willis est tué à Fromelles par un éclat d'obus dans la mâchoire.1171 Et tant d'autres comme lui. Le corps et la mort prennent durant la guerre des figures différentes selon qu'il s'agit, comme ici dans le cas d'Harry, d'un jeune homme australien de 19 ans qui décède à Fromelles lors de son premier jour de bataille, ou dans le cas de Louis-Hector Decourcelle, fermier d'Illies tué à l'âge de 36 ans dans une des batailles d'octobre 1914 pour reprendre le Nord, sa région, en voie d'invasion. Les visages de la mort ont des formes si diverses.
1 - Les visages de la mort 1170 Félicien, Henry et Léon Verly, C'est là que j'ai vu la guerre vraie, correspondance et souvenirs des années de guerre, op. cit., Lettre n° 389, Henri à ses parents, le 19 avril 1917, p. 452. 1171 Tom Whitford,
cit de la bataille de Fromelles, sortie pédagogique franco-australienne, le 13 avril 2013. La longue correspondance des Verly contient aussi de nombreux cas de soldats morts ; morts parmi les connaissances personnelles des frères dans le canton de La Bassée, morts au sein de leurs relations à l'armée, morts dans le cadre de la communauté des amis. Quel est le visage de la mort qui est venue les endeuiller? Quelles souffrances du corps sont-elles évoquées? Quel est le regard des frères Félicien et Henri sur ces décès?
Date Nom, prénom du soldat décédé Circ
onstances du
décès
?
17 III 1915 Désiré Dubusse
Dans une usine 25 VII 1915 Arnould (Lefebvre) Une 1⁄2 h avant sa mort, on mangeait encore une boite de conserve ensemble. 5 VIII 1915 12 XI 1915 16 VII 1916 Paul Deprince Joseph Deprey Edouard Costenoble 16 VII 1916 Emile Carpentier 16 VII 1916 Le « vieux » Boeuf 14 VIII 1916 Ernest Crespel 14 VIII 1916 Florimond Leleux Tué avec camarades 30 IX 1916 30 IX 1916 9 X 1916 Marc Bonneau Georges de St Florent Victor Lefebvre 9 X 1916 Deux jumeaux Disparus Deux frères 9 XI 1916 Désiré et Henri Crouzet Louis et Alphonse Coupet César Hue Dans un abri Dans un abri Disparu depuis 3 mois Disparus 28 XI 1916 Pierre Bien 31 XII 1916 X Finet 9 II 1917 Henri Dubusse 10 III 1917 Maréchal Bailleul 9 X 1916 Ecrasé par un train. Tué par un éclat dans les 2° lignes. 11 Comment le corps est-il atteint? Pendaison logis Tué aux tranchées 429 Idées noires causées par sa situation militaire « C'est bien triste. » « Mon cher ami » Malchance Un demi-mal : c'est un « vieux tableau! » Un demi-mal : c'est un « vieux tableau! » « Les vieux, ça passe. » Une partie de la figure lui a enlevée. Tué par un obus dans un abri. J'étais à 200 m de là. « Encore un bon camarade de moins! » Deux en un mois! La famille Hue est vraiment bien éprouvée! Un avenir assuré dans le collège d'Aire/Lys. Un si brave garçon! Dans un camp allemand, « chez ces tristes barbares » des Quel est le regard sur ce décès? Colonne vertébrale brisée dans l'éboulement de son abriobservatoire Son neveu est mort du croup durant les mêmes jours. Je faisais encore une lutte aux boules de neige avec lui hier soir! J'étais très intime avec lui.
30 III 1917
Jules Dansette, député
8 IV 1917 Jules Dansette, fils du député Jules Dansette Tué à Verdun il y 6 mois Il faut se résigner. 25 V 1917 Henri Baert Disparu Bilan : Décès pour la période du 2 XI 1914 au 11 XI 1918 Bilan : 24 noms évoqués sur 529 lettres Bilan : 16 cas sont renseignés : - 3 aux tranchées - 3 dans des abris de 2de ligne - 1 dans un camp allemand - 6 disparus - 1 en usine - 1 écrasé par un train La mort du jeune homme était ignorée jusque là. Bilan : 4 cas : -1 pendaison - 2 tués par éclats d'obus en seconde ligne - 1 mort, la colonne vertébrale brisée par éboulement de son abri, en 2de ligne
Bilan : 19 cas sont plus ou moins commentés : - 6 décès multiples s'abattant sur les
famille
s
- 7 amis proches et très regrettés - 1 cas de pendaison est juste évoqué - 3 « vieux » : ça passe mieux que des jeunes! - 2 cas cités, sans plus
Document 80 : Tableau - Décès connus par les soldats Verly d'après leurs correspondances durant la Grande Guerre Source : Félicien, Henry et Léon Verly, C'est là que j'ai vu la guerre vraie, correspondance et souvenirs des années de guerre, op. cit., Lettres du 2 XI 1914 au 11 XI 1918. Le nombre des décès, connus et évoqués par les frères Verly d'après leurs correspondances durant les quatre ans de leur période de mobilisation, s'élève à vingtquatre noms pour toute la durée de la guerre. Il n'y a que 4,5 % des lettres qui contiennent des allusions à ces défunts. Et encore n'apparaissent-ils que dans une ligne ou deux sur la trentaine que compte, en moyenne, un courrier. On pouvait présager que les allusions aux morts, parmi les relations de la famille, seraient très nombreuses dans les échanges épistolaires familiaux. En effet, parmi les jeunes gens de l'âge de Félicien, d'Henri, de Léon et de Louis, parmi les camarades des deux soeurs Yvonne et Palmyre, il y a 699 « morts pour la France » qui sont tombés, originaires du canton de La Bassée. Etant donné le relationnel de la famille Verly – ce sont des tailleurs -, étant donné aussi le rayon commercial de leur clientèle potentielle - 18 000 habitants, la population des onze communes avant la guerre -, étant donné, enfin, l'âge moyen des défunts – 26 ans et demi1172 -, il était à supposer que les avis mortuaires occuperaient une bonne part des allerretour écrits entre les frères et leurs parents. Or Félicien, Henri, et Léon, soldats embarqués dans la grande hécatombe de la jeunesse européenne, n'ont manifesté que peu d'intérêt et de questionnement envers ceux qui étaient pourtant leurs camarades de jeux, de patronage et d'études.
2 - Les facteurs de la mort
Connaître les noms des camarades morts, c'est une chose, s'intéresser aux circonstances des décès en est une autre. Là, seize cas sur vingt-quatre sont renseignés Et il apparaît tout de suite que les soldats décédés ne le sont pas majoritairement lors des tentatives de percées, ni sur les parapets face à l'ennemi, ni non plus dans les premières lignes du front. Ils ne sont que trois à être dans cette situation. Les autres sont morts alors qu'ils sont dans des abris de seconde ligne, ou carrément à l'arrière, dont un écrasé par un 430 train et un autre retrouvé pendu dans son usine. Un des décès s'est aussi produit dans un camp allemand, dont on ne dit pas où il se situe, en France occupée, ou en Allemagne. Ce qui ressort surtout, c'est le nombre de « disparus », six sur seize cas. Les familles sont informées tardivement de la « disparition » de leur fils puisqu'il n'y a pas de date, de lieu, de circonstances, de témoins, de corps à reconnaître. Est-il tombé sous les balles allemandes? Est-il victime d'une erreur de tir de son propre camp? A t-il été tué sur un lieu précis de bataille, dans un no man's land, à l'arrière? A lui, point de médaille, de citations, de rappel de ses actions d'éclat : une sorte de mort anonyme à laquelle, rétrospectivement on donne un nom, celui de « mort au champ d'honneur ». Quand aux atteintes au corps qui ont entrainé la mort, seules quatre circonstances sur vingt-quatre sont évoquées, et les quatre sont des cas bien identifiés de morts en secondes ou en troisièmes lignes. Il y a trois cas de morts dans des abris, soit deux par éclats d'obus et un par écrasement provoqué par un train : l'arrière proche des lignes est donc dangereux. Le quatrième est le suicide par pendaison de Désiré Dubusse dans une usine. Ce cas spécifique de mort mérite d'être interrogé. Le suicide d'un affecté spécial dans une usine est-il reconnu par l'administration des armées comme conséquent à la guerre? N'est-ce qu'une affirmation avancée par la famille? La pendaison restera–t-elle ainsi nommée ou deviendra–t-elle une mort maquillée afin de permettre à la famille de toucher une pension? Ce suicide, tabou pour les instances religieuses, fera-t-il l'objet d'une réécriture postérieure afin que l'honneur du soldat soit sauf? Ne connaissant pas les détails de cette affaire, on en reste aux questionnements. Pourtant, même sans approfondissements supplémentaires, ces diverses hypothèses interrogent à la fois sur les comportements de la hiérarchie militaire en milieu industriel et sur le ressenti des soldats qui y sont immergés. Une étude sur le suicide aux armées durant la guerre 1914-1918 a été menée par Denis Rolland.1173 Il y est montré que les suicides y sont relativement rares, diminuant de moitié par rapport aux années de l'avant-guerre. 1173 Denis Rolland, « Les expériences combattantes », Rémy Cazals, Emmanuelle Picard et Denis Rolland, La Grande Guerre, Pratiques et expériences, Colloque de Craonne-Soissons, Toulouse-Privat, 12-13 novembre 2004, Actes publiés en 2005. 1174 André Loez, La Grande Guerre, La découverte, Ed. Repères, 2010. 1175 Louis Crocq, Les traumatismes psychiques de guerre, Paris, Odile Jacob, 1999. 431 3 - La préservation émotionnelle face à la mort
Tout autre est le comportement des frères Verly. On peut, à juste raison, s'étonner du faible nombre de camarades décédés, présents dans leurs lettres : vingt-quatre noms sont donnés durant les quatre années de guerre. On peut, de plus, être confondu devant le moindre développement donné à ces quelques cas : dix-neuf sont évoqués, un seul est un peu détaillé, celui du maréchal-des-logis Bailleul, le 10 mars 1917. On peut manifester de l'étonnement devant la faible demande de renseignements auprès de leur famille sur la façon dont ces proches sont morts : quatre décès seulement sont explicités dans leurs atteintes corporelles. Cette indifférence émotionnelle est la réponse des frères Verly aux horreurs qu'ils voient, entendent et lisent. Leur démarche – inconsciente – est celle d'un triple évitement : d'abord un évitement affectif qui prend la forme d'un détachement vis-àvis de ce qui est hors du cercle de la famille cellulaire ; ensuite l'évitement comportemental qui consiste à éviter de trop questionner pour n'avoir pas à savoir ; enfin l'évitement physiologique car une sorte d'indifférence sensorielle est palpable dans les lettres où les deux frères sont comme anesthésiés quand il est question de sortir de leur cocon familial étroit.1176 Les deux frères – mais c'est la même impression quand on lit les lettres de Rosa Dhennin ou les récits de Joseph Carle et de François Rucho - semblent isolés au niveau relationnel : ils ne se concentrent que sur leurs proches, qui peuvent varier durant la guerre, éloignant d'eux, ainsi, des affects négatifs qui pourraient leur rappeler avec trop d'insistance le drame qu'ils vivent. Eviter d'en parler, c'est éviter de se voir confronté à ces traumatismes. Une seule fois, les Verly s'appesantissent sur un décès. Celui d'un « pays », d'un compatriote, qui amène ce long commentaire, est la disparition du maréchal-des-logis Bailleul « tué aux tranchées ». Sa fin, horrible, qu'on a racontée aux frères sans qu'ils en soient les témoins – il a eu la colonne vertébrale brisée dans son abri-observatoire -, rend sa mort plus cruelle encore pour ceux qui le côtoyaient. Le fait de libérer la parole à propos d'un supérieur hiérarchique est intéressant à analyser par rapport au processus d'évitement habituel dans la correspondance. Pourquoi, là, se livrer? Pourquoi, là, rompre avec le détachement pratiqué? Le maréchal-des-logis Bailleul n'est pas un chef imposé. Qui aurait pensé que, lorsque, ce matin, le voyant monter aux tranchées, je lui criais 'bonjour' en rigolant, c'était 'adieu' que je devais lui dire. Que la guerre est triste. Encore une veuve et des orphelins. Ne cause pas de ce malheur pour le moment ; sa femme le saura toujours assez vite. Je ne sais pas exactement dans quelle rue elle demeure. Le corps de Bailleul est ramené ce soir à l'arrière ; je vais tâcher de savoir où il est enterré exactement ; ça pourrait quelquefois servir à sa femme. Silence, donc, en attendant les nouvelles du Régiment.1178 Côté allemand, il y a aussi des jeunes gens qui sont des soldats « tombés au champ d'honneur ». Et souvent, également, ils sont morts seuls, à l'instar du maréchal-deslogis Bailleul. « Le 27 décembre, nous avons pris deux tranchées aux Anglais. Ceux-ci les ont reprises, les ont minées puis ont feint de les abandonner. Les nôtres se sont précipités pour s'en rendre maîtres. En un instant, ils ont été lancés en l'air. Et ça a été une pluie de bras, de jambes, de têtes ; c'était horrible. Moi qui étais dans une tranchée voisine, j'ai fermé les yeux pour ne pas voir un tel spectacle. »1179 Ces conquêtes, pénibles pour un camp, puis pour l'autre, créent une telle angoisse de la mort par mines ou par éclats d'obus qu'elle empêche d'aller rechercher les camarades de son propre régiment dans les lignes adverses ou dans le no man's land. Début juin 1915, près des premières lignes de tranchées entre Fromelles et Fournes, Alois Schnelldorfer raconte le gémissement des blessés, l'odeur des corps en décomposition laissés sous le soleil, les ventres gonflés. Quinze jours après, les corps sont encore là, leur état de putréfaction dégage une odeur encore plus intolérable, selon Norbert Stumpf. L'intensité croit encore avec les chaleurs quelques jours plus tard. son adversaire, cette mort anonyme avec quantité de disparus - disparus où? disparus quand? disparus comment? -, ces souffrances liées aux éclats d'obus qui abiment les visages et les membres avant de complètement détruire les corps, ces dégâts psychiques souvent irrémédiables, que la médecine ne sait pas assez soigner ni même accompagner, font que le soldat qui vit une telle guerre, qu'il soit sur le front ou à l'arrière, ne peut sortir indemne d'une période comme celle-là. La thèse de Jan Patocka1184, établie autant sur les témoignages français et alliés qu'allemands, développe cette idée que la guerre, telle qu'on vient de la décrire, a transformé les hommes qui y participèrent, elle les a métamorphosés pour toujours, elle en a fait d'autres hommes. Dans la guerre totale que Jan Patocka décrit, il n'y a plus de frontières, et la distinction entre le front et l'arrière est supprimée. On voit que « le paysage prend fin soudain et que les décombres ne sont plus des villages ». La guerre révèle la fragilité du monde, lorsqu'on s'attaque au monde habité par l'adversaire pour anéantir ce dernier d'un coup.1185 L'impossibilité de relever les blessés qui agonisent entre les lignes des tranchées sans qu'on puisse leur porter secours, et qui est un des aspects les plus traumatisants de la guerre, semble donner raison au philosophe tchèque. « La ligne du front est donc par excellence le lieu de l'oubli de l'Etre. »1186 Nous nous représentons spontanément la ligne de front comme une limite qui partage le champ de bataille en deux camps opposés, une frontière délimitant deux domaines réservés mais destinés à être violemment transgressés par la force des armes. Il y aurait un au-delà de la ligne, un dépassement possible d'un côté comme de l'autre.1187 En effet, dans une société où l'acte de tuer est condamné, il est demandé à des millions d'hommes d'orienter quatre années de leur vie dans l'optique de combattre et d'éliminer d'autres hommes. Durant toute la guerre, des « meurtres individuels » sont commis, actés ou pensés ; des « ennemis » sont tués de loin, comme déréalisés1188 puisque, souvent, à cause de la puissance et de la technicité des nouveaux moyens militaires, on ne voit pas l'homme qui tombe, au delà des lignes et du parapet. La régression anthropologique et le silence sur la mort des corps sont des chocs profonds. Le soldat sait que son corps peut le trahir, son coeur accélérer ses pulsations, ses jambes devenir molles, sa tête bourdonner et son front être brûlant. Mais, tout à coup, c'est comme si un courant électrique était déclenché : le corps est prêt à tout.1189 Pas toujours. Edward Tanner, du 1er Wiltshire, n'a pas eu cette façon d'être aux aguets, cette acuité plus forte de l'être, cette finesse singulière des sens. Son corps s'est dérobé au combat. Edward Tanner a été accusé de désertion face à l'ennemi dans le hameau de Ligny-le-grand, il a été condamné à mort et exécuté en octobre 1914. Mais c'est son corps, épuisé, qui n'a plus ressenti l'envie de se vêtir de sa tenue militaire et qui a voulu mettre des effets civils. Cette somatisation de l'angoisse est un phénomène
1184 Jan Patocka, « Sortir du siècle de la guerre », Esprit, n° 49, janvier 1981, p. 118-132. Jan Patocka, L'amour des ennemis et autres méditations sur la guerre et la politique, Paris, Albin Michel, 2002. 1186 Jan Patocka, « Equilibre et amplitude dans la vie », Liberté et sacrifice, Bernin, Millon, coll. Krisis, 1990, p. 35. 1187 Jan Patocka, « Les guerres du XXe siècle, et le XXe siècle en tant que guerre », Essais hérétiques sur la philosophie de l'histoire, Lagrasse, Verdier, 1999, p. 16. 1188 Stéphane Audoin-Rouzeau, Combattre, Une anthropologie historique de la guerre moderne (XIXe e XXI ), Paris, Le Seuil, 2008. 1189 Frédéric Rousseau, La guerre censurée, Une histoire des combattants européens de 14-18, Paris, Le Seuil, 1999, p. 153-158.
434 incontrôlable qui renvoie des hommes solides, volontaires, déterminés, dans des attitudes régressives où dominent la terreur et le sentiment d'impuissance. Si l'enfer, c'est la boue, l'enfer, c'est aussi la peur. Le gaz fait peur. Le tank fait peur. L'inconnu fait peur. Le comportement est altéré, devient déraisonnable, échappe au contrôle. Le comportement est altéré, surtout si une consommation excessive d'alcool s'invite. Les boissons fortes étaient inscrites dans les habitudes de vie de nombreux hommes du Nord qui fréquentaient beaucoup les estaminets, très abondants avant la Grande Guerre. Le travail était rude, les heures passées devant le zinc du café semblaient être la compensation légitime en retour de cet investissement dans l'effort. Les marches titubantes des ivrognes étaient monnaie courante.1190 On retrouve ces comportements avinés durant la guerre, dans les chambrées ou sur les lignes. Ils nécessitent de dépenser son argent pour consommer de l'alcool ; cela surprend les frères Verly qui boivent peu de vin ou de bière. Félicien et Henri disposent, grâce aux envois de leurs parents et de leurs soeurs, de sommes modestes, certes suffisantes pour leurs besoins, mais pas assez élevées pour s'offrir beaucoup à boire. Alors, le moindre vol perturbe leur organisation financière, déjà bien serrée : « C'est dégoûtant et bête de se faire voler de la sorte. Songez que je ne me suis pas réveillé. Inutile que vous me remplaciez cet argent. J'en ai encore suffisamment pour me permettre d'attendre mon départ en convalo. »1191 L'alcool à la guerre dans les lignes et les localités de la portion de front Armentières-Lens est évoqué dans trois relations : chez Léon Bocquet, dans Les carnets de guerre de Louis Barthas et dans le récit de la religieuse anonyme de La Bassée. Léon Bocquet dans Le Fardeau des jours montre, au hameau de Willy où les troupes allemandes ont cantonné, une quantité incroyable de bouteilles de tous les alcools possibles. Louis Barthas parle, de son côté, d'un litre de vin par jour, en tout cas d'un quart à un demi pour les plus sobres.1192 L'alcool est inclus dans tout ravitaillement, celui des hommes du rang comme celui des officiers, celui des premières lignes comme celui de l'arrière où des débits de boisson sont ouverts dans toutes les zones fréquentées par les militaires. Comme boisson, il y a du café, de la soupe, et aussi des degrés d'alcool variés jusqu'à la gnole à 98°, interdite seulement à partir du 18 septembre 1918, quand Clémenceau a bien estimé que la victoire était acquise.1193 La religi anonyme des Dames de Saint-Maur relate « la soif teutonne » dans son compte-rendu du dimanche 14 mars 1915 : 14 mars 1915. Ces messieurs aiment surtout la vie animale. Boire, manger, boire surtout, boire encore et s'amuser pendant que leurs hommes se font tuer. Quelle race de pourceaux! Le nom n'est pas de moi. Celui que beaucoup leur donnent est plus laid. C'est vous dire si nous aurons du tapage pendant la nuit, si nous trouverons des bouteilles à leur départ. C'est dire aussi si les Allemands sont des hommes sérieux. « Non, non, non, non, me répétait une personne ; ces gens-là ne sont pas venus faire la guerre. 1191 435 litres de vin ou de bière, je ne sais, pour une vingtaine d'hommes! Je ne vous dis pas quelles traces ont laissé ces ignobles buveurs!1194 Le « bouclier alcoolique », selon Frédéric Rousseau1195, omniprésent dans presque tous les régiments, conjure la peur, permet de cohabiter dans l'intimité de la mort, instille une sur-impression de vie. Même si l'alcool rend bestial (« ces messieurs aiment surtout la vie animale »), même si le vin ou la bière avilissent (« quelle race de pourceaux! »), même si les comportements alcoolisés sont peu glorieux (« je ne vous dis pas les traces laissées par ces ignobles buveurs »), la boisson dope le combattant, guérit le militaire effrayé, permet aux défenses intérieures de trouver du temps pour s'habituer. Parallèlement aux représentations de la mort ignoble, il faut bien que le corps devienne ignoble : l'alcool, ou tout autre substitut d'une soi-disant remasculinisation de l'individu, sert, imaginairement, à accepter la planification organisée des journées des mobilisés, les ordres, le temps à occuper. Il faut en effet que le corps affronte d'une part l'exceptionnel - les charniers, l'air empoisonné, l'odeur violente de putréfaction - et l'ordinaire – le long quotidien passé à attendre et à attendre. Dans ce climat d'expériences parfois extrêmes provoquées par les souffrances, les blessures et la mort, comment parvenir à trouver des modes d'évitement? Cette problématique concerne aussi les femmes en guerre : elles doivent également faire l'expérience d'un corps souffrant, d'un corps en demande, d'un corps trop sollicité. II. Le corps des femmes en guerre
Se montrer pleinement femme durant la guerre, vivre avec son corps de femme dans un monde tantôt quasiment féminin, celui des populations françaises occupées du canton, tantôt exclusivement masculin, celui des clients des cabaretières, ressentir dans son corps de femme les atteintes de la faim ou de l'humiliation, ces diverses versions participent à un regard complémentaire et nécessaire sur le corps en guerre. Certaines femmes utiliseront leur corps pour dire non. Certaines femmes trouveront au contraire des accommodements. Toutes feront l'expérience, parfois douloureuse, parfois chaleureuse, d'être une femme en guerre. 1) Dire non Les sollicitations des soldats allemands pour coucher avec les Françaises, dans les villages où ils sont en cantonnement, sont fréquentes. Peu de femmes l'expriment. 1 - Niemals (jamais) Le témoignage de Rose Duflot, à cet égard, est donc intéressant à considérer. Encore ici n'est-il pas question d'elle. C'est plus facile à exprimer.
1194 Anonyme, La vie à La Bassée d'octobre 1914 à avril 1915, op. cit., p. 27-28. Frédéric Rousseau, La guerre censurée, Une histoire des combattants européens de 14-18, op. cit., p. 169. Ma belle-soeur Marie avait une tante, Sophie, qui venait d'un village voisin en passant clandestinement par la campagne. Elle nous apportait quelques vivres. C'était une patriote enragée et qui discutait toujours avec les soldats allemands. Elle leur disait : « Vous n'êtes pas dans votre pays. Ici, c'est la France. Ce n'est pas nous qui sommes allés vous chercher ; et vous n'irez pas à Paris. » Mais les soldats, comprenant à moitié le français, souriaient et, pour passer le temps, venaient à plusieurs pour l'écouter. Un jour, un soldat lui dit, en riant : « Mademoiselle, coucher. » Elle répondit : « Niemals (Jamais) ». Alors, moi, je lui dis : « C'est bien fait pour vous. Vous n'avez qu'à les laisser tranquilles. Ils ont voulu vous faire marcher. » Or, un jour que Sophie était venue passer quelque temps chez nous, les Allemands organisaient une grande fête. On ne savait pas ce que cela voulait dire ; et c'était un va et vient continuel dans la rue de banderoles et de drapeaux allemands, ainsi que dans tout le village. Sophie alla à la porte d'entrée questionner les soldats : « Que se passe-t-il? ». On lui répondit : « C'est la fête à Guillaume. » « Oh », s'exclama Sophie, en faisant le geste : « Coupe-lui le cou, à ton Guillaume. » Aussitôt, je reçus la visite de l'interprète, que je connaissais bien. Il me dit : « Je pourrais la faire enfermer. » Et moi, je répondis pour sa défense : « Elle est à moitié folle. Ne faites pas attention. » C'est bien d'être patriote, mais c'est dangereux. non » de la part de la tante Sophie. Un non à la présence allemande dans le canton : « Ici, c'est la France ». Un non à la proposition du soldat de coucher avec elle : « Niemals (Jamais) ». Un non aux manifestations bruyantes des militaires pour la fête en l'honneur de leur Empereur Guillaume : « Coupe-lui le cou, à ton Guillaume ». Les trois participent pour Sophie à la même répulsion physique envers les occupants. Sophie ressent comme une agression dans son territoire personnel, à différentes échelles, la présence offensante des ennemis de son pays. Son corps, la rue de son village et la France. Tout se confond presque. 437 comme « enragée », « folle » et « dangereuse ». Et Rose Duflot de conclure en disant : « C'est bien d'être patriote, mais c'est dangereux ». Rose Duflot, quant à elle, dans un autre passage de ses mémoires de guerre, associe encore refus de coucher avec un Allemand et fierté d'être Française, mais cette fois en parlant d'elle. Il faut remarquer que le texte a été écrit longtemps après les faits ce qui explique aussi l'attitude droite d'une femme debout qu'elle s'attribue a posteriori. Deux fois, dans ce passage crucial de son récit, Rose emploie les mots « fière » et « française », en regardant ainsi le long chemin qu'elle a parcouru en tant que femme à Sainghin durant la Grande Guerre. Rose va quitter sa commune. On est vers le début de 1917. Elle fait le bilan du temps passé à cohabiter avec les occupants : « Je me redressais, droite et fière d'avoir été une mère et une épouse française malgré les humiliations, les difficultés et les privations que j'ai subies durant toutes ces années. Je pouvais être fière et digne d'être française. »1197 Ce qui le rend si honorable, à ses propres yeux, c'est sa vertu. Elle est restée « une mère », autrement dit elle s'est occupée de ses enfants au lieu de prendre plaisir à plaisanter au comptoir de son café avec les Allemands, qui étaient pourtant son gagne-pain. Elle est restée « une épouse française », autrement dit elle a été fidèle à son mari en dépit des sollicitations fréquentes et des avances nombreuses qui n'ont pas dû manquer chez cette jeune dame avenante, tenancière d'un estaminet à Sainghin. Sans doute, plusieurs fois, a- -elle dû dire « non ». « Les humiliations, les difficultés et les privations » ont été son lot. On devine qu'il y eut des instants délicats à négocier. 3 - Non à l'inconduite Cela n'empêche pas, au contraire peut-être, Rose Duflot d'être proche des soldats occupants : « Un jour, on les vit revenir malades, jaunes, épuisés et respirant difficilement. Ils nous firent comprendre qu'ils avaient été gazés : 'Oh, madame, terribles, les gaz'. » Elle a la confiance et le respect des hommes qui la voient désormais plus comme une confidente : « L'armée allemande perdait beaucoup d'hommes ; et, un jour, on vit arriver une section de soldats qui étaient jeunes. Pour moi, c'était des gamins. Je les regardais et les questionnais en leur demandant s'ils n'avaient pas peur. L'un d'eux me fit comprendre qu'avant l'attaque, ils se serraient l'un contre l'autre en criant'maman'. »1198 Plus encore que confidente, Rose Duflot apprécie d'être respectée et estimée. Elle rapporte encore un autre moment à l'appui de ce constat qui fait d'elle une cabaretière considérée : « Les soldats étaient très corrects et serviables. Quand il fallait mettre un robinet à un tonneau de bière (car on tirait la bière au tonneau), ils étaient plusieurs à se présenter pour rendre ce service. »1199 C'est qu'il ne doit pas être facile d'être femme, servie et appréciée, au milieu de tant d'hommes vivant en société surtout masculine. Rose Duflot, par la tenue et le sérieux qu'elle décrit, dit ne laisser envisager aucun comportement licencieux de la part des hommes qui fréquentent son café. Elle présente une image de l'ordre gendré comme conforme au modèle que l'on attend d'elle : une femme vaillante et fidèle. Cette fidélité physique due au mari combattant, c'est la fidélité aux valeurs morales, voire politiques et religieuses, qui font l'éducation des filles et des femmes du pays de Weppes comme des autres régions occupées avant la guerre. La société occidentale toute entière est en effet pétrie de principes et d'enseignements qui inculquent aux mères et aux épouses des résolutions mentales de force de caractère face aux sollicitations dont elle peuvent être l'objet. Certes, ces évitements ne sont pas dits 1197 Ibid., p. 44. Ibid., p. 41. 1199 Ibid., p. 34. 1198 438 explicitement. Tout est suggéré, quasi ment caché, sous les mots ordinaires et les récits du quotidien d'ailleurs souvent reconstruits a posteriori. Ces femmes ne se revendiquent ni héroïnes ni martyres mais elles sont rebelles, dans leur tête, contre l'occupant ; c'est ce que veut suggérer Rose Duflot dans le récit de sa guerre à Sainghin. Peu, parmi elles, osent effectuer des actes de transgression, à l'instar de Sophie. La plupart effectuent de petites démarches anodines, anonymes qui leur donnent la force de continuer. Leurs paroles, parfois, peuvent même devenir militantes : Un jour, alors que je portais ma petite Marie dans mes bras, en revenant du village où j'étais allée rendre visite à ma mère et à ma tante Julia qui vivaient ensemble, je vis, le coeur battant, émue, un petit avion aux couleurs de la France qui survolait le village. Aussitôt, l'aviation ennemie se mit en chasse et, après une courte bataille, le petit avion français fut abattu. Et moi, à genoux, je m'écriais : « Salut, Soldat français », les larmes dans les yeux et je dis aux Allemands que ce n'était pas une victoire pour eux car ils étaient plusieurs contre un seul. Les soldats étaient plutôt penauds mais moi, j'avais le coeur serré pour ce pauvre soldat qui venait de mourir pour la France.1200 Cette zone de l'arrière-front où les femmes survivent grâce aux militaires allemands en cantonnement est bien un territoire de confusion car Julius, un soldat allemand qui parlait assez bien français, dit à Rose Duflot au moment où il va quitter le secteur de Sainghin : « Bon retour pour votre mari, Madame! ».1201 Cet instantané évoque des rapports de sympathie ou au moins un minimum de cordialité entre les clients de l'estaminet et la cabaretière ; malgré tout, ces militaires sont bien identifiés comme des occupants étrangers : « L'aviation ennemie se mit en chasse ». Alors, la méfiance est toujours de mise, surtout quand il est question du corps. Les femmes évitent les situations de quiproquos qui pourraient laisser supposer qu'elles sont provocantes ou consentantes. Rose, par exemple, tout en approchant et en apprivoisant les Allemands, est dans l'esquive afin d'éviter les tête à tête et les en droits propices à la taquinerie. L'épisode des couvertures qu'elle raconte est typique à la fois du contact nécessaire avec l'occupant pour profiter financièrement de lui et du refus de contact pour signifier la distance formelle qu'elle s'impose par le truchement de ses enfants : Nous approchions de l'automne et il fallait des vêtements chauds pour les enfants. Les Allemands avaient dans leurs équipements des couvertures magnifiques qu'ils avaient certainement réquisitionnées en France. Avec ces couvertures, on pouvait faire des manteaux ou d'autres vêtements pour les civils. Un soldat qui partait du village me proposa de me donner quelques couvertures de son équipement et ceci par gentillesse. Cela me tentait et, pour plus de sûreté, je partis dans sa chambre accompagnée de mes quatre enfants qui étaient ma sauvegarde. Et le soldat me remit plusieurs couvertures. J'étais satisfaite et je pouvais voir venir l'hiver et vêtir mes enfants.1202 Rose Duflot s'entoure de précautions - et de ses enfants - afin d'éviter de se voir sollicitée par le soldat. Combien d'autres ont de telles conduites? Dans ce domaine entre sociologie, histoire et anthropologie, il est difficile de mener une étude statistique afin de voir si cette attitude est dans les normes comportementales du canton. Les écrits des femmes en guerre du secteur de La Bassée, d'une part, n'ont été que rarement conservés une exception, le journal de la religieuse de La Bassée -, et, d'autre part, ce sont souvent des lettres destinées à un membre proche, donc orientées vers des considérations privées, 1200 Ibid., p. 34. Ibid., p. 38. 1202 Ibid., p. 41. 1201 439 familiales et pratiques. Le récit a posteriori de Rose Duflot présente cet intérêt d'évoquer un point de vue rarement visible, occulté par pudeur, celui du corps féminin confronté aux aléas de l'occupation face aux soldats allemands en demande de relations. Alors, s'il est impossible de dire la représentativité de ce cas et son caractère commun, on aura au moins évoqué une réalité sans bien savoir de quelle proportion de femmes cette situation est le reflet. Rose Duflot écrit cette longue page, les quatre ans de sa Grande Guerre, bien des années après. Et il est remarquable que son témoignage - au lieu de revenir sur les problèmes matériels et de raconter les ruines, les malheurs et les privations – s'attarde essentiellement sur le traumatisme vécu par les femmes et sur leur per ception du corps, elles qui sont entourées de militaires allemands. Jacques Derrida, pour évoquer cette résurgence d'un passé traumatique dans le présent, a créé un néologisme tout à fait parlant, et adapté au cas de Rose Duflot, l'hantologie1203. Cette notion revient à discerner les traces à la fois visibles, ici son récit de la guerre, et les traces invisibles, qu'il ne nous appartient pas d'interroger présentement. Jacques Derrida montre que des événements forts, bien que disparus dans leur forme originelle, continuent d'exister implicitement dans les esprits.
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Les déterminants socio-écologiques et personnels de la performance et de la motivation scolaires. Education. Université Bourgogne Franche-Comté, 2022. Français. ⟨NNT : 2022UBFCH011⟩. ⟨tel-03815109⟩
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160 Vers une conceptualisation sous une approche socio-écologique scolaires.
Bref, ce travail
s’inscrit dans la lignée des travaux sur la psychologie des environnements sociaux de la classe (Moos, 1980). Mais alors quels sont les fondements théoriques de ce concept? La partie suivante vise justement à montrer tout le processus, les théories ainsi que les modèles qui ont permis de l’asseoir. Nous verrons dans un premier temps que plusieurs théories ont été fondamentales. Puis, nous ferons le point sur deux des modèles pionniers dans le domaine de la psychologie des environnements sociaux, en nous focalisant notamment sur leurs intérêts pour notre travail.
161 Vers une conceptualisation sous une approche socio-écologique I- L’environnement de la classe : de la pragmatique à la théorie
La recherche sur le climat de la classe a connu un processus particulier avant que d’être un domaine d’étude bien établie. Au départ expérimentale et assez embryonnaire, à partir des années 1930 elle acquiert une genèse théorique grâce aux travaux de plusieurs psychologues, tels que la théorie de Lewin (1936), de Murray (1938), etc. Des conceptions théoriques qui d’ailleurs n’avaient initialement aucun lien avec le contexte scolaire, car ces dernières ne se donnaient pas (tout au moins à leur début) comme objet d’étude l’environnement de la classe. S’ensuivront plus tard, les travaux d’autres chercheurs, soit ceux de Moos et Tricket (1974) et Walberg (1969) qui poseront enfin les jalons théoriques du concept tout en ayant élargi les conceptions de Murray (1938) et de Lewin (1936) jusque dans la salle de classe. De cette assise théorie s’en suit un bouleversement d’ordre méthodologique. En effet, nous ne pouvons parler de l’essor du concept « climat de la classe » sans parler cette évolution méthodologie qu’il a connu et qui se poursuit jusqu’aujourd’hui. Il est indéniable que si ce concept a perduré et s’est largement développé, c’est grâce au développement des outils de recueil des données conçues et validées par les chercheurs (Fraser, 2007). Ces travaux pionniers ont d’une certaine manière inauguré la conception ainsi que la validation, statistiquement parlant de nombreux questionnaires sur le climat dans les environnements d’apprentissage (Fraser, 2012). Si les premiers travaux de recherche se sont basés sur les observations directes, depuis plus d’une quarantaine d’années, la méthode par questionnaire (visant à recueillir les perceptions des élèves, des enseignants...) est la plus répandue. Le travail de Walberg et Anderson (1968) et plus précisément l’élaboration du questionnaire « Learning Environment Inventory » (L.E.I), est cité comme précurseur de cette approche méthodologique. À cela s’ajoute, la classification de Moos (1974) construite autour de trois domaines 46 que sont : « les dimensions relationnelles, les dimensions du développement personnel et les dimensions de maintien et de changement du système de la classe » et qui selon lui constituent le climat de la classe. Cette répartition théorique a permis de mieux travailler avec ce concept. En effet, cette catégorisation de l’environnement de la classe a favorisé à d’autres recherches de mettre en place un questionnaire valide, construit sur la base de cette même classification. 46 Voir chapitre 2 pour plus de détails concernant ces trois domaines. 162 Vers une conceptualisation sous une approche socio-écologique
Toutes ces avancées non négligeables ont participé donc à la diffusion internationale de la recherche sur ce domaine dans plusieurs pays (Fraser 2007, 2012) parce qu’elle est actuellement menée partout dans le monde et a donné lieu à beaucoup d’études et de résultats variés pour ainsi rendre le domaine d’étude encore plus étendu (Fraser, 1981b). Puisque ce chapitre est dédié aux questionnements théoriques, nous allons dès à présent, exposer les différentes théories et approches qui ont largement contribué à son développement, avant de détailler le modèle théorique qui nous sert d’appui conceptuel.
I.1 L’historicité du concept I.1.a Bref rappel historique
Ce concept n’a pas au départ suscité de théorie, c’est-à-dire qu’avant d’acquérir un fondement théorique, il était purement expérimental. En effet avant les années 50, les faits étaient étudiés indépendamment des approches théories. Chávez (1984) nous rapporte que l’étude des climats de classe a connu deux phases distinctes dans son développement sans qu’il n’y ait de rapport entre ces deux périodes. Dans un premier temps, la recherche était appliquée en utilisant des mesures de « basse inférence »47 afin d’analyser le climat dans les salles de classe. Très simplement, les chercheurs observaient directement l’ambiance des classes avant d’interpréter ces observations. Puis dans un second temps, elle est devenue théorique et expérimentale. Grâce à l’arrivée de la pensée de Lewin (1936) concernant le rapport entre l’individu et l’environnement – pour ne citer que celle-ci – une réflexion théorique va naître. Sans oublier que la question méthodologie sera aussi préoccupante tout au long, car ce n’est qu’à partir des s soixante que l’utilisation des mesures de « haute inférence »48 dans l’étude des climats de classe va apparaître. Medley et Mitzel (1963) rapportent que les psychologues sociaux ont été les premiers à étudier les comportements en classe, c’est-à-dire les interactions entre le corps enseignant et les élèves (voire les pairs entre eux). La plus ancienne recherche recensée portant sur les comportements en classe a été menée par Thomas (1929) aux États-Unis49. Thomas (1929) s’aperçoit que l’étude des interactions qui ont lieu en salle de classe souffrait d’outils de collecte 47 Basées sur les observations directes. 48 Basées sur la perception subjective des élèves... 49 Pour un exposé plus fourni voir (Chávez, 1984; Thomas, 1929). 163 Vers une conceptualisation sous une approche socio-écologique des données scientifiquement établie. Par conséquent, les données étaient largement descriptives, « au mieux objectives, en ce sens qu’elles traitent de certains faits vérifiables, mais elles sont sélectives, incohérentes et généralement incomparables avec d’autres registres » Chavèz (1985). Face à cela, elle va développer une méthodologie composée de trois phases 50 afin de collecter des données exploitables et de mieux appréhender les comportements en classe. D’ailleurs, cette technique va être mobilisée par plusieurs recherches durant cette période Chavèz (1985). Puis, d’autres travaux vont contribuer à l’avancée de cette recherche et vont révéler, par exemple l’importance du rôle de l’enseignant, de la direction et des interactions dans le comportement social en classe. À titre d’exemple, Lewin, Lippitt, et White (1939) vont étudier les effets de différents styles de direction sur le climat d’un certain nombre de groupe d’élèves. De son côté Lippitt (1940)51 va mener des études du même ordre avec le corps enseignant. Tous constatent que les style de leadership des enseignants ont une influence sur le comportement en classe, au même titre qu’Anderson et al (1946), qui vont arriver à la même conclusion. Mais ce n’est qu’à l’approche des années cinquante que la recherche sur cet objet d’étude va prendre une nouvelle tournure en devenant à la fois théorique et empirique. Plusieurs courants théoriques vont successivement inspirer et par conséquent le faire évoluer, tel que « la théorie du champ » de Lewin (1936), le modèle « needs-press » de Murray (1938), le modèle de la dynamique éducative de Getzels et Thelen (1960) et bien d’autres plus tard. Ainsi la recherche sur le climat de la classe va également s’orienter vers une approche subjective et quantitative en considérant dorénavant la méthode de « haute inférence ». Et une série des questionnaires basés sur ces modèles théoriques ci-dessus vont se développer de plus en plus. Mais avant de procéder à une revue approfondie des modèles théoriques qui ont influencé la recherche, soulignons que ces théories s’inscrivent dans un courant psychologique, notamment dans la lignée de la psychologie de l’environnement. La plus grande contribution du cadre théorique est développée par les modèles de la psychologie environnementale qui met en relation l’homme et son environnement immédiat.
50 Une phase d’observation, d’enregistrement de création (Cf voir Chavez, 1984) 51 Travaux recensés par Chávez, (1984). Vers une conceptualisation sous une approche socio-écologique I.1.b Une approche psychologique de la relation entre l’homme et l’environnement
De toute évidence, l’homme évolue dans des environnements, qu’ils soient ouverts ou fermés, personnels ou collectifs. Aussi, il serait vain de rappeler l’existence d’une relation entre l’homme et son environnement. Néanmoins, l’intérêt consiste à intégrer cette relation dans l’analyse scientifique. Justement, la recherche scientifique a appréhendé cette relation sous plusieurs perspectives, y compris sous un angle psychologique. Et c’est notamment une branche de la psychologie qui en a fait son objet d’étude, à savoir « la psychologie de l’environnement ». Selon cette branche disciplinaire, pour analyser au mieux la relation entre l’individu et son milieu, il est important d’envisager une prise en compte des paradigmes psychologiques. C’est à partir des années soixante que cette perspective psychologique s’est développée aux États-Unis, même si sa théorisation s’inscrit davantage dans les années soixante-dix. L’ouvrage « Environmental Psychology : Man and his physical setting » (Proshansky et al., 1970) - des psychologues sociaux - est considéré comme étant l’un des pionniers de la psychologie de l’environnement. C’est aussi à cette même période qu’elle se démarque des autres disciplines connexes à la psychologie et qu’elle va connaître un élan mondial. Cependant, ce n’est que quelques années plus tard, précisément dans les années 1980 que cette branche disciplinaire sera mise en lumière en France. L’ouvrage de Lévy-Leboyer « psychologie et environnement » est généralement mentionné pour avoir favorisé la reconnaissance de cette discipline dans le paysage académique français. Bien que son caractère relativement
réc
ent par rapport à d’
autres
disciplines des Sciences humaines soit manifeste, la
naissance
de la psychologie environnementale fut
très liée
à la psychologie sociale. Ces
déb
uts
ont été marqu
és par des « interactions entre psychologues sociaux et spécialistes de l’environnement » (Morval, 1981). En effet, les psychologues sociaux ont été les premiers à considérer « l’environnement » dans leurs travaux, car ils essayaient d’apporter une réponse à la nature de la relation entre, justement, « l’homme et l’environnement » : question d’ailleurs impulsée par les spécialistes de l’environnement tels que les architectes, aménageurs... (Moser, 2003). Cela s’illustre par le passage en revue d’un bon nombre de psychologues sociaux dans les manuels de psychologie de l’environnement 52. Aussi, il en découlera de ces premiers travaux sur le rapport entre 52 Voir, Moser, (2003).
165 Vers une conceptualisation sous une approche socio-écologique l’individu et son espace, des notions telles que « l’espace personnel » de Robert Sommer (1969), « espace de vie » de Lewin (1936) ou encore « Behavior setting » de Barker (1968), etc. Pour revenir à l’objectif premier de la psychologie environnementale, notons d’abord qu’elle étudie les « interrelations entre
l’
individu et son
environnement physique et social
, dans ses dimensions
spatial
es et
tempor
elles » (Moser, 2003 p.16). En tenant compte de cette définition, force est de constater l’aspect pluri
dimension
nel de l’objet d’étude.
Si nous admettons comme Moser (2003) que la notion d’environnement fait référence aux « conditions physiques, chimiques, biologiques, socioculturelles et économiques », elle apparaît tel un objet d’étude interdisciplinaire tant les disciplines qui pourraient l’étudier sont nombreuses. Cela permet d’élargir et d’enrichir, également, la réflexion cette relation grâce aux apports multiples des branches disciplinaires. Sans aller à l’encontre du but premier de cette approche environnementaliste, d’autres chercheurs se sont intéressés à la relation entre individu et environnement. C’est ainsi que ce concept « d’environnement » s’est vu appliquer aux contextes scolaires. Il convient de reconnaître au préalable que les milieux scolaires sont des environnements humains avec une composante matérielle (par exemple les matériels pédagogiques...) et sociale (comme les caractéristiques sociodémographiques des individus...). Et par conséquent l’environnement renvoie à l’atmosphère ou aux climats créés par ces deux grandes composantes. À cet effet, plusieurs psychologues ont ainsi considéré l’environnement ou plus précisément la relation entre l’individu et son environnement d’apprentissage scolaire à travers plusieurs paradigmes. Leurs approches ont développé quelques modèles théoriques ayant donc promu le développement sur le plan théorique du concept de climat de la classe. Ces derniers peuvent être triés en deux grandes conceptions (Hirata & Fisher, 2013). Certaines considérations conçoivent la relation individu-environnement de manière systémique (c’est-à-dire transactionnelle) et d’autres s’inscrivent plus dans une perspective situationniste (que nous pourrons qualifier également de déterministe), que nous détaillons dans ce qui suit. À titre informatif, les recherches s’inscrivant dans la seconde conception se sont historiquement concentrées sur les dimensions psychosociales de l’environnement 53. 53 Nous faisons allusion au travail de Moos (1974) que nous détaillons par la suite. 166 Vers une conceptualisation sous une approche socio-écologique I.2 D’une approche déterministe et individuelle
Cette première conception théorique du rapport entre environnement et individu est fondée sur une approche déterministe. Elle postule que l’une des deux entités détermine l’autre : en l’occurrence, l’environnement serait le déterminant de l’action humaine. Aussi, elle privilégie une démarche subjective (basée sur les perceptions de l’individu). Cela revient à dire que les comportements des individus et la perception de l’environnement sont tributaires de l’environnement lui-même (Moser, 2003). Dans un souci de modélisation théorique de l’impact du milieu sur le comportement humain, les déterminants paradigmatiques pris en compte doivent donc s’inscrire dans une relation de dépendance. En ce sens, les caractéristiques environnementales et individuelles, de même que les comportements et le processus psychologie (la perception cognitive et affective) de l’environnement intègrent dans la modélisation différemment : les premières sont considérées comme des entités dépendantes et les secondes indépendantes et prédictives des premières (Altman & Rogoff, 1987). I.2.a Lewin (1936) ou l’importance de « l’environnement » Comme souligné ci-dessus, les travaux sur la relation entre l’environnement et l’homme ne sont pas très récents. Le psychologue Lewin (1936) s’est déjà intéressé à la question de l’espace par rapport au comportement humain en prolongeant, fondamentalement, la théorie de la forme (la gestaltpsychologie). En adoptant une posture psychosociale, Lewin conçoit une formule inspirée de la physique, notamment de la théorie du champ électromagnétique, dans le but d’étudier le comportement humain au regard du poids de l’environnement. Ainsi, il met l’accent sur l’individu et le milieu avant de révéler l’impact de l’environnement sur la personne. En d’autres termes, il a montré l’importance de la notion de l’environnement dans ladite relation. Lewin conçoit, précisément la « théorie des champs » qui conceptualise les interactions entre individu et environnement. Sa théorie se base sur le concept « d’espace de vie » ou de « champ ». Sachant que l’un comme l’autre tente d’expliquer le comportement humain, en considérant le cadre et la force de l’environnement psychologique dans un temps délimité. L’espace de vie correspond à l’ensemble des variables psychologiques (relatives aux besoins, aux buts, aux perceptions...), non psychologiques qui influencent directement le socio écologique comportement de l’individu. De la même façon que pour Marrow (1969 p 44)54 il renvoie à « l’environnement psychologique total dont une personne a l’expérience subjective ». Bref, ce concept « comprend tous les faits qui ont une réalité pour la personne et exclut tous ceux qui n’en ont pas. Il inclut donc ses besoins, ses buts, les influences de son inconscient, ses souvenirs, ses croyances, les événements de nature politique, économique, sociale et autre qui influent directement sur son comportement » (Marrow, 1969, p 44 cité par Brissaud, 2002). Les relations entre la personne et les caractéristiques physiques, sociales de son environnement sont ainsi perçues comme un tout régi par un processus de force, dont Lewin attribue une équation mathématique qui se traduit comme suit : B = f (P.E) B = comportement humain ; f = fonction (P = personne ; E = environnement). Cette formule montre que le comportement humain (B) est fonction des caractéristiques de l’individu (P) et des caractéristiques de l’environnement (E). Ce cadre théorique a été appliqué dans plusieurs domaines, soit dans le contexte scolaire. En effet, cette conception selon laquelle il existe un environnement d’apprentissage qui influence les aspects du développement de l’apprentissage, qui s’est vu naître avec Lewin (1936) a constitué une des premières assises théoriques du concept de climat de la classe, d’autant plus qu’il y a une certaine cohérence de croire et de concevoir que l’environnement (c’est-à-dire toutes les caractéristiques de la classe) influence les comportements cognitifs et affectifs des élèves. Aussi, d’autres chercheurs ont marché sur les traces de Lewin (1936) et ont proposé des modèles théoriques qui permettent d’appréhender les relations entre l’environnement et la personne comme c’est le cas de l’approche de Murray (1938) ou de Barker (1958).
I.2.b La théorie de Murray (1938)
Murray (1938) et plus tard d’autres chercheurs tels que Stern, Stein, et Bloom (1956), Pace and Stern (1958) vont prolonger d’une certaine manière le modèle théorique de Lewin (1936) abordé ci-dessus. En premier, Murray (1938) développe une théorie de la personnalité 54 cité par (Chemin, 2002).
168 Vers une conceptualisation sous une approche socio-écologique qui décrit l’individu par un ensemble de besoins et le milieu par une série de pressions environnementales. Sa conception repose sur l’idée d’un déterminisme lié à l’environnement.
Selon
lui
,
nous pouvons : « étudier
avec profit un milieu, un groupe social ou une institution, du point de vue de l’influence qu’il exerce sur les individus composant ce milieu
» (Murray, 1947, p. 22 cité par Bennacer 2005). Il propose le modèle « needs-press » qui offre une représentation parallèle de la personne et de l’environnement et qui considère la combinaison de ces deux composantes comme étant le déterminant du comportement humain. En d’autres termes, cette théorie conceptualise les individus par leurs besoins psychologiques (needs) et l’environnement par sa pression (press). Les besoins personnels font référence aux caractéristiques personnelles et internes du comportement. Ces derniers sont nombreux et diversifiés. Ainsi, Murray (1947) les regroupe dans une large liste et les hiérarchise selon que ces besoins soient fondamentaux ou secondaires. Tandis que la pression environnementale fournit une contrepartie situationnelle externe qui soutient ou inhibe la satisfaction des besoins personnels intériorisés. Cela permet donc de regarder le « rôle joué par les stimuli extérieurs » (Maddi & Costa Jr, 1972). Le principe fondamental de cette théorie est que les besoins psychologiques et la pression de l’environnement interagissent pour guider le comportement de la personne. Autrement dit, ce modèle théorique avance qu’une certaine part de variance comportementale est expliquée par l’interaction entre les besoins personnels et les forces environnementales. Murray schématise la conception comme suit :
Figure 7 - Modèle théorique de Murray (1938). Vers une conceptualisation sous une approche socio-écologique
En partant de ce point de vue, Murray procède à une distinction entre « alpha press » et « beta press » en ce qui concerne la relation entre l’individu et l’environnement. Le premier (alpha press), renvoie donc à l’environnement dans sa dimension réelle : perçu de manière objective par exemple par un observateur externe. Alors que le second (beta press) fait allusion à la perception qu’en les personnes de leur propre environnement et prend ainsi une dimension subjective. Cela accentue, à nouveau ce qui constitue, à nos yeux, une part importante de l’apport de la théorie de Murray, à savoir que la pression environnementale détermine le comportement humain.
I.3 À une approche écologique et situationniste
Nous venons de voir les deux grandes théories psychologiques ayant influencé les études sur l’environnement de la classe. Ces influences ont d’abord été de conception déterministe, car selon elles, l’environnement conditionne le comportement humain. Cependant, elles ont été reprises et développées par d’autres chercheurs dans une optique plus interactionniste et qui ont, par conséquent donné lieu une conception plus écologique, voire socio-écologique de l’objet « environnement ». La psychologie sociale de l’environnement a exploré les aspects sociaux de l’environnement. Ainsi, certains psychologues qui se sont penchés sur la question de l’environnement se sont inspirés de l’écologie, à savoir la science qui étudie les interrelations entre les êtres vivants et leur environnement. Leur intérêt fut focalisé sur les dimensions sociophysiques du milieu, car « la notion d’environnement n’est pas objectivable sans la présence humaine » Moser (2003, p.11). Bien que le concept d’écologie soit un carrefour à plusieurs disciplines de par son caractère pluridisciplinaire55, l’approche écologique des psychologues sociaux de l’environnement fait référence à l’importance de l’environnement dans lequel évolue l’individu tout en le mettant en relation avec le milieu de par ses caractéristiques personnelles. Dit autrement, il considère l’individu, non plus, seulement comme un récepteur docile subissant les éventuels changements de l’environnement, mais tel un intervenant à la construction, à l’évolution du milieu. Ainsi, la personne est à la fois membre actif et passif du 55 La question de l’écologie est élargie à d’autres champs d’études, tels que la biologie (voire Haeckel, 1866), la sociologie (voir Mayer, 1998) ou encore en psychologie (Bronfenbrenner,1979). 170 Vers une conceptualisation sous une approche socio-écologique milieu. En bref, cette conception écologique considère l’environnement et la personne comme deux entités régulièrement en interaction mutuelle. En ce sens, elle reste cependant un concept systémique. Wicker, (1979 ; cité par Moser, 2009) le définit comme « l’étude des relations interdépendantes entre les actions instrumentales d’individus et les sites comportementaux dans lesquels ces actions prennent place ». Cette définition rejoint celle de Barker (1968), qui conçoit la psychologie écologique comme l’étude du comportement humain dans des environnements physiques déterminés. De cette conception théorique en découlent plusieurs modélisations de l’interaction entre personne-environnement. La théorie de Barker (1968) portant sur les paramètres du comportement, le modèle de « needs-press » de Stern et al (1956), l’approche « socio écologique » de Moos en sont des illustrations adéquates. Par ailleurs, des recherches importantes axées sur les élèves et leur environnement scolaire ont été stimulées par ces approches théoriques56. Aussi, cette conception de l’environnement n’est pas inintéressante, car elle considère le rapport entre l’homme et l’environnement (ou pour notre cas, l’élève et sa classe) dans un processus transactionnel. Allons nous attarder maintenant sur certains modèles théoriques de l’interdépendance entre les caractéristiques physiques et sociales du milieu. Ces modèles que nous mentionnons dans ce qui suit ont servi de cadre théorique à des recherches analysant la relation entre individus (élève et/ou groupe d’élèves) et l’environnement scolaire (la classe). Ils ont aussi permis d’observer le caractère prédictif de ladite relation (Cf voir Fraser, 1994)57. Nous faisons référence, principalement aux modèles de Barker (1965) et celui de Moos (1979) qui ont également servi d’assise théorique à des outils de collecte des données : par exemple l’échelle « classroom environment scale - C.E.S » de Moos et Trickett (1974).
I.3.a L’approche de Barker (1968) : un courant situationniste?
Le modèle de Barker est apparu vers 1950 aux États-Unis, notamment grâce à ses travaux sur les comportements des individus au sein de leurs environnements naturels, soit dans des cadres familiaux et scolaires (Barker et al, 1955, 1963). Ce modèle va à l’encontre 56 Toutes les études sur le climat social de la classe en sont des exemples parfaits.
Vers une conceptualisation sous une approche socio-écologique des autres modèles behavioristes, car il est né de la volonté de marquer une rupture avec les expériences behavioristes en laboratoire afin d’explorer la vie réelle dans son milieu naturel (Wicker, 2002). Son modèle s’inscrit dans le courant de la psychologie écologique dont il est un des fondateurs. Comme souligner ci-dessus, ce courant conceptualise le rapport relationnel entre l’homme et l’environnement. Barker conçoit ce rapport de manière transactionnelle et non unilatérale, relatif donc à l’interdépendance entre les comportements des personnes et leurs environnements. Il décrit le lien entre « personne et environnement » en proposant la notion de « Behavior Setting » et l’environnement comme étant « le contexte objectif, perceptif, le dispositif réel de l’existence à l’intérieur duquel les personnes doivent vivre » (Barker, 1968 cité par Andrieux, 1971). La logique fondamentale de la théorie de Barker est que les « Behavior Settings » sélectionnent et façonnent le comportement des sujets qui les habitent. Appelé aussi « site comportemental », il est une réalité de la vie sociale. Ces sites sont des phénomènes naturels et non des phénomènes expressément conçus par l’expérimentateur pour des raisons scientifiques. En effet, ils correspondent à de petits systèmes sociaux circonscrits spatiotemporellement (un moment et un lieu donnés), composés d’individus et de matériels. Ces sites comportementaux se rapportent, également aux interactions entre unités environnementales et comportementales dans un espace et un moment donné. En cela, un cours de mathématiques dans une classe de lycée est un site comportemental tout comme un cours de musique dans la même classe en est un autre. Néanmoins, les comportements observés ne seront pas nécessairement identiques d’un site à un autre. De ce fait et à l’inverse d’une approche déterministe de l’environnement, Barker montre, à partir de sa théorie le caractère systémique de la relation entre l’homme et l’environnement. Barker n’est pas au rebours d’une analyse supposant l’interdépendance entre l’environnement et le comportement, car selon sa théorie l’individu et l’environnement doivent être pris en compte dans l’analyse du comportement humain. En effet, l’environnement comprend une composante physique, une dimension sociocognitive ainsi que l’interaction entre ces deux composantes (Barker, 1968). Par conséquent, le comportement résulte de l’interaction entre l’individu lui-même et son environnement. Bien que, le psychologue soutienne l’idée qu’il faille tenir compte des caractéristiques personnelles et environnementales, car prédictives du comportement, néanmoins son travail n’insiste que sur la dimension environnementale et sa théorie ne rapporte aucune définition opérationnelle de la personne. Il conceptualise l’environnement en termes de « site 172 Vers une conceptualisation sous une approche socio-écologique comportemental ». Il définit et décrit les « sites comportementaux » à l’aide du « Behavior Setting Survey »58 (Barker, 1968), mais il ne tente pas de mesurer l’environnement tel qu’il est perçu par les individus qui le compose (Fawcett et al, 1978).
I.3.b Modèle de Getzel et Thelen
(1960) En suivant le raisonnement de Murray (1938), Getzel et Thelen (1960, 1972), suppose que l’environnement de la classe est un système social unique en son genre. Ils ont construit un modèle permettant de comprendre la relation entre la personnalité et les comportements interpersonnels. Leur modèle tient pour acquis que dans les classes, les personnalités individuelles, les rôles (joués par les enseignants et les élèves) et les climats interagissent et prédisent le comportement du groupe, y compris l’apprentissage en classe. De ce fait, la notion d’environnement est considérée dans un sens large. Selon Getzels et Thelen (1960), l’environnement d’apprentissage est un système social qui implique trois groupes de dimensions : La dimension normative : qui fait référence aux institutions ayants certains rôles et des attentes qui répondront aux objectifs du système éducatif. La dimension personnelle : c’est-à-dire les individus qui ont leurs propres personnalités et qui ont besoin aussi de les exprimer et dont les interactions observées sont nommées « comportement social ». La dimension groupe (ou transactionnelle) : elle est médiatrice des deux dimensions précédentes. Cette médiation peut soutenir l’institution en imposant, par exemple, certaines normes aux membres du groupe. Et elle peut aussi aider l’individu à exprimer une certaine personnalité. Pour établir cet équilibre entre l’institution et l’individu, le groupe développe un « climat de classe » qui peut être analysé par le biais de l’ensemble des intentions du groupe. Et donc, le climat du groupe (classe) représente la dimension générale de la classe en tant que système social (Getzels et Thelen, 1960). Et est schématisé de la façon suivante : 58 La méthodologie d’enquête mise en œuvre par Barker (1968) composée de plusieurs variables afin d’étudier les « sites comportementaux ». 173 Vers une conceptualisation
sous
une approche socio-écologique
Figure 8 - Modèle théorique de Getzels et Thelen, (1960).
Dans le modèle
ci
-
dessus : La dimension normative correspond à la ligne supérieure qui est définie par l’institution, le rôle et les attentes institutionnelles à l’égard du rôle. La dimension personnelle correspond à la ligne inférieure qui se rapporte aux dispositions comportementales uniques et personnelles. Le climat du groupe correspond à la ligne du milieu qui sert de médiateur entre les exigences institutionnelles et les disposition individuelles. Soulignons aussi que dans ce modèle chaque terme dépend de l’unité d’analyse du terme qui le précède. Ainsi la composante normative est définie par ses institutions, chaque institution par ses rôles, chaque rôle par les attentes qui lui sont allouées. Il en est de même pour les autres composantes schématisées dans les deux autres lignes. Comme nous pouvons socio cologique le remarquer, le comportement observé 59 est ainsi le résultat d’une confrontation entre les modèles d’attentes institutionnelles, les attentes du groupe et les besoins individuels. Ce modèle fait partie, aussi, des théories ayant inspiré la recherche sur le climat sde la classe. Il a, en l’occurrence servi de cadre théorique pour la conception le développement dans leur analyse sociologique du climat de la classe à partir du questionnaire L.E.I (Walberg et Anderson, 1969) et considère la classe comme est un système social à part entière. Synthèse
Nous avons constaté dans ce qui précède une évolution de la recherche théorique sur la relation entre l’homme et l’environnement tout en restant calqué principalement dans le domaine psychologique. De la théorie de Lewin à l’approche psycho-écologique de Barker (1965) en passant par le modèle sur la dynamique de groupe de Getzels et Thelen (1960), chacun de ces modèles peut encore être considéré comme une modélisation adéquate du phénomène climatique. Nonobstant, ces modèles ont des limites bien qu’ils soient considérés comme établis dans le champ théorique de la recherche sur le lien entre individu et milieu. À titre d’exemple, remarquons que le modèle « needs-press » de Murray (1938) considère le climat d’un point de vue personnel, négligeant ainsi les dynamiques sociales et le contexte socio-environnemental. Il accorde peu d’attention aux processus interactionnels des caractéristiques sociaux (Schreiner, 1973 ; Pervin, 1978). Mais encore, celui de Getzels et Thelen (1960), qui tient compte de la notion de contexte environnemental de manière large sans pour autant représenter adéquatement les processus psychologiques et sociaux qui sont impliqués dans la perception qu’ont les élèves de leur classe. En somme, il se dessine de cette brève revue deux grandes conceptions théoriques de la psychologie environnementale pour étudier, analyser le climat de la classe. Bien que les deux prennent racine dans la formule de Lewin (1936), une certaine nuance se dégage entre l’approche écologique et déterministe : la première étant plus large et systémique et la deuxième causaliste. 59 Qui correspond dans le modèle au « Observated behavior ». Vers une conceptualisation sous une approche socio-écologique II- Pour un modèle relationnel à doubles aspects
Compte tenu des tous ces éléments théoriques, notons que l’étude des déterminants socio-environnementaux et personnels du rendement scolaire implique néanmoins un choix, en amont. Ce choix porte sur l’unité d’étude. Comme souligner par Fraser, les chercheurs doivent faire le choix entre une analyse portant sur un aspect individuel ou sur une perspective collective de l’étude de la perception du climat de la classe. Mais qu’entend-on par perspective personnelle et collective? Comment ces dimensions ont-elles été modélisées dans la littérature? Et finalement quel est notre positionnement théorique? Autant de questions que nous allons tenter d’y répondre dans ce qui suit avant toute tentative de modélisation.
II.1 L’approche socio-écologique de Moos (1979) : une perspective consensuelle
Avec Moos (1979), une nouvelle page s’est ouverte dans l’analyse de la relation entre l’individu et son milieu, tout particulièrement dans les environnements éducatifs. En effet, il élabore un modèle qui prend appui sur les théories antérieures, tel que la théorie du champ (Lewin, 1936) dont l’idée principale est que le comportement d’un individu est fortement influencé par son environnement. De même que celui du modèle « needs-press » de Murray (1938) qui soutient que l’environnement et son interaction avec les caractéristiques personnelles de l’individu sont des déterminants importants du comportement humain. Ainsi son travail s’est ajouté à ce large cadre théorique sur les influences environnementales, mais en tirant ces conceptions théoriques vers le contexte scolaire et plus précisément à la salle de classe. Le but étant d’impliquer l’influence des facteurs de l’environnement scolaire sur la stabilité et le changement dans le comportement des él èves en classe. II.1.a Cadre conceptuel des environnements humains
En effet, Moos (1979) tout comme Walberg (1979) ont été des précurseurs dans ce domaine d’étude. Bien que certains travaux de Moos (1974) ont porté sur les environnements scolaires, ses recherches s’inscrivaient sur une palette large des environnements humains (par exemple, les hôpitaux et les établissements correctionnels...) et l’élément fondamental de sa théorie reste son cadre conceptuel pour les environnements humains.
176 Vers une conceptualisation sous une approche socio-écologique
Si le cadre théorique de Moos découle de la théorie de Lewin (1936) son approche semble se distinguer des considérations d’autres chercheurs, comme celle de Barker (1968). Certes, l’un comme l’autre s’est focalisé sur la délimitation de l’impact environnemental sur le comportement, toutefois en adoptant une approche socio-écologique, Moos (1979) a analysé l’environnement principalement, à partir des individus par rapport à Barker (1968). En d’autres termes, alors que l’intention première de Barker était de décrire le cadre du comportement par de caractéristiques physiques et de modèles sociaux, l’approche de Moos consistait à décrire par l’environnement social du cadre en des termes psychologiques, c’està-dire en prenant en compte les perceptions subjectives des individus comme le souligne Lewin (1939). Cette prise en compte des caractéristiques physiques et subjectives a été appelée communément « environnement perçu », dans lequel un environnement donné est défini par les perceptions partagées des membres de ce milieu au moyen d’un certain nombre de « dimensions » environnementales (Trickett, 1974, p.2).
B=
f
(Perception
[
environnement
]*
groupe
[
personne
]). Intitulé, approche « socio-écologique » (Moos, 1976), cette dernière est un système à part entière qui comprend des entités socio-environnementales (tel que le climat social) et physico-environnementales (donc écologiques). Les considérations générales qui soustendent cette approche sont composées de trois systèmes : Système environnemental : c’est-à-dire l’environnement physique, les variables organisationnelles, le groupe d’individus et le climat social. Système personnel : les caractéristiques sociodémographiques, les variables de personnalités, les attentes... 177 Vers une conceptualisation sous une approche socio-écologique Troisième axe : qui est relatif à la motivation, à l’évaluation cognitive (c’est-à-dire la perception personnelle de l’environnement), à l’effort d’adaptation, ainsi qu’à la stabilité et le changement du comportement (valeurs et intérêts, humeur et santé...).
Figure 9 – Modèle socio-écologique de Moos (1979)
Description du modèle : Dans le cas où les individus auraient choisi l’environnement (le système environnemental) qui correspondait au mieux à leurs caractéristiques personnelles, il est possible de considérer l’interaction entre les deux premiers systèmes (le système environnemental et personnel) de manière directe. Et le schéma théorique de Moos (1976) aurait été probablement différent. Pour décrire succinctement ce modèle théorique, notons qu’il est régi par un processus d’interactions multiples : 178
Vers une conceptualisation sous une approche socio-écologique
Il suppose que majoritairement, les deux premiers axes interagissent indirectement : les caractéristiques environnementales agissent sur les caractéristiques individuelles par des voies détournées. Ce processus d’interaction indirect se réaliser, notamment par l’intermédiaire des composantes du troisième axe (c est-à-dire les éléments du milieu), telles que « la motivation » (qui renvoie à quand l’élève perçoit que l’environnement sollicite une réponse), « l’évaluation cognitive » correspondant à la signification individuelle de l’environnement60, à « l’effort d’adaptation »... À leur tour, ces composantes du troisième axe agissent de façon linéaire sur « le changement ou le maintien du comportement » tout en dépendant, bien évidemment des deux premiers axes (les caractéristiques environnementales et individuelles). Cela revient à dire que les composantes « évaluation cognitive » et « motivation » et « l’effort d’adaptation » sont déterminées par des caractéristiques personnelles (l’âge, le sexe...) et environnementales (le type de filière, d’établissement...). Par exemple, Koul et Fisher (2006) ont remarqué que les filles (caractéristique personnelle) ont une meilleure perception de l’environnement de la classe (évaluation cognitive) que les garçons. Tout comme considéré que certains climats sociaux (caractéristique environnementale) engendrent plus de motivation chez les élèves. Puis les premiers axes du modèle ainsi que les deux premières composantes du troisième axe agissent directement sur la troisième composante de l’axe trois. En d’autres termes, les « efforts d’adaptation » qu’un élève a réalisés dans un contexte donné sont tributaires à la fois de son « évaluation cognitive », de sa « motivation », mais également de ses caractéristiques personnelles (par exemple, les filles ont tendance à former des groupes que les garçons) et de caractéristiques environnementales du milieu (par exemple, l’agencement des tables et chaises favorise la formation des groupes en classe). À son tour cette dernière composante du troisième axe agit sur la conduite de l’élève correspondant à la stabilité et l’instabilité du comportement (tel que ses intérêts...). Aussi, qui dit effort d’adaptation, dit mise en œuvre des stratégies, ainsi, les efforts d’adaptations sont susceptibles d’entraîner des changements dans 60 C’est-à-dire la perception positive ou négative de(s) él (s) de même que l’ampleur des stratégies d’adaptations. Vers une conceptualisation sous une approche socio-écologique les systèmes personnels (par exemple, la perte d’intérêt pour
telle
ou telle
discipline) et environnementaux (exemple, :) Il en découle là que la stabilité et l’instabilité des comportements de l’élève peuvent être déterminées directement par les interactions entre « le système environnemental » et « personnel », mais également par les interactions indirectes entre l’axe environnemental et personnel via les variables du troisième axe (évaluation cognitive, motivation, efforts d’adaptation).
II.1.b Cadre conceptuel de l’environnement de la classe
Ce cadre dont le but est d’analyse les influences du milieu nous montre que Moos se concentre sur l’aspect psychosocial de l’environnement en ce qui concerne le contexte scolaire. Moos (1979) a élaboré ce modèle théorique pour mettre l’accent sur les interrelations entre cinq ensembles de caractéristiques de la classe et de leur relation avec le climat social de la classe. Les caractéristiques architecturales, les caractéristiques organisationnelles, les caractéristiques des enseignants et les facteurs agrégations des élèves caractérisent le contexte général de l’établissement scolaire et de la classe. Ainsi le modèle de Moos (1979) suggère que le climat social de la classe peut être influencé par l’effet direct ou indirect de ces caractéristiques. Étant l’un des premiers a appréhendé le climat social de la classe, il le définit comme un « système social dynamique qui comprend non seulement le comportement de l’enseignant et l’interaction enseignant-élève, mais aussi l’interaction élève-élève » (Moos, 1979, p. 138). Ensuite, Moos applique son modèle théorique général à l’environnement de la classe en le mettant en relation avec l’apprentissage scolaire. Il a ainsi modélisé théoriquement les processus psycho-sociaux par lesquels le milieu scolaire conditionne le comportement de l’élève. En d’autres termes, il a élaboré un cadre conceptuel pour mettre l’accent sur les interrelations entre l’ensemble de caractéristiques de la classe, du climat social de la classe et des apprentissages scolaires des élèves. Ce modèle comprend trois principales composantes : Composante physique : elle est relative à l’école (établissement public ou privé, milieu rural ou urbain...) et au contexte de la classe (par exemple, matière...) Composante organisationnelle : telle que taille de la classe, niveau des élèves... Composante d’agrégation sociale : l’ensemble des caractéristiques de tous les élèves
180 Vers une conceptualisation sous une approche socio-écologique
De ce modèle, Moos suggère que les résultats cognitifs et affectifs sont déterminés par ces variables. Ainsi que, et cela de manière indirecte, par le climat social de la classe. D’où le caractère médiateur du climat social de la classe dans les impacts de variables ci-dessus sur l’apprentissage des élèves. Aussi, l’intérêt de la conceptualisation de Moos est qu’il ne met pas uniquement l’accent sur les relations entre les facteurs déterminants du climat social de la classe (à savoir, physique, organisationnel et d’agrégation sociale) et le concept lui-même. Il met en lumière également les relations entre tous ces éléments. Moos a voulu concevoir un modèle qui affiche les relations entre toutes ces caractéristiques et nullement se contenter des simples mises en relations entre climat social de la classe et les cinq déterminants du modèle. Figure 10 - Les déterminants du climat social de la classe (Moos,1979)
Description du modèle : Nous pouvons constater que dans ce modèle l’ensemble des caractéristiques environnementales de la classe peut déterminer le climat social par l’intermédiaire d’autres caractéristiques. Ainsi le lien entre ces derniers et le climat social n’est pas direct. Par exemple, le contexte global de la classe peut voir un impact sur le climat social par 181 Vers une conceptualisation sous une approche socio-écologique l’intermédiaire des caractéristiques architecturales, organisationnelles, de l’enseignant et de l’ensemble des élèves. De la même manière que les caractéristiques architecturales et physiques peuvent agir indirectement par le biais des caractéristiques organisationnelles, de l’enseignant et des caractéristiques collectives des élèves. Ou encore le fait que le climat social peut être déterminé par les caractéristiques organisationnelles via les caractéristiques relatives à l’enseignant et aux élèves. Les caractéristiques de l’enseignant semblent aussi pouvoir exercer une influence sur le climat social à travers les caractéristiques des élèves. Dans le modèle, seules les caractéristiques de l’ensemble des élèves peuvent agir directement sur le climat social. Basé sur ce cadre théorique, Moos identifie trois domaines de l’environnement social qui peuvent être utilisés pour caractériser différents environnements. En soulignant aussi que les dimensions de chaque domaine diffèrent selon l’environnement considéré 61. Nous l’aurons compris, son modèle théorique est d’apparence interactionniste, car il souligne la relation entre individu et environnement. Or ses travaux sur l’environnement éducatif s’inscrivent dans une « perspective environnementaliste et déterministe » (Bennacer, 1989). Ainsi il partage avec Lewin (1936) ou encore Murray (1947) l’idée selon laquelle l’environnement détermine le comportement humain. À l’inverse des convictions d’autres chercheurs, Moos (1976) souligne que la personnalité explique peu par rapport aux caractéristiques du contexte dans lequel l’individu évolue. Selon lui, l’intérêt doit porter sur les processus psycho-sociaux par lesquels l’environnement influence la personne (Moos, 1976). Sa conception du conditionnement de l’environnement est loin d’être futile puisqu’il considère que le changement du contexte de manière collective et nullement individuelle. En effet, pour Moos, (1979) les sujets agissent ensemble sur l’environnement, c’est-à-dire qu’une seule personne ne peut agir seule sur l’environnement, mais que c’est plutôt les membres du groupe qui peuvent avoir un impact sur le contexte environnemental. Ainsi, c’est collectivement qu’ils conditionnent le climat social d’un environnement donné. De ce fait, il considère que l’environnement peut être influencé que par les facteurs personnels de l’ensemble des membres du groupe et guère par les caractéristiques individuelles. Dans le cas Voir chapitre précédent. Vers une conceptualisation sous une approche socio-écologique d’une salle de classe, ce sont les caractéristiques de l’ensemble des élèves qui déterminent le climat social de la classe. De là nous nous apercevons qu’il opte seulement pour les caractéristiques du groupe et les autres variables déterminantes du climat classe (caractéristiques contextuelles, organisationnelles...). En effet, toutes ces caractéristiques environnementales sont présumées avoir un impact direct sur les résultats scolaires et indirects à travers le climat social de la classe. Tout l’intérêt de cette modélisation est sous-jacent à la prise en compte des processus psycho-sociaux du milieu scolaire : des facteurs physiques et sociaux de cet environnement. Les composantes physiques et sociales de l’environnement sont tributaires de ses autres composantes physiques et sociales (Moos, 1976). En ce sens, les élèves et l’environnement sont perçus comme indissociables. Le climat social de la classe dépend donc du comportement et des caractéristiques du professeur, mais également des caractéristiques de l’ensemble des élèves de la classe et des autres facteurs de l’environnement. Bien qu’elle soit aujourd’hui une considération de base dans l’étude de l’environnement de la classe, cette approche est l’une des premières à considérer que le climat social est l’intermédiaire du processus d’interaction entre des caractéristiques physicoenvironnementales et de l’apprentissage scolaire de tous les élèves (Moos, 1979a). Cette conceptualisation a été, d’ailleurs, utilisée maintes fois par bon nombre d’études comme fondement théorique. Malgré l’importance de ce modèle, soulignée ci-dessus, force est de constater qu’il ne prend en compte que les facteurs scolaires. Il tient pour acquis que l’impact sur les apprentissages scolaires découle du contexte et aucunement de facteurs personnels. Alors qu’une large littérature62 a souligné l’intérêt de prendre en considération les caractéristiques personnelles tant elles sont déterminantes du comportement et de l’apprentissage des élèves. L’individu est un agent actif qui a une perception personnelle de son environnement scolaire à travers ses caractéristiques individuelles : des éléments qui ont un impact sur son apprentissage et ses résultats scolaires. En d’autres termes, considérer l’individu comme un agent passif et ne pouvant changer, modifier son environnement est mal connaître les potentialités des individus. Certes, cette prise en compte des caractéristiques scolaires est encouragé par plusieurs autres études (Moos et Trickett, 1974 ; Nielson, 1977) qui ont avancé que les caractéristiques 62 Voir itre 1, notamment la partie sur les
déterminants personnels de
la
réussite scolaire
. Vers une conceptualisation sous une approche socio-écologique personnelles expliquent de façon très moindre, voire pas du tout, la variance des perceptions par les élèves des environnements de la classe. Dans la même veine, l’approche de Moos s’intéresse que sur la dimension consensuelle ou les significations sociales de l’environnement en faisant l’impasse sur la dimension personnelle et individuelle de la perception de l’environnement de la classe. Selon lui, même s’il existe des différences de perceptions d’un même environnement, cela est dû à un problème d’incertitude (par exemple des attentes qui ne sont pas précises) et d’homogénéité c’est-à-dire que les individus répondent de manière personnelle. Et, en principe le contexte de la classe est relativement homogène et d’une certitude relativement grande, il se trouve que le climat social de la classe (notion de groupe) ne peut être imputable aux caractéristiques personnelles de l’élève. Cependant, tous ces éléments montrent que l’approche de Moos (1979) accorde de l’importance à la dimension collective, perceptions consensuelles (mesurer par la moyenne de la classe) du milieu et que l’aspect personnel est mis de côté. Mais à l’instar de Bennacer, nous jugeons que les perceptions consensuelles et personnelles de l’environnement sont déterminées par les facteurs situationnels et personnels. Et qu’il est mieux d’aller dans une perspective interactionniste prenant en compte ces deux aspects de la perception de l’environnement. Ainsi, l’objectif de notre modèle théorie est de mettre en relation les déterminants physico-contextuels de la classe, les caractéristiques de l’élève, les perceptions du climat de classe et les comportements scolaires. Pour cela, nous allons nous intéresser, à présent aux conceptions d’autres chercheurs préconisant les deux perspectives (consensuelle et individuelle
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Le campement romano-républicain du « Pedrosillo » (Casas de Reina, Badajoz, Espagne) à l'épreuve des sondages : premiers résultats de la campagne 2006. « Le campement romano-républicain du « Pedrosillo » (Casas de Reina, Badajoz, Espagne) », Sep 2006, León, Espagne. pp.267-279. ⟨hal-00453048⟩
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Le campement romano-républicain du “ Pedrosillo ” (Casas de Reina, Badajoz, Espagne) à l’épreuve des sondages : premiers résultats de la campagne 2006 Jean-Gérard Gorges, Ángel Morillo Cerdán, Francisco Germán Rodríguez Martín, Esperanza Martín Hernández HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of scientific research documents, whether they are published or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. LE CAMPEMENT ROMANO-RÉPUBLICAIN DU “PEDROSILLO” (CASAS DE REINA, BADAJOZ, ESPAGNE) À L’ÉPREUVE DES SONDAGES: PREMIERS RÉSULTATS DE LA CAMPAGNE 2006
1 JEAN-GÉRARD GORGES, ÁNGEL MORILLO, GERMÁN RODRÍGUEZ MARTÍN & ESPERANZA MARTÍN HERNÁNDEZ
LE COMPLEXE MILITAIRE ROMAIN DU PEDROSILLO ET LE CONTEXTE DE LA CAMPAGNE DE SONDAGES DE 2006
Le camp du “Pedrosillo” a déjà fait l’objet de présentations d’ensemble préliminaires, sur la base des résultats des prospections menées sur le site entre 2003 et 2005 et de la photo-interprétation (Gorges & Rodríguez Martín, 2006 et 2007). Située en début d’une vaste pénéplaine basculant légèrement vers le Nord, la région fait suite à la configuration montagneuse des derniers contreforts septentrionaux de la Sierra Morena (Fig. 1). Le complexe se trouve à mi chemin du débouché d’une zone de franchissement de la chaîne et des vestiges d’un grand poblado indigène fortifié (“Las Mesillas”) qui contrôlait ce territoire jusqu’à l’arrivée des Romains. Il se trouve aujourd’hui à 7 km au Nord-Est de Llerena (province de Badajoz), à environ 1,5 km au Nord de la grande route moderne qui réunit Badajoz à Grenade. Le lieu-dit occupe une vaste surface qui s’étend sur plus de 400 hectares sur les deux rives de l’arroyo du même nom, dans une zone où se côtoient les limites territoriales de trois communes: celles de Casas de Reina, de Llerena et de Higuera de Llerena, l’essentiel du gisement relevant de Casas de Reina. Menée et complétée à l’occasion de plusieurs campagnes, la prospection a pu montrer que nous n’avions pas affaire à un simple retranchement isolé. Il s’agit au contraire d’un ensemble d’éléments qui déterminent un véritable complexe militaire, formé d’enceintes, de fortins, de constructions utilitaires et de tout un système annexe de défenses complémentaires. De fait, les vestiges relevés sur le terrain et complétés par la photographie aérienne se répartissent sur une 1 Ce travail est encadré dans le projet de recherche Campamentos romanos en Hispania: análisis diacrónico de las estructuras defensivas, projet sostenu par le Ministère espagnol de l'Éducation et de la Science (I+D HUM2006-00534), qui est effectuée depuis le 1 octobre 2006 sous la direction Angel Morillo à l'Université de León, avec la collaboration du programme «Regina et sous territoire» de la Casa de Velázquez et la Consejería de Cultura y Patrimonio de la Junta de Extremadura, place sous la responsabilité de Jean-Gérard Gorges (CNRS-Université de Toulouse-le-Mirail) et German Rodríguez Martín depuis juin 2000. III, 3 Gorges 09
FIG. 1. Localisation de El Pedrosillo (Casas de Reina-Llerena, province Badajoz) surface supérieure à 330 hectares et suggèrent, au-delà d’un simple campement de campagne, par leur disposition et la topographie du lieu, la préparation d’un véritable champ de bataille dissimulé. On distingue ainsi, parmi les éléments les plus importants répartis de part et d’autre d’une inflexion du ruisseau Pedrosillo: a) deux larges enceintes en pierres sèches de forme trapézoïdale, l’une grande, l’autre petite, ainsi que l’ébauche d’une troisième autour d’une plate-forme rocheuse; b) une série d’une quinzaine de réduits circulaires, le plus souvent placés en ligne trois par trois; c) plusieurs petits fortins –au moins huit– visant à renforcer soit des points de contrôles, soit des points stratégiques du complexe; d) une centaine de larges pierriers bien construits et plus ou moins longs –titula– formant des lignes d’obstacles parallèles entre eux; e) des constructions annexes possiblement destinées aux animaux du train; f ) enfin, autour de la petite enceinte, des traces visibles sur les photographies aériennes, claires ou obscures selon les saisons, pouvant laisser croire à l’empreinte d’une possible installation flanquée de talus et/ou de fossés. Les travaux menés à l’automne 2006 se sont prioritairement intéressés aux retranchements principaux, à savoir les deux enceintes muraillées et leurs alentours, qui forment le cœur du campement, et dont on rappellera d’abord les principales caractéristiques déjà relevées. La plus grande (appelée C2) est installée dans un coude du ruisseau qui lui sert de fossé naturel sur les flancs Ouest et Nord. De forme plus trapézoïdale que rectangulaire, l’enceinte est constituée d’un muraillement bas, construit selon une technique voisine de l’emplecton, associant un remplissage de pierres sèches entre deux parements externes soignés et montés également à sec. D’une largeur moyenne de 2 m, mais oscillant entre 1,80 m et 2,50 m selon les endroits, très régulier dans son appareil, ce muraillement est conservé sur une hauteur d’environ 1 m à 1,20 m, soit sur une élévation proche de celle qui devait être la sienne à l’origine. A l’intérieur de l’enceinte, d’où l’on domine toujours le terrain extérieur, le sol a été, dans son ensemble, aplani ou terrassé. Cette enceinte principale s’étend à mi-pente d’un petit versant mollement ondulé jusqu’à l’arroyo lui-même, enserrant une superficie globale de 9,90 ha. Elle s’étire sur 1.226 mètres et le mur qui la forme peut se diviser en plusieurs sections –six au moins– dont aucune n’est véritablement rectiligne, afin de mieux s’adapter aux courbes de niveaux. Les angles qui les unissent sont tous soigneusement arrondis, selon une technique connue de la castramétation républicaine que l’on retrouve en Espagne dans les campements d’Águilar de Ánguita (12,4 ha) ou de Renieblas I (12 ha), II (17 ha) et III (45,3 ha) (Morillo, 1991 et 2003: passim). Cette muraille n’est interrompue que par une seule et unique porte étroite, d’une largeur de 0,70 m, située sur le côté Est. Une enceinte plus petite (appelée C2a) se trouve sur la partie la plus élevée (609 m) d’une butte située au Sud-Est de l’enceinte principale. De construction identique à la précédente, elle a la forme d’un petit trapèze orienté Nord-Est. On y accède aussi par une porte étroite (0,70 m) et III, 3 Gorges /7/ unique s’ouvrant dans le tiers Sud-Est de la façade orientale. L’intérieur de l’enceinte est également entièrement terrassé et aplani, correspondant à une surface réduite de 3.450 m2. Mais cette faible superficie est équivoque, car en fait la petite enceinte ne constitue que la partie centrale d’un terreplein polygonal beaucoup plus vaste, révélé par la photographie aérienne, et qui semble receler les traces de plusieurs substructures. Ce terre-plein, recoupé au Nord-Ouest par la muraille de la grande enceinte, aurait pu être fermé sur ses autres faces par une palissade de bois (vallum) sur talus, défendue à l’Est et au Sud par un possible fossé suggéré par des traces résiduelles bien visibles sur les photographies aériennes verticales de 1956. De la même façon, l’examen de ces photographies, prises à des saisons différentes, semblait révéler dans l’angle Sud-Est du terre-plein de la petite enceinte les traces palimpsestes d’une porte en pseudo-clavicule, d’un type équivalent à celui connu pour le campement déjà évoqué d’Águilar de Ánguita (Sánchez-Lafuente, 1979). La finalité de ces premiers sondages était donc, outre une meilleure connaissance de la technique employée pour la construction des murs d’enceinte, de confirmer ou non un certain nombre des hypothèses émises lors des travaux préliminaires d’interprétation. RÉSULTATS DES SONDAGES DE LA CAMPAGNE 2006
On sait que dans les années 1980, certains sondages avaient déjà été entrepris dans la zone Ouest de la grande enceinte que nous appelons C2, mais dans un contexte chronologique totalement différent. On y a fouillé notamment, près de l’arête rocheuse, les restes d’une construction domestique de grandes dimensions dont certaines structures sont encore visibles. De ces interventions, on ne possède toutefois aucune trace bibliographique, mais les prospections que nous avons menées sur la zone du Pedrosillo ont fait apparaître clairement les vestiges d’un assez grand nombre de constructions domestiques. Il n’y a donc aucun doute sur l’existence sur ce site d’une importante nécropole protohistorique, dont il semble que les matériaux aient été mis à profit à grande échelle lors de l’installation du complexe militaire romain. Entrepris avec l’accord de la Junta d’Estrémadure (dossier no INT/2006/040 du 26/05/06) et l’appui économique de la Casa de Velázquez de Madrid et d’un mécénat privé (Arquex S.L.), les sondages conduits en octobre 2006 faisaient suite à plusieurs réunions de concertation menées dans le cadre d’une action intégrée franco-espagnole. Malgré la modicité relative des moyens, il a été possible d’ouvrir huit sondages d’extensions différentes, pour une superficie totale supérieure à 100 mètres carrés. La figure no 2 donne la localisation des sondages effectués. Leur numérotation progressive, que nous avons conservée pour des raisons pratiques, correspond uniquement à leur ordre successif d’ouverture. On remarquera simplement que cette première série s’est concentrée sur une triple problématique: a) l’étude du muraillement en pierres sèches et de ses abords à travers l’exemple de la grande enceinte C2 (sondages 2, 4, 7 et 8); b) la recherche de vestiges pouvant correspondre aux diverses traces visibles sur les photographies aériennes verticales (vol de 1956 notamment) à proximité de la petite enceinte C2a (sondages 1, 5 et 6); c) l’hypothèse d’un possible fossé en V autour d’un petit ruisseau aboutissant dans l’arroyo Pedrosillo, au fond duquel avait été repéré en 2004 un petit canal (cunette) creusé directement dans la roche, de facture et de dimensions possiblement romaines (sondage 3). En complément, d’autres travaux légers ont été menés (nettoyage de la porte unique du mur C2...) ainsi qu’un début de prospection fine à l’intérieur des deux enceintes C2 et C2a qui a permis de rencontrer plusieurs éléments d’un matériel métallique particulièrement significatif (Fig. 2). FIG. 2. Situation et numération des différents sondages effectués (2006)
Étude du mur de la grande enceinte C2
Dans le côté Nord-Est de l’enceinte C2, on a effectué le relevé d’une porte de petite taille, déjà décrite dans des travaux précédents (Rodríguez Martín & Gorges, 2006), et dont la construction répond à des règles semblables à celles employés pour le reste de l’enceinte: de grands blocs délimitent une zone de passage dont la largeur régulière est de 0,70 m. Sur ceux-ci, on a élevé le reste du parement à sec avec des pierres de moyenne et petite taille, tout en diminuant la hauteur vers la face extérieure. Le mur en coupe, au niveau de la porte, présente donc une inclinaison de sa partie supérieure allant d’une hauteur de 1,10 m pour le parement interne à 0,90 m au niveau du parement externe. Par ailleurs, quatre sondages se sont intéressés à la facture et aux abords du mur délimitant l’enceinte C2. Le sondage no 2 est sans conteste le plus important, aussi bien par la surface dégagée (38 m2) que par la possibilité offerte d’étudier la base et l’environnement du muraillement construit. La partie extra muros a fait l’objet de deux tranchées, l’une de 2 m x 6 m dans le secteur le plus proche du mur et parallèlement à celui-ci, l’autre, perpendiculaire, de 8 m x 2 m, pour en examiner l’environnement externe. Le long du mur et sur toute sa surface, le sol présente une stratigraphie superficielle très homogène, puisque jusqu’à 2,30 m vers l’Est le long de la paroi se confirme la présence d’un sol uniforme constitué d’une terre de couleur rougeâtre, très compacte et sans aucune pierre, ce que nous interprétons comme une régularisation du terrain, apte à être employée comme zone de passage. Le premier rang de grands blocs du parement extérieur, que nous décrirons par la suite, est enfoncé dans ce sol sur 20 cm à 30 cm de profondeur. Il en résulte que le niveau de circulation se trouvait donc légèrement surélevé par rapport à la base même du mur, qui repose sur le niveau de sol original, sans que l’on puisse pour autant parler de tranchée de fondation. L’autre secteur du sondage se caractérise par une surface relativement régulière, mais apparemment non travaillée, puisqu’elle renferme de nombreuses pierres éparses. On relève la couche l’apparition de céramique bruñida faite à la main, parfois même au niveau du substrat naturel, lequel se présente presque horizontal, avec à peine un dénivelé Ouest-Est de 5 à 10 cm par rapport au mur, le tout pour une distance de 8 m. On a aussi constaté une certaine accumulation de pierres parallèlement au mur, mais clairement en dessous du niveau de circulation, ce qui exclut toute origine anthropique. Côté intra muros, le sondage a été effectué sur une surface de 6 m x 2 m. De la même façon que pour le secteur extérieur, on retrouve à l’intérieur de l’enceinte, limitrophe avec la paroi, l’existence sur une largeur régulière d’environ 1,20 m à 1,30 m d’une surface dégagée de toute pierre. On peut donc à nouveau interpréter ce “couloir” comme une autre zone de passage, interne cette fois. Au-delà de cette bande bien délimitée commencent à apparaître de nombreuses pierres de tailles moyenne et grande, disposées d’une manière hétérogène, et qui paraissent davantage correspondre à un éboulis qu’à une mise en place déterminée. On peut considérer par conséquent qu’une action humaine s’est exercée à proximité du “chemin de ronde” qui borde le mur dans sa partie interne, sans que l’on puisse toutefois l’interpréter en termes de structures. Cet éboulement, ou accumulation de pierres, se note à partir de 1,20 m ou 1,30 m du mur jusqu’à une distance de 4,50 m, où les traces disparaissent définitivement. Les nombreuses pierres éparses que le terrain continue ensuite de présenter en surface sont uniquement imputables à l’action contemporaine des tracteurs agricoles à l’occasion de la mise en culture récente de l’intérieur de l’enceinte. En effet, les petits sondages 7 et 8 (1 m2 chacun, à 10 m d’intervalle), effectués pour éclairer la nature de l’éboulis constaté au-delà du “chemin de ronde” interne, n’ont révélé les traces d’aucunes structures intérieures, le sol vierge ou “niveau vegetal” ayant été atteint respectivement à une profondeur de 30-40 cm pour le premier (distant de 10 m du mur d’enceinte) et de cm pour le second (distant de 20 m). L’examen méthodique du mur de l’enceinte C2, large de plus de 2 m au niveau du sondage, a confirmé la présence de caractéristiques régulières pour l’ensemble de sa facture, le même modèle constructif se répétant tout au long de l’enceinte. On a pu constater que la technique employée est exactement la même que celle utilisée pour la petite enceinte supérieure appelée C2a. Pour élever ce mur, le terrain a été préparé par un épierrement soigné, déterminant de la sorte les deux futurs “chemins de ronde” interne et externe, dont les dimensions sont assez différentes (1,20 m-1,30 m à l’intérieur; 2,30 m environ à l’extérieur). Le mur ne présente aucune véritable tranchée de fondation et la première rangée de pierres repose directement sur le sol naturel, même si celle-ci semble enfoncée de 10 à 15 cm par rapport au niveau de la zone de transit. Cette base, en revanche, se caractérise par la grande dimension de tous ses éléments; certains, dans le secteur fouillé, atteignent en façade 60 cm x 25 cm, soit une taille bien supérieure à celle des pierres utilisées ensuite dans le montage des deux parements (Fig. 3). Pour assembler et lier entre eux ces grands blocs de la première file, destinée à asseoir la construction du mur, on a utilisé la propre terre du site tout en insérant des pierres de blocage plus petites dans les vides laissés entre les blocs de grande taille. À titre de complément, un autre sondage (no 4) a été effectué à l’extrémité Sud-Ouest de l’enceinte C2, sur la face externe de cette dernière (rectangle de 2 m de large sur 4 m de long), mais avec des résultats différents, sauf pour la technique de construction, qui met à profit pour sa base l’affleurement de gros blocs naturels. La profondeur atteinte par le sondage a été de 60 cm à proximité du mur (côté Nord) et de 30 cm côté Sud. Le dénivelé de la terrasse actuelle est donc de 30 cm pour la distance ouverte de 4 mètres, étant entendu que le substrat naturel se présente sur un plan beaucoup plus horizontal que celui de l’actuel niveau de labours, probablement renforcé par une accumulation moderne de matériaux (terre et pierres), du fait que les tracteurs , Gorges
FIG. 3. Détails des sondages 1 et 2 ; vue en coupe des murs des enceintes C2 et C2a. a) sondage n°1: structure circulaire protohistorique (cabane?) présentant une zone d’effondrement vers l’extérieur, avec empreintes en négatif de poteaux ou de pierres levées formant contreforts. b) détail de la rangée d’assise de la muraille C2 apparue lors du sondage n° 2, côté extra muros; c) dessin du profil du mur C2 (l’intérieur de l’enceinte est à droite); d) profil du mur C2a dans la partie Sud-Est de la petite enceinte (l’intérieur de l’enceinte est à droite) ne peuvent pas s’approcher de la paroi du mur et provoquent des dépôts continuels. Le substrat inférieur de ce sondage est absolument homogène, car, contrairement au côté Est de l’enceinte C2, le mur apparaît ici dépourvu de tout “chemin de ronde” extérieur, ainsi que de toute préparation du sol aussi manifeste que celle du sondage no 2. Pour la même raison, on ne peut pas considérer qu’il existe une strate particulière sous le niveau superficiel, de couleur rougeâtre, puisque qu’il s’agit en fait du substrat naturel qui supporte directement le niveau des labours. La découverte de quelques pierres isolées le long de ce sondage peut être considérée comme anecdotique et est probablement imputable à la chute de ces dernières depuis l’enceinte de C2 elle-même. Les abords de la petite enceinte Trois sondages ont été ouverts au Sud-Est de la petite enceinte C2a, correspondant aux zones où, sur les photographies aériennes verticales comme lors des vérifications au sol, semblaient apparaître des structures pouvant suggérer l’existence de talus, de chemin et de fossés ayant pu appartenir à un possible établissement préliminaire. Dans ce secteur, le sondage no 1, ouvert en premier, a permis de dégager pour l’essentiel une surface large de 5m sur une profondeur maximale de 10 m. On y a relevé en fait la présence d’une grande construction circulaire arasée, dont les dimensions répondent à un édifice protohistorique d’au moins 5,5 m ou 6 m de diamètre intérieur (Fig. 3). La largeur de la paroi oscille entre 1,60 et 1,80 m et la hauteur du mur conservé ne dépasse en aucun cas les deux rangées de pierres en place, dont au moins la première répond à la ligne de fondation, puisqu’elle se trouve entre 10 et 15 cm sous le niveau de sol (il s’agit d’un sol de faible épaisseur de terre foulée, sur lequel apparaissent de nombreux tessons de céramiques faites à la main, brunies ou non, majoritairement cuites en atmosphère réductrice, avec d’abondants dégraissants). Le parement interne de cette construction est formé par des blocs de dimensions moyennes, entre 10 x 10 cm et 30 x 30 cm, liés avec de la terre, ceux de la rangée inférieure étant enfoncés dans le sol d’une dizaine de centimètres et servant de fondement, sans que l’on puisse apprécier cependant une quelconque tranchée de fondation. À l’extérieur de cette construction (H1), concrètement vers l’Est, direction prise par le sondage, on constate un éboulement de pierres aux caractéristiques identiques à celles qui forment le parement, et cela jusqu’à une distance de 3 m. Cet éboulement s’étale par dessus le léger mamelon qui constitue l’ensemble de la plate-forme sur laquelle a été construite l’enceinte C2a et présente donc le même échelonnement que la petite colline. Une fois dépassés ces 3 m, le sol se présente sans autre variation, laissant la place au “grijo” – un dépôt ce cailloutis sur sol dur et stérile bien connu des agriculteurs locaux et qui constitue le substrat naturel de cette zone. On mentionnera cependant les empreintes en négatif de possibles poteaux ou de pierres plantées apparaissant tout autour de la construction H1 dans la zone dégagée. De mesures régulières (entre 20 cm x 40 cm et 15 cm x 35 cm), elles sont situées en arrière du parement externe du mur et à des intervalles également réguliers. Nous les interprétons comme des cavités laissées par des sortes de poteaux ou de pierres de grande taille placées à la verticale le long du périmètre du bâtiment, dans un but vraisemblable de contention –à la manière de contreforts– ou dans un but purement décoratif. Un autre sondage (no 5) a été effectué dans la zone Sud-Est de la petite enceinte, précisément sur la pente qui existe entre la première et la deuxième terrasse, là où la photo-interprétation pouvait suggérer l’existence d’une porte en pseudo-clavicule, entrée d’une possible enceinte Gladius, Anejos 13, 2009 palissadée abritant l’enceinte muraillée C2a. Son dessin a été tracé selon une orientation SudOuest/Nord-Est, avec une largeur de 2,25 m sur 5,50 long boulis Plus au Sud, un dernier sondage (no 6) a été entrepris dans la zone de terrassement sur laquelle a été construite la petite enceinte C2a. Orienté Nord-Ouest/Sud-Est, il a concerné une superficie de 6 m de long pour de 3 m de large, en laissant intact l’angle Nord (2 m x 1 m). Là encore, la fouille a révélé un éboulis aux caractéristiques très semblables aux deux autres, faisant considérer qu’il s’agit probablement d’un éboulement lié au même édifice ou, en tout cas, d’une dispersion de mêmes caractéristiques que les précédentes. Dans la zone supérieure du sondage (angle NordOuest) on a relevé la présence d’un mur sur une longueur approximative d’au moins 3 m, de tendance linéaire, mais sans que l’on ait eu le temps nécessaire pour constater s’il existait une continuité de ce dernier dans l’une ou l’autre des deux directions, le mur étant tronqué à ses deux extrémités dans le carreau ouvert. De la même façon, faute de temps, on a seulement pu faire le relevé de la rangée superficielle, le sondage n’ayant pu être descendu à plus de 40 cm de profondeur. Prospection de la petite enceinte C2a
Dans la zone de la petite enceinte polygonale, on a mené une prospection fine, notamment dans l’angle Sud-Est, où un nettoyage partiel du sol a impliqué l’enlèvement de la couche superficielle. Celle-ci ne correspond pas à un niveau de labours agricole, car la zone est inapte au travail du tracteur, compte tenu de l’absence d’entrée correspondante et de l’obstacle représenté par la hauteur subsistante du mur de l’enceinte. Cette prospection a donné lieu à des découvertes de natures différentes: tegulae, briques parallélépipédiques de facture indubitablement romaine (matériel réutilisé du Haut Empire en provenance d’une villa voisine), céramique moderne (non recueillie), une forte aiguille en fer recourbée (pour coudre les cuirs?), un élément en fer de fonction et de forme indéterminées (fragment de lorica segmentata?) mais aussi et surtout une série de pointes ou de 12 piquets de tentes en fer de grande taille (de 12 à 18 cm), à la tige carrée et en forme de T, dont la plupart étaient encore en place, à environ 10-15 cm de la surface actuelle. Ces dernières découvertes (Fig. 4) sont fondamentales dans la mesure où le type des piquets rencontrés correspond cependant en tous points à certains autres piquets de tente en fer conservés dans le matériel ancien des fouilles de Numance (Manrique Mayor, 1980: 20, fig. 3). Si ce type n’est pas le plus connu pour la péninsule Ibérique, où l’on a surtout retrouvé des exemplaires de piquets métalliques munis d’un anneau pouvant également servir de point d’attache pour animaux, leur utilisation comme piquets de tente semble hors de doute, leur forme étant identique à ceux encore fabriqués aujourd’hui dans des matériaux métalliques résistants pour des ancrages en sols particulièrement difficiles. Ces piquets, majoritairement en place, semblent espacés entre eux par un intervalle relativement régulier (entre 3,30 m et 3,60 m, soit 11 à 12 pieds romains), ce qui pourrait correspondre à l’espacement existant entre les lignes de faîtage de tentes de campagnes ordinaires contigües (papiliones), espace des attaches latérales compris. Dans ce cas, ces piquets, abandonnés in situ pour des raisons que l’on ignore, représenteraient les points III, Gorges
FIG. 4. Piquets de tente. a) Piquets nums. 18 et 2; b) disposition des piquets de tente retrouvés dans l'angle Sud-Est de la petite enceinte C2a; c) Piquets nums. 15, 11, 16, 18, 19; d) Piquet de tente de Numance (n° 10727, Museo Numantino) III, 3 Gorges /7/ Gladius, Anejos 13, 2009 de fixation des cordes de tension du piquet central arrière de chaque tente. Ils ont été retrouvés à une distance moyenne d’environ 5,40 m (soit 18 pieds romains) de la face interne du mur d’enceinte. Si l’on ajoute à cette mesure l’espace compris entre le piquet tenseur et l’extrémité de la tente elle-même, on peut estimer à environ 6 m (20 pieds) la largeur de la zone laissée libre entre le mur et les tentes. Elle correspondrait alors à la dimension du “chemin de ronde” interne repéré par la fouille en C2 (environ 3 m), en y ajoutant les 2,7 m (9 pieds) recommandés par le pseudo Hygin pour les animaux abrités dans l’enceinte, tête tournée vers les tentes. Le ruisseau canalisé allant de la source orientale à l’arroyo Pedrosillo
Un dernier sondage (no 3) a été effectué sur la bordure orientale du petit ruisseau qui borde le côté Est de la partie supérieure du campement. Ce ru est alimenté par les eaux de pluie, mais aussi et surtout par une source ancienne, aujourd’hui encore semi-pérenne. Il s’écoule dans l’arroyo Pedrosillo, peu avant un coude de ce dernier l’orientant vers le Nord. C’est au fond de ce ruisseau que nous avions mis en évidence en 2004 un petit canal de facture ancienne (cunette de 15 cm de large par 30 cm de profondeur), creusé dans la roche mère et destiné à en drainer les eaux. Un tassement apparent des terres bordant ce ruisseau sur chacune de ses rives nous avait suggéré la possible existence d’un large fossé comblé, d’autant que la rive gauche est bordée d’une double ligne de titula dans sa partie la plus basse. Une large tranchée contigüe a donc été ouverte sur la rive droite du ruisseau (3 m de long sur 2 m de large, pour une profondeur totale de 1,5 m). On n’a pu cependant constater aucune réelle action anthropique dans le secteur sondé, car à part le niveau superficiel (environ 15 cm d’épaisseur), assez remué en raison des travaux modernes de labours, les autres niveaux existants, clairement différenciés, sont naturellement en place. Le premier, d’une hauteur de 50 cm à 55 cm, est composé principalement de marnes très plastiques et de grande compacité, avec à peine quelques inclusions de pierres de grande taille. Le deuxième, d’une épaisseur moindre (environ 40 cm), contient une grande quantité de galets roulés de natures différentes, de petites et moyennes dimensions, caractéristiques des lits fluviaux. Le principal composant de cette couche est un sable de couleur marron clair, qui lui donne une consistance très souple. En dessous de ces deux niveaux principaux, on rencontre une couche peu épaisse, d’environ 25 cm, d’une roche métamorphique appelée localement “jabaluna”, extrêmement dégradée par l’action de l’eau au cours du temps. La résistance de ce niveau est minimale, la roche s’effritant sous l’action de la seule main humaine. Apparaît en dessous la couche rocheuse profonde, dans laquelle est creusé le canal mentionné plus haut, à sec au moment du sondage et encombré de nombreux cailloux et graviers de moyenne et petite taille.
CONSIDÉRATIONS FINALES
Malgré la faiblesse des moyens impartis, ce qui a joué automatiquement sur le nombre des ouvriers employés et la durée des travaux, huit sondages ont pu être ouverts: quatre en relation avec la grande enceinte C2, trois en liaison avec la butte de la petite enceinte C2a et un dernier le long du petit ruisseau qui borde le gisement par l’Est. Force est de constater qu’aucun fossé défensif n’a pu être mis en évidence dans les travaux entrepris, que ce soit à proximité des murs des enceintes ou au niveau du petit canal de facture antique creusé au fond du lit du ruisseau mentionné supra. Dans l’état actuel des choses, seul l’arroyo Pedrosillo lui-même, qui borde la grande enceinte sur tout son côté Ouest et NordOuest, a pu jouer naturellement ce rôle. Les sondages effectués sur la butte au centre de laquelle se trouve la petite enceinte ne permettent pas pour l’instant de confirmer l’existence en ce lieu d’une enceinte primitive palissadée (de type talus et pieux, p. e.), ce que paraissait suggérer les photographies aériennes. De la même façon, la porte en recouvrement ou en pseudo-clavicula qui semblait se dessiner sur les photographies aériennes n’est apparue lors de ces premiers sondages que comme une simple rampe épierrée et aménagée pour accéder commodément à la petite enceinte. La butte elle-même représente une élévation plus ou moins artificielle, réalisée avant l’édification des enceintes muraillées sur des vestiges de la fin du néolithique ou de l’Age du Bronze, d’après l’abondant matériel céramique retrouvé. Les sondages pratiqués dans la zone et la prospection systématique ont mis en évidence les restes d’une grand construction domestique démonté ainsi que les traces de plusieurs autres également arasés, vraisemblablement pour libérer un espace qui est aussi le plus élevé de cette partie du site du Pedrosillo. Il n’existe aucun doute, au vu des nombreux restes de tumuli déjà rencontrés lors des campagnes de prospection précédent (on en compte à présent plus d’une dizaine), que le Pedrosillo ait constitué une zone sanctuaire (nécropole?) pendant toute une période de la protohistoire. L’important sondage ouvert de chaque côté du mur de la grande enceinte n’a pas non plus révélé de fossé défensif, mais il a permis d’expliquer l’impression initiale donnée par les enceintes d’avoir été construites sur une semelle en talus (agger). Cette impression vient en effet de la préparation du sol sur lequel ont été posés les gros blocs d’assise et de l’aménagement, sur les côtés, d’un niveau de circulation homogène et surélevé d’une quinzaine de centimètres. Si la robustesse de la ligne d’assise a pu surprendre –d’autant qu’elle était jusque là invisible à l’oeil compte tenu de l’élévation naturelle du sol sur une période de plus de 2.000 ans– l’absence de véritable tranchée de fondation, en revanche, s’explique par la largeur et la robustesse du mur construit ainsi que par la faible hauteur qu’il était destiné à atteindre. Bien que monté à sec (ou peut-être avec un liant en terre qui a disparu dans la partie supérieure), ce mur était particulièrement stable, autant par sa masse –il est partout plus large que haut– que par sa forme, avec la double inclinaison de son parement interne vers le sommet et celle de son couronnement vers l’extérieur. Le sol romain se trouve à présent à environ 10 à 15 cm du niveau de sol actuel, mais il est clair que le muraillement ne dépassait pas la hauteur qu’on lui connaît encore aujourd’hui (soit environ 1,20 à 1,30 m au total, compte tenu du rang d’assise). A l’intérieur des enceintes, on retrouve une grande quantité de pierres sur lesquelles s’appuyait un sol en terre battue. L’impression générale est que les structures en pierres préexistantes furent arasées, dispersées, comblées et recouvertes de terre damée Ces premiers sondages n’ont pas mis en évidence l’existence –toujours possible– d’une installation romaine antérieure à l’édification des murs d’enceinte, mais simplement des structures protohistoriques plus ou moins en place qui présentaient un caractère gênant et qu’il a été nécessaire d’araser pour aménager les lieux, en grande partie d’ailleurs avec le propre matériel lithique qu’elles pouvaient fournir. Il est clair que l’installation romaine n’a pu se faire sans le démontage complet des tumuli d’un lieu indigène vraisemblablement funéraire et sacré et que les pierres de reste après l’édification des enceintes ont été soit épandues et recouvertes de terre pour faciliter la circulation, soit regroupées en talus utilisés comme obstacles (titula) stratégiquement et géométriquement disposés. L’absence patente de fossé dans les carreaux ouverts pourrait représenter une caractéristique des campements militaires romains de haute époque en Espagne, car les plus célèbres d’entre eux III, 3 Gorges 20/7/09 Gladius, Anejos 13, 2009 qui ont été fouillés, comme Numance ou Águilar de Ánguita –le plus proche du nôtre par sa typologie– n’en possèdent pas non plus. Sur le plan défensif, la végétation locale, en particulier les branchages de chênes verts pour le Pedrosillo, pourrait constituer un élément naturel important du système de défenses supplémentaires ayant pu être mis en œuvre. On pourrait également mettre en parallèle pour les deux camps l’existence à chaque fois d’une enceinte avancée proche de l’enceinte principale: trapézoïdale pour la Pedrosillo (C2a), carrée pour Águilar de Ánguita, les deux sites étant d’échelles différentes. Si les résultats directement induits par les sondages n’ont pas livré d’éléments archéologiques qui puissent clairement être mis en rapport avec une occupation militaire romaine, il n’en est pas de même, heureusement, pour le nettoyage et la prospection systématique menée dans partie Sud-Est de la petite enceinte C2a. Celle-ci a permis en effet la découverte de 5 piquets en fer de tentes de campagne, géométriquement disposés, certains encore en place, d’autres couchés, le tout au niveau considéré comme romain (soit 10/15 cm environ sous le sol actuel). Une trouvaille de même nature a également été faite dans la grande enceinte C2. La présence de piquets de tente en fer d’époque républicaine et similaires à certaines trouvailles des camps de Numance (Milieu IIe av. J.-C.) est pour l’instant la première preuve archéologique irréfutable que nous possédons pour attester de la nature militaire et de la chronologie déjà présumées pour complexe du Pedrosillo. Il s’agit là d’un élément fondamental, s’agissant précisément d’une époque où, en dépit des multiples opérations militaires, les standards de la castramétation ne sont pas encore fixés et où le mobilier considéré comme typiquement romain est pratiquement absent des campements militaires. De nombreux projectiles de pierre, rencontrés sur l’ensemble du complexe, sont difficilement datables et seuls plusieurs fragments de meules à main en granite, de type barquiforme, retrouvés au niveau de la grande enceinte, pouvaient être mis en relation avec une occupation d’époque romaine. Mais il était difficile, chronologiquement, de les séparer d’un matériel épars (briques, tegulae, etc.) correspondant à une réutilisation partielle du site en liaison avec quelques petits s proches du Haut-Empire, vraisemblablement dans le cadre privilégié d’un réemploi des enceintes comme enclos à bétail. Il faut espérer que les prochains travaux de terrain permettront de résoudre encore bien des questions pendantes, ainsi que la découverte d’autres éléments métalliques significatifs (monnaies, vestiges d’armements...), ce qui n’a pas été le cas jusqu’à présent. Quoi qu’il en soit, ces premières trouvailles ont montré la nécessité de poursuivre les travaux à l’intérieur des deux enceintes, de même qu’il reste à ouvrir certains sondages sur des points fondamentaux non encore touchés, comme par exemple les redoutes ou les murs bas de défense (titula).
BIBLIOGRAPHIE
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comprends l'argument de ceux que ça choque parce que « pourquoi « Ce qui est sur c'est que si vous interrogez mon conjoint, il va vous c'est cette vie là et pas une autre? fin c'est un peu de l'eugénisme de dire qu'il a trouvé qu'on n'avait pas été bien informés [] il aurait aimé dire que les trisomiques c'est Fin ca veut dire qu'on va faire, qu'on va qu'on lui explique mieux et il a toujours besoin qu'on lui explique plus » Les parents ont comme notion que l'âge ou les antécédents familiaux sont importants pour le risque de trisomie : mère puis père « - Je pense que si on avait été plus âgés, on aurait - Ouais, on se serait peut être plus investi si on était en effet dans les cas de figure voilà les antécédents de famille ou des On aurait été peut être plus inquiets et recherché par nous même de manière un peu plus forte mais là on n'était pas dans ce contexte là donc euh » surement éradiquer cette pathologie mais donc ca veut dire que les gens ne sont pas désirables et moi j'ai l'amie d'une amie qui vient de décider de garder un enfant trisomique et qui vient d'accoucher et c'est son choix donc je comprends qu'on puisse être choqué par ça. Parce qu'il y a plein d'autres maladies et parce que c'est des enfants particuliers mais les parents et voilà C'est drôle comme question » « moi j'ai dit à mon conjoint : « bah tu vois, c'est bizarre, on nous demande, est ce qu'on veut savoir s'il y a un risque" mais bon, j'étais la première à dire bien sur! Je sais pas si je l'aurais gardé ou pas gardé mais euh on le fait » « On n'a pas posé les choses comme ça mais je pense qu'on l'aurait pas gardé en toute honnêteté. J'aimerais bien dire le contraire parce que mais je pense qu'on l'aurait pas gardé! Mais non on n'a pas posé les choses comme ça, on n'a pas eu envie d'en parler avant que le problème se présente » « On se demande pourquoi cette maladie là et pas d'autres? Parce qu'elle est plus fréquente? » XVIII Pour elle les explications n'était pas claires : « En fait il y a tellement de paperasse et de choses que, dans un rendez-vous, on a plein de questions. Mon conjoint était surtout sur ces trucs là qui lui faisaient peur, moi j'étais sur d'autres choses parce que je suis moins à me faire peur. Euh, fin j'essayais de tenir un dossier de grossesse mais on vous fait faire des prises de sang, vous mettez là, vous comprenez rien à ce qu'on vous envoie donc moi j'ai bêtement imprimé tout ce qu'on me donnait, j'ai ramené et j'ai écouté ce qu'on m'a dit » « Mais je trouve que c'est pas très clair ». Elle ne s'est pas sentie libre de poser toutes ses questions « oui mais quand on se fait expliquer une fois la chose et qu'on n'a pas compris, on n'ose pas dire : « bah je comprends pas ». C'est médical. Moi les probabilités Je suis nulle en maths, faut qu'on m'explique 10 fois avec un schéma donc euh Voilà, en général les sages femmes, tout ça, elles vous expliquent les choses mais les médecins on sent bien qu'ils ont pas le temps de vous faire un cours de médecine donc euh Moi je devais faire des prises de sang tout le temps parce que je suis Rhésus négatif donc déjà ça, on a mis 3 mois à comprendre. Fin moi je comprenais à peu près mais mon petit ami comprenait pas. Fin donc, j'avoue que je m'en suis remis aux médecins et j'ai dis ok, si on doit pas le faire, on doit pas le faire » Alors elle dit s'être fiée aux professionnels. Etant au courant de l'existence du dépistage elle n'a rien ressenti de particulier lorsqu'on le lui a proposé. « On peut pas toujours tout comprendre et on et toujours un peu intimidé face aux médecins. Qu'ils sont quand même un peu débordés tous et que quand on a une question, en général on la garde un peu pour la sage femme » « gynécologue de famille qui me tutoyait donc il n'y avait pas de tabou » Mère « on s'est complètement laissés guidés par les professionnels » « Elle est pas très Elle fait comme ça et bam, elle a pas le temps donc elle explique, elle fait les ordonnances et puis voilà » Mère et père : « Ouais, pas pédagogue du tout. On va pas citer son nom mais absolument pas pédagogue et c'est d'ailleurs pour ça que j'avais finalement fait un suivi en sage-femme libérale. Je voulais plus être suivi par elle parce qu'il y avait un risque aussi de _ C'est notre premier enfant et on avait envie d'être accompagné et guidé et là c'était pas le cas. De part leurs antécédents familiaux les parents connaissaient la possibilité d'une IMG et déclarent spontanément qu'ils auraient choisi d'interrompre la grossesse si leur bébé avait été trisomique. Père « on avait abordé un petit peu le sujet avant le dépistage parce qu'on savait qu'on avait un dépistage à faire. Voilà, on s'était dit, on n'était pas prêts à assumer un enfant à 100% trisomique 21 toute notre vie quoi. []Aujourd'hui voilà. Peut être que plus tard ça aurait pu être concevable mais dans la vie qu'on mène aujourd'hui et ce que nous on veut faire, malheureusement c'est pas concevable ». et mère « On serait pas allés au bout de la grossesse [elle lui coupe la parole] » Lorsque je leur explique que ce n'est pas obligatoire de faire le dépistage en France la patiente fait la comparaison avec le test sérologique du sida. Dans l'entour de la mère une personne lui a expliqué que son dépistage avait été différent ce qu'il lui a été proposé ce qui a été anxiogène pour elle « Après moi ce qui m'a gêné sur ça c'est que comme je m'y connaissais pas, bah ok il m'a dit qu'il y avait ces deux étapes là mais en en parlant du coup avec des copines qui avaient déjà eu des enfants, il y en a qui ont pas eu la prise de sang parce qu'à des moments, apparemment, la nuque suffit ou à l'époque. Elles ont des XIX Les parents trouvent tous les deux que le médecin aurait du leur expliquer plus de choses, ils n'ont pas posé beaucoup de questions. « de manière très médicales on va dire » « assez brute de décoffrage » « très bref » « pas très explicatif, qui explique pas beaucoup les choses » « pas trop de pédagogie » « C'est quand même vachement dirigé » « on connait pas, on n'a pas l'habitude » « il n'a pas beaucoup de temps entre guillemets » « très médical » _ Voila. Après, on s'est dit bon, tant pis, on a compris l'essentiel, on sait que ça va bien et, en fonction de ce qu'elle verra sur la clarté nucale, on aura d'autres analyses à faire ou pas mais en tout cas, on n'a pas cherché plus loin » Ils ne se sont pas sentis libres de poser plus de questions « Non. Ah non. On avait pas le temps de parler de toute façon. C'était un peu bizarre mais nan. Elle avait un débit impressionnant et à la fin on est reparti avec plein d'ordonnances et on a fait « ok » donc voilà Mais elle est bien, professionnellement mais elle manque de pédagogie, ça c'est clair » Pour eux les informations étaient suffisantes, ils attendaient les résultats pour connaitre la suite et n'auraient pas voulu plus d'explications : mère « On attendait les résultats avant de voir la suite [] je voulais pas penser au pire, je voulais faire étape par étape et j'étais hyper confiante » père « J'étais un peu plus, pas moins confiant, mais oui ça faisait partie des choses qui me faisaient un peu peur [] je préfère pas être angoissé, des risques qu'il peut y avoir, des étapes suivantes si, justement c' pas encore » Ils se sont sentis libres de poser plus de questions mais ne l'ont pas fait car « on avait déjà notre opinion là-dessus donc c'est vrai qu'on a pas cherché à comprendre ». Pour ce qui est de la proposition de dépistage la mère dit « je trouve ça bien ». Sur la notion de risque le père dit « on nous l'avait expliqué mais après je pense qu'en tant que parent, on l'entend plus en tant qu'une certitude. On essaie de se convaincre que c'est une certitude malheureusement. XX Le père aurait aimé plus d'informations : « Bah peut être quand il nous a expliqué, oui, comment ça allait se passer et quels auraient été les éléments qui allaient faire que notre enfant aurait été positif ou pas, oui en savoir un petit peu plus parce que forcément, il nous dit qu'il y a un test qui est fait et on n'a que les résultats en définitif donc euh on méritait peut être mieux de savoir un peu plus enfin bon On sait aujourd'hui qu'il y a pas de soucis par rapport à l'enfant donc on s'est pas reposé la question derrière de savoir comment ça s'est fait. Mais c'est sur que oui s'il y avait eu un retour positif, on aurait posé dix fois plus de questions ». Père : « tout va bien, ça se passe bien, pas besoin d'en savoir plus, puis on s'est pas forcément posé plus de questions que ça. []Je pense que c'est comme 99% des gens, c'est ça : quand ça va pas on s'y intéresse mais là ». Il aurait aimé plus d'explications « Avec du recul ouais. C'est vrai que c'est quand même important et intéressant. Puis, si on a des prochains enfants, voilà, c'est aussi bien de savoir tout ce qui se passe, tous les tests qui sont fait, etc ». Ils disent à nouveau qu'ils n'auraient pas voulu poser plus de questions : père « Bah on savait en gros [] C'est lui qui maitrise [] on se laisse un peu guider effectivement» Le couple échange sur le caractère obligatoire ou non du dépistage et la façon dont le médecin leur a présenté les choses : père « Après je pense qu'effectivement ils nous obligent pas à dire vous êtes obligés de le faire parce que je pense qu on a le droit de dire oui ou non mais [] après fin je pense que personne n'a le couteau sous la gorge en disant "prochaine fois c'est ça'' []qu'il nous le présente en nous disant ''est-ce que vous voulez le faire'' ». Mère « Non mais bon c'est on se revoit à telle date et on fera le dépistage de la trisomie voilà fin c'est pas est-ce que vous voulez le faire quoi». Le père explique qu'il est un peu déçu de la façon dont il leur a annoncé le sexe du bébé et précise que c'est lui qui a du poser la question « il nous a dit ''ouais bah c'est un garçon'' sans nous montré ce qui lui a fait dire que c'était un garçon en fait donc euh bon C'est là dessus où moi, la magie elle est un peu partie de savoir le pourquoi du comment ». Puis le père dit qu'il aurait aimé qu'on lui explique les démarche si le dépistage avait placé le bébé dans une zone à risque « Oui après je pense que voilà, faut l'annoncer : « voilà, il y a un test qui va être fait », surtout expliquer le pourquoi du comment et je pense qu'on n'est pas La patiente n'avait pas compris l'importance du dépistage car elle avoue avoir égaré le papier des résultats lorsque la maternité le lui a demandé : « On a reparlé de ça avec la maternité d'ici. Ils me l'ont demandé, moi je savais pas que c'était très important, moi je l'avais perdu, voilà [rire un peu gêné] [] parce que je savais pas que je dois le garder pour après en fait » « Je vous dis la vérité une fois que je passe un truc je l'oublie parce qu'il y a plein d'analyses pendant la grossesse ». Lorsque je lui demande elle sait si le dépistage est obligatoire ou non il y a un quiproquo et elle a compris que je lui demandais ce qu'elle pensait du dépistage et non ce que la loi disait, ce à quoi elle répond « Oui parce que s'il y a quelqu'un qui a un bébé risqué au moins il sera au courant dès le début. Et peut-être qu'il trouvera des solutions nan? []Bien sur je pense pas qu'une maman ou une femme enceinte va dire nan parce qu'on a tous envie d'être rassurée. Parce que je pense si je me souviens bien s'il y a un risque il y a des trucs à faire nan? Des trucs à faire ou à prendre, je sais pas des médicaments au ventre nan? Quand le bébé il est pas encore né il y a des solutions nan? » XXI médecin. Pour la plupart, c'est le premier enfant, on n'y connait rien, on nage un peu dans l'inconnu donc il est bien d'expliquer de A à Z ce qu'on fait, et pourquoi on le fait. Et les conséquences, si le test est positif fin ça je pense que ça, il l'aurait peut-être expliqué mais c'est bien de tout savoir ». il aurait aimé qu'on lui explique avant de faire le test « M ais effectivement, quand il nous a dit non, nous expliqué effectivement, juste pour information. Je pense que c'est pas une conférence de 3h donc il aurait pu effectivement prendre 2 minutes et nous expliquer un petit peu les tenants et les aboutissants ». La patiente a trouvé les explications claires et suffisantes, n'a pas eu besoin de poser plus de questions ». Bah ce que j'ai eu, on va dire, c'est suffisant. Après, je pense que c'est plus au niveau des résultats comme elle m'a dit que c'était pas à risque, bah c'est vrai qu'après voilà c'est tout mais je pense que si elle m'avait dit que la grossesse était classée dans une catégorie à risque, j'aurai peut-être eu plus de questions, j'aurai peut-être plus poussé » Elle a apprécié la façon dont la médecin lui a expliqué les choses « Ouais elle m'a pas trop bombardé de la grossesse il y a ça ça ça ça Elle a été vraiment à chaque consultation [] Elle a été étape par étape, elle a pas été trop vite ». Elle dit ne pas vraiment avoir eu envie de poser plus de questions puisque sa cousine lui avait déjà expliqué les choses et qu'elle avait ainsi eu les réponses à ses questions : un petit peu mais comme ma cousine m'a expliqué j'ai dit voilà! Heureusement il n'y aura pas le risque alors on laisse tomber. [elle utilise une expression de sa langue maternelle que je ne comprends pas] s'il y avait eu le résultat d'abord ce problème, là je serais intéressée j'aurais posé plein de questions j'aurais cherché et tout mais là je suis pas concernée alors je suis pas intéressée ». « Moi c'était pas trop clair mais une fois rassurée moi tout va bien, j'ai pas posé plus de questions ». Pour ce qui est de la communication avec la gynécologue la patiente a trouvé ça très bien. Son mari répond qu'elle ne peut rien prendre comme traitement pendant la grossesse elle n'a pas le droit. Elle me pose la question alors je lui explique qu'on ne sait pas guérir le bébé : Bah pourquoi alors? Moi je pensais que s'il y avait un truc on pourrait trouver des solutions! Pourquoi alors? Pour passer une grossesse difficile? Il vaut mieux alors ne pas faire et ne pas savoir s'il y a pas de solution en fait. [un peu déçue et révoltée]. Je lui dis que c'est un motif recevable pour arrêter la grossesse. Le père précise « Ouais ils peuvent l'interrompre et l'arrêter. Et elle accouche pas la femme. Ils enlèvent le bébé du truc ou je sais pas, ils l'interrompent quoi! Je veux dire je vais aller un peu plus fort, ils le tuent même! ». Elle confond avec l'IVG car elle me dit que c'est interdit après 2-3 mois alors je lui explique la différence avec l'IMG ». Bon j'ai compris. Moi j'avais une autre idée je pensais que si y a ça pendant la grossesse, on le sait depuis le début, il y aura des solutions pendant la grossesse ». Ensuite elle exprime ce qu'elle ressent par rapport à cela « ça fait mal un peu au coeur, pourquoi elle veut savoir, il vaut mieux ne pas savoir, attendre jusqu'à la fin et après elle va enlever de sa vie difficile les mois de grossesse. Ca fait mal au coeur d'attendre un bébé malade. []ça va mais ça m'a déçue un petit peu. Le fait de savoir de quoi il s'agit vraiment. Savoir qu'il est malade et ne rien faire pour le sauver ça fait un peu mal au coeur! Il vaut mieux ne pas savoir ». Son mari répond « C'est comme ça [sèchement] » A la fin de notre entretien elle dit « Oui c'était clair, j'ai eu l
'occasion
de savoir des trucs qui vont m'intéresser pour
après
si j'aurais un autre bébé
peut
-être. Ouais c'est intéressant, merci beaucoup! »
Le père fait part de
son
inquiétud
e
pour sa campagne vis-à-vis de
l'état de grossesse
« On se posait beaucoup de questions quand sa femme est enceinte, on se posait beaucoup de questions aussi. Pour elle les informations autour du dépistage et ses modalités étaient claires. Père « Très bien, elle expliquait bien les choses »
Entretien 12 Entretien 11 Entretien 10 Entretien 9 Entretien 8 Entretien 7 Entretien 6 Entretien 4 Entretien 5 Entretien 3 Entretien 2 Entretien 1 23 ans Père : 31 ans Mère : 32 ans Père : 31ans Mère : 32 ans Père : 31 ans Mère : 28 ans 28 ans 33 ans 34 ans 36 ans Père : 33 ans Mère : 32 ans Age Père : 32 ans Mère : 30 ans 27 ans 26 ans Femme de chambre Comptabilité Pédiatre hospitalier Profession Restauration Aide médico-psychologique Hôtesse de caisse Sans emploi, master 2 en hydraulique Chef d'entreprise, journaliste Déléguée médicale Responsable performance d'une entreprise Notaire Ambulancier Ambulancière Courtier en prêt immobilier Formatrice chez Renault Secrétaire médicale Sans emplois 1/4819 <1/10000 En couple Pacsés Mariée Mariés Mariés <1/10000 1/1081 1/4984 En couple En couple Pacsée Mariés En couple Mariée Statut marital Mariés < 1/10000 1/10000 1/3536 < 1/10000 1/1075 <1/10000 FRT21 1/4438
Annexe 8 : Caractéristiques des patientes et couples interrogés
XXIII Mari routier Arrivée en France il y a 2 ans, d'origine marocaine Jeunes parents Grossesse surprise bien acceptée Arrivée en France il y un an, d'origine africaine Autre
Annexe 9 : Retranscription d'un entretien
Contexte Recueil de données : les deux parents ont un emploi, la mère travaille dans un centre d'aide médico-psychologique, le père est dans la restauration ; FRT21 : 1/4438. A du faire deux fois la prise de sang car la première n'avait pas été réalisée au bon terme. Au 2e jour du post partum, il est 16h, la mère est allongée dans le lit en train d'allaiter son bébé, le père est assis derrière à coté d'elle, la grand-mère maternelle est assise dans le coin de la chambre et est discrète. Environ au milieu de l'entretien le bébé s'endort et la grand-mère le prend pour lui changer la couche. Les parents sont heureux, sereins et intéressés. Synthèse Femme de 30 ans, homme de 32 ans, mariés. En tant qu'aide médico psychologique la mère est déjà très informée sur la trisomie 21. Le père ne voulait pas d'enfant trisomique, la mère aurait gardé l'enfant, cependant elle se range à sa décision. Le père parle de perte de chance et aurait eu peur de moins l'aimer si sa fille avait été trisomique. XXIV _ On est mariés, Felicia 30 ans, AMP aide médico psychologique. _ Gaëtan, j'ai 32 ans et je suis dans la restauration. _ Est-ce que vous aviez des connaissances sur le dépistage? Est-ce que vous saviez que ça existait? Est-ce que vous aviez des attentes par rapport à ça? _ Oui, j'aurais pas fait l'amniocentèse et j'aurais fait la prise de sang. _ Donc vous saviez qu'il y avait amniocentèse possible et prise de sang. _ Je ne savais pas en fonction du taux et des résultats quand est-ce qu'il fallait le faire mais je savais que c'était faisable. _ Moi je savais qu'il y avait un dépistage mais j'étais pas aussi sensibilisé par rapport à ma femme, par rapport tout simplement aux méthodes de dépistage et au ratio qu'il avait, enfin la fourchette qu'il y a, les signes avant coureurs et la possibilité qu'il y ait ou non la trisomie. _ Du coup c'est un sujet dont vous aviez discuté en couple d'accueillir un bébé trisomique ou handicapé? _ On en avait discuté parce que ma femme est aide médico psychologique donc elle s'est occupée d'usagers trisomiques. _ Entre autres. Moi je l'aurais gardé, lui non. [elle lui coupe la parole] _ Voilà, on en avait discuté, on avait parlé d'avortement si vraiment il y avait besoin. _ D'accord donc vous étiez au courant que la finalité du dépistage c'était une éventualité _ Une forte probabilité, parce qu'une éventualité euh _ Une éventualité dans le sens où ça reste votre choix je veux dire. __ Voilà mais on aurait poussé le dépistage un peu plus loin sachant que, on aurait fait l'amniocentèse du coup. _ Non on aurait fait la prise de sang. _ Alors la prise de sang, juste pour être sure qu'on parle de la même chose c'est la prise de sang qu'on propose à tout le monde en début de grossesse ou c'est _ Non c'est l'examen de l'ADN qui n'est pas totalement remboursé par la Sécu, et je pense qu'il faudrait qu'elle le soit. _ C'est en cours, ça sera pris en charge. _ Voilà donc du coup, j'étais pour avorter, c'est peut-être idiot pour ma femme parce qu'elle s'occupe d'handicapés mais je voulais que ma fille ait les mêmes chances au final, de base, qu'une personne qui soit pas trisomique. Donc il y a peut-être un problème d'accessibilité aux informations, donc ça peut engendrer de la peur. Même si c'est plus accessible aujourd'hui ça reste quand même compliqué. _ Il y a des progrès mais il y a encore du chemin à faire en effet. _ Donc moi j'étais pour l'avortement, et je l'ai dit le premier, j'aurais eu peur de ne pas l'aimer et peut-être de lui en vouloir si elle avait été trisomique. Je vais avouer, c'est assez grave, enfin c'est pas beau mais euh _ ça s'entend tout à fait, c'est votre façon de voir les choses, nous on est là pour vous écouter, répondre à vos attentes et vos questions mais c'est votre enfant. _ Oui on s'est entendus, on s'est mis d'accord même si pour moi ça aurait été super dur mais je lui aurais pas imposé un enfant trisomique. _ Donc c'est totalement une décision de couple. _ Oui! _ Pendant la grossesse quel professionnel de santé vous a parlé du dépistage en premier? XXV _ Ma gynéco. _ C'est elle qui a suivi votre grossesse dès le début? _ Oui. _ Et comment elle a abordé le sujet avec vous? _ Oh tout de suite « il y a cette prise de sang à faire, qu'est ce que vous en pensez? ». Et nous tout de suite on s'est livrés à elle. _ Vous lui avez expliqué tout ce que vous venez de me dire? _ Elle nous a parlé des différentes méthodes, de ce que ça impliquait, du ratio qu'il y avait, de la fourchette en fonction de tel ou tel résultat, on pouvait s'attendre à en effet peutêtre une trisomie ou non.
_ Donc elle vous a expliqué la notion de risque, que le résultat de la prise de sang qu'on propose à tout le monde c'est un ratio qu'on donne de 1 sur un chiffre et que ça donne un risque? _ Oui c'est ça et elle a dit si les méthodes étaient remboursées, tout ou une partie du moins, et la méthode expérimentale, la nouvelle prise de sang. _ Elle nous a demandé ce que nous on aurait fait, on lui a dit donc cette prise de sang et que si le bébé avait été trisomique on lui a dit qu'on aurait avorté aussi, on lui a tout dit. Elle a tout demandé donc elle savait tout quoi. _ Vous avez pu bien communiquer avec elle donc. _ Il y a pas eu de tabous. _ D'accord
et
au niveau de la
communication
il y a pas eu de soucis, elle a su répondre à
vos questions
, ses explications vous avez trouvé ça
clair
? _
Ah ou
i
ou
i, même à un moment donné on n'avait pas tout compris, on
lui
a redemandé à la consult d'après. _ Très bien, cette information elle vous en a parlé à quelle consultation? _ La deuxième, celle du troisième mois. _ Comme vous travaillez avec des trisomiques je suppose que ça vous a semblé naturel qu'elle vous en parle? _ Ah complètement, et quand on a sur que j'étais enceinte on en a parlé tout de suite _ Oui c'est ma femme qui a amené le sujet sur le tapis puisqu'au final c'est pas une question qu'on se pose spontanément sauf quand on a l'habitude. C'est pas des tabous donc ça permet de voir venir et de savoir ce que l'autre attend. Donc on a pu en parler aussi facilement grâce à ça, parce qu'on en a parlé en amont. _ On savait déjà ce qu'on allait dire au médecin parce qu'on s'était mis d'accord avant. _ Est-ce que vous avez fait des recherches sur la trisomie 21, la prise en charge ou ce genre de choses? _ Non parce que c'est pas que ça m'intéresse pas mais j'y suis moins sensible puisque j'y suis pas confronté directement donc je pense que c'est peut être de l'égoïsme ou de se mettre des oeillères, c'est pas des excuses, c'est mon point de vue. C'est peut-être que je ne vois pas donc ça n'existe pas donc j'ai pas besoin de m'informer, c'est pas forcément intelligent mais euh _ C'est votre choix. _ Donc je me suis senti concerné quand elle m'a dit qu'elle était enceinte et qu'on a eu la possibilité de faire des examens mais sinon je me suis même pas renseigné par rapport à la prise en charge. Je pense que je l'aurais fait s'il y avait eu une possibilité pour que notre XXVI enfant soit trisomique parce que j'aurais quand même pesé le pour et le contre pour le garder ou non même si j'avais donné mon souhait de ne pas garder l'enfant. Parce que je peux peut-être changé d'avis. _ T'aurais pas changé d'avis. [elle lui coupe la parole] _ Bah je sais pas mais je me suis pas renseigné spontanément non. _ Donc pour vous toutes les infos que votre gynéco vous a donné c'était suffisant? _ Ah oui complètement! _ Moi j'ai eu deux médiateurs, ma femme m'a dit que la prise en charge était quand même beaucoup plus facile maintenant, il y a quand même des moyens plus simples, il y a les centres, les EPSM c'est ça? Ou les HP? _ Non c'est pas EPSM et c'est pas non plus les hôpitaux psychiatriques. _ Il y a que les foyers de vie alors? _ Non il y a les ESAT, à domicile. _ Elle m'a parlé un peu de son foyer aussi, ils vivent bien là où elle travaille. Donc j'ai été informé par ma femme et la gynéco. _ C'était une gynéco de ville? _ Oui. _ Sur le dépistage concrètement vous avez bien compris qu'il y avait la prise de sang mais est ce que quand vous avez fait la première échographie on vous a reparlé de la trisomie 21? _ [En même temps] Oui oui! _ Oui la nuque et certain signes avant coureurs. _ L'échographie c'était en ville ou à l'hôpital? _ C'était en ville avec notre gynéco. _ C'est elle qui m'a suivie jusqu'au 7e mois puis après j'ai été suivie ici [Jeanne de Flandre]. _ C'est une gynéco obstétricienne, elle a une machine échographique donc c'est elle qui a fait l'échographie. _ Qu'est ce qu'elle vous a réexpliqué sur l'échographie? _ La
nuque,
l
'épaisseur. _ Le dépistage pour le résultat que vous avez eu vous m'avez parlé de la prise de sang, de la nuque, est ce que vous savez s'il y a d'autres facteurs qui sont pris en compte? _ Non. _ Il y a l'âge entre autres. _ Ah oui c'est vrai l'âge! _ Et concernant la feuille de consentement que vous avez signé pour réaliser le dépistage est ce que vous
l
'avez lu en entier? _ Je pense que oui, j'ai un doute mais on l'a signée en cabinet donc je pense que oui. _ Je suis sur qu'on l'a lu oui. XXVII _ Votre gynéco quand elle vous a annoncé le résultat de la prise de sang avec la nuque et tout ça, ça s'est fait comment? En consultation, au téléphone? _ En consultation. _ Et comment elle vous l'a annoncé? _ En arrivant elle nous a dit « j'ai vos résultats tout
va bien
» _
Elle nous a expliqué
le
risque
et
nous
l'
a donné
de
manière spontanée
.
Et
en
plus on a fait deux prises de sang nous. _ Oui on a fait celle de tout le monde et quand on
a
vu
le
ratio on nous a dit qu'il fallait en faire une autre. _ Ah bon? _ Oui elle a dit si ces résultats là vous êtes pas dans le bon ratio, faudra peut-être envisager _ Parce que j'ai pas dans votre dossier de trace de deux prises de sang. _ Il y a une deuxième prise de sang mais c'était pas pour ça, c'était pour se rassurer en fait,
le
premier résultat était bon, il était probant. On a fait la prise de sang en plus et on étai
t
certains
que
si on n'était pas
dans la
fourchette on avait vraiment très peu de chance que le bébé soit trisomique. Je crois que c'est ça. Mais c'est sur qu'on a fait une prise de sang en plus. _ Ah oui peut-être. _ Parce que moi j'avais relevé le chiffre de 1/4438, ça c'est la première prise de sang? _ Oui c'est ça mais je ne sais plus si c'est la première ou la deuxième. _ J'irai vérifier dans votre dossier alors et je reviendrai vous expliquer. Elle vous a expliqué ce que ça signifiait ce chiffre de 1/4000? _ Oh je m'en rappelle plus du tout! _ En gros c'est un type d
'action par rapport à une fourchette, en gros si vous avez une chance sur tant que le bébé soit trisomique, la probabilité est infime ou s'il y a entre 3 et 10 chances, je sais pas moi, que votre bébé soit trismique alors en effet on va faire un examen plus poussé pour être certain et là vous pourrez choisir si vous voulez un avortement ou pas. Mais on a toujours eu la possibilité de choisir si on voulait un avortement ou pas en fonction du résultat. Et on aurait eu la possibilité de pousser les analyses si vraiment on avait eu un doute concernant la probabilité d'une trisomie. _ Pour vous c'était vraiment clair tout ça? _ Ah oui oui, là j'ai plus de souvenirs mais oui! _ Est-ce que pour vous le dépistage c'est quelque chose d'obligatoire? _ Je sais plus je crois que oui. _ Nan il me semble que non puisqu'on a le papier à signer pour le faire. _ En effet c'est pas obligatoire en France. _ ça devrait nan? Fin je sais pas _ Je pense que par soucis de la vie privée on devrait pas obliger euh _ ça c'est un autre débat, moi je voulais savoir ce que vous aviez compris et retenu et je confirme c'est pas obligatoire ici. _ En même temps il y a une prise en charge aussi, des infrastructures qui permettent tout ça _ Est-ce qu'on vous a expliqué ou est ce que vous vous sauriez m'expliquer la différence qu'il y entre dépistage et diagnostic? _ Lé dépistage c'est assurer, la probabilité, enfin la possibilité qu'il y ait une probabilité et le diagnostic c'est euh XXVIII _ C'est le résultat du dépistage. _ Voilà on analyse le résultat et pas la probabilité du résultat de l'analyse. Enfin comment dire Votre bébé est trisomique c'est le diagnostic et le dépistage on va analyser si votre enfant il y a une chance qu'il soit trisomique. _ C'est ça! La deuxième partie de votre explication était plus claire [rires des parents]. _ Oui c'est la fatigue, je viens de me réveiller. _ Je vois que vous avez globalement bien compris les choses! _ Elle a été claire et ma femme m'
a
a
idée
!
_ J'ai posé toutes les questions qui m'intéressaient, est-ce que vous auriez des remarques en plus à faire? _ Non. _ Moi j'ai une remarque, le fait que les structures concernant l'accueil des trisomiques c'est pas forcément mis en avant donc les gens peuvent avoir peur. Il y a des trisomiques qui travaillent et
qui
vivent seul
s
,
qui
sont
plus ou moins autonomes. Et c'
est
pas mis en avant donc on peut avoir une crainte. En effet il
y a des trisomies qui sont plus lourdes que d'autres parce qu'il y a des stades qui sont plus ou moins forts. Mais
c'est pas une information que j'avais à portée de main avant que ma femme m'en parle. _ Tu l'as si tu cherches. _ Oui mais comme c'est pas à portée de main, si ma femme n'avait pas travaillé là-dedans j'aurais peut-être jamais su. J'aurais su avant j'aurais peut-être appréhendé de manière différente la possibilité pour que mon enfant soit trisomique ou pas. Donc je pense que ça peut jouer également sur le fait de garder un enfant ou non. Donc on devrait sensibiliser un peu plus par rapport à ça. Pas forcément avec des spots publicitaires mais à l'école. _ Il y a des campagnes mais elles durent très peu de temps je trouve, les associations là _ Perce neige? _ Oui voilà perce neige. _ Je pense qu'il y un manque de sensibilisation et de transparence par rapport à tout ce qui s'est fait depuis, allez une quinzaine d'années je crois. _ Oui ça a
énormément évolué, ne serait-ce que pour le dépistage c'est énorme. [la patiente se lève
du lit pour
changer son
bébé et
sa
mère
se
l
ève pour
l'aider, elle ne nous écoute plus vraiment] _ Parce que
j'ai vécu en Alsace, j'étais
à
deux rues d'un foyer de vie
o
ù il y avait des
tri
somiques
,
j'étais en période
collège lyc
ée
et
que ce soit moi aussi je
pense m'
être
moqué gratuitement, pas
m'être moqué
verbalement
en face de
lui mais avoir rigolé entre amis de personnes
qu
'on pouvait croiser, le faire discrètement. Et au final c'est idiot, c'est un regret que
j'ai quelque part et en même temps on
n'était pas forcément bah sensibilisés. On nous au
rait
expliqué depuis le lycée à la limite, quand on commence réellement à être responsables parce qu'on se rend compte qu'il y a le travail qui arrive, les études _ Oui il y a un stade où on n'est pas psychologiquement mature pour recevoir ce genre d'information. _ Oui voilà et je pense que le lycée ça peut être un bon compromis entre le lycée et l'université pour dire en effet il y a des personnes qui sont différentes et en effet on n'est pas là pour les enfoncer, on est là pour les aider et justement il y a des structures qui sont mises en XXIX place. Après voilà je me présenterai pas aux présidentielles mais euh [rires] c'était mon idée quoi.
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Un historien parle aux historiens : politique et écriture de l'histoire dans le Traité de l'historien parfait du Chinois Liu Zhiji
Damien Chaussende. Un historien parle aux :
Un historien : et de l'histoire dans le Traité de l historien du Chinois Liu Zhiji
La Chine a une riche et longue tradition historiographique, elle dispose notamment d'un corpus d'une vingtaine d'histoires officielles constitué graduellement et qui, pour les époques précédant le XIVe siècle, demeure la principale source historique littéraire. Depuis Sima Qian (vers 145-90 av. J.-C.), l'Hérodote chinois, et ses Mémoires historiques (Shiji), la tradition est en effet continue : chaque dynastie s'est donné pour tâche d'écrire (par l'entremise d'hommes de lettres ou d'équipes réunies pour l'occasion) l'histoire du ou des pouvoirs politiques l'ayant précédée. Il arriva également que des historiens composent de leur propre initiative des oeuvres qui furent ensuite agréées par le pouvoir impérial et qui intégrèrent alors la liste des histoires officielles. Un des historiens ayant contribué indirectement à ce vaste ensemble nous a livré un texte unique en son genre – le Traité de l'historien parfait (Shitong) – qui contient d'innombrables réflexions, définitions et commentaires critiques nous permettant de mieux comprendre comment l'histoire fut écrite dans la Chine impériale, quelles étaient ses finalités et quels rapports l'historiographie entretenait avec la politique. L'auteur de ce traité, Liu Zhiji (661-721), vécut au tournant des VIIe et VIIIe siècles de notre ère, sous la dynastie des Tang (618-907). Pendant environ trente ans il occupa diverses charges officielles au sein du Bureau de l'histoire (c. shiguan), une institution créée au début de la dynastie dont l'objectif était d'encadrer la composition des chroniques des règnes des souverains et de l'histoire de la dynastie en cours (CHAUSSENDE 2012b). Il va sans dire que l'historiographie qui s'est développée au sein de ce Bureau était orientée par le pouvoir en place et qu'elle répondait à des besoins politiques. Il arriva en effet que des chroniques fussent réécrites ; c'est ce qu'il se passa à l'époque de Liu Zhiji : celui-ci dut, avec ses collègues du Bureau, écrire une première version des annales du règne de l'impératrice Wu Zetian (r. 684-705) en 705, lorsqu'elle quitta brutalement le pouvoir et le laissa à son fils l'empereur Zhongzong (r. 683-684 puis 705-710) ; puis il en composa une nouvelle en 716, sous le règne d'un souverain différent. Cette situation, à laquelle vinrent s'ajouter d'autres facteurs personnels, comme un sentiment de manque de reconnaissance, amena Liu Zhiji à présenter sa démission à ses supérieurs. Ceux-ci ne l'acceptèrent pas, mais notre historien obtint alors une promotion. À cette époque, il mit en forme les diverses notes critiques qu'il avait prises au gré de ses lectures, les regroupa thématiquement et donna à l'ensemble le titre de Traité de l'historien parfait. Cette oeuvre, qui s'adresse principalement à ses pairs historiens est non seulement le cri du coeur d'un lettré incompris, mais aussi un ensemble de sentences d'un juge qui évalue, commente et critique les histoires du passé afin de montrer, le plus souvent ex negativo, ce qu'il convient de faire lorsqu'on écrit l'histoire. Le soubassement théorique de l'oeuvre, qui n'est pas spécifique à Liu Zhiji, est l'idée qu'un texte historique a une finalité édifiante, car l'historien fournit à la postérité des exemples de vertu et met en lumière les vices et leurs conséquences néfastes : « La fonction de l'historien est de noter les mérites et les fautes, de mettre à l'honneur les tus et d'abaisser les vices, de transmettre pour l'éternité aussi bien la gloire des succès que la honte des défaites. Si l'on transgresse ces règles, est-on bien digne de sa charge? » (Liu Zhiji, Traité de l'historien parfait, ci-après THP, A.XXV.6) Résumant en quelques lignes l'ouvrage historique idéal, il affirme : « Les ouvrages historiques que l'on qualifie d'excellents le sont, en premier lieu, pour la façon dont les événements y sont relatés. Ces ouvrages exposent les succès et les échecs, le bien et le mal en des termes élégants mais sans fard, de manière substantielle et sans être grossière. Aussi, ceux qui savourent leurs mots et s'imprègnent de leurs belles paroles oublient-ils leur fatigue dès la troisième lecture et n'en sont toujours pas lassés à la centième. L'évaluation morale et politique
L'historiographie ainsi définie est loin d'être neutre : l'historien fait figure de juge et donne son appréciation sur ceux dont il écrit l'histoire, en particulier dans des commentaires qu'il rédige à la fin des annales consacrées aux empereurs ou à l'issue des biographies traitant des sujets – annales (c. ji) et biographies (c. zhuan) étant les deux sections essentielles dans les histoires officielles. L'historien y actionne en particulier les deux manipules d'un principe fondamental dans l'écriture de l'histoire en Chine : le blâme et la louange (c. baobian). Dans le Traité de l'historien parfait sont fustigés les historiens qui ont, selon Liu Zhiji, mal évalué certaines personnes, ce qui s'est traduit dans leurs textes par des défauts divers et variés, comme dans ce cas, où un auteur intègre dans un recueil de biographies une personne qui n'avait rien à y faire puisqu'elle n'appartenait pas à la catégorie concernée : « Citons par exemple l'épouse de Qiu Hu du pays de Lu qui apparaît dans les Biographies de femmes exemplaires de Liu Xiang. On s'aperçoit, en lisant les choses du début jusqu'à leur fin, qu'elle ne mérite en rien qu'on la loue, ni en vertu, ni en conduite. Elle s'est simplement jetée dans une rivière parce qu'elle fut déçue par son époux. » (THP, A.XXIII.5) Le grand historien Sima Qian a commis une faute plus grave encore, une faute sur laquelle Liu Zhiji insiste à plusieurs reprises tout au long du Traité : il a considéré comme un souverain légitime un homme qui n'en était pas un, en l'occurrence Xiang (232-202 av. J.C.) adversaire malheureux du premier empereur de la dynastie des Han (Liu Bang, r. 202-195 av. J.-C.). Son erreur l'a conduit à relater les actes de ce personnage dans la partie consacrée aux empereurs (les annales) de ses Mémoires historiques alors qu'il aurait dû figurer parmi les biographies, section consacrée aux sujets : « Xiang Yu mourut en usurpateur ; il n'avait pas encore obtenu le titre de souverain (légitime) [] Supposons alors que Xiang Yu ait usurpé le titre d'empereur. On l'aurait, comme il se doit, relégué dans la horde des rebelles. À plus forte raison doit-on faire ainsi puisqu'il s'est octroyé indûment le titre d'hégémon du royaume occidental de Chu. Un hégémon est, à cette époque, un vassal. Être un vassal et se voir accorder des annales, cela revient – si l'on considère que les noms doivent répondre aux réalités – à commettre une grave confusion. » (THP, A.IV.2) L'autre grand historien des Han, Ban Gu (32-92), dans son Livre des Han (Hanshu), commit quant à lui la faute inverse : il a délégitimé le règne, certes court mais légitime selon Liu Zhiji, d'un souverain des Han en appelant celui-ci non par son titre impérial, mais par son nom personnel, ce qui est une façon de lui retirer son statut d'empereur : « Sima Qian, dans ses Mémoires historiques, accorda des annales à Xiang Yu et le désigna par le titre de roi. Or, ce dernier n'était qu'un brigand usurpateur. Ce fut là une confusion du point de vue de la légitimité qui constitua un exemple désorientant pour les générations postérieures. Dès lors, erreurs et malfaçons se succédèrent. Les auteurs ne surent plus jauger le poids des noms et des titulatures. Par exemple, lorsque la dynastie des Han fut restaurée sous l'ère Gengshi, l'empereur Guangwu [successeur de Gengshi] n'était qu'un simple sujet. (Liu Xuan) n'a certes pas achevé son entreprise, mais le mandat céleste lui fut bien conféré. Or, Ban Gu et Fan Ye, dans leurs deux histoires, le désignent par son nom personnel. N'est-ce pas de l'irrespect? » (THP, A.XXIV.2) S'il existe des souverains légitimes et des usurpateurs, il en est de même des États, en particulier lors de périodes où l'écoumène chinois est fragmenté. Ce fut le cas pendant l'époque dite des Six dynasties ou des Dynasties du Sud et du Nord, du IVe siècle à la fin du e VI, qui vit la partition de la Chine en deux grandes zones : au sud se succédaient des cours aristocratiques chinoises tandis qu'au nord fleurissaient des États ou des chefferies souvent éphémères et fondées par des souverains turco-mongols ou toungouses considérés comme « barbares » par les lettrés chinois. Ces quelques siècles furent marqués par une intense production historiographique, conséquence directe de la fragmentation territoriale. La Chine fut réunifiée en 589, sous la dynastie des Sui qui très vite laissa la place à la célèbre dynastie des Tang, fondée par un clan aux origines chinoises et turques. L'opposition nord / sud qui avait prévalu pendant des siècles était terminée et le nouveau pouvoir fit de son mieux pour la faire disparaître dans la nouvelle société unifiée des Tang, notamment dans le domaine culturel (CHAUSSENDE 2010a : 87). Or, dans un texte comme celui de Liu Zhiji, cette opposition existe encore, puisqu'en évaluant les qualités et les mérites des histoires des États des Six dynasties, il exprime fort clairement son point de vue sur le lieu où se trouvait selon lui la légitimité. Seuls les pays du sud étaient légitimes, « dès lors que Chang'an et Luoyang [deux capitales du nord tombées aux mains des barbares en 311 et 316] ne furent plus défendues, les tortues et les tripodes [symboles de la légitimité] se déplacèrent au sud ; la rive méridionale du fleuve Bleu devint la patrie des rites et de la musique [métaphores de la culture confucéenne] ; Jinling [l'actuelle Nankin], le conservatoire des livres et des écrits. » écrit-il (THP, A.XX.5). Par conséquent, les pays du nord étaient des puissances usurpatrices, et les auteurs qui ont exagérément mis en avant ces pouvoirs nordiques ont fauté : « Si on corrige les oeuvres composées récemment – comme celles de Wang Shen, Sun Sheng, Wei Shou ou Linghu Defen [auteurs d'histoires d'États du nord] – à la lumière des indications des sages du passé, on s'aperçoit qu'en matière de légitimité impériale, ces oeuvres prennent le parti des rebelles et calomnient les loyalistes, que, dans leur description des États, elles rabaissent les pouvoirs légitimes et exaltent l'usurpation, et que pour les modes de vie, elles vantent les moeurs barbares au détriment des coutumes chinoises. Et ce ne sont là les grandes lignes. Si l'on devait examiner les choses de manière approfondie et relever toutes les fautes, on verrait qu'elles sont aussi nombreuses que les cheveux sur notre tête : la tâche serait impossible! » (THP, A.XXIX.2) Le cas Wei Shou Dans le système de Liu Zhiji, Wei Shou (506-572) est particulièrement blâmable ; il est en quelque sorte sa bête noire (CHAUSSENDE 2010). Notre critique ne manque en effet aucune occasion pour en dire du mal. C'est que tout oppose Wei Shou et Liu Zhiji sur le plan idéologique. Ce dernier, vivant sous les Tang, est relativement libre de ses points de vue sur la période des Six dynasties, époque révolue, sans risque sur le plan politique. Wei Shou, en revanche, ne l'est pas car les contraintes qui pèsent sur lui sont importantes. En effet, c'est le souverain fondateur des Qi du Nord (550-577) qui lui ordonne, un an après s'être proclamé empereur, de composer une histoire de la dynastie qu'il vient de remplacer, celle des Wei du Nord (386-550). Le souverain veut montrer par cet acte qu'une ère est révolue et que les Wei appartiennent au passé, alors que dans le même temps un autre pouvoir politique se présente comme le continuateur des Wei (on le désigne sous le nom de Wei occidentaux). Comme les Qi du Nord tirent leur légitimité des Wei – le souverain fondateur a en effet reçu l'abdication d'un empereur des Wei (certes fantoche, mais symbole de légitimité) –, Wei Shou doit montrer à travers son histoire : 1. que les Wei du Nord étaient le seul pouvoir légitime face aux autres États, c'est-à-dire ceux du sud et les autres États barbares du nord, 2. que les Wei étaient parvenus à leur terme naturel en 550 (année du remplacement dynastique), 3. et enfin que le clan régnant des Qi du Nord avait été agréé par le Ciel. Or, pour Liu Zhiji la légitimité à cette époque était au sud, terre des rites confucéens et de la culture. Le nord n'était qu'une zone tombée aux mains de barbares incultes venus des steppes : « Les Wei du Nord sortaient des confins septentrionaux ; leurs souverains n'étaient que des chefs de tribu. Mais lorsque l'empereur Daowu [premier empereur des Wei du Nord, r. 386-409] voulut honorer ses anc s, il donna des titres impériaux à vingt-huit de ces chefs. Depuis les débuts de l'univers, cela ne s'était jamais encore fait. Les annales préliminaires du Livre des Wei respectent tous ces titres fallacieux. On désigne ces chefs sous le titre d'empereur, et leurs décès sont consignés dans des termes réservés aux fils du Ciel. Pourtant, ces gens ne sont que des macaques portant bonnet, des rats putréfiés qu'on ferait passer pour du jade. L'histoire : un outil de moralisation
Un historien a en effet une responsabilité immense, non seulement parce qu'il transmet un savoir à la postérité, mais aussi parce que sa présence peut agir sur le souverain : celui-ci sait que ses actes – quels qu'ils soient – sont en théorie enregistrés par les historiographes de la cour ; s'il souhaite laisser une bonne image de son règne, il doit donc se comporter avec vertu : « L'historien, par sa mission, exhorte au bien, détourne du mal et établit des modèles. Lorsqu'il évoque des ministres félons, des fils indignes ou des souverains corrompus, s'il écrit sans détour et qu'il ne dissimule pas leurs méfaits, leurs vilénies sont alors manifestées devant tous et leur réputation abominable se transmet pendant mille ans. De tels propos sont donc bien à craindre! » (THP, A.XXIV.1) Ces propos entrent en parfaite résonance avec le Mencius, l'un des ouvrages canoniques du confucianisme, qui affirme que « quand Confucius eut achevé les Printemps et automnes [chroniques de la patrie de Confucius, le pays de Lu], les sujets rebelles et les fils impies prirent peur. » (Mencius, 3.B.9) Un autre exemple de cette idée de l'histoire comme outil de moralisation des souverains apparaît dans une anecdote historique des Délibérations politiques importantes de l'ère Zhenguan (Zhenguan zhengyao), compilées par le collègue et ami de Liu Zhiji Wu Jing (670749) : « La quatorzième année de l'ère Zhenguan [soit l'an 640], l'empereur Taizong dit à Fang Xuanling [l'un de ses ministres] : - Souvent, je lis les histoires des dynasties passées. Dans ces ouvrages, on manifeste la vertu et on abaisse les vices ; cela suffit à donner des règles et des interdictions aux générations futures. Mais je ne comprends pas pourquoi, depuis l'Antiquité, on ne laisse pas les souverains en titre lire les histoires de leur propre dynastie. - Dans l'histoire de la dynastie en cours, répondit Fang Xuanling, tant le bien que le mal [commis par le souverain] sont notés, dans l'espoir que le souverain ne commette pas d'actes contraires à la loi. C'est par crainte que [certaines notations] entrent en conflit avec les intentions du souverain qu'il est interdit à celui-ci d'accéder à l'histoire de la dynastie en cours. - Mon intention est vraiment différente de celles des Anciens. L'empereur souhaite consulter les annales qui le concernent afin de se corriger s'il y lit des éléments négatifs, mais en définitive, il découvre que le texte lui est trop favorable. Il le fait donc rectifier et Wei Zheng (580-643), son ministre et grand conseiller, lui donne raison en ces termes : « Le souverain occupe la position la plus noble, il n'a rien à craindre. Seuls les écrits historiques sont là pour rabaisser le mal et encourager au bien. Si l'on n'y relate pas la vérité des faits, que liront les générations postérieures? Votre Majesté a aujourd'hui demandé aux historiographes de rectifier leurs écrits ; elle a en cela suivi la voie de la justice suprême. » (CHAUSSENDE 2012a : 241-242) Il y a donc deux exigences a priori contradictoires dans l'historiographie chinoise, et pas seulement chez Liu Zhiji, même si son Traité nous aide à mieux les comprendre. La première exigence est que le texte historique doit refléter les faits, il doit être conforme à la réalité des événements. C'est le concept chinois de l'enregistrement véridique (c. shilu, où shi signifie vrai, réel et lu enregistrement, notation), terme qui a servi également à désigner un type de texte dont l'intitulé est traduit habituellement par « chroniques véridiques ». Il s'agit des chroniques des règnes, comme celles auxquelles participa Liu Zhiji au sein du Bureau de l'histoire. La seconde exigence est que le texte historique doit contenir un jugement moral et politique, si bien que le discours historique n'est pas nécessairement neutre et conforme aux faits. Par exemple, des personnes ayant eu rang de souverain peuvent se trouver rabaissées au statut de simples particuliers dans les histoires offici elles. Ce fut par exemple le cas de Wang Mang, qui mit fin aux Han antérieurs et régna entre 9 et 23 en tant qu'empereur de l'éphémère dynastie des Xin. En 25, un prince des Han restaura la dynastie et l'historien Ban Gu, dans son Livre des Han, relata l'histoire du règne de Wang Mang en le présentant comme un interrègne illégitime. Pourtant, à son époque, Wang Mang avait été considéré comme un souverain légitime et avait même joui du soutien de nombre d'intellectuels. Au gré des chroniques officielles, c'est une vulgate historique qui s'est graduellement constituée en Chine, vulgate qui même encore de nos jours est la colonne vertébrale de la chronologie.
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Licence Histoire de l'art et archéologie. 2018, Université Paris-Sorbonne. ⟨hceres-02027439⟩
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Organisation pédagogique
La formation, qui s'efforce d'allier la cohérence et la souplesse, s’organise en quatre semestres (M1 et M2) de 30
ECTS chacun, et s'ordonne autour d'un tronc commun, le M1 étant en principe plus généraliste et plus chargé en
enseignements. La distribution entre enseignements obligatoires et optionnels permet une individualisation des
cursus bienvenue sans que les spécialités ne perdent leur cohérence. Les spécialités à finalité professionnelle
alternent semestres de cours et semestres de stage (deuxième semestre de chaque année). Les spécialités
orientées recherche proposent elles aussi quelques stages optionnels. On relève également que, dans ce
secteur, le compte rendu d’une manifestation scientifique (journée d’études, colloque, séminaire doctoral), ou
d'autres formes de participation à la recherche permettent de valider certains séminaires, Ceci offre le double
avantage d'impliquer directement et personnellement l'étudiant dans la recherche et de limiter les risques de
plagiat, qui sont loin d'être négligeables.
En ce qui concerne la place du numérique dans l’enseignement, les documents fournis donnent des
informations sur le numérique comme objet d’étude et non comme instrument pédagogique. On ne peut
toutefois manquer d'observer que plusieurs spécialités (Langue et informatique et Métiers de l’édition et de
l’audiovisuel) dispensent une formation poussée dans ce domaine ; qu'un « cours d’initiation aux humanités
Campagne d’évaluation 2017 – 2018 - Vague D
Département d’évaluation des formations
2
numériques » est offert dans le « tronc commun » ; et que le Labex OBVIL (Observatoire de la vie littéraire), centré
sur les humanités numériques, offre des stages aux étudiants du master en stage.
Le taux de réussite au diplôme est en hausse ; il varie actuellement de 51 % à 69 % selon la spécialité et le
niveau. Plusieurs dispositifs d'aide ont été mis en place (stage de mise à niveau, suivi individuel, cours de langue
pour non francophones...).
L’ouverture à l’international repose en outre sur les accords Erasmus habituels et sur des accords de coopération
(délocalisation, co-diplomation...) qui ont été décrits plus haut. La formation a fait des efforts significatifs dans ce
domaine, mais si l’on tient compte du nombre élevé d'étudiants inscrits et des différences importantes entre les
douze spécialités, l'internationalisation doit pouvoir encore être développée.
Un enseignement de langue vivante est offert à tous les étudiants de la mention.
Pilotage
Le pilotage de la mention apparaît comme globalement satisfaisant, même si l'on imagine aisément qu'il n'est
pas facile de gouverner une formation aussi diverse et qui rassemble des étudiants et des enseignants à la fois
très nombreux et très différents à tous égards. L’équipe pédagogique qui est vaste inclut de manière pertinente
des intervenants externes, surtout dans les spécialités à visée professionnelle où ils participent manifestement à la
reconnaissance de la formation. Le pilotage du master est assuré par un comité composé des responsables de
la mention, des spécialités et des UFR et se réunit au minimum deux fois par an. Les conseils d’UFR se prononcent
sur les questions pédagogiques et disciplinaires ; des commissions restreintes d’admission fonctionnent par
spécialité. Cette organisation est satisfaisante, bien qu’on puisse imaginer que le pilotage effectif soit confié à
une commission prise à l’intérieur du Comité actuel et désigné par celui-ci pour alléger l’accomplissement de sa
mission. Il serait également souhaitable que les étudiants disposent d’une représentation dans le Comité de
pilotage de la mention.
Il n’existe pas de conseil de perfectionnement, ce qui se comprend en considérant le nombre de spécialités du
master. La scission de la mention qui est envisagée pour le prochain quinquennal, et qui semble en effet
souhaitable, permettra peut-être de résoudre ce problème. Ce qui permettrait de mettre en place deux
comités de perfectionnement.
Le suivi de l’acquisition des compétences est à la charge de l’équipe pédagogique sans portefeuille de
compétences, mais un examen des modalités de validation enseignement par enseignement montre qu’elles
sont conformes aux standards attendus.
Le point faible de l’ensemble concerne l’évaluation des enseignements par les étudiants. Il est regrettable
qu’aucune procédure de ce type ne soit mise en place de manière systématique. Une seule spécialité (Métiers
de l'édition et de l'audiovisuel) s’y astreint de façon régulière.
Résultats constatés
Les effectifs de la formation toutes spécialités confondues montrent un petit mais brusque tassement d’environ
10 % des nouveaux entrants à partir de 2014-2015. Ils s'établissent à 818 en M1 et 656 en M2.
Le détail des effectifs par spécialité n'est pas systématiquement indiqué, ce qui ne permet qu’une analyse
partielle. Cependant l’attractivité de la formation est certaine, le nombre de nouveaux entrants dépassant les
800 (jusqu’à 895 dans les années considérées). Cette attractivité repose notamment sur le prestige de
l'établissement et la richesse des parcours possibles dans les différentes spécialités. La proportion d’étudiants
étrangers a connu une augmentation significative, passant de 23 % à 32 %, nettement au-dessus des moyennes
de l’établissement.
Le taux de réussite est d’environ 70 % d’étudiants de M2 validant leur diplôme, mais rapporté au nombre
d’entrants en M1, la proportion semble s’établir aux alentours de 50 % à 60 % d’étudiants qui s’inscrivent au
master et achèvent la formation. Ces pourcentages (près de 50 % d'échec sur deux ans) ne peuvent être tenus
pour satisfaisants, d'autant qu'il s'agit d'une moyenne, qui recouvre à l'évidence de fortes disparités. Pour le
niveau M1, une augmentation du taux de réussite est toutefois constatée, passant de 51 % à 63 % pour les
spécialités recherche et de 36 % à 51 % pour les spécialités professionnelles.
Le suivi post-formation est établi par trois enquêtes de l’observatoire de l’insertion professionnelle et des parcours
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(OIPP), qui donnent la situation des diplômés 27 à 30 mois après leur diplôme. Les enquêtes ne concernent pas
les spécialités trop récemment créées comme Théorie de la littérature ni les spécialités dont les effectifs sont trop
faibles comme Allemand – Lettres modernes. A ce dispositif s’ajoutent des données en provenance d’une
association d’anciens étudiants de la spécialité Métiers de l’édition et de l’audiovisuel notamment par le réseau
Linkedin. Cependant il est difficile d’imaginer que ces outils soient autre chose que des compléments, même s'il
faut se féliciter de l'apparition d'associations d’ « alumni ».
Un contingent d’environ 10 % à 20 % d’étudiants entre en doctorat après la formation. L’insertion professionnelle
se situe entre 84 % et 89 % avec un salaire médian situé autour de 1800 euros. Les taux de satisfaction s’élèvent à
50 % en ce qui concerne l’utilisation des compétences acquises, ce qui est un résultat plutôt encourageant dans
un contexte économique compliqué pour les Humanités.
CONCLUSION
Principaux points forts :
● La qualité générale de la formation, qui a une singularité incontestable dans le paysage des masters de
lettres.
● Des partenariats diversifiés avec des institutions parisiennes prestigieuses et des partenaires étrangers de
qualité.
● Un adossement de la formation à des laboratoires de recherche performants et reconnus.
● L'adaptabilité de la formation qui évolue et se transforme.
Principaux points faibles :
●
●
●
●
Un taux d'échec important.
Une hétérogénéité parfois excessive des spécialités regroupées sous le chapeau commun de la formation.
Une absence d’évaluation des enseignements par les étudiants.
Des relations internationales pouvant encore être développées.
ANALYSE DES PERSPECTIVES ET RECOMMANDATIONS
Il s’agit d’une mention de master de très haute qualité, compétitive, attractive et qui occupe une place éminente
dans le paysage institutionnel parisien. Sur le plan des programmes, il faut en effet, comme le rapport l'indique,
préserver les spécialités dont les effectifs sont moindres mais qui ont une forte originalité, et un fort ancrage dans le
tissu international comme la spécialité Allemand – Lettres modernes.
Le rapport signale notamment pour le prochain quinquennal un projet de scission entre le domaine des « sciences
du langage » et celui des « lettres ». Une séparation (celle-ci ou une autre) est sans doute en effet souhaitable
compte tenu de l'importance des effectifs et de la diversité présente. Il faudra veiller toutefois à ce qu'elle soit
conduite sans affaiblir excessivement la transversalité qui est une des qualités de ce master.
Il conviendrait par ailleurs de se préoccuper réellement des questions de pilotage, en particulier pour réduire
l’important taux d’échec et mettre en place une évaluation des enseignements par les étudiants.
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Département d’évaluation
des formations
FICHE D’ÉVALUATION D’UNE FORMATION PAR LE HCÉRES
SUR LA BASE D’UN DOSSIER DÉPOSÉ LE 21 SEPTEMBRE 2017
MASTER MUSIQUE ET MUSICOLOGIE
Établissement(s) : Université Paris-Sorbonne
PRÉSENTATION DE LA FORMATION
Le master Musique et musicologie de l’Université Paris-Sorbonne se situe dans la continuité de la licence
Musicologie, en organisant autour d’un tronc commun musicologique un socle de connaissances comportant
sept parcours : deux à finalité recherche (Musique et musicologie d’une part, masters internationaux tournés vers
l’Allemagne et vers l’Italie de l’autre), cinq professionnels : Administration et gestion de la musique, Médiation de la
musique, Interprétation des musiques anciennes, Direction de chœur, Musicien d’orchestre (en partenariat avec le
Pôle supérieur d’enseignement artistique Paris Boulogne-Billancourt).
Cette subdivision traduit la diversité d’orientations professionnelles tantôt tournées vers la recherche musicologique
(via des poursuites d’études en doctorat), tantôt tournées vers des démarches de type « recherche et pratique »
destinées à des interprètes de haut niveau, tantôt nettement professionnalisantes. Chacune de ces formations ne
s’adresse pas au même type de public : si les parcours à finalité recherche sont ouverts sans limite d’âge, celui
dédié au métier de musicien interprète est destiné à de jeunes musiciens. Il est à noter que cette dernière
formation, proposée pour la première fois en 2015-2016, est actuellement suspendue et que des négociations sont
en cours pour une reprise en 2018-2019.
ANALYSE
Finalité
La diversité des formations et leur attractivité (entre 2012 et 2015, de 158 à 124 étudiants inscrits sur les deux
années) témoignent de l’adéquation entre les possibilités d’orientations professionnelles et les cursus d’études
proposés. On apprécie tout particulièrement l’équilibre entre des formations adossées à la recherche, d’autres
tournées vers la mise en perspective de la pratique musicale et de sa théorisation (Interprétation des musiques
anciennes, Direction de Chœur), d’autres enfin professionnalisantes tant pour les interprètes (Musicien
d’orchestre) que pour les étudiants issus de la musicologie traditionnelle (Médiation de la musique, Administration
et gestion de la musique). Les spécialités sont clairement décrites et leur déséquilibre en termes de fréquentation
étudiante est justifié par l’équipe enseignante au nom du niveau d’excellence requis, en particulier pour celles à
destination des praticiens musiciens. Si de nombreux débouchés professionnels sont évoqués, tant dans le
domaine de la recherche que dans celui de la médiation, de l’enseignement ou du spectacle vivant, une étude
des mutations à l’œuvre actuellement au sein du tissu professionnel pourrait s’avérer intéressante pour adapter
les cursus à celles-ci.
Chacune des spécialités, hors les masters internationaux, fait l’objet d’une fiche RNCP (répertoire national des
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qualifications professionnelles) nettement détaillée.
Positionnement dans l’environnement
Le master Musique et Musicologie bénéficie d’un environnement particulièrement propice à l’instauration de
collaborations institutionnelles, tant sur le plan régional, national que du point de vue des perspectives
internationales. Celles-ci sont particulièrement détaillées, tant par le biais de co-diplomations dans les masters
internationaux (avec les universités de Sarrebruck et Palerme), que dans le cadre du programme Erasmus. La
mobilité étudiante est encouragée et des partenariats privilégiés avec les institutions européennes
d’enseignement musical (Schola Cantorum Basiliensis, Conservatoire de Genève, Conservatoire royal de
Bruxelles, etc.) apparaissent comme particulièrement cohérents vis-à-vis des formations de type « Recherche et
pratique ». Parmi les innovations proposées, on notera en particulier un master délocalisé à Abu-Dhabi dont la
dimension expérimentale fait office de laboratoire.
Enfin, sont mentionnés des accords avec des institutions majeures de la recherche telles que la BnF (Bibliothèque
nationale de France), le CMBV (Centre de musique baroque de Versailles), le CNSMDP (Conservatoire national
supérieur de musique et de danse de Paris) ou l’EHESS (Ecole des hautes études en sciences sociales), sans que
leur nature soit précisée (« échange et collaboration en matière de formation et de recherche »). Par-delà ces
collaborations, les liens avec les entreprises du spectacle vivant et/ou les acteurs majeurs des scènes musicales
sont trop rapidement mentionnés et gagneraient à faire l’objet de présentations détaillées.
Organisation pédagogique
L’organisation pédagogique fonctionne d’abord par le biais d’un tronc commun en 1ère année de master (M1),
décliné ensuite en parcours dont les contenus sont détaillés dans l’autoévaluation fournie au dossier d’une part,
dans les documents annexes d’autre part. La mise en regard des objectifs pédagogiques, des contenus
d’enseignements et des unités de validation témoigne d’une pertinence dans l’organisation générale, même si
la grande diversité des parcours proposés nuit à la lisibilité globale de la formation.
Le master Musique et musicologie s’adosse fortement à l’Institut de recherche en musicologie (IReMus), ce qui
renforce la cohérence des différents parcours. La formation est accessible par la validation d’acquis de
l’expérience (VAE) ou par la validation d’acquis professionnels (VAP). La formation continue est à ce stade à
l’étude. La diversité des formations génère une certaine difficulté, mentionnée dans le dossier, pour l’équipe
administrative. Le dossier ne permet pas d’évaluer avec précision la présence des outils numériques dans les
enseignements.
Pilotage
L’équipe pédagogique de la mention est conséquente et diversifiée dans ses profils : 25 enseignants-chercheurs
permanents, 6 professionnels associés (PAST). S’y ajoutent 22 professionnels issus d’autres institutions. Cela permet
de couvrir une gamme étendue de contenus d’enseignement.
Les responsabilités du pilotage se répartissent entre professeurs et maîtres de conférences. L’implication
d’enseignants-chercheurs engagés dans le programme IReMus autant que dans le pilotage de la formation
constitue un atout.
Aucun conseil de perfectionnement n’existe à l’heure actuelle, seul un comité de pilotage – dont l’organisation
n’est pas détaillée – est actuellement en cours de constitution. Le peu d’implication des étudiants dans le
pilotage de la mention constitue une faiblesse qui ne semble pas encore comblée.
On ne dispose pas d’informations précises sur les modalités spécifiques de pilotage de la spécialité Administration
et gestion de la musique, délocalisée à Abu Dhabi.
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Résultats constatés
En dépit de son attractivité certaine et de cursus pédagogiques innovants, le master Musique et musicologie ne
semble pas en mesure d’évaluer le taux et la nature de l’insertion professionnelle des étudiants issus de la
formation. Peu d’éléments sont fournis dans le dossier, quelques chiffres parcellaires portent sur l’insertion et la
poursuite d’études ; une réflexion en cours à ce sujet est mentionnée au sein des masters professionnels. Ce
manque est d’autant plus regrettable que l’analyse des effectifs inscrits traduit une réelle déperdition qui, là
encore, n’est pas explicitée : en moyenne, moins de la moitié des étudiants inscrits en M1 poursuivent en 2nde
année de master (M2) – rejoints par de nouveaux arrivants au sein du M2 qui maintiennent les chiffres à un
niveau constant.
CONCLUSION
Principaux points forts :
●
●
●
●
Attractivité manifeste de la formation.
Diversité de parcours pensés « à la carte ».
Modalités de formation innovantes (Recherche et pratique, parcours délocalisés, parcours internationaux).
Liens resserrés avec la recherche.
Principaux points faibles :
●
●
●
●
Taux d’échec élevé en M1.
Faiblesse du rôle des étudiants au sein des instances de pilotage.
Manque d’analyses et de propositions dans le cadre de l’autoévaluation.
Manque de données chiffrées et précises concernant l’insertion professionnelle des diplômés.
ANALYSE DES PERSPECTIVES ET RECOMMANDATIONS
Le master Musique et musicologie associe un enseignement fondamental reconnu à des formations diversifiées qui
reflètent la pluralité des métiers de la musique. Le choix de modalités de formations innovantes – Recherche et
pratique, parcours délocalisés, parcours internationaux, etc. – s’accompagne d’un respect des formations
traditionnelles, menant à la recherche ou aux métiers de l’enseignement. En parallèle de ce cursus pédagogique
manifestement réussi, il importe désormais de réfléchir aux enjeux professionnels à venir, enjeux qui passent par une
analyse effective de l’insertion professionnelle des diplômés – qualitative et quantitative –, ainsi que par une place
accrue donnée aux processus d’autoévaluation dans lesquels les étudiants auraient un rôle à jouer.
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Département d’évaluation
des formations
FICHE D’ÉVALUATION D’UNE FORMATION PAR LE HCÉRES
SUR LA BASE D’UN DOSSIER DEPOSÉ LE 21 SEPTEMBRE 2017
MASTER PHILOSOPHIE
Établissement(s) : Université Paris-Sorbonne
PRÉSENTATION DE LA FORMATION
Rattaché à l’unité de formation et de recherche (UFR) de Philosophie, le master de Philosophie de l’Université
Paris-Sorbonne (Sorbonne Université au 1er janvier 2018) est une formation de plain-pied avec l’actualité de la
recherche dans tous les principaux champs de la discipline : Philosophie politique et éthique ; Esthétique et
philosophie de l’art ; Logique, philosophie de la connaissance et des sciences (Lophisc) ; Histoire de la philosophie,
métaphysique, phénoménologie. A ces différentes spécialités, destinées à devenir des parcours dans le prochain
contrat, s’ajoutent une nouvelle spécialité Mondes arabes et musulmans, ouverte en 2016, et deux spécialités
professionnelles ouvertes en 2nde année (M2) : Conseil éditorial et gestion des connaissances et Métiers des
entreprises. Cette dernière spécialité est issue du projet Phoenix, conçu auparavant pour rapprocher les études
supérieures littéraires du monde de l’entreprise, et se déroule en formation continue. Les cinq spécialités non
professionnelles du parcours préparent les étudiants à la poursuite d’études au niveau du doctorat et/ou aux
concours de recrutement de l’enseignement secondaire. Les diplômés acquièrent également des compétences
susceptibles de diversifier leurs débouchés, notamment dans les domaines des concours de la fonction publique,
des métiers de l’art et de la culture, des ressources humaines et de la communication d’entreprise. Cet éventail
largement ouvert de spécialités est unique dans le paysage universitaire français, et constitue, pour les étudiants
internationaux, un pôle d’attraction important.
ANALYSE
Finalité
Les finalités pédagogiques et professionnelles de la formation sont clairement exposées. On note cependant le
rôle décisif de la formation dans la préparation aux concours de l’enseignement (excellent taux de réussite des
étudiants issus du master à l’agrégation et au CAPES – certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du
second degré) ; cet objectif annoncé dans le dossier n’apparait néanmoins pas strictement formalisé dans
l’organisation de la formation.
Les fiches du répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) pour les spécialités Lophisc et Mondes
arabes et musulmans sont manquantes (ainsi que l’annexe au diplôme pour cette dernière).
Le master affiche un taux d’insertion professionnelle de 100 % dans les deux spécialités Conseil éditorial et gestion
des connaissances et Métiers des entreprises, signe évident de la réussite de cette expérimentation originale sans
équivalent, ce qui est remarquable.
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Positionnement dans l’environnement
L’ESPE (école supérieure du professorat et de l’éducation) en tant qu’école interne de l’Université envoie des
étudiants dans le master de Philosophie pour compléter leur formation disciplinaire. Ceci montre que le master
recherche en philosophie ne prépare pas seulement les étudiants aux exigences du concours de l’agrégation : il
accompagne l’entrée dans le métier d’enseignant en philosophie en apportant des compétences disciplinaires
indispensables aux étudiants de l’ESPE.
L’adossement aux équipes de recherche est concrétisé par une participation obligatoire aux séminaires de
recherche pour trois des spécialités du master (Histoire de la philosophie, métaphysique, phénoménologie ;
Philosophie politique et éthique ; Esthétique et philosophie de l’art).
La formation tire tout le parti de son positionnement au cœur d’un environnement régional privilégié et s’illustre
par des partenariats avec différentes écoles et établissements d’enseignement supérieur régionaux (HEC,
Université Pierre et Marie Curie – UPMC - pour la spécialité Lophisc, École du Louvre pour la philosophie de l’art,
École normale supérieure - ENS-Ulm -, École polytechnique, sans que les modalités formelles et matérielles de
l’« accueil » soient davantage précisées).
Le positionnement international du master constitue cependant un point faible et à améliorer : le rapport ne
mentionne pas d’accord ou de partenariat avec des universités étrangères. La mobilité entrante et sortante est
étonnamment faible pour une formation de cette qualité (bien que, en ce qui concerne la mobilité entrante,
elle soit favorisée par un suivi individualisé des tuteurs spécialement en charge du suivi des étudiants étrangers).
Organisation pédagogique
L’offre de formation se compose d’un enseignement en présentiel à base de séminaires
d’enseignement/recherche. La présence des deux spécialités professionnelles constitue l’une des spécificités de
la formation, même si elle risque d’en compromettre la lisibilité et la cohérence. A noter une certaine
hétérogénéité entre les différentes spécialités qui n’ont pas du tout la même organisation pédagogique.
Les spécialités de recherche comportent en première année (M1) des enseignements de tronc commun
obligatoires qui visent à fournir aux étudiants un socle commun de connaissances. Le reste de la formation, en
M1 et puis en M2 propose à la fois des enseignements disciplinaires et une initiation à la recherche, qui aboutit à
la rédaction d’un ou deux mémoires de recherche selon les parcours. Suite à une recommandation formulée par
l’AERES lors de la précédente évaluation, la formation a introduit des passerelles entre les spécialités, afin de
faciliter la réorientation éventuelle des étudiants. Les deux spécialités professionnelles sont dispensées sur l’année
de M2 et comportent de nombreux enseignements assurés par des professionnels. Le dossier fait état d’une
insertion professionnelle de 100 % des diplômés, mais ne fournit pas de détails sur la nature des emplois occupés.
La spécialité Conseil éditorial et gestion des connaissances comporte un stage obligatoire de six mois en
entreprise, qui donne lieu à un rapport et à une soutenance, mais on ne dispose pas d’informations précises
concernant la place et l’importance du stage ou de l’expérience en entreprise dans la spécialité Métiers des
entreprises.
Le cursus comporte l’apprentissage d’une langue étrangère ; les unités d’enseignements (UE) de traduction et
commentaire des textes philosophiques ont lieu dans la langue concernée (anglais ou allemand). Dans le cadre
des séminaires de recherche proposés en M2, certaines conférences sont dispensées en anglais et la formation
envisage, pour le prochain contrat, que certains enseignements soient également dispensés en anglais, dans un
souci d’internationalisation.
Pilotage
La formation est pilotée par le responsable de la mention et les responsables des spécialités qui forment le
« conseil de master ». Le « conseil de master » n’inclut ni de représentants des étudiants, ni de personnalités
extérieures et ne peut être assimilé à un conseil de perfectionnement. Par ailleurs, les enseignements ne font pas
l’objet d’une évaluation par les étudiants, dont l’avis ne semble donc avoir aucune influence sur l’évaluation et
le pilotage de la formation.
Les modalités d’évaluation sont claires et connues des étudiants. Il n’y a pas matière à mettre en place un suivi
d’acquisition des compétences dans les spécialités traditionnelles en dehors ou en plus du suivi de l’élaboration
du mémoire, qui est effectivement évalué. Les compétences sont évaluées, en revanche, dans les deux
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spécialités professionnelles.
Les effectifs de la formation sont régulièrement suivis. Répondant à un avis de l’AERES, la direction de la formation
a mis en place une procédure stricte de recrutement dans les différentes spécialités du master.
Résultats constatés
Les effectifs sont considérables et en progression, quoique non constante, depuis le début du précédent contrat
(417 inscrits en 2012-2013 ; 444 inscrits en 2015-2016). La progression du taux de réussite n’est, elle, pas évidente :
le taux a nettement chuté en M2 en 2015 par rapport à l’année précédente, pour le même nombre d’étudiants
inscrits (79 % de réussite au M2 en 2013-2014 et 65 % en 2014-2015). L’analyse n’est malheureusement pas
produite. La spécialité Métiers des entreprises a vu ses effectifs croître régulièrement sur les trois premières années
du contrat (14, 18, puis 23 étudiants, chaque inscription reposant sur l’existence d’un contrat de pré-embauche
par une des entreprises partenaires et partie prenante de la formation).
Les indications fournies sur la poursuite d’études en doctorat ne sont pas exploitables : le tableau fourni en
annexe donne pour seul chiffre 8 étudiants (immédiatement) inscrits en doctorat après l’obtention du master,
pour l’année 2013. On ignore pourquoi les autres années ne sont pas renseignées, on ignore également quel est
le nombre des contrats doctoraux de l’établissement et de la discipline issus de la formation, chiffre qui mériterait
sans doute d’être connu.
CONCLUSION
Principaux points forts :
● La qualité de l’équipe pédagogique et la reconnaissance au niveau national et international de la formation.
● L’intégration de la dimension professionnelle (avec le rôle déterminant du master pour la préparation au
concours de l’agrégation de philosophie, et avec les deux spécialités professionnelles) assure aux étudiants
des perspectives d’insertion professionnelle réelles et concrètes.
● La taille et l’attractivité de cette formation, comme son rôle central et éminent dans le contexte national,
constituent pour la formation elle-même une garantie de stabilité.
Principaux points faibles :
● La place des deux spécialités professionnelles au sein de la formation pose des problèmes de cohérence
dans la structure globale de la mention.
● L’autoévaluation n’offre pas une vue suffisamment détaillée et comparative sur les différentes spécialités.
● L’absence de suivi significatif de la poursuite d’études et de l’insertion professionnelle des diplômés.
● L’absence de toute enquête auprès des étudiants et l’absence des représentants des étudiants dans le
comité de pilotage de la formation.
● Les partenariats internationaux semblent assez peu développés eu égard au rayonnement et à la très forte
attractivité de la formation.
ANALYSE DES PERSPECTIVES ET RECOMMANDATIONS
Les informations fournies par le bilan et en annexe ne permettant pas d’apprécier le succès respectif des
différentes spécialités, il est relativement difficile de formuler pour celles-ci des recommandations pertinentes.
D’après le dossier, la maquette qui sera présentée pour la période 2019-2023 ne diffèrera que très légèrement de
la maquette actuelle (mis à part la transformation des spécialités en parcours et l’introduction d’enseignements en
langue étrangère). Cette décision ne semble se baser que sur « le ressenti de l’équipe enseignante ». La mise en
place d’un vrai comité de perfectionnement et la réalisation d’enquêtes auprès des étudiants pourraient
certainement faire émerger des pistes d’amélioration et de transformation. Il serait notamment souhaitable de
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réfléchir sur la place des deux spécialités professionnelles au sein de la mention, qui ne semble se justifier
actuellement que par le souci de diversifier les débouchés professionnels des diplômés, mais dont on a du mal à
saisir l’articulation avec la philosophie et les autres spécialités proposées.
La création de Sorbonne-Université au premier janvier 2018 ouvre semble-t-il des perspectives très intéressantes
d’élargissement de la spécialité Logique, philosophie de la connaissance et des sciences aux étudiants
scientifiques de l’UPMC — dans la continuité, d’ailleurs, de ce qui a été mis en place en licence (double licence et
parcours majeure/mineure). Il reste à se saisir de cette opportunité. Il est également recommandé de mettre en
place un conseil de perfectionnement. Il est enfin suggéré de mettre en place, en coordination avec les
ingénieurs bibliothécaires de la bibliothèque de la Sorbonne, une procédure de dépôt des meilleurs mémoires
dans l’application Dumas, ce qui profitera aux étudiants et à la formation tout entière.
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SUR LA BASE D’UN DOSSIER DÉPOSÉ LE 21 SEPTEMBRE 2017
MASTER SOCIOLOGIE
Établissement : Université Paris-Sorbonne
PRÉSENTATION DE LA FORMATION
Le master Sociologie de l'Université Paris-Sorbonne est une formation généraliste en première année de master
(M1), avec une spécialisation en seconde année (M2). Deux spécialités sont proposées : Actions, normes,
économie et politique à finalité recherche et Chargé d'études sociologiques : conseil, enquêtes, évaluation à
finalité professionnelle. Ce master a pour objectif de former des professionnels de la sociologie, en vue d'une
insertion professionnelle ou d'une entrée en doctorat. La formation est délivrée en présentiel au sein de l'unité de
formation et de recherche (UFR) Sociologie et informatique pour les sciences sociales de Paris-Sorbonne et du
département de sciences sociales de l'Ecole normale supérieure (ENS) Paris-Saclay.
Les enseignements ont lieu sur le site de la Maison de la Recherche, rue Serpente (Paris 6ème arrondissement).
ANALYSE
¶
Finalité
Les connaissances attendues sont clairement exposées pour chacune des deux spécialités du master, et les
contenus des enseignements, ici présentés minutieusement, permettent de les acquérir. Les compétences
personnelles et professionnelles visées ne sont pas détaillées dans le dossier, mais le sont dans les fiches RNCP
(répertoire national des certifications professionnelles) fournies. Ces fiches RNCP sont par ailleurs bien renseignées
et permettent de constater que les objectifs correspondent bien à la formation et à chacune des spécialités du
master. De même, les emplois escomptés et les employeurs potentiels sont précisés dans les fiches RNCP, et
paraissent en forte cohérence avec la formation, ses objectifs et ses enseignements.
La spécialité Chargé(e) d'études sociologiques : conseils, enquêtes, évaluation est également dispensée de
manière délocalisée à Paris Sorbonne University Abu Dhabi. Les enseignements y reprennent la structure de la
formation dispensée à Paris, complétée et adaptée pour répondre aux caractéristiques socio-économiques et
aux besoins spécifiques locaux, des étudiants comme des secteurs de professionnalisation.
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Positionnement dans l’environnement
Les enseignements du master Sociologie sont assurés dans l'unité de recherche et de formation (UFR) Sociologie
et informatique pour les sciences sociales (SISH) de l’Université Paris Sorbonne et au sein du Département de
sciences sociales de l'ENS Paris-Saclay. Cela permet à l'UFR SISH de proposer un cursus complet de sociologie de
la licence au doctorat. A l’image de la plupart des masters locaux, régionaux et nationaux, cette formation est
généraliste et propose une finalité recherche et une finalité professionnelle.
Ce master est adossé à deux unités mixtes de recherche (UMR) associant l’établissement, d’une part, avec le
Centre national de la recherche scientifique (CNRS) pour le Groupe d’études des méthodes et de l’analyse
sociologique de la Sorbonne (GEMASS, UMR 8598), et, d’autre part, avec l'École normale supérieure Paris-Saclay,
les universités de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Paris 8 Vincennes Saint-Denis, Paris Nanterre, Évry-Val-d'Essonne et
le CNRS pour l’unité mixte de recherche Institutions et dynamique historique de l’économie et de la société
(IDHES, UMR 8533).
Cet adossement permet la mise en œuvre d’une solide formation par la recherche, avec des enseignements
épistémologiques et méthodologiques en quantité suffisante et la production de travaux personnels de
recherche (cf. infra). Une poursuite d’études en doctorat de sociologie peut ainsi y être préparée, bien que le
document ne comporte pas d’éléments sur les liens avec une ou des écoles doctorales de l’établissement, ou
sur les effectifs d’entrée en doctorat les années passées.
Le master est également en articulation avec son environnement socio-économique: une quinzaine de
professionnels interviennent dans la formation (principalement les divisions d’études des ministères, la Caisse
d'allocations familiales) et des partenariats sont noués pour offrir aux étudiants des opportunités de stage. C’est
tout particulièrement le cas d’une convention avec l'Atelier d'Urbanisme Parisien et la ville de Paris, qui permet
d’associer les étudiants de M2, spécialité Chargé d’études sociologiques, à la réalisation d’enquêtes au sein des
quartiers prioritaires de Paris.
La mobilité à l'international est encouragée et en croissance: il y a 6 à 8 départs en Erasmus chaque année,
essentiellement en M1 ; en outre, des stages sont possibles à l'étranger (surtout pour le master à finalité
professionnelle). Une enseignante responsable accompagne les étudiants dans leurs démarches, et des
négociations sont en cours pour développer de nouvelles possibilités d'échange. Les mobilités entrantes sont
également assez nombreuses: sont accueillis, chaque année, 4 ou 5 étudiants Erasmus ainsi que des étudiants
hors programme Erasmus. La qualité du suivi et de l'accompagnement des mobilités entrantes et sortantes est à
souligner.
Organisation pédagogique
Le M1 est organisé en tronc commun pour les deux spécialités de la mention. Une spécialisation est établie pour
le M2, avec des maquettes spécifiques pour chacune des deux spécialités, en cohérence avec les objectifs de
chacune d'entre elles. L'organisation pédagogique est très lisible. Les modalités d'enseignement sont classiques
et équilibrées entre cours magistraux et travaux dirigés. Les fiches RNCP sont fournies en annexe du dossier et
sont précises. En revanche, le dossier ne comporte aucune information concernant des dispositifs d'accueil et
de suivi pour des étudiants ayant des contraintes particulières, ni sur la possibilité d'effectuer la formation en
validation des acquis de l’expérience (VAE). Le supplément au diplôme détaille les compétences acquises, mais
le suivi de ces compétences n'est pas formalisé au travers d'un portefeuille des compétences.
Dans ce master, la formation à la recherche et par la recherche est centrale : enseignements épistémologiques
et méthodologiques présents chaque semestre, un mémoire de recherche avec soutenance en M1 (pour tous)
et en M2 (uniquement pour la spécialité recherche). La professionnalisation fait elle aussi l’objet d’une attention
tout au long de la formation, et ce pour les deux spécialités du master : interventions en cours de différents
professionnels, conférences de professionnels, mises en situation, etc. Un stage est obligatoire pour la spécialité
professionnelle, il est encadré et évalué. Ses modalités et son organisation sont précisées.
L'utilisation du numérique est traditionnelle, avec des enseignements proposant des formations aux usages des
outils numériques et des instruments de travail collaboratif en ligne, ce qui est fréquent dans les masters de
sociologie. Un enseignement de langue anglaise est dispensé en M1 et il est regrettable qu’il ne soit pas poursuivi
en M2, d’autant plus que, par ailleurs, les mobilités entrantes et sortantes des étudiants sont fréquentes et bien
organisées.
Campagne d’évaluation 2017 – 2018 - Vague D
Département d’évaluation des formations
2
Pilotage
L'équipe pédagogique est bien diversifiée, mais souffre d'un sous-encadrement en enseignants-chercheurs (trois
professeurs et six maîtres de conférences). Elle est toutefois complétée par des chercheurs et des enseignantschercheurs des laboratoires d’adossement, d'autres composantes de l'université (informatique), de deux
personnels enseignants du second degré affectés dans le supérieur (PRAG), d’une ingénieure de recherche et
d’une quinzaine de professionnels. Leur niveau de compétences est en adéquation avec la formation, mais le
dossier n'indique pas la répartition des heures d'enseignement entre enseignants-chercheurs et intervenants
extérieurs.
Le dossier ne comporte pas les éléments sur les modalités de sélection des étudiants à l’entrée du master, sur la
composition et le fonctionnement des jurys, sur la répartition des tâches pédagogiques ou encore sur le nombre
et les modalités de réunion de l’équipe. Seuls les enseignements dispensés par les professionnels font l’objet d’un
questionnaire d’évaluation auprès des étudiants mais il est à noter sa généralisation prévue à l’ensemble de la
formation en 2018. Enfin, rien n’indique la mise en place d'un comité de perfectionnement ou d’autres modalités
de mise en œuvre d’une démarche d’auto-évaluation et d’ouverture d’espaces formalisés de dialogue avec
les étudiants.
Résultats constatés
Les données disponibles étant très parcellaires, il est difficile d’établir une analyse des résultats constatés,
d’autant plus que la moitié d’entre elles concerne les masters Philosophie et Sociologie dont l’analyse des
résultats était malheureusement auparavant confondue. On peut toutefois noter des effectifs importants en M1
au regard de la taille de l’équipe pédagogique : 79 entrants en 2014-2015 et 62 en 2015/2016. Les effectifs du
M2 sont en augmentation (31 inscrits en 2014-2015 et 54 en 2015-2016), ce qui s’explique probablement par une
meilleure réussite en première année. Cependant, les informations concernant les taux de réussite, les taux
d'abandon, le taux de diplômes en emploi, la qualité de l'insertion professionnelle, le taux de poursuite en
doctorat, ne sont pas fournies. Signalons toutefois que les responsables du master travaillent avec l'organisme de
l'université en charge de ces questions pour améliorer les informations relatives aux effectifs et au suivi du devenir
des diplômés.
CONCLUSION
Principaux points forts :
●
●
●
●
Une formation attractive, bien structurée et d'un très bon niveau pédagogique.
Un adossement à une recherche dynamique.
Une bonne articulation avec l'environnement socio-économique dans le secteur des chargés d’études.
Une politique dynamique de mobilité internationale (entrante et sortante).
Principaux points faibles :
● Absence de langue vivante en M2.
● Un manque d'informations concernant les taux de réussite, les taux d'abandon, le taux de diplômes en
emploi, la qualité de l'insertion professionnelle, le taux de poursuite en doctorat.
● Faible pilotage institutionnel de la formation (peu de procédures formalisées d’auto-évaluation et
d’association des étudiants à la démarche).
Campagne d’évaluation 2017 – 2018 - Vague D
Département d’évaluation des formations
3
ANALYSE DES PERSPECTIVES ET RECOMMANDATIONS
Le master Sociologie de l'Université Paris Sorbonne est une formation disciplinaire solidement structurée et
organisée, malgré un relatif sous-encadrement en enseignants-chercheurs dans la 19e section (sociologie
démographie) du Conseil national des universités. Afin d'être dans une démarche d'amélioration continue, il parait
important de mettre en place un comité de perfectionnement et d'impliquer les étudiants dans le pilotage de la
formation. Une langue vivante doit également être intégrée à la maquette des spécialités du M2. Enfin, les lacunes
en termes d'informations sur les effectifs, les taux de réussite, l'insertion professionnelle sont connues des
responsables, et leur travail pour améliorer ce point est à souligner.
Campagne d’évaluation 2017 – 2018 - Vague D
Département d’évaluation des formations
4
OBSERVATIONS DE L’ÉTABLISSEMENT
Les rapports d’évaluation du Hcéres
sont consultables en ligne : www.hceres.fr
Évaluation des coordinations territoriales
Évaluation des établissements
Évaluation de la recherche
Évaluation des écoles doctorales
Évaluation des formations
Évaluation à l’étranger.
| 9,921
|
58a7615af01fcdcca01c2454ffeafcb1_35
|
French-Science-Pile
|
Open Science
|
Various open science
| 2,017
|
Données de l'enquête PISA 2015
|
None
|
French
|
Spoken
| 7,813
| 30,863
|
(0.8)
(2.2)
w
(1.0)
(1.6)
(1.4)
(2.3)
(1.0)
(1.5)
(1.3)
(1.6)
(0.7)
(2.3)
(0.1)
(1.0)
m
(1.1)
(1.0)
(3.8)
(0.7)
(0.1)
(1.4)
(4.6)
(1.2)
(1.0)
(1.0)
(0.6)
(2.1)
(0.0)
(1.2)
(1.0)
(1.0)
(2.1)
(1.7)
(1.3)
Moyenne OCDE
82.4
(0.3)
17.6
(0.3)
Albanie
Algérie
Brésil
P-S-J-G (Chine)
Bulgarie
CABA (Argentine)
Colombie
Costa Rica
Croatie
Chypre*
République dominicaine
ERYM
Géorgie
Hong-Kong (Chine)
Indonésie
Jordanie
Kosovo
Liban
Lituanie
Macao (Chine)
Malte
Moldavie
Monténégro
Pérou
Qatar
Roumanie
Russie
Singapour
Taipei chinois
Thaïlande
Trinité-et-Tobago
Tunisie
Émirats arabes unis
Uruguay
Viet Nam
88.4
98.5
85.5
89.4
98.8
50.8
75.9
87.6
97.7
84.0
77.7
98.1
92.6
6.5
59.2
80.0
97.5
49.7
97.7
2.7
58.2
98.5
99.4
68.6
58.2
98.9
99.0
91.6
66.2
85.2
92.0
97.9
42.6
84.6
95.9
(1.8)
(1.0)
(1.4)
(2.1)
(0.8)
(4.7)
(1.8)
(2.3)
(1.1)
(0.1)
(1.8)
(0.0)
(0.8)
(0.3)
(1.5)
(1.1)
(0.5)
(1.6)
(1.1)
(0.0)
(0.1)
(0.9)
(0.0)
(1.8)
(0.1)
(0.8)
(0.7)
(0.7)
(0.9)
(0.7)
(0.1)
(1.0)
(1.3)
(0.8)
(1.0)
11.6
1.5
14.5
10.6
1.2
49.2
24.1
12.4
2.3
16.0
22.3
1.9
7.4
93.5
40.8
20.0
2.5
50.3
2.3
97.3
41.8
1.5
0.6
31.4
41.8
1.1
1.0
8.4
33.8
14.8
8.0
2.1
57.4
15.4
4.1
(1.8)
(1.0)
(1.4)
(2.1)
(0.8)
(4.7)
(1.8)
(2.3)
(1.1)
(0.1)
(1.8)
(0.0)
(0.8)
(0.3)
(1.5)
(1.1)
(0.5)
(1.6)
(1.1)
(0.0)
(0.1)
(0.9)
(0.0)
(1.8)
(0.1)
(0.8)
(0.7)
(0.7)
(0.9)
(0.7)
(0.1)
(1.0)
(1.3)
(0.8)
(1.0)
Argentine**
Kazakhstan**
Malaisie**
78.5
96.0
94.4
(1.7)
(1.3)
(0.7)
21.5
4.0
5.6
(1.7)
(1.3)
(0.7)
1. Par établissements publics, on entend les établissements gérés directement ou indirectement par une autorité publique en charge de l’éducation, une entité gouvernementale,
ou un conseil de direction nommé par l’État ou élu par une entité publique.
2. Par établissements privés, on entend les établissements gérés directement ou indirectement par une organisation non gouvernementale, telle qu’une église, un syndicat, une
entreprise ou autre institution privée.
* Voir la note au début de cette annexe.
** Couverture trop limitée pour garantir la comparabilité (voir l’annexe A4).
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933436498
362 ©
OCDE 2017 RÉSULTATS DU PISA 2015 (VOLUME II) : POLITIQUES ET PRATIQUES POUR DES ÉTABLISSEMENTS PERFORMANTS
RÉSULTATS DES PAYS ET ÉCONOMIES : ANNEXE B1
[Partie 1/3]
Tableau II.4.10
Scolarisation dans un établissement public, performance en sciences et caractéristiques des établissements
Résultats fondés sur les déclarations des chefs d’établissement
Tous élèves confondus
Partenaires
OCDE
Moyenne
Selon le profil socio-économique de l’établissement1
Variabilité
Quartile inférieur
Deuxième quartile
Troisième quartile
Quartile supérieur
Quartile supérieur –
quartile inférieur
Er.-T.
(3.8)
(3.6)
w
(3.3)
(7.3)
(3.8)
(8.7)
(0.2)
(2.4)
(5.0)
(4.8)
c
(6.3)
(0.0)
(8.9)
m
(1.2)
(6.6)
(9.4)
(1.4)
(0.1)
(2.8)
(8.4)
(3.5)
(1.5)
(0.8)
(1.8)
(3.5)
(0.1)
(5.5)
(6.1)
(2.8)
c
(4.7)
(4.4)
%
23.5
69.7
w
71.8
5.5
88.6
55.9
89.6
85.4
62.7
87.2
80.5
72.8
98.9
22.0
m
91.1
44.3
54.4
95.5
78.3
61.7
53.9
81.5
97.6
87.6
84.5
79.4
92.3
18.1
64.2
87.5
87.5
79.8
76.6
Er.-T.
(2.6)
(7.5)
w
(4.3)
(3.7)
(3.7)
(10.7)
(3.7)
(5.8)
(5.0)
(4.7)
(2.7)
(6.7)
(0.2)
(6.6)
m
(3.4)
(5.6)
(9.0)
(2.4)
(0.2)
(4.9)
(9.3)
(4.4)
(2.5)
(3.6)
(2.4)
(5.6)
(0.1)
(6.0)
(6.4)
(4.1)
(5.7)
(4.9)
(5.9)
Diff. de % Er.-T.
-71.8
(3.2)
-23.5
(9.1)
w
w
-28.0
(4.4)
-60.9
(7.2)
-8.0
(3.8)
-37.5
(11.5)
-9.0
(3.9)
-14.6
(5.8)
-30.8
(5.9)
-12.8
(4.7)
-19.5
(2.7)
-15.3
(7.4)
-0.1
(0.2)
-37.3
(9.2)
m
m
-6.2
(3.7)
-34.0
(8.1)
-16.4
(11.7)
-4.5
(2.4)
-6.1
(0.2)
-34.8
(5.5)
13.9
(13.3)
-18.5
(4.4)
0.7
(3.5)
-10.6
(4.1)
-12.8
(2.7)
-13.3
(6.4)
-7.7
(0.1)
-72.4
(7.8)
-31.9
(7.4)
-12.3
(4.1)
-12.5
(5.7)
-20.2
(4.9)
-23.4
(5.9)
Australie
Autriche
Belgique
Canada
Chili
République tchèque
Danemark
Estonie
Finlande
France
Allemagne
Grèce
Hongrie
Islande
Irlande
Israël
Italie
Japon
Corée
Lettonie
Luxembourg
Mexique
Pays-Bas
Nouvelle-Zélande
Norvège
Pologne
Portugal
République slovaque
Slovénie
Espagne
Suède
Suisse
Turquie
Royaume-Uni
États-Unis
%
56.3
87.4
w
90.3
36.9
91.8
76.8
95.8
95.5
79.0
92.7
95.1
82.0
99.4
42.7
m
95.9
68.2
65.3
98.0
84.4
87.5
39.9
93.4
98.1
96.5
94.5
88.4
97.4
68.7
82.1
93.9
95.2
93.7
92.3
Er.-T.
(0.8)
(2.2)
w
(1.0)
(1.6)
(1.4)
(2.3)
(1.0)
(1.5)
(1.3)
(1.6)
(0.7)
(2.3)
(0.1)
(1.0)
m
(1.1)
(1.0)
(3.8)
(0.7)
(0.1)
(1.4)
(4.6)
(1.2)
(1.0)
(1.0)
(0.6)
(2.1)
(0.0)
(1.2)
(1.0)
(1.0)
(2.1)
(1.7)
(1.3)
Éc.-T.
49.6
33.2
w
29.6
48.2
27.4
42.2
20.1
20.7
40.7
26.0
21.6
38.4
7.6
49.5
m
19.8
46.6
47.6
13.9
36.3
33.0
49.0
24.7
13.5
18.3
22.8
32.0
15.8
46.4
38.3
23.9
21.3
24.3
26.6
Er.-T.
(0.1)
(2.5)
w
(1.4)
(0.4)
(2.2)
(1.4)
(2.4)
(3.4)
(0.9)
(2.7)
(1.4)
(1.9)
(0.4)
(0.1)
m
(2.7)
(0.4)
(1.2)
(2.3)
(0.1)
(1.6)
(1.0)
(2.2)
(3.4)
(2.4)
(1.2)
(2.5)
(0.1)
(0.5)
(0.8)
(1.9)
(4.6)
(3.0)
(2.1)
%
95.3
93.2
w
99.8
66.4
96.7
93.4
98.6
100.0
93.5
100.0
100.0
88.1
99.0
59.2
m
97.3
78.3
70.9
100.0
84.4
96.5
40.0
100.0
96.8
98.2
97.4
92.6
100.0
90.6
96.0
99.8
100.0
100.0
100.0
Er.-T.
(1.7)
(4.3)
w
(0.2)
(6.1)
(2.6)
(3.2)
(1.2)
c
(3.2)
c
c
(2.5)
(0.2)
(6.9)
m
(1.5)
(5.2)
(7.1)
(0.2)
(0.1)
(2.5)
(10.9)
c
(2.5)
(1.8)
(1.3)
(3.3)
c
(4.1)
(2.5)
(0.0)
c
c
c
%
71.8
95.2
w
94.6
44.4
95.7
81.3
98.6
100.0
80.2
92.6
100.0
93.4
100.0
60.0
m
96.6
79.0
70.5
98.5
82.4
96.3
40.3
100.0
100.0
100.0
98.8
89.1
100.0
95.8
96.7
100.0
93.4
96.7
95.5
Er.-T.
(3.5) (3.5) w (3.5) (7.8) (2.8) (6.8) (1.4) c (5.5) (3.9) c (4.0) c (6.9) m (2.4) (5.3) (7.8) (1.5) (0.1) (2.2) (10.2) c (1.3) c (1.2) (4.3) c (3.1) (3.6) c (6.5) (5.5) (4.7) % 37.2 92.0 w 95.8 32.8 86.5 76.4 96.2 96.7 81.3 91.1 100.0 74.5 99.7 29.4 m 98.4 71.1 65.5 98.1 92.3 95.7 23.4 94.0 98.2 100.0 97.5 92.4 97.5 70.3 71.7 88.0 100.0 98.3 97.3 Moyenne OCDE 82.4 (0.3) 31.1 (0.3) 90.8 (0.7) 88.1 (0.8) 81.6 (0.9) 69.0 (0.9) -21.8 (1.1) Albanie Algérie Brésil P-S-J-G (Chine) Bulgarie CABA (Argentine) Colombie Costa Rica Croatie Chypre* République dominicaine ERYM Géorgie Hong-Kong (Chine) Indonésie Jordanie Kosovo Liban Lituanie Macao (Chine) Malte Moldavie Monténégro Pérou Qatar Roumanie Russie Singapour Taipei chinois Thaïlande Trinité-et-Tobago Tunisie Émirats arabes unis Uruguay Viet Nam 88.4 98.5 85.5 89.4 98.8 50.8 75.9 87.6 97.7 84.0 77.7 98.1 92.6 6.5 59.2 80.0 97.5 49.7 97.7 2.7 58.2 98.5 99.4 68.6 58.2 98.9 99.0 91.6 66.2 85.2 92.0 97.9 42.6 84.6 95.9 (1.8) (1.0) (1.4) (2.1) (0.8) (4.7) (1.8) (2.3) (1.1) (0.1) (1.8) (0.0) (0.8) (0.3) (1.5) (1.1) (0.5) (1.6) (1.1) (0.0) (0.1) (0.9) (0.0) (1.8) (0.1) (0.8) (0.7) (0.7) (0.9) (0.7) (0.1) (1.0) (1.3) (0.8) (1.0) 32.1 12.0 35.2 30.8 10.9 50.0 42.7 33.0 15.0 36.7 41.6 13.5 26.2 24.7 49.2 40.0 15.5 50.0 15.0 16.3 49.3 12.3 7.6 46.4 49.3 10.3 10.1 27.7 47.3 35.5 27.1 14.4 49.4 36.1 19.7 (2.1) (4.4) (1.5) (2.6) (3.5) (0.2) (1.1) (2.7) (3.7) (0.1) (1.2) (0.1) (1.3) (0.5) (0.3) (0.8) (1.5) (0.0) (3.6) (0.1) (0.0) (3.5) (0.3) (0.7) (0.0) (3.9) (3.3) (1.0) (0.3) (0.7) (0.2) (3.4) (0.2) (0.7) (2.3) 90.1 96.3 99.6 91.7 100.0 96.8 95.4 84.6 100.0 93.9 98.5 100.0 99.4 6.4 48.2 88.7 100.0 89.4 100.0 9.3 99.1 99.1 97.7 96.7 73.0 100.0 100.0 100.0 48.8 91.9 95.0 98.7 58.2 100.0 99.7 (6.8) (3.6) (0.4) (3.7) c (9.5) (3.0) (4.9) (1.8) (0.3) (1.5) c (0.4) (0.9) (7.2) (3.2) c (3.6) c (0.1) (0.2) (1.3) (0.2) (2.0) (0.3) c c c (6.1) (3.8) (0.3) (1.1) (5.7) c (0.3) 87.9 100.0 99.8 85.6 100.0 61.5 91.9 89.8 96.0 100.0 97.9 100.0 99.9 4.8 63.9 86.7 100.0 75.3 100.0 0.0 92.8 100.0 100.0 92.4 54.0 98.3 100.0 94.1 76.5 84.9 98.6 100.0 62.3 100.0 96.6 (8.1) c (0.3) (5.6) c (16.4) (3.8) (5.0) (2.9) c (1.4) c (0.0) (1.8) (7.0) (3.9) c (5.3) c c (0.1) (0.1) c (3.6) (0.3) (1.7) c (2.0) (7.0) (4.1) (0.1) c (4.6) c (5.3) 81.7 100.0 97.2 95.8 100.0 25.9 83.5 81.2 100.0 92.0 82.8 100.0 94.6 5.0 72.6 92.6 98.7 30.5 100.0 0.6 39.3 98.2 100.0 67.7 75.7 100.0 98.1 97.3 72.5 84.2 81.2 100.0 38.9 100.0 90.8 (10.9) c (1.5) (6.2) c (13.1) (5.4) (5.5) c (0.1) (6.8) c (2.2) (4.0) (5.5) (3.7) (1.8) (6.6) (1.8) (0.0) (0.3) (1.8) c (6.3) (0.3) c (1.4) (0.0) (6.7) (4.7) (0.6) c (5.0) (2.5) (5.5) 93.0 97.7 48.8 84.3 95.1 16.2 35.1 94.6 94.7 50.1 32.6 92.0 75.4 9.9 51.8 51.6 91.4 3.8 90.7 1.0 0.0 96.5 100.0 18.6 29.1 97.3 97.8 75.3 67.2 79.9 92.4 92.6 9.6 38.6 96.6 (4.1) (2.2) (5.0) (6.5) (3.1) (12.2) (5.1) (3.3) (3.5) (0.3) (6.4) (0.1) (3.7) (3.8) (8.0) (4.3) (2.1) (2.4) (4.1) (0.0) c (2.6) c (5.5) (0.3) (2.7) (2.2) (4.5) (6.1) (3.7) (0.5) (4.1) (3.3) (3.4) (3.1) 3.0 1.4 -50.8 -7.4 -4.9 -80.6 -60.3 9.9 -5.3 -43.8 -66.0 -8.0 -24.0 3.5 3.6 -37.1 -8.6 -85.6 -9.3 -8.3 -99.1 -2.6 2.3 -78.1 -43.9 -2.7 -2.2 -24.7 18.4 -12.0 -2.6 -6.1 -48.6 -61.4 -3.2 (8.3) (4.2) (5.0) (7.4) (3.1) (13.2) (5.7) (5.7) (4.0) (0.4) (6.5) (0.1) (3.9) (3.9) (12.6) (5.4) (2.1) (4.5) (4.1) (0.1) (0.2) (2.9) (0.2) (6.2) (0.4) (2.7) (2.2) (4.5) (9.1) (6.0) (0.6) (4.2) (6.7) (3.4) (3.1) Argentine** Kazakhstan** Malaisie** 78.5 96.0 94.4 (1.7) (1.3) (0.7) 41.1 19.7 23.0 (1.2) (3.1) (1.3) 91.9 97.8 100.0 (4.3) (1.5) c 94.6 95.0 97.5 (1.6) (4.3) (2.4) 75.5 94.8 95.4 (7.9) (4.4) (4.4) 50.8 96.2 84.6 (6.9) (3.0) (4.3) -41.2 -1.6 -15.4 (8.6) (3.6) (4.3) 1. Remarque : Les valeurs statistiquement significatives sont indiquées en gras (voir l’annexe A3).
* Voir la note au début de cette annexe.
** Couverture trop limitée pour garantir la comparabilité (voir l’annexe A4).
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933436498
RÉSULTATS DU PISA 2015 (VOLUME II) : POLITIQUES ET PRATIQUES POUR DES ÉTABLISSEMENTS PERFORMANTS © OCDE 2017
363
ANNEXE B1 : RÉSULTATS DES PAYS ET ÉCONOMIES
[Partie 2/3]
Tableau II.4.10
Scolarisation dans un établissement public, performance en sciences et caractéristiques des établissements
Résultats fondés sur les déclarations des chefs d’établissement
Partenaires
OCDE
Selon la localisation de l’établissement
Village, hameau
ou collectivité
rurale (moins de
3 000 habitants)
Petite ville (de 3 000
à 100 000 habitants Grande ville (plus de
environ)
100 000 habitants)
Australie
Autriche
Belgique
Canada
Chili
République tchèque
Danemark
Estonie
Finlande
France
Allemagne
Grèce
Hongrie
Islande
Irlande
Israël
Italie
Japon
Corée
Lettonie
Luxembourg
Mexique
Pays-Bas
Nouvelle-Zélande
Norvège
Pologne
Portugal
République slovaque
Slovénie
Espagne
Suède
Suisse
Turquie
Royaume-Uni
États-Unis
%
78.5
90.8
w
99.9
81.5
97.0
60.2
97.6
100.0
65.8
82.2
95.8
89.6
100.0
58.9
m
98.2
m
m
100.0
m
97.4
m
82.8
100.0
98.7
100.0
98.1
85.5
96.2
93.0
82.4
100.0
86.5
93.2
Er.-T.
(7.1)
(5.6)
w
(0.1)
(14.5)
(2.1)
(8.6)
(2.4)
c
(13.4)
(10.0)
(3.1)
(9.9)
c
(8.0)
m
(1.3)
m
m
c
m
(2.5)
m
(13.6)
c
(1.2)
(0.0)
(1.6)
(1.1)
(3.9)
(5.4)
(8.0)
c
(8.3)
(6.0)
%
59.8
92.5
w
92.4
48.4
94.3
83.4
95.0
100.0
81.4
95.2
96.3
85.2
100.0
44.4
m
98.1
85.6
60.1
97.5
93.1
94.4
37.6
96.1
97.9
98.8
97.8
87.7
99.1
79.1
87.0
95.3
98.4
95.4
91.7
Er.-T.
(3.0)
(2.5)
w
(1.9)
(5.7)
(1.8)
(2.9)
(1.5)
c
(2.2)
(1.5)
(1.7)
(3.5)
c
(4.0)
m
(0.8)
(4.2)
(12.9)
(1.3)
(0.1)
(1.9)
(5.3)
(2.6)
(1.2)
(1.2)
(1.4)
(2.5)
(0.0)
(2.5)
(2.3)
(1.4)
(1.4)
(2.0)
(2.8)
%
53.7
77.8
w
87.5
29.7
82.7
65.9
95.3
84.1
78.0
90.1
94.1
77.9
98.0
24.7
m
90.5
61.5
66.3
97.4
72.8
78.8
45.2
92.0
97.1
90.1
80.4
78.6
94.7
46.7
68.8
92.9
93.2
90.5
93.0
Er.-T.
(1.4)
(5.5)
w
(1.9)
(3.0)
(4.0)
(8.4)
(1.6)
(5.1)
(4.3)
(3.9)
(2.2)
(4.1)
(0.2)
(6.1)
m
(3.6)
(2.0)
(4.1)
(0.7)
(0.1)
(2.3)
(8.6)
(2.0)
(3.0)
(3.0)
(4.8)
(7.6)
(0.1)
(5.1)
(4.4)
(5.4)
(3.4)
(3.7)
(3.8)
Moyenne OCDE
90.0
(1.2)
85.3
(0.6)
77.1
Albanie
Algérie
Brésil
P-S-J-G (Chine)
Bulgarie
CABA (Argentine)
Colombie
Costa Rica
Croatie
Chypre*
République dominicaine
ERYM
Géorgie
Hong-Kong (Chine)
Indonésie
Jordanie
Kosovo
Liban
Lituanie
Macao (Chine)
Malte
Moldavie
Monténégro
Pérou
Qatar
Roumanie
Russie
Singapour
Taipei chinois
Thaïlande
Trinité-et-Tobago
Tunisie
Émirats arabes unis
Uruguay
Viet Nam
94.9
100.0
100.0
94.1
100.0
m
87.7
95.9
m
77.4
94.9
100.0
99.7
m
48.7
90.5
96.8
61.4
100.0
m
60.0
99.1
m
88.3
90.5
100.0
100.0
m
m
82.0
96.9
100.0
93.9
100.0
96.7
(0.9)
c
c
(8.6)
c
m
(6.5)
(2.9)
m
(0.2)
(3.1)
c
(0.2)
m
(5.0)
(5.9)
(0.2)
(6.8)
c
m
(0.2)
(0.8)
m
(3.7)
(0.3)
c
c
m
m
(4.2)
(0.3)
c
(5.6)
c
(1.8)
91.3
98.7
93.4
94.9
98.9
m
90.6
87.8
99.9
85.9
80.3
98.9
93.3
m
67.7
82.9
98.9
50.9
98.9
m
57.5
100.0
100.0
65.4
64.0
99.3
100.0
m
66.6
86.3
91.1
99.0
66.5
92.3
95.8
(2.2)
(1.3)
(1.6)
(2.3)
(1.1)
m
(2.8)
(2.6)
(0.1)
(0.1)
(3.4)
(0.0)
(1.6)
m
(3.3)
(2.6)
(0.3)
(3.3)
(0.9)
m
(0.1)
c
c
(3.1)
(0.2)
(0.7)
c
m
(4.1)
(1.7)
(0.1)
(0.6)
(4.9)
(1.5)
(2.7)
78.9
96.5
77.1
81.9
98.6
51.0
63.2
70.0
95.8
81.2
59.2
96.7
87.1
6.5
45.5
71.6
94.8
37.4
95.1
2.7
m
93.9
100.0
49.1
49.9
97.8
98.0
91.8
65.5
87.4
m
95.0
26.8
71.8
94.8
Argentine**
Kazakhstan**
Malaisie**
93.3
100.0
100.0
(4.5)
c
c
82.0
99.8
95.7
(3.1)
(0.2)
(2.6)
71.3
90.7
90.5
Selon le niveau d’enseignement
Zone urbaine –
zone rurale
Premier cycle
du secondaire
(CITE 2)
Deuxième cycle
du secondaire
(CITE 3)
Er.-T.
(7.3)
(7.9)
w
(1.9)
(15.0)
(4.3)
(12.1)
(2.9)
(5.1)
(13.6)
(10.7)
(3.8)
(11.2)
(0.2)
(11.1)
m
(3.8)
m
m
(0.7)
m
(3.0)
m
(14.2)
(3.0)
(3.3)
(4.8)
(7.6)
(1.1)
(6.7)
(7.3)
(11.2)
(3.4)
(9.6)
(7.8)
%
55.4
95.3
w
79.4
70.7
97.6
76.7
95.8
95.5
79.4
92.5
100.0
90.9
99.4
43.4
m
100.0
m
78.7
98.1
87.2
90.1
40.4
92.2
98.1
96.5
98.8
92.9
100.0
68.8
81.8
95.0
100.0
100.0
94.1
Er.-T.
(0.8)
(3.3)
w
(2.6)
(5.7)
(0.8)
(2.3)
(1.0)
(1.5)
(2.9)
(1.7)
c
(3.6)
(0.1)
(1.2)
m
c
m
(6.1)
(0.7)
(0.1)
(2.1)
(5.3)
(3.5)
(1.0)
(1.0)
(0.9)
(2.1)
c
(1.2)
(1.0)
(1.0)
c
c
(1.7)
%
60.8
87.2
w
91.7
34.8
84.8
m
94.7
m
78.9
99.1
94.8
81.0
m
41.4
m
95.9
68.2
64.0
95.9
80.7
85.9
38.4
93.5
m
m
92.2
84.4
97.3
m
100.0
90.1
95.1
93.7
92.2
Er.-T.
(2.2)
(2.2)
w
(0.9)
(1.6)
(2.8)
m
(4.0)
m
(1.3)
(0.8)
(0.7)
(2.5)
m
(1.4)
m
(1.2)
(1.0)
(4.2)
(4.0)
(0.1)
(1.8)
(6.1)
(1.2)
m
m
(0.7)
(3.5)
(0.0)
m
c
(1.9)
(2.2)
(1.7)
(1.3)
Diff. de %
5.3
-8.0
w
12.3
-35.9
-12.8
m
-1.1
m
-0.5
6.6
-5.2
-9.9
m
-2.0
m
-4.1
m
-14.7
-2.2
-6.5
-4.2
-2.0
1.4
m
m
-6.6
-8.5
-2.7
m
18.2
-4.8
-4.9
-6.3
-2.0
Er.-T.
(2.2)
(3.4)
w
(2.3)
(6.0)
(2.7)
m
(4.1)
m
(3.0)
(1.5)
(0.7)
(4.3)
m
(1.7)
m
(1.2)
m
(7.5)
(4.0)
(0.2)
(2.8)
(6.8)
(2.9)
m
m
(1.1)
(3.9)
(0.0)
m
(1.0)
(1.7)
(2.2)
(1.7)
(1.3)
(0.7)
-9.9
(1.5)
86.4
(0.4)
80.7
(0.5)
-4.6
(0.7)
(7.0)
(3.3)
(3.1)
(4.4)
(1.1)
(5.1)
(3.1)
(9.2)
(2.5)
(0.2)
(7.8)
(0.0)
(1.9)
(0.3)
(7.5)
(4.4)
(1.6)
(6.0)
(2.7)
(0.0)
m
(4.2)
c
(7.7)
(0.1)
(2.2)
(1.3)
(0.8)
(2.6)
(5.7)
m
(3.2)
(2.8)
(2.5)
(2.8)
-16.0
-3.5
-22.9
-12.1
-1.4
m
-24.5
-25.9
m
3.8
-35.7
-3.3
-12.6
m
-3.2
-18.8
-2.0
-24.0
-4.9
m
m
-5.3
m
-39.2
-40.6
-2.2
-2.0
m
m
5.5
m
-5.0
-67.1
-28.2
-2.0
(7.0)
(3.3)
(3.1)
(9.6)
(1.1)
m
(7.5)
(8.7)
m
(0.3)
(8.2)
(0.0)
(1.9)
m
(9.3)
(8.1)
(1.6)
(9.8)
(2.7)
m
m
(4.2)
m
(9.0)
(0.3)
(2.2)
(1.3)
m
m
(8.5)
m
(3.2)
(6.4)
(2.5)
(3.3)
94.1
98.8
92.5
88.2
100.0
50.8
81.1
86.6
m
95.0
94.2
m
96.1
6.4
63.7
80.0
99.6
63.1
97.7
3.2
m
98.7
100.0
81.4
62.0
98.9
99.5
87.7
89.3
88.6
92.0
97.4
45.5
96.3
98.5
(1.5)
(1.1)
(2.0)
(1.5)
c
(4.5)
(2.1)
(2.5)
m
(0.7)
(1.6)
m
(0.9)
(0.3)
(1.6)
(1.1)
(0.2)
(3.2)
(1.1)
(0.1)
m
(0.8)
c
(1.6)
(0.3)
(0.8)
(0.5)
(14.0)
(0.7)
(1.8)
(0.2)
(1.5)
(3.8)
(0.4)
(2.0)
85.0
97.5
83.9
91.2
98.8
51.4
72.6
88.7
97.7
83.3
73.4
98.1
91.5
6.6
54.1
m
96.8
44.4
m
2.3
58.1
94.9
99.4
64.4
57.2
m
95.8
91.8
53.7
84.1
92.1
98.2
42.2
77.5
95.7
(2.8)
(2.5)
(1.6)
(4.4)
(0.8)
(18.8)
(2.1)
(2.6)
(1.1)
(0.1)
(2.1)
(0.0)
(0.9)
(0.3)
(2.6)
m
(0.6)
(1.7)
m
(0.1)
(0.1)
(5.1)
(0.0)
(2.1)
(0.1)
m
(2.5)
(0.4)
(1.1)
(0.8)
(0.1)
(1.3)
(1.6)
(1.2)
(1.0)
-9.1
-1.3
-8.6
3.0
-1.2
0.6
-8.5
2.1
m
-11.7
-20.8
m
-4.6
0.2
-9.6
m
-2.8
-18.7
m
-0.9
m
-3.8
-0.6
-17.1
-4.8
m
-3.6
4.2
-35.6
-4.5
0.1
0.8
-3.4
-18.8
-2.8
(3.5)
(2.7)
(2.3)
(4.3)
(0.8)
(18.1)
(2.5)
(2.1)
m
(0.7)
(2.6)
m
(0.8)
(0.4)
(3.2)
m
(0.6)
(3.7)
m
(0.1)
m
(5.0)
(0.0)
(2.2)
(0.3)
m
(2.4)
(13.7)
(1.4)
(2.1)
(0.3)
(1.9)
(4.5)
(1.3)
(1.9)
(3.6)
(3.1)
(2.2)
-22.0
-9.3
-9.5
(5.8)
(3.1)
(2.2)
82.3
99.6
96.8
(1.8)
(0.5)
(2.7)
76.1
99.7
94.3
(2.3)
(0.2)
(0.7)
-6.2
0.2
-2.5
(2.7)
(0.3)
(2.7)
1. Remarque : Les valeurs statistiquement significatives sont indiquées en gras (voir l’annexe A3).
* Voir la note au début de cette annexe.
** Couverture trop limitée pour garantir la comparabilité (voir l’annexe A4).
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933436498
364 ©
CITE 3 – CITE 2
Diff. de %
-24.8
-13.0
w
-12.4
-51.8
-14.3
5.7
-2.3
-15.9
12.2
8.0
-1.7
-11.7
-2.0
-34.2
m
-7.7
m
m
-2.6
m
-18.7
m
9.1
-2.9
-8.7
-19.6
-19.6
9.2
-49.5
-24.2
10.5
-6.8
4.0
-0.3
OCDE 2017 RÉSULTATS DU PISA 2015 (VOLUME II) : POLITIQUES ET PRATIQUES POUR DES ÉTABLISSEMENTS PERFORMANTS
RÉSULTATS DES PAYS ET ÉCONOMIES : ANNEXE B1
[Partie 3/3]
Tableau II.4.10
Scolarisation dans un établissement public, performance en sciences et caractéristiques des établissements
Résultats fondés sur les déclarations des chefs d’établissement
Avant contrôle du profil socio-économique des élèves et des établissements1
Partenaires
OCDE
Évolution du score en sciences
lorsque l’élève est scolarisé dans
un établissement public
Variance expliquée
de la performance des élèves
(r-carré x 100)
Après contrôle du profil socio-économique des élèves et des établissements
Évolution du score en sciences
lorsque l’élève est scolarisé dans
un établissement public
Variance expliquée
de la performance des élèves
(r-carré x 100)
Diff. de score
-43
-25
w
-37
-46
-7
-16
-9
-42
-27
-46
-68
-19
c
-26
m
7
16
-20
-11
0
-30
4
-67
1
-67
-50
-22
-64
-30
-15
-16
-4
-65
-17
Er.-T.
(3.5)
(15.6)
w
(7.4)
(4.8)
(10.8)
(9.0)
(14.2)
(16.0)
(7.2)
(8.8)
(11.3)
(9.9)
c
(4.6)
m
(17.8)
(5.9)
(8.3)
(18.2)
(2.9)
(8.3)
(13.0)
(11.1)
(22.7)
(12.0)
(12.2)
(15.4)
(10.4)
(4.5)
(8.1)
(13.3)
(20.0)
(10.7)
(9.8)
%
4.5
0.7
w
1.5
6.5
0.0
0.5
0.0
0.8
1.2
1.5
2.5
0.6
0.0
2.1
m
0.0
0.7
1.0
0.0
0.0
2.0
0.0
2.7
0.0
1.9
1.6
0.5
1.1
2.4
0.3
0.1
0.0
2.6
0.2
Er.-T.
(0.7)
(0.9)
w
(0.6)
(1.4)
(0.2)
(0.6)
(0.2)
(0.7)
(0.6)
(0.8)
(0.7)
(0.6)
(0.1)
(0.7)
m
(0.2)
(0.5)
(0.9)
(0.1)
(0.0)
(1.0)
(0.4)
(1.0)
(0.1)
(0.7)
(0.6)
(0.7)
(0.4)
(0.7)
(0.3)
(0.3)
(0.3)
(0.9)
(0.3)
Diff. de score
0
20
w
-10
-4
26
-2
21
-17
21
-15
37
14
c
-11
m
41
50
-7
10
16
16
-5
-7
1
-18
8
2
8
8
15
31
61
6
26
Er.-T.
(4.0)
(8.9)
w
(6.0)
(5.8)
(7.0)
(6.9)
(9.7)
(11.7)
(5.8)
(11.0)
(10.7)
(5.6)
c
(4.3)
m
(14.7)
(5.2)
(5.8)
(14.8)
(2.9)
(5.5)
(8.8)
(15.2)
(20.3)
(6.7)
(12.7)
(7.2)
(10.2)
(4.2)
(7.2)
(15.6)
(18.0)
(5.9)
(16.2)
%
16.6
31.8
w
11.6
26.6
33.7
11.7
11.1
10.9
38.8
35.4
24.1
44.2
5.1
15.2
m
25.1
33.9
18.0
12.4
34.7
17.7
36.0
19.6
8.7
15.5
20.0
30.4
35.5
14.4
16.6
24.9
28.9
19.2
14.6
Er.-T.
(1.1)
(1.8)
w
(1.0)
(1.6)
(2.1)
(1.4)
(1.3)
(1.4)
(2.3)
(2.3)
(2.7)
(2.2)
(0.8)
(1.3)
m
(2.4)
(2.2)
(2.1)
(1.4)
(1.0)
(2.0)
(4.7)
(1.9)
(0.9)
(1.5)
(2.0)
(2.3)
(1.3)
(1.2)
(1.7)
(2.0)
(4.1)
(1.8)
(1.7)
Moyenne OCDE
-28
(2.1)
1.4
(0.1)
10
(1.8)
22.9
(0.4)
Albanie
Algérie
Brésil
P-S-J-G (Chine)
Bulgarie
CABA (Argentine)
Colombie
Costa Rica
Croatie
Chypre*
République dominicaine
ERYM
Géorgie
Hong-Kong (Chine)
Indonésie
Jordanie
Kosovo
Liban
Lituanie
Macao (Chine)
Malte
Moldavie
Monténégro
Pérou
Qatar
Roumanie
Russie
Singapour
Taipei chinois
Thaïlande
Trinité-et-Tobago
Tunisie
Émirats arabes unis
Uruguay
Viet Nam
m
c
-94
-6
c
-47
-53
6
-17
-36
-51
-59
-56
16
16
-30
-49
-61
-72
c
-79
c
c
-59
-74
c
c
-17
47
28
-32
8
-76
-86
44
m
c
(8.5)
(15.1)
c
(12.7)
(7.2)
(8.5)
(16.6)
(3.1)
(8.1)
(5.6)
(5.9)
(6.5)
(6.0)
(6.0)
(13.3)
(6.9)
(31.8)
c
(3.3)
c
c
(5.3)
(1.5)
c
c
(9.5)
(5.3)
(9.5)
(5.8)
(19.9)
(5.2)
(5.1)
(9.6)
m
1.1
13.8
0.0
0.1
7.4
8.2
0.1
0.1
2.1
8.6
0.9
2.6
0.3
1.3
2.0
1.1
11.2
1.4
1.0
11.4
0.5
0.1
12.6
13.9
0.1
0.1
0.2
5.0
1.6
0.9
0.0
13.9
12.8
1.3
m
(1.8)
(2.4)
(0.2)
(0.1)
(3.9)
(2.1)
(0.3)
(0.2)
(0.4)
(2.6)
(0.2)
(0.6)
(0.2)
(1.0)
(0.8)
(0.6)
(2.4)
(1.5)
(0.3)
(0.9)
(0.9)
(0.1)
(2.1)
(0.5)
(0.2)
(0.2)
(0.2)
(1.0)
(1.1)
(0.3)
(0.2)
(1.8)
(1.5)
(0.7)
m
c
-25
9
c
17
-4
-4
-2
14
13
-14
-12
16
16
-3
17
-17
-10
c
13
c
c
-3
-58
c
c
60
41
41
-14
44
-53
21
52
m
c
(9.9)
(14.8)
c
(10.6)
(6.2)
(5.3)
(11.8)
(3.7)
(9.2)
(6.2)
(7.6)
(6.0)
(4.6)
(6.8)
(13.1)
(7.1)
(25.0)
c
(5.7)
c
c
(4.7)
(1.5)
c
c
(8.5)
(3.5)
(5.9)
(5.4)
(17.7)
(4.8)
(8.0)
(8.6)
m
10.4
22.2
34.7
39.2
33.6
20.3
22.4
26.0
17.4
26.4
14.2
15.0
13.3
24.7
12.6
14.3
19.5
21.4
2.9
22.5
14.2
17.1
29.9
21.9
23.4
9.7
28.3
32.3
21.3
36.6
19.3
21.2
26.6
21.1
m
(3.3)
(2.2)
(3.0)
(2.8)
(3.7)
(2.5)
(2.1)
(2.0)
(0.9)
(3.2)
(1.1)
(1.6)
(1.8)
(3.0)
(2.2)
(1.5)
(3.2)
(2.4)
(0.5)
(1.2)
(1.7)
(0.9)
(2.2)
(0.7)
(2.9)
(1.8)
(1.2)
(2.4)
(3.0)
(1.2)
(3.7)
(2.1)
(1.9)
(4.4)
Argentine**
Kazakhstan**
Malaisie**
-45
15
-37
(7.5)
(15.4)
(29.9)
5.3
0.2
1.2
(1.8)
(0.3)
(2.1)
-13
22
6
(5.7)
(12.5)
(20.6)
19.4
9.1
18.2
(2.2)
(2.4)
(2.3)
Australie
Autriche
Belgique
Canada
Chili
République tchèque
Danemark
Estonie
Finlande
France
Allemagne
Grèce
Hongrie
Islande
Irlande
Israël
Italie
Japon
Corée
Lettonie
Luxembourg
Mexique
Pays-Bas
Nouvelle-Zélande
Norvège
Pologne
Portugal
République slovaque
Slovénie
Espagne
Suède
Suisse
Turquie
Royaume-Uni
États-Unis
1. Remarque : Les valeurs statistiquement significatives sont indiquées en gras (voir l’annexe A3).
* Voir la note au début de cette annexe.
** Couverture trop limitée pour garantir la comparabilité (voir l’annexe A4).
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933436498
RÉSULTATS DU PISA 2015 (VOLUME II) : POLITIQUES ET PRATIQUES POUR DES ÉTABLISSEMENTS PERFORMANTS © OCDE 2017
365
ANNEXE B1 : RÉSULTATS DES PAYS ET ÉCONOMIES
[Partie 1/1]
Tableau II.4.15
Critères retenus pour le choix de l’établissement
Résultats fondés sur les déclarations des parents
Pourcentage d’élèves dont les parents ont indiqué considérer les critères suivants comme « importants » ou « très importants »
lors du choix de l’établissement de leur enfant :
Partenaires
OCDE
Les frais sont
D’autres
peu élevés
membres
(par ex. droits
L’établissement L’établissement
de la famille
de scolarité,
propose
adhère à une L’établissement fréquentent cet
coût des
L’établissement L’établissement des cours ou
philosophie a une approche établissement, manuels, frais
est proche de
a bonne
des matières
religieuse
pédagogique
ou l’ont
de logement et
notre domicile
réputatio
spécifiques
particulière
particulière
fréquenté
de nourriture)
L’établissement
propose une
Il règne dans
aide financière l’établissement
(par ex. prêt une ambiance
scolaire, bourse dynamique
ou subvention)
et agréable
Les résultats
scolaires
des élèves de
l’établissement
sont bons
La sécurité
y est bonne
%
Australie
Autriche
Belgique (Fl. Comm.)
Canada
Chili
République tchèque
Danemark
Estonie
Finlande
France
Allemagne
Grèce
Hongrie
Islande
Irlande
Israël
Italie
Japon
Corée
Lettonie
Luxembourg
Mexique
Pays-Bas
Nouvelle-Zélande
Norvège
Pologne
Portugal
Écosse (RU)
République slovaque
Slovénie
Espagne
Suède
Suisse
Turquie
États-Unis
Er.-T.
m
m
m
m
52.8 (1.4)
m
m
53.7 (1.4)
m
m
m
m
m
m
m
m
61.8 (0.9)
61.9 (1.1)
m
m
m
m
m
m
46.2 (1.3)
m
m
27.2 (0.9)
m
m
69.3 (0.9)
m
m
55.9 (0.9)
67.7 (1.0)
m
m
m
m
m
m
m
m
72.9 (1.1)
45.5 (1.3)
m
m
m
m
69.1 (1.2)
m
m
m
m
m
m
m
m
% Er.-T.
m
m
m
m
93.5 (0.4)
m
m
91.7 (0.5)
m
m
m
m
m
m
m
m
90.6 (0.4)
87.2 (0.7)
m
m
m
m
m
m
97.1 (0.3)
m
m
80.8 (0.7)
m
m
87.3 (0.6)
m
m
90.6 (0.5)
89.6 (0.5)
m
m
m
m
m
m
m
m
93.8 (0.4)
95.0 (0.6)
m
m
m
m
92.2 (0.5)
m
m
m
m
m
m
m
m
% Er.-T.
m
m
m
m
93.0 (0.4)
m
m
84.0 (0.7)
m
m
m
m
m
m
m
m
67.8 (0.8)
73.3 (1.0)
m
m
m
m
m
m
84.9 (0.6)
m
m
73.3 (0.7)
m
m
75.5 (0.7)
m
m
78.3 (0.8)
83.4 (0.6)
m
m
m
m
m
m
m
m
91.7 (0.4)
76.9 (1.0)
m
m
m
m
84.4 (0.6)
m
m
m
m
m
m
m
m
% Er.-T.
m
m
m
m
24.7 (1.0)
m
m
36.6 (1.5)
m
m
m
m
m
m
m
m
9.5 (0.7)
14.1 (0.9)
m
m
m
m
m
m
29.4 (0.8)
m
m
21.2 (0.8)
m
m
20.4 (0.7)
m
m
14.4 (0.5)
16.8 (0.6)
m
m
m
m
m
m
m
m
24.1 (0.8)
15.9 (2.0)
m
m
m
m
28.0 (1.2)
m
m
m
m
m
m
m
m
% Er.-T.
m
m
m
m
14.7 (0.7)
m
m
46.6 (0.9)
m
m
m
m
m
m
m
m
12.8 (0.5)
18.1 (0.8)
m
m
m
m
m
m
83.0 (0.6)
m
m
29.8 (0.7)
m
m
65.9 (0.8)
m
m
27.7 (0.7)
65.2 (0.7)
m
m
m
m
m
m
m
m
37.7 (0.8)
19.7 (1.4)
m
m
m
m
69.0 (1.0)
m
m
m
m
m
m
m
m
% Er.-T.
m
m
m
m
19.5 (0.8)
m
m
39.5 (1.0)
m
m
m
m
m
m
m
m
24.5 (0.6)
17.8 (0.7)
m
m
m
m
m
m
40.1 (1.0)
m
m
20.7 (0.7)
m
m
13.8 (0.6)
m
m
27.3 (0.7)
41.7 (1.0)
m
m
m
m
m
m
m
m
39.0 (1.0)
39.1 (1.4)
m
m
m
m
43.2 (0.9)
m
m
m
m
m
m
m
m
% Er.-T.
m
m
m
m
18.9 (0.6)
m
m
60.3 (0.8)
m
m
m
m
m
m
m
m
41.4 (0.8)
22.8 (0.8)
m
m
m
m
m
m
41.9 (1.1)
m
m
29.6 (0.8)
m
m
44.7 (0.8)
m
m
31.7 (0.8)
64.9 (0.8)
m
m
m
m
m
m
m
m
63.6 (0.8)
29.8 (1.1)
m
m
m
m
57.2 (1.0)
m
m
m
m
m
m
m
m
% Er.-T.
m
m
m
m
21.3 (0.7)
m
m
63.0 (0.8)
m
m
m
m
m
m
m
m
m
m
17.4 (0.7)
m
m
m
m
m
m
28.9 (0.8)
m
m
m
m
m
m
46.9 (0.9)
m
m
31.8 (0.7)
69.4 (0.8)
m
m
m
m
m
m
m
m
59.5 (1.0)
17.8 (1.0)
m
m
m
m
57.9 (1.0)
m
m
m
m
m
m
m
m
% Er.-T.
m
m
m
m
90.0 (0.6)
m
m
92.3 (0.5)
m
m
m
m
m
m
m
m
86.5 (0.5)
91.7 (0.6)
m
m
m
m
m
m
92.7 (0.4)
m
m
81.1 (0.6)
m
m
93.3 (0.4)
m
m
89.4 (0.5)
90.0 (0.5)
m
m
m
m
m
m
m
m
94.0 (0.3)
87.0 (1.0)
m
m
m
m
94.8 (0.3)
m
m
m
m
m
m
m
m
%
m
m
67.0
m
86.0
m
m
m
m
86.4
69.8
m
m
m
92.7
m
61.0
m
87.6
m
82.8
85.4
m
m
m
m
88.8
90.2
m
m
88.7
m
m
m
m
Er.-T.
m
m
(1.1)
m
(0.7)
m
m
m
m
(0.5)
(0.8)
m
m
m
(0.3)
m
(0.9)
m
(0.6)
m
(0.6)
(0.5)
m
m
m
m
(0.5)
(0.7)
m
m
(0.5)
m
m
m
m
% Er.-T.
** Couverture trop limitée pour garantir la comparabilité (voir l’annexe A4).
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933436498
366 ©
OCDE 2017 RÉSULTATS DU PISA 2015 (VOLUME II) : POLITIQUES ET PRATIQUES POUR DES ÉTABLISSEMENTS PERFORMANTS
RÉSULTATS DES PAYS ET ÉCONOMIES : ANNEXE B1
[Partie 1/2]
Tableau II.4.19
Évaluation des élèves
Résultats fondés sur les déclarations des chefs d’établissement
Pourcentage d’élèves scolarisés dans des établissements utilisant les méthodes suivantes pour l’évaluation des élèves :
Tests standardisés obligatoires
1-2 fois
par an
Partenaires
OCDE
Jamais
3-5 fois
par an
Tests standardisés non obligatoires
Tous les mois
Plus d’une fois
par mois
Jamais
1-2 fois
par an
3-5 fois
par an
Tous les mois
Plus d’une fois
par mois
Australie
Autriche
Belgique
Canada
Chili
République tchèque
Danemark
Estonie
Finlande
France
Allemagne
Grèce
Hongrie
Islande
Irlande
Israël
Italie
Japon
Corée
Lettonie
Luxembourg
Mexique
Pays-Bas
Nouvelle-Zélande
Norvège
Pologne
Portugal
République slovaque
Slovénie
Espagne
Suède
Suisse
Turquie
Royaume-Uni
États-Unis
%
m
36.2
57.7
15.6
1.8
m
11.1
20.2
23.4
33.4
57.9
24.2
25.4
1.3
0.8
21.0
3.2
m
30.2
0.3
5.1
41.6
m
m
28.1
2.1
48.3
27.3
55.7
53.8
0.0
38.2
41.5
0.0
8.0
Er.-T.
m
(3.5)
(2.7)
(1.1)
(1.1)
m
(2.4)
(2.4)
(3.5)
(3.1)
(3.6)
(2.9)
(3.0)
(0.1)
(0.8)
(3.5)
(1.2)
m
(3.3)
(0.2)
(0.0)
(3.5)
m
m
(2.9)
(1.2)
(4.3)
(2.8)
(0.3)
(3.2)
c
(3.6)
(3.8)
c
(2.1)
%
m
49.4
39.9
77.3
73.2
m
74.1
74.6
66.2
52.0
39.7
50.1
71.0
96.4
85.4
55.2
92.7
m
69.5
76.9
91.8
48.6
m
m
59.3
74.3
43.2
60.8
34.2
37.1
50.5
58.3
46.0
73.5
64.8
Er.-T.
m
(3.8)
(2.9)
(1.7)
(3.5)
m
(3.5)
(2.4)
(3.9)
(3.2)
(3.7)
(3.7)
(3.0)
(0.1)
(3.1)
(3.9)
(1.8)
m
(3.3)
(2.6)
(0.1)
(3.3)
m
m
(3.6)
(3.4)
(4.3)
(3.2)
(0.3)
(3.2)
(3.6)
(3.6)
(4.2)
(2.9)
(4.0)
%
m
9.1
0.9
6.8
19.0
m
14.2
5.2
10.1
9.9
2.4
14.8
3.0
2.2
8.4
13.0
4.0
m
0.3
14.8
3.1
5.0
m
m
11.3
18.5
4.5
6.6
7.0
3.9
45.3
2.6
8.5
19.4
24.1
Er.-T.
m
(2.1)
(0.5)
(1.2)
(3.2)
m
(2.6)
(1.3)
(2.4)
(2.1)
(1.2)
(2.6)
(1.3)
(0.1)
(2.3)
(2.4)
(1.4)
m
(0.3)
(2.1)
(0.0)
(1.4)
m
m
(2.1)
(3.0)
(1.3)
(1.7)
(0.2)
(1.5)
(3.7)
(1.2)
(2.3)
(2.7)
(3.2)
%
m
3.1
0.5
0.1
4.8
m
0.0
0.0
0.3
1.7
0.0
5.8
0.6
0.1
2.0
5.3
0.1
m
0.0
5.8
0.0
3.1
m
m
1.2
4.6
2.5
3.4
2.2
3.4
2.3
0.0
3.3
5.2
1.4
Er.-T.
m
(1.1)
(0.5)
(0.1)
(1.6)
m
c
c
(0.3)
(0.9)
c
(1.8)
(0.6)
(0.0)
(1.1)
(1.6)
(0.1)
m
c
(1.5)
c
(1.3)
m
m
(0.8)
(1.7)
(1.4)
(1.2)
(0.0)
(1.4)
(1.1)
c
(1.5)
(1.7)
(1.0)
%
m
2.3
1.0
0.3
1.2
m
0.6
0.0
0.0
2.9
0.0
5.1
0.0
0.0
3.3
5.5
0.0
m
0.0
2.2
0.0
1.8
m
m
0.0
0.5
1.5
1.8
0.8
1.7
2.0
0.8
0.8
1.9
1.6
Er.-T.
m
(0.9)
(0.6)
(0.3)
(0.8)
m
(0.4)
c
c
(1.2)
c
(2.2)
c
c
(1.5)
(2.3)
(0.0)
m
c
(0.8)
c
(0.9)
m
m
c
(0.5)
(1.0)
(0.9)
(0.3)
(1.0)
(1.0)
(0.8)
(0.7)
(1.0)
(1.1)
%
m
50.5
58.5
68.6
28.3
38.6
12.1
58.3
10.8
28.3
68.0
36.6
50.7
39.4
36.5
12.1
51.1
m
16.6
7.1
15.0
68.1
19.4
6.1
19.1
3.2
27.9
28.2
m
46.5
7.9
59.8
12.0
34.0
4.0
Er.-T.
m
(3.4)
(3.2)
(2.9)
(3.6)
(2.9)
(2.4)
(3.0)
(2.3)
(3.3)
(3.5)
(3.3)
(3.8)
(0.3)
(3.7)
(2.6)
(4.1)
m
(2.1)
(1.4)
(0.1)
(3.0)
(4.3)
(2.2)
(3.0)
(1.5)
(3.4)
(3.4)
m
(3.7)
(1.7)
(3.8)
(2.2)
(3.9)
(1.4)
%
m
38.1
38.0
23.5
36.9
59.6
56.8
32.2
72.8
67.3
29.7
36.4
46.0
54.2
61.6
31.9
35.0
m
30.4
34.2
79.4
29.8
67.6
45.1
58.5
69.1
65.3
51.8
m
43.6
35.0
34.9
40.1
56.9
68.8
Er.-T.
m
(3.7)
(3.2)
(2.3)
(3.5)
(2.8)
(3.7)
(2.9)
(3.8)
(3.4)
(3.6)
(3.7)
(3.5)
(0.3)
(3.8)
(3.9)
(3.7)
m
(3.4)
(2.6)
(0.1)
(2.9)
(5.1)
(4.5)
(3.5)
(4.0)
(3.7)
(3.7)
m
(3.9)
(3.3)
(3.8)
(3.5)
(4.1)
(3.5)
%
m
6.1
2.2
5.1
26.5
1.8
25.5
7.7
16.4
2.7
2.2
15.9
3.2
3.8
1.9
37.3
11.0
m
52.4
25.2
5.6
0.8
8.8
22.6
14.5
25.6
3.3
14.3
m
6.9
28.9
4.6
35.0
7.2
24.9
Er.-T.
m
(1.5)
(1.0)
(1.5)
(3.8)
(0.9)
(3.3)
(0.9)
(3.3)
(1.2)
(0.8)
(2.7)
(1.3)
(0.1)
(1.1)
(3.8)
(2.2)
m
(3.5)
(2.4)
(0.1)
(0.6)
(2.6)
(3.3)
(2.6)
(3.9)
(1.4)
(2.3)
m
(1.5)
(3.8)
(1.3)
(3.9)
(1.8)
(3.4)
%
m
3.1
0.0
1.8
7.0
0.0
3.6
1.8
0.0
0.0
0.0
6.6
0.1
2.6
0.0
12.5
2.8
m
0.6
19.7
0.0
1.2
1.1
8.6
6.9
2.1
1.2
4.7
m
1.2
23.3
0.6
9.9
1.8
1.2
Er.-T.
m
(1.5)
c
(0.8)
(2.0)
c
(1.4)
(0.9)
c
c
c
(1.8)
(0.1)
(0.1)
c
(2.8)
(1.7)
m
(0.6)
(2.4)
c
(0.7)
(1.0)
(2.3)
(2.1)
(1.1)
(1.0)
(1.4)
m
(0.1)
(3.4)
(0.6)
(2.4)
(1.0)
(0.9)
%
m
2.3
1.3
1.0
1.3
0.0
2.0
0.0
0.0
1.7
0.0
4.4
0.0
0.0
0.0
6.2
0.1
m
0.0
13.8
0.0
0.1
3.2
17.6
1.0
0.0
2.3
1.0
m
1.8
4.9
0.0
3.0
0.0
1.0
Er.-T.
** Couverture trop limitée pour garantir la comparabilité (voir l’annexe A4).
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933436498
RÉSULTATS DU PISA 2015 (VOLUME II) : POLITIQUES ET PRATIQUES POUR DES ÉTABLISSEMENTS PERFORMANTS © OCDE 2017
367
ANNEXE B1 : RÉSULTATS DES PAYS ET ÉCONOMIES
[Partie 2/2]
Tableau II.4.19
Évaluation des élèves
Résultats fondés sur les déclarations des chefs d’établissement
Pourcentage d’élèves scolarisés dans des établissements utilisant les méthodes suivantes pour l’évaluation des élèves :
Tests mis au point par les enseignants
Partenaires
OCDE
Jamais
1-2 fois
par an
3-5 fois
par an
Appréciations informelles fournies par les enseignants
Tous les mois
Plus d’une fois
par mois
Jamais
1-2 fois
par an
3-5 fois
par an
Plus d’une fois
par mois
Australie
Autriche
Belgique
Canada
Chili
République tchèque
Danemark
Estonie
Finlande
France
Allemagne
Grèce
Hongrie
Islande
Irlande
Israël
Italie
Japon
Corée
Lettonie
Luxembourg
Mexique
Pays-Bas
Nouvelle-Zélande
Norvège
Pologne
Portugal
République slovaque
Slovénie
Espagne
Suède
Suisse
Turquie
Royaume-Uni
États-Unis
%
m
0.0
1.5
0.5
1.2
1.5
2.4
1.3
0.0
3.3
1.7
0.4
0.3
0.0
0.0
0.6
3.5
0.0
20.8
0.0
4.9
4.6
3.1
0.6
0.0
1.4
1.4
0.0
3.9
0.0
0.0
2.8
0.0
0.6
0.0
Er.-T.
m
c
(0.9)
(0.4)
(1.0)
(1.0)
(1.5)
(0.7)
c
(1.2)
(1.2)
(0.4)
(0.3)
c
(0.0)
(0.6)
(1.5)
c
(3.0)
c
(0.0)
(1.5)
(1.9)
(0.6)
c
(0.9)
(0.6)
(0.0)
(0.0)
c
c
(1.5)
c
(0.6)
(0.0)
%
m
7.9
4.7
1.1
5.3
8.1
13.8
0.2
0.7
19.8
13.4
2.5
20.7
0.0
23.9
4.7
14.1
0.0
8.4
3.1
8.9
11.8
0.0
2.2
2.1
8.7
2.3
3.0
7.8
0.8
0.5
6.9
3.5
1.2
2.0
Er.-T.
m
(1.8)
(1.5)
(0.6)
(1.7)
(1.8)
(2.4)
(0.2)
(0.7)
(3.0)
(2.5)
(1.3)
(2.9)
c
(3.3)
(1.6)
(2.9)
c
(2.3)
(1.0)
(0.1)
(2.2)
c
(1.1)
(1.1)
(2.4)
(1.3)
(1.2)
(0.1)
(0.8)
(0.5)
(1.7)
(1.7)
(0.6)
(1.0)
%
m
38.6
8.5
2.9
8.9
22.8
48.9
10.9
28.1
13.7
28.0
32.3
20.2
20.7
35.3
30.6
17.2
80.0
65.4
14.0
4.5
41.6
10.3
25.2
16.2
25.6
29.3
16.5
52.6
7.5
21.2
13.9
56.7
42.4
5.8
Er.-T.
m
(3.6)
(2.0)
(0.9)
(2.4)
(2.6)
(3.2)
(1.9)
(3.0)
(2.4)
(3.1)
(3.7)
(2.8)
(0.2)
(4.1)
(3.7)
(3.1)
(2.8)
(3.8)
(2.1)
(0.1)
(3.5)
(2.8)
(3.8)
(2.7)
(3.5)
(3.8)
(2.5)
(0.6)
(2.0)
(3.1)
(2.6)
(3.5)
(3.9)
(1.8)
%
m
22.0
9.3
21.7
36.1
27.9
26.2
42.3
48.5
12.8
19.6
28.8
33.3
38.5
16.9
26.4
31.1
11.2
3.3
38.9
11.4
28.3
33.6
35.0
33.8
43.6
57.6
35.8
13.3
34.3
47.2
13.2
29.3
34.8
18.9
Er.-T.
m
(3.1)
(1.5)
(2.2)
(4.1)
(2.5)
(3.4)
(2.4)
(3.9)
(2.2)
(3.0)
(3.7)
(3.6)
(0.2)
(3.2)
(3.3)
(3.3)
(2.3)
(1.4)
(3.0)
(0.1)
(2.6)
(4.6)
(4.0)
(3.8)
(4.2)
(3.9)
(3.1)
(0.5)
(3.5)
(3.5)
(2.6)
(3.6)
(3.8)
(3.5)
%
m
31.4
76.0
73.8
48.6
39.7
8.8
45.3
22.7
50.4
37.2
36.0
25.5
40.9
23.9
37.8
34.1
8.8
2.1
44.0
70.3
13.7
53.0
37.0
47.8
20.8
9.4
44.6
22.4
57.5
31.1
63.2
10.5
21.0
73.2
Er.-T.
m
(3.1)
(2.7)
(2.5)
(3.8)
(3.0)
(2.1)
(2.6)
(3.5)
(3.4)
(3.4)
(3.5)
(2.9)
(0.2)
(3.9)
(3.8)
(3.4)
(2.0)
(1.0)
(3.0)
(0.1)
(2.1)
(4.6)
(4.0)
(3.5)
(3.2)
(1.9)
(3.1)
(0.4)
(3.9)
(3.2)
(3.6)
(2.6)
(3.3)
(3.9)
%
m
0.0
4.5
25.5
39.5
3.7
0.2
0.4
0.6
10.0
0.2
2.7
6.7
0.0
4.5
0.6
9.6
5.6
16.1
0.0
9.9
27.7
11.3
5.4
1.8
3.7
1.3
0.0
3.2
6.8
0.3
5.7
2.0
2.3
22.6
Er.-T.
m
c
(1.4)
(2.3)
(4.0)
(1.1)
(0.2)
(0.2)
(0.7)
(2.1)
(0.2)
(1.1)
(1.9)
c
(1.9)
(0.6)
(2.1)
(1.6)
(2.9)
c
(0.0)
(3.2)
(2.7)
(2.0)
(1.0)
(1.6)
(0.6)
(0.0)
(0.0)
(1.8)
(0.3)
(1.8)
(0.9)
(1.1)
(3.6)
%
m
0.4
6.0
5.5
15.8
10.0
14.4
0.6
2.6
11.8
7.3
26.1
3.7
0.0
10.6
57.2
7.7
5.9
17.1
1.3
6.6
22.2
8.3
17.4
11.9
9.0
1.4
0.4
26.1
1.5
1.2
14.0
27.8
4.4
9.1
Er.-T.
m
(0.3)
(1.6)
(1.3)
(2.8)
(1.7)
(2.4)
(0.6)
(1.3)
(2.1)
(1.9)
(3.4)
(1.5)
c
(2.6)
(3.3)
(2.4)
(1.6)
(3.2)
(0.7)
(0.1)
(2.7)
(2.6)
(3.5)
(2.4)
(2.4)
(1.0)
(0.4)
(0.2)
(0.8)
(0.8)
(2.9)
(3.5)
(1.4)
(2.7)
%
m
14.6
11.9
13.1
5.7
14.5
36.8
3.0
4.5
34.0
13.0
25.9
6.5
14.7
33.6
39.5
13.9
60.4
39.2
5.1
12.6
15.7
39.0
24.9
9.6
14.1
1.7
5.3
28.0
10.8
3.9
16.4
42.7
42.9
9.6
Er.-T.
m
(2.7)
(2.1)
(1.9)
(1.8)
(2.2)
(3.4)
(0.9)
(1.4)
(3.3)
(2.6)
(3.5)
(2.0)
(0.2)
(4.1)
(3.5)
(3.3)
(3.4)
(3.5)
(1.4)
(0.1)
(2.6)
(5.3)
(3.5)
(2.1)
(2.7)
(0.9)
(1.6)
(0.5)
(2.3)
(1.5)
(2.9)
(4.1)
(3.8)
(2.7)
%
m
13.6
10.2
8.7
12.9
12.9
12.4
4.1
14.5
10.8
14.3
16.3
23.7
16.9
15.1
0.5
13.1
6.5
22.3
20.8
6.0
20.5
21.9
15.1
19.5
12.2
10.2
7.6
15.0
8.5
18.7
14.7
14.1
23.3
7.3
Er.-T.
m
(2.8)
(1.9)
(1.5)
(2.6)
(2.1)
(2.5)
(0.6)
(3.2)
(2.2)
(2.6)
(3.2)
(3.1)
(0.2)
(2.9)
(0.5)
(2.4)
(1.9)
(3.4)
(2.4)
(0.1)
(2.5)
(4.3)
(3.0)
(2.9)
(2.7)
(2.7)
(1.8)
(0.6)
(1.8)
(3.0)
(3.2)
(3.0)
(3.2)
(1.9)
%
m
71.5
67.4
47.2
26.1
58.9
36.2
92.0
77.8
33.5
65.1
29.0
59.4
68.3
36.2
2.2
55.6
21.6
5.3
72.8
65.0
13.9
19.4
37.2
57.1
61.0
85.3
86.6
27.7
72.5
75.9
49.3
13.4
27.1
51.4
Er.-T.
** Couverture trop limitée pour garantir la comparabilité (voir l’annexe A4).
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933436498
368 ©
Tous les mois
OCDE 2017 RÉSULTATS DU PISA 2015 (VOLUME II) : POLITIQUES ET PRATIQUES POUR DES ÉTABLISSEMENTS PERFORMANTS
RÉSULTATS DES PAYS ET ÉCONOMIES : ANNEXE B1
[Partie 1/2]
Tableau II.4.24
Finalités des évaluations
Résultats fondés sur les déclarations des chefs d’établissement
Pourcentage d’élèves scolarisés dans des établissements dont le chef d’établissement indique l’utilisation de tests standardisés aux fins suivantes :
Partenaires
OCDE
Comparer les
Prendre des
performances
Identifier des
décisions
de
aspects de
relatives au
l’établissement
Suivre les
l’enseignement
Informer
redoublement
à celles du
progrès de
ou des
Adapter
Comparer
Orienter
les parents
ou au passage Regrouper les district ou aux l’établissement
Juger de
programmes l’enseignement l’établissement
Décerner
l’apprentissage des progrès
de classe élèves à des fins performances
d’année
l’efficacité des qui pourraient aux besoins
à d’autres
des certificats
des élèves
de leur enfant
des élèves
didactiques
nationales
en année
enseignants être améliorés
des élèves
établissements aux élèves
Australie
Autriche
Belgique
Canada
Chili
République tchèque
Danemark
Estonie
Finlande
France
Allemagne
Grèce
Hongrie
Islande
Irlande
Israël
Italie
Japon
Corée
Lettonie
Luxembourg
Mexique
Pays-Bas
Nouvelle-Zélande
Norvège
Pologne
Portugal
République slovaque
Slovénie
Espagne
Suède
Suisse
Turquie
Royaume-Uni
États-Unis
%
59.6
36.8
35.7
57.0
82.3
27.9
87.1
61.8
47.8
58.3
23.1
68.7
55.3
85.3
74.3
69.5
68.1
m
61.8
92.5
36.4
79.2
68.9
78.8
59.5
96.8
71.0
59.7
26.4
37.7
79.2
44.1
70.7
81.5
81.1
Er.-T.
(2.1)
(4.1)
(3.3)
(2.9)
(3.3)
(2.7)
(2.4)
(2.6)
(4.4)
(3.8)
(3.7)
(4.0)
(3.8)
(0.2)
(3.6)
(4.6)
(4.3)
m
(3.8)
(1.4)
(0.1)
(3.4)
(4.7)
(3.5)
(4.1)
(1.4)
(3.7)
(2.9)
(0.7)
(3.2)
(3.5)
(3.9)
(4.0)
(3.3)
(3.3)
%
50.7
32.0
28.3
65.5
73.0
30.4
87.1
54.6
54.5
68.3
27.3
64.6
51.1
91.4
75.5
60.1
40.7
m
79.3
88.1
54.7
66.6
74.0
86.2
62.7
97.7
69.0
47.6
22.8
37.9
71.2
43.2
72.8
84.4
92.8
Er.-T.
(2.0)
(4.0)
(2.6)
(2.7)
(3.5)
(2.9)
(2.4)
(2.8)
(4.1)
(3.5)
(3.4)
(4.2)
(3.7)
(0.1)
(3.5)
(4.1)
(4.3)
m
(2.8)
(1.8)
(0.1)
(3.4)
(4.4)
(2.6)
(3.8)
(1.2)
(4.3)
(3.2)
(0.7)
(3.1)
(3.4)
(4.0)
(3.9)
(2.9)
(2.1)
%
19.0
11.5
26.8
49.3
37.3
3.4
13.5
34.0
22.5
50.7
12.6
60.6
16.9
8.6
53.7
51.9
20.0
m
27.9
59.4
11.9
48.0
32.5
57.6
5.0
30.3
56.1
23.1
20.5
19.6
19.3
30.5
32.4
58.7
40.3
Er.-T.
(1.7)
(2.6)
(2.9)
(2.5)
(4.0)
(1.3)
(2.3)
(2.9)
(3.4)
(4.1)
(2.5)
(4.4)
(2.7)
(0.2)
(4.1)
(4.4)
(3.4)
m
(3.4)
(3.1)
(0.1)
(4.3)
(4.5)
(3.6)
(1.5)
(3.6)
(4.8)
(2.8)
(0.5)
(3.0)
(2.9)
(3.3)
(4.4)
(3.5)
(3.9)
%
37.4
6.5
12.9
29.2
24.3
7.5
46.9
15.6
9.9
34.2
11.0
24.2
21.1
18.7
56.8
65.2
31.4
m
40.6
17.4
1.8
41.9
44.1
73.8
37.5
41.0
23.7
20.4
12.7
17.5
11.4
19.2
38.3
78.0
63.0
Er.-T.
(1.8)
(2.1)
(3.2)
(2.8)
(3.4)
(1.4)
(4.1)
(2.3)
(2.6)
(3.9)
(2.6)
(3.6)
(3.3)
(0.2)
(4.4)
(4.3)
(4.1)
m
(4.1)
(2.6)
(0.0)
(4.9)
(4.8)
(3.5)
(3.8)
(4.3)
(3.9)
(3.0)
(0.4)
(2.9)
(2.4)
(3.0)
(4.0)
(3.0)
(4.0)
%
55.4
20.8
42.3
80.8
59.7
68.7
72.1
77.8
74.7
49.5
34.0
18.8
74.9
94.8
84.7
64.3
81.7
m
69.2
90.9
94.3
87.3
63.4
85.6
68.1
91.3
73.3
63.9
34.8
46.7
88.3
46.9
71.3
91.4
95.7
Er.-T.
(2.2)
(2.9)
(3.1)
(1.9)
(3.8)
(3.0)
(3.4)
(2.4)
(3.3)
(3.5)
(3.8)
(3.0)
(3.3)
(0.1)
(2.4)
(3.9)
(2.9)
m
(3.4)
(1.5)
(0.1)
(2.1)
(4.7)
(2.9)
(3.4)
(2.3)
(3.9)
(3.0)
(0.4)
(3.6)
(2.3)
(4.1)
(4.5)
(1.6)
(1.2)
%
57.3
28.2
36.8
82.7
87.5
57.2
75.3
72.7
60.6
59.1
26.2
46.6
77.0
95.3
83.0
74.9
84.8
m
67.6
97.0
75.3
88.7
69.8
93.3
76.4
97.7
77.8
46.6
28.1
41.5
90.1
39.0
70.3
97.2
96.7
Er.-T.
(2.1)
(3.9)
(3.3)
(1.7)
(2.9)
(3.0)
(2.8)
(2.7)
(4.3)
(4.1)
(3.0)
(4.6)
(3.0)
(0.1)
(3.2)
(4.3)
(2.8)
m
(3.3)
(1.0)
(0.1)
(2.5)
(4.7)
(2.4)
(3.0)
(1.2)
(3.6)
(2.9)
(0.8)
(3.6)
(2.0)
(3.8)
(4.0)
(1.1)
(1.6)
%
22.1
15.3
14.6
15.9
42.0
26.1
23.5
49.9
24.6
21.7
4.4
16.4
40.1
33.4
47.7
55.1
20.0
m
41.9
83.2
30.0
64.4
25.7
53.0
19.5
82.3
40.3
32.8
17.6
28.1
35.9
23.0
49.0
87.5
70.8
Er.-T.
(1.8)
(3.1)
(2.9)
(2.0)
(4.3)
(2.4)
(3.0)
(2.7)
(3.8)
(2.9)
(1.5)
(3.1)
(3.4)
(0.3)
(4.3)
(4.5)
(2.9)
m
(4.1)
(2.2)
(0.1)
(4.2)
(4.1)
(4.1)
(2.8)
(2.8)
(4.3)
(2.8)
(0.7)
(3.2)
(3.4)
(3.4)
(5.0)
(1.9)
(3.3)
%
51.9
21.7
38.5
67.7
82.2
33.6
71.1
60.5
44.0
50.3
14.1
48.3
57.6
85.7
62.5
68.7
83.6
m
58.8
92.4
58.8
75.3
41.6
84.6
54.0
91.5
65.9
37.4
19.2
46.4
74.7
29.7
56.7
86.3
86.7
Er.-T.
(1.9)
(3.7)
(3.2)
(2.5)
(3.1)
(2.8)
(3.0)
(3.0)
(4.4)
(3.6)
(2.5)
(4.1)
(3.5)
(0.2)
(4.0)
(3.9)
(3.3)
m
(3.5)
(1.3)
(0.1)
(3.6)
(4.8)
(2.7)
(3.7)
(2.4)
(4.0)
(3.1)
(0.7)
(3.6)
(3.3)
(4.0)
(4.8)
(2.5)
(2.7)
%
49.8
27.4
41.8
50.9
61.2
17.4
80.2
44.5
45.8
53.2
13.5
61.9
38.5
70.7
63.0
63.6
52.7
m
43.3
63.1
24.9
60.8
45.3
78.7
68.9
86.9
49.6
35.0
21.9
33.6
59.2
30.7
60.2
83.8
71.6
Er.-T.
(2.1)
(3.8)
(3.5)
(2.9)
(4.1)
(2.2)
(2.5)
(2.9)
(3.9)
(3.7)
(2.7)
(3.6)
(3.9)
(0.2)
(3.8)
(4.4)
(4.3)
m
(3.6)
(3.0)
(0.1)
(4.8)
(5.3)
(3.1)
(3.2)
(2.6)
(4.7)
(3.2)
(0.8)
(3.5)
(3.7)
(3.7)
(4.5)
(3.1)
(3.8)
%
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87.6
66.6
80.7
61.0
82.1
52.8
91.0
74.3
56.3
28.8
38.4
84.8
27.9
72.8
89.2
94.1
Er.-T.
(2.2)
(2.9)
(3.5)
(2.4)
(4.1)
(2.8)
(3.6)
(3.0)
(4.2)
(3.6)
(3.3)
(2.9)
(3.5)
(0.2)
(4.6)
(4.3)
(3.7)
m
(4.3)
(1.7)
(0.1)
(2.8)
(5.1)
(3.1)
(3.6)
(2.4)
(3.6)
(3.0)
(0.6)
(3.3)
(2.5)
(3.7)
(3.8)
(2.4)
(1.8)
%
34.2
15.9
25.7
29.2
21.9
28.3
89.8
67.7
59.8
52.4
19.8
26.6
18.0
26.8
70.7
62.7
27.0
m
20.8
58.0
8.9
34.0
31.8
77.9
50.9
31.2
57.8
24.0
39.2
22.1
19.1
30.9
48.1
82.7
47.3
Er.-T.
** Couverture trop limitée pour garantir la comparabilité (voir l’annexe A4).
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933436498
RÉSULTATS DU PISA 2015 (VOLUME II) : POLITIQUES ET PRATIQUES POUR DES ÉTABLISSEMENTS PERFORMANTS © OCDE 2017
369
ANNEXE B1 : RÉSULTATS DES PAYS ET ÉCONOMIES
[Partie 2/2]
Tableau II.4.24
Finalités des évaluations
Résultats fondés sur les déclarations des chefs d’établissement
Pourcentage d’élèves scolarisés dans des établissements dont le chef d’établissement indique l’utilisation de tests mis au point par les enseignants aux fins suivantes :
Partenaires
OCDE
Comparer les
Prendre des
performances
Identifier des
décisions
de
aspects de
relatives au
l’établissement
Suivre les
l’enseignement
Informer
redoublement
à celles du
progrès de
ou des
Adapter
Comparer
Orienter
les parents
ou au passage Regrouper les district ou aux l’établissement
Juger de
programmes l’enseignement l’établissement
Décerner
l’apprentissage des progrès
de classe élèves à des fins performances
d’année
l’efficacité des qui pourraient aux besoins
à d’autres
des certificats
des élèves
de leur enfant
des élèves
didactiques
nationales
en année
enseignants être améliorés
des élèves
établissements aux élèves
Australie
Autriche
Belgique
Canada
Chili
République tchèque
Danemark
Estonie
Finlande
France
Allemagne
Grèce
Hongrie
Islande
Irlande
Israël
Italie
Japon
Corée
Lettonie
Luxembourg
Mexique
Pays-Bas
Nouvelle-Zélande
Norvège
Pologne
Portugal
République slovaque
Slovénie
Espagne
Suède
Suisse
Turquie
Royaume-Uni
États-Unis
%
97.9
95.4
99.4
97.9
96.9
78.1
92.0
88.2
91.6
90.7
94.1
95.8
95.7
96.0
97.8
94.8
96.9
99.5
69.8
98.9
96.5
97.2
91.3
100.0
97.0
99.4
99.8
91.5
77.0
98.6
97.0
89.4
88.9
99.8
98.5
Er.-T.
(0.6)
(1.5)
(0.5)
(0.8)
(1.6)
(2.5)
(2.2)
(1.9)
(2.1)
(1.9)
(1.4)
(1.6)
(1.4)
(0.1)
(1.3)
(1.8)
(1.2)
(0.5)
(3.2)
(0.5)
(0.0)
(1.1)
(3.2)
c
(1.0)
(0.6)
(0.0)
(1.7)
(0.8)
(1.0)
(1.3)
(2.5)
(2.5)
(0.1)
(0.9)
Moyenne OCDE
94.0 (0.3)
%
98.5
83.1
98.9
99.0
93.0
72.8
88.2
86.7
96.6
96.1
90.8
97.0
91.0
95.4
98.6
97.2
92.9
90.6
76.8
96.7
95.1
96.4
94.9
98.5
96.9
98.1
98.6
86.4
66.2
97.4
85.3
86.0
88.5
99.3
97.6
Er.-T.
(0.5)
(2.5)
(1.0)
(0.6)
(2.3)
(2.9)
(2.5)
(1.7)
(1.5)
(1.2)
(1.8)
(1.2)
(2.2)
(0.1)
(1.0)
(1.0)
(2.3)
(2.2)
(2.9)
(0.9)
(0.1)
(1.1)
(2.2)
(1.1)
(1.3)
(1.1)
(1.2)
(2.2)
(0.7)
(1.1)
(2.6)
(2.8)
(2.0)
(0.6)
(1.2)
%
56.3
86.6
99.5
92.6
81.8
64.9
14.6
57.6
86.2
85.4
75.0
91.2
83.8
13.8
68.8
84.3
79.3
96.4
34.8
75.1
94.0
94.6
90.8
60.9
6.7
64.2
96.3
79.8
79.3
95.8
20.0
77.4
67.2
61.8
72.8
Er.-T.
(1.8)
(2.2)
(0.4)
(1.3)
(3.6)
(2.9)
(2.6)
(2.9)
(2.6)
(2.4)
(3.1)
(1.9)
(2.8)
(0.2)
(4.1)
(3.3)
(3.2)
(1.4)
(3.8)
(2.5)
(0.1)
(1.4)
(2.7)
(3.9)
(2.0)
(4.1)
(1.9)
(2.6)
(0.7)
(1.5)
(2.9)
(3.1)
(3.9)
(3.6)
(3.5)
%
80.2
25.1
39.4
66.7
37.2
52.2
72.2
34.2
20.8
68.7
45.3
34.2
77.1
48.6
86.4
94.3
65.6
61.6
69.1
43.7
55.2
68.7
61.7
84.8
56.2
66.4
47.0
53.5
28.3
46.1
19.2
41.5
50.0
95.2
80.7
Er.-T.
(1.7)
(2.3)
(3.3)
(2.8)
(3.9)
(2.9)
(3.8)
(2.8)
(3.4)
(3.0)
(3.5)
(3.7)
(2.9)
(0.2)
(3.0)
(2.0)
(4.0)
(3.3)
(3.7)
(3.2)
(0.1)
(3.0)
(4.4)
(2.6)
(4.0)
(3.6)
(4.1)
(3.1)
(0.6)
(4.1)
(2.8)
(4.1)
(4.1)
(1.2)
(3.0)
%
21.7
8.8
20.4
22.4
11.7
9.7
9.7
29.6
17.9
25.7
15.4
12.1
25.5
8.3
40.6
41.2
19.3
10.6
22.8
16.6
19.4
38.9
16.1
30.3
8.0
22.3
27.4
12.0
25.0
19.8
11.3
8.9
37.4
38.4
25.3
Er.-T.
| 48,818
|
02/tel.archives-ouvertes.fr-tel-01090044-document.txt_8
|
French-Science-Pile
|
Open Science
|
Various open science
| null |
None
|
None
|
French
|
Spoken
| 9,059
| 18,162
|
3 + + ;( S k"' + S I + + " 0+ I I( S S "'" 1 ', 7 S + Tjk+ S + LI ( 5 + 91 1 +, + Tjk+ $ " 5+ 3 1'++ +, 1 I+ " "S +K+ +, + S k" " +, + 2&1 + 7 + +, " + 1 S DS 3 + G"D + 3 *& + J + +,W
aṭ
-
pañcāśat-sirāv tāk i-gatānalaḥ pañca-rūpopapannam āhāra pacan anila-jātānalas sva-gatārtha paśyati || 80 || Le feu (agni), engendré par le vent (vāyu), situé dans les yeux avec cinquante-six veines (sirā) attachées, digère sa nourriture (dotée de cinq types) d'imagerie (rūpa) et ainsi peut voir ses objets || I.80 || asyārthaḥ aṭ-pañcāśat-sirāv te ak i ī yayos tayor gatānalaḥ taijasa-rūpāgniḥ jvalad-dravya-sirāv ta-netragola-madhya-sthitatvāt jvālāv ta-dravyāvayavānā dahana-pratibandhakatva sampādya so'nalaḥ bhuktānna-pacanārtha graha ī-kalā bhūtvā śarīra vyāpya ti ṭhati | ati-dūrastham api tat-sajātīya-dravya vi ayīkaroti | tasmān netra-gola-madhya-sthitas san yaḥ paśyati sa evānalas sarva-śarīra-vyāpakaḥ | anila-jātānalaḥ sva-gatārtha anila-jātānala-dravya dūrastham api vi ayīkaroti | ati-dūrastho'py anilaś cak u ā vi ayo g hyate | ku alī-gata-pitta tu sarvabhuktānna-pacan
ārtham | tasyāḥ ku alyā devatā-rūpatvāt | tat-pittam api taijasavad bhavati | cak urgocarārtha cak ur-gata-taijasa dūra-sthitam apy artha vi ayīkaroti | sā kalā sarva paktu yogyā bhavatīty arthaḥ | rasādi-bheda-vibhajanārtha rasanendriya-prakalpanam | tad-udbhūta-dravya tadvibhajanārtham | tad-udbhūta-vyatiriktasya tena grahitum aśakyatvāt, ity āśaya manasi nidhāya rasanendriya-svarūpa viv oti –lāleti |
Ceci veut dire que le feu, élément tejas, présent à l'intérieur des yeux qui sont couverts de cinquante-six veines, devient graha ī kalā pour la digestion de la nourriture, et se répand dans le corps, en obtenant la résistance contre la combustion d'une partie des substances couvertes d'éclat, à cause de sa position au milieu du rond de l'oeil couvert de substances flamboyantes. En dépit du fait qu'ils sont à une grande distance, les éléments similaires ont la perception similaire. Par conséquent, c'est ce feu, répandu dans le corps entier et présent dans le milieu du rond de l'oeil, qui voit. L'agni (fire) qui s'élève de vāyu (air) identifie son sujet même s'il est loin. Le vāyu capture les sujets de vision grâce aux yeux (cak u ā) même s'ils sont à une grand distance. Le pitta présent dans la ku alī est pour la digestion de la nourriture. Comme la ku alī a pris la position d'un demi-dieu, le pitta également devient brillant (taijas). L'élément agni (brillant, taijas) présent à 203 l'intérieur des yeux les capture les sujets des yeux, même s'ils sont loin. Cette kalā devient capable de digérer tout. Pour l'identification de divers types de goût (rasa), on considère le sens du goût (langue). Les substances engendrées par eux (goûts) sont pour leur classification et celles qui ne sont pas engendrées par eux ne sont pas possibles de compréhension ; en considérant ce point, la nature du sens de goût est expliqué davantage - "lālā"
1 1 7 1 1 7 " '( o& 3 + " I ( S 3 *& I + W + LI ( ) 3 5`+ q + j I ( " 3 5n& + I'I (, '( o& ID P I( S! 1 TN + ( U&" 3 [ 6+ +, " S 3 5n& + = "+ + "+ + S + + + TN " I 3 5`+! +, '( o& 3'+ 1 1 ( 1 + jk+ + + S 1 I + 0+ " + + LI ( ) S " I S *& 9 '( o& + lālā-rūpo rasādi-bhedān vibhajan jihvayā rasa g h āti || 81 ||
La salive peut saisir et différencier les divers types de saveurs (rasa) grâce à la langue || I.81 || lālā-rūpa-rasaḥ jihvāgravartī padārthān g h āti | bhuktānna-vibhajana ca karotīty arthaḥ | nanu rasādi-vibhajana graha ī-kalā adu ṭā satī karotīti sarva vidhivat pratīyate | sā adu ṭā saty api tad-vibhajana-jñāna nānubhūyate, tad-vi bhajana-jñānasya jaṭharāgneś ca kārya-kāra abhāvo g hyate cet jihvāgras ita-l -jalasya kārya-kāra a b vaḥ katha g hyate? tad-bhedavibhajanasya anyathā siddhatvāt | tasmād ananyodbhūtātmakatva nopalabhyate ity asvarasād āha - jihveti | La sécréation de salive reconnaît les substances présentes au bout de la langue, elle peut également différencier (classer) la nourriture consommée. Doute – Il semble normal que la classification des goûts soit faite par une graha ī normale (non viciée). Mais, bien que la graha ī soit normale, sa connaissance différentielle ne peut pas être éprouvée, et si sa connaissance différentielle a rapport avec le feu digestif, alors comment peut-on comprendre la relation de cause à effet de la sécrétion de salive située au bout de la langue? Ceci montre que cette différenciation est différemment divisée. Donc, il est incorrect de dire que sa nature distincte ne peut être obtenue. Pour expliquer ceci - "jihvā" '( o
&
S' + L " 1
( +
A
1 1 7 " "
+" 6+ +
,
L " " +
S
5
1. S 3 F,
3 + 5 3 3
1I
+
+,W P ; S + P ; S
"" + 3
C 1I
+ +
" P " " I
)
=- + F $ V( S
5+ "
M I + I
)+
S 1 ( + S!
;+
; + + + " "
3
1SI I + " "S "", + 1 S cN + V! I + + S " " + " *& 9! + G" + S + 204 jihvā-sa sthita-dvi-sirādhāra-sarva-rasābhijñā || 82 || La connaissance de toutes les saveurs (rasa) est basée sur deux veines (sirā) situées dans la langue || I.82 || anala-jātāb-lālā-rūpa-rasanedriyasya rasa-sparśa-mātre a tat-tat-vyañjana k tvā rasādayo'nubhūyante | anvaya-vyatireka-pramā a-siddhatvāt | dvi-sirādhārakatva sarvarasābhijñatva anala-janyatva caitasyaiva pratīyate | nānyasyety arthaḥ | p thivī-lak a a gandhavattvam | gandhavatī p thivī sarva-śarīra-gandhopala bhikā bhavati | śarīra pārthiva gandha-gu asyopalabhyamānatvāt, yan naiva tan naiva yathā vāyavya-śarīram | yatheti vāyuloka-nivāsinā d ṭāntaḥ | asya tu śarīrasya pārthivāvayavatvena sarva-gandha upalabhyate | tasmān na pañca-bhūtātmaka śarīram ity asvarasād āha – catur iti | La saveur est éprouvée par la langue grâce à l'élément eau (jala) engendrée à partir du feu (agni)82, sous forme de sécrétion de salive, par un simple toucher de ce rasa (goût). On peut le prouver par la logique de cause à effet (anvaya) et par l'argument compréhensif dérivé de la négation (vyatireka). Il s'agit ici d'un support des deux veines, de la compréhension de toutes les saveurs, de la formation à partir d'élément de feu (agni), et rien d'autre. L'élément terre (p thivī), doté de la qualité d'odorat (gandha), devient la cause de perception de l'odorat du corps. Le corps est dit d'origine terrienne (pārthiva) grâce à cette qualité liée à l'odeur, car (par l'argument vyatireka) s'il n'était pas terrien (pārthiva), il ne serait pas un corps (physique), il serait une sorte de corps aérien (vāyavya) sans la qualité d'odeur (gandha) – comme par exemple ceux qui habitent dans le monde aérien (vāyu-loka). Etant engendré par l'élément terre (pārthiva), le corps obtient toutes sortes d'odeurs. Ainsi, il n'est pas correct de dire que le corps n'est pas fait des cinq éléments. Pour expliquer ceci, il est dit - "catur" +F!+ S + 3 +I'+ " 33+ j + + 5!+ " "S S ++F A S + =/ " *& 9 '+ " + catur-vi śati-sirā nāsikāgra-gatodbhavā p thivī catur-vi śati-tattva-bodhikā || 83 || Les vingt-quatre veines situées au bout du nez retiennent la connaissance de l'odorat (gandha), qualité (gu a) de la « terre » avec les vingt-quatre éléments primaires || I.83 || sarvā i tattvāni nāsāgre pratibhānti | tasmāt pārthivāvayavi śarīra katha syād ity asvarasād āha – yatsireti | Tous les éléments primaires semblent être présents au bout du nez. Alors, il n'est pas correct de dire que le corps est formé de l'élément « terre » (pārthiva) uniquement. Ceci est expliqué davantage par - "yat-sirā" 82
Citons la taittirīyopani ad - brahmānanda
vallī, prathama anuvāka (Sharma Ś. 1978,
j
ñ
āna
kha a,
p
. 111)
: ātmana ākāśas sambhūtaḥ | ākāśād vāyuḥ | vāyor agniḥ | agner āpaḥ | adbhyaḥ p thivī | p thivyā o adhayaḥ | o adhibhyo'nnam | annāt puru aḥ | La Personnalité Suprême donne naissance à éther, éther donne naissance à air, air à feu, feu à eau, eau à terre, terre aux herbes, herbes aux aliments, aliments aux hommes, Voir également yoga-cū āma i upani ad 72 (Sharma Ś. 1978, sādhanā kha a, p. 77) 205 '+
" 5+ S "", P jk+ ( + " "S "" +?, + 9 + +" + +W ( + P +W P S + T! + =4 1 ++ `3 X+ M F! I + 1 I! G"+ W + +, + M S yat-sirāv ta śarīram | annād bhūtāni jāyante, jātāny annena vardhante, adyate'tti ca bhūtāni, tasmād anna tad ucyate || 84 ||
Le corps est couvert de veines. Les être vivants sont nés de la nourriture. Ils grandissent grâce à la nourriture. La nourriture est mangée (adyate) par les êtres vivants, de même, la nourriture mange (atti) également les êtres. C'est pourquoi, on l'appelle "anna – ce qui est consommé et ce qui
consomme"
83 || I
.
84 ||
sarvā i śarīrā i
pār
thi
vāni | tad-itarāḥ āpo hy agny-anilākāśāḥ tat-kāryopalambhaka-mātracaritārthatvāt | ato'nyāvayava śarīra syād ity āśa kate – nāsiketi |
Tous les corps
sont de
nature
"
ter
rienne
". En d'autres temps, jala (eau), agni (feu), vāyu (air) et ākāśa (éther) deviennent ses parties pour remplir les fonctions qui leur sont attribuées. Alors, en pensant comment les autres organes sont créés, on explique davantage par - "nāsikā"
J + F P K3 3 + + =8 S ++F 7 3!+ S + " " M + ( 6 + H+ '+ " 5+ S "" + DS J + 3 1 'A ) S V! I + + S " " + S. SW + a*& + G"D D, S! r P jk+ ( + r 0+! X+ W S!P P 3u'++ F c S S X+ 0 + S+ ( + + + "I +!+!%&" " +'+ G"+ + 5 J1 H " [" + "D S S G" + + 5( [ 83 + + S P +, + 5( H+!%T&J1 A *T&! S X+ 0 + H S P + S + CI "D + " + 1 S + 5( [ *& + 5( S +, (( 5( ";J SW + + G" + G" + F 9 + 5( dT I K + +, " "S + 1 + S ++ S'+ S " "S + + K+ + 1M ( + F" +, 0+ cNL " S 3 + ( CI 1 S *& " + P + S'_ 3 J1 + S 3 + P + S + ++ + +, J1 + P + J1 P +, H S + 5( P + H + 5( 1. 3 0+ + 5( [ + " +
+ Citons la Taittirīyopani ad - brahmānanda vallī, dvitīya anuvāka (Sharma Ś. 1978, jñāna kha a, p. 111) : annād bhūtāni jāyante | jātānyannena vardhante | adyate'tti ce bhūtāni | tasmād anna tad ucyate | Les
être vivants sont nés de la nourriture. Ils grandissent grâce à la nourriture. La nourriture est mangée (adyate) par les êtres vivants, de même, la nourriture mange (atti) également les êtres. C'est pourquoi, on l'appelle "anna – ce qui est consommée et ce qui consomme" 206 nāsikādhikya-vikāra-bhūtāḥ nāsāgre pratīyante || 85 || Presque tous les excès (désordres) se sentent au bout du nez || I.85 || tat-tan-ni ṭha-gu āni tāni caturvi śati-tattva-rūpa-gu āni caturvi śati-sirādhārakani | sarve'vayavā gandhavad-gu a-bhūyi ṭhāḥ | tasmāt śarīra pārthivam iti sarva-jana-siddham iti etat sirāv ta śarīram iti vaktu śakyate | do a-dhātu-malāśayātmaka tat-sarva gandhopalabdhi-jñāna-pūrvaka pañca-bhūtātmaka śarīram iti sūtra na k ama, taddehātirikta-deśa-sthita śarīra samavetya ti ṭhatīti nopayuktam | ki ca « annād bhūtāni jāyante » iti vacanam api nopapadyate, sarve ā sarva-kāle'pi prajotpattir eva syāt iti cen na | annādana-sāmagryā sarva-do a-sthitatvāt tād śa kārya nopapadyate iti | ki tu ad ṭa-dvārā strī-pu sa-yoge sati prajāḥ prajāyante | tasmāc charīrāntas-sthita-sapta-dhātūnā māt jās trayaḥ pit jāś ca trayaḥ | ubhaya-melana yoniḥ | śukla-śo ita-sannipāto yonir ity atra pit -śuklasānnipātyam | etac chukla-mahimnā aneke ā samāhāre sati sannipātaḥ | pit jaś śukla-sannipātaḥ | eka-rasaś carama-dhātuḥ | bahu-vacana nopapadyata iti pit ja asthi-majjā-
śukla-dhātusānnipātya yoner lak a am | eva māt jāni rakta-mā sa-medā si | e ā sānnipātya yoniḥ | tasmāt strī-puru ayos sa yoge sati sapta-dhātūtpādaka-sāmagrī-sannipāta eva yonir iti vyapadeśaḥ | raktam ity atra rasās jor aikya, tad eka-dhātur iti pūrvam eva pratipāditam | iti māt jāś catvāro dhātavaḥ pit jāś ca trayaḥ | ubhayor dhātvor melana yonir iti samādhatte – māt jam iti |
Les vingt-quatre qualités des éléments primaires sont liées aux vingt-quatre veines (du nez). Toutes les parties du corps ont la qualité d'odorat (gandha). Donc, le corps est d'origine "terrienne" (pārthiva), ce qui est bien connu de tous ; on peut dire qu'il est couvert de veines. Il est réservoir de do a, dhātu et mala, tous ayant leur propre odorat (gandha) particulier ; (néanmoins), on ne peut, à partir de l'aphorisme, l'appeler de la nature des cinq éléments. En même temps, il ne paraît pas approprié que, tous ensemble, ils puissent être présents à des endroits autres que le corps. L'affirmation "annād bhūtāni jāyante" à savoir que les éléments fondamentaux sont engendrés par la nourriture ne peut pas, non plus, le représenter ; (et si on dit que) ce n'est qu'une question de reproduction, ce n'est pas le cas non plus. On ne peut pas dire non plus qu'une telle fonction située dans les do a a lieu à cause de la consommation de nourriture. + 5+ ; 1 +"; + + 5I +" A *T&! +, + " + ) S! + [+ " 0+ +" r 5+ *&+,W *&+ M*&S " W *&S " +, V! + 0+ Z+ X + +, A ( + ZK ; *& I + ; + [ *& "" ( ; 3 +. ; + C F F +. ; + TI +" + 1 7 S G"+ ( 3 T+ F ; A *T& " I + ( 3 T+ F *&+ 5 +" r " + ""! S 9 3 ;[ + +5 + [+ " + 5( [ + 3 +, q + + 3 3 +" 3 '+ + +, F "( + G" + 3 ""+ F + + 0+ " I DS J + + S "" + ; "S F "( + 3 + S 3 7 S S + " S +, *& 9
mā
t ja rakta-
mā
sa-
med
aḥ, pit ja majjās
thi-retaḥ
, satt
va
-
rajas
-
tamo-gu ātmaka śarīram || 86 || La nature du corps est de trois qualités - sattva, rajas et tamas. 84 Ses rakta- (sang), mā sa- (chair) et medas-dhātu (graisse) viennent de la mère et majjā- (moelle), asthi- (os)et śukra-dhātu (sperme) viennent du père || I.86 || strī ā catvāro dhātavaḥ | pu sā trayo dhātavaḥ | nyūnādhika-mātra-sa yoga-vaśāt strīpūrvakam eva prathamam uktatvāt | tasmāt strī-pū sayor melanam | tatra vadanti –'mātā-pitarau pitarau' | jagataḥ pitarau vande pārvatī-parameśvarau, stri-pu sāv ātma-bhāgau te bhinna-mūrtes sis k ayā | prasūti-kāle sarvasya tāv eva pitarau sm tau || mātā-pit bhyām anya tarasya bahu-vacanena pratipādanam | tasmād ubhayor dhātu-melana-rūpa yonir ity arthaḥ | jagad utpattau yonir eva kāra am iti jñāpanārtha ca strī-dhātavaś catvāra iti | pitur api mātur api bahu-kāra ībhūtā jagad-utpatti-hetuḥ prak tir eva | tasyāḥ « prak teḥ mahat, mahato'ha kāraḥ, aha kārāt pañca-tanmātrā i » iti śruter vidyamānatvāt sarva-śre ṭhā mātā prathamata upāttā | tatra śārīra-vacana bījātmakair mahā-bhūtais sūk mais sattvānugaiś ca saḥ | mātuś cāhāra-rasajaiḥ kramāt-kuk au vivardhate || 84
Ce sūtra I.86 : sattva rajas tamo gu ātmaka śarīram doit être interprété dans le sens indiqué par la B.G. : sattva rajas-tama iti gu āḥ prak ti-sambhavāḥ | nibadhnanti mahābāho dehe dehinam avyayam || B.G. dra ya gu itvam? tathā sati gu a-gu inoḥ kāryakāra a-bhāvo vaktu śakyate | te ā gu i-rūpa-dravyādarśanāt na gu inam antare a gu ās santi | tasmāt sattva-rajas-tamo-gu ātmaka śarīram iti sūtrasyaika-deśa vyartha syād ity asvarasād āha – āyur iti |
Quatre dhātu viennent de la femme. Trois dhātu de l'homme. La femme étant la première, par rapport à la combinaison de plus ou moins de quantité, on la mentionne d'abord. On dit, donc, l'union de la femme et de l'homme (femelle et mâle). Et le mot "pitrau" (parents) est "mātāpitrau". Il y a une affirmation poétique – Je vous rends hommage, Pārvati et Śiva, créateurs du monde entier. (Raghuva śa I.1b) Le mâle et la femelle sont des manifestations séparées de vous-mêmes, divisées par le désir de créer ; et ils sont déclarés comme les parents de la création qui jaillit en existence. (Kumārasambhava II.7) Père-mère et autres sont mentionnés au pluriel. Ainsi, les deux types de dhātu forment la matrice (yoni). Ceci pour faire comprendre que la cause de création du monde est la matrice, et que la femme fournit quatre dhātu. Les deux, le père et la mère, devenant la multiple cause de la création du monde sous forme de prak ti qui fait tout le reste. Selon les veda (śruti) : "de prak ti vient mahat, de mahat vient aha kāra, et aha kāra engendre les cinq tanmātrā " 85, la mère, étant supérieure à tous, est acceptée en premier. Il y a une affirmation (en anatomie) L'embryon formé de grands éléments subtils (p thvi, ap, tejas, vāyu, ākāśa), suivis i.e. associés avec le satva (âme), croît graduellement dans l'abdomen, nourrit par l'essence de la nourriture de la mère. (A.H. ŚS I.2) Doute – Quatre dhātu viennent de la mère. Trois dhātu sont engendrés par le père. La formation du foetus est due à leur union. Ici, quelles sont les substances qui déterminent les qualités de satva, raja et tamas? Il est possible de parler de la relation de cause à effet entre les qualités et le possesseur de qualité. Parmi elles, même sans la visibilité des substances de qualité quelconque, les qualités sont là non sans le possesseur de qualité. Alors, une partie de l'aphorisme concernant "le corps étant de nature de sattva, rajas et tamas" devient inutile. Cependant, ce n'est pas vrai. C'est pourquoi, il est expliqué davantage par - "āyuḥ" ""3 +( A1 6 F 3 ;+ c 1.
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prak teḥ mahat, mahato'ha kāraḥ, aha kārāt pañca tanmātrā i "de prak ti vient mahat, de mahat vient aha kāra, et aha kāra engendre les cinq tanmātrā " En philosophie du Sā khya, la prak ti est la créatrice originelle du monde matériel. + ;+ 5 Z + " '+ + 5. 1 +! ;+ + I 3 ; + IP + '! ;+ +, + [FS +"; G" + S P + A *& A ( + + 1 S P +, + ""!, +, +' H S + + + ( I + + c + 5( [ + " H S + + r + I+ ^ D + " + S *& 9 "" + $ "" r 0+ " + S + X + +, S + āyurārogya-tejo-bala-śuddhādi vapus sattva-gu otpādakam || 87 ||
Le corps qui possède la vie (āyu), la santé (ārogya), le feu (teja, agni), la force (bala) et la pureté (śuddhi) etc. engendre la qualité de sattva (sattva-gu a utpādaka) || I.87 || sattva-gu asyaitād śa-lak a āni santīti pratipāditam | nanu gu āśrayo dravyam iti gu āśrayatva dravyasya | pañca-bhūtānā gu āḥ | iti te tat-tad-dravya-ni ṭhās santi | atas te p thag vyavasthitāḥ | ata ete ā sattva-rajas-tamo-gu ānām ete etasya dravyasyeti vyapadiśet | te ā gandhādīnā gandha-rasa-rūpa-sparśa-śabdāḥ pañca-bhūtānā ekaikaśo'vacchedakāḥ | gu a-trayasya te ā nāvacchedakatvāt, gu o gu inam antare a sthātu nopapadyata ity asvarasāntarād āha – āyur iti āyuś ca ārogya ca tejaś ca bala caitāni sva-rūpā i vapu a āvirbhavantīti kāra ānyathānupapattyā tat-tat-kārya-kalpanasya vidheyatvāt | atra śārīra-vacanam 210 tejo yathārka-raśmīnā sphaṭikena tirask tam | naidhana d śyate gacchat sattvo garbhāśaya tathā || sāttvika-rājasa-tāmasa-gu āḥ tat-tad-utpādaka-hetutvakāḥ kāryam anuyāntīti hetumad-bhāvasya niyāmakatvāt | tat-tadd-hetubhūta-rasādanāj jāta-sāttvika-rājasa-tāmasa-gu āḥ jīvātmani santi | ata eva tasya gu itva pratipāditam | yathā sphaṭika-sthita tejaḥ | arka-tīk a-kira āvirbhāve sati tatrānalo d śyate | tatra sphaṭikārka-kira a-sa yogaḥ ra am | kāryotpādaka-sāmagryā satyā avilambena kārya-kāra a-bhāvasāmagrī-sānnidhyāt kārya yatra d śyate tatrāya niyamo jñātavyaḥ | tatra jīvasyāvayave sāttvikādayaḥ ad ṭādi-sakala-sāmagryā satyā mātāpitrantarupasthita-hitāhitānnādanād antaḥ pravi ṭe sati graha ī-kalāśrayo dhātūn sa po ya rasās -mā sa-medasā samāhāro rakta-dhātur iti vyapadiśyate | pait ka tu śuklam | asthimajjā-retasā samāhāraś śuklam iti vyapadiśyate | anyathā rakta-śuklāv eva kāra e saptadhātumaya-śarīrotpatti-rūpa-kāryasyeti vaktu na śakyate | tasmāt sapta-dhātumaya śarīram iti jñāpanārtham || m dv-atra māt ja rakta-mā sa-majjās g-ādikam | pait ka tu sthira śukra dhamany-asthi-kacādikam || iti vacanānusāre a | atra kāvya-vacanam stri-pu sāv ātma-bhāgau te bhinna-mūrtes sis k ayā | prasūti-kāle sarvasya tāv eva pitarau sm tau || tasmāc chukla-śo ita-sannipāto yonir iti | sānnipātya-śabda-mahimnā bījātmaka-dhātu-melana sānnipātyam | tatra śārīra-vacanam caitanyaḥ citta-v k ā ā nānā-yoni u janmasu | nānā-yoni u te u caitanyaś citta āvirbhavati tād śam ity arthaḥ | nanu pait kās trayaḥ māt jāś catvāra eva sapta-dhātumaya śarīram śarīra-kāryasya kāra atva pratipāditam | eva sati śruti-virodhas syāt | « ātmana ākāśas sambhūtaḥ | ākāśād vāyuḥ » | iti vidyamānatvāt | antassthita-dhātu-po a a kurvanti te | tasmād eva vyākhyānam ayuktam ity asvarasād āha – yatreti | Les caractéristiques de la qualité de sattva sont celles mentionnées dans l'aphorisme. Doute – Les propriétés (gu a) dépendent de la substance (dravya) car elles prennent refuge dans les substances (dravya). Les propriétés des cinq éléments fondamentaux agissent selon leur siège. Elles sont arrangées séparément. Les substances refuges de sattva, rajas et tamas sont décrites ici. Là, l'odorat (gandha) etc. i.e. gandha, rasa, rūpa, sparśa et śabda sont des propriétés des éléments fondamentaux commençant par p thivī, dans la même séquence. Parmi elles, trois qualités (gu a) ne sont pas distinguées, et les propriétés résident dans leur possesseur (gu in), et non autrement (i.e. non présent sans le possesseur).C'est pourquoi, il est dit - "āyuḥ" La vie (āyu), la santé (ārogya), la vigueur (teja, agni), la force (bala) etc. se manifestent dans le corps ; la cause d'une telle manifestation ne peut pas prédire l'idée de leurs fonctions. Il y a une affirmation (d'anatomie) – Comme les rayons de soleil, interceptés par la loupe, ne sont pas visibles sur le fuel (herbe, bois, papier etc. sur lequel ils sont convergés), telle est l'entrée du sattva (ātman, âme) dans la matrice. (A.H. ŚS I.3) 211 Tout ce qui cause la création des qualités sattva, raja et tamas, par défintion, suit les actions de la règle de cause à effet. Selon le type de consommation de la saveur (rasa) derrière leur cause, ces trois sattva, rajas et tamas deviennent les propriétés du jīva. C'est pourquoi, le possesseur de ces gu a est mentionné. Comme la lumière dans le cristal. Chaque fois que les rayons de soleil se manifestent, ils apparaissent sous forme de feu. Là, la cause est le contact des rayons de soleil avec le cristal. Lorsque tous les moyens d'action sont présents, par le principe de cause à effet, on peut voir immédiatement le travail résultant et, dans de tels cas, on doit le comprendre comme une . Là, ayant entré dans le corps de la mère et du père, sous forme de la consommation de la nourriture bénéfique ou non-bénéfique, et en prenant refuge dans l'organe graha ī, en alimentant les dhātu rasa-as k-mā sa-meda, le jīva avec ses attributs tels que sattva etc. (trois qualités gu a), avec la présence de toutes les conditions non-manifestes (ad ṭa) etc., est observé collectivement comme rakta dhātu (ārtava). Dans le père, il est observé comme sperme (śukra). Les dhātu asthi-majjā-śukra sont observés collectivement comme śukra. Sinon, à partir uniquement de śukra et rakta, on ne pourrait pas parler de la création du corps qui consiste en sept dhātu. Ainsi, on doit savoir que le corps est composé de sept dhātu. Il y a une affirmation
Les parties douces telles que sang (rakta), chair (mā sa), moelle (majjā), rectum (guda) etc. sont māt ja (dérivées de la mère), celles qui sont statiques (compacts, durs) telles que sperme (śukra), artères (dhamani), os (asthi), cheveux (kaca) etc. sont pit ja (dérivées du père). (A.H. ŚS III.4b5a)86 Il y a une affirmation du domaine de la poésie classique – Je vous rends hommage, Pārvati et Śiva, créateurs du monde entier. (Raghuva śa I.1b) Le mâle et la femelle sont des manifestations séparées de vous-mêmes, divisées par le désir de créer ; et ils sont déclarés comme les parents de la création qui jaillit en existence. (Kumārasambhava II.7) Ainsi, l'union de śukra et śo ita (ārtava) est yonī, l'origine. L'importance du mot "sannipāta" i.e. l'union peut être expliquée par l'union de dhātu au niveau basique (primaire). Il y a une affirmation (d'anatomie) – De cetanā sont dérivés l'esprit, les organes de sens et la naissance dans diverses espèces des êtres (A.H. ŚS III.5b)87 Le sens est que, selon l'espèce parmi les diverses espèces, on fait acquisition de l'esprit et des sens etc. Doute – La cause de création du corps avec sept dhātu est mentionnée avec trois types de dhātu du père et quatre types de la mère. Cette affirmation contredit l'affirmation védique (de śruti). "(Parama) ātmā (Supreme Personality) créé ākāśa, d'ākāśa est formé le vāyu," 88 est une affirmation védique. Ils alimentent les dhātu situés (dans le corps). Alors, l'explication précédente pourrait sembler impropre. Cependant, il est incorrect de dire ainsi. C'est pourquoi, il est dit davantage par - "yatra" 86 La suite à savoir la 2e partie du sūtra A.H. ŚS III.5b se trouve un peu plus loin dans le texte (voir note 87) 87 Ceci correspond à la 2e partie du sūtra A.H. ŚS III.5 cité plus haut (voir note 86). Le texte dans l'A.H. est légèrement différent et se lit : caitana cittam ak ā ī nānāyoni u janma ca || (A.H. ŚS III.5b). Il indique la doctrine du « cycle des naissances et des morts ». L'ātman (l'âme) est immortel et subit l'épreuve d'être né en espèces différentes selon les karman. "'+ +F6+( + F!%& 0+ + " 3 + + F jk+ ( + + J S I + + + ==!%& '!%&P " +!%& '!%&P I + yatrasthā rasās tat-tadbhūta-jātās te
dhātu-po akāḥ || 88 || Selon la prédominance de grands éléments (mahābhūta), les saveurs nourissent les divers dhātu || I.88 || yatra sthitāḥ tat-tad-avacchedaka-gu ādhikya yatra bhāsate tad-avacchedakāvacchinnā rasās tad-avacchedakāvacchinnā bhavantaḥ tat-tad-dhātu-janakā iti te rasā dhātu-po akāḥ || Selon la présence des propriétés (sattva, raja, tama) d'éléments fondamentaux censés y être présents, les saveurs sont formées, et selon la quantité réelle d'éléments fondamentaux présents, ces saveurs (rasa) engendrent les dhātu du corps, et ainsi, sont nourrisseurs de dhātu.
+ I+S + + 5+ + + I (S *c&d+ Q J1 I " 5+ S " "S => athāta ādibhūta yaḥ kartā yāvat k tes tathā tad eva bhe aja manaḥ-kāma-h d-gata-kaphaśuklādibhir āv ta śarīra daśa || 89 ||
En prononçant le mot auspicieux 'atha', on peut dire que le corps, premier et avant tout, couvert de dix types d'éléments mentaux (désirs) et physiques (kapha, śukra etc. dans le coeur), quelle que soit son action, produit son médicament
||
I.89
|| 0+ 6S *& ( I S +S + 1 3 5+S ^ S " S + 9x9 ity āyurvedasya
prat
hama-praśnasya bhā ya Yogānandanātha-k ta suprasiddha
mahā-jana-sammata prati-sūtra-vyākhyāna lokopakāraka prathama-praśnaḥ samāptaḥ
---o--- Ici se termine le premier chapitre avec ses célèbres commentaires et explications de chaque aphorisme, composés par Yogānandanātha pour le bénéfice du peuple et acceptés par les personnes éminentes ---o-
sūtra du Chapitre
Le Praśna II contient 99 sūtra et commence par des vers d'une nouvelle bénédiction – hommage à I 9 (II.1) Mahā-tripura-sundarī. On présente la relation entre les saveurs (rasa) et les do a, - qui d'ailleurs continue plus loin (II.54-55) - avant de traiter de l'anatomie du corps humain, " " "! ) (II.1-8) qui est le sujet principal de ce chapitre. On y aborde les parties physiques du corps ainsi que la présence de lotus avec leurs caractéristiques particulières. On nous renseigne sur le nombre total (sept cents) des veines et celui associé aux articulations, aux muscles, aux tendons et aux différents membres du corps ; les sept organes89 (réceptacles - āśaya) chez l'homme (et un huitième chez la femme : utérus) avec l'importance des cinq souffles qui y circulent ; et comment se forment ces différentes parties du corps dans l'embryon. Puis, on présente le sujet particulier concernant la présence de 35 lotus (padma) dans le corps humain, 3 D " " (II.9-44) ; chacun de ces lotus est lié à une partie spécifique du corps et y est connecté à un nombre spécifié de veines. On indique également comment ces veines interviennent dans le fonctionnement de la partie du corps en question (II.45). En outre, chaque lotus est lié à une ou deux syllabes. Cette notion est très particulière à ce texte et il convient de l'élaborer. En effet, une lettre de l'alphabet est assignée à chacun des membres du corps à travers le ou les lotus responsables du fonctionnement de ces membres. Sans rentrer dans les détails, cette attribution de lotus et des lettres alphabétiques est complètement indépendante de celle qui correspond au domaine du tantra. L'idée est que l'on peut localiser des maladies particulières dans des membres particuliers par l'émission indistincte d'un son (uccāra a) sur la partie du malade. On peut imaginer une certaine dextérité des vaidya qui pourraient utiliser cette pratique. Le Tableau-Lotus dans la première partie de cette étude récapitule tous les détails concernant ces lotus : leur localisation ainsi que le nombre de veines et les syllabes qui y sont associées. En ce qui concerne les autres sujets traités, peut citer : 89 A.H. ŚS III.10-11 (cité dans les commentaires du sūtra II.4) va plus loin et définit ces sept réceptacles : i) raktāśaya (yak t – foie et plīhan – rate) ; ii) kaphāśaya ; iii) āmāśaya (estomac et intestin grêle ; iv) pittāśaya (duodénum, foie, vesicule biliaire ) ; v) pakvāśaya (gros intestin y compris caecum) ; vi) vātāśaya (gros intestin y compris le rectum) ; vii) mūtrāśaya (vessie) 214 90 - les saignées, " 7 (II.46-48), pratiquées sur les membres malades du corps pour se débarrasser des maladies. Les quatre méthodes (sirā-vyadha-vidhi ; śalyāhāra avidhi ; śastra-karma-vidhi et k ārāgni-karma-vidhi) décrites dans les quatre derniers chapitres du sūtra-sthāna de l'A.H. - le traitement du sujet de la procréation, en indiquant la cause, ( *&+ (II.49), les caractéristiques des corps (parents) intervenants, ( " " (II.50-51) et la science de procréation, ( ) (II.52). La plupart des détails viennent des deux premiers chapitres du śārīra-sthāna de l'A.H. (respectivement, embryologie et désordres de la grosesse). Ce sujet a été traité au chapitre I (sūtra I.86 qui indique la contribution de chacun des parents vers le développement de l'embryon). - l'importance de la nourriture, « on est ce qu'on mange » (II.53), et réitération de la notion des upani ad que la nourriture est la base même de tous les êtres vivants (II.86-89). Ce sujet a été traité en détail au Ier chapitre (sūtra I.84 correspond aux quatre sūtra ici : II.86-89). - le sujet de la fertilité (II.56-59) et de la grossesse, avec le détail des menstruations de la femme et la signification selon le jour, 3 I 5 6 (II.60-64, 93), la nourriture appropriée pour une femme enceinte, 3 I G"!, 3 I *& " (II.65-69, 76-80, 8385, 90-96) et les soins nécessaires, 3 I "3 5 F (II.70-75). Pour compléter le sujet, on indique les conditions dans lesquelles sont nés un garçon, une fille ou un hermaphrodite (II.56-58), et on promulgue les conseils surtout à la femme concernant la nourriture et les jours propices pour des rapports réussis avec son mari en vue d'avoir une descendance appropriée. - et vers la fin du chapitre (II.71), il est redit qu'une augmentation de l'āma est la cause de toute maladie, et que tous doivent faire un effort pour s'en débarrasser (II.75). C'est la thèse fondamentale de l'oeuvre à l'étude et son énoncé se trouve dans chacun des chapitres de cette oeuvre. Ici, on présente, en particulier, des remèdes pour vaincre les problèmes d'indigestion et surtout pour les femmes enceintes. - enfin, il est réaffirmé que les saveurs nourrissent les dhātu (II.97) et le rasa (essence dans la nourriture) est comparé au sang et à l'âme elle-même (II.98-99). Notons qu'auparavant (II.53), il a été indiqué comment on peut obtenir les différentes saveurs à partir de la combinaison de deux des cinq grands éléments (A.H. SS X.1)90 : N'oublions pas à ce sujet qu'il existe certaines différences entre les diverses sa hitā : la première partie de cette étude (Tome I) présente un tableau comparatif des données de Caraka, Suśruta et Vāgbhaṭa
Saveur k mā (p thvī) - terre ambu (ap) – eau madhura (sucré) agni (tejas) - feu k mā (p thvī) – terre amla (acide) ambu (ap) - eau agni (tejas) – feu lava a (salé) kha (ākāśa) - éther anila (vāyu) – air tikta (amère) agni (tejas) - feu anila (vāyu) – air kaṭu (âcre) k mā (p thvī) - terre anila (vāyu) – air ka āya (astringent) 216
Deuxième chapitre 3 *
+ " S 3_ 5 *&! + 3 *& I D *& " #&. " ( #$ +, ++ N 3 " *& *T& S *& guhāntara-ni
vāsinī guru-k pā-kaṭāk ād amī sahāyam anu-cintakās sarasije u aṭsu kramāt | guhāmaya-bhi aktayā satatam a ṭa-vāgvādinī mahā-tripura-sundarīm iha muhur namas kurmahe || Nous prions encore et encore la déesse Mahā-tripura-
sund
arī
, en parcourant dans
l'
ordre
les six lotus
du
corps
,
grâce au regard
du maître,
sous forme
de
sa
b
énédiction
,
qui nous
rapproche des penseurs ; cette déesse qui habite les profondeurs des grottes, qui est également appelée dominatrice des huit sons divins (a ṭa-vāg-vādinī) et qui est la guérisseuse éternelle. L" " *& *& " 1 " dvi-rasārtha-rasa-hīnārtha-hīna-rasavān anila-nivārakaḥ | 1 | Parmi les nourritures savoureuses et sans saveur, ces dernières diminuent le do a vent || II.1 || #$ *& S '+ "'S!%&1 +L F" + " I '+ - aṭ-sahasra-tri śat-sirās tri śac-chalyāś śata-dvaya-daśottara-sandhayo navāśīti-snāyu-peśidharā bhavanti | 2 | Parmi les six mille et trente sirās présents dans le corps, trente sirās sont importants par rapport à la chirurgie, deux cent dix sont associés aux articulations et quatre-vingt-neuf sont attachés aux muscles et tendons || II.2 || 217 + + " + + 3 3 *& 1 ( + T" M 1 S *&" + / sapta-dhātu-dharās saptāśayās tan-madhyaga-graha ī-kalā-jātaḥ svādu-raso 'nila-prakopa harati || 3 || La graha ī kalā se trouve entre les sept chambres (réceptacles) comprenant les sept dhātus du corps ; la saveur sucrée diminue le do a vent vicié || II.3 || N 3I, 4 a ṭamo garbhāśayaḥ strī ām | 4 | L'utérus est la huitième chambre chez les femmes || II.4 || S S + S! ;( S S *&+ I + 8 sva sva svo ma ā sravad-rasātma caujaḥ | sva sva svasya svam eva hetur bhavati | 5 | On devient soi-même la cause de la reproduction en utilisant la chaleur engendrée soi-même qui donne lieu à la sécrétion du fluide germinant (sperme et ovules) et de l'ojas du corps et dans le corps || II.5 || " f 5K 7 "( ?,
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pā i-
pāda
-pārśva-p ṭ
horūd
ara-ja gha-śiśnopastha-
pā
y
v-a gāni bhavanti | 6 | Puis, se développent la tête, les mains, les jambes, les côtés, le dos, l'estomac, les cuisses, les organes de reproduction et l'anus du corps (dues au mélange des fluides germinants) || II.6 || Z + J!. '( o& @ + < śrotra-tvak-cak ur-jihvā-ghrā ās tathā | 7 | Puis, se développent dans le corps les oreilles, la peau, les yeux, la langue et le nez || II.7 || " I
+"
"
'"
[
+'
S + " I +" " = sarandhrakābhyantara-dharās trayas trayas sirāḥ | pādayoś catus-tri śat-sarandhrakābhyantaradharāḥ | 8 | Le corps possède trois types de nerfs qui vont le long des pores (sarandhraka sirā) et trois types de nerfs qui se tiennent au fond du corps (ābhyantaradharā sirā). 3 + YS! + V! '+ " 5+, 4E sa-var a-jñāpakam ak i-pradeśa-gata-padma catuḥ-pañcāśat-sirāv tam | 40 |
Le
lotus, situé dans l'oeil, générateur de la syllabe'', est encerclé par cinquante-quatre sirā
|| II.40 || *&9 + S. YS L " 5+, 4 ha-var otpādaka pak a-pradeśa-padma dvi-sirāv tam | 41 | Le lotus situé dans la région de l'épaule, qui produit la syllabe '*&', est encerclé par deux sirā || II41 || |&9 +?,3 YS L " 5+, ḷha-var otpādakam apā ga-pradeśa-padma 4- dvi-sirāv tam | 42 | Le lotus, situé au coin extérieur de l'oeil, générateur de la syllabe '|&', est encerclé par deux sirā || II.42 ||.9 ) S + '?,D YS S '+ " 5+, 4/ k a-var a-jñāpaka danta-pa kti-praseśa-padma tri śat-sirāv tam | 43 | Le lotus situé dans la région des dents, générateur de la syllabe '. ', est encerclé par trente sirā || II.43 || "Q + S 1 YS " + +, 44 rephotpādaka kapola-padma ra-var a-devatātmakam | 44 | 223 Le lotus situé à la joue, générateur de la syllabe '"', est semblable à la déesse de la syllabe '"' || II.44 || " 3 +( + A X+ 48 sirāsya-do a-gati-jāta-śabdaḥ kar ayoḥ prapadyate | 45 | Le son créé par le mouvement des do a dans la tête et dans la bouche est transmis aux deux oreilles || II.45 || G"D + G"D +'" 4: riktātiriktātipūr ās sirā na vedhyāḥ | 46 | Les sirā - rikta (vital), atirikta (redondant) et atipūr a (abondant, portant le sang) – ne doivent pas être perforés || II.46 || +'" 3 G"D 4< tās sirā marmāśayagā riktāḥ | 47 | Les sirā allant vers les organes vitaux sont rikta (vital) || 2.47 || " 5'3 I 3 S ) +! +, 4= sirās g-vibhāga-vidhi jñātvā vimocayet | 48 | La décharge de certains sirās ne doit être effectuée qu'en connaissant bien les diverses façons de la circulation du sang à travers eux || II.48 || _( c ; +"; 4> nīrujāvayavādīd śau pitarau | 49 | Pour une progéniture sans défaillance, les parents (le père et la mère) doivent être en bonne santé || II.49 || 6 6 6 1 6' 3 *&+ ; ( ( + 8E śuddhāśaya-śuddha-do a-śuddhānala-śuddhendriya-gu a-hetuka-pārthiva-dravyaiḥ prajāḥ prajāyante | 50 | Les éléments "ter riens" qui conduisent vers les organes purs, les do a purs, le feu digestif pur et les sens purs, sont à la base de la naissance de la progéniture || II.50 || + P + 8 śukra-śo ita-sannipāto yoniḥ | 51 | La matrice (yoni) est le résultat du mélange de sperme et d'ovules || II.51 || 224 "I (! + 8- yonyām āvirabhūd ajo vidhi-coditaḥ | 52 | La manifestation de l'ātman dans la matrice (de la mère) est le résultat de son intelligence spécifique || II.52 || *& " 3 7, I + 8/ yāvad-āhārānugu a-rūpavān bhavati | 53 | Les habitudes concernant la nourriture des parents sont décisives des qualités de leurs progénitures || II.53 || "3 " + 84 yāvad-ārogyadā rasā nivartakāḥ | 54 | On doit donc toujours utiliser les rasa qui rendent la santé || II.54 || I *c&+ " I + 5( S 1 +, 88 yāvad-abhyavah ta-rasebhyo māt ja pālayet | 55 | On doit nourrir tous les dhātus de la future mère par de tels saveurs saines || II.55 || "+ M '+ + I + 8: reto 'dhikāt pituḥ putro bhavati | 56 | L'enfant né est de sexe masculin lorsque le fluide de germination de l'homme (sperme) est en excès || II.56 || "D + I + 8< raktādhikān mātuḥ putrikā bhavati | 57 | L'enfant né est de sexe féminin lorsque le fluide de germination de la femme (sang) est en excès || II.57 || L 2& I + 8= dvi-samo yatra a ho91 bhavati
| 58 | L'enfant né est l'eunuque si les fluides de germination des deux sont de même quantité || II.58 || ( ( + 8> ajo nānā jāyate | 59 | L'ātman est né de différentes façons || II.59 || 91 Au sens de a ha- : hermaphrodite, asexué 225 "(, >- :E māsi māsi rajaḥ strī ām | 60 | Les femmes ont leurs périodes (excrétion menstruelle) chaque mois || II.60 ||! + M \& +, : caturthe 'hni snāyāt | 61 | Elle doit prendre son bain le quatrième jour (de ses périodes) || II.61 || 6 +S (+, :- śuddhā pati vrajet | 62 | (et), ainsi purifiée, doit se rendre auprès de son mari || II.62 || ( + + ]S S + 6+, :/ prajā-kāmās tāvat-prayatna mithuna tāvadd-hetukam | 63 | Le désir de la progéniture est la cause de l'union du mari et de la femme et l'union est l'action accomplie pour le désir de la progéniture || II.63 || L! + NN L M*& ( + + + "M*& ( + :4 dvi-catuḥ- a ṭhā ṭa-daśa-dvādaśe 'hani jātāḥ putrāḥ tad-itare 'hani jātāḥ putrikāḥ | 64 | Si l'union a lieu la seconde, la quatrième, la sixième, la huitième, la dixième et la douzième journée de la période de la femme, l'enfant né est de sexe masculin ; pour les autres jours, il est du sexe féminin || II.64 || + ; S +, :8 prathamartau po aka nivartakam | 65 | Dès les premiers manques de périodes, on doit administrer une alimentation fortifiante || II.65 || + k y+ ; S + +" " 3I I + 1 3 :: tad-ūrdhve tau śo aka tad-anantaram api śo aka-rasāḥ garbhābhivardhakā yāvat- kālopayogyāḥ |66 | Les périodes désormais sont absorbées et utilisées pour l'alimentation de l'enfant non-né || II.66 || 92 A.H. ŚS I.7a 226 L "" *&" + :< prathama-dvi-tri-māse u madhura-rasāḥ pavana-harā nivartakāḥ | 67
| Pendant le premier, second et le troisième mois de la grossesse, la mere (enceinte) doit avoir un régime sucré pour réduire le do a vent || II.67 ||
!+ V! #$
1
" F *&"
+ :
=
catuḥ-pañca- aṭsu māse u amla-rasāḥ pitta-harā nivartakāḥ | 68 | Pendant le quatrième, cinquième et le sixième mois de la grossesse, elle doit avoir le régime acide qui diminue l'excès du do a Bile || II.68 ||
NN " Q +
:
>
a ṭhā ṭa-nava-māse
ū
a-rasāḥ kapha-śo akāḥ pravartakāḥ |
69
| Le sixième (?septième), huitième et neuvième mois de la grossesse, le régime doit comporter la nourriture âcre qui doit sécher l'excès du do a phlegme || II.69 || + " <E nivartyo vikāraḥ | 70 | Pendant tout ce temps, toute altération doit être supprimée (au plus vite) || II.70 ||
56 " " 3 *&+ I +
< āma-v ddhi-vikāras sarva-roga-hetubhūtaḥ | 71 | La production d'āma excessif est la cause de toutes maladies dans le corps || II.71 ||
+F $ S +F+ 1 +F L +F P + +, <-
tat-tad-dravya tat-tat-kāle tat-tad-vi aye tat-tan-nivartye u nivartakam | 72 | Quelles que soient les substances nécessaires pour l'éradication des maladies pendant ce temps, on doit les administrer selon le temps et l'urgence || II.72 ||
+ S I (, </
nivartaka bhe ajam | 73 | (En cas de nécessité) on doit utiliser les médicaments (pour éliminer les maladies) || II.73 || 227 *&+ <4 do a-traya-hetukaḥ | 74 | Les maladies sont dues aux trois do a également || II.74 || ( + 1 S +, <8 sarva-jantūnām anāma-pālana nivartakam | 75 | Dans le cas de toutes les espèces, l'élimination de l'āma du corps doit être nécessairement effectuée || II.75 || \& S!%&" " A 5S*& ( U&" 1, <: vahni-pravardhaka-dravya yāvac charīropab ha a-jaṭharānala-pravardhaka-dravyam | 76 | La substance appelée "agnivardhaka dravya" est celle qui augmente la force du feu digestif, qui à son tour, nourrit le corps (en engendrant les dhātus) || II.76 || +F *& 3 << tat-tad-arthās sneha-yogyāḥ pravardhakāḥ | 77 | En ce sens, les substances utiles pour l'onctuosité également augmentent la force du feu digestif || II.77 || 6 *& S +, <= viśuddha-sneham aya nivartakam | 78 | Dans ce but, on ne doit utiliser que les substances oléagineuses pures (telles que ghee) || II.78 ||?,3?,3?,3 M?,3 1?,3?,3 I ( S I + <> a gā ga-sa go'ga-vilepanād a gā ga-vibhajana vibhāti | 79 | Les différentes parties du corps de l'enfant à naître sont considérées développées par le processus de l'application d'enduit sur ces diverses parties || II.79 || + ]
( ( + +
]
@
5+
( =E antarvatnī-janya-jāta-vedā antarvatnī-gh tādana- Le feu digestif de la femme ence correspond celui par son régime alimentaire comportant une quantité appropriée de ghee (beurre fondu) || II.80 || ^!" S ( + *&. "" = khecarā ā janayatas saha sārpi ā pak i-śarīre | 81 | 228 En ce qui concerne les oiseaux,
leurs
corps
sont nés avec des substanc
es
telles
que
ghe
e
||
II.81 || " *& S 3 3 + (+, =
- ār
oha
a gaga
na
-vartmas
u
vrajatām | 82 | Ils montent en parcourant le chemin du firmament || II.82 || @ 5+ 1
+
P +
(
"+ S
+
=
/ gh
ta-
plutā
n
nādanād 93āyus-tejo-retā si dadhāti | 83 | Le régime chargé de ghee (beurre fondu) donne l'āyu (longue vie), teja (énergie) et retas (sperme) || II.83 || 3 3 ;" I + =4 yogya-dravyopayogair abhivardhate | 84 | Avec l'usage de substances appropriées (médicinales), (ils) augmentent || II.84 || H +M y+ =8 edhante'smā tavaḥ | 85 | La sécrétion menstruelle des femmes enceintes en effet nourrit le corps du foetus || II.85 || P jk+ ( + =: >4 annād bhūtāni jāyante | 86 | Les éléments primaires (bhūta) sont nés de la nourriture (anna) || II.86 || ( + P + =< >8 jātāny annena vardhante | 87 | Ils grandissent grâce à la nourriture (anna) || II.87 || X+ M F! I + == >: adyate 'tti ca bhūtāni | 88 | La nourriture est mangée (adyate), et la nourriture mange (atti) les éléments (bhūta) || II.88 || 93 Le mot « vāyu » a été corrigé en « āyu » 94 Voir sūtra I.84 et la note 83 95 Voir sūtra I.84 et la note 83 96 Voir sūtra I.84 et la note 83 229
+
P S
+
T! + 0 +
><
=>
tasmād anna tad u
cyata
iti | 89
| C'est pourquoi, on l'appelle "anna – ce qui est consommé et ce qui consomme"
|| II.89 || @ 5+ 1 +
P
+ ]
+
, >E gh ta-plutā
nnam antar
vatnyāḥ pradāpayet | 90
| On doit nourrir les femmes enceintes avec les aliments riches en ghee || II.90 || + + I S + S + ( ( + > tasmāt svāvayava-vibhava dhātu-vardhana kurvatyaḥ prajāḥ prajāyante | 91 | De la nourriture riche en ghee, le foetus extrait les aliments pour le développement des dhātu et pour sa croissance avant la naissance || II.91 || +!%& S + I (, >- tac-cho aka-po aka-dravya tatra bhe ajam | 92 | (Et s'il y a des désordres), les substances absorbantes et nourrissantes sont des médicaments || II.92 || H F"F" I 56 >/ evam uttarottarābhiv ddhir māse māse | 93 | Ainsi, le foetus se développe chaque mois || II.93 || L + I ( >4 yāvad-vārdhikās tatra bhe ajāḥ | 94 | Les substances qui aident à la croissance (du foetus) jouent le rôle de médicaments || II.94 || >8 sarpi ā po ya-po akāḥ | 95 | Le beurre fondu (ghee) est absorbant et (en même temps) nourrissant || II.95 || 1 >: na po aka-kāle śo akāḥ | 96 | Le moment où il (ghee) est nourrissant, il ne fonctionne pas en tant qu'absorbant || II.96 || 97 Voir sūtra I.84 et la note 83 230 2R& + + >< a -rasās sapta-dhātu-po akāḥ | 97 | Toutes les six saveurs (rasa) nourrissent les dhātu || II.97 || " ` 5, >= >= raso hy as k | 98 | Le chyle (rasa dhātu) uniquement nourrit le sang (rakta dhātu) || II.98 || " ; >> >> raso vai saḥ | 99 | Il est le chyle (rasa) Lui-même || II.99 || 0+ L+ I S 3 5+S I 6S *& ( S 1 " S +S + ^ S, 9x9 ity āyurvedasya dvitīya100-praśnasya bhā ya Yogānandanātha-k ta suprasid
dha
mahā-
janasammata prati
-
sūtra-vyākhyāna-pūrvaka āyurveda-bhā ya lokopakāraka sampūr am ---
o
---
Ici se terminent les célèbres commentaires et explications de chaque aphorisme du deuxième chapitre, composés par Yogānandanātha pour le bénéfice du peuple et acceptés par les personnes éminentes ---o--- 98 Voir note 78 99 Voir note 78 100 Le mot « prathama » a été corrigé en « dvitīya » 231 Les sūtra du Chapitre III Résumé Le Praśna III contient 99 sūtra, traite le sujet du « yoga », 3 (III.1) et cite, sans référence à la source, les Yoga-sūtra de Patañjali. Avec ce chapitre, on entre dans le deuxième volet de l'étude à savoir la définition des termes du Yoga101 et son application au domaine de l'Ayurveda. Cette application est traitée au chapitre IV. On observe que les deux chapitres qui concernent le volet yoga de ce texte, c'est-à-dire le chapitre III présentant les notions de base et le chapitre IV leurs applications, ne comportent pas les ma galācara a additionnels tels qu'ils se présentent aux chapitres I, II et V. Est-ce le signe que l'auteur considère le yoga comme une aide à l'Ayurveda et non le contraire? Notons que l'enseignement du yoga, 3 ^ (III.3) présenté ici diffère en plusieurs aspects de celui des YSP. L'accent est mis sur la diététique et montre comment les différents types de saveurs sucrée, acide et âcre respectivement - augmentent les qualités sattva, rajas et tamas, 3 9" A (III.7-9, 15-16) ; la qualité rajas (activité, énergie, passion) étant la cause de l'expérience du bonheur ou du malheur liée aux objets externes, la qualité tamas (ignorance) de la colère, de l'illusion etc. et la qualité sattva (pureté) du bonheur. C'est ainsi que l'on définit les trois qualités, gu a, 3 (III.4-6). Il est dit qu'une personne recherchant la libération ne doit s'alimenter que des substances sucrées de la diète (III.10). Cette connaissance des qualités permet de faire la distinction entre le bonheur, le malheur, l'état léthargique etc., + F! (III.14). C'est là la différence principale entre le yoga traité ici et dans les YSP. Alors que les YSP ne traitent pas du tout de la diète, et restent théoriques en liant les gu a avec l'état mental et ses transformations , l'étude ici présente les liens pratiques entre ces gu a et les saveurs de l'alimentation. D'un point de vue simpliste, cette différence est due essentiellement à l'objectif final que se donne chacun de ces textes : les YSP cherchent à préparer un chemin qui mène l'homme pas à pas vers une autonomie (kaivalya), l'AS cherche à maintenir une bonne santé, qui permettra évidemment et éventuellement à réaliser d'autres objectifs dans la vie. Par ailleurs, l'auteur de l'AS cite de même « le contrôle des modifications de l'esprit » plus loin au sūtra (III.61) à la suite et en vue d'obtenir « le détachement » (vairāgya). Ceci révèle bien les différences indiquées ci-dessus. Sur le même registre, on définit ici le mot yoga en tant qu'un mélange approprié de substances (III.17) pour préparer un médicament bénéfique. En outre, on insiste bien que le contraire (mélange inapproprié) donne lieu à la confusion de l'esprit (III.18). Comme dans tous les chapitres, on donne beaucoup d'importance à la consommation d'une nourriture appropriée (III.21, 24, 26-31, 44-46) et à ses effets sur le corps et sur l'esprit. Ici, en outre, pour faire l'analogie avec les « douleurs »102 (kli ṭa) des YSP, on indique que la nourriture pourrait devenir douloureuse (kli ṭa) lorsqu'elle est inappropriée (apathya). On remarque que l'auteur de l'AS est au plan pratique loin des problèmes intellectuels des YSP. Parmi les autres sujets traités, on peut citer : - - description de la maladie et son remède, _( " (III.32-34), et comme dans la plupart des chapitres, l'accent est mis sur le fait que l'évacuation de l'āma est le principe le plus important dans n'importe quel traitement (III.33), nécessité pour un bébé de boire le lait non-altéré à partir du sein de la mère, A 1 G"! (3.35-39) réflexion concernant les mesures de la perception de la connaissance,! " (III.47- 60) : c'est un sujet très important d'une portée générale comportant des termes tels que l'imagination (vikalpa), le sommeil ( nidrā), la mémoire (sm&ti) etc. dont la définition ici est d'ailleurs empruntées des YSP. La contribution de l'auteur de l'AS est qu'il indique le rôle que la nourriture peut jouer dans la perception de la connaissance ; par exemple, après la définition de « sommeil » au sūtra III.54, l'auteur indique que l'on peut éprouver cette même absence de contenu de connaissance par un régime de saveurs amère (tikta) et âcre (ka u) (III.55) - importance de la pratique appropriée du prā āyāma (III.62 71) : l'AS insiste beaucoup sur la pratique du contrôle du souffle, une des étapes importantes du yoga tel qu'il est énoncé dans les YSP. En effet, l'AS ne nous présente pas toutes les huit étapes souvent attribuées au yoga. C'est encore une différence avec les YSP.
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Cicéron face à Octave: aspects philosophiques
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Grécia e Roma
no universo de Augusto
Ana Maria César Pompeu
Francisco Edi de Oliveira Sousa
(Orgs.)
IMPRENSA DA UNIVERSIDADE DE COIMBRA
COIMBRA UNIVERSITY PRESS
ANNABLUME
Cicéron face à Octave: aspects philosophiques
Cicéron face à Octave: aspects philosophiques
(Cicero Facing Octavian: Philosophical Aspects)
François Prost26 ([email protected])
Université Paris Sorbonne
Résumé – Face à Octave, la correspondance avec Atticus (qui s’interrompt à la mi
‑novembre 44) présente un mélange d’espoirs inspirés par les marques de respect et
l’apparente volonté de coopération d’Octave, et de défiance et d’inquiétude devant
les côtés négatifs de sa personnalité et son ambition personnelle. Les problèmes ainsi
soulevés peuvent être rapprochés des réflexions sur l’éducation, sur la personnalité et sur
la volonté dans les œuvres philosophiques contemporaines. À Partir de décembre 44,
les lettres aux autres correspondants mettent en place une sorte de disputatio, entre d’un
côté une lucidité pessimiste et, de l’autre, un engagement aux côtés d’Octave comme le
seul sauveur possible de la République. Ces lettres reprennent la rhétorique contem‑
poraine des Philippiques. Dans les lettres comme dans les discours, Cicéron s’efforce de
justifier son choix d’Octave en s’appuyant sur des arguments inspirés de sa réflexion
philosophique: une conception de la uirtus; une théorie de la vraie pietas analogue à celle
de la vraie gloire dans le De officiis; une psychologie de l’engagement héroïque en faveur
de la République, reposant sur une théorie de la récompense; et une conception du chef
politique comme don providentiel des dieux pour le salut de la République.
Mots‑clés – Cicéron, Octave, philosophie.
Abstract – Concerning Cicero’s relations to Octavian, the letters to Atticus (ending
mid‑November 44) betray a mix of hope inspired by Octavian’s ostensible respect and
cooperation, and distrust and anxiety at his bad sides and personal ambition. The issues
thus raised can be related to the reflections on education, personality and free will,
which Cicero simultaneously develops in his philosophical treatises. From December 44
on, the letters to other recipients set up a sort of disputatio, between a pessimistic lucid‑
ity, and a commitment to support Octavian as the only possible saviour of the Republic.
These letters draw on the political rhetoric of the contemporary Philippics. Both in
the personal letters and in the public speeches, Cicero strives to justify his choice of
Octavian on grounds that are inspired by his philosophical thinking: a conception of
uirtus; a theory of true pietas, parallel to that of true glory in the De officiis; a psychol‑
ogy of heroic commitment to the Republic, underpinned by a theory of reward; and a
26
François Prost is ‘maître de conférences habilité à diriger les recherches’ in the Latin
department at the Paris Sorbonne University and a member of the research center ‘Équipe
d’Accueil 4081 – Rome et ses Renaissances’. He is also a member of the advisory boards of the
Société Internationale des Amis de Cicéron, and the journal Vita Latina. His research focuses
on Hellenistic and Roman philosophy, on the relationships between philosophy and literature
at Rome, and in particular on Cicero’s works. His publications include the book Les theories
hellénistiques de la douleur, Louvain‑Paris‑Dudley, MA, Peteers, 2004, and various articles on
Hellenistic philosophy and Cicero.
http://dx.doi.org/10.14195/978-989-26-1053-5_2
33
François Prost
conception of the political leader as a providential gift from the gods for the salvation
of the Republic.
Keywords – Cicero, Octavian, philosophy.
Je propose d’étudier les rapports entre Cicéron et Octave en insistant sur les
points suivants27. Premièrement, les textes cicéroniens concernés sont hétérogè‑
nes (lettres, discours publics, traités philosophiques), et donnent des visions de
ces rapports à la fois distinctes et complémentaires. Deuxièmement, les lettres et
les discours utilisent des concepts et de thèmes présents dans les traités philoso‑
phiques rédigés pendant cette période. Cependant, il faut distinguer deux états
de ces rapports:
‑ Les lettres expriment surtout une pensée incertaine, qui expose les problèmes,
sans forcément leur trouver de solution. Dans ce cadre, trois thèmes se distin‑
guent: (1) le rapport de transmission entre les générations; (2) la cohérence
de la personnalité d’Octave; (3) la liberté de la volonté.
‑ En revanche, les discours publics (Philippiques) excluent le doute et
l’inquiétude. Une réponse catégorique est apportée aux difficultés soulevées
dans les lettres, grâce à quatre idées principales: (1) une conception de la
uirtus; (2) une pensée de la pietas; (3) une psychologie et une dynamique de
l’investissement héroïque; (4) et une perspective providentialiste.
I. Survol du corpus
Précisons tout d’abord les données chronologiques ainsi que le corpus con‑
cerné28.
‑ Pour la correspondance: l’édition chronologique de la Collection des Univer‑
sités de France (tomes 9 à 11) compte plus de 200 lettres, entre le lendemain
du meurtre de César et la dernière lettre conservée29. Malheureusement, la
correspondance avec Octave de novembre 44 à septembre 43, est perdue
(sauf une trentaine de brefs fragments transmis par un lexicographe). D’autre
part, la correspondance avec Atticus s’interrompt définitivement avec la lettre
Att. 16. 15 (lettre n°826 C.U.F.), de mi‑novembre 44, donc quelques mois
27
Ce travail s’inscrit dans la continuité de deux articles fondamentaux sur la pensée cicéro‑
nienne après la mort de César: Long 1995 et van der Blom 2003; voir ci‑dessous.
28
La source d’information la plus complète et la plus fiable est la Chronologie cicéronienne
de Marinone, mise à jour par E. Malaspina et accessible en ligne sur le site Tulliana de la Société
Internationale des Amis de Cicéron: voir Marinone & Malaspina 2004.
29
Soit les lettres 718 (de Decimus Brutus, vers le 22 mars 44) à 935 (de Plancus, 28 juillet
43), cela sans tenir compte des lettres de date incertaine ni des deux lettres 16 et 17 de la
correspondance avec M. Brutus, considérées comme apocryphes.
34
Cicéron face à Octave: aspects philosophiques
après l’apparition d’Octave sur la scène politique romaine30, et un peu plus
d’un mois avant la troisième Philippique (du 20 décembre 44), le discours par
lequel Cicéron déclare la guerre à Antoine, et la première de ces Philippiques
qui évoque Octave. Bien sûr, la correspondance générale continue après cette
date, et continue à évoquer Octave, notamment dans les échanges, tendus
sur ce point, avec M. Brutus. Mais ces échanges sont sans doute alors moins
libres qu’avec Atticus. Avec la fin de la correspondance avec Atticus nous
perdons tôt la source des plus libres confidences sur ce thème, pleines de
doutes et d’interrogations.
‑ Dans le domaine de la philosophie, Cicéron avait achevé le De diuinatione
et le Cato maior de senectute avant les ides de mars. Du printemps à l’hiver
44, il rédige successivement le De fato, les Topica, le Laelius de amicitia, un
traité De gloria perdu, et le De officiis, achevé début décembre 44 (traité qui
semble avoir absorbé l’essentiel de la réflexion immédiatement antérieure
sur la gloire31). Les réflexions développées dans ces œuvres accompagnent
successivement les temps troublés d’après la mort de César, l’entrée en scène
d’Octave, et les débuts du conflit ouvert avec Antoine.
‑ Enfin, c’est bien sûr cette confrontation avec Antoine qui occupe toute
l’éloquence publique de Cicéron, à travers les Philippiques32, du 2 septembre
44 au 21 avril 43, date de la dernière conservée, la 14ème, soit quelques jours
avant que le Sénat, vers le 26 avril, ne se décide enfin à suivre Cicéron et à
déclarer Antoine ennemi public, sur la nouvelle de sa défaite devant Mutina
(Modène), où il tenait Decimus Brutus assiégé depuis la fin décembre 44. Il
ne reste pratiquement rien des dernières Philippiques perdues, au nombre d’au
moins trois. Selon l’analyse d’Henriette van der Blom, évoquée plus haut, le
tournant s’opère en novembre‑décembre 44, devant l’évolution de la situation
politique, marquée par le départ d’Antoine pour la Gaule Cisalpine, devant
un Octave ayant rallié à lui les légions Martia et Quarta. Cicéron quitte alors
ses villas de campagne pour rentrer à Rome le 9 décembre, et descend dans
l’arène le 20 décembre (3ème Philippique) lorsqu’il apprend que Decimus Bru‑
Sa première apparition dans la correspondance est à la lettre 724, 11 avril 44.
Selon Long (1995), la gloire constitue un pivot essentiel de la pensée politique alors déve‑
loppée par Cicéron en réponse à la crise contemporaine, perçue comme une crise de l’idéologie
traditionnelle de Rome. La quête de gloire, à la fois moyen et fin de l’action publique, a pro‑
gressivement tourné le dos à toute préoccupation morale pour devenir le moteur et le prétexte
d’une ambition destructrice, qui ne vise qu’à l’imposition du pouvoir personnel, et conduit à la
guerre civile et à la tyrannie. La restauration de la République suppose donc une réforme de
l’idéologie de la gloire. Celle‑ci sera maintenue comme instrument nécessaire de l’action, mais
la seule vraie gloire est fondée sur le souci de la justice, et contribue au bien commun au lieu de
lui nuire, dans une parfaite coïncidence du bien moral (l’honestum) et de l’intérêt (l’utile) tant
personnel que collectif.
32
Sur les Philippiques, voir le recueil de Stevenson & Wilson (ed.) 2008; texte et commen‑
taire continu des Phil. 1 à 9: Ramsey 2003 et Manuwald 2007; texte et traduction anglaise de
l’ensemble dans la nouvelle édition Loeb (revue par G. Manuwald et J. Ramsey) de Shackleton
Bailey 2009.
30
31
35
François Prost
tus a refusé de céder le gouvernement de Gaule à Antoine. Les conditions lui
paraissent propices à la mise en œuvre de son programme33, censé éradiquer
les derniers germes de tyrannie et clore définitivement l’épisode césarien, au
profit d’une restauration complète du système républicain. À toutes les étapes
de ce dernier combat, Octave va jouer un rôle déterminant, aux côtés des
autres chefs de guerre alliés au Sénat, mais avec une place particulière du fait
de son identité même.
II. Octave dans la Correspondance
Le premier problème est celui de l’identité d’Octave, problème reflété dans
la question du choix de son nom. La correspondance marque une évolution nette.
D’avril au début de juin 44, Cicéron appelle le jeune homme d’abord seulement
«Octauius»34, et s’abstient explicitement, à l’exemple du beau‑père d’Octave, de
l’appeler «Caesar»35. À partir du 9 ou 10 juin 44, son statut d’adopté est ensuite
reconnu, à travers la désignation «Octauianus»36, parfois même précisée en «Ca‑
esar Octauianus»37. Puis le patronyme adoptif «Caesar» s’impose à partir de la
mi‑décembre 44, seul38, ou bien agrémenté des qualificatifs dénotant l’âge, puer,
adulescens, même adulescentulus39.
Le choix ultime de ce nom explicitant la filiation adoptive appelle plusieurs
remarques. D’abord, son apparition (mi‑décembre) coïncide avec le début du
conflit ouvert avec Antoine (troisième Philippique du 20 décembre). À partir de
là, la désignation dans la correspondance reproduit de façon systématique celle
qui est constante dans les Philippiques, où, comme on le verra, Cicéron exploite les
ressources de l’apparentement ainsi manifeste avec César. D’autre part, comme
le montrent les lettres écrites par d’autres correspondants mais conservées avec
celles de Cicéron, ce dernier suit aussi ce qui paraît s’être imposé comme l’usage
à la même période, d’abord bien sûr dans le milieu césarien, mais aussi plus lar‑
gement hors de lui. Certes, dans la lettre 909, Asinius Pollio continue à évoquer
33
Selon H. van der Blom (2003), quatre idées clés ordonnent l’action de Cicéron après la
mort de César: la croyance en la République, qui pourra renaître sous l’effet d’une restauration de
la moralité et de la politique traditionnelles; l’influence que peut et doit exercer l’homme d’État
expérimenté sur les jeunes politiciens, grâce à son éloquence et à son exemple, dont se tire un
bienfait pour la société dans son ensemble; l’idée que, face à une situation de crise exceptionnelle,
l’état d’urgence justifie des mesures radicales non constitutionnelles; le principe que le devoir
envers l’État est supérieur à tous les autres, notamment ceux de l’amitié personnelle.
34
Lettres 724, 725, 729, 730, 731, 743, 744, 748.
35
Lettre 731. 2.
36
Lettres 765; 818; 819; 820; 825.
37
Lettres 813 et 854.
38
Lettres 830; 842 («Caesar meus»); 868; 913; 920; 932.
39
Puer Caesar: lettres 845 et 866; adulescens (Caesar): lettres 920 et 933 (+ puer dans cette
dernière); avec adulescentulus paene puer: lettre 934.
36
Cicéron face à Octave: aspects philosophiques
«Octauianus», mais, sans surprise, Matius et Plancus parlent de «Caesar»40. De
façon plus remarquable, Decimus Brutus fait de même dans ses lettres faisant
suite à la victoire de Modène41. En revanche, Marcus Brutus42 exprime à la fois
son mépris et sa défiance en jetant à la face de Cicéron un «Caesar tuus» (dans la
lettre 885 du 15 mai 43, qui critique vivement le soutien de Cicéron à Octave),
désignation qui répond manifestement au «Caesar meus» de la lettre à Brutus
842.
Dès le 19 avril 44 (lettre 729. 3) Cicéron note qu’Octave va accepter l’héritage
de César. Dès lors, le jeu des dénominations témoigne donc d’une intégration
certes lente, mais progressive puis acquise du fait qu’Octave soit le fils adoptif et
l’héritier de dictateur disparu. Mais derrière les noms, il y a la personne, et là les
choses sont plus complexes.
1. Le rapport à Octave dans les lettres à Atticus
Considérons d’abord les lettres à Atticus (d’avril à mi‑novembre 44), où
Cicéron parle avec le plus de liberté. Concernant Octave, il entretient des espoirs,
mais exprime aussi constamment ses incertitudes et ses doutes43. Plusieurs thè‑
mes récurrents se dégagent.
Du côté positif, il y a les bonnes qualités naturelles du jeune homme44, et
également son comportement privé à l’égard de Cicéron. Pendant le printemps
44, Octave «[lui] marque un entier dévouement»45, «se conduit avec [lui] de la
façon la plus respectueuse et la plus amicale»46. Pendant l’automne, il demande
sans cesse à Cicéron des conseils, des entrevues, et lui écrit tous les jours47. Octa‑
ve, note Cicéron, «se donne comme notre chef et considère que mon devoir est
de ne pas lui refuser mon soutien» 48. Le jeune homme exhorte même l’ancien
consul de 63 «à sauver la République pour la deuxième fois»49 (allusion, bien sûr,
la répression de la conjuration de Catilina). Cicéron souligne son intelligence
(ingenium) et sa force d’âme (animus), et même ses dispositions favorables envers
les «héros» tyrannicides50.
Matius: lettre 815; Plancus: lettres 913 et 935.
Lettres 868; 876; 898; 911.
42
Voir Stockton 1970: 324, n. 64.
43
Voir Lettres 724. 3; 731. 2; 765. 2; 818. 1; 819. 1; 820. 6; 825; 826. 3.
44
Voir Lettres 725. 1; 730. 2; 731. 2; 765. 2; après cette lettre du 9 ou 10 juin 44, il n’est plus
fait référence à Octave dans la correspondance avant la lettre 813 à Cornificius, du 10 octobre 44.
45
Lettre 730. 2: mihi totus deditus.
46
Lettre 731. 2: nobiscum hic perhonorifice et peramice Octauius.
47
Voir Lettres 818. 2; 819. 1; 820. 6; 825. 1.
48
Lettre 818. 2: Ducem se profitetur nec nos sibi putat deesse oportere.
49
Lettre 820. 6: (...) ut (...) iterum rem publicam seruarem.
50
Voir Lettre 765. 2.
40
41
37
François Prost
Mais les difficultés sont nombreuses: son trop jeune âge; son hérédité césa‑
rienne, réfléchie dans son nom même; les mauvaises influences présentes dans
son entourage, et auxquelles ce jeune âge est par nature sensible; son éducation
(ou l’insuffisance de celle‑ci). En conséquence, dès le 22 avril 44, Cicéron exclut
qu’un tel homme «puisse faire un bon citoyen»51. Il se demande «quel crédit faire
à son âge, à son nom, à son hérédité, à son éducation (κατηχήσει)» 52. Fin novem‑
bre 44, soumis aux pressions d’Octave, il formule son incertitude en grec dans le
langage du doute philosophique sceptique («σκήπτομαι»), par défiance envers
l’âge et les dispositions d’esprit peu claires du jeune homme53. La dernière lettre
à Atticus, du 13 novembre 44, exprime parfaitement, en partie en grec aussi, ce
mélange d’espoirs et de présages funestes:
De fait, pour le moment, ce garçon administre à Antoine une belle gifle;
toutefois nous devons attendre l’issue. (...) Il jure ‘par son espoir d’obtenir les
honneurs décernés à son père’ et, en disant cela, il tend la main vers la statue
[=de César]54. Ah ! Je ne voudrais pas pour moi d’un tel sauveur (Μηδὲ σωθείην
ὑπό γε τοιούτου)!55
Dans ce cadre, plusieurs thèmes structurent le rapport à Octave, et ces mê‑
mes thèmes sont présents dans les œuvres philosophiques rédigées pendant la
même période (printemps‑hiver 44). Se distinguent ainsi trois ordres de réflexion,
d’ailleurs liés entre eux.
(1) D’abord, le rapport à Octave est pensé sur le modèle des relations de
transmission et de formation, mises en scène dans les traités contemporains. En
ce sens, Cicéron pense guider l’action d’Octave par ses conseils. Dans le domaine
politique, il veut établir avec Octave une relation analogue aux relations de for‑
mation intellectuelle qui sous‑tendent le De fato, les Topica, et le De officiis56.
Lettre 731. 2: Quem nego posse esse bonum ciuem.
Lettre 765. 2: Sed quid aetati credendum est, quid nomini, quid hereditati, quid kathc»sei,
magni consili est.
53
Lettre 819. 1: Ille urget; ego autem σκήπτομαι; non confido aetati, ignoro quo animo.
54
Il s’agit de la statue de César, sur laquelle précisément Antoine avait fait graver la dédicace
«parenti optime merito» déclenchant l’hostilité de Cicéron; cf. Lettre 812 du 2 octobre 44; voir
Stockton 1970: 292‑293; van der Blom 2003: 306.
55
Lettre 826. 3: Quamquam enim in praesentia belle iste puer retundit Antonium, tamen exitum
exspectare debemus. At quae contio ! – nam est missa mihi –. Iurat «ita sibi parentis honores consequi
liceat» et simul dextram intendit ad statuam. Μηδὲ σωθείην ὑπό γε τοιούτου!
56
Sur le De fato, voir l’édition commentée et Maso 2014 et le recueil d’études Maso 2012;
plus largement sur la pensée du destin chez Cicéron, voir Begemann 2012; édition, traduction
et commentaire approfondi des Topica: Reinhardt 2003; commentaire du De officiis: Dyck 1996;
sur le traité dans l’œuvre philosophique de Cicéron, voir Lévy 1989 et 1992: 521‑535.
51
52
38
Cicéron face à Octave: aspects philosophiques
‑ Le De fato, faisant suite au De diuinatione, expose une leçon de philosophie
dispensée au consul désigné Hirtius, pendant leur séjour commun (réel) en
Campanie (mi‑mai 44). La fiction littéraire prolonge le fait qu’à la demande
de César, il avait dû donner des leçons d’éloquence à Hirtius et Pansa, les
futurs consuls de 4357.
‑ Sans mise en scène fictive, les Topica, rédigées lors d’une navigation entre
le 20 et 27 juillet 44, offrent pour leur part un enseignement rhétorico
‑philosophique sur les «lieux» de l’argumentation au juriste Trebatius, lui
aussi un des proches de César.
‑ Enfin, dans le De officiis, le dernier grand traité d’éthique rédigé vers la fin de
l’année 44 (vraisemblablement entre la mi‑octobre et les premiers jours de
décembre), Cicéron adresse à son fils Marcus (alors en séjour de formation
à Athènes) un enseignement destiné à compléter l’enseignement philosophi‑
que reçu par son fils de son maître athénien Cratippe, et à guider moralement
l’action de l’homme public58. Ici la relation père‑fils illustre un schéma de
transmission de valeurs et de principes d’une génération à l’autre.
Le modèle de ce schéma venait d’être établi dans le couple des deux petits
traités de morale pratique rédigés de part et d’autre des Ides de mars, le Cato
maior de senectute et le Laelius de amicitia59. Du Cato maior au Laelius, se dessine
une chaîne idéale de transmission, depuis le passé jusqu’au présent et à l’avenir:
depuis Caton l’Ancien (à la fin de sa vie, donc renvoyant aussi un passé plus
lointain) à Scipion Émilien et Laelius; de ces derniers à la génération suivante, en
particulier les Scaeuolae, les futurs maîtres de la jeunesse de Cicéron; enfin, par
l’écriture philosophique, de Cicéron au jeune public contemporain, et au‑delà.
Ce modèle idéal rend évident tout le problème posé par l’âge très précoce
d’Octave, souvent évoqué par Cicéron. En effet, à peine sorti de l’enfance, Octave,
en théorie, pourrait profiter des leçons et des conseils d’un maître expérimenté, en
vue de son entrée progressive dans l’arène politique: tels les jeunes interlocuteurs
des figures majeures dans les traités, ou encore tel Marcus fils dans le De officiis.
Mais, dans le cas d’Octave, un raccourci dramatique bouleverse tout. Car le puer,
l’adulescentulus, est déjà un chef d’armée qui exerce l’imperium avant même d’en
être investi officiellement par le Sénat – lequel Sénat, note Cicéron, sera bien
forcé de confirmer de son auctoritas un état de fait60. Sa force militaire lui permet
déjà de convoiter, contre tous les usages, le consulat pour la deuxième partie
Cicéron d’ailleurs s’en plaint: voir Att. 14. 11. 2; 12. 2; 22. 2.
Sur Marcus destinataire du De officiis, cf. Testard 1962 et Lemoine 1991.
59
Voir les éditions commentées de Powell 1988 (Cato Maior) et 1996 (Laelius), et la nouvelle
édition du texte latin des deux traités dans la collection Oxford Classical Texts: Powell 2006
(avec le De republica et le De legibus).
60
Voir Lettre 933. 7; de même Phil. 11. 20.
57
58
39
François Prost
de 43 (après les morts d’Hirtius et Pansa61). Dans la cinquième Philippique (§ 48)
Cicéron proposera une réponse à ce problème, mais pour l’instant seul existe
le problème, qui est celui d’une sortie radicale du schéma habituel, de nature à
invalider son fonctionnement.
L’oscillation de Cicéron entre optimisme et inquiétude est ainsi l’oscillation
entre deux pôles contradictoires. D’une part, il espère reproduire dans la réalité
un modèle de transmission et formation hérité de la tradition et aussi idéalisé
par lui. Mais d’autre part, il soupçonne qu’il est trop tard et qu’Octave échappe
prématurément au cadre du modèle, qui n’est plus valable.
(2) Lié au premier thème de la transmission et de la formation, le deuxième
thème est celui de la personnalité. Cicéron s’inquiète de voir Octave tiraillé entre
plusieurs pôles: ses dispositions naturelles; son ascendance et l’héritage (effectif
et symbolique) de César nourrissant ses ambitions; et les influences de son en‑
tourage.
Dans sa personne même, Octave illustre ainsi le problème exposé dans le
livre 1 du De officiis, à travers la théorie (empruntée au médio‑stoïcien Panétius)
des quatre personae, dont la synthèse compose l’individu en lui‑même et en situ‑
ation62: (persona 1) la rationalité, qui marque l’appartenance à l’espèce humaine;
(persona 2) les dispositions de tempérament, qui sont personnelles; (persona 3)
l’inscription dans un milieu, une époque, une situation géographique, inscription
qui dépend du hasard de la naissance; (persona 4) enfin la volonté individuelle, qui
se manifeste en particulier dans le choix d’un mode de vie et d’une orientation
d’existence. Dans sa théorie, Cicéron procède alors en deux temps, par analyse
puis synthèse. D’abord, de chacune des personae découlent des devoirs particuliers,
qui doivent être identifiés dans leur spécificité. Mais ensuite, la bonne démarche
éthique consiste justement à assurer la fusion harmonieuse des quatre aspects de
soi, par le respect du decorum, qui transcrit dans le détail de la pratique l’adhésion
circonstanciée au principe souverain de l’honestum.
Or, Octave est inquiétant, car il rend manifeste un possible éclatement de
l’ensemble, principalement entre deux pôles: d’un côté, la rationalité et le carac‑
tère (intelligence‑ingenium, caractère‑indoles: première et deuxième personae); de
l’autre côté, l’environnement, l’hérédité, les influences de l’entourage (troisième
persona). Ce serait alors à la volonté (quatrième persona) de décider dans le bon
sens, comme l’espère Cicéron. Mais Cicéron voit aussi trois obstacles. (a) D’abord
la volonté d’Octave n’a guère été orientée dans ce bon sens par l’éducation
(kathc»sei, Lettre 765, 2). (b) En outre, à son si jeune âge, cette volonté est
particulièrement sensible aux influences, surtout mauvaises dans l’entourage cé‑
sarien (flexibilis aetas, Lettre 934). (c) Enfin, parmi les bonnes qualités d’Octave,
61
62
40
Voir Lettre 935 de Plancus.
Voir Gill 1988; Lévy 2003; Guastella 2005.
Cicéron face à Octave: aspects philosophiques
se distingue la grandeur d’âme (magnitudo animi). Or, dans le schéma général des
vertus inspiré de Panétius dans le De officiis, cette grandeur d’âme occupe ce qui
est la place du courage (fortitudo) dans le schéma traditionnel, mais elle a un ca‑
ractère ambigu. En effet, la grandeur d’âme motive toute action d’envergure, mais
elle pousse aussi, souvent, à l’injustice et à la violence pour satisfaire l’ambition
égoïste.
(3) Apparaissant donc déjà dans la question de la personnalité, le troisième
thème est celui de la volonté. Or ce thème est aussi très présent dans la réflexion
philosophique de Cicéron à la même époque, également hors du De officiis.
En effet, le De fato (printemps 44) affirme que la libre volonté humaine
(uoluntas libera) échappe à tout déterminisme. Cicéron s’oppose ainsi au déter‑
minisme radical d’un fatalisme absolu (destin des physiciens comme Démocrite,
par exemple). Mais il rejette aussi le déterminisme mitigé du stoïcien Chrysippe,
visant à concilier liberté et destin63. Cicéron, lui, affirme l’indépendance absolue
et principielle de la volonté, et rejette toute prédestination et toute prédiction.
Mais alors, Octave illustre en fait le revers négatif de cette affirmation libé‑
ratrice. Car par principe, Octave est tout aussi bien libre de céder aux mauvaises
influences de son entourage; libre de préférer le modèle de César aux conseils et
leçons de Cicéron; libre de sacrifier le respect du mos maiorum et de l’honestum
à une ambition sans limite. L’éclatement possible des personae, évoqué plus haut
(2ème thème), conduit à un autre éclatement possible: l’éclatement des mobiles
offerts à la volonté dans une concurrence qui peut être dangereuse, dès lors que
la volonté n’a pas été orientée vers la vertu par une saine éducation préalable
(comme l’éducation portée par le modèle idéal de transmission, 1er thème), mais
par la kat»chsic douteuse de la Lettre 765.
Ce même éclatement se retrouve précisément aussi dans le traité des Topica,
dans une section (§§ 58‑62) qui expose une théorie des causes comme lieux
possibles d’argumentation. Le § 62 en particulier introduit une série détaillée
de causes à prendre en considération: uoluntas, perturbatio animi, habitus, na‑
tura, ars, casus. T. Reinhardt64 a noté que cette série n’a pas d’équivalent dans la
classification philosophique standard suivie par Cicéron dans l’ensemble de cette
partie. Cette innovation cicéronienne est le signe manifeste d’une préoccupation
particulière, pendant cette période, pour la question du mobile de l’action. Et
l’éventail proposé recoupe justement la diversité des mobiles possibles de l’action
63
Sur la conception chrysippéenne du destin d’après le témoignage du De fato (§ 41), voir
Frede 2003; Chrysippe tâchait de concilier destin universel et liberté individuelle, en particulier
par une distinction des causes, entre cause primaire qui est la nature même de l’être considéré
(par exemple le cylindre qui roule du fait de sa rotondité), et cause prochaine qui est l’élément
déclencheur de l’événement (la poussée qui met le cylindre en mouvement), l’ordre des causes
prochaines étant celui où s’applique l’enchaînement fatal des causes extérieures.
64
Voir Reinhardt 2003: 330.
41
François Prost
d’Octave: volonté libre (// uoluntas); passions de la gloire et du pouvoir (// pertur‑
batio animi); dispositions, talents, compétences (// habitus, natura, ars); naissance
et héritage (// casus).
La dernière lettre à Atticus 826 déjà citée (n. 30) montrait Octave reven‑
diquant le modèle de César devant la statue de son père adoptif65. Cette image
est d’une cruelle ironie: elle exprime toute la libre volonté d’Octave – mais ce
n’est pas la volonté de rompre avec les déterminations héritées. Tout au contraire,
c’est la volonté de suivre ce destin, en bon et digne fils de son père (adoptif ), en
mettant comme l’avait fait César les ressources de l’ingenium et de l’animus au
service d’une ambition passionnée, catastrophique pour Rome.
2. Le rapport à Octave dans les lettres aux autres correspondants
Ce tableau du rapport à Octave, présent dans les lettres à Atticus, se retrouve
à l’identique dans une partie des lettres à d’autres correspondants, qui s’étendent
jusqu’à la fin de juillet 43. Cicéron s’y interroge sur sa propre capacité à contrôler
Octave. Il oscille entre espoir et inquiétude, en particulier dans plusieurs lettres
à Marcus Brutus66. Brutus, lui, n’a aucune hésitation. Il se montre très sévère à
l’égard de Cicéron, l’accuse d’alimenter l’ambition destructrice d’Octave, qui ne
manquera pas de retourner contre lui et la République les armes mêmes que
Cicéron lui aura mises en main67.
Mais ce qui est surtout remarquable dans les lettres de Cicéron, ce ne sont
pas le doute et l’inquiétude, déjà présents dans les lettres à Atticus. C’est la dia‑
phônia qui les envahit. En effet, ces mêmes lettres, pleines de doute, sont celles
mêmes où Cicéron défend néanmoins sa politique, contre les critiques de Brutus,
et affirme le bienfondé de son soutien à Octave. La skÁyij, qui était revendiquée
dans la lettre 819 à Atticus du début novembre 44 («skˇptomai»), débouche,
en juin et juillet 43, sur une disputatio in utramque partem, et cela dans les textes
mêmes qui affirment soutenir le côté positif du débat. Certes, de manière inégale.
Ainsi la lettre 933 (15 juillet 43) est‑elle affirmative et optimiste, mais la lettre
934 (27 juillet 43) beaucoup plus dubitative. Dans la lettre 920, 3 (de la mi‑juin
43), Cicéron se montrait même très pessimiste:
(...) l’ensemble des citoyens est inquiet; car nous sommes les jouets, Brutus, des
caprices des soldats et surtout de l’arrogance (insolentia) des généraux; chacun
revendique autant de pouvoir dans l’État qu’il a de forces à sa disposition; la
raison, la mesure, la loi, la coutume, le devoir n’ont pas de valeur, ni le jugement
et l’estime des citoyens, ni la crainte de la postérité.
65
«Il jure ‘par son espoir d’obtenir les honneurs décernés à son père’ et, en disant cela, il tend
la main vers la statue [=de César]».
66
Voir Lettres 866; 920; 933; 934.
67
Voir Lettre 885 de M. Brutus.
42
Cicéron face à Octave: aspects philosophiques
Cette déclaration nie en fait l’espoir d’une renaissance de la Respublica, espoir
entretenu dans le De officiis. Octave n’est pas nommé, mais compte évidemment
parmi les imperatores dénoncés pour leur insolentia.
Les lettres construisent donc ainsi une sorte de disputatio, par juxtaposi‑
tion des deux points de vue, optimiste et pessimiste. En fait, cela résulte de la
collision de deux plans distincts de réflexion, après l’interruption définitive de
la correspondance avec Atticus (c’est‑à‑dire à partir de mi‑novembre 44). En
effet, il y a d’un côté la lucidité qui nourrit le pessimisme. Mais cette lucidité est
concurrencée par une rhétorique optimiste de l’engagement au côté d’Octave,
qui paraît directement empruntée aux Philippiques, prononcées pendant la même
période. Et cette rhétorique va beaucoup plus loin que les seuls bons espoirs
fondés sur les qualités natives d’Octave (comme dans les lettres précédentes à
Atticus, jusqu’à mi‑novembre 44). À partir de mi‑décembre 44, les lettres (par
ex. 830 et 842) se mettent à parler comme les Philippiques; et à partir de février
43, elles développent le thème, favori dans ces discours, du salut apporté à la
république (et à ses dirigeants) par l’intervention providentielle d’Octave et de
son armée d’abord privée68.
Sur ce point, je ne crois pas que ce soit la réflexion privée de Cicéron dans
ces lettres qui ait ensuite alimenté la rhétorique publique des Philippiques. Je crois
au contraire que la rhétorique des Philippiques a en quelque sorte déteint sur les
lettres, qui en transposent comme des fragments. Cela tient notamment au fait,
me semble‑t‑il, que plusieurs de ces lettres, adressées à divers correspondants
parmi les principaux acteurs du drame (Marcus et Decimus Brutus, Plancus,
Trebonius, Cornificius), étaient sans doute destinées à une plus large diffusion,
au‑delà de leur seul destinataire nominal. Elles constituaient ainsi comme des
prolongements explicatifs et justificatifs, à la fois des rappels et des commentai‑
res, de la parole publique contemporaine de Cicéron dans les Philippiques.
III. Le rapport à Octave dans les Philippiques
La rhétorique de ces discours veut répondre aux doutes et aux inquiétudes
qu’inspirent la personne et l’action d’Octave dans les lettres. Comme les lettres,
les discours emploient alors certains concepts présents dans les traités philoso‑
phiques contemporains. Principalement, les Philippiques érigent Octave en héros
providentiel: lui seul sauvera la République du chaos et de la tyrannie prévisible
d’Antoine, sous la conduite de Cicéron. Au Sénat et devant le peuple, Cicéron
tient alors un rôle analogue à celui que tient Octave sur le champ de bataille et
devant ses soldats. Considérons donc l’argumentation de Cicéron.
68
Lettres 845. 3; 854. 4; 863. 2 (nisi Caesari Octauiano deus quidam illam mentem dedisset);
866; 933.
43
François Prost
(1) Concernant le jeune âge d’Octave: selon les Philippiques (Phil. 5. 47‑48),
le mérite (uirtus) d’Octave excède la norme de son âge, et le met à l’abri d’une
adulescentiae temeritas. Semblablement, l’histoire (ancienne et récente) fournit de
nombreux exemples de talents précoces, qui ont reçu les honneurs avant l’âge; in‑
versement, une trop stricte régulation par l’âge a souvent empêché de profiter des
capacités d’autres hommes morts avant l’âge légal: «d’où on peut juger que le cours
du mérite est plus rapide que celui de l’âge»69. L’exception d’Octave est ainsi réinté‑
grée dans la tradition d’un mos maiorum corrigé de ses regrettables excès de rigueur.
(2) Ensuite, vient le problème de l’héritage césarien. Ce problème est parti‑
culièrement grave, car il est impossible de détacher Octave des vétérans et anciens
amis de César. Cicéron recourt alors à la notion de pietas. Au nom de celle‑ci,
Cicéron appelle toujours Octave «Caesar» ou «C. Caesar», en précisant même à
l’occasion «filius». Mais la pietas se dédouble, en quelque sorte, en particulier en
Phil. 13. 46‑47: Octave est singulari pietate adulescens, mais il n’est poussé à de
mauvaises actions «ni par l’apparence que porte le nom de son père, ni par la piété
filiale» au contraire, «il comprend que la plus grande piété est contenue dans la
conservation de la patrie»70. À ce titre, le même Octave en même temps «honore
la mémoire de son père avec la plus grande piété»71, et libère du siège de Mutina
Decimus Brutus, meurtrier de César, car «il sut vaincre un chagrin personnel [sc.
le deuil de son père] par amour pour la patrie»72.
Une théorie de la vraie pietas résout donc le conflit entre défense de la
République et héritage césarien. Cette théorie reproduit en fait celle de la uera
gloria qui, dans le De officiis, résout le conflit potentiel entre honestum et utile
dans l’action publique73. En effet, la vraie gloire à la fois alimente et récompense
l’action publique juste, elle concilie l’ambition personnelle légitime et l’intérêt de
la communauté. Du reste, exactement la même notion de uera gloria fonde une
psychologie de l’héroïsme républicain appliquée à Octave en Phil. 5. 49‑50. Grâce
notamment à Cicéron, Octave a en effet reçu et continue de recevoir les honores
susceptibles de satisfaire une ambition légitime. Or (dit Cicéron) il serait insensé
(stultius) qu’il préfère la tyrannie à cette uerae, graui, solidae gloriae. Octave donc
(à la différence de César son père) ne peut pas constituer une menace pour la
République, ce n’est pas logique.
(3) En outre, pour appuyer cette psychologie de l’héroïsme républicain, Ci‑
céron applique à l’action politique et militaire d’Octave en 44‑43 un schéma qui
Phil. 5. 48: ex quo iudicari potest uirtutis esse quam aetatis cursum celeriorem.
Phil. 13. 46: nulla specie paterni nominis nec pietate abductus numquam est et intellegit maxi‑
mam pietatem conseruatione patriae contineri.
71
Phil. 13. 47: adulescens summa pietate et memoria parentis sui.
72
Phil. 14. 4: (...) profectus est ad eundem Brutum liberandum uicitque dolorem domesticum
patriae caritate.
73
Cf. surtout Long 1995: 229‑230; Cicéron recourt également à la uera gloria pour encou‑
rager Dolabella et exhorter Antoine en Phil. 1. 29 et 33.
69
70
44
Cicéron face à Octave: aspects philosophiques
reproduit celui de la dynamique sociale alimentée par la beneficentia dans le livre
2 du De officiis. Dès sa toute première apparition dans les discours (au début de
Phil. 3. 3), Cicéron dit qu’Octave «a non pas dépensé, mais investi» (non effudit,
collocauit) son patrimoine dans le salut de la république (c’est‑à‑dire, en finançant
une levée de troupes sur ses fonds personnels74), et en même temps qu’il y engage
«une intelligence et une vaillance incroyables, divines» (incredibili ac diuina qua‑
dam mente atque uirtute). Or le De officiis (2. 52‑53) exige, de la part des grands,
un double investissement (au sens économique du terme): investissement des
ressources du patrimoine, et investissement de la uirtus personnelle. Cela doit
créer une dynamique sociale: la bienfaisance (beneficentia ou liberalitas) des riches
suscite la reconnaissance (gratia) des bénéficiaires, et ces bénéficiaires, à leur tour,
honorent leurs bienfaiteurs et accroissent leur grandeur75.
Cicéron fait donc valoir le même principe à l’égard d’Octave: Octave a investi
ses biens et ses talents au profit de la République, et sur le conseil de Cicéron, la
République, en retour, confère à Octave les honores, qui alimentent sa uera gloria,
dont le bénéfice revient aussi à l’État.
Ce système dynamique d’échanges repose aussi sur une théorie des châti‑
ments et des récompenses comme fondement des sociétés. Cette théorie est
exposée en détail dans la longue lettre à Brutus 933 pour justifier les honneurs
accordés à Octave. Or, châtiments et récompenses n’ont de sens que si la volonté
des agents est libre, comme le souligne le De fato (§ 40). Dans les lettres, la libre
volonté d’Octave risquait de verser du côté de l’ambition tyrannique. Dans les
Philippiques, au contraire, elle fait un choix alliant honestum et utile (dans l’esprit
du De officiis), car l’investissement initial (du patrimoine et de la uirtus) rapporte
des honores justement mérités, selon la politique cicéronienne.
Dans la lettre 920, Cicéron dénonçait l’insolentia des imperatores (dont
Octave, implicitement). Inversement, en Phil. 14. 24‑28, il les exalte, et en pre‑
mier lieu Octave dont la figure concentre les points évoqués plus haut: il «a su
transcender son âge par sa vaillance» (uirtute superauit aetatem), en se montrant
« un jeune homme d’une absolue grandeur d’âme» (adulescens maximi animi);
il est «venu au monde par un bienfait des dieux pour le bien de la république»
(deorum beneficio reipublicae procreatum); et «les bienfaits de C. Caesar (=Octave)»
(beneficia C. Caesaris) lui ont valu deux récompenses: d’abord la confirmation de
74
Le caractère privé de cette initiative comme de celle, analogue, de Decimus Brutus re‑
fusant de remettre à Antoine le gouvernement de Gaule Cisalpine, est dûment souligné par
Cicéron: Phil. 3. 3 (Octave et D. Brutus): priuatis consiliis; 3. 5 (Octave) et 5. 28 (D. Brutus):
priuato consilio; etc. Cicéron en fait même un mérite à ces personnages agissant sans l’auctoritas
du sénat. Cependant, comme le note Hall 2013: 224, ces notations sont un euphémisme qui
dissimule «a host of uncomfortable truths», en particulier «the potentially revolutionary use of
military force».
75
Cf. Picone & Marchese 2012: xxvi.
45
François Prost
son imperium par l’auctoritas du sénat, et aujourd’hui le titre d’imperator accordé
à sa légitime ambition.
(4) Enfin, comme énoncé par la citation précédente: Octave est l’homme
providentiel, le don des dieux à la république pour son salut. Littéralement, Ci‑
céron attribue à Octave un esprit, un mérite «divins». En outre, par ces qualités,
Octave rejoint les précédents dirigeants idéals selon Cicéron, tous appelés égale‑
ment «diuinus» et investis d’une mission providentielle: Pompée partant vaincre
Mithridate et conquérir l’Orient (dans le De imperio Cn. Pompei de 66); puis le
parfait gouverneur de province qu’imagine Cicéron à travers la personne de son
frère dans la première Lettre à Quintus de 59; enfin le parfait politique, «homo
diuinus», du livre 1 (§ 45) du De Republica76.
Cependant, ces parallèles suggèrent aussi que la pensée cicéronienne régresse
dans les Philippiques. Car l’homme divin et providentiel est ici essentiellement le
chef de guerre intervenant opportunément et avec succès. Octave est proche en
ce sens du Pompée conquérant des années 60. Mais il ne reste rien chez Octave
de tout ce qui fait la spécificité et la vraie grandeur du dirigeant politique cicé‑
ronien: à savoir l’ancrage de la sagesse politique dans la culture de l’humanitas
et l’imprégnation philosophique, thème si important dans la première lettre à
Quintus et dans le De republica (3. 5‑6a).
Cette régression tient à la personne d’Octave: trop jeune, trop peu éduqué
pour incarner cet idéal politico‑philosophique. En revanche, la hauteur de vue
et la pénétration philosophique se trouvent chez Cicéron lui‑même, qui prétend
inspirer l’action d’Octave. Ainsi, dans la dernière Philippique conservée (Phil. 14.
20), Cicéron s’affirme lui‑même princeps reuocandae libertatis depuis son inter‑
vention du 20 décembre 44, c’est‑à‑dire depuis la 3ème Philippique.
À ce titre, Cicéron lui‑même revêt aussi, en mode mineur, une dimension
providentielle. En effet, à la mi‑juillet 44, Cicéron s’était embarqué pour rejoindre
son fils Marcus à Athènes. Mais les mauvaises conditions de navigation l’avaient
détourné de ce projet, et, resté en Italie, il avait fini par rentrer à Rome où il
prononça la 1ère Philippique le 2 septembre 44. Or, Cicéron réinterprète ultérieu‑
rement l’épisode: il affirme alors qu’il a été rappelé de son projet de voyage «par la
claire voie de la patrie» (Off. 3. 121) ou «la voix de la république» (Fam. 10. 1. 1).
Le don d’Octave par les dieux s’accompagne ainsi de l’appel de Cicéron par la
patrie, l’un et l’autre salutaires et providentiels.
Les Philippiques résolvent donc progressivement tous les conflits. Au bout
du compte, elles annulent l’écart entre Cicéron et Octave, entre l’homme âgé et
le tout jeune homme, presque un enfant. On est loin du modèle idéal, évoqué
plus haut, d’une transmission qui lie les générations sans nier leur décalage. En
76
Sur le thème en général, voir Begemann 2012; sur Pompée et Quintus, Prost 2014; sur le
De Republica, Zetzel 2013: 186‑187.
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Mouvement d'une particule solide dans une cavité parallélépipédique Lamia Hedhili, Antoine Sellier, François Feuillebois, Lassaad El Asmi
Mouvement d'une particule solide dans une cavité parallélépipédique L AMIA H EDHILIa,c, A NTOINE S ELLIERb, F RANÇOIS F EUILLEBOISa, L ASSAAD E LASMIc a. PMMH, École supérieure de Physique et de Chimie Industrielle (ESPCI), 10 Rue Vauquelin 75005 Paris b. LadHyX. École Polytechnique. 91128 Palaiseau. Cédex. France. c.LIM, École Polytechnique de Tunisie (EPT) Rue El khawarizmi B.P. 743 - 2078 La Marsa Tunisie
Résumé : Nous étudions, sous l'hypothèse d'un faible nombre de Reynolds, le mouvement d'une particule solide dans un fluide visqueux Newtonien contenu dans un récipient parallélépipédique fermé. Dans ce but, on distribue des Stokeslets sur les surfaces de la particule et du récipient. L' équation intégrale de frontière qui régit l'intensité de ces Stokeslets est alors résolue par une méthode de collocation en utilisant un maillage adaptatif. Des résultats pour une sphère en sédimentation sont présentés et commentés. Abstract : We investigate the slow motion of a solid particle immersed in a viscous Newtonian liquid bounded by a closed and rectangular cavity within the assumption of a vanishing Reynolds number. This is achieved by distributing unknown Stokeslets on both the particle and the cavity surfaces. Such Stokeslets are governed by a boundary-integral equation that is solved here solved by a collocation technique using an adaptative mesh. Numerical results for a settling spherical particle are presented and discussed. Mots clefs : Equations de Stokes, cavité parallélépipédique, interactions particule-parois, éléments de frontière. 1 Introduction
Les interactions hydrodynamiques particule-particule et particule-paroi interviennent dans de nombreuses situations physiques, en particulier dans de nouvelles applications mettant en jeu des écoulements à petite échelle (microfluidique). Pour des écoulements à faible nombre de Reynolds les équations de Stokes s'appliquent et prédisent des interactions à longue portée qui dépendent de la configuration : les interactions particule-particule en sédimentation décroissent dans un liquide non borné comme l'inverse de la distance tandis que les interactions particule-paroi décroissent plus rapidement et dépendent fortement des parois. De nombreux travaux ont ainsi été développés pour des particules sphériques au voisinage d'une paroi plane [1, 2, 3] ou de deux plans parallèles [4, 5, 6]. Pour un écoulement borné des solutions analytiques ont été établies pour une sphère dans une cavité sphérique [7, 8, 9]. Cette situation a été traitée [10] par la méthode des éléments de frontière, avec un excellent accord avec les résultats analytiques, en utilisant des Stokeslets sur la seule surface de la sphère (au prix de l'utilisation d'un tenseur de Green adapté à la paroi de la cavité sphérique) ou sur les surfaces de la sphère et de la cavité. Seule cette dernière approche semble cependant envisageable pour une cavité de forme arbitraire dont la surface doit alors être maillée de manière judicieuse (c'est-à-dire finement au voisinage de la particule). Nous illustrons dans ce travail cette technique pour une particule solide en sédimentation dans un récipient parallélépipédique. La technique proposée, valable pour une cavité arbitraire, consiste à placer sur les surfaces de la particule et du récipient une distribution de Stokeslets dont l'intensité est solution d'une équation intégrale de frontière de première espèce. équation est résolue numériquement en utilisant un maillage adaptatif (choisi en fonction de la position de la particule) et une méthode de collocation. Cette méthode nous offre une meilleure précision que d'autres méthodes numériques comme par exemple les méthode des différences finies ou les résultats obtenus en utilisant le logiciel commercial COMSOL de calcul 1 19 ème Congrès Français de Mécanique par éléments finis. 2 Problème et formulation de frontière associée 2.1 Cadre de l'étude et équations de Stokes
On considère une particule solide de densité uniforme ρs et de volume V plongée dans un fluide visqueux newtonien, de densité ρ et de viscosité μ uniformes, confiné dans un récipient parallélépipédique fermé. Comme illustré à la Figure 1, la particule peut être soumise à un champ de gravitation uniforme g = −ge3 avec g > 0 et e3 un vecteur unitaire parallèle à l'une des arêtes. F IG. 1 – Une particule sphérique de centre O1 en sédimentation dans un fluide newtonien confiné dans un récipient parallélépipédique immobile et de frontière Σ. La cavité immobile a pour frontière Σ tandis que la particule admet pour centre de masse O1 et surface S. Le mouvement de corps rigide de la particule est repéré par rapport au référentiel cartésien (O, x1, x2, x3 ) par un vecteur de translation U (vitesse du point O1 ) et un vecteur de rotation Ω. Ce mouvement induit un écoulement du liquide de vitesse u et de pression p + ρg.OM. Si u et la particule admettent pour tailles caractéristiques v et a le nombre de Reynolds Re du problème s'écrit Re = ρva/μ. Sous l'hypothèse Re ≪ 1 les efforts inertiels sont alors négligeables et l'écoulement (u, p) satisfait les équations stationnaires de Stokes : μ∇2 u = ∇p et ∇.u = 0 dans D (2.1) On adjoint à (2.1) les conditions d'adhérence sur les parois qui s'écrivent : u = U + Ω ∧ O 1 M sur S et u = 0 sur Σ. (2.2) On désigne par σ le tenseur des contraintes associé à (u, p) et par n la normale sur S ∪ Σ dirigée vers le fluide. A ce stade deux cas se présentent en pratique : Cas 1 : Le couple (U, Ω) est fourni et on cherche l'écoulement (u, p) et les efforts surfaciques f = σ.n sur la frontière sur S ∪ Σ. Cas 2 : Le couple (U, Ω) est inconnu mais la particule d'inertie négligeable est libre de se déplacer sous l'action de la gravité. Dans cette situation on trouve (U, Ω) par résolution de (2.1)-(2.2) et des conditions supplémentaires (force totale et couple en O1 nuls sur la particule) : Z Z O 1 M ∧ σ.ndS = 0. (2.3) σ.ndS = V (ρ − ρs )g et R = T = S S
2.2 Formulation intégrale associée et résolution du Cas 1
Nous adoptons la convention de sommation des indices avec par exemple pour nos coordonnées cartésiennes (O, x1, x2, x3 ) la notation OM = x = xi ei. L'écoulement de Stokes V (x, y) créé en x par un Stokeslet d'intensité d = dk ek placé au point y dans un liquide infini est donné par la formule Vj (x, y) = V (x, y).ej = Gjk (x, y)dk (2.4) où les coefficients Gjk sont les composantes cartésiennes du tenseur de Green en milieu infini [11] telles que : δkj [(x − y).ej ][(x − y).ek ] 1 Gjk = + (2.5) 3 8πμ | x − y | |x−y | 2 19 ème Congrès Français de Mécanique δ désignant le symbole de Kronecker. L'écoulement (u, p) solution de (2.1), (2.2) admet alors pour sa vitesse u la représentation intégrale suivante [11] : Z fk (y)Gkj (y, x)dS(y) pour x ∈ D (2.6) uj (x) = u(x).ej = − S∪Σ où f = σ.n = fk.ek est la traction surfacique exercée par (u, p) sur la frontière S ∪ Σ. Notons que (2.6) procure une représentation de u régulière sous forme de simple couche dans tout le domaine liquide D. 2.3 Traitement du Cas 2
Dans cette situation il faut assurer les relations (2.3) pour déterminer le couple (U, Ω). Dans ce but, on introduit pour i = 1, 2, 3 six écoulements de Stokes particuliers, (uiT, piT ) et (uiR, piR ) qui obéissent à (2.1) et aux conditions aux limites suivantes : uiT = uiR = 0 sur Σ uiT = ei et uiR (2.8) = ei ∧ O 1 M sur S (2.9) Pour tout L ∈ {T, R} l'écoulement (uiL, piL ) a pour tenseur de contrainte σLi qui exerce sur S une force surfacique f iL = σ iL.n. En utilisant (2.1) et l'identité usuelle de réciprocité [11] avec la condition u = 0 sur Σ, pour tout L = T ou L = R (voir les définitions (2.3)) nous obtenons alors les relations : L.ei = Z S∪Σ f.uiL dS = Z S u.f iL dS (2.10) En injectant dans (2.10) la condition (2.2) vérifiée par u sur S et en posant Ai,j L =− Z S ej.f iL dS et BLi,j =− Z S [ej ∧ O 1 M ].f iL dS (2.11) nous pouvons alors réécrire les relations (2.3) sur la forme du système linéaire à 6 équations suivant i,j Ai,j T Uj + BT Ωj = (ρ − ρs )V g.ei (2.12) Ai,j R Uj (2.13) + i,j BR ωj = 0 pour les six inconnues où Uj = U.ej et Ωj = Ω.ej. Le système (2.12)-(2.13) de matrice inversible (voir [9]), admet une unique solution (U, Ω) qui est donc obtenue via (2.11) par le seul calcul des forces surfaciques f iT et f iR exercées sur la surface S lors de mouvements imposés de translation ou de rotation selon ei de la particule. Ces quantités f iT et f iR sont obtenues, d'après le Cas 1, par résolution des équations intégrales (2.7) où l'on remplace u par uiT ou uiR respectivement. 3 Implémentation numérique et validation du code 3.1 Stratégie numérique
Chaque équation intégrale (2.7) est discretisée en utilisant sur S ∪ Σ un maillage constitué d'éléments de frontière P2 de type triangles curvilignes à 6 noeuds. Une fois le maillage obtenu, on utilise une méthode de 3 19 ème Congrès Français de Mécanique collocation usuelle et une factorisation LU de la matrice du système linéaire constitué par la discrétisation des équations intégrales S est maillé de manière traditionnelle. La stratégie du maillage adaptatif et non uniforme de Σ est alors la suivante : on commence par un maillage grossier (obtenu par un logiciel commercial) et lorsqu'une particule s'approche de la paroi, une zone de lubrification induit une contrainte intense et le raffinement du maillage de Σ se fait sur les facettes les plus proches de la particule. Dans ce but, on calcule la taille typique de chaque facette de Σ (la facette est représentée par un triangle à 6 noeuds) puis on détermine la distance minimale entre chaque noeud de la surface de la particule S et chaque point de collocation de Σ. Si cette distance est plus petite que la taille typique des facettes de Σ près de la particule, on raffine les facettes qui correspondent a ces points. Ce traitement pour raffiner localement Σ est mené de manière itérative. 3.2 Résultats numériques
3.2.1 Afin de valider le code mis au point on propose de comparer nos résultats à ceux de Bhattacharya, Blawdziewicz et Wajnryb [6], obtenus par la méthode des développements multipolaires pour une sphère de rayon a centrée entre deux plans solides perpendiculaires à e3 et distants de 2h. La sphère est dotée de la vitesse de translation U. Cette situation est ici modélisée avec une boite parallélépipédique qui vérifie L1 = L2 et L3 = L = 2h. Si U est parallèle à ei pour i = 1 ou i = 3 la force F exercée sur la sphère de rayon a s'écrit alors F = −6πμaFii U. Les coefficients F11 et F33 sont comparés dans la table 1.
N 74 242 [6] 74 242 [6] 74 242 [6] N d L1 3940 10 3998 10 822 822 30 30 590 590 50 50 h/a 1.20892 1.20892 1.20892 2.86208 2.86208 2.86208 11 11 11 F11 3.18062 3.20039 3.19637 1.48551 1.49016 1.50237 1.10026 1.10283 1.10007 ∆F11 0.00492 0.00125 0.01122 0.00812 0.00017 0.00250 F33 9.948339 10.30953 10.44128 1.88256 1.88883 1.90767 1.14758 1.14997 1.15123 ∆F33 0.04720 0.01261 0.01316 0.00987 0.03371 0.00109
TAB. 1 – Forces hydrodynamiques normalisées F11 et F33 exercées sur une sphère solide de rayon a centrée entre deux plans parallèles et séparée d'une distance h − a de chacune des parois. Dans ces comparaisons N est le nombre de noeuds sur la sphère, Nd est le nombre des points de collocation sur | Fii − FiiB | est l'erreur relative de nos résultats Fii par rapport aux résultats l'ensemble des plans et ∆Fii = | FiiB | FiiB de [6]. Le coefficient numérique Fii dépend de h/a mais aussi du choix de la troncature L1, les valeurs L1 choisies étant aussi indiquées dans la table. Les résultats obtenus sont en parfait accord avec [6]. Notre code est également validé en comparant les résultats numériques obtenus avec ceux du logiciel commercial d'éléments finis COMSOL pour la translation à la vitesse U parallèle à e3 d'une sphère de rayon a centrée au milieu d'une cavité cubique d'arête 2h avec h > a. La figure 2 montre la comparaison de la force adimensionnée F33 telle que F = −6π μaF33 U est la résultante des efforts appliqués sur la sphère.
2 2 10 BEM comsol cavité sphérique cavité cubique 1 33 10 F F 33 10 1 10 0 10 0 10 1 10 h/a 0 2 10 0 10
10 F IG. 2 – Force hydrodynamique adimensionnée F33 exerc
ée
sur une particule sphérique de rayon a centrée au milieu d'une cavité cubique d'arête 2h. Comparaison entre les résultats de la présente méthode (BEM) et ceux obtenus par le logiciel commercial COMSOL. 1 10 h/a 2 10 F IG. 3 – Force hydrodynamique adimensionnée F33 exercée sur une particule sphérique de rayon a
en
translation imposée U = −e3 dans un récipient cubique d'arête L et un récipient sphérique de rayon R et de même volume. Un excellent accord numérique est trouvé entre les deux méthodes, à l'ordre de la précision (d'ordre 10−2 ) de COMSOL (Figure 2). 3.2.2 Résultats
Pour étudier l'influence e la géométrie des parois sur le mouvement d'une particule, nous comparons la force e pour une sphère en translation imposée de vitesse U = −e dans un récipient sphérique hydrodynamique F33 3 1 − α5 e de même centre et de rayon R, donnée dans [9] sous forme de l'approximant F33 = 1 − 94 α + 52 α3 − 94 α5 + α6 (où α = a/R ≪ 1), avec nos résultats pour une sphère de même vitesse de translation dans un liquide confiné par un récipient cubique d'arête 2h. Les deux récipients choisis ont le même volume et vérifient donc la relation suivante : 1 6 3 R= h. (3.14) π Les résultats obtenus sont donnés Figure 3 pour différentes largeurs 2h de la cavité cubique. Il apparait ainsi que la cavité cubique de demi-arête h offre des interactions sphère-paroi plus fortes que celles obtenues pour e = 1.421, F la cavité sphérique de rayon R ≃ 1.24h (voir par exemple pour h/a = 3, F33 33 = 2.433). L'effet important des parois les plus proches de la sphère apparaı̂t ici clairement. Enfin, nous présentons Figure 4 des résultats pour le Cas 2 d'une sphère de rayon a et de centre O1 = (0, X2, 0) ou O1 = (0, X2, −a) avec 0 < X2 < 1.9a en sédimentation dans une cavité cubique d'arête 6a. Les symétries (et les résultats numériques) montrent que seules les composantes U.e3, Ω.e1 et éventuellement U.e2 sont non nulles, ce qui amène à introduire les vitesses adimensionnées suivantes : u3 = 9μ[U.e2 ] 9μ[Ω.e
] 9μ[U.e3 ], u2 =, w1 =. 2 2 2g(ρ − ρs )a 2g(ρ − ρs )a 2g(ρ − ρs )a3 5 (3.15) u3 ω1 0.4 u
2 0.35 0.35 ω1 0.3 0.3 0.25 0.25 0.2 0.2 0.15 0.15 0.1 0.1 0.05 0.05 0.4 0 0 0.5 (a) 1
x2 1.5 0 0 2
(
b
)
0.5
1
x2 1.5 F
IG
. 4 Conclusion
les interactions particule-paroi dans le cas d'une cavité fermée ont été étudiées en utilisant, sous l'approximation des faibles nombres de Reynolds, une formulation par équations intégrales de frontières. La démarche est validée par comparaison avec un logiciel commercial d'éléments finis et aussi par comparaison avec une solution en multipoles dans le cas particulier de plans parallèles. Des résultats numériques sont obtenus pour la translation imposée ou la sédimentation libre d'une sphère solide dans une cavité cubique. La technique permet également de traiter le cas d'une particule non sphérique. Cette situation sera abordée également lors de la présentation orale. Remerciements : E.Wajryb est remercié ici pour avoir fourni des tables complémentaires à l'article [6]..
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L'étude de l'architecture avec deux chemins de puissance nous a permis de montrer qu'elle peut apporter un gain de 33% par rapport à celle avec un chemin unique, dans le cas d'un système basé sur un stockage électrochimique. Outre, l'amélioration du rendement du système, cette nouvelle architecture permet une meilleure intégration des microsystèmes grâce à la réduction de l'unité de stockage (tableau II-4). De plus, l'architecture à chemins de La gestion d'énergie puissance multiples permet de mettre en place des méthodes intelligentes de gestion d'énergie, telles que la recherche du point maximum de puissance (MPPT) sur les sources, le DVFS31 sur les charges ainsi que la mise en oeuvre d'un ordonnancement avancé des tâches du microsystème. Nous avons vu que le gain obtenu dépend du rendement du système de gestion d'énergie qui crée ces nouveaux chemins de puissance. Ce gain peut donc encore être accru grâce à l'amélioration du rendement du chemin direct. Il est intéressant de mettre en oeuvre une architecture de capteur autonome possédant des chemins directs. Pour cela, il faudra développer des sources de récupération d'énergie possédant des circuits de gestion d'énergie capables d'alimenter ces chemins directs de manière efficace. De plus, le contrôle de ces chemins doit être fait de manière simple. Il faut veiller à ce que le contrôle ait un impact faible sur la consommation du système au regard du gain apporté par l'utilisation de ces nouveaux chemins. Il reste cependant à trouver le contrôleur adapté au niveau du système pour configurer les chemins. Des travaux sont actuellement en cours pour utiliser un système numérique asynchrone. L'idée est d'utiliser la variation du d'énergie en entrée pour déclencher le calcul déterminant le chemin le plus adapté [CHR 2010].
4.3 Intégraton dans la plateforme MANAGY
La source photovoltaïque (PV) n'est qu'une source du système parmi d'autres, bien qu'elle sera la plus utilisée, car l'énergie récupérable par cette énergie est sans égale lorsque des rayons du soleil sont présents (cf. Chapitre I). Le module photovoltaïque n'est donc pas seul, il faut que notre système de récupération PV puisse s'intégrer facilement à l'architecture multi-sources. Pour cela, il faut d'une part que notre module puisse fournir une tension stabilisée pour alimenter directement des charges, et d'autre part qu'il puisse délivrer une tension plus élevée pour recharger l'unité de stockage d'énergie du système. De plus, la source PV doit être capable de donner une information sur son état pour que le système de contrôle numérique puisse déterminer les charges qui peuvent lui être directement connectées. Au niveau de l'intégration mécanique, la source PV peut être placée sur toute la surface disponible du système. En effet, même si une face sera moins bien orientée qu'une autre, le système de récupération d'énergie photovoltaïque, équipé d'une méthode intégrée de MPPT, pourra, s'il est démultiplié, piloter chaque face indépendamment pour en extraire le maximum de puissance. Ainsi, le récupérateur photovoltaïque n'est pas seulement pensé pour fournir le maximum d'énergie, mais aussi pour que l'énergie fournie le soit de la manière la plus profitable au reste du système. Ceci implique de profonds changements sur l'architecture des convertisseurs, qui étaient conçus jusqu'alors de manière indépendante et devaient s'adapter à une charge variable en s'appuyant sur une source stable.
Chapitre II : La gestion d'énergie 5. Conclusion
Après avoir exposé les différentes sources d'énergie disponibles dans l'environnement (Chapitre I), nous avons identifié l'énergie solaire comme étant l'énergie la plus intéressante dans un premier temps. Nous avons choisi d'utiliser des cellules photovoltaïques développées dans la technologie CIGS qui est la plus prometteuse. Le but de l'électronique de gestion d'énergie est d'extraire le maximum d'énergie et de maximiser l'énergie transférée par le convertisseur pour augmenter le temps de fonctionnement du système. Ceci permet d'alimenter les charges du microsystème à partir d'une plus large gamme d'irradiance. Il est pour cela nécessaire d'utiliser un système de gestion d' nergie capable de fournir une tension de sortie stabilisée en admettant des variations en entrée et en sortie. Le système de gestion d'énergie doit être capable de fonctionner de manière autonome et doit pouvoir gérer des tensions faibles en entrée. Ceci nous demande de concevoir un système de gestion d'énergie capable d'élever cette tension d'entrée vers les valeurs nécessaires pour les charges du système. L'exposé des différents systèmes de gestion d'énergie nous invite à concevoir un système à découpage survolteur de type boost, celui-ci étant le seul qui, en considérant les paramètres en entrée, nous permettra d'être fonctionnel tout en conservant un rendement intéressant pour le système. L'utilisation d'un convertisseur SMPS de type boost demande de définir une loi de commande du rapport cyclique. 84 Chapitre III : Modélisation du module de récupération photovoltaïque du microsystème autonome. CHAPITRE III : MODELISATION DU MODULE DE RECUPERATION PHOTOVOLTAÏQUEDU MICROSYSTEME AUTONOME 85
1. INTRODUCTION 89
2. LES SYSTEMES DE RECUPERATION D'ENERGIE PHOTOVOLTAÏQUE 89
2.1 Le module photovoltaïque en CIGS 90 2.2 Les systèmes de récupération de l'énergie photovoltaïque CIGS 95 2.3 Comparaison du système proposé avec un système basique adapté à la technologie CIGS 97 99
3. MODELISATION DU CONVERTISSEUR DC/DC
3.1 Le convertisseur à double sortie 99 3.2 Le convertisseurr à double sortie avec la cellule photovoltaïque 110
4. E
TUDE
ET
SEGMENT
ATION DE LA
METHODE
DU MPPT 113 4.1 La méthode du MPPT simple capteur de tension 113 4.2 Simulation des sous-blocs de la méthode du MPPT 115 5. SIMULATIONS GLOBALES 116 5.1 Extraction du maximum d'énergie 117 5.2 Synthèse des spécifications 124 6. CONCLUSION 125
85 Chapitre III : Modélisation du module de récupération photovoltaïque du microsystème autonome. 86 Chapitre III : Modélisation du module de récupération photovoltaïque du microsystème autonome. RESUME DU CHAPITRE III
Dans ce chapitre, nous avons modélisé et simulé le système de gestion d'énergie avec la source d'énergie. Pour pouvoir modéliser le système, nous avons commencé par la modélisation de la source énergétique : le module photovoltaïque (PV). Cette modélisation nous a permis de connaître les variations de puissance en entrée en fonction des conditions environnementales, que ce soit en fonction de la température, de l'énergie incidente ou de l'influence du courant tiré à ses bornes. Nous avons par la suite étudié l'architecture du convertisseur élévateur qui va polariser le module PV à son point de puissance maximale. Nous avons tout d'abord comparé la nouvelle architecture avec une architecture basique, composée d'un assemblage en série de cellules PV et d'une diode. Cette comparaison a permis de déterminer la zone de fonctionnement où la nouvelle approche apporte un gain par rapport à l'architecture classique. Elle s'avère intéressante dès que l'irradiance dépasse les 5 mSun. Grâce à un modèle haut niveau du convertisseur à double sortie, nous avons estimé le rendement et modélisé l'évolution de son état en cas de variation de puissance en entrée et en sortie. Nous avons par la suite associé le module PV au modèle pour connaître l'évolution de sa tension et de son courant en fonction de l'état du convertisseur. Le contrôle du système de gestion d'énergie est effectué à l'aide de la méthode du MPPT. Comme nous avons un budget énergétique restreint et que le système est autonome, nous avons mis en place la méthode du MPPT la plus simple en termes de mesures et de calculs. La méthode employée a l'avantage de n'utiliser qu'un échantillonnage de la tension du module PV. La seule variation du rapport cycl ique conjuguée à la mesure de la variation de la tension de fonctionnement du module PV nous permet de déterminer le rapport cyclique optimal pour obtenir une puissance maximale du module PV. 32 Nous avons simulé le système complet pour visualiser les différences entre le maximum de puissance atteint par notre système avec la méthode simplifié du MPPT et la puissance maximale théoriquement atteignable. Nous obtenons une puissance du module PV comprise entre 82% et 96% de son maximum théorique. Enfin, nous avons utilisé ce modèle pour spécifier l'ensemble des caractéristiques des blocs de l'architecture et permettre la conception du système en électronique intégrée. 32 MPPT : Maximum Power Point Tracking, recherche du point de puissance maximum
87 Chapitre III : Modélisation du module de récupération photovoltaïque du microsystème autonome. 88 Chapitre III : Modélisation du module de récupération photovoltaïque du microsystème autonome. Chapitre III : Modélisation du module photovoltaïque du microsystème autonome de récupération 1. Introduction
Dans ce chapitre nous proposons de modéliser le système de récupération d'énergie. Le modèle nous permettra de déterminer la limite de fonctionnement du système sous faibles éclairements ainsi qu'une utilisation en accord avec les limites technologiques sous forts éclairements. Ces limites permettront de dimensionner les différents blocs du système. Pour cela, nous avons besoin d'un modèle qui prenne en compte les fuites dues au fonctionnement sous faibles puissances, tant pour la source que pour le circuit de gestion d'énergie. En effet, le passage dans le domaine du microwatt rend les pertes, dues aux commutations des interrupteurs (transistors de puissance), ainsi que celles dues aux temps de non recouvrement des horloges, significatives sur le fonctionnement du système. De plus, il est important de prendre en compte l'évolution du rendement du module photovoltaïque (PV) en fonction de l'éclairement. Grâce à cette modélisation de la source et du système électronique, nous allons pouvoir optimiser l'électronique de gestion d'énergie en prenant en compte les effets d'un environnement où l'énergie incidente est variable. Nous modéliserons tout d'abord le module PV pour les différentes conditions d'utilisation. Nous présenterons ensuite le système de récupération d'énergie proposé en le comparant à un système classique. Nous exposerons par la suite les boucles de contrôle du système de conversion et de transfert d'énergie permettant de transférer des puissances allant du microwatt à la dizaine de milliwatts. Nous effectuerons des simulations en boucle ouverte pour déterminer les critères de fonctionnement de la boucle intégrant la méthode du MPPT. Enfin, nous effectuerons des simulations globales du système en boucle fermée pour analyser ses performances dans les différentes configurations 'utilisation. A partir de cette analyse, nous chercherons les spécifications des blocs de l'architecture pour permettre la conception du système intégré.
2. Les systèmes de récupération d'énergie photovoltaïque
Le but de l'électronique de gestion d'énergie est d'extraire le maximum d'énergie et de la délivrer le plus efficacement possible pour augmenter le temps de fonctionnement du système. Pour répondre à cet objectif, il est nécessaire d'analyser les performances de la récupération d'énergie en tenant compte des pertes induites par le système (figure III-1). Nous pourrons ainsi comparer le système de gestion d'énergie que nous proposons avec un système passif ne comportant pas de méthode de recherche du point de puissance maximale. 89 Chapitre III : Modélisation du module de récupération photovoltaïque du microsystème autonome. Iout IPV Vout VPV (point de fonctionnement, rendement) (rendement, consommation) Pertes
Figure III-1 : Système de récupération d'énergie
photovoltaïque
.
Avant de détailler l'architecture du système de gestion d'énergie, nous allons modéliser le module PV pour pouvoir, par la suite, comparer les systèmes de gestion d'énergie lorsqu'ils sont interfacés avec ce même module PV.
2.1 Le module photovoltaïque en CIGS
La modélisation du module PV en CIGS va nous permettre d'étudier les associations série et/ou parallèle de cellules. Nous pourrons ainsi spécifier la meilleure configuration série/parallèle. Nous avons choisi de mettre des cellules en parallèle, seulement s'il est utile de reconfigurer le nombre de cellules en série au cours du temps. Dans la mesure où les technologies actuelles permettent de réaliser des cellules recouvrant la totalité de la surface allouée à la récupération photovoltaïque de la plateforme MANAGY (cf. Chapitre I), nous n'avons pas étudié la mise en parallèle des cellules en tant que telle. En effet, celle-ci nécessiterait une réduction de la surface de récupération due aux isolations entre les cellules par rapport à une cellule unique. Cette option ne sera donc étudiée que dans le cas où la tension délivrée par le module PV atteint une valeur destructive pour le système et doit donc être limitée grâce à la mise en parallèle de cellules.
a) Le modèle de la cellule
Le modèle (figure III-2) présenté dans le premier chapitre permet de modéliser le fonctionnement électrique d'une cellule solaire en fonction de la température et de l'éclairement. Ce modèle nous fournit les caractéristiques de la cellule en courant et en tension.
PV Figure III-2 : Modèle électrique
Chapitre III : Modélisation du module de récupération photovoltaïque du microsystème autonome. Les équations (I-1) et (I-2) du premier chapitre du manuscrit nous permettent de relier la tension VPV, le courant IPV, le photocourant généré Iph et l'effet de la jonction de la diode en fonction de la surface et du nombre de cellules en série NS du module PV. Nous obtenons l'équation (III-1).
(V + I PV.RS ) V PV + I PV.RS (III-1) I PV = I ph − I sat exp PV − 1 − N S.VT RP
Avec : -Iph le courant photonique défini par I ph =
Surface ×
G × Sun, où
Surface
est la surface de la cellule, G le coefficient de conversion de la cellule et Sun l'irradiance, -Isat le courant de saturation inverse de la diode proportionnel à la surface, k.T.n -VT la tension thermique défini par VT = où n est le facteur d'idéalité de la q diode, T la température en Kelvin, k la constante de Boltzmann et q la charge de l'électron, -RS la résistance équivalente en série (fonction de la conductivité des électrodes) et RP la résistance équivalente en parallèle (fonction de la qualité de l'interface entre la couche active et les électrodes). Nous allons utiliser un module CIGS du LITEN. Les paramètres technologiques de leurs cellules CIGS sont donnés dans le tableau III-1.
Paramètres
Valeurs Courant de saturation de la jonction Isat = 10-9 A.cm-2 Température de fonctionnement T = 298 K Résistance série équivalente Rs = 0.8 Ω.cm-2 Résistance parallèle équivalente Rp = 142000 Ω.cm-2 Facteur d'idéalité n = 1.5 Coefficient de conversion G = 11.4 μW.Sun-1.cm-2 Ghigh = 28 μW.Sun-1.cm-2
(cas des faibles et forts éclairements) low Tableau III-1 : Valeurs des paramètres de
la
cellule CI
GS du LITEN. Deux cas distincts sont pris en compte. Le premier correspond à un environnement composé de faibles éclairements (usage intérieur). Dans ce cas, le coefficient de conversion G vaut 11.4 μW.Sun-1.cm-2. Le second correspond à un environnement ensoleillé extérieur. Le module CIGS a alors un meilleur coefficient de conversion grâce à une meilleure adéquation au spectre du soleil (cf. Chapitre I), qui vaut 28 μW.Sun-1.cm-2. En effet, sous faible éclairement, on estime l'énergie délivrée à partir d'une lumière artificielle fluorescente qui a un spectre discret (nombre de longueurs d'ondes limité) et plus étroit que celui du soleil.
b) Influences de l'éclairement incident
Les mesures des irradiances données au premier chapitre du manuscrit permettent de déterminer les variations de l'énergie en entrée en fonction des conditions de l'environnement (tableau III-2Tableau III-). On peut ainsi définir la quantité d'énergie disponible suivant la localisation de la cellule photovoltaïque CIGS. Nous avons découpé les éclairements en trois types d'utilisations : - en intérieur avec un éclairement compris entre 80 lux (0.67 mSun) et 500 lux
Chapitre III : Modélisation du module de récupération photovoltaïque du microsystème autonome. (2.5 mSun), provenant exclusivement de sources artificielles fluorescentes, en intérieur avec un éclairement compris entre 500 lux (2.5 mSun) et 1200 lux (10 mSun), où la source est un mélange entre une source artificielle de type fluorescente et un éclairage naturel indirect (figure III-3), en extérieur marqué par une énergie exclusivement délivrée par le soleil.
- Figure III-3 : Décomposition de l'éclairement d'un bureau [RAN 2002]. Nous avons modélisé la cellule CIGS avec l'équation (III-1) sous le logiciel Matlab, en prenant les paramètres du tableau III-1, pour déterminer la puissance délivrée. Nous avons déduit des puissances de sortie le rendement de la cellule pour les différentes conditions d'utilisation (tableau III-2).
intérieur Cas Exclusivement artificiel éclairage tamisé Eclairage de couloir Eclairage de bureau I (mSun) (E (lux)) P (μW.cm-2) 0.67 (80) 2.17 1.25 (150) 4.26 2.5 (500) 21 6.167 (740) 58.8 η (%) 3.3 8.4 9.5 3.5 -2 extérieur artificiel et naturel éclairage éclairage par de travail incandescence temps couvert ensoleillé 10 (1200) 98.2 25.3 (3030) 274 100 (10000) 1216 9.8 10.8 12 -2 1lx=1Lm.m
=1
/120.W.m
=1/120
.mSun (conversion simplifiée [RAN 2002])
Tableau III-2 : Energie récupérée par la cellule CIGS en fonction de l'éclairement. La modélisation fait apparaître une variation du rendement de conversion en fonction de la nature et de la puissance de l'énergie incidente allant de 3.3% à 12%. Nous observons une détérioration du rendement avec la diminution de l'éclairement incident. Cette chute du rendement est essentiellement due à
l'augmentation de
l'influence des pertes intrinsèques à la cellule vis-à-vis du photocourant généré (influence de RS
). Ces
per
tes
dépendent
de la qualité
de fabrication
de la
cellule
et leurs réductions engendrent des coûts non négligeables. Ces pertes seront amenées à diminuer avec les prochaines avancées technologiques de fabrication qui permettront de mieux isoler les cellules. Le rendement moyen affiché par les fabricants, compris entre 6% de 12% (cf. Chapitre I), n'est vrai que pour un domaine d'irradiance donné. Il est donc important d'utiliser le modèle du PV pour avoir une puissance de sortie réaliste.
Chapitre III : Modélisation du module de récupération photovoltaïque du microsystème autonome. c) Le modèle du module photovoltaïque
Pour améliorer la tension délivrée par le système de récupération, nous pouvons associer les cellules en série. Pour nous guider dans ce choix, nous avons pris en considération les pertes de surfaces dues aux isolations nécessaires aux interconnexions des cellules (figure III-4).
VPV Isolations
Figure III-4 : Les isolations dans le module photovoltaïque.
Nous avons étudié l'effet des isolations pour la surface maximale de récupération de 5 cm de la plateforme MANAGY (cf. Chapitre I 2.2, le projet MANAGY). Ces isolations induisent ainsi une réduction de la surface active, et donc de la puissance récupérable, elles sont présentées dans le tableau III-3.
2 Nombre de cellules en série 1 cellule 2 cellules 3 cellules 4 cellules 8 cellules 9 cellules 12 cellules Surface (cm2) totale Active 5 5 5 4.9292 5 4.8585 5 4.7880 5 4.5048 5 4.4343 5 4.2216 Surface active perdue (%) 0 1.4 2.83 4.24 9.9 11.3 15.6
Table
au
III-3 :
Pertes
de surface dues aux interconnexion
s. On peut remarquer que la surface active perdue est significative (> 10%) pour des associations en série élevées (> 8). Nous devons également vérifier la compatibilité des paramètres électriques du module avec le circuit électronique de gestion d'énergie. En effet, pour le bon fonctionnement du circuit de gestion d'énergie conçu dans la technologique UMC 180 nm, nous ne pouvons pas dépasser une tension supérieure à 3.8 V. Il nous faut donc, pour tous les types d'environnement une tension en circuit ouvert Vco (Vco=VPV(Io=0)) inférieure à 3.8 V. De plus, nous avons choisi de concevoir un système de gestion d'énergie élévateur. Il est donc nécessaire d'avoir des tensions VMPP de fonctionnement du module PV proches mais strictement inférieures à la tension à fournir en sortie. Les charges du microsystème étant à des tensions d'alimentation comprises entre 1.2 V et 1.5 V, il nous faut en entrée une tension de fonctionnement du module PV inférieure à 1.5 V. Le tableau III-4 récapitule les trois grandes caractéristiques extraites. Vco est la tension de circuit ouvert de la source. VMPP est la tension au point de puissance maximum qui permet à la cellule photovoltaïque de délivrer la puissance maximum notée Pmax.
Chapitre III : Modélisation du module de récupération photovoltaïque du microsystème autonome. Intérieur Cas I mSun, E (lux) Pmax(μW) 1 cellule VMPP(V) Vco(V) 2 cellules 3 cellules 4 cellules Pmax(μW) VMPP(V) Vco(V) Pmax(μW) VMPP(V) Vco(V) Pmax(μW) VMPP(V) Vco(V) éclairage de couloir 1.6 (190) 60,8 0,322 0,410 60,2 0,643 0,819 59,2 0,965 1,229 58,2 1,287 1,638 éclairage de bureau 2.5 (500) 103,7 0,339 0,428 102,3 0,678 0,856 101,0 1,016 1,284 99,3 1,355 1,712 éclairage de travail 6.3 (750) 294,2 0,372 0,464 290,1 0,745 0,929 286,0 1,117 1,393 282,0 1,490 1,858 Extérieur éclairage par incandescence 10 (1200) 491,2 0,389 0,483 484,2 0,778 0,965 477,7 1,167 1,448 470,8 1,556 1,930 temps couvert 25.1 (3000) 1355,5 0,422 0,518 1336,1 0,844 1,037 1316,6 1,266 1,555 1297,7 1,688 2,073 ensoleillé 100 (10000) 6079,2 0,471 0,572 5993,1 0,941 1,143 5907,0 1,412 1,715 5821,3 1,882 2,287
2 Tableau III-4 : Energie récupérée par des modules photovoltaïques CIGS de 5 cm. Nous observons (tableau III-4), que quelque soit le niveau d'éclairement, la source mettant le plus grand nombre de cellules en série a toujours la tension de circuit ouvert ainsi que la tension au MPP la plus élevée. Par contre, la puissance délivrée par la cellule diminue dans cette configuration. Ceci est dû à la réduction de la surface active provenant des isolations nécessaires entre les nouvelles cellules créées. Il est à noter d'ailleurs que sous 100 mSun avec quatre cellules, on atteint une tension en fonctionnement supérieure à 1.5 V. Pour pouvoir utiliser une large plage de variation d'éclairement en entrée, tout en conservant une puissance extraite et un rendement du convertisseur maximums, nous sommes limités à une mise en série de trois cellules. Pour avoir un fonctionnement autonome du système de récupération d'énergie, il faut que celui-ci puisse démarrer à partir de la seule tension de la source. La tension devra être suffisante pour permettre la polarisation des transistors. La technologie UMC 180 nm envisagée nécessite des tensions limites de commutation des transistors de l'ordre de 600 mV. Nous aurons besoin d'un minimum de deux cellules en série pour remplir cette contrainte. La figure III-5 permet de visualiser la puissance délivrée par une cellule CIGS de 5 cm en fonction des conditions d'éclairement (cas intérieur et extérieur) et de la tension de fonctionnement.
MPP MPP 2 Intérieur : Extérieur : Figure III-5 : Puissance délivrée par une cellule CIGS (5 cm2) en fonction de l'éclairement dans des conditions intérieures (1.6-10 mSun) et des conditions extérieures (25-100 mSun).
Chapitre III : Modélisation du module de récupération photovoltaïque du microsystème autonome. Pour extraire, à tout instant, le maximum d'énergie de la cellule photovoltaïque, il faut pouvoir modifier le courant prélevé et la tension de polarisation pour que ces deux paramètres correspondent à ceux du point de puissance maximale. Il est nécessaire de fabriquer un système de gestion d'énergie capable de piloter la cellule à ce point de fonctionnement et de transférer efficacement cette énergie au reste du système autonome. L'ensemble des contraintes imposées au module PV nous oblige à faire un compromis. Le module sera ainsi constitué de trois cellules photovoltaïques CIGS en série. Bien que le nombre de deux soit plus performant pour les forts éclairements, le nombre de trois tire tout son avantage sous les faibles éclairements. Un module composé d'un nombre important de cellules photovoltaïques (> 8) additionnera des pertes surfaciques supérieures à 10 %. L'optimisation du transfert et de la polarisation de la cellule ira donc de paire avec l'utilisation d'un module constitué d'un faible nombre de cellules en série.
2.2 Les systèmes de récupération de l'énergie photovoltaïque CIGS a) Le système basique
Le système le plus employé consiste à utiliser une diode qui permet la polarisation de la cellule et un transfert unidirectionnel des électrons. Le module sera ainsi polarisé à la tension de la capacité de sortie Ctampon rehaussée de la tension de seuil de la diode (figure III6). La diode permet d'éviter que le module ne devienne une charge pour le système dans le cas où l'éclairement incident serait insuffisant.
DPV Module PV Ctampon VPV Vs Convertisseur de
type
buck Rcharge (12 cellules en séries) V
BAT
Figure III-6 : Le système basique pour la récupération photovoltaïque. Notre système nécessite une tension de sortie VS proche de 3.4 V correspondant à la tension de sortie de l'accumulateur d'énergie (cf. Chapitre II, 3.3 Stockage efficace de l'énergie). Pour pouvoir fournir cette tension en sortie du système, il est nécessaire de prendre en compte la chute de tension aux bornes de la diode DPV, imposant alors à la source photovoltaïque de fournir une tension proche de 3.8 V. L'accumulateur est modélisé par une capacité Ctampon et une plage de tension de fonctionnement. Nous ne prenons pas en compte
Chapitre III : Modélisation du module de récupération photovoltaïque du microsystème autonome. les pertes de l'accumulateur, celui-ci étant considéré comme parfait. De plus, notre système doit alimenter des charges à une tension comprise entre 1.2 V et 1.5 V. Il est alors nécessaire d'employer un convertisseur dévolteur pour abaisser la tension de la batterie de 3.4 V à 1.5 V. Pour fournir la tension élevée nécessaire à l'accumulateur, le système a besoin d'un module PV composé d'un nombre important de cellules en série. Pour maintenir la tension sous très faibles éclairements, il est nécessaire d'utiliser un module PV composé de douze cellules CIGS en série (tableau III-4Tableau III-4, 12 x 0,32 = 3.84 V). Nous allons prendre en compte les pertes associées à un tel système de récupération d'énergie, en tenant compte des pertes engendrées par la tension de seuil de la diode DPV ainsi que celles provenant de l'inadéquation de la tension de fonctionnement avec celle permettant de polariser le module pour qu'il délivre le maximum de puissance. Nous prendrons également en compte les pertes dues aux interconnexions et isolations des cellules, limitant la surface active du module PV. Il faut noter qu'avec ce système basique, il n'est pas possible de fonctionner au maximum de puissance et de transférer le maximum d'énergie simultanément. En effet, dans la mesure où la régulation du second système de gestion d'énergie se fait sans aucun lien avec l'énergie transférée à la batterie, ce transfert n'est pas optimisé. Le seul moyen de connaître si l'énergie transférée est inférieure ou supérieure à celle délivrée par la source, est d'utiliser un système intelligent permettant de connaître l'évolution de l'état de charge de l'unité de stockage.
b) Le système de gestion d'énergie proposé
Nous ons un système capable de maximiser l'énergie récupérée par le module PV tout en optimisant le transfert d'énergie vers les charges (figure III-7). Cette nouvelle approche permet d'augmenter l'énergie délivrée par la source photovoltaïque grâce à une polarisation dynamique de celle-ci. Cette polarisation tient compte des variations des conditions de l'environnement ainsi que des besoins énergétiques des charges du microsystème autonome. Pour que le gain soit intéressant, il faut vérifier que la complexification du système apporte une amélioration de la puissance récupérée tout en tenant compte de la consommation des nouveaux blocs gérant la polarisation, la récupération et la conversion de l'énergie photovoltaïque. 96 Chapitre III : Modélisation du module de récupération photovoltaïque du microsystème autonome. Vs
Module PV Convertisseur proposé : - de type boost - à deux sorties VPV Ctampon VBAT (3 cellules en séries)
Figure III-7 : Le système actif de récupération photovoltaïque. 2.3 Comparaison du système proposé avec un système basique
La comparaison des deux systèmes est effectuée à l'aide d'une modélisation haut niveau sous Matlab. La comparaison est basée sur l'utilisation du modèle développé dans le cas d'un usage intérieur et d'un usage extérieur. Nous avons pris comme hypothèse que l'unité de stockage nécessite une tension comprise entre 3.2 V et 3.4 V (cf. Chapitre II, 3.2 Stockage efficace de l'énergie). Le nombre de cellules en série nécessaires pour le système basique est calculé pour une tension de seuil de la diode DPV (figure III-6) de 300 mV. On lui associe un convertisseur de type buck du commerce ayant un rendement de 90% [LIN 2010]. On considère que le système que nous proposons avec la méthode de MPPT nécessite la mise en série de trois cellules (cf. Chapitre III, 2.1 Le module photovoltaïque en CIGS) et qu'il possède une consommation statique de 2 μA (consommation pour la génération de l'horloge de commande, pour la génération de la tension de référence et pour le circuit permettant la régulation des sorties [TEO 2007]). De plus nous considérons que le convertisseur possède un rendement de 80%. Les simulations sont effectuées pour les deux cas d'utilisation : l'usage intérieur avec une irradiance comprise entre 1 mSun et 10 mSun, et l'usage extérieur avec une irradiance comprise entre 10 mSun et 500 mSun (1 Sun = 100 mW.cm-2). De plus, nous effectuons ces simulations pour quatre valeurs de surface du module photovoltaïque valant 1 cm2, 3.2 cm2, 5 cm2 et 10 cm2. La figure III-8 permet de visualiser les rendements des deux systèmes par rapport à la puissance maximale que peut délivrer le module PV dans le cas de l'association la plus adéquate de cellules CIGS
(
en série et en parallèle). Dans notre cas, aucune mise en parallèle n'est effectuée dans la mesure où le module PV est fabriqué en utilisant toute la surface brute qui est découpée suivant le nombre exact de cellules voulues en série. Nous prenons en compte les pertes de surface nécessaires pour isoler et interconnecter les cellules entre-elles. 97 Chapitre III : Modélisation du module de récupération photovoltaïque du microsystème autonome. Rendements en conditions intérieures
Pour 5 cm2, il faut une irradiance minimale de 5 mSun
Ir
radi
ance (Sun) (a) Rendements en conditions extérieures Gain de 80% Irradiance (Sun) Systèmes actifs, surface du module PV : (b) Systèmes basiques, surface du module PV : 1 cm2 3.2 cm2 5 cm2 10 cm2 1 cm2 3.2 cm2 5 cm2 10 cm2
Figure III-8 : Résultats des simulations pour les systèmes basiques (traits pointillés) et les systèmes actifs (traits pleins) de récupération d'énergie photovoltaïque, dans les conditions intérieures (a) et extérieures (b), en fonction de la surface du module PV et de l'irradiance. Les simulations reportées sur le premier graphique (a) représentent le comportement des deux systèmes pour des niveaux d'irradiance en intérieur, le second graphique (b) quant à 98
Chapitre III : Modélisation du module de récupération photovoltaïque du microsystème autonome. lui permet de visualiser le comportement pour des niveaux d'irradiance atteignables en milieu extérieur. Le système basique est représenté par les traits bleus en pointillés tandis que le système actif est représenté par des traits rouges pleins. Une lecture de haut en bas permet de visualiser les résultats pour des tailles décroissantes du module PV (l'épaisseur des traits décroît avec celle du module PV (10 cm2, 5 cm2, 3.2 cm2 et 1 cm2)). Les résultats des simulations reportés sur la figure III-8(a) montrent que le système actif proposé (traits pleins) ne devient intéressant que pour une irradiance supérieure à 5 mSun (dans le cas du module de 5 cm2). Sous ce seuil, le système basique (traits pointillés) est plus performant. Pour les applications extérieures, (Figure III-8(b)), le système proposé est plus performant que le système basique avec un gain avoisinant les 80% pour les irradiances les plus fortes (dans le cas du module de 1 cm2). Nous observons également que plus la surface du module est petite, plus le gain apporté par le nouveau système est important. Ceci va dans le sens de la miniaturisation du système. La comparaison des deux systèmes nous a permis de montrer l'avantage de la solution active pour les fortes irradiances (conditions extérieures). A celui-ci s'ajoute une amélioration ou du moins une égalité des performances pour le système soumis à de faibles éclairements (conditions intérieures).
3. Modélisation du convertisseur DC/DC
Nous cherchons à faire fonctionner notre convertisseur avec le minimum de pertes. Nous avons pour cela diminué la fréquence de commutation. Nous voulons également maintenir une valeur d'inductance faible et souhaitons qu'elle puisse devenir intégrable dans les prochaines versions, où nous réduirons l'échelle du système. avons énoncé dans le chapitre deux que le convertisseur survolteur va fonctionner en mode de conduction discontinue pour limiter les pertes. Nous allons pour cela insérer une diode entre le module PV et l'inductance. Nous allons intégrer une diode à seuil nul pour ne pas dégrader la tension délivrée par le module PV. Comme nous avons une valeur d'inductance faible, le courant au sein de celle-ci va onduler. Or, pour pouvoir piloter au mieux le module PV, nous aurons besoin de prélever un courant moyen à une tension constante, pour cela nous devons intégrer une capacité de filtrage Cin en entrée du convertisseur. 99 Chapitre III : Modélisation du module de récupération photovoltaïque du microsystème autonome.
D P1 in 1 N P2 2
Figure III-9 : Architecture du convertisseur proposé avec les deux sorties. Le module PV va débiter un courant moyen icin grâce à la capacité Cin. En effet, celleci va filtrer les appels de courant de l'inductance. L'amplitude du courant sera définie par la valeur de l'inductance et la fréquence de commutation du transistor N (figure III-9).
a) Pertes et rendements en conduction discontinue
Un des éléments essentiels pour valider la nouvelle architecture est de connaître les pertes du système. On pourra ainsi évaluer le rendement du convertisseur survolteur en mode de conduction discontinue. Différentes pertes s'additionnent au sein du convertisseur (III-2) : - les pertes dues à la commutation à la fréquence fswitch des interrupteurs (N, P1 et P2 de la figure III-9) des chemins de puissance (on note ces pertes Pcom, (III-3)), - la consommation dynamique du circuit vis-à-vis de sa capacité équivalente et la consommation statique due aux différents blocs nécessaires à la commande du convertisseur (notées Pconso), que l'on additionne à Pcom pour obtenir les pertes liées à la commutation notées Pswitch (III-3), - les pertes dues aux composants parasites comme les résistances équivalentes (RON) des interrupteurs (N, P1 et P2 de la figure III-9), de l'inductance (RL), et des fils (Rwire), notées Pres (III-4), - les pertes dues à la conduction de la diode de bias (diode parasite située entre la source et le substrat) des interrupteurs (P1 et P2 de la figure III-9) des chemins de puissance, notées Pdiode (III-5).
PTotal = Pswitch + Pres + Pdiode avec : (III-2) Pswitch = Pcom + Pconso avec Pcom = f switch ⋅ C ⋅ v s et Pconso = f switch ⋅ C ⋅ ve (III-3) 2 Pres = (RL Ron + Rwire ) ⋅ iR Pdiode = 2.I R.Vdiode.terr. f switch 2 2 (III-4) (III-5) fswitch : fréquence de commutation du convertisseur, C : capacité de grille équivalente à charger et décharger à chaque commutation du transistor de puissance, : tension d'alimentation basse tension, ve 100
Chapitre III : Modélisation du module de récupération photovoltaïque du microsystème autonome. vs : tension de sortie, Vdiode : tension de seuil de la diode directe de bias (0.7 V), iR : courant de sortie, terr : temps de non recouvrement des horloges de commande. Pour éviter tout court-circuit dans le système de gestion d'énergie, il est nécessaire d'avoir des temps morts entre les commutations des différents interrupteurs. Mais ces temps morts créent eux–mêmes des pertes dues à la fuite de courant au travers de la diode directe de bias. Ceci a lieu dès que la différence de tension aux bornes des interrupteurs P1 et P2 (dans l'état bloqué) dépasse le seuil de la diode qui est de 0.7 V. Nous avons fixé ces temps morts (terr) à 10 ns. C'est la marge que nous nous sommes réservée pour permettre la commutation des interrupteurs. Nous avons représenté sur la figure III-10, les pertes en fonction du courant de sortie iR, pour des transistors de puissance de deux tailles W différentes. Grand
W
(Ron
=1Ω
,
C=8.8pF) Faible W (Ron=10Ω, C=0.8pF) PTotal iR (A) Figure III-10 : Pertes en conduction discontinue en fonction du courant de sortie. Dans le cas de notre système, qui fonctionne en mode de conduction discontinue, on observe une valeur minimale des pertes pour les faibles courants de sortie (figure III-10). Cette valeur est constante sur une large plage de courants de sortie, allant de 1 μA à 0.1 mA. Ces pertes proviennent essentiellement des commutations des interrupteurs. Nous avons choisi une fréquence de commutation de 200 kHz, en faisant un compromis entre la fréquence maximale limitée par la consommation dynamique et la fréquence minimale nécessaire sous faible éclairement. Nous avons de plus limité le rapport cyclique à une valeur minimale du centième de la période. On remarque que, comme la puissance Pswitch est constante, celle-ci devient dominante pour les faibles puissances de sortie, domaine où les pertes résistives sont faibles du aux faibles courants traversant les résistances. La modification de la taille W des transistors de puissance permet de faire varier le rapport entre les pertes capacitives et résistives (figure III-10). On obtient ainsi deux points distincts où les pertes du système sont équilibrées (entourés en pointillés rouges), ce qui va permettre d'améliorer
le rendement du système. Le rendement du système peut est exprimé par l'équation (III-6).
η= 1 avec Putile = v s ⋅ iR PTotal 1+ Putile (III-6)
Si nous traçons le rendement calculé à partir de l'équation (III-6) pour les deux cas décrits précédemment, nous obtenons la figure III-11. Grand W (Ron=1Ω, C=8.8pF) Faible W (Ron=10Ω, C=0.8
pF)
A
méli
oration du
rendement iR (A) Figure III-11 : Rendement de l'élévateur en conduction discontinue. On remarque sur la figure II-11 que l'on atteint des rendements supérieurs à 90%, avec une marge de courant de sortie très satisfaisante allant de 25 μA à 100 mA. Ceci est rendu possible grâce à l'adaptation des tailles des transistors qui permet de diminuer les pertes résistives à forts éclairements et les pertes capacitives à faibles éclairements. On peut ainsi augmenter la plage de fonctionnement de deux décades aux extrémités. Nous pouvons maintenant étudier l'effet de la variation de la tension d'entrée et du courant de sortie sur le système.
b) Modélisation du rapport de conversion du convertisseur de type boost
Le convertisseur survolteur de type boost permet de fournir à partir d'une tension continue en entrée, une tension continue plus élevée en sortie. La commande discrète des interrupteurs de puissance permet d'élever la valeur continue de la tension d'entrée. La tension d'entrée est filtrée par une capacité de découplage Cdec. Le convertisseur charge une capacité de sortie CS avec une ondulation autour de la valeur continue souhaitée, le fonctionnement de l'architecture et les calculs sont détaillés à l'ANNEXE 1 : Fonctionnement d'un convertisseur survolteur de type boost. On peut tracer l'allure idéale de la tension vL(t) et du courant iL(t) de l'inductance en fonction de l'évolution de la commande (U) des interrupteurs de puissance (figure III-12).
Chapitre III : Modélisation du module de récupération photovoltaïque du microsystème autonome.
Figure III-12 : Allures de vL et iL en fonction de U en conduction discontinue. La conduction discontinue ajoute une phase où le courant au sein de l'inductance iL(t) est nul. Ceci a un effet sur l'expression du rapport de conversion. En effet, nous n'avons plus α2 = 1-α comme dans le cas de la conduction continue. L'instant où le système passe dans la troisième phase (T-α3T) évolue en fonction des paramètres d'entrée et de sortie du système. Après résolution du système, on obtient la relation (III-7) entre les tensions d'entrée ve et de sortie vs du convertisseur.
vs = 1+ 1+ 2 4α 2 K ⋅v e avec K= 2L Rch arg e.T (III-7)
Cette relation n'est valable que si K < K crit (α ), sachant que K crit = α (1 − α ) 2, c'est-àdire si l'on se trouve en mode de conduction discontinue. Dans notre cas, avec L= 22 μH, Rcharge=100 kΩ et T=5 μs, on a K= 8.8 10-5. On est donc bien en conduction discontinue puisque K < Kcrit= 0.125. Nous pouvons tracer l'allure de la tension de sortie vs en fonction du rapport cyclique α (figure III-13), pour les conditions intérieure et extérieure.
vs=f(α), condition intérieure vs(V) vs=f(α), condition extérieure vs(V) α (a) α (b)
Figure III-13 : Tension de sortie vs en fonction du rapport cyclique α, en condition intérieure (a, avec P = 545 μW) et extérieure (b, avec P = 3.63 mW).
itre III : Modélisation On voit que, théoriquement, le rapport de conversion évolue fortement en fonction des caractéristiques de l'entrée et qu'il peut atteindre des valeurs élevées. En pratique, le rapport de conversion sera limité à cause des non-idéalités des composants (pertes résistives et imperfections des horloges de commande).
c) Modélisation du système avec les deux sorties
Comme nous l'avons vu dans le deuxième chapitre du manuscrit, un convertisseur à sorties multiples dit Single Inductor Multiple Output (SIMO) fonctionnant en mode Ordered Power Distributive Control (OPDC) a été proposé par Le et al. en 2007 [LE 2007]. Nous allons développer un convertisseur survolteur de type boost basé sur le même principe (figure III-14). Il aura le fonctionnement suivant : dans la première partie du cycle, l'inductance sera chargée, puis elle sera déchargée dans la seconde partie, successivement vers chaque sortie. Le système passera de la première sortie à la seconde sortie dès que la consigne de la première sortie sera atteinte. Si l'énergie stockée dans l'inductance est insuffisante pour recharger chaque sortie, le système devra augmenter le rapport cyclique du convertisseur pour charger d'avantage d'énergie dans l'inductance à chaque cycle.
D P1 N P2 Distribution de l'énergie vers les sorties Stockage de l'énergie dans l'inductance
Figure III-14 : Architecture de type boost à deux sorties. Pour limiter le nombre de commutations entre les deux chemins de puissance, nous utiliserons un comparateur à hystérésis. La valeur de l'hystérésis définira l'ondulation de la tension régulée obtenue en sortie du premier chemin de puissance. On considère de plus, que les capacités ne présentent pas de pertes et que l'inductance et les interrupteurs de puissance ne présentent que des pertes résistives. Pour pouvoir simuler le système de gestion d'énergie à double sortie, nous allons placer en entrée du convertisseur une source de tension fixe (composée d'une force électromotrice ve et d'une résistance interne r). La première sortie va avoir une charge résistive Rcharge et la deuxième une charge résistive RBAT.
Chapitre III : Modélisation du module de récupération photovoltaïque du microsystème autonome. Dans le cas d'une conduction discontinue, on peut distinguer trois phases qui se répètent. L'architecture peut donc être décomposée en trois états distincts, comme on peut le voir (figure III-14) : - un premier état noté 1 pendant lequel l'inductance est chargée, - un état 2 avec deux configurations possibles suivant la sortie activée, - un troisième état où le courant de l'inductance est nul jusqu'au prochain cycle. Les configurations 2a et 2b de la figure III-14 correspondent respectivement aux cas où la première sortie est activée et où la deuxième sortie est activée.
d) Etude de l'état (1)
Durant la première phase, N est fermé, la diode D est passante, et les interrupteurs P1 et P2 sont ouverts. Nous pouvons écrire les systèmes d'équations (III-8) et (III-9).
di (t ) ve (t ) = ( RD + RL + Ron )iL (t ) + vD + vL (t ) ve (t ) = ( RD + RL + Ron )iL (t ) + vD + L L dt (III-9) (III-8) iC1 (t ) = −iR1 (t ) dv (t ) v s (t ) s i (t ) = −i (t ) =− C1 R2 C2 dt Rch arg e dv (t ) v (t ) C2 BAT = − BAT dt RBAT
On isole iL, vs et vBAT pour la modélisation et on préférera utiliser des intégrales plutôt que des dérivés qui créent des erreurs de linéarisation dans Matlab/Simulink. On obtient ainsi le système d'équations (III
-10). i L (t ) = 1 [v e (t ) − v D + ( R D + R L + Ron )i L (t )]dt L∫ (III-10) 1 v s (t ) − dt v s (t ) = C1 ∫ Rch arg e v (t ) = 1 − v BAT (t ) dt BAT C 2 ∫ R BAT
Durant cette première phase, la tension ve est appliquée à la bobine L qui accumule de l'énergie. On observe alors une augmentation du courant iL de la bobine. Les capacités de sortie ne sont soumises qu'aux courants prélevés par leurs charges respectives, aucun courant ne provient de l'inductance. e) Etude l'état (2) Durant la phase 2, N est ouvert et la diode D est passante.
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Chapitre 3 Résultats et discussions Tableau 3.3.1 Évaluation quantitative de la différence entre les moyennes des précipitations de JAS des périodes 1901–70 et 1971–2009 dans chaque sous-région climatique, et la valeur-p (p-value) du test t paramétrique indiquant le degré de significativité
du
r
ésultat
. Sous-régions Valeur moyenne pour la période 1901–1970 (mm) Valeur moyenne pour la période 1971–2009 (mm) Ecart de précipitations entre les deux souspériodes (mm) t-test (p-value à sig. = 0.001) Aride 141.66 113.92 27.94 5.491 × 10−08 Semi-aride 500.18 428.73 71.46 1.247 × 10−08 Subhumide 701.90 649.34 52.56 2.51 × 10−07
3.3.3. Choix des seuils zonaux pour le modèle POT
Les figures 3.3.4 et 3.3.5 présentent les tracés MRL et MBC pour les précipitations et les fractions d'aires pour la période 1901–70 dans chaque sous-région. Ces graphiques ont été produits pour sélectionner les seuils appropriés. Dans la technique des MRL, le tracé doit être approximativement linéaire pour les valeurs appropriées de seuil, alors que dans la technique MBC, la stabilité de la modification des paramètres d'échelle et de forme de la distribution GP par rapport au seuil est évaluée après avoir ajusté la distribution inférée à une gamme de valeurs différentes de seuils u. En examinant les graphiques des MRL pour les données de précipitations (fractions d'aires) dans le cas de la sous-région aride (Figs 3.3.4a et 3.3.5a), la plage possible de valeurs de seuil montrant une forme linéaire approximative correspond à 120.00–140.00 mm (0.01–0.05). De plus, en utilisant la distribution GP ajustée pour la plage précédente de valeurs de seuil, une valeur de coupure spécifique parmi les tracés MBC a été sélectionné à 135.00 mm (0.04) (Figs. 3.3.4 –c et 3.3.5b–c). Comme on peut le constater, cette valeur - pour chaque variable - montre la stabilité des paramètres d'échelle et de forme modifiés de la distribution de GP par rapport aux seuils u, et donc, a été retenue comme valeur seuil pour la sous-région aride. En effectuant la même procédure dans les autres sous-régions pour la variable précipitation (fraction d'aire), les valeurs de seuil de 500.00 mm (0.08) et 700.00 mm (0.10) ont été trouvées dans les sous-régions semi-aride et subhumide, respectivement. Une fois cette étape terminée, l'inférence sur les paramètres du modèle a été réalisée à l'aide du MLE. Chapitre 3 Résultats et discussions 3.3.4. Ajustements de la distribution de GP et évaluation de son adéquation
Le niveau d'ajustement de distribution de GP aux données de précipitations (fractions d'aires) de JAS au-dessus des seuils choisis a été évalué à l'aide des graphiques du diagnostic d'ajustement des Figs. 3.3.6–8 pour les sous-régions aride, semi-aride et subhumide, respectivement. Ces graphiques représentent le test de la qualité d'ajustement de la distribution de GP, dans lequel les données empiriques sont comparées aux aspects de la fonction de la distribution de GP inféré. Comme on peut le remarquer sur les graphiques du P-P plot et du QQ plot, chaque ensemble de points empiriques est quasi linéaire. Dans la même veine, les histogrammes des données empiriques sont bien suivis par les fonctions de densité ajustées. Ces observations révèlent la pertinence des seuils choisis et confirment la bonne adéquation entre la distribution de GP et à la fois les précipitations extrêmes et les fractions d'aires audessus des seuils sélectionnés. Figure 3.3.4 Tracés du MR plot et du MBC pour les données de précipitations JAS dans chaque sous-région sahélienne pour la période de pré-changement de 1901–70 ou pré-1970. Dans la première colonne (à gauche), les tracés du MRL, et dans les deux dernières colonnes, les tracés du MBC (à droite) qui montrent les estimations de paramètres d'échelle modifiés de la distribution de Pareto généralisée (generalized Pareto distribution ou GP distribution) par rapport au seuil u comme premier tracé, et les estimations du paramètre de forme par rapport au seuil u comme deuxième tracé. La sous-région aride est représentée par les graphiques de a à c (première ligne), la sous-région semi-aride par les graphiques de d à f (deuxième ligne) et la sous-région subhumide par les graphiques de g à i (troisième ligne). Les lignes pointillées dans les tracés MRL et les lignes verticales noires dans les tracés MBC indiquent les IC à 95 %. 128
Chapitre 3 Résultats et discussions
Figure 3.3.5 Comme sur la Fig. 3.3.4, mais pour les données de fractions d'aires. Figure. 3.3.6 Tracés de diagnostics d'ajustement de la distribution de GP ajustés aux données de précipitations de 1901 à 1970 (tracés a–c) et aux données des fractions d'aires (tracés d–f) pour la sous-région aride : (a) et (d) tracés du P-P plot ; (b) et (e) quantile-quantile (quantile-quantile plot ou Q-Q plot); et (c) et (f) histogrammes des données empiriques et la fonction de densité ajustée. 129
Chapitre 3 Résultats et discussions
Figure 3.3.7 Comme sur la Fig. 3.3.6, mais pour la sous-région semi-aride. Figure 3.3.8 Comme sur la Fig. 3.3.7, mais pour la sous-région subhumide. 3.3.5 Comparaison des fréquences d'occurrences des précipitations extrêmes de JAS entre les périodes pré-1970 et post-1970 dans chaque zone climatique
Les fréquences d'occurrence des précipitations extrêmes de JAS entre les périodes 1901– 70 et 1971–2009 ont été estimées, en calculant la probabilité d'excès de seuil dans chaque sousrégion climatique. La probabilité d'excès de seuil est le taux de dépassement de seuil défini par le rapport du nombre de dépassements de seuil par la taille des données d'origine (cf. Eq. 10). Mais, avant de calculer la probabilité dans chaque sous-région, la sélection du seuil a été effectuée pour la période post-70. Selon les méthodes de sélection des seuils décrites à la sousSect. 2.3.3.2. Ainsi les valeurs de précipitations de JAS (respectivement fractions d'aires) 130 Résultats et discussions égales à 115.00 (0.05), 410.00 (0.03) et 600.00 mm (0.04) correspondant respectivement aux sous-régions aride, semi-aride et subhumide ont été sélectionnées. Les tracés de diagnostic d'ajustement (non représentés ici) comme ceux illustrés des Figs. 3.3.6–8 suggèrent que les seuils sélectionnés ci-dessus sont raisonnables. Les résultats de la probabilité d'apparition des précipitations extrêmes de JAS au-dessus desdits seuils dans chaque sous-région sont présentés dans le Tab. 3.3.2. Ils montrent que les précipitations extrêmes de JAS dans les sous-régions semi-aride et subhumide ont été plus fréquentes dans la période 1971–2009 que dans la période 1901–1970. Un résultat inverse est obtenu dans la sous-région aride où cette fréquence était moins importante dans la période de post-70. Cette variabilité spatiale peut être liée à la nature convective des précipitations sahélienne, typique des régions de l'Afrique
Tableau 3.3.2 Probabilité de dépassement des précipitations de JAS au-dessus du seuil sélectionné pour chaque période et dans chaque sous-région climatique du Sahel.
Sous-région Période pré-70 Période post-70 Aride 0.50 0.39 Semi-aride 0.53 0.62 Subhumide 0.54 0.85
3.3.6. Quantification des changements dans l'évolution des NR des précipitations extrêmes de JAS
Pour quantifier les changements dans les NR des extrêmes de JAS - données de précipitations et de fractions d'aires au-dessus du seuil prédéfini - depuis l'année de changement 1970 dans chaque sous-région climatique, les deux queues des distributions des précipitations et des fractions d'aires des périodes pré-70 et post-70 ont été estimées et comparées à l'aide du LRT. Les résultats indiquent que la différence entre les deux queues des distributions extrêmes est hautement significative dans chaque sous-région (p-value <0.001). Figure 3.3.9 Courbes de NR43 sur les périodes pré-70 et post–70 pour les précipitations extrêmes de JAS dans les sous-régions sahéliennes : (a) aride, (b) semi-aride et (c) subhumide. Les courbes en traits forts représentent la période pré-70 et celles en traits fins, la période post-70. Les cercles creux et les cercles pleins représentent respectivement les NR empiriques pour les périodes pré-70 et post–70. Les lignes en pointillés indiquent les IC à 95 %. L'axe des x représente les PR44 et l'axe des y, les NR associés. Source : Chamani et al., 2018. Figure 3.3.10
Comme sur la Fig. 3.3.9, mais pour les fractions d'aires. Pour vérifier l'homogénéité spatiale de la diminution des précipitations extrêmes de JAS à travers chaque sous-région sahélienne, les différences relatives (DR) des NR de 10 et 30 ans 43 Sur les Fig. 3.3.9–10, l'abréviation RL renvoie à celle de NR. RL ou return levels est la traduction anglaise du NR. 44 Sur les Fig. 3.3.9–10, l'abréviation RT renvoie à celle de PR. RT ou return times est la traduction anglaise de la PR. Résultats et discussions entre les deux périodes ont été calculées en chaque point de la grille. La DR d'un NR pour une PR y est notée DRy et est calculée comme suite : DR
y
= NRy(1971–2009) −NRy(1901–1970) (83) NRy(1901–1970) Où y correspond
à
la PR de
10
ou
30
ans et NRy(1901–1970) et NRy(1971–2009)
aux NR de
y années des précipitations extrêmes de JAS au-dessus du 95ème percentile en un point de grille donné pour les périodes 1901–70 et 1971–2009. Avant de calculer les DR10 et les DR30, le test de K-S a été appliqué en chaque point de la grille pour évaluer la qualité de l'ajustement de la distribution de GP aux excès au-dessus du 95ème percentile. La Fig. 3.3.11 montre les résultats du test pour les deux sous-périodes. La valeur p est de loin supérieure à 0.05 dans chaque sousrégion, ce qui indique que les dépassements au-dessus des seuils suivent la distribution de GP. Les résultats des calculs des DR10 et des DR30 sont présentés à la Fig. 3.3.12. Les distributions spatiales des deux DR sont hétérogènes et à peu près similaires. Les NR de 10 et 30 ans de la période post-70 à chaque point de la grille sont inférieurs à ceux de la période pré-70 - les sous-régions sont dominées par des valeurs négatives des DR10 et DR30 -, indiquant que les NR de 10 et 30 ans des précipitations extrêmes de JAS de la période de la période 1971–2009 ont nettement diminué par rapport à ceux de la période 1901–70 dans chaque sous-région. De plus, les NR des précipitations extrêmes de JAS dans certaines zones de la sous-région aride changent beaucoup plus que ceux des extrêmes dans les sous-régions semi-aride et subhumide, ce qui signifie que dans ces régions les précipitations extrêmes ont beaucoup diminué depuis 1970. D'autre part, les régions autour du point de grille 18.0°N, 18.0°E dans la zone aride - l'extrême est du Soudan et de l'Éthiopie - ne suivent pas cette tendance à la baisse des précipitations extrêmes de JAS. La tendance inverse dans ces régions peut être la conséquence de la complexité de la topographie de la région. En effet la topographie complexe dans cette partie de la sous-région aride l'emporte sur les structures à grandes échelles, qui à leur tour, influencent la structure des précipitations (Nicholson, 2013). Chapitre 3 Résultats et discussions
Figure 3.3.11 Le test de Kolmogorov-Smirnov (K-S) : (a) période pré-70, et (b) la période post-1970. Figure 3.3.12 Distribution spatiale des différences relatives (DR) des NR de 10 et 30 ans des précipitations extrêmes de JAS entre les périodes 1901–70 et 1971-2009 : (a) DR10 et (b) DR30. Chapitre 3 Résultats et discussions 3.3.7 Étude de la dynamique de la tendance sèche des précipitations JAS au cours de la période 1901–2009
Pour analyser les dynamiques de la tendance sèche des précipitations de JAS à travers les principales sous-régions climatiques du Sahel, nous examinons le rôle des changements dans la queue de distribution des extrêmes dans la diminution des précipitations moyennes de JAS de chaque sous-région. Dans le cas de la sous-région aride, les résultats indiquent que la moyenne des excès de précipitations de JAS estimée au-dessus des seuils de 135 mm pour la période 1901–70 et de 115 mm pour la période 1971–2009, basée sur les deux queues des distributions de précipitations de JAS estimées, est de 162.55 mm pour la période pré–70 et de 135.28 mm pour la période post-70, diminuant ainsi d'environ 16.78 %. Cette diminution de la moyenne des précipitations extrêmes de JAS au-dessus de ces seuils entraîne une diminution de 19.58 % de la moyenne des précipitations de JAS depuis 1970 de 141.66 à 113.92 mm. Le même schéma est observé dans les régions semi-aride et subhumide, mais l'ampleur de la tendance à la diminution au-dessus des seuils prédéfinis dans les sous-régions aride et semi-aride est supérieure à celle de la sous-région subhumide (Tab. 3.3.3). Cela signifie qu'après 1970 les précipitations extrêmes de JAS ont plus diminué dans les sous-régions aride et semi-aride que dans la sous-région humide. Cette réparation est aussi la même pour la moyenne des précipitations de JAS entre les deux sous-périodes. Comme le montre le Tab. 3.3.3, la diminution la plus importante de la moyenne des précipitations de JAS après 1970 apparaît dans la sous-région aride (−19.59 %), suivie de la sous-région semi-aride (-16.78 %). De plus, nous avons é que les moyennes des précipitations de JAS en-dessous des seuils prédéfinis diminuent également d'environ 22.48, 21.26 et 14.69 % de 120.76 à 93.63 mm, de 449.03 à 370.31 mm et de 666.25 à 568.35 mm dans les sous-régions aride, semi-aride et subhumide, respectivement (non présenté dans le Tab. 3.3.3). De manière générale, ces résultats révèlent que la diminution dans la moyenne précipitations extrêmes de JAS de la période 1901–70 à la période 1971–2009 a causé une diminution de l'ordre 19.58, 14.28 et 7.49 % dans la moyenne des précipitations de JAS depuis 1970 de 141.66 à 113.92 mm, de 500.17 à 428.73 mm et de 701.90 à 649,34 mm dans les sousrégions aride, semi-aride et subhumide, respectivement. Ainsi, les changements à la queue de la distribution extrême JAS ont contribué de manière significative à la tendance sèche dans la moyenne des précipitations de JAS au Sahel. La diminution des précipitations extrêmes de JAS au Sahel après 1970 pourrait s'expliquer par une forte diminution du nombre d'événements pluvieux après 1970 (Le Barbé et al., 2002). Une autre justification pourrait être le défrichement ou le déboisement et les changements d'utilisation des terres au cours des années 1970. En effet, la croissance de la population sahélienne dans les années 1970 et 1980 a entraîné une augmentation de l'espace cultivable ce qui a conduit à l'élimination de la végétation naturelle (Charney et al., 1975). En résumé, les NR des précipitations extrêmes de JAS et les fractions d'aires associées dans chaque sous-région sahélienne ont diminué, ce qui implique que les précipitations extrêmes à travers le Sahel ont diminué après 1970. Ce résultat révèle le caractère nonstationnaire des événements de précipitations extrêmes dans chaque sous-région. Par conséquent, il serait incohérent de prédire les précipitations extrêmes dans ces sous-régions à l'aide de la distribution GP ajustée à la période 1901–2009 dans son entièreté. En effet, dans la présente étude, la distribution GP utilisée ne prend pas en les caractéristiques nonstationnaires que pourraient avoir les extrêmes précipitations. Par conséquent, compte tenu du caractère stationnaire du modèle POT utilisé dans le présent travail, le reste de l'analyse sera focalisé sur la période post-changement (1971–2009), dans l'hypothèse où cette période pourrait être une meilleure représentation du climat sahélien actuel.
Tableau 3.3.3 Comparaison de l'ampleur des tendances sèches de la période 1901–70 à la période 1971–2009 entre les sous-régions. Figure 3.3.13 Valeur normalisée du NR prédit de 40 ans sur la base de la période 1971–2009 en chaque point de grille.
Cette prédiction est comparable à celle obtenue par Fotso-Nguemo et al. (2018) en Afrique Centrale, incluant la sous-région subhumide de notre travail. Bien que l'investigation menée par ces auteurs n'était pas focalisée sur la saison JAS, en utilisant les projections de la moyenne d'ensemble45 de 20 modèles climatiques globaux (Global Climate Models ou GCMs), ils ont montré que la moyenne des tendances du 90ème et 99ème percentiles indique une tendance à l'augmentation des précipitations extrêmes dans la majeure partie de l'Afrique Centrale, particulièrement celle de sa partie Nord, au-dessus de la latitude 08.0°N. 45 Ce terme fait généralement référence à un ensemble de simulations utilisant un seul modèle mais avec des conditions initiales différentes ou à un ensemble de simulations de conception similaire utilisant différents modèles climatiques. Chapitre 3 Résultats et discussions
Cette constatation nous met face à la question de l'attribution - les facteurs physiques en liens avec le changement climatique ou pas46, pouvant avoir une influence sur l'intensité des NR des précipitations extrêmes pour des PR données dans la région. Par exemple, si nous supposons que le réchauffement climatique lié aux émissions d'aérosols sulfatés et des GES provenant de l'industrialisation continue ou s'intensifie, cela pourrait entraîner des changements dans le système climatique, en particulier en apportant des conditions sèches. On peut donc s'attendre à une aridité du 21ème siècle comparable à celle observée dans les années 1970. Alors, les NR des précipitations extrêmes seraient probablement faibles en raison du prolongement des sécheresses. Inversement, si les spéculations sur la reprise des précipitations sont admises dans la région (par exemple, Dong et Sutton, 2015), les NR seraient probablement élevés en raison de l'intensification du régime pluviométrique qui conduirait à l'occurrence de précipitations extrêmes. En revanche, si la variabilité climatique dans le Sahel est imputable à la fois à des facteurs anthropiques et naturels, l'estimation des NR pour les PR données serait plus complexe, car la modélisation devrait tenir compte de ces facteurs. Par conséquent, une identification claire de ces facteurs est d'une importance capitale pour renforcer la fiabilité de l'estimation des NR pour des PR données.
3.3.9 Caractérisation des trois années historiques les plus sévères de la période 1971–2009 dans chaque zone climatique
Les trois années historiques les plus sévères de la période 1971–2009 ont été détectées dans chaque sous-région climatique à travers le Sahel (Fig. 3.3.2). A ces années extrêmes, été associées leurs quantités de précipitations et de fractions d'aires (Tab. 3.3.4). Des Figs. 3.3.2a–b et du Tab. 3.3.4, on note que les années 1999 et 1994 apparaissent comme les plus sévères dans les sous-régions aride et semi-aride, suivis des années 2007 (dans la sous-région aride) et 1998 (dans la sous-région semi-aride), respectivement. Contrairement aux sousrégions précédentes, l'année 2008 a été détectée comme la plus sévère dans la sous-région subhumide, suivie des années 1988 et 1975 (Fig. 3.3.2c et Tab. 3.3.4). Ces sous-régions ont certainement expérimenté de nombreux systèmes convectifs pendant la saison de JAS de ces années, notamment, les MCS. En effet, jusqu'à 90 % des précipitations du Sahel et 50 % des précipitations sous les tropiques sont liées à ces systèmes qui contribuent de manière significative à la survenue d'intenses précipitations (Zahiri et al., 2016). De plus, nous L'occurrence d'événements singuliers (extrêmes) de type hydroclimatique n'est pas nécessairement le fait du changement climatique - liée à l'empreint anthropique (modification du climat par l'homme) -, elle peut être le simple fait de la variabilité naturelle du climat (Stott et al., 2004).
itre 3 Résultats
et
discussions
observons dans le Tab. 3.3.4 que les années extrêmes diffèrent en majorité par sous-région. Cette disparité est liée à la différence de régimes climatiques entre les sous-régions - les sousrégions aride et semi-aride sont caractérisées par un climat tropical sec alors que la sous-région subhumide, par un
climat
tropical
humid
e. Tableau 3.3.4 Années extrêmes les plus sévères de la période 1971–2009 avec leur quantité de précipitations correspondante, leur fraction d'aire et leur phase associée de l'ENSO.
Sous-régions Années extrêmes par ordre décroissant d'intensité Quantité de précipitations de JAS Fraction d'aire Phases ENSO associées Aride 1999 1994 2007 173.70 164.43 153.62 0.19 0.22 0.08 La Niña modérée El Niño faible La Niña modérée Semi-aride 1999 1994 1998 554.28 551.46 538.67 0.10 0.19 0.11 La Niña modérée El Niño faible La Niña modérée Subhumide 2008 1988 1975 757.78 745.67 734.21 0.17 0.17 0.10 La Niña modérée La Niña forte
La Niña forte D'autre part, ces années extrêmes ont également été analysées en fonction des événements ENSO en se référant à l'Indice Niño Océanique (Null, 2017). Les phases ENSO associées à ces années vont de la Niña forte à la Niña modérée, à l'exception de l'année 1994 dans les sousrégions aride et semi-aride, qui est associée à un El Niño faible (Tab. 3.3.4). En effet, la phase La Niña favorise les précipitations et fait référence à la phase froide de l'ENSO lorsque le sud de l'océan Atlantique tropical est anormalement chaud, tandis que l''El Niño est la phase chaude d'ENSO lorsque les températures à la surface de la mer dans le Centre et le Centre-Est du Pacifique Equatorial sont chaudes. Cependant, le fait que l'année 1994 dans les sous-régions aride et semi-aride ait été associée à l'El Niño faible indique simplement que l'occurrence des précipitations extrêmes de JAS au cours de cette année était le resultat d'autres facteurs. Figure 3.3.14 Anomalies standardisées des précipitations de JAS sur la période 1971–2009 pour l'année 1999 dans les sous-régions aride (a) et semi-aride (b), et pour l'année 2008 dans la sous-région subhumide (c).
Chapitre 3 Résultats et discussions
La figure 3.3.15 montre la distribution spatiale du cumul de précipitations de JAS pour les années 1999 et 2008 dans les sous-régions climatiques. Nous notons que, comparés aux sous-régions semi-aride et subhumide, les extrêmes moins intenses ont apparu dans la sousrégion aride, en particulier dans les zones situées aux latitudes supérieures à 17.5°N dans la partie Ouest et celles situées aux latitudes supérieures 17.0°N dans sa partie Est (Fig. 3.3.15a). Cette observation est cohérente avec la distribution spatiale des précipitations au Sahel, comme le montre la moyenne annuelle des précipitations dans chaque sous-région sur la Fig. 3.3.1a, caractérisée par une forte augmentation du gradient de précipitations du Nord au Sud. De plus, la sous-région aride est dominée par des vents de l'harmattan de basse altitude qui se propagent du Nord vers l'Est. Ces vents n'agissent pas en faveur des précipitations dans cette région (Nicholson, 2013). Les valeurs les plus élevées de précipitations extrêmes ont été observées principalement le long des côtes des sous-régions semi-aride et subhumide, avec des précipitations atteignant 1500 mm (Figs. 3.3.15b–c). Les valeurs les plus élevées de précipitations extrêmes sur le littoral par rapport aux zones intérieures dont les précipitations sont probablement liées au régime de mousson pourraient être dues à la mer. En effet, la proximité de ces zones à la mer favorise la convection à travers les MCS, en conséquence à l'apparition de précipitations extrêmes (Sall et al. 2007). Un autre facteur qui pourrait expliquer cette observation pourrait être l'orographie, qui agit en faveur de la concentration des précipitations dans les zones côtières. Figure 3.3.15 Distribution spatiale du cumul de précipitations extrêmes de JAS correspondant à l'année 1999 dans les sous-régions aride (a) et semi-aride (b) et l'année 2008 pour la sous-région subhumide (c). Chapitre 3 Résultats et discussions 3.3.10 Estimation des PR des précipitations extrêmes de JAS des années 1999 et 2008
Le tableau 3.3.5 fait un listing des valeurs des PR des trois années les plus sévères de la période 1971–2009. Ces valeurs diffèrent considérablement d'une sous-région à une autre. De plus, les PR de la variable précipitation diffèrent de celle de la fraction d'aire, ce qui indique que même si les deux variables sont censées donner des informations similaires, les probabilités d'occurrence sont distinctes. En résumé, les résultats du Tab. 3.3.5 suggèrent que les précipitations extrêmes détectées en 1999 dans les sous-régions aride et semi-aride et en 2008 dans la sous-région subhumide sont attendu au moins une fois tous les 144, 99 et 197 ans pour la variable précipitation, et au moins une fois tous les 40, 17 et 67 ans pour la variable fraction d'aire.
Tableau
3.
3.5
Les PR des quantités de précipitations de JAS et de leurs fractions d'aires associées aux années les plus extrêmes de la période 1971–2009. Sous-régions Années extrêmes par ordre décroissant d'intensité PR (ans) pour les précipitations de JAS PR (ans) pour les fractions d'aire Aride 1999, 1994 et 2007 144, 37 et 14 40, 55 et 3 Semi-aride 1999, 1994 et 2008 99, 72 et 88 17, 80 et 24 Subhumide 2008, 1988 et 1975 197, 34 et 16 67, 67 et 19
La figure 3.3.16 présente la distribution spatiale des PR de ces années pour chaque sousrégion climatique.
Les
PR
sont principal
ement com
prises
entre 25 et 100 ans,
révél
ant ainsi
que ces événements étaient extrêmement humides, de ce fait, réellement exceptionnels. De plus, la distribution spatiale des PR est hétérogène quelle que soit la sous-région
. Cette répartition
spatiale
ne suit pas le gradient nord-sud
de précipitations
bien connu et ne correspond non
plus
la distribution des précipitations extrêmes illustrée à la Fig. 3.3.15, mais légèrement à celle de la Fig. 3.3.14. Cependant, peu de zones avec des PR supérieures à 100 ans apparaissent également sur la Fig. 3.3.16 et correspondent à celles précédemment identifiées sur la Fig. 3.3.14 comme ayant reçu une intensité élevée de précipitations extrêmes. Comme il a été mentionné au début de cette section - Sect. 3.3 -, en utilisant les cumuls de précipitations allant de 1 jour à 120 jours, Samimi et al. Figure 3.3.16 Cartes des PR des précipitations extrêmes de JAS détectées en 1999 dans les sous-régions aride (a) et semi-aride (b), et en 2008 dans la sous-région subhumide (c). La PR est obtenue en chaque point de la grille à partir de la queue de la meilleure distribution GP obtenue en ajustant cette distribution aux excès de précipitations de JAS au-dessus du seuil du 95ème percentile sur la période. Source : Chamani et al., 2018. Chapitre 3 Résultats et discussions 3.3.11 Conclusion
Cette section du Chap. 3 a analysé les PR et NR des précipitations extrêmes de JAS et de leurs fractions d'aires correspondantes dans les principales sous-régions climatiques du Sahel. Sur la base des principales caractéristiques climatiques observées, la région a été divisée en trois sous-régions climatiques : aride, semi-aride et subhumide. L'étude a été menée à l'aide de données de précipitations fournies par le CRU pour sur période 1901–2009. Le modèle POT stationnaire a été utilisé pour estimer les PR et les NR à travers la distribution de GP ajustée aux dépassements de seuil. La sélection du seuil a été effectuée en utilisant à la fois les tracés du MRL et du MBC. Les résultats indiquent que l'étendue spatiale de l'impact des précipitations extrêmes de JAS dépend de l'intensité des précipitations. Le changement brusque dans la moyenne des précipitations de JAS au cours de la période 1901–2009, notamment sa diminution après 1970 dans chaque sous-région a conduit à la division de la série temporelle des précipitations de JAS et celle des fractions d'aires correspondantes en deux sous-périodes qui ne se chevauchent pas : la période dite de pré-changement allant de 1901 à 1970 ou pré-70 et la période dite de postchangement ou post-70, s'étalant sur la période 1971–2009. L'application du t-test paramétrique a montré qu'il existait une différence significative entre les deux moyennes d'échantillon de données correspondant aux deux sous-périodes. La meilleure distribution de GP a ensuite été ajustée aux excès de précipitations au-dessus du seuil sélectionné en considérant chacune des séries chronologiques. Les tracés du diagnostic d'ajustement ainsi que le test de K-S pour l'analyse spatiale quent un bon ajustement du modèle aux dépassements de seuil. Par conséquent, la distribution de GP est appropriée pour étudier les précipitations extrêmes de JAS dans chaque sous-région climatique à travers le Sahel. Les événements de précipitations extrêmes de JAS ont été plus fréquents au cours de la période post-70 que pendant la période pré-70 dans les sous-régions semi-aride et subhumide, alors que dans la sous-région aride, les précipitations extrêmes ont été moins fréquentes au cours de la période post-70. Les changements dans les NR des précipitations extrêmes de JAS (fractions d'aires) ont été analysés pour chaque sous-région. Les résultats ont révélé que les NR des précipitations extrêmes de JAS (fractions d'aires) ont diminué après 1970. De même, la distribution spatiale des différences relatives des NR de 10 et 30 ans montre de manière générale une diminution des NR de 10 et de 30 ans des précipitations extrêmes de JAS de la période pré70 à la période post-70 à travers chaque sous-région. L'examen de la dynamique de la tendance sèche des précipitations de JAS montre que les changements au niveau de la queue de CHAMANI éo et distribution extrême de JAS après 1970 ont contribué de manière significative à cette tendance à l'assèchement. Les NR de 40 ans sont supérieurs à la moyenne des précipitations extrêmes de JAS sur la période 1971-2009, ce qui indique que les précipitations extrêmes de JAS devraient être plus graves après 2009 qu'elles ne l'étaient avant. En considérant la période 1971–2009, l'année 1999 a été considérée comme l'année historique la plus sévère dans les sous-régions aride et semi-aride, et l'année 2008 dans la sousrégion subhumide. De plus, les événements de précipitations extrêmes associés à ces années se sont produits pendant la manifestation de La Niña modérée. L'étude des distributions spatiales des anomalies standardisées des précipitations JAS correspondant aux années 1999 et 2008 dans chaque sous-région revèle que les quantités de précipitations ont été largement supérieures à la moyenne à long terme sur la période 1971–2009. La distribution spatiale du cumul des précipitations de JAS associé à ces années indique que les valeurs les plus élevées de précipitations extrêmes sont concentrées le long des côtes des sous-régions semi-aride et subhumide, et les valeurs les plus basses, principalement dans la partie nord de la sous-région aride. Les PR de ces années ont été estimées à 'aide de la queue de la meilleure distribution de GP ajustée aux données des excès de précipitations de JAS (fraction d'aire) sur la période 1971– 2009. Il ressort que les événements extrêmes survenus au cours des années 1999 et 2008 sont attendus au moins une fois tous les 144 (40), 99 (17) et 197 (67) ans dans les sous-régions aride, semi-aride et subhumide pour la variable précipitation (respectivement pour la variable fraction d'aire). Les distributions spatiales des PR de ces événements suggèrent que chaque sous-région était dominée par des PR comprises entre 25 et 100 ans, à l'exception de quelques zones identifiées dans les sous-régions aride et subhumide, caractérisées par des PR supérieures à 100 ans. Chapitre 3 Résultats et discussions 3.4. Estimation et cartographie des niveaux de retour des précipitations extrêmes de la saison de JAS en Afrique Tropicale au Nord de l'Équateur Intérêt de l'étude
Cette section des résultats vise à cartographier les NR des précipitations extrêmes de JAS audessus du 95ème percentile pour des PR données de l'Afrique Tropicale au Nord de l'Équateur - la partie de l'Afrique au Nord de l'Équateur située en dessous de la latitude de 20°N (Fig. 3.4.1). Le but étant d'identifier les zones sujettes aux précipitations extrêmes pendant la saison de mousson sur la base des historiques des observations au sol, projetées en point de grille sur une maille régulière de 0.5° de côté. Il sera également question d'étendre l'analyse spatiale menée à la Sect. 3.3 sur l'évaluation des changements des NR des précipitations extrêmes de JAS au Sahel à l'Afrique Tropicale au Nord de l'Équateur à l'effet de vérifier si la tendance à la diminution des NR des précipitations extrêmes après 1970 telle que trouvée dans le Sahel s'observe aussi sur toute l'Afrique Tropicale Nord. Plus spécifiquement, Il s'agira d'identifier les zones en dehors du Sahel où les NR ont fortement diminué (respectivement fortement augmenté).
Justification du choix du domaine d'étude
La partie Nord de notre domaine d'étude - la zone d'étude étant représentée ici par les fenêtres 17 et 18 de la Fig. 2.2.1 -, c'est-à-dire celle située au-dessus de la latitude de 20°N est caractérisée par un faible réseau de stations météorologiques comparée à celle située dans sa partie sud, en dessous de la latitude de 20°N. Une telle répartition rend difficile une spatialisation des précipitations extrêmes et donc, une cartographie des PR et des NR associés à de tels évènements en Afrique au Nord de l'Équateur dans son entièreté. Alors, pour analyser la distribution spatiale des précipitations extrêmes de JAS dans cette région, plus spécifiquement l'estimation et la cartographie de leurs NR pour des PR données, nous avons considéré l'Afrique Tropicale au Nord de l'Équateur, situé entre les latitudes 0 et 20°N, et s'étendant jusqu'à 40°E (Fig. 3.4.1). Cette partie de l'Afrique au Nord de l'Équateur est relativement bien couverte en termes de stations météorologique comparativement à celle du Sahara - l'Afrique du Nord s'étendant de 20 à 35°N. Chapitre 3 Résultats et discussions
Figure 3.4.1 Délimitation géographique - traits interrompus renforcés - de l'Afrique Tropicale au Nord de l'Équateur. Le travail consiste en l'ajustement en chaque point de grille la distribution GP de l'approche POT aux données de précipitations de JAS au-dessus 95ème percentile (excès audessus du seuil spécifié). De ces ajustements, les NR pour des PR données seront estimés. Cette section des résultats est composée de quatre sections : la Sect. 3.4.1 est consacrée au calcul du seuil fixé au 95ème percentile et de l'analyse de sa distribution spatiale; la Sect. 3.4.2 évalue à la fois le niveau d'ajustement de distribution GP aux excès et la validité du seuil choisi; la Sect. 3.4.3 examine à partir de l'estimation des paramètres de la distribution GP les propriétés statistiques des extrêmes de précipitations de JAS; les sous-Sects. 3.4.4 et 3.4.5 analysent respectivement les répartitions spatiales des NR de 20, 50 et 100 ans et les changements dans les NR de 30 ans entre les périodes pré-1970 et post-1970; et la Sect. 3.4.6 fait une conclusion de cette partie des résultats.
3.4.1 Calcul du 95ème percentile
Le 95ème percentile a été calculé en chaque point de grille pour l'ensemble des cumuls de JAS des précipitations de 1901 à 2014 et est utilisé comme seuil au-dessus duquel les précipitations du cumul saisonnier de JAS sont définies comme extrêmes (Fig. 3.4.2). Ces valeurs du 95ème percentile ont une moyenne spatio-temporelle de 501.64 mm et un écart-type de 395.03 mm. Leur distribution spatiale n'est pas uniforme à travers l'Afrique Tropicale au Nord de l'Équateur, c'est-à-dire qu'elle varie fortement d'un endroit à un autre, avec une répartition spatiale qui est presque similaire à celle de la moyenne (Fig. 2.1.2a), et l'est encore plus pour les valeurs élevées du 95ème percentile. La partie , au-dessus de la latitude de 16°N, c'est-à-dire le Nord du Sahel, la côte de Guinée centrée au point de grille de 06°N et CHAMANI Roméo / Ph.D et discussions 01°W, et les extrêmes Sud-Ouest et Sud-Est de l'Afrique Tropicale au Nord de l'Équateur sont des zones à faibles valeurs du 95ème percentile où, ces dernières vont en-dessous de 400 mm. Par contre, les régions montagneuses, plus spécifiquement celles dont l'altitude est supérieure à 500 m - en comparant la Fig. 3.4.2 à celle de la topographie (Fig. Ces régions montagneuses correspondent principalement aux massifs47 guinéens (centrés autour de 10°N et 10°W), camerounais (situés autour de 06°N et 12°E) et éthiopiens (centrés autour de 10°N et 38°E). Les régions à valeurs modérées du 95ème percentile de précipitation de JAS sont à l'intérieure du continent - présentant des reliefs bas -, entre les régions identifiées ci-dessus, et ont des valeurs de seuil qui varient de 600 à 800 mm.
Figure 3.4.2 Le seuil de 95ème percentile des précipitations de JAS à travers l'Afrique Tropicale au Nord de l'Équateur pour la période 1901–2014.
De ce qui précède, il en résulte qu'en Afrique Tropicale au Nord de l'Équateur, la répartition du 95ème percentile des précipitations de JAS est inégale et pourrait être influencée par les facteurs tels que la topographie en zone continentale et l'orographie en zone côtière. Néanmoins, cette distribution reste largement influencée par la convergence entre le flux d'humidité issu du Sud-Ouest depuis l'Océan Atlantique et le flux sec d'air provenant du NordEst, depuis le Sahara, qui est en grande partie est à l'origine du gradient latitudinal Sud-Nord de décroissance des précipitations en Afrique de l'Ouest (Sultan et Janicot, 2003). Résultats
Bien que les investigations aient été menées en Afrique Tropicale au Nord de l'Équateur, ce résultat confirme une fois de plus qu'il serait inapproprié d'attribuer un seuil pluviométrique commun ou régional définissant un événement extrême pour tous les point de grille comme l'ont fait Karl et al. (1995). Les auteurs comme Li et al. (2005) et Re et Barros (2009) ont défini des seuils individuels aux stations météorologiques afin d'investiguer respectivementt sur les précipitations extrêmes au Sud-Ouest de l'Ouest de l'Australie et au Sud-Est du Sud de l'Amérique. Il en est de même pour Coelho et al. (2008) en ce qui concerne l'utilisation de seuil individuel en point de grille, plus spécifiquement un seuil fixé au 95ème percentile variant dans le temps, ceci pour étudier la variabilité spatio-temporelle des événements extrêmes liés à la variable température dans les données climatiques.
3.4.2 Validation statistique de l'ajustement de la distribution GP aux excès de précipitations de JAS au-dessus du 95ème percentile
Pour évaluer quantitativement la qualité d'ajustement de la distribution de GP aux excès de précipitations de JAS au-dessus du seuil de 95ème - séries POT - sur la période 1901– 2014, nous avons appliqué en chaque point de grille le test non-paramétrique de K-S. Les valeurs-p varient de 0.05 à 1 et en majorité, elles sont de loin supérieures à la valeur critique de 0.05 (Fig. 3.4.3). Cela signifie non seulement que le seuil empirique du 95ème percentile fixé en chaque point de grille est suffisamment levé de sorte que l'hypothèse selon laquelle l'excès audessus d'un seuil assez grand soit proche de la distribution GP - hypothèse nulle H0 du test KS - soit respectée, mais surtout que la distribution GP ajuste bien les extrêmes de précipitations de JAS en Afrique Tropical au Nord de l'Équateur. Des travaux ont été menés à l'effet d'évaluer la qualité d'ajustement de la distribution GP aux séries temporelles de POT au-dessus des seuils correspondant aux 96ème, 97ème, 98ème et 99ème percentiles des séries temporelles des données initiales, ceci pour une meilleure représentation et/ou détection des événements de précipitations extrêmes les plus sévères correspondant à un seuil suffisamment élevé. Chapitre 3 Résultats et discussions
Figure 3.4.3 Distribution spatiale des valeurs-p du test de K-S.
3.4.3 Structure spatiale des paramètres de la distribution GP
Les figures 3.4.4a–c montrent les distributions spatiales des paramètres d'échelle σ, de forme ξ et de la limite supérieure –σ/ξ correspondant à ξ < 0 de la distribution de GP déterminée à l'aide des estimateurs du MLE. Les valeurs relativement élevées de σ (légèrement au-dessus de 500 mm) sont situées dans les régions montagneuses et côtières identifiées à la Sect. 3.4.1 (Fig. 3.4.4a). Ces valeurs dépassent les 1000 mm dans les massifs Éthiopiens. Comme pour le cas des valeurs fortes de σ, les régions à faibles valeurs de σ correspondent à celles des faibles valeurs du 95ème percentile identifiées à la Sect. 3.4.1. Il s'agit des régions continentales - non côtières -, particulièrement de basses altitudes. De telles observations indiquent que ces régions sont celles dont la variabilité interannuelle des excès des précipitations de JAS audessus du seuil du 95ème percentile est importante. Dans les régions telles que le littoral s'étendant du Sud du Sénégal au Sud du Libéria et les côtes camerounaises et nigérianes, cette forte variabilité serait le résultat de l'effet combiné du mouvement de la ZCIT, de la circulation de la MOA et de l'orographie (Sall et al., 2007). Le long du littoral s'étendant du Sud du Sénégal au Sud du Libéria, les reliefs tels que ceux des massifs de Guinée ou Fouta Djallon joueraient un rôle non négligeable dans la variabilité des précipitations extrêmes dans cette zone. En effet, l'Océan Atlantique approvisionne les surfaces continentales en vapeur d'eau via le processus de circulation atmosphérique, ce qui densifie les systèmes convectifs. Ce schéma a pour conséquence, l'intensification des mouvements ascendants à l'Ouest des reliefs (Fouta Djallon), ce qui associe le Fouta Djallon à une intense activité convective à son côté Sud-Ouest et de ce fait, serait à l'origine de la forte variabilité des précipitations extrêmes sur le littoral de latitudes 05°–15°N. La forte variabilité centrée sur les hauts massifs continentaux tels que ceux du Cameroun et de l'Ethiopie est liée au fait que ce type de relief correspond au CHAMANI Roméo / maximum de couverture nuageuse, qui est susceptible d'être ). Figure 3.4.4 Estimation point de grille par point de grille du paramètre d'échelle σ (a), du paramètre de forme ξ (b) de la distribution de GP ajustée aux séries de POT du cumul de JAS des précipitations mensuelles, et de limite supérieure –σ/ξ des excès y − u0.95 (c) correspondant à ξ < 0 au-dessus du 95ème percentile. Le calcul de la limite supérieure –σ/ξ a été fait en considérant uniquement les points de grille pour lesquels ξ < 0, ceux pour lesquels ξ ≥ 0 ont été représentés par la couleur blanche. Chapitre 3 Résultats et discussions
La structure spatiale du paramètre de forme ξ est caractérisée par une forte variabilité en termes d'intensités et est en majorité dominée des valeurs négatives - ~83 % des points de grille qui constituent le domaine de l'Afrique Tropicale au Nord de l'Équateur - traduisant par-là, le caractère borné de la limite supérieure égale à –σ/ξ de la queue de la meilleure distribution GP - loi de bêta (cf. Sect. 2.3.3) - adaptée pour la modélisation des extrêmes de précipitations de JAS (Fig. 3.4.4b). La proportion de points de grille où ξ s'est avéré positif est estimée à 11 % et ceux correspondant à ξ = 0 occupent 06 %. Ce résultat révèle que les excès de précipitations de JAS au-dessus du seuil à travers l'Afrique Tropicale au Nord de l'Équateur suivent également les lois Pareto et Exponentielle bien que ces dernières soient minoritaires comparativement à la loi de bêta. Compte tenu de cette hétérogénéité, l'estimation des NR en chaque point de grille prendra en compte le type de loi de la famille GP. La figure 3.4.4c montre la borne de la limite supérieure –σ/ξ de la queue de la distribution GP pour ξ < 0 (loi de bêta). Comme elle l'indique, les valeurs plus élevées de –σ/ξ sont situées dans les régions qui correspondent aux maximums du 95ème et atteignent 800 mm. Cela implique que dans ces régions, il est possible d'observer les excès au-dessus 800 mm.
3.4.4 Analyse spatiale des NR des précipitations extrêmes de JAS
Les cartes des précipitations extrêmes vicennales (NR de 20 ans), cinquantennales (NR de 50 ans) et centennales (NR de 100 ans) de JAS sont presque similaires et sont caractérisées par des intensités qui var globalement entre 20 et 3 000 mm (Fig. 3.4.5). Ces variations sont comprises entre 20 et 200 mm, entre 20 et 2500 mm et, entre 40 et 300 mm respectivement pour les NR 20 ans (Fig. 3.4.5a), 50 ans (Fig. 3.4.5b) et 100 ans (Fig. 3.4.5c), et augmentent avec la PR. Leurs structures spatiales sont proches de celles de la moyenne (Fig. 2.1.2a) et du 95ème percentile (Fig. 3.4.2), mais diffèrent de celles-ci par leurs intensités, qui sont relativement élevées. Figure 3.4.5 Spatialisation des NR de (a) 20 ans, (b) 50 ans et (c) 100 ans des précipitations extrêmes de JAS audessus du 95ème percentile à travers l'Afrique Tropicale au Nord de l'Équateur pour la période 1901–2014. Les contours de couleur bleue sont les isohyètes des précipitations de JAS correspondant au NR de 20, 50 et 100 ans. Les fortes valeurs des NR sont principalement localisées sur le littoral nigérian et camerounais, le long des côtes s'étendant entre les latitudes de 05 à 14°N (le littoral s'étendant du sud du Sénégal au sud du Libéria) et dans les zones montagneuses du Cameroun, de Guinée (Fouta Djalon) et de l'Ethiopie. Dans les régions côtières, sous l'effet combiné et permanent de l'Océan Atlantique et de la MOA, l'intensité des NR dépasse les 1500 mm et s'intensifie à mesure que l'on se rapproche de la mer. Sur les altitudes élevées, elle dépasse les 1000 mm et deviennent plus importante au fur et à mesure que l'on prend de l'altitude, c'est-à-dire lorsque l'on évolue vers des régions de basses pressions. Les NR modérés - comparés à ceux des hautes terres et du littoral - sont beaucoup plus situés à l'intérieur du continent, en-dessous de 17°N et majoritairement compris entre 400 mm et 1000 mm, bien que pour les NR de 100 ans, elles peuvent aller au-delà de 1000 mm. Les régions de faibles NR sont situées dans les parties Nord et Sud-Est de l'Afrique Tropicale. Dans ces zones, les précipitations extrêmes de JAS ayant une PR de 20, 50 et 100 ans sont en générales inférieures à 400 mm, et décroient jusqu'à 20 mm (NR de 20 ans et 50 ans) et 40 mm (NR de 100 ans) à mesure que l'on se déplacent vers l'extrême Nord de l'Afrique Tropicale au Nord de l'Équateur. La concentration des valeurs élevées des précipitations extrêmes ayant des PR de 20, 50 et 100 ans en zones montagneuses résulte du fait que l'orographie joue un rôle important le processus qui conduit à la formation des phénomènes pluvieux extrêmes, notamment l'effet de foehn49 (Lott, 2016). En effet, la présence des massifs isolés crée localement une convection50 accrue, qui à son tour favorise de fortes averses51. Dans la même veine, les auteurs tels Romero et al. (1997) ont montré que l'orographie agit en faveur de la concentration des précipitations dans la zone côtière de la Catalogne, au Nord-Est de l'Espagne. Les NR élevés dans les régions côtières ou littorales voudraient dire que l'Océan Atlantique a une influence sur les précipitations extrêmes à travers le processus de transport d'humidité vers le continent, auquel s'associe l'évapotranspiration sur le continent (Winschall et al., 2014). Un autre facteur qui intensifierait la pluviométrie dans ces zones [côtières], plus spécifiquement en été serait la MOA. L'occurrence des précipitations extrêmes vicennales, cinquantennales et centennales de valeurs modérées à l'intérieur du continent, au Sud de la latitude de 17°N, serait favorisée par des conditions locales tels que les massifs isolés, le réseau hydrographique dense - le bassin du Niger, l'Oubangui en République Centrafricaine, le du bassin du Congo, le lac Tchad, etc. - et la forêt dense équatoriale au sud de l'Afrique Tropicale au Nord de l'Équateur. En dehors de ces deux facteurs, on note aussi que les précipitations extrêmes dans cette partie de l'Afrique 49 Phénomène météorologique créé par la rencontre de la circulation atmosphérique et du relief quand un vent dominant rencontre une chaîne montagneuse. 50 Ensemble des mouvements internes de l'atmosphère terrestre résultant d'une instabilité de l'air, elle-même causée par une différence de température verticale ou horizontale 51 Pluie soudaine et abondante, de courte durée. Tropicale serait également le fait du passage d'un nuage pluvio-orageux ou d'une ligne de grains ou tout simplement serait le résultat des MCS (Vizy et al., 2018). Dans la partie nord de l'Afrique Tropicale au Nord de l'Équateur, plus spécifiquement celle située au-dessus de la latitude de 15°N, les phénomènes de précipitations extrêmes sont en majeur partie liés aux pluies de mousson (Vischel et al., 2019). La faiblesse des intensités des NR des précipitations extrêmes de JAS dans cette zone comparée à celle située en dessous de la latitude de 15°N est seulement attribuable au fait qu'elle est caractérisée par un climat semi-aride - encore plus aride du fait de sa proximité au désert du Sahara -, mais aussi parce qu'elle correspond à la zone pénétration des vents de l'harmattan. On observe également que, au Sud-Est de l'Afrique Tropicale - autour du point de grille 2.5°N, 37°E - on a une forte concentration de NR de faibles intensités, ceci quel que soit la PR. Un tel résultat peut s'expliquer par le fait que le Sud-Est de l'Afrique Tropicale au Nord de l'Équateur est partie intégrante de l'Afrique de l'Est, c'est-à-dire au-delà de la longitude de 25°E.
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Vers une paroi acoustique absorbante en technologie MEMS Alexandre Houdouin Alexandre HOUDOUIN Mémoire présenté en vue de l'obtention du grade de Docteur de l'Université du Maine sous le label de L'Université Nantes Angers Le Mans École doctorale : SPIGA Discipline : 60 Spécialité : Acoustique Unité de recherche : Laboratoire d'Acoustique de l'Université du Maine - UMR CNRS 6613 Soutenue le 12 novembre 2014 Thèse N◦ : Vers une paroi acoustique absorbante en technologie MEMS JURY
Rapporteurs : Philippe HERZOG, DR CNRS, LMA (Marseille) Dominique CERTON, Maitre de conférences (HDR), GREMAN (Tours) Examinateurs : Joan BAUSELLS, Professeur, IMB-CSIC (Barcelone, ESPAGNE) Élie LEFEUVRE, Professeur, IEF (Paris) Pierrick LOTTON, DR CNRS, LAUM (Le Mans) Invité(s) : Directeur de Thèse : Hervé LISSEK, Maître de conférences, EPFL (Lausanne, SUISSE) Stéphane DURAND, Maître de conférences (HDR), LAUM (Le Mans) Émile MARTINCIC, Maître de conférences, IEF (Paris) Nourdin YAAKOUBI, Maître de conférences, LAUM (Le Mans) II A. Houdouin
REMERCIEMENTS
Les travaux présentés dans ce manuscrit, sont le fruit d'une collaboration entre le Laboratoire d'Acoustique de l'Université du Maine et l'Institut d'Électronique Fondamentale qui a permis d'aboutir à la création d'une paroi acoustique absorbante en
technologie
MEMS. remercie tout d'abord M. Yves Aurégan et M. Joël Gilbert, les deux directeurs successifs du Laboratoire d'Acoustique de l'Université du Maine au Mans, ainsi que M. André De Lustrac directeur de l'Institut d'Electronique Fondamentale d'Orsay pour m'avoir accueilli au sein leurs laboratoires. Je tiens à remercier M. Philippe Herzog et M. Dominique Certon, respectivement Directeur de Recherche CNRS au LMA de Marseille et Maître de conférences (HDR) au GREMAN de Tours, pour l'intérêt qu'ils ont porté à ce travail en acceptant d'en être les rapporteurs. Je remercie M. Joan Bausells, Professeur à l'IMB à Barcelone, M. Élie Lefeuvre, Professeur à l'IEF et M. Pierrick Lotton, Directeur de Recherche CNRS au LAUM, pour avoir également accepté de juger ce travail et d'en être examinateurs. Je remercie également M. Hervé Lissek, Maître de conférences à l'EPFL de Lausanne, pour avoir accepté d'assister à ma soutenance en qualité de membre invité. Je tiens à remercier mon directeur de thèse, M. Stéphane Durand ainsi que mes deux co-encadrants M. Emile Martincic et M. IV A. Houdouin
La science c'est souvent une rencontre avec l'imprévu. A.H. A. Houdouin V VI A. Houdouin ACRONYMES ANR Agence Nationale de la Recherche. 68, 126 Box Couche de silice enterrée (Buried Oxyde). 70 COMSOL R COMSOL Multiphysics R. 2, 3, 43, 44, 53, 55, 56, 60, 62, 79, 160, 161, 165 CTU Centrale de Technologie Universitaire. 3, 69, 70 DDL Degré De Liberté. XIV, XV, 13, 14, 34, 41, 44, 56, 159 DRIE Gravure ionique réactive sur de grande profondeur (Deep Reactive-Ion Etching). 72 f.e.m force électromotrice. 38, 111, 116, 122, 126, 163 FEM Modélisation par Éléments Finis (Finite Element Method). 3, 53, 55, 60, 67, 161 HP Haut-Parleur. 22, 26, 33, 60–63, 91, 92, 105–114, 123, 160, 163 A. Houdouin VII IBE Gravure par faisceau d'ions (Ion Beam Etching). 73 IEF Institut d'Électronique Fondamentale d'Orsay. 2, 3, 69, 70, 146 INL Institut des Nanotechnologies de Lyon. 2 INSEE Institut National de la Statistique et des Études Économiques. 1 KLIPPEL R Entreprise Allemande spécialisée dans la mesure et le contrôle de haut-parleurs, transducteurs et systèmes audio. 3, 67, 89, 90, 92, 93, 162 LAUM Laboratoire d'Acoustique de l'Université du Maine. 2, 3 MATLAB R Logiciel de programmation de calcul scientifique (MAtrix LABoratory). 51, 53, 64 MEB Microscope Électronique à Balayage. 16, 159 MEMS Microsystème électromécanique (MicroElectroMechanical Systems). 7, 33, 127, 160 micro-HP micro-Haut-Parleur. XVII, XXII, 25, 26, 30, 33, 34, 36–41, 45–48, 59, 60, 63, 66–72, 74–89, 91–98, 102, 105, 112–123, 126, 128, 144, 147, 160–165 NIC Montage à amplificateur opérationnel permettant d'obtenir une impédance électrique négative (Negative Impedance Converter). 110, 119–122, 164 PCB Circuit imprimé (Printed Circuit Board). 96–98, 105, 109, 110, 112, 117, 163
VIII A
.
Houdouin
VD Dépôt chimique en phase vapeur assisté par plasma (Plasma-Enhanced Chemical Vapor Deposition). 71 PML Condition anéchoïque en modélisation éléments finis (Perfectly Matched Layer). 43, 44, 56 RIE Gravure ionique réactive (Reactive-Ion Etching). 71, 74 SAIPON Nom du projet ANR basé sur la création d'un Système Audio In Package Pour Objets Nomades. 2, 68, 126 SOI Silicium avec couche de silice enterrée (Silicon On Isolator). 69, 72, 74, 95, 161 A. Houdouin IX X
A. Houdouin LISTE DES
SYMBOLES α Coefficient d'absorption acoustique de la paroi, première apparition à l'éq. 1.12, p. 12 ∆x Distance entre les 2 microphones utilisés (m), première apparition à l'éq. 4.1, p. 103
η Coefficient de viscosité dynamique volumique (Pa s), première apparition à l'éq. 1.2, p. 8 γ Angle entre la normale au plan de la bobine et la direction de l'induction magnétique de l'aimant (rad
), première apparition à l'é
q
. 2.39, p. 38
κ
Conductivité thermique du fluide (
W
/
(
m
K
)), première apparition à l'é
q
. 1.3, p. 8
λ Longueur
d
'onde de l'onde acous
tique (
m
), première apparition à l'éq. 1.5, p. 9
μ
Coefficient de
visc
osité
dynami
que de
cisaillement
(
Pa
s), première apparition à l'éq. 1.2, p. 8
ω
Pulsation de l'onde acoustique (rad/s), première apparition à l'éq. 1.5, p. 9 ΦdS Potentiel de vitesses d'un élément de
surface
dS (m2 /s), première apparition à l'éq. 2.5, p. 31 0 ψmax Borne d'intégration supérieure du cercle 2 pour le calcul de l'impédance mécanique mutuelle de rayonnement (rad), première apparition à l'éq. 2.72, p. 48 0 ψmin Borne d'intégration inférieure du cercle 2 pour le calcul de l'impédance mécanique mutuelle de rayonnement (rad), première apparition à l'éq. 2.72, p. 48 A. Houdouin XI Ψmax Borne d'intégration supérieure du cercle 1 pour le calcul de l'impédance mécanique mutuelle de rayonnement après changement de variable (rad), première apparition à l'éq. 2.74, p. 49 ψmax Borne d'intégration supérieure du cercle 1 pour le calcul de l'impédance mécanique mutuelle de rayonnement (rad), première apparition à l'éq. 2.72, p. 48 Ψmin Borne d'intégration inférieure du cercle 1 pour le calcul de l'impédance mécanique mutuelle de rayonnement après changement de variable (rad), première apparition à l
'
q. 2.74
, p.
49 ψmin Borne d'intégr
ation
inférieure
du
cercle 1 pour le calcul de l'impédance mécanique mutuelle de rayonnement (rad),
pre
mière appar
ition
à l'éq
.
2.72
, p. 48
ρ Composante
variable de la
masse
volumique du fluide (
kg/m3
), première apparition à l'é
q
. 1.1, p. 8
ρ0 Composante statique de la masse volumique du fluide (kg/m3 ). La valeur pour l'air est de 1,2 kg/m3 à une pression de atmosphérique de 1013 hPa et une température de 20 ◦C, première apparition à l'éq
.
1.1,
p.
8 f~ Force de volume par unité
de
masse
(
N/kg
), première apparition à l'éq. 1.2, p. 8 ξ
Distance entre
l'
élément considéré
d
S et
l
'
élément de la surface
dS 0 (
m
), première apparition à l'éq. 2.5, p. 31 0 ξmax
Borne d'intégration supérieure du cercle 2 pour le calcul de l'impédance mécanique mutuelle de rayonnement (m), première appar
ition
à l'éq. 2.72,
p. 48 0 ξmin Borne d'intégration inférieure du cercle 2 pour le calcul de l'impédance mécanique mutuelle de rayonnement (m), première apparition à l'éq. 2.72, p. 48 Ξmax Borne d'intégration supérieure du cercle 1 pour le calcul de l'impédance mécanique mutuelle de rayonnement après changement de variable (m), première apparition à l'éq. 2.74, p. 49 ξmax Borne d'intégration supérieure du cercle 1 pour le calcul de l'impédance mécanique mutuelle de rayonnement (m), première apparition à l'éq. 2.72, p. 48 Ξmin Borne d'intégration inférieure du cercle 1 pour le calcul de l'impédance mécanique mutuelle de rayonnement après changement de variable (m), première apparition à l'éq. 2.74, p. 49 XII A. Houdouin ξmin Borne d'intégration inférieure du cercle 1 pour le calcul de l'impédance mécanique mutuelle de rayonnement (m), première apparition à l'éq. 2.72, p. 48 ζ Taux d'amortissement, première apparition à l'éq. 1.14, p. 13 A+ Amplitude complexe de l'onde allant vers les x croissants (Pa), première apparition à l'éq. 1.7, p. 10 A− Amplitude complexe de l'onde allant vers les x décroissants (Pa), première apparition à l'éq. 1.7, p. 10 A1 Amplitude complexe de l'onde dans le milieu 1 (Pa), première apparition à l'éq. 1.8, p. 10 A2 Amplitude complexe de l'onde dans le milieu 2 (Pa), première apparition à l'éq. 1.9, p. 10 Ai
Amplitude complexe de l'onde incidente (Pa
),
première apparition à l'éq. 1.8
, p.
10 Ar Amplitude complexe de
l'onde réfléchie (Pa), première apparition à l'éq. 1.8, p. 10 At Amplitude complexe de l'onde transmise (Pa), première apparition à l'éq. 1.9, p. 10 Acol Surface du col du résonateur de Helmholtz (m2 ), première apparition à l'éq. 1.16, p. 14 B Densité de flux dans l'entrefer (T), première apparition à l'éq. 2.32, p. 37 Bl Facteur de force (N/A), première apparition à l'éq. 2.52, p. 40 C Coefficient d'amortissement (N s/m), première apparition à l'éq. 1.14, p. 13 c0 Vitesse du son dans l'air (344 m/s) à une pression de atmosphérique de 1013 hPa et une température de 20 ◦C (m/s), première apparition à l'éq. 1.4, p. 9 Cms Souplesse de la suspension du transducteur (m/N), première apparition à l'éq. 2.22, p. 35 d Distance entre le microphone 2 et la paroi (m), première apparition à l'éq. 4.1, p. 103 D12 Distance entre les transducteurs pour un pavage régulié (m), première apparition à l'éq. 2.75, p. 49 A. Houdouin XIII Em Champ électromoteur de Lorentz (V/m), première apparition à l'éq. 2.33, p. 37 f0 Fréquence de résonance du système 1 DDL sans amortissement (Hz), première apparition à l'éq. 1.15, p. 14 Faar Amplitude complexe de la force acoustique appliquée sur la face arrière due au mouvement de la partie mobile du transducteur (N), première apparition à l'éq. 2.27, p. 36 faar Force acoustique appliquée sur la face arrière due au mouvement de la partie mobile du transducteur (N), première apparition à l'éq. 2.23, p. 36 Faav Amplitude complexe de la force acoustique appliquée sur la face avant due au mouvement de la partie mobile du transducteur (N), première apparition à l'éq. 2.26, p. 36 faav Force acoustique appliquée sur la face avant due au mouvement de la partie mobile du transducteur (N), première apparition à l'éq. 2.23, p. 36 FaS Amplitude complexe de la force induite par l'air lors du mouvement de la surface S (N), première apparition à l'éq. 2.8, p. 32 faS Force induite par l'air lors du mouvement de la surface S (N), première apparition à l'éq. 2.7, p. 31 faonde Force de l'onde acoustique appliquée sur le transducteur (N), première apparition à l'éq. 2.15, p. 35 fd Fréquence de résonance du système 1 DDL avec amortissement (Hz), première apparition à l'éq. 1.14, p. 13 fext Forces extérieures appliquées sur le transducteur (N), première apparition à l'éq. 2.14, p. 35 FLaplace Force de Laplace (N), première apparition à l'éq. 2.47, p. 39 FLorentz Force Lorentz (force électromagnétique) appliquée au porteur de charge q de la bobine (N), première apparition à l'éq. 2.32, p. 37 fntube Fréquences de résonances d'un tube fermé (Hz), première apparition à l'éq. 4.5, p. 116 fressort Force du ressort appliquée sur le transducteur (N), première apparition à l'éq. 2.15, p. 35 XIV A. Houdouin fvisqueuse Force visqueuse appliquée sur le transducteur (N), première apparition à l'éq. 2.15, p. 35 H12 (ω) Fonction de transfert en pression entre les 2 microphones 1 et 2, première apparition à l'éq. 4.1, p. 103 IHP Courant traversant la bobine du transducteur (A), première apparition à l'éq. 2.64, p. 45 K Raideur du système 1 DDL (N/m), première apparition à l'éq. 1.15, p. 14 k Nombre d'onde (1/m), première apparition à l'éq. 1.5, p. 9 Kms Raideur de la suspension du transducteur (N/m), première apparition à l'éq. 2.16, p. 35 l Longueur des spires de la bobine (m), première apparition à l'éq. 2.52, p. 40 Le Inductance électrique de la bobine du transducteur (H), première apparition à l'éq. 2.43, p. 39 Lt Longueur du tube de Kundt (m), première apparition à l'éq. 4.5, p. 116 Lcol Longueur du col du résonateur de Helmholtz (m), première apparition à l'éq. 1.16, p. 14 M Masse du système 1 DDL (kg), première apparition à l'éq. 1.15, p. 14 Mmd Masse mécanique de la partie mobile du transducteur air exclu (kg), première apparition à l'éq. 2.14, p. 35 Mms Masse mobile du haut-parleur (en prenant en compte la masse mobile du fluide) (kg), première apparition à l'éq. 3.1, p. 90 N
bHP Nombre de microHP composant la paroi acoustique absorbante, première apparition à l'éq
.
2.68
, p.
48 p Composante variable de la pression du fluide (Pa
), première apparition à l'éq. 1.2, p. 8
p1
Pression dans le milieu 1 (Pa), première apparition à l'éq. 1.8, p. 10 p2 Pression dans le milieu 2 (Pa), première apparition à l'éq. 1.9, p. 10 pi Pression induite par l'onde incidente (Pa), première apparition à l'éq. 1.8, p. 10 A. Houdouin XV pr Pression induite par l'onde réfléchie (Pa), première apparition à l'éq. 1.8, p. 10 pt
Press
ion induite par l'onde transmise (Pa), première apparition à l'éq. 1.9, p. 10 padS
Press
ion induite par
l'air
sur
l'élément dS
lors du mouvement de la surface S
(
N/m2
), pre apparition à l'éq. 2.6, p. 31 PaS Amplitude complexe de la pression induite par l'air lors du mouvement de la surface S (N/m2 ), première apparition à l'éq. 2.11, p. 32 Pparoi Amplitude complexe de la pression à la surface de la paroi acoustique absorbante (Pa), première apparition à l'éq. 2.2, p. 30 q Charge d'un porteur de la bobine (C), première apparition à l'éq. 2.32, p. 37 QaS Débit acoustique de la surface S (m3 /s), première apparition à l'éq. 2.11, p. 32 R Coefficient de réflexion complexe de l'onde acoustique pour un changement de milieux, première apparition à l'éq. 1.10, p. 11 Re Résistance électrique de la bobine du transducteur (Ω), première apparition à l'éq. 2.43, p. 39 Rd Rayon de la partie mobile du transducteur (m), première apparition à l'éq. 2.3, p. 30 Rms Résistance mécanique du transducteur (N s/m), première apparition à l'éq. 2.17, p. 35 Rparoi Coefficient de réflexion complexe de l'onde acoustique de la paroi, première apparition à l'éq. 1.12, p. 12 RShunt Résistance de shunt (Ω), première apparition à l'éq. 4.2, p. 109 Rt Rayon de la paroi acoustique absorbante (m), première apparition à l'éq. 2.3, p. 30 s Entropie de l'élément fluide par unité de masse (J/(kg K)), première apparition à l'éq. 1.3, p. 8 SmicroHP Surface d'un microHP de la paroi acoustique absorbante (m2 ), première apparition à l'éq. 2.3, p. 30 Sparoi XVI Surface totale de la paroi acoustique absorbante (m2 ), première apparition à l'éq. 2.3, p. 30 A. Houdouin Ssupport Surface du support de la paroi acoustique absorbante (m2 ), première apparition à l'éq. 2.3, p. 30 T Composante variable de la température du fluide (K), première apparition à l'éq. 1.3, p. 8 t Temps (s), première apparition à l'éq. 1.1, p. 8 T0 Composante statique de la température du fluide (K), première apparition à l'éq. 1.3, p. 8 UHP Tension aux bornes du transducteur (V), première apparition à l'éq. 2.64, p. 45 uinduite Tension produite par le déplacement de la bobine dans le champ magnétique de l'aimant (V), première apparition à l'éq. 2.37, p. 38 v Composante variable de la vitesse d'une particule fluide (m/s), première apparition à l'éq. 1.1, p. 8 Vm Amplitude complexe de la vitesse de la partie mobile du micro-HP (m/s), première apparition à l' q. 2.3, p. 30 vbobine Vitesse de la bobine (m/s), première apparition à l'éq. 2.32, p. 37 Vcavité Volume de la cavité du résonateur de Helmholtz (m3 ), première apparition à l'éq. 1.16, p. 14 vmdS0 Vitesse de l'élément de la surface dS 0 (m/s), première apparition à l'éq. 2.5, p. 31 Vparoi Amplitude complexe de la vitesse équivalente de la paroi acoustique absorbante (m/s), première apparition à l'éq. 2.2, p. 30 W Travail de la force de Lorentz (N m), première apparition à l'éq. 2.34, p. 38 x Coordonnée sur l'axe ~x (m), première apparition à l'éq. 1.4, p. 9 x1 Distance entre le microphone 1 et la paroi (x1 > x2 ) (m), première apparition à l'éq. 4.1, p. 103 x2 Distance entre le microphone 2 et la paroi (x2 < x1 ) (m), première apparition à l'éq. 4.1, p. 103 Xm Amplitude complexe du déplacement de la partie mobile du transducteur (m), première apparition à l'éq. 2.19, p. 35 A. 8 1.2.1 Milieu fluide quelconque...................... 8 1.2.2 9 Absorption d'ondes acoustiques...................... 10 1.3.1 10 1.3.2 Processus d'absorption d'une onde acoustique.......... 12 13 1.4.1 Systèmes d'absorption acoustiques passifs 13 1.4.2 Systèmes d'absorption acoustique actifs/réactifs......... 19 1.4.3 Confrontation plage d'absorption / encombrement des solutions existantes.............................. 23 Objectifs visés................................ 24 1.5.1 Technique d'absorption choisie................... 24 1.5.2 Choix du transducteur....................... 24
26 Chapitre 2 : Modélisation d'une matrice de transducteurs
27 1.3 1.4 1.5 1.6 2.1 29
2.2
Inter
actions
onde/paroi............
2.2.1 Définition de l'absorption de la paroi............... 30
2.2.2
Mou
vement
d'une
surface
dans un
fluid
e.............
31
A
.
H
oudouin XXI
2.3 Modélisation du transducteur électrodynamique............. 33 2.3.1 Hypothèses de modélisation du transducteur........... 34 2.3.2 Modèle à constantes localisées................... 34 2.3.3 Impédance mécanique de rayonnement d'une source circulaire bafflée................................ 41 Modèle couplé du transducteur..................
45
Modélisation du comportement
de la paro
i
acous
tique
absorbante... 47 2.4.1 Hypothèses de modélisation de la paroi.............. 47 2.4.2 Admittance de la paroi acoustique absorbante.......... 47 2.4.3 Impédance mécanique mutuelle de rayonnement de deux sources circulaires bafflées.......................... 48 Validation du modèle analytique....................
.. 59 2.5.1 Paroi composée d'un seul transducteur.............. 59 2.5.2 Paroi composée de plusieurs transducteurs............ 60 2.6 Détermination de l'impédance optimale de shunt............. 62 2.7
64 Chapitre 3 : Transducteur électrodynamique en technologie Silicium 65 2.3.4
2.4 2.5 3.1 67 3.2 Transducteur en technologie silicium................... 68 3.2.1 68 3.2.2 Fabrication du micro-HP silicium................. 69 3.2.3 Rayonnement acoustique...................... 75 Optimisation acoustique du micro-HP silicium.............. 80 3.3.1 Suppression des courts-circuits acoustiques............ 80 3.3.2 Amélioration du rendement du moteur électrodynamique et réduction de l'encombrement..................... 86 Caractérisation du comportement des deux transducteurs utilisés.... 89 3.4.1 Comportement linéaire....................... 90 3.4.2 Comportement non-linéaire.................... 92 3.4.3 Niveau acoustique en fonction de la puissance électrique injectée 93 Optimisations d'assemblage... 95 3.5.1 Découpe des micro-HP....................... 95 3.5.2 96 98 3.3 3.4 3.5
3.6 Chapitre 4 : Caractérisation de la paroi acoustique absorbante 101
4.1 4.2 4.3 4.4 4.5
Introduction
.................................
Méthode de caractérisation : le tube de Kundt.............. Paroi acoustique à base de HP Visaton K16............... 4.3.1 Effet des charges passives..................... 4.3.2 Influence de la densité....................... 4.3.3 Influence d'une cavité........................ 4.3.4 Effet d'une résistance de shunt adaptée.............. Paroi acoustique à base de microHP en silicium............. 4.4.1 Absorption acoustique du microHP avec
joint polymère..... 4.4.2 Absorption acoustique du micro-HP silicium sans joint polymère Conclusion et bilan des performances obtenues.............. 102 103 105 105 107 108 108 112 113 115 123 125
Annexes A Modèle de Delany-Bazley...................
B Paramètres du modèle de Biot-Allard............ C Impédance acoustique de rayonnement d'un piston plan.. D Discrétisation d'un disque par la méthode de Bresenham. E Calcul de l'impédance mécanique mutuelle de rayonnement F Formulation de Pritchard................... G Calcul d'impédance de la paroi acoustique absorbante... H Méthodes générales de micro-fabrication.......... H.1 Méthodes de gravure................. H.2 Méthodes de dépôt.................. H.3 Protection de zone du substrat........... I Méthode de réalisation d'un joint souple en PDMS.... J Calcul du champ magnétique d'un aimant axisymétrique. J.1 Cylindrique...................... J.2 Annulaire..................... A. Houdouin A. Houdouin
INTRODUCTION GÉNÉRALE
Le confort acoustique est un élément important de la qualité de vie. Une étude de l'INSEE montre qu'environ 54% des ménages vivant dans des villes de plus de 50 000 habitants se déclarent gênés par le bruit 1. En effet, les sources de bruit sont multiples et les nuisances sonores peuvent entraîner une gêne, des troubles de la vigilance, de l'attention, de l'apprentissage, et affecter la santé (stress, troubles du sommeil, pathologies cardio-vasculaires,. ). Même si des efforts sont réalisés pour confiner les bruits des transports, autoroutiers, ferroviaires ou aériens, il est souvent très difficile de réduire le bruit sur l'ensemble du domaine audible. Les solutions passives actuellement utilisées peinent en effet à réduire le bruit dans les basses fréquences tout en conservant un encombrement et une masse limités. Afin d'essayer de répondre à cette problématique, ce manuscrit présente une solution active alternative (ou complémentaire) aux solutions passives. Cette solution est basée sur le contrôle d'un réseau de transducteurs permettant d'absorber le bruit et donc de réduire les nuisances sonores pour des fréquences dans la gamme de 500 Hz à 1500 Hz. Même si des efforts sont réalisés pour confiner les bruits des transports (autoroutier, ferroviaire et aérien principalement), il est souvent très difficile de réduire le bruit dans une large gamme de fréquences et particulièrement dans le domaine des basses fréquences où les solutions d'absorption acoustique deviennent encombrantes (et pesantes) puisque leur épaisseur (et donc leur masse) est en rapport direct avec la longueur d'onde à absorber Afin d'essayer de répondre à la problématique d'une absorption acoustique peu encombrante et légère (ce qui est critique principalement dans le domaine du transport aérien pour lequel ajout de volume et ajout de masse sont synonymes de sur-consommation de carburant) ce manuscrit, sur la base des travaux développés par Xavier Meynial 2 puis par Hervé Lissek 3, présente une solution de paroi acoustique absorbante de faible épaisseur, utilisant des absorbeurs électrodynamiques miniatures, avec une efficacité ciblée sur la gamme 500–1500 Hz. 1. http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/ip868.pdf 2. Active Audio 3. EPFL Lausanne A. Houdouin
1 Introduction générale
Alors que les travaux de Lissek et al. utilisent principalement des haut-parleurs de grandes dimensions en faible nombre, le choix retenu ici est l'utilisation de haut-parleurs miniatures en plus grand nombre. Après avoir rappelé les bases de la propagation et de l'absorption acoustique, le premier chapitre dresse un état de l'art des solutions existantes : systèmes passifs ne nécessitant pas de source d'énergie, systèmes réactifs utilisant une source d'énergie pour adapter leur impédance à une condition déterminée et systèmes actifs utilisant une source d'énergie et des capteurs complémentaires afin de contrôler l'impédance de paroi et de l'adapter à chaque instant à la fréquence de l'onde incidente. Cette étude permet, au regard des objectifs visés, de choisir pour chaque technique d'absorption les caractéristiques optimales du transducteur (celles qui permettront de tendre vers un coefficient d'absorption de 1 et d'éviter toute réflexion sur la paroi). Il apparaît cependant que les micro-haut-parleurs du commerce comme les Visaton K16, présentent une première fréquence de résonance trop haute pour pouvoir être efficaces dans la partie basse de la gamme de fréquences ciblée. Toutefois, un transducteur silicium encore à l'état de prototype (développé lors d'une précédente collaboration entre le LAUM, l'INL et l'IEF dans le cadre du projet SAIPON par Iman Shahosseini alors doctorant) permettrait de répondre sur toute la gamme de fréquences du fait de son premier mode propre situé à une fréquence de seulement 70 Hz. Ces micro-haut-parleurs tout silicium, développés pour des applications de téléphonie mobile souffrent cependant d'une faible efficacité en basses fréquences, du fait des courts-circuits acoustiques existant entre la face avant et la face arrière du transducteur, défaut qui peut être corrigé par l'ajout d'un joint. La solution proposée par Iman Shahosseini, basée sur un joint latex, rajoute une raideur importante à la suspension tout silicium qui décale le premier mode de réson vers les hautes fréquences, le remplacement de ce joint latex par un autre type de joint est présenté. Auparavant, c'est l'effet de la densité de transducteurs par unité de surface sur l'absorption acoustique de paroi qu'il convient d'étudier afin de voir s'il est possible d'atteindre le coefficient d'absorption de 1. Ceci fait l'objet du second chapitre. Le calcul du coefficient d'absorption de la paroi nécessite de connaître le comportement d'un micro-haut-parleur seul mais également de connaître les effets du couplage de plusieurs d'entre eux, montés sur une paroi rigide. Le modèle retenu du comportement d'un micro-haut-parleur est un modèle à constantes localisées faisant intervenir les paramètres de Thiele & Small. A partir de cette représentation, un modèle du rayonnement acoustique d'un micro-haut-parleur bafflé (assimilé à un piston plan bafflé pour le micro-haut-parleur silicium) est développé et ses résultats sont validés par la confrontation à ceux obtenus à l'aide d'une modélisation par éléments finis sous COMSOL Multiphysics R. Enfin, l'impédance électrique simulée du micro-haut parleur est comparée aux résultats expérimentaux. Il est alors possible d'aboutir à la modélisation analytique complète du rayonnement de la paroi absorbante, prenant en compte les 2 A. Houdouin Introduction générale impédances de rayonnement de chaque micro-haut-parleur (toujours considérés comme des sources circulaires bafflées) ainsi que les couplages entre micro-haut-parleurs. A cette fin, un modèle matriciel paramétrique spécifique a été développé pour pouvoir prendre en compte les interactions entre différents types de micro-haut-parleurs (de surfaces différentes). Les résultats obtenus par cette technique de calcul de l'impédance mutuelle de rayonnement sont confrontés au modèle de Pritchard et à une résolution par FEM sous COMSOL R. Enfin, l'impédance de rayonnement globale d'une distribution de micro-haut-parleurs sur une paroi rigide est calculée, l'impact de la part de l'impédance mutuelle des micro-haut-parleurs dans le résultat est également évalué. La validation du modèle analytique est parachevée par la comparaison de l'absorption de paroi simulée aux valeurs mesurées dans le cas de micro-haut-parleurs Visaton K16 pour différentes configurations (3, 7 et 13 micro-haut-parleurs sur la paroi). Une fois cette validation effectuée, l'impédance optimale de shunt (celle qui maximise le coefficient d'absorption acoustique) est calculée. Une fois les modèle validés et les impédances de shunt déterminées pour les hautparleurs du commerce (ici des Visaton K16), il reste à fabriquer les micro-haut-parleurs silicium. Le troisième chapitre décrit les différentes étapes de leur procédé de fabrication en salle blanche (au sein de la Centrale de Technologie Universitaire (CTU) IEF – Minerve) avant d'aborder, mesures et simulations à l'appui, la nécessité d'intégrer la pose d'un joint acoustique dans le procédé de fabrication pour optimiser le rendement acoustique en basses fréquences. Les mesures du micro-haut-parleur silicium sans joint sont effectuées en salle anéchoïque au LAUM pour deux configurations d'aimants et révèlent la présence de raies spectrales pour lesquelles le niveau émis chute brutalement. Un modèle FEM sous COMSOL R met en évidence des modes des bras de suspension à ces fréquences ce qui amplifie les fuites acoustiques et pénalise le rayonnement acoustique. La nécessité d'un joint acoustique est ainsi clairement mise en évidence. 4 A. Houdouin CHAPITRE 1 ABSORBEURS ACOUSTIQUES Sommaire
1.1 Introduction 6 1.2 Propagation d'ondes acoustiques............... 8 1.3 1.4 1.2.1 Milieu fluide quelconque..................... 8 1.2.2 Hypothèses et simplifications.................. 9
Absorption d'ondes acoustiques................ 1.3.1 Principe.............................. 10 1.3.2 Processus d'absorption d'une onde acoustique......... 12 État de l'art............................ 1.4.1 1.4.2 1.4.3 1.5 1.6 A. Houdouin 10 13 Systèmes d'absorption acoustiques passifs........... 13 1.4.1.1 Structure résonante.................. 13 1.4.1.2 Matériaux poreux................... 15 1.4.1.3 Système périodique.................. 17 1.4.1.4 Solution hybride passive................ 18 Systèmes d'absorption acoustique actifs/réactifs........ 19 1.4.2.1 Fonctionnement des systèmes actifs par contrôle de l'impédance acoustique....... ......... 20 1.4.2.2 Systèmes acoustiques actifs sans asservissement 1.4.2.3 Systèmes acoustiques actifs pilotés.......... 21.. 20 Confrontation plage d'absorption / encombrement des solutions existantes.......................... 23 Objectifs visés.......................... 24 1.5.1 Technique d'absorption choisie................. 24 1.5.2 Choix du transducteur...................... 24 Conclusion 26 1.1. Introduction 1.1 Chapitre 1 Introduction
Les systèmes passifs d'absorption acoustique sont utilisés depuis l'antiquité. Par exemple, des vases acoustiques étaient placés sous les gradins des théâtres grecs ou romains afin d'améliorer l'acoustique de l'édifice. La taille et la forme du vase étaient ajustées afin d'obtenir un système résonant qui permettait de supprimer la réflexion des ondes acoustiques sur les gradins. Les 10 livres d'architecture de Vitruve retranscrits en français [1] montrent les recommandations de placement et le dimensionnement des vases acoustiques pour l'amélioration de l'acoustique d'une scène (fig. 1.1a). Le théâtre d'Épidaure témoigne que dès le IVe siècle av. J.-C. les grecs maîtrisaient les propriétés acoustiques des matériaux pour construire des amphithéâtres : l'agencement périodique des rangées de sièges du théâtre d'Épidaure permet de filtrer les basses fréquences (inférieures à 500 Hz) du bruit de fond (bruissement des arbres, auditoire) (fig. 1.1b). Il est également possible de voir dans certaines églises françaises des cavités (réalisées à partir de vases) utilisées afin de réduire l'effet des résonances et ainsi d'améliorer l'acoustique de ces édifices [2].
Vase acoustique (a) Solution acoustique romaine. (b) Théâtre d'Épidaure. Figure 1.1 – Solutions
acoustiques utilisées dans
l'antiquité [3]. Par la suite d'autres méthodes d'absorption d'ondes acoustiques ont été utilisées comme la dissipation par phénomènes visqueux. Ce phénomène est présent dès lors qu'on utilise des matériaux poreux pour la réduction des nuisances sonores tels que les laines de verre, de roche ou de mousses fabriquées à partir de transformation chimique. En effet, l'utilisation de ces matériaux permet de réduire l'énergie des ondes acoustiques réfléchies, tout en dissipant l'énergie de l'onde acoustique transmise au matériau, ce qui participe à la réduction des nuisances sonores. Les caractéristiques de ces matériaux poreux sont particulières car ils sont constitués de beaucoup d'air avec une structure pouvant parfois être mobile. De nombreux travaux ont porté sur l'élaboration de méthodes de caractérisations de ces matériaux poreux ou de modèle de prédiction du coefficient d'absorption tel que le modèle de Biot et Allard [4, 5, 6]. Des travaux ont également été réalisés pour optimiser les procédés de fabrication en 6 A. Houdouin Chapitre 1 augmentant par exemple la quantité d'air ou la rigidité de la structure. Les travaux sur la porosité du revêtement des routes (fig. 1.2) montre qu'il est possible de trouver des caractéristiques de structure qui permettent de réduire l'énergie de l'onde acoustique réfléchie par le sol de l'ordre de 9 dB [7].
Bruit du camion Bruit de la voiture
Figure 1.2 – Réflexion acoustique sur une surface rigide telle que le bitume d'une route. Ce chapitre présente dans une première partie les hypothèses de propagation acoustique choisies pour le développement du modèle analytique présenté dans le chapitre 2. La seconde partie décrit le principe de fonctionnement d'une paroi acoustique absorbante et
e les différentes grandeurs qui nous permettront de caractériser les prototypes de paroi acoustique absorbante développés. La troisième partie porte sur l'état de l'art des différentes solutions d'absorption acoustique existantes qui peuvent être dissociées en deux catégories. La première catégorie regroupe des solutions dites passives, ne nécessitant pas de sources électriques telles que les matériaux poreux, les systèmes périodiques ou les solutions résonantes. La seconde catégorie présente des solutions dites actives qui nécessitent une source d'alimentation et parfois même la caractérisation de l'onde acoustique à absorber (pression, vitesse, direction). La dernière partie de ce chapitre présente les objectifs de ce travail et le positionnement de la solution choisie par rapport aux solutions présentées dans l'état de l'art. 1.2. Propagation d'ondes acoustiques 1.2 Chapitre 1 Propagation d'ondes acoustiques 1.2.1 Milieu fluide quelconque
Les équations de base de la mécanique des fluides sont les expressions mathématiques des lois physiques que sont la conservation de la masse, la conservation de la quantité de mouvement et la conservation de l'énergie. La particule fluide peut être caractérisée par 4 grandeurs qui sont la pression, la vitesse, la masse volumique et la température. Ces grandeurs peuvent être décrites respectivement comme la somme d'une composante variable (p,v,ρ,T ) dépendant du temps et une composante statique (p0,v0,ρ0,T0 ). En considérant une particule fluide plongée dans un milieu visqueux, sans écoulement et homogène ; les équations linéarisés de la conservation de la masse, la conservation de la quantité de mouvement et la conservation de l'énergie peuvent être mises sous les formes suivantes [8] : • Équation de conservation de la masse :
∂ρ ~ * ~v = 0, + ρ0 ∇ ∂
t
(1.1
)
avec
ρ la composante variable de la masse volumique de la particule fluide, ρ0 la composante statique de la masse volumique du fluide et ~v la composante variable de la vitesse de la particule fluide
. • É
quation de conservation de la quantité de mouvement ou équation de NavierStokes dans le cas d'un fluide newtonien : d~v
~ +
μ
∇2
~
v + η +
μ
∇(
~
∇ ~ *
~
v
) +
ρf~
,
=
−
∇
p ∂t
3
ρ0 (1.2) avec p la composante variable de la pression au sein de la particule fluide, μ le coefficient de viscosité dynamique de cisaillement, η le coefficient de viscosité dynamique volumique et f~ la force de volume par unité de masse.
• Équation
de
conservation
de l'énergie : ρ0 T0 ∂s = κ∇2 T, ∂t (1.3) avec s l'entropie de l'élément fluide et κ la conductivité thermique du fluide. Ces équations permettent de définir les variations d'état de l'élément fluide lorsqu'il est soumis à une excitation extérieure telle qu'une variation de pression, de vitesse ou de température. Ces variations sont transmises de proche en proche et créent alors la propagation d'une onde acoustique dans le milieu.
8 A. Houdouin
Chapitre 1 1.2.2 1.2. Propagation d'ondes acoustiques
Nous limiterons nos travaux à la propagation d'ondes acoustiques dans l'air considéré comme un gaz idéal (assimilable à un gaz parfait et homogène isotrope) sans écoulement. Le milieu de propagation d'ondes acoustiques que nous considérerons est l'air avec une pression de référence p0 = 1013 hPa pour une température de T0 = 20 ◦C. Ces conditions atmosphériques confèrent au fluide une masse volumique (ρ0 ) de 1,2 kg/m3 et une vitesse de propagation de l'onde sonore (c0 ) de 344 m/s. Les études présentées dans ce manuscrit se limiteront au cas d'ondes acoustiques en incidence normale sur la surface étudiée. Il sera dans de prochains travaux nécessaire de caractériser l'efficacité de la paroi pour tous types d'incidences. Ces hypothèses permettent de simplifier les équations générales de la mécanique des fluides sous la forme de l'équation d'onde (éq. 1.4) déterminée à partir de l'équation de conservation de la masse, de l'équation d'Euler (équation de conservation de la quantité de mouvement) et de l'équation d'état du gaz pour la direction normale à la surface de la paroi acoustique absorbante.
∂v ∂ρ + ρ0 = ∂t ∂x ∂v ∂p ρ0 + = ∂t ∂x 0 0 p = c0 2 ρ 1 ∂ 2p ∂ 2p − =0 ∂x2 c0 2 ∂t2 (1.4) La solution de l'é
quation
temporelle d'
onde
1.4
peut
être
réécrite
de
fa
çon harmoni
que
pour
une
pression
de
la forme
p(x
,
t) = p(x)ejωt : ∂ 2 p(x) jωt ∂ 2 p(x, t) = e ∂x2 ∂x2 ∂ 2 p(x, t) = −ω 2 p(x)ejωt ∂t2 " ∂ 2 p(x) + k 2 p(x) ejωt = 0, ∂x2 # (1.5) avec = ω /c0
le nombre d'onde et ω la pulsation de l'onde acoustique définit par ω = 2πf. Le nombre d'onde k définit le nombre de longueurs d'onde λ présentes sur une distance de 2π unités de longueur, c'est-à-dire k = 2π /λ. La longueur d'onde λ est plus courte aux hautes fréquences qu'aux basses fréquences. Ce paramètre géométrique de l'onde nous permet de définir l'évolution spatiale de l'onde qui conditionne la technique d'absorption acoustique utilisable (présentée dans la section 1.4). Étant donné que le terme ejωt de l'équation 1.5 ne peut être nul pour toutes valeurs de t, elle peut s'écrire sous la forme de l'équation de Helmholtz : ∂ 2 p(x) + k
2 p(x)
= 0.
∂x2 A. Houdouin (1.6) 9 1.3. pi pt ~x pr Z1 = ρ1 c1 X Z2 = ρ2 c2
Figure 1.3 – Changement de milieu de propagation.
Dans le cas d'une onde acoustique normale à la surface de l'interface, il est possible d'exprimer les pressions (p1, p2 ) dans les milieux 1 et 2 par les équations 1.8 et 1.9 à partir de la solution de l'équation de Helmholtz (1.7). Les pressions pi, pr et pt représentent respectivement les pressions induites par l'onde acoustique incidente, réfléchie et transmise.
pi = Ai e−jk1 x ejωt pr = Ar ejk1 x ejωt p1 = Ai e−jk1 x + Ar ejk1 x ejωt p1 = Ai e−jk1 x + R ejk1 x ejωt (1.8) avec R = Ar /Ai, le coefficient complexe de réflexion à l'interface et k(1,2) = ω /c(1,2) le nombre d'onde dans les milieux 1 et 2. pt = p2 = At e−jk2 x ejωt 10 (1.9) A. Houdouin
Chapitre 1 1.3. Absorption d'ondes acoustiques
La proportion d'énergie de l'onde acoustique réfléchie à l'interface des deux milieux est caractérisée par le coefficient de réflexion complexe R (éq. 1.10) qui dépend des impédances caractéristiques des 2 milieux. R= (1.10) avec Z1 et Z2 les impédances caractéristiques des deux milieux de propagation acoustique considérés. L'impédance acoustique d'un milieu est exprimée à partir de la masse volumique du milieu ρ0 et de la vitesse du son dans le milieu c0 : Z0 = ρ0 * c0. (1.11) L'énergie de l'onde acoustique réfléchie peut-être annulée si les impédances caractéristiques des milieux 1 et 2 sont identiques ; dans cette configuration, les impédances des milieux 1 et 2 sont dites "adaptées". Pour qu'un système d'absorption acoustique soit efficace, il est nécessaire d'obtenir un système : • ayant une faible rupture d'impédance : Z1 ≈ Z2 ( pour limiter l'énergie réfléchie sur la surface du système). • capable de réduire l'énergie acoustique transmise. Il existe différentes méthodes de réduction de l'énergie transmise au système absorbant comme : • la dissipation visqueuse réalisée grâce à des structures poreuses [9] • la conversion de la variation de pression en déplacement d'un fluide (résonateur de Helmholtz) [10] • l'utilisation d'une structure mécanique résonante • les interférences destructives dans une structure périodique [11] Ces solutions sont dites "passives" car elles ne nécessitent pas de source d'énergie pour fonctionner mais il existe également des solutions dites "actives" qui sont des solutions d'absorption acoustique utilisant une source électrique pour fonctionner. La solution d'absorption acoustique développée dans ce manuscrit est basée sur l'utilisation d'un réseau de transducteurs positionnés à la surface du système, pouvant être utilisée de façon passive ou active. L'objectif est d'obtenir à la surface du système une impédance acoustique qui soit celle du milieu de propagation d'origine (l'air) c'està-dire que Zparoi = Z0 = ρ0 c0, afin d'annuler la réflexion de l'onde acoustique arrivant sur la surface du système. 1.3. Absorption d'ondes acoustiques 1.3.2 Chapitre 1 Processus d'absorption d'une onde acoustique
On peut définir l'absorption acoustique d'un matériau ou d'une structure par sa capacité à atténuer le niveau acoustique de l'onde réfléchie, c'est-à-dire à absorber une partie de l'énergie vibratoire de l'onde incidente. Il est possible de définir pour chaque matériau ou structure un coefficient d'absorption αparoi dépendant de la fréquence de l'onde incidente (éq. 1.12).
αparoi (f ) = 1 − |Rparoi |2 (1.12) où Rp
aroi
est le co
efficient
de réflexion complexe de la
paro
i
défini
dans
l'é
quation
1.10.
L'absorption acoustique est un coefficient énergétique reliant l'amplitude de l'onde réfléchie et l'amplitude de l'onde incidente évoluant entre 0 et 1. L'absorption acoustique d'une surface est nulle lorsque l'onde est totalement réfléchie. Ce comportement acoustique est typique des matériaux rigides et non poreux tels que le béton lisse, le revêtement de route classique ou les aciers qui ont un coefficient d'absorption proche de zéro en raison de la forte rupture d'impédance entre le milieu de propagation d'où provient l'onde acoustique et le matériau. A contrario, lorsque l'absorption est proche de 1, le matériau absorbe la totalité de l'énergie acoustique reçue. À titre d'exemple, la laine de roche, utilisée pour l'isolation thermique des bâtiments, possède un coefficient d'absorption moyen de 0,6. L'impédance acoustique caractéristique du matériau absorbant Zparoi peut être définie en fonction du coefficient de réflexion complexe Rparoi par
relation suivante : Zparoi = ρ0 c0 1 + Rparoi. 1 − Rparoi (1.13)
Pour obtenir une absorption optimale, l'impédance acoustique à l'interface du matériau doit être "adaptée" à celle du milieu de propagation d'origine de l'onde acoustique. Lorsque l'impédance acoustique de l'interface est de la forme Zparoi = ρ0 c0, la valeur du coefficient de réflexion Rparoi est nulle et il n'y a pas de création d'ondes réfléchies à la surface du système. La totalité de l'énergie de l'onde incidente est transmise au système (Ai = At ) qui ensuite la dissipe selon un ou plusieurs principes présentés précédemment (section 1.3.1). L'efficacité en terme d'absorption d'une onde acoustique, d'un matériau ou d'un système dépend donc très fortement de l'impédance acoustique de la paroi (Zparoi ) qui doit être la plus proche possible de celle du milieu de propagation Z0. Cette caractéristique conditionne fortement l'efficacité des solutions d'absorption d'ondes acoustiques aussi bien passives qu'actives. 1.4. État de l'art Chapitre 1
La fréquence de résonance du système sans amortissement f0 est définit par : 1 f0 = 2π s K, M (1.15) avec K la raideur du système. Les systèmes acoustiques résonants couramment utilisés pour l'absorption d'ondes acoustiques sont les résonateurs de Helmholtz [12] qui ont un comportement similaire aux systèmes mécaniques à 1 DDL (fig. 1.5). Le résonateur de Helmholtz est une cavité d'air ouverte comparable à une bouteille ouverte composée d'un col et d'un volume arrière qui sont assimilables respectivement à la masse et à la raideur du système mécanique à 1 DDL. 2r Lcol M K Vcavité
Figure 1.5 – Modélisation du résonateur de Helmholtz par un système à 1 DDL
Masse/Ressort. La fréquence propre du résonateur de Helmholtz (éq. 1.16) est accordée sur la fréquence de l'onde acoustique à atténuer. L'énergie de l'onde acoustique à la fréquence de résonance du résonateur, est alors transférée au système résonant. c0 f0 = 2π s Acol, Lcol Vcavité (1.16) où Acol = πr2, Lcol et Vcavité sont respectivement la surface de l'ouverture, la longueur du col et le volume de la cavité arrière. Dans le cas, où la longueur du col Lcol du résonateur est petite, celle-ci doit être corrigée par un facteur correctif δL. Différents travaux ont été réalisés sur la définition de cette correction [13, 14, 15, 16] et s'accordent à faire correspondre δL à l'ajout de masse que l'on peut retrouver lors du rayonnement d'un disque dans un plan infini qui est défini par δL = 8r/3π. Les travaux de Maa [17] ont montré l'effet, en termes d'absorption acoustique, d'une paroi perforée afin de créer des résonateurs de Helmholtz. Ces travaux ont conduit à une étude approfondie de ce type d'absorbeur acoustique avec lequel il est possible d'élargir la bande de fréquence d'absorption du système en multipliant le nombre de résonateurs accordés sur différentes fréquences de résonance. Cette particularité du résonateur de Helmholtz est utilisée dans des applications d'absorptions acoustiques 14 A. Houdouin Chapitre 1 comme dans les travaux de Hayne Lecocq [18] visant l'absorption du bruit des réacteurs d'avion. 1.4. État de l'art Chapitre 1 Structure ou squelette
Pore Figure 1.7 – Image provenant d'un Microscope Électronique à Balayage (MEB) d'une structure poreuse en silicone de porosité 85 % [19].
α
Le principe d'absorption acoustique des matériaux poreux repose sur la dissipation de l'énergie acoustique de l'onde par le frottement visqueux du fluide sur le squelette du matériau. Ce phénomène de dissipation dépend principalement des caractéristiques intrinsèques du matériau tels que la porosité, la masse volumique du squelette ou la taille des cavités. Différents modèles de détermination d'absorption ont été développés tels que des modèles de fluide équivalent qui cherchent à représenter le matériau poreux comme un fluide de caractéristique ρ1 et c1 pouvant directement être intégré dans les équations de propagation des ondes acoustiques (éq. 1.12). Par exemple, le modèle semi-empirique de Delany et Bazley [20] a été développé à la suite de nombreuses mesures et définit le comportement du matériau poreux à l'aide d'un seul paramètre intrinsèque qui est la résistivité du matériau au passage de l'air. D'autres modèles plus complets ont été développés tel que le modèle de Biot-Allard qui permet de déterminer l'efficacité en absorption des matériaux poreux grâce à de nombreuses caractéristiques intrinsèques comme la porosité, la tortuosité, la masse volumique du squelette ou la taille des cavités (cf. annexe B). Fréquence ( Hz) Figure 1.8 – Coefficient d'absorption typique de mousses absorbantes d'épaisseur (E) de 20 mm et de 50 mm de référence AA2020 et AA2050 du fabricant Spectra. 16 A. Houdouin
Chapitre 1
L'avantage des matériaux poreux est leurs efficacités pour l'absorption des hautes fréquences comme le montrent les mesures du coefficient d'absorption de la figure 1.8. La figure montre la forte dépendance entre le coefficient d'absorption en basses fréquences et l'épaisseur du matériau. Usuellement pour absorber un son à partir d'une fréquence, il est nécessaire d'utiliser une couche de matériau poreux dont l'épaisseur est au moins égale au quart de la longueur d'onde λ de la plus basse fréquence à absorber. Il sera donc nécessaire pour atténuer des fréquences à partir de 500 Hz d'utiliser une épaisseur de matériau de l'ordre de 17 cm.
1.4.1.3 Système périodique
D'autres structures absorbantes reposent sur les cristaux phononiques qui sont des structures ordonnées, périodiques et non cohésives planaires ou volumiques [21]. Lors de la propagation d'une onde acoustique à travers un cristal phononique, l'onde est soumise à un phénomène de diffraction dû d'une part à la périodicité géométrique de la structure et d'autre part aux propriétés de propagation dans le milieu (effet de couches limites sur la surface des éléments périodiques). De plus, on observe l'absence de modes propagatifs des ondes acoustiques dans une plage de longueurs d'ondes donnée : cette bande de fréquence est alors qualifiée de bande interdite. Les cristaux phononiques en tant qu'absorbeurs acoustiques sont principalement utilisés en transmission car les composantes de l'onde acoustique dans la bande interdite ne sont pas transmises à travers le cristal phononique. Les cristaux phononiques de ce fait de bons candidats pour des applications telles que des filtres acoustiques, des silent-blocs ou des guides d'ondes [22]. La propagation des ondes acoustiques est modifiée par la dispersion de l'énergie acoustique dans le cristal. Il est donc également possible d'utiliser les cristaux phononiques pour absorber l'onde acoustique piégée au sein de la structure. La figure 1.9 présente les me
sures
du co
efficient d
'absorption
obten
ues
pour différentes configurations
de
cristal.
On constate que le coefficient d'absorption est très proche de celui obtenu avec des matériaux
por
eux, mais il est ici obtenu
pour
des tailles
de structures
périodique de quelques dizaines de micromètres
sur
une
épaisseur de 2,5 cm. 1.4. État de l'art
Chapitre 1 Rigid Wall Ls Figure 1.9 – Coefficient d'absorption acoustique en fonction de la périodicité (w = 30 μm, 50 μm et 60 μm) des fibres de rayon 50 μm et d'une épaisseur totale de 25 mm [23].
1.4.1.4 Solution hybride passive
Dans le but de combler la faible efficacité en absorption des basses fréquences des solutions à base de matériaux poreux, de systèmes périodiques ou de systèmes résonants, Groby et al. ou Lagarrigue et al. ont développé des solutions hybrides à base de systèmes passifs. Ces travaux montrent que la combinaison de différents effets acoustiques permet d'absorber les ondes acoustiques sur une large bande de fréquence. Ces deux solutions combinent les résonances acoustiques de cavités couplées à un matériau poreux.
Coefficientvd'absorption 1 Mousse Cavités 0.8 0.6 0.4 0.2 0 1000 2000 3000 f (Hz) 4000 5000 6000
Figure 1.10 – Coefficient d'absorption de la mousse sans modification (épaisseur 8 mm) [– – –], collée sur une surface rigide plane et [-] collée sur quatre cavités de différentes tailles (1 grande 5 × 9 × 12 cm3 et 3 petites 1 × 2.5 × 8 cm3 ) [24].
Chapitre 1
La solution de Groby et al. (fig. 1.10) propose de placer des cavités résonantes derrière un matériau poreux, reparties de façon irrégulière afin de créer des couplages acoustiques entre les différentes cavités et ainsi augmenter le coefficient d'absorption du système. Figure 1.11 – Comparaison du coefficient d'absorption d'une mousse Fireflex (Recticel, Belgique) (épaisseur de 20 mm) avec une inclusion rigide en incidence normale (1) et avec 2 inclusions "supercell" (2) (tube de diamètre 15 mm) [25]. La solution de Lagarrigue et al. (fig. 1.11) est réalisée à partir d'un tube fendu dissimulé à l'intérieur d'un matériau poreux d'épaisseur 20 mm. Cette solution a la particularité d'élargir la bande de fréquence d'absorption par rapport au matériau poreux seul et d'augmenter l'efficacité en atteignant presque une absorption totale sur la gamme 1,5–3,5 kHz.
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Introduction aux journées d'études. Hommage à Ignace Meyerson. Universitaire à Toulouse (1940-1951)., EFTS; LPS-DT, Nov 2023, Toulouse, France. ⟨hal-04307801⟩
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Introduction aux JE Meyerson
Ignace MEYERSON nous a quitté le 17 novembre 1983, à l’âge de 95 ans, il y a 40 ans, quasiment jour pour jour. Avec Ania BEAUMATIN, nous avons voulu organiser à cette occasion des journées d’études sous la forme d’un hommage. Un hommage à la grande figure intellectuelle des sciences sociales et humaines qu’il a été, mais aussi un hommage à ses engagements dans la vie universitaire toulousaine et, durant la guerre, dans la résistance. Cet hommage ne s’écrit pas sur une page blanche : nous voudrions le situer dans la continuité de tous ceux qui ont œuvré à faire connaitre la psychologie historique de MEYERSON. - - - Son premier cercle bien sûr, nous pensons immédiatement au travail entrepris par Jean-Pierre VERNANT à la fin des années 1980 pour réunir les productions d’Ignace MEYERSON, alors dispersées dans plusieurs revues, dans un seul et même ouvrage, Les écrits. Pour une psychologie historique. Nous pensons aussi à toutes les personnes qui ont constitué, avec l’aide de Claire BRESSON, le fonds des archives Ignace MEYERSON (Thérèse CHARMASSON, Daniel DEMÉLLIER, Françoise PAROT et Geneviève VERMÈS), ce fonds constitue une ressource impressionnante pour tous ceux qui s’intéressent à son travail. Nous pensons également : o à Françoise PAROT, qui a rassemblé et diffusé les cours dispensés par MEYERSON, o à ceux et celles qui ont contribué au fameux hommage qui lui avait été rendu en mars 1995, et qui avait été publié aux PUF en 1996 sous le titre Pour une psychologie historique, o au travail de Riccardo DI DONATO, au début des années 1990, notamment à sa postface des Fonctions psychologiques et des œuvres, nous saluons sa présence parmi nous aujourd’hui, o et plus récemment encore, aux écrits de Frédéric FRUTEAU de LACLOS, de Noemi PIZZARROSO LOPEZ et d’Isabelle GOUARNE, que vous pourrez entendre dans quelques instants. Alors, quelle signification donner à ces journées d’études? Le travail de connaissance sur Ignace MEYERSON et la psychologie historique a déjà été largement accompli. En nous inscrivant dans la lignée de ces travaux, avec Ania BEAUMATIN, nous avons souhaité orienter cet hommage dans trois directions.
*** 1
Nous avons d’abord voulu nous intéresser
à la période toulousaine de MEYERSON,
elle
s’étale
de 1940 à 1951.
Meyerson et
Toulouse,
c’est avant tout
l’histoire d’un
exil forcé
. Quelques repères
chronologi
ques
. MEYERSON est Juif et en juin 1940, alors que le Nord de la France est occupé par les allemands, il quitte Paris et se repli à Toulouse. Il demande alors son rattachement temporaire à la Faculté des Lettres de Toulouse pour enseigner la psychologie, rattachement qu’il obtiendra en octobre. Mais très rapidement, en décembre 1940, il tombe sous le coup des lois raciales de Vichy et est relevé de ses fonctions. Il poursuivra alors son enseignement dans la clandestinité. S’ouvre alors une période particulièrement éprouvante. Jean-Pierre VERNANT, s’appuyant sur des textes écrits par MEYERSON en mars 1941 (Vernant, 1996), décrit un homme profondément marqué et seul, en « crise », en plein « désarroi ». MEYERSON sera réintégré à la faculté de Toulouse en 1945. Mais dès la fin de la guerre, il a une idée en tête : regagner Paris pour développer le programme de la psychologie historique. « Je suis de plus en plus dépaysé à Toulouse, il est temps que je m’en aille d’ici » écrit-il par exemple à Philippe MALRIEU en 1948. On le sait, ce chemin sera semé d’embuches, et MEYERSON devra patienter jusqu’en 1951 pour réaliser son projet. *** Un exil forcé, une aspiration à rejoindre Paris au plus vite, ceux d’entre vous qui ne connaissent pas l’histoire de MEYERSON pourraient bien se demander si cette période toulousaine méritait vraiment des journées d’études. En fait, cette parenthèse toulousaine est loin de marquer la suspension des activités de MEYERSON. Nous sommes au contraire frappés par la vitalité qui se dégage de l’homme au cours de ces années, animé d’une « volonté d’agir » qui « cristallise », selon les mots de BAUBION-BROYE, je le cite, « son rejet des pauvres résignations devant des horizons qui ont été vidés d’espérances. Elle (Cette volonté) tient par un attachement aux valeurs qui, pour lui, fondent l’humain » (2019, p.139). Pendant toute la durée de la guerre, MEYERSON multiplie les initiatives. - Il crée la Société toulousaine d’études psychologiques (mai 1941) et fédère autour de lui des universitaires issus de différentes disciplines (Jean-Pierre VERNANT bien sûr, mais encore le philosophe Vladimir JANKELEVITCH, le 2 - - sociologue Georges FRIEDMANN, le géographe Jean FAUCHER, le professeur de littérature Raymond NAVES), il se rapproche de certains membres de l’Institut Catholique de Toulouse (dont Bruno DE SOLAGES, qui participera régulièrement aux travaux de la société) et organise, en 1941, le fameux colloque sur L’histoire du travail et des techniques, un colloque qui sonnera comme un « acte de résistance », pour reprendre l’expression d’Isabelle GOUARNE. C’est aussi au cours de ces années, dès 1940, qu’il rencontre celui qui deviendra son ami et collaborateur, Jean-Pierre VERNANT, avec qui il s’engagera dans la résistance à la fin de l’année 1941, au sein de l’Armée secrète. Après la guerre, la période toulousaine sera aussi marquée par des productions scientifiques importantes. Il y a bien sûr sa thèse, Les fonctions psychologiques et les œuvres, qu’il soutiendra en 1947, il y a aussi l’organisation du colloque sur Les ruptures de vie, Il y aussi la production de plusieurs textes, dont L’entrée dans l’humain, sans doute l’un des plus important qu’il ait écrit. Cette période va faire l’objet des deux sessions qui vont suivre immédiatement cette introduction, nous ne l’évoquons pas davantage. Simplement, on l’aura compris, elle a retenu notre attention parce qu’elle constitue un moment particulièrement intense de l’existence de MEYERSON. Elle a retenu notre attention aussi parce que MEYERSON aura marqué de son empreinte la vie universitaire toulousaine de cette période, et bien sûr la psychologie. ***
Nous touchons
ici
à
une seconde orientation que nous avons souhaitée donner à ces journées : une manière de rendre hommage à MEYERSON est de s’intéresser à son rôle dans l’installation de la psychologie universitaire à Toulouse, notamment au travers de sa rencontre avec Philippe MALRIEU. Comme le souligne Caroline BARRERA, Ignace MEYERSON peut être considéré comme le premier universitaire
a occupé un poste de titulaire pour
enseigner la psychologie à la faculté des Lettres de Toulouse (en 1948 il devient titulaire de la nouvelle chaire de psychologie et de pédagogie). A partir du mois de janvier 1948, il sera épaulé par Philippe MALRIEU, alors professeur de philosophie au lycée de Montpellier. Les deux hommes vont tisser des liens très forts tout au long de leur carrière universitaire, pendant près de 36 ans. L’examen de l’abondante correspondance entre les deux hommes (plus de 600 lettres conservées aux archives nationales de Pierrefitte sur Seine) nous a semblé pouvoir apporter un éclairage intéressant sur l’affiliation intellectuelle entre les deux hommes, 3 mais aussi sur la manière dont Philippe MALRIEU va succéder à Ignace MEYERSON, au début des années 1950, pour installer les premières fondations de la psychologie universitaire à Toulouse : première licence à partir des certificats déjà existants, premières orientations scientifiques aussi des premiers séminaires qui préfigureront le premier laboratoire de psychologie.
Nous y
consacrerons une
session
de
main matin. *** Enfin, la troisième orientation prise par ces journées traduit une tentative de mise en perspective de la psychologie historique avec nos propres travaux scientifiques. Il s’agit, non pas de suivre le programme de la psychologie historique, une telle entreprise est bien au-dessus de nos forces, mais d’essayer plutôt de montrer en quoi l’œuvre de MEYERSON peut venir inspirer nos activités dans les champs disciplinaires qui sont les nôtres. Il s’agit ainsi d’ouvrir des réflexions - - sur la façon dont les travaux de MEYERSON peuvent être rapprochés de ceux de VYGOTSKI, cette autre grande figure de la psychologie « culturelle », pour reprendre la dénomination de Jérôme BRUNER, sur leur actualité dans le champ du travail, sur la manière, enfin, dont ces travaux peuvent inspirer des recherches en éducation. *** Pour conclure ce propos introductif, nous voudrions adresser nos remerciements à Alain BAUBION-BROYE. Alain ne pourra pas être avec nous. Il a cependant accompagné la préparation de ces journées depuis le départ, avec ses connaissances sur la vie et l’œuvre de MEYERSON, avec son exigence aussi vis-à-vis des orientations que nous prenions (quelque peu dispersées à son goût!), avec la curiosité qui le caractérise. Alain s’est montré soucieux, lors de nos échanges, que ces journées puissent s’adresser aux nouvelles générations. Ce souci de la transmission n’est pas nouveau chez lui, les lecteurs du Bref, le petit journal du laboratoire LPS-DT, le savent bien. Le 27 février 2012, à l’occasion de la date anniversaire de la mort de Philippe MALRIEU, il écrivait : « Nous souvenir ensemble... sans que le passé soit une obsession triste non plus qu’une hantise. Considérer que se souvenir est l’acte constitutif de la « mémoire transgénérationnelle » à laquelle n’est pas étrangère l’idée d’œuvre, chère à Philippe, à la suite de Meyerson ». « Se souvenir ensemble » comme acte constitutif d’une « mémoire transgénérationnelle », on ne pouvait pas mieux dire l’intention fondamentale de ces journées d’études. Je vous remercie de votre attention.
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3.2 Étude de la rigidité aortique
Pour comparer la capacité des différentes mesures de VOP à distinguer les coronariens des sujets sains, une analyse ROC a été réalisée. La valeur d'AUC la plus élevée a été trouvée pour la 4D-VOP (0.97) avec un seuil optimal de 12.9 m.s-1 (conduisant à une sensibilité de 88.6% et une spécificité de 94.4%) suivie par la Cf-VOP (AUC 0.87; seuil optimal 10.3 m.s-1, sensibilité 87.5%; spécificité 83.3%), 2D-VOP (AUC 0.76; seuil optimal 10.23 m.s- 1, sensibilité 62,1%; spécificité 88.9%) et distensibilité aortique (AUC 0.57; seuil optimal Sensibilté 1.49.10-3 10-3 mmHg ; sensibilité 48.5% ; spécificité 78.8%) (Figure 3-5).
4D VOP ; AUC=0.97 CF-VOP; AUC=0.87 2D VOP; AUC=0.76 Distensibilité; AUC=0.57 1- Sp
é
ci
ficité Figure 3-5 Résultats des analyses ROC entre les sujets sains et les CAD pour les 4 mesures de rigidité. 3.2.C.c Conclusion
La valeur estimée de la VOP à partir de l'IRM de flux 4D sans injection de produit de contraste a montré de meilleures performances pour différencier les coronariens de sujets sains appariés à l'âge comparés à 2D VOP, Cf-VOP et distensibilité aortique. Il est cependant important d'interpréter ces résultats préliminaires avec beaucoup de prudence, car si les mesures de VOP en flux 4D sont réalisées en laboratoire avec des critères de qualité drastiques, aucun critère de qualité n'a été appliqué aux mesures provenant de la clinique (CfVOP, distensibilité) pouvant ainsi désavantager ces mesures de rigidité. Cette étude est toujours en cours et l'ensemble des méthodes devraient être soumises à des critères de qualité objectifs afin de connaître le réel taux de succès et les réelles performances des différentes approches sur nos patients coronariens à haut risque et donc potentiellement avec des artères plus rigides. Enfin, un des inconvénients du flux 4D est que la segmentation des aortes non injectées fût particulièrement difficile et plusieurs jeux de données ont dû être segmentés plusieurs fois afin d'aboutir à un résultat qui semblait correct visuellement.
3.3 Étude du flux chez les patients avec une dilatation aortique 3.3 tude du flux chez patients une dilat tique 3.3.A. Problématique clinique
Comme vu dans le Chapitre 1 (voir La dilatation aortique), il est connu que l'aorte présente une tendance naturelle à se dilater avec l'âge. Cependant, lorsque cette dilatation dépasse 40 mm de diamètre, elle nécessite un suivi du patient, et lorsqu'elle dépasse 55 mm, le risque de dissection est élevé et une chirurgie est envisagée. Des études ont toutefois montré que l'utilisation de ce paramètre géométrique seul pouvait induire une mauvaise indication chez 20 à 30 % des patients qui disséqueraient malgré un diamètre qui n'atteint pas le seuil critique de 55 mm. Notre hypothèse est que cette information géométrique peut être complétée par une information hémodynamique, disponible grâce à l'IRM de vélocimétrie.
3.3.B. Étude 1 : Estimation de la rigidité aortique chez des patients avec une aorte dilatée
Les études utilisant la VOP, le strain ou la distensibilité comme marqueurs de rigidités ont montré des résultats contradictoires en concluant soit au fait que la rigidité était inchangée (Koullias et al. 2005; Lee et al. 2015; Warner et al. 2013b), soit qu'elle était augmentée (Lee et al. 2015; Oulego-Erroz et al. 2013; Santarpia et al. 2012) (voir La dilatation aortique). Ainsi, cette étude a pour objectif de fournir une évaluation complète de la rigidité aortique, à la fois par la distensibilité et par la VOP segmentaire et globale en IRM, chez des patients ayant une valve aortique tricuspide (TAV-ATAA) ou bicuspide (BAV) et une dilatation aortique. Le diamètre maximal non indexé (et indexé à la surface corporelle) au niveau de l'AA était de 47±4.8 mm (25±3.4 mm.m2) chez les patients TAV-ATAA et de 44 ± 4.4 mm (23±3.1 mm.m2) chez les patients BAV. Pour cette étude, un appariement drastique des populations patients/contrôles en termes d'âge, de sexe et de pressions artérielles est effectué afin d'éviter de montrer des différences de rigidité liées à ces facteurs confondants et non pas à la présence de l'aorthopathie. À noter que la discussion de cette étude sera groupée avec celle de l'Étude 2, portant sur les mesures d'organisation du flux chez des patients avec dilatation aortique et une valve tricuspide (TAV-ATAA). 3.3 Étude du flux chez les patients avec une dilatation aortique
3.3.B.a Dans cette étude, 18 patients TAV-ATAA et une aorte ascendante dilatée (65 ± 14 ans, 11 hommes) ainsi que 19 patients BAV sans sténose et sans régurgitation sévère (55 ± 15 ans, 17 hommes) ont été inclus. Les deux groupes ont été appariés pour l'âge, le sexe et les pressions artérielles avec des groupes contrôles de sujets sains. À noter que 10 volontaires sains sont communs aux deux groupes témoins. Tous les sujets ont eu une IRM incluant les acquisitions 2D et 4D ainsi qu'une tonométrie d'aplanation carotidienne. La distensibilité et le strain au niveau de l'AA et l'AD ainsi que la VOP de l'arche aortique ont été automatiquement mesurés à partir des données 2D+t grâce au logiciel Artfun (LIB, Sorbonne Universités). Après segmentation (voir Segmentation manuelle de l'aorte : Lattido) la VOP 4D a été calculée en utilisant la stratégie 2 associée aux ondelettes pour le calcul du temps de transit sur toute l'aorte puis sur les segments AA et AD pour évaluer des différences potentielles dans la zone de dilatation i.e. l'AA (Figure 3-6). Enfin, les données SPGR 3D des patients ont été segmentées à l'aide du logiciel Mimosa pour extraire les diamètres moyens aortiques.
AA Plan de délimitation A B. BC. AA Plan de délimitation AD Distance = 0mm Temps de transit (TT) = 0ms diaphragme AD Aorte Ascendante (AA) Aorte Descendante (AD) Temps de transit (ms) A. Plan Plan dede référence référence (TT) Plan de Référence(TT) référence Régions d'intérêt
Distance
(
mm
) AA vers AD Figure 3-6 Évaluation de la vitesse de l'onde de pouls dans les segments ascendant et descendant de l'aorte en l'IRM de flux 4D. A. Schématisation de la segmentation 3D et du calcul de la VOP B. Segmentation 3D représentative du volume aortique d'un patient présentant une dilatation de l'aorte ascendante. C. Exemple pour un patient du calcul des VOP dans l'aorte ascendante et descendante (VOP-AA et VOPAD) calculées comme étant l'inverse de la pente de la régression entre temps de transit et distance. 3.3 Étude du flux chez les patients avec une dilatation aortique
L'analyse statistique a été réalisée à l'aide de JMP Pro 14.0.0 (SAS Institute, Cary, Caroline du Nord, États-Unis). Les valeurs ont été exprimées pour chaque groupe sous forme de moyenne ± écart-type, sauf indication contraire. Les différences entre chaque groupe de patients et leurs témoins appariés respectifs ont été testées à l'aide d'un test de Wilcoxon, à l'exception du sexe qui a été étudié à l'aide d'un test exact de Fisher. Les valeurs p inférieures à 0.05 ont été considérées comme significatives.
3.3.B.b Résultats
Les caractéristiques principales des sujets (patients et contrôles respectifs), ainsi que la pression artérielle centrale et les mesures aortiques, sont présentées dans le Tableau 21 pour les TAV-ATAA vs contrôles et le Tableau 22 pour les BAV vs contrôles. Les pressions artérielles centrales étaient similaires entre les groupes TAV-ATAA et BAV par rapport à leurs groupes contrôles respectifs. Comme attendu, les deux groupes de patients avaient une aorte ascendante considérablement plus dilatée. Cependant, alors que cette dilatation est étendue à l'aorte descendante chez les patients TAV-ATAA, elle reste restreinte à l'AA chez les patients BAV. Aucune des mesures de rigidité aortique locale et régionale dérivées de l'IRM n'était significativement différente entre les patients TAV-ATAA et leurs témoins appariés, ainsi qu'entre les patients BAV et leurs témoins appariés (
Figure Aorte Descendante Aorte Descendante Aorte Ascendante VOP 4D (m/s)
Di
stensibilité
(
10-3
mmHg-1) Aorte Ascendante VOP 4D (m/s) Distensibilité (
mmHg-1) 3-7). BAV TAV-ATAA •
• • • Dilaté
Valve
aortique
tricuspide Dilaté Valve aortique bicuspide Figure 3-7 Comparaison des mesures IRM de rigidité aortique locale et régionale entre des patients ayant une valve aortique tricuspide (TAV-ATAA gauche) et bicuspide (BAV-droite) ainsi qu'une dilatation de l'aorte ascendante et leurs témoins appariés. 3.3 Étude du flux chez les patients avec une dilatation aortique
Tableau 21 Caractéristiques, diamètres aortiques IRM 3D SPGR, mesures en contraste de phase 2D et en flux 4D des indices de rigidité aortique locaux et régionaux chez des patients ayant une valve aortique tricuspide et une aorte ascendante dilatée (TAV-ATAA), ainsi que des volontaires sains appariés. Contrôles TAV(n=18) ATAA Interquartile Médiane Interquartile 60-75 65 61-76 (n=18) p Age (ans) Médiane 68 Homme (%) 61 - 78 - 0.24 Taille (cm) 169 159-179 174 167-179 0.21 - IMC (kg.m 2) 24.1 21.4-25.7 25.6 22.8-31.2 0.07 Ps centrale (mmHg) 116 105-125 118 104-136 0.53 Pd centrale (mmHg) 78 75-84 82 75-90 0.47 PP centrale (mmHg) 35 30-42 36 31-42 0.99 93 87-98 95 85-107 0.48 Diamètre AA (mm) 29.1 26.8-31.8 41.4 37.5-45.6 <0.0001 Diamètre AD (mm) 23.5 21.2-25.6 26.3 24.4-28.3 0.02 Strain AA (%) 3.7 1.9-6.8 4.1 2.8-6.6 0.68 Strain AD (%) 2.9 1.8-6.3 4.8 3.5-9.8 0.09 1 0.5-1.9 1.1 0.7-1.8 0.64 0.7 0.6-1.9 1.6 0.8-3.2 0.09 BH-VOP AA (m.s-1) 11.7 8.2-15.6 10.7 8.3-13.3 0.64 BH-VOP AD (m.s-1) 13.4 8.3-14.9 9 6.3-12.4 0.09 VOP arche 2D (m.s-1) 7.7 6.1-9.4 9.5 6.0-12.7 0.20 7.8 5.5-11 7.8 6.8-10.5 0.68 10.7 8.7-12.1 10.6 9.4-12.4 0.47 Pression moyenne (mmHg) 0.84 IRM 3D SPGR IRM 2D PC Distensibilité AA (10-3mmHg-1) Distensibilité AD (10-3mmHg-1) IRM de flux 4D VOP AA (m.s-1) -1 VOP AD (m.s ) TAV-ATAA : valve aortique tricus
, IMC : indice de masse corporelle, Ps/Ps : pression artérielle systolique/diastolique, PP : pression pulsée, SPGR : spoiled gradient echo, AA : aorte ascendante, AD : aorte descendante, PC : contraste de phase, VOP : vitesse de l'onde de pouls. 3.3 Étude du flux chez les patients avec une dilatation aortique
Tableau 22 Caractéristiques de base, diamètres aortiques IRM 3D SPGR, mesures en contraste de phase 2D et en flux 4D des indices de rigidité aortique locaux et régionaux chez des patients ayant une valve aortique bicuspide et une aorte ascendante dilatée (BAV), ainsi que des volontaires sains appariés. Contrôles Médiane (n=19) BAV (n=19) p Interquartiles Médiane Interquartiles Age (ans) 56 44-67 56 44-66 Homme (%) 89 Taille (cm) 173 166-179 178 172-183 0.14 IMC (kg.m-2) 24.8 22.5-25.9 24.2 21.6-29.0 0.86 Ps centrale (mmHg) 114 106-119 118 108-128 0.34 Pd centrale (mmHg) 82 77-86 86 76-93 0.47 PP centrale (mmHg) 32 29-35 33 26-41 0.91 94 89-97 98 89-107 0.25 Diamètre AA (mm) 28.1 26.0-32.0 39.1 32.5-45.5 <0.0001 Diamètre AD (mm) 23.3 21.8-25.3 23.5 21.6-26.3 0.54 Strain AA (%) 5.1 2.0-7.4 7.9 4.3-13 0.05 Strain AD (%) 5.4 1.8-8.5 7 2.9-19 0.15 Distensibilité AA 1.7 0.6-2.7 2.6 1.2-3.8 0.08 1.8 0.6-2.4 2.1 0.9-5.0 0.21 8.7 6.8-14.7 7 5.8-10.3 0.08 BH-VOP AD (m.s ) 8.5 7.3-14.2 7.7 5.0-11.5 0.21 -1 5.7 4.8-7.8 6.7 5.7-8.8 0.21 VOP AA (m.s-1) 6.1 5.0-10.1 5.8 4.1-6.9 0.13 VOP AD (m.s-1) 8.8 7.6-11.1 8.7 6.7-10.2 0.65 89 0.91 0.70 (mmHg) IRM 3D SPGR IRM 2D PC (10-3mmHg-1) Distensibilité AD (10-3mmHg-1) BH-VOP AA (m.s-1) -1 VOP arche 2D (m.s ) IRM de flux 4D BAV : valve aortique bicuspide avec une aorte ascendante dilatée, IMC :
indice de masse corporelle, Ps/Ps : pression artérielle systolique/diastolique, PP : pression pulsée, SPGR : spoiled gradient echo, AA : aorte ascendante, AD : aorte descendante, PC : contraste de phase, VOP : vitesse de l'onde de pouls. 125 3.3 Étude du flux chez les patients avec une dilatation aortique
De nombreux questionnements se sont posés concernant le calcul des courbes de débit lorsque le flux est fortement désorganisé dans le cadre d'une dilatation et/ou d'une valve bicuspide. En effet, du fait de l'excentricité du flux dans l'aorte des patients dilatés, la ligne centrale géométrique et la ligne centrale de la vitesse maximale diffèrent. Ce qui pose question sur le positionnement des plans pour le calcul du débit. Plusieurs tests ont été réalisés et nous avons finalement opté pour l'option la plus robuste, à savoir de référer à la ligne centrale géométrique. Enfin, nous avons voulu mesurer la « robustesse » de nos calculs de VOP. Ainsi, pour chaque groupe et chaque segment, la moyenne des résidus des régressions linéaires effectuées dans la stratégie 2 de calcul de VOP par ondelettes a été calculée. Il est intéressant de noter que les résidus sont plus importants chez les patients avec une aorte dilatée en particulier chez les patients bicuspides dans les segments 1 et 2, correspondant à l'aorte ascendante, et donc là où le flux est le plus perturbé (Figure 3-8).
Contrôles > 50 ans Résidus moyens (ms) Résidus moyens (ms) Contrôles ≤ 50 ans Segments (AA vers AD) Segments (AA vers AD) BAV BAV Résidus moyens (ms) Résidus moyens (ms) TAV-ATAA Segments (AA vers AD) Segments (AA vers AD)
Figure 3-8 Évolution des résidus estimés lors du calcul de la VOP par la stratégie 2 pour chaque groupe de patients et témoins ainsi que pour les différents segments aortiques, précédemment définis (Figure 2-3).
126 3.3 Étude du flux chez les patients avec une dilatation aortique
3.3.
C Étude 2 : Mesures d'organisation du flux chez des patients avec une aorte dilatée
Nous avons vu précédemment que l'évaluation de la rigidité aortique en IRM pouvait être rendue techniquement complexe du fait de la présence d'une dilatation aortique (flux désorganisés affectant les courbes de débits, temps de transit à la limite de la résolution temporelle, variations de surfaces minimes pour la distensibilité). Ainsi, nous nous sommes intéressés à la mise au point et à l'étude de paramètres permettant de quantifier cette désorganisation du flux. En effet, plusieurs études ont montré l'existence d'un lien entre un changement de la géométrie aortique et la perturbation de l'hémodynamique des flux sanguins (Barker, Lanning, and Shandas 2010; Binter et al. 2017; Callaghan et al. n.d.; Pasta et al. 2013; Rodríguez-Palomares et al. 2018; Vergara et al. 2012), bien que le lien de causalité entre écoulement et géométrie reste non élucidé. Cependant, cela suggère que l'étude du flux aortique à l'aide de l'IRM de vélocimétrie pourrait être une source d'informations supplémentaires importantes pour mieux comprendre et décrire les patients présentant une dilatation de l'aorte. Ainsi, cette étude se concentre sur les paramètres hémodynamiques calculés le long de l'aorte puis moyennés dans trois segments de l'aorte : l'aorte ascendante (AA), l'arche aortique et l'aorte descendante (AD) en utilisant l'IRM de flux 4D. Nos objectifs étaient : 1) d'utiliser des données d'IRM de flux 4D pour caractériser quantitativement les modifications locales des flux circulants dans l'aorte ; 2) d'étudier leur redondance et leurs associations avec le diamètre maximal et l'âge ; 3) de tester leur capacité à discriminer les patients avec une aorte dilatée et une valve tricuspide (TAV-ATAA) de volontaires sains. 3.3 Étude du flux chez les patients avec une dilatation aortique
3.3.C.a La population de l'étude a été rétrospectivement incluse et composée de 56 sujets en bonne santé âgés de 20 à 80 ans (âge moyen : 49±17 ans, 32 femmes), sans maladie cardiovasculaire, ainsi que de 21 patients (65 ± 14 ans, 7 femmes) avec une valve tricuspide et une dilatation aortique (TAV-ATAA) située entre le sinus aortique et l'aorte tubulaire. Trois critères d'inclusion ont été utilisés pour ce groupe : 1) une dilatation aortique maximale supérieur à 40 mm dans l'aorte, mesurée par IRM, 2) l'absence d'insuffisance aortique sévère, 3) l'absence de chirurgie de l'aorte. La Figure 3-9 résume la méthodologie de l'étude qui décrit l'ensemble des paramètres quantitatifs extraits des données IRM et précédemment décrits en détail dans le Chapitre 2.
Indices de flux
Indices géométriques Diamètres Longueurs aortiques SPGR Vmax Vecteur normal Angle Segmentation Angulation SD L D: Diamètre IRM Excentricité FF Excentricité BF Vmax Arche Qnet QFF IRM de flux 4D AA ROI Débit net Débit antérograde(FF) Débit rétrograde (BF) Vnet DA VFF VBF QBF Pics (Q) - Net/FF/BF Volume (V) - Net/FF/BF %= 100∗Q /Q BF%= 100∗V /V
Figure 3-9 Résumé de la méthodologie de l'étude portant sur l'analyse quantitative de la désorganisation du flux dans l'aorte à partir d'images IRM de flux 4D.
FF : débit antérograde, BF : débit rétrograde, SD : écart-type, Vmax : maximum de la vitesse moyenne
Q% et BF% représentent le pic (Q) et volume (V) de débit rétrograde normalisés par les indices de débit antérograde. 3.3 Étude du flux chez les patients avec une dilatation aortique 3.3.C.b Résultats (1) Caractéristiques de la population
Le Tableau 23 présente les caractéristiques de base des patients TAV-ATAA ainsi que des sujets sains divisés en deux sous-groupes ≤50 ans (représentant la normalité) et > 50 ans (intervalle d'âge similaire à celui des malades). Aucune différence significative en termes d'âge, de pression artérielle entre TAV-ATAA et le groupe de sujets sains plus âgés n'a été observée. Néanmoins, les TAV-ATAA avaient un IMC significativement supérieur (p<0.001). De plus, comme attendu, le diamètre maximal mesuré à partir des images SPGR était significativement (p<0.001) différent entre les trois groupes et un rapport moyen de 1.5 a été trouvé entre TAV-ATAA et les témoins âgés.
Tableau 23 Caractéristiques des sujets sains de moins et plus de 50 ans ainsi que des patients avec anévrysmes de l'aorte thoracique ascendante (TAV-ATAA). N Femmes (%) Âge (ans) Ps (mmHg) Pd (mmHg) FC (bpm) IMC (kg.m-2) Diamètre max (mm) Contrôles ≤50 ans Médiane Intervalle (25-75) 30 60 35*** (28 - 43.7) 120** (110 - 132) 76 (68 - 82) 66 (62 - 75) 22** (21 - 24.8) 28*** (26 - 30.4) Contrôles >50 ans Médiane Intervalle (25-75) 26 56 67 (57 - 71.4) 130 (120 - 135) 77 (72 - 84.3) 64 (59 - 68.8) 24 (22 - 26.4) 31 (30 - 32.6) TAV-ATAA Médiane Intervalle (25-75) 20 33 65 (56 - 76) 130 (120 - 145) 77 (74 - 86.4) 60 (57 - 73.5) 27*** (23 - 31.2) 48*** (42 - 51.3)
N :
nombre de sujets
, Ps/Pd : pressions artérielles systolique/diastolique, FC : fréquence cardiaque en nombre de battements par minute (bpm). Diamètre max : diamètre maximal mesuré sur SPGR de l'aorte ascendante au diaphragme. Les niveaux de significativité des différences entre TAV-ATAA et les témoins de plus de 50 ans ont été indiqués par *** pour p <0.001, ** pour p <0.01, * pour p <005. 3.3 Étude du flux chez les patients avec une dilatation aortique (2) Indices quantitatifs de l'organisation du flux aortique
Le Tableau 24 donne les valeurs des indices quantitatifs de l'organisation du flux aortique, à savoir l'excentricité des débits rétrogrades et antérogrades, l'angulation du jet de vitesse maximale, l'écart-type de la distribution des vitesses ainsi que la vitesse maximale moyenne pour l'AA. Les valeurs médianes pour les trois segments (AA, arche et AD) sont représentées sur la Figure 3-10. Pour l'aorte ascendante, les cinq indices d'asymétrie du flux étaient significativement différents (p≤0.01) entre les trois groupes. Plus spécifiquement, l'excentricité du débit antérograde augmente de manière significative (p<0.001) avec l'âge (16 à 18%) et la dilatation (18 à 24%) contrairement à l'excentricité du débit antérograde qui diminue de manière significative (p = 0.01) avec l'âge (43 à 38%) et la dilatation (38 à 35%). L'angulation du jet de vitesse maximale augmente avec la dilatation (17° pour les dilatés vs 10° pour les sujets sains d'âge équivalent). Enfin, l'écart-type était plus élevé dans l'aorte ascendante des TAV-ATAA (72 cm.s-1) comparé aux témoins de moins de 50 ans (41 cm.s-1) et au-dessus de 50 ans (40 cm.s-1). Les variations d'excentricité, d'angulation et d'écart-type ont tendance à s'atténuer dans l'aorte descendante à mesure que le flux sanguin se réorganise. La vitesse maximale était plus élevée chez les sujets les plus jeunes (68 cm.s-1) que chez les TAV-ATA (32 cm.s-1) et cette tendance se maintient le long de l'aorte.
Tableau 24 Indices quantitatifs de l'organisation du flux dans l'aorte ascendante et pour les trois groupes Excentricité FF (%) Excentricité BF (%) Angulation (°) SD (cm.s-1) Vmax (cm.s-1) Contrôles≤50 ans Médiane Intervalle 16 (14-18) 43 (40-45) 8.8 (7-11) 41 (37-53) 68 (56-76) Contrôles>50 ans Médiane Intervalle 18 (13-2) 38 (34-42) 9.6 (8.4-12) 40 (35-51) 58 (44-72) TAV-ATAA Médiane Intervalle 23 (16-29) 35 (33-38) 17 (13-20) 78 (61-100) 32 (25-46) p <0.001 0.01 <0.001 <0.001 <0.001 FF : débit antérograde, BF : débit rétrograde, SD : écart-type, Vmax : maximum de la vitesse moyenne, p : Niveaux de significativité pour une analyse ANOVA entre les 3 groupes. 3.3 Étude du flux chez les patients avec une dilatation aortique
Arche aortique EFF (%) EFF (%) Angulation ( ) EFF (%) Angulation ( ) Angulation ( ) EBF (%) EBF (%) SD (cm.s-1) SD (cm.s-1) SD (cm.s-1) Vmax Vmax (cm.s-1) Contrôles ≤ 50 ans EBF (%) Contrôles > 50 ans (cm.s-1) Vmax (cm.s-1) TAV-ATAA Indice : significativité de l'analyse ANOVA pour les trois groupes ≥0.05 Indice : significativité de l'analyse ANOVA pour les trois groupes <0.05
Figure 3-10 Représentation de l'évolution de la valeur médiane des paramètres quantitatifs de l'organisation du flux dans les trois segments de l'aorte. FF : débit antérograde, BF : débit rétrograde, SD : écart-type, Vmax : maximum de la vitesse moyenne, E : excentricité (3)
Quantification des débits antérogrades et rétrogrades
Le Tableau 25 récapitule les valeurs des indices de débit calculés à partir des courbes de débit net, antérograde et rétrograde pour l'AA. Les valeurs médianes pour les trois segments (AA, arche et AD) sont représentées dans la Figure 3-11. On n'observe pas de différence significative (p>0.05) concernant le volume du débit net avec l'âge et la dilatation dans les trois segments aortiques. En revanche, l'ensemble des autres indices sont significativement plus élevés chez les TAV-ATAA. Le volume de débit rétrograde est en moyenne 6.6 fois plus grand dans l'aorte ascendante des TAV-ATAA comparé aux sujets sains âgés de plus de 50 ans. Cette augmentation reste significative (p<0.001) pour les autres segments aortiques, tant avec l'âge qu'avec la présence de la dilatation l'AA. Les indices de pic et de volume de débit rétrograde normalisés par le débit antérograde ont également été étudiés. 131 3.3 Étude du flux chez les patients avec une dilatation aortique
Tableau 25 Indices de débits rétrogrades et antérogrades estimés en IRM de flux 4D chez les contrôles et les patients atteints d'anévrysme de l'aorte thoracique ascendante (TAV-ATAA) dans l'aorte ascendante Contrôles≤50 ans Médiane Range (25-75) 373.3 (301.1-416) 376.6 (302.7-417.6) 26.3 (20.5-35.1) 7.3 (6-9) 77 (66-85) 81 (71-91) 4.4 (3.4-6) 6.1 (4.6-7.2) Qnet (ml.s-1) QFF (ml.s-1) QBF (ml.s-1) Q% (%) Vnet (ml) VFF (ml) VBF (ml) BF% (%) Contrôles >50 ans Médiane Range (25-75) 284.9 (260.8-334.2) 290.8 (263.4-338.4) 30.3 (24.6-45.2) 10.6 (6-14.7) 61 (56-83) 68 (62-90) 6.3 (3.9-8.7) 9.3 (5.2-12) TAV-ATAA Médiane Range (25-75) 365.5 (312.3-447.2) 409.9 (331.5-481.4) 111.1 (66.4-143.7) 31.2 (18.7-49.4) 70 (55-92) 110 (94-130) 42 (23-56) 36 (21-46) P <0.001 <0.001 <0.001 <0.001 0.3
<
0.001
<0.001 <0.001 FF : débit antérograde, BF : débit rétrograde, Q% et BF% représentent le pic (Q) et volume (V) de débit rétrograde normalisés par les indices de débit antérograde, Qnet et Vnet : représentent le pic systolique et le volume de flux global. p : niveaux de significativité pour l'analyse ANOVA entre les trois groupes. QBF (ml.s-1) QBF QFF (ml.s-1) (%) Arche aortique Vnet (ml) (ml.s-1) QBF (ml.s-1) QFF (ml.s-1) (%) Vnet (ml) Vnet (ml) Qnet (ml.s-1) BF% (%) VFF (ml) QFF (ml.s-1) (%) Qnet (ml.s-1) Qnet (ml.s-1) BF% (%) VFF (ml) VBF (ml) Contrôles ≤ 50 ans BF% (%) VFF (ml) VBF (ml) VBF (ml) Contrôles > 50 ans TAV-ATAA Indice : significativité de l'analyse ANOVA pour les trois groupes ≥0.05 Indice : significativité de l'analyse ANOVA pour les trois groupes <0.05
Figure 3-11 Représentation de l'évolution de la valeur médiane des paramètres de débit dans les trois segments de l'aorte.
FF : débit antérograde, BF : débit rétrograde, Q % et BF% représentent le pic (Q) et volume (V) de débit rétrograde normalisés par les indices de débit antérograde, Qnet et Vnet : représentent le pic systolique et le volume de flux global.
3.3 Étude du flux chez les patients avec une dilatation aortique
Les indices normalisés sont également significativement plus élevés dans l'aorte ascendante et l'arche aortique des TAV-ATAA, comparés aux contrôles (p<0.001). Le volume de débit rétrograde normalisé (BF%) dans l'aorte ascendante est plus de 3.9 plus élevé chez les patients dilatés comparés aux contrôles âgés de plus de 50 ans (Figure 3-12).
a. Désorganisation du flux dans la dilatation Arche AA
Vitesse
<0
Vitesse >0
AA Lignes de courant AD AA b. Exemple de variation du volume de flux rétrograde normalisé dans le vieillissement et la dilatation
Contrôle ≤50 ans 0% Contrôle >50 Seuil TAV-ATAA 25 %
Figure 3-12 Débit rétrograde normalisé au débit antérograde dans l'aorte et sa variation avec l'âge et la présence d'une dilatation pathologique a. évaluation visuelle de la désorganisation du flux et de la présence de débit rétrograde chez un patient dilaté. AA : aorte ascendante, Arche : arche aortique, AD : aorte descendante. Trois patients représentatifs des trois groupes ; volontaires sains âgés de moins/plus de 50 ans un patient avec une dilatation de l'aorte thoracique ascendante (TAV-ATAA). La valeur seuil de BF% a été calculée à partir de l'analyse ROC. 133
3.3 Étude du flux chez les patients avec une dilatation aortique (4) Redondance des indices et associations avec le diamètre maximal
La Figure 3-14 représente les coefficients de corrélation entre tous les indices de débit calculés à partir de l'IRM de flux 4D dans cette étude (Figure 3-14).
Figure 3-13 : Matrice de redondance entre les indices de flux calculés dans l'aorte ascendante. FF :
débit
antéro
grade,
BF
: débit
ré
tro
grade
,
Q% et BF% représentent le pic et volume de débit rétrograde normalisés par le pic et volume de débit antérograde, SD : écart
-
type, Vmax : maximum de la vitesse moyenne, E : excentricité, V : volume, Q : maximum des courbes de débit. L'observation de la matrice de redondance et les résultats non-significatifs de l'analyse de l'ANOVA dans l'aorte ascendante permettent d'exclure plusieurs paramètres de la liste de ceux qui pourraient potentiellement être utilisés pour caractériser la dilatation. En effet, premièrement, l'excentricité BF et le volume de flux net n'étaient pas discriminants entre les sous-groupes de notre étude. Deuxièmement, Qnet a une corrélation élevée et significative avec QFF (R=0.94, p<0.001) et VFF (R=0.74, p<0.001), on conservera donc uniquement le maximum de débit net. De même, on conservera dans les analyses suivantes BF% au détriment de Vmax (R=0.84, p<0.001), QBF (R=0.74, p<0.001) et Q% (R=0.89, p<0.001), VBF (R=0.85, p<0.001) et Vnet (R=-0.7, p<0.001). BF% a également l'avantage d'être normalisé ce qui minimise l'effet de la corpulence du patient.
3.3 Étude du flux chez les patients avec une dilatation aortique
La Figure 3-14 donne les associations des indices de flux restant pour les contrôles et les TAV-ATAA avec l'âge et la dilatation maximale dans l'AA. Ces résultats sont à prendre avec précaution du fait de l'effectif réduit des TAV-ATAA. BF% était l'indice de flux le plus corrélé avec l'âge (R=0.56, p<0.001) et la dilatation maximale (R=0.53, p<0.001) dans la population contrôle. En revanche, chez les TAV-ATAA, l'angulation était le paramètre le plus corrélé à l'âge (R=0.64 p<0.001) et SD la plus corrélée au diamètre (R=0.64, p<0.001).
Figure 3-14 Associations entre des indic
de débit dans l'aorte ascendante avec l'âge et le diamètre maximal (Dmax). EFF : excentricité débit antérograde, BF% volume de débit rétrograde normalisé par le volume de débit antérograde, SD : écart-type, Qnet : maximum du débit net. (5) Capacité des indices de flux à caractériser la dilatation aortique
Une analyse ROC a été réalisée pour identifier la capacité des indices quantitatifs de flux à caractériser la dilatation. Le Tableau 26 présente l'ensemble des résultats pour tous les indices sélectionnés en termes de précision, d'AUC, de sensibilité et de spécificité dans l'aorte ascendante. La Figure 3-15 présente ces mêmes résultats pour les trois segments de l'aorte. Le volume de débit rétrograde normalisé a obtenu les meilleurs résultats à la fois en termes d'aire sous la courbe (AUC=93%) ainsi que de précision (Précision=99%) dans l'AA. Il obtient également les meilleurs résultats en termes d'AUC dans l'arche (AUC=89%). Dans l'AD, c'est l'angulation qui obtient les meilleurs résultats en termes d'AUC (AUC=88%).
3.3 Étude du flux chez les patients avec une dilatation aortique
Tableau 26 Résultat de l'analyse ROC. Capacité des indices d'IRM de flux 4D à séparer les sujets contrôles (plus/moins 50 ans) des patients avec une dilatation de l'aorte ascendante. Excentricité FF (%) Sensibilité (%) 90 Spécificité (%) 73 Précision (%) 90 AUC (%) 78 Angulation (°) 95 89 95 91 12.3 SD (cm.s-1) 86 82 86 83 53.8 Qnet (ml.s ) 86 51 51 69 325 BF% (%) 100 91 99 93 12.7 -1 Seuil 18 FF : débit antérograde, BF : débit rétrograde, SD : écart-type, BF% représentent le volume de débit rétrograde normalisé par le volume de débit antérograde, Qnet : maximum du débit net. Aorte ascendante BF% Sensibilité Sensibilité Sensibilité Arche aortique Angulation Excentricité FF SD Qnet
Figure 3-15 Courbes
ROC pour les indices de flux dans les trois segments de l'aorte. FF : débit antérograde, BF : débit rétrograde, SD : écart-type, BF% représentent le volume de débit rétrograde normalisé par le volume de débit antérograde, Qnet : maximum du débit net. Les différents seuils ont été utilisés pour calculer un score de seuil (Fscore) pour chaque patient (Figure 3-16). Pour chaque partie de l'aorte, le Fscore est égal au nombre d'indices parmi BF%, l'angulation et l'excentricité FF et SD supérieurs au seuil précédemment calculé pour chaque segment à partir de l'analyse ROC. Du fait de ces faibles performances résultant de l'analyse ROC, Qnet n'a pas été conservé. On peut émettre l'hypothèse, que ce score combinant quatre indices de flux pourrait permettre de mettre en lumière des segments de l'aorte avec une forte perturbation du flux, potentiellement à plus haut risque de rupture.
136 3.3 Étude du flux chez les patients avec une dilatation aortique Zone potentiellement à risque Fscore
Figure 3-16 Évolution du nombre d'indices de flux au-dessus du seuil calculé à partir de l'analyse ROC pour chaque segment de l'aorte chez un TAV-ATAA. Liste des indices considérés : BF%, l'angulation et l'excentricité FF et SD 3.3.D. Discussion des études 1 et 2 Ainsi, ces deux études ont permis d'analyser à partir des données d'IRM de flux 4D chez des sujets contrôles et des patients anévrysmaux : 1) La rigidité de l'aorte (Étude 1) ; 2) La désorganisation des flux aortiques (Étude 2). Concernant l'étude de la rigidité chez les patients avec une aorte dilatée, l'objectif de cette étude était de décrire la rigidité aortique locale et régionale à l'aide de divers marqueurs IRM chez des patients BAV et TAV-ATAA méticuleusement appariés à deux groupes de sujets contrôles en terme d'âge, de sexe et de pressions artérielles. Nos résultats n'ont mis à jour aucune différence significative entre les groupes contrôles et les patients. Une première remarque sur ces résultats est la grande variabilité que l'on trouve chez les patients avec une aorte dilatée en particulier chez les patients avec une valve bicuspide. Il est possible de mettre en lien cette observation avec le résultat principal de l'étude 2 qui est l'augmentation considérable du volume de débit rétrograde dans une aorte ascendante dilatée qui peut perturber le calcul de la VOP, d'autant qu'on s'attendrait à une perturbation supplémentaire du flux aortique à cause de la valve bicuspide 137
3.3 Étude du flux chez les patients avec une dilatation aortique
Cette étude suscite également une interrogation sur la comparaison directe de la VOP de deux patients, en omettant leur degré de dilatation aortique, pour en déduire une différence de rigidité. En effet dans l'équation de Moens-Korteweg11 (Isebree Moens 1878) qui relie le module de Young de la paroi à la VOP, le diamètre ( ) et l'épaisseur celle-ci (h) interviennent également. Ainsi, une comparaison directe de valeurs VOP ne permet pas de déduire une différence de rigidité que si ceux-ci ont un rapport h/D du même ordre. On retrouve cette considération dans les travaux d'Abbas et al. (Abbas et al. 2015) qui montrent, dans les anévrysmes de l'aorte abdominale, que la VOP régionale mesurée à partir d'images IRM 2D-PC est similaire à celle de témoins. Ils avancent que l'augmentation du diamètre aortique est susceptible de compenser les effets intrinsèques de la rigidité de l'aorte mettant en avant le caractère adaptatif de la dilatation qui ne doit pas être vue uniquement que comme pathologique. avec E : Module d'élasticité de Young ; h : épaisseur de la paroi artérielle ; D : le diamètre artériel. 3.3 Étude du flux chez les patients avec une dilat
ation
a
or
tique du flux sanguin comme cela a pu être montré auparavant avec notamment une élévation de la contrainte pariétale chez les patients bicuspides (Bieging et al. 2011). De plus, l'augmentation des indices d'excentricité FF, de l'angulation et de l'écart-type de la distribution des vitesses chez les patients avec une dilatation aortique reflètent une désorganisation du flux. Cette observation est en accord avec ce qui peut être observé visuellement sur les données d'IRM de flux 4D et ce qui a été montré auparavant dans la littérature, en particulier chez des patients bicuspides dilatés (Bissell, Hess, Biasiolli, Glaze, Loudon, Pitcher, Davis, Prendergast, Markl, Barker, Neubauer, and Saul G Myerson 2013; Richards et al. 2004; Rodríguez-Palomares et al. 2018; Vergara et al. 2012). Cette désorganisation tend à être moins importante à mesure qu'on s'éloigne de la zone de dilatation, à savoir l'AA. Cela pourrait s'expliquer par un retour à un écoulement plus laminaire qui peut être visualisé sur les données d'IRM de flux 4D, tandis que la géométrie aortique se rapproche de celle d'un contrôle étayant l'hypothèse d'un lien entre la désorganisation du flux interne de l'aorte et sa morphologie. De plus, la vitesse maximale est significativement plus faible chez les patients dilatés que chez les témoins. Ce dernier point soutient l'hypothèse d'un processus de remodelage adaptatif pour maintenir un débit préservé vers les organes périphériques malgré la dilatation prononcée de la racine aortique. Le second résultat est l'augmentation de l'excentricité du débit antérograde que l'on observe parallèlement à une diminution de l'excentricité du débit rétrograde chez les patients dilatés suggérant un changement hémodynamique chez les patients anévrismaux au niveau l'aorte ascendante proximale, où se trouve la dilatation. En outre, cela se traduit également par une augmentation du volume de débit rétrograde dans l'aorte ascendante. À noter que cette augmentation était nettement supérieure au changement de diamètre maximal entre les TAVATAA et les témoins âgés. On retrouve une association du volume de débit rétrograde avec le diamètre chez les sujets contrôles, conformément au fait que le diamètre a été suggéré comme le déterminant majeur du flux rétrograde en IRM de vélocimétrie 2D dans le vieillissement (Bensalah et al. 2014). Ce résultat n'a pas été retrouvé dans notre étude concernant les TAVATAA. Il est toutefois à prendre avec précaution du fait de la faible population de notre étude. 3.4 Évaluation de la fonction de remplissage du ventricule gauche 3.4 Évaluation de la fonction de remplissage du ventricule gauche 3.4.A. Problématique clinique
Comme mentionné précédemment, la prévalence de l'insuffisance cardiaque augmente sans cesse avec le vieillissement de la population. La fraction d'éjection ventriculaire gauche est le biomarqueur clinique le plus abondamment utilisé pour évaluer la fonction du VG. Cependant, des études antérieures ont montré que 40 à 50 % des patients présentaient une fraction d'éjection du VG préservée alors qu'ils souffraient une insuffisance cardiaque. Les recommandations cliniques en échocardiographie ont mis en évidence l'utilité de la mesure du flux mitral et de la vitesse longitudinale de l'anneau mitral pour évaluer la fonction diastolique du VG. Les données d'IRM de flux 4D offrent une excellente couverture anatomique et permettent d'étudier l'aorte et le coeur gauche (VG et oreillette gauche) en une seule acquisition et dans les mêmes conditions hémodynamiques. Nous avons initialement envisagé de calculer la vitesse de propagation de l'onde de remplissage dans le ventricule gauche afin de révéler la rigidité du muscle cardiaque et ses difficultés à se relaxer. Cependant, les tests réalisés étaient insatisfaisants, car nous étions à la limite de la résolution temporelle pour calculer le temps de transit sur une longueur ne couvrant que la moitié du coeur. En effet, les courbes de débit dans la paroi apicale étaient inexploitables pour nos calculs. Ainsi, nous avons choisi d'étudier le profil du flux de remplissage du ventricule gauche en comparaison à l'échographie Doppler sur une base de données de 36 volontaires sains âgés de 20 à 80 ans. Par ailleurs, nous avons étudié les liens entre VOP aortique et es de remplissage extraits du même jeu de données d'IRM de flux 4D. 3.4.B. Nous avons inclus 36 sujets en bonne santé âgés de 20 à 80 ans (52 ± 18 ans), (protocole ELASTO-CARDIO). Tous les sujets ont eu un examen IRM de flux 4D comme décrit précédemment. De plus, des images Ciné VG conventionnelles ont été acquises et analysées pour en déduire la masse du VG, les volumes télé-systoliques (ESV) et télédiastoliques (EDV) ainsi que la fraction d'éjection (FE). Les mêmes corrections du repliement de décalage de phase, décrites précédemment pour l'aorte ont été appliquées sur les images de flux 4D.
3.4 Évaluation de la fonction de remplissage du ventricule gauche
Le calcul de l'aoVOP aortique en utilisant la stratégie 2 et en ondelettes a été retenue pour les comparaisons dans cette étude. Les images de flux 4D ont ensuite été segmentées et analysées comme expliqué dans Étude de la fonction de remplissage du ventricule gauche afin d'extraire les paramètres de remplissage du VG. Pour rappel, le flux mitral est segmenté par connectivité en termes de signe de vitesses afin d'extraire les ondes E et A ainsi que le volume de remplissage. Les pics des ondes E et A du profil de remplissage ont été calculés en termes de vitesse et de débit. On notera que seules les mesures basées sur le débit sont présentées ici, car elles étaient plus fiables que les vitesses maximales pour l'IRM de flux 4D. En effet, la vitesse maximale est fortement affectée par la vitesse d'encodage définie lors de l'acquisition et par le bruit qui en découle, ainsi que par de possibles légères erreurs de segmentation. De plus, les pics de débit E et A ont été normalisés par le volume de remplissage total afin de tenir compte des différences interindividuelles des conditions de charge. Tous les sujets ont également eu une échocardiographie le même jour pour mesurer les vitesses maximales du flux de remplissage transmitral (E) et (A) ainsi que la vitesse longitudinale maximale de l'anneau mitral (E'). Les ratios E/A et E/E' ont été calculés. De même, tous les sujets ont également eu un examen de vélocimétrie IRM 2D+t comme décrit précédemment et le ratio E/A a également été calculé. Flux Onde E Onde A Volume de remplissage Temps Systole Points anatomiques placés manuellement Coupe 2D+t Trajet du sang Diastole Segmentation du flux
Figure 3-17 Rappel de la méthodologie de calcul des paramètres fonctionnels du remplissage transmitral en IRM de flux 4D. 142
3.4
Évaluation de la fonction de remplissage du ventricule gauche 3.4.C. 3.4.C.a Liens avec l'âge
Les associations entre les indices de fonction diastolique du VG mesurés et l'âge sont présentées dans le Tableau 27 ci-dessous pour les 34 sujets sains (dont 20 femmes).
Tableau 27 Caractéristique des sujets et valeurs des paramètres. Caractéristiques des sujets Âge (ans) IMC (kg.m-2) EF (%) VG mass (g) VG mass/BSA (g.m-2) VGM/EDV (ml.m-2) VGM/ ESV (ml.m-2) Mesure d'échographie E/A E (cm.s-1) A (cm.s-1) E/E' Mesure IRM 4D+t E/A E/FV (s-1) A/FV (s-1) Pente E (ml.s-2) Pente A (ml.s-2) aoVOP (m.s-1) Moyenne ± SD Rage page 51.6±17.5 23.5±2.8 62.1±5.1 94.6±25 53.2±10.5 74.5±17 28.3±7.5 0.4 0.07 -0.15 -0.08 -0.55 -0.49 0.02 0.69 0.37 0.66 0.001 0.003 1.2±0.4 71.5±16.9 61.8±18.8 5.6±2.3 -0.69 -0.19 0.67 0.65 <0.001 0.25 <0.001 <0.001 1.2±0.6 3.6±1.1 3.3±0.8 -0.8±1 -0.6±0.8 8.6±3.2 -0.87 -0.63 0.61 0.38 0.4 0.82 <0.001 <0.001 <0.001 0.02 0.01 <0.001 SD : écart-type, Rage : coefficient de corrélation des indices avec l'âge, N : nombre de sujets, F : nombre de femmes, IMC : indice de masse corporelle, VG : ventricule gauche,
GM/ESV et VGM/EDV : rapports de masse ventriculaire gauche aux volumes télé-systoliques et télé-diastoliques, FV : volume de remplissage, E et A : pic de l'onde de débit transmitral, aoVOP : Stratégies de calcul de VOP avec le temps de transit TTw (Ondelettes) et une régression linéaire utilisant l'IRM de flux 4D. Comme attendu, les pics d'onde E en IRM et en échocardiographie diminuent avec l'âge en association avec une relaxation altérée du ventricule gauche. Cependant, seul l'indice IRM donnait une association significative avec l'âge. Les pics d'onde A échographique et IRM augmentent de manière significative avec l'âge, révélant un travail compensatoire de l'oreillette avec le vieillissement. Enfin, le rapport E/A diminue significativement avec l'âge pour les deux modalités en accord avec diverses études échocardiographiques et IRM (Bella et al. 2002; Bollache et al. 2010; Schirmer, Lunde, and Rasmussen 2000), avec un coefficient
143 3.4 Évaluation de la fonction de remplissage du ventricule gauche de corrélation plus élevé en valeur absolue pour
l'
IRM (
IRM E/A : R=-0.87, p<0.001; échocardiographie E/A : R =-0.69, p <0.001). À noter que les mesures du rapport E/A en échocardiographie
et
en IRM de flux 4D étaient significativement corrélées (R=0.71, p<0.001). Parallèlement à l'augmentation des pression
s
de
rempl
issage
VG avec le vieillissement, le rapport E/E' échocardiographique augmente de manière significative avec l'âge.
Ce paramètre
n'a
pas
pu être
calculé
à partir de
l'IRM de flux 4D, car la vitesse
d
'encodage
était rég
lée pour le
flux sanguin et
étai
t
ainsi trop élevé
e pour pouvoir estimer les
vitesses
myocardiques.
Une
solution
consisterait à estimer E' à partir de données IRM Ciné grand-axe, communément acquises en routine clinique en utilisant le suivi de textures afin de caractériser le mouvement longitudinal
de l
'
a
nneau mitra
l.
3.4.
C.
b
Liens
avec la vitesse d'onde de po
ul
s aortique (a
VOP) Puisque les indices de rigidité aortique sont associés au remodelage du VG indépendamment de l'âge, nous nous attendions à une association entre le rapport E/A, indicateur de la relaxation VG et l'aoVOP aortique. En effet, le remodelage du VG en cas de vieillissement modifierait la rigidité du myocarde, affectant ainsi sa capacité à se relaxer pour mieux se remplir. Les mesures IRM étaient associées de manière significative à l'aoVOP : E/A (R=-0.71, p <0.001), E/FV (R=-0.41, p<0.01) et A/FV (R = 0.65, p <0.001). Cependant, ces associations n'étaient plus significatives après ajustement pour l'âge.
3.4.C.c Effets intriqués du vieillissement et de la rigidité aortique
L'association des indices de remplissage du VG avec l'aoVOP et l'âge est illustrée par la Figure 3-18, qui montre une augmentation linéaire de l'aoVOP qui suit la variation linéaire des indices de la fonction diastolique avec l'âge. Figure 3-18 Association les indices de remplissage VG : E/A, E/FV, A/FV (FV : volume de remplissage) mesurés en IRM de flux 4D et l'âge. Les points graphiques sont codés par couleur en fonction de leur valeur de vitesse d'onde de pouls aortique (VOP), également mesurée en IRM de flux 4D.
L
'IRM
de
flux
4
D a
ainsi permis une évaluation simultanée de l'aorte et du remplissage diastolique VG
.
Pour comparer «
de manière conceptuelle » les tendances de variations de ces indices liés à l'â
ge
, nous les avons d'abord normalisés par rapport à leur valeur maximale afin de permettre une mise à l'échelle. Les associations de ces valeurs normalisées avec l'âge sont illustrées dans la Figure 3-19. Cette illustration graphique décrit une variation parallèle d'E/A et de l'aoVOP avec l'âge (0.8%/an) ainsi qu'une progression légèrement plus lente d'A/FV (0.5%/an). Cela pourrait s'expliquer par le couplage perpétuel entre l'aorte et la VG (cycle cardiaque, condition de charge, ), tandis que l'oreillette gauche pourrait être protégée dans une certaine mesure par les phénomènes mécaniques et hémodynamiques complexes induits par le remodelage du VG. Ces résultats « conceptuels », visant à observer s'il y a un parallélisme entre le vieillissement aortique, ventriculaire et atrial, doivent être interprétés avec précaution en raison de la petite taille de l'échantillon et des différences physiologiques et hémodynamiques entre les indices considérés.
Aorte 3.4 Évaluation de la fonction de remplissage du ventricule gauche
Âge (années) Sophia Houriez--Gombaud-Saintonge - ICAN Series
Figure 3-19 Régression linéaire de l'aoVOP (PWV), E/A et A/FV normalisés avec l'âge. Les couleurs correspondent aux intervalles de confiance. 3.4.D.
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Lectures coloniales et post-coloniales de l’histoire de l’Afrique romaine. Histoire et constructions mémorielles. À propos de Stéphane Gsell, "La Tripolitaine et le Sahara au IIIe siècle". Anabases - Traditions et réceptions de l’Antiquité, 2020, 32, pp.193-209. ⟨10.4000/anabases.11308⟩. ⟨hal-03139241⟩
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Lectures coloniales et post-coloniales de l’histoire de l’Afrique romaine
207
C. Jullian affichait son hostilité aux anciens Germains et aux Allemands 61. Dans
l’Histoire de la Gaule qui allait des invasions gauloises à la fin de l’Empire romain
qu’il rédigea de 1908 à 1926, il refusait d’accorder aux Germains la place que
certains leur attribuaient dans la formation de la France. La vision positive de la
conquête romaine qu’il développait contribua à forger une identité gallo-française
opposée à l’identité germano-allemande. Il y donna des fondements scientifiques
à un roman national que résume la formule emblématique « nos ancêtres les
Gaulois » des « Petits Lavisse », les célèbres manuels scolaires d’histoire de la
Troisième République 62. L’école laïque républicaine apprit aux petits Français que
leur pays n’avait pas été créé par les rois Francs quand « Clovis avait embrassé le
culte de Clotilde », que leurs ancêtres étaient les Gaulois, que ces Gaulois étaient
devenus romains, que la France n’était pas la fille de l’Église et qu’elle n’avait pas
de religion attitrée. Le syntagme Gallo-romain qui s’est imposé en France n’a pas
eu d’équivalent en Afrique du Nord : le néologisme Romano-africains ne fait une
apparition fugitive que deux ans avant la signature des accords d’Évian 63. Il n’y a
donc pas lieu de s’étonner que S. Gsell présente l’intégration de l’Algérie dans la
nation française par sa colonisation comme l’heureux aboutissement d’un destin
dont les origines remontaient à leur appartenance commune à l’Empire romain.
En effet la même réflexion nationaliste qui conduit C. Jullian à valoriser le passé
non romain de la Gaule, l’amène à minorer celui de l’Afrique 64. Il réaffirma son
engagement dans l’introduction qu’il rédigea pour l’ouvrage commémoratif publié
à l’occasion du Centenaire de la prise d’Alger, un événement dont il disait en 1912
qui fut pour la France de délivrer « la Méditerranée occidentale d’une honteuse
tyrannie ». On peut seulement supposer qu’il était du côté des idées défendues
par Maurice Violette sous le gouvernorat duquel les commissions de préparation
avaient débuté plutôt que de celles de son successeur Pierre Bordes acquis aux
idées de l’oligarchie européenne. C’est ce qui ressort des propos qu’il tint en 1931
dans sa préface à l’Histoire de l’Afrique du Nord de C. A. Julien qui fut un militant
anticolonialiste avant de devenir un historien la colonisation. Il y marquait sa
61
62
63
64
S. Rey, Écrire l’histoire ancienne, p. 288
C. Jullian, « L’Ancienneté de l’Idée de Nation. Cours d’Histoire et d’Antiquités
nationales. Leçon d’ouverture faite au Collège de France le 4 décembre 1912, » Paris,
1913. Ch. Goudineau, « Présentation », in C. Jullian C., Histoire de la Gaule, [1920-1926],
réédition 1993.
S. Rey, Écrire l’Histoire ancienne, p. 271.
M. Dondin Peyre, « De la Gaule romaine à l’Africa à la recherche d’un héritage
commun », in Camille Jullian, l’histoire de la Gaule et le nationalisme français, Lyon,
1991, p. 39-49.
208
Philippe Leveau
sympathie pour un historien dont il rappelait qu’il « n’aime pas les impérialismes
et les nationalismes, les manières trop fortes et les opérations coloniales trop
fructueuses et il penche presque toujours à défendre le peuple berbère contre
les conquérants » 65. Trente ans après, la guerre d’Algérie fut perdue par la France,
l’Afrique du Nord retrouva son indépendance dans sa totalité et les Français
d’Algérie gagnèrent la métropole. Comme le rappelait M. Benabou en citant
une phrase de Guizot, « le passé change avec le présent ». Dans ces conditions,
comment n’aurait-il pas été légitime de mettre en doute les schémas utilisés pour
légitimer la colonisation ?
Les indépendances africaines impliquaient la contestation du paradigme
romain et la réintégration du Maghreb dans le continent africain. Son degré a
varié selon la nature de la colonisation : ni la Tunisie ni le Maroc n’ont vu leur
identité niée comme ce fut le cas de l’Algérie à propos de laquelle S. Gsell écrivait :
« L’Algérie ! Un nom que nous avons créé et qui ne devint officiel qu’en 1838 ! Un
morceau découpé arbitrairement à l’époque turque » 66.
C’est dans ce contexte que l’article sur la Tripolitaine et le Sahara où il énonçait
l’hypothèse de la menace que les Sahariens faisaient peser sur la domination
romaine en Afrique retrouve une actualité. Le rapprochement entre les Ifuraces
mentionnés en Tripolitaine par Corippe sous Justinien que S. Gsell empruntait à
E. - F. Gautier 67 est repris par E. Fentress et Wilson dans un article sur « La diaspora
berbère saharienne et les frontières sud de l’Afrique du Nord byzantine », mais cette
fois dans le sens opposé 68. Avec des arguments archéologiques et linguistiques,
ils avancent l’hypothèse d’une conquête du Maghreb par les peuples sahariens.
Mais ceux-ci ne seraient pas ceux que S. Gsell présentait comme d’« incorrigibles
pouilleux, turbulents autant que paresseux » auxquels les Romains avaient
confisqué des terres qu’ils ne savaient pas exploiter. Ils appartiendraient à une
civilisation saharienne avancée qui avait développé une agriculture d’oasis fondée
65
66
67
68
S. Gsell « Préface », in C. A. Julien, Histoire de l’Afrique du Nord, 1931, p. X. Sur
C. A. Julien et ses relations avec S. Gsell, voir J. Cantier. « L’Algérie au regard de
l’histoire : un exemple d’évolution de l’historiographie coloniale », Les cahiers
d’Histoire Immédiate, Groupe de recherche en histoire immédiate, 1994, 6 (6), p. 36.
P.D. Baduel a consacré une étude au cas de J. Dresch, « géographe critique », que
M. Naciri a exclu des « géographes coloniaux » (« Savoirs et pouvoirs à propos de Jean
Dresch », Revue de l’Occident Musulman et de la Méditerranée, 1986, p. 9-26).
S. Gsell, « Préface », in Histoire et historiens de l’Algérie, Alger, 1931, p. 2.
Id., « La Tripolitaine », 1926, p. 164 = Gsell 1981, p. 172.
E. Fentress et A. Wilson, « The Saharan Berber Diaspora and the Southern Frontiers
of Byzantine North Africa », in S. Stevens et J. P. Conant, North Africa under Byzantium
and Early Islam, Washington, 2016, p. 61.
Lectures coloniales et post-coloniales de l’histoire de l’Afrique romaine
209
sur l’exploitation des eaux souterraines par des puits et des galeries creusées dans
les aquifères, les foggaras et que les réseaux commerciaux qu’ils contrôlaient
mettaient en relation avec l’Égypte et le Moyen-Orient.
Philippe Leveau
Professeur émérite à l’Université
d’Aix Marseille, CNRS, CCJ
29 avenue Robert-Schuman
13100 Aix-en-Provence
[email protected].
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1.24.2 Echantillon
Pour les besoins de cette étude, nous avons exclusivement eu recours à notre échantillon de diplômés de Hautes Ecoles de 2011, laissant ainsi de côté près de la moitié de nos sujets potentiels. Ce choix se justifie par le fait que nous disposions d'un ensemble plus complet d'informations concernant cette cohorte de 2011 que nous n'en possédions pour celle de 2012. Par conséquent, privilégier cette dernière, ou travailler à partir des deux, nous aurait privé d'un certain nombre d'analyses possibles. L'affaiblissement de notre effectif total s'est donc fait au profit d'un accroissement de la précision de nos observations. Comme nous l'avons expliqué à plusieurs reprises déjà, les diplômés de 2011 et de 2012 de notre échantillon mère ne diffèrent pas significativement les uns des autres par rapport aux principales variables mobilisées dans le cadre de nos travaux. Pour cette raison, nous ferons exceptionnellement l'économie de la description de notre échantillon avant d'aborder les analyses de cette étude. 1.24.3 Récolte et traitement des données
Les données utilisées dans le cadre de cette étude proviennent de listings que nous ont fourni nos Hautes Ecoles partenaires (listes de diplômés) et l'administration du Ministère de l'enseignement obligatoire (listes d'enseignants comptabilisant moins de 60 mois d'ancienneté pécuniaire). Elles ont été récoltées à plusieurs reprises au cours de notre thèse de doctorat. Les listes de diplômés ont été récupérées en juin et en septembre de chaque année scolaire. Les listes d'enseignants débutants nous ont quant à elles été communiquées par le Ministère en avril et en décembre, pour les années 2010 à 2014. 264 En ce qui concerne le « follow-up » présenté dans l'appendix de cette étude, nos données proviennent de la passation d'un questionnaire électronique, envoyé par email ou administré par téléphone. Conçu à l'aide de Google+, ce formulaire est disponible dans les annexes numériques de cet ouvrage. L'ensemble des données collectées pour cette dernière étude de notre thèse de doctorat ont été traitées de manière descriptive, au moyen d'un tableur (Excel ou Numbers). 1.25 Analyse des résultats 1.25.1 Volet descriptif 1.25.1.1 Diplômés employés dans l'enseignement : vue d'ensemble
Adoptons tout d'abord une perspective globale afin d'examiner les taux d'embauche des diplômés de 2011 à nos quatre temps de mesure. Pour ce faire, nous aurons recours au tableau 51 ainsi qu'à son graphique associé de la page suivante. Au 31 décembre 2011, soit quatre à six mois après l'obtention de leur accréditation à enseigner, 68.90% (N=162) des sujets ayant participé à notre enquête par questionnaires sont en poste dans l'enseignement. Parmi les 235 individus interrogés, 73 (31.10%) sont par conséquent absents du marché du travail enseignant. Au 30 avril 2012, le taux d'embauche passe à 76.20%. Avec 179 diplômés employés dans le système éducatif belge francophone, on en déduit que seuls 56 (23.80%) sont potentiellement en dehors du monde de l'éducation. Au 31 décembre 2012, 180 (76.60%) diplômés de notre cohorte de 2011 disposent d'un poste d'enseignant. A l'inverse, 55 (23.40%) individus manquent encore à l'appel. Enfin, au 30 avril 2013, le taux d'embauche des diplômés de 2011 s'élève à 77.40%. Au total, on compte donc 182 enseignants débutants insérés en emploi à ce quatrième temps de mesure et 53 (22.60%) individus portés disparus sur les 235 sujets constituant notre échantillon.
Travaille Travaille 31 déc 2011 30 avr 2012 31 déc 2012 30 avr 2013 N 162 179 180 182 % 68.90 76.20 76.60 77.40 N 73 56 55 53 % 31.10 23.80 23.40 22.60
Tableau 51. Dipl
ô
més
employés aux
quatre temps
de mesure
Etude 4. Décrypter l'abandon 265
Si on observe la courbe décrivant le taux d'embauche des diplô de nos Hautes Ecoles partenaires (figure 54), on peut conclure à un accroissement de ce taux tout au long des deux premières années d'exercice pour les enseignants débutants détenteurs d'un bachelier professionnalisant. Entre le 31 décembre 2011 et le 30 avril 2013, on assiste à une augmentation totale du nombre de sujets employés dans l'enseignement de 8.50% (N=20). Figure 54. % de diplômés employés aux quatre temps de mesure
Passons à présent à une lecture plus fine de nos données. En effet, s'il apparaît intéressant de dresser un panorama général de l'activité professionnelle des diplômés des Hautes Ecoles pédagogiques, il n'en reste pas moins que ces diplômés sont porteurs de caractéristiques individuelles pouvant influencer leur insertion professionnelle.
1.25.1.2 Diplômés employés par genre
La question du genre est une question qui traverse le monde de l'éducation depuis des décennies. La féminisation du corps enseignant (Beckers, Jaspar & Voos, 2003) nous pousse à nous interroger sur l'employabilité des hommes et des femmes diplômés de la formation initiale organisée par les Hautes Ecoles, et avant cela sur la répartition des genres chez les diplômés des trois sections pédagogiques de notre échantillon. Le tableau 52 ne fait pas mentir la théorie intuitive selon laquelle les sections préscolaire (PS) et primaire (PP) attirent moins la gente masculine que la section AESI. Ainsi, on compte seulement 3.70% et 9.80% de diplômés hommes dans ces deux premières sections, contre 19.20% dans la section AESI. Néanmoins, l'existence de multiples spécialisations au sein de cette 266 dernière section vient relativiser cette situation. Effectivement, sur les dix spécialisations fréquentées par des diplômés de notre cohorte de 2011, seules quatre le sont par des hommes. La majorité d'entre eux sont diplômés AESI en Mathématique (N=8 ; 42.00%) ou en Sciences humaines (N=9 ; 47.40%) ; les deux autres ayant suivi la spécialisation en Sciences économiques (N=1 ; 5.30%) ou Sciences naturelles (N=1 ; 5.30%).
Homme Femme PS PP AESI N 2 8 19 % 3.70 9.80 19.20 N 52 74 80 % 96.30 90.20 80.80 Tableau 52. Diplômés par section et par genre
En l' ce de distinction entre les sections de provenance des diplômés, on observe à la lecture du tableau 53 que les enseignants hommes sont plus nombreux à travailler que leurs collègues du sexe opposé à trois des quatre temps de mesure (1, 2 et 4). Après deux ans d'exercice (30 avril 2013), leur taux d'insertion est de 82.80% contre 76.20% chez les femmes, proportionnellement bien plus représentées dans la cohorte considérée. Cet écart n'est certes pas énorme, mais il mérite d'être relevé. Figure 55. % de diplômés employés par genre
1.25.1.3 Diplômés employés par civilité
Etant donné la jeunesse de notre échantillon de diplômés de 2011, il n'est pas étonnant que la majorité d'entre eux soit légalement considérés comme célibataires au moment de l'obtention de leur certification à l'enseignement (N=230 valide, soit 90.43%). Sans rechercher la moindre liaison statistique entre cette variable de contrôle de notre enquête et le fait que les sujets exercent ou non dans une école à un temps donné, décrivons brièvement leur taux d'embauche en référence à cette information (tableau 54). Toutefois, restons particulièrement prudent. En effet, nous manipulons ici une variable soumise à de nombreuses contingences. Rien ne permet d'affirmer qu'un diplômé célibataire au 31 décembre 2011 l'est toujours un an et demi plus tard ou qu'une autre, cohabitante de fait au temps 1 n'est pas devenue cohabitante légale quelques mois plus tardTout au plus, nous pouvons espérer que les personnes cohabitantes ou mariées sont restées en couple avec leur conjoint. Quelque part, le bon sens scientifique voudrait que nous nous cantonnions à décrire les taux d'embauche au premier temps de mesure de notre dispositif. 268 Au 31 décembre 2011, soit tout au plus six mois après obtention de leur diplôme, nos sujets célibataires sont 69.70% (N=145) à travailler dans une école de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Chez les cohabitants de fait, ce pourcentage atteint 73.30% (N=11). Parmi les quatre cohabitants légaux de notre échantillon de 2011, deux (50.00%) sont employés dans un établissement scolaire à cette date. Enfin, sur les trois diplômés mariés interrogés pour cette cohorte, un seul (33.33%) est en poste au 31 décembre 2011. N'allons pas plus loin dans détail et concentrons-nous plutôt sur les variations de ces taux d'embauche dans le temps, en conservant une distance critique vis-à-vis de nos données ; nos diplômés en couple sont en effet sous-représentés par rapport aux célibataires.
Célibataires Cohabitants de fait 31 déc 2011 30 avr 2012 31 déc 2012 30 avr 2013 N 145 159 163 164 % 69.70 76.40 78.40 78.80 N 11 13 11 10 % 73.30 86.70 73.30 66.70 Cohabitants légaux N 2 1 2 2 % 50.00 25.00 50.00 50.00 Mariés N 1 2 1 2 % 33.33 66.77 33.33 66.77 Tableau 54. Diplômés employés par civilité
A la lecture de la figure 56, on note que l'évolution des taux d'embauche des célibataires est la seule à suivre une courbe croissante entre les quatre temps de mesure. A l'origine 69.70% à être employés dans une école, ils sont 78.80% à exercer dans notre système éducatif deux ans après diplomation. Les cohabitants légaux ne sont jamais plus de 50% à exercer en Belgique francophone, leur trajectoire étant stable si l'on excepte le temps 2. Les courbes des deux autres catégories de sujets sont plus erratiques. Les cohabitants de fait voient leur pourcentage de diplômés employés augmenter entre le temps 1 (73.30%) et le temps 2 (86.70%), avant que celui-ci décroisse jusqu'au 30 avril 2013 (73.30% au temps 2 puis 66.70% au temps 4). Et pour ce qui est des personnes mariées, on observe des variations similaires entre les temps 1 (33.33%) et 2 (66.77%) et les temps 3 (33.33%) et 4 (66.77%), qui s'expliquent bien entendu par la faible représentation de cette catégorie (N total=3).
Etude 4. Décrypter l'abandon 269
Figure 56. % de diplômés employés par civilité
Soyons francs. Connaître la civilité des diplômés à l'orée de leur (potentielle) entrée en fonction n'aide visiblement pas à comprendre leur trajectoire professionnelle si l'on ne peut apprécier l'évolution de ce statut dans le temps et le mettre en rapport avec les décisions des sujets quant à leur recherche d'emploi. Nous restons tout aussi sceptique quant à la connaissance du fait que le conjoint des diplômés en couple au moment de notre enquête travaille. Evidemment, il serait tentant de se servir de cette information pour émettre des hypothèses quant à la nécessité pour eux de chercher un emploi à court terme afin de satisf aux besoins de leur ménage, mais les inconnues sont trop nombreuses pour que nous nous permettions un tel développement. Parmi les 67 couples répertoriés lors de la passation de notre enquête, combien sont encore d'actualité à l'heure où nous écrivons ces lignes? Combien étaient ou se sont installés ces dernières années? Combien bénéficiaient du soutien financier de leur famille et combien devaient déjà s'assumer durant leurs études?
1.25.1.4 Diplômés employés par intitulé du diplôme
Nous avons évoqué brièvement plus haut les différences qui peuvent toucher les sections des Hautes Ecoles quant au taux d'insertion en emploi de leurs diplômés. Intéressons-nous donc plus avant à ces différences, en considérant l'intitulé du diplôme des sujets employés aux quatre temps de mesure (tableau 55). 270 Au 31 décembre 2011, 21 diplômés du préscolaire (PS) ont un poste dans l'enseignement, ce qui correspond à un pourcentage de 38.90% pour cette section. En comparaison, les instituteurs primaires (PP) et les agrégés de l'enseignement secondaire inférieur (AESI) sont proportionnellement bien plus nombreux en exercice puisque leurs taux d'embauche sont respectivement de 76.80% (N= 63) et de 78.80% (N=78). Au 30 avril 2012, l'écart entre les sections s'est déjà fortement réduit. En effet, on compte à ce deuxième temps de mesure 66.70% (N=36) de diplômés PS en emploi, contre 74.40% (N=61) chez les PP et 82.80% (N=82) chez les AESI. Au 31 décembre 2012, la situation professionnelle des diplômés des trois sections pédagogiques interrogées conserve une physionomie semblable à celle du temps de mesure précédent. Les PS sont pour 68.50% (N=37) en poste dans un établissement scolaire, les PP 72.00% (N=59) à travailler et les AESI 84.80% (N=84) en emploi. Au 30 avril 2013, 70.40% (N=38) des diplômés de la section préscolaire sont en fonction, contre 69.50% (N=57) chez les instituteurs primaires et 87.90% (N=87) chez les AESI. Cette analyse nous enseigne que les bacheliers AESI sont proportionnellement plus nombreux à exercer dans l'enseignement que leurs collègues diplômés de la section préscolaire ou primaire, et ce aux quatre temps de mesure ; la différence entre eux et la section primaire est cependant ténue au 31 décembre 2011 (T1). Deux ans après diplomation, les AESI sont environ 17% de plus à être en fonction dans l'enseignement que leurs coll gues du fondamental. Près de neuf diplômés AESI sur dix sont ainsi en poste dans un établissement scolaire. Si l'on se remémore notre étude 1, le fait que les professeurs entrants de cette section présentent un score moyen d'intention de persister statistiquement inférieur à celui des diplômés du fondamental et qu'ils soient davantage représentés dans le profil de professeurs entrants « fuyant », ce résultat peut questionner. Nous y reviendrons lorsque nous aurons une vision plus complète de cette situation.
PS PP AESI 31 déc 2011 30 avr 2012 31 déc 2012 30 avr 2013 N 21 36 37 38 % 38.90 66.70 68.50 70.40 N 63 61 59 57 % 76.80 74.40 72.00 69.50 N 78 82 84 87 % 78.80 82.80 84.80 87.90 Tableau 55. crypter l'abandon
Sur le plan longitudinal, l'évolution des taux d'embauche des diplômés analysée section par section à l'aide de la figure 57 met en lumière une tendance tout à fait intéressante. Alors que les sections AESI et PS voient leur taux de diplômés en emploi augmenter à chaque temps de mesure, la section PP est marquée par une lente décroissance du nombre de ses diplômés en fonction dans une école entre le 31 décembre 2011 et le 30 avril 2013. Les diplômés instituteurs primaires sont effectivement 7.30% de moins à exercer au temps 4 qu'ils ne l'étaient au temps 1. Mais là où l'oeil du chercheur doit s'arrêter, c'est sur le fait que la courbe d'embauche des PS fait place à une spectaculaire augmentation du taux de diplômés en fonction dans une école entre le 31 décembre 2011 (T1) et le 30 avril 2012 (T2), quand les sections PP et AESI n'affichent que des variations réduites (respectivement – 2.40% et + 4.00%. En clair, il semble que l'état du marché du travail enseignant soit moins propice à l'engagement rapide de la relève enseignante du maternel (Delvaux et al., 2013), mais qu'au prix d'une persévérance de quelques mois dans leur recherche d'emploi, cette idiosyncrasie systémique perde en substance jusqu'à aboutir à un équilibre presque parfait entre les taux d'embauche des instituteurs maternels et primaires deux ans après leur diplomation (T4). L'ouverture de nouvelles classes dans le courant de l'année dans l'enseignement maternel n'est probablement pas étrangère à ce phénomène
Figure 57. % de diplômés employés par intitulé du diplôme 272 1.25.1.5 Diplômés AESI employés après deux ans par spécialisation
Comme nous venons de voir, les diplômés de la section AESI ayant participé à notre enquête par questionnaire de 2011 sont, au 30 avril 2013 (T4), proportionnellement plus nombreux en fonction dans une école que les diplômés des sections préscolaire et primaire. Toutefois, ce résultat est un résultat global qui ne nous informe pas quant aux taux d'embauche des AESI en fonction de la spécialisation qu'ils ont suivie en formation initiale. Pour remédier à cette situation, portons notre attention sur la figure 58 qui reprend les pourcentages d'AESI en emploi au 30 avril 2013 pour les 99 diplômés de cette section interrogés. Figure 58. % de diplômés AESI employés après deux ans par spécialisation 1.25.1.6 Diplômés employés par grade académique
Lorsqu'est évoquée la problématique de l'insertion professionnelle des enseignants débutants, c'est très souvent dans la relation que tissent les acteurs éducatifs entre ce processus et l'abandon/persévérance de la relève professorale. Mais retenir les nouveaux enseignants dans le monde de l'éducation n'est pas le seul enjeu de l'entrée en carrière : il nous faut également nous préoccuper de leur efficacité à assurer l'apprentissage des futurs citoyens de notre société. La question de la « qualité » des enseignants est des plus délicates, et nous étendre ici sur ce sujet serait parfaitement hors propos. Néanmoins, on peut raisonnablement s'interroger quant au niveau de performance atteint par les enseignants débutants employés aux quatre temps de mesure considérés, en s'appuyant pour cela sur le grade académique qu'ils ont obtenu au terme de leur formation initiale. Il s'agit là d'une mesure indirecte de leur efficacité, qui présente ses limites, mais nous ne résistons pas à proposer cette analyse au lecteur. Il est un autre indicateur que l'on pourrait utiliser pour apprécier la « qualité » de la relève enseignante, à savoir le 274 fait qu'un sujet ait ou non redoublé au moins une fois durant sa formation initiale en Haute Ecole. Nous reviendrons plus loin sur cette information. Pour rappel, le grade académique associé au diplôme des sujets correspond à un score global reposant sur sa moyenne dans le domaine de sa formation théorique (cours), pratique (stages et ateliers de formation pratique) et réflexive (travail de fin d'études) ; le jury pouvant toutefois attribuer un grade « honor fique » à un étudiant n'étant pas strictement dans les conditions de son obtention). Un score total situé entre 60% et 70% donne accès au grade « Satisfaction » (S), de 71% à 80%, ce grade est celui de « Distinction » (D), entre 81% et 90%, l'étudiant peut espérer un grade de « Grande Distinction » (GD) et s'il dépasse ce seuil, il se voit gratifié de « La Plus Grande Distinction » (LPGD). Le tableau 56 présente la répartition de ces grades parmi les enseignants débutants en fonction entre le 31 décembre 2011 et le 30 avril 2013. Figure 59. % de diplômés employés par grade
1.25.1.7 Diplômés employés ayant redoublé en formation initiale
Intéressons-nous à présent au redoublement en cours de préservice chez nos diplômés. Comme nous l'écrivions plus haut, sauf exception due aux circonstances de la vie (maladie, décès d'un parent, ), on pourrait considérer comme plus efficace un diplômé n'ayant jamais redoublé en formation initiale par rapport à l'un de ses collègues qui aurait recommencé au moins une année de préservice du fait d'un échec dans des cours théoriques, en stage, ou encore dans le cadre de son travail de fin d'études. Tout d'abord, rappelons qu'au sein de notre échantillon de répondants pour 2011, près d'un quart (23.17% ; N=54) déclarent avoir redoublé au moins une année au cours de leur formation initiale pédagogique. S'il ne nous appartient pas d'avancer quelle que piste explicative quant à cette constatation, signalons qu'il s'agit là d'une proportion cohérente avec la réalité des Hautes Ecoles (p.104). Passons à la lecture du tableau 57. On peut y lire que quel que soit le moment de référence choisi pour examiner les taux d'embauche, les sujets ayant redoublé au 276 moins une fois au cours de leur préservice sont systématiquement plus nombreux à être employés dans un établissement scolaire de la Fédération WallonieBruxelles que leurs collègues dont le parcours de formation n'a été entaché par aucun échec. Si l'écart se réduit au temps 4 (76.00% de débutants n'ayant jamais redoublé contre 83.30% pour ceux ayant recommencé au moins une année), il est assez marqué aux autres temps de mesure, et plus particulièrement au temps 2 où 24.00% séparent les deux groupes.
r 2012 31 déc 2012 30 avr 2013 N 115 126 131 136 % 64.20 70.40 73.20 76.00 N 45 51 47 45 % 83.30 94.40 87.00 83.30
Tableau 57. Diplômés employés ayant redoublé en formation initiale
Il est difficile de proposer une interprétation concernant la trajectoire professionnelle de nos diplômés selon qu'ils ont ou non redoublé durant leur préservice. On remarquera toutefois à partir de la figure 60 que ceux ayant complété leur préparation sans échec sont chaque année plus nombreux à enseigner dans notre système éducatif ; à terme, ils sont 11.80% de plus à exercer en Fédération WallonieBruxelles. Figure 60. % de diplômés employés ayant redoublé en formation initiale
Etude 4. Décrypter l'abandon
L'une des difficultés auxquelles les Hautes Ecoles pédagogiques sont confrontées et qui complexifie la tâche des formateurs provient du fait que les étudiants s'y inscrivant ont des backgrounds contrastés. Ainsi, si certains d'entre eux sont issus de l'enseignement secondaire de transition (général et technique de transition), d'autres ont réalisé ou achevé leurs études secondaires dans l'enseignement de qualification (technique de qualification et professionnel). Dans sa mission d'assurer à tous des chances égales d'émancipation sociale, l'Ecole matérialisée dans l'enseignement obligatoire et son prolongement que sont les études supérieures semble dans une certaine mesure remplir son contrat. En effet, les diplômés instituteurs préscolaires, primaires et agrégés de l'enseignement secondaire inférieur des Hautes Ecoles interrogés n'ont pas tous fréquenté l'enseignement secondaire de transition. En observant la répartition des diplômés en emploi au 31 décembre 2011 (tableau 58), on pourrait trop vite conclure à une influence, non pas de la filière d'enseignement secondaire de provenance des diplômés, mais de la forme d'enseignement qu'ils ont fréquenté. Clairement, à ce temps de mesure, les enseignants débutants ayant suivi leurs études dans l'enseignement secondaire général sont proportionnellement plus nombreux à être en poste dans un établissement scolaire (75.00% contre 57.70% pour ceux du technique de transition, 51.40% pour ceux du technique de qualification et 50% pour ceux du professionnel). Mais lorsqu'on pousse l'analyse plus loin que l'on analyse la fluctuation des taux d'embauche dans le temps (figure 61), dès le 30 avril 2012, la situation tend à s'équilibrer entre les formes d'enseignement. Au quatrième temps de mesure, les débutants provenant de l'enseignement secondaire général ne sont plus les enseignants les plus employés dans nos écoles. Les deux seuls diplômés issus du secondaire professionnel ayant réussi à compléter avec succès leurs études pédagogiques étant en fonction au 30 avril 2013, leur taux d'embauche culmine à 100%. Les novices ayant terminé leurs études secondaires dans l'enseignement technique de qualification sont en termes de pourcentages autant insérés en emploi que ceux issus de l'enseignement secondaire général (respectivement 78.40% contre 78.00%). En apparence, ce sont les diplômés provenant de l'enseignement secondaire technique de transition qui sont un peu moins représentés dans nos écoles que leurs collègues, avec un taux d'embauche plafonnant à 69.20% dès le 30 avril 2012. Tout comme l'analyse du taux d'embauche selon le grade des diplômés doit être considérée avec précaution, observer les variations de celui-ci selon leur forme d'enseignement secondaire de provenance doit suivre le même principe.
G TT TQ P 31 déc 2011 30 avr 2012 31 déc 2012 30 avr 2013 N 126 130 132 131 % 75.00 77.40 78.60 78.00 N 15 18 17 18 % 57.70 69.20 65.40 69.20 N 19 27 27 29 % 51.40 73.00 73.00 78.40 N 1 2 2 2 % 50.00 100.00 100.00 100.00
Tableau 58. Diplômés employés par forme d'enseignement secondaire
Figure 61. % de diplômés employés par forme d'enseignement secondaire
La question que l'on peut se poser, c'est si l'hypothétique masterisation de la formation initiale pédagogique en Belgique francophone ne viendra pas changer la donne quant à l'origine scolaire (et socio-culturelle) des candidats à l'inscription dans les sections préscolaire, primaire et AESI des futures structures de préservice des enseignants. En réalité, derrière cette question s'en cache une autre : la formation initiale pédagogique veut-elle continuer d'attirer un tel public? Sur cette toile de fond, et au regard des informations dont nous disposons Etude 4. Décrypter l'abandon 279 sur les diplômés des Hautes Ecoles pédagogiques de 2011 ayant répondu à notre enquête, nous pouvons apporter un élément de connaissance, cette fois objectif, quant au profil de la relève enseignante. Une lecture rapide du tableau 59 mettant en correspondance le grade académique obtenu par les diplômés à la fin de leur formation initiale pédagogique et la forme d'enseignement secondaire qu'ils ont fréquentée permet déjà de mettre en évidence le fait que les deux enseignants gratifiés de La Plus Grande Distinction proviennent de l'enseignement secondaire général. A côté de ces deux diplômés qui constituent l' élite académique des Hautes Ecoles participantes pour 2011, les autres enseignants débutants ayant fréquenté l'enseignement secondaire général sont néanmoins proportionnellement plus nombreux à avoir obtenu le grade de Satisfaction (44.00%) ou de Distinction (38.10%) qu'une Grande Distinction (16.70%). Concernant ce dernier grade académique, il faut signaler qu'il a été attribué à davantage de diplômés de notre échantillon ayant terminé leurs études dans l'enseignement technique de transition (19.20% soit 5 étudiants sur 26 répondants à notre enquête) qu'à ceux issus de l'enseignement secondaire général (16.70% soit 28 étudiants sur 168). Parmi les diplômés provenant de l'enseignement secondaire technique de qualification, seuls 3 sur 37 (soit 8.20%) ont reçu une Grande Distinction au terme de leur formation initiale. Aucun n'a atteint ce grade, ni celui de La Plus Grande Distinction dans ceux issus de l'enseignement secondaire professionnel. Pour refermer ce point, spécifions que la répartition des grades de Distinction et de Satisfaction est parfaitement équivalente entre les diplômés ayant fréquenté le secondaire qualifiant : 17 (45.90%) ont obtenu une Distinction et 17 une Satisfaction pour ceux du technique de qualification, quand les deux diplômés issus de l'enseignement secondaire professionnel ont chacun reçu l'un ou l'autre de ces grades.
G TT TQ P LPGD GD D S Total N 2 28 64 74 168 % 1.20 16.70 38.10 44.00 100.00 N 0 5 9 12 26 % 0.00 19.20 34.60 46.20 100.00 N 0 3 17 17 37 % 0.00 8.20 45.90 45.90 100.00 N 0 0 1 1 2 % 0.00 0.00 50.00 50.00 100.00
Tableau 59. Forme d'enseignement secondaire VS grade académique FI des diplômés 280
S'il fallait donner sens à ces résultats, nous dirions que la méthode de travail acquise par les étudiants du secondaire de transition, et principalement du général, les prépare probablement plus que les étudiants du qualifiant aux exigences de l'enseignement supérieur ; quand bien même la performance finale en formation initiale pédagogique ne repose pas exclusivement sur la maîtrise de savoirs, mais sur leur intégration dans une pratique (stages) réflexive (travail de fin d'études). Notons toutefois qu'un élève achevant ses études secondaires dans l'enseignement technique de qualification ou professionnel n'y a pas nécessairement réalisé l'entièreté de son parcours. Un étudiant ayant suivi une formation dans la filière de transition jusqu'au dernier degré de l'enseignement secondaire avant de er ses études dans le qualifiant quelle qu'en soit la raison (échec ; réorientation volontaire liée au projet professionnel ; ) ne présente en effet pas le même profil qu'un autre ayant fréquenté cette filière tout au long de sa scolarité secondaire avant de s'inscrire en formation initiale pédagogique. Nos données ne permettant pas d'établir cette distinction, nous restons prudent quant à leur interprétation. En croisant à présent la forme d'enseignement dans laquelle les diplômés de 2011 ont achevé leurs études secondaires avec l'intitulé de leur diplôme pédagogique (tableau 60), un nouvel élément de réflexion vient à apparaître : existerait-il un lien entre le background scolaire des enseignants diplômés des Hautes Ecoles et la section dans laquelle ils ont choisi de réaliser leur préservice? En d'autres termes, retrouve-t-on, par exemple, davantage d'élèves de l'enseignement secondaire général chez les diplômés AESI que chez les instituteurs préscolaires? A l'évidence, et pour ce qui est de la cohorte de diplômés de 2011, il faut répondre positivement à cette question. A l'oeil nu, force est de constater que les ex-élèves du secondaire général sont proportionnellement plus nombreux à sortir diplômés de la section AESI que de la section PS ; la différence entre AESI et PP n'étant pas particulièrement importante. La tendance est assez similaire pour les étudiants issus de la forme technique de transition, avec un équilibre renversé pour ce qui est des sections PP et AESI. A contrario, la section PS diplôme incontestablement plus d'enseignants ayant effectué leurs études secondaires dans l'enseignement technique de qualification ou dans l'enseignement professionnel. En fait, si l'on considère non plus les quatre formes d'enseignement secondaire, mais les filières dont proviennent les diplômés de chaque section des Hautes Ecoles (tableau 61), un test d'équipartition devient envisageable (auparavant les cases afférentes à la forme d'enseignement professionnel comptaient moins de cinq sujets et contrindiquaient donc l'usage d'un Chi2). Il ressort de ce test que la distribution des di- de deux filières d'enseignement secondaire considérées (transition VS qualifiant) n'est pas équivalente (Chi2 = 27.07 ; ddl = 2 ; α <.001), et que notre précédente hypothèse se confirme : on retrouve proportionnellement davantage de diplômés de la section préscolaire issus de l'enseignement qualifiant (53.80%) que d'instituteurs primaires (17.90%) ou d'AESI (28.20%). A l'inverse, ces deux dernières sections diplôment plus d'ex-élèves du secondaire de transition (respectivement 38.60% et 45.40%) que la section PS (16.00%).
PS PP AESI N 24 65 79 % 14.30 38.70 47.00 N 7 10 9 % 26.90 38.50 34.60 N 19 7 11 % 51.40 18.90 29.70 N 2 0 0 % 100.00 0.00 0.00 G TT TQ P Tableau 60. Forme d'enseignement secondaire VS intitulé du diplôme des diplômés Transition Qualification PS PP AESI Total N 31 75 88 194 % 16.00 38.60 45.40 100.00 N 21 7 11 39 % 53.80 17.90 28.20 100.00
Tableau 61. Filière d'enseignement secondaire VS intitulé du diplôme des diplômés
Nous le constatons, la profession enseignante est actuellement attirante pour un certain nombre d'élèves provenant du secondaire qualifiant qui, s'ils performent à terme moins que ceux de l'enseignement secondaire de transition (tableau 59), et sont plus représentés dans la section PS (tableau 60), parviennent bel et bien à décrocher et valoriser leur diplôme en s'insérant en emploi (tableau 58 et figure 61). Mais quelles différences existent dans les faits entre ces deux publics? Quelles sont leurs forces et faiblesses respectifs? Notre étude ne permet en aucun cas de se prononcer sur ces questions. Nos observations contextualisées ont pour seule ambition de mettre sur la table ces interrogations fondamentales que sont celles de l'attractivité de la carrière enseignante et de l'orientation/sélection des candidats à la formation initiale pédagogique. Nous sommes en ce qui nous con- 282 cerne convaincu que la profession doit pouvoir représenter un choix professionnel positif pour tous les élèves de l'enseignement secondaire, et ce y compris son élite académique. Mais pour assurer le meilleur enseignement possible à tous nos enfants, qui eux-mêmes portent des caractéristiques contrastées, ne devrions-nous pas nous garder de standardiser nos enseignants sur un modèle socio-culturel déconnecté des populations fragilisées de notre société? Pour faire une nouvelle fois le lien avec la masterisation de la formation initiale pédagogique, par rapport à laquelle nous nous positionnons favorablement, ne faut-il pas craindre qu'elle nous prive d'enseignants dont la richesse réside dans leur aptitude à entrer en relation avec ce type de population, et ainsi à les accompagner dans leur tentative d'ascension sociale à travers l'institution Ecole? Les élèves issus de l'enseignement technique et professionnel pourront-ils encore se projeter dans la carrière une fois cette réforme mise en application, ou se tourneront-ils vers un objectif qu'ils percevront peut-être comme plus à leur portée, car jugé moins ambitieux sur le plan académique? Nous restons face à ces interrogations auxquelles les sociologues seront bien plus à même que nous de répondre d'ici quelques années
1.25
.
1.9 Diplômés employés par profils de professeurs entrants
Avant de refermer cette lecture descriptive de la trajectoire professionnelle de nos diplômés de 2011, nous nous devons d'intégrer à cette analyse l'un des éléments transversaux de cette thèse, à savoir le profil de professeur entrant des sujets. La question fondamentale que nous pourrions nous poser serait la suivante : l'appartenance d'un enseignant débutant à une catégorie particulière de professeur entrant, lorsqu'il était en fin de formation initiale permet-elle d'inférer sur son parcours d'insertion en emploi? Cantonnons-nous donc à notre position descriptive, et reformulons cette question en conséquence : observe-t-on des taux d'emba uche similaire chez les enseignants débutants en fonction de leur ancien profil de professeur entrant? Dans la lignée de nos précédentes analyses descriptives, demandons-nous également si l'évolution de ces taux d'embauche entre les quatre temps de mesure est comparable selon lesdits profils. En posant nos yeux sur le tableau 62, on est frappé par le fait qu'un profil se détache clairement des trois autres. Ce profil, c'est celui des fuyants. Souvenezvous, les fuyants sont ces professeurs entrants montrant un faible investissement dans/de la profession et déclarant avoir moins que leurs collègues l'intention d'y persister (étude 1). Les enseignants débutants ex- fuyants, qui ne sont toutefois que huit au sein de la cohorte de 2011, sont moins insérés en emploi que les débu- Etude des autres profils. Au 30 avril 2013, cinq d'entre eux travaillent (62.50%), ce qui fait de cette catégorie de professeurs entrants la moins employées dans notre système éducatif deux ans après diplomation. Entre les autres profils, les différences de taux d'embauche sont plus faibles, ceux-ci oscillant globalement entre 70 et 80%. Néanmoins, il faut noter que les ex- hésitants sont proportionnellement moins nombreux à exercer dans un établissement scolaire de la Fédération Wallonie-Bruxelles que les ex- bonnes recrues ou les anciens membres de la relève idéale à tous nos temps de mesure. A nouveau, nous devons rappeler que les porteurs du profil hésitant scorent en moyenne systématiquement plus bas que les bonnes recrues et la relève idéale aux échelles d'intention de persister et de « Teaching Commitment » utilisées dans notre enquête par questionnaires.
Bonnes recrues 31 déc 2011 30 avr 2012 31 déc 2012 30 avr 2013 N 67 77 74 77 % 71.30 81.90 78.70 81.90 Relève idéale N 46 51 54 53 % 68.70 76.10 80.60 79.10 Hésitants N 45 44 48 46 % 70.30 68.80 75.00 71.90 N 3 5 4 5 % 37.50 62.50 50.00 62.50 Fuyants
Tableau 62. Diplômés employés par profils de professeurs entrants
Le détail de l'évolution des taux d'embauche par profils de professeurs entrants nous est donné par la figure 62. On y découvre une légère augmentation chez les ex- bonnes recrues et l'ex- relève idéale aux quatre temps de mesure. Les ex- bonnes recrues entament leur trajectoire à 71.30% et gagnent environ 10% de taux d'embauche entre le 31 décembre 2011 et le 30 avril 2012. Ils affichent ensuite une faible baisse au 31 décembre 2012 et achèvent leur parcours en rétablissant leur pourcentage du temps 2 au temps 4, c'est-à-dire 81.90%. L'ex- relève ale montre une progression relativement constante entre le temps 1 (68.70%) et le temps 3 (80.60%), avant de terminer sur un taux d'embauche légèrement plus faible au 30 avril 2013 (79.10%). L'amplitude de la fluctuation du taux d'embauche des ex- hésitants ne dépasse pas 6.20% (T2 vs T3). La tendance de leur courbe est à la stabilité, même si celle-ci passe par de faibles hausses et diminutions. Partant de 70.30% de diplômés en emploi au 31 décembre 2011, les exhésitants rejoignent un taux final de 71.90%. Enfin, les ex- fuyants présentent la courbe la plus erratique ; influencée par le faible effectif total de ce profil. Figure 62. % de diplômés employés par profils de professeurs entrants
Quel sens donner à ces résultats? Tout d'abord, il semble qu'en termes de taux d'embauche, les enseignants débutants ex- bonnes recrues et ex- relève idéale puissent être considérés dans une méta-catégorie. Sur le plan de l'insertion en emploi – et strictement sur celui-là –, il apparaît en effet peu pertinent de les différencier tant leurs courbes s'entrelacent au cours de leurs deux premières années d'exercice. Ensuite, et c'est là que se révèle le véritable intérêt de notre typologie (étude 1), nos constats concernant les ex- professeurs entrants hésitants et fuyants doivent pousser à la réflexion. Pourquoi ces enseignants débutants moins investis dans la profession et davantage dans le doute quant à leur intention d'y persister, alors qu'ils étaient au terme de leur préservice, sont-ils moins en fonction dans nos écoles que leurs collègues? Deux hypothèses explicatives nous viennent à l'esprit. La première est qu'en raison de leur « Teaching Commitment » plus faible et de leur plus grande indécision quant à la réalisation d'un projet professionnel dans l'enseignement, ceux-ci sont moins assidus que leurs collègues dans leur recherche d'un poste d'enseignant ou plus ouverts à des propositions de travail dans d'autres secteurs que le milieu scolaire une fois diplômés. La deuxième piste explicative renvoie à l'opportunité qu'ont les étudiants des Hautes Ecoles pédagogiques belges francophones de poursuivre leur forma- Etude 4. Décrypter l'abandon 285 tion initiale à travers la réalisation d'un Master en Sciences de l'éducation à l'Université. On pourrait ainsi défendre que les professeurs entrants fuyants déclarent une plus faible intention de persister dans la profession du fait de leur projet de passerelle à l'Université, et qu'ils se trouvent effectivement être moins employés dans nos écoles du fait de la mise en application de celui-ci. Cependant, nous verrons plus loin que cette hypothèse ne résiste pas à une analyse plus poussée de nos résultats en ce qui concerne ce dernier profil de professeurs entrants. 1.25.2 Volet interprétatif 1.25.2.1 Un panel de situations
Afin de mieux comprendre les différences qui peuvent exister entre les trajectoires professionnelles des diplômés des Hautes Ecoles associées à nos recherches, intéressons-nous cette fois, non plus à leur profil en fin de formation initiale (étude 1), mais à leur niveau d'insertion en emploi mesuré deux ans après l'obtention de leur diplôme pédagogique. Pour ce faire, recourons au tableau 63, qui vient approfondir les informations dont nous disposons déjà quant à l'entrée en exercice des sujets de notre échantillon diplômés en juin et septembre 2011. Dans ce tableau, le temps 1 (T1) correspond comme précédemment à la situation professionnelle desdits diplômés au 31 décembre 2011. Le temps 2 (T2) à cette même situation au 30 avril 2012. Le temps 3 (T3) se rapporte à l'état d'embauche des diplômés au 31 décembre 2012. Quant au temps 4 (T4), il est relatif au 30 avril 2013. Au sein de ces quatre colonnes, un « 1 » signifie que l'individu travaille dans un établissement scolaire en tant qu'enseignant au temps de mesure observé, et un « 0 » qu'il n'est embauché dans aucune école de la Fédération Wallonie-Bruxelles audit moment. Bien entendu, cette donnée factuelle ne renseigne absolument pas sur la qualité de l'insertion des sujets, uniquement sur le fait qu'ils sont en activité dans un établissement scolaire et donc en situation d'insertion en emploi ; première étape du processus d'entrée en carrière selon Mukamurera et al. (2013). Cependant, l'attention portée à la dimension subjective de l'insertion professionnelle tout au long de cet ouvrage à travers nos précédentes études rend à ce stade parfaitement acceptable et pertinent l'adoption de ce nouvel angle d'approche du phénomène de décroch précoce des enseignants débutants. Un « taux d'activité » est calculé en fonction des quatre temps de mesure précités, et associé à un « niveau d'insertion ». Un débutant employé dans un établissement scolaire en tant qu'enseignant à chacun de ces moments est considéré en 286 raison de sa pleine activité (100%) en parfaite insertion. A son exact opposé, on retrouve des diplômés n'ayant peut-être jamais exercé dans l'enseignement (0%), que nous jugeons en fuite. Dans l'intervalle se situent des individus aux situations professionnelles plus contrastées, allant de 25% à 75% de taux d'activité dans l'enseignement. Ces situations sont catégorisées comme des situations d'insertion satisfaisante (75%), d'instabilité professionnelle (50%) ou de danger de décrochage (25%). Chaque qualificatif laisse entrevoir un début d'interprétation quant à la situation professionnelle des diplômés. Certaines de ces situations semblent ainsi plus « tenables » que d'autres, et qu'à taux d'activité égal, deux individus ne partagent pas forcément des situations d'insertion en emploi identiques.
T1 T2 T3 T4 1 1 1 1 100% 75% Niveau d'insertion N % Parfaite insertion 130 55.32 Insertion satisfaisante 39 16.60 0 1 1 1 75% 19 1 0 1 1 75% 8 1 1 0 1 75% 6 1 1 1 0 75% 6 50% Instabilité professionnelle 29 0 0 1 1 50% 15 1 1 0 0 50% 8 0 1 0 1 50% 4 0 1 1 0 50% 2 1 0 0 1 50% 0 1 0 1 0 50% 0 25% Danger de décrochage 8 1 0 0 0 25% 4 0 1 0 0 25% 4 0 0 1 0 25% 0 0 0 0 1 25% 0 0 0 0 0 0% Fuite 29 12.30 3.40 12.34
Tableau 63. Situations d'insertion en emploi deux ans après diplomation
Examinons les niveaux d'insertion synthétisant les multiples situations professionnelles décrites dans le tableau ci-dessus en partant de la situation (théoriquement) idéale pour aller vers les cas plus délicats.
Etude 4. Décrypter l'abandon 287 - La « parfaite » insertion
Les enseignants débutants considérés comme en situation de parfaite insertion travaillaient aux quatre temps de mesure considérés. Au plus tard, les diplômés concernés par cette catégorie ont donc été engagés dans une école environ six mois après l'obtention de leur diplôme (diplômés de juin 2011), et au plus tôt quatre mois après certification (diplômés de septembre 2011). Pour certains, le recrutement s'est effectué dès septembre. Pour d'autres, la révision du nombre d'inscrits dans les écoles et donc de capital-périodes (ou NTPP) octroyables, qui a lieu au 1er octobre de l'année scolaire en cours (Beckers et al., 2003), a dû jouer ; pour le préscolaire, deux autres comptages sont réalisés après les vacances de fin d'année et de printemps (ibid.). Tous ces enseignants débutants engagés dans un établissement scolaire au 31 décembre 2011 étaient encore en fonction, dans leur premier poste ou dans un autre, au 30 avril 2012. L'année scolaire suivante, ils étaient à nouveau repris sur les listes des enseignants en poste en Fédération Wallonie-Bruxelles au 31 décembre 2012, puis au 30 avril 2013. Ceci laisse à penser que leur stabilisation dans la profession est en bonne voie, même si un excès d'optimisme à ce sujet est à exclure en raison de notre mode de calcul de l'ancienneté statutaire ; mode qui retarde la nomination des débutants. De plus, on peut déplorer que seule la moitié des sujets de notre échantillon de diplômés de juin/septembre 2011 soient en parfaite insertion (N=130 ; 55.32%) ; ce qui, toutes proportions gardées, s'avère relativement cohérent avec les observations de Delvaux et al. (2013) pour ce public spécifique issu des Hautes Ecoles. Cet état de fait trahit une nouvelle fois la précarité de l'insertion professionnelle en enseignement sur le plan de l'emploi (Mukamurera et al., 2013).
- L'insertion satisfaisante
Au contraire des débutants en situation de parfaite insertion, ceux dont on peut qualifier l'entrée de carrière de satisfaisante n'exerçaient pas à chacun des temps de mesure retenus. Derrière un taux d'activité de 75%, les cas de ces diplômés diffèrent. Pour certains novices accrédités à enseigner en juin 2011, l'attente du premier emploi aura duré six mois tout au plus (N=20), quand d'autres auront peut-être dû patienter dix mois pour obtenir une désignation (N=19), sans possibilité de toucher le chômage en raison du stage d'attente (rebaptisé « stage d'insertion professionnelle ») de douze mois imposé par la législation belge. Parmi ces cas intermédiaires d'insertion satisfaisante, on retrouve une situation où des diplômés ont exercé aux trois premiers temps de mesure, mais 288 n'avaient aucune affectation au dernier, c'est-à-dire au 30 avril 2013 (N=6). Nous jugeons cette situation dangereuse dans le sens où elle en un signal négatif aux débutants confiants jusqu'alors dans la stabilité professionnelle relative que pouvait leur apporter l'enseignement. Cette déception d'ordre subjectif peut également être renforcée par un élément d'ordre objectif, à savoir la pression financière découlant de la contraction d'un emprunt hypothécaire à rembourser pour les jeunes enseignants en phase d'émancipation vis-à-vis de leurs parents ; ou encore confrontés au remboursement d'un prêt lié à l'achat d'un véhicule rendu indispensable par leurs déplacements professionnels. Pour ne pas nous étendre sur l'ensemble des autres configurations possibles, signalons simplement que 39 sujets (16.60%) de notre échantillon de diplômés de 2011 sont repris dans cette catégorie d'insertion satisfaisante, dont les conséquences semblent pouvoir être plutôt positives (0 1 1 1 ; 1 0 1 1) ou, à l'inverse, potentiellement déstabilisantes (1 1 0 1 ; 1 1 1 0).
- L'instabilité professionnelle
Moins les débutants travaillent durant leurs deux premières années d'insertion théorique en emploi, plus les risques de décrochage « alimentaire » s'accroissent pour des raisons purement financières. La déception des attentes de stabilité professionnelle que peuvent nourrir les novices à qui l'on a parfois explicitement – et aveuglément – promis le plein emploi au moment de faire le choix de la formation initiale pédagogique ajoute à la noirceur de ce tableau peu flatteur pour la profession. Prenons l'exemple d'un diplômé de juin 2011 s'étant réjoui d'avoir trouvé un emploi dans une école au début de l'année scolaire 2011-2012. Quel ne sera pas son désarroi si cet intérim est suivi au mieux de périodes d'inactivité professionnelle ponctuelle (1 0 1 0 ; N=0) ou au pire d'une année scolaire entière de chômage (1 1 0 0 ; N=8)? L'un de ses collègues aura quant à lui peut-être dû attendre les premiers mois de 2012 pour décrocher un emploi, avant de devoir faire face au chômage à la rentrée de septembre jusqu'à février, mars ou avril 2013 (0 1 0 1 ; N= 4). Un autre aura exercé d'avril à décembre 2012, après plusieurs mois de recherche d'emploi, avant de se retrouver sans ressource financière provenant de l'enseignement au cours de la fin d'année scolaire 2013 (0 1 1 0 ; N=2). Parfois, il faudra même une année scolaire entière à un débutant pour s'insérer en emploi, si on écarte l'hypothèse d'une inscription dans un cursus complémentaire d'un an mené à terme (comme une spécialisation en psychomotricité par exemple), ou un échec dans une tentative de poursuite d'études à l'université dans le domaine pédagogique ou non (0 0 1 1 ; N=15).
Etude 4. Concrètement, seuls 29 sujets (12.30%) de notre échantillon de diplômés de juin/septembre 2011 sont rapportés en situation d'instabilité professionnelle, mais peut-on malgré cela négliger l'effet ô combien négatif produit par l'impossibilité d'exercer pleinement ses fonctions au cours de son insertion sur l'attachement des novices à la profession? « Chat échaudé craint l'eau froide » nous rappelle le vieil adage, et l'on ne saurait dès lors sous-estimer l'effet de cette précarité professionnelle – révélée par l'irrégularité de leurs contrats – sur la persévérance des débutants. A l'inverse, il faut espérer que des débuts difficiles laissant place à une meilleure stabilité puisse guérir leurs blessures et combler leurs besoins
. - Le danger de décrochage
Parmi les multiples situations professionnelles délicates qui pourraient inciter les enseignants qu'elles touchent au décrochage économique, seule une apparaît à nos yeux comme potentiellement salvatrice pour leur rétention dans le système éducatif : 0 0 0 1. Malheureusement, aucun diplômé de 2011 n'est dans ce cas. En postulant qu'il soit suivi d'une stabilisation immédiate et durable en emploi pour les années scolaires suivantes, ce raccrochage tardif ne balaierait cependant pas nécessairement le manque de confiance acquis des sujets dans la capacité de l'enseignement à leur assurer une stabilité professionnelle satisfaisante. A ce sujet, on peut émettre l'hypothèse qu'un individu ayant persisté à chercher un emploi d'enseignant pendant près de deux ans (de juin 2011 à avril 2013) sera probablement enclin à persévérer dans sa tentative de stabilisation en carrière pour des raisons conatives intrinsèques. A côté de cette situation fictive qui pourrait, à renfort de positivité, sembler moins grave pour le système éducatif, on en retrouve d'autres qui s'avèrent selon nous beaucoup plus lourdes de conséquences pour celui-ci. Trois d'entre elles nous apparaissent comme des invitations du système au décrochage, si bien sûr celles-ci ne sont pas créées par les novices (0 0 1 0, N= 0 ; 0 1 0 0, N= 4 et 1 0 0 0, N= 4). Honnêtement, confronté à ce type de circonstances professionnelles, l'on pourrait difficilement reprocher à un débutant d'élargir ses recherches d'emploi afin qu'il puisse s'assurer un moyen de subsistance décent. Fort heureusement, on ne compte que 8 sujets (3.40%) de notre échantillon de diplômés de juin/septembre 2011 dans ces cas de figure. Laissons provisoirement le cas de la « fuite » de côté pour tenter d'approcher plus globalement les réalités multiples qui peuvent se cacher derrière l'absence d'un enseignant diplômé du système éducatif.
1.25.2.2 Des absences aux réalités multiples
Le fait qu'un débutant ne soit pas employé dans une école à un moment donné de son processus d'insertion professionnelle en emploi ne peut être traduit comme un abandon pur et simple de l'enseignement. Par ailleurs, quand bien même cette absence se révélerait être synonyme d'abandon de la carrière, nul n'étant devin, rien ne permet d'affirmer que cet abandon sera définitif, comme le laissent entendre Gibson & Hunt (1965). Le travail que nous réalisons ci-après a précisément pour fin de mettre à mort cette conception erronée de l' « abandon », largement répandue et renforcée par l'opacité des chiffres du décrochage précoce agités tous azimuts par les médias, les politiques, parfois même par les chercheurs eux-mêmes. Pour traiter cette question que l'on pourrait rapprocher d'une forme de profilage – non plus des individus, mais de leurs conditions professionnelles –, nous aurons recours à une catégorisation en « situations d'absence ». Cette catégorisation continue de s'appuyer sur les différents taux et niveaux d'insertion repris dans le tableau 63.
- Le chômage temporaire et le décrochage provisoire
L'un des cas particulier brièvement abordé plus haut retient tout d'abord notre attention dans cette tentative de mise au jour des différentes situations d' « abandon » de l'enseignement. Il s'agit du cas 1 0 0 1, renvoyant au fait qu'un diplômé de juin/septembre 2011 soit en emploi au 31 décembre de la même année, puis absent du système éducatif jusqu'au 30 avril 2013. En effet, si l'on peut traduire cette situation comme révélatrice d'une instabilité professionnelle subie par le débutant, on peut également l'envisager sous un autre angle : un abandon provisoire volontaire de la carrière. Bien qu'il s'agisse là d'une interprétation qui nous laisse perplexe, dans l'absolu, celle-ci est aussi valide que l'hypothèse de chômage temporaire précédemment avancée ; ou encore que celle de la contraction d'une maladie incapacitante. En réalité, les novices présentant une trajectoire professionnelle à court terme marquée par une absence passagère de poste dans une école peuvent donc être considérés, soit comme des victimes de la précarité du marché de l'emploi en enseignement ou des contingences de la vie, soit comme des reprenants (Gibson & Hunt, 1965) activement responsables de leur décrochage temporaire. Quelle que soit la justification de cette absence passagère, nous ne pouvons nous résoudre à la qualifier d'« abandon ». Quoi qu'il en soit, aucun débutant de notre échantillon n'est en fait concerné par cette situation particulière (1 0 0 1), ce qui nous fait croire à sa marginalité.
Etude 4. Décrypter l'abandon 291 - La fuite Au-
delà du fait qu'
on
ne peut con
fondre les décrochages provisoires et définitifs des enseignants débutants
,
nous
pensons que le cas 0 0 0 0 ne peut être exclusivement rattaché à un abandon de la profession. Notre opinion s'appuie sur la variété de causes à l'origine de l'absence totale des 29 débutants (12.34%) de notre échantillon de diplômés de juin/septembre 2011 aux quatre temps de mesure de notre dispositif d'analyse. Peut-on effectivement qualifier d'abandon le cas d'un diplômé ayant fait le choix de parfaire immédiatement sa formation pédagogique de trois ans à travers la réalisation d'un Master en Sciences de l'éducation – ou dans un domaine connexe tel que la Psychologie – à l'Université? De même, qu'en est-il des individus qui ont choisi de s'inscrire après obtention de leur diplôme dans un programme de spécialisation en orthopédagogie ou en psychomotricité? Ajoutons à cela que des passerelles existent dans certaines institutions de formation initiale pédagogique pour que des diplômés instituteurs préscolaires puissent élargir leur champ de compétences en décrochant, moyennant une année supplémentaire de formation, leur diplôme d'instituteur primaire. Tous ces cas de figure peuvent expliquer la situation 0 0 0 0, et écartent donc définitivement sa dénomination exclusive sous le vocable d'« abandon ». Nous lui préférons de notre côté le terme de fuite. La reprise d'études dans un domaine tout autre que l'enseignement après diplomation représente selon nous un cas limite. Nous le qualifierions de fuite du fait que les individus concernés n'ont a priori jamais cherché à se confronter à la réalité de la profession et qu'ils ne peuvent donc, logiquement, l'avoir abandonnée. Néanmoins, il s'agit tout de même d'un départ (probablement) volontaire, ce qui porte à confusion. Il est à noter qu'un cas particulier de fuite peut également s'appliquer à la situation 1 1 0 0 : la poursuite d'études pédagogiques après quelques mois d'exercice (l'absence des enseignants débutants au 31 décembre 2012 s'expliquant alors tout simplement par leur présence dans les listes d'étudiants des Universités ou d'autres institutions de formation). Suite à l'analyse des trajectoires individuelles des huit sujets de notre échantillon de diplômés de 2011 en configuration 1 1 0 0, nous pouvons en conclure que seuls deux sont dans cette situation. Par conséquent, et d'après les informations dont nous disposons, les six autres doivent être repris dans la catégorie d'absence que nous décrivons ci-dessous.
292 - L'abandon pur et simple de l'enseignement
S'il est des situations qui méritent d'être appelées abandon pur et simple de l'enseignement au regard des données présentement mobilisées, ce sont bien les situations 1 0 0 0 (N= 4) et 0 1 0 0 (N= 4) et 1 1 0 0 (N= 8-2 en poursuite d'études en Sciences de l'éducation à l'UMons = 6). En décrochant un contrat dans les six premiers mois suivant l'obtention de leur diplôme, les quatre débutants de notre échantillon concernés par la première espéraient probablement pour la plupart pouvoir se stabiliser en carrière à plus ou moins court terme. Force est de constater que leurs espoirs ont été déçus, ou qu'ils ont finalement choisi l'un des autres chemins professionnels qui s'offraient à eux après une première expérience (au moins) dans l'enseignement. L'un d'eux a fait ce choix, puisqu'après avoir été reporté comme exerçant dans une école au 31 décembre 2011, nous le retrouvons dans les listes d'inscrits en année préparatoire au Master en Sciences de l'éducation à l'Université de Mons ; portant définitivement à trois abandons purs et simples associés à la configuration 1 0 0 0. L'un des quatre diplômés dans la deuxième situation d'absence (0 1 0 0) est également dans ce cas. En clair, sur les huit individus (3.40% des 235 diplômés de 2011) identifiés comme étant en danger de décrochage du fait de leur taux d'activité dans l'enseignement de 25% (cf. supra), six seulement sont véritablement concernés par cette situation. Quant à l'absence des six diplômés en situation d'instabilité professionnelle n'étant pas en poursuite d'étude en Science de l'éducation (cf. supra) – et qui se trouvent dans la situation 1 1 0 0 – nous pensons que celle-ci peut raisonnablement être assimilée à un abandon pur et simple de la carrière. Il est évident que l'on peut imaginer qu'après un an à un an et demi d'inactivité dans le monde de l'enseignement, certains débutants ayant eu une première expérience d'insertion en emploi persévéreront malgré tout dans leur choix de carrière et finiront par retrouver un poste dans une école. Néanmoins, nous pensons qu'à mesure que le temps s'écoule depuis la première désignation, les chances qu'un individu conserve une intention de persister dans l'enseignement élevée en dépit de difficultés sérieuses d'embauche s'amenuisent. Cette forme de résilience professionnelle frôlerait d'ailleurs l'obstination. Arrive un stade où tout un chacun doit pouvoir s'assumer financièrement. L'âge moyen de notre échantillon de diplômés de juin/septembre 2011 (21 ans et huit mois) laissant supposer que la majorité d'entre eux peuvent compter sur le soutien de leurs parents sur ce plan, peut-être est-ce davantage le désir d'indépendance plutôt que le besoin alimentaire qui pousse certains novices désenchantés à quitter pré- Etude 4. Décrypter l'abandon 293 cocement la profession au profit d'un emploi moins précaire. Notons que le manque de ressources financières limite non seulement les perspectives d'émancipation des jeunes enseignants, mais également leur possibilité d'acquérir un véhicule personnel souvent indispensable à leur mobilité professionnelle ; qui pour rappel est assez caractéristique des débuts en enseignement (Beckers et al., 2007). Enfin, l'impossibilité de cumul de l'ancienneté de fonction entre les différents réseaux du système éducatif belge francophone, qui e la nomination des novices et donc leur stabilisation professionnelle, n'est certainement pas étrangère au phénomène d'abandon pur et simple de la profession. Ce ne sont là que quelques pistes d'explications alternatives à celles développées dans cet ouvrage en lien avec l'attachement psychologique des diplômés à la profession, et qui n'excluent par ailleurs en aucun cas les hypothèses explicatives du décrochage enseignant mobilisant les variables afférentes aux conditions d'emploi, d'exercice, et de socialisation des novices dans les établissements scolaires
. - Des cas particuliers
Quelques cas particuliers peuvent être envisagés au regard de nos données. Bien qu'ils soient à notre humble avis assez rares, relevons-les par souci d'exhaustivité. 1.26 Discussion
Nous avons plusieurs fois évoqué le cas d'enseignants débutants en poursuite d'études, et plus particulièrement en Master en Sciences de l'éducation puisqu'il s'agit quelque part là d'une éventuelle suite logique de leur formation initiale pédagogique. L'ensemble de nos diplômés de 2011 étant belges et ayant effectué leurs études dans une Haute Ecole située en Hainaut (Tournai, Mons, Leuze-enHainaut), il y a fort à parier que ceux qui ont fait ce choix se sont tournés vers l'Université de Mons pour le réaliser. Les listes d'étudiants inscrits en année préparatoire et en Master en Sciences de l'éducation à l'UMons nous étant accessibles puisque nous appartenons à cette même institution, nous avons pu actuali- 294 ser les statistiques d'embauche des diplômés de notre échantillon de 2011 en excluant ceux en poursuite d'études pédagogiques à l'Université. Bien entendu, il n'est pas impossible qu'un étudiant soit mal classé en raison d'une inscription dans une autre Université belge, mais ce cas est peu probable selon nous ; et nous ne pouvions de toute manière avoir accès à cette information. Le tableau 64 propose donc une mise à jour des taux d'embauche des enseignants de notre échantillon diplômés en 2011, avec ou sans inclusion des individus en poursuite d'études à l'UMons, et dans la perspective longitudinale adoptée précédemment. A sa lecture, on constate que le pourcentage de diplômés employés à chacun des quatre temps de mesure est systématiquement plus élevé lorsqu'on extrait du calcul l'erreur due à l'inclusion des individus en poursuite d'études pédagogiques à l'UMons. Au 30 avril 2013, la sous-estimation du d'embauche est de 2.80%. Au regard de ce résultat, on peut avancer de manière plus fiable que le pourcentage de diplômés de 2011 des Hautes Ecoles ayant participé à notre enquête à être en emploi deux ans après obtention de leur diplôme est d'environ 80% (N=182). Avec A.P.M. Sc Ed Sans A.P.M. Sc Ed 31 déc 2011
30 avr 2012 31 déc 2012 30 avr 2013 N 162 179 180 182 % 68.90 76.20 76.60 77.40 N 160 177 180 182 % 70.50 78.00 79.30 80.20
Tableau 64. Diplômés employés avant/après extraction des poursuites d'études
Que soient ou non inclus les diplômés en poursuite d'études en Sciences de l'éducation dans l'équation, les courbes d'embauche décrites par la figure 63 laissent entrevoir l'accroissement du pourcentage d'enseignants débutants employés dans notre système éducatif au fil de nos quatre temps de mesure. Figure 63. % de diplômés employés avant/après extraction des poursuites d'études
Une autre précision que nous pouvons apporter concerne le grade académique des diplômés des Hautes Ecoles ayant fait le choix de poursuivre leurs études à travers un Master en Sciences de l'éducation à l'Université de Mons. La question que nous pouvons nous poser à ce sujet est la suivante : quels enseignants les écoles de nos enfants perdent-elles, peut-être définitivement, du fait de la modification du projet professionnel de ces enseignants nouvellement formés? Nous pouvons répondre partiellement à cette interrogation en ce qui concerne notre échantillon de 2011. En effet, si nous n'avons aucune idée de leurs qualités en tant qu'êtres humains, de leurs valeurs pédagogiques, de leurs compétences relationnelles, nous disposons d'informations concernant leur niveau de performance en fin de formation initiale, à propos de leur sentiment d'auto-efficacité ou encore en rapport à leur attachement psychologique à la profession enseignante ; ces deux dernières variables étant rapportées alors qu'ils étaient professeurs entrants (cf. étude 1). Le tableau 65 (p.297) dépeint le portrait des dix diplômés de 2011 (4.25% de l'échantillon) ayant décidé de parfaire leur formation à l'Université de Mons. A l'heure actuelle, nous ne pouvons présager de leur réussite dans cette entreprise, tout juste constater leur présence dans la liste des inscrits en année préparatoire au Master en Sciences de l'éducation (année académique 2011-2012 ou 2012-2013). Parmi ces diplômés en poursuite d'études pédagogiques, on compte neuf femmes 296 pour un homme ; la surprise n'est pas grande étant donné la faible représentation masculine au sein de l'échantillon. La majorité des étudiants en année pré paratoire à l'UMons sont des institutrices primaires (7 sur 10). En ce qui concerne les autres, on note deux AESI et seulement une institutrice préscolaire. Aucun des dix enseignants/étudiants n'a obtenu un grade inférieur à la « Distinction » à la fin de son préservice en Haute Ecole. Cinq ont reçu ce grade, quatre une « Grande Distinction », et une s'est vu gratifiée de « La Plus Grande Distinction ». Aucun n'a redoublé durant sa formation. En moyenne, le sentiment d'auto-efficacité de ces enseignants/étudiants s'élève à 7.07/9. Sachant qu'au sein de l'échantillon total de 2011 (N=235), la moyenne de cette variable était de 7.22, on peut tirer la conclusion, qu'à part peut-être le sujet 8, ces enseignants « poursuivants » ne portaient pas au moment de leur diplomation un sentiment d'efficacité personnelle sensiblement différents de celui des autres diplômés (t =.59 α =.56 NS). Il en va de même en ce qui concerne leur « Teaching Commitment » (TC), puisque celui-ci s'élève en moyenne pour ces dix diplômés en poursuite d'études à 8.40/10, contre 8.74 dans notre échantillon global (t =.97 ; α =.33 NS). Dans ce tableau, nous avons également intégré le profil de professeur entrant des sujets, calculé alors qu'ils étaient en fin de formation initiale (cf. étude 1). Grâce à cette dernière information, on peut définitivement écarter l'hypothèse précédemment avancée que les ex- fuyants (F) seraient moins en emploi que leurs collègues en raison de leur poursuite d'études pédagogiques à l'Université, puisqu'aucun des étudiants de l'UMons repris ci-dessous ne présentait ce profil de professeur entrant. En ce qui concerne les hésitants (H), la situation est en revanche tout autre. En effet, cinq diplômés de 2011 rapportés comme hésitants en fin de préservice s'étant inscrits dans ce projet de prolongement de leur formation pédagogique sur un total de 64 diplômés porteurs de ce profil, on peut imputer une part de la différence constatée entre le taux d'embauche des débutants de ce profil et ceux des bonnes recrues et de la relève idéale à ce choix. Moyennant un calcul assez simple, et dans l'hypothèse où ces cinq diplômés n'auraient pas décidé de parfaire leur formation initiale à l'Université et qu'ils seraient en exercice au 30 avril 2013, on obtient un taux d'embauche ajusté de 79.67% pour les ex- hésitants de notre cohorte de 2011 (contre 71.90% si l'on inclut les cinq « poursuivants » dans le calcul ; cf. supra). La différence peut paraître ténue, et est parfaitement hypothétique puisqu'on ne peut assurer que ces cinq diplômés se seraient effectivement insérés en emploi dans l'enseignement, mais elle invite à relativiser l'écart constaté précédemment entre les taux d'embauche des ex- hésitants et de l'ex- relève idéale (RI). En procédant de la même façon, on peut effectivement mettre au jour que cette dernière Etude 4.
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L'aléa s' app récie p ar r appo rt à l' év énement qui décl ench e la g ar antie d e l'assur eur et peut porter soit sur la réalisation même de cet événem ent, soit sur sa date de surven anc e (assu ran ce en cas de décès). En conséquen ce, l'incidence d'une prédisposition sur le car actè re al éatoir e du contrat d'assu ran ce vari e en fonction de l'évén ement g aranti par le cont rat. 774. Ainsi, lorsque le contr at co uvr e la mal adie pour laqu elle l a personne est prédispos ée, la maladie qui décl ench e la gar antie rest e incert aine. En eff et, quand bien même indique-t- elle un risqu e élev é de contracter la mal adie, la pr édisposition ne perm et de pr évoir ave c c ertitud e ni la surv enan ce d e la maladie et du d écès, ni, a fortiori, le moment de leur réalisation 1160. Cette an alyse est confo rtée par la jurisp rud ence rendue à propos d es maladi es évolutives. La Cour de cassation décide, en eff et, que le contrat, qui couvr e l'invalidité d'u n assur é prov enant d'une m aladie surv enu e apr ès l' entrée en vigu eu r du contrat, reste al éatoi re, même si la maladie a un e origine antérieu re à la conclusion du contr at 1161. En effet, l'événem en t garanti, c'est -à-dire la surv en anc e de la mal adie, n' est « ni cert ain dans s a réalis ation, ni déterminable d ans son étendu e » 1162 au moment de la formation du cont rat. 775. En rev anch e, la solution ser ait dif fér ente si la personn e pr édisposée entend ait s'assur er contr e le risque d'êtr e porteur d'un e prédisposition génétiqu e et non pas seulement contr e celui de la maladie liée à une prédisposition. Dans ce cas, le contrat d'assu ran ce dev rait être fr app é de nullité pour défaut d'aléa, puisque le risque serait ré alisé au moment de la formati on du contrat 1163. Néanmoins, le pronon cé de la nullité r ester ait subordonné à la conn aissan ce par la personne de sa prédisposition au moment de la conclusion du contrat. En effet, la jurisprudence semble avoir abandonn é une conception objectiv e de l'incertitud e en 1160 F. EW AL D e t J -P MORE AU, Gé nét i que mé di cal e, c onf i de nti al i té e t assuranc e, da ns, E t hi que et gé né ti que humai ne, Ac t e s du 2 e Symposi um du Conse i l de l 'E urope sur la Bi oé t hi que, Le s é d. du Consei l de l 'E urope, 1994, p. 155, spéc. p. 159 ; é ga le me nt da ns R i sque s 1994, n° 18, p. 111, spéc. p. 115 ; H. GUAY, B. -M. KNOPPE RS e t I. PANISSE T, La gé né t i que dans l e s domai ne s de l 'assuranc e et de l 'e mpl oi, Re v ue du B arre au (Qué be c ), T ome 52, n° 2, a vri l -j
ui n 1992, p. 185, spéc. 207. 1161 Ca ss. c i v. 1 r e, 15 nove mbre 1989, R GA T 1990. 170, not e L. Ayne s. 1162 Ca ss. c i v. 1 r e, 8 j ui ll e t 1994, R GA T 1994. 1089, not e J. Kull ma nn, D. 1995. 217, not e S. Porc hy ; Ca ss. c i v. 1 r e, 30 j a nvi e r 1996, R GDA 1996. 399, not e J. Kul l ma nn. 1163 Ca ss. c i v. En dehors de l'hypothèse margin ale où la personn e qui, connaissant sa prédisposition g énétiqu e, che rch er ait à s'assu rer contr e le risqu e d' êtr e prédispos ée, l'exist ence d'une p rédispositi on laisse subsister l'incertitud e de la maladie ou du d écès. En cons équen ce, l'int erdiction f aite à l 'assu reu r de connaît re la prédisposition de la personne est sans incidence sur l'al éa nécess aire à la formation du cont rat d' assurance. Encor e f aut-il que la réalisation de l' évén ement ne soit pas soumise à la volonté exclusive de la personne prédispos ée car, à défaut, l'aléa ser ait supprimé en cours de co ntrat.
B) L'inciden ce de la volonté exclusive de l'ass uré dans la réalisation du risque de prédisposition 777.
Un
contr at
ne peut êtr e
qualifi
é
d' alé
atoire q ue si l'aléa, en co nsidér ation duquel il a ét é con clu, ne s e trouv e pas soum
is exclusivem
ent
à l
a volont
é
arbitr air e des parti es 1166. L'exigence de l'abs ence de suppression de l'aléa par la « potestativité ex clusive » 1167 de l' assur é expli que l'interdiction faite à l' assur eur de r épondr e tant « d es pertes et dommag es p roven ant d'un e f aute int entionnell e ou dolosive de l'assu ré » (article L.113-1 alinéa 2 du Code des assurances) 1168, que du suicide conscient et volontai re d e l' assur é d ans l'assu ran ce en cas d e décès, à tout 1164 Ca ss. c i v. 1 r e, 18 j a nvi e r 1989, R GA T 1989.309, not e J. Bi got ; Ca ss. ci v. 1 r e, 12 fé vri
e r 1991, R GA T 1991
. 363. 1165 P. -H. CHIAPPORI, R i sque e t assuranc e, Domi nos Fl a mma ri on, 1996, p. 101. 1166 CA Pa ri s, 15 fé vrie r 1957, J CP 1958. II. 10418, not e D. B. 1167 J. BIGOT, A ssuranc e s de re sponsabi l i t é : l es l i mi t e s du ri sque assurabl e, R GAT 1978. 169, spéc. p. 170 1168 Ca ss. c i v. 1 r e 15 j a nvi e r 1985, B ul l. ci v. I, n°20, p. 20. 343 le moins, lorsque ce suicide intervient, selon l'arti cle L.132-7 du Code des assur ances, « aux cours de la pr emiè
r
e ann ée
du contrat » 1169. 778. S'il peut être craint qu' une personn e prédisp osée s' expose volont air ement aux facteu rs extérieu rs provoqu ant la maladi e ou le décès, la qualifi cation d'un tel comportem ent en faut e intentionnelle dépend de la conception r etenu e de cett e derniè re notion. 779. Dans une acception extensive, la faute intentionnelle serait celle par laquelle l 'aut eur a pris volontai rement un risque et a accepté l' éventu alité du préjudic e 1170. La personne pr édisposée qui, connaissant sa pr édisposition et les fact eurs ext érieu rs décl ench ants, déciderai t consciemment de s'exposer à ces dernie rs, commettr ait, alors, une faut e i ntentionnelle. N éanmoins, une t elle conception de la faut e intentionnelle, par ce qu'elle co nduit à assimiler la faut e intentionnelle à la f aute lou rde 1171 ou inex cusabl e, a été aband onnée pa r la jurisprudence en 1974 1172. 780. Depuis lors, la Cou r de cassation s' en tient à une con ception r estrictiv e de la faute intentionnelle en exigeant que l'ass uré ait voulu non seulement l'action ou l'omission génér atri ce du dommage, mais aus si le dommage lui-même 1173. S'il ne suffit plus que l' assu ré ait voulu cr éer le risq ue de m aladi e ou de décès, il est nécess air e que l' assur eur, à qui inco mbe la charge d e la pr euv e de la f aut e 1169 Al ors que l e dé l ai d'e xcl usi on lé ga l e du sui c ide é t ai t, na guè re, de de ux a ns, la l oi n° 98-546 du 2 j ui l le t 1998 l 'a ré dui t à un a n. Pour une c rit i que de c e t te l oi : G. COURT IE U,
Chroni
que
d
'hume
ur
. Un
suic i de rat é
ou l orsque l e l é gi sl at e ur se t i re une bal l e dans l e pi e d, Gaz. P al Ve ndre di 8, Sa me di 9 j a nvie r 1999, p. 2. 1170 Ca ss. c i v. 1 r e, 10 fé vrie r 1972, D. 1972. 709, note J. -L. Aube rt ; J CP 1972. I. 17201, note M. Da got ; R GA T 1973. 34 ; Ca ss. c i v. 1 r e, 20 févri e r 1973, B ul l. c iv. I, n°66, p. 62 ; R GA T 1973. 523, note A. B ; R TDC 1974. 414, obs. G. Durry ; J. GHE ST IN, La f aut e i nt e nt i onne l le du not ai re dans l 'e x éc ut i on de se s obl i gat i ons c ont ract ue ll e s e t l 'assuranc e de re sponsabi l i t é, D. 1974. 31. 1171 G. BRIE RE DE L 'ISL E, La f aute prof e ssi onne l l e. (A propos de l 'assuranc e de la re sponsabi l i t é c iv i le prof e ssi onne ll e ), D. 1973. 259 ; G. DURRY, obs. pré c ; J. FL OUR e t J. -L. AUBE RT, Le s obli gat i ons. Le f ait j uri di que, T ome II, Arma nd Coli n, 8 e é d. 1999, n° 106, p. 101-102 ; H., L. et J. MAZE AUD e t F. CHABAS, Le ç ons de droi t c i vi l. Le s obl i gat i ons, t hé ori e gé né rale, Mont c hre st ie n, 9 e é d. pa r F. Cha ba s 1998, n°446, p. 453. 1172 Ca ss. c i v. 1 r e, 7 j ui n 1974, B ul l. c iv. I, n°168, p. 147 ; R TDC 1975. 120, obs. G. Durry ; R GA T. 1975. 213, not e A. B. ; Ca ss. c i v. 1 r e, 12 j ui n 1974, B ul l. ci v. I, n°181, p. 156 ; D. 1975. 173, J. -L. Aube rt ; R GA T 1975. 213, not e A. B ; R TDC, préc. 1173 Ca ss. c i v. 1 r e, 25 ma rs e t 7 ma i 1980, D. 1981.21, not e G. Briè re de l 'Isl e ; Ca ss. ci v. 1 r e, 17 dé ce mbre 1991, R GA T 1992. 364, note J. Kul l ma nn ; G. B
RIE RE DE L 'ISLE, « La f aut e i nte nt i onnel l e, ou c e nt f oi s sur l e mé tie r » (Ré f le x i ons à propos d'un arrê t : Ci v. 1 r e, 17 dé c. 1991, Wi nt e rt hur c / Tournai re e t aut re s), D. 1993. 75 ; Ca ss. ci v. 1 r e, 28 a vri l 1993, R GA T 1994. 235, not e Ph. Ré my ; Ca ss. ci v. 1 r e, 10 a vri l 1996, R GDA 1996. 716, not e J. Kul l ma nn ; Ca ss. Appar aît alors un p roblèm e de p reuv e de cet te conn aissan ce par l' assur é. En eff et, pour établir que l'assu ré prédispo sé a voulu le dommage en s'exposant aux fact eurs extérieu rs, l'assureur devr a nécessair ement prouv er, au préal able, que l'assur é av ait connaiss ance de sa pr édisposi tion génétique. Or, s'il lui est interdit de demand er à l'assu ré les r ésultats d'un e étude gén étique au moment de la formation du contr at, pourra-t -il, une fois que le risque s'est réalisé, obtenir du médecin d e l'assu ré un certi ficat rel atant que l'assu ré avait conn aissan ce d e sa prédisposition gén étique, sans que cela const itue une violation du secret médical? 782. La Cour de cassation a défini les contours du secret médical. Dans un arr êt du 9 juin 1993, elle a, ainsi, permis à l'assu reu r d e produi re un certificat médical, établi par le médecin traitant de l'assuré décédé qui faisait état d'un traitement médical, malgré l'o pposition de la veuve d e l' assur é. En eff et, cett e opposition visait non pas à faire « respe cter un intérêt légitime », mais à éliminer « un élément de pr euve cont rai re à ses p réten tions » 1176. En rev anch e, le 12 j anvier 1999, la Cour de cassation jug eait qu e, violait l e secr et médi cal, le méd ecin -cons eil qui, même autoris é par la v euve d e l' assur é à demand er des r ens eignements confid entiel s au médecin tr aitant d e l'assu ré, remett ait à l'assur eur la lettr e dans laqu elle le méde cin traitant rel atait les antécéd ents pathologiques et traitem ents de l'assur é 1177. Les espèces ayant donn é lieu à ces deux ar rêts intér essai ent des hypothès es où l'assur eur cont estait la véracité des répons es de l'assuré au questionnai re de santé, 1174 Ca ss. c i v. 1 r e, 22 oc t obre 1996, B ul l. c i v. I, n°359, p. 252 ; R GDA 1997. 224, J. Kul l ma nn, R CA 1997. c omm. 35. 1175 J. BIGOT, not e sous Ca ss. ci v. 1 r e, 17 e t 10 dé c
e mbre 1991, R GA T 1992. 366, spé c. p. 367. 1176 Ca ss. c i v. 1 r e, 9 j uin 1993, B ul l. c i v. I, n°214, p. 149 ; R GA T 1993. 856, note A. Fa vreRoc he x ; R CA 1993. c omm. 348 ; M. -A. PE ANO, Le sec re t mé di c al e t l e s e xi ge nce s de l a pre uv e e n mati è re d'assuranc e, R CA. 1993. c hr. 34 ; J. -P. MORE AU, Se c re t mé di c al e t assuranc e : un mal ai se qu'i l i mport e de di ssi pe r, R i sque s n° 18, 1994. 183. 1177 Ca ss. c i v. 1 r e, 12 j a nvie r 1999, J CP 1999. II. 10025, ra pport P. Sa rgos ; D. 1999. 676 ; D. 1999. somm. 381, obs. J. Pe nne a u ; G. COURT IE U, Sec re t mé di c al : « se c re t -dé f e nse » ou « se c ret de poli c hi ne l l e »?, R CA 1999.c hr. 13 ; G. DURRY, Se c re t mé dic al e t pre uv e d'une f ausse déc l arat i on du ri sque, R i sque s n° 39, 1999. 120 ; B. BE IGNIE R, Se c re t mé di c al e t assuranc e s de pe rsonne s, D. 1999. 469. 345 rempli lors de l a con clusion du contrat, et non, comme dans le cas qui nou s intéress e, la pr euve de la faut e intention nelle de l 'assu
ré. Mais l es solutions dégag ées p ar les d eux a rr êts ont vocation à s'appliqu er quell e que soit la n ature d u litige opposant l'assu ré à son assu reu r. 783. auteurs Ces dernières solutions ont néanmoins pu appar aîtr e, pour certains 1178, inconciliables car alors que l'ar rêt d u 9 juin 1993 autorisait l'assur eur à produir e un certific at obtenu auprès du médecin traitant de l'assu ré, l'ar rêt du 12 janvier 1999 le lui interdis ait. Or, sauf à paralys er la possibilité pour l'assur eur de disposer de moyens d e preuv e lui permettant d e fair e valoir son dr oit 1179, l'arrêt du 12 janvier 1999 doit être concili é av ec celui du 9 juin 1993. Le peut-il? Une réponse affi rmative p eut être d onnée en s 'intéress ant aux cir constances d es esp èces. Ainsi, il ressort de l'analys e de ces ar rêts, q ui peuvent êtr e con ciliés, que sont posées deux co nditions à la levée du secret médical. D'une p art, la lettre ou le certi ficat, remis à l'assur eur p ar le méd ecin -cons eil, ne doivent conte nir que d es indications b anal es sans rév éler le gen re ou les caus es de la maladie do nt peut êt re att eint l'assu ré 1181. Ainsi, le certifi cat, qui ferait état de l a prédisposition génétiqu e de l'assu ré et donc des causes de l'aff ection, ne saurait être tr ansmis par l e médecin- conseil à son m andant, sauf à pro céd er d'un e violation de secr et médical 1182. Il semble néanmoins que le médecin -cons eil pourr ait remettr e 1178 G. COURT IE U, pré c. ; G. DURRY, pré c. ; c ont ra, B. BE IGNIE R, pré c., pour qui l a vi ola t i on du se c re t mé di ca l pa r l e mé de ci nc onse i l proc é da it de ce qu'i l « s'é ta i t a bst e nu d'a na l yse r l e s i nforma t i ons t ra nsmi se s pa r l e mé de ci n t ra i ta nt e t l e s a va i t l i vrée s pure me nt e t si mpl e me nt à l 'a ssure ur », al ors qu'i l ne de vai t à l 'a s sure ur « qu'un a vi s et non une t ransmi ssi on de doc ume nt s », spéc.
p. 471. 1179 Pour une t e l le i nte rpré ta t i on, G. DURRY, pré c., spé c. p. 121. Ce t a ut e ur propose, a fin de sort i r de l 'i mpa sse à la que ll e l a sol uti on du 12 j a nvi e r 1999 c ondui t, de ré uni r une c ommi ssi on où se ra ie nt re pré se nt é s t ous le s i nt é re ssé s, l a que l l e se ra i t c ha rgé e « de pré pa re r un te xt e qui, t out e n pre na nt e n c ompt e l e droi t fonda me nta l du re spec t du sec re t mé di c a l, c ha que foi s qu'e st e n que sti on le respe c t de l 'i ndi vi du, sa ura it fai re l a pa rt d'a ut re s i nté rê t s é ga le me nt lé gi ti me s».
1180 R apport de l a Cour de c assat i on, 1993, Doc. Fra nç a i se 1994, p. 331. 1181 T GI Pa ri s, 18 dé ce mbre 1989, R GA T 1991. 140, not e J. Bi got (c ommuni c a t i on pa r le mé de c i n t ra i ta nt à un e xpe rt j udic i ai re de te l l e s informa t i ons mé di c a le s sur l 'a ssuré ). 1182 Ca ss. c i v. 1 r e, 6 j a nvie r 1998, B ul l. c iv. I, n°3, p. 2 ; Dossi e r j uri di que
e t te c hni que de l 'A rgus, 27 fé vri e r 1998, p. VII, not e G. D. 346 à l'assur eur un r apport 1183 qui, sans reproduir e le contenu du certifi cat ou de la lettre du médecin trait ant de l'ass uré, indiquer ait que l'assu ré sav ait que l'exposition aux f act eurs ext éri eurs pouv ait provoquer le dommage. Si l'assureur parvient à établir la faute intentionnelle, dans son élément subjectif, en p rouvant qu e la personne p rédis posée, cons cient e de sa pr édisposition, a recherch é la surv enan ce du risque en s'exp osant aux f act eurs ext éri eurs, il devr a, en outre, démontrer qu'un tel comport ement de l'assur é devait provoqu er objectivem ent des cons équen ces dommag eables inéluctables. 786. Ne r épond pas à cet élément obj ectif d e la faute int entionnell e l'attitude de la p ersonn e qui, même si elle accroît l a prob abilité d e r éalisation du risqu e, n'entr aîne pas une suppr ession radicale de l'aléa en laissant subsister une incertitud e dans la su rven ance de l'év én ement 1185. En conséqu ence, la f aute intentionnelle ne pour rait êtr e reten ue que d ans l'hypothès e où la conjonction entre la prédisp osition et les f act eurs extérieu rs provoquerait avec certitude l e sinistre. Cette certitude n 'ét ant néanmoins pas confir mée en l 'ét at actu el de l a science 1186, il semble donc ex clu de r econn aîtr e que la p ersonn e prédispos ée, qui s'ex poserait consci emment aux f act eurs ext éri eurs déclen chant la mal adie, commettr ait une f aut e intentionnelle d estruct rice de l'al éa du cont r at d'assu ran ce. 787. Ainsi, l'interdiction fait e à l'assur eur de sél ectionn er les risques liés à la prédisposition de l'assu ré laisse subsister l'aléa du contrat d' assur ance, puisque ce risque gén étique est un évén ement dont la r éalisation ne peut pas d épend re de la volonté exclusive de la perso nne prédispo sée. Sa légitimité ne peut donc être contestée au reg ard du caractère aléatoir e du contrat d'assur ance. Pourrait- elle
1183 P
. SARGOS
, ra pport sur Ca ss. c i v. 1 r e, 12 ja nvie r 1999, pré c. R apport de l a
Cour
de
c assat i on, 1993, préc
..
1185 J. BIGOT, not e sous Ca ss. c i v. 1 r e, 17 et 10 dé ce mbre 1991, R GA T 1992. 367. 1186 Ai nsi, da ns l e ca s d'une pré di sposi t i on monogéni que a u ca nc e r du sei n e t de l 'ovai re, l 'INSE RM a souha i té que de s é t ude s a na l ysant l e s i nt e rac t i ons e nt re le s fa c te urs de ri sque s gé nét i que s e t non gé né t i que s soi e nt e nt re pri se s : R i sque s hé ré dit ai re s de c anc e rs du se i n et de l 'ov ai re. Que l l e pri se e n c harge?, L e s é d. INSE RM 1998, p. 619. 1184 347 l'êtr e au regard de la technique de l'opérati on d'assurance qui tend, au contraire, par une g estion collectiv e des risqu es, à être anti-al éatoi re? 2 e de l'interdiction sur but anti-aléatoire de l'opéra tion d'assurance L'aléa, qui introduit une chance de gain ou de perte pour chacune des parties au cont rat d'ass uranc e, ne doit pas atteindr e l'équilibr e des comptes de la société d' assur an ce 1187. En effet, en s'assur ant, la personne r ech er che une s écu rité qui, pour lui être garantie, oblige l'assur eu r à rendre son opér ation anti-al éatoir e afin de pou voir f air e face à ses engag ements lorsque le risque d e l'assu ré s e réalise. Pour connaît re l'in ciden ce d e l'interdiction, faite à l'assu reu r de s électionner l es risques liés aux pr édispositions gén étiques, sur le but anti- aléatoir e de l' opération d'assu ran ce, il convi ent donc, au pr éal able, d'étudier la t echniqu e d' assur an ce p ar laquelle s 'opère un e « comp ensation d es ef fets du hasar d par l a mutualité o rganis ée suivant les lois de la statistique » 1188. 789. Compensation des effets du has ard, l'ass urance, même si elle ne f ait pas disparaît re le risque de ch aque individu, per met à l'individu de ne pas en supporter seul les effets en rép artissant la perte liée à la réalisation du risque sur l'ensembl e des assur és. Cette compensation des eff ets du hasard est obtenu e par la mutualisation de risques nomb reux, dispers és et homogènes. 790. La mutualisation des risques consiste à m ettre en commun une multitude de risques a fin que l'ens emble des primes vers ées par chacun des assur és puisse régle r l'intég ralité d es sinistres arriv és à cer tains d'entr e eux. Plus la mutualité des assur és est nombreuse, moins la charge des sinistres est sensible pour cette mutualité 1189. L'assur ance est l'institution du contrat social 1190, une technique de la solidarité expliquant que l e premi er gest e de l'assur eur n' est pas d' exclu re mais d e rassembl er les assu rés 1191.
1187 P. PE T AUT ON, L'opé rati on d'assuranc e : dé f ini t i ons e t pri nc i pe s, da ns, E ncy c l opé die de l 'A ssuranc e, di r. F. E wa l d e t J. -H. L ore nz i, Ec onomi c a, 1997, p. 427, spé c., p. 434 e t s. 1188 A. CHAUFT ON, Le s assu ranc e s, l e ur passé, l eur pré se nt, l e ur ave ni r, t ome 1, Pa ris, 1884, p. 216. 1189 M. PICARD e t A. BE SSON, Le s assuranc e s te rre st re s, t ome 1, Le c ont rat d'assuranc e, L GDJ, 5 e é d. 1982, n°10, p.19 ; Y. L AMBE RT -FAIVRE, Droi t de s assuranc e s, Da l l oz, 10 e é d. 1998, n° 39-1, p. 38. 1190 F. E W AL D, L'E t at prov i de nc e, Gra sse t, 1986, p. 25 ; é ga le me nt, La soc i été assuranc i e l l e, R i sque s n° 1, 1990, p. 5. 1191 F. E W AL D e t J. -P. MORE AU, Gé né ti que mé di cal e, c onf i de nt i al i t é et assuranc e, da ns, E t hi que e t gé né ti que humai ne, A c te s du 2 e Symposi um du Conse i l de l 'E urope sur l a 348 791. Les risques reg roup és dans la mutualité doivent, en outre, être dispers és pour que n e se r éalis e qu'un e minorité d es sinistres 1192. En effet, si un sinistre frap pe simultaném ent tous les assurés, l'as sureu r ne pourr a pas f aire face à se s engag ements av ec la totalité d es primes perçues. 792. De plus, les risques doiv ent êt re homog èn es et pr ésent er un e commun e mesure dans leur f réqu ence et leur gr avité car la compens ation ne peut s'op érer qu'entr e des risques similair es. Ce n'est pas dire qu'un risqu e aggr avé, c' est-à-dir e celui dont la gr avité est supéri eur e aux r isques des aut res ass ur és, n'est pas assur able, mais plutôt que ce dernier s er a mutualisé av ec des risqu es d'un e gravit é similaire 1193. 793. Pour gar antir la compensation entre u n ens emble de risques n ombreux, dispersés et homogènes, l'ass ure ur doit donc évalu er ces risques et les tarif er. Les statistiques g arantissent une évalu ation o bjective du risque d e mortalité et de morbidité de l'ens emble de la population. En eff et, les statistiques, en recensant des évén ements de même n ature, issus d' expérien ces nombr euses, perm ettent à l'assur eur d e pr évoir l a f réqu ence et l e co ût moyen des sinistr es qui seront à l a charge de la mutualité. Ainsi, les tables de mortalité dét erminent le risqu e de mortalité d'un individu en bonn e santé en fo nction de cert ains crit èr es, tels son âg e et son sexe. Elles peuvent être affinées par catégori e de maladie pour déterminer la chan ce d e survie d' un anci en cancér eux ou d'un cardiaqu e 1194. Les personnes, qui jusque-là étai ent inassu rabl es en r aison d e la cr ainte d e ce que l a gr avité de l eu r risque pût dés équilibr er les comptes de la m utualité, ont ainsi obtenu une assur anc e apr ès que les statistiques ont démontré que de tels risques aggravés pouvai ent êtr e quantifiés et ta rif és en cons équen ce 1195. En effet, « mieux le risque est cern é, plus il est assurabl e » 1196. L'analyse de ces statistiques permet d'ét ablir des taux de mortalité ou de morbidité en fonction des critères de variations des risques d e morbidité ou de mortalité dans l' ens emble de la population. B i oé t hi que, St ra sbourg, 30 nove mbre -2 déc e mbre 1993, é d. du Conse i l de l 'E urope, 1994, p. 155, spéc. 156 ; é ga l e me nt da ns, R i sque s n° 18, 1994. 111, spé c. p. 113 ; F. E W AL D, Le s v al e urs de l 'assuranc e, da ns, E ncy c l opé di e de l 'A ssuranc e, di r. F. E wa l d e t J. -H. L ore nzi, E c onomi c a 1997, p. 399, spé c. p. 415 et s. 1192 M. PICARD e t A. BE SSON, pré c., n° 12, p. 21 ; Y. L AMBE RT -FAIVRE, pré c., n° 40, p. 38. 1193 B. RAYMOND, R i sque s aggrav é s : mal ade s, mai s assurabl e s, L'A rgu s, 25 nove mbre 1988, p. 3050. 1194 Y. L AMBE RT -FAIVRE, pré c., n° 38, p. 37 ; 1195 B. RAYMOND, pré c. ; G. AUCLE RC, M. AUFFE RT, C. W AHL e t M. DUFOUR, R é assure r l e s anc i e ns c anc é re ux, L'A rgus, 19 ma i 1989, p. 1368 ; D. T., Canc e r e t assuranc e v i e, L'A rgus, 4 ma i 1990, p. 1212. 1196 F. EW AL D, Gé né t ique e t assuranc e, R GDA 1999. 539, spéc. p. 547. 349 794. Pour déterminer le taux de morbidité ou de mortalité applicable à chaqu e assur é, l'assur eur doit disposer des inf ormations personn elles sur l 'assu ré (telle s l'âge, le sexe et les antécédents médi caux ) qui ont servi de critères à l'établiss ement de ce tau x. Grâce à cett e connaiss ance, l'assur eur calcul era un e prime proportionn elle au risque de l'ass uré. En effet, même si l'assurance est une techniqu e de la solidarité par la mutualisation des risques, la mutualité des assurés n'est pas animée par « des sentiments de co mpassion ou de bienfais ance à l'ég ard d'autrui et de son malheu r » 1197. Si la sur-tarifi cation du risqu e cr ée un d ange r pour l'assur eur d e voir l' assur é le quitter, inversem ent, la sous-t arifi cation expos e l'assur eur à l'impossibilité de régler les sini stres avec les primes qu'il a collectées. En conséqu ence, pour être équit able pour ch acun e des parties, la prime pur e 1198 doit être actuariellem ent neutre. Cette neutr alité actuari elle est obtenue lorsqu e « les primes vers ées corr espond ent au coût des sinistres potentiels pond ér és par leu r probabilité d' occurr en ce » 1199. 795. La dif ficulté d 'un e telle t ari fication propo rt ionnelle au risqu e r ésulte d e ce que les car act éristiques de l'assu ré, nécess aires à l'assu reu r pour évaluer le risque individuel, n e sont pas toujours observ ables p ar l' assur eur. Si ce s car act éristiqu es sont connues de l'assur é, sans qu'il les communique à l'assureur, une telle asymétri e de l'information est susceptible de générer un phénomène connu sous le nom d'antisélection ou de sél ection adverse 1200. En effet, les personnes, qui savent que leur risqu e est supéri eur à la moyenne, paieront une prime cal culée sur le risque moyen, inférieu re à c elle qui aurait dû leur être demandée si l'assureu r avait ét é corr ect ement in formé de l eur ris que. Cette assur ance au ra t endan ce à attirer de telles personnes fort ement exp osées au risque. En conséquen ce, la sinistralité sera s upérieur e à la moy enne. A fin de compens er cette sinistralité, l a société d' assur ance devr a augmenter le montant des primes. Cette hausse des tarifs décou rag er a les personn es à risqu e moyen de s'assur er, ce qui obliger a l'assu reu r à prévoir un e nouvell e augment ation des primes, et ainsi de suite. . La sél ection d es risques, qui vis e à éviter ce cer cle vi cieux p réjudi ciabl e à l'ensembl e des assur és, ne tend donc pas à l'exclusion : elle permet à l' assur eur d'a ccepter 97 % des risqu es à un tari f norm al et 2% moyennant un e surprim e. Seuls 1197 F. EW AL D et J. -P. MORE AU, pré c., da ns, E t hi que e t gé nét i que humai ne, p. 156. La pri me pure e st c el l e qui n'e st pa s a ugme nt ée de s « c ha rge me nt s » c omme rc i a ux et fi sc a ux : Y. L AMBE RT -FAIVRE
,
Droi t
de
s assuranc e s
,
Da l l oz
, 10 e é d., 1998,
n°
432
e t s
., p. 291
e t
s. 1199 D. KE SSL E R, Trè s pet i t di c ti onnai re d'é c onomie de l 'assuranc e, R i sque s n° 1, 1990, p. 29, spé c. p. 41. 1200 D. KE SSL E R, pré c., p. 47.
1198 350 1% des risques sont refusés 1201 lorsque leur probabilité d'occur ren ce est quasiment cert aine 1202. 797. La dif féren ciation d es tarifs en fon ction des class es de risques, c'est -à- dire la segmentation, n'est donc pas antino mique de la mutualisation 1203, dès lors qu'au sein d e ch acun e de ces classes, les risques sont suffis amment nombr eux pou r pou voir se compe nser mutuell ement. 798. Il résulte de cet expos é préalabl e que l'interdiction fait e à l'assu reu r de sélectionn er l es risqu es liés aux p rédisp ositions génétiqu es emp êch e celui- ci d'opére r une segmentation ca r elle lui impose de mutualiser les risques génétiqu es d'une maniè re arbit rai re. Pour apprécier l'in ciden ce de cett e interdiction sur le but anti-al éatoi re de l 'opération d' assur an ce, il y a lieu de dét erminer si, en théori e, la mutualisation des risques li és aux p rédisposit ions génétiqu es peut êtr e légitimement imposée à l'assur eur sans que l'équilib re des comptes de la société d'assur ance en soit affect é (A). A défaut, la mutualisation devr ait être aband onnée au profit de la segmentation. Enco re faud ra -t-il s'inter rog er si, en pratique, les risques liés aux prédispositions réuniss ent les conditions qui rendent le recou rs à la segmentation néc essair e (B). 1201 M. BE RT RAND, A ssuranc e de pe rsonne s. Mie ux c ompre ndre l a sél e ct i on mé di c ale, L'A ss. F ranç., n° 715, nove mbre 1995, p. 22 ; F. EW AL D, A ssuranc e s et e mpl oi, da ns, CCNE, « Gé né t i que e t mé de ci ne : de l a pré dict i on à l a prév e nti on », n° 46, 30 oc t obre 1995, Doc. Fra nç ai se, 1997, p. 139, spéc. 141 ; F. E W AL D, Le s v al e urs de l 'assuranc e, da ns, E nc yc l opé di e de l 'A ssuranc e, di r. F. E wa l d e t J. -H. L ore nz i, E c onomi ca 1997, p. 399, spé c. p. 418 ; F. E W AL D, Gé né t i que e t assuranc e, R GDA 1999. 539, spé c. 550. 1202 J. -J. BARAT, Mé de c i ne d'assuranc e, Ma sson, 1990, p. 31. 1203 P. -H. CHIAPPORI, R i sque e t assuranc e, Domi nos Fl a mma ri on, 1996, p. 66. 351 A) La mutualisation, imposée à l'assureur, des risques liés aux prédisposition s génétiqu es est- elle, en théorie, légitime? 799. En prohibant la s élection, à des fins d' ass uran ces, des risqu es liés aux prédispositions g énétiqu es, le législ ateu r i nterdit à l 'assu reu r d' établi r un tarif diffé ren cié en fon ction de ces derni ères ; il lui impose de mutualiser le risque génétiqu e ave c les aut res risqu es, sans lui permettre de véri fier qu e la prédisposition r épond aux con ditions d'hom ogénéit é et de dispersion nécess aires à la compens ation. 800. La mutualisation arbitr aire des pr édi spositions ne heurte pas néc essair ement l es règl es qui pr ésident à l 'o rganisation rationn elle d e la mutualité. Ainsi, tant que la prédisposition était indétectabl e par les tests génétiqu es, toute segmentation fo ndée sur les prédispositions était impossible 1204. Même s'il existait des « bons risques » et « des mauvais risques » face à une maladi e, personne ne pouvant connaît re à quell e classe il apparten ait, la prime d'assuran ce ét ait la même pour tous. Ce voile d'igno ran ce impos ait u ne assu ran ce u niform e permettant une mutualisation complèt e du risqu e gén étiqu e et donc « un e complèt e solidarité sociale » 1205. 801. En rev anch e, à partir du moment où les prédispositions peuvent êt re détect ées, il a pu être craint qu' elles ne devi ennent un critèr e de différen ciation des tarifs. Cette segm entation au rait ét é demand ée par les assur és non prédisposés qui, en montrant les résultats négati fs de leur test, auraient exigé de leur assu reu r qu'il leur consentît un e diminution de p rime. En eff et, « si les hommes sont naturell ement solidair es fac e à un destin qu'ils ignorent, celui-ci, qui sait qu'il sera épargné par telle ou telle maladie grave, le sera -t-il enco re de son voisin qui, lui, sera certainem ent malad e et le sait? » 1206. Or, si la prime des personn es non prédispos ées avait diminué, inversement, celle des assurés prédispos és aurait ét é augmentée pour être sup éri eur e à la cotisati on qu'ils aurai ent dû acq uitter si leu r risque génétiqu e n'av ait pas été connu. Une telle augmentation de prime aurait pu décou rag er ces « mauvais risqu es » de contr acter un e assur ance priv ée, ce qui au rait 1204 F. BOURGUIGNO N e t J. -J. DUBY, Mé de ci ne pré di c ti v e. Nouve l l e s i né gal it é s ou nouv e l le sol i darit é, Ri sque s, n° 21, 1995, p. 125 ; P. -H. CHIAPPORI, pré c.
,
p. 72
e t s
.
e t p. 99
e t s
. 1205 F. BOURGUIGNON e t J. -J. DUBY, pré c., p. 131. 1206 F. E W AL D et J. -P. MORE AU, Gé né ti que mé di c ale, c on
f
i de nt i al it é et assuranc e, R i sque s, n° 18, 1994, p. 111, spé c. p. 116. 352 eu
pour conséq uen ce d e « les r ejet er v ers l es régim es publics » 1207, fondés sur l a solidarité et n ' opérant pas d e sélection. U ne telle évolution aur ait conduit à la désintégr ation de c es régim es. 802. Les considérations de justice soci ale qui animent l'interdiction f aite à l'assur eur de s électionner les inf ormations g énétiqu es ne p euv ent, néanmoins, êt r e prises en compt e en droit des ass urances que si la mutualisation des prédispositions génétiqu es avec des risques diff ér ents ne heurte pas la technique assur anci elle. Tel sera l e cas tant que l es crit èr es, qui pourr aient fonder un e segm entation en fon ction des prédispositions, ne seront ni fiables, ni pertinents . . Fiabl e, la segmentation doit permettre une mutualisation des risques au sein de l'ensemble d es risqu es aggr av és, ce qui impose que l'étud e gén étique soit elle-m ême fiabl e. Si la prédisposition devait être un critère de classification des risques aggr avés alors que le test qui la révéler ait ne ser ait pas fiable, il en résulterait une mutualisation imparf aite au sein de ch aque classe de risqu e 1209, dans la mesure où cert aines personnes serai ent classées comme prédisposées alors qu'ell es ne le serai ent pas et inversement. En raison de l'absence de fiabilité des tests génétiques, les assureurs eux -mêmes ont posé un morat oire de 5 ans en 1994 1210, reconduit en 1999 1211 pour la même durée, par lequel ils se sont engagés à ne pas les utiliser et à ne pas en te nir compte d ans la t arifi catio n si les assurés l eur communiquai ent spontaném ent les résult ats de telles étud es. On peut projet er que, dans l' aveni r, une segmentation fond ée sur les prédispositions génétiqu es pourrait êtr e fiable. Encor e faud ra-t -il qu'elle soit pertinente, pour être justifiée, ce qui, à l'heur e actuelle, est incert ain. La segmentation est pertinente lorsqu e, au sein de chaque class e de risques, les risques sont su ffis amment nomb reux pou r se compens er mutu ellement. Une segment ation excessive nuit à l'assur ance, car si un tarif différ ent est établi pour ch aque risque et qu e ce de rnier est p eu fréq uent, par hypothès e, un tel risque
1207 G. MART IN, Te st s gé nét i que s et assuranc e s, RIDE 1993/ 1, p. 53, spéc. n° 2. 2. 2., p. 60 ; é ga l e me nt da ns, Le gé nome e t son doubl e, di r. G. Hube r, He rmè s 1996, p. 177, spé c. p. 184. 1208 H. GUAY, B. -M. KNOPPE RS e t I. PANISSE T, La gé né t i que dans l e s domai ne s de l 'assuranc e e t de l 'e mpl oi, Re v ue du B arre au (Qué be c ), T ome 52, n° 2, Avril J ui n 1992, p. 185, spéc. p. 228. 1209 G. MART IN, pré c., R IDE, n° 2. 1. 2., p. 58 e t da ns, Le gé nome et son double, p. 182. 1210 D. KE SSL E R, e xt ra it de l 'i nte rve nti on a u c ol l oque « Ha sa rd e t né ce ssi t é » du 31 ma rs 1994, da ns, Mé dec i ne pré di c t iv e. Le s t e st s gé nét i que s e
n que st i on, L'A ss. F ranç., n° 695, 15 a u 30 a vri l 1994, p. 319. 353 ne peut pas se mutualiser av ec des risqu es de gravité similaire. La possibilité offerte p ar les t ests gén étiques de di ff ér enci er à l'in fini les assu rés pou rrait inciter les individus à devenir gestionnair e de leur risque individuel au détriment de la mutualisation 1212. Aussi la segmentation pourrait-ell e être rej etée en raison de la diversité et d e la rareté d es prédispositions au sein de la population. 805.
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Dans ce chapitre, nous allons d'abord décrire la technologie de réalisation de ces dispositifs, puis présenter les résultats optiques que nous avons obtenus. Nous verrons dans un premier temps les transmissions spectrales des dispositifs et des différentes fonctions élémentaires qui les constituent. Puis nous détaillerons les résultats interférométriques que nous avons réalisés et nous nous intéresserons particulièrement aux performances des déphaseurs optiques intégrés que nous avons introduits à la fin du chapitre II. 91
Pierre Labeye : « Composants optiques intégrés pour l'interférométrie astronomique », 2008
Chapitre III : Réalisations et caractérisations III – B – Optique intégrée silice sur silicium III – B – 1 – Introduction
Le LETI utilise un procédé de réalisation de guides optiques en silice sur substrat silicium basé sur des étapes technologiques standardisées de la microélectronique (communément appelées les « briques de base technologiques »), c'est-à-dire des dépôts, recuits et gravures de couches minces sur substrat silicium. L'intérêt majeur de l'optique intégrée sur substrat de silicium est de pouvoir bénéficier de l'effort de recherche considérable effectué en microélectronique tiré par des marchés en forte croissance depuis de nombreuses années. Ainsi, on dispose de « briques élémentaires» stabilisées de très grande qualité, sur des équipements développés et optimisés spécifiquement pour cette technologie et garantissant une excellente répétabilité des procédés. En outre, le silicium est un substrat mécanique de très bonne qualité, cristallin (donc clivable), possédant une excellente qualité de surface, ainsi qu'une excellente conductivité thermique. L'inconvénient est que si l'on compare à d'autres technologies de réalisation de guides optiques intégrés dont le coût de fabrication peut être comparable, le coût de l'investissement initial en équipements de production est très levé et ne peut donc être justifié que par un gros volume de marché permettant de rentabiliser ces derniers. III – B – 2 – Empilement technologique
L'enchaînement des étapes technologiques du procédé de réalisation des guides est représenté sur la figure III-1. Il est découpé de manière à montrer l'évolution de la structure au cours de la réalisation. Il est ensuite décrit plus en détail dans les paragraphes suivants.
92 Pierre Labeye : « Composants optiques intégrés pour l'interférométrie astronomique », 2008.
Chapitre III : Réalisations et caractérisations
Figure III-1 : empilement technologique de réalisation des guides d'onde optique en silice sur substrat de silicium.
93 Pierre Labeye : « Composants optiques intégrés pour l'interférométrie astronomique », 2008.
Chapitre III : Réalisations et caractérisations
Il y a au total une vingtaine d'étapes élémentaires ce qui peut paraître peu élevé lorsqu'on compare à un procédé de réalisation de puce microélectronique comportant généralement plus d'une centaine d'étapes. Cet empilement présente cependant des difficultés spécifiques liées principalement à l'épaisseur totale de la structure (environ 30!m) qui est très supérieure à ce qui est communément fait en microélectronique. En effet, les couches de silice étant déposées à 400°C, la structure comporte des contraintes mécaniques dues à la différence entre les coefficients de dilatation thermique de la silice et du silicium (figure III-2).
Figure III-2 : contraintes générées dans la structure. La convention des couleurs est celle de la figure III-1.
La couche de silice est déposée à 400°C. Lorsque la structure refroidit à température ambiante, le coefficient de dilatation du silicium étant supérieur à celui de la silice, la couche déposée est en compression et génère une déformation de la plaquette. Ces contraintes mécaniques engendrent une déformation de la plaquette proportionnelle à l'épaisseur de la couche déposée. C'est pourquoi 'empilement débute par un dépôt de silice face arrière afin d'équilibrer les contraintes et de minimiser la déformation de la plaquette. Chapitre III : Réalisations et caractérisations III – B – 3 – Procédé technologique des étapes de réalisation
Les couches de silice sont réalisées par dépôt chimique en phase vapeur assisté par plasma (PECVD pour Plasma Enhanced Chemical Vapor Deposition). Les précurseurs utilisés sont le silane (SiH4) et l'oxygène (O2). Le principe de la PECVD consiste à créer un plasma par l'application d'un champ radiofréquence. Les précurseurs ionisées condensent alors sur le substrat créant la couche de silice. La silice obtenue ainsi présente très peu d'impuretés et un indice de réfraction très proche de celui de la silice obtenue par fusion (n = 1,444 à une longueur d'onde de 1,55!m). Une couche de 12!m de cette silice constitue donc le substrat optique des guides d'onde. Le coeur du guide est réalisé par dépôt d'une couche de silice dopée au germanium grâce à l'ajout de germane (GeH4) comme précurseur dans la chambre au moment du dépôt. L'écart d'indice entre le coeur de silice dopée et le substrat de silice pure utilisé pour nos guides d'onde est de "n = 0,01 ± 0,0005. L'étape suivante est la photolithographie qui a pour
but
de transf
érer
les
motifs
dessinés sur un mas
que dur
sur la pla
quette
. Ce masque dur est généralement réalisé avec du chrome déposé sur un substrat de quartz puis gravé par faisceau laser ou faisceau d'électrons. Dans notre cas, le masque dur est réalisé avec une résolution de 50nm et une précision des motifs inférieure à 100nm. La photolithographie débute par le dépôt à la tournette d'une couche de résine photosensible. Afin d'améliorer la tenue de cette résine sur la silice, on utilise un promoteur d'adhérence avant dépôt : l'héxaméthyldisilasane (HMDS). La résine est ensuite stabilisée grâce à un recuit (par convection) notamment pour évacuer les solvants. L'insolation aux UV à une longueur d'onde de 365nm est ensuite effectuée à travers le masque dur. La dose d'énergie typique est de l'ordre de 100mJ/cm2. Après insolation, la résine est « développée », c'est à dire immergée dans un milieu basique. On distingue les résines « positives », où ce sont les zones insolées qui sont dissoutes au développement, des résines « négatives » où ce sont les zones non insolées qui sont dissoutes. Le choix du type de résine dépend en général du matériau à graver et du taux d'ouverture du masque. Pour notre application, nous avons utilisé une résine photosensible positive dont l'épaisseur limite la résolution à environ 1!m. Finalement, la résine est à nouveau recuite (« post-bake ») principalement afin d'éliminer l'eau. La photolithographie est l'étape du procédé de réalisation la plus sensible aux
Chapitre III
: Réalisations et caractérisations conditions extérieures (poussières, température, humidité, etc). C'est pourquoi elle nécessite un environnement le plus propre possible (salle blanche classe 100 ou inférieure) sous lumière jaune car la résine est sensible aux longueurs d'ondes inférieures à 450nm. Le transfert des motifs de résine dans la couche de silice s'effectue par gravure ionique réactive (RIE pour Reactive Ion Etching) dont le principe consiste là encore à réaliser un plasma entre deux electrodes polarisées (la plaquette étant à la cathode) par l'application d'un champ radiofréquence. Les espèces utilisées pour graver la silice sont à base de composants fluorés (CF4 + O2 ou CHF3 + O2). En ajustant les paramètres du procédé (tension radiofréquence, température, et pression), on rend la gravure plutôt anisotrope (flancs verticaux) ou isotrope (flancs arrondis) [63]. Les étapes de photolithographie et gravure permettent de transférer les motifs dans la couche de silice dopée avec une résolution de l'ordre du micromètre. L'épaisseur du coeur des guides d'onde étant de 4,85!m ± 0,15!m, il est nécessaire de graver une profondeur de 5!m ce qui est une épaisseur relativement élevée pour un procédé microélectronique. En conséquence, l'épaisseur de résine utilisée est aussi assez élevée (3,35!m) et la perte de résolution provient du fait que l'insolation ne peut être parfaitement focalisée sur toute l'épaisseur de la résine. De plus, même lorsque la gravure est très anisotrope afin d'obtenir des flancs de guides les plus verticaux possible, on garde une légère gravure horizontale qui conduit à une perte de cote latérale des guides. Néanmoins, si cette perte de cote est répétable, elle peut être anticipée lors du dessin du masque. Après nettoyage, la dernière étape consiste à déposer la couche supérieure de silice (le superstrat). On utilise là encore un dépôt PECVD mais en dopant la couche au Bore et au Phosphore. Ces deux dopants rendent le dépôt plus conforme, c'est à dire recouvrant le mieux possible les reliefs créés par la gravure du coeur du guide optique, l'augmentation de l'indice de réfraction par le phosphore étant compensée par la diminution de l'indice de réfraction par le bore. Cependant, dans le cas de motifs très petits (comme la pointe d'une jonction Y ou l'interstice entre deux guides composant un coupleur), le recouvrement peut s'effectuer de manière imparfaite et conduire à une silice
96 Pierre Labeye : « Composants optiques intégrés pour l'interférométrie astronomique », 2008.
Chapitre III : Réalisations et caractérisations localement moins dense, voire comportant des bulles d'air (« voids »). La conception exposée au chapitre II prend en compte ces limitations technologiques. III – B - 4 - Migration sur substrat de silicium de huit pouces
Au début de ce travail de thèse, nous avons fait migrer ce procédé entièrement développé pour des substrats de quatre pouces vers des substrats de huit pouces en utilisant des équipements de dernière génération et un masque de test comportant des guides droits. La principale difficulté que nous avons due alors résoudre était la gestion de la déformation plus grande de la plaquette. Les résultats en termes de pertes de propagation sur des guides droits sont reportés sur la figure III-3.
Figure III-3 : pertes des guides silice sur silicium en technologie 8 pouces. Ces mesures s'obtiennent en injectant de la lumière par une fibre optique monomode et en récupérant la lumière par une fibre monomode connectée à un spectromètre. Le coefficient de pertes s'obtient en effectuant des mesures pour différentes longueurs de guide afin de s'affranchir des pertes de couplage en entrée et en sortie de guide. Si Te représente la transmission du couplage en entrée, Ts, la transmission du couplage en 97 », 2008.
Chapitre III : Réalisations et caractérisations
sortie, L1 et L2 les deux longueurs de guide mesurés, T1, et T2 les deux mesures de transmission effectuées, le coefficient de perte par propagation'est tel que : T1 = Tee"#L1 Ts (III-1) T2 = Tee"L2 Ts (III-2) En exprimant les longueurs en cm, on obtient facilement les pertes en dB/cm : #T & Log% 1 ( $ T2'" dB / cm 10 ( L2 ) L1) cm (III-3) Dans la pratique, on effectue la mesure pour plus de deux longueurs afin de minimiser l'erreur sur le coefficient '. Les pertes sont de 5dB/m ± 1dB/m, c'est à dire équivalentes, voire légèrement plus faibles que les pertes obtenues en technologie quatre pouces sur la bande spectrale 1470– 1580nm, ce qui valide la technologie silice sur silicium à base de substrats huit pouces. Nous allons maintenant décrire les dispositifs réalisés avant de passer aux résultats de caractérisation des dispositifs. III – C - Puces réalisées
Quatre types de puces ont été réalisées : • des recombineurs à quatre télescopes par paires que nous appellerons par la suite « puces 4T » • des recombineurs à deux télescopes utilisant une cellule ABCD que nous appellerons par la suite « puces 2T-ABCD » 98 Pierre Labeye : « Composants optiques intégrés pour l'interférométrie astronomique », 2008.
Chapitre III : Réalisations et caractérisations
• des recombineurs à quatre télescopes utilisant une cellule ABCD que nous appellerons par la suite « puces 4T-ABCD » • des puces de test Pour chaque type de puce, afin de pouvoir gérer la perte de côte latérale due à la surgravure RIE du coeur, nous avons réalisé trois variantes avec des largeurs de guide d'onde sur le masque légèrement différentes. La largeur visée du coeur du guide d'onde étant de 6!m, chaque type de puce a été réalisé avec des motifs de masque de 6!m, 6,5!m et 7!m de large. Par ailleurs, pour chaque puce, l'écartement entre les guides d'entrée est de 250!m afin de pouvoir exciter simultanément toutes les entrées à l'aide d'une nappe de fibres au pas de 250!m. En sortie, l'écartement entre les guides est de 160!m afin de pouvoir les imager avec un grandissement unitaire sur une caméra infrarouge comportant des pixels de 40!m. III – C – 1 – Recombineurs à quatre télescopes par paires
Les « puces 4T » sont représentées sur la figure III-4. Chaque dispositif présente quatre entrées. Chaque entrée est divisée en trois voies à l'aide d'un tricoupleur 33% et se recombine avec l'une des autre voies grâce à un coupleur asymétrique 50/50. Les chemins optiques comportent deux ou trois croisements de guides suivant les cas. Les dispositifs font 36 mm de long et comportent des guides droits afin d'évaluer la perte globale des fonctions du dispositif.
Figure III-4 : puce 4T simple.
Chapitre III : Réalisations et caractérisations III – C – 2 – Recombineurs à deux télescopes ABCD
Les « puces 2T-ABCD » sont représentées sur la figure III-5. Chaque dispositif comporte deux entrées. Chaque entrée comporte une première jonction Y, l'une des voies servant à la mesure de la quantité de lumière injectée dans le guide, l'autre voie servant à la recombinaison interférométrique. Sur les voies interférométriques, les chemins comportent donc deux jonctions Y et un croisement de guide avant le coupleur asymétrique de recombinaison. Les dispositifs ont été légèrement allongés à une longueur de 36 mm de long pour obtenir des puces de la même taille que les « puces 4T » et ainsi faciliter la découpe.
Figure III – 5 : puce 2T-ABCD.
Pour chaque dispositif, deux types de déphaseurs ont été réalisés : un déphaseur simple comportant une seule section de guide élargi et un déphaseur compensé comportant deux sections de
guides
élargis afin d'être achromatique
.
III – C – 3 – Recombineurs à quatr
télescopes et cellule ABCD Enfin, la « puce 4T-ABCD » est représentée sur la figure III-6. 100 Pierre Labeye : « Composants optiques intégrés pour l'interférométrie astronomique », 2008.
Chapitre III : Réalisations et caractérisations
Figure III-6 : puce 4T-ABCD.
Le principe est le même que pour la « puce 4T » mais chaque recombinaison par paire a simplement été remplacée par une cellule ABCD. La puce est réalisée en trois largeurs de guides et comporte des guides droits afin d'évaluer la perte globale des fonctions optiques. Chaque chemin optique comporte un tricoupleur, quatre ou cinq croisements de guides suivant les cas, une jonction Y et un coupleur asymétrique. La longueur totale de la puce est de 80mm.
III – D - Mesures photométriques fibrées III – D – 1 – Dispositif expérimental utilisé
Dans un premier temps, nous avons effectué des mesures photométriques fibre à fibre soit en utilisant une source monochromatique à 1,55!m, soit en utilisant une source blanche et un spectromètre fibré en sortie. Le schéma du montage utilisé est représenté sur la figure III-7.
101 Pierre Labeye : « Composants optiques intégrés pour l'interférométrie astronomique », 2008.
Chapitre III : Réalisations et caractérisations
Figure III-7 : banc de mesure photométrique
Pour chaque mesure, nous effectuons une mesure de référence fibre à fibre sans puce, et une mesure photométrique avec puce. Dans tous les cas, nous optimisons le couplage en utilisant du gel d'indice entre les fibres ou entre les fibres et le composant.
III – D – 2 – Pertes de propagation et transmission des puces
Les pertes de propagation ont été évaluées suivant la méthode exposée au paragraphe III– B- 4. Pour cela, on a utilisé les guides droits des « puces 4T » et des « puces 4T-ABCD » qui permettent une mesure de transmission pour des longueurs de 36mm et 80mm. Les résultats de pertes obtenus à 1,55!m en fonction de la largeur du guide sont regroupés dans le tableau III-1.
pertes de propagation largeur du coeur [!m] 6 6,5 pertes linéiques [dB/cm] 0,085±0,012 0,022±0,012 7 0,015±0,012
Tableau III-1: pertes de propagation mesurées sur guides droits de différentes longueurs. Les valeurs
sont obtenues
en prenant les moyennes des transmissions de tous les guides dont nous disposions (dix guides de chaque longueur et de chaque largeur de coeur). Les pertes des guides de 7!m sont en moyenne de 1,5 dB/m ± 1,2dB/m ce qui est un résultat 102
Pierre Labeye : « Composants optiques intégrés pour l'interfér astronomi », 2008.
Chapitre III :
Ré
alisations
et
c
aractéris
ations
meilleur que ceux obtenus précédemment. Cependant, on observe une remontée des pertes pour les guides de 6!m à 8,5dB/m ±1,5dB/m. Les transmissions globales des puces 4T ont aussi été mesurées par la même méthode. Les moyennes des résultats sont reportés dans le tableau III-2.
Transmission des puces 4T et 4TABCD puce 4T 6!m 4T 6,5!m 4T 7!m transmission 68±2% 72±2% 70±2% pertes d'insertion 1,65 dB 1,43 dB 1,55 dB pertes des fonctions optiques 0,65 dB 0,4 dB 0,5 dB 4TABCD 7!m 61±2% 2,15dB 0,95 dB Tableau III-2 : transmission globale des dispositifs fibre
à
fibre à 1,55!m. Les pertes d'insertion sont les pertes globales introduites par « l'insertion » du dispositif entre les fibres. La transmission globale des puces 4T simples est d'environ 70%, soit des pertes d'insertion fibre à fibre de 1,55dB. La transmission relative de ces puces par rapport à celle d'un guide droit de même longueur est d'environ 90%. Les pertes en excès sont donc de l'ordre de 0,5dB pour l'ensemble des guides courbes, des croisements de guide, du coupleur asymétrique et du tricoupleur. Ces valeurs sont tout à fait similaires aux résultats obtenus sur les dispositifs réalisés précédemment en technologie silice sur silicium[64]. La transmission globale des 4T-ABCD est d'environ 61% soit des pertes d'insertion fibre à fibre de 2,15dB. La transmission par rapport à celle d'un guide droit de même longueur est cette fois de 80%. Les pertes en excès des fonctions optiques sont donc cette fois d'environ 1dB, le chemin optique parcouru comportant des guides courbes supplémentaires, deux croisements de guides supplémentaires et surtout une jonction Y. En première approximation et en tenant compte de résultats déjà obtenus sur des jonctions Y précédemment réalisées, nous avons évalué les pertes des croisements de guides à environ 0,05dB et les pertes de la jonction Y à 0,3dB. Ces valeurs auraient du être affinées par les mesures des puces test. Malheureusement, ces puces de 1cm de long présentaient de la lumière parasite autour des structures de mesure qui nous ont empêché d'obtenir des résultats exploitables. En effet, même si les 103 Pierre Labeye : « Composants optiques intégrés pour l'interférométrie astronomique », 2008.
Chapitre III : Réalisations et caractérisations
guides d'onde en silice sur silicium sont bien adaptés aux fibres optiques, le couplage de l'un à l'autre comporte des pertes de transition de l'ordre de 0,2dB en théorie et d'environ 0,25dB dans la pratique suivant la qualité des flancs des puces, ceci même lorsque l'on utilise du liquide d'indice pour optimiser le couplage. Cette lumière parasite qui n'est pas couplée au mode fondamental du guide d'onde reste cependant piégée dans la structure globale silice sur silicium qui agit comme un guide d'onde planaire à faibles pertes. Le graphe de la figure III-8 montre l'exemple d'un des modes de propagation dans une couche de 25!m de silice sur silicium.
Figure III-8 : mode de structure dans une couche de 25!m de silice sur silicium. L'indice est normalisé à 1 pour la représentation graphique.
Les
pertes
théoriques d'un tel mode sont de 0,7dB/cm. Il existe dans la structure un grand nombre de ce type de mode avec des pertes de propagation croissantes. La lumière parasite générée à l'entrée de la puce (de l'ordre de quelques pourcents) est couplée à ces modes et vient perturber la mesure à la sortie de la puce. Ce phénomène est beaucoup moins important pour les puces recombineurs qui sont beaucoup plus longues. III – D – 3 – Validation du tricoupleur et du coupleur asymétrique
Les mesures photométriques présentées au paragraphe précédent ont permis de déterminer les transmissions des coupleurs asymétriques ainsi que celles des tricoupleurs. 104 Pierre Labeye : « Composants optiques intégrés pour l'interférométrie astronomique », 2008.
Chapitre III : Réalisations et caractérisations
Pour les coupleurs asymétriques, on procède comme suit. Si M1 et M2 sont les deux mesures photométriques correspondant aux deux voies de sortie d'un coupleur, les transmissions T1 et T2 sont simplement déterminées par les ratios : T1 = T2 = M1 M1 M 2 (III-4) M2 M1 + M 2 (III-5) Les mesures des tricoupleurs sont obtenues par une méthode similaire. Dans le cas d'une puce 4T-simple, chaque tricoupleur alimente trois coupleurs. Si S1, S2, et S3 représentent la somme des deux sorties de chacun des trois coupleurs, les transmissions T1, T2, et T3 des tricoupleurs seront données par : T1 = T2 = T3 = S1 S1 + S2 + S3 (III-6) S2 S1 + S2 + S3 (III-7) S3 S1 + S2 + S3 (III-8) Dans le cas des puces 4T-ABCD, on somme les quatre sorties de chaque cellule au lieu de sommer les deux sorties de chaque coupleur. Les moyennes des résultats sont reportées dans le tableau III-3.
Taux de couplage des coupleurs asymétriques et des tricoupleurs puce théorie 4T 6!m 4T 6,5!m 4T 7!m 4TABCD 7!m coupleur asymétrique (%) 52/48 83/17 69/31 60/40 58/42 tricoupleur (%) 33/33/33 15,5/69/15,5 24/52/24 32,5/35/32,5 33/34/33 Précision (%) 1 Tableau III-3 : taux de couplage des coupleurs asymétriques et
tricoupleur à 1,55!m. Chapitre III : Réalisations et caractérisations
Deux points apparaissent dans ces résultats. Premièrement, il semble que la perte de côte des guides est d'environ 1!m. Ainsi, les dispositifs dessinés avec des guides de 7!m sont les plus proches des valeurs théoriques. Les tricoupleurs dessinés à 7!m sont notamment très proches de la valeur théorique de 33,3/33,3/33,3 à 1,55!m. Les coupleurs asymétriques fournissent la même tendance : les dispositifs dessinés avec les guides de 7!m sont les plus proches des valeurs théoriques. Cependant, ces derniers présentent un écart non négligeable par rapport à la valeur théorique de 52/48 à 1,55!m. Afin de confirmer ces résultats, nous avons effectué des mesures spectrales de ces mêmes puces.
Figure III – 9 : transmission spectrale des coupleurs asymétriques. Les guides de 7!m de large fournissent les résultats les plus proches de la théorie.
En vérifiant le dessin du masque de photolithographie, nous avons découvert une erreur dans le dessin du coupleur asymétrique : la base de données des fonctions élémentaires n'avait pas été remise correctement à jour, et le coupleur utilisé était issu d'un ancien « design » effectué en 2D par la méthode de l'indice effectif. Nous avons simulé ce coupleur en 3D et comparé avec les résultats de mesure. Il apparaît que les coupleurs avec des guides de 7!m sont très proches des coupleurs simulés. Les courbes en rouge de la figure III-9 prennent en compte cette erreur de dessin. Enfin, le graphe de la figure III-10 présente la transmission spectrale des tricoupleurs. 106
Pierre Labeye : « Composants optiques intégrés pour l'interférométrie astronomique », 2008.
Chapitre III : Réalisations et caractérisations
Figure III-10 : réponse spectrale des tricoupleurs pour différentes largeurs de guides. Les guides de 7!m sont les plus proches des valeurs simulées.
On retrouve bien que ce sont les guides d'onde ayant un coeur de 7!m de large qui fournissent des tricoupleurs les plus proches des valeurs recherchées. Les valeurs à 1700nm sont en bord de spectre de transmission de l'instrumentation et correspondent à un mauvais rapport signal sur bruit. Enfin, nous avons cherché à vérifier la diaphonie des croisements de guide, c'est à dire le taux de lumière couplée d'un guide d'onde sur les guides d'onde le croisant. Nous n'avons pu que vérifier que le taux de lumière couplée était inférieur au minimum détectable ce qui nous donne un taux de diaphonie inférieur à -50dB.
107 Pierre Labeye : « Composants optiques intégrés pour l'interférométrie astronomique », 2008.
Chapitre III : Réalisations et caractérisations III – E - Mesures interférométriques III – E – 1 - Description du banc du LAOG
Dans le cadre de ces travaux, le LAOG (Laboratoire d'Astrophysique de Grenoble) a développé un banc interférométrique de simulation d'interféromètre stellaire [65]. Un schéma général de ce banc est représenté sur la figure III-11.
Figure III-11 : schéma de l'interféromètre du LAOG d'après [65]. La source stellaire est simulée par l'extrémité d'une fibre optique (ou deux dans le cas d'une simulation d'étoile binaire) placée au foyer d'un collimateur à miroir de 1m de focale. Des petits objectifs (doublets achromatiques) simulant les télescopes sont placés à la sortie dans la pupille du collimateur et sont montés sur des platines motorisées afin de pouvoir balayer la différence de marche optique. Au foyer de chacun de ces petits objectifs, la lumière est injectée dans une fibre optique à maintien de polarisation. Les entrées de ces fibres à maintien de polarisation sont réglées de manière à positionner les axes de biréfringence des fibres optiques dans le plan et perpendiculairement au plan du 108 Pierre Labeye : « Composants optiques intégrés pour l'interférométrie astronomique », 2008. Chapitre
III : Réalisations et caractérisations
marbre optique. Ces fibres optiques sont ensuite rassemblées en une nappe de fibres au pas de 250!m connectée directement à l'entrée de la puce recombineur. Les axes de biréfringence des fibres sont réglés parallèlement et perpendiculairement au plan de la puce de recombinaison. En sortie de puce, la lumière est tout d'abord recollimatée, puis dispersée spectralement par un montage comportant deux miroirs et un réseau de diffraction, avant d'être séparée en polarisation à l'aide d'un prisme de Wollaston. Enfin, la lumière est refocalisée sur une caméra infrarouge reliée à un ordinateur servant à récupérer les données et à piloter les moteurs permettant de balayer le chemin optique sur chacun des bras. La figure III-12 donne deux exemples d'images enregistrées par la caméra infrarouge. Le premier (a) donne les 24 sorties de la puce directement imagées sur la caméra. Le deuxième (b) donne ces mêmes 24 sorties dispersées en longueur d'onde puis séparées en polarisation. On observe dans ce cas, 48 petits spectres cannelés correspondant aux franges d'interférence.
Figure III-12 : image obtenue sur la caméra. (a) image non dispersée et non séparée en polarisation. On observe les 24 sorties de la puce. (b) image avec dispersion chromatique et séparation de polarisation. On observe 48 petits spectres cannelés.
Chapitre III : Réalisations et caractérisations
Une prise de mesures consiste à prendre successivement une image en masquant toutes les entrées afin d'avoir le niveau de noir, puis quatre prises photométriques en ne laissant passer qu'une voie différente à chaque fois. Ceci permet de calibrer l'ensemble du système d'un point de vue photométrique (notamment la transmission spectrale sur chaque voie). Enfin, on effectue un balayage des franges autour de la teinte plate en pilotant trois des quatre moteurs à des vitesses différentes. (a) (b) (e) (c) (f) (d) (g)
Figure III-13 : images constituant une mesure complète de franges. (a)-(d) : signaux photométriques pour chacune des entrées. (e)-(f) : exemples d'images de franges, (e) loin de la teinte plate, (f) proche de la teinte plate, (g) quasiment la teinte plate. Le signal de chaque pixel est donc un interférogramme en fonction de la position des moteurs, c'est à dire de l'écart de chemin optique entre chaque paire de voies. Une mesure typique de franges consiste à faire quelques balayages de franges (un balayage fait typiquement 1024 images) pour vérifier la reproductibilité des mesures. Une semaine de mesure correspond en moyenne à plus de 30Go de données à traiter.
III – E – 2 – Mesures photométriques spectrales
Les données issues d'une série de mesure contiennent toutes les informations nécessaires à la détermination des caractéristiques de la puce. En particulier, les signaux 110 Pierre Labeye : « Composants optiques intégrés pour l'interférométrie astronomique », 2008. Chapitre III : Réalisations et caractérisations photométriques pour chacune des entrées permettent de remonter aux coefficients de transmission des coupleurs et tricoupleurs que nous pouvons alors comparer aux mesures que nous avons effectuées au LETI sur banc fibré. La calibration en longueur d'onde de chaque pixel de la caméra est obtenue à partir des mesures interférométriques et du pas des moteurs (nous avons observé une légère non linéarité des moteurs qui conduit à une erreur d'environ 10nm sur la détermination de la longueur d'onde). La figure III-14 montre les transmissions spectrales moyennes du coupleur asymétrique recalculées à partir des données obtenues sur ce banc.
Figure III-14 : transmission spectrale moyenne des coupleurs obtenues sur le banc du LAOG pour chaque état de polarisation. Les valeurs en bord de spectre correspondent à la limite d'émission de la diode superluminescente et ont un rapport signal sur bruit très faible. On observe que les transmissions sont quasiment identiques pour les deux états de polarisation et sont très proches des valeurs obtenues sur le banc fibré du LETI. La figure III-15 montre les résultats obtenus pour le tricoupleur. Il s'agit de la moyenne des quatre tricoupleurs d'une des puces « 4T-ABCD »
111 Pierre Labeye : « Composants optiques intégrés pour l'interférométrie astronomique », 2008.
Chapitre III : Réalisations et caractérisations
Figure III-15 : transmission spectrale des tricoupleurs obtenues sur le banc du LAOG pour chaque état de polarisation. Là encore on n'observe aucun effet de polarisation. Les résultats montrent une transmission équilibrée entre les voies centrales et latérales, même si l'écart avec la théorie est cette fois légèrement plus important.
III – E – 3 – Contraste instrumental
Des mesures de contraste instrumental ont été effectuées sur ces mêmes puces et sur le même banc par Myriam Benisty[66]. Le contraste instrumental C est défini par : C= Imax " Imin Imax + Imin (III-9) où Imin et Imax sont les valeurs minimales et maximales du signal interférométrique. C'est un paramètre qui varie entre 0 et 1 (ou entre 0 et 100%) et qui affecte directement la sensibilité globale de l'interféromètre au même titre que la transmission globale du dispositif.
112 Pierre Labeye : « Composants optiques intégrés pour l'interférométrie astronomique », 2008.
Chapitre III : Réalisations et caractérisations
A partir des données interférométriques, M. Benisty a obtenu des valeurs de contraste comprises entre 80 et 95% ±1%, ce qui se situe au meilleur niveau par rapport à l'état de l'art. La figure III-16 montre la variation du contraste obtenu en fonction de la longueur d'onde.
Figure III-16 : variation du contraste (noté ici V) en fonction de la longueur d'onde. D'après [66 ].
La
variation du contraste en fonction de la longueur d'onde est aussi de
l'ordre de 1%. Enfin, ces mêmes mesures ont permis de montrer une stabilité de 1% à l'échelle de la journée, ce qui constitue un réel progrès par rapport aux interféromètres à base d'optique de volume où la stabilité instrumentale est plutôt mesurée sur des périodes de quelques minutes.
III – E - 4 – Etude des déphaseurs
La campagne de mesures porte sur les déphaseurs de 6 puces 2T-ABCD comprenant chacune 6 dispositifs (3 déphaseurs simples et 3 déphaseurs achromatiques), ainsi que deux puces 4T-ABCD comprenant chacune 3 dispositifs, chaque dispositif 4T comprenant 6 déphaseurs achromatiques. Ainsi, un total de 72 déphaseurs a été mesuré.
113 Pierre Labeye : « Composants optiques intégrés pour l'interférométrie astronomique », 2008.
Chapitre III : Réalisations et caractérisations III – E – 4 – a – Méthode de mesure
Pour chaque cellule ABCD, nous mesurons, pour chaque polarisation et pour chaque longueur d'onde, 4 interférogrammes simultanément. On numérote les interférogrammes de chaque cellule selon le schéma de la figure III-17 :
Figure III-17 : num
é
rotation des sorties d'une cellule ABCD. Par conservation d'énergie à la traversée d'un coupleur, les interférogrammes 1 et 2 sont en opposition de phase, ainsi que les interférogrammes 3 et 4 qui sont par ailleurs déphasés respectivement de # par rapport aux interférogrammes 1 et 2. Pour chaque série d'interférogrammes, nous avons donc le déphasage # par la relation : [ * " = arctg TF ( S1 # S2 )$ max % TF ( S3 # S4 )$ max ] (III-10) où Si représente chaque interférogramme, et 0 max est la fréquence du maximum de chaque spectre. Une attention particulière a été donnée au traitement (fenêtrage des données, filtrage, interpolation fine du spectre pour obtenir la fréquence avec la plus grande précision possible)
III – E – 4 – b – Résultats des 2T-ABCD. Les résultats en termes de phase sont reportés pour une polarisation sur les graphes de la figure III-18. Les résultats pour l'autre polarisation sont très similaires (voir tableau III3). Les résultats de tous les déphaseurs sont présents afin de bien voir la dispersion des mesures pour chacune des puces (notées p1, p3, p5, p6, p8, p10).
114
Pierre Labeye : «
», 2008.
Chapitre III : Réalisations et caractérisations
Figure III-18 : résultats des déphaseurs des puces 2T-ABCD. La colonne de gauche présente les résultats pour le déphaseur simple. La colonne de droite présente les résultats pour le déphaseur achromatique. Sur 36 déphaseurs mesurés, seulement trois présentent de gros défauts tandis que les autres ont des valeurs dispersées selon leur type ou la largeur du guide. Les erreurs de 115 Pierre Labeye : « Composants optiques intégrés pour l'interférométrie astronomique », 2008.
Chapitre III : Réalisations et caractérisations
mesure proviennent principalement de la vitesse de balayage des moteurs qui n'est pas parfaitement linéaire. Ainsi, la fréquence des franges mesurées n'est pas constante sur tout l'interférogramme et entraîne une imprécision sur la mesure de phase qui est de ±2°. Ces résultats font tout d'abord apparaître que les déphaseurs achromatiques sont bien plus achromatiques que les déphaseurs simples, ceci quelle que soit la largeur du guide. Hormis quelques déphaseurs présentant manifestement un gros défaut, les valeurs sont assez regroupées dans une fourchette d'environ 20° autour d'une valeur dépendant de la largeur du guide. Enfin pour les guides d'onde avec un coeur de 7!m de large qui, nous l'avons vu précédemment, ont le meilleur comportement, les déphaseurs achromatiques sont regroupés autour d'une valeur d'environ 75° soit assez proche de la valeur théorique de 85°. Le comportement en longueur d'onde étant très plat, nous avons intégré ces valeurs en longueur d'onde et regroupé dans le tableau III-4, les valeurs moyennes et les écarts types pour chaque série de déphaseurs. phase (°) polar dispersion (°/nm) polar phase (°) polar dispersion (°/nm) polar ecart en polarisation (°) 1 1 2 2 phase (°) polar dispersion (°/nm) polar phase (°) polar dispersion (°/nm) polar ecart en polarisation (°) 1 1 2 2 phase (°) polar dispersion (°/nm) polar phase (°) polar dispersion (°/nm) polar ecart en polarisation (°) 1 1 2 2 dephaseur simple dephaseur compensé moyenne ecart type moyenne ecart type guides 6!m 84,4 7,2 83,6 2,9 0,029 0,009 -0,029 0,007 91,1 7,3 85,4 2,2 0,018 0,007 -0,027 0,002 6,8 0,5 1,9 0,9 guides 6,5!m 65,3 17,3 70,8 6,2 0,035 0,004 -0,013 0,010 71,0 15,1 74,5 6,9 0,039 0,010 -0,004 0,017 5,6 2,6 3,7 1,5 guides 7!m 42,4 10,5 73,0 10,9 0,037 0,009 0,003 0,012 47,9 11,3 76,9 11,2 0,030 0,010 -0,006 0,016 5,5 0,9 3,9 0,8 Tableau III-4 : valeur moyenne et écart type pour chacune des séries de déphaseurs. Les trois déphaseurs présentant un gros défaut ont été retirés des statistiques. La phase est la phase moyenne intégrée en longueur d'onde pour chaque série. La dispersion est la pente moyenne en fonction de la longueur d'onde. L'écart en polarisation est la différence des phases moyennes obtenues pour chacune des deux polarisations.
116 Pierre Labeye : « Composants optiques intégrés pour l'interférométrie astronomique », 2008.
Chapitre III : Réalisations et caractérisations
Les déphaseurs simples avec des guides de 7!m sont ceux qui s'éloignent le plus de la valeur théorique. En ce qui concerne les pentes, on retrouve bien que les déphaseurs achromatiques ont un comportement très plat en longueur d'onde, l'écart type sur la dispersion étant supérieur à la valeur moyenne. Enfin, la différence de phase entre les deux polarisations est toujours du même signe et de quelques degrés pour tous les déphaseurs, nous verrons que cela est différent pour les puces 4T-ABCD.
III – E – 4 – c – Résultats
des 4T-ABCD. Nous ne disposions que de 2 puces 4T-ABCD, chacune comportant 3 dispositifs, mais chaque dispositif présente 6 recombinaisons donc 6 déphaseurs, donc nous avons aussi un total de 36 déphaseurs. Les résultats sont quasiment identiques à ceux des 2T-ABCD à l'exception de six déphaseurs tous situés au même endroit de la puce représentée sur la figure III-19. 12
1 2
3
4 13 14 23 24
34
Figure III-19 : numérotation des déphaseurs sur le 4T-ABCD Les
résultats moyens
sont reportés
dans
le tableau III-5. Chapitre III : Réalisations et caractérisations
phase (°) polar dispersion (°/nm) polar phase (°) polar dispersion (°/nm) polar ecart en polarisation (°) 1 1 2 2 phase (°) polar dispersion (°/nm) polar phase (°) polar dispersion (°/nm) polar ecart en polarisation (°) 1 1 2 2 phase (°) polar dispersion (°/nm) polar phase (°) polar dispersion (°/nm) polar ecart en polarisation (°) 1 1 2 2 tous sauf sortie 14 sortie 14 moyenne ecart type moyenne ecart type guides 6!m 84,8 10,4 56,2 10,4 0,020 0,006 91,7 11,8 55,8 10,9 0,012 0,008 6,9 1,7 -0,5 0,4 guides 6,5!m 68,2 8,2 47,6 8,5 0,029 0,007 75,0 8,5 46,3 8,9 0,023 0,009 6,8 0,7 -1,3 0,4 guides 7!m 69,7 7,4 32,6 3,5 0,025 0,004 77,2 7,9 30,1 3,6 0,019 0,005 7,5 1,4 -2,5 0,1
Tableau III-5 : Déphasages obtenus sur les 4T-ABCD. Les déphaseurs '14' situés à l'extrémité de la puce ont un comportement différent des autres déphaseurs et ont été séparés des autres dans le tableau. Les valeurs de dispersion pour les déphaseurs '14' sont similaires à celles des autres déphaseurs et n'ont pas été reportées dans le tableau. Globalement, les déphaseurs ont un bon comportement not
amment très achromatique, et les
puc
es sont toutes totalement fonctionnelles, c'est à dire qu'elles permettent de mesurer le contraste et la phase des franges issues des quatre télescopes. Quelle que soit la largeur du coeur du guide, on retrouve un comportement quasiment identique aux déphaseurs mesurés sur les puces 2T-ABCD avec efois une dispersion très légèrement supérieure en moyenne. Cependant, on observe sur tous ces dispositifs, et ce, quelle que soit la largeur du coeur des guides d'onde, que les déphaseurs '14' ont des valeurs plus faibles que les autres. Leur comportement est surtout différent en fonction de la polarisation. La différence de phase en polarisation obtenue sur ces déphaseurs '14' est systématiquement de signe opposé comparé à la différence de phase en polarisation de tous les autres déphaseurs (2T-ABCD compris). Deux explications sont envisagées pour expliquer ce comportement. La première explication est de supposer que le problème peut venir d'une inhomogénéité sur plaque. En effet, du fait de la grande taille de ces puces, les déphaseurs '14' sont géométriquement situés plus en bord de plaque que tous les autres déphaseurs mesurés. Les couches peuvent avoir en bord de plaque une épaisseur
118 Pierre Labeye : « Composants optiques intégrés pour l'interférométrie astronomique », 2008. Chap : Ré
légèrement différente, ou encore, du fait de la courbure résiduelle de la plaque due aux contraintes, la photolithographie est peut-être légèrement dégradée en bord de plaque (défocalisation). Cependant, des observations au microscope à balayage n'ont pas permis de mettre en évidence un tel défaut, et par ailleurs, quelques simulations complémentaires où nous avons fait varier les paramètres d'épaisseur et de largeur de guide n'ont pas permis d'expliquer un tel écart. L'autre explication est de supposer une inhomogénéité de contraintes, le comportement en polarisation de ces déphaseurs étant différent de celui de tous les autres déphaseurs. Le problème est qu'à notre connaissance, il n'existe aucun moyen pour mettre en évidence un tel phénomène. En attendant de pouvoir le faire, nous avons simplement décidé de réorganiser la disposition des puces sur le masque à la prochaine conception afin de rapprocher du centre de la plaque les puces comportant des déphaseurs.
III – F – Bilan des caractérisations
Les résultats présentés dans ce chapitre font apparaître plusieurs points très positifs : • En tout premier lieu, les résultats sont globalement très conformes aux résultats attendus si l'on considère que la technologie induit une perte de côte des guides de 1!m. Ceci est extrêmement encourageant et permet d'envisager la conception de circuits complexes dont on peut prédire les performances de manière fiable. Ainsi, les fonctions photométriques élémentaires (jonction Y, coupleur, tricoupleur) ont toutes été validées que ce soit photométriquement ou spectralement. Elles peuvent donc maintenant être considérées comme les éléments d'une boîte à outils utilisable pour d'autres dispositifs. De plus, les dispositifs ont un très bon comportement photométrique global, sans lumière parasite détectable, ni diaphonie détectable, ce qui valide aussi l'utilisation de croisements de guides pour réaliser des recombineurs intégrés. • La transmission des dispositifs est globalement très bonne, même s'il est difficile d'envisager la comparaison avec l'optique de volume, aucun montage offrant de telles fonctionnalités n'ayant été réalisé à ce jour en optique de volume.
119 Pierre Labeye : « Composants optiques intégrés pour l'interfér astronomique », 2008.
Chapitre III : Réalisations et caractérisations
• Les déphaseurs qui étaient la principale inconnue de cette réalisation ont fourni d'excellents résultats en affichant un comportement très achromatique et des valeurs de déphasage relativement proches des valeurs calculées. Cela nous permet de valider le principe de ces déphaseurs que nous réutiliserons au chapitre suivant, mais d'une manière un peu différente. • Enfin, ces résultats valident le transfert de la technologie optique intégrée sur silicium sur substrat huit pouces qui a de plus conduit à une réalisation présentant un nombre extrêmement réduit de défauts : toutes les fonctions photométriques sont opérationelles, et seulement trois déphaseurs parmi soixante douze présentent un défaut si l'on exclut le problème particulier des déphaseurs en bord de plaque. La caractérisation exhaustive de tous les déphaseurs disponibles a aussi permis de mettre en évidence une grande sensibilité à leur position sur la plaquette de silicium. Même s'il est encore difficile de conclure sur ce point, on peut espérer une amélioration des performances en modifiant la répartition des puces sur la plaquette de silicium à la prochaine conception. Enfin, à la suite de ces résultats, le LAOG envisage de collaborer avec l'université du Michigan qui collabore avec l'interféromètre CHARA, afin d'effectuer des mesures sur ciel avec un "4T-ABCD". III – G – Conclusion
Dans ce chapitre, nous avons présenté les caractérisations optiques effectuées sur les dispositifs réalisés. Globalement, ces résultats extrêmement encourageants nous ont incité à aller plus loin et à réflechir à l'extension des fonctionnalités de l'optique intégrée pour le recombinaison astronomique, notamment dans le cadre du projet VSI qui concerne l'étude d'un instrument de recombinaison pour le VLTi[67]. Plusieurs voies ont été explorées : les améliorations possibles des fonctions réalisées, l'extension à un plus grand nombre de télescopes, la possibilité d'évoluer vers d'autres bandes spectrales, et 120
Pierre
Lab
eye
:
« Composants optiques intégrés pour l'interférométrie astronomique », 2008.
Chapitre III : Réalisations et caractérisations enfin,
le problème du suivi de franges
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IV. 121
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Composants optiques
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Pierre Labeye : « Composants optiques intégrés pour l'interférométrie astronomique », 2008.
Chapitre IV : Prochaine génération d'instrument pour le VLTI Chapitre IV : Prochaine génération d'instrument pour le VLTi IV – A – Introduction
Ce chapitre décrit l'étude menée dans le contexte du projet VSI à la suite des résultats obtenus sur les puces réalisées et exposés au chapitre III. Le projet VSI a pour but l'étude et la réalisation d'un banc recombineur de prochaine génération pour le VLTi. Dans une première partie, nous décrirons rapidement le principe de VSI. Dans une deuxième partie, nous présentons l'étude conduite sur l'extension des fonctionnalités des recombineurs (en terme de nombre de télescopes et de bande spectrale). Enfin, dans une troisième , nous détaillons les possibilités offertes par l'optique intégrée pour réaliser un dispositif de suivi de franges qui demande des fonctionnalités légèrement différentes.
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Plus tard, le territoire de la Haute- Guinée a enregistré l‟arrivée des Djallonka. Leur migration est également consécutive à la chute de l‟empire de Ghana. C‟est à cette époque (XIème et XIIème siècles) qu‟ils occupèrent le Siby (République du Mali, cercle de Katy). Mais, selon la tradition, les Djallonka étaient installés dans le Bidika (Sous-préfecture de Franwalia) et dans le Bouré (Sous-préfecture de Kintinian) dans la préfecture de Siguiri. Plus tard avec la désintégration du royaume de Soumaoro Kanté en 1235, les Djallonka accentuèrent leur migration au sud et à l‟est où ils formeront les provinces de Balèya (Kouroussa), de Solima et de Firia (Faranah), de Toumanya et Tamba (Dinguiraye). L‟expansion Diallonka sera particulièrement accentuée dans le Fouta où ce peuple sera dominant jusqu'à l‟arrivée des Foulbhè surtout les musulmans. Outre les Djallonka, il faut signaler l‟arrivée des Foulbhè par trois (3) vagues successives. La première vague de peuplement peulh qui fit souche au Wassoulon est contemporaine à l‟expansion Manika des XIIème et XIIIème. Cette vague venue du Macina à la recherche des pâturages serait la plus importante. La seconde vague de peulh migrants est celle des compagnons de Kolly Ténguella. Leur installation en Haute Guinée est consécutive à la décadence de l‟empire du Mali au XVème siècle. La troisième et dernière vague serait venue du Fouta Djallon dans la seconde moitié du XVIIIème siècle vers 1760 fuyant les troubles consécutifs lié au Djihad. Ces Foulbhè iront grossir les rangs de leur frère du Wassoulon. À la longue, les fulbés vont s‟intégrer à la société Manika, ne distinguant plus que par leur patronyme (Diallo, Diakité, Sidibé et Sangaré) et certains traits culturels et physiques (teint, cheveux, taille et corpulence). En dehors des Diallonka du Firia et de Solima, les différents groupes de population que nous venons d‟énumérer constituent aujourd‟hui avec les Manika une seule et même société : 37 la société Manika. La langue, les coutumes, les moeurs et les traditions Manika sont adoptées du moins pour l‟essentiel par l‟ensemble des communautés constitutives de la société Manika. Plus tard, dans la seconde moitié du 19ème siècle, on assiste à l‟arrivée d‟une vague migratoire de toucouleurs en provenance du Fouta Toro. Cette population était conduite par un chef religieux propagateur de l‟islam : Elhadj Oumar Tall. Les Toucouleurs se tailleront un territoire au dépend des Diallonka de Toumanya et de Tamba, dans l‟actuelle préfecture de Dinguiraye. De nos jours, on peut distinguer fondamentalement trois entités en Haute Guinée : le grand ensemble manika, les Diallonka du Firia et de Solima (rive gauche du Niger à Faranah) et les Toucouleurs de Dinguiraye. À ces grands groupes ethniques s‟ajoute une minorité de peulhs et de forestiers (Kissi, guerzé). Sur le plan socio-politique, les Manika ont développé un pouvoir politique fortement centralisé et une société profondément hiérarchisée caractérisée par une double stratification : horizontale et verticale (Camara, 2008). La stratification horizontale fait ressortir deux classes fondamentales : les hommes libres (Hörö) et les esclaves (Dyön). Les hommes libres sont également divisés en deux catégories essentielles : les Tontigui ou porteurs de carquois constitués de tribus guerriers (Camara, Keïta, Kourouma, Condé, Sacko) et les Tontan, constitués par les familles maraboutiques (Touré, Bérété, Diané, Souaré et Cissé). Quant à la classe des esclaves, elle était constituée de prisonniers de guerre ou d‟hommes acquis par achat ou par endettement ou encore dans une certaine mesure des individus issus d‟ascendants esclaves. À côté de cette stratification en classes sociales, on distingue une autre stratification horizontale. Celle-ci divise la société en hommes non castés et en hommes de castes. On distingue les groupements castés suivants : les forgerons (Numu) avec une sous caste, les bijoutiers (Siaki), les cordonniers (Garanké), les griots (Dyéli) avec une sous-classe (les Fina). Il faut citer également les pêcheurs (Bozo et Somono). Si de nos jours la stratification de la société en hommes non castés et en hommes de castes persiste, celle qui divisait la société Manika en hommes libres et esclaves n‟existe plus, car tous les esclaves ont été affranchis par leurs maitres. 38 Par ailleurs, la société dans son ensemble est soumise à un régime patrilinéaire. La famille patriarcale étendue « lu » constitue l‟unité de base. Plusieurs familles forment un lignage et plusieurs lignages forment un clan « kabila » dirigé par un chef appelé kabilakunti. Celui-ci assure non seulement l‟autorité religieuse et judiciaire mais également représente le clan à toutes les instances de décision. Il siège surtout autour des problèmes qui se situent audelà des compétences d‟une famille élargie comme les questions de mariage, de terre et de conflits sociaux (Touré, 2013). Sur le plan religieux, la société Manika dont l‟islamisation a débuté au XVIIIème siècle est essentiellement constituée de musulmans. Cependant, on note certains groupes restreints qui continuent à pratiquer l‟animisme surtout par l‟existence des sociétés sécrètes (chasseurs, féticheurs). Un petit noyau de chrétiens existe à Saint Alexis, la banlieue de la commune urbaine de Siguiri (Camara, 2008).
1.2.4. Choix des zones d'enquête
Si la région administrative de la Haute Guinée est composée de cinq préfectures, c‟est seulement dans les préfectures de Kankan, Mandiana, Siguiri, que la collecte des données s'est déroulée. Kérouané et Kouroussa n'ont pas été choisis en raison de caractéristiques socioéconomiques identiques à Mandiana. Mandiana est considérée comme l‟une des préfectures les plus rurales et conservatrices. Près de 80% de la population pratiquent l‟agriculture. En raison de la présence de la confrérie des chasseurs, les inégalités de genre prédominent. Structurée à l‟image d‟une armée, cette organisation traditionnelle des chasseurs est une société ésotérique composée d‟hommes majeurs assermentés sur la base de règles et principes précis (avoir subi les épreuves initiatiques, bonne connaissance des plantes et des animaux, être versé dans l‟univers du sacré, être honnête). La chasse est l‟activité principale de la confrérie. Elle est essentiellement masculine et permet aux jeunes malinkés d‟acquérir en plus de l‟identité de naissance un nouveau statut « simbon », c‟est-à-dire un chasseur très expérimenté qui a fait preuve de faits de gloire. C‟est pourquoi ce sont les hommes et non les femmes qui contrôlent les ressources animales et foncières (Condé, 2013 ; Dioubaté, 2012 Kankan est le Chef-lieu de la région de la Haute Guinée. Les sièges régionaux de toutes les IMF (CRG, CAFODEC RAFOC, ADEV, 3AE et MGE) s'y trouvent. C'est une `'ville de négoce''. Car, le commerce et les échanges occupent une place centrale dans l'économie de 39 la préfecture. Aussi, les femmes sont très dynamiques dans le secteur informel. La position carrefour de la ville prédispose Kankan à jouer un rôle clé dans le développement de la région (Diallo, 2012). Siguiri est la plus grande préfecture du pays avec 18 400 km2 pour une population de 687 002 habitants (RGHP 3, 2014). Créée en 1888, elle est également l‟une des plus vieilles en Guinée. L‟économie de la zone est profondément tributaire de l‟exploitation artisanale et moderne de l‟or. C‟est ainsi que les populations ont gardé une longue tradition d‟orpaillage. L‟environnement économique ainsi défavorable a permis le renforcement des pratiques financières informelles et la faible bancarisation. Cet état de fait s‟est accompagné d‟un renforcement des pratiques traditionnelles, informelles comme la « tontine », mais surtout le « prêt usurier » avec des taux de près de 40% (Barry, 2010). Après le 3 Avril 1984, l‟Etat s‟est désengagé en créant un environnement juridique et économique favorable à l‟éclosion des initiatives privées. Une place de choix fut accordée au 41 secteur privé et à la société civile dans le processus de développement. En reconnaissance du rôle crucial que la microfinance joue dans le secteur informel de l‟économie guinéenne et l‟importance de disposer d‟une politique monétaire claire pour garantir un environnement institutionnel sûr et sain, la Banque Centrale de la République de Guinée (BCRG) a initié sa stratégie nationale de microfinance en 1988. Elle se concentre sur la promotion de la fourniture d‟épargne appropriée et de services de crédits à l‟intention des micro-entrepreneurs et des pauvres qui n‟ont aucun accès officiel aux services financiers à travers le système bancaire. Le ton fut donné par la création de deux projets de microfinance : le Crédit Mutuel en 1988, à travers un contrat passé entre le gouvernement guinéen et le Centre International du Crédit Mutuel (CICM) et le Crédit Rural, à travers la Caisse Centrale de Coopération Française, actuelle AFD (Agence Française Développement). Après près de trois (3) décennies de libéralisme économique, le secteur de la microfinance en Guinée est caractérisé par la présence d‟IMF, de projets avec volet microcrédit et d‟organisations non gouvernementales (ONG) évoluant sur le terrain. Ces acteurs sont pour la plupart financés par des bailleurs de fonds (PNUD, FIDA, A , ONUDI) et assistés techniquement par des ONG internationales. À la date du 31 décembre 2015, vingt (20) IMF exerçaient sur le territoire national (BCRG, 2015). Suivant le cadre légal, réglementaire et institutionnel, les institutions de microfinance sont regroupées en trois catégories : 1. La première catégorie regroupe les IMF constituées essentiellement de coopératives. Celles-ci collectent l'épargne puis rétrocèdent des crédits exclusivement au profit des membres. Onze (11) IMF se retrouvent dans cette première catégorie ; 2. La deuxième catégorie comprend sept (7) IMF qui sont exclusivement des sociétés anonymes et des mutuelles. Tableau 3 : Catégories des IMF opérant en République de Guinée
Catégories Catégorie 1 Catégorie 2 Catégorie 3 Dénomination Caisses Populaires et de Crédit « Yètè Mali » de Guinée (CPEC-G) Société coopérative de mobilisation des ressources pour l‟investissement en Guinée (MIGUI) Réseau des caisses communautaires d‟épargne et de crédit de Guinée (DjamaDjigui) Mutuelle d‟Épargne et de Crédit des Pêcheurs Artisans de Guinée (MECREPAG) Groupe d‟appui à l‟autopromotion économique et sociale-GIE de Guinée (GAAES-GIENAFAYA) Caisse d‟appui aux initiatives de développement Economique local (CAIDEL) Mutuelle de crédit et d‟épargne Sabou Guinée Coopérative de promotion du Crédit Social Solidaire GIE (HAMI YARA) Mutuelle Financière des Femmes Africaines (MUFFA) Unités MUFFA et MC2 d‟Afriland First Banque Faitière des Associations des Services Financiers de la Basse Guinée (FASEF BG) Crédit Rural de Guinée (CRG SA) Finance et Développement (FINADEV SA) Centre d‟Appui et de Formation pour le Développement, l‟Épargne/Crédit et l‟Education Civique (CAFODEC Finance SA) Compagnie Financière de Guinée S.A (COFINA) Jatropha S. A Crédit Nafa de Guinée S. A Réseau d‟Assistance Financière aux Organisations Communautaires (RAFOC) Agence Autonome d‟Assistance Intégrée aux Entreprises (3AE) Maison Guinéenne de l‟Entrepreneur (MGE) Source : BCRG
, 2015
Sur le territoire de la Haute Guinée, six IMF exercent légalement des activités de crédit et d‟épargne. Il s'agit du CRG, des 3AE, du RAFOC, du CAFODEC, de la MGE et la FINADEV. Les caractéristiques de chacune de ces IMF sont développées au chapitre 4. Pour le CRG, la FINADEV et le CAFODEC, leur dimension est nationale avec un ège à Conakry. Ces IMF opèrent dans la région de la Haute Guinée et les préfectures à travers leurs agences locales. Elles se distinguent par le nombre élevé de leurs clients (essentiellement des femmes) et l‟importance du volume de crédit octroyé. Le RAFOC, les 3AE et la MGE sont des IMF créées et subventionnées par des bailleurs de fonds (PNUD, Etat). Elles ciblent prioritairement les femmes tant en milieu rural qu‟urbain avec un taux d‟intérêt moins élevé. Le RAFOC, le CRG et la MGE interviennent en milieu rural et octroient des crédits aux agricultrices et aux transformatrices de produits agroalimentaires. 1.3.2. Le secteur de la Microfinance en chiffres 1.3.2.1. Etat des encours de crédit et d'épargne
Selon la BCRG, les IMF guinéennes desservaient 470 604 personnes en 2015. Ce qui constitue une progression de 11% par rapport à 2014. La période se caractérise aussi par une hausse de l‟épargne. Les dépôts collectés se sont établis à 219,23 milliards GNF contre 165,75 milliards GNF en 2014, soit une progression de 32,96%. Le volume des financements (montants des crédits distribués) est estimé à 256,60 milliards GNF, ce qui correspond à une progression de 34% par rapport à 2014. En termes d‟encours, les engagements se sont établis autour de GNF 188,16 milliards à la fin de l‟année 2015, soit une progression de 11,6% par rapport à fin 2014. Le taux d‟impayé sur les crédits a reculé de 2 points par rapport à 2014. Le montant des créances en souffrance (23, 462 milliards GNF en 2015 contre 23,687 milliards en 2014) a légèrement baissé de 1% par rapport à 2014. Il ressort que le montant des crédits en souffrance a légèrement baissé de (-1%) en 2015 par rapport à 2014 comme l‟indique le tableau ci-dessous.
Tableau 4 : Evolution des principaux agrégats du secteur en 2011 et 2015 Indicateurs Nombre d‟IMF Nombre de guichets Nombre d‟employés Nombre de clients Nombre de crédits en cours Fonds propres consolidés (en mds de GNF) Volume des crédits (en mds de GNF) Encours des crédits (en mds de GNF) Encours d‟épargne (en mds de GNF) Portefeuille des crédits en souffrance (en mds de GNF) Résultat net en (en mds de GNF) 2013 2014 2015 17 507 732 394 500 161 431 66,16 181,87 156,88 134,52 16,30 2,09 20 306 713 423 327 141 731 41,85 190,91 ,12 165,75 23,69 -14,99 20 345 832 470 604 103 934 36 256,60 188,16 219,23 23,46 -5 Variation par rapport 2014 13% 15% 11% -27% -14% 34% 11,6% 32% 1% -68%
Source : BCRG, 2015
À la lumière des données du tableau, on note une progression du nombre de clients, du nombre de guichets (ou points de service), du nombre d‟employés, des encours d‟épargne et de crédits ainsi que le volume des crédits octroyés. Cependant, l‟on enregistre une baisse du nombre de crédits accordés, des fonds propres et du résultat net. 10 FINADEV y figure mais aucune donnée nous pas été communiquée en dépit de plusieurs sollicitation auprès de l‟Administrateur général. Tableau 5 : Part (en milliards de GNF) des femmes en termes de crédit et d'épargne en 2016 IMF
Effectifs H PM F Total %F H PM F Total Encours d'épargne F Total 198159 6833 341653 40,0 39,49 7,64 42,82 89,96 -- 109,88 COFINA 309 156 13666 1 138 603 22,9 73, 71 10,75 7,70 92,17 5,99 77,68 Yètè Mali 39176 6325 47157 92658 50,9 13,95 5,76 12,11 31,84 19,94 54,79 195 41 91 327 27,8 5,40 1,85 2,33 9,58 - _ 237839 13355 184047 435241 35,4 123, 56 26,01 64,97 288,43 25,93 242,36 CRG 3AE Total Encours de crédit
Source : Enquête de terrain, 2017
1.3.2.3. Part du marché
Selon les données de la BCRG (2015), le secteur de la Microfinance est dominé par (5) cinq IMF sur la vingtaine agréée, dont les 3AE, une IMF de la troisième catégorie et donc non autorisée à collecter de l‟épargne. En effet, les quatre premières IMF détiennent à elles seules 96% de l‟ensemble des dépôts collectés par le secteur, soit GNF 210,37 milliards sur GNF 219,23 milliards pour l‟ensemble du Secteur. Il s‟agit du CRG, de Yètè Mali, de COFINA et de FINADEV. Par exemple, le Crédit Rural de Guinée et le réseau CPECG Yètè Mali, ont enregistré des augmentations respectives de 7% et de 11% en 2015. Les clients de ces deux IMF représentent 84% de l‟ensemble des clients du secteur, dont 66% pour le CRG. Dans ce lot, les trois (3) premières IMF détiennent 189,92 milliards GNF d‟encours des dépôts, soit 87% du total des dépôts. Par exemple, les dépôts du CRG ont atteint 111,71 milliards GNF contre 89,16 milliards un an plutôt, soit une progression de 25%. Le réseau Yèt Mali engrange 40, 77 milliards GNF soit 36% d‟augmentation et COFINA qui, avec 37,44 milliards GNF accuse une hausse de 41%. S‟agissant des concours accordés, 88% du portefeuille de crédit est détenu par les cinq (5) IMF qui totalisent 165,35 milliards GNF sur les 188,16 milliards GNF pour l‟ensemble des IMF. Au cours de l‟exercice 2015, ces cinq IMF ont cumulé 90% du volume des crédits accordés aux différents secteurs, dont les plus importants ont été enregistrés au niveau des IMF suivantes : CRG (39%), COFINA (26%) et de FINADEV (13%). Par ailleurs, le CRG continue de maintenir sa position de leader du secteur avec une part de 40% du portefeuille des crédits. Il convient toutefois de remarquer la progression réalisée par COFINA qui occupe la troisième place en termes de dépôts (17%) et deuxième en termes de financements accordés (26%) et d‟encours de crédits (18%). 46
Tableau 6 : Parts de marché en milliards de GNF en 2015 N° IMF CRG 1 YETE MALI 2 COFINA 3 FINADEV 4 3AE 5 Sous total Total secteur Encours dépôts Montant Part 111,71 51% 40,77 19% 37, 44 17% 20,45 9% 210,37 96% 219,23 100% Encours crédits Montant Part 76,11 40% 26,84 14% 33,69 18% 18,01 10% 10,70 6% 165,35 88% 188,16 100% Crédits accordés Montant Part 100,42 39% 19,66 8% 65,89 26% 32,13 13% 11,00 4% 176,38 90% 256,60 100 Source :
BC
RG
, 2015
1.3.2.4. Financement des secteurs d'activités
Signalons également que tous les secteurs de l‟économie nationale bénéficient des financements avec une nette prédominance des financements des secteurs du commerce et l‟hôtellerie avec 53% des crédits en 2015. Viennent ensuite autres (mariage, baptême, frais de scolarité, crédits fonctionnaires) avec 21%, le secteur rural (agriculture, élevage et pêche) avec 14% ; travaux publics et bâtiments (6%) industrie et artisanat (4%) et enfin transport et communication (2%).
Tableau 7 : Financement des IMF par secteur d'activité en 2015 Secteurs d‟activité Commerce et hôtellerie Agriculture, élevage et pêche Industrie et artisanat Autres (consommation) Travaux publics et bâtiments Transport et communication Total % de financement en 2015 53 14 4 21 6 2 100 Source : BCRG, 2015
1.3.3. Cadre légal, règlementaire et institutionnel de la microfinance en Guinée 1.3.3.1. Cadre légal et règlementaire
Le dispositif légal et règlementaire de la microfinance en Guinée comprend la loi sur la microfinance qui encadre et contrôle l‟ des IMF et les structures de la banque centrale qui définissent les modalités de la mise en application de certaines dispositions de la loi (Diallo (2014). Le secteur de la microfinance guinéenne est réglementé par la loi L/2005/020/AN. Elle fut promulguée le 22 novembre 2005 et s‟articule autour de l‟exercice de l‟activité de microfinance, le type d‟organisation adapté aux IMF, les conditions d‟accès au secteur, la protection de l‟épargne, la sécurisation des opérations, la solidité financière des 47 IMF, l‟interdiction des pratiques contraires à la règlementation, les sanctions prévues en cas d‟usage de mauvaises pratiques, le mode d‟administration et enfin les conditions de liquidation. 1.3.3.2. Le cadre institutionnel
L‟article 51 de la loi responsabilise la BCRG comme autorité de tutelle des IMF. Cette autorité est exercée à travers la Direction de la supervision des IMF, le comité d‟agrément et deux (2) organes chargés que sont l‟Association Professionnelle des institutions de Microfinance de Guinée (APIMG) et l‟Agence Nationale de Microfinance (ANAMIF). a) La Direction de la Supervision des Institutions de Microfinance (DSIMF) Elle est l‟une des trois (3) directions de la Direction Générale de la Supervision des Institutions financières (DGSIF). Elle est chargée, en vertu de la loi L/2005/AN relative à l‟activité et au contrôle des IMF, de suivre la réglementation relative à la microfinance et d‟assurer la supervision et le contrôle des IMF. Suivant décision N°245/09 fixant ses attributions, la DSIMF est précisément chargée : - De l‟élaboration et du suivi de la réglementation des Institutions de Microfinance ; - De l‟étude des dossiers de demande d‟agrément des nouvelles IMF ; - Du suivi des conditions d‟exploitation des Institutions de Microfinance, notamment à travers les contrôles sur pièces et les vérifications sur place y compris bien sûr le contrôle prudentiel. À cet égard, la Direction propose, chaque fois que la situation l‟exige, à l‟encontre des IMF, de leurs dirigeants et commissaires aux comptes, des mesures administratives sous forme de mises en garde ou d‟injonctions, l‟application de sanctions pécuniaires graduées ou disciplinaires, allant de l‟avertissement au retrait d‟agrément. Ainsi, selon la BCRG (2015), la DSIMF a effectué sept (7) missions d‟inspection dans les IMF en 2015. Ces missions ont conduit aux principaux constats suivants : (i) faible implication des Membres des Conseils d‟Administration dans le fonctionnement des IMF ; (ii) manque de rigueur dans l‟exécution des travaux des commissaires aux comptes ; (iii) faible suivi des recommandations des commissaires aux comptes et des missions d‟inspection de la Banque centrale ; (iv) déficience de la gouvernance (absence de système d‟information fiable, faible contrôle interne, mauvaise application de certains textes).
b) Le comité des agréments
Il a pour mission de : 49 - Délivrer/retirer les agréments/autorisation préalables des IMF, ainsi qu‟aux dirigeants et commissaires aux comptes ; - Établir la règlementation concernant le montant du capital minimum des IMF et les conditions des opérations que ces institutions peuvent effectuer, en particulier dans les relations avec la clientèle. Ce comité est présidé par le Gouverneur de la BCRG. En cas d‟empêchement, il est remplacé par son vice-gouverneur. Il comprend en outre les représentants du Ministères chargé de l‟économie et des finances, de la justice et un représentant de la banque centrale. Au cours de l‟année 2015, le Comité des agréments a accordé deux nouvelles autorisations, dont un changement de catégorie. La nouvelle structure agréée est la Faîtière des Associations de Services Financiers de la Basse Guin (FASEF-BG) et le RAFOC qui a changé de la troisième pour la deuxième catégorie. En revanche, il a retiré l‟agrément de PRIDE FINANCES, qui exerçait dans la troisième catégorie. c) L'Association professionnelle des Institutions de Microfinance de Guinée (APIMGuinée) Créée en novembre 2005, l‟APIM-Guinée défend et représente les IMF et leurs structures pour mieux servir les populations démunies. Sa principale mission est de créer un cadre dynamique de réflexion, d‟échanges et d‟harmonisation entre les secteurs intervenant dans le domaine de la microfinance en Guinée. Pour atteindre sa mission, elle s‟est fixe les principaux objectifs suivants : - Promouvoir les meilleurs pratiques des structures membres par le biais des échanges d‟informations ; - Raffermir les relations et la collaboration entre structures membres afin d‟aider à la promotion de leur intégration ; - Faciliter un plus grand accès aux financements des initiatives de promotion de la microentreprise ; - Jouer le rôle d‟interlocuteur sur le plan financier, social et politique entre les IMF, les autorités étatiques, les populations et les bailleurs de fonds ; - Assurer la promotion et la défense des intérêts des IMF L‟APIM-Guinée compte plus d‟une quinzaine d‟IMF membres, et est structurée autour de trois organes, à savoir : l‟Assemblée générale qui est l‟instance suprême, le conseil d‟administration chargé de la gestion et le conseil de surveillance qui est une structure de 50 contrôle. Ces différents organes se réunissent régulièrement pour travailler sur la vie et les activités de l‟association. Les ressources financières de l‟association sont composées notamment des cotisations des IMF membres et des contributions des partenaires techniques et financiers, essentiellement le PNUD. La structure est confrontée à un certain nombre d‟insuffisances qui ne lui permet pas l‟atteinte des objectifs assignés. Il s‟agit notamment de la faiblesse des ressources humaines, la faiblesse de l‟appui technique et des ressources financières internes, l‟absence de moyen de transport et d‟équipements (ordinateurs, photocopieuse). Il serait donc opportun que cette structure soit appuyée par les différents acteurs afin qu‟elle soit dotée de moyens adéquats et compatibles à sa mission, en conformité avec l‟exigence de développement du secteur de la microfinance. d) L'Agence Nationale de la Microfinance (ANAMIF) Créée le 19 avril 2011, l‟ANA F est un établissement public à caractère administratif. Placée sous la tutelle de la présidence de la république, elle a pour mission de concevoir, mettre en oeuvre, suivre et évaluer la politique du gouvernement en matière de microfinance en faveur des populations exclues du système bancaire classique. Son objectif principal est de faire de la microfinance un véritable instrument de lutte contre la pauvreté en favorisant l‟auto-emploi et l‟emploi des jeunes ainsi que des femmes par leur accès aux services abordables et efficaces de crédit de proximité. L‟ANAMIF est dirigée un conseil d‟administration et une direction générale. Le conseil d‟administration est l‟organe délibérant. Composé de onze membres, il a la compétence de délibérer sur les questions de stratégie, de planification ainsi que celles relatives à l‟organisation, au fonctionnement et la régulation de l‟agence. La direction générale dirige, anime et cordonne l‟ensemble des activités. Elle est responsable de la réalisation des programmes et assure la mise en oeuvre des décisions du conseil d‟administration. Pour atteindre les objectifs de sa mission, le Président de la République de Guinée a mis à la disposition de la structure un Fonds National de Microcrédit en faveur des Femmes et des Jeunes (FNMFJ) dont la dotation initiale s‟élevait à cent trente milliards (130 000 000 000) GNF. De ce montant, des lignes de crédits ont été accordés à quatorze IMF pour un montant total de 38 727 841 000 GNF. Mais selon le rapport d‟audit de la Présidence de la République (2015), l‟ANAMIF est caractérisée par une crise de gouvernance : non-respect de la séparation des pouvoirs et des attributions entre la direction générale et le conseil 51 d‟administration, l‟inexploitation des manuels de procédures de gestion de l‟agence et du fonds et l‟irrégularité dans la comptabilité. Toutes ces incohérences ont eu pour conséquence l‟opacité dans le fonctionnement de l‟agence. C‟est fort de ce constant que les fonds de l‟ANAMIF ont été réorientés vers Afriland First Bank pour la mise en place des Mutuelles Financières des Femmes Africaines (MUFFA).
1.3.4. Principales contraintes et opportunités du secteur de la microfinance en Guinée 11 1.3.4.1. Les opportunités
Le secteur de la microfinance en Guinée bénéficie de plusieurs opportunités. Dans un premier temps, on peut citer notamment la relative stabilité de la situation économique du pays. En effet, la situation économique de la Guinée reste encore fragile malgré la fin de la maladie à virus bola. Bien avant le déclenchement de cette crise sanitaire, les perspectives économiques de la Guinée étaient favorables à une croissance soutenue de 4,5% en 2014 et 6,3% en 2015. Mais, avec Ebola, les projections de croissance économique ont été fortement revues à la baisse, passant de 4,5% initialement à 1,1% pour l‟année 2014 et de 0.1 % en 2015 (PNUD/BAD/BCRG, 2015). En plus des nombreuses pertes en vies humaines et des conséquences sociales, l‟épidémie a entrainé une baisse de la production et des investissements, la hausse du déficit budgétaire, des pertes d‟emplois et la chute des revenus des ménages. 11 Pour plus de détails,
se
référer au rapport du (PNUD/UNCDEF, 2011) sur l‟analyse de l‟offre et de la demande de services financiers en Guinée. C‟est dans ce contexte que l‟Etat à travers la création de l‟ANAMIF et plus récemment des MUFFA (Mutuelle Financière des Femmes Africaines) affiche sa volonté politique pour créer les conditions d‟un développement soutenu du secteur, notamment en termes de diversification et de décentralisation des produits et services pour assurer une plus grande proximité des services aux bénéficiaires ; la revue du cadre réglementaire pour adapter la réglementation et les instructions relatives à l‟exercice de la profession de microfinance ; la création de mécanismes et outils permettant à la fois, à l‟autorité de tutelle d‟exercer efficacement la supervision du secteur et aux institutions de microfinance de maîtriser l‟arsenal juridique et réglementaire pour mieux respecter la réglementation (PNUD/UNCDEF, 2011). Le gouvernement est en outre accompagné par des bailleurs de fonds dans la mise en oeuvre de ses orientations politiques avec pour objectifs la bancarisation de l‟économie informelle et la fourniture des services de crédit et d‟épargne aux populations. C‟est par exemple, le cas de l‟AFD qui depuis 1988 avec des programmes ruraux de développement intégré participe au renforcement et à la consolidation du secteur de la microfinance en Guinée. Egalement on peut citer le PNUD qui apporte son soutien notamment à l‟APIMG, et à l‟entrepreneuriat jeune et tout le processus de formulation et de mise en place d‟une stratégie nationale de finance inclusive ; le FIDA, à travers les programmes de renforcement du secteur agricole qui occupe une frange importante de la population, potentiel bénéficiaire des services des IMF; l‟Agence Canadienne pour le Développement Internationale (ACDI) et l‟appui technique de Développement Internationale Desjardins (DID) ont favorisé la création et l‟opérationnalisation de Yètè Mali. Si la plupart des partenaires ont suspendu leur participation directe aux IMF, néanmoins, il faut signaler l‟appui quasi permanant du PNUD au secteur, notamment à travers diverses initiatives au bénéfice des jeunes et surtout des études d‟analyse du secteur (PNUD/UNCDEF, 2011). Outre ces opportunités, on peut ajouter le faible taux de pénétration des IMF qui pourrait constituer un potentiel important pour les IMF qui peuvent l‟exploiter pour s‟implanter davantage sur le territoire national, marqué notamment par le développement d‟un secteur informel de plus en plus dynamique. Rappelons que le secteur de la microfinance guinéenne compte à ce jour une vingtaine d‟institutions contre 238 au Sénégal (DPEE, 2014) et 700 IMF au Bénin qui desservent environ 20 % de la population et 1/3 de la population adulte en 2014 (FMI, 2016).
1.3.4.2. Les menaces/ obstacles du secteur
Le secteur de la microfinance reste confronté à plusieurs obstacles/ menaces qui freinent à des degrés divers son développement. Il s‟agit notamment de l‟existence d‟un risque systémique dans le secteur, la forte dépendance des IMF aux subventions, la faible articulation des IMF avec les banques et un faible niveau de concertation des bailleurs et autres partenaires en développement dans le secteur de la microfinance en Guinée (PNUD/UNCDEF, 2011). En effet, comme nous l‟avons mentionné précédemment, l‟essentiel des opérations dans ce secteur reste concentrer au niveau de quatre (4) institutions, en l‟occurrence le Crédit Rural de Guinée, Yètè Mali, FINADEV et la COFINA. Ces structures gèrent plus de 87% des activités (BCRG, 2015). Les difficultés et dysfonctionnements enregistrés dans l‟une de ces grosses structures pourraient susciter des répercutions sur l‟ensemble du secteur. Pour anticiper les éventuelles crises, plutôt que de les subir, il serait important que les autres IMF s‟affirment davantage dans la fourniture des services financiers et non financiers et que de nouvelles institutions soient promues pour créer un secteur plus équilibré pour mettre fin à cette situation de monopole (oligopole) » dans le secteur de la microfinance en Guinée. Au-delà de cet aspect, il existe une forte dépendance des IMF aux subventions des partenaires au développement. Il faut rappeler que les grosses IMF se sont développées au départ grâce au soutien technique et financier des bailleurs et des autorités publiques. C‟est le cas du crédit qui a beaucoup bénéficié de l‟appui de l‟Agence Française de Développement (AFD), de l‟IRAM (Institut de Recherche et d‟Application des Méthodes de Développement) et autres partenaires. Il en est de même pour la plupart des structures. Même si aujourd‟hui, toutes ces IMF se sont institutionnalisées, la culture de projet y est restée chez la plupart avec une forte propension aux subventions considérées comme une condition essentielle de réussite et non comme un appui qui devrait éventuellement venir en renfort d‟un développement axé prioritairement sur les ressources et moyens internes. On peut ajouter également la faible articulation des IMF avec les banques. Cette situation s‟explique notamment par : (i) le recours de plus en plus de certaines banques au « downscaling12 », considérant ainsi les IMF comme des concurrents potentiels ; (ii) le manque 12 Le downscaling consiste pour une banque à descendre en gamme de clientèle en réduisant son échelle d‟intervention afin de pouvoir atteindre une niche de clientèle à revenu plus faible. C‟est en Amérique Latine et 54 de rigueur dans l‟audit des états financiers ou des rating qui devraient donner plus de crédibilité à la situation financière des IMF ; ce qui ne permet pas aux banques d‟apprécier la qualité du portefeuille des IMF, alors que le portefeuille devrait constituer un élément de garantie de premier ordre ; (iii) la faible qualité technique des dossiers de financement des IMF soumis aux banques ; (iv) et enfin (v) le faible recours à priori des IMF aux financements commerciaux en raison de l‟existence des financements et subventions des bailleurs/partenaires en développement qui ont fait tradition dans le secteur. Le déficit de collaboration et communication entre les IMF n‟est pas à occulter. Il ne manifeste notamment pas l‟absence de centrale de crédit et de rencontres périodiques entre les différentes IMF. Or il est admis que l‟existence d‟une centrale d‟information permettrait d‟avoir une base de référence en matière de gestion du crédit et de réduction des risques. Egalement, la tenue des rencontres périodiques entre les IMF pourraient leur permettre de définir une stratégie commune et un maillage plus organisé et plus structuré dans leurs interventions/ implantations. Le faible niveau de concertation des bailleurs et autres partenaires en développement constitue aussi des obstacles qui limitent le développement du secteur. Cette situation ne permet pas de coordonner les actions, de partager les informations ou de créer des synergies nécessaires pour une harmonieuse du secteur. Il est important qu‟un cadre de concertation soit mis en place et animé au sein de tous ces partenaires pour éviter ou tout au moins limiter ces situations. Une implication des acteurs à tous les niveaux pourrait aboutir à obtenir des informations/stratégies utiles pour mieux définir les orientations et créer des synergies concourant au développement du secteur de la microfinance en Guinée.
1.4. Méthode de collecte des données
Cette partie décrit les principes fondamentaux mis en oeuvre (Gauthier, 1990) pour collecter, analyser et présenter les données relatives à notre étude. La démarche privilégiée dans cette thèse est qualitative. en Asie que les premières expériences de « downscaling » ont été enregistrées. Elles sont les oeuvres des institutions pionnières comme Bonco do Nordeste, Bank RakyatIndonesia et Banco de Credito qui sont parvenues à pénétrer le marché de la microfinance avec succès. En Amérique Latine, les banques commerciales fournissent 29 % des fonds alloués aux micro-entrepreneurs (Fall, 2009). Avant de revenir sur chacune de ces méthodes, nous mettons en évidence dans le titre qui suit, les carcactéritiques des groupes stratégiques qui composent l‟échantillon, sur la base duquel 247 personnes ont été interrogées, dont 178 (72,06%) femmes bénéficiaires de microcrédit. Le dernier point de cette partie explique comment les données ont été collectées, traitées et analysées.
1.4.1. Caractéristiques des groupes stratégiques
Bien déterminer sa population cible et son échantillon est une étape fondamentale dans toute recherche, sa validité en dépend. Si l'identification des groupes est effectuée avec des erreurs, les données collectées risquent de ne pas être en conformité avec les objectifs visés. Les groupes stratégiques comprennent, alors, l‟ensemble des personnes qui détiennent des informations pertinentes et indispensables relatives au sujet étudié. Ils varient selon les problèmes considérés. Les critères servant à les cerner sont les caractéristiques socioprofessionnelles (sexe, caste, métier), les affiliations lignagères, les réseaux de solidarité ou de clientèle, etc. Ils sont essentiellement empiriques et supposent que les intérêts des acteurs et leurs représentations s'agrègent différemment (De Sardan, 1995). Pour donner un sens et une signification aux effets de microcrédit sur les conditions de vie des femmes en Haute Guinée, il a été utile d'établir des contacts directs avec les personnes concernées par les programmes de microcrédit. Il s‟agit des informateurs qui sont des femmes bénéficiaires de microcrédit, des démissionnaires, des responsables des structures de microcrédit et des non-adhérant(e)s. Les femmes bénéficiaires de microcrédits, sont toutes les femmes qui contractent auprès d‟une ou plusieurs IMF, un ou des microcrédits pour soit exercer une activité génératrice de revenu, soit résoudre un problème social (santé, éducation). C'est aussi celles qui utilis les services d'épargne des IMF. Elles sont les principales cibles de cette recherche et sont commerçantes, transformatrices de karité, saponificatrices, coiffeuses, maraichères. Les démissionnaires sont des ancien(ne)s client(e)s des IMF ayant décidé volontairement de suspendre leur collaboration (retrait d'épargne, de garantie) avec les agences de microfinance, une fois le crédit totalement remboursé. Trois catégories ont été identifiées. La première concerne ceux qui ont éprouvé d‟énormes difficultés de remboursement malgré leur bonne foi. Ils ont estimé que l'assistance du crédit est insuffisante. La seconde catégorie concerne les emprunteurs solidaires qui ont supporté toutes les charges des remboursements à 56 la place des individus qui n‟ont pas respecté leur engagement au sein des groupes de caution solidaire. Le troisième groupe est constitué d'anciens clients qui estiment avoir atteint les objectifs pour lesquels le crédit a été sollicité (se soigner, augmenter leurs fonds de commerce, acquérir un bien). Par responsables des structures de microcrédit, nous désignons les gérants et agents de crédit des IMF de la zone étudiée. Au même titre, la Direction Nationale de la Supervision des Institutions de Microfinance en Guinée (DNSIMFG), l‟Agence Nationale de la Microfinance (ANAMIF), l‟Association Professionnelle des Institutions de Microfinance en Guinée (APIMG) ainsi que les Directions des différents sièges sont désignées sous ce vocable. Les non-adhérant(e)s : contrairement aux exclu(e)s et démissionnaires, ce sont des personnes qui n‟ont jamais appartenu à une IMF en raison de la nature des activités pratiquées qu‟elles désapprouvent (pour des convictions religieuses), ou du manque d‟information sur les objectifs des IMF, ou encore parce qu‟elles ne disposent pas de capacité à rembourser ou à mobiliser les garanties nécessaires ou enfin parce qu‟elles n‟éprouvent pas le besoin d‟emprunter aux IMF. Sur cette base, le procédé de sélection de nos enquêté(e)s repose sur la diversité des situations et la saturation de l‟information, car en matière d‟échantillon en méthodologie qualitative, la taille et la représentativité n‟ont guère de sens (Guérin et al, 2011). Ce procédé a consisté à réaliser des entretiens approfondis auprès de différentes catégories d‟acteurs (femmes dans différents secteurs d‟activités génératrices de revenus, statut matrimonial, milieu de résidence, l‟appartenance aux groupements d‟intérêt économique, femmes surendettées/migrantes, leaders religieux, non adhérent (e)s des IMF, anciennes clientes IMF et responsables des IMF) et à interrompre la collecte des données lorsque les réponses aux questions posées devenaient de plus en plus redondantes et moins fructueuses, c‟est-à-dire la saturation. Celle-ci apparait lorsque les données supplémentaires contenues dans des récits n‟apportent plus de nouvelles informations (Remy et Ruquoy, 1990).
1.4.2. La revue documentaire
La revue documentaire consiste à identifier, récupérer et traiter des éléments divers (chiffres, bibliographie, textes, etc.) sur un thème donné. La collecte de ces informations est une étape obligée à toute synthèse des connaissances (Gheeraert et Billoud, 2011). Le 57 chercheur sélectionne les parties qui l‟intéresse, les interprète ou compare les matériaux afin de les rendre exploitables (Grawitz, 2001). Dans notre thèse, cette revue prend assise sur les questions de recherche et les objectifs qui l‟encadrent. - Microfinance et diversification des activités économiques des femmes en Guinée. Les critiques et les suggestions formulées lors de ces rencontres scientifiques ont concouru à améliorer notre compréhension du sujet. De même, elles nous ont permis d‟avoir un regard critique et croisé Nord-Sud sur le lien entre la microfinance, le genre et la pauvreté. En somme, c'est cette revue documentaire qui nous a permis de rédiger la problématique, les hypothèses, le cadre théorique et conceptuel ainsi que le cadre d‟étude de notre thèse. 13 Il s‟agit d‟une rencontre scientifique annuelle organisée par des doctorant.e.s de l‟UMR Dynamiques Rurales avec le soutien de l‟ensemble des membres du laboratoire en vue d‟échanger sur leurs travaux de thèse dont le dénominateur commun est l‟étude des ruralités du Nord et du Sud. 1.4.3. L'entretien individuel semi-directif
L‟entretien, comme technique de collecte des données, relève du déclaratif. Le choix de celui-ci, comme complément de la revue documentaire, s‟impose, car les questionnements au centre de cette thèse (interactions entre le microcrédit, le genre et la pauvreté) sont essentiels. Pour Boudon et CherKhaoui (1995) puis Fortin et al. (1998), dans cette technique, un intervieweur pose des questions aux répondeurs soit en face, soit au téléphone pour obtenir plus d‟informations auprès d‟un groupe restreint de sujets. C‟est justement pour être en contact direct avec la population cible qu‟il nous a semblé judicieux d‟utiliser l‟entretien. Le type d'entretien utilisé, dans cette thèse, a été semi-directif. Ce type d‟entretien est le plus pertinent, car il sied dans les cas d‟approfondissement des connaissances dans un domaine délicat et évolutif, celui des microcrédits en rapport avec le genre et la pauvreté. Cette technique de recueil d‟informations a permis de centrer le discours des personnes interrogées autour de thèmes et de sous-thèmes définis dans le protocole de recherche et consignés dans un guide d‟entretien. Pour Alpe et al (2005), l‟enquêteur ne fait qu'orienter par des relances le discours du sujet pour qu‟il aborde, conformément au guide. Dans cette étude, nos entretiens adoptent une perspective dynamique et amènent la personne à décrire les principales étapes de son cycle de vie. À travers la reconstitution d‟une trajectoire et la description des différents événements, nous avons cherché à saisir, d‟une part, par quels mécanismes et processus les personnes en sont venues à se retrouver dans une situation donnée et, d‟autre part, par quels mécanismes et stratégies elles se sont sorties (plus ou moins bien) d‟une situation de stress financier ou social (Gu rin et al, 2011). Le recours à ce type d‟entretien a surtout permis aux femmes d‟exprimer leurs opinions mais aussi de narrer leurs trajectoires de vie en rapport avec le microcrédit. Au total, ce sont 148 entretiens individuels semi-dirigés qui ont été réalisés. Pour l'essentiel ce sont les femmes bénéficiaires de microcrédits qui ont été interrogées. Le tableau 8 ci-dessous récapitule le nombre d‟entretiens réalisés par catégorie de groupe stratégique selon le genre.
Tableau 8 : Nombre d'entretiens individuels réalisés selon le groupe stratégique Groupes stratégiques Non adhérentes Leaders religieux Responsables IMF Nombre 93 5 35 5 10 Total 148 Femmes bénéficiaires de microcrédit Anciennes clientes 59 1.4.4. Le focus group
Le focus group, groupes de discussion (Simard, 1989 ; Geoffrion, 2003) ou entretien de groupe (Giami, 1985 ; Boutin, 2007) ou encore entretien collectif (Duchesne et Haegel, 2005) est une technique qualitative dont le but est de recueillir des discussions centrées sur des situations concrètes particulières, des sujets pertinents pour une recherche en vue de la collecte d‟information grâce à un guide d‟entretien qui suscite un débat d‟opinion. C‟est un outil qui offre la possibilité aux groupes marginalisés comme les femmes de s‟exprimer librement. En général, les groupes de discussion étaient composés en moyenne de six à huit personnes. Un quorum suffisant pour générer une dynamique d‟interaction, des divergences et des convergences des points de vue des membres qui le composent (Touré, 2010). L‟usage du focus group a été essentiel pour constituer des informations différentes relatives aux pratiques, sentiments, attitudes et idées couramment rependues auprès des groupements maraîchers et de transformation de karité. Au total, ce sont 14 focus group qui ont été réalisés. Ils ont touché 99 femmes dont 85 bénéficiaires de microcrédit comme l‟indique le tableau 9 ci-après.
Tableau 9 : Nombre de focus group réalisés Nombre de focus group réalisés Nombre de personnes enquêtés Non bénéficiaires 5 5 2 2 38 35 12 14 TOTAL 14 99 Groupes stratégiques bénéficiaires Transformatrices de karité Maraichères Commerçantes Source : Enquête de terrain, 2016
1.4.5. La collecte des données et le déroulement des entretiens
La collecte des données s‟est déroulée en deux phases, pour une durée de huit mois. La première phase est exploratrice. Pendant un mois (Juin 2015), elle a permis de réaliser 31 entretiens. C'est au cours de cette étape que la méthode de collecte de données a ajustée (Trudel et al, 2007) et mieux adaptée à la réalité étudiée. En testant les guides, il a été possible de s'assurer de leur opérationnalité. Les corrections suggestives résultant de ces entretiens ont été par la suite intégrées pour avoir des outils valides. Au cours de cette période exploratoire, il a été possible d'établir des contacts avec les responsables des IMF et de mettre en place un réseau relationnel fluctueux pour la poursuite 60 des prochaines étapes de l‟enquête. Elle a permis également de faciliter le contact direct avec les enquêté(e)s, essentiellement les femmes bénéficiaires de microcrédit. La seconde phase de la collecte des données a consisté à approfondir les résultats de l'enquête préparatoire. 1.4.6. L'observation directe
En complément des entretiens individuels et de groupes, l‟observation directe a été utilisée pour confronter les discours des femmes bénéficiaires des IMF enquêtées avec leurs pratiques entrepreneuriales. L‟observation directe consiste, pour un chercheur, à observer directement son objet d‟étude ou le milieu dans lequel le phénomène se produit afin d‟en extraire les renseignements pertinents à sa recherche. Cela nous a permis d‟apprécier quelques changements (positifs et négatifs) apportés par les IMF. Cette technique nous a permis de suivre les femmes dans leur vie quotidienne afin de comprendre les pratiques sociales dans lesquelles elles s‟insèrent en conciliant activités domestiques et celles génératrices de revenus. À Siguiri, nous avions visité les périmètres maraichers des groupements de Doko et de Koumandjanbougou pour comprendre les difficultés auxquelles ils sont confrontés. Ensuite, nous avons passé de longs moments avec les groupements de production du beurre de karité de Konomakoura et de Banko pour comprendre le processus de production et de commercialisation du beurre de karité. Nous avons également observé les commerçantes au marché hebdomadaire de Djélibakoro, qui sert de lieu de collecte des produits vivriers, qui vont par la suite approvisionner les marchés de Kankan et Siguiri. Une partie des produits vivriers est également exportée vers le Mali. En outre, deux mines (Boukariya et Doko) ont été visitées pour comprendre les conditions de travail des femmes. À Kankan, nous avons suivi le quotidien de quelques femmes commerçantes pour comprendre leur niveau d‟implication dans les activités génératrices de revenus (commerce, couture, saponification, transformation de produits agroalimentaires). Nous avons aussi assisté à une réunion hebdomadaire de deux bénéficiaires appartenant à une même association féminine « Sèrè Avantage » dans le quartier de l‟aéroport pour comprendre l‟interaction entre la microfinance et ce groupe de solidarité féminine. À Mandiana, nous avons pu appréhender l‟ampleur de la pression sociale exercée par les agents de crédit sur les femmes ayant accusé des retards de remboursement. Deux mines (Kantoumanina et Maréna) ont été visitées dans la préfecture de Mandiana pour analyser la situation des femmes. 1.4.7. Technique d'analyse des données
Après les opérations de collecte des données sur le terrain, les entrevues enregistrées ont été transcrites. Plusieurs semaines ont été consacrées à la réalisation de cette activité. Ensuite, les informations collectées ont été soumises à la triangulation qui a consisté à les croiser (recouper) pour ne pas être prisonniers d‟une seule source d‟information afin de chercher non seulement des discours contrastés et hétérogènes basés sur la quête de différences significatives (De Sardan, 2013) mais aussi de pallier aux risques d‟un cadrage trop restreint limitant la compréhension globale de l‟objet d‟étude (Guérin et al., 2011). En pratique, cet exercice a permis de regrouper les idées des répondants par catégories thématiques afin de dégager les points de convergence et de divergence des différentes questions posées suivant leur agencement dans les guides d‟entretien. Enfin, la méthode d‟analyse de contenu a été adoptée pour mettre en évidence les perceptions et les pratiques des acteurs à partir de l‟examen de certains éléments constitutifs des discours des répondants. Cette manière de faire nous a permis de présenter les résultats auxquels nous sommes parvenus.
Conclusion partielle
Dans ce chapitre, nous avons présenté successivement le contexte socio-économique de la Guinée avec un accent particulier sur l‟évolution du secteur de la microfinance. Puis nous avons présenté l‟aire de l‟étude située en Haute Guinée. Il ressort de l‟analyse de la littérature étudiée que les IMF constituent des outils permettant aux populations pauvres et plus spécifiquement les femmes à accéder au microcrédit. Pour ainsi évaluer les effets des services micro-financiers sur les femmes, cette recherche a privilégié une méthodologie qualitative avec l‟usage de la documentaire, l‟entretien semi-dirigé, du focus group et l‟observation directe. Trois principales difficultés ont ponctués notre recherche. La première concerne la rareté des statistiques actualisées et non désagrégées par genre/sexe et par secteur d‟activité au niveau des IMF et de la direction nationale de la supervision des IMF. Le plus souvent, les responsables des structures de microfinance se contentaient de mettre à notre disposition des indicateurs globaux dont l‟exploitation ne nous a pas permis de saisir exactement tous les contours quantitatifs de notre sujet d‟étude (comme le taux d‟impayé, les retards de 63 remboursement, le montant des transferts d‟argent, l‟épargne, le surendettement des clients). En général, ces indicateurs sont absents des données statistiques analysées. CHAPITRE 2 : MICROFINANCE ET PAUVRETE Introduction
La microfinance est devenue depuis plus de trois décennies l‟un des outils privilégiés en matière de financement du développement et plus particulièrement en matière de lutte contre la pauvreté dans les pays en voie de développement. C‟est pourquoi en Afrique subsaharienne, la microfinance occupe une place de choix dans les politiques publiques. Considérée comme un instrument stratégique de réduction de la pauvreté, la microfinance est vue comme une alternative qui pourrait permettre l‟amélioration des conditions d‟existence des femmes : « Ceci pourrait se traduire par une réduction de leur vulnérabilité, un renforcement de leur capacité à entreprendre, et une amélioration de leur participation économique et sociale à la vie de la communauté » (Koloma, 2007 : 2). Cependant, plusieurs questions émergent quant à son efficacité effective à lutter contre la pauvreté. Ce chapitre tente donc de comprendre ce lien. Pour ce faire, nous définirons la notion de microfinance en mettant l‟accent sur ses principaux produits financiers dans un premier temps. Ceci nous amènera aussi à aborder les principales visions dominantes de la microfinance. Ensuite, il sera question dans un second temps de présenter un état de l‟art sur l‟évaluation de l‟impact de la microfinance sur la pauvreté. À ce niveau, nous évoquerons la diversité des méthodes d‟évaluations des impacts dans le secteur de la microfinance. Aussi, nous aborderons la problématique de la pauvreté en mettant en exergue son caractère polysémique et multidimensionnel. Enfin, nous présenterons les conclusions controversées de plusieurs études qui s‟intéressent à la mise en relation de la microfinance avec la pauvreté des femmes.
2.1. Considération générale autour de la notion de microfinance 2.1.1. La microfinance et ses caractéristiques
Les expressions désignant la microfinance sont multiples. Force est de constater que dénominations comme la finance décentralisée ou service financier décentralisé, de finance semi-formelle, de finance intermédiaire, de service financier de proximité et de finance solidaire sont employées comme des termes équivalents pour qualifier la microfinance (Servet, 2006). C‟est autant dire qu‟il existe une diversité de définitions et de 65 dénominations qui varient en fonction du contexte et des visions des auteurs. Dans la présente thèse, l‟appellation microfinance est le terme retenu. La microfinance est comprise comme l'octroi de services financiers (généralement de crédit et /ou de l'épargne) à des personnes développant une activité productive, le plus souvent de l'artisanat ou du commerce et n'ayant pas accès aux institutions financières commerciales, en raison de leur profil socio-économique. Ces personnes sont généralement pauvres, sans revenus fixes, ne disposent d‟aucune des garanties sollicitées par les institutions bancaires commerciales (Labie, 1999). Cette définition met essentiellement au centre de son intérêt deux principaux services micro-financiers : le microcrédit et l‟épargne. D‟autres auteurs comme Lheriau (2009) définissent la microfinance en mettant en relief quatre rôles essentiels. Il s‟agit notamment de : - La mise à disposition des microcrédits en faveur de personnes exclues des banques et pour la réalisation des activités génératrices de revenus ; - L‟extension de la bancarisation dans les Pays en Développement (PED) en offrant aux populations la possibilité de disposer d‟un compte bancaire pour déposer leurs économies et servir de support à des opérations de crédit ; - La contribution au développement des PED par l‟offre des moyens de paiement et, en premier lieu, des transferts de fonds (nationaux ou internationaux) pour le rapatriement et l‟acheminement des fonds des travailleurs migrants jusque dans les villages et les quartiers ; - La fourniture d‟autres services non bancaires, financiers tels que la micro-assurance ou servir de centrale d‟achat pour les membres. Pour sa part, Servet (2006) indique que la compréhension de la notion de microfinance nécessite de prendre en compte une diversité d‟éléments dont entre et autres : le faible montant des opérations, la proximité spatiale, mentale et sociale entre l‟organisme et sa propre clientèle, et enfin la pauvreté supposée clients et l‟exclusion qu‟ils en subissent. Dans la même lancée, la microfinance (Guérin et al, 2011 ; Guérin, 2015) est un ensemble de services financiers destinés aux populations exclues des institutions financières classiques. La composante la plus connue et la plus médiatisée est le microcrédit pour ses effets supposés en matière d‟emploi. Elle comprend aussi l‟épargne qui protège les clients contre les aléas, 66 anticipe les dépenses liées au cycle de vie ou à l‟investissement. Elle inclut dans une moindre mesure l‟assurance, qui a émergé plus récemment et couvre une large gamme de risques, qu‟il s‟agisse de santé, de décès, d‟activités agricoles, de crédit, etc. Les transferts, de fonds sont également en pleine expansion. Les progrès de la téléphonie mobile laissent espérer un accès de plus en plus commode et immédiat à ces différents services. Dans une logique plus large et globalisante, la microfinance désigne aussi un secteur d‟activé regroupant l‟ensemble des IMF impliquées dans la conception des services financiers de proximité aux personnes pauvres jugées insolvables par le système financier formel (Bédécarrats, 2013). À ce titre, la microfinance est assimilée à l‟inclusion financière et doit être perçue comme une partie intégrante du système financier global, lequel doit offrir une gamme variée de services à l‟ensemble de la population. Cette démarche se caractérise par la promotion d‟une grande hétérogénéité de produits, proposés de manière viable par les IMF, encadrées par un environnement propice à leur épanouissement. Au-delà de l‟aspect financier, il importe de souligner que la microfinance exerce en outre des services non financiers (Sylvain, 2011). Le plus souvent, elles font office d‟intermédiaires entre certains bénéficiaires, notamment les agriculteurs, et les bailleurs ou investisseurs dans le cadre de l‟accompagnement de leurs projets. Cet accompagnement peut recouvrir des prestations telles que l‟assistance technique, prêt de matériels et équipements de base, la formation et l‟instruction (par exemple, au Bangladesh, la GB invite les emprunteurs à respecter certaines règles d‟hygiène). De tout ce qui précède, la microfinance est ce secteur d‟activité comprenant les services financiers (micro-prêts, épargne, assurance, transfert de fonds) et non financiers destinés aux populations pauvres des milieux ruraux et urbains exclues des dispositifs des banques classiques, dans le but de satisfaire les besoins de leur ménage ou de leurs micro-entreprises. Après avoir défini la microfinance, il est important de présenter dans les détails ses éléments financiers.
2.1.2. Les principaux produits financiers de la microfinance
Dans le secteur de la microfinance, les produits sont l‟ensemble des moyens mis en oeuvre par les IMF pour se positionner stratégiquement sur un marché et pour satisfaire les besoins de la clientèle. Habituellement, les IMF offrent quatre types de produits financiers à savoir : le microcrédit, l‟épargne, la micro-assurance et le transfert d‟argent.
2.1.2.1. Le microcrédit
La principale activité de la microfinance est l‟octroi de microcrédits qui permettent de soutenir et de développer des projets économiques de petite taille. Avec ces micro-prêts, de nombreux emprunteurs pauvres sont capables de mettre sur pied des activités telles qu‟une petite ferme, un atelier d‟artisanat, une petite boutique qui leur mettra de sortir de la pauvreté (Yunus, 2008). En se focalisant sur le montant et le statut des bénéficiaires, on pourrait se demander Comment les entrepreneurs parviennent-ils à financier un projet générateur de revenu avec le micro-prêt? Cette interrogation semble être pertinente en ce sens qu‟il est difficile de croire que le microcrédit pourrait lutter contre la pauvreté. Non seulement, le montant est faible, mais en plus, le prêt est destiné à des personnes qui n‟ont pas accès au crédit bancaire et surcroit pauvres. Cependant, ce qu‟il ne faut pas perdre de vue, c‟est que pour les personnes qui ont un revenu faible, les petits crédits constituent des opportunités à exploiter pour créer des microentreprises. En général, les principes du microcrédit sont toujours fondés sur l‟évaluation de la capacité du client, de la faisabilité du projet sur la réduction du risque et des coûts de gestion. En cela, le microcrédit diffère du crédit classique (qui exige des emprunteurs de garanties suffisantes de remboursement) du fait qu‟il est destiné, dans bien de cas, à des cibles pauvres et des exclus disposant des capacités de remboursement des prêts. « La différence principale, par rapport au crédit classique, est qu'il est orienté vers une cible nouvelle : les pauvres et les exclus. Il reconnaît leurs talents, leurs besoins et leur capacité à rembourser les prêts. Au lieu de les éliminer, par avance, de la clientèle du crédit, parce que les méthodes, les critères et les garanties ne sont pas adaptés à leur situation, il invente des méthodes et des garanties qui leur conviennent. Au lieu de leur imposer l'objet de leur prêt, il est à l'écoute de leurs besoins. Il permet ainsi de découvrir que les gens exclus du crédit bancaire sont, comme les autres, dotés de l'esprit d'entreprise, de la capacité de jugement, et qu'au surplus ils remboursent plutôt mieux que les riches » (Nowak, 2005 :92). Pour ne pas exclure les personnes pauvres, les IMF inventent des stratégies et des garanties qui conviennent à leur situation. Entre et autres, on peut énumérer : - L‟adaptation des prêts aux besoins des clients : montants faibles, procédures simples, délai de remboursement rapide ; 68 - Le système de garantie tenant compte de l‟absence de biens et de fonds propre de la population cible : le système d‟incitation repose sur des prêts de montant progressif, sur des groupes d‟emprunteurs qui se garantissent mutuellement ou sur des cautions personnelles de l‟entourage, qui peuvent être faibles, mais qui jouent un rôle important de prévention du risque ; - Le recouvrement : adapté lui aussi, aux caractéristiques de la clientèle, à travers des couts échéanciers et réguliers (mensuels ou hebdomadaires) ; - La conversion des coûts par les intérêts pour acquérir, dans un délai relativement court, l‟autonomie opérationnelle et financière de la structure. C‟est sur la base de ces principes que les IMF délivrent généralement des microcrédits individuels et de groupes correspondant à des cibles et contextes différents (Perron et Weiss, 2011). Le microcrédit de groupe consiste à s‟appuyer sur des membres de groupes solidaires d‟emprunteurs qui vont de 5 personnes à une centaine de membres dans le cas de « banques villageoises », ne disposant aucune garantie matérielle et financière que la solidarité entre les membres du groupe. Pour cela, de façon collégiale, tous les membres du groupe sont responsables du remboursement du prêt. En cas de défaillance d‟un membre ou de plusieurs d‟entre eux, les autres membres du groupe y sont tenus obliger de faire face au remboursement14. Pour autant, le prêt collectif comporte cependant des limites : il peut non seulement conforter les liens de dépendance, susciter et encourager la création de groupes fictifs ou monopolistiques, mais , il peut se réveler un facteur possible de défaillance généralisée issue de mécanisme de coercition et de coalition de la part des emprunteurs (Guérin, 2000). À l‟opposé du crédit du groupe, il y a celui individuel. Comme son nom l‟indique, il s‟agit d‟un prêt accordé à une personne capable de présenter des garanties de remboursement. Le plus souvent, des garanties sont demandées sur les actifs du client : bijoux, titre de 14 La méthodologie de groupes solidaires est souvent compatible en zone rurale où il existe une cohésion sociale forte entre les populations. Les agents de crédit se déplacent dans les villages pour l‟octroi des crédits et les remboursements hebdomadaires ou mensuels.
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Croissance économique turque : aux sources des ''dix glorieuses''
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N° 326 – 15 novembre 2012
LA LETTRE DU
CEPII
CENTRE
D'ÉTUDES PROSPECTIVES
E T D ' I N F O R M AT I O N S
I N T E R N AT I O N A L E S
CROISSANCE ÉCONOMIQUE TURQUE : AUX SOURCES DES "DIX GLORIEUSES"
74 millions d'habitants, une puissante industrie automobile, un PIB par tête qui la place en seconde position des grands
émergents derrière la Russie : il y a loin, très loin, de la Turquie d'aujourd'hui, à celle, autarcique, des débuts de la
République, qui n'abritait en 1923 que 14 millions d'habitants, dont trois quarts de paysans illettrés. La plongée aux sources
de sa vitalité montre que le "modèle turc" résulte d'une lente et tâtonnante construction d'un régime démocratique et d'une
économie de marché tout à fait spécifiques. Aussi du pragmatisme vertueux dont a su faire preuve, sur le plan économique,
le parti islamiste au pouvoir depuis dix années qui s'avèrent "Dix glorieuses" mais débouchent sur des inquiétudes.
L'ancien "homme malade de l'Europe"
En ce début du XXI siècle, la Turquie est une économie émergente
e
qui compte. Membre du G20, elle figure aussi parmi les vingt
principaux contributeurs du FMI, auprès duquel elle était un
emprunteur chronique. En 2011, avec un PIB par tête de 13 500 dollars
(en parité de pouvoir d'achat), le revenu moyen de la Turquie est le
second plus élevé des grands émergents derrière la Russie. Enfin, sa
population de 74 millions d'habitants fait de la Turquie le troisième
pays le plus peuplé d'Europe, après la Russie et l'Allemagne.
Cette puissance démographique est d'autant plus remarquable que
le premier des maux dont souffrait "l'homme malade" de l'Europe,
comme fut dénommé l'Empire ottoman du début du XXe siècle,
était sa sous-population. En 1913, sur le territoire actuel de la
Turquie, d'environ 800 000 km2, vivaient seulement 15 millions
d'habitants, alors que les territoires sensiblement moins vastes de la
France (550 000 km2), de l'Allemagne et du Royaume-Uni abritaient
chacun entre 40 et 50 millions de personnes (graphique 1). Cette
sous-population tenait aux guerres, aux épidémies et aux crises de
subsistance qui durant les trois siècles précédant la chute de l'Empire,
en 1918, avaient affecté le pays.
La faiblesse du facteur travail a sérieusement limité la croissance de
l'économie ottomane qui, de surcroît, a raté le train de la première
révolution industrielle. Les produits textiles fabriqués dans l'Europe
du XIXe siècle ont aisément concurrencé l'offre artisanale des régions
du monde moins développées mais ouvertes au libre-échange, tel
l'Empire ottoman où se produisit une sévère désindustrialisation,
plus forte que celle qu'ont connue l'Inde, l'Indonésie ou le Mexique.
L'Empire se spécialisa alors dans les produits agricoles dont les
exportations lui procurèrent de quoi financer les importations de
produits industriels européens. Il s'ensuivit un découplage entre les
dynamiques économiques ottomane et mondiale : entre 1700 et 1913,
la population a augmenté 1,7 fois plus dans le monde qu'en Turquie ;
le PIB, 2,3 fois plus ; et le PIB par tête, 1,3 fois plus (graphique 2)1.
Lorsque l'Empire contracta, à partir de 1854, de lourds emprunts
auprès de l'étranger pour financer la guerre de Crimée (1853-56), la
guerre russo-ottomane (1877-78) et différentes réformes de l'appareil
d'État, il mit sa souveraineté en péril. Son incapacité à rembourser
ses dettes le contraignit d'accepter, en 1881, l'établissement à Istanbul
de l'Administration de la dette générale dont le conseil de direction
comprenait, parmi sept membres, cinq représentants des États
Graphique 1 – Population sur le territoire ottoman correspondant à
l'actuelle Turquie comparée à celles des grands pays européens (millions)
50
France
Allemagne
Royaume-Uni
Turquie
42
31
21
19
15
12
9
4
1500
6
46
6 8
1600
19
12
21
1700
15
10
9 8
1820
1913
Source : A. Maddison, Statistics on World Population, GDP and Per Capita GDP,
1-2008 AD University of Groningen.
1. Ce point est davantage développé dans D. Ünal (2012), "Aux sources du dynamisme économie turc", Confluences Méditerranée, n° 83, automne.
1
Graphique 2 – Croissance de la population,
du PIB et du PIB par tête (an 1500=1)
A. Population
3,0
10
Monde
6
Turquie
0,0
0
1500 1600 1700 1820 1870 1913
2,0
Monde
4
2
4,0
C. PIB par tête
3,0
8
2,0
1,0
B. PIB à prix contstant
12
4,0
Monde
1,0
Turquie
1500 1600 1700 1820 1870 1913
Turquie
0,0
1500 1600 1700 1820 1870 1913
Source : A. Maddison, Statistics on World Population, GDP and Per Capita GDP,
1-2008 AD University of Groningen.
prêteurs européens : un allemand, un anglo-hollandais, un autrichien,
un français et un italien. État dans l'État, forte de milliers d'employés,
cette institution gérait les recettes impériales sur lesquelles elle prélevait
les remboursements de la dette. En 1912, ceux-ci représentaient 31,5%
des recettes fiscales. L'institution perdura jusqu'à la chute de l'Empire,
son démembrement et l'occupation par les forces alliées. Contre
celles-ci, et celles du sultan, prit corps en Anatolie une rébellion
qui se transforma en Guerre d'indépendance (1919-1922) sous le
commandement de Mustapha Kemal Pasha, Atatürk, père fondateur
de la République. Le contexte de la désagrégation de l'Empire et
l'obligation d'endosser la dette ottomane (dont les remboursements
ne prirent fin qu'en 1954) pesèrent sur les stratégies de développement
suivies par la Turquie moderne.
2
1923-1980 : de l'étatisme au marché
Après avoir reconquis le noyau de l'ancien Empire que constituent
l'Anatolie et la Thrace orientale, la jeune République s'engage sur
un long chemin d'auto-construction. S'estimant trahie par ses voisins
arabes, qui ont préféré s'en remettre aux puissances chrétiennes plutôt
que de rester sous domination ottomane, elle leur tourne alors le
dos. De même fait-elle à l'égard de l'Islam qui lui paraît rétif à toute
réforme et sur lequel elle rejette la responsabilité de la décadence
impériale. Ainsi elle abolit le califat pour instaurer un régime laïque
et renonce à l'alphabet arabe au profit du latin. 1923, l'année de sa
fondation, apparaît comme l'an I d'une révolution visant à faire de la
Turquie un état moderne européen.
En 1923, sa population, rurale à 76%, n'est que de quatorze millions
d'habitants (tableau 1) dont 50% ont moins de 22 ans et 81% sont
illettrés. L'amélioration des conditions de vie et l'éducation sont
érigées en priorités. Le nouveau régime emprunte avec pragmatisme
aux modèles de l'Ouest comme de l'Est. La reconnaissance, pour la
première fois en terre turque, de la propriété privée et des droits de
l'homme porte la marque du premier modèle. Il en va de même de la
constitution, du code civil et des lois sur le commerce, l'endettement,
la faillite ou la comptabilité. Mais c'est avec l'aide du voisin soviétique
que, sous l'égide du Parti républicain du peuple (CHP), l'on s'attelle à
la création d'infrastructures qui conditionne le développement.
Le capital humain de la nouvelle nation est essentiellement composé
de paysans et de fonctionnaires. D'autant que, sous l'Empire, les
affaires politiques, militaires et agricoles incombaient aux sujets turcs,
tandis que l'artisanat, les rudiments d'industrie, le commerce et la
finance relevaient des minorités non musulmanes dont le nombre
drastiquement diminué dans la tourmente du début du XXe siècle.
C'est donc sur ses fonctionnaires, qui sont lettrés contrairement aux
masses paysannes, que le nouveau régime doit s'appuyer pour équiper
et industrialiser le pays, à l'instar de ses homologues soviétiques et
chinois. Mais il adopte, quant à lui, la propriété privée, en sorte que la
démarche suivie par la Turquie s'apparente davantage à celle de l'Inde.
Tableau 1 – Turquie, indicateurs de PIB et de population
Population, millions d'habitants
Age médian de la population
Pourcentage des illettrés (> 6 ans)
Pourcentage de la population rurale
PIB, milliards $, prix constants, PPA 2
PIB par tête, $, prix constants, PPA 20
en % des pays à haut revenu
en % du monde
en % des pays à revenu bas et moyen
Croissance annuelle moyenne (%)
Population
PIB, prix constants
PIB par tête, prix constants
1923*
14
21
81
76
16
1 175
1950
1980
2011
1923-50
1,6
4,7
3,1
1950-80
2,5
5,3
2,7
1980-11
1,7
4,4
2,7
1923-11
1,9
4,8
2,8
21
20
67
75
56
2 677
38
100
239
44
25
33
56
263
5 952
31
98
224
74
30
5
23
992
13 456
40
133
244
* L'année de départ est 1927 pour la part de la population rurale ; 1935 pour l'âge
médian et le pourcentage des illettrés dans la population.
Sources : TUIK, Statistical Indicators, 1923-2010 & Turkey's Statistical Yearbook,
2011 ; CEPII, base de données CHELEM-PIB ; A. Maddison, Statistics on World
Population, GDP and Per Capita GDP, 1-2008 AD University of Groningen.
La stratégie de développement du nouveau pouvoir est basée sur
une industrialisation par substitution aux importations de certains
produits, d'abord de première nécessité : fils, tissus, papier, cellulose,
verre, ciment, semi-coke, produits de la transformation du fer et
de l'acier, etc.. De hautes barrières douanières sont instaurées sur
les produits de consommation afin de protéger de la concurrence
étrangère les industries naissantes et de satisfaire par des produits
nationaux la demande intérieure. Ces efforts d'industrialisation
nécessitent d'importer machines et pièces détachées avec les devises
provenant pour l'essentiel des exportations agricoles. En 1950, date
à partir de laquelle la réallocation des bras de l'agriculture vers
l'industrie et les services s'accentue fortement et régulièrement jusqu'à
aujourd'hui, l'agriculture emploie encore 84% des actifs mais ne
génère que 42% du PIB (graphique 3). Les fondateurs de la Turquie
n'en ont pas moins réussi à implanter de grandes entreprises publiques
industrielles, notamment minières et sidérurgiques, à installer de
nouvelles lignes de chemins de fer et à ouvrir massivement des écoles,
sans déséquilibrer les finances publiques.
En dépit de sa gestion budgétaire rigoureuse et des avancées socioéconomiques qu'il a permises depuis 1923, le CHP est désavoué
aux premières élections multipartites en 1950. S'adressant
prioritairement à la population rurale qui s'estime délaissée dans un
effort d'industrialisation colossal, le Parti démocrate (DP) l'emporte
largement en promettant de privatiser les entreprises publiques et
de promouvoir l'agriculture. Cette stratégie est couronnée de succès
pendant quatre ans. Puis la détérioration des termes de l'échange
change la donne. De libéral, le gouvernement d'Adnan Menderes se
fait alors populiste en finançant à perte le soutien des prix agricoles ; il
1980-2012 : ouverture et croissance
Graphique 3 – Turquie : structure sectorielle de l'emploi,
du PIB et des exportations, 1923-2011 (en % du total)
A. Emploi
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
B. PIB
Agriculture
48
Services
27
26
Industrie
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
Agriculture
90
Industrie
80
70
75
60
48
Services
27
26
Industrie
Agriculture
50
40
30
20
21
Services
10
4
0
1920 1940 1960 1980 2000
1920 1940 1960 1980 2000
En 1980, les clignotants économiques sont au rouge : le taux
C. Exportations
100
1920 1940 1960 1980 2000
Note : L'industrie comprend ici les industries manufacturière et extractive, la
distribution du gaz et de l'électricité ainsi que la construction. Les données sur les
exportations ne sont disponibles qu'à partir de 1967.
Source : A. & B. TUIK, Statistical Indicators, 1923-2010 & Turkey's Statistical
Yearbook, 2011 ; C. CEPII, base de données CHELEM-Commerce International.
gagne les deux scrutins législatifs suivants (graphique 4). La dérive des
finances publiques se traduit par le tarissement des devises, l'arrêt des
importations, une inflation galopante et des pénuries, jusque sur les
étals des magasins. Menderes est renversé en 1960 par un coup d'État
militaire dans un contexte de large mécontentement social.
Graphique 4 – Turquie, élections générales 1950-2011
Pourcentage des sièges à l'assemblée nationale pour le premier parti
50%
85
93
70
38
53
57
41
47
53
65
40
29
25
66
62
59
Note : Dans l'axe horizontal figurent les initiales du parti suivies de l'année de l'élection.
Source : TUIK, Résultats des élections générales (les législatives).
On en revient alors à l'industrialisation par substitution aux
importations encadrée par des plans quinquennaux. Cette stratégie
permet de pratiquer une économie de marché protégée où la
croissance économique est tirée par la demande intérieure. À côté
des entreprises publiques, encore puissantes, les entreprises privées
pèsent d'un poids de plus en plus lourd et gagnent en taille ; c'est
l'époque où prennent corps de gros conglomérats familiaux. De
1950 à 1980, la production est multipliée par cinq et la population
par deux. L'essor démographique n'empêche pas le revenu par
habitant de doubler lui aussi (tableau 1), sans toutefois réussir un
rattrapage par rapport aux économies riches. En 1980, le secteur
agricole emploie encore la moitié des actifs pour réaliser un quart de
la production nationale (graphique 3). La restructuration sectorielle
de l'économie ne se fait pas sans céder à un coûteux clientélisme,
notamment dans le monde rural, et aux dérives financières
subséquentes qui reprennent dès les années 1970, comme à l'époque
du Parti démocrate. S'ensuivent de vives tensions politiques qui se
traduisent par des menaces de guerre civile et deux coups d'État
militaires, en 1971 et 1980.
d'inflation est de 84%, tandis que les besoins de financement des
administrations publiques et le déficit commercial représentent 7%
et 5% du PIB (graphique 5). Turgut Özal, vice-premier ministre
civil chargé de l'économie dans le gouvernement dirigé par les
militaires, impose à la bureaucratie turque une cure d'assainissement
et une stratégie de développement axée sur l'essor des exportations :
dévaluation de grande ampleur de la livre turque et passage à un
régime de change flottant ; réduction du poids économique de l'État
par privatisation massive des entreprises publiques et par réduction
des subventions à l'agriculture ; libéralisation des importations ;
soutien des exportations industrielles à travers des subventions et une
baisse des taxes ; encouragement des investissements étrangers. Grâce
à ces réformes, le secteur industriel turc renforce son dynamisme.
L'entrée de la Turquie en 1996 dans l'union douanière avec l'UE
pour les produits industriels couronne l'effort d'adaptation du pays
aux normes de production occidentales. Avec ce mode de croissance
extravertie, le revenu par tête augmente en Turquie à un rythme
nettement supérieur à la moyenne mondiale à partir de 1980.
Mais on en revient vite aux errements passés : politiques fiscales et
monétaires pour le moins laxistes, dépenses publiques insoutenables,
mauvaise régulation financière ou politiques de change incompatibles…
La compétitivité des exportations turques est constamment assurée
par la dévaluation du taux de change qui, à son tour, accélère
l'inflation. L'instabilité macroéconomique qui en résulte, à partir du
milieu des années 1980, est aussi favorisée par une instabilité politique
chronique : la décennie 1990 voit se succéder neuf gouvernements de
coalition alliant parfois les partis de gauche ou de droite modérés au
parti de l'extrême droite. En 2001, année de grande récession (chute de
9,5% du PIB), le taux d'inflation dépasse les 50%, la dette atteint 78%
du PIB, le système bancaire devient insolvable et la défiance à l'égard
de la classe politique est à son comble.
Graphique 5 – Turquie, 1975-2011
A. Inflation
(déflateur du PIB
en %, annuel)
150
130
110
90
70
50
30
10
-10
-30
-50
B. Besoin de financement
du secteur public
(en % du PIB)
15
13
11
9
7
5
3
1
-1
-3
-5
C. Solde commercial
de biens et services
(en % du PIB)
5
3
1
-1
-3
-5
-7
-9
-11
-13
-15
Source : A. FMI, base de données IFS ; B. TC Kalkınma Bakanlıı, Ekonomik ve sosyal
göstergeler, 1950-2010 ; C. CEPII, base de données CHELEM-Commerce International-PIB.
C'est dans ce contexte que le Parti de la justice et du développement
(AKP) remporte les élections de 2002. Il obtient 34% des voix mais
la majorité au Parlement en vertu du mode de scrutin. Comme le
Parti démocrate cinquante ans plus tôt, l'AKP s'adresse prioritairement
aux "exclus" de la stratégie du développement, à commencer par les
3
4
populations qui, sous l'effet de l'exode rural, se sont massivement
installées dans les bidonvilles en périphérie des grandes cités. Puis
ce parti élargira son audience grâce aux succès économiques des
gouvernements de son leader Recep Tayyip Erdoğan : il sera crédité
de 47% des suffrages aux élections de 2007 et de 50% à celles de 2011.
Islamistes, les dirigeants de l'AKP sont aussi des pragmatiques, bien
convaincus que la prospérité est le meilleur gage de leur maintien au
pouvoir. S'affranchissant des dérives des vieilles élites et ne reculant
pas devant les nécessaires réformes, ils réussissent, pour sortir le pays
de la crise majeure de 2001, à concilier les exigences de la politique de
stabilisation prônée par le FMI avec celles induites par la candidature
d'adhésion de la Turquie à l'UE. La perspective d'adhésion, par les
avancées institutionnelles qu'elle implique, sert d'ancrage externe
au pays. La stabilité des prix, objectif prioritaire de la politique
économique, est assurée par une politique budgétaire très stricte et un
train de mesures visant à assainir les finances publiques, à restructurer
et recapitaliser le système bancaire, et à garantir l'indépendance de la
banque centrale. Ces réformes du début des années 2000 permettent
à la Turquie de rapidement surmonter la crise globale de 2008-2009
et d'enregistrer ensuite des taux de croissance du PIB parmi les plus
élevés au monde, après la Chine et l'Inde : 9,2 % en 2010 et 8,5%
en 2011. Avec un déficit et une dette publics de 1% et 39% du PIB
respectivement en 2011, la Turquie satisfait aux critères de Maastricht.
Les exportations turques sont désormais composées à 75% de produits
industriels, véhicules automobiles en tête.
La croissance turque a toutefois ses revers, qui se traduisent
notamment part un fort déficit courant (11% du PIB en 2011) dû à la
faiblesse de l'épargne et à une compétitivité structurelle insuffisante.
Le secteur informel emploie aujourd'hui 40% des actifs (25%, hors
agriculture). La main-d'œuvre connaît des problèmes de qualification.
Le taux de participation des femmes à l'activité économique reste
très faible (29%). Même si les entreprises anatoliennes contribuent
bien davantage qu'hier à l'activité économique, de préoccupantes
disparités de développement perdurent entre l'Est et l'Ouest du pays
(graphique 6) : le revenu par tête de la région la plus riche de la
Turquie, Marmara, est trois fois plus élevé que le revenu de l'Anatolie
du Sud-Est, la région la plus pauvre. La région de Marmara concentre
à elle seule 45% du PIB et 31% de la population.
La Turquie moderne est à un tournant de son histoire économique
et politique. Alors qu'elle s'est longtemps développée en s'inspirant
du modèle occidental, c'est sous la conduite de gouvernements
LA LETTRE DU
CEPII
© CEPII, PARIS, 2012
RÉDACTION
Centre d'études prospectives
et d'informations internationales
113, rue de Grenelle
75700 Paris SP 07
Tél. : 33 (0)1 53 68 55 14
Fax : 33 (0)1 53 68 55 03
DIRECTEUR DE LA
PUBLICATION :
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RÉDACTION EN CHEF :
Gunther Capelle-Blancard
RÉALISATION :
Laure Boivin
DIFFUSION :
DILA
Direction de l'information
légale et administrative
Graphique 6 – Turquie : inégalités régionales en 2008*
BULGARIE
GR
PIB/P: 13.601 $
PIB: 45%
P: 31%
MARMARA
GÉORGIE
MER NOIRE
ARMÉNIE
PIB/P: 7.206 $ PIB: 8% P: 10%
ANATOLIE CENTRALE
ÉGÉE
PIB/P: 9.824 $
PIB: 14%
P: 13%
PIB/P: 9.380 $
PIB: 15%
P: 15%
MÉDITERRANÉE
PIB/P: 7.729 $
PIB: 10% P: 13%
ANATOLIE DE L’EST
PIB/P: 4.425 $ PIB: 4% P: 8%
IRAN
ANATOLIE DU SUD-EST
PIB/P: 4.023 $ PIB: 4%
P: 10%
IRAQ
SYRIE
* La carte présente les 7 grandes régions de la Turquie avec leurs revenus par tête en
dollars courants (PIB/P), leurs poids dans le revenu national (PIB, en %) et leurs parts
dans la population totale (P, en %).
Source : TUIK, Comptes régionaux.
"démocrates musulmans" que, depuis le début des années 2000, elle a
su profondément se réformer et mettre fin aux errements passés. Ceci
davantage sur le plan économique que sur le plan politique.
Les politiques économiques menées dans la dernière décennie ont
rendu l'économie turque bien plus robuste que dans les périodes
précédentes. Mais la crise de la zone euro et le ralentissement de la
croissance en Europe, d'une part, et la grande instabilité qui prévaut aux
frontières méridionales et orientales de la Turquie, d'autre part, mettent
cette "percée" économique à rude épreuve. En effet, bien que sa part
ait significativement diminué dans les exportations turques, l'Europe
demeure le principal marché de la Turquie ; et le "printemps arabe" a
partiellement mis en cause le redéploiement des échanges en direction
des pays arabes. Autre sujet de préoccupation : les penchants autoritaires
que manifeste la sphère gouvernementale après dix années de pouvoir
et qu'illustrent de récurrentes atteintes à la liberté d'expression. Ces
penchants seraient sans doute contenus si la perspective de l'adhésion à
l'Union européenne demeurait. Or, l'Europe n'a pas fait progresser les
négociations d'adhésion ouvertes depuis 2005.
Dans ce contexte géopolitique, la Turquie se voit contrainte de
trouver, à nouveau dans une certaine solitude, le chemin qui lui
permettra de poursuivre son rattrapage économique et d'affirmer son
statut de puissance régionale.
Deniz Ünal
[email protected]
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Le CEPII est sur le WEB
son adresse : www.cepii.fr
ISSN 0243-1947
CCP n° 1462 AD
15 novembre 2012
Imprimé en France par le
Centre d'Analyse Stratégique
Cette lettre est publiée sous la
responsabilité de la direction du CEPII. Les
opinions qui y sont exprimées sont celles
des auteurs.
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In memoriam : Régine Robin (1939-2021)
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In memoriam : Régine Robin (1939-2021)
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In memoriam: Régine Robin (1939-2021)
Adina Balint¹
Submetido em 29 de junho e aprovado em 1º de agosto de 2021.
Résumé: Ce texte rend hommage à Régine Robin (1939-2021), écrivaine, historienne,
sociologue et traductrice d’origine juive polonaise qui vécut entre Paris et Montréal, dont
l’œuvre aux multiples facettes apporte une contribution pertinente à la culture et à la critique contemporaines en français.
Mots-clés: Régine Robin, hommage, histoire, mémoire, Seconde Guerre mondiale, écriture migrante.
Abstract: This text pays tribute to Régine Robin (1939-2021), writer, historian, sociologist and translator of Jewish origin, who lived between Paris and Montréal, and whose
multi-faceted work brings an essential contribution to French contemporary culture and
critical theory.
Keywords: Régine Robin, tribute, history, memory, Second World War, migrant writing.
La communauté littéraire et culturelle du Canada, de France et du monde a appris
le décès de la professeure, écrivaine, sociologue, historienne et traductrice Régine Robin,
survenu le 3 février 2021 à Montréal.
Celles et ceux qui ont eu la chance de connaître Régine Robin garderont l’image
d’une femme franche et combative, et d’une intellectuelle qui savait partager avec
enthousiasme ses convictions et ses idées sur la littérature, l’histoire, la sociologie, la
transmission des langues. Avec la générosité qui est la sienne, elle avait accepté en juin
2020 d’écrire un texte pour le recueil collectif en ligne Récits infectés, dirigé par Léonore
Brassard et Benjamin Gagnon Chainey, doctorant.e.s au Département des littératures de
langue française de l’Université de Montréal – recueil réunissant vingt-trois récits autour
de la crise sanitaire de la COVID-19. Nous sommes en 2021 et ce recueil contient l’une
des dernières contributions de Régine Robin : « La réactivation d’un traumatisme de
guerre : Paris confiné ». À travers son texte, nous restons à Paris avec elle, et nous nous y
retrouvons lors de la Seconde Guerre mondiale. Née sous le nom de Rivka Ajzersztejn à
Paris en 1939, dans une famille juive d’origine polonaise (dont 51 membres ne reviennent
Interfaces Brasil/Canadá. Florianópolis/Pelotas/São Paulo, v. 21, 2021, p. 1-5, e21.08
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Adina Balint
pas des camps nazis), Régine Robin est venue s’installer à Montréal en 1977. En plus
de sa carrière de professeure d’histoire et de sociologie à l’Université Paris X et à
l’Université du Québec à Montréal (UQAM), elle a mené une intense activité d’écriture
fictionnelle, autobiographique et essayistique sur des sujets qui la passionnaient : l’histoire
du vingtième siècle, l’identité et l’altérité, la mémoire, les mégapoles, la transculture et
les écritures migrantes. Elle reçut le Prix du Gouverneur général du Canada (1986, Le
réalisme socialiste : une esthétique impossible) et le Grand prix du livre de Montréal
(2001, Berlin, chantiers).
Nous lui sommes redevables d’avoir tracé une voie qui évitait les écueils de la
stricte pensée historico-sociologique et des archives sur la Seconde Guerre mondiale
en Europeet sur l’exil,pour nous faire découvrir des expériences vécues (L’immense
fatigue des pierres, 1996 ; Un roman d’Allemagne, 2016), des réflexions sur la mémoire
et la commémoration (Le Roman mémoriel, 1989 ; La mémoire saturée, 2003) et des
représentations littéraires culturellement marquées, comme dans La Québécoite (1983).
En d’autres termes, elle savait concilier les exigences de l’analyse critique des idéologies
(Allemagne, Europe de l’Est, Guerre froide) et la prise en compte du vécu personnel,
surtout par le truchement des personnages-narrateurs/narratrices qui avancent dans la
vie entre plusieurs pays, langues et cultures. Au Québec, Régine Robin a été une des
seules à s’interroger de manière systématique sur la langue française comme véhicule
de l’altérité et sur ses enjeux pour l’écrivain.emigrant.e, comme elle l’a fait dans son
essai de 2011, Nous autres, les autres ou dans un article publié en 2014 sur fabula.org,
« Écrire en français avec un accent ». Dans ce dernier, elle souligne la plus-value de
l’écriture transnationale et transculturelle comme trait de la modernité. Donnons la parole
à l’écrivaine :
Écritures transnationales et transculturelles, elles opèrent le
passage de la transe au paradigme du trans, de l’identité assignée
à celle de la traversée. Elles mettent en scène des identités de
parcours, d’itinéraires, non fixées sans être totalement dans
l’éclatement. Ce sont des écritures de l’entre-deux, de la béance,
de l’interstice, ou selon la belle expression de Jean-Claude Charles,
de l’enracinerrance. Écritures du déplacement, du passage. Cela
implique que, très souvent, du moins au niveau des premières
œuvres, le texte jalonne des itinéraires, des souvenirs d’enfance, des
Interfaces Brasil/Canadá. Florianópolis/Pelotas/São Paulo, v. 21, 2021, p. 1-5, e21.08
In memoriam : Régine Robin (1939-2021)
3
nostalgies du pays qu’on a quitté, des errances, des déplacements.
Ces œuvres n’inscrivent pas uniquement de la perte, mais aussi
des espoirs de recommencement, avec une tension entre les
désappropriations, les appropriations culturelles, les dévoiements,
emprunts et autres distorsions. Romans de la dissonance, du mineur,
de la déterritorialisation, du rhizome plutôt que de la racine, du pli,
du multiple, du co-possible, n’est-ce pas là un atout de la modernité ?
(ROBIN, 2014b, en ligne)
Cette ouverture à la transculture, véritable laboratoire de nouvelles formes
d’imaginaire, accompagne depuis toujours l’écriture et la pensée de Régine Robin, qui
se nourrissent du métissage, de la migrance, du transnational et de l’errance, à l’opposé
des littératures dites « nationales », monolithiques, qui ne reflètent plus le monde pluriel
qui le nôtre.
Régine Robin était d’une immense curiosité, ce qui est le propre de l’amoureuse
des voyages, du mouvement, des déplacements. Elle était aussi connue pour ses réflexions
sur les mégapoles (Mégapolis : les derniers pas du flâneur, 2009 ; Cybermigrances, 2004)
et pour l’analyse de notions d’histoire culturelle et de sociologie comme la traversée des
savoirs, des genres, des langues, ou encore, l’esthétique de la fragmentation, du bricolage
et de la récupération, du recyclage. Mais son intérêt pour le monde était aussi vif que celui
pour les textes, et en cela, on comprend que le voyage, l’être-flâneur et leur exploration
aient été, depuis longtemps, au centre de ses préoccupations. Lire un texte de Régine
Robin sur la mémoire, les questions identitaires ou au sujet d’écrivains etphilosophes
(Kafka, Doubrovsky, Modiano), c’est découvrir non seulement des parcours intellectuels
et artistiques mais aussi des procédés rhétoriques, poétiques et esthétiques qu’elle sait
mettre en œuvre avec subtilité. D’une honnêteté intellectuelle admirable qui lui a permis
d’échapper aux modes et de produire des recherches nouvelles sur des sujets complexes :
l’impossibilité de l’adaptation à un pays et à une ville comme Montréal (La Québécoite),
les traces de l’histoire du vingtième siècle dans Berlin et les restes de l’histoire juive
d’avant 1933 (Berlin chantiers, 2001 ; Un roman d’Allemagne, 2016). Dans son dernier
essai Ces lampes qu’on a oubliées d’éteindre (2020), Régine Robin, lectrice de Patrick
Modiano, reprend sa réflexion sur Paris (Le Mal de Paris, 2014), cette mégamétaphore du
lieu de mémoire qui l’obsède. Aussi bien pour Robin que pour Modiano, Paris est la ville
Interfaces Brasil/Canadá. Florianópolis/Pelotas/São Paulo, v. 21, 2021, p. 1-5, e21.08
4
Adina Balint
de l’enfance mais aussi la ville de la hantise, des souvenirs de l’Occupation allemande
mélangés aux fantasmes (même si, Modiano, ayant six ans de moins que Robin, n’a pas
connu la Seconde Guerre mondiale). Dans le dernier entretien qu’elle ait donné en octobre
2020, Robin décrit le travail de Modiano avec précision, en nous rendant sensibles aux
différences entre l’historien et l’écrivain :
Il a comme façonné la mémoire de l’Occupation. Tout est là : la
mémoire. Modiano n’est pas un historien, il n’est pas familier
des dédales administratifs ou archivistiques dans lesquels se meut
un historien. Il n’a souvent pas les mêmes questions à poser aux
documents. Dans le façonnement de la mémoire collective par une imagerie, au
bon sens du terme, qui se sait jouer des clichés, une imagerie non
fixée, mobile mais partout présente et reconnaissable : le Paris gris,
mouillé, les tractions avant, les ouvertures des palaces à tourniquet,
les observations furtives au fond des cafés. Des personnages troubles
dont aucun ne porte son nom, tout un Paris visqueux où l’on peut
disparaître à tout moment. On ne l’a pas connu (lui non plus, mais on
s’y reconnaît pleinement). (DELILLE, 2020, p. 154-155).
Les deux écrivain.e.s pensent notamment la fragilité de cette ville, toujours perdue
mais qui seule sait conserver un souvenir de ce qui est devenu invisible.
« Ni en France, ni au Canada, Régine Robin n’a reçu l’attention que son œuvre
mérite », consigne le descriptif duSéminaire international en ligne Régine Robin de l’écriture
migrante à la « cyberfiction ». In memoriam Régine Robin 1929-2021, organisé le 3-4 mai
2021 par l’Institut d’études juives de l’Université d’Anvers, en Belgique. Les chercheuses et
chercheurs réuni.e.s par cet événement soulignent avec justesse que Régine Robin reste « une
figure incontournable de la critique contemporaine française qui devrait se trouver aux côtés
de Marthe Robert, Paul Ricœur et Albert Memmi ». Quelle plus juste affirmation pour rendre
hommage à une intellectuelle accomplie et à son œuvre pertinente et aux multiples facettes.
Nous avons beaucoup appris en lisant Régine Robin, en l’écoutant dans des
colloques et séminaires. Ses textes et ses livres resteront. Il faut les lire et les transmettre.
Un lecteur, une lectrice attentif.ve saura entendre sa voix passionnée et chaude qui
captivait les nombreux publics d’étudiant.e.s et de collègues auxquels elle s’adressait.
Interfaces Brasil/Canadá. Florianópolis/Pelotas/São Paulo, v. 21, 2021, p. 1-5, e21.08
In memoriam : Régine Robin (1939-2021)
5
Références
BRASSARD, Léonore et Benjamin GAGNON CHAINEY, dir. Récits infectés. 2021.
https://recitsinfectes.com. Page consultée le 28 juin 2021.
DELILLE, Emmanuel. « Modiano, à la lisière de la ville. Entretien avec Régine Robin ».
Esprit, octobre 2020, p. 150-157.
ROBIN, Régine. « Écrire français avec un accent ». Fabula-LhT, n° 12, « La Langue
française n'est pas la langue française », mai 2014b. http://www.fabula.org/lht/12/robin.
html. Page consultée le 29 juin 2021.
ROBIN, Régine. « La réactivation d’un traumatisme de guerre : Paris confiné ». Récits
confinés, sous la dir. de Léonore BRASSARD et Benjamin GAGNON CHAINEY, 2021.
https://recitsinfectes.com/la-reactivation-dun-traumatisme-de-guerre-paris-confine/.
Page consultée le 28 juin 2021.
ROBIN, Régine. Berlin, chantiers. Paris : Stock, 2001.
ROBIN, Régine.Cybermigrances : traversées fugitives. Montréal : VLB éditeur, 2004.
ROBIN, Régine. L’immense fatigue des pierres. Montréal : XYZ éditeur, 1996.
ROBIN, Régine. La mémoire saturée. Paris : Stock, 2003.
ROBIN, Régine. La Québécoite. Montréal : Québec/Amérique, 1983.
ROBIN, Régine. Le réalisme socialiste : une esthétique impossible. Paris : Payot, 1986.
ROBIN, Régine. Le Roman mémoriel : de l’histoire à l’écriture du hors-lieu. Longueuil
(Montréal) : Le Préambule, 1989.
ROBIN, Régine. Mégapolis : les derniers pas du flâneur. Paris : Stock, 2009.
ROBIN, Régine. Nous autres, les autres. Montréal : Boréal, 2014a.
ROBIN, Régine. Un roman d’Allemagne. Paris : Stock, 2016.
Séminaire international en ligne Régine Robin : de l’écriture migrante à la « cyberfiction
». In memoriam Régine Robin (1939-2021), 3-4 mai 2021, Institut d’études juives,
Université d’Anvers, Belgique. https://www.uantwerpen.be/en/research-groups/ijs/
lectures-and-conferences/conferences/regine-robin/. Page consultée le 28 juin 2021.
Notes
1
Assistant Professor, French, Department of Modern Languages and Literatures, University of Winnipeg,
Winnipeg, Manitoba, [email protected].
Interfaces Brasil/Canadá. Florianópolis/Pelotas/São Paulo, v. 21, 2021, p. 1-5, e21.08.
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French-Science-Pile
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Open Science
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Various open science
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L'inhibition cognitive chez la personne âgée: une recherche de validation conceptuelle. European Review of Applied Psychology / Revue Européenne de Psychologie Appliquée, 1999, 48 (1), pp.27-32. ⟨hal-04292405⟩
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None
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French
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Spoken
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L’inhibition cognitive chez la personne âgée: une recherche de validation conceptuelle Jacques Juhel
, Caroline Auffra
HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of scientific research documents, whether they are published or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.
L’inhibition cognitive chez la personne âgée: une recherche de validation conceptuelle J. Juhel et
C
. Auffray1
Summary - The purpose of this study was to examine the validity of the cognitive inhibition construct on a sample of 60 to 93 years-old people who were individually administered two inhibitory tasks (Digit Generation, Stroop) and several speed of information processing and working memory tasks. Our results mainly showed an effect of ageing on the efficiency of inhibitory mechanisms. The moderating role of educational and activity levels in the agerelated differences in cognitive functioning was again noted. However, this study does not provide strong support for the hypothesized direct intervention of inhibitory processes in the relation between ageing and functional capacity of working memory. Key-words: ageing, inhibitory processes, processing speed, structural models. Résumé
- L’objectif de cette recherche est d’examiner la validité du construit d’inhibition cognitive chez 108 sujets âgés de 60 à 93 ans à qui on administre individuellement deux épreuves d’inhibition (Génération de Chiffres, Stroop) et plusieurs épreuves de vitesse de traitement de l’information et de mémoire de travail. Les résultats montrent d’abord une baisse liée à l’âge dans l ’efficacité des mécanismes d’inhibition. Cette baisse est en outre moins sensible chez les sujets au niveau d’éducation et au niveau d’activité intellectuelle élevés. Le constat d’une relation étroite entre le construit d’inhibition cognitive et celui de vitesse de traitement, semble cependant suggérer que les processus d’inhibition, tels qu’ils 1 Groupe de recherche en psychologie différentielle, Laboratoire de psychologie expérimentale, Université de Rennes 2, 6 av. Gaston Berger, F-35043 Rennes cedex, E-mail: [email protected]. 1 sont mesurés dans cette étude, n’interviennent qu’indirectement dans la relation entre vieillissement et capacité fonctionnelle de la mémoire de travail. Mots-clés: vieillissement, processus d’inhibition, vitesse de traitement, modèles structuraux. Introduction
L’intérêt croissant porté aux mécanismes d’inhibition en tant que facteurs susceptibles de contribuer aux différences liées à l’âge dans de nombreux aspects du fonctionnement cognitif témoigne de l’attrait des chercheurs contemporains pour un cadre théorique intégré accordant une place centrale à l’hypothèse selon laquelle les personnes âgées seraient moins capables que les plus jeunes d’inhiber l’accès en mémoire de travail de toute information non pertinente au regard des demandes de la tâche (e.g. Arbuthnott, 1995; Björklund et Harnishfeger, 1990; Clark, 1996; Dempster, 1992; Hasher et Zacks, 1988; Kramer et al., 1994; McDowd et al., 1995). L’étude de l’inhibition cognitive dans une perspective différentielle conduit cependant à s’interroger sur l’existence d’une dimension qui permettrait d’ordonner les individus du point de vue de l’efficacité des processus sous-jacents. Au plan empirique et malgré leur proximité théorique, les construits d’inhibition (processus de « suppression active de l’information non pertinente »; Harnishfeger & Björklund, 1994) et de résistance à l’interférence (Dempster, 1991) ne peuvent en effet être assimilés l’un à l’autre sans comparaison rigoureuse des résultats obtenus avec plusieurs indicateurs. Il est également souhaitable, en raison du rôle primordial accordé à la vitesse de traitement de l’information dans l’explication des différences liées à l’âge dans la cognition (Salthouse, 1993), de mieux préciser la relation qu’entretiennent les construits d’inhibition et de vitesse de traitement de l’information, le contrôle des mesures de vitesse semblant entraîner une réduction des corrélations entre épreuves d’inhibition plus importante que le contrôle de l’âge (de Riba pierre et Poget, 1996). La richesse explicative du modèle de la mémoire de travail dans 2 l’étude du vieillissement cognitif peut aussi conduire à se demander dans quelle mesure il est justifié de conclure, comme suggèrent de le faire Hasher et Zacks (1988), que les différences liées à l’âge dans la performance à des épreuves de mémoire de travail sont dues à une moindre efficacité des processus d’inhibition. C’est à ces questions que nous nous proposons de réfléchir dans cette étude dont les objectifs majeurs sont d’examiner les effets de l’âge sur deux indicateurs de l’inhibition, d’évaluer le niveau de généralité du construit et de déterminer dans quelle mesure l’efficacité des processus d’inhibition contribue aux différences liées à l’âge dans la performance à des épreuves de mémoire de travail.
Méthode
Sujets - Les 108 personnes volontaires (77 femmes, 31 hommes) qui participent à cette étude ont entre 60 et 93 ans (Mâge=73; etâge=9.13); 61% d’entre-elles vivent à domicile, 19% en foyer-logement et 20% en maison de retraite. De plus, leur niveau d’éducation moyen (évalué en années de scolarité à partir du cours préparatoire) est ici beaucoup moins élevé (M=9.8) que celui observé dans plusieurs études comparables (e.g. M=15.3; Salthouse et Meinz, 1995).
Mesures et procédure
- L’expérience se déroule lors de trois rencontres individuelles d’une heure au cours desquelles on mesure le niveau d’éducation des participants (Niv_Educ.), leur niveau d’activité (Niv_Activ. défini comme le nombre d’activités régulièrement effectuées au cours de la semaine) et leur niveau d’anxiété (Etat_Emot. mesuré à l’aide de trois échelles: le MADRS, le STAI et une échelle visuelle analogique d’anxiété en 5 points). On mesure également chez tous les sujets la vitesse de traitement de l’information (Vitesse, DBarrage), l’efficacité des mécanismes d’inhibition cognitive (Génération de Chiffres, Stroop) et la capacité de la mémoire de travail (Empan de Lecture, Recodage de Lettres).
3 Vitesse:
épreuve est composée de trois sous-épreuves papier-crayon: copie de chiffres (copier en 1 mn le plus grand nombre possible de chiffres) et deux épreuves de barrage (barrer en 1 mn le plus grand nombre possible de carrés, entourer en 1 mn le plus grand nombre possible de croix). DBarrage: Les sujets disposent de deux minutes pour barrer le plus grand nombre possible de lettres et entourer le plus grand nombre possible de chiffres. Le score à l’épreuve est obtenu en soustrayant le nombre d’erreurs au nombre de bonnes réponses. Génération de Chiffres: On emprunte ici un paradigme dans lequel les sujets doivent générer des chiffres au hasard en respectant le rythme imposé (générer un chiffre toutes les secondes, toutes les secondes et demi, toutes les deux secondes, toutes les deux secondes et demi). Pour chacune des 4 séquences dont la durée est d’1 mn, on calcule un indice (le RNG ou Random Number Generation, Evans, 1978) rendant compte du caractère plus ou moins aléatoire des chiffres produits (la valeur de l’indice est nulle lorsque la séquence est parfaitement aléatoire, elle est au maximum de 1 lorsque la séquence est systématique). Stroop: Dans cette tâche d’interférence adaptée de celle de Stroop, les sujets ont pour consigne de nommer la couleur des suites de lettres qui leur sont présentées. Dans la condition contrôle, le matériel est composé de 5 planches de 20 séries de X (e.g. XXXXX imprimé en jaune). Dans la condition expérimentale, les stimuli sont des noms de couleur (cinq planches de 20 mots, au même format qu’en condition contrôle) dans une couleur d’impression incongruente (e.g. le mot rouge écrit en bleu). Dans chaque condition, la première planche sert d’entraînement, le temps mis pour nommer la couleur des stimuli est mesuré pour chacune des 4 autres. Quatre scores sont mesurés en soustrayant, pour chacune des 4 paires de planches, le temps en condition contrôle au temps en condition expérimentale. Empan de Lecture: Les sujets doivent rappeler le dernier mot de chacune des phrases qui leur sont présentées oralement (séries de 2, 3, 4, 5 et 6 phrases). Trois essais sont proposés 4 pour chaque série de phrases (60 mots à rappeler au total). Le score à l’épreuve est le pourcentage de mots correctement rappelés. Recodage de Lettres: La consigne est ici de recoder des suites de 2, 3, 4 ou 5 lettres présentées visuellement pendant 30 sec. en déterminant celles qui, pour un pas donné, leur correspondent en parcourant l’alphabet à partir de chacune des lettres de la suite (pour la suite B E D et le pas « -1 », le résultat est A D C). La moitié des suites est associée au pas de « -1 », l’autre au pas de « -2 ». Après une phase d’entraînement de 5 items, on mesure le nombre de bonnes réponses aux 15 items suivants.
Analyse des résultats et discussion
Un premier argument en faveur de la validité convergente des mesures d’inhibition provient de l’observation d’une corrélation de.385 (p<.001) entre les deux indicateurs retenus. L’étude des variations de l’effet principal de l’âge chronologique selon l’indicateur considéré apporte plusieurs informations complémentaires. S’agissant d’abord de Génération de Chiffres, les résultats d’une analyse de variance à mesures répétées avec l’âge comme facteur inter (6 groupes d’âge ayant chacun 5 ans d’étendue) et l’indice RNG comme facteur intra (4 mesures) montrent que le caractère des chiffres produits est d’autant moins aléatoire que les personnes sont plus âgées [F(3,309)=85.19, p<.001] et que cet effet est d’autant plus marqué que le rythme de production imposé est rapide [F(15,309)=1.66, p=.058]. Ces observations témoignent de la bonne sensibilité de l’épreuve; elles sont également compatibles avec l’hypothèse d’une moindre efficacité liée à l’âge des mécanismes impliqués dans l’inhibition des associations numériques stockées en mémoire à long terme. L’absence d’effet de l’âge lorsque le rythme n’est que de 2 1⁄2 sec. (Tableau 1) rend néanmoins ambiguë l’interprétation de cette dernière mesure.
5 1 sec. Variance expliquée par l’âge R2=.178** Indice RNG 1 1⁄2 sec. R2=.172** 2 sec. 2 1⁄2 sec. R2=.086** R2=.023 ** p<.01 Tableau 1 - Epreuve de Génération de Chiffres: évolution de la quantité de variance expliquée par l’âge en fonction du rythme imposé aux sujets. Le pattern des relations observées entre l’âge et les 4 scores mesurés à l’épreuve de Stroop est également en accord avec l’hypothèse explicative sous-jacente d’une moindre résistance à l’interférence des personnes les plus âgées, l’écart de temps entre les deux conditions (expérimentale vs contrôle) tendant à augmenter avec l’âge. Ce résultat doit cependant être nuancé par l’absence de liaison significative entre l’âge et la performance mesurée à la fin de l’épreuve (Tableau 2). De plus, alors que la performance est indépendante du niveau d’éducation lors de la première mesure [régression sur Niv_Educ.: F(1,106)=2.35, p=.128], ce n’est plus le cas lors de la dernière [F(1,106)=7.25, p=.008]. Plus marqué chez les individus dont le niveau d’éducation est plus élevé, l’effet d’entraînement pourrait donc améliorer indirectement la performance à l’épreuve de Stroop.
TLExpé.-TLCont. Variance expliquée par l’âge Essai 2 Essai 3 Essai 4 Essai 5 R2=.121** R2=.067** R2=.044* R2=.024 * p<.05 ; ** p<.01 Tableau 2 - Epreuve de Stroop: évolution de la quantité de variance expliquée par l’âge au cours des essais (TLExpé.-TLCont. est la différence entre les temps de lecture dans les conditions contrôle et expérimentale; l’essai 1 est un essai d’entraînement). Signalons aussi qu’on retrouve, conformément à ce qui est rapporté dans la littérature, une liaison significative entre l’âge chronologique et la performance aux épreuves de vitesse (corrélations variant de -.44 à -.62; p<.001) ainsi qu’une diminution significative de la performance liée à l’âge aux épreuves de mémoire de travail (corrélation de -.43; p<.001 pour 6 Empan de Lecture et de -.21, p=.026 pour Recodage de Lettres). Précisons enfin qu’en raison de la bonne stabilité des différentes mesures ( de Cronbach de.83 pour Génération de Chiffres et de.89 pour Stroop, corrélations moyennes de.87 entre les indicateurs de vitesse et de.47 entre ceux de l’état émotionnel), des scores composites ont été calculés pour Génération de chiffres (RNG1, RNG1 1/2, RNG2), Stroop (essais 2, 3 et 4), Vitesse et Etat_Emot. Le second résultat notable de cette étude réside dans les corrélations positives observées entre l’efficacité des mesures d’inhibition et le niveau d’éducation (rM=.282) ou le niveau d’activité (rM=.229); une plus grande activité intellectuelle semble donc être associée à une meilleure efficacité des mécanismes d’inhibition. Quant au niveau d’anxiété, il ne semble pas avoir d’effet sur l’efficacité des mécanismes d’inhibition [r=-.006 avec Génération de Chiffres; r=.171, p=.076 avec Stroop]. Les estimations de la contribution des variables modératrices aux différences liées à l’âge pour chaque mesure d’inhibition avant et après contrôle statistique de la (ou des) variable(s) modératrice(s) considérée(s) apparaissent dans le tableau 3.
Variance liée à l’âge
Avant Contrôle de contrôle Niv_Educ. Contrôle de Niv_Activ. Contrôle de Niv_Educ. et Niv_Activ. Contrôle de Niv_Educ., Niv_Activ. et Etat_Emot. R2 réduction de R2 (%) réduction de R2 (%) réduction de R2 (%) réduction de R2 (%).181** 30.94 28.18 41.91 29.84.082* * p<.05 ; ** p<.01 37.91 34.15 51.20 63.20
Génération de Chiffres Stroop Tableau 3 - Variance associée à l’âge des mesures d’inhibition, avant et après contrôle des niveaux d’éducation (Niv_Educ.), d’activité (Niv_Activ.) et d’anxiété (Etat_Emot.). La 7 réduction de R2 correspond à la contribution de la (ou des) variable(s) contrôlée(s) à la variance associée à l’âge de chaque mesure d’inhibition
.
Ces résultats montrent une réduction substanti
elle de la variance liée à l’âge après contrôle du niveau d’éducation et du niveau d’activité des sujets. L’effet modérateur des variables Niv_Educ. et Niv._Activ. considérées simultanément se traduit ainsi par une réduction d’environ 42% de la variance liée à l’âge pour Génération de Chiffres et par une réduction d’un peu plus de 51% de la variance liée à l’âge pour Stroop. Au regard de l’influence des niveaux d’éducation et d’activité des sujets, Génération de Chiffres semble donc être un meilleur candidat que ne l’est Stroop pour mesurer l’effet de l’âge sur l’efficacité des mécanismes d’inhibition. Cette conclusion doit cependant être modulée par la double observation, à niveaux d’éducation et d’activité constants, d’une influence négative du niveau d’anxiété sur la performance à Génération de Chiffres (réduction de variance liée à l’âge passant de 41.9% à 29.84%; corrélation à âge constant entre Etat_Emot. et Génération de Chiffres de -.191, p=.05) et d’une absence de corrélation entre Etat_Emot. et Stroop. Les mesures effectuées avec l’épreuve de Stroop apparaissent donc à la fois plus dépendantes du niveau d’activité intellectuelle et moins dépendantes du niveau d’anxiété des sujets que celles effectuées avec l’épreuve de Génération de Chiffres. Afin d’appréhender le concept d’inhibition sous l’angle cette fois de ses relations avec l’âge, la vitesse de traitement et la mémoire de travail, plusieurs analyses structurales ont été effectuées à partir des corrélations partielles obtenues en contrôlant statistiquement le niveau d’éducation, le niveau d’activité et le niveau d’anxiété. Les diverses modélisations éprouvées visaient à répondre à deux questions: a) est-il légitime de distinguer dans cette étude les construits d’inhibition et de vitesse de traitement de l’information? b) dans quelle mesure la relation entre inhibition et mémoire de travail est-elle modérée par la vitesse de traitement? 8 La première question a été abordée en mettant en compétition un modèle faisant l’hypothèse d’un effet de l’âge sur une seule variable latente (une variable « Ressources » mesurée par Vitesse, DBarrage, Génération de Chiffres et Stroop) avec un modèle faisant l’hypothèse d’un effet de l’âge sur deux variables latentes corrélées: la vitesse de traitement (VIT mesurée par Vitesse et DBarrage) et l’inhibition (INH mesurée par Génération de Chiffres et Stroop). Les indices d’ajustement fournis pour chacun des deux modèles par le programme Lisrel (Jöreskog et Sörbom, 1993) révèlent un gain d’ajustement significatif du modèle à deux variables latentes par rapport au modèle à une variable latente (2=8.727, ddl=2, p<.05). Ce résultat montre que l’organisation des données est plus compatible avec l’hypothèse d’une distinction entre inhibition et vitesse de traitement (corrélation entre erreurs de.345) qu’elle ne l’est avec celle d’une seule dimension. Il apporte donc, tant en termes de convergence des indicateurs utilisés pour mesurer l’efficacité des mécanismes d’inhibition que de divergence - relative - de ces derniers par rapport aux mesures de la vitesse de traitement un certain support empirique au construit d’inhibition tel qu’il est évalué sur cet échantillon. Pour déterminer maintenant dans quelle mesure les variations liées à l‘efficacité des mécanismes d’inhibition contribuent aux différences liées à l’âge dans la capacité de la mémoire de travail, nous avons testé un modèle faisant l’hypothèse d’une influence de l’âge sur VIT et INH, ces trois variables ayant elles-mêmes une influence directe sur la mémoire de travail (MT mesurée par la variable de référence Empan de lecture et par Recodage de lettres).
9 D b a rra g e 72 0. 0. 0.7 95 V ite s s e 4 0.0 6 V IT 0.6 51 - 0. - 0. 0 E m pan de le c tu r e 7 R ecodage d e le ttr e s 1.0 MT 0.3 8 A ge 0 0.5 48 IN H 0. G é n é r a ti o n d e c h iffre s 43 77 7 0. 0.7 S tr o o p
Figure 1 - Modèle de pistes causales: estimations fournies sous hypothèse d’une absence de liaison directe entre Âge et mémoire de travail (MT) d’une part, inhibition (INH) et MT d’autre part [ajustement du modèle: 2=18.54, ddl=11, p=.07, n=108].
VIT désigne la variable latente vitesse de traitement. Les coefficients structuraux (tous significatifs au seuil de.05) sont en gras. Des analyses structurales préliminaires ayant mis en évidence la très faible amplitude de certains coefficients de piste, l’analyse a été reconduite en fixant à 0 la valeur de ceux-ci. Le schéma de pistes causales illustrant les relations entre les différentes variables considérées apparaît sur la Figure 1. L’ajustement relativement satisfaisant de ce modèle permet de mettre l’accent sur deux résultats essentiels. On remarquera d’abord le rôle de la variabilité associée aux deux variables corrélées VIT et INH dans les différences liées à l’âge en mémoire de travail (Salthouse, 1992; Salthouse & Babcock, 1991). Ce rôle semble d’autant plus important qu’après contrôle statistique des indicateurs de ces deux variables, la variance liée à l’âge des épreuves de mémoire de travail s’avère non significative. On soulignera surtout que l’absence de relation directe entre inhibition et mémoire de travail est un résultat non conforme à l’hypothèse de Hasher d’une intervention directe des mécanismes attentionnels inhibiteurs dans la relation entre âge et mémoire de travail (Salthouse et Meinz, 1995).
Conclusion 10
Les résultats de cette recherche mettent une nouvelle fois en évidence le rôle très important de la variabilité associée au niveau d’éducation et au niveau d’activité des sujets dans les différences liées à l’âge dans le fonctionnement cognitif, certaines des variables mesurées sur cet échantillon de personnes âgées s’étant même révélées être plus sensibles aux effets du niveau d’éducation ou du niveau d’activité qu’à celui de l’âge chronologique. Ils montrent aussi que les effets conjugués du vieillissement, du niveau d’activité intellectuelle et de l’état émotionnel contribuent à l’explication de variance commune aux épreuves d’inhibition que nous avons utiliséesi. Néanmoins, si l’efficacité des processus d’inhibition peut être plus ou moins affectée par l’âge, le niveau d’activité intellectuelle ou le niveau d’ été des sujets, la fidélité des épreuves de Génération de Chiffres et de Stroop, leur relative convergence, indépendamment des effets de l’âge et de certaines variables modératrices sont des arguments empiriques à retenir en faveur du construit d’inhibition. La seconde conclusion essentielle de cette étude est que si les mesures de l’inhibition ont une partie de leur variance liée à l’âge en commun avec celle des mesures de vitesse, le constat, indépendamment cette fois des effets de l’âge, d’une corrélation significative entre les constructs d’Inhibition et de Vitesse amène à s’interroger sur l’intérêt d’une distinction conceptuelle trop formelle. Au plan fonctionnel en effet, des mesures de vitesse (ou d’inhibition) peuvent aussi bien réfléchir l’efficacité des processus d’inhibition que la vitesse d’activation (Dempster, 1991). La difficulté à conclure quant à une éventuelle intervention des processus d’inhibition dans la relation entre vieillissement et capacité fonctionnelle de la mémoire de travail mesurée il est vrai par deux épreuves faiblement convergentes, pourrait ainsi s’expliquer. Il serait de toute manière utile de développer dans l’avenir des indicateurs conçus en référence à un schéma théorique accordant à la relation entre inhibition et activation-ressources un rôle central dans l’explication des différences liées à l’âge dans le fonctionnement cognitif.
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J. Juhel et C. Auffray Hasher and Zacks
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Évolutions de quelques concepts de thermodynamique classique dans l’enseignement secondaire et supérieur en France au cours du 20ème siecle
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La place des mathématiques dans l’enseignement secondaire
Les réformes des années 90 se démarquent des réformes précédentes par la place qu’elles donnent (ou qu’elles reprennent) aux mathématiques. En effet, celles-ci sont clairement désignées comme un frein à la fois à la démocratisation du système éducatif et au développement des études scientifiques. Comme le souligne Duverney dans son article de 2006, la baisse de la part des mathématiques dans la formation scientifique a été un des objectifs majeurs de la rénovation pédagogique des années 1988-1993, et de la réforme des lycées des années 1998-2002. Christian Forestier (1944-20..), directeur général des enseignements supérieurs, s’exprime en 1995 : « La mise en place des enseignements de spécialité dans les classes terminales de la voie générale visait à reconnaître et donc à valoriser différents profils au sein de séries plus larges. La répartition observée cette année suscite quelques commentaires par rapport à cet objectif. En série S [option] SVT, la répartition est de 38 % pour les mathématiques, 38 % pour les sciences de la vie et de la Terre et 24 % pour la physique-chimie. Cette répartition, si elle ne révèle pas, comme cela était craint, un quasi-monopole des mathématiques, ne laisse pas la place souhaitable aux sciences physiques. À travers l’option sciences expérimentales de première S, les professeurs de physique-chimie doivent montrer aux élèves tout le profit qu’ils pourront tirer de l’enseignement de spécialité. La nouvelle organisation des classes préparatoires scientifiques doit leur être également présentée pour leur faire comprendre la place nouvelle qu’y prennent les sciences physiques. »805 804 (Maurel, Juin 2000) p.1096 805 (BO, 4 mai 1995 ) -300- © 2017 Tous droits réservés. L’enseignement de la thermodynamique à compter de 1993
Aussi, on comprend que le développement de la filière physique-chimie, au détriment de la spécialité « mathématiques », a été volontairement organisé. Un bilan sur l’enseignement supérieur Après trois ans de baisse régulière, les effectifs des classes préparatoires ont connu pour l'année scolaire 1995-1996 une forte croissance, qui traduit manifestement un regain d'intérêt des étudiants pour ces classes à l'occasion de leur réforme en septembre 1995. Ainsi, en 1995-1996, les classes scientifiques dont les structures et les programmes ont été profondément modifiés – accueillent 47 875 étudiants (+ 8 %). Les effectifs des premières années, principalement touchés par la réforme, progressent de près de 15 %. Mais cette augmentation n’est que de courte durée et les effectifs retombent à leur niveau du début des années 90, à l’aube des années 2000 (44 975 élèves). (Cf. Figure 55)
Figure 51 Evolution des effectifs en CPGE à la suite des réformes des années 90806
Cette évolution des classes préparatoires se situe dans un contexte de baisse des poursuites d’études dans l’enseignement supérieur amorcée en 1996 : les nouvelles inscriptions dans le premier cycle universitaire (hors IUT) ont baissé de 2,2 % à la rentrée 1999, le recul des inscriptions dans les filières scientifiques atteignant 5,5 %. En revanche, même si la filière MPSI reste dominante, la voie PCSI est la seule à voir ses effectifs croitre. A titre d’exemple en 1997, en première année, les effectifs diminuent dans toutes les spécialités, à l’exception des classes de PCSI qui gagnent 8,5 % et en seconde année les effectifs
Graphique issu de la note d’information du MEN de Juin 2000, extrait de (Baudelot, et al., décembre 2003) p.96 806 -301© 2017 Tous droits réservés. L’enseignement de la thermodynamique à compter de 1993 des classes de MP sont en baisse, ceux de PC sont stables et la filière PSI augmentent fortement (+ 9,3 %)807. Aussi la politique menée au cours des années 95 semble avoir deux conséquences immédiates. Premièrement, l’augmentation des effectifs en CPGE n’est pas pérenne et la réforme ne permet pas d’accroitre le nombre de préparationnaires (d’autant que les classes préparatoires ne sont plus la seule voie d’accès aux écoles d’ingénieurs)808. Deuxièmement, le succès que rencontrent les filières scientifiques des lycées où le poids des mathématiques a diminué, encourage davantage les étudiants à suivre des voies plus expérimentales comme les filières physique chimie (PC) et sciences de l’ingénieur (PSI). Un bilan sur les recherches à mener
La rénovation des programmes de 1995 en classes préparatoires engendre une modification du programme de thermodynamique. Le point significatif et qui a déjà fait l’objet de nombreuses discussions, est le cas de la notion de chaleur. En 1995, en CPGE, puis en 2001, pour les classes de première, la chaleur devient « transfert thermique ». Cette modification dans le vocabulaire scientifique à utiliser n’est pas une première en sciences physiques. A titre d’exemple, un autre problème de langage avait été souligné dans les programmes de 1957. En effet, il avait été suggéré de remplacer le mot poids par le mot masse : « Il sera possible alors d'utiliser dès le départ un langage correct ; les expressions « masse atomique masse volumique, ... » remplaçant désormais celles de « poids atomique, poids volumique, ... ». »809 Pourtant, pour ce qui est de la chaleur, nous avons vu que les ouvrages du secondaire n’adoptent pas un vocabulaire identique malgré les consignes des programmes. En outre, d’une discipline à une autre le mot chaleur réapparait, alors que les connaissances interdisciplinaires et transdisciplinaires sont privilégiées dans la réforme. Pour ce qui est du supérieur, le nombre d’ouvrages parus dans cette décennie est relativement conséquent et les manuels sont souvent comme pour le secondaire, le fruit de collaborations entre plusieurs auteurs. Aussi, nous nous sommes uniquement intéressés pour le moment qu’aux contenus explicites des programmes et de leurs commentaires. Là encore, nous note d’information du MEN de Juin 1998, extrait de (Baudelot, et al., décembre 2003) p.108 Par exemple, certaines écoles d’ingénieurs comportent des cycles préparatoires intégrés auxquels les élèves accèdent directement après le baccalauréat (5 900 élèves à la rentrée 1999). Les bacheliers qui intègrent ces formations présentent des profils très proches de ceux des élèves admis dans les classes préparatoires scientifiques des lycées. Mais ils sont moins souvent titulaires d’un bac S avec la spécialité « mathématiques ». (Baudelot, et al., décembre 2003) p.136 809 (BUP, 1957) p.497 807 808 L’enseignement de la thermodynamique à compter de 1993 avons pu souligner une incohérence entre les filières et entre les matières. Il est donc nécessaire de réaliser une étude approfondie du concept de chaleur pour la période allant des années 1990 à la première décennie des années 2000. L’étude que nous allons réaliser (Cf. chapitre 8) va porter sur plusieurs points. Premièrement, la mise en évidence de la difficulté d’appréciation du concept malgré les précautions prises par les rédacteurs des programmes. Deuxièmement, un classement des définitions du concept de chaleur dans les ouvrages à destination du supérieur. Puis, une analyse de sujets de concours et de rapports de jury. Et enfin, nous nous intéresserons à l’impact de la réforme sur la compréhension des élèves et étudiants. Mais avant cela, il est nécessaire de réaliser une analyse similaire sur la notion de système car, comme le justifient clairement Lemeignan et Weil-Barais « sans les concepts de système, d’état, de variation d’état de système ainsi que de transfert entre systèmes, il est tout à fait illusoire de pouvoir effectuer une distinction claire entre chaleur et température, tout comme d’ailleurs entre énergie et [chaleur]. »810 Aussi dans le chapitre 7, nous allons poursuivre les discussions que nous avons pu avoir sur cette idée de système thermodynamique. Enfin, le dernier point de cette quatrième partie consistera à analyser la notion d’entropie et l’introduction du deuxième principe. En effet, la réforme de 1995 fait de la thermodynamique une science des bilans : bilan énergétique et bilan entropique. Elle met donc en avant l’énoncé du deuxième principe proposé par Prigogine (Cf. Chapitre 4). Par une analyse des significations données à l’entropie, nous allons tenter de mettre en évidence l’intérêt des énoncés historiques dans l’appropriation du concept d’entropie. Pour cela, nous appuierons notre travail sur des travaux déjà publiés montrant les difficultés liées à l’entropie et à son introduction dans l’enseignement. 810 (Lemeignan, et al., 1993) p.14 -303© 2017
Partie IV PARTIE IV ETUDE DE L’ENSEIGNEMENT DES CONCEPTS DE SYSTEME, DE CHALEUR ET D’ENTROPIE APRES LES REFORMES DES ANNEES 90 Chapitre 7 CHAPITRE 7 LE CONCEPT DE SYSTEME EN THERMODYNAMIQUE A COMPTER DES ANNEES I. 1990811 LA NOTION DE SYSTEME THERMODYNAMIQUE DANS LES PROGRAMMES
Nécessité du concept de système en thermodynamique Selon Lemeignan et Weil-Barais : « Quand on parle de système on évoque généralement un assemblage d’objets matériels et/ou symboliques (c’est en ce sens qu’on parle de système 811 Le travail qui suit a fait l’objet de plusieurs communications. Premièrement, durant la journée d’étude en Histoire des Sciences, « Sur la définition du système en thermodynamique classique, depuis la fin du 19ème siècle » (Lille, 20 décembre 2013). Deuxièmement, lors de la conférence européenne d’histoire des sciences, intitulée Spaces and modes of communication : popularization scientific concepts within history of science, eduction and society : “The problem of defining a classical thermodynamic system”. (Lisbonne 4-6 septembre 2014). Enfin, dans le cadre d’un enseignement de thermodynamique rencontre avec des étudiants de S5 “Comment définir un système pour résoudre un problème en thermodynamique?”. (Lille, 2 décembre 2015) -307© 2017 Tous droits réservés. Le concept de système en thermodynamique à compter des années 1990 d’équations). En sciences physiques, quand on parle de système, il y a également l’idée d’ensemble d’objets.»812. Or, la première fois où l’on rencontre la notion de système dans les enseignements de physique est sans doute la mécanique. Le système est désigné la plupart du temps, comme l’objet d’étude, possédant une masse et ramené parfois à un point dans des cas simples. Ce corps ou cet objet est donc un système physique dont on étudie le mouvement par rapport à un référentiel d’étude, sous l’action de forces extérieures agissant sur lui et engendrant ou non un mouvement. Mais toujours selon Lemeignan et Weil-Barais « pour qu’un système soit constitué, il faut que le physicien puisse en donner une description suffisante pour répondre à la question qu’il se pose. Autrement dit, un système est défini par un ensemble d’objets et par un jeu de grandeurs physiques qui le décrivent ; chaque état est défini par un ensemble de valeurs de ces grandeurs. Le système est donc une construction intellectuelle de la part du physicien. Celui-ci a toute liberté quant aux regroupements d’objets qu’il peut faire. »813 La désignation d’un système en mécanique parait alors assez immédiate dans la mesure où l’on cherche à déterminer les grandeurs de position et la vitesse déterminant l'état du système. Qu’en est-il de cette notion en thermodynamique ? Est-ce que le système désigne la même notion en mécanique et en thermodynamique ? Certains auteurs en sont convaincus, comme on peut le lire par exemple dans l’ouvrage Thermodynamique de niveau licence de Brochard de 1963 : « En Thermodynamique, comme en Mécanique, on désigne sous le nom de système un ensemble de corps étudié en tenant, éventuellement, compte des actions exercées par le milieu extérieur. »814 En thermodynamique pourtant, il semble moins évident de se représenter ne serait-ce que par la pensée un système comme ‘objet d’étude’. En effet, si l’on souhaite étudier un gaz se trouvant dans un récipient, l’esprit a davantage de difficultés à le visualiser que de concevoir un pavé de masse m posé sur un plan incliné, dont on ferait une étude mécanique. On peut lire comme par exemple dans le cours de thermodynamique des Mines d’Albi de Jacques Schwartzentrube, que « l'air présent dans la pièce où vous travaillez est un système »815 mais que « les molécules d'azote qui font partie de l'air qui vous entoure ne forment pas un système : il n'existe pas de frontière macroscopique (visible à l'œil nu) qui les délimite. »816 812 813 814 815 816 (Lemeignan, et al., 1993) p.56 (Lemeignan, et al., 1993) p.56 (Brochard,
1963
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.4 (S
chwartzentrube, 2007)
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Schwartzentrube, 2007)
Ainsi, le concept de système en thermodynamique a ceci de complexe : la représentation que l’esprit donne à cet ‘objet’ d’étude. Il va de soi que la transcription littérale de ce concept qui parait déjà abstrait pour l’esprit, est donc une difficulté importante. Mais, choisir un système c’est aussi définir l’état du système. En thermodynamique cela revient à déterminer des grandeurs « mesurables » ou « repérables » comme la pression, le volume ou la température. Cet état caractérise le système mais permet aussi de déterminer son évolution. Aussi, comme le suggèrent Faroux et al. dans leur ouvrage de 2002 : « Un système ‘‘thermodynamique’’ diffère d’un système ‘’mécanique’’ ; un système mécanique peut être entièrement décrit, après modélisation, par le choix d’un certain jeu de paramètres ‘‘géométriques’’ de position, d’orientation des divers éléments constituant le système. Un système thermodynamique est plus riche en ce sens qu’une telle géométrisation est insuffisante pour en décrire les propriétés. Nous verrons que sa description nécessite l’introduction de deux grandeurs fondamentales, spécifiques, la température et l’entropie. »817 Un exemple qui illustre l’importance du choix du système en thermodynamique, est le suivant : on considère une enceinte de volume 2 f entièrement calorifugée, séparée en son milieu par une paroi mobile et elle aussi calorifugée. Chaque volume ainsi formé contient n mole de gaz parfait (de rapport de capacité thermique • h„ /h• ) dans les conditions 7f , de gauche contient également une résistance f , f. Le récipient (de volume négligeable) alimentée par un générateur d’intensité ‘. On chauffe très lentement le gaz de gauche en alimentant pendant un temps ∆ la résistance818. (Cf. Figure 52) ‘
Figure 52 Représentation du dispositif à deux enceintes calorifugées
L’objectif du problème est de déterminer les conditions finales du réservoir droit (7/ , du réservoir gauche (7’ , ’ , ’ .) / , / .) et lorsque le piston s’immobilise. Pour déterminer ces grandeurs il est nécessaire de faire appel à la loi des gaz parfait 7 E (ou tout autre équation d’état à laquelle obéit le gaz considéré) mais également une relation entre les paramètres d’état liée à la 817 818 (Faroux, et al., 2002) p.2 Exercice extrait de (Grécias, et al., 1999) p.684 -309© 2017 Tous droit és. Le concept de système en thermodynamique à compter des années 1990 nature de la transformation ; ici la loi de Laplace reliant la pression et le volume d’un gaz parfait en évolution quasistatique819 et adiabatique820 : 7 “ Constante. Si on choisit comme système le gaz parfait dans le compartiment droit, les lois de Laplace peuvent s’appliquer, on obtient alors que : 7/ “ / 7f “ f. Si on cherche maintenant, à appliquer les lois de Laplace au compartiment gauche contenant le gaz parfait, on réalise que l’évolution n’est plus adiabatique, car la résistance fournit de l’énergie par transfert thermique au gaz, ainsi : 7’ “ ’ ” 7f “ 821 f. En outre, si on choisit comme système gauche {gaz parfait, résistance}, il est encore une fois impossible d’appliquer la relation de Laplace car le système ainsi défini n’est pas constitué exclusivement du gaz parfait822. A travers cet exemple, on réalise que choisir un système est fortement lié aux conditions d’évolution de l’expérience et à la question posée. Il parait donc important de chercher à comprendre ce que peut représenter la notion de système et les conséquences du choix de celuici pour résoudre un problème de thermodynamique. Or, si on regarde le questionnaire relatif à cet exercice, on constate que le système d’étude n’est pas clairement proposé dans l’énoncé. (Cf. Figure 53)
Figure 53 Extrait de l’exercice et de la correction
823,824 L’évolution quasistatique est définie ici comme une évolution infiniment lente permettant au système d’évoluer tout en étant à chaque instant en équilibre avec les contraintes extérieures. (Cf. chapitres 5 et 9) 820 L’évolution adiabatique est définie ici comme une évolution qui se déroule sans échange d’énergie par chaleur, c’est le cas notamment quand les parois du récipient sont calorifugées. 821 Si on ne prend pas garde au caractère non adiabatique de la transformation et que l’on souhaite quand même appliquer la loi de Laplace on arrive au résultat suivant ’ / . En effet, il est évident qu’à l’équilibre 7’ 7/ afin de réaliser l’équilibre mécanique du piston mobile. Mais si ’ / alors le piston n’a pas bougé : il n’y a pas eu d’évolution et donc la résistance n’a fourni aucune énergie au gaz ! 822 Dans cet exemple, on considère que la paroi n’intervient que par le caractère calorifugé et non comme un objet physique réel. 823 (Grécias, et al., 1999) p. 684 et p. 687 824 Même si ce n’est pas l’objet de la discussion dans ce chapitre, on peut signaler l’appellation maladroite et incorrecte d’énergie thermique pour désigner Q dans cet exercice. Tous droits réservés. Le concept de système en thermodynamique à compter des années 1990
Les auteurs parlent des paramètres d’état « à gauche et à droite » sans préciser si la résistance est associée à l’un de ces ‘‘systèmes’’. Ils proposent enfin de « faire un bilan d’énergie pour chaque compartiment (et pour le système global) ». Aussi doit-on sous-entendre que le système global est le gaz contenu dans le compartiment de droite et celui dans le compartiment de gauche ? La résolution du problème étant peu détaillée (Cf. Figure 53), on ne peut savoir ce qui est attendu. Or, comme nous l’avons montré plus haut, le choix des lois à utiliser est fonction du système. Ce constat est couramment fait dans les exercices de thermodynamique. Le système n’est pas précisé ou est sous-entendu. Malheureusement, ces imprécisions engendrent régulièrement des difficultés dans l’appropriation et dans la restitution des concepts par l’étudiant mais aussi dans la transmission du savoir par l’enseignant.
Le système en classes préparatoires aux grandes écoles
L’exemple précédent montre l’importance du choix du système pour la résolution des problèmes en thermodynamique. Cet exemple fait écho à une phrase que l’on retrouve presque régulièrement dans les ouvrages, soulignant l’intérêt et la difficulté de choisir un système dans les problèmes de thermodynamique : « Il est important de définir de manière très précise le système étudié. »825 Cette définition semble primordiale a priori dans la résolution de problèmes thermodynamiques. Il est donc légitime de s’attendre à avoir une définition précise du concept de système dans les programmes. Comme nous l’avons vu dans les chapitres précédents, à travers la lecture des programmes, le mot système apparait notamment en mécanique à travers l’étude des systèmes matériels. En revanche le concept de système en thermodynamique dans les sections de CPGE reste absent jusqu’à la réforme de 1968 (Cf. chapitre 4). Aussi, dans le programme des classes préparatoires C1 (actuelles BCPST), il apparait dans la partie Chaleur-thermodynamique : « Concepts fondamentaux : notion d’état d’un système »826 Cette première référence à la notion de système, en préambule à toute observation thermodynamique, montre que le système est le point de départ à toute étude. Néanmoins, le programme ne fournit nulle part de définition du système. Il ne propose qu’une description de celui-ci à travers son état. Le programme souligne également que l’état de ce système est décrit par des « caractères macroscopique et statistique »827 le distinguant a fortiori du système 825 826 827 (Briffaut, et al., 1995) p.102 Publié au BO du 29 février 1968, citation extraite du (BUP, avril 1968) p.897 Publié au BO du 29 février 1968, citation extraite du (BUP, avril 1968) p.897 -311© 2017 Tous droits réservés. Le concept de système en thermodynamique à compter des années 1990 mécanique détaillé dans le programme : « Représentation des systèmes matériels ; Notion de point matériel »828, ne faisant en aucun cas appel à une description statistique. En 1987, le concept de système prend comme nous l’avons vu au chapitre 5 une place beaucoup plus importante. Avec la réforme de 1995, l’introduction du concept de système en thermodynamique est à nouveau bouleversé. Alors que le programme de 1987 encourageait à multiplier le nombre d’exemples pour introduire le concept de systèmes thermodynamiques829, c’est désormais le gaz parfait qui sera l’exemple de référence: « L’étude du gaz parfait servira à introduire le vocabulaire de la thermodynamique sans formalisme excessif : système homogène, pression, température, variable extensive, variable intensive, équation d’état, fonction d’état »830. Néanmoins, le programme ainsi élaboré propose toujours d’introduire la « notion de système. Etats d'un système » 831. En outre, il y est introduit les adjectifs « ouverts et fermés » absents du précédent programme et qui avaient fait l’objet d’une discussion de notre part (Cf. chapitre 5). Cette présentation restera valable jusqu’à la réforme de 2014.
Le système dans le secondaire
Le système dans les programmes du secondaire Le mot système apparait également distinctement dans les programmes du secondaire, comme celui de première D de 1979 : « exemples de non-conservation de l’énergie mécanique totale d’un système »832, ou encore dans le programme de première S de 1994 : « analyse des échanges énergétiques concernant un système donné »833. Si, encore une fois, aucune définition n’est clairement exprimée dans les programmes, on peut lire dans le livret d’accompagnement en classe de première S de l’académie de Lille de 1994 (Cf. Figure 54) : « Savoirs faire théoriques. Définir et identifier : un système, un système isolé ou non ;... » Ainsi, définir un système et le qualifier est un préambule nécessaire à tout bilan énergétique. Si le concept de système n’est pas détaillé dans le programme, il est suggéré à l’enseignant d’évaluer l’acquisition de cette notion par l’élève, notamment à travers les représentations schématiques des diagrammes énergétiques comme nous l’avons souligné au Chapitre 6. Publié au BO du 29 février 1968, citation extraite du (BUP, avril 1968) p.903 « On utilisera des exemples de systèmes les plus variés possibles » (Ministère de l'éducation nationale, 1989) p.38 830 (Union des Professeurs de Spéciales, 1995 PCSI) p.4 831 (Union
des Professeurs de Spécial
es
, 1995 PCSI) p.4 832
(BUP
, avril 1979) p.973
833 (BO
, 20 février 1992)
834 (Groupe Réussite au Lycée
, 1994)
828 829 -312© Tous droits réservés. concept de système en dynamique r
Figure 54 Référentiel en classe de 1ère S (sciences Physiques) Année scolaire 1994-1995
En 2001, le programme de première S fait référence au système dans la partie « travail mécanique et énergie ». On peut ainsi lire « à tout système dans un état donné, on peut associer une grandeur appelée « énergie ». L’énergie d’un système isolé est constante » 835. Cette référence au système est développée dans le document d’accompagnement en première S de 2001 : « [...] la recherche des différentes contributions à l’énergie d’un système n’est pas toujours simple. De plus, et c’est peut-être le cas ici la difficulté essentielle de cette approche, dans les situations les plus simples par lesquelles on aborde le sujet, les systèmes considérés ne sont pas isolés. Pour appliquer la conservation de l’énergie sous cette forme, il faut donc identifier les systèmes avec lesquels le système choisi initialement interagit, puis considérer un système plus général qui les contient tous et qui pourra être considéré comme isolé. Cette gymnastique est difficile pour un élève, et il n’est du reste pas indispensable de s’y livrer [...] en mettant l’accent sur le transfert d’énergie, le programme fait l’économie de la recherche d’un système isolé. »836 Cette proposition soulève deux remarques : 1. La première consiste encore une fois à souligner le fait que le système est un concept clairement utilisé dans les programmes mais qu’aucune proposition n’est faite pour le définir. Pourtant, comme le souligne le document, le choix du système est nécessaire pour réaliser
des bilans énergétiques. 835 836 (BO, 31 août 2000) p.189 (Ministère de l'Education nationale, Physique 2001) p. 32 -313© 2017 Tous droits réservés. Le concept de système en thermodynamique à compter des années 1990 2. Deuxièmement, la proposition suggère que la contribution de plusieurs sous-systèmes peut former également un système. Si on réunit un ensemble de systèmes qui interagissent entre eux, alors l’ensemble est considéré comme isolé. Mais, les auteurs affirment que la recherche de ces systèmes isolés est une difficulté importante pour l’élève. Aussi, le premier principe de la thermodynamique présenté sous la forme de la conservation de l’énergie, sera préférentiellement remplacé par son application à des systèmes réalisant des transferts d’énergie. Un système interagit avec un autre système au travers des transferts énergétiques. Le choix du système est donc un aspect fondamental pour l’application d’un principe. Pour illustrer cette proposition, le document s’accompagne d’une représentation schématique. (Cf. Figure 55)
Figure 55 Représentation schématique du système Accompagnement des programmes Physique, classe de première S837
Le système d’étude (représenté à la verticale sur le schéma) se distingue du milieu extérieur (représenté à l’horizontale sur le schéma) ; les transferts d’énergie se faisant à l’interface de l’objet ainsi défini. Aussi, cette consigne officielle va à l’encontre de ce qu’estime Roulet comme nous l’avons vu au chapitre 5, pour qui il est nécessaire dans l’apprentissage de la thermodynamique, de multiplier les résolutions d’un même exercice en faisant choisir à l’élève différents systèmes. Comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent, cette représentation était déjà présente à travers les schémas des chaînes énergétiques et encouragée dans le document d’accompagnement en première S de l’académie de Lille de 1994 : « savoir-faire théoriques : traduire sous la forme d’un schéma les variations d’énergie et les transferts d’énergie opérés. » Le concept de système en thermodynamique à compter des années 1990 au cœur de cette représentation. Pourtant, si le système est désigné et représenté comme un convertisseur d’énergie effectuant des transferts avec d’autres systèmes, il n’est en aucun cas clairement dit quel est le contenu de cet « objet d’étude ». Voyons comment cette notion est abordée dans les manuels scolaires. Le système dans les manuels et articles destinés au secondaire Il ne s’agit pas ici d’être exhaustif dans l’étude des manuels scolaires, mais il s’agit de montrer ce que l’on peut trouver dans des références à destination du secondaire, sur la notion de système. Au-delà des représentations sur les chaînes énergétiques, des manuels d’exercices destinés au secondaire permettent aux élèves de s’autoévaluer en fonction des instructions officielles. Comme le présentent Talbourdel et al., auteurs d’un de ces ouvrages : « ce livre n’est ni un manuel de cours, ni un simple recueil d’exercices corrigés. [...] Son principal objectif est l’acquisition de méthodes de travail. »839 Ainsi dans la partie « échanges de chaleur », on trouve un « point méthode » stipulant que la première étape de réflexion est de « définir le système ». Figure 56 Point méthode, Manuel Première S840
A la lecture des points méthodes suivants, on découvre que le choix du système du point 1est en fait un faux choix. En effet, au point 2on lit : « la partie du système dont la température est inférieure à la température d’équilibre [...] la partie du système dont la température est supérieure à la température d’équilibre... »841 Il apparait donc clairement que le 839 840 841 (Talbourdel, et al., 1990) p.3 (Talbourdel, et al., 1990) p.130 (Talbourdel, et al., 1990) p.130 -315© 2017 Tous droits réservés. lilliad. fr Le concept de système en thermodynamique à compter des années 1990 choix du système est ici un système isolé composé des deux corps qui interagissent uniquement entre eux, ce qui est confirmé par le point 4la somme algébrique des quantités de chaleur échangées est nulle pour un système adiabatique ∑ ! 0. Cet exemple fait naturellement écho à la remarque de Roulet en 1981, que nous avons souligné dans le chapitre 5, sur le fait que les manuels n’insistent pas ou peu sur la possibilité de choisir plusieurs systèmes différents pour résoudre un problème de thermodynamique. Il va également à l’encontre de la recommandation du programme qui suggère de définir un système non isolé afin de pouvoir prendre en compte les grandeurs de transfert. Néanmoins, dans le cas de la calorimétrie, n’est-il pas plus simple pour la résolution du problème de choisir un système global isolé du milieu extérieur ? Talbourdel et al. proposent d’illustrer leur méthode sur un exercice de calorimétrie842.
Figure 57 Exercice de calorimétrie, Manuel 1ère S843
La résolution de l’exercice proposé suit naturellement la méthode illustrée précédemment. Figure 58 Résolution de l’exercice de calorimétrie, Manuel 1ère S844
On peut également noter que le point 3Appliquer la définition de la quantité de chaleur : ! J. ƒ. • – D — , ne représente en aucun cas la définition de la quantité d’énergie échangée par chaleur. Il s’agit d’un cas particulier où le travail est nul et pour lequel ! s’identifie à la variation d’énergie interne. Nous reviendrons sur ce point au chapitre 8. 843 (Talbourdel, et al., 1990) p.130 844 (Talbourdel, et al., 1990) p.131 842 -316© 2017 Tous droits réservés. iad.
Le concept de système en thermodynamique à compter des années 1990
Le système effectivement choisi pour la résolution est « délimité par l’enceinte adiabatique » constitué de « l’eau [...] partie du système qui gagne de la chaleur » et du « cuivre [...] partie du système qui perd de la chaleur. » Ainsi, bien que dans les programmes, la notion de système soit suggérée et que dans les manuels du secondaire, la nécessité de bien identifier le système pour résoudre un problème est clairement souligné, peu d’ouvrages proposent une définition de celui-ci845. Ainsi, on peut se demander comment dans les livres de thermodynamique, notamment ceux à destination du supérieur, les auteurs définissent la notion de système. On sait qu’à titre d’exemples Kastler et Joyal au début des années 60 en proposaient une définition (Cf. chapitre 4). Qu’en est-il dans les ouvrages des années 90 ? Quels sont les critères pour définir un système thermodynamique ? Comment le représenter ou le décrire ?
II
. LES DEFINITIONS DE LA NOTION DE SYSTEME Méthodologie d’analyse
Explicitement présentée dans un chapitre dans l’ouvrage de Kastler en 1962846, la référence au système en thermodynamique est abordée de manière succincte dans quelques ouvrages des décennies précédentes. A titre d’exemple, on peut citer comme références historiques, l’ouvrage de Duhem Traité élémentaire de mécanique chimique fondée sur la Thermodynamique dans lequel on peut lire « l’état d’un système sera en thermodynamique défini par un certain nombre de variables »847 ; Ou encore, Bouasse qui emploie le mot système, sans le définir pour introduire le principe d’équivalence en 1913 : « Soit un système qui passe d’un état à un état infiniment voisin... »848. On peut constater que ce mot n’était d’ailleurs pas employé dans la première édition de son ouvrage de 1907. En effet, on peut lire pour introduire le principe d’équivalence « pour toute transformation infiniment petite on a ... »849. 845 On peut toutefois citer l’ouvrage de Tréherne en 1957 qui en donnait une définition (Cf. Chapitre 846 S’il faut attendre le début des années 1960 en France pour voir apparaitre un chapitre consacré 4) au système thermodynamique, Fermi y consacre son premier chapitre « thermodynamic systems» dans son ouvrage Thermodynamics de 1937. (Fermi, 1956), chapitre 1 p.1. Mais Fermi consacre en réalité ce chapitre à lister les transformations que peut réaliser un système thermodynamique. Il ne donne pas de définition du système thermodynamique à proprement parler. Il le définit uniquement par son état d’équilibre. 847 848 849 (Duhem, 1897) Chapitre I
du Livre I p
.30
(Bouasse, 1913a) p.72 (Bouasse, 1907) p.8 -317© 2017 Tous droits réservés. Le concept de système en thermodynamique à compter des années 1990
L’objet de cette partie est de présenter un classement des différentes définitions du mot système ou de l’expression système thermodynamique. Aussi, à travers l’étude de 45 ouvrages traitant de thermodynamique destinés pour la plupart à un niveau d’enseignement de niveau L1 à L3, il s’agit de proposer un examen le plus exhaustif possible du concept de système en thermodynamique. Nous aurions également pu réaliser une étude des documents ou extraits de cours facilement accessibles sur Internet. Mais, nous avons choisi d’écarter de cette étude ces documents rarement signés ou dont les auteurs sont difficilement identifiables. Les ouvrages dans cette étude sont donc majoritairement des œuvres de thermodynamique physique, généralistes (CPGE ou universitaires), de thermodynamique industrielle (33 ouvrages). De plus, nous avons complété notre étude par l’analyse de quelques ouvrages de chimie (9 ouvrages) et de biologie (3 ouvrages), dans lesquels la notion de système ou système thermodynamique est également abordée et qui proposent parfois des compléments aux définitions proposées dans les ouvrages de physique. En première constatation, on peut affirmer que très peu d’ouvrages parmi l’ensemble des documents consultés (en dehors des 45 présentés ici), ne proposent aucune définition du mot système en thermodynamique. On peut par exemple citer l’ouvrage Précis de thermodynamique rationnelle de 1994 de Dennery professeur honoraire à l'Ecole centrale de Paris qui ne fait que suggérer l’existence d’une surface de contrôle850. Généralement, le concept de système ou de système thermodynamique est présenté dans l’introduction de l’ouvrage ou dans un premier chapitre qui lui est entièrement consacré. Aussi, trouve-t-on des ouvrages dans lesquels les définitions ne dépassent guère une ligne alors que parfois, un paragraphe d’une dizaine de lignes est nécessaire aux auteurs pour présenter ce qu’est un système en thermodynamique (Cf. Annexe n°1). Avant de parcourir l’ensemble de ces références, nous proposons ici quelques exemples parmi ceux référencés. Chacun d’entre eux propose une définition différente de la notion de système, montrant que le classement que nous suggérerons au prochain paragraphe, devra réunir plusieurs idées proches : Dans le Physique tout en un de 2013 de Sanz et al., on peut lire : « On appelle système thermodynamique tout système constitué d’un très grand nombre de particules microscopiques. Un échantillon de matière de taille macroscopique est un système thermodynamique. Un échantillon de matière de dimensions mésoscopiques est aussi un système thermodynamique. Choisir un système revient à partager le monde en deux : le système choisi et le reste de l’univers que l’on nomme extérieur. »851 Dans cette définition, les auteurs insistent sur la nécessité d’un très grand nombre de particules microscopiques pour définir un système, qu’ils nomment de plus explicitement « système thermodynamique ». Ainsi, le choix d’un système thermodynamique nécessite de concevoir 850 851 (Dennery, 1994) (Sanz, et al., 2013) p.812 © 2017 Tous droits réservés. Le concept de système en thermodynamique à compter des années 1990 l’aspect microscopique des objets. Cette définition se rapproche de la définition donnée par Blain et al., dans l’ouvrage de première S aux éditions Magnard de 1982852. (Cf. Chapitre 5) Dans une autre définition issue d’un ouvrage de chimie, Chimie physique Approche moléculaire de Mc Quarrie et al. de 2000, les auteurs proposent ce commentaire : « Nous entendons par système cette partie du monde que nous étudions et par milieu extérieur, tout le reste. »853 L’observateur étant dans le milieu extérieur, il est a priori plus aisé pour lui de présenter l’objet d’étude par rapport au milieu avec lequel il interagit. En soit, dans cette définition très courte, le système est d’abord défini par tout ce qu’il n’est pas. Cette désignation ‘milieu extérieur’, on le verra plus loin, est une notion qui est présente dans la quasi-totalité des livres référencés. Il apparait donc important pour définir un système, comme le signale Roulet dans l’article du BUP de 1981 (Cf. chapitre 5), d’indiquer clairement tout ce qui n’est pas le système. Dans un ouvrage de Biologie de 1991, Bases thermodynamiques de la biologie cellulaire, Thellier et al. proposent : « On appelle système, ou milieu intérieur, la portion de l’espace limitée par une surface réelle ou fictive, où se situe la matière étudiée. Le reste de l’univers est le milieu extérieur. La distinction entre système et milieu extérieur est largement arbitraire : le système est ce que l’observateur a choisi d’étudier.... Un système thermodynamique, stricto sensu, est un système macroscopique, c’est-à-dire un système pour lequel le détail des caractéristiques microscopiques est inaccessible, et où l’on ne peut atteindre que des caractéristiques statistiques. »854 Cette définition se rapproche du premier exemple. La nécessité d’un grand nombre de particules est notamment justifiée par le fait que grâce à cela, il est possible de réaliser des moyennes sur des paramètres microscopiques afin d’obtenir des grandeurs macroscopiques caractéristiques de l’état du système855. Cette définition se rapproche des attentes parues dans le programme de CPGE de 1987. En outre, cette caractéristique statistique permet de réaliser une distinction nette avec le système défini en mécanique. Mais, il est également important de souligner que les auteurs insistent sur la nécessaire existence d’une frontière entre le système et le milieu extérieur. Cette frontière est réelle ou une réalisation de pensée. (Blain, et al., 1982) p.102 (McQuarrie, et al., 2000) p.811 854 (Thellier, et al., 1991) p.5 855 Il est important de souligner que cette remarque fondamentale apparait dans un ouvrage de biologie. Or la thermodynamique appliquée à la biologie nécessite une définition précise du système dans la mesure où la plupart du temps les systèmes vivants sont des systèmes ouverts (i.e. échangeant énergie et matière). Le concept de système en thermodynamique à compter des années 1990
Notons enfin, que les auteurs parlent de « matière étudiée » : la masse serait donc a priori une nécessité dans le concept de système. Un commentaire vient alors : est-ce qu’un ensemble non matériel, comme un gaz de photons par exemple, peut être considéré comme un système thermodynamique ? Enfin dans le Thermodynamique Chimique de Chabanel et al. de 2011, on peut lire : « La thermodynamique s’applique aux objets macroscopiques, qui sont formés d’un grand nombre d’individus microscopiques appelés molécules856. Un système thermodynamique est une portion de l’univers limitée par des parois abstraites à définir avec précision. Ces parois ne s’opposent pas forcément à certains échanges avec l’extérieur (appelé aussi environnement ou entourage). L’ensemble système + entourage est considéré comme formant un "super-système" isolé. »857 Dans cette dernière définition, on retrouve les notions abordées précédemment, mais les auteurs en parlant de « parois » au pluriel laisseraient la liberté de penser que le système peut être formé de plusieurs surfaces. Cette nuance peut paraître légère mais elle ouvre pourtant la possibilité de choisir un système formé par l’union de systèmes non nécessairement connexes, comme le figurait Blain et al. dans leur représentation schématique du système858. (Cf. chapitre 5) Ces quatre définitions montrent les diverses propositions pour définir la notion de système. Quarante-cinq ouvrages parus entre 1989 et 2013, ont été référencés et il s’agit ici de tenter de synthétiser et de rassembler les définitions dans des tableaux comparatifs. La diversité des définitions
Les définitions ont été répertoriées en annexe n°1 de ce mémoire. Mais, afin d’en avoir une lecture plus efficace, nous avons tenté de les rassembler en les classant par catégories : 1. Définir ou non ce qu’il y a dans le système 2. Définir le système par son volume de contrôle (i.e. par son ou ses interfaces) 3. Système simple ou composite Enfin, on peut souligner que 17 des 45 ouvrages (soit 38%) présentent la notion de système thermodynamique à la place de la notion de système. Il n’est pas étonnant de retrouver l’usage du terme « molécule » pour décrire le contenu du système dans la mesure où il s’agit d’un ouvrage de chimie.
857 (Chabanel, et al., 2011) p.15 858 (Blain, et al., 1982) p.102 856 -320© 2017 Tous droits réservés. Le concept de système en thermodynamique à compter des années 1990 Définir ou non ce qu’il y a dans un système
Il s’agit ici de montrer dans les définitions du système, la diversité des dénominations relatives au contenu (ou ce qui
n’est pas
son contenu) d’un système : Référence au(x) corps ou objet(s)
un Constituants / ensemble de corps/ particules corps / un élémentaires / d'objets objet microscopiques 11% 24% Référence à l’environnement extérieur Référence aux particules 16% Contenu / ensemble matériel et particules matérielles 22% Pas de référence au contenu ou à la Un grand taille du nombre de contenu particules 20% 7% TOTAL Portion d'espace Milieu extérieur 13% 73% TOTAL 35% 58% 7% 86% Tableau 3 Définir ce qu’il y a dans le système (à gauche). Référence à l’espace (à droite)
Il est intéressant de constater que 86% des ouvrages font référence à l’environnement extérieur pour définir le système (Tableau 3 droite). On dénombre à ce propos 33 ouvrages sur 45 (soit 73%) qui désignent en priorité le système par ce qu’il ne lui appartient pas : c’est-à-dire le milieu extérieur. On pourrait conclure qu’il semble simple pour les auteurs de représenter le système par ce qui ne fait pas partie de ce dernier, avant d’en décrire le contenu, comme nous l’avions déjà suggéré à travers la définition proposée par Thellier et al. dans leur ouvrage Bases thermodynamiques de la biologie cellulaire, de 1991. Cette notion de milieu extérieur, apparait aussi dans la notion d’univers qui est abordée dans 20 ouvrages sur 45 (soit 44%, non présentée dans le tableau synthétique). L’univers est alors défini comme l’union du système et du milieu extérieur. Cependant, l’univers peut-il lui aussi, former un système thermodynamique ? Chabanel et al. le présentent en 2011 comme un « "super-système" isolé.»859 Mais dans ce cas, il n’y aurait, pour ce système, aucun milieu extérieur ! Aussi certains auteurs, comme Thellier et al. nuancent : « Remarque sur le milieu extérieur : Nous venons de voir que, pour que l’on puisse traiter d’un système, il fallait pouvoir y faire la mesure des valeurs prises par les variables thermodynamiques. Or nous avons défini le milieu extérieur d’un système comme étant le reste de l’univers, ce qui implique que ce milieu extérieur s’étende à l’infini. tudier évolution faudra ne ystèmes finis. Aussi, au sens thermodynamique du terme, la notion d’univers fait référence non pas à un système infini mais à un milieu fini fait de la réunion du système étudié et de son environnement proche appelé milieu extérieur. Ce dernier ne peut alors réaliser des échanges qu’avec le système thermodynamique considéré. Ainsi l’union {système et milieu extérieur} pourrait donc être considéré comme un ensemble globalement isolé, que l’on nommerait univers. Cette remarque fait également écho à la notion d’Univers développée par Clausius lors de la présentation des principes (Cf. Paragraphe II Chapitre 1). En effet, en 1865 Clausius énonçait : « L’Energie de l’Univers est constante, l’Entropie de l’Univers tend vers un Maximum. » Ainsi, à la lumière de notre précédente discussion, on peut se demander si l’Univers de Clausius, constitue un système thermodynamique dans lequel les principes sont applicables. Cet Univers est-il considéré comme un milieu fini ou infini ? La question semble délicate, puisqu’en l’état actuel de nos connaissances, on ne peut affirmer que l’Univers n’est pas un système infini. Or, comme nous l’avons suggéré, les systèmes isolés étudiés en thermodynamique sont des systèmes finis. Aussi, le concept d’énergie totale et le principe de conservation qui est associé n’ont finalement peut-être aucun sens dans le cas de systèmes infinis.
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vente et bénéficier d'un « pacte de préférence » ou « offre prioritaire de vente » 748. Cela consiste en cas de vente de la société à la proposer prioritairement aux actionnaires bénéficiaires du pacte. Cela est particulièrement le cas au sein du réseau E.Leclerc. D'après Michel-Edouard Leclerc 749 « [n]os adhérents [] ont signé entre eux des pactes d'actionnaires garantissant qu'en cas de transmission, les magasins resteraient de préférence dans le groupe. Bref, nous avons renforcé nos liens de solidarité. [] Les commerçants indépendants ne restent liés entre eux et attachés à leur enseigne que parce qu'ils y trouvent leur compte. Et c'est mon rôle de veiller à cet équilibre permanent entre la stratégie collective qui fait la force de l'enseigne et l'intérêt local de nos adhérents ». Ces différents outils juridiques signés et acceptés de part et d'autre doivent permettre de mettre en oeuvre une véritable solidarité juridique (voir tableau 3.8) ou contractuelle750. Selon l'adhérent C5, « pour nous, le fait d'avoir des contrats, c'est une protection. C'est les deux. C'est une protection de l'enseigne mais c'est aussi une protection de l'adhérent. Donc, un contrat est nécessaire ». « Mais ce n'est pas des contrats qu'on a entre nous, c'est une collaboration, c'est une protection commune » note le répondant C7.
Centralisation Décentralisation Prise de parts sociales (top-down) Prise de parts sociales (horizontal) Droit de préemption, clauses contractuelles Pacte d'actionnaires ou pacte de préférence (top-down) horizontal) Tableau 3.8 - Management de la solidarité juridique
748 Carluer-Lossouarn F. (2008), Leclerc : enquête sur un système, Rennes, Éditions Bertrand Gobin. Leclerc M.-E (2004), Du bruit dans le Landerneau, Paris, Albin Michel. P.129 750 MacNeil I. R. (1980), The New Social Contract: An Inquiry into Modern Contractual Relations, New Haven, Yale University Press. 749 190
3.7.3 – Solidarité politique
La participation à la vie organisationnelle d'une coopérative peut s'effectuer au sein d'instances statutaires ou non, au niveau national, régional ou local751. Jean Leroyer, associé de Système U752, explique que « le dernier mot vient toujours au réseau, autrement dit au travers du conseil d'administration ou de l'assemblée générale []. On est à la fois patron de PME au travers de nos magasins et en même temps on est acteur des orientations politiques et stratégiques du groupement ». Il ajoute que « pour avoir ces rênes en main, il faut s'impliquer dans la vie du groupement ». 191 entre l'enseigne B et une autre enseigne, « là on n'a pas notre mot à dire. Bien ou pas bien Après on a voté pour une équipe dirigeante. Si à chaque fois qu'ils doivent prendre une décision, il faut qu'ils invitent tout le monde, ça ne se ferait pas » selon l'associé B1. Comme l'explique le président du réseau D, à propos de l'alliance de son réseau avec une autre enseigne, « il y a des choses pour lesquelles on n'a pas mandat. Mais nouer une alliance qui va favoriser les achats, on a mandat » et d'expliquer « au départ, c'était une décision d'un très petit comité » et « après on est allé élargir à tous les administrateurs ». Certaines fois des décisions n'ont pas de caractère contraignant. Par exemple, des fournisseurs peuvent être déréférencés plusieurs mois ex : Lactalis par le réseau E.Leclerc en 2011) ou définitivement ex : Sanoflore, par le réseau Biocoop, à la suite de son rachat par L'Oréal). Dans ce cas, la commission « produits » informe le conseil d'administration qui valide ou non la décision de ne plus distribuer les produits de l'entreprise. En l'occurrence, cette décision n'avait pas un caractère obligatoire mais comme l'explique le sociétaire A1, « c'était plus un choix stratégique. C'est l'intérêt de tout le monde de suivre une décision stratégique parce qu'après, c'est l'image du réseau, et quand 98 % des sociétaires déréférencent un produit pour des raisons stratégiques/politiques et qu'on ne le fait pas, on s'expose aux médias. Et les médias, il leur faut un ou deux magasins pour faire une généralité. D'où le risque aussi de jouer ou de ne pas jouer le jeu du réseau ». Le d'être élu implique un certain statut auprès des autres coopérateurs et donc un rôle d'exemple. Comme l'explique l'associé D1, « [ç]a me coûte la mise en place de tous les concepts, de tout ce qui se passe parce que je suis animateur de [l'instance locale], parce que je me suis engagé. Aujourd'hui je le fais. Après des fois, je sais que ça ne marchera pas mais je le fais quand même pour dire aux autres ». De manière intermédiaire entre les structures nationales et locales, peuvent exister des instances régionales. Selon le sociétaire A1, « [l]e [nom de l'instance régionale] où se retrouvent tous les responsables [locaux et régionaux]. 193 prennent d'une manière collégiale. Alors évidemment, il faut les préparer les décisions. [Il] y a toujours un groupe de travail qui va essayer d'entendre les réflexions de chacun » précise l'adhérent C7. Une fois que les décisions sont validées, elles peuvent rapidement être mises en place par la quasi-totalité des coopérateurs, en raison de leur implication dans la participation aux débats et au vote. Au niveau local, de nombreuses réunions se tiennent en centrale régionale ou dans un point de vente. Elles permettent d'échanger, de collaborer et d'adapter la politique du réseau aux spécificités locales. Selon le sociétaire A3, la réunion locale « c'est le lieu de discussion politique mais il y a aussi des remontées sur les soucis techniques, problèmes de logistique, etc. ».« Toute la communication qui est faîte entre la tête et le réseau, elle passe par le niveau des [réunions locales], où on redonne de l'information » note l'associé D1. Le partage de l'information est à la base de l'engagement et de la motivation des individus754. Selon le président du réseau A, « c'est dans l'ADN du réseau, la transparence sur tout. Les magasins partagent tout alors je ne dis pas [que] tous partagent tout parce qu'il y en a qui restent sûrement un peu en retrait sur ce point-là, mais la grande majorité des magasins sont ouverts ». Le sociétaire A1 souligne qu'« on ne peut pas vivre le réseau correctement en le vivant en tant que client si on ne participe pas à la vie politique et technique du réseau ». Les coopérateurs se révèlent ainsi solidaires politiquement voir tableau 3.9) en participant à la vie de l'organisation, soit par des mandats électifs, soit par leur participation aux assemblées ou aux réunions formelles. Ils s'impl quent aussi dans la mise en oeuvre des décisions centrales et collectives, tout en se gardant la possibilité de contribuer à l'évolution de celles-ci. Comme l'exprime le président du réseau D, « la coopérative meurt [] d'un manque d'implication de ses membres » à propos de groupements ayant disparu. 754 Guerrero S. et Barraud-Didier V. (2004), High-involvement practices and performance of French firms, International Journal of Human Resource Management, 15, 8, 1410-1425. Organes décisionnaires (conseil de surveillance, conseil d'administration, directoire) composés de coopérateurs élus (top-down) Participation aux instances politiques et vote selon le principe « un homme, une voix » (bottom-up) Application de décisions politiques non contraignantes (bottom-up)
Tableau 3.9 - Management de la solidarité politique 3.7.4 – Solidarité technique
Par leur statut, les associés participent aux décisions stratégiques mais aussi à leur mise en oeuvre. « J'étais président du [nom de la centrale d'achat] tout en étant président de région. Donc, j'étais dans la définition de la stratégie et après je devais, de façon opérationnelle, mettre en place ce qu'on avait décidé » et « il faut absolument que les deux soient en ligne » relate l'adhérent C5. Il ajoute que « le directoire est chargé de contrôler, de mettre en oeuvre toutes les opérations nationales publicitaires, par exemple et plein de projets qui sont la vie permanente. [] L'objectif c'était de fixer des objectifs par rapport à une stratégie, la stratégie définie ». La participation à la vie du réseau peut être une obligation contractuelle, qu'il s'agisse de temps partagé ou de tiers temps, selon l'appellation de l'une des enseignes étudiées. Pour l'adhérent C3, « [l]'adhérent va travailler au niveau national et régional mais tout ce travail est fait pour consolider le magasin ». Selon le répondant B5, « [n]otre obligation, c'est deux jours dans la semaine, au moins une des personnes du magasin ou le mari ou la femme » et ajoute « vous travaillez au quotidien avec des équipes. Ces équipes, elles vous rendent compte régulièrement quand il y a des choses qui peuvent changer ou des événements. Donc, vous êtes toujours en lien direct, ce n'est pas que deux jours ». L'adhérent C7 ajoute qu'il peut arriver que « des directeurs de magasins viennent donner un coup de main pour faire une commission ». Les coopérateurs doivent s'engager dans la vie du groupe au travers des différentes instances régionales ou nationales afin de mettre en commun leurs expériences, leurs 195 moyens et bénéficier d'une enseigne commune755. D'après Moati et Volle756, « [l]'implication des « adhérents » (Leclerc, Intermarché) ou des « associés » (Système U) dans le fonctionnement des structures régionales et centrales favorise assurément une meilleure irrigation du marketing par le terrain et, en retour, une capacité supérieure à diffuser les pratiques de marketing dans l'organisation ». B5. Certains « associés ont plusieurs implications » d'après D4. « Chacun dans ses fonctions de [temps partagé] doit être à la pointe » souligne le répondant B4. Lorsque ces missions techniques se situent au sein des structures centrales, elles s'effectuent en collaboration et en synergie avec des permanents afin d'assurer une cohérence entre les intérêts généraux et la prise en compte du terrain758. Le sociétaire A1 note que « [c]'est un échange permanent entre les services centraux et les sociétaires et en ayant un bon équilibre [], il ne faut pas que les sociétaires subissent les services car les services centraux sont payés par les sociétaires et sont là pour le fonctionnement des sociétaires ». L'adhérent C3 complète : « [o]n ne veut pas déroger à notre culture. On veut avoir la maîtrise de nos outils au niveau régional et national ». Selon le président du réseau A, pour « les référencements, on a des commissions dans [nom du réseau] composées d'élus de magasins qui viennent décider des axes stratégiques pour le référencement des fournisseurs et des produits ». Il ajoute « en gros les magasins ils disent là où ils veulent aller et les services techniques disent comment on va y aller ». L'associé B5 complète : « [o]n doit avoir 35 000 références donc on ne peut pas être pro sur 35 000 références. On est obligé de s'appuyer sur des concepts et ces concepts ont été travaillés par des professionnels qui sont salariés de notre groupement et par des adhérents qui les encadrent. Donc, ça va être le cas pour le merchandising, on va nous conseiller des produits ». L'associé D6 précise que « [s]ur chaque rayon, tu as un concept clef en main ». En complément du merchandising, des services peuvent être en place par la tête de réseau afin de contribuer à une homogénéité dans le référencement des nouveaux produits au sein des différents points de vente. L'adhérent B3 explique que « [c]haque point de vente peut adhérer à un programme qui précise toutes les nouveautés et chaque chef de rayon valide le fait de les recevoir ou non. [] En général, ces produits-là passent à la télé donc ça aide ». Selon l'associé B1, « [l]es permanents montent les dossiers sachant que les orientations stratégiques 197 sont décidées par les adhérents ». Les coopérateurs nommés dans des fonctions et responsabilités techniques ne peuvent l'être dans certaines organisations qu'après une procédure de validation. Le répondant B5 explique que pour son réseau, un organe « va donner son aval pour dire " en effet, cette personne a bien le profil, elle correspond bien à ce qu'on attend ˮ ». Une fois la personne nommée, celle-ci doit rendre des comptes d'après le coopérateur B5 qui ajoute : « on doit toujours justifier chacun de la mission qu'on peut avoir ». Plus globalement, « on est complètement responsable dans notre point de vente, c'est-à-dire pénalement, juridiquement et on toute latitude de pouvoir acheter à l'extérieur si on le souhaite. C'est pour ça qu'on se dit, comment ils arrivent à avoir une cohérence dans les magasins en ayant cette possibilité? Tout simplement déjà parce que les décisions qui sont prises au niveau de notre amont, du siège au global au niveau des [temps partagés], ce sont des décisions qui sont prises par des gens comme nous. Donc, forcément qui nous correspondent. Donc, pourquoi aller à l'extérieur alors que c'est notre politique intérieure qui a fait qu'on arrive. Donc, ça c'est une chose importante qui peut expliquer qu'en effet on est très solidaire » relate l'associé B5. De manière décentralisée, l'implication technique a des conséquences vertueuses. Elle permet de rappeler à chaque adhérent son appartenance au réseau et la nécessité de consacrer du temps à la vie de l'enseigne. La présence « terrain » des associés permet d'être proche des clients et d'être en veille permanente des actions concurrentes 759. Les réunions locales permettent de faire remonter rapidement des difficultés rencontr ées au quotidien notamment dans l'application de consignes en provenance de la tête de réseau et d'effectuer immédiatement des actions correctrices. « Cela peut être le lieu aussi de critiquer de temps en temps les lettres de missions de techniques qui ne respectent pas les vues politiques » relate le sociétaire A1. 759 Choukroun M. (2013), Le commerce associé, Entreprendre autrement pour réussir, sous la direction de la FCA (Fédération des enseignes du Commerce Associé), Paris, Éditions Dunod. Selon le répondant A2, « on se retrouve effectivement dans plusieurs endroits comme les réunions [locales], comme des réunions informelles. Il y a beaucoup de sociétaires qui se regroupent entre eux par affinités pour travailler, mutualiser tout un tas de choses ». L'associé B4 explique qu'avant le départ à la retraite de certains de ses collègues, « on faisait des prospectus communs, on faisait des référencements en commun » au sein de sa zone d'appartenance. Les initiatives locales peuvent même être encouragées. Ainsi, le président du réseau A note que « les magasins qui veulent organiser, type une foire bio ou une animation, une rencontre avec les producteurs, des visites avec les producteurs, des transformateurs du coin et tout, ça c'est tant qu'ils veulent, on les encourage à le faire. Ils ont toute latitude, c'est la vie de l'économie locale ». La solidarité technique (voir tableau 3.10) permet de générer une forte implication et coopération des associés dans la vie du réseau.
Centralisation Commissions et groupes de travail pendant le tiers temps ou temps partagé (top-down) Échanges lors des réunions formelles (horizontal) Veille permanente, critique et force de proposition (horizontal et bottom-up) Groupes de travail et réunions informelles (horizontal) Tableau 3.10 - Management de la solidarité technique
3.7.5 – Solidarité managériale
De manière centralisée, des animateurs salariés du réseau sont chargés de faire l'interface entre les associés et la tête de réseau. Ils interviennent régulièrement en points de vente pour apporter de l'aide et les informations nécessaires à l'associé mais aussi pour veiller au respect des règles du groupement760. Il s'agit dans certains réseaux de « conseillers produits par région qui passent voir les magasins » ; ils sont « le relai du magasin et de la S.A. C est un 760 Choukroun M. (2013), Le commerce associé, Entreprendre autrement pour réussir, sous la direction de la FCA (Fédération des enseignes du Commerce Associé), Paris, Éditions Dunod. peu celui qui va prendre la mesure de ce qu'il pourrait y avoir à améliorer dans un premier temps puisqu'il y a quand même une pédagogie. Le but n'est pas d'être dans la répression mais dans l'amélioration » note A1. Selon les réseaux, il peut aussi exister des « techniciens qui [] nous disent ce qui va, ce qui [ne] va pas » commente B3. D5 confirme, « à partir du moment où il va demander aux services de la centrale de travailler pour lui, on va avoir un plan qui va être posé, qui va respecter un certain parcours clients et c'est un plan [nom du réseau D] ». De manière décentralisée, le rôle du parrainage dans ses différentes formes est essentiel. Au sein du réseau C, il consiste à sélectionner les postulants, à surveiller les filleuls, à développer le réseau avec de nouveaux adhérents et à assurer le financement de ces derniers761. Le système de parrainage consiste à avoir pour un nouvel adhérent « sept-huit parrains qui l'accompagnent sur le côté financier mais aussi sur le côté professionnel Ils sont dans le conseil » explique l'adhérent C3. Le parrainage existe également au sein de l'enseigne D sachant qu'il « peut y en avoir un, il peut y en avoir plusieurs. Mais il peut n'y avoir aussi aucun parrain » note l'associé D5. Le répondant D1 explique : « il n'est pas forcément financier le parrain Mes parrains, c'est purement moral, à trois ils ne m'ont prêté que 30 000 €. Systématiquement, on faisait des comités de surveillance, qui ne sont pas de vrais comités de surveillance [] où on donne un coup de main et une fois par mois ou tous les deux mois, on se voyait. C est la vraie communauté ». Ce système varie selon les réseaux et peut ne revêtir que les dimensions managériales d'accompagnement et de conseils comme au sein des réseaux A et B. « La S.A. coopérative accompagne les développements [des porteurs de projets] jusqu'à l'ouverture du magasin et c'est le parrain qui prend le relai et qui sera effectivement l'intervenant entre la S.A. Coop. et le magasin ouvrant » relate le sociétaire A1. Le président du réseau A complète « on a tout un accompagnement technique très fort sur toute la partie préparatoire à l'ouverture, jusqu'au premier article passé en caisse et puis après le 761 Baron M.-L. 200 commerçant, il se retrouve un peu tout seul. C'est vrai que l'idée d'un parrain est intéressante parce que ça permet de sortir de l'isolement, de sortir des questions un peu compliquées à résoudre, avec lesquelles on a du mal, etc. Donc, d'avoir un peu un confident [] c'est un peu une main rassurante pour aborder tous les sujets qui sont nécessaires ». Au sein de l'une des enseignes, il est question de référents et de persévérants. Ces statuts sont précisés par Philippe Lebreton 762, associé d'Intermarché, pour lequel grâce aux « référents, il y a un accompagnement et une intégration beaucoup plus importante des futurs postulants. [] Chaque postulant aujourd'hui est accompagné de deux associés référents qui vont l'accompagner dans sa vie de Mousquetaire jusqu'à ce que lui-même devienne associé ». Le groupement B a créé un statut supplémentaire pour ses membres retraités, celui de « persévérant » dont le rôle est aussi d'accompagner les futurs adhérents. Ces différents statuts sont présentés dans le tableau 3.11.
Acteur du groupement Groupement Candidat / Évolution au des statuts groupement Statut Qualité complémentaire Acteur de Soutien Nombre la Membre de managérial par Soutien coopérative la (gestion du membre financier non coopérative point de (en membre vente) moyenne) Réseau A Réseau B Postulant Réseau C Directeur postulant Adhérent Réseau D Postulant Associé Adhérent (50 %) Sociétaire Parrain 1 Associé (50 %) Référent 2 Parrain Parrain 5 à 10 Parrain Parrain 1à2 « Retraité » du groupement Persévérant Tableau
3.11
-
L'évolution des statuts des coopérateurs de
commerces
à dominante alimentaire
762 Lebreton P. (2013a
),
Intervention lors des Rencontres du Commerce Associé
- Disponible sur Rencontres_du_Commerce _Associ_2013_-_Valeurs_savoirs_entreprises_-_Table_ronde_3 (consulté le 17/08/2014). La solidarité managériale (voir tableau 3.12) entre pairs existe. L'associé B1 précise qu'il est toujours possible de demander de l'aide aux autres membres du réseau qui viendront l'aider et « c'est plus de la solidarité pour que [la personne] sorte la tête de l'eau ». « Les points de vente réagissent globalement par eux-mêmes même si la solidarité peut exister avec d'autres adhérents qui peuvent le conseiller » souligne le sociétaire A1. L'adhérent B5 complète : « ce sont souvent les adhérents du département qui vont aller leur remonter le moral, parce qu'ils ont pris un concurrent et que le contexte est compliqué ou peut-être leur donner des petites astuces, ou des astuces de gestion ou des astuces commerciales pour pouvoir développer leur chiffre d'affaires, ou des astuces par rapport à leur personnel ». Chaque coopérateur peut aussi bénéficier de l'aide de pairs qu'il connaît « avec certains, on est plus ou moins proche et on va s'appeler, on va se poser des questions, mais ça après c'est presque une relation de copain ou d'ami où on va se questionner » explique l'associé D5. Enfin, certains coopérateurs peuvent être identifiés comme des experts, auxquels il est possible de faire appel. Dans ce cas, « le sociétaire est identifié dans ses qualités pour être référent de tel ou tel domaine, autour du produit, d'une fonction logistique ou autre » note le sociétaire A1.
Centralisation
Animateurs du réseau (top-down) Parrains, référents, persévérants (horizontal) Techniciens permanents (top-down) Aide de coopérateurs selon la proximité ou l'expertise (horizontal) Tableau
3.12 - Management de la solidarité managériale 3.7.6 – Solidarité financière
De manière centralisée, des structures financières sont créées afin d' les nouveaux coopérants à reprendre une entreprise ou à en créer une et à la développer. Ces filiales appartiennent directement ou indirectement aux coopérateurs. Cela permet de financer des candidats qui n'auraient pas les ressources nécessaires. De manière décentralisée, les pairs peuvent aider au financement des projets en question. Le groupement C a initié le système du parrainage à la suite d'une crise interne ayant conduit au départ conséquent d'adhérents. Le réseau avait besoin de développer le nombre de points de vente rapidement. C'est ainsi que certains adhérents se sont portés caution pour accélérer le dossier auprès des banques. Selon le président du groupement C, « il y a un système de mutualisation des cautions et du financement, qui les amène à s'engager auprès des banques mais en réseau avec d'autres ». Michel-Edouard Leclerc763 précise que « ce sont encore ces " anciens ˮ qui garantissent les investissements auprès des banquiers et qui vont accompagner amicalement " leur filleul ˮ dans la gestion de son entreprise. []. L'essentiel du financement est constitué de prêts bancaires cautionnés par les autres adhérents C. C'est là où la solidarité collective est remarquable ». Par cette solidarité financière, les adhérents contribuent notamment à améliorer la solidarité économique, avec de plus grandes quantités d'achats et le partage des dépenses. Dans la mesure où les cautions financières représentent des montants très importants, il existe des risques. Comme l'explique l'adhérent C7, « par contre, s'il y a un problème un jour, c'est tous les parrains qui vont être obligés de gérer le problème financier [] mais on se fait confiance ». Afin de minimiser les risques, certaines règles vont être édictées. Le parrainage est un service gratuit, qui doit impliquer des adhérents de différentes régions, sans lien de parenté, avec la prise de participation dans la société du filleul et le ontrôle des comptes764. En cas de difficultés passagères, « on aide le filleul, parce qu'on n'a pas bien choisi le terrain, [il] va falloir l'aider, lui proposer d'attendre un petit peu que ça se passe, l'aider dans ses développements, lui financer les prospectus, enfin le conseiller, travailler ensemble » relate le répondant C7. Au sein du réseau D, le parrainage financier existe et permet d'aider des postulants ayant un lien avec l'enseigne (directeurs de magasins, 763 764 Leclerc M.-E. (2004), Du bruit dans le Landerneau, Paris, Albin Michel. P.111 Carluer-Lossouarn F. (2008), Leclerc : enquête sur un système, Rennes, Éditions Bertrand Gobin. 203 permanents, membres de la famille d'un associé). Dans ce cas, le candidat trouve son ou ses parrains pendant le parcours de formation. L'associé D5 note, « vous rencontrez un certain nombre de personnes, de commissions et où on vous coopte entre guillemets. [] vous avez une formation de plusieurs mois et à la suite de cette formation vous êtes ou pas validé et c'est seulement à partir de là où vous pouvez vous mettre en recherche d'un point de vente ». Le parrainage peut même être une source de motivation pour intégrer le réseau en question comme l'explique l'associé D4 « à un moment donné, je suis venu chez [le réseau D] pour être parrainé ». À défaut d'institutionnaliser le parrainage financier, certains réseaux pratiquent l'entraide. L'adhérent B4 explique qu'il avait « des adhérents qui [lui] en ont prêté [de l'argent] [] de manière non formelle » sous forme de « reconnaissance de dettes ». Dans ce cas, le prêteur a un certain rôle moral sans pour autant rentrer dans le capital de l'emprunteur. B1, associé de la même enseigne, complète « j'ai été le premier à lui montrer le bilan parce qu'il y a une certaine fierté, voilà. Au bout des trois, quatre ans, je lui ai rendu l'argent qu'il m'avait prêté, voilà, ça s'est arrêté là ». Toutefois la solidarité financière (voir tableau 3.13) peut aussi avoir son importance en cas de difficultés. Il peut arriver « qu'un magasin [ne fasse] pas son chiffre, l'associé qui perdrait son magasin, il se retrouve géré par la centrale, si le magasin perd de l'argent, c'est tout le monde qui paie. On est une coopérati » souligne l'associé D5. C'est la raison pour laquelle, le groupement C a institutionnalisé le parrainage. L'adhérent C5 expose qu'il a présenté son projet d'agrandissement à son « conseil d'administration, [s]es parrains » puis devant sa « commission régionale et la commission d'agrément national ». Ces instances vont « ausculter votre dossier sur effectivement le financement, les prix, le coût, etc. » et émettre des remarques et avis. Comme le souligne l'adhérent C5, cela nécessite « d'accepter les remarques 204 parfois désagréables des collègues » mais surtout cela permet de générer « l'interaction, l'interdépendance » et de bénéficier des conseils d'un « oeil neuf ». 205 solidaires » (répondant B4). « On est chez les indépendants, on est assez libres mais après on a tout intérêt, on est dans un système coopératif, à travailler tous ensemble » note l'adhérent D5. Pour Philippe Manzoni767, ancien président d'Intermarché alimentaire, le distributeur indépendant « se doit de tenir compte des intérêts du groupement, ce qui institue entre les adhérents des liens permanents et solides d'interdépendance. Cette interdépendance se matérialise par la mise en commun de filiales et de structures communes, gérées par les adhérents et le respect d'une discipline librement consentie ». Chaque membre de la coopérative a le poids de la responsabilité collective. Comme l'exprime l'associé D4, en cas d'excès tarifaire, « c'est l'image [de l'enseigne] que je vais abîmer. On a tous intérêt entre guillemets à aller tous dans le même sens parce qu'on est complètement interdépendants et même si on est indépendants ». Il ajoute « si on ne pense pas comme ça on risque de faire qu'à un moment donné la coopérative elle n'existe plus ». Pour l'adhérent C5, « on peut quand même pas prendre ce qui est bon et jeter aux orties ce qui ne vous arrange pas ». À partir de ce travail de recherche, le processus de solidarité organisationnelle peut être défini de la manière suivante : il s'agit des relations synergiques interdépendantes, entre une organisation et ses membres de manière verticale et entre pairs de manière horizontale, afin de satisfaire les intérêts individuels et collectifs. Le tableau 3.14 synthétise le processus de solidarité au sein des réseaux de commerce coopératif et associé à dominante alimentaire.
767 Manzoni P. (2010), Intervention lors de la conférence du salon des entrepreneurs Ils ont réussi dans la franchise et le commerce associé!
- Disponible sur http://www.salondesentrepreneurs.com/paris/podcasts/video/ils-ontreussi-dans-la-franchise-et-le-commerce-associe-122/
(consult
é le 14
août 2014). Centralisation Meilleures conditions d'achats
Solidarité Économique Achats auprès de la centrale Utilisation des services centraux Services centraux Aides au lancement de nouveaux projets Paiement de cotisations Avantages ponctuels Partage des fournisseurs Prise de parts sociales Entraide entre pairs Juridique Droit de préemption et clauses contractuelles Organes décisionnaires composés de coopérateurs élus Prise de parts sociales Pacte d'actionnaires ou pacte de préférence Politique Participation aux instances politiques et vote selon le principe « un homme, une voix » Application de décisions politiques non contractualisées Commissions et groupes de travail pendant le tiers temps ou le temps partagé Technique Échanges lors des réunions formelles Veille permanente, critique et force de proposition Groupes de travail et réunions informelles Animateurs du réseau Managériale Techniciens permanents Parrains, référents, persévérants Aide de coopérateurs selon la proximité ou l'expertise Structures financières Financière Commissions de validation Parrains Coopérateurs selon leur propre initiative Tableau
3.14 -
Management du processus de solidarité 207
3.8 – Processus de mimétisme
Certaines organisations tendent à se ressembler et devenir isomorphiques768. DiMaggio et Powell769 expliquent que les organisations recherchent la légitimité et sont influencées par les normes et valeurs de leur environnement (mêmes fournisseurs, clients, concurrents et organismes de régulation) qui tendent à une homogénéisation de leur forme organisationnelle au sein d'un même secteur d'activité. L'isomorphisme mimétique, l'une des trois composantes de leur théorie correspond au « comportement moutonnier » des organisations qui vont s'imiter entre elles, surtout dans un environnement incertain afin d'être perçues comme étant légitimes. Meyer et Rowan770 déclarent que les solutions les plus efficaces et les moins coûteuses sont souvent celles qui sont le fruit de la répétition de succès approuvées par le marché préal . Cette forme d'isomorphisme s'est aussi répandue avec la diffusion de la pratique du benchmarking771. Cela consiste à s'inspirer des meilleures pratiques des concurrents ou des organisations ayant les mêmes enjeux. Le benchmarking peut aussi être un outil pour homogénéiser les pratiques des points de vente au sein d'un même réseau772.
3.8.1 – Mimétisme encouragé par la tête de réseau
Le partage de l'information est à la base de l'engagement et de la motivation des individus 773. Les outils informatiques sont un excellent système d'émulation pour les coopérateurs entre eux en tant que source de benchmarking pour s'inspirer des pratiques
768 Meyer J. et Rowan B. (1977), Institutionalized Organizations: Formal Structure as Myth and Ceremony, American Journal of Sociology, 83, 340-363. 769 DiMaggio P. 208 d'autres magasins avec la possibilité d'utiliser des critères tels que la zone rurale ou urbaine ou la taille du magasin en mètres carrés. Cela leur permet de regarder les gammes de produits des différents rayons et de référencer des produits performants, dans d'autres points de vente et qui sont absents du leur. Selon l'associé D6, « on accès au chiffre d'affaires de tous les magasins en France, par rayon, etc. ». Pour l'adhérent B2, « [i]l y a 15 ou 20 ans, c'était au flair. Désormais avec l'informatique, les adhérents comparent les performances des uns et des autres. Cela est particulièrement le cas dans le référencement des produits. Cela amène ainsi une certaine décentralisation des informations où les adhérents peuvent voir les ventes de leur zone géographique telle que leur département ». Il ajoute : « on se compare avec des magasins qui ont le même chiffre d'affaires, la même surface et le programme dit si on est bon sur telle famille, s'il nous manque les premiers prix, les incontournables, les produits à nos marques ». Ainsi, les technologies de l'information permettent de recueillir des données pour pouvoir faire des comparatifs et ainsi tendre à un modèle relativement uniforme pour maximiser l'efficience 774. Le président du réseau D décrit « les chiffres chez nous sortent toutes les semaines, les bilans, donc les gens peuvent se comparer. Ça aussi, la comparaison est un outil intéressant dans un monde d'indépendants parce que quand un autre réussit mieux, l'autre il se dit " pourquoi il réussit mieux que moi? ˮ. Il regarde et à ce moment-là, l'autre fait pareil. Ils se prennent en charge ». L'associé B1 explique que « [m]ême si on est contre certains trucs, inconsciemment on regarde le voisin ». Selon l'adhérent C3, « [s]i on est performant, si on est sous-performant, cela permet toujours de travailler sur les familles de produits où on n'est pas bon ». Le répondant C7 complète : « on connaît tous les chiffres, on se donne nos bilans, on se donne nos marges, on se donne nos frais généraux, on se donne nos frais de personnel » et ajoute qu'en cas de meilleure performance d'un de ses collègues sur l'un de ces éléments « je vais l'appeler et je vais essayer de comprendre ». Le réseau A n'a pas souhaité mettre en place d'outil informatique commun. Toutefois, la tête de réseau A récupère les comptes de résultats des différents points de vente. Ces données sont ensuite comparées afin de générer de l'émulation entre les coopérateurs et permettre un meilleur partage des savoirs et compétences775. En plus des données chiffrées, l'organisation peut mettre en place des outils incitant à une homogénéité par mimétisme. Les résultats des contrôles effectués par des clients mystères ou auditeurs sont divulgués au réseau. Selon l'adhérent B3, « quasiment tout le monde y adhère. Les points de vente B sont notés par rapport à cela et il y a un classement après qui est fait ». L'adhérent D7 note « c'est à la vue aussi de tout le monde, de tous les collègues. Parce qu'il y a une émulation après qui joue beaucoup chez nous ». La tête de réseau peut aussi inciter les points de vente à partager leurs expériences ayant eu du succès afin de mieux diffuser les bonnes pratiques. Celles-ci peuvent s'effectuer au travers des journaux internes. Le président du réseau A explique : « il y a des témoignages qui sont sous forme d'articles, etc., des témoignages de trucs qui marchent bien, traités par thématiques, etc. On a un support de communication interne pour ça ». Il ajoute « à partir du moment où il y a la valeur de la transparence facile entre les magasins, tous les échanges de pratiques et de savoirs se font facilement voire même ils sont amplifiés par les services de la coopérative qui les reprennent et qui les déploient ». Grâce à l'Intranet, ces partages peuvent même être facilités « [l]a réussite globalement, la tenue du magasin, le [coopérateur] dans une petite moyenne ou grosse boutique, il a fait une super foire aux vins. On ne le met pas assez en avant. Ça commence à se faire un peu chez nous [] grâce à l'informatique, ils ont monté un truc et puis « faîtes passer vos photos » et tout. Ça donne des idées donc ça stimule un petit peu » note l'associé B1. 775 Gruffat C. (2010), Une autre agriculture est possible!, L'exemple d'un réseau coopératif d'agriculture biologique : Biocoop, Observatoire du Management Alternatif, HEC Paris. Chaque nouveau concept est testé par des coopérateurs qui effectuent un bilan afin d'inciter leurs collègues à faire de même, en valorisant les effets attendus avec en particulier la progression du chiffre d'affaires. Ces résultats sont présentés en réunions et dans différents supports de communication du réseau, en particulier dans les journaux de communication interne. L'adhérent D5 explique qu'« [a]près je l'applique, je m'aperçois que ce n'est pas performant, je l'arrête, je ne suis pas obligé ou je l'adapte parce que sur mon point de vente, [] soit on peut faire autrement et mieux ». Les nouveaux points de vente servent souvent d'exemple car ils mettent généralement en place le dernier concept du réseau ou servent de test. Le sociétaire A4 relate qu'« il y a une communication qui est faîte des nouveaux magasins qui ouvrent par des supports comme un site Internet sécurisé ou par des infos papier ». Tout projet du réseau n'est pas obligatoire. L'adhérent C7 précise, « vous mettez un concept de base, chacun va le voir et l'améliore. Si ce n'est pas bien, de toute façon personne ne le copiera et si c'est bien, tout le monde ira le copier ». Afin d'inciter à la réplication d'un concept ou de bonnes pratiques, il peut être fait appel aux coopérateurs élus potentiellement « prescripteurs » au sein d'un réseau pour faire preuve d'exemplarité. Le président du réseau D explique qu'« il y a une exemplarité, je ne suis pas tout seul, tout le monde, il y a des associés leaders qui sont capables aussi de relayer ça ». L'adhérent C5 témoigne : « ce n'est pas obligé la certification, c'est encore une recommandation forte. On s'est promis dans une ré de comité stratégique à dire ‟ les gars présidents, débrouillez-vous mais tous vos adhérents, il faut absolument qu'on se mette d'accord autour de la table, allez 2010, il faut que tout le monde soit certifié ˮ. En 2014-2015, tout le monde n'est toujours pas certifié. Donc, c'est à nous de le faire d'abord ». 3.8.2 – Transmission organisée du savoir par les « pairs » : parrainage, mentorat et tutorat
À l'instar du compagnonnage776, la transmission par les pairs se révèle particulièrement organisée au sein des réseaux de commerce coopératif et associé. Le mentorat (mentoring) consiste pour une personne influente reconnue à devenir le mentor d'un nouveau membre par des conseils pour le soutenir, du coaching pour lui faire développer ses compétences et du parrainage pour intervenir en sa faveur de manière active777. L'intérêt du rôle de mentor est de partager son expérience et ses connaissances, de créer un lien fort avec une personne et d'avoir ainsi accès à des informations permettant de détecter d'éventuelles difficultés. Le mentorat permet aussi de renforcer la motivation et limite les départs778. Dans certains réseaux coopératifs, il est question de parrainage. Le mentor, pour un coopérateur, peut aussi être son parrain principal. Pour le sociétaire A6, le parrain est « quelqu'un qui peut jouer le rôle de guide un peu et puis de rassurer ». Souvent les coopérateurs sont des membres de la famille d'un coopérateur du réseau en question ou d'anciens salariés d'un point de vente. Ce coopérateur servant de référence n'est pas obligatoirement le parrain de ce futur coopérateur d'autant que dans certains réseaux, il n'est pas possible d'être le parrain principal de ses enfants. Dans ce cas, il est question de mentor dont l'influence peut être considérable sur les pratiques et le comportement du coopérateur en question. Il peut aussi être question de tutorat. Cette notion peut se définir notamment par son caractère éphémère. Selon Barbier779, il est question de tutorat « chaque fois que l'on constate 776 Hulin A. (2010), Les pratiques de transmission du métier : de l'individu au collectif. Une application au
onnage, Thèse de doctorat, Sciences de gestion, Université François Rabelais, Tours. 777 Robbins S., Judge T. et Tran V. (2014), Comportements organisationnels, 16ème édition, Montreuil, Pearson France. 778 Robbins S., Judge T. et Tran V. (2014), Comportements organisationnels, 16ème édition, Montreuil, Pearson France. 779 Barbier J.M. (1996), Tutorat et fonction tutorale : quelques entrées d'analyse, Recherche et Formation, 22, 150169. P.157 212 auprès d'agents dont ce n'est précisément pas la fonction principale, et pour une durée qui reste généralement limitée, la présence d'activités qui contribuent directement à la survenance chez d'autres agents de transformations identitaires correspondant au champ même de cette fonction principale ». 213 l'amalgame. Lui il fait ça, c'est bien, l'autre, il fait ça, c'est bien mais l'autre il a un truc de gestion qui va bien ». Certains coopérateurs peuvent faire figure de référence pour tel ou tel concept ou expérience. « J'étais avec les postulants vendredi soir pour leur parler un peu de mon cursus. Donc, on a parlé un peu du Drive, bien sûr, puisque ça intéresse tout le monde. Donc, on a parlé un peu du Drive, comment je l'avais mis en place, quels étaient mes premiers retours. Donc, il y a un transfert sans arrêt d'expériences » note l'adhérent B5.
3.8.3 – Apprentissage vicariant lors des interactions sociales ponctuelles entre coopérateurs
Les pratiques commerciales d'un réseau de points de vente peuvent être explicites avec des « bibles » de référence ou par des interactions plus efficaces entre pairs de manière tacite782. Les agents intègrent des routines au fur et à mesure de leur apprentissage au sein de l'entreprise 783. Elles sont liées aux interactions entre les individus qui composent une organisation. Ces routines organisationnelles ne peuvent être toutes codifiées et font partie des éléments distinctifs entre différentes organisations même s'il s'agit d'un « savoir » tacite. Le fait de penser que les autres membres du groupe vivent une situation similaire contribue à un apprentissage vicariant, c'est-à-dire par identification et comparaison784. Cet apprentissage vicariant se retrouve au sein des différentes entreprises qui composent une organisation de commerce coopératif ou associé. Les réseaux en question incitent très fortement leurs adhérents à se rencontrer régulièrement et à participer à la vie de l'enseigne. Cela crée des liens de plus en plus étroits entre associés qui échangent sur
différentes
782 Barthélemy J. (2008), Opportunism, Knowledge and the Performance of Franchise Chains, Strategic Management Journal, 29, 13, 1451-1463. 783 Campbell D. (1969), Variation and selective retention in socio-cultural evolution, General Systems, 16, 69-85. 784 Rousseau D. M., De Rozario P., Jardat R. et Pesqueux Y. (2014), Contrat psychologique et organisations : Comprendre les accords écrits et non-écrits, Montreuil, Pearson France. 214 problématiques communes785. Selon l'adhérent C1, au sein de son réseau « il n'y a aucune règle architecturale à respecter, pas de concept. Si certains points de vente se ressemblent, cela est dû à la proximité entre adhérents ». La participation à la vie organisationnelle est d'autant plus importante que la forte coopération entre une tête de réseau et ses membres engendre de meilleurs résultats sur les synergies qui en découlent sur le plan de l'uniformité786. De nombreuses réunions locales, voire régionales selon les réseaux, ont lieu dans un point de vente à chaque fois différent. Selon le sociétaire A4, les réunions locales se « font dans les magasins. Ils essaient de les faire en tournant pour ne pas toujours être chez les mêmes et pour justement aller voir les uns, les autres et discuter, voire se visiter ». Les membres commencent par faire le tour du point de vente et échangent des idées sur celui-ci. Le répondant A5 explique : « [m]oi je pars plutôt du principe de regarder les rayons, de voir comment ça fonctionne, comment ça tourne. Des fois, il suffit d'une idée ». Selon l'adhérent B4, « celui qui va reprendre une entreprise, qui mène un métier autre, faut qu'il fasse ça ‟ ah tiens, comment toi tu fais? ˮ. Et après faut prendre le meilleur de chacun ». Le répondant C5 note qu'« une fois par mois [] on fait dans notre mouvement ce qu'on appelle tous les mois une mensuelle. Et on va dans un magasin. [] Donc on visite le magasin le matin, pendant une heure et après on fait notre réunion. [] Chaque fois qu'on va dans un magasin, déjà ça oblige le magasin bien sûr à faire de toute façon un petit mieux que d'habitude pour montrer, avoir quelques idées nouvelles. [] Et vous revenez dans ce magasin toujours avec des idées. Ou des choses que vous avez vu que vous vouliez faire. [] Et ça, ça permet la créativité, ça permet justement la richesse des idées, la comparaison ». 785 Abrard P. et Paché G. (2009), 9. La gouvernance des formes hybrides, un métissage de contrat et de confiance? Le cas de la grande distribution alimentaire, in Bernard Baudry et Benjamin Dubrion, Analyses et transformations de la firme, Paris, La Découverte « Recherches », 193-213. 786 Meiseberg B. (2013), The Prevalence and Performance Impact of Synergies in the Plural Form, Managerial & Decision Economics, 34, 3-5, 140-160. Les réunions locales sont aussi l'occasion d'aborder différents sujets tels que « le bench [benchmarking], le développement et les opérations communes » précise l'associé D3 ainsi qu'un « échange effectivement de pratiques, de mises en avant, des choix de présentation, de gestion, d'achat, d'approvisionnement » note le sociétaire A4. Pour l'adhérent C4, « il y a ce partage de bonnes pratiques » puis « c'est un village de gaulois où des erreurs certes se produisent mais aussi lorsqu'il y a des réussites, elles peuvent se copier plus facilement ». Selon le répondant A4, « c'est valorisant aussi pour celui qui va donner une information ou un savoirfaire et après de le voir perpétué dans un autre site ». Le sociétaire A1 explique « de façon informelle, on partage [] dans des petits groupes comme les réunions [locales], des bonnes pratiques où effectivement on partage des compétences ». « C'est plutôt à la pause-café que tout se fait » note le coopérateur A5. Il ajoute « [a]vec certains, on va partager énormément d'informations et il va y avoir une sorte d'émulation entre nous pour se partager les infos, pour se faire grandir et il y a un vrai partage de connaissances ». C'est l'occasion d'échanger et de s'inspirer des bonnes pratiques comme le précise le président du réseau A : « c'est un peu une culture. " Tu fais comment, ça marche bien? ˮ " bon ben je vais en faire autant ˮ. Et il y a ce développement de savoirs qui est culturel de cette façon-là et après si on a des services techniques qui s'en mêlent un peu, ils les redéfinissent, ils les professionnalisent et ils les déploient d'une manière plus professionnelle ». Les coopérateurs peuvent aussi aller visiter des points de vente de leur propre initiative. « Après ça parle beaucoup aussi. Il y a beaucoup d'échanges entre les sociétaires qui fait que tout le monde dit ‟ voilà, celui-là il est intéressant, il faudrait y aller ˮ » et c'est comme ça que ça circule » note le sociétaire A4 qui ajoute « on est énormément visité par des gens du réseau ». Selon l'adhérent C2, « [l]e magasin de [nom de la ville] est chez le groupement C l'un des référents ». En tant que tel, il est considéré comme une source d'inspiration. Donc, ils viennent voir pourquoi ça a marché ». Quand un coopérateur se rend chez l'un de ses pairs, l'adhérent B4 complète « il est accueilli parce qu'entre magasins B, il n'y a pas de porte fermée, jamais ». L'adhérent C7 note « j'ai été beaucoup voir d'autres copains à [nom d'une ville], on entend dire ‟ tiens celui-là, tu devrais le voir ˮ. On se téléphone et tout [] j'ai été voir les dernières créations, d'ailleurs on est invité aux inaugurations ». Le président du réseau D confirme « hier soir, j'inaugurais un magasin à [nom de la ville]. Et il y avait plein de collègues qui étaient là, donc ils voient, il y a un nouveau magasin, ils visitent ».
3.8.4 – Synthèse des résultats du processus de mimétisme
Le tableau 3.15 synthétise le processus de mimétisme au sein des réseaux de commerce coopératif et associé à dominante alimentaire. Centralisation Mises à disposition des données (rotations, comptes de résultats, etc.), des résultats des contrôles et/ou envoi de classements (topdown) Visites de points de vente (réunions, initiatives personnelles, inaugurations) (horizontal) Partage des bonnes pratiques dans les supports de communication internes (topdown) Échanges spontanés de bonnes pratiques (horizontal) Valorisation des tests concluants de concepts (top-down) Mentorat (horizontal) Exemplarité des coopérateurs influents (topdown) Tutorat (horizontal)
Tableau
3.15 -
Management du processus de mimétisme
3.9 – Processus d'enculturation
La notion d'enculturation est un concept peu connu à l'inverse de la notion d'acculturation, qu'il convient de repréciser avant de s'intéresser à la première notion. Sel Redfield Linton et Herskovits787, l'acculturation correspond « à l'ensemble des phénomènes résultant des situations dans lesquelles des groupes d'individus ayant des cultures différentes se trouvent en contact direct de manière permanente, ce qui engendre des changements conséquents dans les modèles culturels de l'un ou des deux groupes ». La question de la confrontation entre deux cultures n'est pas à prévaloir en l'espèce, dans la mesure où l'influence de la culture est beaucoup plus globale et s'appuie en partie sur le processus de socialisation tel que décrit par Bradach788 789. Ainsi, la culture d'une organisation peut être influente, avec des membres de la famille de coopérateurs (qui ne font pas partie du réseau de commerce)790 mais aussi avec d'anciens salariés de points de vente ou de la coopérative en tant que candidats pour devenir coopérateurs791. À partir de ces éléments, il est possible d'affirmer que la culture de l'organisation n'est pas totalement extérieure à ces individus lorsqu'ils deviennent eux-mêmes coopérateurs. Or la notion d'acculturation implique la pénétration d'une culture par une autre. Il convient donc d'étudier la notion d'enculturation. Selon Herskovits 792, « [l]a notion d'enculturation permet de jeter un pont entre le concept de culture considérée comme une " chose en soi ˮ et celui de culture défini en tant que 787 Redfield
R
., Linton
R
. et Herskovits
M
.
J
. (
1936
), Memorandum
on the study of
ac
culturation,
American Anthropologist
, 56,
973-
1002. 788 Bradach J.L. (1997), Using the plural form in the management of retail chains, Administrative Science Quarterly, 42, 276-303. 789 Bradach J. L. (1998), Franchise Organizations, Boston, Harvard Business School Press. 790 Cassou F. (2014), Le commerce associé face aux défis des réseaux de points de vente : une approche exploratoire, Colloque Étienne Thil, Paris. 791 Cassou F. (2014), Le commerce associé face aux défis des réseaux de points de vente : une approche exploratoire, Colloque Étienne Thil, Paris. 792 Herskovits M. J. (1948) Man and his Works: The Science of Cultural Anthropology, New York, Alfred A. Knopf, traduit Les bases de l'anthropologie culturelle, édition électronique réalisée réalisée par Tremblay J.-M. à partir l'édition de 1967, François Maspero Éditeur Disponible sur http://classiques.uqac.ca/classiques/Herskovits_melville/bases_anthropo/bases_anthropo_culturelle.html. P.35 218
la somme du comportement des individus par qui elle se manifeste. Dans le processus d'enculturation, l'individu apprend les formes de comportement admises par son groupe. Généralement, cette assimilation est si parfaite que les pensées, le système de valeurs, les actes d'un individu sont rarement en contradiction avec ceux des autres membres de son groupe ». Selon Weinreich 793, l'enculturation correspond à l'intégration continue des éléments significatifs d'une culture, qu'il s'agisse de celle dominante, d'origine ou d'une autre à condition qu'elle soit significative pour l'individu. La notion d'enculturation est donc à privilégier car celle-ci comprend l'intégration d'éléments culturels au cours de la socialisation de l'individu794.
3.9.1 – Nécessité d'une culture organisationnelle forte
La culture façonne ses membres à travers le partage et la transmission795. Elle peut avoir pour rôle d'adapter les individus à la société et de faire en sorte que ceux-ci soient satisfaits de se comporter en conformité796. Jaques797 écrit : « [l]a culture de l'entreprise, c'est son mode de pensée et d'action habituel et traditionnel, plus ou moins partagé par tous ses membres, qui doit être appris et accepté, au moins en partie, par les nouveaux membres pour être acceptés dans l'entreprise []. Chez ceux qui font partie de l'entreprise, depuis un certain temps déjà, la culture constitue une partie de leur seconde nature. Les nouveaux se reconnaissent au fait qu'ils ignorent la culture de l'entreprise ; les inadaptés, au fait qu'ils la rejettent ou qu'ils sont incapables de l'utiliser ». La culture de l'organisation a donc pour vocation d'être transmise aux nouveaux 793 Weinreich P. (2009), 'Enculturation', not 'acculturation': Conceptualising and assessing identity processes in migrant communities, International Journal of Intercultural Relations, 33, 124-139.
794 Weinreich P. (2009), 'Enculturation', not 'acculturation': Conceptualising and assessing identity processes in migrant communities, International Journal of Intercultural Relations, 33, 124-139. 795 Linton R. (1968), Le fondement culturel de la personnalité, Paris, Dunod. 796 Fromm E. (1966), Société aliénée et société saine, Paris, Le Courrier du Livre. 797 Jaques E. (1951), The Changing Culture of a Factory, London: Routledge and Paul Lted, 6ème impression : 1970, paru en français en 1972 sous le titre : Intervention et changement dans l'entreprise, Paris, Dunod. PP.2016217 219 membres comme une sorte de code de conduite798.
Le
président du réseau A
explique
« c'est des éléments forts pour nous, c'est ce qui fait que les gens se retrouvent et s'investissent comme ils s'investissent et renforcent les valeurs. Notre cahier des charges, qualité produits [] est revu à la hausse régulière , ils [les coopérateurs] en rajoutent ». Le comportement des membres d'une organisation est dirigé par la culture de celle-ci. Une personne ne devient membre de celle-ci qu'à partir du moment où elle intègre ces normes799. La culture organisationnelle est un partage de significations communes800 à travers les croyances, normes, valeurs et pratiques qui s'ancrent dans les interactions et la perception des membres d'une organisation801. Elle génère un sentiment d'identification et d'appartenance sociale802 qui permet de se distinguer des concurrents, de générer un sentiment d'identité à ses membres, de les impliquer, d'établir des normes comportementales, de donner des objectifs et d'assurer l'unité au sein de l'organisation803. La différence entre un point de vente A et un concurrent se situe « sur la qualité du référencement, sur le 100 % bio, on insiste beaucoup dessus, c'est quand même aussi notre fer de lance, sur le 0 % OGM et toutes ces valeurs ne sont partagées par aucun [autre] réseau en France » d'après le sociétaire A1. La culture organisationnelle permet de générer de l'intégration et de l'homogénéité quand les normes, valeurs et méthodes d'actions sont partagées et stables804. Selon Robbins et al., « [l]a culture procure à la fois du sens et des mécanismes de contrôle permettant d'orienter et de façonner les attitudes et les comportements » 805. Les auteurs ajoutent que la culture forte « témoigne en effet
Schein E. H. (1994), Organizational Culture & Leadership, 3ème édition, San Francisco, Jossey Bass. Deal T. E. et Kennedy A. A. (1983), Culture: A New Look Through Old Lenses, Journal of Applied Behavioral Science, 19, 4, 498-505. 800 Schein E. H. (1994), Organizational Culture & Leadership, 3ème édition, San Francisco, Jossey Bass. 801 Robbins S., DeCenzo D., Coulter M. et Rüling C.-C. (2014), Management : L'essentiel des concepts et pratiques, 9ème édition, Montreuil-sous-Bois, Pearson France. 802 Meier O. (2013), Management interculturel, Paris, Éditions Dunod. 803 Robbins S., Judge T. et Tran V. (2014), Comportements organisationnels, 16ème édition, Montreuil, Pearson France. P.561 804 Martin J. (1992), Cultures in organizations: Three perspectives, New York, Oxford University Press. 805 Robbins S., Judge T. et Tran V. (2014), Comportements organisationnels, 16ème édition, Montreuil, Pearson France. PP.559-560 798 799 220 d'un consensus élevé par rapport aux valeurs de l'organisation. Cette communauté aux points de vue convergents nou
la cohésion, la fidélité et l'engagement de ses membres, et réduit d'autant leur propension à quitter l'entreprise ». « On est fidèle au réseau A parce qu'on croit vraiment. Il y a une application des valeurs qui sont écrites et ça se voit dans les produits qu'on commercialise » note le répondant A4. L'associé D1 explique que « les valeurs sont très vieilles et c'est toujours les mêmes. Nos valeurs elles sont, il faut être dedans quoi. On ne peut pas en avoir une et pas les autres ». Il ajoute qu'en cas de non-respect, « il [le coopérateur] se fait débarquer. 806 Robbins S., DeCenzo D., Coulter M. et Rüling C.-C. (2014), Management : L'essentiel des concepts et pratiques, 9ème édition, Montreuil-sous-Bois, Pearson France. P.231 807 Pascale R.T. et Athos A.G. (1981), The Art of Japanese Management, Applications for American Executives, New York: Simon & Shuster/Warner Books; en français : (1984), Le management est-il un art japonais?, Paris, Éditions d'Organisation. 808 Ouchi W. G. (1980), Markets, bureaucracies and clans, Administrative Science Quarterly, 25, 129-141. P.138 221
3.9.2 – Socialisation des coopérateurs : entre recrutement et participation à la vie du groupement Schneider
809 a élaboré un modèle détaillant les processus qui conduisent à l'homogénéisation des croyances, valeurs et comportements des membres d'une organisation. Pour cela, il utilise les concepts de sélection, adaptation et attrition. Les recruteurs cherchent des profils « compatibles » avec la culture organisationnelle (processus de sélection) ou adaptables à celle-ci, avec les actions de formation et de gestion des performances (processus d'adaptation). Si tel n'est pas le cas, ces membres finiront par quitter l'organisation ou seront exclus (processus d'attrition) 810. Cette dernière phase ayant été déjà abordée précédemment ne sera pas développée ci-dessous.
3.9.2.1 – Sélection des coopérateurs
Afin de garder une cohérence, l'enseigne mise beaucoup sur son capital humain. C'est une communauté qui s'autorégule avec son propre système de valeurs811. Certains systèmes de gouvernance, notamment ceux laissant une forte autonomie aux points de vente comme les systèmes coopératifs, nécessitent de trouver les « bonnes » personnes. L'adhérent C4 note « [o]n n'est pas arrivé par hasard [membre du groupement C], on le devient certainement en respectant ces fondamentaux « prix » et cet engagement, cette implication ».
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Usages et limites des nomenclatures socioprofessionnelles pour l'analyse sociologique : le cas italien. Sociétés contemporaines, 2002, 45/46, pp.43 - 74. ⟨10.3917/soco.045.0043⟩. ⟨hal-03458572⟩
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Trois catégories caractérisent le système de reproduction biopsychique, : la classe médicale (médecins, chirurgiens, psychiatres, psychologues), les agents socio-sanitaires (infirmières et assistants sociaux), et enfin la classe des travailleurs domestiques (ceux dont l’activité principale consiste à fournir des services nécessaires à la reproduction de la famille). Dans ce système se trouvent également des employés, des ouvriers, un petit nombre de dirigeants et de cadres, et beaucoup de personnel de service. Dans ce modèle, les classes correspondent à des ensembles de positions/rôles. Il existe des classes spécifiques à chaque système social fondamental, et des fractions de classe qui ont des activités que l’on retrouve dans plusieurs systèmes. Les classes 6. 7. 8. 9. Ceux dont l’activité principale est directement d’ordre politique, c’est-à-dire qui ont un rôle au Parlement, dans les assemblées ou les conseils des organismes territoriaux, dans les partis et dans les syndicats, et qui agissent dans le contrôle de la société qui caractérise le mode d’organisation politique des deux formations sociales historiquement les plus récentes (capitaliste oligopolistique et étatique), alors que toujours selon l’auteur, ils sont absents en tant que tels dans les formations historiquement plus anciennes. Ceux chargés d’organiser et de mettre en place les directives et décisions politiques. Ils ont également une fonction d’élaboration et de direction du contrôle social. Cette catégorie regroupe les dirigeants de l’État et des organisations terrritoriaux, ainsi que les magistrats. Ceux qui interviennent dans le fonctionnement des services de l’État mais en tant qu’intermédiaires (avocats, notaires, conseillers commerciaux, consultants, etc.). On y trouve aussi bien des professions libérales que des salariés qui travaillent dans des entreprises ou dans l’administration publique. Tous ceux qui font d’organisations armées et s’occupent de défense interne et externe. Cette catégorie regroupe tous les militaires de carrière. Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.) spécifiques, mais dans une plus large mesure les fractions de classe plus générales, se trouvent dispersées entre différents systèmes et modes d’organisation, aussi bien verticalement (on peut par exemple trouver des ouvriers dans le système économique, mais aussi dans le système politique), qu’horizontalement (on trouve aussi bien des techniciens dans le mode de production de la formation capitaliste entrepreneuriale que dans le mode de production de la formation étatique). Une fois quantifiée, l’analyse de cette classification amène Gallino aux diagnostics suivants : — La société devient plus complexe et plus différenciée et requiert de ce fait plus d’activités de régulation, de gestion, de contrôle et de gouvernement (croissance du système politique) ; — la scolarisation de masse, avec sa forte croissance au niveau des lycées et des universités, a été un élément important de la croissance du système de reproduction socioculturelle ; — La prise en compte des problèmes de santé devient plus importante et le développement des organismes qui l’assurent est fort ; — l’augmentation de la productivité du système économique a rendu possible que 2,3 millions de producteurs en moins puissent produire un volume de biens par personne très supérieur. L’auteur propose alors un regroupement des catégories des systèmes sociaux primaires en quatre groupes (cf. tableau 5) : — les classes dirigeantes regroupent toutes les classes qui ont une activité de gouvernement, de contrôle, d’orientation, de direction du travail ; — les classes de la connaissance rassemblent les classes dont les rôles consistent à élaborer, interpréter, transmettre des savoirs d’une génération à l’autre, à diffuser des informations, à appliquer à des problèmes pratiques des connaissances en tout genre ; — les travailleurs indépendants comprennent toutes les classes dont l’activité, à la fois intellectuelle et manuelle, se ramène à la gestion autonome d’unités productives de petite taille ; — les travailleurs salariés rassemblent toutes les autres classes qui ont une activité subordonnée dans des entreprises qui ne sont pas leur propriété, avec des contenus différents quant aux critères : manuel, intellectuel, responsabilité, etc. Au total, il apparaît que la pyramide des professions n’a pas beaucoup changé : la part des salariés s’est un peu réduite, celle des classes de la connaissance s’est élargie. Autrement dit, le sommet devient un peu moins pointu mais le tout repose sur une base presque inchangée. Le groupe des travailleurs salariés se caractérise par une multitude de groupes professionnels, et se distingue des autres classes sous l’angle du pouvoir et de la décision et reste subordonné. TABLEAU 5 – STRUCTURE GLOBALE DU SYSTEME DES CLASSES SELON GALLINO ( %) s
.) Classes dirigeantes Professionnel de la politique Hauts fonctionnaires Militaires (officiers) Entrepreneurs Dirigeants Total Classes de la connaissance Classe de service Techniciens Enseignants Intellectuels Religieux Classe médicale Total Travailleurs indépendants Cultivateurs directs Artisans Commerçants Total Travailleurs salariés Travailleurs agricoles Employés Ouvriers Personnel de service Agents socio-sanitaires Travailleurs domestiques Total Total des classes
Sources : Gallino (1987) 60 1951 Années
80 0,10 0,25 0,13 1,62 0,30 2,53 0,17 0,56 0,24 2,4 0,44 3,86 0,25 1,22 1,62 0,20 0,38 0,61 4,27 0,49 3,9 4,4 0,98 0,12 0,98 10,88 12,5 4,6 3,8 20,90 4,9 5,9 5,4 16,4 28,7 4,9 24,9 11,4 0,50 1,87 72,27 100 5,4 17,6 25,8 17,4 1,22 1,71 69,12 100
LE CAS ITALIEN
Cette approche est à la fois systémique et fonctionnaliste. L’auteur raisonne à partir d’une logique de systèmes au sein desquels un certain nombre de fonctions sont à remplir. Les classes sont définies par les activités de production et de reproduction, qui sont des fonctions présentes dans toute société. Cependant, les rapports de pouvoir, les conflits, la conscience collective, ainsi que leurs expressions en organisations politiques ne sont pas pris en compte. Gallino passe indifféremment des fonctions aux positions, des positions aux rôles des rôles aux classes, et des classes aux catégories socioprofessionnelles. En fait, une fonction donne naissance à une position professionnelle, qui devient une classe. Ainsi, dans le système économique, le mode de production capitaliste-entrepreneurial est caractérisé par six classes : les entrepreneurs, les employés, les ouvriers, les travailleurs agricoles, le personnel de service, les techniciens. Au niveau plus global de la structure de classe, Gallino propose une autre classification où l’on passe également indifféremment des catégories aux classes. Cette classification est en partie incohérente puisque les classes ne sont pas constituées à partir de critères de même niveau. La distinction des « grandes classes », les classes dirigeantes, les classes de la connaissance, les travailleurs indépendants et les travailleurs salariés, ne s’opère pas sur les mêmes critères. Dans un cas, le critère renvoie à la nature de l’activité, indépendante ou salariée ; dans un autres cas, il s’agit du domaine de l’activité (la connaissance : l’éducation, la culture, la santé, etc.) ; alors que la dimension liée au niveau de responsabilité et à l’autonomie traverse les quatre classes. Certaines catégories sont alors difficilement « classables » puisque pouvant se retrouver dans plusieurs grandes classes 10 (les infirmières libérales pour ne prendre qu’un exemple). 3. 2. UNE CLASSIFICATION NEO-MARXISTE
Massimo Paci, principal représentant de ce courant, analyse le marché du travail à partir de deux dimensions principales. La première renvoie à la nature garantie/non garantie de l’activité liée au niveau de protection de l’emploi et de couverture sociale, et aux droits du travail. La deuxième dimension fait référence à la fonction productive/reproductive de l’activité, qui permet de distinguer les activités liées directement à la création et à la réalisation de la valeur, de celles qui sont destinées principalement à la reproduction de la force de travail et des conditions générales du développement capitaliste. En croisant ces deux dimensions, Paci obtient quatre secteurs d’activités : 10. Cette confusion est sans doute due aussi à la distinction stipendio / salario. Cependant, dans le cas de Gallino, si l’on accepte ce sens commun, cela impliquerait que tous les employés font partie des classes de la connaissance, ce qui semble absurde. . .) — A : le secteur productif-garanti des grandes entreprises publiques et privées de l’industrie, des transports, du crédit, et de la grande distribution, caractérisé par le travail salarié, la protection sociale, et un bon niveau d’accès aux services publics. — B : le secteur reproductif-garanti des activités, essentiellement publiques, qui assurent la gestion des transferts des revenus aux ménages et permettent la reproduction de la force de travail et le contrôle capitaliste sur la société, proche du secteur A avec une rétribution indirecte moins importante. — C : le secteur productif-non garanti, de la petite entreprise « périphérique » et de la distribution, caractérisé par le travail indépendant et la faiblesse des rétributions indirectes. — D : le secteur reproductif-non garanti des activités marginales, c’est-à-dire des activités situées aux marges du marché (certaines activités artisanales et commerciales à très petites échelles). Ces quatre secteurs entretiennent bien évidemment des rapports et des échanges entre eux. Le secteur de la petite entreprise « périphérique » tire des avantages à la fois du processus de décentralisation de la production du secteur A et de la possibilité d’utiliser les personnes, souvent très qualifiées, ayant deux activités rémunérées dont la principale dans le secteur garanti productif (A) ou reproductif (B). De même, le secteur productif « périphérique », privé de nombreuses garanties institutionnelles de reproduction de la force de travail, repose largement sur l’économie de subsistance et sur les activités de la sphère domestique (le secteur D). Paci introduit l’action sélective de l’État qui contribue tout autant que la structure matérielle des intérêts à la formation de l’identité collective et des logiques de comportement. Les classes ne sont plus définies seulement en fonction de leur place dans les rapports de production, mais aussi par des « inégalités horizontales » dues à la pratique redistributive de l’État. L’élargissement de la citoyenneté, entendue ici dans une acception large comme processus de reconnaissance formelle et de satisfaction des demandes sociales de la part de l’État, est pris en compte et l’amène à préciser son modèle des quatre secteurs : — un secteur productif-garanti à haut niveau d’intégration dans le système de citoyenneté ; — un secteur reproductif-garanti à haut niveau d’intégration dans le système de citoyenneté ; — un secteur productif-non garanti à bas niveau d’intégration dans le système de citoyenneté ; — un secteur reproductif-non garanti à niveau d’intégration dans le système de citoyenneté. Dans le secteur A, le secteur central de la production capitaliste, les classes sociales définissent le plus nettement leur identité et leur action en référence aux relations sociales de production. La bourgeoisie capitaliste et la classe ouvrière centrale prennent leur racine dans ses rapports de production. Cependant des évolutions ( .) récentes, comme le contrôle législatif de la négociation collective, l’institutionnalisation des syndicats, et surtout la pénétration de plus en plus importante de l’État dans l’économie, viennent compliquer le cadre général en générant de nouvelles catégories sociales : les dirigeants des grandes entreprises publiques, les entrepreneurs assistés, les couches ouvrières avec un emploi protégé et un revenu partiellement garanti, etc. Le secteur B est caractérisé avant tout par la diversité des positions qui découle des différences de salaires et de statuts de la fonction publique. Le secteur C est celui de l’économie diffuse qui repose sur la petite et moyenne entreprise, avec une forte présence de l’économie informelle. L’essor de ce secteur a permis la reconversion ou la recomposition de couches sociales traditionnelles (artisans, paysans à temps partiel, travailleurs à domicile, etc.) que l’on croyait destinées à disparaître. Dans le secteur D, celui de la reproduction informelle, la famille reste l’acteur central. La spécificité de la structure sociale italienne réside alors dans l’importance de la petite bourgeoisie industrielle et artisanale dans le processus d’accumulation. Cette spécificité est liée à la position périphérique de l’Italie dans l’économie internationale et la division internationale du travail de cette époque, ainsi qu’à ses caractéristiques socio-économiques (les activités à forte intensité de travail, la flexibilité de la main-d’œuvre et de la technologie, etc.). L’analyse de Paci peut être considérée à juste titre comme une construction théorique d’un système de classes, qui s’oppose à une approche stratificationniste. Les classes sociales sont définies à partir d’une analyse du marché du travail et du « système de citoyenneté » défini par le niveau d’accès aux biens et services dispensés par l’État. Paci met cependant au même niveau les différents biens et services dispensés par l’État-providence. Or, l’accès à certains services est plus inégalitaire que pour d’autres, comme l’école et la santé par exemple. Les inégalités sociales et scolaires sont intimement liées et le rapport à l’école s’avère déterminant dans l’accès aux positions sociales supérieures. Réduire le rapport au système de citoyenneté à l’alternative participation/exclusion ne permet pas de préciser les stratégies de reproduction du pouvoir à travers l’utilisation de « services » spécifiques de l’État. Les individus de la sphère marginale de la reproduction, le secteur D de Paci, ont sans doute un rapport très étroit au système de citoyenneté à travers les politiques d’assistance ; alors que les membres du secteur plus intégré de la reproduction (secteur B) entretiennent un rapport privilégié à l’éducation et à la culture. Lorsque l’auteur s’intéresse plus directement aux évolutions de la structure de classes en termes quantitatifs, il recompose un modèle de classes que l’on rattache difficilement à l’analyse précédente. Le recours aux catégories de l’ISTAT apparaît alors très contraignant et oblige l’auteur à raisonner davantage à partir de recompositions dictées non pas par la logique du modèle théorique précédent mais bien par la construction socio-statistique des catégories socioprofessionnelles. Paci (1992) utilise d’ailleurs les « grands groupes socioprofessionnels » comme des « équivalents fonctionnels des classes sociales » et arrive à un « schéma de classes » présenté dans le tableau 6.
.) 1974 1,3 20,2 16,4 10,1 45,9 6,1 100 « Grande bourgeoisie » Couches moyennes salariées « Petite bourgeoisie » urbaine « Petite bourgeoisie » rurale Classe ouvrière Salariés agricoles 1989 4,1 32,4 19,3 5,0 35,4 3,8 100 1974/89 344 179 132 56 86 67 112
Source : M. Paci, Il mutamento delle struttura sociale in Italia, Il Mulino, 2° éd., 1992
Paci met en évidence la forte augmentation des classes moyennes supérieures et la forte diminution de la classe ouvrière et des classes rurales. Il insiste surtout sur la croissance des couches moyennes urbaines et plus particulièrement des cols blancs. La distinction urbain/rural ne s’applique qu’à la petite bourgeoisie. Les couches moyennes salariées sont pourtant elles aussi essentiellement urbaines. L’auteur ne précise pas dans le livre ou les annexes comment ont été opérés, à partir des catégories de l’ISTAT, les regroupements qui conduisent aux classes sociales telles qu’elles sont présentées dans le tableau. Leur composition découle des définitions tirées du néo-marxisme, avec donc des inconnues quant au contenu précis et aux estimations quantitatives. 3. 3. LES CLASSIFICATIONS TIREES DES TRAVAUX SUR LA MOBILITE SOCIALE
Dans son étude sur la mobilité, de Lillo 11 (1988) reprend la définition de la classe de Schizzerotto et Schadee. « La classe est définie comme un ensemble d’individus ou de familles qui occupent une même position dans les rapports de pouvoir sous-jacents à la division sociale du travail extra-domestique et dans le domaine des inégalités matérielles ou symboliques qui s’y rattachent, aussi bien de l’ordre des relations que de l’ordre de la distribution ». Cependant, d’après cet auteur, même si les inégalités de caractère symbolique ou culturel ne sont pas négligeables, celles qui se fondent sur la sphère économique apparaissent plus déterminantes. « La position d’un individu dans la division sociale du travail apparaît comme un fort indicateur de sa place dans le système des inégalités et donc de sa position de classe ». De plus, dans la mesure où tous les membres de la famille participent à l’obtention des privilèges économiques, culturels, symboliques, il faut prendre le noyau familial comme unité constitutive des classes. C’est donc à partir des professions exercées par les différents membres de la famille que les auteurs 11. Il s’agit en fait d’un groupe de travail comprenant M. Barbagli, V. Capecchi, A. Cobalti et A. Schizzerotto qui ont mené une enquête auprès d’un échantillon représentatif national de 5016 personnes des deux sexes d’un âge compris entre 18 et 65 ans. Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.) vont chercher à identifier la structure de classes. La profession est prise en compte d’un double point de vue. D’une part, elle détermine une position dans l’organisation du travail, en termes d’autonomie, de responsabilité, de contrôle des tâches, etc. ; d’autre part, elle nous renseigne aussi sur la position de marché, c’est à dire sur le niveau de garantie, sur les possibilités de carrière, sur le niveau de revenu et la nature et l’ampleur des bénéfices non matériels liés à l’exercice d’une profession. Il faut également tenir compte de la quantité de ressources (propriété des moyens de production, diplômes et compétences professionnelles) que l’individu peut utiliser pour négocier sa participation dans la distribution des ressources, c’est à dire dans la répartition des biens et des services. A partir de tous ces critères, de la position de travail et de la position de marché, des ressources, les auteurs construisent un schéma à six classes dont voici le contenu en référence aux professions (tableau 7).
TABLEAU 7 CLASSIFICATION SCHIZZEROTTO ET COLBATI (1985)
— Borghesia (Bourgeoisie) — Classe media impiegatizia (Classe moyenne employée) — Piccola borghesia urbana (petite bourgeoisie urbaine) — Piccola borghesia agricola (petite bourgeoisie agricole) — Classe operaia (classe ouvrière) — Classe operaia agricola (Classe ouvrière agricole) l’élite au sens strict, hauts cadres du public et du privé, grands et moyens entrepreneurs ; auxquels s’ajoutent des professions des services et les intellectuels, professions libérales, cadres supérieurs du public et privé. employés ayant des responsabilités et des techniciens, enseignants non universitaires, employés d’exécution de niveau moyen. travailleurs indépendants et des artisans avec moins de 14 employés, dans tous les secteurs sauf l’agriculture. les indépendants du secteur agricole. tous les ouvriers non agricoles de différents niveaux de qualification plus les employés d’exécution non qualifiés. les ouvriers du secteur agricole. Les individus ont été classés d’une part, à partir de la place de leur activité dans le schéma des classes et d’autre part, selon la composition de classe familiale à partir de la position des membres de la famille. Deux éléments sont fondamentaux dans une telle analyse, la classe familiale d’origine, qui correspond à celle de l’individu à l’âge de 14 ans, et la classe familiale d’arrivée, qui est celle de l’individu au moment de l’enquête. Toute personne se verra assigner une position sociale car même si elle ne travaille pas, elle occupe une position sociale qui sera fortement déterminée par la position sociale des différents membres de sa famille. Un problème de méthode se posait lorsqu’il s’agissait de définir la position de classe d’origine d’un individu dont les deux parents travaillaient mais n’appartenaient pas à la même classe. Les auteurs ont alors utilisé un critère de supériorité qui, lorsqu’il n’était pas facile à appliquer, conduisait à retenir la profession du père comme déterminante. La même logique a été retenue pour déterminer les classes familiales d’arrivée 12. La présentation selon les régions met en évidence des différences statistiques non négligeables, surtout entre le Nord-Ouest et le Sud dans le caractère industriel ou agricole de la classe ouvrière. TABLEAU 8 REPARTITION DES CLASSES SELON LA ZONE GEOGRAPHIQUE
Bourgeoisie NordOuest NordEst Centre Sud et îles Italie 10,0 Total Classe Classe Petite Petite Classe moyenne bourgeoi- bourgeoi- ouvrière ouvrière agricole sie employée sie urbaine agricole 25,9 20,5 3,1 39,9 0,6 100 8,0 20,5 18,9 5,7 46,6 0,4 100 7,3 7,6 24,3 21,6 23,0 20,4 6,5 6,1 37,6 39,1 1,3 5,2 100 100 8,3 23,2 20,7 5,3 39,9 2,6 100
Dans le cadre d’une recherche sur la mobilité sociale en Emilie Romagne, Barbagli, Capecchi et Cobalti (1988) ont proposé une classification différente en introduisant des classes particulièrement importantes dans cette région, tant sur le plan quantitatif que sur celui de l’histoire sociale et politique : 1. Entrepreneurs (agricoles ou non), cadre supérieurs, professions libérales, aides familiaux des entreprises et des professions libérales. 2. Cadres moyens et employés de tous les secteurs 3. Travailleurs indépendants de l’industrie, du commerce et des services, aides familiaux 4. Ouvriers qualifiés et non qualifiés de l’industrie et du tertiaire. 5. Cultivateurs directs 6. Métayers (Mezzadri) 7. Ouvriers agricoles Cette classification n’est pas très différente de celle proposée par Sylos Labini. La première classe correspond à la « bourgeoisie », la seconde à la « petite bour12. Pour déterminer la « supériorité sociale » d’une profession sur une autre, les auteurs ont utilisé un critère externe aux classes qui attribue des points aux 93 catégories en fonction de la perception collective de l’ensemble des avantages liés à cette activité. On fait ensuite la moyenne pour chaque classe et obtient un classement qui indique un ordre en fonction du degré de préférence sociale des professions qui composent les classes. la « petite bourgeoisie relativement autonome ». Dans son dernier travail, Sylos Labini distingue même les cultivateurs directs de la petite bourgeoise relativement autonome. Les métayers, catégorie typique de l’Italie centrale, se distinguent aussi bien des cultivateurs directs que des ouvriers agricoles : propriétaires d’une petite partie des moyens de production, mais pas de la terre, ni de la maison ou de l’étable, ils possédaient les instruments de travail, parfois les semences et les animaux. Ils étaient aussi moins autonomes que les agriculteurs propriétaires dans leur activité. Par ailleurs, dans certains chapitres, les auteurs n’hésitent pas à proposer d’autres classifications plus précises. Dans certains cas, les ouvriers qualifiés sont distingués des autres, ceux de l’industrie du tertiaire et les commerçants des artisans. Dans d’autres cas, ils utilisent des agrégations plus grossières que celles présentées précédemment. Face à des structures sociales très typées, comme celle par exemple de l’Italie centrale, ce travail montre la pertinence de recourir à des classifications plus fines, pour mettre en évidence précisément des spécificités et des changements susceptibles d’être écrasés par des classifications nationales. Schizzerotto (1993) a élaboré un système de classification encore différent dans le cadre d’une étude sur les classes supérieures. En voici les grandes lignes. 1. Les professionnels de la politique sont constitués des dirigeants à temps plein des partis politiques et des membres du parlement, des conseils communaux, ux ou régionaux. Leur ressource est de contrôler l’organisation et d’émettre des ordres légitimes. 2. Les administrateurs d’entreprises agricoles, industriels et de services, à condition que leur activité de direction concerne la fonctionnement d’ensemble de l’entreprise, font partie des entrepreneurs. Leur pouvoir repose sur la possession des moyens de production. 3. Les professions libérales (Liberi professionisti) ont le monopole de l’exercice d’une activité intellectuelle très spécialisée. Cette activité est exercée de manière indépendante et généralement avec l’aide de quelques employés. Cette classe se caractérise par un fort capital culturel et la possession de moyens de production. 4. la service class comprend les cadres moyens et supérieures des entreprises et de l’administration publique. Elle comprend les professions intellectuelles supérieures salariées. Leurs ressources reposent sur leurs diplômes, leur qualification et la maîtrise des organisations. 5. Les travailleurs « intellectuels » salariés de qualification moyenne font partie de la classe moyenne employée (classe media impiegatizia). Leur ressource principale est le diplôme, et se distinguent des cadres dans la mesure où ils ne coordonnent pas le travail des autres et disposent d’une moins grande autonomie dans leur activité. 6. La petite bourgeoisie urbaine est formée des propriétaires et des aides familiaux des petites entreprises industrielles, commerciales et des services. Ils se distinguent des entrepreneurs par la taille plus petite de leur entreprise et le fait d’y participer directement en tant que travailleurs manuels. Ses ressources sont donc la propriété limitée de moyens de production et la contrôle de la main d’œuvre familiale. 7. La petite bourgeoisie agricole est composée des propriétaires et des aides familiaux des entreprises de l’agriculture, de l’élevage, de la pêche et de la chasse. Ils se différencient de la petite bourgeoisie urbaine par des niveaux de revenu et de consommation inférieurs. 8. La classe ouvrière urbaine est formée de travailleurs manuels et des employés d’exécution de bas niveau de qualification, employés dans des entreprises industrielles, commerciales et de services. Leur force de travail est leur principale ressource. 9. La classe ouvrière agricole est constituée de travailleurs manuels salariés de l’agriculture. Ils se différencient de la classe ouvrière urbaine par une situation de marché nettement défavorable. Cette classification est largement inspirée de celle de Erikson et Goldthorpe, que Schizzerotto et Cobalti (1994) reprendront d’ailleurs dans le cadre de comparaisons internationales (Hongrie, Suède, France, Angleterre et Pays de Galles, Écosse, Irlande du Nord, RFA, Pologne). Classification Erikson/Goldthorpe I-II : classe des professions libérales, entrepreneurs, cadres supérieures et moyens, professions intellectuelles du supérieur. III : employés IVa+b : petite bourgeoisie urbaine (commerçants, artisans, autres travailleurs indépendants avec ou sans salariés) IVc : petite bourgeoisie agricole V-VI : contremaîtres, techniciens de niveau inférieur et ouvriers spécialisés VIIa : ouvriers VIIb : ouvriers agricoles
3. 4. CONFRONTATION DES CLASSIFICATIONS : ENJEUX ET PROBLEMES
Une première lecture du tableau récapitulatif fait ressortir la spécificité du modèle de Gallino dont la logique de recomposition et la terminologie rompent avec la « vision socioprofessionnelle » des classes que l’on retrouve dans les autres classifications qui pourtant proposent des distinctions es de la classification de l’ISTAT : les dirigeants sont séparés des employés, le secteur agricole des autres, la classe ouvrière est en revanche toujours présente. On constate surtout que les estimations quantitatives varient peu pour certaines classes, principalement celles faisant davantage consensus quant à leur positon et leur contenu. Il s’agit aussi des classes plus faciles à caractériser et à agréger sur le plan socioprofessionnel (classe ouvrière, salariés agricoles, petite bourgeoisie agricole). En revanche, les écarts sont plus marqués pour les catégories ou les classes dont les caractéristiques et les agrégations sont plus discutées sur le plan empirique et théorique (bourgeoise, petite bourgeoisie urbaine, classes moyennes salariées). Apparaissent ici tous les enjeux d’une classification qui est aussi et surtout une vision de la société. Décider d’intégrer telle ou telle catégorie dans la bourgeoisie ou les classes moyennes salariées n’est certainement pas neutre, de même que le choix des termes. Ce tant la « petite bourgeoisie urbaine » qui donne lieu à des estimations quantitatives très différentes selon les auteurs (entre 20 et 22,4 %), mais bien les classes moyennes salariées (cadres supérieurs et moyens, et employés, avec une différence de 10 points entre Paci d’un côté et Sylos Labini et de Lillo de l’autre). Cela confirme à la fois l’importance « sociologique » des petits et moyens entrepreneurs dans la structure sociale italienne mais aussi une conception partagée l’agrégation socioprofessionnelle à laquelle elle renvoie. Cela est rendu aussi possible par la précision de la nomenclature de base de l’ISTAT pour toutes les catégories de travailleurs indépendants. En revanche, les contours plus incertains des catégories Dirigenti et Impiegati, ainsi qu’un moindre consensus sur la position des cadres et employés dans la société italienne, donnent lieu à des recompositions multiples. Le parallèle avec la France est ici particulièrement intéressant puisque la situation est quasiment inversée. Les sociologues français ont accordé plus d’importance aux classes moyennes salariées et beaucoup moins aux travailleurs indépendants et aux petits entrepreneurs. Le débat sociologique lui-même s’est largement focalisé sur toutes les distinctions au sein des classes moyennes dans des perspectives théoriques très différentes (Bourdieu 1979, Mendras 1988, Bidou, 1984). Les variations quantitatives sont également marquées pour la bourgeoisie susceptible de passer du simple au double (8,3 % chez de Lillo et entre 3 et 4 % chez Paci et Sylos Labini), voire de disparaître au profit d’une service class représentant plus de 20 % de la population active. Dans ce dernier cas, il s’agit d’ailleurs de la seule tentative d’utilisation de la nomenclature Erikson/Goldthorpe qui débouche sur une toute autre image de la structure sociale italienne, avec une classe d’employés ne représentant plus que 9,5 % de la population active. Gallino, en choisissant de découper la population entre une immense classe salariée représentant environ les trois quarts de la population, distinguée à la fois des classes dirigeantes et surtout d’une « classe de la connaissance », produit une représentation plus unifiée du salariat populaire. Les options théoriques et politiques des auteurs présentés expliquent largement les différences dans les classifications. De tous ces travaux, ceux de Sylos Labini ont été les plus discutés et ont eu l’impact le plus important sur l’interprétation des changements de la société italienne des années 70 et 80. Ils avaient un caractère pionnier dans le fait d’utiliser et d’interpréter plus en profondeur les données brutes de l’ISTAT sur les CSP pour mettre en évidence la forte présence d’une classe de travailleurs indépendants liée au clientélisme politique. La vision plus systémique et fonctionnaliste de Gallino a été peu discutée et n’a pas donné lieu à d’autres prolongements en sociologie. L’analyse néo-marxiste de Paci a fortement structuré les travaux sur le monde de la petite entreprise mais ses tentatives pour interpréter de façon plus globale la transformation de la structure de classes n’ont pas été reprises. Enfin, les classifications des sociologues de la mobilité restent cantonnées dans ce domaine. Au final, aucune de ces différentes nomenclatures n’a pu s’imposer comme référence dans les sciences sociales. L’ISTAT reste de toutes façons le principal producteur de données sociales concernant l’ensemble de la population, et sa propre nomenclature reste la référence la plus courante. Cette position hégémonique ne permet pas le développement parallèle d’instituts capables de le concurrencer dans 70 ce domaine 13. Alors que l’ISTAT a retenu la Classification internationale type des professions mise en place dans le cadre de l’harmonisation européenne pour le recensement effectué fin 2001, on peut s’attendre à voir les sociologues réélaborer ces données pour proposer leurs propres classifications, plus ou moins proches des précédentes en fonction de leurs objectifs et de leur cadre théorique. Cette confrontation montre que la prise en compte de la façon de produire, de découper, d’enregistrer et de nommer les catégories sociales est une dimension essentielle de la comparaison sociologique de la stratification sociale. Elle montre aussi que l’analyse des modes d’utilisation par les sociologues de ces catégories est un aspect tout aussi fondamental de la compréhension des dynamiques économiques, institutionnelles, politiques et intellectuelles inscrites dans les nomenclatures des différents pays. CONCLUSION : UNE IMPASSE POUR LA COMPARAISON?
Le constat d’une extrême difficulté, étant donné toutes les limites indiquées, à donner du sens à une comparaison des structures socioprofessionnelles et surtout des structures de classes, ne doit pas conduire au renoncement, au risque de laisser le champ libre aux formes les plus positivistes et pragmatiques de la comparaison sociologique. Il convient donc d’indiquer quelques propositions susceptibles de mieux maîtriser les comparaisons s’appuyant sur des nomenclatures de différents pays : — Comprendre les logiques de classification des nomenclatures utilisées et leurs limites. — Clarifier les objectifs de la comparaison (analyse du marché du travail, des qualifications, des inégalités sociales (économiques, scolaires, etc.), du prestige social, de la mobilité sociale) et retravailler les nomenclatures de base respectives afin de construire les regroupements pertinents et la classification adaptée aux objectifs. Les flottements concernant les contours des différentes catégories socioprofessionnelles doivent être levés surtout si la comparaison vise à évaluer leur poids respectif dans plusieurs sociétés et les changements dans le temps. — Ne pas nécessairement retenir l’échelle nationale comme la plus pertinente, et privilégier des échelles qui renvoient à des cohérences sociétales qui se traduisent par des catégories sociales relativement homogènes dans leurs contours sociologiques (selon les critères retenus). Les exemples italiens pris au début concernant la place de l’économie informelle et la diversité régionale compliquent la lecture nationale des structures sociales et montrent les limites des comparaisons avec d’autres pays qui s’appuieraient sur des catégories socio-statistiques nationales déjà bien délicates à utiliser dans leur propre cadre national. Si l’objectif se limite à décrire une structure professionnelle et à la comparer telle quelle, la comparaison, à la fois entre macro-régions, mais aussi entre régions, peut apporter des éléments de connaissance intéressants. Il s’avère beaucoup plus risqué de l’utiliser pour des comparaisons concernant des dimensions plus directement sociologiques qu’il s’agirait de rattacher à des catégories socioprofessionnelles. 13. Le CENSIS par exemple produit un rapport annuel sur la situation sociale du pays qui commente des données produites pour une part par cet organisme, mais se réfère à celles de l’ISTAT pour des interprétations plus générales se référant aux CSP. Les analyses que nous avons présentées restaient pour la plupart à un niveau national, et insistaient surtout sur les différences de structures entre le Nord-Est et le Sud par exemple, sur la représentation quantitative des différentes classes et leur évolution, les catégories socioprofessionnelles constituant la base de la stratification sociale. On remarquait ainsi que les ouvriers de la grande entreprise étaient plus nombreux au Nord, que les petits entrepreneurs et les artisans étaient très représentés dans les régions centrales et nord-orientales, que les paysans et les employés des administrations étaient beaucoup plus nombreux au Sud. D’autres travaux sociologiques plus localisés ont permis de mettre en évidence différentes cohérences sociétales qui concernent au premier plan la lecture sociologique des catégories socioprofessionnelles. L’ouvrier des régions de l’économie diffuse, recensé au niveau national dans la même catégorie socio-statistique que celui des grandes entreprises du Nord ou des entreprises semi-publiques du Sud, renvoie cependant à une réalité très différente, du point de vue des processus de mobilité, de ses rapports aux autres classes, de son identité sociale, de son insertion dans la localité, de son niveau de vie, etc. De même, parmi les classes moyennes, on mesure tout ce qui peut différencier sociologiquement un employé d’une administration de Milan de celui d’une administration de la Calabre, selon aussi sa participation ou non à l’économie informelle. La catégorie des petits entrepreneurs, si importante dans le cas italien, est sans doute aussi la plus délicate à manier, tant son contenu et sa façon de se rapporter à la société sont susceptibles de varier considérablement selon les régions. Enfin, cette discussion du cas italien nous incite à une grande vigilance dans la perspective d’élaboration et surtout d’utilisation d’une nomenclature européenne commune. Les parcours originaux de chacun des pays européens ont produit des structures sociales dont les différences ne se réduisent pas à des différences quantitatives dans le poids respectifs de chacune des catégories. Les dimensions sociales, politiques, symboliques sont constitutives des façons de se représenter les professions et leur position dans les différentes sociétés. Elles révèlent aussi des enjeux, des rapports et des ordres sociaux dont les seules logiques stratificationnistes ne peuvent rendre compte. Si le défi de la sociologie comparée de la stratification sociale n’est pas seulement de repérer des différences de structures socioprofessionnelles mais de saisir les rapports sociaux et les systèmes de relations sociales qui les portent, elle devra alors dialoguer avec des approches plus qualitatives des différentes réalités nationales ou régionales. Il faudra surtout ne pas être dupe des raccourcis et des procédures de simplification qu’implique une harmonisation européenne des nomenclatures.
Marco Oberti I.E.P. et Observatoire sociologique du changement 27, rue Saint-Guillaume 75337 PARIS cedex 07 [email protected] fr
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Ouvriers et assimilés Dirigeants et employés Chefs d’entreprises et prof. lib. Travailleurs indépendants Aides familiaux ISTAT- 1981
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Chemins, gués et établissements routiers dans l’Ouest de la Gaule Belgique : Onnaing, ZAC de la Vallée de l’Escaut (Nord), Deux occupations gallo-romaines en bordure de la voie antique du « Chemin des Postes ». Revue archéologique de Picardie, 2008, 3/4, pp.105-109. ⟨hal-04382348⟩
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Quérel , Guillaume del , Martine Marie der , Frédéric leMaire Yann lorin, denis Mar Carol Quérel Christian
Cet article vise à présenter un état de la question sur le thème des occupations de bord de voie. il se fonde en particulier sur les présentations de la journée d’étude organisée par l’atelier Exploitations agricoles et espace rural antiques (1). Ce groupe de recherche est orienté vers la modélisation des processus du développement des terroirs antiques et la compréhension des phénomènes de continuité/ discontinuité. il s’intéresse notamment à l’étude diachronique du tissu économique agricole et des formes de son exploitation. En effet, la vehiculatio, système de transport public progressivement mise en place à partir d’auguste, a nécessairement influé sur l’organisation du paysage rural environnant, du fait de sa gestion et de son exploitation à des fins militaires, administratives ou plus simplement d’échanges. Ce recueil de sites illustre, de fait, une variété des établissements rencontrés dans le contexte des réseaux de circulation (fig. 1). au sein de ce paysage, les réseaux fluviaux et viaires assurent de multiples fonctions en favorisant circulation, échange et communication : il se pose donc la question du lien qui unit villes et campagnes, au travers notamment d’une grande variété de sites de bord de route dans ce registre, le bilan de 2005 sur les campagnes antiques de Picardie retenait à propos des structures liées au paysage routier : les voies, les chemins, les gués et les structures isolées, dont l’étroite association avec l’axe de communication était avérée (Ben redjeB, duvette & Quérel 2005). il associait également les habitats groupés et les agglomérations dites secondaires, de même que les occupations à caractère cultuel. Cette définition outrepasse de fait les restrictions auxquelles nous renvoie la terminologie relative à l’administration romaine du territoire et à la hiérarchie des établissements routiers (2) puisque nous nous plaçons dans le registre délicat de la réalité archéologique. la question de la nomenclature de ces sites (taberna, mutatio, mansio...) doit donc être abordée et celle de leur identification stricto sensu se trouve ainsi au cœur du débat. 1 - Cette journée s’est tenue le 6 décembre 2007 à lille 3. 2 - Nous renvoyons, pour une première classification, à l’ouvrage de raymond Chevallier (C hevallier 1997, p. 281-291), tout en gardant à l’esprit les réserves prononcées de Pierre herrmann sur l’usage contemporain de la terminologie antique (herrmann 2007, p. 80-81).
Chemins, gués et établissements routiers dans l’Ouest de la Gaule Belgique. Fig 1 - localisation des établissements au sein du réseau viaire antique. (© P. Quérel/Pleïades project, d’après TalberT R. J. A. 2000 &, Dhaeze Wouter inédit, Vermeulen & anTrop 2001). 85 RAP - 2008, n° 3/4, Pascal Quérel et alii., Chemins, gués et établissements routiers dans l’Ouest de la Gaule Belgique. le gisement de Pont-de-metZ "la Ferme auX mouChes 2" (somme) lydie Blondiau
la construction de l’autoroute a29 aumaleamiens a permis la découverte d’une agglomération antique, qui a pu être partiellement fouillée sur une surface de 2 ha (Blondiau et alii 2005). les structures se développent de part et d’autre de la voie romaine Samarobriva-Rotamagus. le tracé principal de la chaussée, orientée nordest - sud-ouest, est matérialisé par un ensemble de fossés bordiers (Blondiau & leman 2006). son emprise est marquée par deux axes fossoyés distants de 40 m, la bande de roulement atteignant une largeur de 17,5 m. la construction de la voie a demandé l’enlèvement de la terre végétale afin d’atteindre un substrat compact (craie et argile à silex). un cailloutis de silex, large de 12 m, a été posé sur le substrat afin de servir de bande de roulement. des ornières attestent le passage de véhicules : leur battement, d’axe en axe, est de 1,6 m. une charge de petits silex, large de 7,5 m et d’une épaisseur de 0,16 m, a été rapportée dans la portion médiane de la voirie. sur les bords, des ornières latérales confirment également le passage d’attelages sur 4 m de large. dès la première étape de son développement, au ier siècle, le site de "la Ferme aux Mouches" se présente sous la forme d’un habitat associant, autour de la voie, plusieurs enclos fossoyés (fig. 2). au début du iie siècle, la voirie principale est reconstruite. Elle est dotée de caniveaux à coffrage RAP - 2008, n° 3/4, Pascal Quérel et alii., Chemins, gués et établissements routiers dans l’Ouest de la Gaule Belgique. de planches et d’un trottoir au nord, correspondant aux constructions de l’agglomération qui s’y développe. au sud, des enclos se répartissent de part et d’autre d’une rue de desserte. les parcelles sont toujours axées sur l’ancienne délimitation formée par le fossé bordier du ier siècle. la trame, orthonormée, détermine des limites de parcelles distantes d’environ 40 m, ce qui coïncide avec les mesures proches de l’actus. Plusieurs bâtiments sont construits, en front de rue dans les parcelles 1 et 2. au milieu de cette dernière, enserrée par deux chemins de craie, une forge est érigée. la présence de caves au sein d’édifices sur solins de craie marque une transition par rapport aux systèmes précédents et traduit une trame de type « urbain », qui est acquise pour cette période. un changement d’organisation de l’agglomération est donc patent. la disposition des constructions, jusque-là contingentée par les enclos, dont ils respectent généralement l’orientation, est désormais régie par l’axe de la voirie. ainsi, les bâtiments en front de rue ne sont plus assujettis au tracé de l’ancien fossé, mais sont orientés par rapport au chemin. nous retiendrons l’existence à l’emplacement du futur théâtre, dans la parcelle 5, d’un grand bâtiment, dont la fonction est peut-être à mettre en relation avec celle d’un édifice public. il occupe toute la largeur de cette parcelle au-delà d’un espace vierge de toute structure. les délimitations des parcelles 6 et 7 s’appuient sur des limites physiques héritées. au milieu du iie siècle, la trame urbaine devient évidente : la voirie principale prend un faciès de rue. des passages entre chaque parcelle sont aménagés. ils transparaissent par des interruptions de palissades, par des espacements plus importants Parcelle 5 Parcelle 4 entre certains poteaux. Cependant, le découpage spatial antérieur demeure. la structuration urbaine devient encore plus nette au nord de la chaussée : mise en place, en bordure de la voirie, d’un muret et d’un trottoir en avant de celui-ci. L’édification d’un théâtre en limite d’agglomération est un fait significatif. Construit sous la forme d’un demicercle outrepassé de 29,8 m de diamètre, il est l’un des plus petits édifices de spectacle de la Gaule. à l’échelle de l’agglomération, une volonté de monumentalité transparaît néanmoins avec le remplacement des palissades par des murets et principalement au travers de l’édification de ce théâtre. au sud de la voie, des enclos à vocation pastorale ou en relation avec un relais routier se repartissent de part et d’autre d’un chemin secondaire. Cette fonction est corrélée par la découverte, dans les remblais du fossé bordier, de restes d’équidés adultes, jetés dans ce fossé après équarrissage ou abandon de cadavre à l’air libre. l’analyse des restes osseux de bovins, par Jeanhervé Yvinec (inraP-Cravo) a également permis de démontrer une autre activité spécifique, la production de lait. au nord, les bâtiments antérieurs des parcelles 1 et 2 sont toujours en élévation. l’établissement d’une troisième construction sur solins de craie en front de rue renforce encore la trame urbaine, qui est acquise pour la période précédente. Un autre édifice est construit au bord de l’îlot. la limite orientale de la parcelle est transformée : un bâtiment est construit, le mur extérieur remplace la palissade et accentue, ainsi, l’apparence monumentale du gisement. la parcelle 3 voit la création d’une chaussée munie d’un trottoir. elle matérialise un axe ancien en corrigeant son orientation et devient perpendiculaire à la voirie principale. un bâtiment, semble-t-il muni d’une cage d’escalier, est situé en bordure de cette nouvelle chaussée. la quatrième parcelle ne subit aucune modification.
Parcelle 3 Parcelle 2 Parcelle 1 Parcelle 7
Parcelle
6 N 37,5 m
Fig. 2 - Pont-de-Metz "la Ferme aux Mouches", plan de masse (L. blonDiau, R. KaDDèche/INRAP).
À la fin du IIe siècle, l’organisation parcellaire est globalement maintenue et fait même l’objet de réfections. deux constructions contiguës situées sur la parcelle 2 sont bâtie : ce sont les seuls indices tangibles d’une densification de l’occupation ; les autres élévations sont maintenues. un nouveau chemin d’accès, parallèle à la voie principale, est aménagé. Cette dernière est munie d’un trottoir et d’un nouveau fossé bordier. dans la cinquième parcelle, le théâtre conserve sa situation privilégiée. la vocation du secteur situé au sud de l’axe principal semble inchangée. au cours du iiie siècle, deux bâtiments sont érigés au sud de la voie. leurs fonctions restent toutefois à déterminer. durant le ive siècle, l’implantation de deux tombes à in ation dans le trottoir de la voie révèle apparemment le déclin avancé de l’agglomération. le relais routier du site antique de reVelles "le trelet" (somme) Frédéric leMaire la commune de revelles est connue des archéologues picards depuis la découverte par roger agache des fana jumelés du "Bois de la vallée" (agaChe 1978, p. 396-400). le site du "trélet" a été découvert à 600 m au nord de ce sanctuaire dans le cadre des investigations menées sur le tracé de l’a29 (lemaire 2003). il occupe le bas d’un versant de la vallée sèche dite du "Fond de Gournay". les fouilles ont permis de mettre au jour la voie antique qui reliait Samarobriva (amiens), capitale des ambiens, à Rotamagus (rouen), capitale des Véliocasses. aux abords et au nord de cette voie, les vestiges de plusieurs édifices, publics ou privés, domestiques ou funéraires, civils ou militaires se succèdent du ier au iiie siècle de notre ère. l’occupation s’inscrit cependant dans un cadre chronologique plus large compris entre la fin de La Tène et le début du haut Moyen Âge, avec un hiatus chronologique certain entre l’époque constantinienne et la fin du Ve siècle-première moitié du vie siècle. L’édifice le plus ancien est à caractère civil et s’apparente à un relais routier (fig. 3). Sa chronologie couvre la première phase d’occupation du site, de la période flavienne à la fin de la période antonine. le suivant est funéraire, il s’agit d’un mausolée édifié après la destruction du relais, probablement au début de l’époque sévérienne ou peu avant. sa construction marque le début de la deuxième phase d’occupation du site. Le dernier édifice est à vocation militaire et défensive. il s’appuie en partie sur le remploi du mausolée réquisitionné. Il s’agirait d’une fortification régulière de type burgus, comparable aux découvertes faites en Belgique, aux Pays-Bas et en allemagne, le long de l’axe Bavay-Cologne (Brulet 1990 et 1995). la troisième phase débute donc avec la militarisation du site, qui est daté avec circonspection entre 260 et 275, ou peu avant. la dernière phase, comprise entre l’abandon du fort vers la fin du IIIe-début ive siècle et la fin de l’occupation antique, est surtout marquée par la construction de deux fours à chaux, liée au démantèlement du mausolée-burgus. Ces établissements ou édifices successifs ont une origine commune : la voie. La fouille a ainsi permis une identification formelle de la chaussée sur une longueur de 90 m et le survol du site, une confirmation de son tracé sur plusieurs kilomètres. de Quevauvillers, situé à l’ouest de revelles à Poix-de-Picardie, la départementale conserve le tracé de la voie romaine. la chaussée en dur du haut-empire est large de 6,20 m. sa structure est tripartite. le revêtement supérieur est constitué de silex sur une épaisseur
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Fig. 3 - revelles "le trélet", plan de masse et détail du relais de la phase 1 (F. lemaire/INRAP). conservée de 0,10 à 0,15 m. il repose sur une couche de craie damée épaisse de 0,20 m. la couche de craie est précédée d’une couche plus fine de limon argileux. la chaussée a conservé un léger bombement. deux fossés de drainage la bordaient probablement, mais un seul, celui au nord, est conservé. il est peu profond, entre 0,20 m et 0,30 m, et sa largeur oscille entre 0,60 m et 1,80 m. la largeur de chaussée proposée est celle de la couche de craie, qui, dans deux des sondages, semble intacte. la chaussée et ses deux fossés latéraux mesurent près de 10 m de large, ils sont encadrés par deux autres distants d’une trentaine de mètres. en l’état actuel des recherches, l’origine préflavienne de cette voirie est avancée pour l’état en dur, sur la base d’éléments provenant de la stratigraphie du relais et de la zone comprise entre ce dernier et la chaussée. La phase d’occupation qui précède l’édification du mausolée est marquée par le développement dans le courant de l’époque flavienne d’une station routière, en l’occurrence un relais. le relais, mutatio pour les romains, ou taberna, s’il n’est pas lié au cursus, se trouvait à environ 9 milles des faubourgs de Samarobriva et à équidistance de Poix-de-Picardie, dont l’origine antique n’est toutefois pas établie 88 formellement. le relais de revelles est par ailleurs distant de 5 milles de l’agglomération secondaire de Pont-de-Metz. Ces relais qui s’intercalaient entre les mansiones, nos gîtes d’étape et les agglomérations principales et secondaires, étaient nombreux le long des voies de la Gaule romaine. Comme pour la voie, les vestiges du relais présentent différents états de conservation. Au "trélet", comme en contexte urbain, la démolition du relais et son arasement plan sont liés à la construction d’un nouvel édifice, en l’occurrence le mausolée. ses abords extérieurs, a fortiori son « parvis », ont été très probablement aplanis. le creusement des fossés défensifs du burgus et la construction du four à chaux ont ensuite aggravé la destruction de la moitié est de l’établissement. l’arasement résulte aussi d’une érosion anthropique, liée à la remise en culture après l’abandon. Cependant, cette dernière est aussi à l’origine d’un processus colluvial, qui a favorisé la protection des substructures menacées par les labours intensifs récents. en revanche, vers la limite nord du décapage, le labour actuel atteint le substrat. de fait, les vestiges sont plus abîmés, voire totalement arasés. la partie arrière du relais demeure donc mystérieuse, ce qui pose le problème de ses limites. le fossé de clôture occidental se réduit progressivement vers le nord. en limite d’emprise, seul le fond du fossé est conservé, alors qu’il mesure, à l’intersection avec le fossé-limite de la voie, plus de 2 m de large, pour une profondeur comprise entre 1,10 m et 1,20 m. au nord du bâtiment 1, le mur en silex qui remplace le fossé dans le courant du iie siècle, est conservé sur une longueur de 5,50 m. long, soit près de 12,50 m et 24 pieds de large, soit 7,60 m. la cave, profonde de plus ou moins 2 m, mesure 2,50 m sur 3,10/3,20 m. les marches, taillées dans la craie, étaient habillées de tegulae, coupées en deux avant leur cuisson. les murs de cave, en partie pillés, étaient maçonnés en petit appareil de moellons calcaire et de rognons de silex. les murs reposaient sur des solins hauts, en silex, qui les coupaient du sol. le relais comprenait au minimum deux bâtiments rectangulaires de longueur disposés en vis-àvis, de part et d’autre d’une cour de 25 m de long. Ces constructions jumelées, on l’aura compris, constituent tout ou partie d’un établissement bordier. l’axe des bâtiments est perpendiculaire à celui de la voie. Comme pour le puits, le colmatage supérieur de la cave contenait des mobiliers datés de la seconde moitié ou de la fin du IIIe siècle, néanmoins le remblaiement principal de la structure, celui en rapport avec l’abandon et la démolition du bâtiment 1, est nettement antérieur. dans la cour, se trouvait un puits sans cuvelage, creusé dans la craie, d’une profondeur de 7,30 m. Puits à eau, puisard, puits d’extraction de craie? sa fonction, comme sa datation, sont sujettes à caution. le colmatage supérieur de la structure est daté de la fin du IIIe ou du début du ive siècle. des mobiliers le datent entre le dernier tiers du iie siècle et le début du iiie siècle, c’est-à-dire entre la fin de la période antonine et le début du règne des sévères. Cette datation est celle retenue pour la destruction du relais. la construction du mausolée en serait la cause. à l’origine, le relais est délimité au sud par le fossé-limite de la voie et à l’ouest par un fossé perpendiculaire. la construction d’un mur de clôture dans le courant du iie siècle est la seule modification visible apportée au relais. elle détermine un second état. Ce mur est très inégalement conservé et il est impossible d’estimer son périmètre. en façade, il reprend le tracé du fossé de la voie. il relie les bâtiments entre eux, en alignant les retours sur les murs gouttereaux. Protégé par le talus, ce mur, solidement fondé, avait conservé six rangs de silex en élévation. la largeur du mur varie entre 0,50 et 0,55 m, celle de la fondation en craie entre 0,75 et 1,05 m. l’entrée en façade était décentrée vers l’est. Le mur et sa fondation s’interrompent en effet nettement, comme le fossé précédent. l’existence d’une entrée latérale, large d’environ 1,60 m, expliquerait l’ouverture entre le retour du mur de façade et le pignon sud du bâtiment 1, de même que l’alignement de neuf trous et calages de poteau parallèles au pignon indiquerait la présence d’un appentis adossé au mur d’enceinte. les deux bâtiments étaient fondés sur des solins constitués de rognons de silex, en partie ou totalement enterrés. la largeur des solins du bâtiment 1 varie entre 0,40 et 0,50 m. les solins du mur de refend et du pignon sud sont conservés sur trois ou quatre rangs de rognons soigneusement disposés. il est admis que ce type de fondation recevait des murs en torchis et à colombage. l’une des deux constructions, celle du ponant, était à usage d’habitation. elle comprenait deux pièces séparées par un mur. dans l’angle nord de la plus grande des deux, une cave maçonnée en petit appareil était bien conservée. la maison mesure 42 pieds de l’etablissement routier d’hardiVillers (oise) Frédéric leMaire les prospections, puis les sondages, sur le tracé de l’autoroute a16, ont mis en évidence un habitat gallo-romain, au contact de la " Chaussée Brunehaut" (lemaire 1993 & 1994). le site est localisé à 1 km à l’est du village d’hardivillers, non loin de l’intersection de la "Chaussée Brunehaut" avec la rd 930, au lieu-dit "les Chaussées". il est implanté sur une large croupe s’abaissant graduellement vers le nord, en amont de la vallée sèche de Cormeilles. le secteur a livré de nombreux indices d’occupation antique, dont un gisement repéré en prospection de surface, à 200 m au nord de l’intersection et à 20 m à l’ouest de la "Chaussée Brunehaut". de nombreux fragments de céramique y ont été recueillis. ils témoignent d’une occupation gallo-romaine, vraisemblablement des iie-iiie siècles. Faut-il mettre cette relative densité en rapport avec l’agglomération de Curmilliaca, citée par l’itinéraire d’antonin sur la voie de Samorabriva (amiens) à Caesaromagus (Beauvais)? les investigations ont porté sur près d’un hectare. le nord de l’emprise renferme des fossés de parcellaires et quelques structures isolées. le sud livre un habitat gallo-romain de peu d’étendue, lié à la voie antique. sa première phase d’occupation se place vers le milieu du ier siècle après J.-C. elle correspond à des éléments de constructions sur poteaux plantés. les niveaux correspondant à la deuxième phase recelaient d’abondants vestiges 89 RAP - 2008, n° 3/4, Pascal Quérel et alii., Chemins, gués et établissements routiers dans l’Ouest de la Gaule Belgique. d’activité métallurgiques, néanmoins il n’a pas été possible de mettre en évidence des structures associées ou des bâtiments. l’éventualité d’un hiatus dans l’ occupation a été envisagée. Cependant, la grande continuité de l’organisation spatiale entre les phases i et iii plaide plutôt en faveur d’une occupation permanente, avec une phase intermédiaire qui a largement échappé aux investigations, en raison de vestiges ténus et de conditions de fouille difficiles. la troisième phase, assez érodée, a livré des traces de constructions sur fondations de silex et de craie, attribuables aux iie-iiie siècles. Plusieurs états sont apparus, mais les conditions de conservation ne permettent pas de préciser davantage les étapes du développement du site. le chemin rural marquant la limite intercommunale entre hardivillers et ourcelMaison correspond au tracé de la voie antique. il a été observé sur une longueur proche de 320 m et sondé à intervalles réguliers, cependant, aucune trace directe de la voie antique n’a été reconnue. toutefois, les fossés bordiers ont été dégagés. le plus occidental a été reconnu sur 45 m. l’attention s’est portée sur le fossé oriental, distant d’une dizaine de mètres, suivi sur 145 m dans l’emprise de la fouille et reconnu, plus au sud, par des sondages. il est ainsi attesté sur plus de 250 m. il est parfaitement parallèle au chemin rural. la profondeur conservée sous le labour est de 0,60 à 0,70 m. les quelques tessons recueillis, associés à un dupondius de Julia Mamaea, monnaie la plus récente découverte sur le site, ne permettent pas d’avancer une datation précise pour le comblement : apparemment le iiie siècle. Par ailleurs, il semble présent dès l’implantation de l’habitat routier, vers le milieu du ier siècle. la fouille a permis la mise au jour d’un certain nombre de structures, toutes excavées, témoignant d’une occupation du site à partir du milieu du ier siècle de notre ère (fig. 4). Ces structures, fosses et trous de poteau, s’inscrivent dans un enclos fossoyé proche d’un carré de 28 à 29 m de côté, soit environ 100 pieds monetales. les fossés constituant l’enceinte ont été curés et recreusés à plusieurs reprises. ils ont livré un mobilier se limitant à quelques tessons et à une monnaie de vespasien, découverte dans la partie supérieure du comblement. Cette dernière fournit donc un terminus post quem pour le scellement de la structure. une grande fosse (carrière, vide sanitaire, pièce semi-enterrée?), quatre structures de combustion de type « fosse à cuire » et un petit bâtiment sur cinq poteaux, vraisemblablement un grenier, ont été dégagés dans l’enclos. Ces aménagements, difficiles à dater, témoignent d’une occupation dont l’organisation spatiale et la nature nous échappent pour l’essentiel. 90 la deuxième phase débute dans les années 80 et se conclut avec l’implantation des bâtiments RAP - 2008, n° 3/4, Pascal Quérel et alii., Chemins, gués et établissements routiers dans l’Ouest de la Gaule Belgique. sur solins de silex au milieu du iie siècle. elle se caractérise par l’absence de structures d’habitat perceptibles, ce qui conduit à s’interroger sur la nature de cette occupation. un épais dépôt, très hétérogène, constitué de limon marron foncé, riche notamment en charbon de bois, en terre rubéfiée, en cendres, en scories et en résidus ferreux, en constitue le principal témoin. Ce niveau d’épaisseur variable s’étend uniformément à l’intérieur de l’espace enclos, formant un horizon sans stratification apparente. Il résulte d’une accumulation de rejets métallurgiques, principalement des scories de minerai de fer, mais également de quelques culots de fonderies, ainsi que de fragments de terre rubéfiée et scoriacée. la dernière phase d’occupation associe trois modestes bâtiments sur solin de silex, conservés très partiellement en fondation. Ces constructions forment deux ailes perpendiculaires autour d’une cour. les plans obtenus sont lacunaires, ce qui limite l’interprétation fonctionnelle. le bâtiment 2, placé à l’angle sud-est, mesure au minimum 7,2 m sur 4 m. Ce petit bâtiment d’environ 28 m2 présente de nombreuses subdivisions internes qui délimitent des espaces réduits. au sud, deux salles atteignent des dimensions de 1,8 m de profondeur pour 2,7 et 2,3 m de large (dimensions internes), elles sont précédées au nord par deux espaces profonds de 1,2 m. à l’angle sud-est, à 1 m de la fondation de l’une des salles, se trouve une assise détachée et d’orientation décalée, conservée sur 3,2 m de long. les largeurs réduites des trois dernières pièces pourraient indiquer des espaces de circulation. toutefois, il faut aussi envisager des aménagements diachroniques, car toutes ces pièces paraissent très petites. Ces fondations pourraient aussi appartenir au bâtiment 3. L’édifice serait grand, mais guère plus qu’un bâtiment principal de villa (21 m de long pour 9 m de profondeur). la principale objection vient des orientations décalées des fondations. le bâtiment 3, situé au nord-est de la cour, dispose d’une seule pièce présentant un plan apparemment complet. sa localisation, ses dimensions (1,7 sur 2,5 m), la présence aux angles des fondations de parties élargies, qui pourraient correspondre à des contreforts, conduisent à y voir une pièce d’angle. Cette interprétation est encore soutenue par la présence, au sud, d’une pièce de même largeur (1,7 m) longue d’au moins 4,6 m, pouvant correspondre à un espace de circulation. L’édifice présentait vraisemblablement en façade une galerie encadrée par des pièces d’angle aux extrémités, selon une disposition très en faveur dans l’architecture romaine. Cependant, la longueur et la largeur de cette construction ne sont pas déterminables. un mur de refend indique que les salles placées à l’arrière de la galerie-façade, avaient au moins Fig. 4 - hardivillers "les Chaussées", plan de masse de la phase 3 (F. lemaire/INRAP). 3,4 m de profondeur. Compte-tenu de sa position, au fond de la cour et face à la chaussée, il est tentant d’interpréter cette construction comme le « bâtiment principal » de l’établissement. le bâtiment 5 est localisé au nord-ouest de la cour. il présente un enchevêtrement de fondations plus ou moins lacunaires, correspondant à trois états. les deux premiers s’appuient sur des solins de rognons de silex. la première construction mesurait 6,3 m sur 4,8 m (à l’extérieur), pour une surface de 30 m2. la seconde, plus vaste, présentait une surface de 43 m2 (8,6 m pour 5 m). deux fondations de craie damée correspondent aux pignons oriental et occidental de la troisième. il est probable que les fondations de silex ont été remployées pour le mur sud. en revanche, le retour observé sur la fondation orientale montre que le reste du soubassement nord a disparu. la longueur de ce bâtiment était identique à celle de son prédécesseur (8,6 m) pour une largeur légèrement supérieure (5,4 m). sa surface atteignait 46,5 m2. entre les bâtiments 3 et 5, une fondation de craie compactée a été dégagée sur 8 m de long (st. 4). un sol de galet a été mis au jour entre l’extrémité occidentale de cette assise et la façade du bâtiment nord-ouest. ne serait-ce pas le vestige d’un bâtiment antérieur? une dernière fondation sur silex a été dégagée au sud de la cour. Elle pourrait authentifier un éventuel mur de clôture. les vestiges mis au jour sur le site des "Chaussées" témoignent d’un modeste habitat d’une superficie inférieure à 900 m2, lié à l’axe antique Beauvais-amiens, appelée "Chaussée Brunehaut". Cet établissement a fonctionné entre le milieu du ier siècle et le courant de la seconde moitié du iiie siècle. l’activité liée à la réduction du fer devait surtout alimenter une forge ; toutefois il est délicat d’aller au-delà de cette interprétation et de déterminer si les occupants s’adonnaient à un véritable artisanat ou si la forge servait seulement à l’entretien des véhicules circulant sur la voie. l’ampleur des bâtiments conduit à envisager une seconde activité : celle de relais routier/auberge de type taberna. l’arasement des vestiges ne permet pas de conclure sur ce sujet et nous ne pouvons pas exclure l’hypothèse d’une modeste exploitation agricole. Par ailleurs, nous sommes à la périphérie d’un habitat groupé et il convient de s’interroger sur ses relations avec cet établissement. Part le projet de construction de la zone industrielle départementale de l’omois, sur une surface de 71 ha, a motivé un diagnostic archéologique, réalisé de novembre 1994 à février 1995 (PeCout 1995). Porté par la Communauté de Commune de Château-thierry, il s’est développé sur la commune d’epaux-Bézu (aisne), au lieu-dit "la Fontinette". la majorité des tranchées étaient négatives, exceptées sur l’extrémité ouest de l’emprise, o une voirie antique a été reconnue. deux petites unités d’habitation liées à une activité métallurgique ont également été mises au jour à l’est de cette dernière (PeCout 1995, SouPart 1996). en 2003, l’extension de la zone industrielle vers l’ouest a engendré le diagnostic d’une emprise de 25 ha située en partie sur les communes de Châteauthierry, d’epaux-Bézu et d’etrépilly. à l’issue de l’intervention, réalisée par l’unité archéologique de Château-thierry (Pinot 2003), une fouille a été prescrite sur 5 ha. Cette emprise correspondait à celle d’une exploitation agro-pastorale (fig. 5), dont l’évolution a pu être suivie de la fin de la période laténienne (ferme) au iiie siècle de notre ère - villa (Blary & Siguoirt 2006). le site est localisé sur un plateau calcaire proche de la vallée de la Marne à l’altitude moyenne de 211,93 nGF. le substrat géologique local se compose dans sa partie inférieure d’une couche de meulière, puis d’un niveau de marne verte et se termine par du limon argileux de couleur orange (substrat). l’ensemble des vestiges mis au jour au lieudit "la Fontinette" se positionne à environ 1 km à l’ouest de la voie romaine reliant Odomagus-Otmus (Château-thierry) à Augusta Suessionum (soissons note 3), tout en desservant du sud vers le nord les villages actuels de rocourt, oulchy-le-Château, hartennes, villemontoire et noyant. au nord de Château-thierry, son tracé passait par Bézuet, entre les villages d’epaux-Bézu et de Bézu saint-Germain, pour se diriger vers la sacerie et rejoindre l’abbaye du val-secret. une première unité d’habitation s’implante sur le site de "la Fontinette" durant la première moitié du ier siècle et perdure jusqu’aux iiie-ive siècles. elle se développe sur une surface de 800 m2. le bâtiment, ainsi que les structures annexes, se positionnent dans une cour ouverte sur une voirie orientée nord-sud. a. Piette, dans son ouvrage consacré aux itinéraires romains du département de l’aisne, signale la présence « d’une chaussée qui traverse la vallée du Clignon, passe entre les villages d’epaux- RAP - 2008, n° 3/4, Pascal Quérel et alii., Chemins, gués et établissements routiers dans l’Ouest de la Gaule Belgique. Bézu et de Bézu-les-Fèves, marche sur le hameau de Chantemerle et va vers les anciens étangs » (Piette 1856-1862). Cette description concorde avec la portion de voirie que nous avons mise au jour directement à l’ouest de l’établissement. Plus au nord, la section de voirie aboutissant au hameau de Chante-Merle est bien conservée. elle est toujours employée comme chemin vicinal. il n’est pas exclu que l’établissement se soit installé en même temps que cette voie dite « secondaire ». les recoupements entre les structures ont révélé deux états différents dans l’aménagement de cette petite unité. le premier état se caractérise par l’implantation d’un grand bâtiment rectangulaire directement le long de la voirie, elle-même matérialisée par deux fossés distants de 5 m. il se situe à l’ouest d’une cour délimitée au nord et à l’est par des murs, puis au sud par deux fossés parallèles. dans l’espace interne du bâtiment, une fosse peu profonde a été mise au jour. son comblement était constitué d’un limon gris ant de très nombreux fragments de tuile avec traces de scorification et de vitrification, des fragments d’argile cuite non scorifiée et un fragment d’argile cuite portant la marque d’un conduit de ventilation (tuyère). Ces éléments sont à mettre en relation avec la construction d’au moins un four. une quarantaine de scories dites de « fonds de four », trois scories magnétiques, ainsi que des battitures de forge, se trouvaient également dans le remplissage. il s’agit de déchets caractéristiques de la production, de l’épuration et du battage du fer. à l’arrière du bâtiment se trouvait un petit bassin, dont la canalisation d’écoulement des eaux était conservée dans sa section septentrionale. un muret reliait l’angle nord-est de la construction au mur nord de la cour. le mur ouest du bâtiment a été prolongé vers le nord afin de créer un petit espace de travail compris entre la clôture de la cour et le mur pignon de l’édifice. Des foyers de formes variées ont été découverts près du bassin, autour du bâtiment principal, ainsi qu’à l’extérieur de la cour (au nord et au sud-est). le fond du bassin était recouvert d’une couche compacte de limon noir incluant de très nombreuses battitures, témoins d’un forgeage à chaud réalisé à proximité. deux céramiques datées des règnes de Claude-hadrien ont été retrouvées dans cette couche. le second état est marqué par l’installation, à l’est du bassin, d’un enclos fossoyé rectangulaire qui possédait une entrée occidentale. en outre, un puits est creusé au niveau de l’angle sud-est du bâtiment. Certains murs sont reconstruits en partie sur les fondations antérieures.
Fig. 5 - epaux-Bézu "la Fontinette", localisation des fouilles de 1995-1996 et plan de masse de la zone 1 (L. DuVeTTe/INRAP). 3 - Carte de Cassini de 1750. 92 93 RAP - 2008, n° 3/4, Pascal Quérel et alii., Chemins la seconde unité d’occupation, plus modeste, semble se mettre en place dans le courant du ive siècle de notre ère, à une centaine de mètres au nord de la forge. elle associe un petit bâtiment carré, un foyer et un puits. elle ne présente pas de système d’enclos. des déchets relatifs à une activité métallurgique ont également pu lui être associés. Peut-être s’agit-il d’un dédoublement de la première unité au Bas-empire? En définitive, l’organisation de la première unité d’habitation (cour ouverte sur une voirie probablement secondaire), sa mise en place précoce (première moitié du ier siècle), les structures associées au bâtiment (bassin maçonné, foyers), les déchets liés à une petite activité de forgeage (battitures, fragments de tuyère de four, scories) attestent d’un atelier métallurgie. son implantation en bordure de chaussée nous permet d’envisager une fonction de relais-routier. saint-CréPin-ibouVillers "les bruYères" (oise) Martine derBois repéré dès 1975 par le groupe de prospecteurs artia (Bet 1975) et abordé en 1995 dans le cadre d’un décapage extensif, sur une surface de 4 ha, le site des "Bruyères" a permis la reconnaissance d’occupations du haut-empire au début du Basempire, associées à une voie gallo-romaine. il est implanté aux environs de la rupture sommitale d’une butte résiduelle de sable du thanétien. la voie, quoique très arasée et non empierrée sur cette section, a pu être suivie sur 246 m de long. elle est délimitée par 2 fossés axés nord-est / sudouest (fig. 6). La bande de roulement varie de 5,40 m à 6,40 m et la largeur de la voie de 8,25 m à 9,50 m. la stratigraphie du comblement des fossés, ainsi que l’étude du mobilier, suggèrent deux phases principales d’occupation pour la période galloromaine, dont l’une correspond à l’aménagement d’un établissement routier au iiie siècle de notre ère. deux autre voies sont reconnues dans cette microrégion, le "Chemin de la reine Blanche" passant à l’est de villeneuve-les-sablons, puis entre les communes de lormaison et de saint-Crépinibouvillers, ainsi que le Chemin de saint-Jacques situé sur l’entrée orientale d’ivry-le-temple, passant par Marivaux pour se diriger ensuite vers saint-Crépin. selon des informations fournies par des archéologues franciliens et des prospections pédestres, il est probable que la voie des "Bruyères" relie les sites d’epiais-rhus et les carrières de Gypseuil (val-d’oise) au site antique de "la fosse lambert", à l’ouest de saint-Crépin-ibouvillers. la voie des "Bruyères" pourrait donc matérialiser une parallèle à la chaussée empierrée de "la reine 94 20 m
Fig. 6 - saint-Crépin-ibouvillers "les Bruyères", plan de masse (M. derBoiS, e. mariette/inraP). Blanche".
on peut d’ailleurs se demander si "le Chemin de saint-Jacques", lui-même parallèle, remonte à l’époque gallo-romaine ou succède au "Chemin des Bruyères". les origines de la voie ne sont pas connues, néanmoins elle conditionne l’implantation de parcelles de plans quadrangulaires (4) et celui d’un habitat au ier siècle de notre ère. Ces espaces intègrent un petit édifice de 17,80 m2 (bâtiment 2), une mare bordée de chablis et de piquets, trois puits, des foyers ouverts disséminés et des fosses à silex. deux hypothèses sont évoquées : d’une part, la dissémination des puits et des foyers liés à la forte érosion des vestiges pourraient induire la disparition ’un habitat permanent léger ; d’autre part, ces mêmes vestiges pourraient aussi caractériser des aménagements liés à des activités agro-pastorales. dans la seconde moitié du iie siècle, trois tombes à incinérations sont implantées vers le sommet de la colline à proximité de la voie. la nature acide du substrat a entraîné la destruction et la disparition des os. Ce sont la morphologie des fosses, leurs comblements et les dépôts mobiliers qu’elles recèlent qui ont déterminé leur fonction. 4 - Complété par stéphane Beaujard (inraP) en 2004. au début du iiie siècle, un petit établissement routier présentant des analogies avec celui d’hardivillers "les Chaussées" (lemaire 1993) s’implante sur le secteur funéraire. une clôture, réalisée avec des poteaux, délimite un espace quadrangulaire de 973 m2 à partition interne. deux poteaux matérialisent un accès de la voie vers la petite cour nord (280 m2), où est installé un basfourneau. au sud, cet espace est limité par un muret en bois et en torchis couvert de tuiles. aire-sur-la-lYs/thiennes, "Pont de thiennes" (Pas-de-Calais/nord) Yann lorin dans la grande cour de 693 m2, pas moins de quatre édifices, dont un grenier surélevé à quatre poteaux, sont érigé. huit poteaux à calage de silex déterminent l’emprise du bâtiment 1, de plan rectangulaire (34 m2). à l’intérieur et dans un angle de cet édifice, mais sans relation stratigraphique avec celui-ci, une fosse quadrangulaire dotée d’un cuvelage de tegulae est aménagée. la fonction de cette fosse reste indéterminée, mais pourrait évoquer le stockage. le bâtiment 3, de plan presque carré, présente une ossature à quatre poteaux d’angle (et un poteau plus petit de renfort?), délimitant un espace de 7 m2. la petite dépression dans laquelle il est installé et le mobilier associé suggèrent un grenier à couverture de tuiles. Les édifices 4 et 5, tous deux d’une surface de 18,25 m2, sont installés en vis-à-vis par rapport à l’axe longitudinal de la parcelle enclose. les poteaux sont calés avec du silex ; des petits fragments de tuiles trouvés le long des parois témoignent de couvertures en tegulae et imbrices. Positionné au carrefour de la voie menant à Castellum Menapiorum (Cassel), chef-lieu de la cité des Ménapiens et de la lys, rivière assurant une liaison directe avec Tervanna (thérouanne), capitale des Morins, le site bénéficie d’une position stratégique. En effet, la chaussée romaine a été reconnue au nord, à 200 m, par alexandre Pigault de Beaupré (delmaire 1996, p. 414-415). la lys devait, quant à elle, permettre de rallier, à travers la plaine, la région orientale du territoire ménapien jusqu’au bassin de l’escaut. de plus, selon roland delmaire, le tracé de la frontière séparant les deux civitates suivrait dans ce secteur le cours de la rivière. il a en outre souligné l’importance de ce point de convergence routier et fluvial, en envisageant l’hypothèse d’un sanctuaire et d’un port (delmaire 1976, p. 300-301). Cette occupation perdure jusque dans la seconde moitié du iiie siècle. Pillé, puis incendié, l’établissement est abandonné, ce qui marque l’arrêt de l’entretien des fossés de la voirie. toutefois, la présence de quelques céramiques du ive siècle suggère le maintien de celle-ci sous la forme d’un chemin de terre. en raison de son isolement et du mobilier céramique recueilli, qui correspond à la composition d’un vaisselier « classique » produit dans les régions du Pays de thelle, du vexin et d’Île-deFrance, ce petit établissement routier pourrait faire office de taberna (derBoiS-delattre, Chaidron & joy à paraître). les parcelles attenantes pourraient alors avoir servi de pâtures à des bœufs ou des chevaux chargés d’aider les charrois à gravir les pentes raides de cette route. le gisement du "Pont de thiennes" se situe sur la rive droite de la Lys, dans sa zone de confluence avec la Melde (fig. 7). Les investigations ont porté sur une emprise de plus de 1 ha, au niveau de l’ancien pont, détruit durant la seconde Guerre mondiale (lorin 2007). en dépit d’une vision restreinte par le cadre du diagnostic archéologique, il nous a été donné d’entrevoir un ensemble d’occupations échelonnées sur trois périodes chronologiques. la première, même si elle demeure mal perçue, peut être attribuée à un habitat de l’époque gauloise ou du tout début de la période romaine. la deuxième correspond à une agglomération gallo-romaine, caractérisée par la présence de bâtiments allongés et juxtaposés, peut-être des entrepôts, séparés d’allées en remblais de cailloutis. Ce complexe est desservi par un chemin d’accès nord-sud, qui peut prolonger la chaussée de Cassel. au nord, il dispose d’un aménagement de berge sur l’ancienne rive de la Melde, permettant d’avancer sur l’hypothèse d’un aménagement portuaire (fig. 8). D’ailleurs, l’étude réalisée par laurent deschodt a permis la découverte d’une grève constituée de graviers de silex et celle d’un pieu. il a également relevé la stricte adéquation des différentes installations antiques et des microreliefs correspondant aux zones exondées. la partie occidentale de l’emprise pourrait reprendre l’axe de la rive, bordée à l’est par le chemin d’accès. l’occupation romaine semble s’étendre plus au sud, où nous pouvons reconnaître une zone artisanale. En effet, nous disposons d’indices matériels suffisamment sérieux, des godets et des pilettes de four témoignant d’une activité de retraitement des pains de sel, pour envisager la proximité immédiate d’un atelier de saunier. en outre, nous constatons la présence de coquillages 95 RAP 2008, , Quérel et Chemins, et
l
Fig. 8 - Proposition de restitution du site du "Pont de thiennes" (L. DeschoDT/INRAP). v chemin gr avier N gravie a b sÈpulture mÈro 100 m? terre rubéfiée e fosse la géographie du site, son organisation et sa pérennité, sa relation évidente avec le commerce maritime et les marchés régionaux sont donc autant de facteurs déterminants pour désigner une agglomération, lieu d’échange et de liaison entre les réseaux fluvial et viaire de transport des marchandises. le mesnil-en-thelle, ZaC des "quatre rainettes" (oise) denis MaréChal
Fig
. 7
- localisation du site du "Pont
de thiennes" (Y. lorin/INRAP). non consommés et d’origine marine. Ces données, associées à une proportion de vaisselles d’importation particulièrement élevée par rapport aux ensembles connus dans la région, semblent bien conférer au site de thiennes un statut particulier, lié au négoce régional. la troisième période correspond, quant à elle, à la présence de deux nécropoles, dont l’une peut être datée du vie siècle. l’ensemble des données collectées nous incite donc à rejoindre l’hypothèse de roland delmaire selon laquelle thiennes jouerait un rôle de plaquetournante entre la région de production et de transformation des ressources marines et les villes des cités voisines. Ce site «...a pu servir pour l’exportation du sel des Ménapiens par la lys et l’escaut, car aucun port maritime ne paraît avoir été implanté sur la côte marécageuse antique » (op. cit.). 96 le site des "Quatre rainettes" est localisé à 1,6 km au nord de la rivière oise, sur un léger versant, exposé au sud. dans ce secteur, le terrain encaissant, un limon orangé plus ou moins sableux, est atteint sous 0,4 m de terre végétale. les observations, réalisées dans le cadre d’un diagnostic archéologique précédant l’aménagement d’une ZaC, portent sur une surface de 8,56 ha (maréChal & BouCneau 2006).
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2003MARN0211_25
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La flexibilité du temps de travail : entre autonomie et contraintes : une étude de cas en Suisse
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On va quand même se consulter, mais c'est pas... c'est un peu tacite tout ça. On connaît les horaires des uns et des autres. » Les négociations ne sont ensuite pas toujours interindividuelles. Déjà les exemples précédents indiquaient des formes plus collectives, forme sur laquelle je vais revenir tout à l’heure. De plus, les négociations sont parfois même intraindividuelles, si on peut encore parler de négociations à ce point. Nous avons vu que les ressources et statuts orientent les temps de travail effectifs et le niveau d’autonomie dans leur gestion. Lorsque ces ressources sont suffisantes, elles permettent en effet de contourner la négociation interindividuelle. Ces individus sont alors au premier abord tout à fait autonomes quant à leur temps de travail, au point qu’ils peuvent décider que les règles officielles ne s’appliquent pas forcément à eux comme aux autres. Par contre leur comportement réel induit à penser qu’ils se soumettent eux-mêmes à des contraintes de production très fortes. Même lorsque les salariés n’ont pas les ressources suffisantes pour se mettre au-dessus de certaines règles collectives, ils n’entrent pas toujours en négociation ouverte avec leur supérieur ou leurs collègues pour parvenir aux décisions les plus quotidiennes concernant leur temps de travail. Grâce à une intériorisation des contraintes de production qui est réelle (cf. chap. 7.5), ils évaluent d’euxmêmes la situation en intégrant les intérêts de l’entreprise qui ne sont pas forcément compatibles avec leurs envies et projets personnels et leurs engagements hors travail. C’est par une sorte de dialogue intime, de transaction subjective pour reprendre une expression de Dubar (2000), que se forge la décision quant au comportement temporel à adopter. L’articulation entre les contraintes internes et externes à l’entreprise, entre les intérêts qui sont classiquement attribués à l’entreprise d’une part et aux salariés d’autre part, est alors entièrement prise en charge par l’individu. La négociation, si on peut encore l’appeler ainsi, se déroule à l’intérieur du salarié. Le conflit potentiel entre employeur et travailleur est totalement résorbé par un conflit intime, intérieur à la personne. Les négociations collectives ne sont pas pour autant inexistantes. De très jolis exemples se rencontrent dans le service de l’emballage où les horaires (appelés souples) sont 433 RESULTATS relativement contraints par la présence d’une machine de tri. Elle achemine et trie continuellement les articles qui doivent ensuite être rassemblés et emballés par client. Vu que cette machine ne tourne pas toujours pendant toute la durée d’une journée de travail normale, la liberté consiste dans la possibilité de commencer plus tôt ou terminer plus tard en allant travailler dans d’autres services. Mais les horaires de fonctionnement de la machine ne sont pas complètement prédéterminés non plus. Le groupe de travail, ensemble avec leur supérieur ont ainsi réussi à négocier auprès du chef de département un aménagement temporel particulier pour le fonctionnement de la machine en période de basse et haute activité. Emma (F31B_PF100) : « Le vendredi on fait pas la semaine rouge, on finit à 15h15. Au début on faisait aussi le vendredi, mais c’était très fatiguant. Alors tout le monde a dit quelque chose et il a été d’accord, Monsieur R, de faire seulement quatre jours. C’était trop fatiguant et si tu voulais faire des commissions, la banque... alors on fait seulement quatre jours. » José (H43B_C100) : « [En semaine verte] le vendredi on arrête à 11h00 et puis comme ça ça nous fait les quatre heures de moins. C'est mes collaboratrices qui ont décidé. » Emma, qui travaille dans le service de José, son chef, fait ici référence à une négociation qui a eu lieu entre son groupe entier et son chef, mais qui est finalement remontée jusqu’au directeur du département. C’est ici donc un collectif élargi, rassemblant collaborateurs et cadre, qui a négocié un horaire particulier avec un supérieur hiérarchique. Une fois cet accord cadre obtenu, les horaires particuliers de chaque semaine sont à nouveau renégociés entre le chef d’équipe et ses collaboratrices cette fois. José
(H43B_C100)
: « Quand la machine de tri est arrêtée, on a plus de travail, c'est fini on a plus rien. J'impose un peu les semaines moi. Mais on impose ensemble j'entends et on dit voilà on finit vendredi à 11h30 mais parce qu'on fait un travail à la chaîne, on est obligé d'être ensemble.C'est ça qu'on impose. » De cet exemple on déduit aussi que les acteurs impliqués dans ces négociations ne sont pas toujours les mêmes. Il y a des négociations entre salariés et entre groupes de salariés, entre un collaborateur et son chef et entre le groupe de travail et son chef, mais aussi entre des coalitions entre collaborateurs et leur chef et leur supérieur hiérarchique commun. Finalement, on doit aussi ajouter des négociations entre salariés et responsable du personnel et entre responsable du personnel et chef de département ou de service lorsque le salarié n’arrive pas à trouver un accord avec son supérieur direct. Un seul cas de ce type m’a été 434 9. Les salariés pris
entre
entreprise et monde
extern
e rapporté (cf. chapitre 7.4, page 341). L’échec auquel il a conduit pour la salariée ne doit pas encourager d’autres personnes se trouvant en difficulté à entreprendre la même démarche.
Deux
ième
constat,
ces
négociations ne sont pas quotidiennes. Bien que les horaires et durées de travail soient a priori indéterminées chaque jour, en réalité ils ne sont pas continuellement redéfinis. Même si on considère les décisions que les individus prennent dans leur intimité comme relevant d’une négociation, il existe des mécanismes qui évitent la remise en cause perpétuelle des solutions déjà négociées. Les négociations donnent en effet lieu non seulement à
des
solutions
très localisées et
éphémères
, à des arrangements ponctuels, mais se traduisent également en routines, règles et représentations. Les arrangements et règles seront traités dans les chapitres suivants. Ce sont en effet les « produits » de négociation qui ont été le plus facilement repérables, et desquels les personnes interviewées m’ont parlé spontanément lorsqu’ils ont témoigné de leur propre gestion du temps de travail. Mais les représentations qui orientent l’usage des temps de travail me semblent être tout autant un produit de négociation (je pense ici par exemple aux conceptions définissant l’usage des différents contrats et aux différentes visions du travail bien fait). Elles sont crées dans les interactions, dans les confrontations quotidiennes au travail (cf. aussi Bernoux in : Bergeron et al., 1994).
9.3.2 Les arrangements ponctuels
Si on part d’une définition de la flexibilité comme capacité à s’adapter à des situations toujours changeantes, il faut s’attendre à ce que les négociations donnent lieu avant tout à des réponses ponctuelles. La flexibilité du temps de travail a d’ailleurs bien été introduite dans le but d’adapter plus rapidement la production aux fluctuations de la demande. Et les salariés font en effet massivement référence à des arrangements ponctuels lorsqu’on les interroge sur la gestion de leur temps de travail. Ce qu’ils retiennent surtout du nouveau système est le fait que eux s’arrangent pour pouvoir répondre aux besoins de la production et que leurs chefs s’arrangent en retour pour tenir compte de leurs contraintes hors travail. Mais pour d’arriver à ce type d’accommodements, il est nécessaire que les acteurs se mettent d’accord sur la définition de la situation à laquelle s’adapter. Le développement que j’ai fait à propos des différents mécanismes d’anticipation des variations d’activité par exemple indiquait que cette définition est parfois proposée par le chef et reprise 435 RESULTATS pratiquement telle quelle par les collaborateurs ou reprise partiellement avec des réajustements. D’autres fois elle est construite par un groupe de salariés d’après les informations qu’il a pu recueillir (prévisions du temps, ampleur des commandes saisies, colis amenées par le transporteur, avancement et retard des collègues travaillant en amont) et qui dans certains cas peuvent être elles-mêmes renégociées (p.ex. l’urgence de traiter dans un certain délai le travail déjà préparé en amont). Dans d’autres cas encore, c’est avec les fournisseurs, prestataires de service externes et clients que la masse de travail à fournir dans un temps donné peut être négociée. Et finalement, certains salariés sont indépendants dans leur travail au point de définir eux-mêmes complètement comment répartir la masse de travail dans le temps. Il y a donc bien un travail important de négociation pour une définition commune de la situation et ceci entre les acteurs les plus divers. Lorsque les chefs soulignent que leurs collaborateurs ont appris à réagir de manière responsable, ils signifient en fait qu’ils ont réussi à élaborer tous ensemble une manière commune d’analyser et d’interpréter les situations auxquelles ils sont confrontés. C’est la vision partagée qui en découle qui permet, dans le cadre d’une gestion individualisée du temps de travail, d’assurer la coopération. Dans le cas du service de gestion des comptes clients par contre, où j’ai pu rencontrer deux conceptions antinomiques du travail bien fait, la coopération entre les deux groupes est difficile. Les uns anticipent les urgences éventuelles qui peuvent se présenter pendant la journée en commençant à travailler tôt le matin et en liquidant ainsi les affaires courantes avant de faire face à l’imprévu. Les autres confèrent un caractère d’urgence à l’imprévu et s’y attaquent dès qu’il se présente, au prix de devoir rester tard le soir. Réciproquement, les deux groupes ne comprennent pas leurs manières d’envisager le travail et ont donc l’impression d’être les seuls à vraiment faire face aux événements. Il en résulte qu’ils ne se coordonnent pas du tout et qu’ils coopèrent encore moins. Venons maintenant à ce que les salariés de cette entreprise entendent eux-mêmes par adaptation aux situations changeantes. Le jeu consiste principalement à se montrer disposé à travailler davantage pendant les périodes de forte activité et partir lorsqu’il y en a très peu d’une part, et à pouvoir bénéficier de largesses à certains moments d’autre part. Tout comme certains cadres, une dizaine de personnes interviewées utilise d’ailleurs l’expression même de « jouer le jeu » à ce propos. 436 9. Les salariés pris entre entreprise et monde externe Emma (F31B_PF100) : « Si c’est la semaine rouge, t’es obligé à faire toute la semaine. Bon, si un soir tu peux pas, il faut le dire au chef ‘demain soir je peux pas rester’. Mais pas tous les jours. » Barbara (F58B_C100) : « On n’est pas obligé, mais il faut quand même... si un jour qu’il y a beaucoup de travail, rester un peu plus. Ils sont compréhensifs, si un jour on ne se sent pas bien. C’est nous qui devons gérer et être compréhensifs. Il dit qu’on doit prendre nos responsabilités. » Elisabeth (F55B_C100) : « Bon on est toutes conscientes que quand il y a beaucoup de travail on doit être présentes et là tout le monde joue bien le jeu et est présent quand il y a des semaines rouges et si vraiment j'ai besoin et ben je le dirais et puis voilà. » Béatrice (F40C_C100) : « Il y a assez de responsabilité de chaque employé d'avoir à gérer son travail, d'être à jour dans son propre travail. » Sylvia (F27B_PF100) : « Et bien ça c'est être responsable. Je veux dire on a un chef qui nous laisse libres, qui nous laisse décider ce qu'on veut faire, quel poste et à quelle heure, alors moi je joue le jeu, j'ai envie de jouer le jeu, stop là la discussion. Mais il y en a qui attendent que leur chef leur dise aujourd'hui vous pouvez faire ça... » Chantal (F50C_C080) : « Je le fais volontiers. On s'arrange. Si il faut, il faut... » Alessandra (F31B_C100c) : « Moi j’ai toujours pu m’arranger, alors ça... [pour faire du rouge]. Si ça m’arrangeait pas, je dirais ben la semaine d’après ou bien mais je le fais quand même, j’essaie de jouer le jeu. Mais ça va quoi c’est pas la boîte l’armée. On s’arrange on est des adultes, on s’arrange. » « Jouer le jeu » signifie non seulement travailler davantage lorsque la production le requiert en suivant les ordres du chef, mais encore, et peut-être surtout, développer la capacité d’évaluer et d’appliquer soi-même ce qui est bénéfique pour l’entreprise à ce sujet. L’autonomie qui est demandée par la hiérarchie et dont font preuve les salariés consiste à mettre en pratique la règle des semaines rouges et vertes sans l’intervention directive des chefs. L’application de cette règle permet une certaine marge de manœuvre, marge qui est elle-même soumise à des règles spécifiques comme ce sera montré dans le chapitre suivant (9.3.3). Mais le principe de base doit être respecté, toute dérogation devant être effectivement négociée avec le supérieur. Le chef d’équipe confirme qu’il est admissible de faire des exceptions, d’accorder à quelqu’un d’être absent même lorsqu’il y a beaucoup de travail, mais cela doit justement rester une exception. D’après son expérience, les salariés jouent effectivement le jeu en évitant de telles demandes pendant les périodes à forte activité. José (H43B_C100)
: « Bon c'est-à-dire que moi je trouve qu'une fois on peut, mais on peut pas systématiquement dire non parce que ça fait quand même partie du règlement du conseil du personnel. Si c'est chaque fois la même personne 2 fois par semaine je vais dire quelque chose. Il peut y avoir 1 ou 2 personnes qui peuvent pas rester le mercredi soir ou comme ça mais pas toute la semaine, un jour de la semaine j'entends, à ce moment là il y a pas de problèmes, ça peut arriver qu'une personne ait quelque chose, ben on la remplace. On trouve toujours un arrangement, parce que c'est toujours en basse saison, parce qu'en haute saison ils savent très bien qu'il faut travailler. » Ce « jeu » a pourtant un caractère obligatoire. Il est clairement précisé dans le contrat collectif que la durée du travail est plus longue en période rouge (pouvant aller jusqu’à +50% par rapport à la durée normale) et plus courte en période verte. Bien que cette obligation soit fixée par le contrat collectif, elle n’est pas interprétée partout avec la même rigueur. Certains chefs font sentir plus que d’autres cette obligation, mais partout leur pratique est plus souple que la règle écrite. Aucun chef n’impose à tous ses collaborateurs de travailler le maximum d’heures permises en semaine rouge. Cet écart, même minime, entre les possibilités données aux chefs par le contrat collectif de faire varier les durées en fonction de l’activité et les sollicitations effectives de leur part est parfois déjà ressenti en soi comme une attitude arrangeante de la part des chefs. Denise (F50C_PF060) : « C'était bien
spécifié dans le contrat collectif, ils mettaient bien qu'il y avait des périodes rouges comme on dit chez nous, les périodes rouges c'est donc le grand boom, là on est bien obligé de respecter, ah oui. » Déborah (F37B_PF100) : « Quand on a beaucoup de travail on fait semaine rouge, semaine rouge c’est une heure de plus. En orange on fait 8h45 par jour,
quand
tu
fais 1 heure
de
plus tu vas faire 9h45 par jour
! Ça c’est horaire rouge,
c’est
comme ça
!
(
rires) » Alice
(
F
36B_C
085
)
: « J’ai dû commencer deux jours
à l’avance
. Mais
c’
étai
ent
pas mes vacances,
c’
étaient
de
mes heures
que
j’
avais fait
en
plus et
c’est
vrai
qu’
il
ne m’a pas obligé.
Il
m’a demandé ‘est-ce que vous pouvez venir le mardi à la place du mercredi’. C’est vrai que quand c’est des heures en plus, c’est marqué qu’ils peuvent vous demander de les déplacer, vous devez les prendre dans les périodes les plus bas, normalement.
»
Laura (F35B_C053) : « Chez
nous
aux retours on est
oblig
é de suivre les semaines rouges, il y a beaucoup de travail. Et si une personne ne peut pas le faire, elle doit voir avec le chef. Ca peut arriver. En général on a conscience, c’est nous qui devons savoir qu’on doit faire notre semaine rouge. » Lin (F20B_C050) : « Il [le chef] n’impose même pas de rester tous les jours... si on reste le lundi et le mardi, et puis le mercredi il y a une chose à faire, on peut partir plus tôt. » 438
9. Les salariés pris entre entreprise et monde externe
Dans certains services, le degré d’astreinte à ces variations de durée dépend aussi de l’état de la balance de chacun. Barbara par exemple ne se sent obligée de faire des heures en plus en période rouge que lorsque sa balance est basse. Emilie exprime la même idée : Emilie (F31B_C085) : « C’est pas une obligation de dire oui, je veux dire quand il y a ça, on regarde d’abord si on est en négatif. » Ailleurs par contre, les gens répondent au besoin de l’entreprise seulement lorsque cela n’entrave pas la vie privée. Jeanne s’est même établi une règle pour elle-même afin d’éviter de se surmener. Carine (F40C_C050) : « Je dis que je regarde en fait quand je peux venir, et puis je fais selon mon organisation personnelle. » Céline (F24B_PF083) : « Quand je pouvais pas rester ils m'ont jamais obligé. C'est rare mais j'ai dit que non je pouvais pas parce que j'avais quelque chose. » Monique (F61C_PF050) : « Je ne peux pas toujours, mais quand je peux je réponds. » Jeanne (F49C_C059) : « Je réponds si je suis disponible, sinon je ne réponds pas. Au début, je me suis dit que quand il y a du travail, il faut le prendre, mais j’ai remarqué que ça engendre un stress qui n’est pas bon. On n’est plus productif. Alors, je me suis alors fixé deux fois par semaine. » Dans tous les cas, les arrangements, notamment le fait de ne pas suivre à la lettre les couleurs des semaines, sont toujours possibles. Les citations qui précèdent montrent qu’ils doivent parfois être trouvés avec le chef, parfois avec le collègues, parfois avec soi-même. En réalité, c’est surtout au bâtiment B que les salariés s’accordent avec le chef, même pour des petits arrangements quotidiens. C’est donc avec leur supérieur qu’ils négocient le plus souvent. Laura (F35B_C053) : « Si une personne ne peut pas le faire, elle doit voir avec le chef. Ça peut arriver. C’est clair que si un jour on a besoin d’un jour, on n’a pas peur de demander congé, c’est toujours faisable, on peut toujours s’arranger, c’est pas qu’il refuse. » Céline (F24B_PF083) : « Toutes les fois que j'ai demandé congé ben ils me les ont donné et puis quand je pouvais pas rester ils m'ont jamais obligé. » Inès (F51B_C050) : « Jusqu’à présent tout ce que j’ai demandé ils me l’ont accordé. » Manuel (H49B_C100) : « Ils sont toujours prêts à nous arranger. On a encore jamais eu de problèmes. » 439 RESULTATS Alice (F36B_C085) : « Quand j’ai eu besoin il m’a toujours dit oui. » Barbara (F58B_C100) : « Le chef est très gentil, on peut discuter de n’importe quoi et de tout. » Carla (F31B_C100b) : « Ça [le système actuel] laisse une certaine liberté, on se sent pas comme avant ‘c'est comme ça et pas autrement’ quoi. » Valentina (F49B_PF052) : « È vero che se delle volte voglio prendere congedo un giorno oppure devo venire più tardi oppure devo partire prima per un appuntamento no... Perchè prima ho lavorato in una fabbrica che là era un dramma che una un giorno voleva prendere un’ora ‘perchè, come mai ?’, invece per questo va molto bene.1 » Au bâtiment C par contre, c’est plus entre collègues que les arrangements se concluent. Chantal (F50C_C080) : « On regarde entre nous et on s'arrange comme ça. Pas que l'on soit tous partis en même temps ou comme ça. » Brigitte (F55C_C050) : « Cette semaine, c’est la première fois que ça m’arrive, c’est ma collègue qui travaille à ma place l’après-midi. Nous avons convenu ça entre nous mais je l’ai dit à Mme X [la cheffe]. » Florence (F47C_C100) : « En tout cas actuellement, ce que je fais avec ma collègue s’il y en a une qui veut partir un peu plus tôt parce qu’il n’y a pas grande chose à faire, elle part. Pourvu qu’il y ait quelqu’un. Si une semaine une aimerait un congé un après-midi, il n’y a pas de problèmes. Si l’autre n’a rien... Non non, on s’arrange. » Stéphane (H35C_C100) : « Comme on est un groupe de trois, on s’arrange qu’il y ait toujours au minimum un. Si par exemple je veux prendre le vendredi après-midi de congé, j’informe mes collègues [...] ça se passe très bien à ce niveau-là, surtout à trois, ça se passe bien... On n’en discute pas tellement, s’il y a quelqu’un qui veut prendre un congé comme ça... il demande à ses collègues ou bien il le dit simplement. » Jeanne (F49C_C059) : « On peut facilement se faire remplacer si on a un problème. En général, ça marche très bien et on trouve toujours quelqu’un. On est quand même beaucoup. » Les arrangements entre collègues existent également au bâtiment B, mais sont beaucoup
plus rares. 1 Trad. : « Il est vrai que parfois si je veux prendre un congé un jour ou si je dois arriver plus tard ou partir plus tôt pour un rendez-vous, n’est-ce pas... Parce qu’avant j’ai travaillé dans une fabrique et là c’était un drame si un jour l’une d’entre nous voulait prendre une heure ‘pourquoi, à quoi bon ?’, au contraire pour cela ça va très bien. » 440 9. Les salariés pris entre entreprise et monde externe Alessandra (F31B_C100c) : « Bon j’ai quand même ma collègue au cas où, si je par
s
une demi-heure avant
elle
,
puis elle elle
peut me
rem
placer une demi-heure
,
on s’arrange. Bon, nous on est un petit groupe
,
donc ça va
.
» Carla
(
F31B
_
C100b
)
: « On est trois ou quatre par zone
. A
lors
c'est
clair
si
l'
une me
dit '
écout
e, je ne peux pas
parce
que
j'ai
... tu peux
rester
jusqu'à 17h30,
puis
le jour d'
après
...'. C'est
toujours entre nous
qu'
on
s'arrange. » Ces deux personnes font référence
à la taille de leur groupe pour justifier la possibilité d’arrangements entre collègues. Mais au bâtiment C, c’est justement l’argument contraire qui fait dire à Jeanne qu’il est facile de se débrouiller entre collègues. Le fait que les arrangements doivent se trouver plutôt avec le chef au bâtiment B et entre collègues au bâtiment C est à attribuer beaucoup plus au type de relation qui est institué entre les salariés et leur supérieur et au type d’organisation du travail qu’à la taille des groupes. Ce qui doit être discuté avec le chef au bâtiment C ce sont plutôt des sujets moins quotidiens, impliquant des conséquences financières pour l’entreprise, comme par exemple prendre des vacances sur la balance ou la possibilité de se faire payer des heures en trop sur la balance. Daniela a dû négocier le travail extra que l’entreprise lui fournit en dehors de ses périodes fixes. Elle s’est en fait révoltée contre une décision prise unilatéralement par son chef quant à ses heures de travail (il ne voulait pas lui offrir du travail supplémentaire en été, alors qu’il avait pris l’habitude de le faire). Après une longue négociation avec lui, elle a pu obtenir un compromis, il lui a donné du travail, mais moins que les années précédentes : « donc on peut discuter ». La seule personne interviewée qui ne semble jamais devoir s’arranger avec personne hormis lui-même est Thomas, l’acheteur. Il décide de lui-même, au mieux il informe ses assistantes et sa secrétaire. Thomas (H34C_C100 ) : « Même en semaine rouge, si tout d'un coup on doit partir, on peut partir quand même. L'important est que le travail soit fait. Il y a quand même le personnel, on essaie quand même toujours d'avoir quelqu'un dans le bureau, ça se fait informellement en disant 'bein demain je viens plus tard'. » Les négociations pour adapter la durée et l’emplacement du travail aux besoins de l’entreprise et des salariés se fait donc à des niveaux très différents. Il est évident que la relation de négociation n’est pas la même selon qu’elle se passe entre salariés d’un même 441 RESULTATS niveau hiérarchique ou pas. L’autonomie objective qui en résulte est par conséquent très inégale. Les variations ont un caractère presque obligatoire pour les uns, conditionnel pour d’autres et optionnel pour d’autres encore. Elles sont imposées par l’extérieur, négociées avec autrui ou auto-imposées. Et les règles formelles du contrat collectif et du règlement ne sont pas considérées comme des lois absolues par tout le monde, la distance que les individus prennent par rapport à ces règles est fortement liée à leur statut et position interne et à leurs ressources (cf. acheteurs, service du personnel chap. 7.2.1, 8.3.2) ainsi qu’à l’attitude plus ou moins directive des cadres. Au début de ce chapitre je suis partie de l’hypothèse que la flexibilité du temps de travail, conçue comme adaptation à des situations changeantes, ne devait produire que des arrangements et ajustements ponctuels. En réalité, elle est également à l’origine de règles d’application plus stables, pour la plupart très informelles, qui elles-mêmes se révèlent être plus ou moins contraignantes pour les salariés. Les règles formelles des différents niveaux sont élaborées par application dans un mouvement descendant en incluant à chaque fois les directives données par le niveau supérieur. Le système de flexibilité du temps de travail en question, inscrit dans le contrat collectif, respecte les limitations inhérentes à la loi sur le travail, la réglementation interne sur la gestion du temps de travail précise des éléments du contrat collectif et les arrangements ponctuels négociés dans les services, dans les groupes de travail et au niveau individuel appliquent des règles de niveau supérieur. Nombre de citations présentées jusqu’à présent laissent toutefois présager que la négociation pour l’application du temps de travail flexible au quotidien n’engendre pas que des solutions uniques. La manière dont les salariés « jouent le jeu », par exemple, ne relève pas d’interprétations personnelles mais bien de visions partagées par des collectifs. Il s’agit dès lors de s’interroger sur la façon dont se créent ces références communes. Une hypothèse qui peut être avancée est que les règles ne s’élaborent pas uniquement par application mais également par exceptions, dans un mouvement ascendant. Les arrangements et exceptions négociés à des niveaux très locaux, parfois interindividuelles, peuvent s’inscrire, dans des conditions qui sont à éclairer, dans des solutions plus stables jusqu’à devenir des règles propres à un collectif de travail, à un service, voire à un secteur ou à l’entreprise en entier. Si tel est effectivement le cas, les salariés ne disposent pas seulement d’un espace discretionnaire concédé par la direction et le supérieur direct, mais témoignent d’une réelle autonomie, dans le sens où ils sont les auteurs de leurs propres règles (Terssac et Friedberg, 1995, Maggi et Masino, 1999).
9. Les salariés pris entre entreprise et monde externe 9.3.3 Les règles informelles
Cette question des règles s’est en vérité profilée lorsque j’ai analysé les comportements temporels de manière collective, par le biais des données de pointage, notamment celles qui sont liées aux horaires quotidiens et à l’évolution des balances. Il est alors apparu que la flexibilisation du temps de travail n’a pas conduit à une individualisation des comportements temporels. Certains comportements sont même extrêmement collectifs, par services ou même par départements. J’ai me suis alors interrogée sur les contraintes qui pouvaient peser sur ces comportements et réduire les choix possibles. Dans les chapitres 7 et 8, nous avons vu que les salariés se trouvent face à des choix en matière de leur propre temps de travail qui sont fortement canalisés par une série de contraintes, propres tant à l’entreprise, son organisation, ses membres et son activité, qu’à la sphère privée des salariés et à leur environnement. Du côté de l’entreprise, les options de leurs actions sont évidemment limitées d’une part par le contrat collectif et les règlements internes conçus pour permettre un bon fonctionnement de la production tout en respectant l’existence de contraintes personnelles et familiales, bien que ces règles formelles ne soient pas toujours parfaitement connues ni forcément appliquées strictement. Ces limitations sont identiques pour toute l’entreprise, tous les départements et tous les salariés, directeur général inclus. D’autre part, nous avons pu constater que certaines différences systématiques peuvent être attribuées à des facteurs internes, tels que l’organisation du travail, l’appartenance à un service, le type de contrat de travail, le style de management du supérieur et le positionnement interne. Du côté de la vie hors travail, certaines caractéristiques à priori individuelles et externes à l’entreprise, telles que le sexe, la situation familiale, le mode de vie, la formation et la nationalité sont traitées de manière différenciée par l’entreprise et débouchent sur des comportements temporels variés. Malgré cette série d’éléments conduisant à une différenciation interne par groupes et non par individus, les comportements temporels sont parfois collectifs au point que ces éléments me semblent être insuffisants pour expliquer l’individualisation somme toute assez faible, bien que tout à fait possible du point de vue du règlement et probable compte tenu des situations privées très différentes des uns et des autres. Il ne suffit pas non plus de se dire que les facteurs internes à l’entreprise sont ressentis comme plus contraignants que l’organisation privée, car les impératifs de la production ne nécessitent pas toujours une telle collectivité des horaires, cette collectivité pouvant parfois même être « contre-productive ». Suite aux questions soulevées par les analyses exploratoires et statistiques, j’ai analysé les entretiens en regardant de plus près ce qui conduit les individus à suivre des horaires réguliers et collectifs, alors que le contrat collectif leur laisse une plus grande liberté. Est-ce que les impératifs de la production sont si contraignants ? Ou est-on en présence d’un encadrement très directif ? Ou, enfin, y a-t-il eu émergence de nouvelles règles, non inscrites dans le contrat collectif, qui canalisent les pratiques ? Les entretiens m’ont conduit à la conclusion qu’on est en présence d’une multitude de règles informelles de gestion des temps de travail, d’une régulation par l’invention de nouvelles règles internes aux groupes de travail, le plus souvent implicites. La renégociation continue des arrangements individuels que permet en théorie le système de flexibilité introduit dans l’entreprise est en réalité plutôt rare. Par rapport à l’émergence de nouvelles règles, je me suis alors posé plusieurs questions : Sur quels objets portent ces règles ? De qui émanent-elles ? Comment sont-elles contrôlées ? Pourquoi émergent-elles, et quelle est leur fonction (ou quelles sont leurs fonctions) ?
9.3.3.1 Les différents objets des règles
J’ai pu repérer au moins cinq domaines de la gestion du temps de travail dans lesquels des nouvelles normes ont été instituées, s’écartant de ou complétant les règles établies dans le contrat collectif. Il s’agit : A) des horaires quotidiens (heures d’arrivée et de départ), B) des modalités de compensation (quand et comment on récupère les écarts dans la balance), C) des limites de la balance, D) des délais de prévenance de variations et E) de la justification en cas de comportement ‘déviant’ (s’il est nécessaire de se justifier et quelles sont les justifications légitimes). A cela s’ajoutent des règles portant sur la négociation elle-même, c’est-à-dire sur la pertinence des objets à négocier, la légitimité des divers acteurs, les modalités admissibles.
A) Les règles concernant les horaires
Si officiellement on peut librement arriver entre 6h30 et 8h30, il faut constater que presque chaque groupe a son propre horaire normal, c’est-à-dire un horaire qui est considéré comme « correct ». Non seulement les individus ont leurs propres habitudes, mais ces habitudes sont collectives et constituent une référence pour le groupe entier. Ceci est particulièrement prononcé dans le secteur où se fait le conditionnement de la marchandise. Ce secteur travaillait auparavant avec un horaire fixe allant de 7h à 11h45 et de 12h15 à 16h30. C’est ici que se rencontrent presque systématiquement des gens qui ont un horaire très régulier, ou qui « admettent » de manière très gênée qu’ils n’arrivent qu’à 7h. Carla (F31B_C100b ) : « En général je commence à 6h30 entre guillemets... (rires gênés) 7h moins 20, moins le quart » Valentina (F49B_PF052) : « In generale si arriva tutte..., per esempio ce n’è molte che vengono per le 6.30. Oppure, che ne so, alle 6.45 e vanno via alle 11.15.2 » Laura (F35B_C053) : « Il y en a beaucoup qui viennent à 6h30, d’autres viennent à 7h et puis pas beaucoup qui viennent à 7h30. Il y en a une pour qui je crois l’horaire c’est 8h. » Cette règle est tellement forte, qu’elle dissuade tout le monde de profiter régulièrement de la liberté offerte par l’accord même si cela les arrangeait clairement. Le cas d’une salariée qui a choisi de travailler dans cette entreprise en raison même de la possibilité de ne commencer qu’à 8h30 est très éloquent à cet égard. Elle a quitté l’emploi avant la fin de sa période d’essai, tellement le groupe dans lequel elle travaillait lui a fait sentir que c’était mal vu de commencer si tard le matin. Du côté de l’administration, qui a déjà connu de manière informelle un horaire variable avant l’introduction de la flexibilité, les exigences de ponctualité ne sont pas toujours moindres. Ainsi une femme se qualifiant de peu matinale a déclaré qu’au début elle profitait pleinement de l’horaire libre en arrivant toujours au dernier moment, c’est-à-dire à 8h30
2 Trad. : « En générale on arrive toutes..., par exemple il y en a beaucoup qui viennent à 6h30. Ou alors, je ne
sais pas, à 6h45 et elles partent à 11h15. » 445 RESULTATS sans arriver en retard pour autant. Les remarques répétées de la part de ses collègues l’ont finalement poussée à arriver plutôt à 8h. Femme cadre (34 ans, bâtiment C) : « J’ai a dû m'adapter au rythme matinal d'ici. Même à 8h je suis la dernière et les gens se disent que je suis peu stressée parce que le soir personne ne voit que je reste. » Les personnes de l’administration qui arrivent dès l’ouverture de l’entreprise (à 6h30) sont également mal vues. Cette fois-ci c’est la direction qui est intervenue. Ne trouvant pas adapté que dans le secteur où les employés sont en contact direct avec les clients et fournisseurs, les employés viennent travailler à une heure où personne n’essaie d’entrer en contact avec l’entreprise, après quelques amendements sans succès, la direction a décidé de n’ouvrir les portes à cette partie de l’entreprise qu’une demie heure plus tard. Elle a donc imposé une règle plus contraignante car les pratiques se sont cristallisées à un endroit qui n’arrangeait pas l’entreprise. La règle qui commençait à prendre forme dans certains collectifs de travail a nécessité une intervention physique (impossibilité d’accès au poste de travail) pour devenir inefficace, la seule autorité hiérarchique n’ayant pas suffi (amendements oraux et écrits). L’heure du départ le soir est également assez normalisée, quoique moins fortement que l’arrivée du matin et la pause de midi. De manière générale, il est admis que les journées sont plus longues au début de la semaine et que le vendredi après-midi peut être massivement écourté. Cette dernière pratique s’est tellement ancrée dans toute l’entreprise qu’elle a été inscrite comme règle par dérogation dans le règlement interne de l’entreprise (heure bloquée plus courte le vendredi après-midi). Le vendredi comme journée de travail plus courte est devenue une sorte de petit « Saint Vendredi » à l’image de la Saint Lundi pratiquée encore au début de l’industrialisation par les ouvriers qualifiés. Le vendredi court n’est en réalité pas beaucoup plus fonctionnel pour l’entreprise que l’arrivée très tôt le matin des salariés du bâtiment C. Si les délais de livraison sont vraiment si décisives dans le jeu de la concurrence, il faudrait que les commandes passées en fin de semaine puissent quitter l’entreprise avant vendredi soir pour éviter que les jours sans distribution de colis n’allongent pas trop le temps d’attente pour les clients. Mais la légitimité de cette pratique est si forte et généralisée dans l’entreprise que la hiérarchie ne s’y oppose pas et qu’elle amène au contraire la direction à l’inscrire dans une nouvelle règle formelle en rendant ainsi les pratiques réelles conformes au règlement. 9. Les salariés pris entre entreprise et monde externe
Si les horaires concrets divergent assez sensiblement entre le bâtiment B (conditionnement) et le bâtiment C (administration), les règles sociales sont presqu’aussi contraignantes et strictes d’un côté que de l’autre, à l’exception d’un groupe en particulier : les achats. Les acheteurs, leurs assistants et secrétaires jouissent d’un prestige très prononcé dans cette entreprise et leurs horaires sont très diversifiés au point de souvent dépasser les cadres donnés par le contrat collectif (ils ne respectent pas ou peu les heures bloquées). Ils sont aussi souvent actifs en dehors de l’entreprise, auprès des producteurs et fournisseurs. Leur rapport à l’entreprise est donc particulier : ils sont d’une part très fortement reconnus, mais leur lien à l’entreprise est plutôt faible (ce qui s’exprime aussi dans leur discours). Carine (F40C_C050) : « Les gens arrivent un peu n’importe quand. Il y a des heures bloquées, mais je ne sais même pas de quand à quand, aucune idée. » Thomas (H34C_C100) : « C’est une règle de jeu tout comme... je veux dire qu'une secrétaire, s'il n'y a pas de boulot, ça ne sert à rien qu'elle soit à l'heure le matin. Il faut donner un bon coup quand il faut le donner. Mais théoriquement c'est 8h30. » Du côté du Marketing Clients (préparation du catalogue), le règlement officiel est également traité avec une certaine souplesse. Les heures bloquées ne sont connues que très approximativement. Daniela (F37C_PF100) : « On a quand même une flexibilité, donc on peut arriver de 6h45,7h à 8h30, 8h45. » Mais pour la plupart des employés, toute la flexibilité se réduit à ne pas devoir arriver avec une ponctualité parfaite. Des écarts d’un quart d’heure font partie de ce qui est accepté comme normal, pour certains il s’agit même que de quelques minutes. Carla (F31B_C100b) « (rire) C’est parfois 7h moins 20, moins le quart [...] Ce qui est bien c’est que ce n’est pas 7h pile pile » (F, 31 ans) Alessandra (F31B_C100c) : « Le but ce serait ça, c’est de responsabiliser les gens. Maintenant y’en a qui ont toujours rien compris, qui écrasent les minutes et tout. Moi par exemple quand je vais manger à midi, on a 3⁄4 d’heures mais je fais jamais 3⁄4 d’heures, je peux faire un peu moins, je peux faire un peu plus. C’est à moi de savoir, si j’ai pas fini de manger je vais pas non plus me stresser parce que j’ai loupé 2 minutes. » J’ai déjà développé cet aspect de la ponctualité relative dans le chapitre concernant le dispositif technique du timbrage (7.6). C’est en effet la comptabilisation des heures qui confère l’aisance nécessaire pour ne pas respecter un horaire très précis. En réalité, même si 447 RESULTATS les horaires sont très souvent et presque partout réguliers, voire fixes, toutes les personnes ne font pas directement référence à une règle extérieure. La plupart affirme même que leur horaire ne dépend que d’eux. Alice (F36B_C085) : « C’est vrai que j’ai un horaire presque fixe, mais c’est parce que moi je me suis organisée comme ça. » Le fait que cet horaire se ressemble tant entre les collègues d’un même service ou département indique pourtant la présence d’un élément extérieur aux individus. Au bâtiment B, il existe en effet une autre règle qui est que le travail se termine bien avant la fermeture de l’entreprise. Même les personnes qui connaissent parfaitement le règlement quant aux horaires libres, indiquent que le travail se termine à 16h30 ou 17h. Manuel (H49B_C100) : « On peut venir le matin à 6h00 du matin et rester le soir jusqu'à 17h00, ça c'est l'horaire libre. » La règle qui s’est établie ne renvoie alors pas directement aux horaires individuels, mais plutôt au processus de travail dans son ensemble. Il est en effet convenu que le travail commence au plus tôt le matin et se termine lorsque les séries à expédier sont traitées, ce qui arrive en général entre 15h30 et 16h00. Ce n’est qu’en cas d’un nombre de commandes extrêmement élevé qu’il arrive que les séries ne soient accomplies que vers 17h30. Dans le cadre d’une telle organisation temporelle globale, des arrivées plus tardives le matin peuvent être tolérées à condition qu’elles n’entravent pas le déroulement du travail des autres. Manuel (H49B_C100) : « Bien sûr que si on arrive tous à 8h30, et bien le service il est bloqué et les autres services aussi puisqu'on peut pas livrer les commandes. Mais ça c'est jamais arrivé, c'est clair que si une fois ça arriverait ils changeraient le système. Donc là il y a une personne des fois deux, on les connaît, c'est toujours les mêmes qui viennent à 8h00, il y a pas de problèmes. Si tout le monde arrivait à 8h00-8h30 on serait bloqué c'est clair. » Or, on aurait parfaitement pu imaginer que le travail d’ensemble ne débute par exemple qu’autour de 8h, ce qui laisserait encore suffisamment de temps pour expédier dans la journée toutes les séries même en période de forte activité. Mais les négociations et ajustements internes aux groupes de travail semblent plutôt avoir conduit à anticiper la journée de travail entière. Il est vrai que les horaires avant l’introduction de la flexibilité du temps de travail commençaient déjà tôt (7h). Mais il ne s’agit pas d’une simple persistance des habitudes prises, vu que le travail commence aujourd’hui dans la plupart des services encore plus tôt. Il y a donc bien eu une régulation collective de ce nouveau rythme, qui s’est 9. Les salariés pris entre entreprise et monde externe probablement faite entre collaborateurs et partiellement entre eux et leurs supérieurs. Il est vrai que dans certains services du bâtiment C la direction est intervenue pour limiter cette anticipation de l’horaire, mais au bâtiment B la force de la pression du collectif est telle qu’à aucun moment la direction n’a envisagé d’intervenir et aucun cadre de ce bâtiment n’a mentionné ce phénomène comme un problème car ils suivent eux-mêmes cette pratique. La règle des arrivées tôt le matin est en outre continuellement réactualisée par les comportements effectifs qui respectent cet ordre. Il est probable que si les déviances se multipliaient, cette règle perdrait de sa légitimité.
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- 124 - 4 – Problématique n°4 – La collaboration MG-IPA : Une source de contrainte 4.1 – Contrainte liée à une multitude de tâches attribuées aux médecins
Il est exprimé par certains médecins généralistes interrogés que les mentalités des médecins et de la manière d'exercer la médecine générale à évoluée au fil du temps avec cette idée de regroupement des expertises et des collaborateurs au sein de structures uniques. Cette idée est confirmée aux États-Unis dans l'article de Xue et all (40) où l'on observe une diminution du modèle de médecin isolé (85,5% à 70,9%) et une augmentation du modèle de soins partagés (11,9% à 23,3%) et du modèle IPA / AM (2,7% à 5,9%) de 2008 à 2014. Cet article mentionne également que le nombre de soins prodigués par les IPA en milieu rural notamment était en augmentation. En France, l'organisation des soins primaires diverge parfois de celle présente dans d'autres pays et des rôles attribués à un professionnel spécifique à l'étranger. C'est le cas du « gestionnaire local » qui est en charge dans certains pays d'organiser la coordination de soin. Ce rôle de coordination est référé au médecin généraliste qui a la charge d'organiser les prises en charges des patients. Dans le cadre de collaboration médecin généraliste et IPA, le médecin généraliste jouerait ce rôle de coordination et nécessite pour cela de disposer d'un ensemble de connaissances concernant cet acteur. Or, il est apparu dans les entretiens de notre étude qu'un certain nombre de médecins déplore le manque d'information au sujet de l'IPA, considérant parfois cette collaboration comme lointaine ou future, alors qu'elle est en cours de mise en place effective. Ce manque d'information induit plusieurs éléments : - Dans un premier temps, ce manque d'information entraine une non connaissance de l'existence des IPA, forçant ainsi les IPA à devoir se présenter eux-mêmes auprès des médecins généralistes avec qui ils voudraient collaborer. Plusieurs médecins généralistes avouent ne pas avoir eu connaissance de l'IPA jusqu'à ce qu'un IPA se présente de lui-même auprès de l'équipe médicale et leurs expliquent leur rôle. Selon Niezen et Mathijssen (35) « Un manque de définition claire des rôles, des droits et des responsabilités peut rendre difficile pour les IPA d'exercer leur potentiel. De plus, la - 125 - disponibilité de protocoles (cliniques) et de procédures formelles peut faciliter la réaffectation des tâches des médecins aux IPA ». Afin de cerner les obstacles précédents, l'existence de procédures précises formalisant ainsi les rôles de chacun des collaborateurs est un élément essentiel à sa mise en place. - Dans un deuxième temps cette méconnaissance de la fonction d'IPA couplé au fait que les médecins généralistes se doivent d'organiser et d'établir des protocoles collaboratifs peuvent aboutir à la création de collaboration qui ne rentrent pas dans le cadre prévu par les dispositifs réglementaires avec un rôle attribué aux IPA pour lesquelles ils ne seraient pas formés. C'est ainsi que Poghosyan et all (41) évoque dans le cas américain : « Pour la majorité des IPA, les administrateurs étaient perçus comme absents de la pratique quotidienne et manquaient de connaissances suffisantes sur le champ de pratique des IPA, ce qui, dans certains cas, avait une incidence négative sur la façon dont le rôle des IPA était perçu dans les équipes. En fait, la pratique des IPA était souvent façonnée au niveau local par un administrateur. Si les administrateurs connaissaient les rôles et les compétences des IPA, ils étaient plus susceptibles d'appuyer et de défendre le rôle d'IPA. » En effet ces protocoles sont soumis « aux valeurs individuelles et de l'interprétation des mécanismes de rémunération » (33). Ces protocoles, s'ils veulent être établis, nécessitent donc que la communication sur les rôles et les fonctions des collaborateurs, notamment des IPA soit compris par tous les membres de la collaboration. Ce rôle de communicateur est souvent attribué dans la littérature à un membre identifié de la communauté des pourvoyeurs de soin en santé primaire : Le gestionnaire ou l'administrateur de pratique en soins primaires mais comme dit précédemment, ce rôle est en France attribué au médecin généraliste. De ce fait, on peut entrevoir dans notre étude, ce rôle particulier du médecin généraliste français qui est celui de « manager d'une équipe de soin ». Ce rôle très peu abordé au cours des entretiens implique toutefois des missions spécifiques de management auxquels fait référence un médecin interrogé : MG n°19 : « Il faut qu'il y ait une vraie formation sur la diversification de la prise en charge, l'intervention des IPA, il faut que le parcours de soin soit acquis et enseigné. Parce que - 126 - nous l'ancienne génération, encore moi, vers les 50 ans on arrive à s'adapter, mais les 60 ans c'est complètement compliqué. 4.2 – Des contraintes liées à des défaillances sur le plan législatif et organisationnel
Dans notre étude, il est constaté des manquements sur les conditions de fonctionnement et de rémunération des IPA. Ces manquements ont fait état dans le cas français non pas des conditions de formation qui restent particulièrement claires mais sur les conditions de mise en pratique effective de cette pratique avancée. Sur le plan législatif, il n'est pas prévu en pratique l'organisation concrète de la collaboration entre le médecin généraliste et l'IPA, cette organisation s'effectue sous couvert de protocole rédigé sur le terrain en accord des deux participants, laissant libre à cours à des interprétations des fonctions et du positionnement des uns et des autres sous couvert que ces protocoles restent dans le cadre des quelques arrêtés et décrets en vigueur. Ce manquement sur le plan législatif abouti à des incertitudes de fonctionnement qui sont mis en évidence dans les entretiens que nous avons menés : - Dans un premier temps, la mise en place de protocole local expose à des sorties de compétences des IPA. En effet, ces protocoles sont mis en place par les médecins généralistes, soit par des professionnels de santé non formés à la création de ce type de protocole. L'absence d'anticipation de certaines situations rares peuvent mettre en échec ces protocoles et exposés à des conflits. - - Par ailleurs, il a été remarqué au fil des entretiens, que la notion de responsabilité des différents acteurs au sein de la collaboration n'était que peu présente dans les propos des intervenants, même ceux qui avaient déjà entrepris une collaboration avec un IPA. Dès lors, bien que les protocoles de collaboration existent, il semble que la question de responsabilité, bien qu'essentiel, ne soit que peu envisager par les médecins généralistes. La plupart des médecins interrogés attestent que cette idée de responsabilité au sein de la collaboration n'ait pas été le fruit d'une réflexion de leur part. En effet, il est globalement admis que pour que la collaboration médecin généraliste et IPA se mette en place dans des conditions satisfaisantes, les dispositifs législatifs en vigueur ne peuvent se permettre d'être défaillants. C'est pourtant ce que met en évidence Niezen et Mathijssen (35) en expliquant comment la responsabilité législative au sein de la collaboration est peu claire et les répercussions que cela a sur l'IPA en cas d'erreurs : « Il existe un manque de clarté en ce qui concerne les responsabilités légales des médecins, si un infirmier praticien commet une erreur qui entraine un préjudice pour un patient. Les erreurs commises par les IPA sont jugées plus sévèrement que les erreurs commises par les médecins, car les IPA sont une nouvelle profession sans cas d'école. Cela augmente la pression exercée sur les infirmiers pour qu'elles soient prudentes et évitent les erreurs, ce qui peut entraver la réaffectation de tâches ». Ce manque de clarté induirait selon Jakimowicz et all (36) « un fossé entre les médecins généralistes et les IPA » Cependant, Halcomb et all (31) indique que « L'impact des implications juridiques en tant qu'obstacle au rôle des infirmiers en médecine générale a diminué entre deux périodes de l'étude ». Il semblerait par conséquent que ces flous juridiques concernant la responsabilité de l'IPA soient en cours d'amélioration. On peut ainsi constater que sur le plan législatif, des manquements sont mis en évidence dans la littérature et par les médecins généralistes. Il est légitime de se demander pour quelles raisons ces éléments semblent insuffisamment anticipés dans la plupart des pays où IPA ont été mis en place. 4.4 – Enjeu n°4 : Comment envisager la collaboration non pas comme une contrainte mais une opportunité? 4.4.1 – L'opportunité d'améliorer la sécurité, la qualité et l'efficacité des soins apportés du patient « Améliorer les soins primaires », c'est cette idée qui persiste dans la totalité des discours des médecins généralistes interrogés dans notre étude. L'introduction de la pratique avancée des
infirmiers pourrait être une opportunité pour permettre cette amélioration. L'apport d'un professionnel apporterait un regard extérieur qui pourrait venir, dans cette logique de complémentarité, aider le médecin à évaluer des situations parfois extrêmement complexes. - Cette idée est reprise par Ljungbeck et Sjögren (34) qui dans leur étude qualitative font cette constatation similaire : « les participants, en particulier les infirmiers, pensaient que le rôle des IPA augmenterait la sécurité des patients car les IPA auraient la capacité de rassembler plusieurs parties d'une image complexe du patient grâce à leurs compétences cliniques, leur leadership et leur pratique collaborative. La continuité des soins a également été considérée comme améliorée car l'IPA pouvait suivre les personnes âgées fragiles à travers différents types de services et assumer davantage de responsabilités pour les patients en ce qui concerne à la fois les soins infirmiers et médicaux ». De plus, dans cette étude (34) les infirmiers ont déclaré « qu'une sécurité accrue des patients grâce à une meilleure continuité signifierait des soins plus personnalisés et centrés sur la personne, car l'IPA aurait une connaissance approfondie des personnes âgées en tant qu'individus et non seulement en tant que patients. Les infirmiers pensaient également que l'IPA aurait plus de temps pour se concentrer sur la situation de chaque patient dans son ensemble, ce qui, avec les compétences avancées de l'IPA pour savoir, faire et être, améliorerait la qualité, la sécurité, la continuité et le centrage sur la personne ». Une autre étude de Mitchell et all (44) met en évidence cette augmentation potentielle de la qualité des soins apportés au patient par la collaboration MG-IPA, dans le cadre des soins palliatifs cette fois. Les conclusions des auteurs affirment que les soins coordonnés par le NP et soutenus par un médecin généraliste ont donné lieu à un début de traitement rapide, à un bon suivi et à un plan de soins où tous les professionnels avaient des responsabilités déterminées. Les soins palliatifs coordonnés par les IP semblent permettre des soins plus intégrés et peuvent être efficaces pour réduire les hospitalisations. Enfin dans le registre de la complémentarité, l'étude de Ehrlich et all (33) affirment que la présence d'un IPA permettait d'obtenir des informations que le médecin seul ne pourrait détenir s'il n'avait pas eu cette collaboration : « Les participants ont fourni de nombreux exemples de cas où des patients ont partagé des informations importantes liées à la santé qui n'avaient pas été auparavant partagées ou offertes lors des consultations standard chez les médecins généralistes. Lorsque les patients partageaient - 130 - des informations, les soins pouvaient être fournis différemment et des résultats positifs pour la santé étaient plus probables. Les IPA ont été en mesure de fournir au généraliste des informations qui, autrement, auraient été négligées ».
4.4.2 – L'opportunité de pallier aux difficultés de l'offre de soins
La mise en place de la pratique avancée pourrait être un moyen attractif pour les soins primaires. Parmi nos répondants, un seul médecin faisait état de cette idée en parlant de l'attractivité des médecins. Ljungbeck et Sjögren (34) mettent en évidence dans leur étude que le rôle de l'IPA pourrait être un moyen de mener une carrière clinique et de continuer à travailler dans le domaine des soins aux patients évitant ainsi une démobilisation de ces professionnels de santé.Par ailleurs, les auteurs font état du fait qu'il est important d'être innovant pour répondre aux besoins croissants en matière de soins de santé des personnes âgées fragiles, car les médecins n'étaient pas en mesure de travailler efficacement avec leurs ressources actuelles. Ainsi, favori ser l'attractivité du travail infirmier par la création de poste tel que l'IPA permettrait de maintenir des effectifs infirmiers suffisants et permettrait de manière indirecte d'aider les médecins à continuer à exercer sans accroitre leur charge de travail. Un certain nombre de médecins interrogés dans notre étude sont optimistes quant à la possibilité d'accroitre leur activité par la collaboration avec un IPA. Toutefois, d'autres médecins participants affirment qu'accroitre leur propre activité ne peut pas aller dans le sens d'une amélioration de la prise en charge. Cela favoriserait selon eux la distanciation avec le patient et donc imputerait les capacités d'apporter une prise en charge personnalisée par le médecin. - 132 - DES CONTRAINTES QUI DOIVENT ETRE ENVISAGER COMME DES OPPORTUNITES
- Il est observé des divergences d'organisation du système de soins primaires entre les pays ayant mis en place la pratique avancée des soins primaires attribuant certains rôles clés organisationnels à des professionnels identifiés. En France, ces rôles d'organisation au sein des soins primaires sont souvent attribués au médecin généraliste qui est le gestionnaire de la prise en charge du patient. - L'organisation concrète de la pratique avancée des infirmiers en France n'est pas prévue de manière uniforme et se plie ainsi aux initiatives personnelles des médecins généralistes. Ainsi, les protocoles de collaboration pourraient divergés d'une collaboration, selon les acteurs locaux. - Dès lors, le mode de fonctionnement français de la pratique avancée des infirmiers repose en grande partie sur l'implication du médecin généraliste. - Si l'on reprend les outils précédents de lever de barrière évoquée dans les problématiques précédentes, même si le médecin sait ce que fait un IPA, comprend son organisation, l'intègre dans le parcours du soin et lui permet d'accéder à sa confiance et celle du patient, les médecins généralistes peuvent se demander : « Mais pourquoi faire tout ça? ». Quelles sont motivations des institutions pour la mise en place d'une collaboration qui implique grandement le médecin généraliste? - La mise en place de la pratique avancée des infirmiers en France est le fruit d'un travail long qui s'appuie sur des difficultés d'ordre démographique et organisationnel et qui, en théorie, permet une prise en charge plus fluide et plus complète du patient tout en permettant une charge de travail plus souple aux médecins généralistes. - La pratique avancée des infirmiers doit donc être vue non pas comme une contrainte matérielle, logistique et humaine mais doit être abordée comme une opportunit é pour l'ensemble des acteurs du soins primaires et, surtout, pour le patient. III – Perspectives
Cette étude est le fruit d'un travail effectué dans le cadre d'une thèse d'exercice de médecine générale. Dans ce contexte, il a été décidé d'observer la pratique avancée des infirmiers sous l'angle de la collaboration des IPA avec les médecins généralistes vue à travers le prisme des médecins généralistes eux-mêmes. D'autres travaux sont nécessaires afin de permettre une analyse plus fine et plus complète de l'introduction de la pratique avancée des infirmiers dans les soins primaires en interrogeant les infirmiers en pratique avancée, les infirmiers « classiques » et les patients sur cette collaboration médecin-généraliste IPA. D'autres aspects de la pratique avancée des infirmiers n'ont pas été abordé dans cette étude comme la collaboration des IPA avec les autres intervenants des soins primaires, secondaires voire tertiaire avec qui ils seront amenés à travailler. Enfin, nous pouvons envisager des groupes de travail et de formation commune entre étudiants IPA et étudiants médecins afin d'approfondir le relationnel entre ces futurs collaborateurs. La pratique avancée infirmière étant une thématique récente en France, il persiste un manque de connaissance et de visibilité de cette pratique et son évolution dans le temps. D'autres travaux seront donc nécessaires pour permettre d'accéder à une vision objective de cette pratique. CONCLUSIONS
La pratique avancée des infirmiers offre en théorie de nouvelles perspectives quant à l'organisation des soins primaires en France. L'ouverture du champ d'activité des infirmiers promet une prise en charge plus personnalisée, une meilleure disponibilité des soignants pour les patients et une répartition plus efficace des actes de soin courants, notamment ceux concernant les patients atteints de pathologies chroniques. A l'issue des entretiens que nous avons effectués auprès de médecins généralistes, nous pouvons constater que la mise en place des IPA dans le paysage sanitaire, bien qu'elle soit accueillie positivement par une majorité des médecins interrogés dans notre étude, induit un certain nombre de craintes évoquées par les médecins participants. Ces craintes reposent essentiellement sur les répercussions de cette nouvelle organisation encore peu connue sur : le positionnement et le rôle du médecin généraliste au sein de cette collaboration ; la relation qu'ils entretiennent jusqu'alors avec leur patientèle ainsi que sur la charge de travail induite par cette nouvelle collaboration. Ces craintes aboutissent à un rejet de cette nouvelle collaboration par quelques médecins interrogés, qui estiment que celle-ci n'est pas une solution pérenne et ne permet de résoudre que partiellement les problématiques auxquelles font face les soins primaires aujourd'hui via une refonte maladroite et mal anticipée de la médecine générale. La mise en place de la pratique avancée infirmière sur le territoire français semble donc exiger une attention particulière sur les problématiques exposées au travers cette étude afin de permettre l'adhésion de tous les acteurs des soins primaires à cette nouvelle organisation de la médecine générale. Afin de permettre la levée de ces obstacles à l'introduction des IPA dans le paysage sanitaire, il semble nécessaire de mettre l'accent sur la perception de nouveaux types d'organisation des soins primaires, notamment auprès de la jeune génération, qui, selon notre étude, semble être plus enclin à accepter et adopter ce genre de pratique. Ainsi, - 135 - pour permettre la mise en place de la pratique avancée, il conviendrait d'insister sur les étudiants de médecine générale en communiquant sur les atouts de ce type de collaboration et en favorisant le travail collaboratif dès la formation initiale : cours partagés avec des IPA, travaux en commun (type mémoire), exercice de mise en situation commune, recherche scientifique Ce travail de thèse ne mentionne que le point de vue des médecins dans le cadre des soins primaires. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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20. Debout C, Hue G. Mise en place de la fonction d'infirmier en pratique avancée diplômé d'État. Soins Cadres. mars 2019;28(110):11-4. 21. Décret n° 2019-835 du 12 août 2019 relatif à l'exercice infirmier en pratique avancée et à sa prise en charge par l'assurance maladie. 2019-835 août 12, 2019. 22. Décret n° 2019-836 du 12 août 2019 relatif au diplôme d'Etat d'infirmier en pratique avancée mention psychiatrie et santé mentale. 2019-836 août 12, 2019.
23. Arrêté du 12 août 2019
modifiant
l'arrêté du 18 juillet 2018 relatif au régime des études en vue du diplôme d'Etat d'infirmier en pratique avancée
. août 12, 2019.
24. Arrêté du 12 août 2019 relatif à l'enregistrement des infirmiers en pratique avancée auprès de l'ordre des infirmiers.
août
12, 2019.
25. Chrétien S, Barrière-Arnoux C. Pratique avancée infirmière : une journée nationale incontournable. Soins. mars 2021;66(853):15. 26. Santé M des S et de la, Santé M des S et de la. Ségur de la santé : les conclusions [Internet]. juill, 2020. Disponible sur: https://solidaritessante.gouv.fr/systeme-de-sante-et-medico-social/segur-de la-sante-les-conclusions/ 27. Proposition de référentiel pour les IPAG [Internet]. 2020 déc [cité 15 avr 2021]. Disponible sur: https://geriatries.fr/proposition-de-referentiel-pour-les-ipag/ 28. DGOS_Michel.C, DGOS_Michel.C. L'infirmier en pratique avancée [Internet]. Ministère des Solidarités et de la Santé. 2019 [cité 13 sept 2019]. Disponible sur: https://solidarites-sante.gouv.fr/systeme-de-sante-et-medico-social/acces-territorial-auxsoins/article/l-infirmier-en-pratique-avancee 29. ARS PACA. La pratique avancée et protocole de coopération [Internet]. 2020 [cité 16 avr 2021]. Disponible sur: https://www.paca.ars.sante.fr/la-pratique-avancee-etprotocole-de-cooperation - 138 - 30. Gualano MR, Bert F, Adige V, Thomas R, Scozzari G, Siliquini R. Attitudes of medical doctors and nurses towards the role of the nurses in the primary care unit in Italy. Prim Health Care Res Dev. juill 2018;19(4):407-15. 31. Halcomb EJ, Salamonson Y, Davidson PM, Kaur R, Young SA. The evolution of nursing in Australian general practice: a comparative analysis of workforce surveys ten years on. BMC Fam Pract. mars 2014;15:52. 32. Schadewaldt V, McInnes E, Hiller JE, Gardner A. Experiences of nurse practitioners and medical practitioners working in collaborative practice models in primary healthcare in Australia – a multiple case study using mixed methods. BMC Fam Pract [Internet]. juill 2016 [cité 7 sept 2019];17. Disponible sur: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4966821/ 33. Ehrlich C, Kendall E, St John W. How does care coordination provided by registered nurses « fit » within the organisational processes and professional relationships in the general practice context? Coll R Coll Nurs Aust. avr 2012;20(3):127-35. 34. Ljungbeck B, Sjögren Forss K. Advanced nurse practitioners in municipal healthcare as a way to meet the growing healthcare needs of the frail elderly: a qualitative interview study with managers, doctors and specialist nurses. BMC Nurs [Internet]. nov 2017 [cité 7 sept 2019];16. Disponible sur: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5689167/ 35. Niezen MGH, Mathijssen JJP. Reframing professional boundaries in healthcare: A systematic review of facilitators and barriers to task reallocation from the domain of medicine to the nursing domain. Health Policy. août 2014;117(2):151-69. 36. Jakimowicz M, Williams D, Stankiewicz G. A systematic review of experiences of advanced practice nursing in general practice. BMC Nurs. janv 2017;16:6. 37. Poghosyan L, Liu J, Norful AA. Nurse practitioners as primary care providers with their own patient panels and organizational structures: A cross-sectional study. Int J Nurs Stud. sept 2017;74:1-7. 38. De Bruijn-Geraets DP, van Eijk-Hustings YJL, Bessems-Beks MCM, Essers BAB, Dirksen CD, Vrijhoef HJM. National mixed methods evaluation of the effects of removing legal barriers to full practice authority of Dutch nurse practitioners and physician assistants. BMJ Open. juin 2018;8(6):e019962. 39. Ling D-L, Lyu -M, Liu H, Xiao X, Yu H-J. The necessity and possibility of implementation of nurse prescribing in China: An international perspective. Int J Nurs Sci. déc 2017;5(1):72-80. 40. Xue Y, Goodwin JS, Adhikari D, Raji MA, Kuo Y-F. Trends in Primary Care Provision to Medicare Beneficiaries by Physicians, Nurse Practitioners, or Physician Assistants: 2008-2014. J Prim Care Community Health. oct 2017;8(4):256-63. 41. Poghosyan L, Norful AA, Martsolf GR. Primary Care Nurse Practitioner Practice Characteristics: Barriers and Opportunities for Interprofessional Teamwork. J Ambulatory Care Manage. janv 2017;40(1):77-86. - 139 - 42. Van der Biezen M, Wensing M, Poghosyan L, van der Burgt R, Laurant M. Collaboration in teams with nurse practitioners and general practitioners during out-ofhours and implications for patient care; a qualitative study. BMC Health Serv Res. août 2017;17(1):589. 43. Charles-Jones H, Latimer J, May C. - 140 - ANNEXES Annexe 1 – Plaquette d'enseignement du Diplôme d'État de la Pratique avancée des infirmiers au sein de la faculté de médecine de Montpellier-Nîmes - 141 - Annexe 2 – Liste complète des compétences transversales de l'IPA grade master - 142 - - 143 - - 144 - - 145 - Annexe 3 – Résumé des caractéristiques des participants de l'étude - 146 - Annexe 4 – Guide d'Entretien
Question 1 - Pour vous, qu'est-ce qu'un infirmier en pratique avancée en soins primaires? Question de relance : - Pour quelles raisons selon vous la pratique avancée des infirmiers a été instaurée en France? Question 2 - Comment envisagez-vous une collaboration entre vous et une IPA? Questions de relance : - Dans quelles mesures la délégation des tâches à une IPA serait facile ou difficile à accepter? - Dans quelles mesures la prise en charge par IPA impacterait-elle la fonction du médecin généraliste? Question 3 - Dans quelles mesures la prise en charge d'une IPA ferait évoluer la relation entre vous et votre patient? Question de relance : - Quelle serait la vision de vos patients concernant cette collaboration? Question 4 - Dans quelles mesures votre propre vision de la médecine générale changerait-elle avec l'introduction de collaboration telle que la collaboration MG-IPA en médecine générale? Question 5 – Avez-vous des éléments à rajouter?
Annexe 5 – Organisation de la collaboration MG-IPA en France - 147 - Annexe 6 – Discussion - 148
- SERMENT - 149 - - 150 - - 151 -
-
152 - RESUME ET MOTS CLES
Introduction : En Juillet 2018, la ministre de la santé et des solidarités Mme Agnès Buzyn instaure un ensemble de décrets et d'arrêtés permettant la mise en place effective de la pratique avancée des infirmiers en France. Issu d'un processus évoluant depuis 2003, la pratique avancée des infirmiers s'inscrit dans le cadre des soins primaires, dans un contexte de pénurie de médecins dans des zones fragilisées et vise ainsi à une dynamisation de la pratique de la médecine générale. Dans ce contexte, la loi prévoit un mode de collaboration entre l'IPA et le médecin généraliste, intégrant ce dernier de manière active dans son organisation.
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NICOLÁS TILLI www.nicolastilli.com Maître de Conférences en Sciences de l'Information et de la Communication Psychologue clinicien et psychothérapeute Docteur en droit public Fondateur du Consortium international « Communication pour le changement social » https://mental-health-on-campuses.org IDETCOM Université Toulouse Capitole FRANCE
La promotion et la prévention de la santé mentale et la lutte contre les discriminations : discours et symptôme universitaire
Bonjour à toutes et à tous. Je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui de l'autre côté de l'écran. Cette communication s'intitule « La promotion et la prévention de la santé mentale et la lutte contre les discriminations : discours et symptôme universitaire ». Il s'agit d'une communication qui se veut réflexive, qui invite à identifier, interroger et comprendre une situation spécifique au sein de l'université et ceci avant la pandémie de la COVID-19. Je précise que je ne vise avec ma communication aucune université en particulier, je partage tout simplement un état des lieux généralisé. Pour commencer, je peux dire que l'université, en tant qu'actrice sociale, se place devant un paradoxe et fait face à un dilemme s'inscrivant par conséquent dans un discours particulier qui laisse apercevoir des symptômes. Pour le dire de façon très simple : le problème des discriminations et des inégalités au sein des!1 campus universitaires n'est pas différent de celui présent dans notre société, société caractérisée très souvent par le fait que la personne souffrante, la personne différente ou les thématiques autour de la santé mentale, des discriminations et des inégalités n'interrogent pas mais font peur. Face à ce difficile constat, je me suis demandé comment comprendre cette peur. Je pense que lorsque nous faisons face à quelque chose qui nous dépasse, que nous n'arrivons pas à l'expliquer ni à lui donner un sens, nous faisons parfois appel à des mécanismes primaires ou archaïques par exemple : nous l'écartons tout simplement. Par conséquent, le sujet (quand je dis sujet je fais allusion à la personne et au thème) se transforme en sujet tabou, oublié ou écarté car si nous ne le voyons pas, si nous ne le parlons pas, il n'existe pas, et pourtant Le résultat de cette mise à l'écart reflète l'existence d'un schéma d'incommunication qui a un impact direct sur la promotion et la prévention de la santé mentale et qui créé et/ou approfondit les discriminations productrices des inégalités et des souffrances. La problématique de la discrimination a été abordée par la Commission européenne qui a publié en 20191 les résultats d'une enquête sur l'imaginaire des Européens concernant les discriminations liées à la couleur de peau (80 % en FR contre 59 % en UE), à l'orientation sexuelle (73 % en FR contre 53 % en UE) et à l'origine ethnique (74 % en FR contre 59 % en UE). On voit que la moyenne française (FR) est plus forte que la moyenne de l'Union européenne (UE) Concernant ponctuellement la situation au sein du campus universitaire toulousain, l'enquête de l'Université fédérale de Toulouse de mars 20202 reflète, comme vous pouvez le voir dans 1 « Eurobaromètre spécial sur la discrimination ». URL : https://ec.europa.eu/france/news/20191024/ eurobarometre_special_discrimination_fr [consulté le 5 octobre 2020].
2 « Schéma de l'amélioration de la vie étudiante de
l'académie de Toulouse : Synthèse des résultats de l'enquête étudiante ». URL : https://welcomedesk.univ-toulouse.fr/sites/default/files//uploaded_pdf/ Univ_Toulouse_resultats_enquete-etudiants-2020_0.pdf [consulté le5 octobre 2020]. !2 cette diapo, un état des lieux assez alarmant : - 21,2 % des étudiants déclarent avoir un mauvais état psychologique ; - 4,1 % des étudiants déclarent avoir un très mauvais état psychologique ; - 21,6 % des étudiants déclarent sentir très souvent de l'anxiété ; - 11,9 % des étudiants déclarent sentir très souvent une dépression ; - 31,7 % des étudiants déclarent sentir très souvent du stress ; - 10,6 % des étudiants ont été ou sont victimes de discrimination au sein de leur établissement ; - 6 % des étudiants ont été ou sont victimes de harcèlement au sein de leur établissement. Face à un tel constat, comment expliquer que ces données ne fassent pas la une? Comment contextualiser ces chiffres? Pour le faire, je propose un raisonnement hypothétique : - d'une part, nous sommes au sein d'une technostructure (intégrée par l'État, le marché et les médias de communication) où la technoscience (couple technique-science) a trouvé une place privilégiée ; et - d'autre, part, cette technostructure essaie de dissimuler ce qui dérange à la pensée hégémonique, influençant par conséquent la manière de faire lien social et favorisant les discriminations aux yeux d'une majorité qui se veut ʺnormaleʺ. Au sein de cette technostructure, vous pourriez vous demander quel est l'intérêt d'interroger ponctuellement le cas de l'université. Je dirais que l'université en tant qu'organisation, en tant que système social, possède un rôle et occupe une place dans nos sociétés modernes qui est indéniable et, de ce fait, possède une responsabilité sociétale. Il est donc pertinent, à mes yeux, d'interroger la situation à l'intérieur de ses murs. L'importance de cette interrogation a été reconnue par l'UNESCO, qui a déclaré que « l'enseignement supérieur a un nouveau rôle dans la société, comme composante vitale du développement culturel, social, économique et politique, et comme pilier du renforcement de la promotion des droits de l'homme, du développement durable, de la démocratie!3 » (Déclaration mondiale sur l'enseignement supérieur, 1998). Concernant la responsabilité sociétale de l'université, je pense qu'elle se reflète davantage dans et par sa communication (interne et externe) que par son intérêt grandissant sur sa réputation et ceci s'inscrit dans un discours particulier. Cette responsabilité sociétale affronte une situation paradoxale qui interpelle au moins celui qui vous parle maintenant. Pour aborder ce point, je développerais une argumentation par analogie (sous le contrôle de certains de mes collègues ici présents) en utilisant des concepts psychanalytiques. La grande difficulté ici sera pour moi de faire simple et court. Je reste bien évidemment à votre disposition pour tout échange postérieur au sujet de cette communication. Nous savons que le positionnement oedipien du sujet se réalisera face à la métaphore paternelle, ou dit de façon plus simple, face au nom du père c'est-à-dire de la loi, loi qui fait tiers, qui sépare, et qui influencera la structure du sujet (névrose, psychose et perversion). Autrement dit, ce mouvement aura une influence sur la façon dont le sujet habitera le monde et fera lien social. Au-delà de la problématique juridique liée à l'efficacité et à l'effectivité de la norme (donc de sa validité) que je garde pour une prochaine communication, je me demande quelle est cette règle (loi) qui s'impose à l'université en matière de promotion et de prévention de la santé mentale et de lutte contre les discriminations et les inégalités. Je constate que cette règle (loi) est posée à 3 niveaux : international, régional et national. - Au niveau international : une pluralité d'acteurs (ONU, OMS, UE, etc.) et d'instruments juridiques viennent caractériser ce domaine ; - Au niveau de l'Union européenne : la santé publique relève par principe de la compétence interne des États membres mais l'action de l'UE peut compléter les politiques nationales (TFUE 168) ;!4 - Au niveau national : différents acteurs interviennent en France, en lien avec le Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et le Ministère des solidarités et de la santé, dans un schéma complexe. Il s'agit de : 34 agences et opérateurs, 16 instances rattachées (comités, commissions, conseils, conférences, observatoires) et 20 partenaires (observatoires, associations d'usagers, comités, conseils, etc.). De plus, la loi Fioraso (2013) prévoit la mise en place à l'université de chargés de mission égalité pour lutter contre les discriminations, sensibiliser, communiquer et former. Des formations, des cellules de lutte et la figure du Défenseur des droits viennent renforcer les dispositions existantes. Alors, comment ces dispositions (règles/lois) s'inscrivent-elles au sein de l'université? Signalons ici que cette inscription reflète un positionnement institutionnel. Je vais d'abord évoquer les chargés de mission égalité et diversité. Dans ce sens, j'ai pu constater que presque toutes les universités ont un(e) chargé(e) de mission égalité ou mission assimilée (92 sur la centaine d'établissements d'enseignement supérieur et de recherche). En parallèle des chargés de mission égalité et diversité, toutes les universités disposent d'un service de santé universitaire : lieu d'accueil, d'écoute et d'information. Les services de santé universitaire déterminent aussi les aménagements d'études et d'examens dont les étudiants ont besoin, les Services « Handicap » qui accompagnent les étudiants dans leurs études : des étudiants qui doivent se manifester pour bénéficier des mesures d'accessibilité, des cours aménagés, d'orientation, d'adaptation des examens et des aides (financières, pour le transport et pour le logement). De plus, depuis 2018 a été impulsée la création au sein des universités de cellules d'accueil et d'écoute ; des campagnes de communication nationales ont été mises en place : l'une « Stop aux violences sexistes et sexuelles dans l'enseignement supérieur » et l'autre « Stop aux violences faites aux femmes » (numéro anonyme et gratuit, le 3919).!5 Aussi, deux campagnes de communication nationales ont été mises en place ces dernières années. Malgré cet arsenal de dispositions et de dispositifs, la situation au sein de l'université reste étonnamment décevante. Aux données déjà citées, s'ajoutent celles fournies par l'enquête de l'UNEF publiée en juin 20203 : - 42,30 % des personnes perçues comme non blanches déclarent avoir été victimes de racisme dans le cadre de leurs études ; - 57 % des étudiants interrogés ne savent pas comment signaler un comportement raciste dans leur université ; - 7 % des universités ne communiquent pas sur les dispositifs de lutte contre les discriminations ; - 17 % des universités ont créé un poste de référent sur le racisme ; - 60,98 % des étudiants n'ont jamais été informés d'actions de lutte contre les discriminations ; - 51 universités en France ne communiquent sur aucun dispositif de lutte contre le racisme ; - 39 universités déclarent avoir mis en place des cellules d'accueil et d'écoute. Selon ces chiffres – et outre la gravité de la situation actuelle –, du point de vue communicationnel, nous sommes très loin du système de gérance basé sur les ressources humaines de Reeding (1973), du climat de gérance idéal et d'une communication interne intégratrice. Bien au contraire, nous nous rapprochons plutôt d'un système d'InCommunication qui interpelle. Je vois que le temps passe vite, donc je vais me presser et aller droit au but : j'aperçois que, 3 « Les discriminations dans l'enseignement supérieur ». URL : https://unef.fr/ content/ ]. !6 d'une part, la communication reste insatisfaisante, le réseau choisi n'est toujours pas adapté, l'information ne circule pas, ne s'affiche pas et n'est pas toujours accessible (trop souvent la prévention primaire est la grande absente, elle est l'invitée de pierre). Je constate que la communication est surtout productive, elle utilise des canaux inefficaces, elle reste verticaledescendante et sert plutôt à cocher une case dans les formulaires administratifs et à cacher l'existence de ces problématiques. D'autre part, la communication et l'information sont utilisées pour positionner l'université comme un véritable acteur sociétal et pour soigner sa réputation afin de la maintenir concurrentielle. Ce constat reflète ce que j'appelle un faux dilemme : maintenir un discours influencé par la concurrence croissante de la connaissance et structuré autour de l'excellence ; ou maintenir un discours caractérisé par la prise en main des problématiques sociales propres à la promotion et la prévention de la santé mentale et de la lutte contre les discriminations. Pourquoi dis-je faux dilemme? Car l'université ne devrait pas simplement choisir l'un ou l'autre parce que ce ne sont pas des discours qui s'excluent. Justement, ce qui est attendu de nos jours de la part de l'université c'est qu'elle affiche un comportement socialement responsable tout en proposant une formation de qualité. L'excellence se trouve à mes yeux dans ce couplage qui permet de mettre au centre le sujet, c'est-à-dire dans l'un et dans l'autre. Ce faux dilemme dévoile en réalité un paradoxe universitaire, des idées qui se veulent contradictoires : il semblerait qu'une université voulant être au plus haut du classement de Shanghai ne peut pas reconnaître des inégalités ou des problèmes de discrimination et moins encore de santé mentale entre ses membres. Pourtant, cette contradiction qui est en réalité apparente, cache une vérité. Mais laquelle? Pour répondre, je retourne à Freud. Dans la structure « perversion » (je rappelle les autres deux structures : la névrose et la psychose), lorsque le sujet est face à la métaphore paternelle (la loi) – je reviens donc à l'OEdipe – il se positionne comme si. Dans ce cas, il est vrai qu'il y a reconnaissance de la loi mais il semble également y avoir démenti. De cette manière, la loi s'inscrit d'une façon particulière : elle ne sépare pas vraiment, elle ne produit pas une!7 véritable différence de places puisqu' il y a un arrangement, un déni. Dans ce contexte, et je m'excuse pour le raccourci, l'objet fétiche qui symbolise le phallus manquant vient protéger le sujet contre l'angoisse Je reprends. Le faux dilemme et le paradoxe que je viens de vous présenter caractérisent cette « perversion » universitaire (donc institutionnelle) et reflètent la vérité cachée : il est vrai que l'université reconnaît et accepte la loi et lui donne une place dans sa structure je ne dis pas le contraire – j'ai déjà cité les services et postes existants – ; néanmoins, en parallèle, l'université semble démentir cette soumission à la loi (comme le fait le pervers), soumission qui devrait marquer une différenciation (voire une perte). De fait, l'université n'adopte pas vraiment les mesures pour que cette loi soit effective et efficace (donc valide du point de vue juridique). Voilà le mouvement de faire semblant, de faire comme si, caractéristique du positionnement pervers face à la loi qui implique en définitive le non-renoncement à la toutepuissance. C'est ainsi que nous pouvons supposer que cette perversion universitaire se construit en définitive sur une perte non acceptée : celle de la toutepuissance institutionnelle ou celle de certains de ses membres Dans ce contexte, je pense que l'objet fétiche (substitut du phallus) serait l'excellence universitaire, voilà ce qui caractérise le symptôme de l'université (symptôme comme compromis). Ces prémisses peuvent expliquer d'abord pourquoi très peu de chargés de mission universitaire (liée à la problématique de la santé mentale, de la souffrance psychique) sont des professionnels formés aux problématiques de la santé mentale et de la souffrance psychique. La volonté universitaire est soit de fermer les yeux, soit de nommer des personnes non formées ni compétentes, soit de faire appel aux cabinets externes (reflet d'une pensée magique infantile) ; au lieu de donner la possibilité d'intervenir aux personnels de l'université déjà formés et même parfois aux professionnels de la santé mentale (psychologues cliniciens exerçant en institution ou en libérale en parallèle de leurs fonctions d'enseignant chercheur ou!8 d'administratif). De ce fait, l'université n'utilise pas toutes ses ressources pour aborder et traiter la problématique de la santé mentale, de la souffrance psychique et du bienêtre au sein de l'université! Dans la réalité, le chargé de mission universitaire est plutôt un poste politique : le chargé de mission est nommé par un(e) président(e) d'université, subordonné à la direction donc soumis au pouvoir institutionnel le contrôle est là, tout comme la confusion de places (caractéristique de la perversion) D'ailleurs, la confusion de places est très fréquente à l'université. Le plus souvent, elle prend la forme de dépassement du cadre, du non-respect face à certaines tâches et responsabilités, du déni des différences aussi bien transversal que vertical. En effet, cet agir pervers n'est pas isolé, il y a des enjeux groupaux et institutionnels Cette situation permet d'affirmer qu'aujourd'hui la loi n'est pas toujours respectée par toutes les universités et de comprendre : 1) D'abord, pourquoi aujourd'hui 46 % des universités en France n'affichent pas la mise en place de charg és de mission égalité femmes-hommes ; sans oublier que 76 % des universités ne déclarent pas posséder de vice-présidence en charge de l'égalité femmes- hommes. 2) Et ensuite, pourquoi très souvent l'articulation et le fonctionnement, l'architecture, la structure des services de santé universitaire et des services université handicap empêchent la mise en place d'une politique d'actions efficace et contraignante. En effet, les bras de fer politiques entre les différentes institutions et services, les compétences éclatées et superposées, le verrouillage participatif et la bureaucratie exponentielle viennent compléter cette compréhension. D'ailleurs, très souvent le système mis en place stigmatise et alimente l'autostigmate (par exemple : un étudiant qui possède un trouble du spectre autistique ou un trouble dyslexique doit se présenter au service dénommé « Handicap », ce qui revient à lui dire : « tu es handicapé! »).!9 Comment cette situation s'inscrit-elle dans le discours de l'université, discours qui a une place déterminante dans la réalité qui nous entoure, que nous composons, et qui nous compose? Comme vous le savez, nous établissons des relations avec les autres, nous appartenons à un groupe et ceci est le produit de la parole (qui nous permet d'échanger). La théorie des discours de Jacques Lacan me permet d'identifier le discours dans lequel nous nous inscrivons pour faire lien, lien producteur d'un ʺvivre ensembleʺ social. Agent! Vérité! Autre! Production!! Sans vouloir trop développer ce dernier point – il pourrait faire l'objet d'une communication à part –, j'identifie à l'université que les thématiques autour de la santé mentale et des discriminations et des inégalités s'inscrivent dans un discours institutionnel de type capitaliste, discours qui produit un déchet « social » (c'estàdire les sujets concernés par les sujets tabous : sujet « individu » et « thème »). `!10 Ce discours capitaliste, caractéristique du modèle néolibéral, affecte le vivre ensemble et détruit le lien social, favorisant une situation de discrimination croissante, entre autres, des minorités non acceptées et par conséquent objectivées et traitées comme de véritables déchets du système. Dans la configuration de ce discours, le sujet $ (en position d'Agent) affiche un narcissisme qui commande au marché (S1), lequel mobilise la technoscience (S2) en position d'Autre, en charge de produire les objet s (a) susceptibles de compléter le sujet. !11 Ce discours pourrait expliquer le paradoxe et le faux dilemme supra développés et les résultats de l'enquête de la Commission européenne, de l'UNEF et de l'Université fédérale de Toulouse. Dans ce schéma, les sujets devenus sujets-déchets sont discriminés, stigmatisés (car anormaux) ou ignorés, écartés, mis à part. Le discours capitaliste nous invite à penser à la manière dont on pourrait changer de discours. Peut-être que les manifestations, les actions de protestation ou autres nous placeraient plutôt dans un discours de vérité (le discours de l'hystérique) pour pouvoir faire symptôme de l'institution et occuper la place d'Agent afin de produire un nouveau savoir je dis bien peut-être Cette approche permet de penser une production différente qui modifie, qui actualise la chaîne signifiante, qui a un impact sur les représentations sociales et qui pourrait favoriser l'émergence d'un savoir plus inclusif, moins stigmatisant et plus respectueux de la singularité du sujet et des droits et libertés. Dans ce discours, le ʺS1ʺ (la loi, l'ordre) n'est plus à la place dominante, c'est maintenant le ʺ $ʺ qui est le symptôme (plainte, grève, contestation, protestation comme réponse au maître) et aussi le sujet. Ce ʺ$ʺ occupe donc la place d'Agent, ce qui souligne que la souffrance et la singularité ont un pouvoir important (par exemple : demande sociale de certains malades pour obtenir plus de couverture médicale, association de malades, etc.). Dans ce discours, c'est la souffrance, la singularité qui fait lien social. !12! Comme le ʺS1ʺ occupe la place de l'esclave, il doit produire un savoir sur ce symptôme, cette souffrance (le ʺS1ʺ travaille). Le discours hystérique met à travailler le maître (partenaire, scientifique, psychologue, psychanalyste, médecin, etc.) – cf. le début de la psychanalyste par Freud – pour qu'il produise un savoir. Nous pouvons nous apercevoir que la seule manière de produire du savoir, c'est depuis le discours hystérique et pourtant En guise de conclusion je souhaiterais souligner :!13 - que le discours de l'hystérique fait rentrer dans le lien social le sujet-déchet (a) à travers le symptôme (plainte, protestation, contestation) : déchet lié aux objets (emballage du produit acheté, déchet issu de la production de l'objet, etc.) mais aussi déchet social (ceux qui sont exclus : fous par exemple, chômeurs) ; - que l'importance d'une communication interne intégratrice, organisante et multiculturelle est indispensable pour affronter les problématiques ici présentées ; - que l'effectivité et l'efficacité de la norme sont fondamentales dans ce contexte ; et - qu'on constate que chaque université mène ces combats à sa façon, selon le bon vouloir politique et parfois idéologique de ses élus, pas toujours sensibilisés à ces questions. Nous constatons des engagements à géométrie variable et à plusieurs vitesses, révélateurs d'une grande faiblesse pour affronter les problèmes de discriminations et d'inégalités. Pour finir, et conscient que ma communication fait justement symptôme au sein de l'université, j'espère que la pandémie de la COVID-19 nous permettra de prendre conscience et de repenser notre rôle ainsi que notre place pour faire face à cette problématique..
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Scénario du trou noir-et-blanc : fondement et évaporation
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Aix-Marseille Université École doctorale 352 Centre de Physique Théorique Thèse présentée pour obtenir le grade universitaire de docteur Discipline
: Physique et
Sciences de la
Ma
tière
Spécialité
: Physique Théorique et Mathématique
Pierre MARTIN-DUSSAUD
Scénario du
Trou Noir
-et-
Blanc
: Fondement et Évaporation Black-to-White Hole Scenario: Foundation and Evaporation Sou
tenue
le
30/06/2020 devant le jury composé
de
:
Aurélien BARRAU Seth MAJOR Francesca VIDOTTO Alejandro PEREZ Carlo ROVELLI Simone SPEZIALE Université Grenoble Alpes Hamilton College Western University Aix-Marseille Université Aix-Marseille Université Aix-Marseille Université Rapporteur Rapporteur Examinateur Examinateur Directeur de thèse Co-directeur de thèse Num
éro
national
de
thèse
/
suffix
e local
:2020
AIX
M0132/012
ED352
Résumé Introduction
La physique du début du XX e siècle a connu deux grandes révolutions conceptuelles qui ont bouleversé notre façon de voir le monde. La relativité générale, d’une part, décrit l’espace-temps à grande échelle ; la mécanique quantique, d’autre part, traite du comportement microscopique de la matière. Depuis lors, les physiciens sont en quête d’une théorie de la gravité quantique, qui réunirait les deux langages. Parmi les différentes approches possibles, la gravité quantique à boucle a émergé au début des années 1990, en appliquant à la relativité générale, une méthode canonique de quantification. Entre autres caractères, cette théorie présente une image discrète de l’espace. Un peu plus tard, la théorie des mousses de spin est venue compléter le tableau, en poursuivant une approche covariante du problème. Après 30 ans de développements théoriques importants, il est devenu urgent de mettre ces théories au banc d’essai. La tâche se révèle néanmoins ardue, tant le régime physique de la gravité quantique échappe jusqu’à présent aux expériences. Outre la cosmologie primordiale, les trous noirs semblent être les meilleurs candidats pour mettre en évidence des effets quantiques gravitationnels. Longtemps restés dans l’ombre des calculs, ces astres d’une densité extrême sont désormais observés en nombre dans le ciel. Dès 1974, des calculs de théorie quantique des champs en espace courbe ont montré, à la surprise des physiciens, que les trous noirs s’évaporent très lentement. Autrement dit, les trous noirs émettent un radiation thermique, si bien que leur masse diminue progressivement. Cette découverte majeure n’est pas sans difficulté, comme en témoigne le paradoxe de l’information, qui agite les théoriciens depuis bientôt 50 ans. Cependant, si l’on en croit les prédictions de la gravité quantique, un phénomène de rebond pourrait survenir avant même que l’évaporation commence. La singularité centrale, prédite par la relativité générale, devrait ainsi laisser place à une transition continue du trou noir vers un trou blanc. Bien que n’ayant été jusqu’à présent jamais observés, les trous blancs sont des solutions exactes des équations d’Einstein, correspondant au renversement temporel des trous noirs. Physiquement, leur horizon délimite une zone de l’espace-temps de laquelle toute matière se trouve expulsée. Selon ce scénario du trou noir-et-blanc, les trous noirs seraient en fait des étoiles effondrées, en train de rebondir sur elle-même. Leur explosion prochaine ne serait donc qu’une question de temps. Ce phénomène hypothétique a déjà fait l’objet d’analyses et de calculs. Il a ainsi été montré que le temps caractéristique de rebond pourrait être finalement plus long que le temps caractéristique d’évaporation. L’objet de cette thèse a donc été de revoir les fondements de ce scénario, et de proposer une modification substantielle de son modèle mathématique afin de prendre en compte les effets progressifs de l’évaporation. L’évaporation est donc remise au premier plan. C’est elle qui domine la première phase de l’évolution temporelle des trous noirs. La masse de ceux-ci diminuent progressivement jusqu’à atteindre l’échelle de Planck. C’est alors qu’intervient le processus quantique de transition qui provoque la métamorphose du trou noir en trou blanc. Cette fois, le trou blanc n’est plus qu’un vestige rémanent. Vu de l’extérieur, c’est une particule de taille planckienne, interagissant faiblement, mais son immense volume intérieur contient la fameuse information que l’on croyait perdue. Il lui faudra finalement pour exploser beaucoup plus de temps qu’il en a fallu au trou noir pour s’évaporer. Plan Les temples grecs partagent tous la même architecture de base. La chambre intérieure, appelée naos, abrite la divinité. Au milieu des 200 pages de cette thèse, le naos se situe au chapitre 15. Dans le cas malheureux d'un tremblement de terre, c'est la salle la plus susceptible de résister. Le touriste pressé peut s’y rendre directement, bien que ses yeux n'aient peut-être pas eu le temps de s adapter à l'obscurité du lieu. Il pourrait ne pas être en mesure d'apprécier ni les couleurs des peintures ni la délicatesse subtile des encens qui brûlent. Notre divinité est un trou noir-et-blanc planckien. Il est si petit que vous ne remarqueriez même pas sa présence s'il était assis devant vous. Cependant, leur existence au panthéon pourrait être requise pour l'harmonie de l'univers. Les arguments de la gravité quantique suggèrent qu'il pourrait être l'héritier légitime des trous noirs. En tant que tels, ils pourraient divulguer les informations que leurs parents avaient piégées, et leur abondance potentielle pourrait équilibrer la matière noire manquante. Mais soyons honnêtes, la divinité n'est jamais vraiment dans le naos. Seule une statue de celle-ci peut s’y trouver. Dans notre cas, vous trouverez un modèle de trou noir-et-blanc. Quelle que soit sa sacralité, la matérialité de la statue ne garantit pas l'existence réelle de la divinité. De même, notre modèle n'est pas une preuve de l'existence physique, aussi proche soit-il de résoudre les équations semi-classiques d'Einstein. C'est un type particulier de temple dans lequel nous entrons, où le doute est préférable à la foi. Il a fallu une centaine d'années pour que les trous noirs montrent enfin leur visage sombre après qu'ils furent inconsciemment décrits par Schwarzschild en 1916. Le 10 avril 2019, l'équipe de l’Event Horizon Telescope a révélé au monde la première image jamais prise d'un trou noir. Elle est venue comme le couronnement d'une série de preuves, accumulées depuis les années 1970, de l'existence de ces objets obscurs. Mais maintenant que leur existence est unanimement reconnue, les physiciens veulent savoir comment ils meurent. Hawking a montré de façon convaincante que les trous noirs s'évaporent, émettant un rayonnement ique qui les rétrécit très lentement. Concernant les étapes finales de l'évaporation, les mythes sont nombreux. Si seulement la gravité quantique était une science accomplie, la réponse nous serait probablement révélée. Mais un tel Graal n'a pas encore été trouvé, et nous nous contenterons d'incantations préliminaires, comme la théorie quantique des champs en l'espace-temps courbe. Ici, nous défendons un scénario suggérant la métamorphose ultime des trous noirs en trous blancs à longue durée de vie. S'il n'est pas encore prouvé, nous sommes convaincus qu'un tel scénario mérite réflexion, sinon sacrifice rituel. Avant d'atteindre le chapitre 15, il est conseillé au visiteur de passer du temps dans les chapitres précédents, ceux de la partie II, le pronaos, le porche, où l’on se prépare à rencontrer la divinité. La voie est pavée, étape par étape, pour introduire les ex-voto et les paroles rituelles : diagrammes conformes (un art pictural penrosien de la relativité générale), équations d'Einstein semi-classiques (une approche itérative de la gravité quantique), le paradoxe de l'information (la principale controverse scolastique des dernières décennies), les trous blancs (frères cachés des trous noirs). Le crépidome est la plate-forme à plusieurs niveaux sur laquelle le temple est érigé. Comme d’imposants blocs de marbre, chaque chapitre de la partie I est un soulagement pour la structure d’ensemble. Il jette de solides bases mathématiques pour un bâtiment physique résistant. C'est une propédeutique mathématique nécessaire, introduisant un langage propitiatoire pour faciliter les discussions physiques ultérieures. Il se concentre essentiellement sur les deux principaux groupes d'intérêt pour la gravité quantique, SU(2) et SL2(C), en passant par leur théorie représentations, la théorie du recouplage et leur analyse harmonique. Le crépidome prend du temps à être construit, et aucun temple n'est possible sans lui, mais une fois qu'il est fait, il reste presque inaperçu pour les physiciens, qui marchent dessus tranquillement. Le naos n'est pas le but ultime de notre visite. Après la rencontre avec la statue cultuelle, vient le temps des prières, rassemblées dans la partie III. En un sens, c'est encore un travail inachevé. Le beau formalisme des mousses de spin et des états cohérents est invoqué dans l'espoir d'un miracle : le calcul de l'amplitude de la transition du trou noir vers le trou blanc. Un tel miracle ne s'est pas encore produit, mais les prières se poursuivent et la foi augmente. Le cœur du temple est entouré d'une allée de colonnes, le péristasis. Il offre ombre et repos aux visiteurs. Le temple se trouve sur l'acropole de la physique théorique, s'élevant au milieu de son berceau qu’est la philosophie. Dans les deux chapitres de la partie IV, le lecteur est invité à contempler le paysage. La méditation commence par le concept de relationnalité : la nature est vue à travers les yeux d'un observateur. La notion est subtile et met en lumière la signification d'une amplitude quantique dans une théorie indépendante de l'arrière-plan de l'espace-temps. Le deuxième chapitre clarifie le sens de la notion connexe de (non)-localité. Il existe de nombreux temples dédiés aux trous noirs. Beaucoup sont tombés en ruine, mais la plupart ont contribué, dans une certaine mesure, à la quête collective du savoir. Dans cette thèse, j'ai essayé de clarifier la description mathématique du trou noir-et-blanc qui s'évapore, en accordant une attention particulière aux problèmes fondamentaux connexes. Si le voyage a été instructif pour moi, j'espère que ce manuscrit sera utile à d’autres. Partie I
Le rôle central de la théorie des groupes en physique a été largement révélé dans les théories modernes du XXe siècle. La gravité quantique ne fait pas exception. Les deux principaux groupes d'intérêt pour elle sont SL 2(C) et son sous-groupe SU(2). Cela peut sembler naturel puisque SL2(C) est, en un certain sens, la « version quantique » (plus précisément le recouvrement universel) du groupe de Lorentz restreint SO +(3, 1), qui est le groupe de symétrie de l'espace-temps de Minkowski, et de même, les symétries d'une tranche d’espace forment SU(2) ; mais la raison pour laquelle ces groupes apparaissent en gravité quantique est en fait plus subtile (voir chapitre 16). Même s'il existe de nombreuses monographies consacrées à cette théorie, les différents outils nécessaires (par exemple la théorie des représentations, l'analyse harmonique, la théorie du recouplage...) sont souvent dispersés dans différents livres, avec des conventions et des notations variées. Telle qu’il fut publié initialement, l’article de revue A primer of group theory for Loop Quantum Gravity and Spin-Foams [121] se voulait remplir trois fonctions principales : 1. Pour les étudiants, une introduction concise aux outils mathématiques essentiels de la gravité quantique à boucles. L’article comble un fossé entre le niveau des étudiants à la fin d'un programme de master et le niveau minimum requis pour commencer à faire de la recherche en gravité quantique à boucles. 2. Un recueil pratique pour les chercheurs. Au lieu d'avoir chaque formule dans un vieux livre lourd et différent, les plus utiles ont été rassemblées dans une boîte à outils concise. 3. Un pôle de traduction entre les conventions des principales références. Pour de nombreuses notions, chaque auteur a tendance à utiliser ses propres notations, ce qui rend difficile le passage aisé d'une référence à l'autre. L'article montre explicitement comment elles sont liées les unes aux autres. Cette première partie est une refonte de la revue [121]. Cependant, pour rester concise, cette thèse a été privée de ce dernier rôle de pôle de traduction. En outre, il y a moins de rappels, de preuves et de commentaires physiques. Néanmoins, il a été complété avec trois chapitres (1, 3, 6) absents de [121]. Bien que la plupart du contenu technique ne soit pas nouveau, la compilation globale l'est. Cette partie offre un support mathématique pour les trois parties suivantes, bien qu'il soit clair que tout ne sera pas utilisé plus tard. Ç’aurait pu être une annexe, mais les annexes sont souvent bâclées, tandis que les chapitres d'introduction sont soignés. En outre, les annexes ne sont jamais lues, alors que cette partie en vaut la peine. Dans une large mesure, elle est intéressante en soi. Le plan est le suivant: Le chapitre 1 traite de la notion fondamentale d'égalité. Le chapitre 2 résume toutes les bases de SU(2) et SL 2(C), les deux groupes de Lie d'intérêt principal pour la gravité quantique. Le chapitre 3 éclaire certains aspects géométriques des sphères. Le chapitre 4 catalogue différentes réalisations possibles des représentations irréductibles de SU(2), utilisées dans la littérature. Le chapitre 5 condense les principaux résultats de la théorie du recouplage de SU(2). Le chapitre 6 montre comment les fonctions sur SU(2) peuvent être décomposées en harmoniques. Le chapitre 7 développe la théorie représentations de SL 2(C). Le chapitre 8 tente de généraliser la théorie du recouplage à SL 2(C). Partie II Après une partie mathématique préliminaire, nous passons maintenant au cœur physique de cette thèse. Nous décrivons un scénario où les trous noirs ne sont pas éternels, mais plutôt des étoiles effondrées, sur le point de rebondir en trous blancs. Leur prochaine explosion ne serait qu'une question de temps. Pourtant, ce temps peut être si long, qu'ils s'évaporeraient d'abord, atteignant une taille planckienne, avant que le rebond n'ait une chance de se produire. De l'extérieur, le trou ressemble maintenant à une particule de masse planckienne, interagissant faiblement, mais son immense volume intérieur contient la fameuse information que l'on craignait de perdre. Avant que le trou blanc n’explose, un observateur lointain remarquerait un rayonnement sortant avec une énergie négative, prédisant le cataclysme. Ensuite, le rayonnement continuerait à être émis, cette fois avec une énergie positive. Nous parviendrons progressivement à cette conclusion en posant ses fondements, étape par étape, comme suit : Le chapitre 9 rassemble les outils techniques essentiels de la relativité générale et des trous noirs, utilisés plus tard dans cette partie. Le chapitre 10 est une introduction pédagogique et critique à l'art pictural des diagrammes conformes. Le chapitre 11 explique pourquoi et comment le trou noir s'évapore. Le chapitre 12 explore un débat de longue durée sur la perte d'informations sur les trous noirs. Le chapitre 13 sort les trous blancs hors de la cour des miracles astrophysiques. Le chapitre 14 expose et critique la transition trou noir/trou blanc. Le chapitre 15 construit un modèle mathématique qui décrit un nouveau scénario crédible. Parti
e III
Si elle existe, la transition trou noir/trou blanc procéderait de l’effet tunnel quantique. On s’attend donc à ce qu’une théroe de la gravité quantique fournisse des outils pour calculer l'amplitude quantique de la transition. La gravité quantique à boucles propose de tels outils, s'appuyant sur la définition d'une frontière entourant la région où les effets quantiques devraient être dominants. Dans nos modèles, cette région est un diamant central, et nous avons montré comment sa taille pouvait être réduite à l'échelle planckienne. Le calcul effectif de l'amplitude de transition confirmerait ou non les estimations précédentes de la probabilité de transition et de la durée de vie des trous noirs. Malheureusement, nous avons manqué de temps pour achever cette tâche, mais le travail est en cours. Les grandes symphonies ne doivent-elles pas demeurer inachevées? Néanmoins, nous dressons ici deux premiers échafaudages pour la poliorcétique du calcul. Le chapitre 16 résume le cadre formel des mousses de spin. Le chapitre 17 est un aperçu historique, conceptuel et technique de la notion essentielle d'état cohérent. Partie IV La gravité quantique est un défi pour les théoriciens et expérimentateurs, mais aussi pour les philosophes.
Dans le
fantas
me folklorique des physiciens, les philosophes jouent souvent
le rôle du prétentieux attardé.
Le dédain pour la philosophie
s’illustre bien dans cette citation de Feynman La philosophie de la science est aussi utile aux scientifiques que l'ornithologie aux oiseaux.1 Malheureusement pour lui, et malgré lui, il a été un grand philosophe de la physique. Si l’on reconnaît que l’objectif de la physique est bien de comprendre la nature, tout résultat technique est vain tant qu’il n’est pas articulé avec nos idées naïves sur la réalité. En gravité quantique, cela signifie relier le formalisme mathématique aux notions familières de l'espace et du temps de la vie quotidienne. Observer qu'un opérateur a un spectre discret est inutile, à moins qu'il ne soit dit précisément comment cet opérateur se rapporte au processus réel de mesure d’une aire. Autrement, parler d'un « opérateur d’aire » n'est qu’un jargon de perlimpinpin. Ensuite, la première marque d'honnêteté d'un physicien théoricien est de reconnaître que ses résultats techniques sont fondés sur des préjugés sur la nature de la réalité. Il appartient aux physiciens eux-mêmes de démystifier leur propre formalisme. Une telle position a conduit le mathématicien Jacques Harthong à écrire l'un des meilleurs cours d'introduction aux probabilités et aux statistiques [96]. Bien qu'officiellement reconnu comme un livre de mathématiques, il regorge d'idées physiques et philosophiques, qui brisent toute tentative de catégorisation. Il écrit dans son Avertissement Il est devenu courant de dévaloriser comme «philosophique» toute question non strictement technique, mais les questions auxquelles je tente de répondre dans ce livre ne sont pas de la philosophie, elles sont partie intégrante de la science au sens le plus strict. Notre voyage personnel à travers la gravité quantique nous a conduit à affronter avec perplexité et excitation le point de vue relationnel de la physique. Pour résumer, la physique jusqu'en 1925 est la physique des choses. Le cadre philosophique incontesté est 1 Attribué à Feynman par l'historien des sciences Brian Cox (selon Wikipedia). cartésien -il existe un monde au dehorset réaliste -les entités mathématiques correspondent à des objets physiques. Il a fait la gloire de la physique galiléenne et newtonienne, mais en 1925, Heisenberg provoque une rupture en écrivant Le présent article cherche à établir une base pour la théorie des quanta, fondée exclusivement sur des relations entre des quantités qui sont en principe observables. [103] La physique après 1925 est une physique des relations. Ces deux façons de voir la nature, comme choses ou relations, constituent le cœur du débat sur la nature de la réalité entre Bohr et Einstein [115]. La nouvelle perspective remet en question nos idées préconçues à tel point qu'il est tentant de la rejeter comme n’étant que trivialité ou non-sens. À ce stade, les philosophes viennent à la rescousse des physiciens perdus et les évitent de succomber à la tentation de se taire pour seulement calculer. Le chapitre 18 traite de la relationnalité, et est basé sur un exposé qui a été présenté lors de la conférence sur la structure d'information quantique de l'espace-temps (QISS) à Hong Kong en janvier 2020. Le chapitre 19 aborde la question de la (non)-localité, qui a été longuement débattue lors du Rethinking Workshop 2018 à Dorfgastein (Autriche), et a abouti l’article [121]. BLACK-TO-WHITE HOLE SCENARIO: F O U N D AT I O N A N D E VA P O R AT I O N
pierre martin-dussaud supervisors: Carlo Rovelli Simone Speziale rapporteurs: Aurélien Barrau Seth Major examiners: Francesca Vidotto Alejandro Perez Pierre Martin-Dussaud, Black-to-White Hole Scenario: Foundation and Evaporation, PhD thesis, Aix-Marseille Université, March 2020.
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H O RT A B S T R A C T
The physics of the beginning of the 20th century experienced two major conceptual revolutions that changed the way we see the world. General relativity, on the one hand, describes space-time on a large scale; quantum mechanics, on the other hand, deals with the microscopic behaviour of matter. Since then, physicists have been looking for a theory of quantum gravity, which would bring the two languages together. It is expected that such a theory profoundly changes our understanding of black holes, these extremely dense astrophysical objects, long remained in the shade of calculations, and now observed in droves in the sky. Quantum theory has already shown, as a first approximation, that a black hole slowly evaporates. Quantum gravity also predicts that such an object could metamorphose into a white hole, its time-reverse. In this thesis, we study the foundations of such a scenario and propose a mathematical model that includes the phenomenon of evaporation.
Version
française La physique du début du XXe siècle a connu deux grandes révolutions conceptuelles qui ont bouleversé notre façon de voir le monde. La relativité générale, d’une part, décrit l’espace-temps à grande échelle ; la mécanique quantique, d’autre part, traite du comportement microscopique de la matière. Depuis lors, les physiciens sont en quête d’une théorie de la gravité quantique, qui réunirait les deux langages. Il est attendu qu’une telle théorie modifie profondément notre compréhension des trous noirs, ces astres d’une densité extrême, longtemps restés dans l’ombre des calculs, et désormais observés en nombre dans le ciel. La théorie quantique a déjà montré, en première approximation, qu’un trou noir s’évapore lentement. La gravité quantique prédit par ailleurs qu’un tel astre pourrait se métamorphoser en trou blanc, son symétrique temporel. Dans cette thèse, nous étudions les fondements d’un tel scénario et proposons un modèle mathématique qui inclue le phénomène d’évaporation.
v LONG ABSTRACT
The physics of the beginning of the 20th century experienced two major conceptual revolutions that changed the way we see the world. General relativity, on the one hand, describes space-time on a large scale; quantum mechanics, on the other hand, deals with the microscopic behaviour of matter. Since then, physicists have been looking for a theory of quantum gravity, which would bring the two languages together. Among other possible approaches, loop quantum gravity emerged in the early 1990s, applying a canonical quantification method to general relativity. As one of its main feature, this theory presents a discrete image of space. A bit later, the theory of spin-foams came to complete the picture, by pursuing a covariant approach to the problem. After 30 years of important theoretical developments, it has become urgent to put these theories to the test. However, the task turns out to be difficult, as the physical regime of quantum gravity has so far escaped experimental reach. Besides primordial cosmology, black holes seem to be the best candidates for highlighting quantum gravitational effects. After a long time remained in the shade of calculations, these extremely dense astrophysical objects are now observed in droves in the sky. As early as 1974, calculations of quantum field theory in curved space showed, to the surprise of physicists, that black holes evaporate very slowly. In other words, black holes emit thermal radiation, so that their mass gradually decreases. This major discovery has also raised the information paradox, which has troubled theorists for almost 50 years. However, if the predictions of quantum gravity are to be believed, a bouncing phenomenon could occur even before evaporation begins. The central singularity, predicted by general relativity, should thus be smoothed out and give way to a continuous transition from the black hole to a white hole. Although never observed until now, white holes are exact solutions of the Einstein equations, corresponding to the time-reverse of black holes. Physically, their horizon delimits an area of space-time from which all matter is expelled. According to this black-to-white hole scenario, black holes would be collapsed stars, on the verge of bouncing back. Their coming explosion would only be a matter of time. This hypothetical phenomenon has already been the subject of analyzes and calculations. It has thus been shown that the characteristic bouncing time could be longer than the characteristic evaporation time. The goal of this thesis was vii therefore to review the foundations of this scenario and to propose a substantial modification of its mathematical model to take into account the progressive effects of the evaporation. Evaporation is therefore brought back to the fore. It dominates the first phase of the time evolution of black holes. Their mass gradually decreases until reaching the Planck scale. Then, the quantum transition process occurs and causes the metamorphosis from the black hole to the white hole. This time, the white hole is just a long-lived remnant. Seen from the outside, it is a particle of Planckian size, interacting weakly, but its immense interior volume contains the famous information that was feared to be lost. It will finally take a much longer time for the white hole to explode than it took for the black hole to evaporate.
Version française
La physique du début du XXe siècle a connu deux grandes révolutions conceptuelles qui ont bouleversé notre façon de voir le monde. La relativité générale, d’une part, décrit l’espace-temps à grande échelle ; la mécanique quantique, d’autre part, traite du comportement microscopique de la matière. Depuis lors, les physiciens sont en quête d’une théorie de la gravité quantique, qui réunirait les deux langages. Parmi les différentes approches possibles, la gravité quantique à boucle a émergé au début des années 1990, en appliquant à la relativité générale, une méthode canonique de quantification. Entre autres caractères, cette théorie présente une image discrète de l’espace. Un peu plus tard, la théorie des mousses de spin est venue compléter le tableau, en poursuivant une approche covariante du problème. Après 30 ans de développements théoriques importants, il est devenu urgent de mettre ces théories au banc d’essai. La tâche se révèle néanmoins ardue, tant le régime physique de la gravité quantique échappe jusqu’à présent aux expériences. Outre la cosmologie primordiale, les trous noirs semblent être les meilleurs candidats pour mettre en évidence des effets quantiques gravitationnels. Longtemps restés dans l’ombre des calculs, ces astres d’une densité extrême sont désormais observés en nombre dans le ciel. Dès 1974, des calculs de théorie quantique des champs en espace courbe ont montré, à la surprise des physiciens, que les trous noirs s’évaporent très lentement. Autrement dit, les trous noirs émettent un radiation thermique, si bien que leur masse diminue progressivement. Cette découverte majeure n’est pas sans difficulté, comme en témoigne le paradoxe de l’information, qui agite les théoriciens depuis bientôt 50 ans. Cependant, si l’on en croit les prédictions de la gravité quantique, un phénomène de rebond pourrait survenir avant même que l’évaporation commence. La singularité centrale, prédite par la relativité générale, devrait ainsi laisser place à une transition continue du trou noir vers un trou blanc. Bien que n’ayant été jusqu’à présent jamais viii observés, les trous blancs sont des solutions exactes des équations d’ stein, correspondant au renversement temporel des trous noirs. Physiquement, leur horizon délimite une zone de l’espace-temps de laquelle toute matière se trouve expulsée. Selon ce scénario du trou noir-et-blanc, les trous noirs seraient en fait des étoiles effondrées, en train de rebondir sur elle-même. Leur explosion prochaine ne serait donc qu’une question de temps. Ce phénomène hypothétique a déjà fait l’objet d’analyses et de calculs. Il a ainsi été montré que le temps caractéristique de rebond pourrait être finalement plus long que le temps caractéristique d’évaporation. L’objet de cette thèse a donc été de revoir les fondements de ce scénario, et de proposer une modification substantielle de son modèle mathématique afin de prendre en compte les effets progressifs de l’évaporation. L’évaporation est donc remise au premier plan. C’est elle qui domine la première phase de l’évolution temporelle des trous noirs. La masse de ceux-ci diminuent progressivement jusqu’à atteindre l’échelle de Planck. C’est alors qu’intervient le processus quantique de transition qui provoque la métamorphose du trou noir en trou blanc. Cette fois, le trou blanc n’est plus qu’un vestige rémanent. Vu de l’extérieur, c’est une particule de taille planckienne, interagissant faiblement, mais son immense volume intérieur contient la fameuse information que l’on croyait perdue. Il lui faudra finalement pour exploser beaucoup plus de temps qu’il en a fallu au trou noir pour s’évaporer.
ix P U B L I C AT I O N S
Some ideas and figures have appeared previously in the following publications: 1.
Pierre Martin-Dussaud. ‘Searching for Coherent States, From Origins to Quantum Gravity’. (2020). arXiv: 2003.11810. 2. Pierre Martin-Dussaud & Carlo Rovelli. ‘Evaporating black-towhite hole’. Class. Quant. Grav. (2019). arXiv: 1905.07251. 3. Pierre Martin-Dussaud. ‘A primer of group theory Loop Quantum Gravity and spin-foams’. Gen. Relativ. Gravit. 51, (2019). arXiv: 1902.08439. 4. Pierre Martin-Dussaud, Carlo Rovelli & Federico Zalamea. ‘The Notion of Locality in Relational Quantum Mechanics’. Found. Phys. 49, 96–106 (2019). arXiv: 1806.08150. 5. Carlo Rovelli & Pierre Martin-Dussaud. ‘Interior metric and ray-tracing map in the firework black-to-white hole transition’. Class. Quant. Grav. 35, 147002 (2018). arXiv: 1803.06330. xi
ACKNOWLEDGEMENTS
Marseilles was founded circa 600 BCE. The new colony was celebrated with the marriage of Protis, a greek settler from Phocaea, and Gyptis, the daughter of the chief of the local Ligurian tribe. It’s my turn to raise the ceremonial cup to the people, who have brought their sweat and stones to the edification of this PhD thesis. Carlo Rovelli, who has been a constant source of inspiration. Simone Speziale, for his twisted intellectual stimulation. Alejandro Perez, for his enthousiasm and his humour. The Italian Connection, Elena De Paoli, Giorgio Sarno, Tommaso De Lorenzo, Valeria Gelardi, Pietro Dona, Francesco Gozzini, Giovanni Rabuffo, Nicolas Pedreschi, Francesca Melozzi, Riccardo Catalano... The other journeymen, Thibaut Josset, Marios Christodoulou, Fabio D’Ambrosio, Daniel Martinez, Lautaro Amadei, Eduardo Velásquez, Andrea Di Biagio, Josephine Thomas, Adrien Kuntz, Hongguang Liu, Andrea Calcinari, Farshid Soltani... The Basic Research Community for Physics, and in particular, Alex Thomas, Adrian Fernandez Cid, Carlos Zapata-Carratala, Federico Zalamea, Flavio Del Santo, Isha Kotecha, Jan Glowacki, Jan-Hendrik Treude, Jérémy Attard, Johannes Kleiner, Robin Lorenz, Robin Reuben, Vaclav Zatloukal... All the researchers, who have contributed in a way or another: Abhay Ashtekar, Andrew Hamilton, Aurélien Barrau, Bianca Dittrich, Eugenio Bianchi, Francesca Vidotto, Hal M. Haggard, James M. Bardeen, John Baez, Jorma Louko, Laurent Freidel, Philipp Höhn, Seth Major... All the amazing teachers and mentors, who have taught me so much
the
astronomy
club
Orion
43
,
Georges
Paturel, Olivier Bordellès,
Dominique
Rou
x
, François
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Wo
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,
Alain
Audras, Hubert Guill
on
, Roger Mansuy,
Julien
Cubiz
olles,
Yves Du
val
, Ulrich Sau
vage,
Henning Samtleben, Marc Magro, Pascal Degiovanni, François Gieres, Sébastien Tanzilli, Olivier Alibart... The Marseillais, of birth or circumstance, who have made life more colourful these last few years: Lucas Trottmann, Adrian Moral Saiz, Brian Alejandro Castro Agudelo, Ewen Corre, Vladimir xiii Laletin, Violaine Chevrier, Tristan Martine, Gérald Souchet, Bernard Borgialli, Jean-Luc Mélenchon, Johan Laflotte, Lucas Matray, Théo Challande, Lucas Variol, Victor Chollat-Namy, Serge Long, Jordan Revah, Maxime Logerot, Antoine Pinaut, Christina Lasserre, Roméo Bigué, Hugo Maney, Théo Maillet, Timothée Verdier, Raphaël Cohen, William et Maëva, Rémi et Cathy, Gisèle Tappero, Julian Augé, Ivan Vidulic, Ante Ivcevic, Alice Billon, Céline Carru, Filippo Pasquali, my students, Pizza Charly, Lan Thai, O’Bidul... xiv
FOREWORD
La mer s’avance insensiblement et sans bruit, rien ne semble se casser, rien ne bouge, l’eau est si loin, on l’entend à peine... Pourtant elle finit par entourer la substance rétive, celle-ci peu à peu devient une presqu’île, puis une île, puis un îlot, qui finit par être submergé à son tour, comme s’il s’était finalement dissous dans l’océan s’étendant à perte de vue...1 — A. Grothendieck in [86] p. 502. Three years of PhD in Marseilles have taught me to sail over the large sea of loop quantum gravity. From the early canonical formulation of general relativity to the state-of-the-art spin-foams of the EPRL model, a patient work has made me familiar with the basic techniques that have been invented so far to quantize gravity in a backgroundindependent way. Meanwhile, I acquainted myself with the world of scientific research, and I would like to say a word about it, before delving into physics itself. However noble science may seem, we shall not forget that it is a human enterprise, embedded in the flow of historical contingencies. This PhD manuscript has been written in the context of the COVID-19 pandemic, the first global anguish since WWII, causing the lockdown of more than half of the world population. This time of break has been a time to draw a few human lessons, and I would like to take this opportunity to make some comments on the world of research. As I am just finishing a PhD, my eyes have not yet been accustomed enough not to notice a few disturbing aspects of this world. The two last centuries have seen an extreme fragmentation of research domains. It probably pertains to a more general division of work, taking place in a competitive global economy. There was a need for experts, a single person gathering an enormous amount of information about a very specific subject. Along this line, I have heard many times that a good PhD student should focus on a very specific question, follow a very narrow path and stick to it. Yet, I have often observed that this approach leads many, either to dogmatism or to disgust. Such advice is dispensed with benevolence, to face two major torments, to publish and to find a job. It is despairing to see how 1 Translation: The sea advances imperceptibly and without noise, nothing seems to break, nothing moves, the water is so far you hardly hear it... Yet it ends up surrounding the retive substance, little by little, it becomes a peninsula, then an island, then an islet, which ends up being submerged in turn, as if it had finally dissolved in the ocean stretching as far as the eye can see... In this excerpt, Grothendieck explains his method for solving mathematical problems, as opposed to the ‘chisel and hammer’ (brute force) method. xv much the publicly declared noble intentions of scientists are privately confessed to being overtaken by such petty considerations. Publishing has become the obsession of any serious researcher. From an anthropological point of view, it has really become the human practice that defines what science is about. But the exponential growth of articles production should not obscure the fact that papers, although cited, are not read. To be honest, they are often hardly readable. As a fetish, they help to convince oneself that something has been achieved. As an economic item, they fulfil a purely bibliometric function, showing that their authors are still in the game, that they still produce. You are congratulated whenever you publish, whatever you publish. Citations are brandished as certifications that the path is right and that research is making progress. Meanwhile, teaching activities or pedagogical papers are despised for not being original. Innovation has been erected as a new totem, but in practice, it is often just noisy merchandising of old ideas, if not fencing. In short, we publish faster than we think. This trend is pushed forward by the few historical publishers who dominate the market. They demand and pretend to publish only breakthroughs and highly-original research. It is just one more lie of their economical model, which rests on the free-work of researchers to produce and review articles, and the paywall for them to access the published works. Despite general disapproval of this blatant despoliation of public money, the initiatives to fight it are few, and publishing in Nature or Science is still a dream for many of us. In this competitive atmosphere, the specialisation of science has created clans, jealous of their expertise and positions. In that respect, a PhD is an initiatory ritual to enter a closed community, to learn its jargon, to manage its keywords, to hear its gossip and silent grudges too. The allegiance is not the result of a careful pondering of scientific arguments, but rather a bet of trust between human beings. Finding a job has become a necessary threat for young researchers to comply with the existing system. It justifies some blindspots of our behaviours, like the intense use of planes, contrasting with the usual diligence of scientists to engage against climate change. What’s more, the efficiency of this job market is by far questionable, as so many days of work are wasted into paper-work, filling up dozens of applications, writing hyperbolic cover letters, and fashionable research statements. My portrait of the economy of science production is certainly partial and somehow exaggerated. But I think its exaggeration goes together with an excess of truth. It is not a lesson of moral, as I am far from being myself exempt from contradictions. But I keep thinking things may be different. In the last few decades, the fast development of the Internet network has made available to everyone an unprecedented amount of xvi highly specialised knowledge. The paradigm of production and consumption of scientific knowledge has switched from rarity to overabundance. This calls for the rise of wide-ranging physicists, working at the intersection of fields, seeking for structural understanding, conceptual clarity and synthesis more than fashionable bells and whistles. Slow science. During this PhD, my everyday motivation was nourished by a personal feng shui that seeks constant harmony between conceptual and technical approaches. I wish the future will let me the chance to pursue in my way this millennial quest for understanding Nature.
xvii
CONTENTS
List of figures Acronyms Notations Introduction i 1 2 3 4 5 6 7 mathematical propaedeutics equality warmup 2.1 Basics of SL2 (C)........... 2.2 Spacetime symmetries....... 2.3 Sub-groups of SL2 (C)....... 2.4 Decomposition of SL2 (C)..... 2.5 Basics of SU(2)........... 2.6 The rotations SO(3)......... 2.7 Measure and integration...... 2.8 Representations........... 2.9 Intertwiners............. 2.10 Induced representations...... music of the spheres 3.1 Variations upon a sphere...... 3.1.1 The sphere S2........ 3.1.2 The Riemann sphere.... 3.1.3 The complex projective line 3.2 Tautological bundle O(−1)..... 3.3 Hopf fibration............ representation theory of su(2) 4.1 Irreps of SU(2)............ 4.2 Angular momentum realisation.. 4.3 Homogeneous realisation..... 4.4 Projective
realisation........
4.5
Spinorial realisation......... recoupling theory of su(2) 5.1 Clebsch-Gordan coefficients.... 5.2 Invariant subspace......... 5.3 Wigner’s 3jm-symbol........ 5.4 Wigner’s 4jm-symbol........ 5.5 Wigner’s 6j-symbol......... 5.6 Graphical calculus......... harmonic analysis over SU(2) 6.1 Harmonic analysis over U(1)... 6.2 Harmonic analysis over SU(2).. representation theory of sl 2 (C) xxv xxviii xxix xxxi......................... 2 3 5 5 6 7 10 11 12 13 14 15 16 19 19 19 19 20 21 23 27 27 28 30 32 32 37 37 39 40 42 43 44 51 51 52 53 xix Finite irreps.............. Infinite irreps............. Principal unitary series........ 7.3.1 Induced representation... 7.3.2 Homogeneous realisation.. 7.3.3 Projective realisation..... 7.3.4 SU(2)-realisation....... 7.3.5 Canonical basis........ 7.3.6 Action of the generators... 7.3.7 SL2 (C) Wigner’s matrix... 8 recoupling of sl 2 (C) 8.1 SL 2 (C)-Clebsch-Gordan coefficients 8.2 Graphical calculus.......... 7.1 7.2 7.3 ii of black and white holes 9 general relativity lifebelt 9.1 Hypersurface
......... 9.2 Curvature........... 9.3 Action.............. 9.4 Junction conditions...... 9.5 Energy conditions....... 9.6 Horizon............. 9.6.1 Event horizon..... 9.6.2 Apparent horizon... 10 conformal diagrams 10.1 Conformal transformation.. 10.2 2D Minkowski space-time.. 10.3 4D Minkowski space-time.. 10.4 Schwarzschild space-time.. 10.5 From stars to black holes... 10.5.1 Spherical star..... 10.5.2 Collapsing null shell. 10.5.3 Vaidya space-time.. 10.6 Ethics of conformal diagrams 11 black hole evaporation 11.1 Hawking radiation...... 11.2 The back-reaction....... 11.3 Vacuum state......... 11.4 Application to black holes.. 11.5 Hiscock model......... 12 information paradox 12.1 Black hole explosion..... 12.2 Information is lost...... 12.3 Information is trapped.... 12.4 Information comes out.... 12.5 Firewall............. xx....................... 53 55 56 56 57 58 59 60 62 62 65 65 67 69 71 71 72 73 73 74 75 75 75 77 77 78 80 82 83 83 84 85 88 91 91 93 93 95 96 101 101 102 102 104 107 12.6 Information is degraded..............
.... 13 white holes 13.1 White analogues....................... 13.2 Lagging-cores........................ 13.3 Instability.......................... 13.3.1 Classical instability................. 13.3.2 Quantum instability................ 13.3.3 No future?...................... 14 black-to-white hole 14.1 Variations on a theme................... 14.1.1 Frolov and Vilkovisky............... 14.1.2 Hajicek and Kiefer................. 14.1.3 Ashtekar, Olmedo and Singh........... 14.2 A research programme................... 14.2.1 Quantum effects.........
.........
1
4.2.2 Planck stars
.....
................ 14.2.3 Fireworks...................... 14.2.4
Phenomenological consequences
......... 14.3
Characteristic time-scale
.................. 14.3.1
Tunnelling by path integral
............ 14.3.2
Euclidean quantum gravity
............ 14.3.3
Black hole lifetime
................. 14.4
Objections
..........................
14.4.1 Conical singularity
.
................
14.
4.2 Instability......................
14.
4.3 Dissipative effects..................
14.5
Interior metric
........................
14.5.1 Kruskal origami................... 14.5.2 Across the singularity...... ......... 14.5.3 The diamond B................... 14.5.4 Relighting the fireworks.............. 14.5.5 Conformal diagrams of the improved fireworks 14.6 The ray-tracing map....................
15 evaporating black
-
to
-
white hole 15.1 Toy model.......................... 15.2 Model I............................ 15.2.1 Across the bouncing shell............. 15.2.2
Conform
al diagram I................ 15.2.3 Planckian quantum region............ 15.2.4 Positive energy
flux
along I+........... 15.2.5 Stability....................... 15.
3 Model II
...........................
15.3.1 Inside outgoing flux................
15.3.2
Conformal diagram II...............
15.3.3
Negative energy flux
along
I
+
.
......... 15.4 Conclusion..........................
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01/tel.archives-ouvertes.fr-tel-03403219-document.txt_4
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Open Science
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(.) Ainsi, pour la lentille à immersion, w ̃′ (z0 ) = 0 est la définition du mot parallèle ̃0′ = w0′. C'est pour cette raison qui reproduit le comportement du cas classique, où w que w ̃′ correspond à l'inclinaison du faisceau telle que perçue par la lentille, et qu'un faisceau parallèle pour la lentille est un faisceau tourbillonnant pour l'objet. L'inverse est aussi vrai : pour avoir un faisceau parallèle du point de vue d'un objet en immersion, alors il faut que l'illumination soit tourbillonnante ; un rayon en apparence parallèle à l'axe optique se comporte alors pour la lentille à immersion comme un rayon oblique. Une propriété particulière aux lentilles magnétiques est le fait qu'à forts courants, l'effet de la lentille peut résulter en une oscillation du faisceau autour de l'axe optique (figure.1). La lentille devient alors l'équivalent d'un ensemble complexe de plusieurs lentilles, un effet que l'on utilise essentiellement dans les lentilles objectif à immersion, comme celle de l'ITEM. Ce comportement s'explique facilement du fait que l'équation.
. Optique électronique x y O z Figure. – Représentation de faisceaux parallèles, au sens optique, sur un objet en immersion. Les faisceaux sont définis tels que w(1) = g(z)e iχ(z)+θ0, où les θ0 sont régulièrement espacés autour de l'axe. paraxiale est analogue à l'équation différentielle d'un oscillateur harmonique dont la pulsation serait variable suivant z ; les solutions de l'équation paraxiale ne sont donc pas des sinusoïdes, mais présentent tout de même un caractère oscillant par rapport à l'axe optique. Les déflexion
s à faibles courants sont donc le résultat d'une oscillation de très grande longueur d'onde confinée dans le gap de la lentille.
2.5.6.6 Propriétés d'imageries et plans conjugués
Qu'elle soit utilisée pour agrandir l'image d'un échantillon ou modifier ses conditions d'illumination, l'altération du faisceau réalisée par une lentille se fera en produisant l'image d'un objet dans l'espace. Cette reproduction ne se fait pas de manière équivalente en tout point : c'est à dire qu'en fonction de la position z sur l'axe optique, l'image sera plus ou moins déformée. On peut définir, à l'ordre linéaire, un type de plan pour lequel l'image n'est pas déformée, ce qui peut se reformuler comme un plan dans lequel l'image d'un point par la lentille reste un point ; on appelle un tel plan plan image ou. Théorie 1.5 1 0 −2 0.5 h g ⋅ 1 cm B0 0 0.5 1 1.5 2 2.5 z [cm] 3 3.5 4 4.5 B0 [T] u [cm] 2 0 5
Figure.1 – Représentation des rayons fondamentaux g et h de la lentille objectif de l'ITEM, pour un courant de 1 A et un plan objet situé hors du champ magnétique. La fonction g étant adimensionnée, elle est multipliée par une longueur de 1 cm pour pouvoir être représentée sur le graphe avec une échelle commune à h. plan gaussien, et le phénomène correspondant la formation d'une image stigmatique (cf. figure.). Cela signifie essentiellement
que si
l'
on
néglige les aberrations
, alors
l'image formée dans ce plan
est parfaitement
nette
. Un tel
plan
image de coordonnée zimg doit respecter l'équation suivante : w(1) (X0, zimg ) = f(x0, y0 ), (.) c'est à dire que peu importe les conditions initiales, la position dans le plan zimg ne dépend que de la position dans le plan z0. Autrement dit, tous les rayons qui partent du même point du plan objet s'intersectent en un même point dans le plan image. Cela implique en particulier que pour X0,i ≠ x0, y0 : ∂w(1) (X, z ) = 0, ∂X0,i 0 img (.) or, w(1) ne dépend que de z, x0, y0, a 0 et b0, ce qui implique donc : (w | a)(zimg ) = (w | b)(zimg ) = 0, (.) les deux équations étant équivalentes à l'équation suivante : h(zimg )e iχ(zimg ) = 0, (.). l'effet des aberrations étant de limiter la résolution du microscope, détruisant la no tion de netteté parfaite, et introduisant un plan dit de moindre confusion, légèrement décalé suivant z et où la netteté est maximale 1..
Optique électronique u [cm] 1 0 0.5 h g ⋅ 1 cm uany B0 0.4 0.3 I O 0.2 −1 0.1 −2 0 0 0.5 1 1.5 2 2.5 z [cm] 3 3.5 4 4.5 B0 [T] 2 5
Figure. – Exemple de formation d'image pour la lentille objectif de l'ITEM à A. Le champ magnétique est représenté sur la courbe grise, afin de localiser la lentille. Les rayons fondamentaux h et g sont représentés respectivement en bleu et en orange, et un rayon quelconque supplémentaire uany partant de l'objet O est tracé en rouge. (.) Un plan image correspond donc à un zéro de la fonction h. Dans le cas général, h admet par définition au moins un zéro en z0, qui n'est pas un plan image ; en revanche, tous les autres zéros s'ils existent sont des plans images. Ainsi, il est possible que la lentille, pour un plan objet et un courant donnés n'admette aucun plan image, tout comme elle peut en admettre 1,, ou plus. Lorsque l'on réalise une succession de lentilles, le plan objet de la seconde lentille devient le plan image de la première ; on appelle alors ces plans objet-image des plans conjugués. Un plan image définit par la propriété h(zimg ) = 0 s'appelle en particulier un plan image réel : c'est-à-dire qu'il a une existence physique, et qu'on peut par exemple placer un écran phosphorescent pour observer une image à cette position. Ce concept n'est cependant pas toujours suffisant ou satisfaisant. Pour le constater, utilisons deux lentilles en succession, comme sur la figure.. On remarque que dans cette configuration, il n'existe qu'un seul plan image réel I2, en sortie de la deuxième lentille. Cependant, on voit bien que dans ce cas précis, sans cette deuxième lentille, un plan image existerait en I1, et que cette même lentille semble conjuguer ce plan I1 avec le plan I2. Ce type de plan image, défini comme l'intersection avec l'axe optique de l'asymptote du rayon axial h en sortie de la lentille, s'appelle un plan image asymptotique, analogue au concept d'image 11.
Théorie u [cm] I2 I1 0 I2′ 15 10 5 −2 B0 [T] h B0 2 0 0 1 2 3 4 5 6 z [cm] 7 8 9 10
Figure. – Montage imaginaire où deux lentilles objectif de
l'ITEM seraient mises en succession, la première à A et la seconde à 1. A. La géométrie du champ magnétique est tracée en gris, tandis que le rayon h du système est en bleu. I1 est le plan image asymptotique de la première lentille, qui ne possède pas de plans réels. I2 et I2′ sont les plans réels de la seconde lentille. I2 joue de plus le rôle de plan image asymptotique pour cette dernière. virtuelle de l'optique photonique. De manière équivalente, on peut définir le plan I1 comme étant le plan objet asymptotique de la deuxième lentille ; on parlera dans le cas général de plans conjugués asymptotiques, par opposition aux plans conjugués réels, vus auparavant. un autre exemple de la nécessité de définir des plans asymptotiques est montré sur la figure., où l'on voit qu'une image réelle se forme dans le champ de la première lentille, et qu'elle ne correspond pas à l'image asymptotique que voie la deuxième lentille ; si ce plan image réel est utile si l'on a besoin de diaphragmer l'image, il ne permet pas l'interprétation de la conjugaison des deux lentilles.
2.5.6.7 Caractéristiques associées aux propriétés d'imagerie
Pour caractériser optiquement une image réelle par rapport à son objet, il est utile de définir quelques grandeurs. Le grandissement linéaire Gl représente le rapport de taille entre l'image et son objet, une fois la rotation de Larmor compensée. Il est algébrique, et donc négatif si l'image est inversée par rapport à son objet. Il se calcule comme suit :
Gl = e (1) (X, z ) 0 img w(1) (X0, z0 ) −iχ(zimg ) w 1 (.).. Optique électronique 0 u [cm] h B0 I1′ I1 −2 I2
15 10 5 −4 −6 B0 [T] 2 0 0 1 2 4 3 5 6 z [cm] 7 8 9 10
Figure. – Montage imaginaire où deux lentilles objectif de l'ITEM seraient mises en succession, la première à 1. A et la seconde à A. La géométrie du champ magnétique est tracée en gris, tandis que le rayon h du système est en bleu. I1′ est le seul plan image réel de la première lentille, et I1 son plan
image asymptotique. La seconde conjugue le plan image asymptotique I1 avec son propre plan image I2. (.) Dans ce contexte, le théorème de Lagrange-Helmoltz n'est plus valide, et il faudra se référer à l'identité d'Abel de l'équation..
2.5.6.8 Plans cardinaux
Comme on vient de le voir, la caractérisation des propriétés optiques paraxiales se fait intégralement à partir des rayons fondamentaux g et h. Puisque ces deux rayons permettent de distinguer les comportements du faisceau en inclinaison et en position dans le plan objet de la lentille, ils suffisent à la caractériser entièrement d'un point de vue linéaire ; ils la déterminent ainsi en temps que fonction. Cependant, la visualisation des courbes associées à g et h se fait difficilement en simultané de celle d'un faisceau spécifique réel que l'on voudrait étudier. Les informations contenues dans ces rayons principaux sont nécessaires à la compréhension de notre faisceau spécifique, mais la multiplication du nombre de courbes à consulter en même temps rend la tâche difficile.
1.
.
Optique
électronique
Γ G Γ G u [u.a.] 1 F 0 H H′ F′ −1 0 0.5 1 1.5 2 2.5 z [cm] 3 3.5 4 4.5 5
Figure. – Représentation des rayons G (bleu) et G (orange) de la lentille objectif de l'ITEM pour un courant de A ; leurs asymptotes Γ sont Γ sont représentées en pointillés. On trace alors F et F ′ aux intersections entre lesdites asymptotes et l'axe optique ; pour H et H ′, on cherche l'intersection entre les asymptotes à ±∞ pour respectivement Γ et G.
Si
l'
on rajoute une hypothèse supplémentaire, qui est de considérer la lentille comme une boite noire dont seule la relation entre l'entrée et la sortie nous intéresse, alors une représentation équivalente à g et h existe, sous forme de plans perpendiculaires à l'axe optique. Cette hypothèse est toujours valide, à l'exception de deux cas : le cas des lentilles à immersion, où la lentille ne peut pas être considérée comme une boite noire car elle contient l'objet ; et le cas où un diaphragme doit être placé à l'intérieur de la lentille, ce qui est déterminé lors de la conception du microscope car la lentille doit être prévue pour accueillir ce diaphragme. Pour l'ITEM, seule la lentille objectif et son diaphragme répondent à ces critères. Pour toutes les autres lentilles, nous pouvons utiliser cette représentation sous forme de points, plus compacte, et qui se superpose facilement à celle d'une autre courbe. (.) En appliquant le même raisonnement que tout à l'heure, et en remarquant que : ′ G (−∞) = −g ′ (+∞), (.) il vient alors que F et H sont définis par : lim G(z) = −(z − zF )g ′ (+∞), z→−∞ zH = zF − 1. g ′ (+∞) (.) (.) Pour comprendre pourquoi cette représentation en points cardinaux peut se substituer aux rayons fondamentaux, il faut d'abord réaliser que G et G forment une base alternative 1..
Optique électronique
Γ Γ η u [u.a.] 2 F 0 H H′ 0 0.5 1 1.5 2 F′ 2.5 z [cm] 3 3.5 4 4.5 5
Figure. – Représentation des rayons Γ (bleu) et Γ (orange) de la lentille objectif de l'ITEM pour un courant de A avec leur plans cardinaux. En rouge est représenté un rayon η, combinaison linéaire de Γ et Γ telle que η(z0 ) = 0 et η ′ (z0 ) = 1, qui est l'équivalent de h dans cette approximation asymptotique. à celle constituée par g et h. On peut ainsi définir toute solution de l'équation paraxiale.11 dans cette base alternative : (u ∣ Xi
)(z
) =
Ai G(z
)
+ Bi G(z
). (.) Cette formulation est tout aussi valide et porteuse d'information que celle en termes de g et h, son défaut étant d'être évidemment moins pratique pour définir un faisceau en termes de ses coordonnées dans le plan objet. Son avantage est en revanche qu'en utilisant notre hypothèse où la lentille est une boite noire, alors nous pouvons approximer G et G par leurs asymptotes respectives Γ et Γ sans perte d'exactitude : 1 z ≤ zH ′, Γ(z) = { (z − zF ′ )G ′ (+∞) z > zH ′ (.1) (z − zF )G (−∞) z ≤ zH Γ(z) = {, 1 z > zH (.) ′ et alors exprimer les solutions de l'équation paraxiale comme ceci : (u ∣ Xi )(z) = Ai Γ(z) + Bi Γ(z). (.) Cette approximation, présentée sur la figure., est reliée par construction aux points cardinaux asymptotiques, et ce sont ces deux représentations qui sont donc équivalentes. À l'instar des plans conjugués, on peut aussi définir à partir de G et G des plans principaux réels, qui ne nécessitent pas d'utiliser l'hypothèse de la boite noire. Ceux-ci 1. Théorie ne présentent cependant que peu d'intérêt donc nous ne les définirons pas - exception faite du plan focal image, qui est l'endroit où l'on devra placer un diaphragme si l'on veut sélectionner les faisceaux diffractés par l'objet. Celui-ci est alors défini comme étant le lieu des de la fonction g, qui peut en admettre un seul, plusieurs, ou encore n'en admettre aucun. Les plans principaux asymptotiques peuvent aussi être utilisés pour représenter des systèmes de plusieurs lentilles que l'on veut utiliser comme une seule grosse boite noire, mais nous ne le ferons pas ici. En effet, nous voulons comprendre le comportement de chaque composant en temps qu'entité indépendante. 2.5.7 Méthodes numériques pour l'optique électronique
Dans les sections précédentes, nous avons décrit comment caractériser un système optique, au travers du calcul des trajectoires des électrons qui le traversent, des coefficients du développement en série d'aberrations, et de paramètres optiques tels que les différents grandissements et plans du système. Un prérequis implicite à tous ces calculs est la connaissance préalable de la distribution du champ électromagnétique, que l'on doit préalablement déterminer à partir des dessins des composants optiques. Pour cette raison, tout calcul d'optique électronique se fait systématiquement en deux grandes étapes : 1. On détermine la distribution du champ électromagnétique, en résolvant les équations de Maxwell avec des conditions aux limites issues du dessin des composants optiques. On utilise la distribution de champ préalablement calculée pour déterminer le comportement des électrons, soit par le calcul des coefficients du développement en série d'aberrations, soit par le calcul de trajectoires électroniques spécifiques via les équations de Newton. Comme souvent en physique, la résolution de problèmes réels passe par l'usage de logiciels et de méthodes numériques. Quelques logiciels d'optique électronique existent sur le marché, et sont capables de résoudre les deux aspects que présente un problème d'optique. Au cours de cette thèse, nous avons utilisé deux logiciels commerciaux différents, à savoir EOD (Electron Optics Design) et SIMION. EOD (Lencová et Zlámal ) est un logiciel capable de simuler tout type de lentilles magnétique et d'en déterminer les différents coefficients d'aberration, mais qui ne permet pas de simuler des assemblages complexes de composants sans un besoin gigantesque d'espace mémoire. SIMION (Dahl ) quant à lui, peut simuler un grand nombre de composants simultanément et fait du calcul de trajectoire électronique mais ne supporte que les lentilles non saturées et les composants linéarisés. Dans notre usage, SIMION sert à simuler l'intégralité du microscope, alors qu'EOD intervient dans la phase de construction de la simulation afin de réaliser différentes calibrations. Dans la suite, après avoir présenté 1.. Optique électronique les différentes méthodes numériques disponibles pour l'optique électronique, nous discuterons de l'implémentation qui en est faite par ces deux logiciels.
2.5.7.1 Calcul du champ électromagnétique
Les équations de Maxwell forment un système d'équations aux dérivées partielles linéaires, que l'on peut alors résoudre avec les méthodes numériques habituelles. Les trois principales familles de méthodes sont les suivantes : - Les méthodes de différences finies (finite difference method, FDM), qui consistent à discrétiser le domaine de l'équation étudié en échantillonnant la solution sur une grille régulière. Les différentes dérivées deviennent alors de simples soustractions entre différents points de la grille, et la résolution de l'équation consiste alors à itérer de nombreuses fois ces soustractions en chaque point de la grille, jusqu'à converger vers une solution. - Les méthodes d'éléments finis (finite element method, FEM), qui consistent à discrétiser le domaine via un maillage constitué de polygones droits ou curvilignes - souvent des triangles - de dimensions variables, ce qui permet de faire varier la résolution de la simulation dans l'espace en fonction des besoins. On peut alors définir des fonctions polynomiales sur ces polygones, ce qui forme une base d'autant de fonctions que de polygones ; en réexprimant l'équation différentielle sous forme variationnelle, et en l'appliquant à cette nouvelle base, on obtient un système d'équations linéaires que l'on peut résoudre pour obtenir la solution qui, étant donné notre maillage et notre choix de polynôme, approxime le mieux notre équation. - Les méthodes d'éléments frontière (boundary element method, BEM), qui consistent à reformuler le problème sous la forme d'une équation intégrale définie sur les bords du domaine d'intérêt ; elles ne s'appliquent donc qu'aux systèmes dont les équations peuvent être reformulées de cette manière. On peut alors résoudre cette équation sur une discrétisation des bords ; réduisant ainsi d'un ordre la dimensionnalité du problème.
L'évaluation de l'é
intégrale sur cette discrétisation donne alors un système d'équations linéaire qui se résout par les méthodes habituelles. Ainsi, à partir d'une information surfacique connue - par exemple le potentiel à la surface d'une électrode - on détermine une quantité surfacique inconnue - la distribution surfacique des charges correspondante. Le potentiel - ou le champ - volumique peut alors être calculé à partir de cette information de surface. Comparer les performances de ces trois approches n'est pas tâche aisée, tant cela dépend du problème étudié, des méthodes utilisées, de la précision désirée et des temps de calculs acceptés. Dans leurs formulations habituelles, les méthodes de différences finies sont les plus simples à implémenter et les plus rapides aux précisions faibles ; 1. Théorie cependant, si des précisions élevées sont requises, le nombre de noeuds nécessaire et le temps de calcul associé deviennent prohibitifs face aux autres méthodes. De plus, elles sont mal adaptées aux géométries courbes complexes, qui s'adaptent mal à un format de grille, et nécessitent alors d'augmenter drastiquement le nombre de noeuds ; d'autre part, les géométries présentant des électrodes à différentes échelles, comme par exemple un canon dont la taille est de l'ordre du mètre alors que la pointe est nanométrique, nécessitent à priori que la grille soit de l'ordre de la plus petite échelle du système, ce qui encore une fois fait exploser le nombre de noeuds à utiliser. En revanche, ces méthodes se montrent d'une efficacité redoutable pour des problèmes sans grande variation d'échelle, et où les formes géométriques des électrodes s'adaptent à la grille. Les méthodes d'éléments finis, elles, permettent de s'adapter très finement aux besoins de la géométrie et des différentes échelles du système. L'implémentation est en revanche bien plus difficile, mais de nombreux logiciels existent, la rendant facilement accessible. Les méthodes d'éléments frontières sont, elles, plus limitées, en le sens qu'elles ne peuvent pas être appliquées à tous les types de problèmes ; elles s'adaptent cependant à toutes les géométries et échelles, à l'instar des éléments finis. Elles sont de plus généralement plus faciles à implémenter que les éléments finis, et permettent contrairement à ceux-ci de résoudre le problème dans un espace infini, là où les éléments finis et les différences finies nécessitent de restreindre l'espace à une boite de dimension finie. En revanche, si elles né ent en général moins de noeuds que les éléments finis, le temps de calcul par noeud est nettement supérieur ; en conséquence les éléments frontières ne se montrent plus efficaces en temps de calcul que pour des ratios surface sur volume faible.
2.5.7.2 Calcul optique
Que l'on s'intéresse à la résolution de l'équation paraxiale, à la résolution des équations de la dynamique de Newton, ou aux équations des coefficients non linéaires du développement en série d'aberration, il est nécessaire de pouvoir résoudre des équations différentielles ordinaires d'ordre. Ce type de problème a été largement étudié par le passé, en raison de l'importance des équations linéaires du second ordre en physique, et de nombreuses méthodes de calcul numérique existent - que l'on appelle schémas numériques dans le contexte des équations différentielles ordinaires. Ces méthodes fonctionnent en discrétisant la fonction y(t) recherchée sur un ensemble fini de valeur de t. On définit alors les suites tn et yn = y(tn ). On appelle le pas numérique hn = tn+1 − tn la distance entre deux valeurs contiguës de t. Un schéma numérique peut être explicite ou implicite, et à pas fixe ou à pas variable. Dans le cas d'un schéma numérique à pas fixe, la suite hn est constante et égale à une valeur h ; plus h est petit, mieux la suite yn approchera la fonction y. Les méthodes à pas fixe fonctionnent bien dans le cas de problèmes ayant peu de 11.. Optique électronique différences de variations et d'échelles, comme c'est le cas pour les systèmes intégrables ; mais il est souvent nécessaire que le pas s'adapte dynamiquement aux variations du problème tout au long de la résolution : c'est ce que permettent les méthodes à pas variables, qui proposent, en plus de la méthode de résolution de l'équation différentielle, un critère d'évaluation de l'erreur faite sur la solution calculée, critère permettant de faire varier hn au cours des itérations. Ces méthodes nécessitent une légère itération à chaque étape tn de calcul, et sont donc plus lourdes que les méthodes à pas variables. Une autre caractéristique des schémas numériques est d'être explicite ou implicite. Dans une méthode explicite, on utilise l'équation différentielle discrétisée pour faire dépendre la valeur de yn+1 uniquement de la valeur de yn et de tn ou de tn+1 ; cette façon de faire présente l'avantage d'être directe. Une méthode implicite, quant à elle, va utiliser l'équation différentielle pour construire une équation algébrique de yn+1 , qui dépendra en plus de yn, tn et tn+1, et qu'il faudra résoudre avec des méthodes itératives, de type algorithme de Newton ; cette façon de faire présente l'avantage d'augmenter la stabilité de la résolution, c'est-à-dire le fait que la solution yn ne diverge pas de la fonction y, mais au prix d'une augmentation drastique du temps de calcul. Les méthodes explicites à pas fixe, les plus simples, ne sont stables que pour des problèmes restreints, où un pas h peut être estimé. En pratique, les méthodes explicites à pas variables sont préférées, pour leur robustesse et leur flexibilité qui leur permet de s'adapter à des problèmes arbitraires sans perte de stabilité pour un surcoût en temps de calcul peu important - voire compensé par le fait que l'on peut se permettre d'être moins conservatif sur le pas choisi, ce qui réduit le nombre d'étapes de calcul nécessaire. Le gain en stabilité apporté par les méthodes implicites à pas fixe sur une méthode explicite à pas fixe est souvent surpassé par celui qu'apporterait une méthode explicite à pas variable, pour un coût inférieur en temps de calcul. Le passage à des méthodes implicites à pas variable n'est généralement justifié que pour les systèmes où les méthodes explicites à pas variable présentent des problèmes de stabilité. Parmi les méthodes à pas fixes les plus utilisées, on compte les méthodes explicites et implicites de Runge-Kutta, généralement utilisées à l'ordre, et la méthode de Verlet, qui est une méthode explicite. Les méthodes à pas variables se basent souvent sur les méthodes de Runge-Kutta, en résolvant deux solutions simultanément que l'on peut comparer pour estimer l'erreur commise, via des méthodes qui utilisent deux pas simultanés ou deux ordres simultanés ; si l'erreur mesurée est supérieure à un certain seuil, le pas est réduit, si elle est inférieure à un autre seuil, il est augmenté. L'équivalent de Runge-Kutta d'ordre pour les méthodes à pas variable est la méthode de Runge-Kutta-Fehlberg d'ordre mixte -, qui résout simultanément le problème avec une méthode de Runge-Kutta d'ordre et une autre d'ordre. Dans la suite, nous présentons la méthode Runge-Kutta d'ordre, utilisée extensivement par SIMION et que j'ai implémentée pour ma propre simulation paraxiale présentée section..
111. Théorie Méthode de Runge-Kutta 4
Soit l'équation différentielle suivante : y ′ = f(t, y), y(t0 ) = y0, (.) où y est une fonction de t, pouvant être vectorielle, que l'on cherche à obtenir. La méthode Runge-Kutta résout cette équation sur un ensemble discret de valeurs tn, yn avec n entier tel que : tn = nh + t0 { yn = y(tn ) (.) où h représente le pas de discrétisation de t. (.) (.) (.) (.) Le fait que Runge-Kutta puisse s'opérer sur des fonctions vectorielles est nécessaire pour pouvoir résoudre les équations de Newton, qui sont vectorielles contrairement à l'équation paraxiale. Pour utiliser Runge-Kutta sur une équation linéaire du second ordre, il nous faut la formuler sous la forme de l'équation.. Soit l'expression générale d'une telle équation : y ′′ (t) + a(t)y ′ (t) + b(t)y(t) = d(t), (.1) où a, b et d sont des fonctions de t connues. Il nous faut ensuite convertir cette équation du second ordre en équation du premier ordre. Pour ce faire, introduisons la fonction vectorielle y(t) suivante : y(t) = ( y(t), y ′ (t)) 11 (.).. Optique électronique où y est une fonction vectorielle si y est scalaire, mais peut être une matrice si y est elle-même vectorielle. Dérivons y : y ′ (t) y′ (t) = ( ′′ ). y (t) (.) En introduisant l'équation.1, cette équation devient :
y′
(
t
)
= ( y ′ (t
),
d(t) − a(t)y ′ (t) − b(t)y(t)) (.) y′ (t) = ( 0 1 0 y(z) + (. −b(t) −a(t)) d(t))
(.) Cette dernière équation est donc l'équation à résoudre, et elle nous donne la forme de f: 0
1 0 f(t, y) = ( y+(. ) −b(t) −a(t) d(t)) 2.5.
7.3 (.) SIMION
SIMION est un logiciel d'optique des particules chargées initialement conçu pour le domaine des accélérateurs de particules. Caractérisé par sa simplicité, sa robustesse et sa flexibilité, il repose sur la méthode des différences finies ainsi que sur la résolution des équations de Newton, ce qui lui permet de simuler un grand nombre d'élément simultanément. SIMION est extensible via le langage Lua, ce qui permet d'augmenter ses capacités facilement et de l'adapter à un large panel de problèmes. Pour toutes ces raisons, nous avons utilisé cet outil pour réaliser la simulation complète du microscope. SIMION se spécialise historiquement dans la résolution de problèmes électrostatiques, où le potentiel électrostatique V suit une équation de Laplace : ΔV = 0. (.) Pour cette raison, le solveur au coeur de SIMION est dédié à cette équation de Laplace. Certains problèmes magnétiques peuvent s'exprimer de manière similaire, et SIMION les supporte aujourd'hui ; il s'agit des problèmes admettant l'existence d'un potentiel scalaire magnétique ψ, comme définit en section..., ce qui est le cas des lentilles magnétiques. Cependant, les effets liés aux propriétés optiques du matériau ne sont pas modélisés, et ce solveur échoue donc à caractériser les lentilles saturées. D'autres solveurs sont disponibles à l'essai dans la version de développement de SIMION, mais nous ne les avons pas utilisés. Pour la résolution des équations du mouvement, SIMION utilise une méthode de Runge-Kutta à pas variable, avec un algorithme de choix du pas conçu sur mesure, 11. Théorie par et pour SIMION. L'équation de Newton suivante, qui inclut le champ électrique, est résolue en fonction du temps : r̈ = −γ −1 (ṙ) e E(r) − eṙ × B(r)), m( (.) où E et B sont obtenus par différence numérique des potentiels V et ψ correspondants, et où le facteur de Lorentz γ est un simple facteur correctif dépendant de la vitesse. Ces potentiels sont calculés sur une grille, qui est caractérisée par un pas spatial ; l'algorithme de détermination du pas temporel est conçu de sorte à corréler ces deux pas, afin que chaque pas temporel corresponde approximativement à un déplacement de l'ordre d'un pas spatial. En effet, le pas spatial correspond à la résolution spatiale du champ : si le pas temporel est trop grand, il introduit un déplacement spatial trop important qui va négliger les subtilités du potentiel sous-jacent et la précision va en pâtir ; si le pas temporel est trop petit, le déplacement spatial sera plus petit que la résolution du potentiel, ce qui augmente le nombre d'étapes de calcul à réaliser, pour un gain en précision nul, et le temps de calcul va en pâtir. Déterminer les trajectoires électroniques via les équations de Newton au lieu du calcul des coefficients d'aberration est un choix dont les conséquences ne sont pas anodines. En effet, si l'avantage premier est que l'on connaît alors la distribution du faisceau pour une configuration donnée, avec le minimum d'approximation possible, le principal défaut est qu'il est difficile de discriminer les effets des aberrations, ou de déterminer leurs expressions par ce moyen. Il est possible de déterminer les valeurs des coefficients d'aberration en faisant varier les conditions initiales dans le plan objet et en utilisant une régression polynomiale dans le plan image, mais cela demande le calcul d'un grand nombre de trajectoires pour que la régression soit fiable. En revanche, les caractéristiques du faisceau calculées ne sont pas faussées à cause d'une aberration injustement négligée.
Tableaux de potentiels
Un projet SIMION se subdivise en de nombreux fichiers différents. Au coeur de ceux qui nous intéressent, on trouve les fichiers les plus fondamentaux, les fichiers, qui stockent les potentiels sous forme de tableau. Un fichier encode au choix un potentiel électrostatique ou magnétostatique, sous la forme d'une grille bidimensionnelle rectangulaire ou tridimensionnelle parallélépipédique. Le potentiel représenté par un fichier est toujours tridimensionnel, mais le support de différentes symétries permet de réduire la taille des tableaux, ou de les ramener à des tableaux bidimensionnels, ce qui réduit l'impact mémoire et le coût en temps de calcul de ces tableaux. Les symétries supportées sont la symétrie cylindrique, très utilisée en microscopie pour les lentilles et le canon par exemple, qui rend le tableau bidimensionnel ; la symétrie de translation suivant un axe perpendiculaire, utilisée pour les biprismes suivant l'axe du filament, qui.pa.pa 11.pa.. Optique électronique rend aussi le tableau bidimensionnel ; et finalement les symétries planaires suivant les axes Ox, Oy et Oz, qui permettent de diviser la taille du tableau par pour chaque axe de symétrie, utilisée pour réduire encore la taille des biprismes. SIMION propose un mécanisme, appelé fast-adjust, permettant d'accélérer grandement le calcul de tableaux de potentiels, à la condition que le système soit constitué exclusivement d'électrodes à potentiel constant, un cas particulier qui arrive fréquemment en électrostatique, et pour lequel on peut se ramener en magnétostatique dans le cas de pièces polaires non saturées. L'idée fondamentale est que, par linéarité du potentiel, la solution correspondant à une combinaison linéaire d'électrodes est la combinaison linéaire des solutions individuelle. SIMION exploite cette propriété pour réaliser des bases de solutions, en résolvant autant de solutions qu'il y a d'électrodes différentes - en considérant un potentiel de 1 V pour l'électrode concernée et nul pour les autres électrodes -, une opération lourde en temps de calcul mais que l'on ne réalise qu'une seule fois, et qui permet ensuite d'accélérer drastiquement le calcul des champs, qui devient un simple calcul de combinaison linéaire. Pour distinguer les fichiers de potentiels utilisant ce mécanisme des autres, SIMION défini plusieurs nouveaux types de fichiers : le, le et les n où n est un entier. Le est un fichier de potentiel spécial, qui sert à définir dans l'espace les positions des différentes électrodes ; il s'agit en réalité d'un fichier de potentiel normal, mais que SIMION va interpréter de sorte à considérer tous les points du tableau porté à un potentiel de 1 V comme faisant partie de l'électrode 1, ceux portés à V comme faisant partie de l'électrode, etc. C'est lors du calcul de ce fichier particulier que SIMION va générer le et les n. Chaque n est un fichier de solution classique dont seule l'extension change, et qui correspond à une électrode donnée ; c'est-à-dire qu'il a été résolu en appliquant 1 V à la ne électrode, et V à toutes les autres. Le quant à lui contient la combinaison linéaire des électrodes, c'est à dire qu'à chaque étape de fast-adjust, le résultat sera stocké dans ce fichier ; il s'agit encore une fois d'un fichier classique, à l'exception près que des données supplémentaires sont insérées à la fin du fichier pour renseigner sur les paramètres utilisés lors du calcul préalable ainsi que sur les potentiels actuels des différentes électrodes. Ainsi, le représente le fichier non résolu, les n sont les fichiers intermédiaires permettant l'étape de fast-adjust, et le est le résultat de cette même étape. Notons qu'il peut être désirable d'utiliser dans un même projet deux partageant les mêmes n mais ayant des potentiels différents - par exemple quand deux composants sont identiques, comme les lentilles et de l'ITEM. Dans ce cas, on peut utiliser une extension l où l est une lettre de l'alphabet latin, ce qui permet d'avoir jusqu'à fichiers partageant les mêmes n, mais ayant des potentiels différents. P2.pa.pa.pa. Théorie Table. –
Structure générale d'un fichier. Un est un nombre à virgule flottante est un tableau de dimension variable contenant des. Le -bit, et un est définit table., et le table..pa [f64]
f64 Footer nom type description header Header pa0_footer Footer Entête, cf. table. Tableau de potentiel Pied, cf. table. (si values f64 [f64].pa0
Header
seulement) Un fichier est un fichier binaire little endian structuré comme sur la table., par un entête, le tableau des valeurs du potentiel représenté, et dans le cas des fichiers un pied. Le tableau contient des nombres à virgule flottante double précision classiques, tels que définis par la norme IEEE, qui représentent le potentiel stocké en chaque point de la grille en Volts pour les tableaux électrostatiques et en Mag pour les tableaux magnétostatiques. Les Mags sont une unité de SIMION, 1 Mag correspondant à 1 Gauss fois une unité de grille. Les valeurs V(x, y, z) de potentiels sont organisées par ordre lexicographique inversé, c'est-à-dire V(0, 0, 0), puis V(1, 0, 0), jusqu'à V(Nx, 0, 0), puis V(0, 1, 0) jusqu'à V(Nx, 1, 0), etc. jusqu'à V(Nx, Ny, 0), puis V(0, 0, 1) jusqu'à V(Nx, Ny, Nz ). SIMION fait la distinction entre les points appartenant à une électrodes et les points dans le vide. Pour ce faire, l'information est stockée dans la valeur de potentiel, de la manière suivante pour le potentiel d'un point appartenant à une électrode :.pa.pa0 (.) V. (x, y, z) = V(x, y, z) + 2 ⋅ Vmax, pa où Vmax est une constante arbitraire choisie supérieure au potentiel maximal du système, et on peut alors tester si un point est une électrode en vérifiant : (.) Vmax < V. (x, y, z). pa L'entête, présenté sur la table., permet d'encoder différentes informations :, qui vaut −2 dans la version - La version du format utilisé via l'entier -bit actuelle de SIMION. - Si la symétrie est planaire (1) ou cylindrique (), via l'entier -bit. - Le maximum de potentiel supporté par le tableau, en Volts ou en Mags, via le flottant -bit. - Les taille du tableau dans les trois dimensions via les entiers,,. est particulier, car son bit de poids le plus faible encode s'il y a - L'entier symétrie planaire par rapport à l'axe x, le deuxième bit de poids le plus faible s'il y a symétrie planaire par rapport à l'axe y, le troisième s'il y a symétrie planaire par rapport à l'axe z, et le quatrième si le potentiel est électrostatique () ou pa mode symmetry max_voltage nx flag 11 ny nz.. Optique électronique magnétostatique (1). Le reste de l'entier, divisé par et arrondi à l'inférieur, représente un facteur que SIMION appelle, qui n'a effet que pour les tableaux magnétiques, qui vaut 1 par défaut et que nous laisserons à cette valeur. Il s'agit d'un facteur de proportionnalité permettant de multiplier les valeurs du potentiel magnétique par un entier lors de la résolution des équations de Newton. - Si est inférieure ou égale à -, les flottants -bit,, permettent d'encoder les pas spatiaux de la grille en mm dans les dimensions.
ng mode
dx_mm dy_mm
dz
_mm Table. – Structure de l'entête d'un fichier. Un est un entier signé de -bit, est un entier non signé de -bit et un est un nombre à virgule flottante de un -bit..pa u32 nom mode f64 type description i32 symmetry u32 nx u32 max_voltage ny nz flags dx_mm dy_mm dz_mm i32 f64 u32 u32 u32 f64 f64 f64 Version du format Si la symétrie est cylindrique () ou planaire (1) Maximum de potentiel supporté par le tableau Taille du tableau dans la dimension x Taille du tableau dans la dimension y Taille du tableau dans la dimension z Diverses informations sur le fichier en codées bit à bit Pas spatial de la grille suivant x en mm (si mode < -) Pas spatial de la grille suivant y en mm (si mode < -) Pas spatial de la grille suivant z en mm (si mode < -).pa
Dans le cas d'un fichier, quelques informations supplémentaires présentées sur la table. sont nécessaires à SIMION, et stockées à la fin du fichier : - Le nombre d'électrodes, représenté par l'entier -bits. - La tension qui a été utilisée comme référence pour résoudre les n, représentée par le flottant -bits. -, un tableau de valeurs - minimum -, contenant des entiers -bits qui représentent les positions respectives des électrodes dans le tableau. Cette information n'est utile que pour servir de référence dans l'interface graphique de SIMION, et si le tableau est absent. Nous n'y porterons pas beaucoup d'importance. permet de déterminer comment est organisée la - Un entier de -bit, suite du fichier. Actuellement, si cette valeur vaut, le fichier s'arrête là, et si elle vaut 1, alors le fichier est suivi du tableau. -, est un tableau de valeurs contenant des flottants -bits, représentant le potentiel, en Volts ou en Mags, auquel est porté chaque électrode. Il n'est vaut 1. Dans le cas contraire, SIMION identifie les présent que si pa0 ne indexes voltage ne e_values pa0_flag e_values e_values ne pa0_flag 11.pa. Théorie potentiels de chaque électrode en observant la valeur du tableau à l'index correspondant à l'électrode, dans le tableau. Tous les fichiers que nous utiliserons seront muni de ce tableau.
values indexes.pa0 Table. – Structure du pied d'un fichier. Un est un entier non signé de -bit, un est un nombre à virgule flottante de -bit, et un est un tableau de de taille. u32 f64.pa0 u32 N [u32; N] nom type description ne u32 indexes [u32; N] [f64; ne] Nombre d'électrodes Potentiel avec lequel les n ont été résolus er Index du 1 pixel de chaque électrode ( = max(, )) Flag déterminant comment est organisée la suite du fichier Potentiel de chaque électrode (Si vaut 1) voltage pa0_flag e_values f64 u32.pa N ne pa0_flag Fichiers de projet
Pour réaliser une simulation rigoureuse du système optique il faudrait user de deux tableaux de potentiels, un électrostatique et un magnétostatique, couvrant tout l'espace occupé par le système afin de rendre compte des effets du champ dans tout l'espace et des interactions entre composants. Cependant, de tels tableaux nécessitent un maillage suffisamment fin pour pouvoir matérialiser la variation de champ la plus fine du système, taille de maille que l'on doit alors appliquer sur tout le tableau car la taille de maille ne peut pas varier ; l'empreinte mémoire résultante est prohibitive, tout comme le temps de calcul nécessaire à la résolution du tableau - par exemple, l'ITEM nécessiterait un tableau électrostatique de l'ordre de m sur 1 m, avec une taille de maille de nm afin de modéliser la pointe, ce qui représente. × 11 points, une capacité qui excède même la mémoire vive de Summit, le supercalculateur classé premier au Top de novembre 1 (« November 1 | TOP » 1). Une approche plus pragmatique consiste à décomposer le système en plusieurs tableaux, séparés par des zones dans lesquelles on négligera le champ. En pratique, on réalisera un tableau par composant optique. Il est alors nécessaire de pouvoir positionner dans l'espace les différents tableaux les uns par rapport aux autres, et de résoudre les conflits en cas de superposition de tableaux ; c'est le rôle du format (Ion Optics Workbench), le format de projet de SIMION..iob 11..
O
ptique électronique Table. – Structure des informations générales d'un, telles que stockées dans un. Un est un entier non signé de -bit, un est un entier non signé de -bit, un est un nombre à virgule flottante de -bit, un est un tableau de de taille et un un est un tableau de de taille variable. Les sont définit table., et les sont définis table.1..iob u32.pa u32 f64 u8 N [u32] PotDat nom type anonyme [u8; 15] [f64; pa_datas [MetDat; N] pa_pots [PotDat; N] u32 num_pa u32 order_list [u8] [u32; N] MetDat description iob_dims num_pa u32 6] Constantes magiques Boite englobante de l'espace de travail Nombre de dans le Liste des, cf. table. (min( ) = ) Redite du nombre de Potentiels par, cf. table.1 (min( ) = ) Liste des superpositions de.pa.iob.pa.pa.pa.pa N N
Le format est un format non-documenté de SIMION, et qu'il me fallait être capable de générer, pour répondre à certaines difficultés rencontrées au cours de cette thèse. J'ai dû comprendre la structure ce type de fichier, pour lequel les spécifications ne sont pas fournies. Voici donc le résultat des spécifications que j'ai déterminé via mes recherches, et que j'utilise dans mes programmes ; des erreurs peuvent toutefois s'être glissées. Un fichier est un fichier binaire little endian structuré comme sur la table. : - Le fichier commence tout d'abord par quelques constantes magiques ( ), c'est-à-dire des valeurs qui permettent à Simion de détecter que le fichier est bien un. Il s'agit de la suite de caractères, suivie de la suite d'octets, écrite sous forme hexadécimale. - Viennent ensuite les coordonnées des limites de la boite englobante de l'espace de travail, sous la forme d'un tableau de flottants -bit (xmin, ymin, zmin, xmax, ymax, zmax ). référencés par le fichier, l'entier -bit. - Suit alors le nombre le - Les métadonnées relatives aux référencés sont stockées dans la liste, dont les éléments sont détaillés dans la table. et décrits plus loin. Cette liste fait une taille égale à, sauf dans le cas où < ; dans ce cas la liste contient éléments. référencés sont stockées dans - Les métadonnées relatives aux potentiels des la liste, dont les éléments sont détaillés dans la table.1 et décrits plus loin. Comme pour, cette liste fait une taille égale à, sauf dans le cas où < ; dans ce cas la liste contient éléments. - Le fichier se clôt par une liste de chaînes de caractères ASCII de tailles variables, selon la convention du C - où une chaîne de caractère représente ses éléments.iob.iob Magic Constants.iob SIMIOB 0xff7f020027ffffff7f.pa num_pa.pa pa_datas num_pa pa_pots num_pa num_pa.pa pa_datas num_pa 11. Théorie par des entiers -bits, et où la fin de la chaîne est signalée par le nombre. Cette dans l'ordre dans lequel il se superposent : liste contient les nom des fichiers c'est-à-dire que si deux fichiers se recouvrent sur une région de l'espace, c'est le potentiel du fichier le plus bas dans cette liste qui est pris en compte..pa
.pa Table. – Structure des informations générales ( ) d'un, telles que stockées dans
un. Un est un entier non signé de -bit, un est un entier non signé de -bit, un est un nombre à virgule flottante de -bit, et un est un tableau de de taille. .iob MetDat u32 f64 u32 type dims_iob_ref [f64; 6] [f64; 6] xyzwo [f64; 3] rot_cs u32 el f64 xyzwb [f64; instance_scale f64 f64 filename [u8; header anonyme 3] f64 rot [f64; 64] 20] Header u32 N] description dims_pa_ref anonyme [u32; N nom az u8.pa Boite englobante du dans le référentiel du Boite englobante du dans le référentiel du Offset à l'origine du dans le référentiel du Offset à l'origine du dans le référentiel du Facteur multiplicatif à l'échelle de la grille Flag signalant le type de rotation dans l'espace Angle azimutal Angle d'élévation Angle de rotation Buffer vierge utilisé en interne par SIMION Nom du fichier en ASCII, avec l'extension Copie de l'entête du fichier, cf. table. Marqueur de fin de données valant.pa.iob.pa.pa.pa.iob.pa.pa.pa.pa
Les métadonnées relatives aux enregistrés dans le, excepté pour les valeurs de potentiels, sont décrites dans la table., qui contient les éléments suivants : - La boite englobante du fichier dans le référentiel du,. Cette boite est sous la forme d'un tableau (xmin, ymin, zmin, xmax, ymax, zmax ) de flottants -bit. Elle représente la boite limite dans l'espace du fichier après avoir pris en compte toutes les opérations de translation, rotation, mise à l'échelle du, telles que décrites par le reste des métadonnées. - La boite englobante du fichier dans le référentiel du,. Cette boite est aussi sous la forme d'un tableau de flottants -bit (xmin, ymin, zmin, xmax, ymax, zmax ). Elle représente la boite limite dans l'espace du fichier avant d'avoir pris en compte les opération de transformation du, et en développant les opérations de symétries. - Un offset à l'origine du dans le référentiel du,. Cette translation est représentée sous la forme d'un tableau de flottants -bit (x, y, z). Cet dans l'espace. Attention, recouvre offset permet de repositionner le.pa.iob.pa.iob dims_iob_ref.iob.pa.pa.pa.pa dims_pa_ref.pa.pa.iob.pa 1 xyzwb xyzwb..
Optique électronique Figure. – Représentation du vecteur d'orientation d'un de SIMION, à partir des angles et. az el.pa dans le repère global une fonctionnalité similaire à, mais ces deux variables ne sont pas égales et représentent deux translations différentes que l'on doit ajouter pour obtenir la translation totale. Table.1 – Structure des informations de tension ( ) d'un, telles que stockées dans un. Un est
un entier non signé de -bit, un est un entier non signé de -bit ne pouvant valoir que ou 1, un est un nombre à virgule flottante de -bit, et un est un tableau de de taille..iob PotDat u32 [f64; f64 N] f64.pa bool N nom type description pa_index u32 voltages [f64; Index du dans la liste des du Si le fichier est un ou un Liste des potentiels actuels par électrode (min( ) = ) is_pa0 bool.pa N].pa 1.pa.pa0.iob N..
Optique électronique
Les métadonnées relatives aux potentiels des électrodes des enregistrés dans le sont décrites dans la table.1, qui contient les éléments suivants : - L'index du référencé dans la liste des métadonnées, sous la forme d'un entier -bit,. - Si le est un, donc un fichier avec plusieurs électrodes identifiables, sous la forme d'un entier -bit ne pouvant prendre que les valeurs ou 1,., représentée comme - La liste des potentiels des différentes électrodes, une liste de flottant -bit, de taille correspondant au nombre d'électrodes, pour un minimum de. Si le fichier est un classique, seule la première valeur de ce tableau sera utilisée, contrairement à s'il s'agit d'un..pa.iob.pa.pa pa_datas pa_index.pa0 voltages.pa is_pa0.pa0
Fichiers de scripts
SIMION propose des capacités de scripting Lua permettant d'étendre ses possibilités. Lua est un langage de programmation léger conçu initialement en 1 pour être un langage d'extension générique, intégrable facilement dans n'importe quel logiciel. SIMION propose deux modes d'utilisation de Lua. Le premier est un mode de contrôle externe, avec lequel on va utiliser Lua pour détailler une suite d'opération à réaliser avec Lua. Le second est un mode de contrôle en vol, qui permet d'exécuter du code Lua à différentes étapes du calcul des trajectoires.
2.5.7.4 EOD
EOD est un logiciel d'optique électronique spécialement conçu pour le design de lentilles, qui propose divers modules d'extensions. Il supporte indifféremment les lentilles électrostatiques et électromagnétiques à symétrie cylindrique, peut importer des dessins CAO, résoudre des problèmes d'optiques tels que la détermination de l'excitation permettant de focaliser dans un plan donné. 2.6 Interaction homme-machine 2.6.1 Principe
L'Interaction Homme-Machine (IHM) est le domaine de l'informatique qui s'intéresse à l'ensemble des aspects de la conception, de l'implémentation et de l'évaluation des systèmes informatiques interactifs. Son but est de trouver les moyens les plus efficaces, accessibles et intuitifs permettant aux utilisateurs de compléter une tâche le plus rapidement et le plus précisément possible. Il s'agit d'un champ de recherche très interdisciplinaire, qui va puiser ses théories et concepts dans de multiples domaines scientifiques, à la croisée entre l'informatique, les facteurs humains, les sciences cognitives, les sciences sociales. Pour comprendre, décrire, et expliquer les relations entre humains et systèmes informatiques afin de concevoir au mieux des systèmes à forts degrés d'utilisabilité, l'Interaction Homme-Machine a développé au cours du temps des méthodes et des outils,. d(t), dans l'équation.1 1.. Interaction homme-machine comme la conception participative (Mackay et al. 1). Ces méthodes, que nous avons utilisées au cours du projet, sont nécessaires pour comprendre l'organisation du travail, des tâches et les besoins des microscopistes ; l'idée étant de s'extraire d'une approche d'ingénierie classique pour interroger le problème et les utilisateurs, et co-construire un système interactif répondant aux exigences d'un contexte d'usage complexe. 2.6.2 Conception participative
En IHM la conception de systèmes interactifs suit généralement une démarche de conception participative. Cette méthode permet de répondre au mieux aux besoins réels des utilisateurs, en les intégrant dans le cycle de conception. En effet, l'utilisateur est la personne la mieux placée pour connaître la façon dont le système final doit être utilisé. Il a des besoins, des attentes et il sait aussi ce dont il ne veut pas. Il est donc important de le faire participer activement à la conception du futur système. La conception participative s'articule en quatre phases (figure.), que l'on itère tout au long du projet : 1. L'observation et l'analyse, qui visent à comprendre la pratique de travail ainsi que les problèmes que doit résoudre le nouveau système. La génération d'idées, qui vise à imaginer des solutions nouvelles aux problèmes posés pendant la phase précédente, afin de ne pas se restreindre à l'existant. La conception, où l'on conçoit et implémente une ou plusieurs solutions à partir des éléments obtenus lors des phases précédentes. En fonction du stade d'avancement du projet, une telle implémentation peut aller du prototype papier au prototype fonctionnel implémenté dans le langage objectif. L'évaluation, qui consiste à déterminer les meilleurs choix de conception des prototypes développés précédemment. La bonne conduite de ces quatre phases, couplé à la participation de l'utilisateur tout au long du processus permet sur le long terme de converger sur un système qui répond de manière adaptée aux besoins de l'utilisateur et du contexte d'usage. Pour conduire chacune de ces étapes, le spécialiste IHM dispose d'un grand nombre d'outils. Dans la suite, nous présentons ceux qui se sont vus utilisés au cours de cette thèse
. 2.6.2.1 Méthodes d'observation et d'analyse
L'interview in-situ consiste à observer et enregistrer - filmer - sur le terrain les utilisateurs se servant du système. Le but est de comprendre l'activité, et d'identifier les gros problèmes liés à celle-ci. Au cours de l'entretien, filmé par une personne qui fait office de caméraman, l'utilisateur va réaliser une tâche que l'on cherche à étudier et qui sera définie préalablement à l'interview. Au moins deux observateurs sont nécessaires, 1. Théorie Figure. – Les étapes de la conception participative. afin de prendre en note ce que fait l'utilisateur et lui poser des questions permettant de mieux cerner son usage. 1.. Interaction homme-machine
Figure. – Extrait de storyboard. optionnellement
, réaliser un
tri
et un
vote des idées
produites, pour identifier lesquelles plaisent le plus. Le modus operandi utilisé lors de ce projet consistait, au cours d'une première phase, à écrire individuellement des idées sur post-it - une idée, un post-it - pour ensuite, dans une deuxième phase les mélanger et les lire, en les triant au tableau en fonction du problème ou besoin qu'elles adressaient, puis en échangeant et votant sur les idées préférées des personnes en présence. De nouvelles idées pouvaient émerger lors de cette deuxième phase, que l'on rajoutait alors au tableau.
2.6.2.3
Le prototypage et la conception sont parmi les rares activités qui s'effectuent en l'absence de l'utilisateur ; le principe est d'exploiter les informations récoltées lors des phases d'observations, d'analyse et d'évaluation, et de tester les nouvelles idées produites. En fonction de l'avancement du projet, il est possible de produire des prototypes plus ou moins poussés, que l'on désigne par les qualificatifs de prototype basse fidélité dans le cas de prototypes faciles et rapides à produire, mais peu précis, et de prototype haute fidélité pour les prototypes plus proches d'un produit final, mais nécessairement plus longs à produire. Les phases de prototypage précédent l'implémentation du produit final, mais peuvent ensuite s'opérer en parallèle de celui-ci, dans le but de le faire évoluer. La forme de prototypage basse fidélité la plus simple et la plus rapide est le prototype papier, qui consiste à dessiner schématiquement l'interface que l'on conçoit (figure.a).
1. Théorie (a) Prototype papier (b) Prototype Adobe XD Figure. – Exemples de prototypes papier et de prototype réalisé avec le logiciel Adobe XD
Il est possible, par des jeux de découpage de modéliser un certain nombre d'interactions. L'avantage principal de ces prototypes est qu'il est facile d'en produire beaucoup, ce qui permet d'essayer un grand nombre de designs différents. Le prototypage vidéo consiste à filmer une interaction, réalisée typiquement via un prototype papier, qui permet de produire un document sous une forme plus facile à archiver et à utiliser comme référence, tout en restant testable. Il existe aussi des logiciels de prototypage d'interface, qui permettent de réaliser numériquement des prototypes plus réaliste, et utilisable au clavier et à la souris, mais qui demandent un temps de développement plus élevé (figure.b). 1.. Interaction homme-machine 2.6.2.4
Le design walkthrough, ou analyse pas à pas, consiste à présenter un prototype - vidéo, papier, etc. - à un groupe d'utilisateurs, d'autres spécialistes IHM ou encore d'informaticiens, et à lui faire un déroulé d'un scénario d'utilisation du prototype. Le but est d'identifier qualitativement les problèmes et défauts du prototype en collectant des avis, et de comparer facilement différents choix de conceptions. Le test utilisateur, ou étude d'utilisabilité, consiste à faire évaluer un prototype, basse ou haute fidélité, en observant un ou plusieurs utilisateurs en situation réelle sur une tâche préalablement spécifiée. Plusieurs observateurs sont présents pour prendre en note les actions et les difficultés de l'utilisateur. Un facilitateur reste aux côtés de l'utilisateur pour lui indiquer les tâches à réaliser, sans pour autant lui indiquer la procédure à effectuer ; il pose de plus régulièrement des questions à l'utilisateur pour l'inciter à communiquer son train de pensée. Un ordinateur pour exécuter les interactions sera aussi présent ; ce rôle pourra typiquement être rempli par un humain, par exemple dans le cas de prototypes papier. Le but n'est pas ici de recueillir l'avis de l'utilisateur mais bien de tester objectivement et expérimentalement si le prototype permet à l'utilisateur de réaliser la tâche spécifiée ou non, et d'identifier par l'observation les défauts du prototype.
1 Chapitre 3 Contrôle dynamique
Dans ce chapitre, nous présentons le système de contrôle dynamique du microscope qui a été développé dans le cadre de cette thèse. Une partie des résultats a été publiée dans l'Applied Physics Letters 11 (volume 1), sous le titre « Unlimited acquisition time in electron holography by automated feedback control of transmission electron microscope »
par C. Gatel, J. Dupuy, F. Houdellier, et M. J. Hÿtch. 3.1 Objectif du contrôle dynamique
L'objectif du contrôle dynamique dans cette thèse est la compensation pendant l'acquisition des instabilités pour augmenter le rapport signal sur bruit de l'image de phase. Dans cette section, nous détaillons ces instabilités et leurs effets sur l'hologramme puis comment elles peuvent être compensées en temps réel à l'aide de boucles de rétroaction (définies section.), permettant d'allonger considérablement les temps d'expositions et réduire le bruit de plus d'un ordre de grandeur. Le rapport signal sur bruit des images de phase contribue directement à la sensibilité à la quantité mesurée et à la précision de la mesure. Comme nous l'avons vu section., le bruit de phase σφ dépend principalement de deux quantités : le contraste ou visibilité V et le nombre d'électrons collectés par unité de surface Ne/pix (équation.) : σφ = 2 1, V √ DQE ⋅ Ne/pix (.1) où DQE (Detective Quantum Efficiency) est l'efficacité quantique du détecteur utilisé, définie comme étant le rapport entre le nombre d'électrons mesuré et le nombre d'électrons reçus par le détecteur. La visibilité étant définie par les caractéristiques du microscope et de la chaîne de mesure, augmenter le nombre d'électrons permet de diminuer σφ et d'améliorer la sensibilité en phase. Il est possible d'agir sur la densité de courant qui traverse l'échantillon 11.
Contrôle dynamique t0 t0 t1 t1 t2 t2 t3 t3 ⟨t⟩ ⟨t⟩ Figure.1 – Illustration de l'effet de la dérive des franges sur la visibilité lors de l'acquisition d'un hologramme. Sur la partie gauche, les franges ne dérivent pas au cours du temps, et l'hologramme total possède une visibilité
maximale. À droite, la dérive au cours du temps diminue le contraste lors de l'addition des images. Les traits en pointillés permettent de comparer les hauteurs finales des deux sinusoïdes. mais cette densité sera limitée par l'intensité de la source, les conditions d'illumination et les aberrations. De plus, cette densité, qui correspond à une dose électronique par seconde, doit être modulée en fonction des échantillons étudiés pour éviter de les détériorer. L'autre solution plus naturelle consiste à augmenter le temps d'exposition pour une même densité de courant. Cependant, des temps d'exposition trop importants sont contre-productifs à cause d'instabilités expérimentales résiduelles pendant l'acquisition de l'image finale. En holographie off-axis, ces instabilités sont principalement les dérives de l'échantillon et des franges interférométriques. La dérive de l'échantillon détériore la résolution spatiale, pendant que la dérive des franges induit une perte de visibilité (cf. figure.1) et donc une augmentation du bruit de phase σφ qui va s'opposer et surpasser le gain apporté par l'accroissement du nombre d'électrons. Ces instabilités, totalement indépendantes l'une de l'autre, limitent les temps d'expositions à quelques secondes, voire quelques dizaines de secondes dans un environnement et des conditions particulièrement stables (Lehmann et Lichte ; Cooper et al. ). La solution généralement employée pour obtenir un temps d'exposition long consiste à enregistrer une série de plusieurs hologrammes, chacun avec un temps court avant que les effets des instabilités ne deviennent trop importants (Voelkl et Tang 1). Les images de phase sont alors extraites de la série d'hologrammes avant d'être réalignées 1.1. Objectif du contrôle dynamique numériquement et additionnées à l'aide de procédures de post-traitement sophistiquées. Avec cette approche, des temps d'exposition équivalents de l'ordre de s (Voelkl et Tang 1) et s (McLeod, Bergen, et Malac 1) ont été obtenus en moyenne résolution. Ces valeurs tombent à s pour l'holographie électronique haute-résolution, où les dérives sont plus critiques (Niermann et Lehmann 1). Tous ces travaux ont montré de meilleurs rapports signal sur bruit grâce à l'accumulation d'un plus grand nombre d'électrons lors des séries d'acquisitions. Cependant, cette approche présente plusieurs inconvénients. Les dérives associées aux franges interférométriques et à l'échantillon doivent être traitées séparément au cours de la série d'acquisitions, alors qu'elles sont entrelacées dans les hologrammes individuels, rendant la pro cédure d'alignement très compliquée, et à l'origine d'artefacts numériques. De plus, la quantité de données à enregistrer et à traiter pour une série de 1 hologrammes (par exemple s par hologramme pour un temps total de s) dépasse 1 Go. Cette approche est alors très difficilement compatible avec des études in situ qui nécessitent l'acquisition de nombreux hologrammes pour chaque état de l'échantillon (Gatel, Fu, et al. 1 ; Gatel, Warot-Fonrose, et al. 1 ; Zheng et al. 1) ou en tomographie avec des séries d'hologrammes en fonction de l'angle de projection. Afin d'éviter ces inconvénients, il faudrait corriger les instabilités lors de l'acquisition et non en post-traitement. Cela est possible en introduisant des boucles de rétroaction pendant le processus d'acquisition de l'hologramme. Ces boucles vont mesurer et compenser les instabilités en modifiant les paramètres du microscope en continu. 3.2 Architecture du système 3.2.1 Système de rétroaction
Appliquées à la microscopie électronique en transmission, les boucles de contreréaction (cf. figure. et section.) développées pour ce travail de thèse s'appuient sur le flux d'images fourni par la caméra, et contrôlent le microscope à l'aide de la bibliothèque de fonctions d'interfaçage que j'ai écrite. Les routines qui font appel à cette bibliothèque ont été implémentées dans le language scripting de Digital Micrograph par mon directeur de thèse, Christophe Gatel. Les senseurs et contrôleurs sont donc dans notre cas des systèmes logiciels. Les premiers utilisent des techniques de traitement d'image pour extraire les variables de régulation (PV) depuis le flux d'images de la caméra, tandis que les seconds implémentent des modèles de correction linéaires qui nécessitent une calibration préalable. Plus précisément, l'unité de rétroaction prend en entrée une image de la caméra et une valeur de consigne (SP) en provenance de l'utilisateur ou d'un autre processus, et produit une sortie de contrôleur (CO) pour le microscope ou éventuellement un autre processus, ainsi qu'un signal de synchronisation (sync) pour demander une nouvelle image et démarrer une nouvelle itération de boucle. À l'intérieur de l'unité, le senseur extrait la variable de régulation (PV) depuis l'image d'entrée et l'envoie au contrôleur, qui la compare à la consigne SP et détermine quelle sortie CO est appropriée pour réduire l'écart entre les deux. À la fin d'une itération, lorsque ses calculs sont terminés et que l'élément de contrôle a appliqué la sortie CO, le signal de synchronisation sync est émis. La configuration complète, présentée figure., consiste en plusieurs unités de rétroaction travaillant de manière parallèle pour com penser les instabilités. L'acquisition de l'image destinée à être conservée est gérée comme un processus en parallèle de manière transparente, ce qui forme l'attrait principal de ce dispositif. Chaque unité fonctionne à son propre rythme, différent de la fréquence de la caméra, et en tâche de fond, de manière invisible pour l'expérimentateur. Dans la mesure où nous cherchons à contrôler simultanément plusieurs paramètres en même temps à l'aide de différents éléments de contrôle (CE) du microscope, il nous a fallu concevoir un système permettant le travail concurrent de plusieurs boucles de contre-réaction fonctionnant en parallèle. Il faut comprendre que ces boucles utilisent 1..
Architecture du système Figure. – Diagramme représentant une unique boucle de rétroaction.
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La subjectivité diluée : la force du temps chez Marguerite Duras
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Sous la codirection de: Christophe Bident e José Da Costa Filho Soutenue le: 27/11/2018 Rio de Janeiro 2018
Jury: José Da Costa Filho Universidade Federal do Estado do Rio de Janeiro UNIRIO Christophe Bident – Université de Picardie Jules Verne UPJV Beatriz Resende – Universidade Federal do Rio de Janeiro UFRJ André Gardel Universidade Federal do Estado do Rio de Janeiro UNIRIO Yannick Butel – Aix Marseille Université Christophe Triau – Université Paris Nanterre 260
Résumé
Cette thèse propose l’étude de la temporalité dans trois œuvres de Marguerite Duras, à savoir: Agatha (1981), Savannah Bay (1982), La maladie de la mort (1982). La paire, le temps et la subjectivité, circulent fondus dans la mémoire qui s’étend dans une œuvre qui vise la dissolution et le devenir. Ces aspects seront étudiés en vue de recomposer dans les œuvres choisies les relations qui permettent d’observer le récit durassien en termes de devenir. Ainsi, les lignes d’errance sollicitées dans les parenthèses: pause, temps, silence, visent à souligner l’absence qui affaiblit le pouvoir représentatif. La force du temps se montrera dans ces œuvres, ainsi que les aspects da dilution et de la propagation d’une œuvre en devenir constant. Mots-clés: Marguerite Duras, Temps, subjectivité, devenir.
261
Sommaire Introduction 266 Chapitre I -À la recherche d’un contexte:Les relations entre subjectivité et temps entre Donnadieu et Duras. 1.1 Effondrements du temps : L’enfance illimitée de Marguerite. 1.1.1 Enfance et paysage 1.1.2 L’Enfance liquide : Au bord de la mer 271 274 280 282 1.2 À la recherche d’une écriture : “Écrire” et les années parisiennes – “Révolution dans l’écrit : L’arrivée à Paris et le débordement de l’enfance dans l’écrit.” 284 1.3 Les errances
théâtre entre la mise en scène et la mise en écriture. 288
1.4 Œuvres: L’amour, la mer, le temps et la représentation théâtrale. 293 1.5 “L’endroit de la passion ” : Marguerite Duras entre le Nouveau Roman et le Nouveau Théâtre. 1.5.1 La question des personnages dans le Nouveau Roman : En scène : la présence de l’absence. 1.5.2 Une mer de temps : Ils sont encore là... 1.5.3 “L’école du regard” et la danse du regard : le caractère récitatif du théâtre durassien. 312 315 317 320
Chapitre II Les lectures du temps à Agatha, Savannah Bay et La maladie de la mort. Les spirales du temps
Du temps au temps : la vie des images durasiennes dans l’espace entre dire et regarder.
Chapitre III Le devenir dans l’écriture durassienne des œuvres du cycle de l’Atlantique : une lecture les mémoires insistantes. 326 3.1 Les paradoxes du temps : Existence et Insistance dans la perspective temporelle de Savannah Bay. 329 3.2 Le flux des marées : le devenir et les relations entre le temps et la mer dans La maladie de la mort, Agatha et Savannah Bay. 335 262
3.3 En scène: “heccéités”: Une “cartographie” durassienne ou la traduction des corps en espaces. 3.3.1 Heccéités: la traduction des corps en espaces. 3.3.2 Le devenir minéral. 346 348 354
Conclusion 360
Bibliographies 367 263
Remerciements
Et mettre en mots mes remerciements, qui sont comme des dons, se montre un défi plus grand que tout chapitre de la thèse. Avec le sens de me tromper dans la proportion ou dans l’ordre, je ne pourrais commencer ce moment sans nommer mes directeurs de thèse, les professeurs José da Costa Filho et Christophe Bident. L’opportunité qui m’a été donné pour le dialogue et la recherche et pour faire partie d’un projet – théâtre traversé – beaucoup plus grand que cette thèse, a été pour moi une chance singulière et fondamentale pour ma formation et reformation. Au professeur Costa, spécialement pour proposer le défi de rechercher un auteur qui certainement je trouve sur mon chemin un sens qui a toujours été à l’horizon de recherche : « Les expressions du silence », l’ineffable. Au professeur Bident, je remercie son regard attentif, bien qu’à distance ; il a noté ma volonté de rechercher et m’a encouragée. Aux deux, je remercie l’affection, la patience et la générosité de transmettre leurs connaissances tout au long de cette période. Je remercie au jury, composé par Beatriz Resende, André Gardel, Christophe Triau e Yannick Butel, qui se sont proposé de lire et contribuer avec leurs regards et leurs critiques pour mon travail. Au Centre de Recherche en Arts et en Esthétique – CRAE de l’Université de Picardie Jules Verne – UPJV, et au Programme de Doctorat en Arts Scéniques de l’Université Fédérale de Rio de Janeiro (PPGAC) de UNIRIO et aux professeurs avec lesquels j’ai pu partager le temps et qui ont contribué de diverses formes pour le développement de la recherche. Je ne pourrais non plus oublier de mentionner Marcus Vinícius Rosas, qui aidait tous ceux qui avaient besoin de conseils auprès du secrétariat du PPGAC. À ma famille, plus que des remerciements : tout mon amour inconditionnel. À la mémoire de mon cher père Josué Laureano, un compagnon qui me manque ; je lui dédie ce travail. Aussi à la mémoire de mon infatigable grand-père João Francisco Alexandrino Daniel. À ma mère, Cacilda Daniel Laureano, partenaire de tous les moments y compris en France, peut-être l’étape la plus difficile, alors que la présence de la famille a été fondamentale. À mes pRochess, mon compagnon de voyage et neveu 264 Marcos, à ma sœur Dani, qui a accompagné ce parcours, et à Martin, pour la disposition à m’aider dans les « terribles » révisions. À mes deux filles, Antônia et Luíza, partenaires patientes, compréhensives, préoccupées et attentives, je remercie – pour les rires, les petites lettres et l’inspiration qui ont rendu plus souple le chemin. À mon amour Marcial Suarez, je remercie pour tout, partenariat, encouragement, patience, aide, mais surtout pour la lecture et notre conversation infinie.
265 Introduction
Marguerite Duras est née en 1914 à Gia-Dinh près de Saigon en Indochine française, elle a vécu dans cette région jusqu’à l’âge de 18 ans. À partir de ce moment, selon l’auteur, sa vie congèle, “Si j’étais morte hier je serais morte à dix-huit ans. Si je meurs dans dix ans, je serais morte aussi à dix-huit ans.” (DURAS, 2014: 663). Dans cette paralysie, la révolution temporelle qui empêche le passage du temps, non pas pour qu’il s’arrête, mais pour qu’il s’effondre dans l’écriture, est le seul moyen capable de supporter le temps du déplacement chaotique de la subjectivité et de l’affection durassienne. En tant que Française, elle a dû supporter l’humiliation des Annamites, elle n’a jamais interagi avec l’élite coloniale en Indochine, en France, l’enfance coloniale déborde dans le récit. La mer – territoire où tout est possibleabrite les deux territoires, le Pacifique et l’Atlantique, territoire de l’enfance qui a fait de l’auteur, toujours, dans les deux territoires, une frontalière, une déportée, une marginale, porteuse du sentiment de “trop tard” qui l’a poussée à écrire dans La vie matérielle: “(...) C”est comme ça que j’étais en retard partout (...) j’allais sur la plage, mais le soir. Je me suis toujours retrouvée à la fin des étés comme une ahurie qui ne comprend pas ce qui s’est passé, mais qui comprend que il est trop tard pour vivre. ” (DURAS, 2014 : 310). La présente thèse de doctorat intitulée Subjectivité diluée: La force du temps chez Marguerite Duras – est le résultat d’une recherche développée dans le cadre du Programme de Doctorat en Arts Scéniques de l’Université Fédérale de l’État de Rio de Janeiro en cotutelle avec l’Université de Picardie Jules Verne – UPJV, sous la direction des professeurs José Da Costa et Christophe Bident. L’étude représente le développement organique d’un projet de recherche qui a débuté en 2003 avec ma dissertation de Master en Philosophie Politique et Éthique intitulée – Les expressions du silence: Éthique et esthétique dans le Tractatus LogicoPhilosophicus – qui offre une étude sur les relations entre Éthique et Esthétique dans le Tractatus Logico-Philosophicus de L. Wittgenstein. Dans ce parcours de quête d’un rappRochesment entre la lecture artistique et philosophique, en 2014, le dialogue avec 266 les professeurs Da Costa et Bident a fait surgir l’opportunité de développer une recherche sur Marguerite Duras sous la forme d’une thèse de doctorat. Cette étude se caractérise par l’intense dialogue entre l’œuvre de l’auteur avec des rappRochesments possibles entre la lecture artistique et la philosophique sur des thèmes comme le temps et la subjectivité reflétés sur le défi scénique et dramaturgique: les manières de façonner la mémoire en scène. Au cours des quatre années de recherche, j’ai pu construire des ponts significatifs non seulement avec l’œuvre de l’auteur, mais au-delà de celle-ci. L’auteur s’est révélée un sujet propre de la recherche avec une densité existentielle extrêmement significative qui, au moment où nous la contemplons, présente l’horizon d’une œuvre hétérodoxe opposée au séquestre analytique. La thèse se structure en trois chapitres qui offrent une analyse de l’œuvre de Marguerite Duras. De manière plus spécifique, la thèse se dirigera vers ce qu’il est convenu de dénommer le “Cycle de l’Atlantique”632. Dans un premier moment, nous avons cherché à nous rappRochesr de Marguerite Duras en plongeant dans une recherche biographique et contextuelle que ne s’est montrée qu’au travers des fluctuations de vestiges recueillis du temps. Au milieu des fluctuations, nous pouvons percevoir les stratégies scripturales traversées par le temps qui, lui aussi, est traversé par l’œuvre qui assaille le temps et l’emporte avec elle en montrant, dans ses propres termes, les aspects historiques, politiques, philosophiques et esthétiques qui la traversent. La Subjectivité diluée: La force du temps chez Marguerite Duras, notre recherche s’appRoches de la relation deleuzienne inspirée de Bergson, entre temps et subjectivité. Dans cette relation, Deleuze extrait une inversion dans laquelle ce n’est pas le temps qui est à l’intérieur à la subjectivité, mais au contraire, c’est subjectivité qui est à l’intérieur du temps, et c’est dans ce sens que le temps est vu comme “pure subjectivité”, ou comme pure virtualité: mélange de temps et d’affection. Dans l’œuvre durassienne, la relation subjectivité temps sera vue au chapitre 1, au travers de l’expression “enfance illimitée”. Ainsi, nous traiterons des “images de l’enfance” de Duras qui s’instituent à partir de l’indiscernabilité entre le réel vécu et le virtuel imaginé. De même, comme la mer qui surmonte les barrages contre le pacifique, 632 Agatha (1981), Savannah Bay (1982), La maladie de la mort (1982) 267 l’enfance envahit toute l’œuvre durassienne, en faisant émerger les relations subjectivité-temps. Les événements vont émerger dans le flux du récit intensif de Duras qui, dans ce sens, montre une libération du temps. Dans les œuvres abordées pour cette étude, nous verrons cette libération du temps se traduire en paysages océaniques qui contemplent le mouvement côtier des dunes et des marées. Inspirés d’images qui suivent le vent, comme la mouvance des dunes dans leur déstructuration permanente, nous convenons que l’événement dans l’œuvre durassienne ne sera pas le passage du temps, mais bien les “écroulements du temps” ou “effondrements du temps”: effondrements de l’enfance dans le récit durassien. Dans ce sens, le temps rend les événements chaotiques, empêche le passage causal entre un moment et un autre, tout en favorisant les disparitions des événements mouvants au caprice des intempéries intensives du plan scriptural durassien. Le concept de “plan d’immanence” de Deleuze et Guattari traversera toute notre étude enconservant dans notre horizon l’indiscernabilité et la dilution de la subjectivité pour la libération du temps-chaos dans le plan de l’écriture œuvre durassienne. De la même manière que le plan d’immanence n’accepte pas les extraits ou les hiérarchies, l’œuvre durassienne suit dans la confluence transgressive des genres,qui ne se permettra jamais de se fixer sur un genre unique, mais bien dans le mouvement glissant qui tantôt le dépasse et tantôt se dresse comme la frontière de territoires en devenir. Les œuvres des années 80 qui seront abordées dans notre étude ont en commun les “Couloirs scéniques” qui les font tendre vers la scène, comme c’est le cas deSavannah bay ou vers le cinéma, commeAgatha, ou avec une longue note de l’auteur à la fin expliquant comment elle voudrait que l’œuvre soit mise en scène, comme pour La maladie de la mort. Au chapitre 2 (dans cette version du document, nous présentons seulement le chapitre 1 dans son intégralité et le chapitre 3 résumé) nous proposons d’approfondir l’étude, c’est-à-dire que nous ferons un rappRochesment pour chacune des œuvres choisies. Pour ce moment de cette recherche, séparément et avec l’accent mis sur les lectures du temps et de la subjectivité, nous rechercherons la signification de ces 268 conceptsafin de poursuivre alors, au chapitre 3, vers le devenir ou, comme nous pourrions également l’affirmer, vers les aspects de la dilution. Le chapitre 3 propose une étude sur le “devenir” dans les œuvres du “cycle de l’atlantique”. À ce moment, le “devenir” dans l’œuvre durasienne sera vu à partir de l’exercice de penser le mode selon lequel la mémoire se met en scène dans les œuvres du “cycle de l’atlantique”. Le devenir,en tant qu’insistances du temps, se révèle dans la coïncidence entre les sollicitations du temps dans les rubriques: écarts, pièges qui nevisent qu’à tromper, détourner, vider le récit, en soulignant l’absence et la présence du temps dans la scène: – laissé comme un reste, ou une survie. Les survies du temps se répètent dans les œuvres du“cycle de l’atlantique”. La présence de la mer est un des aspects les plus insistants qui traversent ces œuvres. Les relationsentre le devenir et la mer sont analysées dans le topique: “Le flux des marées.”La mer, comme un lieu de devenir, plonge en même temps qu’elle dissout les histoires et les personnages durassiens pour les propager ensuite dans la matière liquide. Ainsi, l’aspect de la “dilution” sera vu dans la présence maritime, où la subjectivité se dilue. La confluence entre mers et rivières se projette dans la scène durassienne pour former l’“image liquide”. Les personnages féminins se distinguent dans les trois œuvres analysées du“cycle de l’atlantique”, mettant en évidence le devenir femme comme l’un des devenirs, un de plus, qui traversent ces œuvres durassiennes. Dans une relation intime entre “elles” et la matière liquide, leur odeur, leur mort, leur vie,imprègnent et contaminent ces œuvres – témoin subjectifengagédans la troisième personne flottant entre les discours direct et indirect atteignant une ou plusieurs voi dissonantes. L’idée d’unecartographie durassienne a recherché l’importance des “lieux”, territoires du corps, continents de l’enfance repêchés du fond des temps. L’importance de l’aspect géographique dans l’œuvre durassienne peut être perçue dans le nom de famille lui-même, qui remonte au lieu de naissance et de décès de son père enFrance: Duras – nom propre, espace, absence qui ne sera pas comblée, mais qui montera avec la marée de la mer qui envahit les œuvres du “cycle de l’atlantique”. En proposant une lecture à partir d’une perspective cartographique, nous pouvons voir le caractère subjectif et imaginaire des espaces et des lieux avec lesquels 269 les personnages durassiens se confondent. Projetés dans les Territoires, les personnages durassiens demeurent fragmentés, sans un centre, ou comme des figures dans une peinture cubiste, comme l’aurait affirmé l’auteur elle-même dans une entrevue à Pallotta della Torre en 1987. Des images, des ébauches de scénarios, comme c’est le cas des dessins de Roberto Plate extraits de l’entrevue Le Décor de Savannah Bay de 1983 ou d’images du filmage, ou du film Agatha de 1981, seront utilisés à ce moment de l’étude où l’incursion sur les concepts decartographie etheccéitédans les œuvres du “Cycle de l’Atlantique” clôturent le chapitre 3. La maladie de la mort ne sera pas observée au travers des images, car l’œuvre n’a pas été mise en scène par Marguerite Duras; cependant il y a, dans l’entrevue de Roberto Plate, une équivalence entre les scénarios deLa maladie de la mort etSavannah Bay,que nous utiliserons comme un parallèle possible de perspectives possibles sur ces deux œuvres. Au milieu des pièges d’écart, le défi de tenter de capturer les lignes de fuite– l’œuvre durassienne. Toujours en frôlant la disparition, le temps séquestré traversé par l’œuvre durassienne déchire la subjectivité, comme le fouet deleuzien qui fragmenteles visages et les paysages. Des restes, comme l‘écume des vagues, les œuvresAgatha, Savannah Bay, La maladie de la mort, s’ensablent sur le continent – scène durassienne. DansC’est Tout, Duras déclare “Je parle du temps qui sourd de la terre”. (DURAS, 2014: 1162). Le défi proposé dans cette étude de thèse consiste à dévoiler ce qu’est ce temps. Le temps qui est resté, temps de l’enfance, temps d’attente, temps de guerre. Inscrit comme les mains négatives obsédantes et répétitives de la caverne qui a inspiré Duras, la passion suspendue, le temps qui nous soutient et qui soutient la naissance de chaque mot.
270 CHAPITRE 1 À la recherche d’un contexte: les relations entre subjectivité et temps entre Donnadieu et Duras. Les personnages, les paysages, les valeurs et les façons de voir et d’entrer en relation avec le monde sont conçus dans la première enfance et dans l’adolescence, et c’est ainsi qu’ils ont été vécus par Marguerite Donnadieu en Indochine. Comme des fantômes qui s’évanouissent, ces éléments émergent dans l’écritdurassien. Nous analyserons ces aspects, qui vont se refléter dans l’œuvre de Duras de différentes manières à diverses époques. Nous pouvons diviser la vie de Margu
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cré par son œuvre écrite. Pour la biographe Laure Adler : “c’est le désir d’écrire qui la fondera comme individu ayant un rôle à jouer dans le monde, et c’est l’écriture qui lui donnera son nom: Duras.” (ADLER, 1998:15). Dans cet extrait, Adler propose l’écriture comme quelque chose qui fournit à Marguerite une identitéDuras, ou un rôle dans la société. Duras, dans ce sens, se présente comme un nom consistant en opposition à son prédécesseur “Donnadieu”, fragile dans l’absence de ce qui vengera son enfance anonyme et pauvre enIndochine :l’écriture, dans ce cas, se présente comme un acte de révolte. Bien que nous considérions le récit durassien comme un acte de révolte, nous proposons d’observer entre ces deux moments, Marguerite Donnadieu et Marguerite Duras, non pas une opposition, mais une indiscernabilité où c’est justement dans le débordement de l’enfance dans l’écriture que nous trouverons l’œuvre durassienne. De la sorte, il n’existe pas un saut ou un hiatus entre l’“enfance” et l’“écrit”, mais plutôt un processus d’actualisation entre l’“enfance vécue” et l’“enfance écrite” qui pourrait être observé dans l’expression durassienne: “enfance illimitée”. 271 Ce chapitre vise à penser ce lieu et ce processus: entre Donnadieu et Duras, entre l’enfance vécue et l’enfance écrite. La question qui se pose est:comment l’enfance émerge-t-elle ou s’effondre-t-elle dans l’écritdurassien? Ici, entre Donnadieu et Duras, notre titre:Subjectivité diluée: La force du temps chez Marguerite Duras,suggère comment,dans la relation entre temps et subjectivité méprisée par Deleuze, où l’auteur (travaillant sur l’œuvre de Bergson) extrait une inversion dans laquelle ce n’est pas le temps qui est à l’intérieur de la subjectivité, mais au contraire, c’est la subjectivité qui est à l’intérieur du temps, et c’est dans ce sens que le temps est vu comme “pure subjectivité”. On a souvent réduit le bergsonisme à l’idée suivante : la durée serait subjective, et constituerait notre vie intérieure. Et sans doute fallait-il que Bergson s’exprime ainsi, du moins au début. Mais, de plus en plus, Il dira tout autre chose : la seule subjectivité, c’est le temps nonchronologique saisi dans sa fondation, et c’est nous qui sommes intérieurs au temps, non pas l’inverse. (DELEUZE, 2009:110) Dans ce sens, nous proposons, pour l’analyse du contexte de l’œuvre durassienne, la “subjectivité diluée” liée directement à l’“enfance illimitée” et ce qui va figurer dans l’œuvre écrite de Duras, ce seront les “images de l’enfance” qui s’instituent à partir de l’indiscernabilité entre le réel vécu et le virtuel imaginé, subjectif, inventé, créé par l’auteur. Comme la mer qui envahit et franchit les barrages fragiles et insuffisants contre le pacifique, l’enfance envahit l’œuvre durassienne. Plongés dans l’océan-temps, les événements vont émerger du flux de l ́écritintensif de l’auteur qui, dans ce sens, montre une libération dutemps. Dans les œuvres de Duras abordées pour la présente étude, nous verrons le plan de composition durassien se traduire en œuvres inspirées de paysages océaniques, côtiers et maritimes, faits de sable et de mer. À travers de l’image de la déstructuration de l’écrasement des vagues dans leur puissance destructrice, ou de l’image du sable de la plage dans sa mouvance éternelle, nous penserons le temps dans ces œuvres, comme le processus d’actualisation deleuzien qui se déroule entre une image réelle et une virtuelle, le débordement de l‘enfance dans le récit durassien, dans l’œuvre de Duras, commedes “écroulements, oudes “effondrements du temps”. 272
Prenant comme point de départ la conception de Deleuze et Guattari de “plan d’immanence”633, nous voyons comment Duras élabore son œuvre dans un plan de composition dans lequel rien n’échappe, rien n’est tenu en dehors, ni en haut ni en bas, d’où l’immanence. Dans cette direction, le temps ne passe pas, mais il s’effondre, se dilue, se déforme et se propage en faisant en sorte que les histoires étrangères à la chronologie émergent ou disparaissent suivant les rythmes et les vitesses proposés par l’auteur. À ce moment de l’analyse, nous utiliserons l’œuvreCahiers de guerre et autres textes (2006). Dans cette œuvre, le ton de rapport et de journal montre la mémoire de l’enfance de l’écrivain et de la source intarissable du matériel utilisé dans les œuvres qui suivront. Toutefois, la mémoire doit être vue comme pure virtualité dans l’écritdurassien. Ainsi, nous laisserons de côté l’ambition factuelle au profit des œuvres biographiques et scientifiques. Dans ce sens, nous comptons sur l’étude biographique réalisée par Laure Adler (1998) qui nous aidera dans notre parcours. Les insistances qui marquent les textes appartenant auxCahiers de guerre et autres textesse reflèteronttout au long de l’œuvre de l’auteur. Ainsi, l’œuvre de Marguerite Duras a été définie comme une œuvre sans restes, où les personnages, les lieux et les motifs font écho, se répètent en donnant au lecteur l’impression de participer à un même flux de l’écrit. Une ouvre sans restes : rien de ce qu’écrit Marguerite Duras n’est laissé à l’abandon. Personnages, lieux, motifs, circulent d’un texte à l’autre et se font écho ; les bribes abandonnées d’un manuscrit son reprises dans le suivant, intégrées à une nouvelle composition. En un mot, toute l’archive est passée dans l’ouvre. (BOGAERT S., CORPET O. 2006 :7) Sous une autre perspective, mais en suivant la même voie que Bogaert et Corpet nous pouvons observer l’œuvre durassienne comme une œuvre faite de restes, de survies, comme l’affirme Duras lors d’une entrevue à Xavière Gauthier en 1974: “M.D: Deleuze et Guattari conçoivent le plan d’immanence en opposition au plan de transcendance, où ce dernier peut être vu comme un plan de développement et d’évolution des formes et des sujets. Considéré comme structure et genèse de compositions possibles, le caractère transcendantal du plan de transcendance dérive du fait que, en participant à toute et quelconque conception, il ne pourra être conçu, pour cette raison. Ce serait ce plan de transcendance associé au développement des formes et des sujets, où sont établies les structures et la genèse. Deleuze et Guattari proposent une autre conception: le plan de consistance, ou le plan d’immanence. Dans ce plan, il n’y a pas de forme ni de sujets, maisdes vitesses, des rythmes, des pauses, de silences. Dans ce plan d’involution où les formes sont en dissolution permanente, il y a une libération du temps Aion. 633 273
Tous, on peut dire, c’est des restes – ce que les autres appelleraient des restes. De l’extérieur, on pourrait parler de restes, ce qui pour moi est le principal.” (DURAS, 2014: 47). Dans ce sens, les éléments quiémergent des mémoires de l’auteur à l’époque où elle vivait en Indochine sont reproduitsdans toute son œuvre. Comme dans l’extrait suivant de l’une des dernières œuvres de l’auteur : L’amant de la Chine du Nort (1991): (...) La mère. Elle leur rappelait aussi que ce pays d’Indochine était leur patrie à eux, ces enfants-là, les siens. Qui c’était là qu’ils étaient nés, que c’était là aussi qu’elle avait rencontré leur père, le seul homme qu’elle avait aimé. Cet homme qu’ils n’avaient pas connu parce qu’ils étaient trop jeunes quand Il était mort et encore si jeunes après cette mort, qu’elle ne leur en avait que très peu parlé pour ne pas assombrir leur enfance. Et aussi que le temps avait passé et que l’amour pour ces enfants avait envahi sa vie. Et puis la mère pleurait. Et puis Thanh chantait dans un langage inconnu l’histoire de son enfance à la frontière du Siam lorsque la mère l’avait trouvé et qu’elle l’avait ramené au bungalow avec ses autres enfants. Pour lui apprendre le français, elle disait, et être lave, et bien manger, et ça chaque jour. Elle aussi, l’enfant, elle se souvenait, elle pleurait avec Thanh lorsqu’il chantait cette chanson qu’il appelait celle de “l’enfance lointaine” qui racontait tout ça qu’on vient de dire sur l’air de la Valse Désespérée. (DURAS, 2014:607)
La chanson de l’enfance lointaine ou de la “valse désespérée” chantée en sourdine par le personnage sert d’analogie pour notre perspective sur la temporalité et la subjectivité dans l’œuvre durassienne. Une déterritorialisation réalisée dans un plan fixe, sonore, – désespéré, sans ordre de succession, où tout est plongé dans un état d’enfance.
1.1 Effondrements du temps: L’enfance illimitéede Marguerite634
Dans un premier moment, nous pouvons dire qu’il y a deux naissances de Marguerite; la première a lieu en Indochine en 1914: où elle reçoit le nom de Marguerite Donnadieu. De cette période, les personnages, les lieux et les relations vont alimenter toute son œuvre écrite. Nous penserons cette enfance dans un sens déclaré par Marguerite Duras: “illimité”. Son second registre a eu lieu à Paris. Elle a choisi comme nom l’endroit où gît le père, décédé lorsque Marguerite avait quatre ans. C’est en signant Duras dans son propre nom qu’est né le pseudonyme qui signera toute son œuvre. Depuis lors, ce nom- L’expression “L’enfance illimitée” a été extraite de l’œuvre Cahiers de Guerre et autres textes, dans un texte de Duras intituléL’enfance illimitée(DURAS, 2006: 359). 634 274
espacesemble souligner une absence fondamentale. Comme l’affirme l’auteur dans le roman “L’Amant” (1984) “L’histoire de ma vie n’existe pas. Ça n’existe pas. Il n’y a jamais de centre. Pas de chemin, pas de ligne. Il y a de vastes endroits où l’on fait croire qu’il y avait quelqu’un, ce n’est pas vrai, il n’y avait personne.” (DURAS, 2014: 1458) Si l’on regarde plus attentivement, la différence entre les noms devient moins évidente: aussi bien “Donnadieu” que “Duras” sont des noms paternels. Ici, la modification résidera dans la manière dont ils sont conçus, vu que le nom paternel a été substitué par le “lieu” d’origine et de décès du père en France. L’élément commun aux deux noms est l’absence de cette figure primordiale paternelle, qui est rarement reflétée dans les œuvres de l’auteur, mais d’autre part, sa force accompagne le nom de l’auteur durant toute sa trajectoire avant et après sa consécration comme écrivain et elle survit à l’acte délibéré du choix d’un autre nom et suit toujours l’auteur, qui préférait l’immanence des coordonnées d’une carte à la transcendance d’un nom dont la dernière syllabe rime avec “Dieu”. Elle veut échapper à son destin familial, mais en changeant son nom tragiquement, elle finit par l’actualiser et à le libérer dans son œuvre, comme pure virtualité. Ainsi, nous pouvons concevoir le changement de noms de Marguerite comme la fuite d’Oedipe, qui place le héros tragique justement dans la direction du destin auquel il tente désespérément d’échapper. Cependant, la force de volonté de Marguerite ne consistait pas à fuir de son destin, chose improbable, mais dans la façon dont elle dissout ce destin dans son œuvre en diluant la force mystique d’un Donnadieu ou “donne-à-dieu” dans unlieu – Durasoù réside la tombe paternelle, espace primordial d’une présence-absence fondamentale dans la vie de l’auteur. De la sorte, Donnadieu demeure chez Duras et le caractère illimité de l’enfance traverse l’œuvre durassienne. Durant la Seconde Guerre Mondiale (1939-1945) l’enfance déborde dans le récit de Marguerite, une seconde enfance, non plus intérieure et gardée, mais comme un cri, un instrument de révolte. Comme le montrent clairement Sophie Bogaert et Olivier Corpet: “Aux yeux de Marguerite Duras, le temps de l’enfance et celui de la guerre ont donc ceci en commun qu’ils imposent l’expérience de la soumission, et poussent à une révolte dont l’écriture se fait l’instrument.” (BOGAERT S., CORPET O., 2006: 12) 275 Le sens “illimité” attribué à l’enfance par l’auteur fait de celle-ci non seulement une période datée de sa vie, mais un état635, dans lequel elle, sa mère et ses frères étaient tous plongés.Un état d’attente, d’angoisse, de violence et de torture :Un état de guerre. C’est ainsi qu’est intitulée la collection des cahiers qui montrent les rapports relatifs à cet état d’enfance: Cahiers de guerre. La relation entre l’enfance et la guerre est mise en évidence par les organisateursSophie Bogaert et Olivier Corpet, qui soulignent dans la préface des fragments de l’auteur qui éclairent ce rappRochesment: Et ce n’est sans doute pas un hasard si le roman qui valut à son auteur la reconnaissance du plus large public mêle aussi, comme ces Cahiers, l’évocation de l’enfance à celle de la guerre. La parenté étroite entre ces deux périodes y est explicite : « Je vois la guerre sous les mêmes couleurs que mon enfance »Dans les brouillions de L’Amant, cette filiation est plus affirmée encore : « La guerre fait partie des souvenirs d’enfance. (...) Elle n’est pas à sa place dans le temps de ma vie, dans ma mémoire. L’enfance déborde sur la guerre. La guerre est un événement qu’il faut subir pensant toute sa durée. De même, l’enfance qui subit son état (...) ». (BOGAERT S., CORPET O. 2006 : 12) Toujours dans la préface de l’édition traduite en portugais par Mário Laranjeira, lesorganisateurs: Sophie Bogaert et Olivier Corpet expliquent ainsi le titre donné à l’édition: Parmi la richesse de ces archives, se détachent d’emblée les Cahiers de la guerre. Ces quatre petits cahiers (ils font partie pièces le plus anciennes) étaient conservés dans une enveloppe où Marguerite Duras elle-même les réunis sous cette appellation (...) puis – qu’ils ont été rédiges pendant et juste après la guerre, entre 1939 et 1949 (...). (BOGAERT S., CORPET O 2006: 8) Le débordement de ces deux “états”, celui de la guerre et celui de l’enfance l’un sur l’autre, suggère qu’il n’y a aucun passage de temps entre une période et l’autre, mais l’effondrement des deux périodes l’une sur l’autre et les rend indiscernables dans le récit durassien. Et c’est cette indiscernabilité qui parfois fait disparaître la frontièreentre le réel et l’imaginaire en actualisant ces mémoires de l’enfance et en les rendant pure virtualité. Comme dans l’extrait suivant de l’œuvreYan Andrea Steiner (1992) : “Vous comprenez, comment résister à ça, à quelqu’un d’une telle enfance qui veut tout ensemble, tout à la fois.” (DURAS, 2014 : 801). Ces effondrements se traduisent parfois en images, comme dans l’introduction du film Hiroshima mon amour (1959), où les corps se mélangent et s’écroulent dans 635 Voir Cahiers de Guerre et autres textes (DURAS, 2006 :63) 276 l’intensité de la poussière atomique qui les constitue et les enveloppe. Dans cette œuvre également, l’actualité entre guerre et enfance se montre dans la relation entre l’amant oriental et la Française, dans l’emphase sur la bombe à hydrogène et ses sévères conséquences, dans la mémoire de la folie et de la mort à Nevers. L’oubli et la dégénération de ces mémoires qui constituent cette enfance dans son caractère illimité soulignent l’absence de limite entre la mémoire qui part d’une réalité possible et l’œuvre écrite, comme pure virtualité. Ainsi, dans un premier moment, nous observons au milieu de ces annotations durassiennes, dans lesCahiers de guerre,le caractère inexorable de “l’oubli” motif du récit:“Aucune autre raison ne me fait les écrire, si non cet instinct de déterrement. C’est très simple si je ne les écris pas, je les oublierai peu à peu. ” (DURAS, 2006 : 73). Toutefois, dans une autre partie des Cahiers, nous trouvons l’acceptation de l’oubli : “Je la dirai au gré du vent qui souffle en moi lorsque je la sens m’envahir et m’obséder comme une aventure oubliée – et non éclaircie.” (DURAS, 2006: 360). En rapport avec les mémoires, le binôme “se rappeler et oublier” peut-être vu sous la perspective du “neutre”. Ainsi, quand Duras écrit “instinct de déterrement” nous pourrions lire tout un processus de “déterritorialisation”, ce qui permettra d’actualiser ces mémoires de l’enfance en faisant en sorte qu’elles s’effondrent dans l’écrit durasien. L’actualité, qui participe aussi au caractère illimité attribué à l’enfance par l’auteur, peut être vue, traduite dans les extraits suivants :(...) Cette naïveté peut paraître excessive, mais elle ne peut être comprise si on ne sait que nous étions tous abîmes dans une enfance illimitée, et qu’en somme nous tentions vainement d’en sortir. On passait même sa vie entière à tenter d’en sortir par n’importe quel moyen. (DURAS, 2006 : 67). L’intention de sortir, par ailleurs, n’était pas possible, comme nous le voyons dans l’extrait ci-après, où Marguerite se réfère à sa mère dans ces annotations: “Je voudrais pour la voir, m’écarter d’elle, repousser un moment cette actualité absorbante qu’elle est toujours.” (DURAS, 2006 : 360).Cette “actualité absorbante” se montre dans la répétition de ce moment-état: “Enfance” reflété dans un autre moment, l’œuvre, engendrant une obstruction temporelle, rendant impraticable le passage du temps en faisant en sorte qu’il ne passe pas, mais qu’il s’affaisse dans l’écritdurassien. Le sort ou le destin est suggéré également dans ce caractère “illimité” commeune entité tragique qui ne peut être contenue. Ainsi, nous voyons dans les 277 passages suivants: “Il était injuste et lâche comme l’est le sort et toute destinée. Se férocité à mon égard avait quelque chose d’accompli, et au fond de pur. Sa vie se déroulait avec l’implacabilité d’une fatalité et il nous en imposait. ” (DURAS, 2006 : 72).Et encore, dans ce fragment: “Lorsque je soutiens à ma mère qu’il m’était impossible d’aller me promener avec les filles de la pension Barbet, ma mère dut avoir le sentiment que c’était plus fort que moi. Elle avait une accoutumance si grande des « choses plus fortes que soi » qu’elle céda.” (DURAS, 2006: 93). Dans le premier passage, l’auteur se réfère au traitement que lui réservait son frère aîné. Le second fait mention aux sorties dominicales des filles de la pension où Margueritelogeait lorsqu’elle étudiait à Saigon. Quand Marguerite Duras souligne “des choses plus fortes que nous”, nous devons avoir à l’esprit toute l’infortune familiale, contée également dans lesCahiers de guerreà partir du moment où la mère de Marguerite, veuveavec trois enfants, obtint une concession de terre pour cultiver le riz. Selon Duras, dans une déclaration qui figure dans l’une de ses entrevues, sa mère ne savait pas qu’il fallait suborner pour obtenir des terres productives. Ainsi, outre l’emprunt qu’elle devait payer au gouvernement, la terre de Marie Donnadieu “située au milieu deterrains alluvionnaires salés et envahis régulièrement par la mer n’avait aucune valeur.” (DURAS, 2006:37).La résistance de la mère, qui n’acceptait pas ce fait injuste dû à toute la corruption régnante, ne fit qu’aggraver la situation quand elle alla demander un prêt pour la construction de barrages destinés à retenir la mer. Le projet de la mère, qui échoua, plongea la famille dans une situation financière calamiteuse. Cette situation serait montrée dans l’œuvreUn barrage contre le Pacifique (1950). Ainsi, l’enfance de Marguerite Duras est définie par l’auteur comme un temps difficile, une époque de “soumission au temps” comparable à une période de guerre. Comme nous le voyons dans les annotations suivantes: “Je ne voudrais voir dans mon enfance que de l’enfance. Et pourtant, je ne le puis. Je n’y vois même aucun signe de l’enfance. Il y a dans ce passé quelque chose d’accompli et de parfaitement défini – et au sujet duquel aucun leurre n’est possible.” (DURAS, 2006 : 359). Dans une autre observation durassienne, nous voyons son enfance comme“(...)solitaire et secrète – farouchement gardée et ensevelie en elle – même pendant très longtemps.” (DURAS, 2006 : 359). C’est de cette enfance “illimitée”, car actuelle, dans ce sens qu’il est impossible d’en sortir, ou de cette “mythologie familiale” 278 636, que nous observons le caractère obsédant de certains éléments que nous allons souligner dans la mesure où ils proviennent de ce contexte-état appelé enfance, et qui sont en rapport avec ce que nous proposons d’épingler pour cette étude de thèse comme un aspect fondamental: la temporalité. Pour cette lecture, les relations entre enfance et temporalité se déroulent dans un plan de composition ou d’immanence, où les mémoires dissoutes dans l’oubli affleurent destituées de tout ordre ou de séquence temporelle. Le temps “Aiôn”637, le temps de l’“instant” dans lequel les conditions intensives, comme la chaleur, la pluie, le vent, ou la paralysie ou le silence permet aux mémoires tissées à partir de ces traversées du temps d’apparaître. En 1990, Marguerite Duras écrit L’amant de la Chine du Nord (1991), une de ses dernières œuvres publiées. Dans un texte surL’amant de la Chine du Nort intitulé J’ai oublié les dates nous pouvons observer comment l’enfance débouche sur l’œuvredurassienne: J’ai oublié les dates, les années. Je les ai oubliées. C’est entre la Cochinchine et le Siam. La forêt de notre amour, de Paulo et moi. C’était le Siam, la forêt du Siam. Et les rizières de la concession c’était la fin de terres cultivables. C’était la forêt connue de Thanh. Là où nous sommes Il n’y a plus de saisons. C’est la plus longue zone chaude de la terre. C’est un climat monotone. Pas de printemps, pas de renouveau. Seulement la saison de la pluie. Et la saison sèche. Et la différence entre les ciels par le vent de mer. Et la chaleur sous le blanc ciel. (DURAS, 2014:756) L’image de l’enfance illimitée de Duras peut être vue dans la manière dont l’auteur compose cette œuvre déjà tardive en disposant les mémoires sous la perspective d’un ciel ininterrompu reflété sur un lac serti de brillants : Le ciel on le voit d’un bord à l’autre de la terre, Il est une laque bleu percée de brillances. On voit les deux enfants qui regardent ensemble ce même ciel. Et puis on les voit séparément le regarder. Et puis on voit Thanh qui arrive de la rue et va vers les deux enfants. (...) “Marguerite Duras, au fil de son imaginaire, ne cessera de les réinventer, fabriquant progressivement une véritable mythologie familiale.” (ADLER, 1998: 27) 637 Le temps vu comme deux lectures simultanées peut être compris par la distinction entre Chronos et Aiôn. Dans cette distinction, Deleuze délimite l’opération temporelle de refondation du temps en tant que devenir au travers de la perspective de l’Aiôn. 636 279 Puis on entend la valse sans paroles dite désespérée sifflée par Thanh sur un plan fixe du bleue du ciel. (DURAS, 2014 :606) Sur ce plan fixe, dénommé ainsi par l’auteur, Duras dispose les mémoires de l’enfance. D’après Deleuze, le plan d’immanenceest“ (...) c’est un plan fixe, plan fixe sonore, visuel ou scripturaire, etc. Fixe ne veut pas dire ici immobile : c’est l’état absolu du mouvement (...) sur lequel se dessinent toutes les vitesses et lenteurs (...).”(DELEUZE ; GUATTARI, 2016 : 326). Le ciel que Duras nous offre dans ce fragment est vu entièrement d’un bord à l’autre de la terre sertie de brillants: l’image du plan fixe, où tout est en même temps, toutes les mémoires-étant que celles-ci peuvent être comparées aux brillants qui ponctuent le ciel clair, mais nocturne, de cette image durassienne. Sous ce ciel, les deux enfants, ensemble dans un premier moment, indiscernables et ensuite séparés, regardant le même ciel et ensuite, “Tahn” qui arrive pour imposer à cette image unélément de bifurcation, qui est la valse désespérée de l’enfance indiscernable. Le ciel est comparé à un lac, et voici que l’auteur offre le moyen idéal pour “l’état de mouvement absolu” dans lequel le plan fixe peut se mettreen mouvement, et le fait est que dans le lac et dans la mer, on est toujours en mouvement en même temps, même de manière imperceptible. Et ce sera dans ce plan fixe que “Tahn”, insistance amoureuse du paysage infantile durassien, sifflera la valse de l’enfance désespérée, la valse sans paroles qui clôture la composition durassienne de cette image de l’enfance illimitée.
1.1.1 Enfance et paysage
Chez Marguerite Duras, les personnages, les sentiments et les relations sont traduits en termes de paysages. Ce trait peut être observé dans l’œuvre durassienne comme dans Agatha (1981) où le nom du village estégalement le nom du personnage et, de façon analogue dans Savannah Bay (1982) c’est le nom du personnage qui, à la fin, est aussi le nom du feu et aussi celui de la mer. Ainsi, nous pouvons proposer, avec Michele Porte et JoëllePagès-Pindon, qu’il y ait dans l’œuvre de Duras “(...) une 280 véritable poétique de l’espace en relationaveclamémoire”638. À ce stade de l’analyse, nous soulignerons, dans les annotations durassiennes sur sa première enfance, des scénarios et deséléments de la nature qui se reproduisent dans cette relation subjectifspatial, comme l’affirme Laure Adler: “Marguerite est une enfant de l’Indochine. Jusqu’à la fin de sa vie, elle évoquera ses paysages, ses lumières, ses odeurs.”(ADLER, 1998: 27). Ainsi, nous pouvons observer l’œuvre de Duras comme étant remplie de cette enfance-paysage où, selon Adler,il y a chez Marguerite: “(...) une imprégnationphysique la terre d’Indochine” (Ibid). L’analogie enfance-paysage peut être vue comme la traduction de l’importance de la figure maternelle: “Ma mère a été pour nous une vaste plaine où nous avons marché longtemps sans trouver sa mesure.” (DURAS, 2006 : 360).Dans cette annotation, nous voyons non seulement la traduction de l’image maternelle dans une relation spatiale, mais aussi celle du caractère illimité de cette figure fondamentale de son enfance en voyant sa mère comme un territoire sans limites. Nous pouvons observer également dans cette poétique de l’espace la dimension de l’actualité conférée à son enfance dans l’extrait suivant: “Je voudrais pour la voir, m’écarter d’elle, repousser un moment cette actualité absorbante qu’elle est toujours.” (DURAS, 2006 : 360). S’étant traduite elle-même comme un lieu: Duras, l’auteur peut être vue également comme un territoire frontalier entre la France et l’Indochine. Une fois encore, ce que nous allons souligner à partir de l’analogie enfance-paysage, dans le passage de Marguerite par ces deuxterritoires, ce sera l’indiscernabilité où l’enfance de l’un débouchera dans l’enfance de l’autre. À propos de ce moment, nous lisons: Marguerite arrive au Platier. Elle a huit ans, elle y vivra deux ans. C’est son premier choc avec la France. Cette période restera baigné de bonheur et du sentiment très fort d’une fusion avec la nature. (...) Sa patrie, c’est la Cochinchine, c’est son pays natal, mais cette élection-adoption s’est accompagnée parallèlement, et comme un secret, d’une imprégnation profonde de cette terre du Lot-et-Garonne. La France c’est Pardaillan, l’écriture c’est sa vie, et quand elle décidera d’en faire un métier et de publier son premier roman, elle abandonnera le nom du père pour choisir Duras, nom de la commune de la maison paternelle, et choisira comme cadre pour son premier roman, Les impudents, la terre d’origine de son père. (ADLER, 1998:43) “L’argument cité est développé dans
l
’article L’architecture de l’invisible dans Le cycle atlantique de Joëlle PagèsPindon et dans l’œuvre de Michelle Porte Les lieux de Marguerite Duras (1977). 638 281
Dans ce fragment d’Adler, l’indiscernabilité peut être vue dans l’imprégnation française de la Cochinchine, colonie française et dans sa contrepartie :l’arrivée de Marguerite dans une France Médiévale, le Lot-et-Garone. Ainsi, “La France, c’est Pardaillan” le héros médiéval. Le sentiment fort de fusion avec la nature qui ne s’éloigne pas de sa relation avec la nature en Cochinchine, où elle était entourée d’une éducation française. L’absence paternelle a continué, en se transformant plus tard dans le nom de famille. Et l’enfance sera à la frontière, en face de la forêt du Siam ou de la mer de l’Atlantique. Mais toutes deux sous le même ciel. Dans les archives de Dionys Mascolo, nous voyons l’affirmation durassienne ciaprès : “Quand j’écris sur la mer, sur la tempête, sur le soleil, sur la pluie, sur le beau temps, sur les zones fluviales de la mer, je suis complètement dans l’amour.”(DURAS, APUD, ADLER, 1998: 21).Cette affirmation se réfère à la difficulté et même à l’impossibilité de traduire ou de parler du sentiment amoureux. Alors, ce sentiment non seulement se traduit au travers de cette impossibilité expressive, mais il s’évanouit en paysages qui renvoient à la surface plane. Les relations se nouent à un niveau spatial, faisant en sorte que les affections se propagent ou se diluent en paysages, en climats, et en éléments tels que la mer oule vent, comme lorsque l’auteur définit dans l’œuvre Écrire : “(...) L’écrit, ça arrive comme le vent”(DURAS, 2014:845).
1.1.2 L’Enfance liquide: Au bord de la mer “LA MÈRE
Alors, tu vois? Ou recommencer les barrages ou on me retire
tout.
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L'élaboration d'images "paysages" habitantes : un levier participatif d'aménagement du territoire : le cas du Parc naturel régional de la Brenne
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Les premières réserves forestières sont créées. Elles résultent d autant d initiatives locales individuelles sans réel pilotage national, qui se heurtent à des difficultés de maîtrise foncière. Pour y pallier, associations de tourisme et sociétés savantes associées à l Administration des Eaux et Forêts expérimentent les premières réserves et Parcs nationaux dans les colonies françaises, avec beaucoup moins de contraintes qu en métropole (Selmi, 2009). Malgré l organisation par la France des premiers congrès internationaux de protection de la nature, le bilan métropolitain en matière d espaces protégés à la veille de la Seconde Guerre mondiale est maigre (Lepart et Marty, 2006). Il faudra attendre l immédiate après-guerre, dans un contexte de reconstruction, et de développement économique et touristique, pour voir la protection de la nature s organiser au niveau national, mais surtout international. Samuel Depraz (2008) y voit la mise en place du paradigme radical qui reprend certains éléments de la misanthropie romantique mais qui considère de manière négative les impacts des actions humaines. La nature est survalorisée, on observe une acception plus stricte de la protection des paysages et des éléments naturels, reposant sur une meilleure connaissance scientifique. Biocentrée, la protection de la nature entraîne des règlements plus stricts, ancrés dans une dichotomie du rapport homme/milieu ; l exclusion totale des sociétés est envisagée afin de protéger les espaces naturels. La mobilisation vise à mettre sous cloche quelques « espaces de nature » et à assurer leur soustraction totale aux influences anthropiques. Le 27 novembre 1946, un décret français institue le Conseil national de la protection de la nature (CNPN), qui a alors pour mission la définition des statuts des Parcs nationaux en France. Les prises de conscience s opèrent au niveau international ; l Union Internationale pour la BLOUIN-GOURBILIÈRE Claire |
Th
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l espace Géographie aménagement de Protection de la nature (IUPN 3 ) est fondée en 1948 à la suite des conférences de Bâle et de Brunnen. La même année, deux essais américains, Our Plundered Planet « La Planète au pillage » du naturaliste Fairfield Osborn et A Road to Survival « La faim du monde » de l écologue William Vogt dénoncent l utilisation abusive des ressources naturelles et prophétisent une vision apocalyptique du futur. Le paradigme radical revêt une ampleur mondiale. En France, les terminologies évoluent : la société nationale d acclimatation devient la société nationale d acclimatation de protection de la nature en 1948. La loi cadre instituant les Parcs nationaux, élaborée par le ministère de l agriculture, est finalement adoptée le 22 juillet 1960. Les Parcs nationaux français sont gérés par un établissement public relevant de l Etat, laissant peu de place aux acteurs locaux. Leur réglementation stricte différencie les zones centrales, véritables cloches de nature, et les zones périphériques, lieux de développement local. Ainsi, le CNPN français, en créant les premiers Parcs nationaux, se place dans une logique d isolement ou de sanctuarisation des espaces naturels, mis en opposition avec les territoires humanisés, dont la ville est l archétype. Jacques Lepart et Pascal Marty (2006) notent dans ce premier temps de l histoire de la conservation des espaces protégés une forme d extraterritorialité durant laquelle « l espace de nature échappe aux règles générales qui gèrent le reste du territoire » (Lepart et Marty, 2006). De nombreux conflits émaneront de la gestion des zones centrales des Parcs nationaux. Les réserves naturelles sont introduites avec la loi du 1er juillet 1957 en vue de la « conservation et de l évolution des espèces ». Les premières réserves françaises 3 L UIPN deviendra l UICN (Union internationale pour la conservation de la nature et des ressources) en 1956. Sa première contribution remarquable a été la création de la Liste Rouge des espèces menacées. Aujourd hui l UICN constitue la plus importante organisation semi-gouvernementale de protection de la nature avec 1 100 employés et 10 000 experts. BLOUIN-GOURBILIÈRE Claire | Thèse de doctorat 24
l espace Géographie aménagement de sont crées dans les années 1970, mais c est la loi du 10 juillet 1976 qui dans son chapitre III donne à ce système son statut définitif. Tous les éléments à prendre en considération sont énumérés avec précision : préservation des espèces en voie de disparition, reconstitution de leur habitat, préservation des biotopes, formations géologiques, géomorphologiques ou spéléologiques. On distingue en France deux types de réserves : les réserves naturelles nationales (RNN) classées par décision du ministre chargé de l Ecologie et du Développement durable d une part, et les réserves naturelles volontaires (RNV remplacées depuis la loi « démocratie de proximité » de 2002 par les réserves naturelles régionales, RNR), classées par décision en Conseil régional. Les réserves correspondent à des zones de superficie limitée créées en vue de la préservation d une espèce animale ou végétale en voie de disparition ou présentant des qualités remarquables. Leur faible étendue rend leur création plus aisée que celle des Parcs nationaux. 1.1.2. Episode 2 : Protection du patrimoine (1960 2000)
Ce deuxième épisode est marqué par la mise en place du paradigme intégrateur (Depraz, 2008), lequel s inscrit dans une logique de prise en compte des données sociales des espaces protégés. Il tend vers un mode de gouvernance participatif, basé sur une approche écocentrée. La DATAR (Délégation à l aménagement du territoire et à l action régionale) est créée en 1963. En 1964, Edgar Pisani, alors ministre de l'Agriculture, mandate une mission dont l objectif fut d imaginer une formule de Parcs naturels moins contraignante que celle des Parcs nationaux sur des territoires ruraux habités au patrimoine remarquable. En septembre 1966, une centaine de personnalités de tous horizons (architectes, aménageurs, ministres, fonctionnaires, responsables d'associations, hommes de théâtre ) fut réunie à l'initiative de la DATAR à Lurs-en-Provence. Ils inventent la formule de « Parc naturel régional » à la française. Institués le 1er mars 1967 par le décret 67-158 du 1er mars 1967, les Parcs naturels régionaux répondent au triple objectif de créer des zones de détente près des grandes métropoles ; d animer les secteurs ruraux en difficulté en étant levier de développement local ; et enfin, de trouver des possibilités nouvelles
BLOUIN-GOURBILIÈRE Claire | Thèse de doctorat 25
l espace Géographie aménagement de de mise en valeur des richesses naturelles et culturelles, de la préservation de la ßore, de la faune, des paysages. La création des Parcs naturels régionaux marque le second temps de l histoire de la conservation des espaces protégés (Lepart et Marty, 2006). Si dans les Parcs nationaux, ce sont l exceptionnalité et le caractère remarquable qui sont mis en avant comme critères de sélection des espaces des espèces à protéger, dans les Parcs naturels régionaux, l accent est mis sur la spécificité des espaces, la qualité des paysages, et la valorisation patrimoniale. La biodiversité, « objet international aux facettes locales » (op. cit.) remplace le concept de nature. Elle est prise en compte à l échelle du territoire, territoire abritant un patrimoine naturel et des habitants. Alors que le concept de « nature » excluait en principe les activités humaines, la biodiversité les intègre inévitablement. On considère désormais que le projet de conservation doit s intégrer dans un projet de développement local porté par des collectivités territoriales. Le rapport de G.H Brundtland Our common future
Notre avenir à tous publié en 1987 donne une définition du développement durable qui doit répondre aux besoins des générations présentes, sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Le message du rapport est clairement entendu. En 1992, le principe 4 de la Conférence de Rio, indique que « pour parvenir à un développement durable, la protection de l environnement doit faire partie intégrante du processus de développement et ne peut être considéré isolément ». Charles et Kalaora (2007), l expriment en ces mots : « La nouvelle démarche s affirme comme globale, à l échelle de la Terre et de l ensemble des espèces ; elle ne procède plus d une affirmation, en termes de connaissance et d action, mais d une interrogation face à ce qui apparaît comme une menace massive, introduisant une logique de précaution. » Les parcs naturels régionaux français continuent donc de se développer et l article 2 de la loi « paysages » sur la protection et la mise en valeur des paysages, publiée le 8 janvier 1993, leur donne pour la première fois une base législative en précisant l ensemble des missions assignées aux Parcs qui « concourent à la politique de protection de l environnement, d aménagement du territoire, de développement économique et social et d éducation et de formation du public... et constituent un cadre privilégié des actions menées par les collectivités publiques en faveur de la préservation des paysages et du patrimoine naturel et culturel ». Cet article donne surtout une réelle portée juridique aux chartes des Parcs avec lesquelles les documents d urbanisme doivent désormais être compatibles. Profondément ancrés dans le paradigme radical des années 60, les Parcs nationaux éprouvent de lourdes difficultés. Une profonde remise en question les entraînera à BLOUIN-GOURBILIÈRE Claire |
Thèse de
doctorat
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l espace Géographie aménagement de évoluer vers le paradigme intégrateur. C est ainsi qu une loi paraît en 2006, afin de repréciser leurs enjeux. Désormais, une charte est rédigée collectivement, et la zone centrale du Parc devient « c ur », elle est entourée d une zone d adhésion. Afin d encourager un processus de dialogue et de concertation avec les services de l Etat, les élus locaux prennent une place plus importante dans les conseils d administration. La gestion d un Parc national est confiée à un établissement public administratif de l Etat (disposant d un pouvoir réglementaire propre), pour combiner la garantie de l Etat (tutelle, recours), l association des acteurs locaux (majorité au conseil d administration, conseil économique, association à l élaboration et à la mise en social et culturel consultatif, uvre de la charte) et l expertise scientifique (conseil scientifique consultatif). Les récents Parcs nationaux de la Réunion (2007), de la Guyane (2007) et des Calanques (2012) ont ainsi vu le jour sur un modèle plus souple, conciliant les activités anthropiques. En 2012, les dix Parcs nationaux français couvrent des domaines terrestres et maritimes variés et représentent par leurs périmètres maximum près de 9,5 % du territoire français 4. Le Grenelle de l Environnement 5 prévoit la création de deux autres Parcs nationaux : un Parc national forestier de plaine entre Champagne et Bourgogne et un Parc national de zone humide dont la localisation n est, en août 2012, pas encore fixée. En 2006, le nouveau statut de Parc naturel marin, « parc créé dans les eaux » voit le jour. En 2012, quatre Parcs naturels marins ont été créés, sept sont à l étude. 4 Source http://www.parcsnationaux.fr/
5 Cf. l article 23 de la loi BLOUIN-GOURBILIÈRE Claire | Thèse de doctorat 28 l espace Géographie aménagement de
Figure 1 : Carte des
Parcs nationaux français
en 2012
Source : Parcs nationaux.
1.1.3. Episode 3 : Préservation de la biodiversité (depuis 2000)
Ce troisième et dernier épisode de l histoire de la conservation des milieux naturels est significatif des années 2000, mais il se dessine dès la fin des années 1970, lorsque la nature ordinaire (everyday nature en anglais) commence à intéresser les conservateurs qui cessent de se focaliser uniquement sur les parcs et les réserves. Les paysages agricoles, lorsqu ils sont façonnés par des pratiques respectueuses de l environnement, abritent une faune et une flore variées, que les effets des pratiques agricoles intensives menacent. Au crépuscule des Trente Glorieuses, on craint alors la disparition de milieux particuliers comme les champs à messicoles, les vieux arbres creux, les pelouses, les réseaux de haies et plus généralement les mosaïques de milieux. Ce passage d une configuration simple (où l on gérait des espaces de BLOUIN-GOURBILIÈRE Claire | Thèse de doctorat 29 l espace Géographie aménagement de nature isolés) à une configuration systémique complexe (on cherche à protéger la biodiversité présente dans les milieux façonnés par les sociétés humaines) marque un troisième temps de la protection de la nature (Lepart et Marty, 2006). « La notion de biodiversité, qui entend la diversité génétique, spécifique et écosystémique, a permis de mieux prendre en considération le lien entre les besoins des espèces et la capacité d accueil de l espace (l habitat) » (op. cit.). Dans le même temps, l intérêt porté à la biodiversité urbaine croît : à la fin des années 1990 les premiers Parcs naturels urbains sont créés. Résultants d initiatives locales, portées par les collectivités territoriales, il s agit de « bâtir un projet collectif de territoire, visant à valoriser les lieux dans toutes leurs dimensions, tout en présentant un environnement d'une qualité exceptionnelle6.» Les démarches d échantillonnages ponctuels se multiplient, donnant le jour à la protection d une « nature ordinaire ». Institués en 1976, les Arrêtés de Protection de Biotope permettent de délimiter des périmètres de protection nécessaires à la survie de certains milieux ou de certaines espèces. Un arrêté daté de 1977 les instaure en vue de favoriser la « conservation des biotopes tels que les mares, les marécages, les marais, les haies, les bosquets, les landes, les dunes, pelouses ou toute autre forme naturelle peu exploitée par l homme ». La démarche des arrêtés de biotope est complétée par un inventaire préalable assuré par le Muséum d histoire naturelle qui définit en amont de toute mesure de classement des ZICO (Zones importantes pour la conservation des oiseaux) et des ZNIEFF (Zone Naturelle d'Intérêt Ecologique, Faunistique et Floristique). Au début des années 2000, la question de la conservation émerge donc comme une problématique globale imposant la nécessité d une politique d ensemble dont Natura 2000 constitue le projet. Ce réseau est porté par l Europe et il accompagne la construction européenne en donnant une vision communautaire à la conservation des espèces et des habitats. Basé sur les inventaires issus des Directives européennes Habitats et Oiseaux mentionnées précédemment, le réseau européen vise à établir des espaces gérés pour leur intérêt communautaire. Il comporte les Zones Spéciales de Conservation (ZSC), définies par la Directive Habitat Faune Flore et les Zones de Protection Spéciale (ZPS) définies par la Directive Oiseaux. Le terme de biodiversité se banalise, il remplace celui de patrimoine naturel. La mise en place de Natura 2000 implique une déterritorialisation relative, en particulier par rapport aux politiques nationales, autorisant de nouvelles approches, favorisant le 7 DREAL Centre http://www.centre.developpement-durable.gouv.fr/zone-naturelle-d-interetr95.html
BLOUIN-GOURBILIÈRE Claire | Thèse de doctorat 31 l espace Géographie aménagement de décloisonnement et une conception intégrée (Charles & Kalaora, 2007). En insistant sur la compatibilité des modes de mise en valeur et de la conservation des espèces patrimoniales ou d intérêt communautaire, la conservation de la biodiversité prend
une
dimension
géographique,
elle
de
vient
objectif de
gestion
des territoires. En France, cela s illustre avec la trame verte et bleue, mesure phare du Grenelle de l environnement (2007). Cette mesure, considérée par le ministère de l Ecologie comme « un outil d aménagement du territoire » a pour ambition d enrayer le déclin de la biodiversité au travers de la préservation et de la restauration des continuités écologiques. Le ministère de l Ecologie présente son objectif comme suit : « [elle] à (re)constituer un réseau écologique cohérent, à l échelle du territoire national, pour permettre aux espèces animales et végétales, de circuler, de s alimenter, de se reproduire, de se reposer... En d autres termes, d assurer leur survie, et permettre aux écosystèmes de continuer à rendre à l homme leurs services. Les continuités écologiques correspondent à l ensemble des zones vitales (réservoirs de biodiversité) et des éléments (corridors écologiques) qui permettent à une population d espèces de circuler et d accéder aux zones vitales. L intérêt est double : « pour les scientifiques, ils permettent d obtenir des jeux de données à très larges échelles spatiales et bien souvent sur le long terme. Pour les citoyens, le fait de prendre part activement à l étude de la nature qui les côtoie constitue une forme de sensibilisation et d éducation aux sciences de la conservation 8 http://www.developpement-durable.gouv.fr/-La-Trame-verte-et-bleue,1034-.html consulté le 30 juillet 2012 BLOUIN-GOURBILIÈRE Claire
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Thèse de doctorat
32
l espace Géographie aménagement de
et
contribu
e
à démythifier l idée d une nature ne pouvant
être
étud
iée
que
par des connaisseurs avertis
. » (
Godet
, 2010).
Notre intention de recherche se place dans la perspective de décliner ce concept de sciences participatives sur les paysages, à l instar de plusieurs recherches-actions déjà réalisées (Michelin, 1998 ; Pernet, 2011), afin d établir des liens entre cadre de vie et acteurs du territoire.
BLOUIN-GOURBILIÈ
RE
Claire
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1.2. Les paysages dans les Parcs : un statut particulier
Préambule : précision de vocabulaire Polysémique, le terme de paysage fait débat depuis des décennies. Présent à la fois dans le champ de l opérationnel, de la recherche, de l enseignement, et à des échelles diverses, du local à l international, la définition du terme est en mouvement sémantique perpétuel, attestant de son intérêt pour de multiples champs de compétence. Pour notre part, nous adhérons au courant qui considère « le paysage comme construction sociale, produit perceptible des interactions entre les processus sociaux et les processus biophysiques d une part, et entre la dimension matérielle et la dimension immatérielle de la nature, d autre part. » (Lunginbühl, 2007). C est dans cette acception du terme que la Convention européenne définit le terme comme : « Partie de territoire telle que perçue par les populations et dont le caractère résulte de facteurs naturels et/ou culturels et de leurs interrelations » (article 1 de la Convention européenne du paysage de Florence). Le paysage est donc un concept relationnel supposant un rapport entre un espace perçu et un sujet le percevant, et qui permet de décrire et de comprendre ce lien dans toutes les sociétés. Le paysage est à la fois « l'empreinte perceptible des valeurs et des règles d'une culture, et la matrice de sa transformation mimétique ou inventive » (Donadieu, 2009). A ce titre, nous pensons que le paysage constitue un « paradigme de médiation entre l espace et une société donnée » (Donadieu, 2007).
BLOUIN-GOURBILIÈRE Claire | Thèse de doctorat 34 l espace Géographie aménagement de 1.2.1.
Des représentations multiples, antinomiques, à l origine de conflits
Les paysages des espaces protégés sont porteurs de valeurs et de considérations fortes d un point de vue écologique, hédonique, économique et territorial. Le paysage, notion usuelle mais complexe apporte des significations multiples que n expriment pas les champs sémantiques voisins. Les notions d espace, de territoire, de patrimoine, d environnement et de nature possèdent des significations proches, mais distinctes de l idée de paysage (Donadieu, Mazas, 2002 ; Brunet et al., 1998 in Donadieu, 2007). Nous définirons, en ce qui nous concerne, quatre considérations distinctes des paysages des espaces protégés. Les paysages des espaces naturels protégés sont tout d abord considérés pour leur richesse écologique, d un point de vue de l écologie de la conservation. On y observe, à coups d inventaires, de suivis naturalistes, d arrêtés de protection de biotope et de superpositions de protections spécifiques, les espèces souvent rares ou protégées qui y vivent. Le paysage se fait milieu, Jacques Baudry parle d ailleurs de matrice paysagère. Cette considération des paysages a donné naissance à une discipline, l écologie des paysages. L allemand Carl Troll inventa le terme de Landschaftökologie en 1939. Henri et Odile Decamps en détaillent ainsi les fondements : « L écologie du paysage étudie les interactions entre l organisation de l espace et les processus écologiques. Elle s intéresse aux causes et aux conséquences de l hétérogénéité de l espace, en combinant les concepts et méthodes de la géographie et de l écologie. Sa démarche s inscrit dans le cadre d une approche intégrée des paysages» (Decamps, 2007). Les chercheurs français ont énormément participé au développement de l écologie du paysage par leurs contributions à diverses revues internationales de langue anglaise. La seconde considération de ces paysages est d ordre hédonique, voire mystique. Il s agit d un rapport de contemplation de la nature dans une vision anthropocentrée. Les paysages des espaces protégés sont des paysages « originels », des tableaux mythifiés que l on vient contempler, indispensables au ressourcement. Reposant sur le grand mythe fondateur du Wilderness, où la simple évocation du mot parc naturel BLOUIN-GOURBILIÈRE Claire
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l espace Géographie aménagement de donne une vision de Yellowstone en arrière-fond de la toile mentale de nombreuses personnes interrogées. Avec le Wilderness, la nature est perçue comme immaculée et pratiquée comme initiatique. « Le Wilderness suppose ainsi un lieu (un milieu géographique de nature non contrôlée) et une expérience humaine (un regard et un comportement). Il désigne la matrice esthétique qui s est construite de manière itérative entre l objet de nature convoité et la relation émotionnelle et physique du sujet. Autrement dit, le Wilderness désigne un répertoire culturel pour le sujet percevant, et sans lequel la magie paysagère n opère pas. » (Joliet et Jacobs, 2009). Cette considération hédonique des paysages des espaces protégés est marquée, aujourd hui encore, par le naturalisme et le romantisme, qui accordent une importance au pittoresque dans les paysages. Cette vision des paysages est issue d un processus d artialisation du paysage (Roger, 1997), c'est-à-dire d un processus culturel de qualification d'un paysage soit directement et matériellement (in situ) dans le cas du jardin et des aménagements paysagers, soit indirectement (in visu) au moyen des modèles paysagers que mobilisent les regards formés, initiés et informés (Donadieu, 2009). La troisième considération est d ordre territorial, liée à son approche identitaire mais aussi politique. L aspect identitaire d un paysage peut se référer aux symboles ou attributs paysagers qui lui sont propres, qui permettent de le distinguer des autres paysages. La tour Eiffel à Paris, les calanques de Cassis, le Pic du Midi pour les Pyrénées sont autant d attributs visuels, de motifs à connotation identitaire. Le caractère paysager donne l'identité à un paysage, c'est-à-dire ce qui le rend unique et qui souvent, justifie sa protection juridique (Donadieu, 2009). La valeur identitaire peut également être liée à l aspect culturel des formes du paysage. On pense aux paysages agricoles, pastoraux, dont les formes ont été dessinées par les pratiques sociales passées (et parfois contemporaines) et qui ont valeur de patrimoine paysager. Ces paysages à valeurs identitaires fortes sont considérés comme des biens à protéger et à transmettre aux générations futures pour des raisons historique (site historique), écologique (site écologique), archéologique (site archéologique), ou autre. Enfin, dans la même acception identitaire du paysage, celui-ci peut apporter une cohérence possible aux territoires institutionnels, même si cette cohésion est plus souvent recherchée a posteriori (Davodeau, 2011). BLOUIN-GOURBILIÈRE Claire | Thèse de doctorat 36 l espace Géographie aménagement
de La dernière considération des paysages est d ordre économique. Des chercheurs, spécialisés en économie du paysage, cherchent à chiffrer la valeur des aménités paysagères (Cavailhès et al., 2007 ; Lifran et Oueslati, 2007). Ces spécialistes de l économie du paysage expliquent que la conception phénoménologique du paysage conduit naturellement l économiste à étudier trois points. Le premier est la demande sociale de paysage, en mobilisant les concepts de l économie publique. Le second repose dans la formation des paysages, en mobilisant les concepts de l économie géographique et en soulignant le rôle des droits de propriété, comme créateurs de paysages et fondements des forces de viscosité dans leur transformation. Le troisième point, considérant le paysage comme bien public local, ayant le caractère de produit joint issu de l activité de multiples acteurs, les conduit à analyser les difficultés et les instruments de sa gouvernance (Lifran et Oueslati, 2007). D un point de vue touristique, les paysages des espaces touristiques en constituent la vitrine. La communication des organismes de parcs repose essentiellement sur des images de nature véhiculées, reposant sur des processus de captation esthétique (Donadieu, 2007). Films, reportages dans la presse, livres de photographies sont autant de vecteurs de communication que les structures recherchent. Elles souhaitent faire valoir la beauté de leur îlot. Cette troisième considération des paysages concerne les acteurs économiques, spécialement ceux du secteur tertiaire (hébergements, agences de voyage, guides touristiques ). Ainsi, les Parcs naturels régionaux disposent d une marque Parc 9, ce qui permet de soutenir l économie rurale locale en attribuant ce label. La considération économique des paysages conduit à les protéger comme des « biens de valeur ». La loi de 1979 sur la publicité dans les Parcs naturels régionaux ou encore le militantisme anti-éolien vont dans ce sens. Ils visent à assurer la protection du cadre de vie et des paysages « protégés », 9 La « Marque Parc » est une marque collective, propriété déposée à l'Institut national de la Propriété Industrielle. Elle peut être attribuée par chacun des Parcs naturels de France à un produit, une prestation touristique, un service ou un savoir-faire contribuant au développement durable du territoire. BLOUIN-GOURBILIÈRE Claire | Thèse de doctorat 37 l espace Géographie
aménagement de considérés comme des biens marchands, leur perte ou leur dégradation entraînant une perte de la valeur du site. Ces quatre points de vue, déclinés dans les espaces protégés ne doivent pas faire oublier que ces aires sont la plupart du temps habitées, surtout depuis la mise en place du paradigme intégrateur. Des hommes vivent et travaillent dans « le décor », leurs activités le transforment, les usages et traditions étaient souvent initiés bien avant la mise en place de l aire de conservation, nous faisons notamment allusion à la chasse qui est toujours source de conflit, et à l agriculture qui a pu l être durant certaines époques. Nous abordons ici l épineuse question de la « mise sous cloche », ou de « la mise en réserve » dénoncée par certains acteurs locaux dont la vision et les pratiques liées au territoire se heurtent aux les objectifs et aux modalités de conservation des espaces protégés. De nombreuses expériences font état de ces zones de tensions entre les différents niveaux politiques de gestion (local, provincial, national), les différents intérêts économiques en jeu, les enjeux transfrontaliers et la place théoriquement importante dévolue à la participation « communautaire » (Guyot et al., 2007). Conscients de ces représentations majeures, on comprend aisément que l espace protégé soit générateur de représentations contradictoires et qu il catalyse quasi systématiquement des conflits d intérêts autour de la maîtrise de l espace (Depraz, 2008). C est justement au titre de zone de cristallisation des conflits et des représentations que le paysage des espaces protégés est un support de médiation adapté. Hervé Davodeau (2009) parle de médiation par le paysage, Pierre Donadieu (2009) parle de géomédiation, qu il définit comme une médiation sociale à finalité de coproduction paysagère. Dans les deux cas, l analyse des paysages éclaire le fonctionnement du cadre de vie et les relations que les acteurs entretiennent avec lui et avec la nature qui le compose (Luginbühl, 2007). Outre ces conflits, issus des représentations contradictoires, une autre thématique est souvent à l origine de conflits épineux. Il s agit des frontières du territoire, et de la question de leur cohérence. BLOUIN-GOURBILIÈRE Claire | Thèse de doctorat 38 l espace Géographie aménagement de
1.2.2. Question du périmètre, quelle cohérence territoriale? Tracer les contours d un espace naturel protégé est une entreprise délicate, c est ce qui explique que la question du périmètre est souvent problématique. D un point de vue purement paysager, la question de la limite « physique » se pose. C est la question qui est très concrètement posée par les unités paysagères : que place-t-on dedans? Que place-t-on dehors? Et qui dicte ce découpage? L histoire et les usages ont forcément un lien avec les représentations actuelles. Comment les prendre en compte. Enfin, dans quelle mesure les habitants, s il en est, ont-ils voix au chapitre? On oublie fréquemment que la création des premiers grands Parcs nationaux américains a entraîné l expulsion des autochtones ; les indiens Miwok pour le parc de Yosemite, des Crow pour celui de Yellowsone. Dans les pays en voie de développement, les pratiques préservationnistes radicales ont conduit à des évictions des populations résidentes hors de leur habitat, ceci afin de rétablir l intégrité écologique des sites protégés. C est le cas de la communauté Venda de Makuleke, en Afrique du Sud, dont 12 000 membres ont été déracinés en 1969, dans le cadre de l agrandissement du Parc national Kruger. Le régime ségrégationniste de l apartheid menait à l époque une politique de protection de la nature en fonction des intérêts de l élite blanche. La communauté a pu obtenir en 2004 des indemnités compensatrices (Depraz, 2008). Au Ghana, en 2002, 7 000 habitants d une île du lac Volta ont été menacés d éviction pour l établissement d une réserve forestière. Malgré une pression internationale d ONG, une centaine d entre eux a été déplacée en 2006, sans délai préalable et en recourant à la force (Depraz, 2008). Si aujourd hui ces évictions ne peuvent, théoriquement, plus se produire en vertu du paradigme intégrateur, situé aux fondements du principe de développement durable et de la Convention de Rio, les questions du périmètre des espaces protégés et la prise en compte des populations locales restent centrales. Avec l application des concepts du développement durable, ainsi que la prise en compte des données sociales de l aire de conservation, la notion de territoire devient centrale dans le concept des parcs et espaces naturels. « Cette vision remet en cause le clivage nature/société qui fondait les politiques de protection, dont la pertinence ne pouvait s entendre que dans le jeu entre champs symboliques séparés. Cette évolution rend la perspective du territoire incontournable, mais en même temps elle le requalifie profondément. Il n est plus une entité statique, administrative, technique ou esthétique articulant autour d un référent identitaire un pouvoir et des populations. Il devient l espace de relations aux frontières multiples et changeantes, support de logiques plurielles inscrites dans la temporalité, le devenir,
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aménagement de la transformation et le jeu généralisé des interactions. Ces transformations disqualifient toute conception fixiste de la protection. » (Charles & Kalaora, 2007). De fait, l adhésion au projet de conservation est rarement unanime. Des variables telles le charisme du porteur de projet, l histoire des lieux, les mécanismes de mise en place du projet, influent sur sa réussite. La question des limites fluctuantes des territoires pose la problématique de la cohérence paysagère, et par delà, identitaire. C est le cas, nous le verrons dans le chapitre suivant, pour le Parc naturel régional de la Brenne. Les frontières mouvantes soulèvent également la problématique du sentiment d appartenance. Pour les habitants, comment s approprier ces parcs créés ex-nihilo? Là encore, notre problématique interroge cette perspective. Enfin, la réflexion sur les frontières pousse à se poser la question suivante : la mise en réserve d un territoire ne risque-t-elle pas de légitimer les dégradations en dehors de son périmètre?
1.2.3. Les Parcs et l image
Le Parc national est sans doute « l espace protégé le plus prestigieux qui soit pour le grand public ( ) il est investi par de nombreuses représentations héritées du paradigme sensible ( ) il témoigne de l image d une nation, de sa fierté » (Depraz, 2008). On observe que ces propos se transposent pour les parcs naturels régionaux, image et fierté d une région. De nombreuses représentations des espaces protégés sont véhiculées par les images, la photographie, la peinture également, même si son usage décline. Ces représentations iconographiques du paysage sont utilisées dans le marketing territorial, pour la valorisation de produits locaux, dont les sites Internet des Parcs abondent. Les paysages, grandioses, pittoresques ou identitaires, constituent le socle des politiques de communication des parcs. Les gestionnaires trouvent toujours des supports pour permettre « l investissement émotionnel » du public (Depraz, 2008). Cela passe par des images rassérénantes de la nature, faisant écho à un fort investissement esthétique par le regard. La presse, les nombreux magazines spécialisés dans la nature et les excursions vantent régulièrement les BLOUIN-GOURBILIÈRE
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aménagement de grands espaces des espaces protégés. Et les organismes de promotion l ont compris, utilisant de plus en plus l image de paysage, indissociable d une puissante tradition picturale, dans leurs supports de communication (sites Internet, brochures et dépliants). Cette tradition picturale a exercé une influence considérable sur les professionnels de la conservation, comme sur l ensemble du public (Charles & Kalaora, 2007). La photographie amateur et professionnelle se développe constamment, et l usage des réseaux sociaux l amplifie. La mondialisation de la société de l image ne fait qu accroître l importance de la visibilité de ces espaces. Les jeunes générations partagent facilement leurs photographies de vacances « en instantané ». Le cinéma influence également les perceptions d un lieu, elles participent aux modalités de co-construction de l image, voire d un imaginaire territorial. C est également le cas de certains feuilletons télévisés à mi-chemin entre productions artistiques et mass media, via un phénomène de diégétisation 10 (Odin, 2000) parallèle à la dimension narrative. Céline Bryon-Portet (2011), dans son analyse des répercussions de la série Plus belle la Vie sur l image de Marseille, cite deux exemples : tout d abord le film Le Bonheur est dans le pré d E. Chatiliez qui avait permis dans les années 1990 de faire connaître le département du Gers auprès des Français et participé à en forger une image positive, allant jusqu à véhiculer une véritable identité socioculturelle autour de la convivialité et du bien-vivre. Des effets concrets furent notés par les acteurs locaux après la parution du film sur les écrans : invasion de touristes, ventes accrues de maisons secondaires, etc. (Bley & Licht, 2006). Un autre exemple connu d une production cinématographique qui a contribué à transformer une image existante est le film Bienvenue chez les Ch tis. S efforçant de 10 Diégétiser, c est construire un monde : « Je diégétise chaque fois que je construis mentalement un monde, et ceci, quelle que soit la nature de la stimulation de départ : un roman, un reportage dans mon journal quotidien, un texte historique, un morceau de musique » (Odin, 2000 : 18)
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espace Géographie aménagement de déconstruire, selon une étude de 2008 réalisée par l office régional de tourisme 11, des préjugés présents dans l inconscient collectif (il y fait froid, c est le désert culturel, on s y ennuie, les gens ne sont pas accueillants ni bons vivants...) ; la comédie de D. Boon a entraîné (toujours selon la même étude) une augmentation de la visibilité et une valorisation de ce territoire, mais aussi une hausse des flux touristiques. Ces expériences photographiques ou cinématographiques font appel à l imagibilité des paysages. Le terme « imagibilité » est un néologisme forgé par K. Lynch en 1960 12. Vocabulaire significatif d un champ scientifique exploratoire nouveau, il connaît dès lors un déploiement dans le champ des sciences sociales qui portent sur les représentations et pratiques de l espace et du paysage. Partant du postulat que la forme d un lieu peut renforcer sa signification au même titre que sa portée sociale, sa fonction ou son histoire, Lynch propose le concept d « imagibilité ». Selon lui, les paysages disposant d une bonne imagibilité présentent « une forte aptitude à se présenter aux sens de l observateur d une manière aiguë et intense » (Lynch, 1960 : 11). Mais Lynch concentre ses études sur les caractères physiques des lieux visuellement perceptibles, et reconnaît lui-même ne pas traiter certaines composantes qualitatives relevant de la perception et de la représentation de l environnement comme « la signification, la force d expression, l agrément pour les sens, le rythme, le caractère stimulant, l ambiguïté » (ibid. : 12). Nous adopterons dans cette thèse une définition de l imagibilité qui inclut ces composantes « manquantes » nécessaires à notre étude, soit la faculté d un caractère physique 11 « L Aubaine Bienvenue chez les Ch tis. Mesure de l impact du film sur les demandes d information touristique en région Nord/Pas-de-Calais », Les études de l Observatoire, Comité Régional de Tourisme Nord/Pas-de-Calais, mars-octobre 2008. 12 Lynch décline le concept d imagibilité sur les formes urbaines. Son étude The Perceptual Form of the City (1954/1959) et les travaux qui ont suivis au Massachusetts Institute of Technology ont ensuite été repris et déclinés, essentiellement sur des analyses architecturales et urbaines. Lynch décrit les formes physiques perçues des villes selon cinq éléments identifiés à partir de cartes mentales : les voies, les limites, les quartiers, les n uds et les points de repères.
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aménagement de saillant du paysage à susciter une image mentale chez l observateur, se faisant l écho d une signification particulière (pratique, émotionnelle, culturelle) dont nous chercherons à comprendre les usages, les valeurs et l intensité associée. Nous reviendrons sur ces notions dans notre chapitre sur l état de l art, mais retenons d ores et déjà que l imagibilité a pour corrélat la notion de visibilité, c est-à-dire celle de donner à voir, et « rendre visible, montrer, produire une image est une construction sociale ( ) qui équivaut à véhiculer une signification, à produire une vision du monde » (Facciolli, 2007: 12). C est en raison de ces éléments que l image nous a semblé un bon matériau d étude pour notre recherche sur la perception des espaces protégés, et la mise en place d un mouvement de dialogue entre acteurs territoriaux. L exemple cité plus haut, traitant de l étude au long cours (2009-2013) réalisée par Fabienne Joliet sur le Parc Tursujuq en est une illustration. L image est devenue un outil de médiation paysagère dans un projet de Parc national sur un territoire où l on s exprime en trois, voire quatre langues (Joliet & Blouin-Go
bilière, 2013). BLOUIN-GOURBILIÈRE Claire | Thèse de doctorat 44 l espace Géographie aménagement de
1.3. Focus sur les Parcs naturels régionaux de France
Les Parcs naturels régionaux sont aujourd hui des exemples remarquables d auto-développement... Ils sont et doivent devenir plus encore des bancs d essai pour des politiques qui s imposeront un jour sur l ensemble de notre pays. Huguette BOUCHARDEAU, secrétaire d État auprès du Premier ministre, chargée de l Environnement et de la Qualité de la Vie. 1982 « Il n y a pas de doute à avoir sur l avenir des Parcs naturels régionaux parce qu ils sont à la pointe avancée, à l avant-garde même, de la mobilisation pour l excellence environnementale. Ce que nous voulons faire pour la France, les Parcs le font déjà! Lutte contre la perte de biodiversité, continuité écologique, protection des paysages, maîtrise de l'urbanisation, gestion durable des forêts, soutien à l économie sociale et solidaire, tourisme vert, agriculture durable, dans chacun de ces domaines, les parcs sont des territoires de projets, d expérimentation et d innovation qui ont un temps d avance. » Delphine BATHO, ministre de l Écologie, du Développement durable et de l Énergie. 2012. Territoires d expérimentations, modèles de développement local à l échelle internationale, les Parcs naturels régionaux n en sont pas moins fragiles. Ils reposent sur une initiative locale et développent des champs de compétences de plus en plus vastes, avec des moyens limités. D aucuns les disent même en crise, et s inquiètent pour leur avenir. Mais ces nouveaux défis et questionnements permettent précisément de replacer des débats de fond à leur juste place. Ils invitent les PNR à BLOUIN-GOURBILIÈRE Claire |
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èse de doctorat 45 l espace Géographie aménagement de requestionner d une part, leurs objectifs de départ et d autre part leur motivation initiale. Ceux-ci vont nécessairement, au bout de plusieurs années d existence, vivre des crises.
1.3.1. Des initiatives locales
Nous rappelons que Samuel Depraz (2008) voit dans les Parcs naturels régionaux l exemple de réalisation du paradigme intégrateur, car ils reposent sur une initiative de développement local, portée par une collectivité. Les Parcs sont créés selon une démarche ascendante (dite bottom-up) : généralement, une initiative locale (émanant d élus, d associations, de collectivités territoriales ou plus rarement d habitants) rencontre les instances de l échelle régionale, qui lancent le processus de labellisation dans le cadre de leur compétence en matière d'aménagement du territoire (Article R333-1 du Code de l environnement). Au terme d une procédure longue de plusieurs années, le territoire peut-être classé Parc naturel régional par décret du Premier ministre. La durée de ce classement est de 12 ans 13, période qui correspond à la durée du contrat élaboré par les partenaires, appelée charte. Localement, la charte sert de feuille de route et décline ses missions en fonction des réalités du terrain. Elle fixe les objectifs à atteindre, les orientations des actions à mener, les mesures qui permettent de les mettre en uvre. A partir du diagnostic du territoire concerné, elle décrit le projet de protection et de développement, et précise les mesures et actions prévues pour sa réalisation. « La charte du parc détermine pour le territoire du parc les orientations de protection, de mise en valeur et de développement et les mesures permettant de les mettre en uvre. Elle comporte un plan élaboré à partir d'un inventaire du patrimoine indiquant les différentes zones du parc et leur vocation, accompagné d'un document déterminant les orientations et les principes fondamentaux de protection des structures paysagères sur le territoire du parc. » (Article R333-1 du Code de l environnement). 13
Avant 2006, la durée de classement d un PNR était de 10 ans BLOUIN-GOURBILIÈRE Claire
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aménagement de Si la charte est un document contractuel d une durée de douze ans, une évaluation est réalisée à mi-parcours. Passé le délai des douze années, un bilan est établi et un nouveau programme d actions est formulé dans une nouvelle charte : on parle de révision de la charte. En cas de révision conduite avec succès, le territoire se voit reconduire l usage du label « Parc naturel régional », décerné par l Etat. La charte et son adhésion engagent donc très concrètement les collectivités (communes et groupements de communes), les départements, les régions qui l ont adoptée, de même que l Etat qui l a approuvée par décret. Chaque commune du périmètre d étude faisant le choix d y adhérer ou non, le territoire du PNR correspond donc à tout ou partie du territoire des communes qui ont approuvé sa charte et il peut, d une charte à l autre, ou plus exactement, d un renouvellement à l autre, se mouvoir. Il peut également être à cheval sur plusieurs cantons, départements ou régions, compliquant parfois la mise en uvre et la concertation nécessaire à la réalisation du programme de la charte. « L'aménagement et la gestion des Parcs Naturels Régionaux ( ) sont confiés à un syndicat mixte au sens des articles L. 5721-1 et suivants du code général des collectivités territoriales. » (Article R333-1 du Code de l environnement). Une fois la charte validée par les communes, les élus sont tenus de respecter les orientations et d appliquer les mesures, en particulier en matière d urbanisme : « L'Etat et les collectivités territoriales adhérant à la charte appliquent les orientations et les mesures de la charte dans l'exercice de leurs compétences sur le territoire du parc. Ils assurent, en conséquence, la cohérence de leurs actions et des moyens qu'ils y consacrent. L'Etat et les régions adhérant à la charte peuvent conclure avec l'organisme de gestion du parc un contrat en application du contrat de plan Etat-Régions. Les documents d'urbanisme doivent être compatibles avec les orientations et les mesures de la charte. » (Article R333-1 du Code de l environnement). Les différents partenaires s engagent également de façon formelle à l application des mesures et orientations décidées collégialement. Outre le plan qui explicite ses orientations selon les vocations des différentes zones, la charte comprend les statuts du syndicat mixte (établissement public ) de gestion.
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Projet SoPoLo La REUT, une solution possible localement ? Évaluations économiques et sociales préalables à un projet : T2 : Caractérisation de la demande Rapport de synthèse. INRAE. 2021, pp.151. ⟨hal-04119410⟩
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Ceux qui le font interrogent son potentiel hydraulique au vu des capacités des STEP rurales : « Pour la REUT, comment pensez-vous aux capacités de stockage pour ce type de solution? Ce sont des solutions pour 1 ou 2 ha même pas! ». D’autres voient cette initiative de la CCGPSL comme potentiellement facilitatrice pour des demandes de subventions à venir pour la construction d’autres infrastructures : « Faites des choses à plus court terme pour que les agriculteurs voient que vous faites des choses, et après ils vous suivront. La reut, c’est 19 exactement cela ». En outre, plus que de la qualité de l’eau, les agriculteurs présents aux réunions publiques doutent des volumes disponibles et préfèrent débattre d’autres options plus viables selon eux : la construction de retenues collinaires, l’extension des réseaux d’eau brute ou encore la révision du système d’abonnement au réseau BRL. Un agriculteur demande : « Un jour y aura-t-il des financements suffisants pour tirer les tuyaux [des réseaux d’eau brute] jusqu’à Saint Martin? Sinon, il faudra penser à faire des lacs ». Par ailleurs, la presse présente lors d’une de ces réunions parle des projets de REUT de manière descriptive, ne corroborant pas la crainte des élus d’être mis à défaut sur cette question (Figure 7). Figure 7. Article paru dans le Midi Libre suite aux réunions publiques d'information sur le SDEB (publié le 13/12/2017)
1.3.3.2 Une réglementation jugée exigeante, mais rassurante
Plusieurs agents des services techniques de la communauté de communes en charge des dossiers de REUT déclarent leur confiance dans la réglementation encadrant la pratique et les services d’État en charge de la faire appliquer. Le montage du dossier pour demander l’autorisation est jugé exigeant et fait preuve de sérieux, tout particulièrement le protocole de suivi exigé qui permet d’attester la conformité de la qualité des eaux traitées avec la réglementation en vigueur et de l’efficience du dispositif de traitement. Selon un chargé de mission à la DDTM, ce protocole « n’est pas anodin. Au niveau des analyses, ce sont des analyses assez poussées qui ne sont pas les analyses classiques physico-chimiques qu’on a pour habitude de faire, qui peuvent être coûteuses aussi, etc. Mais le cadre était nécessaire ». Si dans les propos tenus par nos interlocuteurs de la CCGPSL en charge d’élaborer les dossiers d’autorisation, les procédures sont décrites comme exigeantes, coûteuses et chronophages, mais néanmoins rassurantes. 1.3.3.3 Des eaux comparées à celle du Bas-Rhône
A l’évocation des risques sanitaires de la REUT, plusieurs de nos interlocuteurs situent cette question comme une incertitude parmi d’autres, et tout particulièrement par rapport à celle concernant l’eau du Rhône distribuée par BRL. Pour cet ingénieur, s’il qualifie les eaux usées comme moins propres que l’eau douce, elles restent, selon lui, de meilleure qualité que l’eau brute disponible : « De mon point de vue, il n'y a aucun risque particulier à utiliser cette eau, que ce soit pour arroser un jardin ou arroger des fruits ou des légumes que l'on consommera plus tard. [...] Sur notre territoire en utilise l'eau du Bas Rhône. Sachant que dans l'eau du Rhône, se rejette une multitude de stations d'épuration industrielles avec des pollutions qui sont toutes autres et beaucoup plus polluantes [...] ». Lors des entretiens, plusieurs de nos interlocuteurs partagent cette idée que l’eau brute actuellement utilisée sur le territoire serait tout autant, voire plus polluée, que les eaux usées traitées à des fins de réutilisation.
1.3.4 Les études de faisabilité et le désenchantement de la REUT 1.3.4.1 Création d’un site pilote d’irrigation pour la viticulture à Valflaunès
L’étude de faisabilité du projet de REUT dans la commune de Valflaunès a débuté en janvier 2016 (réunion du 03/11/2019). Il est inscrit dans le programme européen LEADER. Figure 8. Communication sur la REUT dans la gazette de Valflaunès de juin 2016. 21 A. Conditions techniques et intérêt local
Le choix de la localisation pour ce projet résulte en partie de l’engagement du maire de la commune qui s’est porté volontaire pour porter cette initiative : « Je cherchais sur le territoire du Grand Pic-Saint-Loup s’il n’y avait pas un endroit favorable où mettre en place un test. Donc j’ai posé cette question en commission eau et le maire de Valflaunès a levé la main en disant : « ça m’intéresse, j’ai des agriculteurs qui sont prêts à prendre de l’eau, j’ai une station qui fonctionne bien. À mon avis le site de Valflaunès est un site qui peut se prêter à une expérimentation facile [...] Donc on est parti sur le site de Valflaunès avec notamment un appui très fort du syndicat des vignerons du Pic-Saint-Loup [...] » D’ailleurs, le résultat des enquêtes menées par le bureau d’étude BO Conseil en charge de recueillir les besoins en eau du monde agricole dans le cadre du SDEB confirme l’intérêt des vignerons situés à proximité : « Les vignerons favorables à l’irrigation ont été mobilisés et ciblés sur la zone. Ils ont fait état de 244 Ha en vignes avec un souhait/potentiel d’irrigation important sur le secteur Valflaunès/Saint Mathieu de Tréviers dont 166 Ha pour 11 exploitants sur Valflaunès » (résultats des enquêtes SDEB GPSL 2018). En plus d’un appui local - politique et des vignerons - les conditions techniques sont favorables à la sélection de ce site. En effet, la STEP de Valflaunès-Bourg a été rénovée en 2016. Elle est équipée d’un filtre planté de roseaux, d’un système de désinfection UV et d’une lagune de stockage. La station est dimensionnée pour une capacité nominale de EH et un débit de référence de 160 m3 par jour (Rapport final Ecofilae, 2019). En outre, l’hypothèse est faite que la qualité atteinte par la station d’épuration est proche de celle exigée par la réglementation encadrant la REUT, limitant les investissements dans d’autres procédés de traitement pour être conforme. La collectivité mandate le bureau d’étude Ecofilae pour établir le dossier administratif d’autorisation pour l’installation du projet pilote dont les objectifs principaux. Sa mission consiste à évaluer : « (1) le potentiel REUT pour l’irrigation sur le territoire de Valflaunès ; (2) la faisabilité, la durabilité et la rentabilité de la mise en place d’une filière REUT » (rapport final Ecofilae, 2019). En novembre 2017, une réunion de lancement est organisée par le bureau d’étude dans les locaux de la Communauté de Communes afin d’exposer la méthodologie pour réaliser l’étude de faisabilité. Sont présents, les élus à la mairie, quelques représentants de la collectivité en charge du suivi du dossier et la représentante du syndicat des vignerons du Pic Saint Loup. Les objectifs de l’étude, tels que présentés par le bureau d’étude, sont de définir les parcelles bénéficiaires et les surfaces qui pourraient être être irriguées par les eaux mieux traitées, et de réaliser des analyses de qualité, complémentaires à celles réalisées par la SAUR, en sortie de lagune afin d’évaluer l’efficience des procédés de traitement en place et ainsi chiffrer les investissements nécessaires pour être à la fois conforme à la réglementation. B. Le choix des arguments : économies d’eau, protection des milieux et nouveaux besoins
En 2017, répondre aux besoins en eau des viticulteurs n’est pas la principale raison avancée pour justifier l’installation d’un dispositif de REUT à Valflaunès. Dans sa présentation, le bureau d’étude met en avant la réduction des rejets dans le milieu naturel permise par la REUT, et donc la limitation du risque de contamination du système karstique qui alimente la source du Lez, et les habitants de la Métropole de Montpellier et des communes avoisinantes. Le second bénéfice affiché est celui de répondre aux objectifs d’économie et de partage de l’eau définis dans le Plan d’Aménagement et de Gestion Durable du SAGE LezMosson-Étangs-Palavasiens, le programme de l’AERMC et le Plan Etat-Région 2015-2020. Dans cette perspective, la REUT est définie comme une pratique permettant l’exploitation d’une « ressource de substitution pour réduire les disparités d’accès à l’eau ». Cet argument d’un usage de substitution n’est 22 toutefois pas repris dans le rapport final de l’étude produit en juillet 201912 : « Rappel : les financements de l’AE-RMC sont peu probables, le projet de REUT n’étant pas de la « substitution » » (p.65). De fait, le projet est clairement conçu pour répondre aux nouveaux en eau besoin de la vigne (Figure 9).
Figure 9. Schéma de la REUT à l'étude dans le cadre d'une étude pilote d'irrigation de la vigne (réalisé par Ecofilae, présenté en COTECH 2009). Le schéma de la circulation des eaux usées traitées témoigne de la finalité d’une irrigation de la vigne, conforme aux normes environnementales. C. La question de la pratique d’irrigation et son articulation avec la conception des dispositifs techniques
Lors de la première réunion de lancement de l’étude de faisabilité, le ton est optimiste. Le représentant du bureau d’étude est enthousiaste : « Le cas de Valflaunès pourrait très bien être le premier cas de REUT en France pour l’irrigation de la vigne! ». La représentante des vignerons et le chargé de mission à la collectivité, certes intéressés, appellent cependant à plus de tempérance : « déjà l’irrigation de la vigne, c’est nouveau sur le Pic Saint Loup, alors en plus avec de la REUT! ». La représentante du syndicat profite de cette réunion pour réitérer l’intérêt des viticulteurs à proximité pour accéder à une eau qu’elle définit comme une « eau de sécurité » expliquant que les viticulteurs ne cherchent pas à irriguer en continu leur culture, mais uniquement lors des années sèches, et ponctuellement pour apporter des quantités d’eau importantes dans une logique de reproduction des pluies cévenoles. Le chargé du bureau d’étude alerte sur une telle conception de la pratique d’irrigation de la vigne qui aura des retombées économiques sur le montant du projet, puisqu’une consommation en eau non continue implique une certaine conception du dispositif, et notamment des capacités importantes de stockage. Il est à noter que cette question de la compatibilité des pratiques d’irrigation souhaitées par les viticulteurs avec la conception des réseaux hydrauliques sera régulièrement abordée au sein des différentes arènes de discussion (pour la REUT, mais aussi de manière plus générale), tout en étant remise à plus tard. En effet, les designers des réseaux soutiennent une pratique d’irrigation basée sur un apport en eau régulier de la vigne, via du goutte-à-goutte, afin d’assurer une consommation en eau régulière, basée sur un dimensionnement « raisonnable » des réseaux. 12
« Mise
en place d’un projet pilot
e de REUT sur la commune de Valflaunès (34) – Diagnostic et évaluation technicoéconomique », Rapport final (Phases 1 et 2), Ecofilae.
23 D. Un désenchantement dans la REUT
En novembre 2018, une réunion est organisée entre l’Agence Régionale de Santé (ARS), Ecofilae, les chargés de mission à la collectivité et la DDTM afin d’obtenir l’autorisation d’installer le site pilote. L’objectif de la CCGPSL est de lancer une campagne d’irrigation dès juillet 2019. Mais cet objectif est considéré comme trop ambitieux par les services administratifs, au mieux, le dossier pourra être déposé pour planifier une campagne d’irrigation en 2020. Ce délai est notamment justifié par des manques techniques. La lagune où sont stockées les eaux mieux traitées doit être mieux équipée, car en cas d’orage les eaux brutes peuvent y être déversées. Il manque « un protocole de suivi bien établi », car au vu des résultats avancés par le bureau d’étude, la STEP est non conforme, quatre des mesures réglementaires n’ayant pas été fournies. Lors de cette réunion, la question du partage et de la gestion de l’eau entre viticulteurs est abordée. Mais pour le bureau d’étude et les représentants de la collectivité, la priorité est d’abord de lancer un test sur quelques hectares. Déjà 3 viticulteurs auraient été identifiés pour participer à cette phase, sur 2.4 ha irrigués. Ils sont décrits comme « très moteurs dans le secteur pour le développement de l’irrigation ». Les modalités d’organisation de l’irrigation ne sont pas envisagées comme un enjeu en soi : « ce sont seulement 3 ou 4 utilisateurs, ce n’est pas beaucoup ». Si la phase de test est concluante, il s’agira ensuite de créer une ASA (structure donnée en exemple) pour organiser la gestion de ce nouvel accès à l’eau. Le 3 octobre 2019, une réunion d’avancement du projet de Valflaunès est organisée par Ecofilae dans les bâtiments de la Communauté de Communes du Grand Pic Saint Loup pour rendre compte des résultats de l’étude de faisabilité. Les mesures demandées en novembre 2018 ont été prises, pour gérer les cas de déversement des eaux usées dans la lagune. La question du point de mesure a été reposée : celle-ci doit être réalisée en sortie de lagune, après que les eaux aient stagné. Les services administratifs l’exigent pour s’assurer de la qualité de l’eau réellement desservie. Le bureau d’étude a conçu un dispositif qui correspond à la volonté des viticulteurs d’apporter des quantités en eau importantes et ponctuellement. Ainsi, des tours d’eau ont été planifiés, 3 par usagers, de 27 mm chacun afin de « simuler les orages d’été ». La surface irriguée présagée est comprise entre 2 et 3 ha, pour envisager à terme une surface irriguée comprise entre 10 et 15 ha, si la capacité de stockage du dispositif est augmentée. Cela répondrait aux 5-10% des besoins exprimés sur la commune. Le représentant du bureau d’étude adopte un discours plus mesuré qu’en 2017 en rappelant que « la REUT est une solution locale [ne pouvant pas répondre à tous les besoins], mais que c’est un levier parmi d’autres ». Le choix des parcelles potentiellement irriguées est basé sur des caractéristiques techniques et économiques, surtout définies par leur proximité avec la STEP, mais aussi selon l’intérêt et la motivation des viticulteurs. La question de la nouvelle réglementation européenne est abordée13 par l’ingénieur de Ecofilae qui souligne qu’une mise en conformité sera nécessaire, impliquant potentiellement des coûts supplémentaires. Pour les services administratifs, cela ne représente pas un frein, car sa mise en vigueur [la réglementation] est prévue dans 1 à 5 ans, le pilote peut dont être lancé ». Des doutes sont cependant exprimés. La représentante de la Chambre d’Agriculture qualifie ce projet d’« intelligent », mais craint le coût de l’eau, notamment si la réglementation exige des niveaux de qualité plus élevés. La présentation des résultats de l’étude de faisabilité se conclut par la question des coûts. A l’oral, le représentant du bureau d’étude annonce un prix de 17€ le m3. Il dit en souriant, gêné ne pas l’avoir affiché sur le diaporama projeté. Il explique les raisons de ce prix : l’installation d’un système de traitement UV, le coût des analyses de suivi, la faible consommation en eau de la culture de vigne. À cette annonce, certains participants à la réunion restent enthousiastes, avançant l’idée que l’important est de lancer le site pilote pour initier une dynamique. Il s’agira ensuite de réfléchir à des projets de REUT à partir de STEP qui traitent des débits plus importants et présentant d’autres potentialités. Mais alors que l’élu à l’eau était jusqu’ici très moteur, il exprime ses premiers doutes, car bien que : « partant pour appuyer un investissement de 100 000€ sur ce projet », il se demande « quel avenir [pour les eaux mieux traitées] en termes de coût par rapport à une eau BRL à 50 cts ». Le vice-président à l’Agriculture réitère l’argument d’envisager la REUT à partir 13 Celle-ci a été votée en 2020, et doit rentrer en application dès 2023 en France. 24 d’autres STEP, comme celles des communes de Saint Gely ou de Saint Mathieu de Tréviers, qui dépassent les 5 000 habitants. Selon lui, l’objectif de cette étude de faisabilité était avant tout de « tester l’acceptabilité des vignerons ». Il insiste sur l’idée que « l’eau est un enjeu vital pour le territoire », la collectivité ne pouvant se permettre de ne pas investir dans la mise à disposition des eaux mieux traitées, définies ici comme nouvelle ressource. Un chargé de mission des services techniques de la CCGPSL rappelle le cas de Roquefort-lesCorbières (un périmètre irrigué par des eaux mieux traitées géré par BRL) où le prix de l’eau est de 15cts/m3, rejoignant la position du précédent intervenant quant à l’idée de réfléchir la REUT à partir de STEP de capacité plus importante. Cependant, l’élu poursuit son raisonnement : « on avait imaginé dans le SDEB que la REUT puisse être installée dans des zones du territoire où économiquement amener des tuyaux n’était pas possible. Là, l’étude montre que sur le Pic Saint Loup, ce n’est peut-être pas la meilleure solution, car c’est très très cher ». Des discussions s’ensuivent sur des solutions à trouver pour une répartition des coûts : une demande de subvention auprès de l’AERMC est évoquée, mais rapidement réfutée par le représentant de Ecofilae, car « ce n’est pas un projet de substitution ». La position de l’AERMC est de subventionner des projets qui répondent à des objectifs d’économie d’eau et/ou de protection des milieux. D’autres pistes de réflexion sont proposées dans l’assistance par les différents services administratifs présents (Département, Chambre d’Agriculture) comme des demandes d’aides auprès du Département ou de la Région. L’élu à l’eau est d’accord pour envisager ces pistes. Néanmoins, durant le mois de novembre, la CCGPSL décide de ne pas donner suite au projet pilote de Valflaunès, et plus largement aux réflexions sur la REUT. Les résultats des autres études de faisabilité et projets vont appuyer ce désenchantement et l’arrêt des initiatives. 1.3.4.2 Diagnostic des opportunités de valorisation des Eaux Usées Traitées (Combaillaux)
En 2016, une étude de faisabilité d’un projet de REUT est initiée dans la commune de Combaillaux. Le projet est porté par la commune et subventionnée par l’AERMC. Ce n’est pas la première expérience que la commune et son maire entreprennent dans le domaine de l’assainissement. En 1998, le maire accompagné de chercheurs à l’INRA, l’un spécialiste de l’assainissement, l’autre « des vers de terre », soutient et s’engage dans l’installation de ce qu’il appelle une « lombri-station » : « On a essayé d'adapter le modèle pour que ce que les vers de terre font dans les bois ou dans les champs, on puisse le faire sur les objets et quand j'ai dit ça, c'est pour minimiser tous les frais et tous les produits qu'il peut y avoir dans les stations d'épuration pour rendre une eau usée grise en une eau claire, qui puisse être reversée dans la nature sans rien polluer. À partir du moment où on minimise les coûts d'investissement, on minimise les coûts de fonctionnement, j'estime qu'on était dans la logique du développement durable et on s'était dit qu'on a de l'eau en sortie, allons jusqu'au bout, à l'envers ce qu'on appelle le rejet zéro. C'est-àdire qu'on rentre des déchets dans une station et on ne ressort rien, j'exagère un peu, mais on ressort de l'eau utilisable, on ne ressort pas de boue contrairement à d'autres stations parce que les boues, il faut les traiter, je passe les détails, tout notre concept était basé sur ça. Encore une fois en 99–2000, on n'en parlait pas beaucoup En tout cas, quand on arrivait et qu'on parlait de ça, on était écouté à moitié. Ce n'est pas qu'ils ne voulaient pas nous écouter, ce n'était pas d'actualité, c'est tout ». L’idée est de réutiliser les eaux usées naît à cette époque, mais la période n’y est pas propice. En 2016, le maire renouvelle son intention. Il formule une demande auprès de l’Agence de l’Eau pour obtenir une subvention – à hauteur de 80% selon ses dires - afin de financer une étude de potentialité de la REUT. La STEP de Combaillaux intègre une filière lombrifiltration et une filière lit bactérien. Elle dispose d’une capacité nominale de 2 200 EH et d’un débit de référence de 160 m3 par jour. La charge actuelle de la station est environ de 1200 EH. Les eaux traitées sont rejetées dans le Miège, un affluent de la Mosson. La commune fait appel à Ecofilae pour la réalisation de l’étude technico-économique. L’objectif est de développer la REUT pour un usage agricole comme l’explique le maire : 25 « Le but, il est très simple. C'est qu'on n'a pas l'intention de rendre l'eau de la station d'épuration potable et aromatisée pour en faire de l'eau potable, c'est l'utilisation dans le domaine agricole parce que nous avons, à proximité, en tout cas pas très loin, une oliveraie qui fait une trentaine d'hectares puis des vignes et après des herbages, il y a une zone agricole qui est dans le premier périmètre de la station et puis deux ou trois zones agricoles un peu plus loin ». Notre interlocuteur envisage les eaux mieux traitées à la fois comme une nouvelle ressource et comme une ressource de substitution : « Il n’y a que l'oliveraie qui est irriguée par pompage, les autres ne sont pas irriguées. Il y en a peut-être la moitié qui seront substituées et l'autre moitié qui n'est pas irrigu
hui L’étude de faisabilité doit permettre à la commune de délimiter les contours du projet : l’étendue de la surface irrigable, le prix, la qualité d’eau à atteindre. En attendant de connaître les conditions du projet, les futurs usagers ne sont pas impliqués dans la procédure : « Il y a deux grands domaines qui sont intéressés, mais on n'est pas allé très loin parce qu'avant de promettre la lune, il faut qu'on ait les conclusions de l'étude. Je ne sais pas, aujourd'hui, si on va être capable d'irriguer 2 hectares, 3 hectares, 15 ou 20. Je ne sais pas quel est le débit maximum de pointe que je vais pouvoir leur proposer au plus fort de la demande et encore moins le prix. On va les réunir très prochainement, mais sans ces éléments ils vont me dire ça m'intéresse, mais combien ça coûte [...]. Ce n'est pas un engagement, c'est un avis favorable de principe, mais encore une fois ça ne sera intéressant que si le prix d'achat est relativement bas, compatible avec leurs charges et leurs revenus qu'ils vont pouvoir en tirer derrière. » La question du prix est une réserve énoncée par le maire. Il craint tout particulièrement que les services administratifs exigent la production d’une eau de qualité A : « On sait faire [techniquement], on pourra tout faire, mais à quel prix? Ce n'est que ça. On peut inventer n'importe quelle solution, mettre en place n'importe quelle analyse, n'importe quel niveau de protection, s'il n'y a personne pour acheter cette eau, ce n'est même pas la peine d'en parler. Il ne faut pas rêver, les agriculteurs n’achèteront pas de l'eau à 0,80 € ou à 1 euro ce n'est pas possible. On le voit avec l'eau brute, l'eau brute qui vient du bas Rhône, il faut qu'elle soit à un prix très bas. L'agriculture, ce ne sont pas des revenus qui tombent comme ça ». En mars 2018, le bureau d’étude Ecofilae présente ses premiers résultats à la mairie de Combaillaux, accompagné du bureau d’étude Entech. Le projet présente plusieurs limitations. La principale est l’incompatibilité de détourner les rejets de la station du milieu et les contraintes quantitatives de rejet dans les milieux. Néanmoins, plusieurs scénarios ont été testés selon la surface irriguée, le type de culture ou encore les pratiques d’irrigation. Ces scénarios ont permis de fixer un coût de l’eau oscillant entre 1.15 et 2.88€. Après un moment de silence dans la salle de la mairie, le maire conclut : « à ce prix-là, personne n’achètera de l’eau ». Le coût de l’eau de BRL est rappelé : 0.30 cts. Les six scénarios testés sont discutés. L’un des participants propose de mettre en place des cultures à haute valeur ajoutée comme le maïs ou du maraîchage. La vigne viendrait seulement compléter les usages. Comme à Valflaunès, un projet de REUT uniquement destiné à irriguer la vigne n’est pas viable, car les besoins ne sont ni constants, ni réguliers, insuffisants pour amortir les coûts. La caractéristique du besoin de la vigne nécessite du stockage, induisant un coût - 600/900 euros du m3 stocké – et complexifiant la garantie d’une eau de qualité. En septembre 2018, lors d’une réunion du SDEB, il est évoqué le projet de Combaillaux. L’élu à l’eau explique que le projet a été abandonné, car le coût est « prohibitif! ». 1.3.4.3 Le démonstrateur Rur’eaux : comparer des procédés de traitement et communiquer A. Un partenariat entre acteurs privés et publics
La collectivité du Pic Saint Loup accueille un projet démonstrateur appelé Rur’eaux. Ce projet est coordonné par le bureau d’étude Ecofilae, et monté un partenariat entre acteurs privés et publics. Sont impliqués, l’Université de Montpellier, Syntea, IRSTEA14, Montpellier Engineering, la commune de Saint Jean de Cornies et la Chambre d’Agriculture de l’Hérault. Le montant de ce projet s’élève à 800 000 euros subventionné à 50% par l’agence de l’Eau Rhône-Méditerranée-Corse. Le choix de la localisation de ce démonstrateur à Saint Jean de Cornies résulte de la proposition du maire, également élu à l’eau de la CCGPSL : « Nicolas [directeur du bureau d’étude Ecofilae] m’a recontacté pour me proposer de monter des pilotes de désinfection, derrière une station rurale, et je lui ai évidemment proposé la station de mon village, sachant que la caractéristique de Saint-Jean-de-Cornies, c’est que son maire, donc moi-même, pour parler comme ça, est un ancien directeur de l’Agence de l’eau et que mon premier adjoint est le responsable du service assainissement du département de l’Hérault ». Sur le site internet dédié15, les objectifs affichés de ce démonstrateur sont les suivants : « 1/ tester les différentes filières de traitement, méthodes d'irrigation et de stockage pour la mobilisation d'eaux épurées, 2/ valider la pertinence des technologies de traitement déployées sur le site pilote, des protocoles de suivi sanitaire et agronomique dans le but d'établir de bonnes pratiques, et 3/ de diffuser les résultats des expérimentations réalisées afin de dupliquer ce type de projet sur d'autres territoires ruraux en France ». Les procédés de traitement testés sont un module d'électro-oxydation, un procédé membranaire, un réacteur UV et un filtre planté aéré. Chacun de ces procédés matérialise la participation des partenaires au projet. L’utilité sociale donnée à ce projet est de développer des dispositifs de traitement adaptés aux STEP et aux communes rurales, dans l’idée que les eaux mieux traitées ne soient pas réservées à des centres urbains de grande taille. Localement, l’utilité sociale serait in fine d’arroser les jardins partagés situés à proximité, intitulés « micro-parcelles » sur le schéma de présentation (Figure 10). En réalité, cette finalité n’est pas construite localement. Au moment du lancement du projet, les utilisateurs des potagers n’étaient pas au courant de cette initiative (entretien). Par ailleurs, une personne impliquée dans le projet admet en rigolant qu’il n’a jamais été question d’irriguer les jardins avec une eau usée! Il est à noter que les jardins partagés bénéficient d’une borne de raccordement au réseau BRL. venu INRAE au 1er janvier 2020. 27 Figure 10. Plaquette d'information du démonstrateur Rur'eaux. (Crédit. AL Collard, octobre 2019)
B. Mise en visibilité du démonstrateur
Contrairement aux études menées à Valflaunès et Combaillaux discutées dans différentes arènes plus ou moins publiques, le démonstrateur Rur’eaux est essentiellement développé sein d’une arène d’experts – chercheurs et entreprises – partenaires du projet. L’avancement du démonstrateur se traduit par la réalisation de COTECH et de COPIL interne au projet, et l’avancée des résultats n’est pas discutée ou présentée lors des réunions du SDEB. Si les résultats du démonstrateur ne sont pas discutés publiquement, d’importants efforts de communication sont déployés pour faire connaître le site pilote, le mettre en valeur. Le site internet du démonstrateur sert de support promotionnel au déploiement de la REUT, avec l’usage de slogan tel que : « Nos eaux usées ont du talent, nous devons leur redonner de la valeur »16. Le démonstrateur y est décrit comme un « véritable site de démonstration multi-technologique connecté et collaboratif ancré dans le territoire de Saint-Jean-de-Cornies (Hérault, 34). Rur’eaux est la plateforme de démonstration de référence en France pour l’économie circulaire de l’eau en milieu rural ». Il est également cité comme cas d’étude vitrine lors de communication dans des séminaires spécialisés sur la thématique de la REUT par le chef de projet (par exemple lors du séminaire international organisé par l’IWA Water Reuse à Berlin en 2019). En octobre 2019, une journée d’inauguration du démonstrateur est organisée pour le présenter à l’ensemble des acteurs de l’eau (start-up dans le secteur de l’assainissement, services d’État, riverains, chercheurs, etc.). La station d’épuration est pour l’occasion embellie. Des structures en bois organisent les différents espaces où sont installés les dispositifs de traitement. Chacun des procédés est mis en valeur, accompagné d’une plaquette informative pédagogique et du logo de son concepteur (Figure 11). La REUT est mise en scène.
Figure 11. Dispositifs du démonstrateur Rur'eaux (Source : AL Collard, octobre 2019) À gauche : Le module d'électro-oxydation fourni par la société Montpellier Engineering. À droite : panneau explicatif du fonctionnement du filtre planté de roseaux à aération forcée, développé par l’entreprise Syntea.
Lors de l’inauguration, soit une semaine après la réunion d’information des résultats de l’étude de faisabilité d’implanter un pilote pour irriguer les vignes de Valflaunès, le maire de la commune prononce un discours. Le contenu de ce discours témoigne de la déception de l’élu. Celui-ci adopte sa casquette d’ingénieur, se situe en connaisseur, pour s’adresser aux partenaires et concepteurs du projet : « Ainsi, collègues ingénieurs ». Après avoir assumé sa curiosité pour la réutilisation des eaux mieux traitées qui l’a conduite à engager des réflexions sur cette thématique, il évoque désormais sa « perplexité » vis-à-vis d’une telle solution, et plus largement pour les solutions techniques, comme réponse aux enjeux contemporains de la société. Il appelle également à plus de « modestie » de la part de ceux qui portent ces solutions : « Aujourd’hui cette perplexité me permet aujourd’hui de faire passer un message de modestie aux ingénieurs : on a toujours cru, et on croit toujours que nos techniques, nos choix sont meilleurs que ceux qu’on fait ceux qui nous ont précédés ». Il tempère l’idée de la technique peut, comme solution aux effets inattendus des actions passées : « On connaît de grands cycles : on ré-inonde ce qu’on a drainé, on dés- imperméabilise ce qu’on a artificialisé, on abandonne un lagunage pur un lit filtrant planté de roseaux. Mon propos n’est pas de vous décourager, mais de tempérer vos légitimes enthousiasmes ». Enfin, il évoque les dimensions sociales et politiques d’une trajectoire technique, rappelant que le choix d’une filière épuratoire n’est ni neutre, ni anodin, en ce qu’elle définit le rapport de la société à l’eau : « les techniques ne sont jamais neutres politiquement », qu’elles procèdent de choix de société. Dans ce discours, l’élu, l’ingénieur, situe la REUT comme un objet médiateur entre sciences et société, à travers la production de connaissances et le rôle des chercheurs et ingénieurs dans celle-ci. Le discours tenu ce jour-là témoigne du désenchantement de l’élu par rapport aux attentes qu’il avait placé dans la REUT (notamment celle de vouloir desservir eau des territoires marginalisés), et laisse présager de la décision prise dans les semaines à venir de ne pas investir des fonds publics dans le déploiement de la REUT. 29 Extrait discours prononcé par le maire de Saint Jean de Cornies lors de l’inauguration du site démonstrateur Rur’eaux (10 octobre 2019) : « [...] si nous sommes là aujourd’hui [...] c’est le fruit de ma curiosité, de ma perplexité et d’une rencontre avec [cite le bureau d’étude] dans un salon technique à Montpellier. Oui de la perplexité quand j’ai pris conscience d’être passé pendant toute ma carrière complètement à côté de la réutilisation des eaux usées. J’ai été un acteur déterminant du rejet en mer de Maera [STEP qui centralise les EUT de la métropole de Montpellier], jamais l’idée de réutiliser tout ou en partie les eaux ne m’a effleuré. [...] Aujourd’hui cette perplexité me permet aujourd’hui de faire passer un message de modestie aux ingénieurs : on a toujours cru et on croit toujours que nos techniques, nos choix sont meilleurs que ceux qu’on fait ceux qui nous ont précédés. C’est sûrement vrai aujourd’hui, mais le sera encore demain. Qu’on y réfléchisse! On connaît de grands cycles : on ré-inonde ce qu’on a drainé, on dés- imperméabilise ce qu’on a artificialisé, on abandonne un lagunage pur un lit filtrant planté de roseaux. Mon propos n’est pas de vous décourager, mais de tempérer vos légitimes enthousiasmes. Une seconde pensée testamentaire à l’usage des ingénieurs : c’est que les techniques ne sont jamais neutres politiquement, c’est une évidence quand on pense à la fission nucléaire [il donne d’autres exemples], mais c’est aussi des techniques de l’eau, elles façonnent nos paysages ruraux et urbains, elles impactent notre manière de vivre ensemble, comme le choix d’une ressource en eau et celui d’une filière épuratoire. Ainsi, collègues ingénieurs, vous comprenez mon plaisir à vous accueillir sur ce site, mais également ma tempérance (précaution). »
1.3.4.4 La REUT, une solution en légende dans les scénarii du SDEB
En 2019, les initiatives pour le développement de la REUT ne sont donc pas poursuivies, hormis dans le cadre du démonstrateur Rur’eaux. Les raisons principales avancées à cela sont le coût des dispositifs et son effet sur le prix de l’eau17. Par ailleurs, la réutilisation des eaux mieux traitées ne répond pas à l’ambition politique d’envisager la REUT comme un nouvel accès à l’eau aussi pour les agriculteurs éloignés des réseaux d’eau brute. En 2019, l’étude du SDEB est finalisée. Plusieurs scénarii sont proposés pour développer l’accès à l’eau brute sur le territoire. À cet effet, le territoire de la collectivité est divisé en 13 secteurs hydrauliques, le plus souvent interdépendants par le biais d’adduction d’eau ou des régimes hydrologiques. La construction de diverses infrastructures hydrauliques est envisagée pour accroître la disponibilité en eau brute sur le territoire : la création de bassins, la modification des modalités d’accès à des stocks d’eau déjà existants (lac de Cécèles). Les scénarii reposent pour beaucoup sur la construction du maillon de BRL, appelé MANOM : « On est plus exactement sur le projet Aquadomitia, mais une alternative appelé MANOM : Maillon Nord Ouest de Montpellier, pour le différencier de Maillon Nord qui traversait 3M [Métropole de Montpellier] sur lequel il n’y avait pas de besoins identifiés ». La place de la REUT dans ces scénarii est anecdotique. Elle est représentée dans les légendes des cartes produites par le bureau d’étude Entech, davantage comme témoin des études menées que comme solution retenue pour un futur déploiement (Figure 12).
17 Les études technico-économiques du bureau d’étude
concluent d’un prix oscillant entre 15 ou 17 euros du m 3, contre un prix de l’eau brute compris entre 0,20 et 40 centimes d’euros au m3
(document
Entech). Figure 12. Cartographie d'un scénario des aménagements hydrauliques du cteur 07 (Étude ,
1.3.5 Le dispositif de Saint Mathieu de Tréviers : ancêtre de la REUT ou technique d’épandage?
Alors que les initiatives autour des eaux mieux traitées foisonnent à partir de 2016, le territoire de la collectivité abrite déjà en réalité quelques dispositifs dont le principe technique se rapproche de celui de la « REUT ». C’est le cas notamment de celui installé à Saint Mathieu de Tréviers depuis 1989 et en passe d’être remplacé en 2018. Alors que des similarités rapprochent ce dispositif de ceux de « REUT » proposés en 2016, il reste peu discuté par les acteurs du territoire, voire non reconnu en tant que tel. Le travail de stage de Maria Magana, complété par un travail d’analyse en collaboration avec Nassim Ait Mouheb, a permis de mieux comprendre les dimensions techniques du dispositif installé à Saint Mathieu de Tréviers, mais aussi ses contours sociaux et politiques. La commune de Saint Mathieu de Tréviers est située sur le territoire de la Communauté de Communes du Grand Pic Saint Loup. En 1977, des essais de coloration sont effectués par les membres du laboratoire d’hydrogéologie et le Centre d’études et de Recherches Géologiques et Hydrologiques (CERGH) de l’Université de Montpellier. Les résultats permettent d’établir un lien entre les rejets de la commune de Saint Mathieu dans le cours d’eau, le Terrieu, et la contamination de la source du Lez. Ils définissent ainsi le problème auquel la REUT doit répondre, celui d’une pollution des eaux souterraines. A cette époque, les effluents de la commune sont traités par boue activée18 puis rejetés dans le Terrieu « dont le débit naturel, une grande 18 Les eaux usées traversent plusieurs dispositifs de traitement avant d’être rejetées dans le milieu. Celui par boue activée fait partie des « traitements secondaires ». Il consiste à dégrader les matières organiques présentes dans les effluents en apportant une dose d’oxygène et en facilitant l’aération pour accélérer le processus de purification. 31 partie de l’année était nul » (Rapport FNDAE, 1998 : 47). Au point de rejet, les effluents constituent donc l’unique apport en eau du ruisseau. Or, « 500 m à l’aval de la station, le rejet est absorbé par une perte dans les formations karstiques » du sol (Rapport FNDAE, 1998 : 47) pour se retrouver plus loin dans les eaux de la source du Lez. La problématique environnementale est ensuite régulée par les autorités sanitaires compétentes de l’époque. En 1981, une Déclaration d’Utilité Publique définit un périmètre de protection de la source, à la suite de laquelle l’Agence Régionale de la Santé (ARS) exige de l’élu de la commune de solutionner le problème en atteignant un objectif de « Zéro rejet » dans le Terrieu. En 1989, un dispositif intitulé : « Réutilisation d’effluents épurés à Saint Mathieu de Tréviers : irrigation forestière expérimentale19 » voit le jour (Figure 13). Le choix est fait de dévier les effluents du Terrieu vers une pinède venant compléter le traitement. D’une surface de 5 ha, celle-ci doit permettre l’infiltration de la totalité du volume des eaux rejetées dans le sol et par là même sa filtration, les arbres participant par effet d’évapotranspiration (ETP). Le choix technique d’irriguer une pinède et non des parcelles cultivées (cultures maraîchères ou vigne par exemple) découle directement de contraintes réglementaires de la qualité à atteindre avant d’irriguer puisque celle-ci constitue un nouveau milieu récepteur capable d’absorber des débits en continu (Figure 14). Figure 13. Plaquette d'information du projet expérimental de "réutilisation des eaux usées" installé en 1989 Saint Mathieu de Tréviers 19 Intitulé
du
document
«
Avant-projet som
maire
»,
décembre 1988
,
BRL
et
association VERSEAU 32
Figure 14. Schéma du dispositif de traitement des eaux usées de Saint Mathieu de Tréviers installé en 1989
La crédibilité du dispositif découle de la participation d’universitaires qui le définissent comme « démonstrateur pilote ». Le professeur en géochimie, François Brissaud, du laboratoire d’Hydrologie Mathématique (LHM) de l’Université de Montpellier coordonne la partie expérimentale du projet. A l’époque, il mène des travaux de recherche sur les techniques d’assainissement et les procédés géochimiques, et par extension sur les techniques de traitement des effluents en milieu rural. Quelques années plus tard, il deviendra un expert reconnu sur la scène internationale autour de la thématique de la REUT. Mais en 1989, ses recherches sur le sujet débutent, et le dispositif de Saint Mathieu est affiché comme un outil de production de connaissances sur les capacités épuratoires du sol. Le professeur enrôle ses collègues ingénieurs, notamment pour le calcul des apports en eau pour l’irrigation des arbres. L’intervention de l’association de Valorisation des Études et Recherches dans les Sciences de l’EAU (VERSEAU) dont la mission est de créer du lien entre monde universitaire, public et privé afin de promouvoir les innovations dans le domaine de l’eau renforce cette crédibilité scientifique aux yeux de l’élu local. En effet, l’association sert de médiateur entre les universitaires et Gérard Saumade, maire de Saint Mathieu (1965 à 2001), et également président du Conseil Régional de l’Hérault (1979 à 1988) qui accepte d’apporter son soutien politique et financier au projet. A l’époque, le dispositif de traitement proposé correspond aux attentes du maire dans un contexte politique favorable. En effet, les deux territoires de Montpellier et du Grand Pic Saint Loup ont à leur tête des figures politiquement opposées. En outre, la pollution des eaux de Montpellier par le Pic Saint Loup s’immisce dans cette relation entre amont et aval : « les eaux usées de Gérard Saumade, une demi-heure après, se retrouveraient dans le verre de George Frêche » (ingénieur LHM) donnant un caractère d’urgence à trouver une solution au problème de contamination. De plus, la nature « rustique » de l’infrastructure telle que qualifiée par plusieurs de nos interlocuteurs conforte l’attente politique à trouver une solution rapidement : « Rustique, ça veut dire qu’effectivement ça demande peu d’entretien, peu d’énergie, voir pas d’énergie du tout. Parce que ce qui coûte cher c’est le fonctionnement et l’entretien en matière d’assainissement donc, moins vous avez de coûts en termes d’entretien et de fonctionnement, plus votre système est rustique, moins il coûte cher » (Ingénieur LHM). La « rusticité » de l’infrastructure rassure sur deux dimensions, celle du coût d’investissement et sa rapidité d’exécution au vu de sa faible technicité. Au bout de quatre années d’expérimentation, un bilan fait état d’un constat mitigé, parfois ambigu quant à l’efficience du dispositif pour résoudre la question de pollution. Si l’absence de nuisance sur la végétation et le sol (salinité, stérilisation, concentration de métaux lourds) est constatée, le rapport établit par VERSEAU 33 conclut sur les capacités épuratoires du sol suffisantes tout en soulignant la difficulté de « mettre en évidence la capacité auto-épurateur » du sol au vu de la quantité d’eau rejetée directement dans le Terrieu et l’état du système d’irrigation (fuites, variations des débits entre les postes, obstruction des goutteurs) (Document bilan VERSEAU, 1996). En 1993, des travaux sur la STEP et le réseau d’irrigation sont réalisés, et le principe de réutilisation couplé à celui d’un zéro rejet est maintenu. Cependant, en 1999, l’efficacité du dispositif pour atteindre l’objectif « Zéro Rejet » est clairement mise en doute à travers le questionnement des capacités épuratoires du sol au regard de sa nature karstique20.
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Various open science
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et de communication de 505, 506, 509, 530, 546, 547, 554, 560, 563, 564, 565, l'information * 567, 582, 585, 591, 593, 633, 634, 635,, médiation * 200, 413, 477 incarcération * 384, 385, 418, 443, 448, 605,,, mesures discriminatoires * 148 incorporation * 405 mesures extrajudiciaires * 551 incorporation du droit international * 390 modalités de détention * 63 incrimination * 32, 127, 213, 276 modèle de justice des mineurs * 377 innocence * 381, 395, 415, 426, 443, 589, 623, 696 modèle de la justice réparatrice * 477 insécurité * 366, 633 moins de dix-huit ans * 17, 658 729, processus de démocratisation * 140 moins de quinze ans * 18, 49, 53 programmes DDR * 200, 518, 524, 526, 605, 606, 607 protection de l'enfance * 19, 35, 43, 166, 171, 178, 179, N 191, 202, 203, 322, 335, 345, 377, 391, 442, 522, 540, protection de la vie privée * 431, 432 ncrimination * 121 protection des victimes * 47, 48, 52, 55, 133, 142, 215, non-combattants * 64, 135 309, protocole facultatif à la Convention relative aux droits O de l'enfant concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés * 87 obligation de moyen * 51 puissance occupante * 46, 106, 120 obligation de protection * 59 obligation de résultat * 50, 80, 89, 288, 315 Q obligation positive * 59, 92 opérations de maintien de la paix * 167, 187, 517, 603, quinze à dix-huit ans * 58, 60, 64, 82, 180, 271, 275, 357, 605 390, 393, 399, 415 ordre juridique international * 309, 564 ordre juridique interne * 306, 307, 309, 310 R Organisation internationale du travail * 67, 68, 296 organisations paramilitaires * 51 Rapport Machel * 145, 272, 280, 286, 534, 535 rapport périodique * 173 P réconciliation nationale * 323, 336, 471, 473, 571, 596 recrutement forcé * 26, 52, 69, 71, 72, 85, 92, 93, 275, Pacte Briand-Kellog (1928) * 213 282, 296, 298, 317, 393, 533, 578 recrutement obligatoire * 25 * 19, 178, 292, 319, 550, 621, 622, 701 réduction de peine * 625, 652 Pacte international relatif aux droits économiques, réforme institutionnelle * 474, 519 sociaux et culturels * 19, 178, 301, 690, 701 réfugiés * 219, 249 participation directe aux combats * 59, 61, 75, 286 Règlement de La Haye de 1907 * 47 peine de mort * 327, 335, 417, 527, 552, 557, 617, 623, Règles de Beijing (1985) * 375, 394, 521 634, 645, 652 Règles de la Havane (1990) * 375 peine privative de liberté * 387, 461 Règles de Tokyo * 33 personnes protégées * 45, 46, 47, 50, 59, 63, 97, 275 regroupement familial * 601, 605, 606 plainte * 84, 445, 608, 609, 637, 685 réhabilitation * 158, 375, 376, 398, 425, 518, 531, 547, préjudice * 65, 84, 129, 359, 505, 653 548, 555, 574, 617, 635, 651 présomption d'innocence * 381, 426 réinsertion * 81, 638 principe d'impartialité * 378 réintégration * 81, 158, 166, 176, 188, 189, 191, 192, 193, principe de la médiation et de l'arbitrage * 214 194, 198, 199, 202, 203, 319, 327, 398, 425, 482, 484, principe de la responsabilité des dirigeants * 213 487, 497, 517, 518, 523, 524, 539, 548, 555, 601, 602, principe du procès équitable * 337 603, 606, 607, 608, 634, 638, 641, Principes de Paris (2007) * 140, 519, 521 Représentant spécial du Secrétaire général pour les Principes de Vienne (1997) * 375 enfants et les conflits armés * 165, 169, 351, 536 Principes directeurs de Riyad (1990) * 375, 380, 521 Principes du Cap » (1997) * 140 730 République démocratique du Congo * 113, 118, 124, T 166, 170, 174, 189, 191, 196, 199, 203, 239, 285, 304, 324, 325, 326, 332, 333, 334, 343, 344, 345, 518 Thomas Lubanga Dyilo * 57, 125, 126, 128, 240, 284, responsabilité de l'État * 54, 488 285, 391, 708 responsabilité des exécutants d'un ordre * 215 traitement des enfants * 32, 33, 46, 287, 289, 400, 472, responsabilité internationale * 54, 205, 211, 252, 265, 529, 546 306, 345 Tribunal militaire * 333 responsabilité pénale des enfants soldats * 11, 31, 33, tribunal spécial * 321, 626 354, 355, 357, 358, 390, 391, 405, 421, 423, 451, 473, Tribunal spécial * 339, 416 475, 530, 543, 563, 565, 591, 597, 658, 664, 736, 737, Tribunal spécial pour la Sierra Léone * 119 738 tribunaux internationaux * 594 responsabilité pénale individuelle * 120, 121, 127, 140, Tribunaux internationaux * 583 209, 211, 214, 217, 218, 223, 225, 235, 236, 238, 241, 251, 255, 259, 265, 268, 271, 276, 280, 282, 283, 317, V 405, 502, 572, 654 rétablissement de la paix * 151, 166, 183, 200, 301,
, victimes des conflits armés * 20 322, 413, 414, 471, 473, 478, 498, 503, 518, 527, 546, violence sexuelle * 172, 173, 190, 243, 327, 345 605, 646, volonté politique * 153, 174, 195, 590, 649, Rwanda * 335, 620, 645 Z S zones de paix * 156 Sierra Léone * 16, 119, 123 système judiciaire national
*
560, 597
,
615
731
TABLE DES MATIÈRES
Liste des principaux sigles et abréviations utilisés ______________________________________________________ 5 Sommaire____________________________________________________________________________________________________ 9
Introduction
_______________________________________________________
________________
________________
11 Première partie : Les instruments juridiques instaurés pour la protection des enfants soldats _______________________________________________________________________________________33 Titre I : La prise de conscience et la réaction de la communauté internationale face à l'émergence du phénomène des enfants soldats_____________________________________________________ 35 Chapitre I : L'encadrement juridique de la protection des enfants soldats en droit international__ 37 Section I : Le cadre conventionnel de la protection des enfants soldats impliqués dans des conflits armés________________________________________________________________________________________________ 39 § 1. Une protection générale et spéciale des enfants impliqués dans les conflits armés en droit international humanitaire ______________________________________________________________________________ 41 A. La protection générale et spéciale des enfants soldats par les Conventions de Genève (1949) et ses Protocoles additionnels (1977) _____________________________________________________
43 a) Les quatre Conventions de Genève de 1949 : Une protection générale des enfants soldats______________________________________________________________________________________________ 43 b) Le Protocole additionnel I de 1977 : Une première détermination de l'âge en vue de la participation aux conflits armés_______________________________________________________________ 46 c) Le Protocole additionnel II de 1977 : Une protection plus appropriée concernant la participation des enfants dans les conflits armés ______________________________________________ 53 d) La protection envisagée par le droit international humanitaire pour les enfants soldats capturés et internés pendant les conflits armés ______________________________________ 57 B. Des standards supplémentaires de protection des enfants : Les Conventions de l'Organisation internationale du travail et La Charte africaine de 1990 _________________________ 65 §. Une protection limitée et ambiguë de l'enfant soldat au moyen du droit international des droits de l'homme _______________________________________________________________________________________ 75 A. Les lacunes de la Convention relative aux droits de l'enfant de 1989 concernant la protection des enfants soldats _____________________________________________________________________________________ 77 B. La protection insuffisante du Protocole facultatif concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés _______________________________________________________________________________ 85 a) Une protection différenciée entre participation directe et participation indirecte des enfants soldats dans les conflits armés __________________________________________________________ 86 733 b) La nécessité de la mise en place d'une obligation absolue pesant sur les Etats contre la présence des enfants soldats dans les conflits armés _______________________________________
90 Section II : Le droit international coutumier : une référence juridique de rigueur dans le contexte des conflits armés nationaux et internationaux________________________________________________
99 §. L'élargissement opéré par le droit international coutumier sur la porté
des règles applicables du droit international humanitaire conventionnel ____________________________________ 101 A. Le rôle du droit international coutumier pour pallier les lacunes du droit international humanitaire en matière de conflits armés internes _____________________________________________ 101 B. Le reflet des règles du droit international coutumier dans les droits nationaux des pays en conflit ____________________________________________________________________________________________ 111 § 2. La cristallisation des règles coutumières dans la jurisprudence des tribunaux internationaux en matière de protection d'enfants soldats ________ 117 A. Les décisions rendues par le Tribunal spécial pour la Sierra Léone ____________________
117 B. ___________________________________________________________________________________________________________ 135 A. Le cadre non contraignant des obligations internationales prises par les États ______
135 B. L'absence d'un mécanisme de surveillance effectif de l'application des traités par les parties
_______________________________________________________________________________________________________ 143 §. La mise en oeuvre limitée des efforts menés par des ONG sur le plan pratique _________ 149 A. L'absence de volonté des États concernés ________________
________________
________________ 149 B. L'insuffisance de la réaction de la communauté internationale ____________________________
153 Section II : La mobilisation des organes onusiens et des ONG en faveur des enfants touchés par les conflits armés __________________________________________________________________________________________ 159 § 1. Le rôle des organes onusiens et des ONG assurant le respect effectif des normes internationales lors de leur application par les parties au conflit _________________________________
161 A. L'apport des travaux des organes des Nations Unies ____________________________________ 161 B. Les travaux effectués par les ONG dans l'édification des standards internationaux __ 175 §. La mise en oeuvre du programme de désarmement, de démobilisation et de réinsertion d'enfants-soldats. ______________________________________________________________________________________ 183 A. Le soutien du Conseil de sécurité au processus de paix et de reconstruction des sociétés touchées par la guerre _____________________________________________________________________________ 185 B. Le fondement des actions des ONG veillant et garantissant la bonne conduite des processus de protection des enfants ____________________________________________________________________________ 193
Titre 2 : L'approche du droit pénal international relative à la responsabilité pénale des recruteurs d'enfants ___________________________________________________________________________ 203 Chapitre I : La responsabilité pénale de l'individu ayant commis des crimes relevant du droit international en temps de guerre ___________________________________________________________________________ 205 Section I : Affirmation juridique de la responsabilité pénale des individus dans les conflits armés, tant internationaux que nationaux ______________________________________________________________
207 §.
L'encadrement juridique par le droit international de la reconnaissance de la é pénale
individuelle
dans les confli
ts internationaux ______________________________ 209 A. Les normes juridiques édictées par les traités internationaux ______________________________ 209 B. La jurisprudence établie par les tribunaux pénaux internationaux _________________________
223 §. L'incrimination internationale des violations graves du droit international dans les conflits armés internes
________________________________________________________________________________ 233 A.
La responsabilité
pénale individuelle pour les
crime
s de
guerre
___________________________ 233 B.
La responsabilité pénale individuelle pour les crimes contre l'humanité et les crimes de génocide
_____________________________________________________________________________________________
239 Section II : Les différents aspects de l'accusation de l'individu par le droit international______
249 §. L'incrimination de l'individu agissant en tant qu'exécutant d'
un
ordre supérieur ______ 253 A. Les principes juridiques de l'établissement de la responsabilité pénale de l'exécutant____ 253 B. La mise en oeuvre de la responsabilité pénale de l'exécutant _______________
________________
256 §. L'incrimination de l'individu agissant en qualité de personne privée ___________________ 261 A. Les fondements juridiques du principe de la responsabilité pénale de la personne privée 261 B. La détermination des crimes imputables aux personnes privées ___ ________________
265 Chapitre II : La responsabilité pénale individuelle des recruteurs à l'origine des crimes commis par les enfants soldats ____________________________________________________________________________________________ 269 Section I : La criminalisation du recrutement et de l'utilisation des enfants soldats en droit pénal international _______________________________________________________________________________________________
271 §. La qualification de crime de guerre de la conscription et de l'enrôlement des enfants soldats __
________________
________________________________________________________________________________ 273 A. La position de la Cour pénale internationale quant au recrutement et à l'utilisation des enfants dans les conflits armés ______________________________________________________________________ 273 B. La jurisprudence des tribunaux pénaux internationaux dans les affaires relatives aux enfants soldats ________________________________________________________________________________________________ 279 §. L'instrumentalisation d'enfants soldats sous d'autres qualifications criminelles du droit international ___________________________________________________________________________________________ 285 A. Les formes de traitement des enfants soldats qualifiées de crimes contre l'humanité _____ 285 B. La mise en esclavage des enfants soldats dans les conflits armés __________________________
289 Section II : L'approche des droits nationaux à l'égard de la situation des recruteurs d'enfants dans les conflits armés ____________________________________________________________________________________ 299 § 1. Le rôle capital des États dans la prévention et la protection de toutes les formes d'instrumentalisation des enfants en temps de guerre _____________________________________________ 301 735 A.
La
valeur
et
les moyens accordés aux traités internationaux dans l'ordre national ________
301 B. La mise en place des règles nationales interdisant et incriminant le recrutement des enfants soldats par les forces et groupes armés______________________________________________________________ 313 §2. La portée des lois prohibant le recrutement des
soldats dans les forces
ou group
es ar
més
devant les tribunaux
nationaux _____________________________________________________ 329 A. Les sanctions de l'enrôlement et de l'utilisation d'enfants soldats au regard des carences des systèmes judiciaires nationaux ______________________
________________
________________________________ 329 B. Les décisions rendues contre les recruteurs d'enfants soldats et le défi de leur exécution_ 341 Conclusion de la première partie _______________________________________________________________________ 349 Deuxième partie : La menace présentée par les enfants soldats dans le processus de paix fondant de la responsabilité pénale pour les enfants soldats ___________________________________ 351 Titre I : La complexité de la poursuite pénale de l'enfant soldat, victime et criminel __________________________________________________________________________________________________________ 353 Chapitre I : La responsabilité pénale des enfants soldats en vertu du droit international
________ 355 Section I : Les mineurs auteurs d'infractions internationales
et la mise
en jeu de
leur
responsabilité
_____________________________________________________________________________________________ 357
§ 1. La spécificité du droit substantiel appliqué aux mineurs
_________________________________ 359 A.
L'âge de la majorité pénale
_________________________________________________________________ 361
B. Le discernement et le seuil minimum de la responsabilité pénale
_____________________ 365
§ 2. Des juridictions spécialisées pour les mineurs
____________________________________________ 373
A. La mise en place de tribunaux appropriés
________________________________________________ 374 B.
Les sanctions et mesures spéciales
appliquées aux mineurs
___________________________
381 Section II. Les poursuites pénales contre des enfants-soldats qualifiés de criminels en droit international humanitaire ________________________________________________________________________________
387
§. La mise en oeuvre de la responsabilité pénale des enfants soldats conformément aux normes conventionnelles internationales
___________________________________________________________ 389
A. La position du droit international quant aux charges à encontre d'enfants soldats
__ 391
B. Les critères retenus par les tribunaux pénaux internationaux
_________________________
397 § 2. Les normes nationales et le phénomène des enfants soldats ______________
_______________
401 A. Le cadre juridique national établissant la responsabilité pénale des enfants soldats 403
B
. L'application par les tribunaux nationaux des normes visant
à
la responsabilité pénale des enfants participant
aux
host
il
ités
_____________________________________________________________
411 Chapitre II : La nécessité d'instituer un cadre juridique spécifique de la responsabilité pénale des enfants soldats ________________________________________________ 419 Section I : Le procès pénal et l'exigence de garanties effectives au regard de la situation vulnérable des enfants soldats ___________________________________________
________________________________
423 § 1. Les règles procédurales relatives à la mise en examen des mineurs
_____________________
425 A. Le droit au respect de la vie privée des mineurs _
________________________________________ 427
736 B. La présence et la participation active des mineurs au procès judiciaire
_______________
433 § 2. Les circonstances et les normes juridiques
justifi
ant la mise en dé
tention
de
mineurs
437 A
.
La détention préventive : les exigences normatives
_____
________________ 439 B. Le cadre spécifique de la mise en détention des
mineurs
_______________________________
443 Section II : L'identification du degré de responsabilité pénale des enfants soldats : une appréciation nuancée _____
________________________________________________________________________________
449 § 1. Les circonstances atténuant la responsabilité des enfants soldats
_______________________ 451 A. L'âge de la responsabilité pénale au moment des faits __________________________________ 453 B. Autres circonstances entraînant l'atténuation de la
responsabilit
é des
min
eurs _____ 459
§ 2. Les clauses exonératoires de la responsabilité pénale
____________________________________
461 A. Les contraintes exercées sur les mineurs criminels en temps de guerre, élément justificatif de leur irresponsabilité pénale
________________________________________________________ 463 B.
Les
actes
criminels commis sous
l'
effet
de
substances illicite
s _________________________
467 Titre II : La mise en oeuvre d'une politique pénale juridictionnelle cohérente et uniforme à l'égard des enfants soldats, auteurs de crimes internationaux _______________ 469 Chapitre I : La place de la justice transitionnelle en matière de responsabilité pénale des enfants soldats dans le cadre du processus de rétablissement de la paix et de réconciliation nationale ______ 471 Section I : La justice réparatrice - moyen alternatif à la préservation des intérêts supérieurs des enfants, auteurs de crimes internationaux______________________________________________________________ 475 § 1. La communauté internationale et la
justice
réparatrice __________________________________ 477 A. L'évolution de la fonction de réparation dans le système de justice réparatrice ______ 479 B. Les fondements juridiques
internation
aux relatifs à la justice réparatrice ____
________
489 § 2. Les principes constitutifs de la justice réparatrice comme moyen de pallier les imperfections et les défaillances de la justice répressive __________________________________________ 499 A. La relation victim
e
-agresseur dans le processus de la justice réparatrice : vers une meilleure
protection
des
garanties procédurales pour les nefants soldats____________________
503 B. La ré
in
sertion
sociale des mineurs
condamnés – objectif cessaire au processus de paix et à la réconciliation nationale _______________________________________________________________ 515 Section II : La mise en oeuvre de la justice réparatrice dans le traitement des enfants soldats impliqués dans la commission de crimes internationaux _____________________________________________ 527 §1. Les avantages de la mise en application de la justice réparatrice dans le traitement d'affaires concernant les infractions commises par les enfants soldats
___________________________
529 A.
Les
fa
cteurs
conduisant
les enfants à perpét
rer
des
crimes
____________________________ 531 B. Une nouvelle approche des peines qui tient compte des
expérience
s
particulières vécues par les mineurs délinquants
______________________________________________________________
537 §2. Les mesures à accomplir par les Etats pour une justice réparatrice dans les procédures juridictionnelles sur la question de la responsabilité pénale des enfants soldats ________________
541 A. Le principe de la primauté de la justice réparatrice basé sur des mesures non punitives _______________________________________________________________________________________________________ 543 737 B. L'adoption par les Etats d'un système de justice axé sur des objectifs éducatifs et familiaux ____________________________________________________________________________________________
549 Chapitre II : Les solutions concrètes adoptées par les autorités de Sierra Léone et du Rwanda en lien avec les organes onusiens visant à instituer un processus judiciaire spécifique aux ex-enfants soldats _________________________________________________________________________________________________________ 557 Section I : La Commission de Vérité et de Réconciliation et le Tribunal spécial de Sierra Leone : leur compétence en matière de responsabilité pénale des enfants soldats __________________________
561 §1. La
collaboration de la
Commission
Vérité et Réconciliation et
du Tribunal spécial au
service
d'une justice transitionnelle post-conflictuelle ______________
_______________________________ 565 A. La nécessité d'une collaboration entre la CVR et le TSSL afin de rendre une justice équitable aux victimes et d'offrir un traitement spécifique aux enfants _______________________ 567 B. Les limites à la mise en application simultanée des deux types de système juridiques _______________________________________________________________________________________________________
579 §2. Le sens et la portée des normes juridiques applicables à la CVR et au TSSL quant à la résolution de la problématique de la responsabilité pénale des enfants soldats _
________________ 589 A. Les enfants soldats entre le principe de responsabilité pénale et l'existence d'une pseudo- légalité post-conflictuelle en Sierra Leone _____________________________________________ 591 B. La prise des mesures nécessaires favorisant le déroulement du programme de désarmement, démobilisation et réinsertion sociale des mineurs _____________________________
599 Section II : Le jugement des enfants soldats accusés de génocide : l'expérience du Rwanda __ §. L'indispensable « rénovation » du système juridictionnel rwandais relativement au problème des enfants soldats _________________________________________________________________________
613 A. L'incapacité du système judiciaire rwandais de remplir sa mission après le génocide commis en 1994 ____________________________________________________________________________________ 615 B. La mise en jugement des ex-enfants soldats auteurs de génocide selon la procédure issue du système judiciaire rwandais _____________________________________________________________ 625 §. La création d'un organe ayant une compétence exclusive en matière de justice des mineurs : le Gacaca ____________________________________________________________________________________ 631 A. Les avantages du système Gacaca pour les enfants impliqués dans les actes de génocide _______________________________________________________________________________________________________ 633 B.
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Espaces naturels protégés: que sont devenus les projets des précurseurs? Le cas du parc national de la Vanoise et des réserves naturelles de Haute-Savoie Isabelle Mauz
Isabelle Mauz. Espaces naturels protégés: que sont devenus les projets des précurseurs? Le cas du parc national de Vanoise et des réserves naturelles Savoie. Raphaël Larrère, Bernadette Lizet, Martine Berlan-Darqué. Histoire des parcs nationaux. Comment prendre soin de la nature?, Quae, pp.59-76,
Espaces naturels protégés : que sont devenus les projets des précurseurs? Le cas du parc national de la Vanoise et des réserves naturelles de Haute-Savoie
Lorsque l'on considère, dans ses grandes lignes, l'évolution des espaces protégés français depuis les années 1960, on est d'abord frappé par l'importance qu'ils ont prise, tant dans les textes de loi que sur le terrain. Ainsi, par exemple, la loi du 1er juillet 1957 a conféré une existence officielle aux réserves naturelles, celle du 22 juillet 1960 a permis la création des parcs nationaux et le décret du 25 novembre 1977 a instauré les arrêtés préfectoraux de protection de biotope, en application de la loi du 10 juillet 1976 sur la protection de la nature. La France compte aujourd'hui plus de 150 réserves naturelles, quelque 600 arrêtés préfectoraux de protection de biotope et sept parcs nationaux1, l'adoption de la loi du 14 avril 2006 devant accélérer l'aboutissement de plusieurs projets2. On observe, dans le même temps, une certaine convergence dans l'évolution des espaces protégés, à laquelle plusieurs facteurs ont contribué, dont la création d'un ministère chargé de l'Environnement (1971). Les agents de l'ensemble des espaces naturels ont pu suivre des formations communes dispensées par l'Atelier technique des espaces naturels (1986). La titularisation des agents de terrain des parcs nationaux (1987) a profondément modifié leur mode de recrutement : jadis choisis parmi les habitants, ils sont désormais sélectionnés par concours national et sont fréquemment surdiplômés. La constitution du corps des agents de l'environnement (2001), qui permet aux personnels de terrain des parcs nationaux de rejoindre l'Office national de la chasse et de la faune sauvage ou le Conseil supérieur de la pêche, et inversement, concourt aussi au brassage des façons de penser, de dire et de faire et à l'émergence d'une culture partagée. Enfin, des structures fédératrices ont été constituées : la Conférence permanente des réserves naturelles (1982), devenue Réserves naturelles de France en 1994 et l'établissement public « Parcs nationaux de France », chargé de coordonner l'ensemble des activités des parcs, institué par la nouvelle loi (2006). Les espaces protégés paraissent ainsi à la fois considérablement plus présents qu'ils ne l'étaient et moins différents les uns des autres : à mesure qu'ils ont gagné droit de cité, il semble qu'une sélection des idées, des objectifs et des méthodes se soit opérée. C'est cette hypothèse d'un double mouvement, d'accroissement du nombre et de resserrement des intentions, que nous voudrions mettre à l'épreuve, en nous appuyant sur deux cas qui occupent une place particulière dans l'histoire des espaces protégés français : celui du parc national de la Vanoise et celui des réserves naturelles de Haute-Savoie. Les projets préalables à la création du parc national de la Vanoise (1963) ont en effet fortement orienté la loi de 1960 et la conception des parcs qui l'ont suivie ; quant à la réserve naturelle des Aiguilles Rouges (1974), elle a été la première réserve naturelle dite d'intérêt national et son influence s'est exercée bien au-delà du département, et même des Alpes. Le parc national de la Vanoise et les réserves naturelles de Haute-Savoie diffèrent par de multiples aspects. Le parc forme un espace d'un seul tenant et l'aire protégée couvre plus de 50 000 hectares ; les réserves naturelles de Haute-Savoie sont au nombre de neuf, leur superficie varie de 50 hectares (Delta de la Dranse) à un peu plus de 9 000 (Sixt) et leur création s'étale sur près de 20 ans, de 1974 à 1992. Le statut et la structure gestionnaire de espaces sont également bien distincts : le parc est géré par un établissement public à caractère 1 Auxquels il faut ajouter les 400 sites qui relèvent du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, créé en 1975. 2 Dans les Hauts de la Réunion, en Guyane et dans les calanques de Marseille-Cassis. 1 administratif et les réserves par une association (Asters3). Qu'il se rende dans le parc national de la Vanoise ou dans une réserve naturelle de Haute-Savoie, le visiteur a cependant de bonnes chances d'entendre les mêmes messages, de devoir observer des réglementations voisines et de rencontrer des équipements similaires : ces espaces présentent un air de famille et il semble en particulier évident à tous, gestionnaires, habitants et touristes, qu'ils servent et visent en priorité à protéger la nature. Il faut remonter aux initiateurs de ces espaces protégés pour découvrir combien leurs intentions de départ différaient entre elles et de celles qui sont aujourd'hui affichées. Nous allons présenter les principaux initiateurs et comparer leurs programmes respectifs. Nous examinerons ensuite ce qui a été retenu de leurs projets, dans les espaces protégés et au-delà. Nous utiliserons pour ce faire des travaux antérieurs (Mauz, 2003, 2005a, 2005b), qui reposent sur le dépouillement des archives disponibles et sur des entretiens de type semidirectif auprès de promoteurs du parc national et des réserves naturelles4. Un éventail de projets précurseurs En Vanoise, dès les années 1920, des chasseurs et des alpinistes réclament la création d'un parc national, alors que ce statut n'a encore aucune existence légale. Le même souhait est exprimé sensiblement à la même époque pour la commune de Saint-Gervais, en HauteSavoie. Dans les deux cas, on peut donc trouver des origines lointaines aux espaces protégés. On n'évoquera cependant ici que les principaux projets qui les ont immédiatement précédés, parce qu'ils sont les mieux documentés et parce qu'ils ont très fortement marqué le cours des événements. En Savoie comme en Haute-Savoie, la création des espaces protégés résulte, non d'un unique projet, mais de plusieurs qui concernent, pour partie, les mêmes espaces. Le « parc national à bouquetins » de Marcel Couturier Il est des chasseurs acharnés qui furent aussi de fervents protecteurs, des pionniers qui ont activement oeuvré pour la préservation des espèces qu'ils convoitaient, et de leurs biotopes. Marcel Couturier est de ceux-là. Dès les années 1940, il pense à créer un parc national dans les hautes vallées savoyardes, pour permettre enfin aux bouquetins du parc national du Grand Paradis5 de coloniser le versant français : jusque-là, les animaux qui franchissaient la frontière étaient systématiquement abattus par les montagnards des villages voisins. Prenant modèle sur le Grand Paradis, il élabore un projet extrêmement précis, dans lequel tout – la délimitation de l'espace, la réglementation, le recrutement et l'organisation du personnel, etc. – doit concourir à l'installation pérenne de l'ongulé (Couturier, 1943). Marcel Couturier est né en Isère, en 1897. Il fait des études de médecine à Grenoble et devient chirurgien. Il a bien d'autres cordes à son arc. Naturaliste réputé, spécialiste des animaux de montagne, il est l'auteur de véritables sommes sur plusieurs espèces, dont l'ours, le chamois et le bouquetin. Alpiniste chevronné, il est le premier à gravir un des couloirs de l'Aiguille verte, qui porte aujourd'hui son nom. C'est enfin un redoutable et inlassable chasseur, passionné de gibier de montagne et tout particulièrement fasciné par le 3 Agir pour la sauvegarde des territoires et des espèces remarquables ou sensibles. 4 Recherche inscrite d'une part dans le programme « Histoire et mémoires des parcs nationaux métropolitains » coordonné par Raphaël Larrère, d'autre part dans une étude à caractère historique commandée par le comité scientifique des réserves naturelles de Haute-Savoie. Une quarantaine d'entretiens ont été menés en Vanoise, et 25 en Haute-Savoie. Les extraits d'entretien apparaissent dans le texte en italique. 5 Créé en 1922, c'est le doyen des parcs italiens. Les parcs nationaux italiens et français diffèrent fortement par leur nombre (23 en Italie, 7 en France) et par la superficie qu'ils couvrent (total de 1 500 000 hectares en Italie, soit près de 5 % du territoire national et de 370 000 hectares en France, soit 0,7 % du territoire national). bouquetin. Il milite activement en faveur de la création d'un « parc national à bouquetins » dans les milieux naturalistes, cynégétiques et de l'alpinisme et publie des articles dans les revues spécialisées. Surpris à braconner à plusieurs reprises, jugé et condamné, il progressivement mis à l'écart et il ne participe pas à la mise en place du parc. Il est décédé en 1973. Marcel Couturier, posant devant un bouquetin abattu en Suisse en novembre 1956 (source : Couturier, 1962, planche CXLI). Gilbert André, chantre de la culture alpine Ce n'est pas tant le sort des bouquetins que celui des montagnards qui inquiète et motive Gilbert André. Parcourant les Alpes au début des années 1950, il découvre des villages vidés par l'exode agricole ou métamorphosés par les grands chantiers hydroélectriques et par les premières stations de sports d'hiver. Il refuse la disparition de ce qui le touche le plus et qu'il idéalise sans doute : les paysages bien sûr, mais aussi et surtout une manière de vivre, une proximité entre les hommes et avec les animaux qu'ils élèvent, toutes choses qu'il résume par le terme de « culture ». Il veut convaincre les montagnards de rester « eux-mêmes » et leur en donner les moyens, notamment en développant l'artisanat et l'accueil des citadins. Ses idées se précisent au fil d'innombrables lectures et discussions ; il rencontre notamment des auteurs chrétiens – Georges Duhamel (1884-1966), dont le chapitre sur « le parc national du silence » (Duhamel, 1932) l'a profondément marqué, Gustave Thibon (1903-2000), Daniel-Rops (1901-1965), etc., et il séjourne plusieurs semaines dans la communauté fondée par Lanza del Vasto (1901-1981). Il aboutit à la conclusion qu'il faut créer un parc national pour sauver la culture des montagnards. Après avoir rêvé de l'étendre à toutes les Alpes, il se résout à limiter son emprise. Son projet, qui inclut les fonds de vallée, demeure toutefois très vaste et déborde largement le parc à bouquetins du Dr Couturier. Gilbert André est né dans les Vosges en 1927. Il est le fils unique d'un riche industriel, qui le destine à prendre sa suite. Gilbert André en décide autrement : au début des années 1950, il interrompt ses études parisiennes pour rejoindre les Alpes, qui l'attirent et le fascinent depuis l'enfance. Après de longues pérégrinations solitaires, il s'arrête, provisoirement croit-il, à Bonneval-sur-Arc, dont il est élu maire en février 1956. Il est à l'origine de la fondation, 1957, de l'Association des parcs de France et ses idées jouent un rôle majeur dans l'acceptation du projet de parc national par les élus savoyards et par les populations locales. À la fin des années cinquante, estimant le parc national en bonne voie, il décide de se consacrer entièrement à Bonneval-sur-Arc. Il s'attache à y réaliser, avec les habitants, son programme de relance économique et culturelle et il ne s'en éloigne qu'à la fin des années 1990, après quarante ans d'implication permanente (Mauz, 2003, 2005a ; Révil et Helle, 2004). Gilbert André, un Bonnevalain et son fils, dans les années 1950 (source : coll. personnelle de Gilbert André) Gilbert Amigues, un ingénieur des eaux et forêts au service de la protection de la nature
En Haute-Savoie, au début des années 1960, comme en Savoie quelques années plus tôt, l'édification en altitude d'un type inédit de stations de sports d'hiver, par des promoteurs dotés d'énormes moyens financiers et puissamment soutenus par les pouvoirs publics, provoque des changements massifs et rapides des sociétés locales et des milieux naturels. Convaincu qu'il faut « mettre en conserve » ce qui peut l'être, pour l'avenir, Gilbert Amigues songe d'abord à 3 établir un parc national dans le Haut-Giffre, où la station de Flaine sort de terre, mais l'idée est rejetée aussi bien par les municipalités impliquées que par le ministère de l'Agriculture. À défaut, il met en place de vastes réserves de chasse. Puis il se saisit d'un autre outil juridique existant, les réserves naturelles, qu'il crée partout où des milieux particulièrement intéressants lui semblent menacés et où il parvient à convaincre les élus locaux6. Gilbert Amigues est né en 1929 dans le nord de l'Hérault, où son père est instituteur. Après une enfance campagnarde, il fait ses études à l'Institut national agronomique (1948-1950), puis à l'École nationale des eaux et forêts de Nancy (1950-1952). Il débute sa carrière dans le Sahara algérien, où il reste sept ans, en pleine guerre d'Algérie. Il passe ensuite deux ans à Compiègne. Il arrive en Haute-Savoie en 1961. Lors de la réforme du ministère de l'Agriculture7 (1965), il devient ingénieur du Génie rural, des Eaux et des Forêts et prend la direction du premier service de la DDA, chargé de l'administration des forêts, de la chasse et de la pêche. En 1968, la Haute-Savoie adopte le système des associations communales de chasse. Gilbert Amigues parvient à mettre plus de 70 000 hectares en réserve de chasse. Il est à l'origine de la politique de création de réserves naturelles en Haute-Savoie et il est aussi le « père » des réintroductions dans ce département. Il a notamment initié et piloté celle des bouquetins, des castors et des gypaètes barbus. Il quitte la DDA le 1er janvier 1985 pour devenir inspecteur général de l'office national de la chasse. Il part à la retraite en mai 1994. Il exerce depuis lors les fonctions de conciliateur de justice. Gilbert Amigues recevant la croix de chevalier de la Légion d'Honneur, en 1995, dans les locaux de l'office national de la Chasse (source : coll. personnelle de Gilbert Amigues) Jean Eyheralde ou la pédagogie de la nature Jean Eyheralde s'est intéressé aux plantes avant de s'intéresser à ceux qui les regardent ou qui les cueillent. C'est un peu par hasard, au contact des visiteurs de son jardin botanique de sa cure d'Argentière8, qu'il prend conscience de l'intérêt des gens pour la nature. Une conscience renforcée lorsque le jardin est transféré au col des Montets, une des principales portes d'entrée dans la vallée de Chamonix, fréquentée par toutes sortes de personnes pour toutes sortes de raisons. Une réserve communale voit le jour, bientôt remplacée par la réserve naturelle des Aiguilles Rouges (1974). Elle est animée par une équipe constituée autour de Jean Eyheralde, qui oeuvre à l'invention d'une pédagogie de la nature accessible à tous et fondée sur une esthétique au sens étymologique : les visiteurs sont invités à regarder, à toucher, à sentir, à réaliser des expériences. Le col des Montets devient un lieu de parole en même temps qu'un lieu de recherches et de découvertes naturalistes : à travers l'établissement d'un nouveau rapport à la nature, c'est le bonheur de l'homme qui est visé. 6 Sept réserves naturelles sont créées pendant la période d'activité de Gilbert Amigues à la direction départementale de l'Agriculture de la Haute-Savoie : Aiguilles Rouges (23 août 1974), Bout-du-Lac (26 décembre 1974), Sixt (2 novembre 1977), Roc de Chère (2 novembre 1977), Contamines (29 août 1979), Delta de la Dranse (17 janvier 1980), Passy (22 décembre 1980). Deux autres réserves voient le après son départ de la DDA, celles de Carlaveyron (5 mars 1991) et du vallon de Bérard (17 septembre 1992). 7 L'office national des Forêts est créé en 1964 ; les ingénieurs du Génie rural, des Eaux et des Forêts et d'une partie des services agricoles sont rassemblés dans un corps unique en 1965 ; les directions départementales de l'Agriculture sont créées la même année. 8 Un premier jardin de rocailles, installé dans le potager de la cure, abrite des plantes alpines et attire des amateurs, ainsi que des enseignants et des chercheurs, venus passer leurs vacances à Chamonix. Le jardin est à la fois un lieu d'échanges – de graines, de plantes, d'idées – et un point de départ pour des sorties en montagne. Pour que les plantes soient dans leur élément et que de véritables recherches puissent être menées, le jardin est transporté en montagne, dans un lieu plus vaste. Ce deuxième site, dénué de statut officiel, est fréquenté plusieurs années jusqu'à ce qu'en 1970, la remontée mécanique qui permettait d'y accéder provoque un accident mortel. Un nouveau transfert a lieu, en direction du col des Montets. Jean Eyheralde est né en 1922. Originaire du pays basque, il a deux ou trois ans quand ses parents partent pour l'Algérie. Dès l'enfance, il se passionne pour les sciences et la recherche, goût qu'il partage avec son père et ses frères. Pendant la guerre, ses parents font de la résistance, lui-même est objecteur. Il entre ensuite au séminaire, où son indépendance d'esprit, ses orientations politiques et l'intérêt qu'il professe pour Teilhard de Chardin et sa théorie de l'évolution lui valent d'être mal vu de ses supérieurs, et d'être nommé prêtre à Argentière, paroisse reculée au bout de la vallée de Chamonix. Jean Eyheralde y demeure plus de quarante ans, s'impliquant à fond dans la vie de la réserve naturelle des Aiguilles Rouges, dont il préside longtemps l'association d'amis. Il se spécialise dans l'étude des algues et des microchampignons qui se développent en altitude, tout en s'intéressant à l'ensemble des mécanismes de la nature et en demeurant, sa vie durant, un pédagogue. Jean Eyheralde, récoltant des algues sur un glacier (source : coll. personnelle de Jacques Eyheralde).
Convergences et ergences
En Vanoise comme en Haute-Savoie coexistent ainsi des projets très dissemblables, portés par des personnalités qui le sont tout autant. Sans doute ces hommes ont-ils des points communs. Ils sont également hors du commun, déterminés et aucun des quatre n'est originaire de la région. Par d'autres aspects, Gilbert André et Marcel Couturier d'une part, Gilbert Amigues et Jean Eyheralde d'autre part, sont en revanche aux antipodes les uns des autres. Leurs intentions diffèrent profondément. Le projet de Gilbert André englobe a priori celui de Marcel Couturier, puisque le premier prône le respect de toute vie et ne peut donc que souscrire à la volonté de sauvegarder les bouquetins. 5 Les projets de Gilbert André et de Jean Eyheralde sont au moins aussi dissemblables. Tous deux sont très marqués par des penseurs chrétiens9, mais ils ne s'inscrivent pas dans les mêmes courants de pensée. Gilbert André alimente son attirance pour les Alpes et leur « culture » en mobilisant des auteurs10 qui fustigent l'industrialisation et l'urbanisation accélérées du monde moderne et exaltent la vie rurale et singulièrement montagnarde. Il rend plusieurs fois visite à Gustave Thibon11, en Ardèche ; il est très proche de Samivel12. Jean Eyheralde nourrit d'autres sympathies. En 1968, il a 46 ans ; ses convictions et ses choix sont largement formés. Il dit pourtant avoir vécu comme un choc les événements de mai, qui précèdent de peu son engagement au col des Montets. De fait, ses propos et son action rappellent souvent avec force ce qui s'est alors exprimé et brièvement réalisé : la mise en cause de l'autorité et des institutions, le rejet du pouvoir de l'argent, le désir d'autonomie et le goût pour l'autogestion, la volonté de changer les rapports sociaux et d'accorder à tous la possibilité de prendre la parole, de participer au débat public, de contribuer aux décisions. Gilbert André et Jean Eyheralde s'accordent sur un point essentiel : le parc national, ou les réserves naturelles, doivent être faits pour et avec les habitants. Ils divergent en revanche sur plusieurs autres points d'importance. Premièrement, la science et la place qui lui revient. Gilbert André s'en méfie car, estime-t-il, la science est en définitive contre l'homme. Jean Eyheralde et ses amis tendent au contraire à la sacraliser. Un rôle central est dans un premier temps conféré au comité scientifique des réserves naturelles Haute-Savoie : on compte sur ses membres, bien plus que sur les élus ou sur les services administratifs, pour assurer une gestion éclairée, désintéressée et démocratique. Deuxième divergence : la fréquentation et l'accueil du public. Prenant modèle sur l'expérience du Tyrol autrichien, Gilbert André est favorable à un tourisme maîtrisé par les gens du lieu, d'ampleur limitée, et haut de gamme. Il table sur une clientèle citadine cultivée et fortunée, sensible à la beauté des Alpes, pour valoriser les productions pastorales et artisanales des montagnards. Quant à l'idée d'accueillir des foules pour les convertir au respect de la nature, elle ne le séduit absolument pas ; l'affluence lui fait horreur. L'attitude adoptée au col des Montets est tout autre. De même que l'on s'intéresse plus à l'ortie qu'à l'edelweiss, on s'adresse davantage au visiteur ordinaire, à « l'homme sans qualités », qu'à l'élite. Jean Eyheralde répète qu'il faut « mettre tout le monde dans le coup », s'adresser « au tout venant ». Troisième point de divergence, le développement local. Le soutien aux activités existantes et la création d'activités compatibles avec la philosophie de l'ensemble sont au coeur du projet de Gilbert André, alors qu'ils occupent une place marginale dans les préoccupations des animateurs de la réserve naturelle des Aiguilles Rouges. Ces projets diffèrent également de ceux qui ont été affichés par les espaces protégés, à l'exception de celui de Gilbert Amigues. Il est en effet le seul dont l'objectif premier soit de protéger les milieux naturels. Le parc national de Marcel Couturier peut certes conduire au même résultat mais il poursuit un but beaucoup plus restreint. Quant aux projets culturalistes, ils visent fondamentalement autre chose. Jean Eyheralde s'exclame d'ailleurs que « protéger la nature n'est pas du tout [son] but » et Gilbert André déplore que « tous [ses] efforts [aient] eu pour résultat de faire aboutir le projet de Couturier ». L'un et l'autre ont bien du mal à se reconnaître dans les espaces protégés actuels et il semble parfois, à les écouter, que rien ne 9 Notamment Pierre Teilhard de Chardin et le mystique rhénan Maître Eckhart pour Jean Eyheralde, Gustave Thibon pour Gilbert André. 10 Comme Alexis Carrel (1873-1944). 11 Fils d'un paysan ardéchois et philosophe, Gustave Thibon défend dans ses ouvrages l'attach
à la terre et la tradition. 12
Graphiste aquarelliste, écrivain, dessinateur et cinéaste conférencier, Samivel (1907-1992) a activement milité pour la protection des Alpes et notamment pour la création du parc national de la Vanoise. Ses dessins et ses textes célèbrent la pureté et la beauté des Alpes, exaltent la civilisation agropastorale des montagnards et dénoncent l'industrie touristique. subsiste de leurs intentions et qu'ils n'ont été que les faire-valoir des projets naturalistes. Il faut cependant y regarder de plus près et examiner comment les diverses ambitions ont été accueillies, traduites dans les textes et mises en oeuvre dans les faits. Où sont passés les projets culturalistes? Précisément parce qu'ils sont dissemblables, les projets séduisent et se diffusent dans des milieux variés. En Savoie, le projet Couturier plaît aux représentants des chasseurs de grand gibier, aux alpinistes et aux naturalistes. De son côté, le parc national « culturel » de Gilbert André recueille l'adhésion des membres du conseil général de Savoie et des élus locaux : Pierre Dumas (1924-2004) et Joseph Fontanet (1921-1980) le défendent devant les municipalités et devant leurs collègues de l'Assemblée nationale et du Sénat en le présentant comme un outil de développement local. En Haute-Savoie, Gilbert Amigues parvient, non sans mal, à convaincre les responsables du ministère de l'Environnement que l'on peut créer de vastes réserves naturelles. Au fil des années, il lui est de plus en plus difficile d'obtenir l'accord du Conseil national de protection de la nature, dont certains membres jugent la réglementation des grandes réserves trop laxiste. Son discours est malgré tout plus facilement recevable par les écologistes que celui de Jean Eyheralde, en revanche mieux accepté par les habitants. La diversité des intentions se révèle ainsi extrêmement utile pour faire avancer les projets, si bien que Jean-Pierre Courtin (1987) peut, avec raison, souligner les « bienfaits du malentendu ». Mais ces bienfaits sont de courte durée : le malentendu initial n'a jamais été surmonté et il s'est plutôt accentué avec le temps. En Savoie, Denys Pradelle (1913-1999) 13, chargé de réaliser une étude préliminaire à la création du parc national, se garde bien de choisir entre les projets en lice. Il suggère une synthèse, qui repose sur un zonage spatial et qui préfigure ce qu'on a appelé « la conception française »14 des parcs nationaux : la zone centrale correspond au projet Couturier, dont elle reprend d'ailleurs assez fidèlement les limites, tandis que la zone périphérique est censée répondre aux aspirations de Gilbert André et des habitants. Des réserves intégrales plus conformes aux voeux des naturalistes sont en outre prévues au sein de la zone centrale. On ne trouve pas de telle synthèse en Haute-Savoie mais, là aussi, tous réclament des réserves naturelles alors que l'appellation recouvre des réalités très distinctes. Le silence des textes La rédaction de la loi relative à la création des parcs nationaux est confiée au ministère de l'Agriculture, plus précisément au service dirigé par Yves Bétolaud (1926-2003), à la direction générale des Eaux et Forêts. Le texte, paru en 1960, accorde une nette priorité à la protection ; la création d'une zone périphérique n'est ainsi qu'une possibilité et les moyens juridiques et financiers alloués à son fonctionnement sont des plus réduits et des plus vagues. Le décret d'application de la loi et le décret de création du parc national de la Vanoise n'arrangent rien : l'orientation « culturelle » reste quasiment absente des textes fondateurs. En Haute-Savoie, après de nombreux échanges avec le ministère de l'Environnement, l'arrêté de création de la réserve naturelle des Aiguilles Rouges (23 août 1974) est assez proche de textes antérieurs, notamment de celui de la réserve naturelle du Néouvielle (8 mai 1968)15 ; la 13 Denys Pradelle, architecte-urbaniste, a été très fortement impliqué dans la conception des stations de sports d'hiver, en particulier dans celle de Courchevel. Après avoir joué un rôle essentiel dans la création du parc national de la Vanoise, il s'est investi activement dans la vie du parc. 14 Cette expression, dont on ignore l'origine, fait manifestement partie de la culture des parcs. 15 La réserve du Néouvielle a été créée dans les années 1930 par la Société nationale de protection de la nature mais à cette époque, les réserves naturelles n'ont pas d'existence légale. 7 dimension pédagogique chère à Jean Eyheralde n'est même pas mentionnée : là aussi, les intentions des protecteurs ont été bien mieux prises en compte. Il y a à cela trois raisons au moins. Premièrement, ni Gilbert André ni Jean Eyheralde ne sont des hommes de loi. Tous deux ont certes des alliés dans la sphère juridique : le rapporteur de la loi relative à la création des parcs nationaux n'est autre que Pierre Dumas, fervent san du projet de Gilbert André et l'arrêté de création de la réserve naturelle des Aiguilles Rouges est rédigé, sous le contrôle il est vrai de Gilbert Amigues, par Yves Pungier, le secrétaire de mairie de Chamonix, qui est un proche de Jean Eyheralde. Mais ni l'un ni l'autre ne parviennent à traduire les objectifs culturels ou pédagogiques dans le droit. Gilbert Amigues, lui, a acquis à l'École nationale des eaux et forêts de solides compétences juridiques ; il possède les arcanes administratifs et il fait de la rédaction des décrets sa spécialité. La loi Montagne comporte effectivement un article consacré aux parcs nationaux, qui tente de préciser comment ils peuvent coopérer avec les collectivités locales. Les effets n'en ont pas été spectaculaires ; il n'empêche qu'il dénote la permanence de l'intention, que l'on retrouve chez le directeur actuel de la Vanoise, Philippe Traub : 16 L'association des Amis du parc a effectivement mené d'autres actions que le parc – elle a notamment organisé des randonnées d'enfants – et elle comptait près de 1 800 adhérents en 1970. Elle n'a en revanche pas complètement réussi à remplir le rôle économique, social et culturel qu'on lui avait assigné. Son importance a décru à mesure qu'augmentait celle du parc, jusqu'à sa dissolution en 2002. 17 Discours prononcé le 5 août 1982 devant le conseil d'administration du parc national des Écrins. Il faut que le parc acquière cette légitimité [en zone périphérique] par la compétence qu'il peut démontrer auprès de ses partenaires et il faut des moyens, pas seulement financiers, mais aussi humains, avec des compétences qui peuvent jouer un rôle utile sur cette zone périphérique. C'est tout l'enjeu de la nouvelle loi sur les parcs nationaux. En Haute-Savoie, la parution des textes fondateurs des réserves ne suscite pas de déception, comme si les partisans du projet pédagogique n'en avaient rien attendu. L'arrêté de création de la réserve naturelle des Aiguilles Rouges et les décrets instituant les réserves suivantes ne sont pas particulièrement critiqués. Il faut dire que les réserves naturelles ne disposent pas des mêmes moyens qu'un parc national et que les textes réglementaires restent longtemps sans grands effets. Ils n'apparaissent pas vraiment comme un obstacle et l'on cherche plus à s'en abstraire qu'à les corriger et à leur « injecter » la dimension pédagogique qui leur manque. Chaque réserve est dotée d'une association d'amis qui prend largement seule les décisions relatives à la gestion, et interprète assez librement le décret ou l'arrêté de création. Ce n'est que tardivement et progressivement que s'impose un gestionnaire commun (Asters), qui s'efforce, parfois contre les associations d'amis, d'unifier les objectifs et les méthodes des différentes réserves et de faire respecter la réglementation partout et par tous. Des réalisations à l'écart de la loi Ni Gilbert André ni Jean Eyheralde n'ont réussi à inscrire leurs projets dans la législation. Cela ne les a cependant pas empêchés de les concrétiser, au moins partiellement. En février 1956, Gilbert André est élu maire de Bonneval-sur-Arc ; en juin 1957, la commune est ravagée par des inondations dramatiques. Pour beaucoup, le village est condamné. Gilbert André voit plutôt dans cette catastrophe un défi à relever : s'il réussit à mettre en oeuvre ses idées dans de telles conditions, c'est que l'on rait partout réussir. Les habitants acceptent de s'endetter et de travailler bénévolement. Pendant des années, ils oeuvrent à la reconstruction de Bonneval. À l'exception du collège d'altitude, tout ce que Gilbert André avait imaginé se réalise : des ateliers d'artisanat sont lancés, une fromagerie est édifiée, l'habitat est rénové et modernisé tout en conservant son aspect traditionnel ; l'accès hivernal est amélioré et sécurisé. À la demande des habitants, une petite station de sports d'hiver est par la suite créée. Le village renaît ; la courbe démographique, qui était en chute libre, remonte. Gilbert André attire à Bonneval des personnalités et des journalistes de renom et la commune bénéficie d'une importante publicité dans la presse nationale et internationale. L'expérience de Gilbert André se veut une alternative à la fois aux grandes stations et au parc national tel qu'il a été interprété par les forestiers. Bonneval veut offrir une image de ce que la Vanoise aurait pu être si le projet culturel avait été retenu. Aux Aiguilles Rouges, au début des années 1970, Jean Eyheralde et ses amis mettent de même leurs idées en application. Contrairement à beaucoup de gestionnaires des espaces protégés, ils ne se précipitent pas sur les limites de la réserve pour les baliser. Ils se concentrent sur le col des Montets, où quantité de gens viennent cueillir des fleurs, promener leur chien, photographier les marmottes et la chaîne du Mont-Blanc ou encore se délester de vieux matelas : nombre de cols, dont celui des Montets, servent alors de dépotoirs. Un chaletlaboratoire est construit à proximité immédiate de la route. Des loupes binoculaires et des montages audiovisuels y sont en libre-service ; un sentier de découverte en part et y ramène. La création de ce sentier a été annoncée par voie de presse et les habitants ont été invités à participer à sa conception et à son tracé. Dès 1974, un garde saisonnier est recruté, qui passe l'essentiel de son temps sur le site, à transmettre le message de la réserve. Il verbalise très peu. La réglementation est considérée comme un mal nécessaire, qui disparaîtra lorsque tous auront découvert la beauté de la nature ordinaire et les liens qui nous unissent à l'ensemble du 9 vivant. Des groupes d'étudiants encadrés par Jean Eyheralde et d'autres naturalistes se succèdent bientôt tout l'été au col des Montets ; ils réalisent quelques travaux pratiques et se mettent à la disposition du public. Comme à Bonneval, la faiblesse des moyens est compensée par une énorme disponibilité humaine. Mais la situation est moins subie que choisie : Jean Eyheralde est persuadé que les réserves ont besoin de gens, plus que d'argent. Le col des Montets attire beaucoup de visiteurs et de gestionnaires d'espaces protégés, curieux de voir comment, et avec si peu de moyens, on peut pratiquer une pédagogie rigoureuse et ouverte à tous. Que reste-t-il de ces projets? À partir des années 1980, Bonneval-sur-Arc connaît des difficultés. Les revenus de la commune, qui provenaient en partie d'EDF, déclinent. Une jonction avec le domaine skiable de Val d'Isère est envisagée pour compenser la perte de ressources financières mais elle nécessite l'implantation d'une remontée mécanique en zone centrale du parc national, qui est refusée après de longues tractations18. Un fossé commence à se creuser entre Gilbert André et une partie des habitants. Alors que les décisions se prenaient jusque-là à l'unanimité, le conseil municipal est de plus en plus divisé et en 1995, Gilbert André décide de quitter définitivement la scène publique. Toitures en lauzes, lignes électriques enterrées, aspect général du vieux village préservé : Bonneval-sur-Arc reste un village à part, et une référence ; pour Gilbert André cependant, il a perdu l'essentiel. Jean Eyheralde, âgé et fatigué, se retire lui aussi à la fin des années 1990. Quelques personnes ayant vécu les débuts de la réserve des Aiguilles Rouges tentent d'en maintenir l'esprit. Mais il n'y a plus d'étudiants au col des Montets et les universitaires qui viennent encore dialoguer avec le public se font rares. Les gestionnaires actuels considèrent dépassées les méthodes de leurs aînés. Ils veulent moderniser les supports pédagogiques et harmoniser les messages, les discours, les signalétiques des différentes réserves. Des expositions et des brochures conçues dans leur coin par de petites associations d'amis avec les moyens du bord ne correspondent plus aux canons en vigueur. Ainsi, ni Gilbert André ni Jean Eyheralde n'ont eu de véritables héritiers. Leurs successeurs jugent remarquables les expériences qu'ils ont menées, pas vraiment utopiques puisqu'elles ont bel et bien existé, mais exceptionnelles et liées à des personnalités hors du commun. Or, les espaces protégés ne sont plus aujourd'hui dans une d'expérimentation, et leurs gestionnaires privilégient la reproductibilité. Ils sont en quête de modèles applicables dans tous les parcs nationaux existants et à venir, dans toutes les réserves naturelles, voire dans tous les espaces protégés. Que les aventures de Gilbert André et de Jean Eyheralde n'aient pas fait tache d'huile et qu'elles ne se soient pas prolongées ne signifie pas qu'elles soient restées sans suites. Leurs successeurs n'ont sûrement pas tout rejeté. En Vanoise, on assiste même à un certain retour aux conceptions culturalistes des précurseurs, maintenant que la protection de la faune et de la flore a largement porté ses fruits : depuis le milieu des années 1990 surtout, des agents ont pris conscience de l'enjeu de soutenir les activités pastorales. Des bâtiments d'alpage ont été rénovés avec l'aide du parc. L'élaboration de nouveaux outils de communication 19 en 2004 témoigne bien de cette volonté d'ouverture vers la zone périphérique et les activités humaines20. Quant à l'accueil du public, il s'inspire en beaucoup d'endroits de l'expérience du 18 Pour un récit détaillé de « l'affaire » générée par le projet de liaison entre Bonneval-sur-Arc et Val d'Isère, voir Laslaz, 2004 et Selmi, 2006. 19 Journal Vanoise édité par le parc pour les habitants, film documentaire Vanoise des hommes et des montagnes (production : parc national de la Vanoise, Agence touristique départementale de la Savoie, Advita productions). 20 Cette évolution est renforcée par la nouvelle loi, qui donne aux parcs nationaux la mission de protéger leur patrimoine naturel, culturel et paysager. col des Montets. L'idée de doter les espaces protégés de « maisons » a été conservée, même si on veut aujourd'hui des « espaces d'accueil » plus luxueux que le chalet-laboratoire du col des Montets et dotés d'une véritable « scénographie ». Elle a largement débordé la Haute-Savoie et elle a notamment été reprise en Vanoise. Autre exemple : on retrouve dans la bouche des gestionnaires actuels certaines devises des pionniers : « le sentier territoire de l'homme »21, par exemple, connaît toujours un grand succès. Il semble ainsi que les gestionnaires aient emprunté aux projets culturalistes ce qui pouvait être repris, reproduit, et ajouté sans trop de mal à la mission de protection : les plus petits dénominateurs communs, en quelque sorte. Ce n'est pas ce qu'il y avait de plus révolutionnaire dans les projets des deux pionniers. Les éléments les plus novateurs, comme l organisation de chantiers collectifs de bénévoles, l'invitation faite à tous de s'exprimer et de participer, l'ambition de changer les rapports humains en même temps que les rapports à la nature, ou encore les slogans les plus dérangeants (« les réserves sont conçues pour disparaître »), ont disparu. Mais ce qui s'est transmis n'est pas rien. Bonneval-sur-Arc et le col des Montets ont par ailleurs attiré des foules de visiteurs. Ce qui s'y est fait a donné lieu à d'innombrables articles de presse, au grand retentissement. Ces expériences ont montré la possibilité d'un autre développement, d'une autre protection et d'une autre pédagogie et il est certain qu'elles ont exercé une réelle influence. Conclusion Les projets naturalistes ont franchi tous les obstacles. Ils sont passés dans les textes de loi, dans les faits, d'une génération à l'autre. Ils traversent actuellement une phase de turbulence. La loi de 1960 relative à la création des parcs nationaux vient d'être remplacée et les réserves naturelles connaîtront peut-être, elles aussi, d'importants changements de leurs statuts. Mais il est probable que la protection des milieux naturels continuera d'être leur mission privilégiée. Les projets culturalistes ont globalement essuyé davantage d'échecs. Ils ont permis de présenter les espaces protégés sous un jour favorable aux élus locaux et ils ont de ce fait joué un rôle essentiel dans leur création. On ne saura bien sûr jamais si le parc national de la Vanoise aurait été possible sans le projet culturel de Gilbert André mais on ne s'avance pas trop en affirmant que celui-ci a grandement facilité son acceptation initiale. Les projets culturalistes ont par ailleurs débouché sur des réalisations qui ont largement contredit les sombres prédictions de leurs détracteurs, et qui ont peut-être dépassé les espoirs de leurs promoteurs. Mais ils n'ont pas survécu à ces derniers et ils ont eu bien du mal à figurer dans les textes. Sont-ils les grands perdants de l'histoire des espaces protégés? La réponse doit être nuancée. Pour l'État, il y avait un excès d'originalité dans ces projets, qu'il a fallu dissoudre, en « faisant entrer le particulier, le singulier, dans des espaces de similitude et de comparabilité » (Marié, 2004). Mais des aspects ont bel et bien été repris et l'on constate depuis quelques années un certain retour aux intentions des précurseurs. En Vanoise, les responsables du parc national ont d'abord eu tendance à se concentrer sur la zone centrale et sur la mission de protection ; ils s'efforcent à présent d'ouvrir leurs activités à de nouveaux espaces et à de nouvelles préoccupations, qui bien souvent évoquent celles de Gilbert André et de Denys Pradelle. Cette tendance devrait se renforcer avec la nouvelle loi sur les parcs nationaux, dont les promoteurs ont souhaité renouer avec les intentions culturalistes de leurs prédécesseurs, en conférant un statut à la zone périphérique (rebaptisée « aire d'adhésion ») et en accordant un pouvoir accru aux élus locaux 22. Les idées de Gilbert André et de Jean 21 Une des trouvailles de l'équipe du col des Montets, qui ferait bondir Gilbert André, pour qui la montagne est un espace de liberté. Le vocabulaire lui-même se répète : le terme de « coeur » qui, dans la nouvelle loi, remplace celui de zone centrale, figurait déjà dans les textes de Denys Pradelle. 11 Eyheralde ont fait leur chemin, en dehors des espaces protégés, chez une partie de ceux qui les ont rencontrés et qui ont apprécié leurs réalisations. On reconnaît aujourd'hui que la protection des espèces et des espaces remarquables ne suffit pas et qu'il faut, aussi, prendre soin de la nature ordinaire (Mougenot, 2003). Resurgissent ainsi, bien après leur formulation, et bien loin des espaces protégés, certaines intentions des initiateurs que l'on croyait perdues
. Références citées Courtin Jean-Pierre, 1987. Protéger la montagne. Entre Léman et Mont-Blanc, des réserves naturelles et des hommes, Lyon, La Manufacture. Couturier Marcel, 1943. « Projet d'un parc national à bouquetins en France », Revue de géographie alpine, 3, p. 393-398. Couturier Marcel, 1962. Le bouquetin des Alpes, Grenoble, édité à compte d'auteur. COURTIN JEAN-PIERRE, 1987. PROTÉGER LA MONTAGNE. ENTRE LÉMAN ET MONT-BLANC, DES RÉSERVES NATURELLES ET DES HOMMES, LYON, LA MANUFACTURE. COUTURIER MARCEL, 1943. « PROJET D'UN PARC NATIONAL À BOUQUETINS EN FRANCE », REVUE DE GÉOGRAPHIE ALPINE, 3, P. 393-398. COUTURIER MARCEL, 1962. LE BOUQUETIN DES ALPES, GRENOBLE, ÉDITÉ À COMPTE D'AUTEUR. Laslaz Lionel, 2004. Vanoise. 40 ans de parc national. Bilan et perspectives, Paris, L'Harmattan. Mauz Isabelle, 2003. Histoire et mémoires du parc national de la Vanoise. 1921-1971 : la construction, Grenoble, Revue de géographie alpine, coll. Ascendance. Mauz Isabelle, 2005a. Histoire et mémoires du parc national de la Vanoise. Trois générations racontent, Grenoble, Revue de géographie alpine, coll. Ascendance. Mauz Isabelle, 2005b. Histoires et mémoires des réserves naturelles de Haute-Savoie. Des origines à la mise en place, rapport Asters. Mougenot Catherine, 2003. Prendre soin de la nature ordinaire, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l'homme et INRA. Révil Philippe, Helle Raphaël, 2004. Les pionniers de l'or blanc, Grenoble, Glénat. Selmi AdelLASLAZ LIONEL, 2004. VANOISE. 40 ANS DE PARC NATIONAL. BILAN ET PERSPECTIVES, PARIS, L'HARMATTAN. MAUZ ISABELLE, 2003. HISTOIRE ET MÉMOIRES DU PARC NATIONAL DE LA VANOISE. 1921-1971 : LA CONSTRUCTION, GRENOBLE, REVUE DE GÉOGRAPHIE ALPINE, COLL. ASCENDANCE. MAUZ ISABELLE, 2005A. HISTOIRE ET MÉMOIRES DU PARC NATIONAL DE LA VANOISE. TROIS GÉNÉRATIONS RACONTENT, GRENOBLE, REVUE DE GÉOGRAPHIE ALPINE, COLL. ASCENDANCE. MAUZ ISABELLE, 2005B. HISTOIRES ET MÉMOIRES DES RÉSERVES NATURELLES DE HAUTE-SAVOIE. DES ORIGINES À LA MISE EN PLACE, RAPPORT ASTERS.
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Aux yeux de lecteurs modernes, les récits de voyage médiévaux laissent souvent une impression insolite et déroutante, en grande partie parce qu'ils présentent nombre d'aspects tenus a priori pour paradoxaux ; procédant à la fois de la tradition, du merveilleux, mais aussi de l'observation, dans le cas emblématique du Devisement du monde de Marco Polo et Rustichello de Pise par exemple. Il en va de même pour l'unique et bref récit de voyage de Ramon de Perellós à nous être parvenu. Il se compose en effet de façon complexe de trois éléments qu'un lecteur du XXIe siècle s'efforcerait de distinguer, mais que son auteur a bien sûr conçu comme un tout1 : d'abord l'expérience en 1397 d'un pèlerinage au sanctuaire de saint Patrick, sur une île au milieu d'un lac du comté de Donegal, aux confins occidentaux de l'actuel Ulster. Puis, parvenu à destination, le vicomte de Perellós, sujet de la couronne d'Aragon, évoque sa rencontre et son dialogue son ancien souverain le roi Jean Ier, décédé en mai de l'année précédente et se trouvant encore au Purgatoire, que notre voyageur dit visiter au cours de ce pèlerinage, à l'image de Dante. Enfin, l'auteur a inséré ce récit dans un autre : celui bien connu, rédigé par le cistercien anglais Henry de Saltrey au début des années 1180 et décrivant déjà le purgatoire, mais par l'intermédiaire d'un chevalier irlandais qui l'aurait visité, sans toutefois le localiser géographiquement. L'on peut ainsi situer le Voyage au purgatoire de Perellós dans la lignée des nombreux textes visionnaires ou récits de voyage dans l'au-delà qui virent le jour au Moyen Âge, entretenant entre eux des liens complexes où se mêlent influences, voire emprunts2. Ramon de Perellós n'est pas le premier à s'être intéressé au pèlerinage de saint Patrick, puisque ce sanctuaire connut un grand succès, en particulier auprès de nobles au Moyen Âge. En attestent plusieurs récits, principalement rédigés à partir du milieu du XIV e siècle et qui présentent également entre eux de nombreuses parentés. Ils sont en particulier souvent étayés par des dates et des détails précis, tout en mettant en valeur l'expérience de contact avec l'Audelà3. 1 Différentes éditions de ce texte ont vu le jour. On se référera principalement dans cet article à celle en catalan, due à Ramón Miquel i Planas, « Viatge al purgatori de sant Patrici » per Ramón de Perellós, Histories d'altres temps, Barcelone, Fidel Giró, 1917, p. 3-43. Une édition de la version en occitan du même texte, a également été publiée par Alfred Jeanroy et Alphonse Vignaux, Voyage au Purgatoire de saint Patrice, Visions
de
Tindal et
de
saint Paul, Toulouse, Privat, 1903, p. 1-54. 2
Dictionnaire des lettres françaises, rééd. Paris
,
Le livre de Poche, 1992
,
s.v. «
Purgatoire de saint Patrice
». Voir en outre parmi de nombreux ouvrages
sur
le
sujet
:
Michael Har
en et
Yolande de Pontfarcy éd., The Medieval Pilgrimage to St Patrick's Purgatory. Lough Derg and the European Tradition, Enniskillen, Clogher Historical Society, 1988 ; Myriam White-Le Goff, Changer le monde. Réécriture d'une légende. Le Purgatoire de saint Patrick, Paris, H. Champion, 2006. Cédric Lotz, « Les visions de l'au-delà, de l'Antiquité au Moyen Âge : de la transmission d'un genre à un genre de transmission », Source(s), Cahiers de l'équipe de recherche Arts, Civil et Histoire de l'Europe, n°2, 2013, p. 47 ; et, avec quelques réserves – voir infra n. 26 –, Sara V.Torres, « Journeying to the World's End? Imagining the Anglo-Irish Frontier in Ramon de Perellós's Pilgrimage to St Patrick's Purgatory », Keith D. Lilley éd., Mapping Medieval Geographies. Geographical Encounters in the Latin West and Beyond, 300-1600, Cambidge, Cambridge University Press, 2014, p. 300-324. 3 Voir Werner Paravicini, Fact and Fiction. Saint Patrick's Purgatory and the European Chivalry in the Later Middle Ages, The 2003 Annual Lecture, Londres, German Historical Institute, 2004, p. 9-10 ; on trouvera une 2 Quant à Ramon de Perellós lui-même, bien qu'il n'ait apparemment laissé que ce témoignage autographe, il est tout de même bien connu des historiens grâce à son rôle de conseiller et de chambellan du roi d'Aragon Pierre le Cérémonieux (1336-1387), puis de son fils et successeur Jean Ier (1387-1396). La grande richesse des archives rassemblées dès cette époque, en particulier celles de la chancellerie de la couronne d'Aragon, permet en effet de reconstituer assez minutieusement la carrière de ce personnage clef de l'entourage royal, apportant ainsi un éclairage complémentaire à son énigmatique récit de voyage au purgatoire. On y apprend ainsi qu'il visita en particulier de nombreuses contrées parfois lointaines, notamment dans le cadre de missions diplomatiques. Dès lors se pose avec davantage d'acuité la question des raisons qui ont poussé Ramon de Perellós à rédiger ce seul récit de voyage au Purgatoire de saint Patrick, mêlant à première vue de façon peu originale dans le contexte de la fin du Moyen Âge, une démarche mystique traditionnelle exaltant la foi et les vertus nobiliaires, tout en se livrant à d'évidentes exagérations narratives, voire à des épisodes clairement fictifs. C'est ce qui explique que son récit ait longtemps été présenté par divers spécialistes de littérature médiévale comme une simple « fiction composée de détails historiques et réels [] qui donnèrent au Voyage au purgatoire un ton de vraisemblance pouvant tromper les naïfs et ceux qui étaient disposés à croire aux merveilles et aux prodiges, qui étaient alors peut-être encore plus nombreux qu'à présent »4. Pourtant, on constate que l'auteur jette également un regard sur lui-même, voire fait preuve d'une mise en scène de soi plus inhabituels, assez largement ignorés par les recherches relatives à ce texte. En fait, la question de l'auteur-voyageur, appréhendé en tant qu'individu amené à se considérer et à se projeter dans son propre récit, a en général paradoxalement été peu abordée par l'historiographie. Il est vrai qu'au Moyen Âge, l'individu n'est pas particulièrement incité à se mettre en valeur : il se trouve en effet souvent dissout dans différents groupes, tandis que des valeurs morales telle que l'humilité ou des péchés tel que l'orgueil le conduisent longtemps à s'effacer derrière des parcours et des descriptions qui se répètent souvent, mais aussi derrière des topoï littéraires et des conditionnements sociaux. Pourtant, le voyage, entrepris dans un but bien précis et souvent personnel, constitue bien un temps de rapport à soi privilégié pour le voyageur. Surtout, la narration du périple amène à un regard sur soi – si l'on excepte certains récits très impersonnels, sous forme de guides souvent – ; le récit de voyage peut ainsi constituer un moment d'autobiographie, voire devenir une « quête de soi »5. Le thème de l'affirmation de l'individu au Moyen Âge, qui a tout de même retenu l'attention de quelques chercheurs6 permet donc de reconsidérer certains aspects du récit assez bien connu de Ramon de Perellós, sans doute plus original qu'il n'y paraît au premier abord et d'éclairer d'un jour nouveau ce classique de la littérature catalane médiévale. version postérieure plus détaillée de ce texte en allemand : « Fakten und Fiktionen: Das Fegefeuer des hl. Patrick und die europäische Ritterschaft im späten Mittelalter », dans Ernst Bremer et Susanne Röhl, Jean de Mandeville in Europa. Neue Perspektiven in der Reiseliteraturforschung, Munich, Fink, 2007, p. 111-163. 4
Martí
de Riquer,
Història de la literatura catalana
,
Barcelon
e, Ariel
, 1964, 2 vol., t. II
,
p. 330
. Cette étude très minutieuse du texte de Ramon de Perellós n'en reste pas moins fondamentale, bien qu'elle soit également à compléter par l'ouvrage de Jacques Le Goff, La naissance du purgatoire, Paris, Gallimard, 1981, sur ce thème essentiel du rôle du Purgatoire dans les mentalités médiévales. 5 L'expression est empruntée à Nicole Chareyron, Éthique et esthétique du récit de voyage à la fin du Moyen Âge, Paris, Champion, 2013. 6 Il n'est guère possible de citer l'ensemble des ouvrages relatifs ce thème. Voir plus particulièrement les
contributions
suivantes
en français : Aron Gourevitch, La naissance de l'individu dans l'
Europe médiévale, Paris,
Seuil, 1997 ; et Bedos-Rezak Brigitte et Dominique Iogna-Prat dir., L'individu au Moyen Âge. Individuation et individualisation avant la modernité, Paris, Aubier, 2005. Sur la question
plus précise du
rapport entre voyage, perception de l'espace et individuation, voir Jean-Claude Schmitt, « Individuation et saisie du monde », dans Patrick Boucheron dir., Histoire du monde au XVe siècle, Paris, Fayard, 2009, p. 769-790 et Nicole Chareyron, Éthique et esthétique du récit de voyage, op. cit. 3
Avant d'examiner les détails de ces explications, il importe bien sûr de retracer la tradition manuscrite de ce récit, qui apporte de son côté son lot d'informations, mais aussi de questions. Il ne nous est en fait resté que deux manuscrits du Voyage au purgatoire de Ramon de Perellós, tous deux en occitan, qui sont des copies du XVe siècle d'un original perdu, sans doute écrit dès 1398. Toutefois, un incunable imprimé à Toulouse par Henricus Mayer en 1486, mais en langue catalane, constitue une autre version que la plupart des chercheurs, en particulier les spécialistes de littérature catalane, tiennent pour une édition de la version originale qui aurait donc été écrite dans cet idiome, tandis que les deux manuscrits précédemment cités n'en constitueraient que des traductions7. Je laisse provisoirement cette question discutée en suspens, puisqu'elle ne nous renseigne pas directement sur notre problématique de regard sur soi du voyageur. Il est cependant à noter que l'auteur n'a pas rédigé son texte en latin, mais bien en une langue vernaculaire méridionale, à la différence du texte original de Henry de Saltrey, qui se trouve ainsi également traduit. Comme l'indiquent enfin les éléments de débat relatifs à la langue d'origine du récit de Ramon de Perellós, son texte a déjà fait l'objet de recherches, mais plus particulièrement de la part de spécialistes de littérature occitane ou catalane jusqu'à la fin du XXe siècle8. Plus récemment, des historiens se sont penchés sur la biographie et les activités de son auteur, grâce aux documents d'archives complémentaires, mais en ne faisant que de brèves allusions à son récit de voyage au purgatoire. Il est vrai que la carrière de Ramon de Perellós se révèle particulièrement riche. Il n'est en fait guère possible de suivre tous ses détails chronologiques dans le cadre de cette communication ; je renvoie donc en particulier aux travaux que Maria Teresa Ferrer i Mallol lui a dédiés9 et me contenterai d'en résumer les principaux points, auxquels le Voyage au Purgatoire fait d'ailleurs parfois sobrement écho. Issu d'une famille roussillonnaise noble, son père, vicomte de Perellós et de Roda, joua un rôle de proche conseiller du roi Pierre le Cérémonieux (1336-1387) à partir de la fin des années 1350. Il fut ainsi l'artisan d'un rapprochement entre la couronne d'Aragon et le royaume de France, à la recherche d'alliés contre l'Angleterre au cours de la Guerre de Cent ans. En récompense, le roi de France Charles V nomma Francesc de Perellós, le père de Ramon, amiral et chambellan du royaume, ce qui lui permit alors de faire élever son fils à la cour de France. Ce contexte explique que par la suite, Ramon, sans doute né vers 1350, joua à son tour un rôle similaire d'intermédiaire entre les deux cours et que, grâce aux contacts qu'il avait ainsi pu nouer, il se vit confier ses premières missions diplomatiques. Malgré quelques vicissitudes passagères, ce rôle se consolida sous le règne du fils et successeur du roi Pierre IV, Jean Ier, qui régna à partir de 1387, puisque le nouveau monarque confia à son tour de nombreuses missions à Ramon de Perellós, tant auprès du roi de France Charles VI – qui le nomma, comme son père, également
7 Voir en particulier Martí de Riquer, Història de la literatura catalana, op. cit., t. II, p. 331-333 ; Germà Colón, « Sobre els textos llengadocians i català del "Viatge al purgatori de sant Patrici" », Medioevo Romanzo, n°1, 1974, p. 44-60 et Idem, « Filiation des textes du "Voyage au Purgatoire" de Raimon de Perillos. Mise au point », Medioevo Romanzo, n°7, 1980, p. 429-440. 8 Dictionnaire des lettres françaises, s.v. « Purgatoire de saint Patrick », p. 1209. Voir également M. de Riquer, Història de la literatura catalana, op. cit., t. II, p. 309-333. 9 Voir en particulier : « Noves dades per a la biografia de Ramon de Perellós, autor del Viatge al purgatori de sant Patrici », Miscel.lània Casimir Marti, Barcelone, Rafael Dalmau, 1994, p. 215-230 et « Activitats polítiques i militars de Ramon de Perellós (Autor del Viatge al purg
de sant Patrici durant el regnat de Joan I) », Medievo Hispano, Estudios in memoriam del Prof. Derek W. Lomax, Madrid, Sociedad Española de Estudios Medievales,1995, p. 159-173. Les éléments qui suivent, relatifs à la carrière et aux voyages de Ramon de Perellós, sont tirés de ces deux articles. À la fin du dernier, M.T. Ferrer en annonçait un troisième relatif à la carrière de Ramon de Perellós, après 1398, qu'elle n'a cependant pu rédiger. 4 chambellan –, que du roi de Naples ou du pape d'Avignon, le contexte du Grand Schisme stimulant lui aussi les efforts diplomatiques. Notons enfin qu'en 1389, il fut nommé capitaine général du Roussillon. La carrière de Ramon de Perellós s'inscrit donc très tôt sous le signe du voyage. Pour n'en retenir que quelques-uns parmi les plus fameux, on sait en particulier qu'il escorta l'antipape d'Avignon Clément VII, nouvellement élu par un conclave réuni sur les terres de la reine de Naples Jeanne Ière en 1378, afin qu'il pût regagner la Provence en sécurité l'année suivante10. En 1377, il fut envoyé jusqu'à Chypre auprès de la reine-mère Éléonore, qui était en fait la cousine de l'ancien roi d'Aragon Pierre le Cérémonieux et gagna même la Prusse, où il est signalé à la Table d'Honneur de l'Ordre Teutonique en 138511. Enfin, dans le prologue de son propre récit, il affirme avoir été prisonnier des musulmans, ce qui a priori peut être interprété comme un élément de pure mise en scène, mais s'avère rigoureusement exact : au retour de ce qui constitua sans doute sa première mission diplomatique, en Angleterre en 1375, son navire fut arraisonné au large du royaume de Grenade, en représailles à l'attaque d'un navire grenadin au large de Tunis par des Catalans, et le roi Pierre IV dut intervenir pour obtenir sa libération12. Cependant, comme il le souligne lui-même en préambule à son récit, ce n'est pas de ces précédents voyages qu'il a souhaité laisser une trace écrite autographe, en dépit de leur caractère lointain, risqué ou de leur importance diplomatique, qui en auraient pourtant assuré l'intérêt. Ce voyage est en effet différent et clairement personnel, puisqu'il s'agit d'un pèlerinage, démarche certes fréquente au Moyen Âge, mais que Ramon de Perellós décide d'accomplir vers un lieu tain, et surtout très inhabituel pour un sujet de la couronne d'Aragon13 : une grotte réputée constituer l'entrée du purgatoire, sur une île au milieu du lac Lough Derg en Irlande du Nord. Il effectue en outre ce voyage à la fin de l'année 1397, dans un contexte très particulier, un peu plus d'un an après la mort du roi Jean, auquel il était particulièrement lié, lequel décéda brutalement au cours d'un accident de chasse. Dans le préambule à son récit, il explique clairement sa démarche : Quoique résigné à la volonté de Dieu, je fus aussi touché et aussi triste de cette mort que peut l'être un serviteur de la personne de son seigneur. C'est donc ce seul voyage, au cours duquel il affirme avoir pu rencontrer le roi Jean au purgatoire, puis avoir dialogué avec lui, qu'il choisit de mettre par écrit, afin selon lui, de rendre compte de cette expérience singulière et exceptionnelle dépassant les autres : 10 En 1390, Ramon de Perellós devait à nouveau commander une petite escadre de trois galères au profit de l'antipape Clément VII ; cf. Josep Maria Casas Homs, « Reparació d'una galera l'any 1390 », Miscel.lànea de Textos Medievals, n°2, 1974, p. 173. 11 Il y figure sous le nom du « Viskunt de Rodi » ; notre voyageur portait en effet comme son père les titres de vicomte de Perellós et de Roda. Voir Johannes Voigt, Codex diplomaticus prussicus, t. IV, Königsberg, Bornträger, 1853, doc. XXXI, p. 38. Cette liste sera publiée dans Werner Paravicini, Die Preussenreisen des europäischen Adels, Ostfildern, vol. 4, en préparation, doc. 7 (informations aimablement communiquées par Werner Paravicini). 12 Ces détails sont fournis par des documents d'archives et non par le récit de pèlerinage ; voir M.T. Ferrer, « Noves dades », p. 222-223. 13 En témoignent les contours assez déformés, donc mal connus, de l'Irlande dans la cartographie majorquine, pourtant l'une des plus abouties au XIVe siècle, et la plus utilisée par les marins et plus généralement par les sujets de la couronne d'Aragon. Comme nombre d'entre eux, Ramon de Perellós s'était également rendu en pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle, mais ne semble pas en avoir laissé de récit ; cf. Maria Teresa Ferrer i Mallol, « El pelegrinatge de Sant Jaume de Compostel.
a la Catalunya medieval », dans M.T. Ferrer i Mallol et Pere Verdés i Pijuan, El camí de Sant Jaume i Catalunya. (Barcelona, Cervera i Lleida, 16-18 d'octubre de 2003), Montserrat (Barcelona), Abadia de Montserrat, 2007, p. 63. 14 Ramon de Perellós, « Viatge al purgatori », p. 9-10 (traduction française D. Coulon).
5 J'ai affronté de grands périls, des dépenses et [ai effectué] beaucoup de travaux ; j'ai été prisonnier en terres d'infidèles et de chrétiens. Je n'en parlerai pas, estimant que ce n'est pas nécessaire pour la matière dont je veux traiter, qui concerne seulement le voyage au Purgatoire de saint Patrick qui est en Irlande, lequel voyage avec 15 l'aide de Dieu, j'ai fait et accompli. À l'instar de nombreux autres récits de voyage, Ramon de Perellós se présente rapidement et explique sa démarche en préambule, livrant ainsi quelques éléments d'autobiographie, qui renvoient en particulier à son séjour à la cour de France, à son service auprès du roi d'Aragon et de l'antipape Benoît XIII, successeur de Clément VII, ainsi qu'à ses nombreux voyages – dont il ne mentionne cependant aucune destination précise16. L'autre originalité du récit consiste, on l'a vu, en son insertion dans le Tractatus de purgatorio sancti Patricii de Henry de Saltrey, texte bien connu et rédigé un peu plus de deux siècles auparavant, déjà traduit en catalan au moins depuis 132017. Il importe de rappeler qu'au Moyen Âge, les cas d'interpolation ou de réécriture d'ouvrages étaient fréquents, en particulier pour nombre de récits fictifs. Il n'existait en effet « pas de notion de droit d'auteur, de respect du texte original »18. Ramon de Perellós n'innovait donc pas complètement : avant lui, par exemple, Marie de France avait déjà traduit en français le texte du moine cistercien anglais, sous la forme d'un poème en octosyllabes, au cours des dernières années du XIIe siècle ; puis d'autres auteurs, notamment Béroul au XIIIe siècle, en ont encore donné des versions personnelles19. Toutefois, la démarche du vicomte de Perellós différait tout de même des précédentes par l'insertion de ses éléments d'autobiographie et de voyage jusqu'en Irlande dans le texte même de Henry de Saltrey, traduit en occitan ou en catalan. On peut ainsi résumer l'enchassement des deux types d'écrits, qui composent à peu près équitablement le récit de pèlerinage du vicomte de Perelló 20 (les emprunts à Henry de Saltrey sont indiqués en italique) : 1- Éléments autobiographiques de présentation et justification du récit de voyage (p. 3-4). 2- Établissement du Purgatoire de saint Patrick (p. 5-8). 3- Autres éléments autobiographiques, puis voyage personnel d'Avignon en Irlande du Nord, jusqu'à la grotte de saint Patrick, à partir de septembre 1397 (p. 9-21). 4- Description des supplices au purgatoire (p. 21-27). 5- Rencontre et dialogue avec le roi Jean, puis avec un franciscain du couvent de Gérone et avec la nièce de Ramon de Perellós, récemment décédée (p. 27-28). 6- Nouvelles descriptions du purgatoire (p. 28-40). 7- Sortie du purgatoire et voyage de retour jusqu'à Avignon ; début 1398 (p. 40-43). Bien entendu, ces articulations et les emprunts à Henry de Saltrey ne sont pas signalés dans les deux manuscrits occitans ou l'incunable en catalan. Ce sont les éléments autobiographiques ajoutés par le vicomte de Perellós, qui se rapportent à la problématique de représentation de soi dans le récit de voyage, qui méritent donc quelques
15 Ibid. p. 4.
La
version occitane
év
oque plus explicitement les difficultés de Ramon de Perellós « en terras de Sarrasis », et non « de enfehels », comme dans la version catalane.
16 Certains de ces points font en fait l'objet de précisions après la présentation du Purgatoire de saint Patrick
; cf. Ramon de Perellós, « Viatge al purgatori », p. 9. 17 Pierre Ponsich, « La bibliothèque de Ramon de Perellós », Les pays de la Méditerranée occidentale au Moyen Âge. Etudes et recherches. Actes du 106e Congrès National des Sociétés Savantes (Perpignan 1981), Paris, CTHS, 1984, p. 220 n. 9. 18 Pierre-Yves Badel, Introduction à la vie littéraire du Moyen Âge, Paris, Bordas, 1984, p. 100-101. 19 Cf. Dictionnaire des lettres françaises, s.v. « Purgatoire de saint Patrick ». De nombreux autres auteurs relaient aussi le texte de Henry de Saltrey, tel Jacques de Voragine dans sa Légende dorée ; cf. W Paravicini, « Fakten und Fiktionen », p. 115, (Fact and Fiction, op. cit., p. 8)
20 L'indication des pages, destinée à donner un aperçu de la part respective des deux types de textes, renvoie à l'édition catalane de 1917, due à R. Miquel i Planas. 6 réflexions supplémentaires. La plupart d'entre eux consiste, outre les éléments de présentation personnels, en des détails relatifs au parcours suivi et aux personnages és : le pape Benoît XIII avant le départ, divers nobles tel le comte de March cousin du roi d'Angleterre Richard II, puis le roi d'Irlande Yrnel21. En somme, ces détails paraissent fournis comme s'il s'agissait de mentionner des témoins précis capables de confirmer les dires de l'auteur, qui devance les suspicions que son récit ne manquera pas de susciter. Il indique également qu'il effectue ce voyage avec plusieurs compagnons : deux de ses fils et un neveu, qu'il n'évoque toutefois que très épisodiquement. Un noble français l'accompagne même au purgatoire : un certain Guillaume de Coucy, majordome de la reine d'Angleterre – qui n'était autre que la fille du roi de France Charles VI, Isabelle –, personnage bien attesté par ailleurs. Il avait en effet servi l'infant Jean, avant que celui-ci n'accède au trône et était donc connu dans le milieu aulique de la couronne d'Aragon22 ; c'est précisément dans ce cadre qu'il avait rencontré Ramon de Perellós, de nombreuses années avant leur pèlerinage en Irlande, comme nous aurons l'occasion de le voir plus loin. En outre, celui-ci ne manque pas de fournir des dates précises qui servent de repères temporels dans son récit : il part par exemple d'Avignon le jour de la sainte Marie de septembre 1397 (7 septembre) ou fête Noël avec le roi Yrnel à son retour. Enfin, il décrit avec précision et un certain réalisme les populations rencontrées, notamment l'armement des soldats, la pauvreté des paysans irlandais, ainsi que les habitudes des pèlerins qui se rendent au sanctuaire de saint Patrick. Tous ces détails paraissent ainsi témoigner d'une volonté d'ancrer le récit dans une réalité tangible et vérifiable, qui fait écho aux données autobiographiques et à l'engagement pris dans le préambule, de « rendre témoignage avec vérité ». En cela, Perellós agit comme la plupart des autres auteurs de voyage médiévaux qui rapportent des faits étonnants, les fameuses merveilles : Marco Polo et Jean de Mandeville, en particulier, affichent eux aussi la même bonne intention Bien que ce dernier auteur ait laissé un récit purement fictif. Or, un autre document atteste que Ramon de Perellós est quant à lui bel et bien parti pour le pèlerinage de saint Patrick en Irland du Nord : un sauf-conduit du roi d'Angleterre daté du 6 septembre 139723. Comme toutes les données autobiographiques présentées dans le préambule, les détails relatifs au voyage lui-même se révèlent donc vraisemblablement exacts, à l'exception bien sûr de sa visite au purgatoire. C'est ce qui explique que l'on puisse facilement reconstituer son parcours par ailleurs tout à fait cohérent24. Des nuances doivent toutefois être apportées, car une lecture attentive du récit montre également que certains éléments se révèlent manifestement exagérés. Perellós établit tout d'abord un parallèle entre la mobilité des Irlandais suivant leur bétail en quête de pâturages et celle des bédouins d'Afrique du Nord25 ; il relève également la nudité des populations les plus 21 Il s'agirait de Nelan O'Neill, souverain d'Ulster, un des quatre rois d'Irlande ; voir M. de Riquer, Història de la literatura catalana, op. cit., p. 320. 22
Voir Antoni Rubió i Lluch, Documents per l'història de la cultura catalana mig-eval, 2 vol., Barcelone, Institut d'Estudis Catalans, 1908-1921, t. I, p. 294-295 (doc. 321-322 de 1381) ; M. de Riquer, Història de la literatura catalana, op. cit., p. 329 n. 35 et Ramon J. Pujades i Bataller, Les cartes portolanes. La representació medieval d'una mar solcada, Barcelone, Institut d'Estudis Catalans, Lunwerg, 2007, p. 97, doc. 89 (reproduit p. 98). 23 W. Paravicini, « Fakten und Fiktionen », doc. 10, p. 153-154. 24 Voir la carte reconstituant le parcours du vicomte de Perellós dans M. de Riquer, Història de la literatura catalana, op. cit., p. 325.
Parti d'Avignon, il gagna Paris, embarqua pour l'Angleterre à Calais ; arrivé à Douvres, il se rendit à Canterbury, Londres, Oxford et Chester ; du port de Holyhead, il navigua jusqu'à Dublin, via l'île de Man ; il traversa ensuite les villes de Drogheda et Dundalk, avant d'atteindre le Purgatoire de saint Patrick. Il effectua quasiment le même parcours pour revenir en Avignon. 25
Ramon de Perellós, « Viatge al purgatori », p. 16. 7 humbles, renvoyant a
insi
à des images d'altérité
quée, voire forcée, qui rapprochent l'Irlande d'un pays « merveilleux » au sens médiéval, source d'étonnement et d'exotisme26. En outre, tous les personnages que Ramon de Perellós rencontre avant de partir, de même que lors de sa traversée de la France et de l'Angleterre tentent invariablement de le dissuader de réaliser ce pèlerinage, arguant des grands dangers qu'il encourrait alors, spécialement en Irlande. Ils invoquent en particulier l'hostilité des habitants, mais aussi les risques encourus de visiter le purgatoire dans lequel « de très bons chevaliers s'étaient perdus sans retour27 ». Selon les dires de Perellós, l'escorte de cent hommes que lui fournit l'archevêque d'Armagh en Irlande se serait même enfuie au bout de quelques lieues seulement28 Mais de façon étonnante, les Irlandais, bien que qualifiés d'« hérétiques sauvages », lui font très bon accueil, tournant involontairement en dérision toutes ces mises en garde. Il en résulte donc que celles-ci jouent un rôle rhétorique de mise en valeur de l'auteur, qui jamais ne se laisse impressionner et affirme constamment son courage et sa détermination, comme tout bon noble qui se respecte. Une qualité particulière personnelle ressort pourtant du récit, encore une fois confirmée par un autre document : la culture de Ramon de Perellós. Même s'il ne l'a pas rédigé en latin, son texte et sa construction prouvent qu'il avait connaissance du Tractatus de Henry de Saltrey ou de l'une des versions écrites postérieurement. On peut évidemment supposer que le vicomte de Perellós n'a peut-être pas rédigé lui-même ce récit, qui dans ce cas refléterait la culture du tiers auquel il aurait alors fait appel. Cependant, plusieurs documents attestent que l'infant Jean, très féru de récits de voyage, d'ouvrages d'astronomie, d'astrologie et d'objets exotiques, avait précisément recours au vicomte de Perellós pour en rechercher et les acquérir29 ; ce qui prouve que celui-ci connaissait également fort bien ce type de littérature. En janvier 1382, il lui demandait par exemple de racheter une liste de 36 ouvrages mis en gage par un frère carme à Perpignan30, auxquels s'ajoutait en outre un exemplaire du récit de 26 S.V. Torres, « Journeying to the World's End? », op. cit., p. 306-308. Je reste en revanche plus réservé quant à l'intention prêtée à Perellós par l'auteure de cet article de mettre spécialement en valeur l'Angleterre par son récit, alors que l'accès à Jérusalem aurait été plus difficile pour les pèlerins occidentaux ; ibid., p. 322-324. S.V. Torres ne tient en effet pas compte succès croissant du pèlerinage de saint Patrick auprès de l'ensemble des nobles européens à partir du milieu du XIVe siècle, comme l'a montré la minutieuse étude de W. Paravicini – citée supra en note 3 –, dont elle n'a manifestement pas pris connaissance. On sait en outre que les pèlerins chrétiens à Jérusalem ont en fait été de plus en plus nombreux, à partir du XIVe siècle, en dépit de la domination durable des Mamelouks sur la ville. En outre, l'image du « décentrement » de la cour d'Aragon qui accompagnerait son roi défunt en Irlande – ibid. p. 302 et 318 – est également contestable, puisque Perellós ne fait pas explicitement mention de courtisans au Purgatoire dans son texte, mais de connaissances qui lui étaient personnelles, amis et parents ; voir Ramon de Perellós, « Viatge al purgatori », p. 27. Enfin, le titre de son ouvrage est bien tel qu'indiqué précédemment et non sous la forme erronée « Vitage », récurrente dans l'article précité. 27
Ramon de Perellós, « Viatge al purgatori », p. 12. 28 Ramon de Perellós, « Viatge al purgatori », p. 13. 29 Sur les relations alors étroites de Ramon de Perellós avec le prince Jean, voir M.T. Ferrer, « Noves dades per a la biografia de Ramon de Perellós », p. 229. 30 A. Rubió i Lluch, Documents per l'història de la cultura catalana mig-eval, p. 299, doc. 326 (6 janvier 1382).
Le contrat notarié du 26 janvier 1382 par lequel Ramon de Perellós acquit ces 36 livres à Perpignan a été retrouvé par Pierre Ponsich, voir « La bibliothèque de Ramon de Perellós ». Cependant, P. Ponsich n'avait alors pas consulté l'ouvrage précité d'A. Rubió i Lluch, de sorte qu'il ignorait que l'infant avait en fait passé commande de ces ouvrages au vicomte de Perellós ; leur achat ne résultait donc pas d'un choix personnel et ils n'étaient nullement destinés à sa bibliothèque, contrairement au titre donné par P. Ponsich à son article – bien que celle-ci contînt très probablement le même type d'ouvrages. On notera en outre que cette liste de 36 livres fait la part belle aux principaux domaines de transfert intellectuel du monde arabo-musulan vers l'Occident chrétien : on y trouve en effet 10 ouvrages 'alchimie, 6 de médecine, 5 d'astronomie-astrologie et deux de 8 voyage d'Odoric de Pordenone en Asie, que Perellós devait également transmettre à l'infant31. Quatre ans plus tard, il lui passait commande de la relation faite par un chevalier qui avait visité le Purgatoire de saint Patrick, dont le vicomte de Perellós lui avait manifestement parlé32. L'infant Jean avait donc recours à des intermédiaires spécialisés et cultivés qui cherchaient pour lui ces livres rares ou même des cartes et des atlas ; une mappamundi figurait d'ailleurs parmi la liste de 36 ouvrages précédemment citée33. Or, au même moment, l'infant Jean offrait au jeune roi de France Charles VI un autre atlas qu'il lui transmit par l'intermédiaire d'un certain Guillaume de Coucy, celui-là même qui accompagna Ramon de Perellós au Purgatoire de saint Patrick en 1397. Les deux hommes s'étaient donc rencontrés dans ces circonstances34 et disposaient sans doute de connaissances très actualisées en matière de récits de voyage et de cartographie. Outre cet intérêt évident pour la géographie, Ramon de Perellós était donc sans doute conscient qu'un lecteur cultivé de son récit de voyage se rendrait vite compte qu'il s'inspirait par moments directement du Tractatus bien connu d'Henry de Saltrey. Bien qu'il ne cite jamais cette oeuvre, il n'était sans doute pas question pour lui de s'en cacher ; il s'agissait sans doute au contraire d'un choix délibéré, répondant à un souci de se rattacher à une tradition littéraire qui mettait en valeur son récit personnel, selon une habitude toute médiévale. De nombreux auteurs décrivant des contrées lointaines n'avaient d'ailleurs pas procédé autrement, copiant même des écrivains de l'Antiquité ou du haut Moyen Âge, tels Solin, Pline l'Ancien ou Isidore de Séville, parce qu'ils continuaient à faire autorité, et contribuant ainsi à perpétuer de vieux mythes tenaces. Toutefois, certains chercheurs ont souligné que cette entreprise littéraire avait principalement un but utilitaire, qui ressortirait de l'élément le plus spectaculaire du récit : la rencontre du vicomte de Perellós avec le roi défunt au purgatoire et les propos qu'il lui tint alors, expliquant son sort après être brutalement décédé35. Or les circonstances de cette mort accidentelle pos deux problèmes : d'une part, des accusations avaient été proférées à l'encontre des plus proches conseillers du roi – dont Perellós lui-même –, rendus responsables de son décès, ce qui leur valut d'être effectivement menacés d'un procès pour trahison36. Mais les accusations qui pesaient contre eux ne durèrent pas et Ramon de Perellós reprit d'ailleurs assez vite du service auprès du nouveau souverain aragonais, Martin, frère cadet de Jean. Le sciences physiques et naturelles, selon le classement de Pierre Ponsich, soit les deux tiers de l'échantillon ; voir P. Ponsich, « La bibliothèque de Ramon de Perellós », p. 215-216. 31 A. Rubió i Lluch, Documents per l'història de la cultura catalana mig-eval, p. 299, doc. 326 (6 janvier 1382). Au sujet de la recherche de l'ouvrage d'Odoric de Pordenone par l'intermédiaire de Perellós, voir en outre A. Rubió i Lluch, ibid., p. 274, doc. 296 (18 mai 1378). 32 A. Rubió i Lluch, Documents per l'història de la cultura catalana mig-eval, p. 342-343, doc. 382 (13 août 1386).
En
1394
, Jean, devenu roi
, fit envoyer à sa fille la comtesse de Foix un livre dans lequel il avait fait traduire le Purgatori de sant Patrici ; ibid., p. 343 n. 1. Voir en outre W. Paravicini, « Fakten und Fiktionen », p. 117 (Fact and Fiction, p. 10). 33 P. Ponsich, « La bibliothèque de Ramon de Perellós », p. 215
; cette mappemonde sur parchemin apparaît à la fin de la liste des 36 documents achetés par le vicomte pour l'infant Jean. P. Ponsich se demande s'il ne s'agissait pas « de celle des frères majorquins Abraham et Jafudà Cresques, composée en 1375 » ; ibid
. L'
hypoth
èse paraît peu vraisemblable, puisque l'ouvrage auquel il fait référence, désormais connu sous le nom d'Atlas catalan, apparaît déjà dans la librairie du roi de France Charles V à qui il avait été offert ; cf. Catherine Hofmann, Hélène Richard et Emmanuelle Vagnon éd., L'âge d'or des cartes marines. Quand l'Europe découvrait le monde.
, Paris,
BnF, 2012
, p
. 42. Or, ce souverain était décédé en 1380, alors que la liste d'ouvrages comprenant la mappemonde fut acquise par Ramon de Perellós deux ans plus tard.
34 Voir supra n. 21. 35 Voir en particulier M. de Riquer, Història de la literatura catalana, t. II, p. 323. 36 M. de Riquer, Història de la literatura catalana, op. cit., t. II, p. 313 et M.T. Ferrer i Mallol, «
itats polítiques i militars de Ramon de Perellós », p. 170. 9 Voyage au purgatoire, témoignant des relations au fond toujours complices entre celui-ci et son ancien conseiller, aurait donc eu pour but principal de disculper définitivement son auteur le vicomte de Perellós. D'autre part, le décès brutal du roi soulevait une difficulté plus grave encore : celui-ci n'avait en effet pas eu le temps de confesser ses péchés et risquait donc d'endurer pour l'éternité les tourments de l'enfer. Il importait donc pour les proches du roi, non seulement de se disculper, mais aussi de le réhabiliter en le situant au purgatoire, lieu de purification des âmes des défunts37. L'un des autres conseillers du roi Jean, son secrétaire Bernat Metge, rédigea d'ailleurs lui aussi, mais après Ramon de Perellós - en 1399 -, un récit plus célèbre encore intitulé Le songe38, dans lequel il mit également en scène le roi défunt au purgatoire. Et comme on pouvait s'y attendre, compte tenu des liens qui les unissaient lorsque le monarque était encore en vie, celui-ci put expliquer grâce aux écrits de Ramon de Perellós, comme de Bernat Metge, qu'il était en voie d'expier ses péchés et donc proche du salut. À ce stade crucial du récit, Ramon de Perellós évite pudiquement de détailler ces péchés39, préférant les tenir secrets, et son témoignage peut ainsi produire un effet pleinement apaisant pour le lecteur. Force est de constater toutefois, que ce rôle de réhabilitation valorisait aussi ceux qui avaient rédigé ces textes. À une époque où les auteurs s'effacent volontiers derrière les personnages qu'ils souhaitent mettre en valeur, le véritable héros du Voyage au purgatoire est bien Ramon de Perellós lui-même, principal protagoniste de son pèlerinage, médiateur entre le roi défunt et ses anciens sujets, lecteurs potentiels invités à méditer la question de leur propre salut individuel. Il ne peut s'agir là de simples coïncidences : son récit est aussi le reflet d'une forme de mise en valeur de sa personne dans un contexte d'affirmation de l'individu, lente, irrégulière et inégale selon les cas, mais qui affecte bien certains nobles se distinguant désormais du reste du corps social par des activités nouvelles d'écriture. Les éléments autobiographiques, comme les exagérations rhétoriques relevées dans le récit ou les références aux autorités littéraires et euses concourent également à valoriser la personne de l'auteur et traduisent bien cette nouvelle logique autocentrée. Celle-ci trouve en outre un écho particulier dans l'expérience même du voyage, qui plus est vers une destination de pèlerinage originale depuis la couronne d'Aragon, puis dans celle de sa mise par écrit à la première personne du singulier et dans une langue vernaculaire, procédés d'écriture encore loin d'être systématiques à la fin du XIVe siècle. Car ce voyage, en effet, est bien présenté comme une expérience personnelle essentielle, voire initiatique, destinée à assurer le salut du pèlerin. Cette notion d'expérience, fondée en particulier sur l'observation, est en fait nouvellement défendue par certains universitaires dès le XIIIe siècle, tels les franciscains Robert Grosseteste et Roger Bacon ou le dominicain Albert le Grand40. La démarche individuelle du voyageur s'en trouve ainsi valorisée, voire légitimée, dans un contexte mental qui n'était pourtant guère favorable. De son côté W. Paravicini a relevé qu'un autre noble, Oswald von Wolkenstein, qui s'était rendu au même lieu de pèlerinage, avait fait figurer de façon significative sur son propre portrait ses insignes de pèlerins41, désormais devenus emblématiques de sa personne ainsi célébrée. Enfin, il reste à souligner que pour un noble, l'un des éléments les plus marquants parmi ses expériences, 37
Sur l'invention et le rôle du purgatoire, voir Jacques Le Goff, La naissance du purgatoire, op. cit Martí de Riquer, Obras de Bernat Metge, Barcelone, Universitat de Barcelona, 1959. 39 Ce qui n'est pas le cas du récit de Bernat Metge ; cf. M. de Riquer, Història de la literatura catalana, p. 323. 40 Voir Jacques Le Goff, Les intellectuels au Moyen Âge, Paris, 1985, p. 129. Sur le rapprochement entre l'expérience de voyage et les travaux des universitaires cités, voir Christine Gadrat, Une image de l'Orient au XIVe siècle. Les Mirabilia descripta de Jordan Catala de Sévérac, Paris, École des Chartes, 2005, p. 200. 41 W. Paravicini, « Fakten und Fiktionen », p. 141 (Fact and Fiction, p. 30). Ce portrait figure au début de l'oeuvre poètique manuscrite d'Oswald von Wolkenstein. 38
10 consiste bien sûr en l'adoubement qui l'introduit dans la caste chevaleresque et valide son appartenance à la noblesse à la fin du Moyen Âge42 ; or, ce n'est pas un hasard si Ramon de Perellós adoube ses propres fils, qui l'accompagn , et deux autres jeunes hommes, juste avant d'entrer dans la grotte du Purgatoire, épisode ainsi clairement mis en valeur dans son récit43. Il convient de remarquer cependant que cette démarche nouvelle exalte davantage la personne que le moi lui-même. Le vicomte de Perellós ne nous livre en effet aucune impression, ni remarque de caractère intime au cours de son récit. Bien au contraire, il cherche à montrer qu'il se contrôle parfaitement, n'exprimant par exemple pas la moindre crainte, alors qu'il s'aventure en pays inconnu, réputé hostile et que son escorte l'a, elle, abandonné. Ce faisant, il exalte ainsi la principale valeur dont se réclame tout le groupe nobiliaire auquel il souhaite aussi montrer son attachement, de même qu'il se retranche également derrière de nombreuses autres manifestations codifiées pour ne pas se livrer entièrement44. Enfin, si sa démarche de pèlerinage vers l'Irlande peut paraître originale, vue de la couronne d'Aragon, elle l'est en fait beaucoup moins pour la noblesse européenne à partir du milieu du XIVe siècle, comme on l'a constaté45. Pour conclure, il importe tout d'abord de se pencher sur l'écho que rencontra le voyage au Purgatoire de saint Patrick de Ramon de Perellós. Selon les chercheurs qui l'ont étudié, celuici aurait été particulièrement significatif, surtout en Catalogne, justifiant donc leur interprétation d'un récit à but utilitaire, destiné à réhabiliter le roi Jean Ier et à disculper l'auteur lui-même46. Il faut toutefois sans doute tempérer ce succès, du moins au XVe siècle, par le faible nombre de manuscrits qui nous sont parvenus et par le fait qu'il n'en reste à présent aucun en catalan ; même si l'unique incunable conservé, effectivement rédigé dans cette langue, témoigne probablement de son côté d'un succès attendu de la part de son imprimeur. On peut pour finir comparer le récit du vicomte de Perellós au double visage d'un Janus : l'un tourné vers le passé, vers la longue tradition littéraire des récits de voyage dans l'au-delà, en fait en perte de vitesse à la fin du Moyen Âge ; l'autre vers l'avenir, à travers les éléments autobiographiques qu'il livre, le regard de l'auteur sur lui-même et sa façon de se placer au centre du récit. Mais il n'y a incontestablement pas là matière à opposer ces deux versants ; bien au contraire, ils se valorisent et se combinent en un récit édifiant, exprimant un profond souci de salut individuel, ainsi qu'une forme d'auto-promotion, radicalement différent 42 Sur le thème essentiel de l'individuation parmi les chevaliers au Moyen Âge, voir en particulier Aron Gourevitch, La naissance de l'individu dans l'Europe médiévale, p. 219-228 ; comme le montre cet
auteur
, ils appartenaient «
aux
types sociaux qui
manifestent les tendances
individualistes les plus
nettes
», ibid., p. 219. De façon étonnante, pourtant, A. Gourevitch n'envisage pas les cas de récits de voyage de nobles parmi les sources permettant d'étudier le processus essentiel d'individuation qui caractérise effectivement nombre d'entre eux à la fin du Moyen Âge.
43 Ramon de Perellós, « Viatge al purgatori », p. 18 ; deux des fils du vicomte de Perellós l'accompagnaient en effet dans son pèlerinage. Voir en outre les remarques de W.
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La norme de genre est visible aussi dans les violences et discriminations de ceux qui n'arrivent pas à « incarner » le genre et aussi un potentiel lieu de déstabilisation du « modèle du reflet », de nouveaux possibles culturels. La non souveraineté du sujet, un sujet « incomplet », l'interdépendance aux autres, le consentement, les assignations : voilà les conditions de sa puissance d'agir, ancrée dans une vulnérabilité constitutive nous rappelle Butler. Dans son film « Carol582 », Haynes nous montre de façon magistrale un univers clos, des êtres totalement soumis aux décisions autoritaires d'une société tyrannique et pudibonde sur les rôles sexuels. Grâce aux prises de vue, la perspective confine la protagoniste à travers l'encadrement de porte, de fenêtre, de vitre etc, fragmentation et perspective brisée. « Dès que l'on commet une transgression, cela produit une réaction en chaînes et tout le monde en souffre. Il n'y a pas de méchants. Seuls les désirs humains se heurtent à la rigidité de la société »583. 580 581 582
583 Cf Despentes, 2006 sur la prostitution Butler, 2004, p. 219 Haynes, 2015 Henry M
.
, Mars 2003, Interview Positif 197
Paveau584, philosophe, pense l'interpellation comme forme d'intersubjectivité, avec la pluralité de sujets, un monde étranger à soi. Elle l'articule à d'autres concepts : l'attachement, l'assignation, l'affiliation, la reconnaissance : manière de voir les relations sociales de pouvoir, celui de l'inconscient, lié à l'idéologie ; celle-ci vient comme structure imaginaire impliquant un pouvoir assujettissant, souvent dénié. L'inconscient fonctionne comme une structure intemporelle. Son moteur est la structure imaginaire. Lacan parlera de représentation leurrante et Althusser dira qu'« elle existe sous forme de concepts et d'attitude, de geste, d'intention, d'aspirations, de refus, de permissions, d'interdits »585. L'imaginaire renvoie au rapport du sujet avec ses identifications et au rapport du sujet au réel. C'est l'ensemble des représentations imaginaires, inconscientes dont l'existence est liée au clivage du sujet, entraînant méconnaissance, projection et dénégation. L'identification du sujet, c'est la capacité à dire : « Moi, Untel » : une évidence première. Selon Leguil 586, psychanalyste, il n'est pas question d'assujettissement aux normes sociales mais plus d'une certaine façon d'animer les signifiants d'homme, de femme, obéissant plutôt à une logique de la rencontre. Lacan parle de la façon dont le corps en tant que sexe entre dans le registre du symbolique. Le corps est accessible à l'occasion d'une adresse, d'une interpellation qui le constitue dira Butler587. 586 587 588 Paveau, 2010 Althusser, 1965, p. 108 Leguil, 2015, op.cit. Butler, 2004, p. 26, op. cit. Brugère, Le Blanc, 2009, op. cit.
Autonomie et leurre
Nous l'avons vu, il n'y a pas d'autonomie subjective absolue ; il s'agit donc d'imaginer une façon alternative d'exister avec les autres. Il y a une impossible coïncidence avec les normes. La lutte pour la reconnaissance – au sens hégélien considère une autonomie renforcée comme condition d'une reconnaissance. Elle semble peu tenable dans le domaine des relations amoureuses et érotiques, « aveugle qu'elle (cette position) est aux contradictions qui divisent le désir érotique et le font se retourner contre lui-même.() C'est () l'autonomie qui charge de contradictions insurmontables le désir érotique moderne. () La conscience de soi découvre que sa propre identité d'être désirant implique de passer par un autre »589. Ainsi Illouz590 conçoit ici une reconnaissance organisée au sein d'une vision économique des émotions. Selon elle, les modes thérapeutiques d'auto-contrôle ont de plus en plus mis l'accent sur l'autonomie par rapport à la reconnaissance. L'autonomie serait acquise quand le sujet peut comprendre le rôle joué par son passé. Ainsi les échecs sont envisagés comme l'irruption d'événements passés traumatiques ou non résolus, à maîtriser. L'amour de soi est au centre, sans attendre la validation de l'autre, niant la nature fondamentalement sociale de la valeur que l'on s'accorde. La fusion amoureuse deviendrait alors une menace à remplacer par un autre idéal : négociation entre deux moi adultes autonomes. Autonomie et capacité à préserver son intérêt personnel, avec calcul coûts-b énéfices : signe d'une bonne santé mentale, loin de l'immaturité. Butler croise l'écrivaine Virginia Woolf autour de la conception d'un sujet qui n'est pas strictement autonome. La construction de récits cohérents et continus entretient l'autonomie subjective, impliquant une violence infligée aux autres. Dans Mrs 589 590 Illouz, 2012, p. 252, op. cit. ibid 199 Dalloway591, on retrouve la notion de contrôle de soi comme norme sociale : être maître de ses actions. Le surmoi ne se contente pas de réprimer les désirs « meurtriers » mais se nourrit de ces désirs et reproduit leur férocité avec la même violence que celle employée à interdire. Dans Les vagues 592, il est question de construction d'un « je » autonome, processus qui endurcit jusqu'à devenir insensible. Etre exposé aux autres et dépendre d'eux précèdent la formation du sujet, une condition de vulnérabilité première émanant d'une « impuissance première » et d'une « passivité qui précède le sujet »593. Le bouleversement de la perspective à la première personne est pour elle une façon pénible dont « nous sommes défaits par les autres »594. Cela peut être d'être forcé d'adopter un état de passivité totale et aussi une dimension constructive à être défait. S'exposer à la présence d'un autre, c'est se mettre en danger. Suspendre la nécessité d'une identité de soi, d'une cohérence totale, d'une intégrité du « Je », c'est contrer une certaine violence éthique. La question de l'autonomie psychique et de son rapport à la dépendance est complexe. Il n'y a pas de définition de celle-ci sans la référence à la dépendance de l'objet, dépendance qui n'est pas le contraire de l'autonomie - c'est l'hétéronomie comme un point d'aboutissement où s'active une forme d'idéologie de la performance. Et la question de l'autonomie intéresse grandement la psychanalyse si elle veut penser le monde contemporain et continuer le travail théorique freudien. Egalement si elle veut accepter la double historicité du Symbolique et du Réel traumatique, ce qui implique de faire le deuil d'une autonomie absolue – qui ne peut qu'être imaginaire - de son objet de connaissance. Ehrenberg595 pense l'autonomie comme « autonomie comme condition » : la capacité pour le sujet de disposer par lui-même des conditions de son indépendance pour se gouverner soi-même en saisissant les opportunités de la vie sociale. Mais cela peut entériner le discours libéral où chacun est un entrepreneur de lui-même, confronté à la peur de ne pas être à la hauteur de cet impératif de liberté. Or, il faut des conditions de base et l'autonomie commandée n'est pas l'autonomie, elle devient injonction irréalisable, un nouveau mode de domination. 591 592 593 594
595
Woolf
, 1925 Woolf, 1931 Butler, 2005b, p
. 31-32, op. cit. ibid,
p
.
23 Ehrenberg, 2010 200
a
Une rencontre clinique : Mme A., un corps lisse, sans traces
Cette rencontre clinique me semble bien interroger l'autonomie et la question du genre comme performance ainsi que la nécessité d'incarner un genre avec ses attributs, l'apparence : réussir, produire un rapport sexuel normal, sans douleur, avoir une peau « lisse », fantasme d'autonomie, attachement et désir de normes, qui ont vocation à « lisser » la conduite. Elle interroge l'appareillage de jouissance : le corps comme surface où s'inscrivent les marquages : lifting, tatouages etc, corps comme objet du discours de la science, grâce aux technologies contemporaines, hors champ du désir. Le leurre d'autonomie subjective renvoie à la maîtrise-abandon-propreté : se débrouiller seule, où l'attachement à l'autre maternel reste ambivalent. Le symptôme de Mme A., c'est la brûlure au moment des rencontres sexuels avec son conjoint : un problème de jointure, de conjoint? Mme A. a 22 ans, elle est infirmière et est envoyée par son gynécologue. Elle souffre de douleurs majeures durant ses rapports sexuels et plus précisément de brûlures, n'entamant en rien une forte libido ; elle a consulté de nombreux gynécologues qui ne trouvent rien. Pour elle la réponse ne peut être que médicale mais se dit prête à mettre tout de son côté ; il y aura neuf rencontres entre nous. Elle a connu sa première histoire d'amour à 20 ans, avec un homme qui rapidement la trompera, et pas avant de se refaire la poitrine, un agrandissement des seins, rêvé depuis l'age de 16 ans de façon obsessionnelle ; c'est à cet age là aussi qu'elle aura ses premières règles, tant attendues non par elle mais par sa mère qui s'en inquiète, mère avec laquelle une relation fusionnelle la rattache. Son rapport à son corps est complexe : elle ne supporte pas d'être vue nue par son mari, sa deuxième histoire d'amour, et évoque sa souffrance de ne pas avoir un corps « lisse ». Ce qu'elle entend par là est qu'elle constate des petites marques sur sa peau, 201 elle n'en dira pas plus mais le signifiant « lisse » reviendra plusieurs fois . « Un corps de femme c'est pas beau » dira-t-elle. Elle apparaît comme une jeune femme jolie, d'allure plutôt adolescente, sans jamais de décolleté mais des jupes extrêmement courtes, discours sans aspérités, plutôt lisse. Son unique désir : avoir des rapports sexuels normaux et un enfant, « comme tout le monde ». Sa rencontre avec son conjoint l'a contrainte à quitter sa région, sa famille et son travail ; ce choix lui semble parfois ambivalent, parfois cornélien ; « Quitter ma mère, c'est parfois insupportable, on se parle au téléphone plusieurs fois par jour, elle sait tout de moi et ne désire qu'une chose, que mes problèmes sexuels soient résolus au plus vite ». Ce qui la marque fortement dès notre deuxième rencontre, c'est d'avoir fortement pris conscience de son rejet de la dépendance, un insupportable, vouloir s'en sortir seule, dont elle dit ne tirer aucune glorification ; d'ailleurs elle entend souvent « accepte d'être aidée, de déléguer ». Elle désire donc en saisir davantage sur cet impératif d'autonomie et dès cette rencontre, elle téléphonera à sa mère à ce propos : oui petite, elle désirait être souvent seule, se débrouiller, être autonome, puis un coup de fil de sa mère le lendemain : « C'est plus compliqué, en fait tu comptais toujours sur moi, pour toute décision », discours paradoxal, ambivalence, lutte contre la fusion, un frère jalousé, la disparition dans l'autre? Elle n'a connu qu'un seul rapport sexuel sans douleur, impromptu : « Il est sorti avant l'éjaculation ». Sinon, plus le rapport sexuel est long, plus la douleur est grande mais précisément quand il se retire ; le rituel est d'aller rapidement se laver, espérant que la brûlure disparaîtra ; en général elle dure deux heures, temps où son conjoint, d'allure quelque peu « féminine », aide soignant de profession, reste à ses côtés, tentant d'alléger sa culpabilité et la sienne, évoquée l'unique fois où je les rencontre ensemble. Mon invitation, voire mon autorisation à la possibilité de s'abstenir de la pénétration, si douloureuse, pour un temps, semble la déconcerter puis rapidement l'alléger. Elle évoque les paroles du père depuis petite : « tu es à moi » et se rappelle sa frayeur à l'idée de lui présenter son conjoint, à 21 ans ; elle se souvient d'un état de dégoût , enfant et adolescente, envers son père : « C'était physique ». Sa main fréquente dans le pantalon, à aucun moment, ne pourra être parlé : « C'était comme un tic pour lui, chacun a ses habitudes », un marquage, trace indélébile? A notre septième rencontre, avant même de prendre place, elle prononce le mot de « Nirvana ». Son gynécologue lui a injecté du 202 botox*596. Après le rapport sexuel qui suivit, la douleur fut acceptable dit-elle, car pour la première fois elle connut l'orgasme au moment de la pénétration. Ensuite, durant nos deux dernières séances, elle évoquera sa « gestion » de la douleur, moins longue, une demi heure environ, pendant laquelle elle s'agite dans l'action : nettoyage, cuisine, téléphone etc. a9 Le dispositif de pouvoir
La question des rapports entre le pouvoir et le sexuel est depuis longtemps au centre de la pensée analytique, par exemple à travers la problématique du sadisme et du masochisme. Butler parle de la vie psychique du pouvoir. Pour elle, la notion d'attachement - venant de la psychanalyse - des objets parentaux, permet une analyse du pouvoir. Influencée par Foucault, elle affirme qu'il n'y a pas de position en dehors du pouvoir mais plutôt des résistances. « ( Des résistances) « possibles, nécessaires, improbables, spontanées, sauvages, solitaires, concentrées, rampantes, violentes, irréconciliables, promptes à la transaction, intéressées ou sacrificielles»597. Elle propose une analyse du pouvoir, impliquant le corps et l'inconscient comme « non lieu » du refoulement et de la résistance. Elle dessine un espace à problème, sans réponses 596 597 Toxine botulique utilisée pour traiter entre autre le vaginisme, affectation douloureuse de la vulve et du vagin Foucault, 1976b, p. 126, op. cit. 203 simples. En jeu sont les notions de pouvoir, de symbolique, de désir, de reconnaissance, de loi et d'interdit598. Les relations de pouvoir se tissent à l'ordre social comme allant de soi, rejetées dans la sphère de « la vie privée ». Le genre constitue pour Bertini la première technologie du pouvoir qui influe directement sur la construction de nos savoirs et de nos représentations. Il s'agit de savoir que faire de ce que le genre fait de nous599. Les identités de genre adhèrent aux structures de pouvoir, qui solidifient et figent les significations, refusent l'ambiguïté, la confusion, le manque d'indices, l'incertitude du désir, la spontanéité. La critique du rapport de pouvoir ne peut se faire selon Butler que s'il y a prise compte de la désirabilité, de l'attachement aux normes, impliqué dans l'identification. L'assujettissement n'est donc pas qu'exercice de domination, mais aussi une forme de pouvoir qui produit le sujet. Il exploite le désir d'existence, toujours conférée depuis un ailleurs. Il s'agit de dépasser la conception où le sujet, extérieur et antérieur au pouvoir, intériorise les injonctions et s'attache à la subordination. Il est produit par une dépendance fondamentale envers un pouvoir qui le précède et initie son action ; son consentement est donc la condition même de son émergence en tant que sujet. « Tu es une fille » : à la fois soumet et initie l'attachement à une identité fondée sur le sexe : l'identité de genre, ainsi le genre est une norme. Avec la notion de genre en tant que « répudiation de l'attachement homosexuelle »600, elle explore les zones obscures de la conscience : entre désir d'être et désir de normes, besoin d'être assujetti et possibilité de résister, soumission et maîtrise, culpabilité et créativité. Ce ne sont pas des couples de contraires mais des pôles unis par un mouvement d'oscillation perpétuelle basculement de l'autonomie dans l'assujettissement et l' inverse - caractérisant le sujet en devenir. La limite est toujours mince et fragile ; le sujet y apparaît toujours en excès de lui-même, à la fois produit et producteur des identités qui le figent. Ainsi l'ambivalence, c'est tout l'espace du possible, pas seulement l'écart qui met le sujet à distance de son identité sexuelle, mais davantage l'écart lui interdisant de se confondre avec « le déjà là », pour tendre vers un « encore à venir ». Butler interroge ces pouvoirs qui nous forment et nous annihilent de l'intérieur, leur subtilité, en tant qu'ils supposent cela même qu'ils dénient : la puissance du corps et de l'inconscient. Elle rend perceptible ce 598 599 600 Butler, 1997, op. cit. Bertini, 2009, op. cit. Butler, 2000, op. cit. 204 lieu invisible où le désir se fait loi, où le sujet répète ce qu'il rejette. Pour cela, elle se nourrit d'Hegel, Nietzsche, Althusser, Foucault, la psychanalyse, avec la mélancolie comme structure fondamentale du sujet refusant son identité. Macherey601, avec Fou ault, s'inquiète de la puissance et de l'immanence des normes et pose la question : d'où tirent-elles leur pouvoir? Comment agissent-elles? Il invite à penser toujours sur fond de normativité ou normalisation plus que de normalité. Pour lui, la force des normes ne serait pas un pouvoir ou des contraintes externes, mais une puissance : une dynamique avec simultanéité de la cause et de l'effet ; puissance en vertu de laquelle elles se produisent elles-mêmes et définissent leur allure au fur et à mesure qu'elles agissent. Il décrit les conditions pour l'invention de nouvelles formes avec l'idée d'une inventivité de la norme. 601 602 603 Macherey, 1989 Foucault, 1976a, 1978, op. cit. Tort, 2005, op. cit
Le concept de performativité
Le performatif c'est le « pouvoir suprême ». Nous sommes « faits » par des mots, par des paroles ou de la voix. Austin nous a révélé cette dimension de la parole qu'est la fonction performative, le « performatif, fonction du langage »604. Il met en évidence les fonctions « illocutoires et perlocutoires » des messages au delà de leur sens immédiat, certains énoncés étant en eux-mêmes l'acte qu'ils désignent, réalisant immédiatement ce qu'ils énoncent. On peut avancer deux acceptations complémentaires du mot performatif : l'une théatrale, c'est la performance qui produit rétroactivement l'illusion d'une essence, le genre n'est pas exprimé par des gestes ou des discours ; l'autre linguistique, l'idée que nous sommes assujettis au genre dans lequel le langage nous désigne. Pour Butler605, le genre n'est pas quelque chose qu'on a ou qu'on est, mais qu'on fait. Elle rejette la conception du corps comme lieu d'expression d'un soi, d'un sujet autonome et achevé. Si les corps sont façonnés par les systèmes de pouvoir, il s'agit de s'intéresser à la façon dont les discours donnent corps, se matérialisent. Ici intervient l'incorporation des normes et l'énoncé performatif : la dimension du discours qui a la capacité de produire ce qu'il nomme. La performance du « drag » par exemple est pour elle une parodie de ce processus d'incorporation de la norme de genre ; une figurelimite, de la marge, qui ne fournit pas « le modèle de vérité du genre () pas un modèle pour la capacité d'agir en politique 606. Ainsi le genre ne serait pas une simple invention de soi soluble dans la logique de marché. Elle conçoit la performativité du genre comme une interpellation sociale s'effectuant avant même la naissance. Par exemple à l'échographie, « c'est une fille » est un énoncé « performatif » ; il fait ce qu'il 604 605 606 Austin, 1990 Butler, 1990 Butler, 1990, p. 45, intro 1999, op. cit. 206 dit, il fait « des sujets genrés »607. Pour elle et Foucault608, ces actes, par leur prolifération, sont susceptibles d'engendrer des effets qui l'excèdent. « Homme », « Femme » ne seraient donc que de simples performatifs, autrement dit l'effet d'un « acte de discours qui fait advenir à l'être ce qu'il nomme». Le genre est performatif, « il constitue l'identité qu'il est censé être »609. Ainsi le corps genré est « performatif » dans le sens où il n'y a pas de statut ontologique indépendamment des différents actes qui constituent sa réalité. Avec le concept de performativité - performance du genre, elle analyse en détails le processus d'intériorisation des normes, des codes dominants d'intelligibilité, et aussi les modalités discursives de cette intériorisation, de cette incarnation des normes. Alors le genre serait l'ensemble des pratiques disciplinaires mais aussi d'actes discursifs, il n'a aucune efficacité sans sa propre réitération. « Le genre c'est la stylisation répétée des corps »610. C'est dans cette injonction à la répétition du même que le rapport de genre est un rapport social. Butler évoque l'aspect performatif du genre ; celui-ci n'est pas exprimé par des actions, gestes ou discours produisant l'illusion d'une essence, mais la performance produit rétroactivement l'illusion d'un noyau interne lié au genre. C'est la répétition des pratiques du corps de l'enfant en présence de l'adulte qui institue le genre. Sa réflexion sur la performativité du genre est liée à une lecture de Foucault, à son idée que la norme a un double aspect : la psyché se forme par l'intériorisation des normes, et l'institution sociale des normes a une initiative dans la manière dont se produisent les règles sociales. « Entre normativité et normalisation, il y a tout un jeu complexe611 ». Le néologisme foulcadien « la performativité » serait pour Prokhoris612 plus à entendre comme capacité d'invention et non de mise en ordre des représentations et des choses. L'incorporation des normes est permise par une répétition indéfinie d énoncés et d'actes. Les discours normatifs instituent donc des corps genrés capables d'effectuer euxmêmes d'autres actes performatifs rendant leur corps conformes, viables, lisibles, interprétables. Butler s'oppose ici à nouveau à Bourdieu, qui rapporte les actes de langage au contexte social, subordonnant la force du performatif au pouvoir social.
607 608 609 610 611 612 Butler, 1993, p. 232, op. cit. Foucault, 1975, op. cit. Butler,, 1990, p. 96, op. cit ibid, p. 109 David-Ménard, 2015, op. cit. Prokhoris, 2000, op. cit. B La question du symbolique 613 614 615 616 617 Butler, 2004, p. 235, op. cit. ibid, p. 226 ibid, p. 244 Butler, 1997, p. 149, op. cit. Lacan, 1964, 1971-72, op. cit. 208 b1
Lois transcendantales, ordre symbolique immuable? Loi symbolique comme loi sociale
« Si l'ordre symbolique entendu comme prescriptif nous obligeait à penser le monde sous la forme de catégories figées et immuables, ni l'histoire, ni l'art, () ni aucune création n'aurait pu advenir »618. () « Or nous voyons que c'est à cela même que la loi peut parvenir, c'est-à-dire énoncer des absolus pour tous, et pour tous les cas, comme un homme arrogant et ignare qui ne permettrait à personne de rien faire contre ses ordres ni de lui poser des questions, ni même, si quelque chose de nouveau survenait, de faire mieux que ce que postule la loi en dehors de ses prescriptions »619. Cette loi, serait-ce le Surmoi en tant qu'il est à la fois « la loi en tant qu'incomprise et la loi en tant qu'obtuse »?620 « Ordo » en latin signifie le rang, puis l'ordre de bataille, ayant à voir avec la géométrie des relations. Manifeste-t-il la faculté de différencier, de séparer, comme universelle? Le langage préexiste-t-il à l'ordre ou bien est-il lui-même ordre, aptitude à nommer et classer en même temps? S'il n'y pas de nature humaine, alors une définition d'une nature humaine au moyen de la différence des sexes et du genre serait caduque. La transformation des rapports entre les sexes entame l'ordre social et aussi l'ordre symbolique. Faire place à une autre organisation du symbolique n'implique pas son effondrement. Il n'est pas ruiné mais élargi. () car le symbolique n'est pas un Nom mais un Verbe qui fait phraser. Parler () c'est faire appel à des signifiants et les déplacer tout à la fois »621. Pour les psychanalystes « orthodoxes », l'« ordre » symbolique est ce qui nous structure. Il y aurait souffrance d'avancer sans références, passer sa vie à réinventer, 618 619 620 621 Askofaré, Déc. 2007, p. 8, op. cit. Platon, Traduction de Castoriadis, 1986, p. 158, « Sur le politique de Platon », Ed. Seuil Askofaré, 2007, p. 5, op. cit. Collin, 2003, p. 6, op.cit. 209 disent-ils. Pourtant Lévi-Strauss nous rappelle que : « Ce n'est pas le symbolique qui soutient nos sociétés, mais elles qui(main)tiennent à bout de bras un symbolique déchu, rendu obsolète par les exigences d'un réel fragmentaire et complexe () et laisse au désordre, au bruit et au hasard le soin de l'organiser en équilibres précaires et instables »622. Pour « une certaine psychanalyse », la configuration dissymétrique dans la différence sexuelle est la condition même de la vie psychique, dans la mesure où elle engendre à la fois du désir et la limitation de ce désir, nous contraignant à « civiliser » nos pulsions. Et le prétexte que la différence des sexes a pu engendrer de l'inégalité ne devrait pas selon certains remettre en question l'ordre symbolique. Le plaisir pratiqué sans entraves ne semble pas résoudre la question du désir. Pour désirer, il faut être dans une dynamique de choix, de positionnement, être confronté à des enjeux, disent-ils. La différence des sexes jouerait au profit de cette dynamique. Le symbolique serait lié à la différence des sexes, tant celle-ci structure la vie en groupe et notre psychisme ; l'identité sexuée serait peut-être le dernier lieu de combat contre la « dépressivité » actuelle. Nous serions pris dans un système symbolique, un ensemble de représentations et de lois qui nous dépassent et nous précèdent. Relèveraient aussi du symbolique l'ordre des générations, les fonctions paternelle et maternelle, l'interdit de l'inceste. Dans la notion de symbolique, l'important serait selon certains qu'il y ait des choses que nous ne choisissons pas : être doté d'un corps d'homme, de femme, qui a des effets, nous plaçant d'emblée du côté du man et de l'altérité, devant nous situer par rapport à un autre du même sexe et du sexe opposé, dans un rapport de séduction, d'identification et de rivalité. Pour Butler, si la loi est conçue comme structure antérieure et transcendante aux manifestations sociales, politiques et historiques, alors le symbolique est une force ne pouvant être modifiée et subvertie sans la menace de la psychose ou la perversion. Si la loi est quelque chose de vécu et constamment réitéré de façon immanente aux relations de pouvoir, alors la possibilité de modification et de subversion du symbolique existe, n'entraînant pas une menace pour la culture. Une certaine déstabilisation des frontières rigides et fixes de l'identification et du désir peut entraîner d'autres formes de construction du genre qui peuvent cohabiter. La différence des sexes est figée dans les 622 Lévi-Strauss, 1950, p. 22 210 discours ontologiques - ontologisation - de la loi. Il s'agirait alors de redéfinir la norme symbolique et de dé-ontologiser les discours. « Pour que soit pensable une telle resignification du symbolique, il faudra en transformer la définition et l'appréhender comme la régulation temporelle de la signification et non comme une structure quasi permanente »623. D'où une reformulation continuelle de la loi. Notons le paradoxe de l'assujettissement du sujet qui veut résister à ces normes en étant capable de le faire en vertu de celles-ci, voire est produit par elles 624. Par exemple, la question de l'homoparentalité, plus qu'un impensable symbolique, nous invite à de nouvelles interrogations sociétales impliquant d'être pensées autrement. L'ordre symbolique d'où l'on déduirait un « ordre sexuel », dont l'impératif catégorique serait le modèle dominant de l'hétérosexualité, position anhistorique, peut être mis en cause par les pratiques sociales. La psychanalyse serait-elle la gardienne de la " loi symbolique "? Nombre de discours veulent nous en persuader. « Car c'est la différence des sexes, dont la psychanalyse est supposée détenir la raison, qui serait l'alpha et l'oméga de notre humanité (). Homme ou femme, il faudra donc qu'on se le tienne pour dit, et qu'on ne méconnaisse pas la " vérité " de l'ordre sexuel. Cet ordre pourtant est-il autre chose que l'effet, normatif, de certaines relations de pouvoir que l'on se garde bien d 'interroger? »625. L'ordre symbolique englobe des cadres rituels, juridiques, signifiants, qui sont appelés en permanence à être retravaillés, à se modifier ou à mourir. Il impliquerait que la différence sexuelle est située aux « racines anthropologiques » de la culture, avec des dispositifs institués d'alliance et de filiation, induisant de graves conséquences telles l'exclusion de certaines familles. Chaque société « bricole » son propre ordre sexuel nous rappelle Levi-Strauss626. Par exemple chez les inuits, il existe un troisième sexe où les enfants « chevauchent la barrière des sexes ». Nous sommes toujours prêts à naturaliser et à ériger en vérités universelles nos croyances. Le trajet, la circulation de la sexualité ou la façon d'aimer ne sont pas en droite ligne du sexué au sexuel - qui est lui en foisonnante extension - exigeant la soumission à la loi symbolique de la différence 623 624 625 626 Butler, 2009, p. 36, op. cit. ibid, p. 30 Prokhoris, 2000, p. 11, op. cit. Levi-Strauss, 1950, op. cit. 211 sexuelle. Et du symbolique l'on peut mourir. « C'est en tant que la fonction de l'homme et de la femme est symbolisée () qu'elle est littéralement arrachée au domaine de l'imaginaire pour être située dans le domaine symbolique, que se réalise toute position sexuelle normale, achevée. C'est à la symbolisation qu'est soumise, comme une exigence essentielle, la réalisation génitale – que l'homme se virilise, que la femme accepte, véritablement, sa fonction féminine »627. Le paradoxe est que les discours naturalistes de l'identité peuvent se passer d'une référence primaire à la Nature et lui substituer un Ordre tout aussi impérieux : l'Ordre Symbolique. L'invocation du symbolique est liée à la hantise d'une confusion généralisée, qui dit que tout ne se vaut pas, ce qui est vrai mais n'implique pas que les dispositifs de cet « ordre symbolique » soient immuables, sinon l'ordre symbolique et l'ordre sexuel d'une époque iraient un peu trop main dans la main628. Foucault est souvent réticent à l'égard de Freud et de la psychanalyse, lui apparaissant comme « l'effort théorique pour réinscrire la thématique de la sexualité dans le système de la loi, de l'ordre symbolique et de la souveraineté »629. Selon lui, Freud convoque « autour du désir tout l'ancien ordre du pouvoir »630, celui du père, de la sanguinité de l'alliance etc, mais la réflexion freudienne est plus nuancée. Roudinesco regrette que les deux figures centrales de la psychanalyse soient incarnées par Oedipe et Hamlet, deux parricides dont l'un incestueux. Et pourquoi pas Antigone, demande-t-elle? Elle symbolise le refus d'obéir à l'ordre de son beau-père Créon, qui institue sa propre loi humaine. Elle fait de la désobéissance, portée par le principe féminin, le moyen d'accès au symbolique, au monde de significations communes631. Butler, à propos d'Antigone632, se réfère à Hegel et « l'ordre éthique » : sphère de la participation politique mais aussi des normes culturelles viables. Selon elle, Antigone est sous l'effet d'une condamnation fatale du fait d'avoir mis un terme au tabou de l'inceste qui articule la parenté et le symbolique. Elle défie l'édit de l'état, mais aussi celui de porter trop loin l'amour pour son frère. La lecture d'Antigone de Lacan 633 est 627 628 629 630 631 632 633 Lacan, 1955-56, p. 200, op. cit. Tort, 2005, op. cit. Foucault, 1976b, p. 197, op. cit. ibid, p. 102 Roudinesco, 2002 Butler, 2000, op. cit. Lacan, 1959-60, chapitre 1, p. 3 212 différente et peut se comprendre comme bordant l'imaginaire et le symbolique, comme figure de l'entrée dans le symbolique : sphère des lois et des normes gouvernant l'accès au discours, à la discursivité. Ainsi la relation de parenté se présente ici en tant que normes symboliques séparées du social. Son désir ne peut conduire qu'à la mort car elle cherche à défier les normes symboliques. Les lois non écrites auxquelles se réfèrent Antigone, sans origine claire, sont-elles du côté d'un ordre symbolique, une alternative symbolique ou imaginaire se demande Butler634? Lacan théorise le symbolique avec une dette envers Levi-Strauss : la fonction symbolique est toujours déjà là. Mitchell appelle le symbolique lacanien : « Loi universelle et primordiale »635. Pour Lacan le statut de la loi, c'est celui donné au phallus, la place symbolique du père. Mais pour Butler, la différence entre symbolique et loi sociale ne tient pas car le symbolique lui-même est la sédimentation des pratiques sociales ; elle ne tient pas également parce que les changements radicaux dans la parenté exigent une réactualisation des pré-supposés structuralistes de la psychanalyse, et donc de la théorie du genre et de la sexualité636. « Je suggérerai que la relation entre position symbolique et norme sociale doit être repensée » 637. Ainsi le symbolique comme loi inflexible prend place à l'intérieur d'un fantasme de la loi vue comme autorité insurpassable. Lacan en ferait-il un symptôme? Ainsi limité, le symbolique ne peut reconnaître la contingence de sa propre structure qu'en désavouant la possibilité de toute altération substantielle dans son champ d'opération. « Il y a un circuit extérieur au sujet, et lié à un certain groupe de support, d'agents humains, dans lequel le sujet, () son destin, est indéfiniment inclus »638. Ces signes, énoncés par des sujets mais ne provenant pas des sujets qui les disent, arrivent en tant que « ce discours de l'autre () c'est le discours du circuit dans lequel je suis intégré () « Je suis chargé de le transmettre dans sa forme aberrante à quelqu'un d'autre »639. Lacan comprend le legs symbolique comme une exigence et une obligation. Quand Hyppolite se plaint auprès de Lacan que pour ce dernier, « la fonction symbolique est () une fonction de transcendance, en ce sens que, tout à la fois, nous 634 635 636 637 638 639 Butler, 2000, op. cit. Mitchell, 1974, p. 370 Butler, 2000, p. 28, op. cit. ibid, p. 38 Lacan, 1954-55, p. 123 ibid, p. 112 213 ne pouvons pas y rester, nous ne pouvons pas en sortir »640, Lacan répond : « Si la fonction symbolique fonctionne, nous sommes à l'intérieur. Et je dirai plus - nous sommes tellement à l'intérieur que nous ne pouvons en sortir »641. Pourtant, nous ne sommes pas, ou pleinement « en dedans », ou pleinement « en dehors » de la loi symbolique. Ainsi chaque fois que le symbolique apparaît, ce serait en tant que fonction universelle. Lacan note que les instances symboliques fonctionnent au-delà des différences au sein des sociétés en tant que structure d'un inconscient radicalement irréductible à la vie sociale642. Mais il recommandait de laisser derrière nous une pratique réactionnaire de la psychanalyse, qui procède par l'exaltation du symbolique véhiculé par la tradition643. Bertini644, philosophe, tente de défaire l'ordre symbolique qui soutient le genre, en convoquant de multiples disciplines pour construire un nouveau paradigme de société. Elle s'attache à démonter les processus de fabrique du genre, de l'assignation au rôle de femme ou 'homme. Elle récuse l'ordre symbolique unique et homogène, pour aller vers l'intégration d'une multitude d'ordres symboliques, définissant l'ordre symbolique rigide comme l''ensemble des lois, règles, normes, interdits et tabous qui gouvernent et codifiant les stratégies de sociabilité ; celles-ci sont censées exprimer alors les fondamentaux universels de l'humain. Pour elle, le système de la différence sexuelle ne sert qu'à étayer celui de l'inégalité des sexes à travers le dispositif puissant de l'ordre symbolique, fondateur et transcendant, sacré, véritable théologie pratique. Système comme processus d'assujettissement, n'étant rien d'autre que notre société elle-même en tant qu'elle tente de se donner un fondement. La castration, c'est-à-dire la reconnaissance par le sujet de l'assujettissement à l'ordre du signifiant, fonctionne comme entrée dans l'ordre symbolique, à l'inverse de l'imaginaire, production de sens propre à chacun. Le père séparateur est désigné par Lacan sous l'expression « le Nom Du Père ». Selon Tort646 la théorie lacanienne de l'ordre symbolique est érigée en « dogme paternel ». La prévalence du père, séparant l'enfant de la mère, pensée comme abusive et toute puissante, signe l'entrée dans le monde symbolique régi par le principe masculin. Elle permet aussi au sujet de se constituer une identité sexuée, et une seule, la filiation étant l'autre nom de l'ordre symbolique. Le père est alors médiateur du symbolique : « le Nom Du Père ». Cet ordre symbolique repousse les femmes du côté de l'in-différencié, avec la peur ancestrale de son retour, maintenant la différenciation des sexes active par le dispositif du genre. Il efface toute trace de la société instituante de la vie humaine pour une société instituée. Il n'y a d'humain que dans le cadre de la règle, mais pas que dans le cadre de cette règle là et de cet ordre là. La diversité biologique des sexes n'est pas niable ; c'est ce que chaque société et culture font de cette diversité, la manière dont elles l'interprètent en la réduisant à deux opposés complémentaires. La différence des sexes porte les traces du bricolage symbolique qui lui a donné naissance. Même théorique, ce bricolage est toujours une pratique, un discours qui énonce les conditions de son opérativité, nous rappelle Foucault. 646 Tort, 2005, op. cit. olaire de la parentalité assimile chaque pôle du genre à une régularité structurante et universelle du psychisme humain. Le système formé par le dispositif de la hiérarchisation des sexes et le discours de l'ordre symbolique ont longtemps constitué le principal opérateur social, culturel et politique. Actuellement les nouvelles parentalités par exemple se réorganisent autour d'une multitude d'axes et non d'un qui serait central. « La notion d'ordre se complexifie pour laisser place à une fragmentation d'ordres. L'ordre symbolique n'est qu'un ordre social qui ne dit pas son nom »647. b2 Historicité
« Toute connaissance est le produit d'une situation historique, qu'elle le sache ou non. Mais qu'elle le sache ou non fait une grande différence »648. Toute théorie est fille de son temps. La psychanalyse, comme tout savoir, est constituée historiquement. Elle n'est pas le garant de la norme, elle n'est pas un ensemble de prescriptions morales. La généalogie des normes d'existence donne à percevoir l'historicité des normes, donc des données contingentes, nous rappelle Prokhoris. Lacan évolue beaucoup de 1938 à 1978, mais pas vraiment dans la reconnaissance d'une dimension véritablement historique des structures. Si le Père est en déclin, catastrophe subjective disent certains, c'est qu'il représente bien une fonction historique, cédant sa place, nous rappelle Tort (cf chapitre b4-1. Le père, p.217). On y trouve une fonction sociale, une histoire des systèmes de pensée et des savoirs. Alors il s'agit de 647 648 Bertini, 2009, p. 20, op. cit. Delphy, 1998, p. 277, op. cit. 216 questionner comment on y a identifié des fonctions psychiques. Fraisse649, philosophe, à propos de «l'égalité dans la différence », prend en compte l'historicité de la différence, comme produite, opératrice et productrice d'histoire 650. Le genre est un ensemble de codes, de signes, d'emblèmes et d'attributs culturels. Dans la « fabrique du genre » - la version de la sexuation comme réalisation de l'ordre de la « différence » - l'historicité rend compte de l'effet de l'inconscient, l'effet des relations d'emprise. Et pointer les inscriptions des postures de « femme », « homme », « mère », « père », « féminin », « masculin » dans les positions historiques et culturelles des femmes, des hommes et de leur corporalité, c'est déjà les déconstruire. C'est dans les rapports historiques de domination que se sont forgés le caractère féminin et masculin, de telle sorte que le genre est le résultat de cette histoire et non pas dans une concordance avec la réalité biologique. b3 L'ordre sexuel
L'ordre sexuel n'est pas un ordre naturel mais inconscient, au sens où l'assujettissement à l'ordre sexué plonge ses racines dans l'inconscient. Il s'agit de questionner un ordre sexué donné comme le socle d'un ordre sexuel, gouvernant nos existences : sexuation et sexualité se trouveraient ordonnées l'une à l'autre selon un schéma d'assujettissement mutuel censé non questionnable et revendiquant le statut de lois, de l'humain, de la nature. Il s'agit aussi d'interroger l'ordre sexuel qui fonde l'ordre sexué, solidaire, nécessaire, comme « fabrique de l'humain »651, comme butée contre toute tentative de contestation du bien fondé des normes. L'appel à la psychanalyse vient du malaise du sujet dans sa relation à ces normes, c'est-à-dire ses possibilités d'existence, le champ des possibles, « d' une vie qui n'était 649 650 651 Fraisse, 1996, op. cit. Prokhoris, 2000, p. 264, op. cit. Legendre, 1996 ; il dénonce la collusion libérale-libertaire 217 pas son genre », pour parodier Proust652. Alors se dégager de cet enfermement le menacerait-il de la catastrophe, de la dissolution, de l'impasse? Y a-t-il la « vérité » de l'ordre sexuel? L'ordre sexuel serait-il au delà de toute singularité, émanant de l'ordre symbolique? C'est ce dernier, comme rappel à l'ordre, qui fut sollicité lors des débats sur le Pacs puis le « mariage pour tous ». L'ambiguïté traverse la psychanalyse dans son exercice même sur la question de l'ordre sexuel. Pourtant son savoir tourne autour de la relation de pouvoir et le fonctionnement des dispositifs d'emprise. L'ordre sexuel circo nscrit et fixe ce que Foucault appelait le « dispositif de sexualité », c'est-à dire l'effet normatif de certaines relations de pouvoir non questionnées, ayant trait au sexe. L'ordre sexuel est non nécessaire. Il définit le chemin à accomplir pour être « femme », « homme », affaire de noeuds signifiants - signifiants qui jouent comme un ensemble d'injonctions par rapport à l'identification - où s'articulent en figures plausibles nos subjectivités inconcevables. L'évolution familiale nous indique que la nature n'est plus un ordre. Nous pouvons envisager qu'il y a tentative de sa reconstitution dans l'invocation d'un « ordre sexuel » dans lequel la majeure partie des normes « naturelles » resurgit. Le déclin du père par exemple serait soi-disant responsable des débordements qui dangereusement effaceraient les frontières entre les sexes. b4 Patriarcat et domination masculine
b
4-1
Le père,
le
nom d'une solution La catégorie de « père » apparaît solidaire de la crise de l'autorité et des nouvelles 652 Proust, 1913, p. 230, dernière phrase 218 « institutions » que sont devenus « le Symbolique, « la Différence sexuelle », « l'Universel de la fonction paternelle ». L'Oedipe supposé universel est en fait en déconstruction. En psychanalyse, le Père est identifié à la « Loi » qui fait de nous des sujets, entre autre fait la loi à la mère. Or il n'est pas le seul rapport que le symbolique peut entretenir avec la loi mais un moment particulier. Nous retrouvons la fin du règne du père avec l'émergence du mouvement des femmes. Comment la psychanalyse peut-elle se situer face aux mouvements sociaux, des femmes, mouvements non unifiés, remplis de controverses, qui, depuis des décennies, participent au remodelage des arrangements de l'ordre paternel qui s'étend? La tâche de la psychanalyse est de penser la division sexuelle du pouvoir, avec l'invention de nouvelles formes d'organisation maniant autrement la division des sexes ; de penser aussi les conditions de la subjectivation, « en dehors d'un schéma où mère et enfant sont soumis à l'intervention du père, où la mère est infantilisée »653. La psychanalyse n'est pas un universalisme anthropologique, elle n'est pas une universelle métapsychologie. Pourtant le père devient une fonction universelle, « la Référence », menacée. « Le père n'est pas un vulgaire concept métapsychologique, car il est la condition de possibilité du concept lui-même et de la pensée » nous dit Assoun 654. Ainsi nous penserions depuis le père, nous le croiserions partout. En psychanalyse, il serait l'opérateur, l'organisation sociale, la socialisation. « Les rapports sociaux sont escamotés au profit d'une analyse en termes de places structurales »655. La fonction paternelle assumerait la transmission de l'interdit fondateur entre les générations et la différence claire et nette entre les sexes, une situation particulière car supposée commander les autres. Chaque figure de la parenté construit « sa » fonction du père sur les ruines des anciennes normes. La fonction d'un père, c'est tout simplement la part que prend un homme à la parentalité. Pourtant, pouvoir et fonction paternelle -antiincestueuse - sont liés. Face aux revendications ressenties comme « illimitées », le père apparaît comme « solution », en contrôlant la dérive selon Tort. 656 657 658 659 ibid Melman, 2005, p.17et 213 Tort, 2005, p. 468, op. cit. ibid, p. 379 220 b4-2
La domination masculine
« La théorie psychanalytique de la sexualité, tout le monde le sait, est une théorie qui se conjugue au masculin (). La communauté psychanalytique, dans son ensemble, n'a pas évolué () et elle fonctionne sur une théorie fondamentalement machiste de la sexualité »660. Bourdieu analyse l'inscription de la domination masculine dans les corps, les habitus etc. Il éclaire le procès de sa reproduction, mais suffit-il à expliquer les conditions qui la produisent? « La virilité est une notion éminemment relationnelle, construite devant et pour les autres hommes et contre la féminité, dans une sorte de peur du féminin, et d'abord en soi même »661. Nous soutiendrons que la souffrance sexuelle émane grandement de la réorganisation sociale de la sexualité, du choix amoureux et du désir ; elle est liée à l'organisation du pouvoir économique et politique, à la domination affective des femmes par les hommes. La grandeur de la psychanalyse est de participer à cette opération qui consiste à scruter les mécanismes par lesquels l'enfance du sujet les transforment en futurs adeptes de cette domination. Héritier constate que « partout, de tout temps et en tout lieu, le masculin est considéré comme supérieur au féminin »662. Selon Couchard663, la féminité serait là pour rassurer la virilité dont les qualités sont glorifiées mais toujours menacées. Il montre bien comment la rivalité entre garçons et filles induit les garçons à en avoir « plus », en faire « plus », à démontrer qu'ils sont les « plus » La clinique en témoigne en nous montrant combien est fréquente la peur, la certitude d'avoir par exemple un pénis trop petit , ou la honte, le déshonneur de ne pas être à la hauteur, de ne pas connaître les codes de la séduction etc. 660 661 662 663 Dejours, 1993, p. 12, op. cit. Bourdieu, 1998, p. 123, op. cit. Heritier, 2011, p. 21 Couchard, Article 1998 221 Notons que le vagin n'a été nommé qu'au XVII° siècle, resté sans nom, faisant l'objet d'un refoulement primaire, qui pour certains auteurs ne peut être levé que par le pénis de l'homme, et ceci lors de chaque acte sexuel, comme objet d'une création. Confusion de zone, origine nous dit Freud de la crainte d'« être contaminé par sa féminité »664. Il semblerait que tout ce qui touche au corps et ses fonctions, la sexualité, l'accouchement, la mort etc, sont un extraordinaire stimulant pour l'imaginaire, c'est-àdire aussi pour l'angoisse, organisant craintes universelles et mythologies. La femme incarnerait la sexualité sauvage, animale, donc idéalisée ou dangereuse, diabolique. On peut noter plus de trois cent versions du mythe du vagin dangereux, de la « vagina dentada » chez les Indiens d'Amérique du Nord et aussi en Inde, cette fois-ci un vagin rempli de serpents, et dans tout autres sociétés et cultures. Les tabous du sang, qui réunit le sexuel et la mort, et le tabou de la virginité posent le sexe comme inquiétant, inconnu. Le féminin est à la fois du côté du sacré, du magique mais aussi du tabou, de l'impur, du maléfice. Alors l'érection et la capacité de pénétration de l'homme peut parfois dépendre du rabaissement, de l'humiliation de la femme : contrôler, idéaliser, punir, enfermer, mutiler, détruire. La sexualité de déception, en se chronicisant, sollicite les affects d'humiliation, de haine, les symptômes pathologiques y trouvent alors là leur place. Les différences se marquent à partir de l'« étalon » des organes génitaux, lieu de la puissance virile, de la plus forte excitation. Le genre est un outil de dévoilement des inégalités. La sphère de la sexualité reste largement marquée par des pratiques et des imaginaires inégalitaires. Mais rappelons que sexualité et égalité ne font pas toujours bon ménage et que la « passion de l'égalité » peut engendrer des sujets interchangeables, indéfinis, qu'elle peut s'étayer sur la haine de l'autre. « L'égalité entre les humains nécessite- -elle leur mêmeté, leur in-différence, ou est-elle « une égalité dans la différence?»665, question posée par De Beauvoir et reprise par Collin 666. Pour Dejours aussi, les rapports de domination sont socialement construits. Le levier matériel de la domination exercée par les hommes sur les femmes, ce qu'on appelle les rapports sociaux de sexe, c'est le travail, son organisation et sa division. La séparation de 664 665 666 Freud, 1918, p. 120, op. cit. De Beauvoir, 1943, t. II, p. 661 Collin, 2003, p. 2, op. cit. 222 la parentalité est organisée ainsi : la femme des soins, le père des idéaux, ainsi une division sexuelle de la parentalité. Le fonctionnement psychique et sa division du genre sont liés à la domination masculine667. Quelle est la part politique et analytique dans la construction de la parenté en psychanalyse? Que peut apporter la psychanalyse pour interpréter l'investissement de la division des sexes dans le champ du pouvoir? Elle peut penser les raisons inconscientes de la division inégalitaire des sexes fonctionnant comme une donnée de base de l'organisation politique. La « libération des moeurs » et de la condition des femmes n'ont pas modifié de fond en comble les places inégales des femmes et des hommes. L'invocation d'une nécessité « structurale » anhistorique d'un arrangement des sexes permet de résister aux transformations réelles des rapports de sexe. « La sexualité n'est ni une institution, ni un jeu ; c'est un socle, un des chapitres fondamentaux des rapports sociaux de sexe »668. La liberté sexuelle a plongé dans l'obscurité ce qui rend socialement possible la domination affective des femmes. Elle rend invisible les inégalités de genre car la vie amoureuse se conforme à la logique de la vie entreprenariale, proche de la liberté économique, qui encadre et légitime les inégalités. L'exercice de la liberté intervient toujours dans un contexte social, il n'est pas une pratique abstraite, mais il est intégré dans une institution patriarcale contestée, mais encore puissante669, d'où de nouvelles formes d'inégalité. L'amour devient un aspect de la dynamique des inégalités dans la perception de sa propre valeur. C'est autour de cette notion que le travail d'Illouz est centré ainsi qu'autour de la souffrance engendrée par le fait que la sexualité fait l'objet d'une intense marchandisation. Et elle pose la question : « Comment faire de la sexualité un domaine de conduite régulé à la fois par la liberté et par l'éthique? »670. Firestone soutient que l'amour romantique dissimule une ségrégation de classe et sexuelle, mais surtout les perpétue et les renforce. « () il (l'amour) est le pivot de leur (les femmes) condition actuelle »671. Il est à envisager comme une pratique culturelle reproduisant l'inégalité de genre. La question de l'équité et de l'équivalence entre sexes idéal politique d'égalité - implique que l'on compare des qualités, des émotions, et qu'on 667 668 669 670 671 Tort, 2005, op. cit. Bozon et Leridon, 1993, p. 1183, op. cit. ; ils se réfèrent à Bourdieu, 1998, op. cit. Illouz, 2012, p. 125, op. cit. ibid, p. 447 Firestone, 1970, p. 161 223 les classe avec évaluation et hiérarchisation des émotions. Les modes de sélection du partenaire sont inspirés par une logique de marché, avec accroissement de ses méthodes : visualisation, comptabilité, intellectualisation, compétitivité etc. « Au lieu de reprocher avec insistance aux hommes leur incapacité affective, nous ferions mieux d'en appeler à des modèles de masculinité autres que ceux fondés sur le capital sexuel »672. Illouz envisage la phobie de l'engagement comme un aspect de « l'hétérosexualité compulsive », définissant les différentes formes d'humiliation et de mépris des femmes par les hommes. « Certains » analystes défendent encore les positions crispées sur la passivité féminine, le passage du clitoris au vagin. Peu travaillent sur la question de l'envie du féminin chez l'homme. Klein remarque : « La psychologie de la femme n'a pas bénéficié dans la même mesure que celle de l'homme des recherches psychanalytiques »673. « Le désir sexuel a été historiquement codé à travers l'inégalité hommes-femmes, () les rituels traditionnels de l'interaction sexuelle et la dynamique du désir se voient perturbés »674. L'épistémologie du genre croisée avec une épistémologie de la domination vise à développer une approche critique d' « un champ structuré en domination »675, au sein duquel des représentations dominantes cherchent à s'imposer comme « allant de soi ». « L'universel est un cache-sexe qui ne recouvre le plus souvent que du masculin et qui a servi à exlure les femmes du gouvernement de la cité »676. A propos des rapports sociaux de sexes, les féministes ont vite décelé un « invariant : à savoir que sous toutes ces formes différentes se répète et persiste une structure dissymétrique ou hiérarchique, qui se traduit par la domination des hommes sur les femmes, de l homme sur la femme »677 nous rappelle Scott. « Ce qui fait problème-problème politique- dans les rapports sociaux de sexes, ce n'est pas tant le fait de leurs assignations respectives, le fait qu'ils soient « sociaux », mais le fait qu'ils soient socialement articulés en forme de domination »678 nous dit Collin. Ils sont à ce titre déconstructibles, leur caractère inébranlable peut être contesté. 672 673 674 675 676 677 678 Illouz, 2012, p. 448, op. cit. Klein, 1932, § 11, p. 209 Illouz, 2012, p. 347, op. cit. Expression de Stuart Hall, sociologue jamaïcain, fondateur de la « New Left Rewiew » Scott, Février-Mars 2011, Entretien Politis, cite M. Perrot ibid Collin, Article 2003, op. cit. C La question du social et du psychique c1 Résistance psychique au social : c'est par le symptôme que le sujet se noue au social
Nous poserons la question : la prise en compte du sujet social est-elle incompatible avec celle du sujet de l'inconscient? Le pas supplémentaire des études de genre, c'est de parler de la constitution de l'intimité du sujet dans la dépendance aussi de son inscription sociale et politique, et des 679 680 ibid Schaeffer, 1997, op. cit. 225 normes. Il s'agira de poursuivre le recueil des outils conceptuels nécessaires pour traiter les questions que le monde contemporain pose au sujet et à la clinique. Il n'y a pas de construction du sujet sans inscription dans le social. Freud parle du roc biologique, incontournable. Avec le genre, le corps social peut aussi produire l'effet d'un roc, d'une butée, face à la singularité. Si l'on admet la puissance des déterminations sociales de « l'identité sexuelle », la question pour la psychanalyse se pose autrement 681. Alors face au déterminisme et aux contraintes sociales qui pèsent sur les conduites sexuelles, comment bricolent nos patients pour trouver un compromis singularisé, mais vivable ; compromis entre le conformisme qu'implique la subordination aux contraintes sociales d'une part et l'originalité éventuelle qu'implique l'accomplissement des attentes dictées par le désir d'autre part. Entre attentes par rapport à l'accomplissement de soi dans le champ érotique, et attentes par rapport à l'accomplissement de soi dans le champ social, comment chaque sujet négocie-t-il sa sexualité? Dejours pense que la psychanalyse n'a pas assez pensé la question du social. Et il pose la question : « Comment intégrer à la théorie et à la clinique psychanalytiques le roc psychosocial aussi bien que le roc biologique du sexuel?» 682. Il évoque aussi la profonde interdépendance, dans les relations intersubjectives, du champ érotique et du champ social. Selon lui, le contexte historique, la société, les rapports sociaux ont évidemment un impact majeur sur l'évolution des moeurs sexuelles, car la sexualité ne procède pas que du désir mais aussi des moeurs, et son analyse relève de la sociologie de l'éthique. Mais nous dit-il, la psychanalyse ne sait pas comment traiter cette question, car « elle n'a pas théorisé les rapports, dans le fonctionnement psychique, entre inconscient et champ social » 683. Ce qu'elle a théorisé dès le départ, ce sont les rapports entre l'inconscient et le « roc biologique », avec les concepts de pulsion, d'étayage. Or, comparable par sa résistance est le « roc sociologique », non intégré à la psychanalyse. Le seul concept intermédiaire serait selon Dejours celui de sublimation. Une des hypothèses psychanalytiques est que c'est par le symptôme que le sujet se noue au social. Freud et Lacan ont toujours essayé de sortir de l'opposition duelle entre individu et social. Freud disait sa méfiance à l'égard des philosophes. Il n'a jamais été curieux pour les sciences sociales, notamment l'histoire et la sociologie. Même dans ses 681 682 683 Dejours, 1993, p. 15, op. cit. ibid, p.1 ibid, p. 14 226 textes dits sociologiques : « L'ethnologie et la sociologie ne lui servent que de prétexte, d'illustration, de métaphore pour la démarche analytique »684. Trois femmes psychanalystes du temps de Freud vont nourrir la pensée de Freud, faisant entendre que le social, le culturel et l'économique sont des éléments incontournables de l'élaboration théorique. Ainsi la dimension du genre apparaît. Horney685 précise ses désaccords avec Freud dans son orientation biologique, l'empêchant d'évaluer la complexité des interactions entre les conditions culturelles et la psychologie féminine. Elle aborde une démarche critique, relevant le manque de prise en considération du poids des déterminants sociaux et culturels sur les femmes. Pour elle, « l'envie du pénis » ne constitue pas un universel du développement de la sexualité. Deutch686 aussi pose la question du rapport avec la condition sociale, les interactions culturelles, afin de cerner leurs retombées psychiques, un regard sociologique. Rivière, elle, travaille sur la question de la mascarade minine, le semblant, la parade masculine 687 (cf chapitre d3. La mascarade, la parade, p.251). Pour Butler, il n'existe pas de sujet pré-social précédant les processus de discours qui le construisent. Refus donc de l'essentialisme et du substantialisme, d'un sujet qui précéderait ses déterminations sociales. Refus d'un déjà-là, d'un corps préexistant, d'une expérience corporelle précédant la médiation sociale. Bien sûr, il y a les différences des organes génitaux, mais celles-ci n'ont en soi aucune valeur. Le corps est une construction. Le sexe est toujours déjà du genre. Il n'y a pas de corps avant, en de-çà ou au de-là de la loi, pas de corps authentique, naturel. Le genre est ce qui construit le caractère fondamentalement non construit du sexe nous rappellera Dorlin688. Selon Dejours, la psychanalyse propose une théorie de la sexualité, qui est centrale, mais une théorie qui se conjugue au masculin. On assiste à une contestation de celle-ci, en particulier par celles et ceux qui se battent pour l'émancipation politique des femmes et l'équité femme-homme. Il pense que la raison principale est la réticence à étudier la sociologie et à soumettre le fonctionnement de leurs propres Ecoles au crible de la 684 685 686 687 688 ibid, p. 11 Horney, 1939 Deutch, 1945 Rivière, 1929, op. cit. Dorlin, 2008, op. cit. 227 critique sociologique, alors qu'elles répliquent systématiquement les rapports de sexe et de domination. « Les psychanalystes ont tendance, comme Freud, à naturaliser la différence entre les sexes () de sorte qu'aujourd'hui, la psychanalyse est en passe de perdre son tour de parole dans l'espace public, jusque sur les questions de la sexualité, là où pérorent ces naturalistes que sont les sexologues »689. La sexualité et les usages du corps se sont pourtant profondément transformés. Toujours selon Dejours, ces bouleversements ne peuvent pas être expliqués par la psychanalyse. « Aucun d'entre nous ne pourrait soutenir qu'ils résultent d'une transformation du désir »690. Et il soutient que la difficulté de la psychanalyse à intervenir sur les débats concernant les usages du corps, sur l'évolution des pratiques sexuelles, viendrait du fait que la théorie freudienne de la sexualité est fondée sur l'analyse des rapports enfants-parents, dynamique verticale. Or l'identité sexuelle est aussi construite par les relations entre les sexes, dans l'espace privé mais aussi par les rapports sociaux entre groupes sexués dans l'espace social. La construction de l'identité se joue constamment dans deux champs : celui de la dynamique des relations intersubjectives le champ érotique d'une part et celui dans le champ social du travail d'autre part. Le réel, c'est ce qui se fait connaître par sa résistance : au désir d'abord, mais aussi à la maîtrise, résistance aux savoir-faire, à la connaissance. Or le déterminisme social des conduites et celui des conduites sexuelles sont pour le sujet du désir un réel : le réel du social qui est tout aussi résistant que le réel du roc biologique. La question est de savoir comment construire son identité sexuelle dans un tissu de contraintes sociales. En psychanalyse, c'est le sujet qui forge la société à son image : la sexualité est subjectivement angoissante, elle devient alors tabou social. c2 La sexualité comme acte social. Le « capital érotique » 691 692 693
Macé, Article 2010 ibid Butta C., 2013, Film, « Histoire d'un garçon au féminin », Mexique 229
Pour Illouz694 la sociologie n'oppose pas l'individu et le social car l'intime a un fondement institutionnel et collectif. L'amour et la sexualité sont des actes sociaux. Et selon elle la sociologie aurait négligé l'analyse de la souffrance psychique intrinsèque aux rapports sociaux. Son travail tente de remettre en question le postulat que l'histoire enfouie de l'enfance explique la confusion de nos vies sentimentales par nos psychés défaillantes. Elle insiste sur le contexte social des rencontres entre les sexes. L'aide psychologique demanderait de situer les raisons de leurs ratés existentiels dans leurs histoires personnelles. Pour les sociologues la dépendance est le résultat inévitable de notre situation d'acteur social, pas une condition pathologique. Elle parle de « la culture psychologique »695. Si ce n'est pas de l'ordre d'un travail utilitaire de la psyché, il existe alors une pathologie psychique, un dysfonctionnement à réparer. Son fil conducteur est l'entrelacement de l'émotionnel et de l'économie. L'expérience sexuelle et érotique, non utilitariste, s'opposerait à la pensée rationnelle, disciplinée, qui fragmente l'expérience, évite le « gaspillage », tend vers la satisfaction totale, la transparence. La souffrance amoureuse et sexuelle doit être étouffée au nom du modèle utilitariste et hédoniste d'une psyché saine. Il s'agit, mieux encore que de la surmonter, de l'éviter car elle est une menace pour l'économie psychique. Elle amène la sociologie là où règne la psychologie. La biologie et la psychologie, comme modes d'explication la souffrance amoureuse, serait des aspects du problème, pas leur réponse. « Se rabattre sur le psychique pour expliquer ou comprendre la conduite de l'autre, c'est avoir renoncé au social et à la norme () dans la culture psychologique dans laquelle nous évoluons désormais, la psyché doit travailler de façon utilitaire : elle doit penser à son bien-être, avoir des expériences qui la tirent vers le plaisir, l'utilité personnelle, la satisfaction des besoins »696. Elle traite de l'amour et du sexe comme produit par des rapports sociaux concrets, avec concurrence et inégalité, comme Marx traite des marchandises. La relation amoureuse serait institutionnalisée par la consommation, comme avant la religion avec un véritable « marché de la rencontre ». Et la phobie de l'engagement serait précisément dûe à cette situation de marché. « Ce qu'on a pensé comme la liberté sexuelle est l'aboutissement d'un long re-travail de la perception du corps, du désir, des 694 695 696 Illouz, 2012, op. cit. Illouz, Juillet 2015, Entretien Politis ibid 230 sentiments par la culture de consommation, qui a réorganisé de l'intérieur nos désirs et notre sexualité () (La consommation) contribuant ainsi à instaurer un nouveau régime de la rencontre amoureuse fondé sur la perception visuelle, le « beau corps », le « sexappeal »697. Elle nous rappelle que les sites de rencontre ne repose pas sur la fonction scopique - l'inconscient, le coup de foudre - mais sur le verbal - le conscient et le préconscient, ce qu'on veut, ce qu'on est698. Selon elle, la sexualité serait devenue un domaine d'exploration et d'affirmation de soi autonome, et assez peu liée, au fond, à l'amour ou à la vie en commun. « L'amour tient une place plus importante dans la psyché, d'abord parce que, dans une ère ultra-individualiste, nous avons besoin de quelqu'un qui serait témoin de notre individualité () et notre valeur est constamment mesurée et remise en question dans toutes les sphères de la vie sociale »699. L'organisation sociale de la souffrance amoureuse et sexuelle aurait profondément changé. Et elle tente de comprendre la nature de cette transformation à travers l'étude de trois changements : dans la volonté (comment nous voulons quelque chose), dans les modes de la reconnaissance (ce qui importe pour notre sens de la valeur), et dans les modes du désir (ce à quoi nous aspirons et comment). Et la compréhension de cette transformation passe par la notion de choix, aussi façonnée par la culture. Et elle questionne cette notion : quels modes d'auto-consultation permettent une décision? Quel rôle jouent les normes et les techniques culturelles dans la formation des désirs? «Le choix est la « marque de fabrique » culturelle déterminante de notre époque car il incarne () l'exercice de la liberté () : la rationalité et l'autonomie »700. L'offre pléthorique créerait alors une grande confusion psychique, avec toutes ces possibilités, tous ces critères d'évaluation à raffiner dans la sélection. Le choix est devenu une activité sociale en soi701. Cette liberté sexuelle et affective produirait ses formes propres de souffrance, par exemple dans la phobie de l'engagement. L'hypothèse psychanalytique serait selon elle que l'identité de genre masculine s'est construite contre la féminine, née de la renonciation au féminin et non dans l'affirmation directe du masculin. Ainsi l'identité masculine serait précaire et fragile. Elle s'intéresse aussi à la 697 698 699 700 701 ibid Illouz, 11 Aout 2013, Entretien France Culture ibid Illouz, 2012, p. 42, op. cit. ibid 231 notion d'insécurité, centrale pour elle dans les conceptions contemporaines de l'expérience amoureuse et sexuelle, retrouvée au centre des conseils et « coaching », grande manne financière. Cette notion renverrait à la peur d'invisibilité sociale, à notre valeur personnelle, non établie a priori, avec demande continuelle d'être affirmée, valeur établie par notre performance. Et des études semble montrer que ce sentiment de valeur personnelle et sociale est très lié chez les femmes au fait d'avoir un compagnon702. Mais le bonheur en amour est chose rare : pour chaque expérience amoureuse réussie, pour chaque brève période d'enrichissement, il y a dix amours qui blessent et les dépressions qui les suivent sont plus longues encore.() elles suscitent un cynisme émotionnel qui rend tout nouvel amour difficile ou impossible. Pourquoi en serait-il ainsi si tout cela n'était inhérent au processus même de l'amour »703. Ajoutons le désir de contrôler le champ sexuel, et l'idée même de « mystère » devient un objet de dénigrement et perd toute signification704. Weber parle de « désenchantement » caractérisant la modernité ; processus par lequel la croyance se trouve organisée par des systèmes de savoir et la conduite déterminée par des règles systématiques et abstraites. Rationalisation de la conduite au centre, contrôl par l'intellect. Il définira l'action comme « () un rapport moyens-fin et entraînant la baisse de l'intensité émotionnelle de l'amour, l'abandon de soi et baisse de l'expérience de ravissement »705. L'exercice régulé, institutionnalisé - provoquant une multitude de désirs - et marchandisé de l'imagination est centrale de la société bourgeoise, en transformant la nature même du désir amoureux, codifiant les fantasmes culturels. Cette imagination, comme pratique sociale et culturelle, constituerait une grande partie de notre subjectivité, le désir et l'acte de volonté. « Comment des désirs, ancrés dans des cultures, créent-ils à leur tour des formes ordinaires de souffrance? »706. Illouz fait l'hypothèse que les imaginaires collectifs pèsent sur l'expérience amoureuse et sexuelle, utilisant des scénarios préétablis, des récits efficaces. La modernité serait caractérisée par le clivage grandissant entre l'expérience et sa représentation. « Tout se passe comme 702 703 704 705 706 Paul P., 22-19-2010, article « Love hurts », in NY Times Firestone, 1970, p. 164 Illouz, 2012, p. 299, op. cit. Weber, p. 83 Illouz, 2012, p. 384, op. cit. 232 si le désir amoureux était de moins en moins déterminé par l'inconscient »707. « J'affirme qu'il est de plus en plus difficile pour le désir, pour l'imagination et le réel de se relier les uns les autres »708. Images stéréotypées, fantasme et imagination auto-générés, associés au contrôle. Internet crée des « sentiments fantômes ». Le désir ne se nourrit que de lui-même, l'imaginaire tente de se déplacer vers un réel inatteignable. La psychanalyse, comme toute autre discipline, est historiquement contextualisable. Ses seuls outils ne permettraient pas de saisir pleinement les enjeux sociaux dans lesquels elle est prise selon Lézé, anthropologue de la santé mentale 709. Il propose une autre lecture des fondements de l'autorité des psychanalystes que l'efficacité symbolique : montrer la rationalité sociale de la psychanalyse. Une pratique selon lui difficile à situer dans l'espace social, qui est à la fois omniprésente médiatiquement et dont les acteurs cultivent une forme d'invisibilité ; pratique reçue à la fois comme un discours intellectuel critique et comme une source d'émancipation individuelle. Certains anthropologues710 pense que l'analyse du contexte social dans lequel la psychanalyse se débat actuellement mérite une authentique étude anthropologique, susceptible de l'amener à changer certaines postures sociales qui lui sont reprochées. Par exemple l'homosexualité ou l'homoparentalité. A le déclin de la suprématie de certains énoncés psychanalytiques seraient selon eux davantage une chance qu'un risque, car la nécessité d'une modernisation de son discours se fait authentiquement sentir. Ils travaillent sur certaines conséquences de la révolution des théories du genre. Notant que Lacan a construit une théorie originale du sujet, mais toujours déterminé par le rapport que le sujet entretient avec la différence anatomique des sexes, ils posent la question: « Qu'est-ce qu'un sujet, dès lors que le sexe anatomique et le genre ne se confondent plus nécessairement? () Or les études de genre () cherchent à dénaturaliser complètement le genre, et par extension le sujet, () de le détacher de l'idée même d'une différence fondatrice des genres »711.
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