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French-Science-Pile
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Open Science
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Various open science
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Amélioration de la Réponse Spectrale du Signal de Sortie d'un Pont Monophasé par l'Application des Signaux de Commande Générés par la Méthode Triangulo-Sinusoïdale, Décalés de M
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None
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French
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Spoken
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| 3,579
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Rev. Energ. Ren. Vol 5 (2002)33-38
DOI: https://doi.org/10.54966/jreen.v5i1.884
Amélioration de la Réponse Spectrale du Signal de Sortie d'un Pont
Monophasé par l'Application des Signaux de Commande
Générés par la Méthode Triangulo-Sinusoïdale, Décalés de π
SidAli Chikhi et Fethya Chikhi
Station d’Expérimentation des Equipements Solaires en Milieu Saharien
B.P. 478, Route de Reggane, Adrar (01000). Algérie
Résumé - Nous voulons montrer, par le présent article, qu'il suffit de réaliser un décalage de π du
signal généré par la méthode triangulo-sinusoïdale, pour un cas très particulier, et d'appliquer le
signal généré ainsi que celui décalé de π, en tant que signaux de commande à un pont
monophasé, pour que le signal de sortie ait une fréquence de découpage double de celle du signal
de commande.
A la fin, de cet article, nous donnerons quelques résultats expérimentaux qui confirment les
résultats théoriques.
Abstract - We want to show, by the present article, that it is sufficient to achieve a shift by π of
the signal generated by the triangular sinusoidal method, for a particular case, and to apply the
generated signal as well as the shifted by π one, as single phase bridge control signals, so that the
output signal will have a switching frequency double of the control signal one.
At the end, of this paper, we will give some experimental results that confirm the theoretical
results.
Mots clés : PWM - Commande - Harmoniques - Onduleur monophasé.
1. INTRODUCTION
La fréquence de commutation est un paramètre important pour le dimensionnement du
filtre de sortie du convertisseur à sortie sinusoïdale et pour le choix des commutateurs de
puissance [1-5]. Plus la fréquence est élevée, moins encombrant est le filtre. Par contre les
pertes à la commutation deviennent importantes.
Dans cet article, nous allons montrer qu’il est possible de doubler la fréquence de
découpage du signal de sortie d’un pont monophasé sans pour autant agir sur celle des
signaux de commande. Autrement dit, nous allons faire commuter les transistors de puissance
du pont monophasé, à une fréquence deux fois moins faible que la fréquence du signal que
génère ce dernier. Ceci, est réalisable, par simple décalage de π des signaux de commande,
calculés à partir de la méthode en PWM par comparaison triangulo-sinusoïdale synchrone, qui
présente une particularité, que nous jugeons intéressante du point de vue spectre, que nous
allons voir dans l’étude du spectre.
En ce qui concerne, le calcul des instants de commutation, du signal de commande, nous
avons pris un signal triangulaire de période 2g♣, d'amplitude unité, avec un signal sinusoïdal
de fréquence fixe et d'amplitude r. Nous avons considéré la fréquence du signal triangulaire
très grande par rapport à celle du signal sinusoïdal et qu'elle constitue un multiple entier de
cette dernière.
♣
g = demi période du signal triangulaire exprimée en radian en considérant la période du signal sinusoïdal égale
à 2π.
33
S. Chikhi et F. Chikhi
34
Fig. 1: Principe de calcul des instants de commutation
Dans ce cas, nous obtenons les formules suivantes correspondantes aux instants
d'intersection des deux signaux, sur une période, (voir Fig.1).
tk = g
g
g
g
r sin ( 2 k − 1) − r ( 2 k − 1) cos ( 2 k − 1) + ( 2 k − 1)
2
2
2
t k +1 = g
g
2 − rg cos ( 2 k − 1)
2
g
g
g
r sin ( 2 k + 1) − r ( 2 k + 1) cos ( 2 k + 1) − (2 k + 1)
2
2
2
g
− 2 − rg cos ( 2 k + 1)
2
(1)
(2)
Où ;
r = amplitude de la référence sinusoïdale ;
k =1, 3, 5,..., m-1 ;
m = 2n ;
n = fp/fs; indice de modulation (rang de la porteuse) ;
fp = fréquence du signal triangulaire [Hz] ;
fs = fréquence du signal sinusoïdal [Hz];
g = 2π/m [rad].
2. ETUDE DU SPECTRE ET SIMULATION
La connaissance des instants de commutation du signal en PWM, nous permet de calculer
le spectre de ce signal par les formules habituelles des coefficients de Fourier. Ce pendant, le
spectre du signal, obtenu par la méthode triangulo-sinusoïdale synchrone, présente,
particulièrement, des raies autour de la porteuse, pour les indices de modulation supérieurs à
6, localisées sur les rangs n-4, n-2, n+2, et n+4, n, étant le rang de la porteuse. Pour les faibles
valeurs de r, les harmoniques n-4 et n+4 deviennent négligeables [6,7].
Cette disposition un peu particulière de toute une famille d’harmoniques, va nous
permettre moyennant quelques arrangements, d’améliorer le spectre de sortie d’un pont
monophasé. En effet, si, n, est pair, les autres raies autour de la porteuse auront des rangs
pairs. Par ailleurs, nous pouvons démontrer par l'analyse de Fourier que la soustraction d'un
signal périodique avec lui-même décalé de π, donne un signal où toutes les raies paires sont
nulles.
Amélioration de la Réponse Spectrale du Signal de Sortie d’un Pont…
35
L’équation (3) exprime, d’une façon plus générale, l'amplitude des harmoniques du signal
qui découle de la soustraction de deux signaux périodiques, de formes identiques, décalés
d’un angle quelconque ϕ, met en relief ce que nous venons d'avancer.
A j − A 'j = A j 2(1 − cos( jϕ))
(3)
A j = a 2j + b 2j
(4)
A 'j = a 'j2 + b 'j2
(5)
Où ;
aj , bj = coefficients de Fourier d'un signal périodique ;
a'j , b'j = coefficients de Fourier du même signal décalé de ϕ.
Or le signal de sortie (phase) d’un pont H, n’est que la soustraction de deux tensions de
branche de mêmes référence. Donc si on fait en sorte de mettre une tension de branche le
décalage de π, de l’autre ; compte tenu de la formule (3), les harmoniques pairs présents dans
le signal de branche vont disparaître dans le signal de sortie. Par conséquent la fréquence de
découpage du signal de sortie sera doublée, par rapport à celle du signal de branche, puisque
toute la famille d’harmoniques autour de la porteuse, y compris la porteuse elle-même,
deviendra nulle.
Fig. 2: Forme d'onde des signaux de branche (a), (b) et du signal de phase (c) pour n=30
Les figures Fig. 2, Fig. 3 et Fig. 4 montrent les résultats d’introduire le décalage de π, entre
les signaux de commande, d’un pont H, issus de la méthode triangulo-sinusoïdale, sous forme
d'onde et de spectre, pour n=30, Vcc=50Vdc et Veff1♦=20V.
La figure Fig.2, montre l’aspect de dédoublement de la fréquence de découpage du signal
de sortie (c), par rapport aux signaux de branche (a), (b).
Sur Fig.4, nous pouvons remarquer :
−
L’annulation complète des familles d’harmoniques situées autour de n=30 et n=90,
que nous pouvons voir sur Fig.3.
−
La présence de la bande spectrale autour de n=60, comme première famille
d’harmoniques après l’harmonique fondamental, confirme le dédoublement de la
fréquence de découpage de ce signal par rapport à celui sur la figure Fig.3.
♦
Veff1=la valeur efficace de la raie fondamentale de la tension de phase (sortie)
S. Chikhi et F. Chikhi
36
Donc, nous pouvons dire que le décalage de π, dans ce cas bien précis, a comme
conséquence, de diviser par 2 les commutations des transistors de puissance du pont H, par
rapport à la fréquence de découpage du signal de sortie qu’il génère, et de réduire l'espace
mémoire, en octets, nécessaire pour obtenir la même fréquence de découpage du signal en
PWM, sans introduire de décalage de π.
Fig. 3: Spectre de la tension de branche
pour n=30
Fig. 4: Spectre de la tension de phase pour
n=30
Aussi ce décalage a permis de repousser les harmoniques du signal de sortie vers les rangs
deux fois plus élevés que ceux des signaux de commande qui sont à l'origine de ce signal.
3. RESULTATS D'EXPERIMENTATION
Pour confirmer nos résultats théoriques, nous avons implanté, dans la carte de commande,
à microprocesseur, d'un onduleur monophasé à sortie sinusoïdale fixe, 48Vdc/220Vac/1KVA,
conçu au sein de la SEES/MS-Adrar (Algérie), les données ainsi que les programmes, de
génération des signaux en PWM et de gestion de l'onduleur, correspondants à la méthode
proposée.
Nous avons utilisé le matériel suivant :
−
Oscilloscope numérique TDS3054, Tektronix ;
−
Sonde de tension Tek P6139A sur CH1 ;
−
Sonde de courant 80i-500s sur CH2 ;
−
Alimentation stabilisée, midec BK300-15.
Fig. 5: (1) Forme d'onde et (M) spectre de la
tension de branche du pont de l'onduleur
Fig. 6: (1) Forme d'onde et (M) spectre de la
tension de phase du pont de l'onduleur
Amélioration de la Réponse Spectrale du Signal de Sortie d’un Pont…
37
Le calcul des données a été effectué pour une fréquence de découpage des signaux de
commande de 1,5kHz et pour une tension batterie variant de 40Vdc à 60Vdc avec un pas de
1Vdc, tout en maintenant la tension AC de sortie filtrée constante (220Veff/50Hz).
Figure 5 à figure 10 montre quelques résultats, sous forme d'oscillographes, pris sur le
TDS3054, pour une tension appliquée au pont H de 50Vdc.
Fig.7: Forme d'onde de la tension AC de
sortie filtrée de l'onduleur à vide
Fig. 8: Forme d'onde de la tension AC de sortie
sortie filtrée pour une charge de deux
lampes à incandescence de 100w
chacune
Nous rappelons que cet oscilloscope est doté d'un module (TDS-3FFT) permettant de
visualiser le spectre du signal sélectionné, et d’un lecteur de disquette permettant de
sauvegarder, sous forme de fichier, l’image qui apparaît sur l’oscilloscope.
Fig. 9: (2) Forme d'onde et (M) spectre du
courant à l'entrée du transfo de sortie
de l'onduleur à vide
Fig. 10: (2) Forme d'onde et (M) spectre du
courant à l'entrée du transfo de sortie
pour deux lampes(100w)
4. CONCLUSION
Les résultats expérimentaux coïncident parfaitement avec ceux prévus théoriquement, ceci
nous pouvons le voir, en particulier, sur les figures Fig. 5 et Fig. 6, correspondantes aux
tension de branche et tension de phase, qui ont fait l'objet de notre étude théorique (voir Fig. 2
pour les formes d’ondes et Fig. 3, Fig. 4 pour les spectres).
38
S. Chikhi et F. Chikhi
Cette étude nous a montré que le décalage de π, des signaux de commande issus de la
méthode en PWM triangulo-sinusoïdale synchrone, dans le cas où la fréquence du signal
triangulaire est un multiple pair de celle du signal sinusoïdal, a permis de doubler la fréquence
de découpage du signal de sortie du pont monophasé, et de réduire par conséquent de moitié
les commutations des transistors de puissance du pont H.
En outre, la génération des signaux de commande en PWM, par microprocesseur, utilisant
ce cas très particulier, de la méthode triangulo-sinusoïdale, permettra de réduire le nombre
d’octets nécessaire pour générer une période du signal de sortie.
REFERENCES
[1] F. Labrique, H. Buyse, G. Seguier et R. Bausiere, "Les convertisseurs de l’électronique de
puissance. Commande et comportement dynamique",. Vol. 5. (1998). Lavoisier. France.
[2] H. Buhler, "Convertisseurs statiques", Presses polytechniques et universitaires romandes.
(1991). Suisse.
[3] P. Benichou, R. Benichou, N. Boy et J-P. Pouget, "Série de Fourier Transformation de
Laplace", Edition Marketing. (1995)France.
[4] B. M. Bird, K. G. King and D. A. G. Pedder, "An introduction to power electronics".
Wiley. (1993). USA.
[5] R. P. Bouchard et G. Olivier, "Electrotechnique", Presses internationales polytechniques.
(1999). Canada.
[6] G. Seguier et F. Labrique, "Les convertisseurs de l’électronique de puissance. La
conversion continu-alternatif ". Vol. 4,(1989)pp. 126-133. Lavoisier. France.
[7] J. Bonal, G. Seguier, "Entraînements électriques à vitesse variable". Vol. 2, (1998), pp.
199-201. Lavoisier. France.
[8] S. Chikhi et F. Chikhi, "Nouvelle stratégie de commande en PWM, appliquée aux
onduleurs monophasés, pour les applications solaires", CD-ROM SIPE5-Bechar Algérie
(2000).
| 34,189
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French-Science-Pile
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Open Science
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Various open science
| 2,023
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Le travail du lien éducatif. Recherche socio-clinique d’orientation psychanalytique à partir d’interventions aux côtés de professionnels impliqués dans des dispositifs dédiés aux adolescents décrocheurs.. Education. Université Vincennes Saint-Denis Paris 8, 2019. Français. ⟨NNT : ⟩. ⟨tel-04116180⟩
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None
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Spoken
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La principale adjointe retrace le parcours de l’orientation et souhaite mettre en avant qu’il y a eu des « échecs liés à des procédures d’orientation autour d’une 3èmeappelée découverte trois heures ». Une commission en fin de 4ème a décidé de ne pas orienter Joséphine selon ses vœux. Et en début d’année scolaire, la possibilité avait été offerte d’envisager une 3ème DIMA. Cela ne se fera pas, autre déception. Cette question de l’orientation opère un déplacement dans l’échange entre adultes. Le groupe sort progressivement d’un état des lieux de la situation et historicise progressivement les étapes de la relation avec Joséphine, et l’évolution des difficultés. A ce moment de la séance, la clinicienne interroge Joséphine : « Tu discutes avec d’autres de ton orientation? ». Joséphine répond avec beaucoup d’émotion : « Je me suis fait refuser la DP6. Je ne parle à personne cette année. Je sais qu’ils vont y arriver et pas moi. » La clinicienne propose au groupe d’entendre que « derrière une attitude arrogante, il y a une souffrance de ne pas y arriver. Si elle - 216 - arrive à rebondir, c’est aussi pour elle. Peut-être d’autres vont suivre. ». La mère exprime à son tour sa colère et sa déception vis-à-vis de l’école. Pour elle l’orientation a été compliquée. Le groupe n’est plus dans le même climat. Le propos de la maman a été plus incisif et dure dans la parole à l’égard de l’école. La maman dit : « C’est ça le problème on pousse par la porte. On n’aide pas Joséphine et qu’on n’essaie pas de la comprendre. » Il est question de l’orientation envisagée avec Joséphine. Les médiateurs parlent d’un CAP petite enfance ou du métier d’AMP, mais aussi de technicienne de labo. La CPE propose une hypothèse sur ces choix d’orientation : « Joséphine a un père invalide, est-ce le lien? ». La clinicienne s’en saisit : « Je suis touchée par le fait que le père est invalide et que Joséphine s’occupe de son papa le soir. ». Le médiateur ajoute : « Il y a quelque chose de gratifiant à s’occuper des autres. J’en sais quelque chose. L’aide à l’autre fait partie de notre fonctionnement, quand ça ne fonctionne pas on le vit comme un échec ». Une enseignante exprime alors son « sentiment d’impuissance » en écho à ce terme d’échec. Elle poursuit : « Tout est décousu ». Elle s’adresse à Joséphine et dit : « J’ai besoin de te voir davantage. Ce qui me préoccupe c’est ce que tu vas devenir dans quelques mois ». Une autre enseignante, exprime le besoin que Joséphine se pose à la fin du cours avec elle, pour rester parler : « Peut-être Joséphine croit-elle qu’on l’affiche et qu’on l’enferme dans cette ancienne image? ». Elle donne un conseil à Joséphine : « Il faut attraper la perche... On est prêt à rompre l’image ». L’enseignante d’anglais exprime le fait « qu’il y a un règlement à appliquer pour tous. Joséphine n’a pas ses affaires, elle n’a pas de cahier comme demandé. Elle a des choses à accepter pour elle et pour d’autres ». Dans ces paroles qui circulent, la clinicienne propose de restituer au groupe ce qu’elle perçoit. Elle propose trois reformulations écho de ce qui circule : « une maman qui est en colère contre l’école à travers ce qu’elle entend de sa fille » ; « des enseignants qui ouvrent des voix et font un pas de côté », « Joséphine dit : je ne sais pas si ça va marcher? ». La médiatrice d’Ecole et Famille, jusque-là restée dans le cercle et plutôt silencieuse, se demande, quant à elle, s’il ne faut pas « dédramatiser l’orientation ». La séance touche à sa fin. La clinicienne interroge à nouveau. « Comment Joséphine à son tour peut apporter quelque chose? Comment - la maman et le papa peuvent aussi apporter quelque chose? Est-ce que tu te fais du souci pour quelqu’un Joséphine? - Non. Il serait intéressant de constituer un petit groupe pour suivre le parcours de Joséphine et rester en lien avec la maman. Ce serait un dispositif plus petit pour concilier : plaisir, inquiétude et soin ». Un dernier tour de table s’opère qui semble prendre la tournure d’une prise de parole de chacun, comme en entrée de séance. Chaque participant proposera un engagement, chacun se situe par rapport aux autres et à partir de ce qu’il a entendu. Sur mon carnet, je prends en note l’expression de chacun. La professeure d’espagnol qui dit : « j’aimerais bien pouvoir t’aider ». L’infirmière, qui a vu récemment Joséphine dans le bureau du CPE, dit qu’elle sera attentive et que « leur objectif était de ne pas mettre la barre trop haute pour Joséphine ». L’assistante sociale pense qu’il y a beaucoup de professionnels impliqués, « je suis présente mais j’ai l‘impression que je ne m’imposerai pas ». Le responsable du Centre Jeune de la Ville dit « accroche-toi » et parle de son parcours à Joséphine. La principale exprime sa satisfaction que Joséphine ait eu « le courage de venir et d’entendre qu’on a besoin d’elle ». Elle conclut : « On est tous reliés, on est tous en lien : que l’on s’aime ou que l’on ne s’aime pas ». La maman de Joséphine aura une parole concise « ce n’est pas facile, c’est clair. J’ai vu l’objectif, merci à vous tous ». La clinicienne : « je compte sur vous pour informer les autres professionnels et le papa, et pour constituer un petit collectif. »
5.4.2
Quand
l’
intime fait
ef
fraction A l’issue de cette concert
ation clinique qui a dur
é
environ 1
h30
, la clinicienne et la médiatrice
proposent un échange entre
professionnels
. Il s’agit d’un petit temps de retour d’expérience à titre formatif. Au regard de la charge émotionnelle dans le groupe ce temps se présente aussi comme un sas d’expression et de décompression. Je perçois le groupe très contenu et éprouvé par cette rencontre avec la maman de Joséphine. Comme souvent dans les séances de concertation clinique proposées par Ecole et Famille, les professionnels s’interrogent sur la question de l’intime et du professionnel sur leur articulation. La parole partagée, l’écoute de la maman et de sa fille font effraction et chaque - 218 - professionnel doit se l’approprier et l’élaborer dans son positionnement professionnel. Ces échanges me font penser à d’autres réflexions sur l’intimité lors du travail avec les référents PRE, ou lors de l’observation d’une formation-action organisée par Ecole et Famille. « On est dans l’intime de l’autre. On n’est pas dans l’intime de soi-même. » dit une éducatrice spécialisée. Une autre réagit en complétant : « La distance que l’on met entre notre vie intime et la vie professionnelle... c’est la chose la plus intime qui peut être exposée. » Interrogeant la pratique de concertation où plusieurs personnes sont réunies, un autre travailleur social commente : « Je ne comprends pas quand on est dans une équipe de 25 personnes comment ça peut venir percuter notre intime » (Annexe 2.2, Retranscriptions de notes, Carnet de terrain, Intervention Ecole et Famille 2011-2013, 83). L’enseignante d’anglais semble perturbée par cet échange, je dirais aussi qu’elle est insatisfaite de son issue car elle en attendait une résolution de sa difficulté relationnelle avec Joséphine. D’emblée, l’enseignante d’anglais questionne : « J’ai l’impression qu’il n’y a que moi qui aie des problèmes avec Joséphine? ». Toujours dans cette position méta, le médiateur lui explique que Joséphine « a besoin de péter un câble » et « c’est son exutoire le cours d’anglais ». La clinicienne coupe court par une question : « Est-ce qu’il y a un autre angle d’attaque à l’issue de cette rencontre? Une nouvelle façon de s’adapter? ». C’est la CPE qui répond : « peut-être avant on travaillait de manière éclatée. Aujourd’hui, à l’issue de cette rencontre on va vers une synergie de groupe qui va vers du positif. » Les participants acquiescent, et la clinicienne restitue au groupe le fait que la maman a réglé ses comptes par rapport à l’école. Un échange s’ouvre sur l’orientation. Joséphine apparait comme une jeune pleine de ressources, touchante et dégourdie ; mais c’est l’absence de mobilité de Joséphine qui inquiète. L’option la plus pertinente pour elle nécessiterait de la mobilité. Comment préparer cette question? La clinicienne pense que la « maman par son attitude et ses peurs exprime un « va mais ne me quitte pas » ». Elle suggère aussi qu’il est important de travailler en lien avec cette maman et de lui demander de l’aide pour les démarches. - En effet, c’est Joséphine qui s’occupe de son père et peut-être « en s’occupant de son père, elle s’occupe d’elle ». Ce moment de partage sur les hypothèses de ce qui immobilise et rend Joséphine absente s’arrête là, sur cette formulation de la clinicienne : « en s’occupant de son père, elle s’occupe d’elle. » Cela fait effet de scansion. Un silence s’installe puis les participants partagent leurs impressions sur la dimension inhabituelle de ce genre de démarche : « être assis en cercle et se voir comme ça, échanger... ». Seuls la clinicienne et le médiateur du collège mobiliseront mon attention sur ce dernier temps. La clinicienne par son commentaire : « on est à égalité! », et Chris parce qu’il cherche à ouvrir, repositiver, restaurer. Il avait fait remarquer pendant la séance que c’est rare de parler des difficultés avec les adolescents entre eux, « pourtant il y a d’autres jeunes en difficulté dans la scolarité et qui ont peur de ne pas y arriver comme Joséphine ». Il propose de « mettre en place un petit groupe de parole autour de ces jeunes proches de la problématique de ces « jeunes coincés », « qui ont peur de ne pas réussir » ». La médiatrice d’Ecole et Famille me confie que la séance a été une réunion particulièrement difficile pour elle. Je n’ai pas éprouvé ce même ressenti. J’ai pris des notes pendant toute la concertation sans suivre le fil de mon écriture. Ce qui s’accroche en moi c’est « le père invalide » nommé comme tel sans savoir de quoi il en retourne vraiment. C’est aussi la question narcissique de « vouloir aider », ces enseignants qui veulent apporter « tous leur aide », « faire quelque chose ». Certes mais là encore, faut-il penser individuellement ou collectivement l’accompagnement éducatif du jeune? L’animatrice de réseau identifie en fin de concertation ce qui pourrait être la problématique de cette jeune Joséphine : elle serait aux prises avec de multiples responsabilités mises en situation de ce que certains psychologues appellent la « parentalisation ». La personne qui devait prendre les notes pour l’association est absente et les deux co-animatrices me demandent de prendre des notes pour un compte-rendu de séance. Face à un groupe si important et convoqué à une autre place que celle d’observateur non-participant, je suis pris par l’angoisse de ne pas pouvoir retranscrire. Je m’étais d’abord mis dans une posture de scribe au mot à - 220 - mot, seulement cette écriture s’est arrêtée au moment de la prise de parole de la maman de Joséphine, et de Joséphine elle-même. J’ai été saisi par les propos et attrapé par cette question du père absenté. Ma prise de note s’est transformée en annotations dans la marge. Alors que j’ai eu l’impression d’écrire durant toute la séance, je me rends compte ensuite que mes notes sont assez lacunaires, parfois même énigmatiques. Quand la référente du Comité Local de Sécurité et de Prévention de la Délinquance prend la parole, je note : « la référente du CLS fait son homélie : accroche-toi! ». Mes notes d’après séances sont elles aussi très succinctes parce que dans l’après coup ce n’est pas la séance qui me mobilisera mais plutôt la question du « père invalide ». Une note assez énigmatique même dans l’après coup semble dire mon ressenti de fin de séance : « (aux abords... de l’écriture, de la narcissique, de l’aide et du point où ça jouit...! Remettre le « mésinscrit »!). » Finalement, ces espaces de concertations comportent aussi le risque de devenir des lieux de monstration et de mise en scène.
5.4.3 L’autorité en question
Outre les séances de GSED, j’ai aussi observé trois séances de travail de trois heures d’une équipe pédagogique dans le collège Ariane. Ce collège de ZEP d’une ville moyenne du 93 avait sollicité l’association pour améliorer ses pratiques d’accueil, de relation avec les parents. Ce groupe, animé par la médiatrice d’Ecole et Famille, était constitué d’un CPE des 5èmes et 3èmes, de l’assistante sociale scolaire, de l’infirmière de ce collège et de l’infirmière d’un autre collège invitée. Y participaient aussi six enseignants, et une institutrice spécialisée de la SEGPA et parfois les assistants pédagogiques. Contrairement aux autres groupes que j’ai pu observer, celui-ci n’était pas centré sur l’analyse de situation et ne cherchait pas directement à élaborer des pistes nouvelles pour le soutien d’élèves en décrochage ou en absentéisme. Cette séance de travail témoigne d’un travail de groupe installé, même si l’arrivée de chacun (enseignants, CPE, personnel médical) se fait au goutte à goutte. D’ailleurs, au moment de l’attente des participants, ce qui se discute c’est la - 221 - question du précédent compte-rendu et la manière de présenter cet espace de travail dans le collège, aux autres enseignants. Le Chef d’établissement a demandé à relire et à amender le document avant distribution. La séance est consacrée au thème de « l’autorité éducative ». L’animatrice d’Ecole et Famille commence par un brainstorming et organise sous forme de carte heuristique les mots, définitions et caractéristiques proposés par les membres du groupe. Dans ma prise de note60, j’entoure le mot « affectif » et note que les enseignants ne sont pas conviés aux GSED parce qu’ils sont « trop dans l’affectif ». Je transcris une discussion : « C’est de l’affectif? C’est du travail éducatif? C’est du temps passé? ». Les enseignants tentent de nommer ce qui dans la relation prend, ce que je nommerais quant à moi, une relation transférentielle : « Il ne faut pas avoir peur du sentiment » dira un assistant pédagogique. Le CPE réagit à son tour : « Ils ne sont pas autour de cette table ceux qui pensent que les élèves sont les élèves! ». Les enseignants tentent de nommer les lieux et les non-lieux de la pratique enseignante : « Il est où notre cadre? ». D’en exprimer les évolutions et les points de tension : « est-ce qu’il faut laisser les valises à l’extérieur? » dit une enseignante. Plus tard, la question de la valise reviendra quand il sera question des élèves cette fois : « les gamins ont leurs valises bien pleines ». Le débat continue sur l’autorité. L’animatrice m’interpelle dans la réunion et me demande mon avis... Surpris, je réponds et propose une comparaison entre l’hôpital, les couloirs et la superposition des cadres de l’autorité. En sortant du collège, trois enseignantes fument une cigarette. Comme surprises de nous voir là, elles s’adressent à l’animatrice du groupe : « on était en train de dire que ça fait vachement de bien de parler. » Une autre enseignante ajoute : « on débat, on réfléchit, on se clarifie. ». J’ai pour ma part le sentiment que la discussion apparemment très générale les a bousculées et travaillées. Je mobilise ici ces observations de séance et d’après-séance, parce que la thématique centrale du travail groupal a été durant les trois séances la question de l’autorité, alors qu’il s’agissait de travailler sur le lien parents-école. La clinique de Annexe 2.3, Notes d’observations et comptes-rendus de séances au collège GBP, Intervention Ecole et Famille 2011-2013, 77-78 60 - 222 - réseau et les espaces ouverts par E&F sont des espaces de régulation et d’expression. Ils sont des « sas de décompression » comme disent les professionnels. Il y a une dimension forte de réappropriation de leurs pratiques et une réarticulation des autres cadres de travail de chaque professionnel présent dans l’équipe du collège. La thématique autour de l’autorité éducative prenait une teinte particulière si on la mettait en écho avec le mouvement permanent de discussion autour du rapport des enseignants au chef d’établissement. Les participants semblent nommer un rapport de méfiance et de contrôle installé dans leur collège. Finalement, il a beaucoup été question dans cette réunion de la vie scolaire, de la rencontre entre la classe et la vie des jeunes : la vie scolaire comme entre-deux. L’équipe semble éprouver la crainte d’une rupture, « d’une séparation avec les cadres ». Ici, il est question des responsables de l’établissement, mais cette notion de séparation au travail et de crainte d’un lien rompu traverse, de manière plus implicite, les relations entre les professionnels. Le divorce est utilisé comme métaphore pour qualifier la relation au chef d’établissement. 5.5 LE MAILLAGE EDUCATIF STRUCTURANT : UNE HYPOTHESE A REVISITER 5.5.1 La cohérence éducative en réseau, ciment imaginaire du travail autour des adolescents décrocheurs
Nous l’avons vu au fil des matériaux récoltés auprès d’Ecole et Famille, le travail en équipe ou en réseau mobilise autour des adolescents les investissements des professionnels présents, leurs déontologies et leurs pratiques prescrites par des métiers. La concertation dont parle Ecole et Famille, et sur laquelle elle intervient, n’est pas une réalité caractérisable aisément tant elle prend des formes et des configurations multiples. Les vignettes présentées ici, comme celles présentées par les référents PRE, déplient des scènes de la concertation interne d’équipes de collège, des espaces de rencontre inter-partenariaux et des espaces où sont invités les jeunes et leurs parents. Ce « travail de réseau » est souvent mobilisé dans le discours des acteurs comme une ressource pour lutter contre le décrochage et il serait devenu une nécessité des institutions. Ces espaces viennent interroger les - 223 - liens d’adolescents et de leurs familles avec ces professionnels tant dans le registre symbolique par le jeu des affiliations, qu’imaginaire par le jeu des identifications. J’envisagerais comme territoires imaginaires de l’éducation cette autre scène de la pratique partenariale autour des adolescents décrocheurs. Ces territoires de la réussite et de la cohérence éducative se sont constituées comme ce que Castoriadis nomme les significations sociales imaginaires, « ciment invisible tenant ensemble cet immense bric-à-brac de réel, de rationnel et de symbolique qui constitue toute société et comme le principe qui choisit et informe les bouts et les morceaux qui y seront admis » (1975, 216). Pour l’auteur, ces significations ne sont perceptibles que dans l’écart entre une dé fonctionnelle-rationnelle d’une société ou d’une institution, et la courbure perçue dans la vie et l’organisation de cette société. C’est d’ailleurs à ce niveau des significations qu’opère un déplacement sémantique entre l’approche des PRE et celle d’Ecole et Famille ; de référent de parcours « animateur de réseau » à thérapeute de réseau. S’il est question de clinique de réseau à l’association Ecole et Famille c’est bien parce que ces remaniements des territoires de l’éducation ne sont pas seulement des remaniements des politiques d’action sociale. Les actions de concertations orchestrées par l’association Ecole et Famille dans des groupements de professionnels permettent de comprendre que l’injonction au partenariat n’est pas suffisante. Le travail en partenariat risque de se cantonner à un travail à partir des représentations ordinaires et premières sans qu’elles soient élaborées et déplacées par cet autre qui s’adresse à nous. La capacité de ces acteurs à penser des situations, des rencontres passe par une nécessité de rendre visualisables des relations et des événements morcelés dans le vécu de chacun et dans le réel des prises en charge éclatées. Une grande partie de la vie interne de ces adolescents, mais aussi de leur réalité quotidienne n’est pas audible ou visible pour les adultes qui les accompagnent, alors même qu’elle s’actualise et mobilise leurs espaces de concertation. L’individualisation des parcours d’accompagnement, cette prise en compte des situations particulières qui produit des effets de dépôt et d’exportation. Les équipes prennent conscience que ces adolescents sont des « activateurs » de liens, pour reprendre un terme de l’association Ecole et famille. Les médiateurs de réseau, comme Ecole et Famille, travaillent au nœud du subjectif et du social. Ils sont des « entremetteurs sociaux », comme le qualifie Jean-François Garnier (1999), sociologue au LARES de Rennes. Ecole et Famille procède d’un travail d’« entremise sociale relative au territoire, c’est-à-dire un apprentissage subjectif et singulier de l’usage de ce dernier par la personne, permis par l’exercice d’affiliation ou de réaffiliation identitaire. Elle insère socialement l’espace plutôt qu’elle ne s’insère dans un « territoire social » qui lui serait plus abstrait, mais moins saisissable car posé sans elle ». François Marty psychanalyste et enseignant-chercheur, propose dans un article Figures du lien (2002) de définir et caractériser le « travail du lien », d’un lien qui noue, qui attache d’un côté et qui de l’autre sépare, rompt, casse. Ce concept socio clinique permet de qualifier la manière dont prennent place les animateurs de réseau comme Ecole et Famille, dans une société plurielle et complexe, dans une multitude de partenariats, d’interlocuteurs, de lieux. Cette double dimension du lien (lier/délier) opère, nous l’avons vu, à différents niveaux : intrapsychique (processus de liaison/déliaison), intersubjectif, mais aussi dans les liens institutionnels et sociaux. Ils sont au carrefour, aux nœuds de ces liens agissant (ce que François Marty nomme le « connexionnisme »). Les pratiques analysées ici portent une hypothèse qui n’est pas seulement présents dans le travail d’Ecole et Famille : le maillage éducatif permettrait de prévenir le décrochage ou permet à l’adolescent concerné de se réinscrire dans une relation à l’école et aux adultes qui l’accompagnent. Les discours des professionnels ne cessent de porter cette idée que le réseau autour et avec les adolescents dits « décrocheurs scolaires » est une nécessité pour produire de nouveaux « arrimages ». Au fil de cette recherche, j’ai été moi-même dans une position paradoxale quant à cette question du travail en réseau et à la nécessité d’un maillage éducatif. J’ai travaillé pendant dix ans dans une association développant cette médiation famille-école-cité. En tant qu’éducateur, j’ai toujours cherché à tisser ces liens de concertation et de co-éducation. Cela étant posé, du point de vue de la recherche, la question demeure : est-ce que cette recherche de cohérence permet une (ré)inscription subjective et sociale de ces adolescents? En même temps que ces maillages sont un levier pour sortir de la difficulté, ne sont-ils pas une entrave?
5.5.2 La fonction contenante et réaffiliatrice du maillage
Un travail d’observation des réseaux tissés dans le secteur de la périnatalité a été mené par le psychanalyste Pierre Benghozi. Il propose une analyse clinique de ces pratiques professionnelles à partir de l’idée de René Kaës selon laquelle « les avatars du lien de filiation peuvent être traités par du lien d’affiliation ». Il conçoit le maillage produit par ce réseau de la périnatalité comme un travail de réaménagement du lien affiliatif. Pour Benghozi, la maille est conçue comme « une nouvelle entité psychique non réductible à un lien particulier mais correspondant à une fonction liante et contenante » (2007a, 165). Ainsi, ajoute-t-il : « lien filiatif et affiliatif sont-ils repensés en termes de dynamique de maillage, démaillage et de remaillage non comme des liens radicalement dissociés mais comme des liens susceptibles d’être interconnectés pour former un espace psychique nouveau, celui de la maille » (id., 165). Cette approche foncièrement optimiste laisse ouvert le champ des possibles pour des sujets en souffrance ou en fragilité de lien de filiation. Le lien réseau, dans l’approche proposée par Benghozi, est un étayage par « remaillage affiliatif d’une fonction contenante défaillante » (id., 165). Cette hypothèse clinique de la fonction réparatrice des fonctions contenantes défaillantes rejoint l’hypothèse récurrente dans la pratique des animateurs de réseau autour de ces enfants et adolescents en décrochage. En effet, il convient de regarder dans le récit des parcours PRE, mais aussi dans les cartographies d’Ecole et Famille, le lien permanent entre fragilité du lien parent-enfant et nécessité d’inscrire l’enfant dans d’autres liens, voire d’autres lieux. La souffrance du lien de filiation est souvent abordée par un travail de réaffiliation sociale par les référents professionnels. Entendu dans sa transversalité, le réseau permet selon le discours des professionnels de « relier », d’unifier, de mettre en cohérence. Seulement, la rencontre entre les réseaux institués et les maillages adolescents n’est pas toujours facilitante. Elle n’amène pas forcément les passages attendus ou les cohérences rêvées. Dans une recherche clinique en Sciences de l’Education, Caroline Le Roy explore la question des réseaux dans le champ de l’insertion et de la formation d’adultes. Elle parle de réseau-famille au sens d’un réseau lié sur un fantasme de - 226 - n’avoir pas besoin de dire parce qu’on est de la même famille. Le réseau se présente comme ce qui vient rencontrer la part omnipotente du jeune et aussi des professionnels (2008, 132). En présentant l’analyse d’un entretien clinique de recherche avec une formatrice en insertion, elle interroge la fonction pour le groupe du réseau entre « co-refoulement » et « co-contenance » (id., 114). Comme le montre Caroline Le Roy, le rapport des professionnels à la parole et au secret s’inscrit dans une fantasmatique familiale. « Cette image pourrait renvoyer le tryptique opérateur-commanditaire-jeune à une configuration proche de la triangulation œdipienne (enfant-père-mère) » (id.,119). Je partage cette idée d’un parallèle avec la triangulation œdipienne et l’effet de tiers que peuvent avoir certains partenariats. Cette approche m’amène alors à prolonger ma réflexion sur les enjeux que j’ai qualifiés de conjugaux lors de mon intervention auprès des référents des Programmes de Réussites Educatives. Finalement, la quête d’exclusivité mobilisée par le jeune semble impacter les rapports adultes et rejouer des dimensions de l’ordre de la crise conjugale à l’Œdipe. Cette fantasmatique familiale des dits « partenaires » dénie la part inconsciente de conjugalité et de sexualité dans les rapports professionnels. Je ne sais pas si je parlerais de fonction contenante et alphabétisante du réseau, comme l’a repéré Caroline Le Roy dans ses travaux (2008, 133). De son côté, Benghozi envisage ce réseau comme lieu de dépôt qui permet « un ement transformatif susceptible d’être étayé et accompagné » (2007a, 175). Benghozi situe ce lien réseau du côté de l’éphémère : « le lien réseau n’est donc pas celui d’une affiliation d’adoption mais d’une affiliation d’étayage » (2007a, 175). Encore une fois, il me semble que cette conception du réseau est une conception optimiste et potentielle, qui n’envisage pas vraiment les ratages du travail en réseau et ses formes pathologiques. Concernant les adolescents mésinscrits, ce travail de réseau parvient-il forcément à son désir d’étayer? Ne faut-il pas entendre, analyser et élaborer la part défensive, voire destructive? La façon de faire « équipe pluridisciplinaire » peut s’entendre aussi comme un système défensif voire pathologique (Kaës, 2009). Il me semble que ce sur point il y aurait quelques précisions à proposer. Toutes les alliances ne sont pas structurantes pour les adolescents décrocheurs. L’autre bord des réseaux de réussite éducative
C’est mon journal de terrain qui m’a permis de reprendre, dans un second temps, des éléments peu élaborés avec les professionnels engagés dans les interventions décrites précédemment. Pour Jean Guillaumin (1987), le négatif ne se laisse entrevoir que dans « l’entre-deux du contenable et de l’incontenable », il ne se donne finalement jamais à nous que « par dérobement ». Que ce soit dans le cadre des observations à Ecole et Famille ou que ce soit dans un travail de reprise de l’intervention auprès des référents PRE, j’ai rapidement rencontré dans mes élaborations, mais aussi dans mes ressentis, un point d’achoppement répétitif et certainement refoulé parce que plus négatif. Je constatais les mêmes économies institutionnelles entre les deux interventions avec une réelle difficulté à les élaborer et les nommer. L’intervention dans les établissements scolaires, plus en prise directe avec ce négatif, m’a conduit à revisiter les matériaux de la recherche et le déroulement des séances. Deux passages m’ont amené à revenir sur le déroulé des séances et à m’interroger sur mon ressenti, en lien avec mon hypothèse de recherche sur la panne. Un premier écrit : « Point d’étape sur les observations de séances de travail d’Ecole et Famille. Peut-être ai-je à faire à une question d’E&F. L’association n’intervient pas seulement sur la clinique de concertation, mais aussi sur les conditions de sa mise en œuvre dans les institutions, sur un territoire donné. Elle est une clinique au sens étymologique de « klinos », de bord du lit c’est-à-dire où elle compose à partir de là où l’autre en est, où elle en est. Beaucoup d’outils ou de ressources sont proposés aux collèges ou aux équipes éducatives, seulement, ces dispositifs pédagogiques et institutionnelles n’opèrent parfois pas, parce qu’ils n’y ont pas eu une préparation nécessaire, un « terreau » pour que s’inscrive le dispositif. Peut-être que les acteurs de l’éducation ont parfois une conception mécanique des institutions où il suffirait d’ajouter une pièce pour que le moteur de la motivation, de la compétence pulse. Mais il n’en va pas ainsi. Le temps de cette clinique de concertation est à prendre en compte. Cette dimension de la temporalité suppose de l’association une part de malléabilité et une capacité médiatrice (Cf. Environnement, setting). « Les mécanismes institutionnels », le sentiment que j’ai que les collèges sont dans des structures de fonctionnement, des logiques et des mécaniques, des rouages rouillés. Machinerie! » (Annexe 2.2, Retranscriptions de notes, Carnet de terrain, Intervention Ecole et Famille 2011-2013, 72) 228 - Dans un second écrit rédigé à l’issue d’une réunion de travail avec le collectif de chercheur d’Ecole et Famille, j’écrivais un peu plus loin dans mon journal : « A travers les observations dans les collèges, j’ai le sentiment que les équipes sont confrontées au côté mortifère et contre-productif des institutions. J’ai le sentiment de mouvements entravés, cristallisés, le conflit n’est pas exprimé, n’est pas visible. Nous percevons plutôt des perceptions faussées, des malentendus, des peurs du conflit. » (Annexe 2.1, Retranscriptions de notes, Carnet de terrain, Intervention Ecole et Famille 2011-2013, 72) Ce négatif à l’œuvre dans les réseaux et dans les situations analysées, m’a amené à interroger la notion d’attaque du cadre, d’attaque du lien et d’attaque de l’ « objet commun » tels qu’ils sont abordés dans la clinique groupale et institutionnelle (Bion, 1982 ; Bleger, 1979). En tant qu’il est considéré comme un outil au service de l’accompagnement d’adolescents vulnérables, le travail en réseau produit des modalités particulières de travail qui modifient les cadres institutionnels et les conditions du travail éducatif auprès des adolescents. Bleger dans son article La psychanalyse du cadre psychanalytique propose d’entendre dans ce qui est vécu par le clinicien ou le groupe comme une « attaque du cadre », comme la voie par laquelle le patient apporte « sa propre organisation bien que désordonnée, la partie, dit-il, la plus primitive ». Il poursuit : « c’est la partie psychotique de la personnalité, la partie non différentiée et non dissoute des liens symbiotiques primitifs. C’est la non-différenciation qui se répète dans le cadre ». « C’est la non-différenciation qui se répète dans le cadre », voilà une formule de Bleger qui comme sa formule « le cadre c’est le non processus » pose un repère clinique utile. Il me renvoie à l’état de la question sur le décrochage scolaire tantôt nommé comme processus, tantôt nommé comme répétition. Quels sont les cadres qui initient, contiennent ou induisent ces processus ou ces répétitions? Peut-être faut-il aussi préciser la clinique de réseau à la faveur des difficultés qu’elles viennent étayer? Nous pourrions, d’ailleurs, interroger les registres transférentiels dans lesquels s’inscrivent les réseaux : fraternels, conjugaux/parentaux, familiaux, recomposés, adoptés. L’investissement - 229 - transférentiel des professionnels aux réseaux ou équipages ne peut être réduit à un seul registre. La recherche clinique peut analyser ici que les modalités identificatoires sont multiples, tout en procédant d’une certaine « malléabilité homologique ». Les réseaux étudiés par Benghozi sont des réseaux d’appui autour de la périnatalité. Les réseaux qu’étudie Caroline Le Roy dans sa thèse sont quant à eux constitués autour de jeunes ou d’adultes en insertion, accompagnés dans un parcours professionnel. En effet, les réseaux que j’ai rencontrés ne sont pas forcément éphémères (« effets mères » comme le dit Benghozi), mais ponctuels ou alternatifs et travaillant plutôt de « l’o-père » (un opérateur, opéré/être efficace, aupère!). Les séances menées à Profession Banlieue n’ont cessé de renvoyer ce signifiant PRE au père. Dans une reprise d’après séances, je note dans mon journal d’observation à propos de l’animatrice d’Ecole et Famille : « Une drôle d’image me vient... celle des animaux nettoyeurs/parasites. Comme le rhinocéros » (Annexe 2.1, Retranscriptions de notes, Carnet de terrain). Je me suis demandé d’où me venait cette histoire de rhinocéros. Outre le fait que RINOS est le nom donné aux décrocheurs dans une étude anglaise présenté dans un article de Jacques Pain (2010), cette image61 porte une ambivalence : nettoyeur ou parasite? Les oiseaux pique-bœufs, que l’on voit dans les reportages animaliers, sont des oiseaux nettoyeurs qui seraient des compagnons de bon augure des zèbres, rhinocéros, etc. En faisant une recherche rapide, j’ai découvert que le pique-bœuf ne veut pas de parasites, mais du sang. On a longtemps cru que les pique-bœufs d'Afrique à bec rouge secondaient les mammifères comme les impalas en les débarrassant de leurs tiques - un parfait exemple d'échanges de bons procédés - mais une étude du zoologiste britannique Paul Weeks a démontré que si l'on tenait ces oiseaux à l'écart d'un troupeau de bœufs, cela n'avait aucune conséquence sur le nombre de tiques présentes sur la peau des bovidés. Sur d'autres bœufs, on a même constaté que les oiseaux picoraient des blessures existantes, retardant le processus de cicatrisation. A vrai dire, c’est un peu la question que je me pose : est-ce que le réseau n’empêche pas l’élaboration du conflit? Les cicatrisations psychiques ou sociales nécessaires? Permet-il un passage ou l’entrave-t-il? Je constate d’ailleurs que la mise en image ou les métaphore s, comme les dessins dans ma prise de note, constituent des formes de tentative de saisie et d’énonciation. CHAPITRE 6 : NJE LATION EDAGOGIQUE AUX ADOLESCENTS DECROCHEURS 6.1 INTERVENTION ET ANALYSE DE PRATIQUES AUPRES DE DEUX EQUIPES DE CLASSES RELAIS 6.1.1 Des chefs d’établissement en demande
Les chefs d’établissements sont souvent les premiers négociateurs de la demande d’intervention. Ils ont été demandeurs de propositions de formation ou d’intervention qui modifient les pratiques des enseignants et des éducateurs. Dans le cadre de ma convention CIFRE, j’ai ainsi été sollicité pour mettre en place un dispositif d’« accompagnement de la classe relais » dans deux lycées généraux et professionnels. Ces deux établissements ouvraient chacun à la rentrée 2010 un dispositif d’accueil d’élèves en difficulté scolaire, repérés comme « décrocheurs ». Comme le précise Gilles Monceau, « la demande d’accompagnement par les équipes professionnelles n’est jamais immédiatement lisible. Un effort de repérage des contradictions de ces demandes doit être fait. On s’apercevra souvent que ces contradictions sont au moins autant institutionnelles que propres à l’équipe. La reconnaissance de cette complexité impose aux accompagnateurs de ne pas répondre aux demandes « telles qu’elles se présentent en premier lieu » (Monceau, 2003, 26). J’ai donc mis en place sur chacun des lieux un dispositif d’intervention et d’accompagnement en lien avec la demande des responsables. J’ai aussi au fil des séances travaillé à partir des aléas concrets de la mise en œuvre de ces dispositifs et avec la demande propre des professionnels impliqués. Dans les deux cas, les établissements scolaires étaient en collaboration avec une association externe pour piloter ce projet de dispositif à destination des décrocheurs. A Lyon, cette association gère un accueil éducatif de jour pour adolescents déscolarisés placés dans cette structure par l’Aide Sociale à l’Enfance ou la Protection Judiciaire de la Jeunesse. Le projet « classe relais » de ce lycée pour l’année scolaire 2010-2011 avait été conçu pour accueillir des élèves décrocheurs de l’établissement et des adolescents venant du centre d’accueil - 231 - de jour dans une perspective de « raccrochage scolaire ». Dans la convention signée, le directeur exprime « son intérêt pour l’accompagnement éducatif et scolaire d’adolescents en difficulté, repérés comme absentéistes, décrocheurs ou en échec dans leur scolarité ». Selon lui, l’équipe éducative engage cette ouverture de classe relais « avec enthousiasme et compétence », mais demande « à être accompagnée au regard des difficultés que posent ces adolescents sur le plan pédagogique, et aux questions qu’ils renvoient dans la relation enseignant-élève ». Un premier constat motivait la création de cette classe : « Le faible niveau scolaire, à lui seul, ne constitue pas un critère même si, dans la plupart des cas, ce sont des élèves en grande difficulté dans les apprentissages. En effet, l’expérience de cette année montre que ces élèves sont entrés dans un processus de rejet de l’institution scolaire et des apprentissages. L’équipe a pu aussi noter chez eux une attitude d’évitement de cours (retards systématiques, infirmerie, bureau du CPE, des médiateurs ou de l’assistante sociale, dispenses indues d’EPS...), un refus ou fuites des règles et une mise en difficulté des processus de sanction habituels, une attitude d’opposition vis-à-vis des adultes, un refus de tout dialogue. Cette année a aussi accueilli un autre « type d’élève ». Il se caractérise plus par leur repli. Au fond de la classe, il n’intervient jamais, oublie son matériel régulièrement. S’il ne fait pas ses devoirs et ne prend pas le cours, il a en revanche un comportement assez positif dans la relation à l’adulte. » (Ecrit du chef d’établissement) A Nice, le lycée professionnel héberge une 4ème et une 3èmeprofessionnelles. Ayant affaire à un absentéisme important de certains adolescents, mais aussi à des comportements violents en classe, l’établissement a décidé de créer une classe spécifique pour accueillir sur un temps de six semaines les adolescents de la 4ème3ème repérés pour leur absentéisme ou pour les problèmes en classe : la classe dynamo. Après une année d’expérimentation et de mise en place, le coordinateur de la classe décide de recruter un éducateur spécialisé pour travailler aux côtés des enseignants. Comme à Lyon, cette intervention s’inscrit dans une autre demande et d’une certaine façon, un autre projet. Monceau, à propos de son travail auprès des équipes de classe relais, note que s’y « joue une forte interférence institutionnelle entre l’institution scolaire et le travail social » (Monceau, 2005b, 218). Alors que l’arrivée d’un travailleur social est vécue comme une opportunité, Monceau repère l’entrave que peut représenter cette collaboration : « Y travaillent ensemble des - 232 - professionnels dont les idéologies professionnelles diffèrent et qui doivent pourtant prendre ensemble des décisions au quotidien. Leurs évidences respectives, leurs conceptions de l’éducation, leurs sens de l’efficacité divergent sur des questions urgentes pour les jeunes qui leur sont confiés » (id.,218). L’intervention est inscrite, d’emblée dans une double demande du dedans et du dehors de l’institution scolaire. Je retrouverai souvent cette thématique du dedans-dehors qui n’est pas étrangère aux caractéristiques majeures des adolescents dits décrocheurs. En effet, l’arrivée d’Hugues comme éducateur spécialisé mobilise le Conseil d’Administration du lycée autour d’un autre projet hypothétique : la création d’une structure de prévention en lien avec l’établissement scolaire qui intervient dans le quartier. Les dispositifs d’accueil d’élèves en difficulté ont tendance à recruter des professionnels autres que les enseignants. Les éducateurs spécialisés et les moniteurs-éducateurs font partie de ces professionnels. J’ai pu aussi constater lors de la lecture des dossiers déposés à la Fondation de France dans le cadre de l’appel à projets : « Aidons les collégiens », comme le recrutement de ces éducateurs peut mobiliser une attente forte des équipes et des institutions. Bien sûr cet investissement massif est à interroger tant il est sur-idéalisé dans sa capacité à « faire avec » ce public spécifique. L’intervention à Nice viendra se loger au cœur de cette question. Lors de mon premier passage à Nice, je comprends, donc, que l’intervention constitue un point de soutien pour cet éducateur dans la manière d’inventer le contenu de ce que sera son poste et le point de rencontre entre ses deux missions. J’imagine qu’elle lui permettra un va-et-vient entre ces deux expérimentations pédagogiques qui visent deux publics et deux modalités : l’une au-dedans du lycée, l’autre au dehors. Hugues prendra une place singulière dans le dispositif d’intervention. Tout d’abord par son engagement dans le travail réflexif, mais aussi par ses investigations. Il contribuera énormément à l’intervention par son travail ’entretien avec les partenaires et par la cartographie du territoire que nous ferons ensemble.
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Les nanocristaux semi-conducteurs ou boîtes quantiques
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L'optique
non linéaire
et ses
matériaux
Les nanocristaux semi-conducteurs ou boîtes quantiques
D.Ricard
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Laboratoire d'Optique Quantique, Ecole Polytechnique, 91128 Palaiseau
France
cedex,
Résumé : Nous discutons ici des propriétés optiques linéaires et non linéaires de colloïdes ou de
verres contenant des nanocristaux semi-conducteurs, l'exemple choisi étant CdSe. Le confinement des
porteurs conduit à un spectre de raies élargies surtout par la grande dispersion de taille des nanocristaux. La non-linéarité qui intéresse les applications est l'effet Kerr statique ou optique. Dans ce dernier cas, il faut distinguer le régime résonant où l'effet dominant est un effet de population et le régime non résonant où le déplacement radiatif est à l'origine de l'indice non linéaire. L'absorption à
deux photons est également considérée.
1. INTRODUCTION
Bien que les colloïdes métalliques par exemple soient connus depuis fort longtemps, l'étude
systématique des systèmes mésoscopiques a commencé il y a une vingtaine d'années. Dans
ces systèmes, de taille intermédiaire entre le microscopique et le macroscopique, le mouvement des porteurs, électrons ou trous, est limité par des barrières de potentiel. Il en résulte une
quantification de l'énergie cinétique selon le schéma bien connu du puits de potentiel. Ce
genre d'étude a d'abord porté sur les puits quantiques formés d'un matériau semi-conducteur
de bande interdite plus faible et d'épaisseur de quelques nanometres pris en sandwich entre
deux « barrières » formées d'un autre matériau semi-conducteur de bande interdite plus
grande. L'exemple le plus classique est formé à partir du couple GaAs/Al Gai_ As. Ces puits
quantiques possèdent des propriétés remarquables telles que la présence de pics excitoniques
même à température ambiante. Cela leur confère des propriétés optiques non linéaires très
intéressantes.
Dans un puits quantique, le mouvement des porteurs est confiné dans une dimension mais
reste libre dans les deux autres dimensions. C'est pourquoi on les appelle parfois des matériaux quasi 2D. Étant données les propriétés de ces matériaux quasi 2D, on s'est demandé ce
qu'il en serait des fils quantiques avec confinement dans deux dimensions, matériaux quasi
1D, ou des points ou boîtes quantiques, matériaux quasi OD. Pour des raisons technologiques
de fabrication, les boîtes quantiques, qui sont donc de petits cristaux métalliques ou semiconducteurs, ont été étudiées en premier. Il est en effet facile de préparer des colloïdes d'or ou
d'argent par réaction chimique en milieu aqueux et les verres contenant des nanoparticules de
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1
x
Nouvelle adresse : Laboratoire Aimé Cotton, UPR 3321 du CNRS, Centre Scientifique d'Orsay, bâtiment 505,
91405 Orsay cedex, France.
Article disponible sur le site EDP Sciences et disponible sur le site http://sfo.edpsciences.org
ou http://dx.doi.org/10.1051/sfo/1998010
74
D.
Ricard
ces métaux sont utilisés depuis des siècles dans l'art du vitrail. On sait également fabriquer
des colloïdes de matériaux II-VI tels queCdS, toujours par réaction chimique. Les techniques
s'étant affinées, on sait maintenant contrôler la taille de ces nanocristaux et aussi préparer des
colloïdes de matériaux III-V. On sait également protéger la surface des particules en y attachant des molécules organiques. On peut enfin préparer des verres contenant des particules de
matériaux II-VI ou I-VII en mélangeant les composants du semi-conducteur (Cd et Se par
exemple) au verre à haute température. Le verre en fusion est alors refroidi rapidement. On
procède enfin à la croissance des cristaux par traitement thermique à une température de 500 à
700 °C. La taille moyenne est déterminée par la température et la durée du traitement.
2. MATÉRIAUX COMPOSITES ET EFFET DE CHAMP LOCAL
Nous discutons donc ici les propriétés de nanocristaux métalliques ou (et surtout) semiconducteurs, en particulier leurs propriétés optiques non linéaires. Ces nanocristaux sont
nécessairement dispersés dans un milieu diélectrique (verre, eau...) et l'ensemble forme un
matériau dit composite. De par la présence de l'interface entre nanocristaux et milieu hôte, un
matériau composite possède des propriétés différentes de celles de ses composants. Par
exemple, un verre dopé par des nanoparticules d'or présente un pic d'absorption dans le vert.
Ceci est dû à un effet de champ local. Les deux composants ont des permittivités différentes, e pour les cristallites et Ej pour la matrice diélectrique. Il en résulte une différence
entre le champ électrique à l'intérieur d'une particule Ej et le champ électrique régnant dans
le milieu environnant E. Pour des particules sphériques de taille petite devant la longueur
d'onde laser, on a la relation simple [1]
n
3e
d
Le facteur f = 3£d/(e+2ed) joue le rôle d'un facteur de champ local macroscopique. Il dépend
en général de la fréquence puisque e en dépend (alors que e est constant en bonne approximation). En particulier, s'il existe une fréquence pour laquelle la partie réelle du dénominateur
s'annule, alors le facteur f présente une résonance appelée résonance plasma de surface. Le
coefficient d'absorption contient le facteur f en module au carré et présente donc lui aussi une
résonance. Ainsi s'explique le pic d'absorption vers 530 nm pour un verre dopé par des
particules d'or [2]. Pour cette fréquence, les lignes de champ semblent attirées vers l'intérieur
de la sphère. On parle de confinement diélectrique.
Mais cet effet n'est réellement important que pour les métaux comme l'or ou l'argent. Il
peut néanmoins avoir une conséquence importante. En effet, le champ interne Ej dépend de e
selon l'équation (1). Mais, par l'effet Kerr optique, e dépend à son tour du champ interne.
Cette inter-relation peut conduire au phénomène de bistabilité intrinsèque, c'est-à-dire sans
cavité Fabry-Perot. Pour certaines valeurs de l'intensité incidente, donc de E, l'absorbance de
l'échantillon (par l'intermédiaire du facteur de champ local) peut prendre deux valeurs
différentes dépendant de l'histoire précédente de E. L'effet Kerr optique peut être très
important pour un cristallite semi-conducteur de CdS par exemple. Mais le facteur de champ
local reste faible pour une sphère de CdS et la bistabilité n'est alors pas observable. On peut
contourner la difficulté en fabriquant des nanosphères de CdS enrobées d'une coquille
d'argent. On combine alors la forte non-linéarité de CdS avec la résonance plasma de surface
d
n
d
Nanocristaux
75
semi-conducteurs
de l'argent (le calcul du facteur de champ local est alors plus complexe) et on peut observer le
phénomène de bistabilité intrinsèque [3].
Pour les semi-conducteurs cependant, même au voisinage des niveaux discrets dont nous
parlerons ci-dessous, la dispersion de la permittivité reste négligeable et le facteur de champ
local est pratiquement une constante d'ailleurs inférieure à un. Nous ne nous en soucierons
donc que peu. Si l'on veut néanmoins comparer la non-linéarité d'un nanocristal à celle du
cristal massif, il est nécessaire de savoir relier la susceptibilité x
ses constituants. L'expression est la suivante :
*
(
3
)
^
3
)
3
+pfY
< 3 )
du composite à celle de
)
(2)
expression valable lorsque la fraction volumique p occupée par les nanocristaux est petite
devant 1. % est la susceptibilité du nanocristal et j
celle du matériau hôte. En régime
résonant, i.e. quand la fréquence laser correspond à une fréquence de transition des nanocristaux, la contribution de la matrice hôte est négligeable. Il n'en est plus de même hors résonance.
(3)
< 3 )
d
3. LE CONFINEMENT ÉLECTRONIQUE
L'effet de champ local étant relativement peu important pour les nanocristaux semi-conducteurs sur lesquels nous nous concentrons, l'effet dominant dans la différence de comportement entre boîtes quantiques et matériaux massifs provient du confinement (du mouvement) électronique. Nous commençons par discuter les conséquences de ce confinement électronique sur le spectre des niveaux d'énergie qu'un électron peut occuper dans un tel nanocristal.
3.1 Les différents régimes de confinement
Pour un semi-conducteur intrinsèque, l'état fondamental correspond à une bande de valence
pleine et à une bande de conduction vide. Les premiers états excités s'obtiennent en faisant
passer un électron du haut de la bande de valence au bas de la bande de conduction. On crée
ainsi une paire électron-trou. En se limitant à deux bandes paraboliques et en utilisant l'approximation de la masse effective, l'équation aux valeurs propres pour une telle paire s'écrit
2
h
2
h
e
2
^
|0(r ,r ) = E V ( r , r )
e
c
h
e
(3)
h
2
2
où A est le Laplacien, nie et mi, les masses effectives de l'électron et du trou, e = q /47t£o (q
étant la charge élémentaire et Eo la permittivité du vide. V est le potentiel de confinement
supposé constant à l'intérieur de la particule et infini à l'extérieur, § est la fonction d'onde
enveloppe et E
l'énergie propre. Le dernier terme dans le Hamiltonien représente l'énergie
d'interaction coulombienne entre électron et trou, r - étant la distance électron-trou.
L'équation (3) n'est pas soluble analytiquement mais elle se simplifie dans deux cas
limites définis par rapport aux échelles de taille pertinentes [4]. Deux énergies apparaissent
e n
e
n
76
D.
Ricard
2
naturellement, l'énergie cinétique de confinement qui varie en 1/R si on suppose les particules sphériques de rayon R et l'énergie d'interaction coulombienne qui varie en 1/R. Les
échelles de taille pertinentes sont le rayon R du nanocristal et le rayon de Bohr de l'exciton
2
2
a e = zh /(te
où (i est la masse réduite p. = m mh/(m +mh). On montre que, si R » ae,
l'énergie d'interaction coulombienne domine et on peut négliger, en première approximation,
les termes en V dans le Hamiltonien de l'équation (3). On retrouve alors le cas d'un système
hydrogénoïde, l'exciton de Wannier, qui existe comme dans le semi-conducteur massif. On
peut ensuite, en deuxième approximation, tenir compte de la taille finie de la particule.
e
e
2
2
L'exciton est confiné avec une énergie de confinement faible de l'ordre de h /MR
où M est
la masse totale irie+nih. On est dans le régime dit de confinement faible.
Dans le cas limite inverse où R « ag, c'est l'énergie cinétique de confinement qui
domine. On peut alors négliger, en première approximation, le dernier terme du Hamiltonien
de l'équation (3). Ce Hamiltonien se réduit alors à la somme de deux Hamiltoniens indépendants, l'un pour l'électron, l'autre pour le trou ; le mouvement des deux particules est alors
découplé. Ce régime est celui du confinement fort. L'expérience montre que les conditions
requises pour être dans l'un de ces deux régimes sont moins draconiennes qu'indiqué cidessus [5]. Si R > 3aß, on est en régime de confinement faible. C'est en général le cas pour les
nanocristaux de CuCl pour lequel aß = 0,7 nm. Si R < aß, on est en régime de confinement
fort, situation assez facile à obtenir pour CdSe pour lequel aß = 5,6 nm. Nous nous limitons
dans la suite à ce régime de confinement fort en prenant le plus souvent pour exemple les
nanocristaux de CdSe. Ce cas s'appliquerait aussi aux matériaux HI-V.
3.2 L e confinement fort
En régime de confinement fort, l'électron et le trou sont donc confinés indépendamment. La
fonction d'onde enveloppe de l'électron (p (r) par exemple obéit à l'équation aux valeurs
propres
e
'
2
h
-A + V(r) kp (r) = E ( p ( r )
2m,
e
e
e
(4)
C'est le problème simple de la particule libre dans une boîte. Pour une boîte sphérique, les
solutions sont de la forme
m
cp/m„(r) = B j (a -)Y, (e,(p)
/n
/
/n
(5)
où les Y/" sont les harmoniques sphériques, j/(x) est la fonction de Bessel sphérique d'ordre
/, a / son n
zéro et B ; une constante de normalisation, r, 9 et (p sont les coordonnées
sphériques de r. Prenant l'origine des énergies au sommet de la bande de valence, l'énergie
propre correspondante est
i è m e
n
n
Nanocristaux
semi-conducteurs
2m R
2
77
(6)
e
où E est la largeur de la bande interdite du semi-conducteur massif. Au lieu d'avoir un quasicontinuum de niveaux comme dans le cas du matériau massif (cas que l'on retrouve en faisant
tendre R vers l'infini), on a maintenant un ensemble de niveaux discrets. Les premiers
niveaux sont l s avec / = 0, n = 1 et otoi = Jt, puis lp avec / = 1, n = 1 et a n = 4,49, puis ld, 2s,
etc. Rappelons que la fonction d'onde totale de l'électron est
g
r
u
V/mn( e)=<P/mn(»"e) c(re)
(7)
où u est la partie périodique correspondant à la bande de conduction.
Si nous supposons que la bande de valence est non dégénérée, la fonction d'onde enveloppe pour le trou obéit à une équation similaire dont les fonctions propres sont les mêmes
que pour l'électron. L'énergie propre correspondante s'écrit
c
(8)
Là encore, la fonction d'onde totale est le produit de la fonction enveloppe par une partie
périodique u (rh).
Après avoir traité séparément le mouvement de l'électron et du trou, on peut ensuite, en
deuxième approximation, tenir compte de l'interaction coulombienne par la théorie des
perturbations.
v
3.3 Discussion des approximations
Dans le traitement précédent, un certain nombre d'hypothèses ont été faites. D'abord, la boîte
a été supposée sphérique. Le calcul est également faisable pour une boîte parallélépipédique.
Le cas de particules ellipsoïdales s'écartant peu de la forme sphérique a aussi été considéré
[6]. Les conclusions générales, niveaux discrets et énergie de confinement, dépendent peu de
la forme des nanocristaux. La non-sphéricité peut par contre avoir des conséquences sur la
structure fine des niveaux. Nous y reviendrons dans la section 4.3. Nous avons ensuite
supposé les bandes paraboliques. L'énergie de confinement étant inversement proportionnelle
à la masse effective, cf. équations (6) et (8), et la masse effective de l'électron étant plus
petite, la non-parabolicité se manifeste surtout pour la bande de conduction. On peut en tenir
compte [7] ce qui a pour effet de diminuer l'énergie de confinement.
Nous avons aussi supposé une barrière de confinement infiniment haute qui impose à la
fonction d'onde enveloppe de s'annuler à l'interface. En réalité, la barrière de potentiel est
d'environ 2 eV. Avec une barrière finie, la fonction d'onde est légèrement plus étendue et
l'énergie de confinement par conséquent plus faible. Pour écrire l'expression de l'énergie
d'interaction coulombienne entre électron et trou, dernier terme du Hamiltonien dans l'équation (3), nous avons encore supposé que nanocristal et matrice hôte ont la même permittivité.
En réalité, cette énergie d'interaction coulombienne est la somme du dernier terme de notre
78
D.
Ricard
Hamiltonien et d'une énergie dite de polarisation. Le problème a été traité par une méthode
variationnelle [8] et par perturbation [9]. D a pour effet de déformer légèrement les fonctions
d'onde enveloppes.
Nous avons aussi utilisé l'approximation de la masse effective qui est valable lorsque la
fonction d'onde enveloppe varie peu à l'échelle de la cellule élémentaire. Cette approche de
type physique des solides revient donc à supposer que le nanocristal est assez « gros », que le
nombre d'atomes internes l'emporte largement sur celui des atomes en surface. Cela demande
des nanocristaux contenant plusieurs centaines d'atomes. En fait, un nanocristal est un objet
intermédiaire entre une molécule et un cristal. Si le nanocristal est assez « gros », l'approche
précédente doit être valable. S'il est très petit, une approche du type orbitales moléculaires
(par exemple LCAO) doit être utilisée. De tels calculs ont été faits, en général en supposant
une hybridation s p [10]. On peut voir ainsi se former progressivement les bords des bandes
de valence et de conduction.
Nous avons enfin supposé que les bandes sont non dégénérées. Pour la bande de conduction issue d'orbitales atomiques de type s, hormis la dégénérescence de spin, l'hypothèse est
justifiée. La bande de valence est issue d'orbitales atomiques de type p et est donc, si l'on
tient compte du spin, dégénérée 6 fois. Le couplage spin-orbite lève en partie la dégénérescence en conduisant à un moment cinétique atomique J égal à 3/2 pour les bandes de trous
lourds et de trous légers ou à 1/2 pour la bande décalée. Ceci est valable pour le cristal massif
et le reste pour les puits quantiques. Pour une particule sphérique par contre, à cause de la
géométrie sphérique du potentiel de confinement, il y a couplage entre le moment cinétique J
et celui L de la fonction d'onde enveloppe. Le problème a été traité par analogie avec celui des
états accepteurs [11]. Le bon nombre quantique est le moment cinétique total F. Il y a mélange
des bandes de valence et mélange des fonctions d'onde enveloppes [7]. Considérant les
premiers niveaux pour lesquels F = 3/2, on peut avoir des fonctions enveloppes paires
impliquant / = 0 et / = 2 ou impaires impliquant / = 1 et / = 3. Les niveaux correspondants sont
notés nS3/2 et nP3/2- Les états de l'électron sont inchangés mais sont en général notés l S ,
l P . . . au lieu de ls, lp...
3
e
e
4. PROPRIÉTÉS LINÉAIRES
Les transitions permises sont celles pour lesquelles l'élément de matrice de transition est non
nul. Nous nous plaçons d'abord dans le cadre de l'approche simplifiée de la section 3.2 et
nous nous demandons quelle est la probabilité de faire passer un électron de l'état (/,m,n) de la
bande de valence à l'état (r,m',n') de la bande de conduction. Les fonctions d'onde étant
composées d'une partie lentement variable (p; et d'une partie plus rapidement variable u ou
u et l'opérateur quantité de mouvement p étant h/i fois l'opérateur gradient, l'élément de
matrice se simplifie
mn
c
v
(9)
sphère
Il est le produit de ce que l'on nomme habituellement p par l'intégrale de recouvrement des
fonctions d'onde enveloppes pour l'électron et le trou.
Or les (p/mn forment une base orthonormée. L'intégrale de recouvrement est donc simplement 5 ; / ' ô ' ô ' où ôjj est le symbole de Kronecker. Les seules transitions interbandes perc v
mm
nn
Nanocristaux
79
semi-conducteurs
mises sont celles qui conservent les nombres quantiques /, m et n, c'est-à-dire les transitions
l s - l s , lp-lp... Une telle transition se produit à la fréquence cfy donnée par
n
h(O =E +
ln
(10)
2uR
Le deuxième terme est l'énergie cinétique de confinement et le troisième l'énergie d'interaction coulombienne. ß est un nombre voisin de 1,8 pour la transition ls-ls. La dégénérescence
de la bande de valence modifie un peu ces résultats. Par exemple les transitions sont permises
de tous les nS3/2 vers l S mais la plus intense est la transition !S3/2-lS.
e
e
4.1 Spectres d'absorption et de luminescence
À partir des considérations précédentes, nous nous attendons à un spectre d'absorption fait de
raies, la fréquence de la première transition étant d'autant plus décalée vers le bleu que le
nanocristal est petit. La figure 1 montre les spectres d'absorption à basse température de trois
verres dopés par nanocristaux de CdSe dont les rayons moyens sont de 3,8 nm, 2,6 nm et
2,1 nm. Le décalage vers le bleu est visible sur le spectre lui-même. La dérivée seconde du
spectre fait plus clairement apparaître les raies attendues, même si elles sont élargies. Les
deux premières sous-structures correspondent aux transitions lS3/2-lS et 2S3/2-lS . Vient
ensuite généralement la transition l P 3 / 2 - l P , mais cela dépend de la taille des particules.
e
e
e
Les spectres de la figure 1 ont été obtenus pour des échantillons de très bonne qualité. En
général, l'élargissement des raies fait que la sous-structure de la première bande n'est pas
résolue, même à basse température. Lorsque nous traiterons des propriétés non linéaires en
régime résonant, la résonance concernera cette bande. Nous la nommerons alors du terme
vague de bande l s - l s ou de première bande.
La partie supérieure de la figure 2 montre une partie du spectre de luminescence d'un
colloïde de CdSe [12]. On observe un pic relativement étroit légèrement décalé vers le rouge
par rapport à la première bande d'absorption. Une bande plus large avec un décalage Stokes
beaucoup plus important n'apparaît pas sur la figure 2. Si on excite l'échantillon avec une
impulsion picoseconde et si on résout temporellement cette luminescence, on observe que le
pic étroit est une composante rapide (avec une constante de temps de l'ordre de la nanoseconde) alors que la bande large est une composante lente (la constante de temps se compte
en dizaines ou centaines de microsecondes). Le pic étroit est dû à la recombinaison directe
d'un électron dans le niveau l S avec un trou dans le niveau IS3/2. La bande large correspond
à la recombinaison de porteurs piégés.
Ceci correspond à un point très important : la présence de pièges à la surface des nanocristaux. En fait, l'interface entre le nanocristal semi-conducteur et le diélectrique environnant est
parfois assez mal contrôlée, surtout dans les verres. Dans ce dernier cas, le nombre de pièges
est d'autant plus grand que le rayon des particules est plus petit. Les colloïdes permettent un
meilleur contrôle de l'interface. En attachant des molécules organiques aux nanocristaux, on
arrive à fortement réduire la bande large dans le spectre de luminescence et à obtenir un très
bon rendement quantique de luminescence dans le pic étroit [13].
Autre point important : après excitation, le pic étroit et le bord « bleu » de la bande large
apparaissent simultanément. On n'observe pas de croissance progressive de la bande large qui
correspondrait au piégeage progressif des électrons. Ceci tend à montrer qu'il existe deux
e
80
D. Ricard
classes de particules, des particules sans pièges qui donnent naissance au pic étroit et des
particules avec pièges (dans lesquelles les électrons se piègent rapidement) à l'origine de la
bande large [13].
4.2 Photonoircissement
Lorsqu'on irradie un verre dopé par nanocristaux semi-conducteurs par un faisceau laser
intense, celui-ci subit un phénomène appelé photonoircissement [14] car dans certains cas une
coloration grise apparaît. Ce phénomène a plusieurs autres conséquences. Le spectre de
luminescence est fortement modifié. Le pic étroit est un peu moins intense qu'avant noircissement alors que la bande large a presque totalement disparu. Le temps de recombinaison des
Nanocristaux
semi-conducteurs
81
15 K (a)
Luminescence
0
C
Emission]
|Pump
15 K
(c)
15 K
450
500
550
600
Wavelength (nm)
Figure 2 : Spectres d'absorption et de luminescence d'un colloïde de CdSe : a) spectres
linéaires, b) spectres PLE et FLN et c) spectre de hole-burning (d'après la réf. [12])
porteurs libres est plus court, ce qui explique la perte d'intensité du pic étroit. Nous verrons
aussi que la non-linéarité d'un verre noirci est plus faible que celle d'un verre frais.
Le degré de noircissement ne dépend que de la dose d'irradiation (le produit intensité x
durée) reçue. L'origine de l'effet a été élucidée par mesure de luminescence induite thermiquement [15]. Il s'agit d'une photo-ionisation ; un porteur photo-excité est éjecté du nanocristal et piégé dans la matrice de verre. Il s'agit d'un phénomène quasi permanent. Il peut être
considéré comme permanent à température ambiante ou à basse température mais il est
réversible par traitement thermique. En chauffant le verre à - 370 °C pendant quelques heures,
les porteurs piégés dans le verre diffusent vers leur nanocristal de départ et le verre retrouve
ses propriétés originelles.
82
D.
Ricard
4.3 Largeur de raie et sous-structure
Les spectres d'absorption et de luminescence des figures 1 et 2a montrent clairement que les
raies prévues par la théorie précédente sont fortement élargies. On connaît deux sortes d'élargissement : l'élargissement inhomogène et l'élargissement homogène. On devra aussi considérer la possibilité d'une sous-structure due à des degrés de liberté non encore pris en compte.
Dans le cas des nanocristallites semi-conducteurs, l'élargissement inhomogène est surtout dû
à la distribution de taille des particules. L'énergie des niveaux est fonction du rayon du
nanocristal : un cristal plus petit absorbe plus vers le bleu, un cristal plus gros absorbe plus
vers le rouge. Or, quelle que soit la méthode de préparation, tous les cristaux n'ont pas la
même taille. Il en résulte donc une distribution des fréquences de transition. Cet élargissement
inhomogène masque la largeur intrinsèque des raies.
Pour accéder à la largeur homogène, il faut avoir recours à des techniques de spectroscopic non linéaire. On peut par exemple exciter l'échantillon avec un rayonnement monochromatique (on excite alors sélectivement une classe de particules) et 1) regarder comment le
spectre d'absorption a été modifié (c'est la technique du « hole burning ») ou 2) mesurer le
spectre de luminescence (c'est la technique du « fluorescence line narrowing » ou FLN). Des
exemples de résultats obtenus par les techniques 1) et 2) sont donnés au bas et au milieu de la
figure 2 respectivement. Symétriquement au cas 2) ci-dessus, on peut sélectionner une tranche
de fluorescence et mesurer son intensité en balayant la longueur d'onde d'excitation (c'est la
technique de « photoluminescence excitation spectroscopy » ou PLE). Un exemple de spectre
PLE est donné dans la partie intermédiaire de la figure 2. Pour tirer le maximum de la
technique FLN, il faut exciter dans la queue rouge du spectre d'absorption. De même, pour
tirer le maximum de la technique PLE, il faut regarder dans la queue bleue du spectre de luminescence.
En effet, la partie intermédiaire de la figure 2 montre que les spectres intrinsèques
d'absorption ou d'émission ont une structure vibronique. Cette structure est due au couplage
entre électrons et phonons LO dont la fréquence est de 210 c m pour CdSe (nous n'avions
pas tenu compte de ce degré de liberté de vibration) et est, elle aussi, masquée par l'élargissement inhomogène. Utilisée sur des colloïdes de CdSe, la technique PLE a permis de suivre
en fonction de la taille 10 transitions électroniques et d'identifier les 6 premières [16]. Elle a
aussi permis de mettre en évidence la structure fine du niveau lS3/2-lS qui est 8 fois dégénéré. La dégénérescence est en partie levée par la non-sphéricité des particules, par la structure cristalline et par l'interaction d'échange [17].
On peut également obtenir la largeur intrinsèque par des techniques d'écho de photons ou
encore, travaillant sur un colloïde dilué et focalisant fortement le laser, isoler le spectre
d'émission d'un seul nanocristal [18].
- 1
e
5. P R O P R I É T É S NON L I N É A I R E S
Les verres et les colloïdes étant isotropes, la non-linéarité qui nous intéresse est la non-linéarité d'ordre trois, essentiellement l'effet Kerr optique ou statique. L'effet Kerr statique correspond à la modification de la susceptibilité du milieu, proportionnellement au carré du champ
électrique appliqué. L'effet Kerr optique généralise l'effet Kerr statique au cas d'un champ
oscillant, la modification étant proportionnelle au module carré du champ laser. Ces propriétés
peuvent être utiles pour les applications comme la commutation tout-optique ou dans des
modulateurs dans le cas statique.
Nanocristaux
83
semi-conducteurs
5.1 Effet K e r r statique
On mesure en général le changement du spectre d'absorption induit par un champ statique ou
basse fréquence. Ce changement est proportionnel à la partie imaginaire de la susceptibilité
(3)
X ( 0 , 0 , t ù ) . Outre les applications potentielles, l'effet Kerr statique est intéressant en soi. Il
est dû au déplacement des niveaux d'énergie et au mélange des fonctions d'onde non perturbées par le Hamiltonien de perturbation ±q E.r. Si l'espacement entre niveaux est grand
devant la perturbation d'ordre qER comme c'est le cas pour les atomes, on peut traiter le
problème par la théorie des perturbations. On parle alors d'effet Stark. Si au contraire les
niveaux sont rapprochés, on doit diagonaliser le Hamiltonien total. On parle d'effet FranzKeldysh. L'effet physique est le même, seule l'approche mathématique diffère.
L'expérience a été faite sur un verre contenant des nanocristaux de CdSn.sSeo.s [19]. Le
champ électrique, avec E j = 2 10 V/cm, était appliqué grâce à des électrodes transparentes.
C'était un champ sinusoïdal oscillant à 1 kHz. Le changement d'absorption était mesuré grâce
à un amplificateur à détection synchrone. On observe alors des oscillations au voisinage de la
bande l s - l s avec une réplique au voisinage de la bande décalée par couplage spin-orbite. La
position des oscillations est indépendante de la valeur du champ et leur amplitude est proportionnelle au carré du champ. Les résultats sont en bon accord avec un calcul de perturbations.
On est donc en présence d'un effet Stark, l'espacement entre niveaux étant induit par le
confinement. En augmentant la taille des particules, on observe la transition vers l'effet FranzKeldysh [20].
4
n
(3
La partie imaginaire de x ^(0,0,Cû) est de l'ordre de 1 0
- 2 0
2
(m/V) pour une fraction
3
volumique d'environ 3 10" . La susceptibilité de la matrice hôte étant réelle, elle ne contribue
pas à cet effet d'électro-absorption. Un champ statique conduit à une diminution de
l'absorption à la fréquence du pic ls-ls et à une augmentation de part et d'autre.
5.2 Effet K e r r optique
Dans ce cas, la fréquence laser peut coïncider avec une fréquence de transition, en général
celle de la transition l s - l s . On est alors en régime résonant et l'effet dominant est un effet de
population ; des porteurs sont réellement créés et c'est leur présence qui modifie les propriétés
optiques. La non-linéarité est alors grande, mais il y a des pertes par absorption et le temps de
réponse x est limité par la recombinaison des porteurs. Pour les applications, dans un tel cas,
un matériau est caractérisé par le facteur de mérite x^Vat où x est la susceptibilité Kerr et a
le coefficient d'absorption. En régime non résonant, par exemple pour des fréquences inférieures à la largeur de la bande interdite, l'effet dominant est le déplacement radiatif des
niveaux. Le temps de réponse est très bref et, si Eg/2 < h co < E , les seules pertes par absorption sont dues à l'absorption à deux photons liée à la partie imaginaire de %( '. Le facteur de
mérite caractérisant le matériau est alors le rapport de la partie réelle de %< à sa partie
imaginaire.
Différentes techniques ont été utilisées pour étudier l'effet Kerr optique : l'absorption non
linéaire, la conjugaison de phase, le mélange de fréquence quasi dégénéré, la technique « Z( 3 )
g
3
3)
scan ». Ces techniques donnent accès soit au module de X (G)] ,-C0] , 0 0 2 ) , soit a ses parties
réelle ou imaginaire. Un faisceau de fréquence û>i modifie les propriétés optiques à la fréquence û>2. Dans le cas dégénéré, © 1 = (O2.
84
D.
5.2.1 Le régime
Ricard
résonant
La population de l'état à une paire conduit à la saturation de la transition correspondante.
Mais on peut créer une deuxième paire dans l'état ls-ls et la même population conduit aussi à
une absorption induite entre état à une paire et état à deux paires. Notons 0 l'état fondamental,
1 l'état à une paire et 2 l'état à deux paires. À cause de l'interaction coulombienne entre les
paires, la fréquence de transition (t>2\ est légèrement inférieure à la fréquence de transition û)io
[21]. Supposant le même temps de déphasage T2 pour les deux transitions et conservant
uniquement les termes triplement résonants, la polarisabilité Kerr dans le cas dégénéré s'écrit
[22]
T,/T
y(û),-û),û))=—jjdj,
e h> { [(u>-a>| )'+l/T '](»-an
2
ro
a
0
2 A2
d->,d
21"10
VT
2
+ i/T )
0
2
2
2
1 T
[(co - c o ) +1 / Tf ](co - ©21 + » 2 )
10
1/2
(co-tû
10
2
1
1
+i/T )(2u)-û)2o + i / T ) ^û)-(D2i + i / T
2
2
co-co
10
+i/T
(H)
2
où d est l'opérateur moment dipolaire électrique et Ti la durée de vie du niveau 1. y est la
somme de trois termes. Le premier correspond à la saturation de la transition 0 —» 1,1e second
à l'absorption induite 1 —» 2. Le troisième terme qui est une contribution cohérente est
négligeable car T2 « T\. Les deux termes importants, saturation de l'absorption et absorption
induite, constituent la contribution des porteurs libres.
Nous savons qu'il existe aussi des porteurs piégés à l'interface. Ces porteurs piégés, par
l'intermédiaire du champ statique qu'ils créent, modifient les propriétés optiques par effet
Kerr statique. Les expériences étant réalisées avec des impulsions picoseconde dont la durée
est courte devant la durée de vie du niveau 1 ou des porteurs piégés, il faut également tenir
compte de l'aspect transitoire de la réponse. On utilise pour cela le formalisme de la fonction
réponse. On peut aussi introduire la notion de susceptibilité effective. Le calcul peut être fait
simplement dans le cas d'impulsions rectangulaires [23].
Utilisant la technique pompe-sonde, la saturation de l'absorption a été observée de même
que l'absorption induite. La réponse non linéaire peut être résolue temporellement. On
observe qu'elle est en général faite d'une composante rapide et d'une composante lente
comme le montre la figure 3. En travaillant sur un verre dopé par nanocristaux de CdSo.3Seo.7
noirci à des degrés divers par un faisceau à profil gaussien, on constate que, pour la composante rapide, la constante de temps décroît avec le degré de noircissement alors que
l'amplitude reste constante. L'amplitude de la composante lente décroît avec le degré de
noircissement jusqu'à s'annuler. Ces résultats sont en accord avec le modèle précédent [23].
Ils confirment de plus l'hypothèse des deux classes de particules, les particules sans pièges
donnant naissance à la composante rapide (contribution des porteurs libres) et les particules
avec pièges à la composante lente. Tout se passe comme si les particules noircies ne contribuaient plus à la non-linéarité.
Nanocristaux
85
semi-conducteurs
0.6
"«0.2 h
0.1 -
0.0 I
0
•
'
•
100
•—'
1
200
300
•
'
400
«—i
•
500
1
600
•
700
retard (ps)
Figure 3 : Susceptibilité Kerr effective en fonction du retard de l'impulsion sonde
pour un verre modérément noirci.
Pour un échantillon frais, la composante lente domine généralement alors que, pour un
échantillon noirci, c'est la composante rapide qui domine. Le mécanisme dominant ne peut
pas être prévu a priori ; il dépend de l'origine et de l'histoire de l'échantillon. Utilisant un
milieu référence tel que CS2, on peut mesurer la grandeur de la susceptibilité effective
(composantes rapide et lente). La grandeur de la composante lente qui dépend bien sûr de la
situation est de l'ordre de 10" (m/V) et en bon accord avec les prévisions théoriques. Celle
de la composante rapide qui est du même ordre indique une certaine compensation entre les
effets de saturation de l'absorption et d'absorption induite. Le facteur de mérite défini cidessus est inférieur à celui de la non-linéarité excitonique des puits quantiques. Cela est dû à
la grande largeur inhomogène de la bande ls-ls. Il serait intéressant d'étudier des échantillons
pour lesquels la distribution de taille est plus étroite.
Pour un échantillon noirci, ne subsiste que la composante rapide. On observe alors que le
facteur de mérite diminue lorsque la taille des nanocristaux diminue [24]. Rappelons qu'il fait
intervenir le temps de recombinaison des porteurs libres qui peut être fortement réduit par le
noircissement. C'est ainsi qu'un dispositif bistable avec un temps de réponse de 25 picosecondes a pu être fabriqué avec ce genre de matériau [25].
18
2
5.2.2 Le régime non résonant
Nous considérons maintenant le cas où le faisceau laser n'est pas absorbé. Pour le semiconducteur massif, nous dirions hœ< E . Certains auteurs définissent une largeur de bande
interdite E effective qui tient compte du confinement. x< )(co,-co,co) n'est plus triplement
résonant mais, si E /2 < fi co< E , il existe encore une résonance à deux photons co + at qui
conduit au phénomène d'absorption à deux photons. En régime non résonant, c'est cette
g
3
g
g
g
86
D.
Ricard
absorption à deux photons qui a d'abord été étudiée. Dans ce cas, l'intensité I du faisceau laser
est atténuée selon l'équation
2
— = -ßI -NaI
dz
(12)
<3)
où ß, proportionnel à la partie imaginaire de 2 (co,-CO,Cû), est le coefficient d'aborption à
deux photons du verre dopé. Le deuxième terme correspond à l'absorption des porteurs libres
créés par absorption à deux photons. N est le nombre de porteurs libres par unité de volume et
est donné par
2
rt ß l ( t ' )
m
(,3)
'l-2ÏÏ*
en négligeant la recombinaison des porteurs à l'échelle de la picoseconde, a est la section
efficace d'absorption des porteurs libres.
Les règles de sélection sont différentes pour l'absorption à deux photons et pour l'absorption linéaire [26]. Les valeurs des paramètres ß et a ont été déduites de mesures de la transmission en fonction de l'intensité incidente. Pour des impulsions picoseconde, l'absorption
des porteurs libres est non négligeable. La matrice ne contribue pas à l'absorption à deux
photons. À partir de la susceptibilité %
(3)
du composite, connaissant la fraction volumique p,
on peut en déduire la partie imaginaire de la susceptibilité %W d'un nanocristal.
La réfraction non linéaire a aussi été étudiée dans ce régime de fréquence. Pour éviter la
contribution des porteurs libres, la technique du mélange de fréquence a été utilisée. On en
3>
déduit la valeur de la partie réelle de x' • Ici, la contribution de la matrice % est importante. En en tenant compte, on peut obtenir la partie réelle de %( . Certains auteurs observent
que la susceptibilité du nanocristal, partie imaginaire et partie réelle, n'est pas très différente
de celle du semi-conducteur massif [27,28]. Mais les échantillons étudiés n'avaient pas un
spectre d'absorption très structuré et le rôle du confinement n'est pas encore clair.
3)
d
3)
6. C O N C L U S I O N
Le confinement électronique conduit à un spectre de raies pour un nanocristal semi-conducteur. Mais ces raies sont souvent fortement élargies à cause en particulier de la distribution de
taille. Les propriétés non linéaires ont été étudiées en assez grand détail, surtout en régime
résonant. Le facteur de mérite est dans ce cas inférieur à celui des puits quantiques. Ceci est
en grande partie dû à la polydispersité des échantillons étudiés. Prenant l'exemple de l'action
d'un champ statique, le pic lS3/2-lS est l'analogue d'un pic excitonique tel qu'on en trouve
dans les puits quantiques, mais l'élargissement inhomogène est beaucoup plus important. Pour
ce qui concerne le régime non résonant, les études doivent être poursuivies sur des particules à
confinement plus fortement marqué.
L'avenir des boîtes quantiques dépend donc de notre capacité à mieux contrôler leur fabrication du point de vue de la monodispersité mais aussi du point de vue du nombre de pièges.
Des progrès ont déjà été réalisés. Les nanocristaux de semi-conducteurs III-V pour lesquels il
e
Nanocristaux semi-conducteurs
87
est plus facile d'atteindre le régime de confinement fort devraient aussi s'avérer extrêmement
prometteurs.
Références
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Amplificateur de puissance autonome pour applications OFDM et beamforming de la 5G aux fréquences millimétriques en technologie CMOS avancée ÉCOLE DOCTORALE SCIENCE IQUES ET DE L'INGÉNIEUR SPÉCIALITÉ ÉLECTRONIQUE Par Boris
MORET Amplificateur de puissance autonome pour applications OFDM et beamforming de la 5G aux fréquences millimétriques en technologie CMOS avancée Sous la direction de : Eric KERHERVE Soutenue le 5 octobre 2017 Membres du jury : M. M. M. Mme. M. M. M. Jean-Marie PAILLOT Jean-Louis CAZAUX Yves LOUET Nathalie DELTIMPLE Vincent KNOPIK Eric KERHERVE Philippe BERISSET Professeur Ingénieur HDR Professeur Maître conférence Ingénieur Professeur Ingénieur Laboratoire XLIM Thales Alenia Space Centrale Supélec Bordeaux INP STMicroelectronics Bordeaux INP CEA CESTA Président Rapporteur Rapporteur Examinateur Co-encadrant Directeur de thèse Invité
Titre : Amplificateur de puissance autonome pour applications OFDM et beamforming de la 5G aux fréquences millimétriques en technologie CMOS avancée
Résumé : Afin de répondre à la demande croissante du nombre d'objets connectés et de débits de données plus élevés, la cinquième génération de réseau mobile (5G) va être déployée. Pour répondre à ces défis, la 5G utilisera le beamforming pour améliorer la qualité de transmission et étendre la couverture du réseau. En raison du manque de spectre RF disponible en dessous de 6 GHz, l'industrie de la téléphonie mobile étudie actuellement les bandes de fréquences millimétriques en particulier autour de 28 GHz. L'utilisation de la technologie CMOS pour les applications 5G apparait prometteuse pour le marché de masse que vise la 5G, d'autant qu'aujourd'hui la miniaturisation des transistors CMOS permet un fonctionnement compétitif aux fréquences millimétriques. Pour répondre à toutes les attentes de la 5G notamment en termes de fiabilité, de nouvelles idées en rupture, avec le self-healing et le self-contained, permettent d'utiliser au maximum les avantages de la technologie CMOS tout en proposant un fonctionnement fiable pour l'amplificateur. Dans le cadre du self-healing et du self-contained, plusieurs circuits sont intégrés sur silicium tel qu'un amplificateur intégrant un détecteur de puissance totalement non invasif pour le self-healing et un amplificateur équilibré pour le selfcontained. Mots clés : Amplificateurs
puissance CMOS, autonome, 5G, beamforming, coupleur hybride.
Title : Self-contained Power Amplifier for OFDM and Beamforming 5G Applications at Millimeter-wave Frequencies in Advanced CMOS Technology
Abstract : In order to meet the growing demand for more connected objects and higher data rates, the fifth generation of mobile network (5G) will be deployed. To address these challenges, the 5G will use beamforming to improve the transmission quality and extend the network coverage. Due to the lack of available RF spectrum below 6 GHz, the mobile industry is studying millimeter wave frequency bands in particular around 28 GHz. The use of CMOS technology for 5G applications is promising for the 5G mass market, especially nowadays the miniaturization of CMOS transistors allows competitive operation at millimeter frequencies. Unité de recherche Université de Bordeaux, Laboratoire IMS, CNRS UMR 5218, IPB, 351 crs de Libération, 33405 Talence
"When something is important enough, you do it even if the odds are not in your favor." Elon Musk «Lorsque quelque chose est assez important, faites-le même si la chance n'est pas de votre côté.» Elon Musk Table des matières
Table des matières Chapitre I : Du réseau mobile de cinquième génération à l'amplificateur de puissance 19
I.1. Les radiocommunications sans fil de cinquième génération 20 I.1.1. Introduction 21 I.1.2. Applications visées pour le réseau de cinquième génération 21 I.1.3. Les besoins du réseau de cinquième génération 21 I.1.4. Bande de fréquences du réseau de cinquième génération 25 I.1.5. Réseau d'antennes et recombinaison spatiale de faisceaux 25 I.2. Émetteur-récepteur beamforming en technologie CMOS pour la 5G 26 I.2.1. Émetteur-récepteur beamforming 26 I.2.2. Emetteurs-récepteurs beamforming aux fréquences millimétriques 29 I.2.3. La technologie CMOS pour la 5G 32 I.2.4. Rôle de l'amplificateur de puissance dans un émetteur-récepteur 33 I.3. Les amplificateurs de puissance 34 I.3.1. Les paramètres caractérisant un amplificateur de puissance 34 I.3.2. Classes de fonctionnement d'un amplificateur de puissance 37 I.3.3. Contrainte en linéarité d'un amplificateur de puissance pour la 5G. 41 I.3.4. Fiabilité des amplificateurs de puissance CMOS 48 I.4. Etat de l'art des PA pour la 5G aux fréquences millimétriques. 52 I.4.1. Amplificateur de puissance hautement linéaire à 60GHz 52 I.4.2. Amplificateur de puissance basé sur topologie push-pull à 60GHz 54 I.4.3. Amplificateur de puissance à haut rendement à 28 GHz 56 I.4.4. Amplificateur de puissance cascode
28GHz 57 I.4.5. Tableau comparatif et verrous technologiques 58 I.5. Conclusion 59 I.6. Références 60 I.7. Table des illustrations 63
Table des matières Chapitre II : Du Self-healing au Self-contained 67
1. Introduction du chapitre 68 2. Self-healing 69 2.1. Introduction au self-healing 69 2.2. Principe du self-healing 70 2.3. Capteurs 71 2.3.1. 2.4. Actionneurs 77 2.5. Convertisseurs de données et algorithmes d'optimisation 78 2.6. Etude d'amplificateur de puissance self-healing 79 2.7. Conclusion 81 2.8. Réalisation d'un capteur de puissance non invasif pour un PA self-healing 81 2.8.1. 2.8.2. Topologie du capteur de puissance 82 2.8.3. Mesure 86 2.8.4. Comparaison avec l'état de l'art 88 2.8.5. Conclusion 89 2.9. 3. Capteurs de puissance 73
Conclusion 90 Self-contained et amplificateur équilibré 90
3.1. Introduction au self-contained 90
3.2.
Le Coupleur Hybride
:
diviseur et combineur
de
puissance
à
90° 92 3.3. Principe de fonctionnement d'un amplificateur équilibré 97 3.4. Conclusion112 4. Conclusion du chapitre 113 5. Références 114 6. Table des illustrations116
Chapitre III : Conception d'un amplificateur équilibré à 28GHz en technologie CMOS 28nm FD-SOI 117
1. Introduction du chapitre 118 2. Présentation de la technologie CMOS 28nm FD-SOI 118 3. 4. 2.1. Back-end Of line 118 2.2. Transistors FD-SOI119 2.3. Transistors LVT 120 2.4. Polarisation segmentée 121 2.5. Généralité sur la conception des PAs 122 2.6. Choix du composant de puissance 123 Conception d'un amplificateur de puissance à 28 GHz en 28nm FD-SOI 125 3.1. Topologie du circuit 125 3.2. Mesure du PA individuel 130 Conception d'un amplificateur autonome 134 4.1. Conception de coupleurs hybrides 134 4.2. Conception de la résistance de ballast 147 4.3. Conception et mesure du PA équilibré à 28GHz en 28nm FD-SOI148 5. Conclusion 154 6. Références 155 7. Table des
illustrations
156 Conclusion générale et perspectives
159 Liste des travaux publiés 163 Table des illustrations Figure I-1 : Évolution des réseaux mobiles 20 Figure I-2 : Applications de la 5G 21 Figure I-3 : Interopérabilité du réseau 5G 22 Figure I-4 :
Besoins
de la 5G 24
Figure I-5 : Spectre de fréquences pour la 5G. 25 Figure I-6 : Utilisation du beamforming pour limiter les interférences. 26 Figure I-7 : Exemple d'application du beamforming 26 Figure I-8 : Schéma d'un émetteur beamforming 27 Figure I-9 : Schéma explicatif du fonctionnement du beamforming 28
Figure I-10 : Architecture superhétérodyne 29 Figure I-11 : Émetteur-récepteur superhétérodyne avec beamforming [8] 30
Figure I-12 : Diagramme de rayonnement de [8]
30 Figure I-13 : Architecture homodyne ou à conversion directe 31 Figure I-14 : Émetteur-récepteur homodyne avec beamforming [10] 32 Figure I-15 : Répartition de la consommation dans une station de base du réseau 4G [18] 34 Figure I-16 : Bilan de puissance d'un PA 34 Figure I-17 : Réponse du PA avec un signal CW 36 Figure I-18 : Non-linéarités en amplitude et en phase 37 Figure I-20 : Zone de conduction du transistor en fonction de sa classe 38 Figure I-19 : Réseau I(V) avec les classes de fonctionnement sinusoïdal 39 Figure I-21 : PA en classe E à 60 GHz 40 Figure I-22 : PA en classe F 60 GHz 41 Figure I-23 : Définition de l'EVM dans le plan complexe 43
Figure I-24 : Spectre en sortie d'un
amplificateur
non
-
li
né
aire
44 Figure I-25 : Produits d'intermodulation d'ordre 3 en sortie d'un PA non-linéaire 46
Figure I-26 : Spectre en sortie d'un PA non-linéaire avec 2 tons appliqués en entrée 46 Figure I-27 : Représentation graphique de l'IP3 47 Figure I-28 : Remontées spectrales dans les bandes adjacentes (ACLR) 48 Figure I-29 : Réflexion sur la charge d'un amplificateur de puissance 49 Figure I-30 : Recombinaison de
l'onde incidence et réfléchie en sortie du PA 50 Figure I-31 : Représentation graphique du TOS en fonction du ROS 51 Figure I-32 : Interférences entres les cellules d'amplification d'un réseau
-
antennes 52 Figure I-33 : PA hautement linéaire à 60 GHz [28] 54 Figure I-34
:
Performances du PA
[28] 54 Figure I-35
:
PA push-pull
à
60 GHz [29]
55
Figure
I-36 :
Performances du PA
[29] 55 Figure
I
-37
: PA
à haut
rendement
à 28 GHz [14]
56 Figure I-38 : Performance du PA
[14] 56
des illustrations Figure I-39 : PA à base de cascode à 28 GHz [30] 57 Figure I-40 : Performances du PA [30]
57 Figure II-1 : Diagramme de fonctionnement du self-healing 71 Figure II-2 : Capteurs pour le self-healing 72 Figure II-3 : Capteur de puissance [18] 73 Figure II-4
:
Détecteur
de
puissance [18] 74 Figure II-5 : Capteur de puissance [19] 75 Figure II-6 : Détecteur de puissance de [19] 76 Figure II-7 : Tension de sortie du détecteur de puissance en fonction de l'impédance au PA [19] 76 Figure II-8 : Actionneurs d'un PA self-healing 78 Figure II-9 : Schéma électrique du PA self-healing [18] 79 Figure II-10 : (a) Schéma des cellules d'amplification et (b) algorithme d'optimisation de [18] 80 Figure II-11 : Intérêt du self-healing post-fabrication 81 Figure II-12 : Schéma électrique du PA et du capteur de puissance 83 Figure II-13 : BEOL de la H9-SOI et vue 3d du transformateur intégrant le capteur de puissance
84 Figure II-14 : Pertes d'insertion du transformateur avec et sans l'enroulement de détection 84 Figure II-15 : Schéma électrique du circuit de détection de puissance 85 Figure II-16 : Photomicrographie et mesures grand signal du PA à 5,8 GHz 86 Figure II-17 : Tension de sortie Vdet du détecteur en fonction de la puissance de sortie 87 Figure II-18 : Erreur et tension de sortie du détecteur en fonction de la puissance de sortie 88 Figure II-19 : Consommation du détecteur en fonction de la puissance de sortie 88 Figure II-20 : Amplificateur équilibré utilisant des coupleurs hybrides à 90° 91 Figure II-21 : Coupleurs Hybrides en quadrature utilisés en diviseur et en combineur de puissance 93 Figure II-22 : Matrice [S] et schéma bloc d'un élément 4 ports 93 Figure II-23 : Symbole d'un coupleur directif anti-symétrique 95 Figure II-24 :Amplificateur équilibré et formes d'onde en tension 98 Figure II-25 : Amplificateur équilibré utilisant des coupleurs hybrides à 90° 99 Figure II-26 : Variation de la tension de sortie des amplificateurs en fonction de la phase du coefficient de réflexion en sortie de la structure équilibrée. 104 Figure II-27 : Impédances des amplificateurs en quadrature (A et B) en fonction de l'impédance de sortie de la structure équilibrée (Load) sur l'abaque de Smith 107 Figure II-28 : Spectre en sortie d'un amplificateur simple (a) et en sortie d'une structure équilibrée (b) 112 Figure III-1 : BEOL de la technologie CMOS 28 nm FD-SOI (à l'échelle) 119 Figure III-2 : Schéma des transistors CMOS bulk et FD-SOI 119 Figure III-3 : Transistor avec polarisation du substrat 120 Figure III-4 : Dynamique de la tension de body Vbb pour les transistors LVT 120 Figure III-5 : Polarisation segmentée implémentée en technologie bulk et FD-SOI 121 Figure III-6 : Illustration de la polarisation segmentée 122 Figure III-7 : Structure mode commun 122 Figure III-8 : Structure différentielle 123
14 Table des illustrations
Figure III-9 : Topologies de la cellule
de
puissance
123
Figure III-10 : Schéma électrique du PA individuel 125 Figure III-11 : Schéma électrique de la cellule de puissance 126 Figure III-12 : Facteur de Rollet k en fonction de la capacité de neutrodynage 127 Figure III-13 : Layout des transistors NMOS et
PM
OS
128
Figure
III-14
:
Layout de la cellule de puissance 128 Figure III-15 : Capacité des plots RF 129 Figure III-16 : Vue 3d du combineur de sortie 129 Figure III-17 : Vue 3d du balun d'entrée 129
Figure III
-18
:
Encapsulation de la grille d'alimentation entre deux plans de masse 130
Figure III
-19 :
Vue
3D simplifiée du PA 130
Figure III-20 :
Photographie
du PA
individuel
131 Figure III-21 :
Paramètre
s S mesurés et simulés 131 Figure III-22 : Résultats de mesure et de simulation en large signal de l'amplificateur individuel 132 Figure III-23 : Résultats de simulation en mode fort gain et en mode haute linéarité 133 Figure III-24 : Conversions AM-AM et AM-PM normalisées de l'
lificateur individuel
133 Figure III-25 : Modèle équivalent d'un coupleur hybride en éléments localisés 134 Figure III-26 : Abaque pour déterminer le couple (L,C) d'un coupleur hybride 136 Figure III-27 : Modèle idéal d'un coupleur hybride à 28 GHz 136 Figure
III-28 : Caractérisation d'un coupleur hybride
en
quadrature
137 Figure III-29 : Conception d'un coupleur hybride à partie du modèle équivalent 138 Figure III-30 : Modélisation d'un élément
élémentaire 139 Figure III
-31 : Modèle RLCk d'un élément élémentaire 139 Figure III-32 : Variation de la différence de phase et de l'insertion en fonction de Γ 140 Figure III-33 : Evolution de la bande passante en fonction de l'impédance du coupleur 140 Figure III-34 : Mise en série de N éléments croisés 141 Figure III-35 :Evolution des caractéristique du coupleur en fonction de N
141 Figure III-36 : Rapports de forme du coupleur hybride 142 Figure III-37 : Caractéristiques prédites et simulées du coupleur hybride avec 29 éléments en série 143 Figure III-38 : Flot de conception du coupleur hybride 143 Figure III-39 : Vue 3D du coupleur hybride intégré dans l'amplificateur équilibré 144 Figure III-40 : Coupleur hybride reconfigurable à l'aide d'une banque de capacité
145 Figure III-41 : Evolution de la fréquence centrale en fonction du code binaire 146 Figure III-42 : Évolution du déphasage et des pertes du coupleur reconfigurable en fonction du code binaire 146 Figure III-43 : Vue 3D de la résistance de ballast réalisée dans les métaux B1 et B2 147 Figure III-44 : Résultats de mesure et de simulation de la résistance de ballast 148 Figure III-45 : Photographie de l'amplificateur équilibré 148 Figure III-46 : Résultats de mesure du PA équilibré 149 Figure III-47 : Mesure à 27 GHz du Gain, PAE et courant du PA équilibré en fonction de Pout 150
15 Table des
illustrations
Figure III-48 : Résultats de simulation en mode fort gain et en mode haute linéarité du PA équilibré 150 Figure III-49 : Conversions AM-AM et AM-PM simulées et normalisées du PA équilibré 151 Figure III-50 : Banc de mesure loadpull 151 Figure III-51 : Points d'impédance présentés aux circuits 152 Figure III-52 : Variation du courant tiré par le PA en fonction du coefficient de réflexion de sortie.152 Figure IV-1 : Amplificateur équilibré intégrant un détecteur de crête et un capteur de température
Introduction générale
La cinquième génération de réseau mobile (5G) est prévue pour être déployée à l'horizon 2020. Pour satisfaire les besoin de la 5G en termes de performance et de fiabilité, de nouvelles approches sont utilisés afin de concevoir un amplificateur de puissance dans son environnement tout en de maximisant les performances et en assurant un fonctionnement fiable. Le deuxième chapitre présente deux nouvelles méthodes de conception : le selfhealing et le self-contained. Premièrement, le self-healing permet à l'amplificateur de s'adapter à son environnement en modifiant son fonctionnement à l'aide de capteurs. Dans ce cadre, un capteur de puissance est présenté pour être utilisé dans les PAs self-healing. Deuxièmement, le self-contained quant à lui permet de rendre l'amplificateur robuste aux variations de son environnement. La structure équilibrée d'amplificateur de puissance met en avant ce dernier concept en rendant le système robuste aux variations d'antennes. Le troisième et dernier chapitre se concentre sur la conception d'un amplificateur équilibré à 28GHz en technologie 28nm FD-SOI CMOS qui illustre le concept de selfcontained dans le cadre des applications beamforming de la 5G. Les éléments constituant cet amplificateur (coupleur hybride, amplificateur individuel et résistance adaptée) sont détaillés un à un. L'amplificateur individuel est conçu pour optimiser la linéarité afin de supporter les modulations OFDM de la 5G. Le coupleur hybride est réalisé en utilisant une nouvelle méthodologie de conception pour faciliter son intégration sur silicium. Le concept du self-contained est ensuite validé en mesure sur un banc de test loadpull pour émuler des variations d'impédance d'antenne. Ce manuscrit se conclut par la présentation de plusieurs perspectives sur la manière d'étendre le concept du self-contained à l'ensemble de l'amplificateur, et non seulement à sa sortie pour protéger le circuit des variations d'impédance d'antenne. Chapitre I : Du réseau mobile de cinquième génération à l'amplificateur de puissance Chapitre I : Du réseau mobile de cinquième génération à l'amplificateur de puissance
Sommaire I.1. Les radiocommunications sans fil de cinquième génération 20 I.1.1. I.1.2. Applications visées pour le réseau de cinquième génération 21 I.1.3. Les besoins du réseau de cinquième génération 21 I.1.4. Bande de fréquences du réseau de cinquième génération 25 I.1.5. Réseau d'antennes et recombinaison spatiale de faisceaux 25 I.2. Émetteur-récepteur beamforming en technologie CMOS pour la 5G 26 I.2.1. Émetteur-récepteur beamforming 26 I.2.2. Emetteurs-récepteurs beamforming aux fréquences millimétriques 29 I.2.3. La technologie CMOS pour la 5G 32 I.2.4. Rôle de l'amplificateur de puissance dans un émetteur-récepteur 33 I.3. Les amplificateurs de puissance 34 I.3.1. Les paramètres caractérisant un amplificateur de puissance 34 I.3.2. Classes de fonctionnement d'un amplificateur de puissance 37 I.3.3. Contrainte en linéarité d'un amplificateur de puissance pour la 5G. 41 I.3.4. Fiabilité des amplificateurs de puissance CMOS 48 I.4. Etat de l'art des PA pour la 5G aux fréquences millimétriques. 52 I.4.1. Amplificateur de puissance hautement linéaire à 60GHz 52 I.4.2. Amplificateur de puissance basé sur topologie push-pull à 60GHz 54 I.4.3. Amplificateur de puissance à haut rendement à 28 GHz 56 I.4.4. Amplificateur de puissance cascode à 28 GHz 57 I.4.5. Tableau comparatif et verrous technologiques 58 I.5. Conclusion 59 I.6. Références 60 I.7. Chapitre I : Du réseau mobile de cinquième génération à l'amplificateur de puissance I.1. Les radiocommunications sans fil de cinquième génération I.1.1. Introduction
En seulement 20 ans, les réseaux de téléphonie mobile ont subi une transformation profonde en passant de la deuxième génération (2G) (communication vocale), à la troisième génération (3G) (communication vocale et transfert de données), puis à la quatrième génération (4G) (communication et transfert haut débit). En effet, d'un téléphone conçu à l'origine pour effectuer une conversation vocale entre deux utilisateurs sans fournir aucun autre service que le simple envoi/réception de messages textes, le smartphone moderne est devenu aujourd'hui un véritable centre de données portatif donnant accès à une multitude de services et d'applications (appareil photo, navigateur, internet, jeux). Cette généralisation des accès internet via le smartphone et l'arrivée des appels vidéo, poussent pour un débit de données encore plus conséquent. Figure I-1 : Évolution des réseaux mobiles
Depuis 1979 avec le déploiement de la première génération (1G) de réseaux sans fil, principalement analogique, une nouvelle technologie est née tous les 10 ans (Figure I-1). La deuxième génération (2G) de réseaux mobile et le passage au numérique avec la création du standard GSM ont introduit de nouveaux services de transfert de données comme les SMS ( Short Message Service). Néanmoins, la 2G ne pouvait pas encore répondre à la demande d'accès à internet depuis les téléphones portables. Ceci a motivé le développement de la 3G qui est arrivée sur le marché en 2001 avec les premiers smartphones. Puis en 2009, des débits de transferts de données beaucoup plus importants que ceux de la 3G ont pu être atteints avec la définition de la 4G permettant les appels vidéo et le transfert de fichiers beaucoup plus volumineux. Cependant, le réseau 4G ne peut pas répondre à la demande croissante du nombre d'objets connectés. C'est pourquoi l'industrie du téléphone mobile a choisi de développer le réseau de cinquième génération (5G) pour fournir une solution technique au problème que rencontre la 4G aujourd'hui.
Chapitre I : Du réseau mobile de cinquième génération à l'amplificateur de puissance
Le concept de 5G regroupe à la fois une évolution des réseaux mobiles existants pour satisfaire les futures demandes en transfert de données, mais aussi une révolution avec la création d'une nouvelle technologie de communication plus compétitive, c'est-à-dire un réseau qui sera plus efficace et moins cher.
I.1.2. Applications visées pour le réseau de cinquième génération
La 5G fournira la connectivité sans fil pour un large éventail de nouvelles applications présentées sur la Figure I-2 : maison intelligente (domotique), sécurité routière et voiture autonome, E-santé, ville intelligente, ontrôle de processus industriels, divertissement, et bien sûr l'internet des objets (Internet of Things – IoT). Figure I-2 : Applications de la 5G
I.1.3. Les besoins du réseau de cinquième génération
La 5G sera un élément clé de notre société hyperconnectée de demain. Afin de permettre la connectivité pour cette très large gamme d'applications, elle devra répondre à la croissance élevée du trafic et à la demande toujours plus importante de débit, ainsi qu'aux besoins de communications de haute fiabilité pour les applications critiques spécifiques comme pour les voitures autonomes. Elle devra également supporter un nombre considérable de périphériques connectés avec une très faible latence. Tout cela sera possible par l'amélioration de la technologie 4G combinée avec le développement des nouvelles technologies d'accès radio de la 5G [1], [2], [3], [4].
Chapitre I : Du réseau mobile de cinquième génération à l'amplificateur de puissance Interopérabilité
Assurer l'interopérabilité avec les générations passées de communications mobiles a été un principe clé de l'industrie des télécommunications depuis le développement du GSM. D'une manière similaire, le réseau 4G devra évoluer vers la 5G. Ce dernier continuera d'intégrer l'accès 4G (basé sur l'Orthogonal Frequency Division Multiplexing - OFDM) mais utilisera aussi de nouvelles technologies d'accès radio pour améliorer les performances du réseau, et ceci de manière transparente pour les utilisateurs. Autour de 2020, une grande partie de la couverture sans fil disponible continuera d'être fournie par le réseau actuel 4G, et il est important que les opérateurs qui ont déployé ce réseau aient la possibilité de passer une partie - ou la totalité - de leurs bandes de fréquences vers la 5G. En parallèle, la technologie 4G continuera d'évoluer en tant que membre à part entière de la famille 5G. Le réseau 5G permettra la double connectivité entre la 4 fonctionnant dans les bandes inférieures à 6GHz et la 5G qui pourra aussi allouer les bandes de 6GHz à 100GHz comme illustré sur la Figure I-3. Figure I-3 : Interopérabilité du réseau 5G. Capacité du Réseau et Internet des Objets (IoT)
Le réseau 5G devra supporter plus d'un milliard d'objets connectés, notamment avec l'arrivée de l'IoT, c'est-à-dire qu'il aura une capacité mille fois plus importante que les réseaux actuels [5]. Cette augmentation exponentielle des appareils connectés obligera le réseau à soutenir un nouveau paradigme avec la gestion d'un grand nombre d'appareils connectés sans compromettre la sécurité des données. De plus, le grand nombre de périphériques connectés défie sérieusement la capacité du réseau à gérer les connexions de tous ces appareils.
22 Chapitre I : Du réseau mobile de cinquième génération à l'amplificateur de puissance Débit et couverture réseau
Chaque nouvelle génération de communication mobile a été associée à une augmentation des débits de données par rapport à la génération précédente. Dans le passé, l'accent était principalement mis sur le débit de données maximum qui pouvait être atteint. Cependant, la 5G fera la distinction entre les différents débits pouvant effectivement être fournis en fonction des conditions réelles d'utilisation dans différents scénarios et environnements. Pour cela, la 5G vise un débit de 10 Gb/s pour les utilisateurs fixes et de 1 Gb/s pour les utilisateurs en mouvement (par exemple dans un train). Le débit minimal envisagé en zone dense (environnement urbain) ne devra pas être en deçà de 100 Mb/s. Et finalement, la 5G devra garantir au moins 10 Mb/s presque partout, y compris dans les zones rurales peu peuplées. Finalement, la 5G devra donner l'impression aux utilisateurs que la capacité du réseau est infinie. C'est-à-dire que le réseau pourra satisfaire n'importe quelle demande de transfert de données (aussi volumineux soit-il), peu
l'endroit où se trouve l'utilisateur. Latence du réseau
La très faible latence sera dictée par la nécessité de soutenir de nouvelles applications dites critiques. En effet, certains cas d'utilisation de la 5G envisagés, tels que la sécurité et le contrôle du trafic routier ou encore l'E-santé, nécessitent une latence beaucoup plus faible que les systèmes de communication actuels. Pour soutenir ces applications, la 5G devra permettre une connexion avec une latence maximale de 1 ms. Fiabilité du réseau En plus d'une très faible latence, la 5G devra également permettre une connectivité ultra-fiable. Figure I-4 : Besoins de la 5G
24 Chapitre I : Du réseau mobile de cinquième génération à l'amplificateur de puissance I.1.4. Bande de fréquences du réseau de cinquième génération
Dans le but de supporter un trafic toujours plus important et une demande en bande passante toujours plus grande. La 5G devra étendre sa bande de fréquences au-delà des bandes utilisées habituellement dans les communications mobiles. Cela inclut aussi bien les bandes de fréquences en deçà de 6 GHz que les fréquences millimétriques. Toutefois, un spectre "officiel" pour la 5G est encore à identifier par les organismes de réglementation. En effet durant la conférence "World Radiocommunication Conference" qui s'est tenue à Genève en 2015 (WRC-2015), l'Union Internationale des Télécommunications (International Telecommunication Union - ITU) met en avant les gammes de fréquences comprises entre 24 GHz et 86 GHz (avec un intérêt particulier pour la bande de fréquence autour de 28 GHz) pour le développement de la future 5G [6]. Mais à ce jour, l'industrie du téléphone mobile reste vague sur un choix particulier, et l'ensemble des bandes de fréquences entre 1 GHz et 100 GHz sont encore en cours d'examen. Comme présentée sur la Figure I-5, la partie inférieure de cette gamme de fréquences, en dessous de 30 GHz, est préférée du point de vue des propriétés de propagation. De plus, il est important de comprendre que les hautes fréquences, en particulier au-dessus de 10 GHz, peuvent servir de complément aux bandes de fréquences inférieures, et seront principalement utilisées pour fournir une capacité supplémentaire au système et une transmission très large bande pour des débits de données plus importants. Les fréquences millimétriques quant à elles peuvent être utilisées pour les applications en intérieur pour fournir des connexions très haut débit.
Figure I-5 : Spectre de fréquences pour la 5G. I.1.5. Réseau d'antennes et recombinaison spatiale de faisceaux
Pour assurer, aux fréquences millimétriques, une connexion haut débit et l'ubiquité du réseau en milieu urbain, la 5G utilisera la technologie "massive MIMO" (Multiple Input Multiple Ouput) à l'aide de réseaux multi-antennes. issance De plus, l'utilisation du beamforming (recombinaison de faisceaux) améliorera le transfert d'énergie entre l'émetteur et le récepteur [7] et permettra également d'améliorer l'environnement radio en limitant les interférences entre les utilisateurs (Figure I-6). L'utilisation du beamforming sera également une solution importante pour les fréquences inférieures pour étendre la couverture réseau et faciliter le déploiement en zones rurales.
Figure I-6 : Utilisation du beamforming pour limiter les interférences. I.2. Émetteur-récepteur beamforming en technologie CMOS pour la 5G
I.2.1. Émetteur-récepteur beamforming
Comme, introduits précédemment, les réseaux beamforming combinent dans l'espace les signaux provenant de plusieurs antennes permettant ainsi de contrôler l'orientation du faisceau. De nos jours, il est principalement utilisé dans l'armée avec les radars et le spatial avec les satellites. La Figure I-7 montre deux exemples d'application beamforming : le premier est un récepteur radar utilisant un réseau d'antennes encastré dans le nez d'un avion militaire et le deuxième un émetteur multi-antennes sur un satellite de télécommunication. Figure I-7 : Exemple d'application du beamforming
26 Chapitre I : Du réseau mobile de cinquième génération à l'amplificateur de puissance
Le faisceau obtenu dans les réseaux beamforming est électriquement orientable, ce qui signifie que les antennes utilisées pour recombiner les signaux sont fixes, c'est-à-dire qu'elles n'ont pas besoin d'être mécaniquement orientées pour diriger le faisceau comme il serait nécessaire de le faire avec une seule antenne classique. Ce concept permet d'éliminer tous les problèmes liés au mouvement mécanique dans l'espace. En effet, pour les satellites, lorsque l'antenne est montée sur une plate-forme mobile pour orienter le faisceau (au lieu d'utiliser le beamforming), il faudrait pour chaque mouvement générer une masse égale et opposée à ce déplacement afin de maintenir la stabilité du satellite. Le principe du beamforming est de synthétiser un champ électrique contrôlé en phase et en amplitude grâce à un réseau d'antennes. Pour cela, comme illustré sur la Figure I-8, le signal à émettre est réparti sur plusieurs cellules d'amplification à l'aide d'un diviseur de puissance. Ensuite, chaque cellule d'amplification est composée d'un déphaseur suivi d'un amplificateur de puissance, d'un réseau d'adaptation et d'une antenne. Finalement, le signal émis par chaque antenne individuelle est recombiné dans l'air pour donner un faisceau unique et orientable dans l'espace.
Figure I-8 : Schéma d'un émetteur beamforming
L'ajout d'un décalage en phase sur chaque cellule d'amplification du réseau permet de contrôler l'orientation du faisceau en sortie comme illustré sur la Figure I 27 Chapitre I : Du réseau mobile de cinquième génération à l'amplificateur de puissance
Figure I-9 : Schéma explicatif du fonctionnement du beamforming
Le beamforming apporte de nombreux avantages. Tout d'abord, il permet de concentrer la puissance du signal dans la direction du récepteur. Le gain ainsi obtenu améliore la qualité de la transmission, et donc le rapport signal/bruit. De plus, l'orientation du faisceau se faisant électriquement à l'aide de déphaseurs variables (donc sans repositionnement mécanique), elle est très rapide, voire instantanée à l'échelle humaine. Alors qu'un mouvement mécanique serait beaucoup plus lent avec une antenne unique. Par sa nature, un réseau beamforming présente une redondance qui le rend plus fiable. En effet, dans le système complet, si une cellule d'amplification cesse de fonctionner, toutes les autres cellules continueront d'opérer normalement et le modèle collectif ne sera que légèrement impacté. Néanmoins, aux fréquences millimétriques, contrôler les différences de phase entre chaque cellule reste difficile, et il faut également faire en sorte que chaque cellule soit clairement centrée pour garantir les performances de l'amplificateur total. En effet, un couplage peut exister entre les différentes cellules pouvant poser problème car le fonctionnement d'une cellule d'amplification individuelle peut être impacté par les autres cellules avoisinantes et ainsi créer une onde stationnaire en sortie de l'amplificateur. Jusqu'à présent, il y a peu d'applications pour la grande distribution, à l'exception des routeurs WiFi les plus récents. En effet, les systèmes beamforming peuvent être très coûteux, en raison du grand nombre de déphaseurs et d'amplificateurs de puissance nécessaires. En plus de la gestion du décalage en phase chaque cellule, il faut s'assurer en émission que chaque amplificateur de puissance fonctionne correctement dans cet environnement changeant.
Chapitre I : Du réseau mobile de cinquième génération à l'amplificateur de puissance I.2.2. Emetteurs-récepteurs beamforming aux fréquences millimétriques
Tout d'abord, les architectures d'émetteur-récepteur aux fréquences millimétriques proposées dans la littérature sont principalement basées sur deux structures : superhétérodynes et homodynes. Sur ces deux architectures, on trouve une partie analogique pour le traitement en bande de base, un oscillateur local (Local Oscillator - LO) avec une boucle à verrouillage de phase (Phased Locked Loop - PLL) pour la génération de la fréquence, des mélangeurs RF pour la conversion en fréquence et un amplificateur de puissance. Figure I-10 : Architecture superhétérodyne
Un exemple de ce type d'émetteur-récepteur superhétérodyne intégrant du beamforming fabriqué en technologie CMOS 65 nm est illustré sur le Figure I-11. Il couvre la bande de fréquences de 59,40 GHz à 63,72 GHz pour allouer le standard WirelessHD. Il est composé de 32 cellules d'amplification en émission et de 4 cellules en réception.
Chapitre I : Du réseau mobile de cinquième génération à l'amplificateur de puissance
Figure I-11 : Émetteur-récepteur superhétérodyne avec beamforming
[8]
Dans cet exemple, les PAs présents sur chaque cellule du réseau beamforming permettent de délivrer à chacune des antennes une puissance linéaire de 9 dBm avec un gain de 22 dB sur une bande de fréquences de 8 GHz. Les PAs ont été conçus pour proposer un compromis entre la linéarité et le rendement qui atteint un maximum de 22 %. Sur chaque cellule, un détecteur de puissance a été ajouté afin de contrôler la puissance transmise à chaque antenne. L'émetteur et le récepteur sont composés de 32 et de 4 cellules respectivement. Les déphaseurs permettent d'ajuster le diagramme de rayonnement du réseau d'antennes comme illustré sur la Figure I-12. Figure I-12 : Diagramme de rayonnement de [8]
Chapitre I : Du réseau mobile de cinquième génération à l'amplificateur de puissance Émetteurs-récepteurs homodynes
Pour supprimer le problème des fréquences images, les études sur les émetteurs ont mené à l'architecture homodyne, appelée aussi conversion directe ou encore Zero-IF (ZeroIntermediate Frequency). Contrairement à l'architecture superhétérodyne, le signal est directement amené à la fréquence à laquelle il sera transmis. Cependant, afin de supprimer correctement la fréquence image, la quadrature de phase doit être parfaitement maitrisée. Comme illustré sur la Figure I-13, le signal en bande de base est directement modulé à la fréquence f0 d'émission grâce à deux mélangeurs en quadrature et d'une PLL avec un oscillateur local pour générer la fréquence f0.
Figure I-13 : Architecture homodyne ou à conversion directe
Cependant, un des problèmes bien connus de cette architecture est le phénomène de "pulling" du VCO (Voltage Controlled Oscillator) de la PLL [9]. En effet, le VCO et le PA fonctionnent à des fréquences proches et peuvent par leur proximité se coupler via le substrat, et quand deux systèmes oscillants sont trop proches, ils ont tendance à s'accorder par couplage. De plus, le signal de sortie du PA ayant une puissance de sortie bien supérieure à celle de l'oscillateur local, c'est ce dernier qui peut se retrouver décalé en fréquence. Il faut donc veiller à ce que ces éléments ne soient pas trop proches bien qu'il soit quasiment impossible d'éliminer totalement ce couplage. Un exemple de ce type d'émetteur-récepteur homodyne intégrant du beamforming fabriqué en technologie CMOS 65 nm est illustré sur le Figure I-14. Il est composé de 4 cellules en mission comme en réception. 31 Chapitre I : Du réseau mobile de cinquième génération à l'amplificateur de puissance
Figure I-14 : Émetteur-récepteur homodyne avec beamforming [10]
Sur la partie émission, chaque amplificateur de puissance permet de délivrer une puissance de saturation de -1,5 dBm avec un gain de 24 dB sur une bande de fréquences de 8 GHz. Chaque cellule d'amplification consomme 27 mW.
I.2.3. La technologie CMOS pour la 5G
Comme vu dans le début de ce chapitre, la 5G adresse un marché de masse pour des bandes de fréquences allant de 1 GHz à 100 GHz. La technologie CMOS apparait naturellement comme un bon candidat pour répondre à ces besoins. En effet, elle présente une très forte capacité d'intégration avec un coût de production plus faible que les technologies III-V comme l'AsGa et l'InP, ou encore que la technologie silicium SiGe. De plus, ces technologies restent plus onéreuses avec une capacité de production et d'intégration plus faible, et sont donc moins intéressantes pour ce type de marché (même si pour l'instant l'AsGa est fortement utilisé dans les téléphones mobiles). Cependant, les technologies CMOS ont longtemps été réservées à la conception numérique. Mais grâce à l'amélioration des performances sur silicium avec la miniaturisation des transistors, il est désormais possible d'intégrer la majeure partie des blocs RF en technologie CMOS (mélangeur, LNA, PLL, etc.). Néanmoins, l'amplificateur de puissance constitue l'un des derniers verrous technologiques (avec les filtres) pour réaliser une intégration totale d'émetteur-récepteur sur une puce unique appelée SoC (System on Chip). Ceci permettrait de diminuer significativement le coût de fabrication des émetteursrécepteurs. En effet, l'amplificateur de puissance reste circuit difficile à implémenter sur silicium principalement à cause des faibles tensions de claquage des transistors CMOS limitant la puissance de sortie des PAs. À cela s'ajoute le faible gain disponible par transistor aux fréquences millimétriques, augmentant les contraintes en linéarité liées aux modulations complexes utilisées par les réseaux actuels.
Chapitre I : Du réseau mobile de cinquième génération à l'amplificateur de puissance
De plus, avec la très forte demande de produits en CMOS, l'industrie du semiconducteur ne cesse de miniaturiser les transistors pour augmenter les fréquences ft et fmax, et ainsi améliorer les performances RF des transistors. Par exemple, l'ITRS (International Techonology Roadmap for Semiconductor) estime que la fréquence de transition ft des transistors CMOS dépassera le térahertz d'ici deux ans (2019). De plus, pour répondre au besoin de connexion ultra-fiable imposée pour certaines applications de la 5G, de nouvelles manières d'appréhender l'amplificateur de puissance dans son environnement voient le jour avec le self-healing (qui peut être traduit en français par « autocuratif ») [15] ou encore le self-contained (qui peut être traduit par « autonome » ou « auto-adaptable ») [16] permettant d'assurer un fonctionnement fiable pour l'amplificateur dans son environnement changeant. Le self-healing est une méthode qui permet d'atténuer l'impact des variations de l'environnement du PA en identifiant toutes les dégradations de ses performances et en modifiant en conséquence le circuit, afin d'assurer le fonctionnement correct de l'amplificateur en fonction de son environnement. À l'inverse du self-healing, le self-contained met en avant l'idée de rendre le circuit indépendant, robuste aux variations de son environnement, le rendant ainsi autonome.
I.2.4. Rôle de l'amplificateur de puissance dans un émetteur-récepteur
Comme vu précédemment, le PA est le dernier bloc RF avant l'antenne. Il a pour but d'apporter suffisamment de puissance au signal transmis par le biais de l'antenne. Par son rôle, le PA est un contributeur important dans la consommation d'énergie d'une chaine de transmission RF. En effet, il peut représenter jusqu'à 60 % de la puissance dissipée totale [17]. En outre, dans les réseaux beamforming sa contribution sera d'autant plus importante que le nombre total de cellules amplificatrices sera grand. De plus, dans la course au débit de données toujours plus important, les modulations utilisées par les standards imposent des contraintes en linéarité toujours plus grandes, ce qui a pour conséquence d'augmenter la consommation des PAs.
l'amplificateur de puissance
La Figure I-15 montre la répartition de la consommation en énergie entre les différents blocs actifs constituant une station de base du réseau 4G dédié au backhauling entre les macrocells (< 10 km). L'amplificateur de puissance représente à lui seul 57 % de la puissance totale consommée par une station de base [18]. Par conséquent, la consommation du PA impacte directement la durée d'utilisation de la batterie des terminaux mobiles, et à l'heure actuelle, constitue donc un enjeu majeur pour la 5G. Figure I-15 : Répartition de la consommation dans une station de base du réseau 4G [18] I.3. Les amplificateurs de puissance
I.3.1. Les paramètres caractérisant un amplificateur de puissance
Pour caractériser le fonctionnement d'un amplificateur de puissance, il est nécessaire de définir plusieurs paramètres clés comme le gain en puissance, la puissance de sortie saturée, le rendement, la linéarité, la bande passante. Ces derniers servent à définir les performances d'un PA pour finalement les comparer entre eux et les classer dans l'état de l'art. Figure I-16 : Bilan de puissance d'un PA
34 Chapitre I : Du réseau mobile de cinquième génération à l'amplificateur de puissance
Avec : Pgéné : la puissance délivrée par le générateur Pin : la puissance fournie au PA Pdel : la puissance de sortie délivrée par le PA Pout : la puissance de sortie fournie à la charge Zin et Zout : les impédances d'entrée et de sortie du PA Zgéné : l'impédance du générateur (généralement 50 ) Zcharge : l'impédance de la charge en sortie du PA
Les différents gains en puissance
Le gain en puissance est le rapport entre la puissance du signal en sortie et celle du signal en entrée du PA. On peut distinguer trois gains. En effet, les pertes dues aux désadaptations d'antenne peuvent être ou non prises en compte dans le calcul du gain, on distingue alors : Le gain opérant du PA Gop défini par l'équation (I-1) : = Le gain disponible Gdisp, qui prend en compte l'adaptation en entrée du PA, défini par l'équation (I-2) : = (I-1) (I-2) é é le gain transconducique Gtrans, qui permet de prendre en compte à la fois les pertes d'adaptation en entrée et en sortie, défini par l'équation (I-3) : = (I-3) é é
Le rendement
L'autonomie des batteries des smartphones a toujours été un point clé de l'industrie de la téléphonie mobile et de ce fait le PA doit délivrer de la puissance à la charge en consommant le moins d'énergie possible. C'est pourquoi le rendement est primordial dès lors que l'on conçoit un PA pour les applications 5G. Il peut être défini par l'équation (I-4) appelée PAE (Power Added Efficiency) : = 100
Chapitre I : Du réseau mobile de cinquième génération à l'amplificateur de puissance
La linéarité En premier lieu pour caractériser un amplificateur de puissance, un signal sinusoïdal CW (Continuous Wave) est appliqué à l'entrée du PA, tout en effectuant un balayage en puissance de Pin comme montré sur la Figure I-17. a) Pout en fonction de Pin b) Gain en fonction de Pout Figure I-17 : Réponse du PA avec un signal CW
Le fonctionnement du PA est linéaire quand la puissance de sortie est proportionnelle à celle d'entrée d'un facteur G qui est le gain linéaire du PA et peut être défini par l'équation (I-5) : = ∗ (I-5) ou encore en dB par l'équation (I-6) : [ ]= [ ]+ [ ] (I-6) L'amplificateur devient non-linéaire quand le gain G commence à décroitre. Le point de fonctionnement où le gain chute de 1 dB par rapport au gain linéaire est appelé point de compression à 1 dB. La puissance de sortie à ce point est nommée puissance de sortie à 1 dB de compression du gain, et est notée : P-1db (ou encore OCP1 pour 1 dB Output Compression Point). La puissance d'entrée au point de compression est notée : ICP1 (1 dB Input Compression Point). Ces non-linéarités sur l'amplitude du signal de sortie sont aussi dénommées par le terme de conversion AM/AM. De plus, en traçant la phase du signal de sortie en fonction de la puissance du signal d'entrée, un second type de non-linéarité AM/PM est mis en évidence (conversion Amplitude/Phase). Ces deux types de non-linéarité engendrent donc une déformation du signal de sortie en amplitude et en phase qui peut être quantifiée avec l'EVM (Error Vector Magnitude) ou encore l'ACLR (Adjacent Channel Leakage Ratio), paramètres qui seront détaillés plus loin.
itre I : Du de cinquième génération à l'amplificateur de puissance a) Conversion AM/AM b) Conversion AM/PM
Figure I-18 : Non-linéarités en amplitude et en
I.3.2. Classes de fonctionnement d'un amplificateur de puissance
Les PAs sont classifiés par rapport à leur classe de fonctionnement qui dépend du comportement des transistors. Ces classes sont séparées en deux catégories : Les classes sinusoïdales A, B, AB et C où le transistor se comporte comme une source de courant continu et la puissance de sortie est proportionnelle à la puissance d'entrée. Les classes commutées dites à haut rendement D, E et F (et d'autres comme F-1, J, etc.) où le transistor se comporte comme un interrupteur. La puissance de sortie n'est alors plus une fonction linéaire de la puissance d'entrée. Les Classes sinusoïdales Classe A
En classe A, les transistors conduisent durant toute la période du signal sinusoïdal d'entrée. Le point de repos de cet amplificateur est choisi au milieu de la droite de charge. Nous avons alors une puissance de sortie maximale, si la charge est judicieusement choisie pour être adaptée au transistor. En revanche, le rendement d'un amplificateur de classe A ne dépasse pas 50 % en théorie comme montrée avec l'équation (I-7) :
ɳ = = ( )∗ − ∗ Avec : : la tension d'alimentation : la tension de coude : le courant max de drain 37 ≈ 50 % (I-7)
Chapitre I : Du réseau mobile de cinquième génération à l'amplificateur de puissance Classe B
Contrairement à la classe A, en classe B les transistors ne conduisent que la moitié de la période du signal d'entrée. Pour cela, les transistors sont polarisés à la tension de seuil notée Vth. Ce mode de fonctionnement est souvent utilisé dans les structures dites push-pull qui seront détaillées par la suite. En théorie, le rendement maximum est de 78,5 % d'après l'équation (I-8).
ɳ = = ( )∗ − ≈ 78,5 % (I-8) ∗
Classe AB
Comme son nom l'indique, la classe AB se situe entre la classe A et la classe B. Ce type d'amplificateur est très utilisé car il constitue un compromis intéressant entre les classes A et B en termes de linéarité et de rendement. Elle est beaucoup plus flexible au niveau de ses performances suivant l'application pour laquelle elle est choisie. Il est donc possible d'avoir avec ce type d'amplificateur un rendement théorique compris entre 50 % et 78,5 % comme le montre l'équation (I-9).
ɳ = = 1 ∗ 2 − ∗ − sin( ) 2. sin −. cos
≤ 78,5 % (I-9)
Avec θ : l'angle de conduction compris ici entre π (classe B) et 2π (classe A). La classe AB offre un bon compromis entre linéarité et efficacité, c'est pour cela qu'elle est largement utilisée aux fréquences millimétriques. Classe C En classe C, la tension de polarisation des transistors est inférieure à la tension de seuil. Les transistors conduisent moins de la moitié de la période du signal. Le rendement théorique peut alors dépasser 78,5 %. a) Classe A b) Classe AB c) Classe B d) Classe C Figure I-19 : Zone de conduction du transistor en fonction de sa classe 38
Chapitre I : Du réseau mobile de cinquième génération à l'amplificateur de puissance
Figure I-20 : Réseau I(V) avec les classes de fonctionnement sinusoïdal
Classes commutées
Les classes commutées permettent d'optimiser le rendement au détriment de la linéarité. Les transistors sont ici utilisés comme des interrupteurs. Ces classes de fonctionnement sont principalement utilisées pour les standards de communication à enveloppe constante ou les contraintes de linéarité AM/AM sont beaucoup plus faibles.
Classe D
L'amplificateur en classe D se compose de deux transistors conduisant alternativement, et crée ainsi des commutateurs complémentaires. Ceci permet de récupérer toute la puissance de la source d'alimentation en sortie. À ces deux commutateurs sont ajoutés des résonateurs LC pour retrouver la fréquence fondamentale sur la charge, et éliminer les harmoniques d'ordres supérieurs, ceci afin de garantir un rendement théorique de 100 %.
Classe E
L'amplificateur de classe E consiste à utiliser le transistor en commutation (comme un interrupteur). En présentant une faible résistance à l'état ON et une très haute impédance à l'état OFF, les formes d'ondes en courant et en tension sur le drain de l'amplificateur sont alors en opposition de phase. Dans le cas idéal, la résistance en mode ON est négligeable et la puissance dissipée est alors nulle. De même, toujours dans le cas idéal, si l'impédance en mode OFF est très grande, aucun courant ne traverse le transistor, la commutation est alors parfaite, le transistor ne dissipe pas de puissance et le rendement théorique est alors de 100 % [19]. La différence entre l'amplificateur de classe D et l'amplificateur de classe E se situe dans le fait que l'impédance présentée en sortie du transistor pour les deuxièmes et troisièmes harmoniques est un circuit ouvert pour la classe E. 39
Chapitre I : Du réseau mobile de cinquième génération à l'amplificateur de puissance
Le PA [20] en classe E à 60 GHz présenté sur la Figure I-21 est implémenté dans la technologie 32 nm CMOS SOI. Les réseaux d'adaptation sont uniquement réalisés à l'aide de ligne de transmission. Cet amplificateur mesuré en différentiel atteint à 60 GHz une puissance de saturation de 12,5 dBm, un maximum de PAE égal à 30 % et un gain de 10 dB sous 0,9 V de tension d'alimentation. b) Gain et PAE en fonction de Pout
Figure I-21 : PA en classe E à 60 GHz
Classe F
L'amplificateur en classe F n'est pas à proprement parler une classe commutée puisque le signal d'entrée doit être sinusoïdal. Cette classe d'amplificateur permet une augmentation du rendement grâce à son réseau de sortie composé de résonateurs. Le but de ce réseau est de fournir un traitement des harmoniques au niveau du drain des transistors pour former un signal carré [19]. Le réseau de sortie sera donc un réseau de circuits résonants à différentes harmoniques. La tension de drain est alors uniquement composée d'harmoniques d'ordre impair, et le courant d'harmoniques d'ordre pair. La tension et le courant de drain ne se recouvrant pas, aucune puissance n'est dissipée. Ceci induit un rendement de drain très élevé pouvant atteindre théoriquement 100 % si un nombre infini d'harmoniques est traité (ce qui n'est bien sûr pas réalisable en pratique). Le PA [21] en classe F à 60 GHz présenté sur la Figure I-22 est implémenté dans la technologie 65 nm CMOS. En sortie, un réseau LC permet de faire résonner la 3 ème harmonique. Ici, seuls le fondamental et la 3 ème harmonique sont utilisés, car la 5 ème harmonique se situe déjà à 300 GHz où les transistors n'ont plus de gain. Cet amplificateur mesuré à 57 GHz atteint une puissance de saturation de 14,9 dBm, un maximum de PAE égal à 16,3 % et un gain de 11 dB sous 2 V de tension d'alimentation.
Chapitre I : Du réseau mobile de cinquième génération à l'amplificateur de puissance b) PAE, Gain et Pout en fonction de Pin
Figure I-22 : PA en classe F 60 GHz I.3.3. Contrainte en liné
ité d'un amplificateur de puissance pour la 5G.
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Ces fiches permettent d'avoir une vision précise de la physionomie, de la structure, de la composition floristique, de la dynamique, de la répartition et de l'intérêt biologique de chacune des landes du territoire d'étude. Elles sont associées à de nombreuses illustrations. Les cartes de répartition proposées au sein des fiches génériques sont réalisées par maille de 2,5 km2 et superposées à la délimitation de l'ensemble des landes cartographiées dans la Région (tous types confondus). Dans les fiches par association, les cartes de répartition sont faites par petite région naturelle. Il n'a en effet pas été possible d'obtenir une vision plus précise compte tenu du jeu de données en possession (Cf C-1.1). Plusieurs classes de valeur ont été définies afin d'avoir une idée de la fréquence et de l'abondance de la lande décrite au sein de chaque petite région naturelle. Ces classes et leurs significations sont présentées ci-dessous.
Figure 15 : Légende des cartes de répartition des associations végétales de landes par petite région naturelle sur le territoire francilien. Enfin, un cartouche (Figure 17) synthétise différentes informations sur la végétation présentée : Les correspondances avec les différentes typologies (EUR28, EUNIS, et Corine biotope) ; Une schématisation sous forme de tableau de l'amplitude écologique de la lande par rapport aux facteurs hydriques et de pH du sol ; La période optimale de floraison représentée sous forme de chiffres romains. ôme 24 Amplitude écologique DHFF : 4030-7 EUNIS : F4.2 Correspondances typologiques XX Humidité croissante C.B : 31.2 XX X m f h X m f h hh hh H H AA A aa a n b AA A aa a n b Période optimale de floraison (ici de septembre à novembre) VII-IX Acidité croissante
Figure 16 : Significations du cartouche C- Etat des lieux des landes franciliennes C-1 Répartition et représentativité des landes
C-1.1 Données cartographiques exploitées Jeu de données exploité
Le CBNBP réalise dans le cadre de ses missions des cartographies de végétations et d'habitats naturels depuis une quinzaine d'années. Il a entre autres réalisé entre 2006 et 2014 (en partenariat avec le Conseil départemental de Seine-Saint-Denis, de Seine-et-Marne et du Conseil régional d'Îlede-France), la cartographie complète des milieux naturels de la région. Cette cartographie, réalisée au ème 1/5 000 est disponible sur le site internet du CBNBP (http://cbnbp.mnhn.fr/cbnbp/biodiversite/cartographieVegetationsIDF.jsp). Elle s'appuie notamment sur les expertises de sites effectuées dans le cadre d'autres partenariats et sur un échantillonnage rigoureux de l'ensemble des petites régions naturelles du territoire d'étude. Le CBNBP dispose donc d'une ressource cartographique solide permettant de réaliser des synthèses géographiques robustes sur certains types de végétations et habitats naturels. La synthèse cartographique réalisée dans le cadre de ce travail s'appuie donc sur cette ressource unique en France à l'échelle d'une région administrative. Fiabilité et validité des données
La méthode mise en place dans le cadre de la réalisation de la cartographie des végétations d'Île-de-France, engendre une précision des données différente en fonction du type d'interprétation des stations cartographiées. De manière schématique nous pouvons hiérarchiser la fiabilité des entités cartographiées de la sorte : Interprétation par relevé phytosociologique : par confrontation du cortège floristique de la station à des relevés de référence ; Interprétation par observation in-situ : à dire d'expert, sur la base des observations du cartographe sur site ; Interprétation par relevé FLORA : par caractérisation de la végétation sur la base de relevés floristiques intégrés dans la base de données FLORA du CBNBP ; Interprétation par observation à distance ; Interprétation par extrapolation : par analyse de photographies aériennes (photointerprétation), de la géologie, de la topographie et des végétations limitrophes identifiées par les types d'interprétations précédents. Les landes présentent une couleur spécifique sur les photographies aériennes ce qui permet leur identification assez fiable par ce procédé. Au regard de ces éléments, il faut garder à l'esprit que cette cartographie et les analyses résultantes ne peuvent se prétendre exhaustives ni totalement exactes, d'autant plus que : Les végétations évoluent continuellement et que les premières données produites par ce programme datent de 10 ans ; La classification et la connaissance des végétations franciliennes ont fortement évoluées ces dernières années. Aussi, il a été décidé, dans le cadre de ce travail de conforter la fiabilité de cette cartographie en validant l'ensemble des données issues de cette ressource, en effectuant des prospections ciblées (principalement focalisées sur les sites Natura 2000) et en épluchant des sources cartographiques extérieures, sources potentielles d'informations complémentaires. Conjointement et dans une optique de définir plus en détail la vulnérabilité des landes du territoire d'étude, chaque unité élémentaire cartographiée (station) s'est vue renseignée son niveau de fermeture ou son origine. Les classes suivantes ont été définies : 1. Fermeture inférieure à 25% 2. Fermeture comprise entre 25 et 75% 3. Fermeture comprise entre 75 et 95% 4. Fermeture supérieure à 95% 5. Lande issue d'une régénération forestière (transitoire et potentiellement déjà disparue) 6. Lande soumise à une colonisation arbustive 7. Lande présumée détruite
Précision de l'analyse
Compte tenu des éléments précédents, le niveau d'interprétation des végétations cartographiées (d'un point de vue syntaxonomique) ne peut être homogène en fonction du type d'interprétation. Il n'est donc pas possible de réaliser une synthèse à un niveau syntaxonomique aussi fin qu'est l'association végétale. De la même manière, il n'est pas possible de réaliser une synthèse des déclinaisons en habitats élémentaires des habitats Natura 2000 concernés. Néanmoins, le niveau de précision général des stations (sous-alliance pour les landes sèches à humides et l'alliance pour les hauts-marais et landes tourbeuses), permet d'établir une synthèse relativement fidèle par grand type de landes et par habitat générique de la DHFF. Ce niveau d'analyse reste amplement suffisant pour
r un état des lieux précis des landes franciliennes. C-1.2 Résultats Qualité et fiabilité de la synthèse cartographique
La ventilation du type d'interprétation des stations cartographiées de lande (Figure 17) est relativement similaire à l'ensemble de la cartographie des milieux naturels de la Région. Les données considérées de haute fiabilité (par relevé ou par observation in situ) représentent plus du quart (27%) de la surface de lande cartographiée. L'extrapolation par photo-interprétation reste néanmoins très majoritaire (72%). Il existe donc une imprécision certaine dans cette synthèse surfacique. Cependant, les landes constituent des végétations facilement identifiables par photo-interprétation (excepté lorsqu'elles sont sous un couvert arboré relativement dense), ce qui limite considérablement ce biais d'analyse. Aussi, nous pouvons considérer cette synthèse relativement fiable et tout à fait satisfaisante pour en tirer des conclusions pertinentes. Elle ne peut néanmoins se prétendre totalement exacte. Wegnez Jérôme 27 1% 6% 21% par relevé(s) par observation in-situ 0% par données Flora par photo-interprétation par observation à distance 72%
Figure 17 : Proportion de la surface des landes par type d'interprétation
Vulnérabilité des landes
La vulnérabilité des landes franciliennes peut être appréhendée de manière indirecte en réalisant une synthèse surfacique, par classe, de leur taux de fermeture arborée. La proportion des différentes classes définies (Figure 18) donne une idée relativement fidèle et concrète de l'état global des landes franciliennes. Malgré une imprécision certaine de ces résultats, ceux-ci témoignent néanmoins de la très grande vulnérabilité globale des landes de la région.. En effet, il apparaît que moins de 20 % des landes de la région peuvent être qualifiées d'ouvertes (recouvrement arboré inférieur à 25 %) et relativement pérennes pour la décennie à venir. A contrario, près de 50 % de la surface des landes peut être considérée très vulnérable (fermeture supérieure à 75 % ou landes résultant d'une coupe de régénération) et pour une part d'entre elles, vouées à disparaître à moyen terme. Ce constat est la résultante de l'abandon de l'usage de ces milieux naturels qui les ont conduits irrémédiablement à se boiser, de manière spontanée ou forcée (par plantation). Conjointement, le vieillissement global des landes de la Région, y compris au sein des plus ouvertes d'entre elles, tend à conclure que l'état de conservation global des landes de la région est extrêmement préoccupant. Wegnez Jérôme 28 8% 0% 1% 18% 10% Colonisation arbustive < 25% 25 à 75% 75 à 95% > 95% Régénération 30% 33% Détruit
Figure 18 : Proportion de la surface des landes par niveau de fermeture du milieu Représentativité des Habitats d'intérêt communautaire de landes et hauts-marais tourbeux en Île-de
-
France
Au total, les landes et hauts-marais couvrent une surface totale, estimée à 2 430 hectares sur le territoire francilien. Ce chiffre est important et prouve, au regard de la régression constatée de ces milieux ces dernières décennies (tant en Île-de-France, qu'en France et en Europe), que les landes occupaient très certainement une surface considérable par le passé. On peut, de manière raisonnable, considérer qu'elles couvraient une surface bien supérieure à 5 000 hectares il y a un peu plus d'un siècle. De façon plus précise, on constate un déséquilibre très important dans la surface des différents habitats génériques d'intérêt communautaire de landes et hauts-marais en Île-deFrance (Figure 19). Les landes sèches européennes (4030) sont largement dominantes. Elles couvrent une surface estimée à 2240 hectares soit 92 % de la surface totale des landes de la région. Les landes humides, tourbeuses et les hauts-marais sont de fait extrêmement rares. Au sein de cet ensemble, le déséquilibre reste très fort puisque les landes subatlantiques humides (4010) représentent 8 % des landes franciliennes alors que les tourbières hautes actives (7110) et dégradées (7120) ne couvrent qu'une surface dérisoire (< à 0.02%). Wegnez Jérôme 29 187,3; 8% 0,3; 0% 4030 4010 7110*/7120 2241,1; 92%
Figure 19 : Surface (en ha) et proportion de la surface (en %) des landes franciliennes par habitat générique Natura 2000 C-2
Hiérarchisation des enjeux de conservation des landes franciliennes
Une hiérarchisation des enjeux pour les habitats de la directive Habitats-Faune-Flore (DHFF) en région Île-de-France a déjà été réalisée par le CBNBP (Fernez 2015). La méthode développée a permis de définir les landes rattachées à l'habitat 4030 comme présentant un enjeu « moyen » et les landes humides et hauts-marais codées respectivement sous les habitats génériques 4010 et 7110*/ 7120 comme présentant des enjeux « fort ». Les résultats précédemment exposés tendent à confirmer ce diagnostic compte tenu de la représentativité de ces habitats sur le territoire francilien. Néanmoins, il apparaît nécessaire d'obtenir une vision plus précise de cette analyse au regard de la diversité des landes franciliennes et de leurs caractéristiques et intérêts propres. Il est ainsi proposé d'affiner le travail engagé par le CBNBP en 2015 afin de définir de manière plus fine les enjeux de chacune de nos landes. Ce travail, réalisé à l'échelle de l'association végétale se veut être un outil simple en mesure d'aider le gestionnaire à cibler au mieux les efforts de conservation à engager dans les années à venir sur son territoire d'action. La logique aurait voulu que l'on retranscrive la méthode développée par le CBNBP en 2015. Cependant, l'application de cette méthode à un niveau typologique plus fin, tel que recherché ici, s'est révélé difficilement applicable : par manque de connaissance : certains critères ne peuvent ainsi être évalués tel que définis dans cette méthode (rareté de l'association par exemple) ; par invariabilité de certains indicateurs au sein des unités évaluées (tendances régionales et état de conservation) ; par non pertinence de certains critères (diversité typologique). Aussi, il a été jugé nécessaire d'élaborer une méthodologie spécifique adaptée au niveau de précision souhaité (association végétale). Cette méthode reprend pour partie les critères retenus dans la méthode originale. Elle se fonde sur quatre critères. Chacun d'eux est subdivisé en trois classes associées à un score croissant (1, 2 et 3) en fonction de son intérêt : 1. La rareté de la végétation dans la région : 3 : végétation très rare à faible aire de répartition dans la région, 2 : végétation rare à répartition très morcelée sur le territoire, 1 végétation relativement fréquente ; 2. Son intérêt biologique (faunistique et floristique) : 3 : végétation favorable à l'expression de nombreuses espèces protégées ou menacées pouvant être abondantes / diversité biologique souvent forte ; 2 : végétation pouvant abriter quelques espèces protégées et/ou menacées / forte diversité biologique potentielle ; 1 : présence rare d'espèces menacées et/ou protégées, diversité biologique relativement faible ; 3. Sa sensibilité aux perturbations : 3 : végétation très sensible aux perturbations, pouvant être altérée de manière durable ou définitive, 2 : végétation sensible aux perturbations fortes ou répétées, 1 : végétation à bonne résilience se régénérant assez bien dans de nombreux cas. 4. La responsabilité de la région dans sa conservation à plus large échelle : 3 : végétation à faible répartition géographique, rare et/ou très morcelée, centrée sur le Bassin parisien. La région possède la grande majorité des stations connues ; 2 : végétation à extension géographique plus large, rare dans l'ensemble de son aire et/ou plus fréquente dans la région que dans le reste son aire de répartition et/ou en disjonction d'aire 1 : végétation à large extension géographique, relativement fréquente en France. La grande majorité des stations connues se trouvent en dehors de la région. La somme de ces scores (min = 4 ; max = 12) permet de hiérarchiser les enjeux de conservation. Quatre niveaux d'enjeux ont été établis (Tableau 1). Ce travail mériterait d'être validé par un groupe d'experts naturalistes. Un premier diagnostic est cependant proposé ci-dessous (Tableau 2). Tableau 1 : Niveaux d'enjeux et seuils associés Score Enjeux 4à6 Modéré 7à8 Fort 9 à 10 Très fort 11 à 12 Majeur Wegnez Jérôme 31 Rareté en Île-de-France Intérêt écologique Sensibilité Responsabilité régionale Enjeux de conservation Tableau 2 : Hiérarchisation des enjeux de conservation des landes et hauts-marais d'Île-de-France Lande sèche à Callune et Bruyère cendrée Calluno vulgaris - Ericetum cinereae 4030-9 1 2 1 2 6 Lande mésophile à Ajonc nain et Bruyère cendrée Ulici minoris - Ericetum cinereae 4030-7 2 1 1 1 5 Lande sèche silico-calcaire à Callune et Filipendule commune gr. à Callune et Filipendule 4030-7 3 2 1 3 9 Lande mésophile à Ajonc nain et Bruyère à balais Ulici minoris - Ericetum scopariae 4030-8 3 2 1 2 8 Lande humide à Ajonc nain et Bruyère à quatre angles Ulici minoris - Ericetum tetralicis 4010-1 2 3 2 1 8 Lande fraîche à Ajonc nain et Bruyère ciliée Ulici minoris - Ericetum ciliaris 4030-8 3 2 2 2 9 Lande humide à Bruyère à balais et Bruyère à quatre angles Ericetum scopario-tetralicis 4010-1 3 3 2 2 10 Lande humide à Callune et Bruyère à quatre angles Calluno vulgaris - Ericetum tetralicis 4010-1 3 2 2 1 8 Haut-marais Oxycocco palustris - Ericion tetralicis 7110*-1 7120-1 3 3 3 2 11 Landes tourbeuses Ericion tetralicis 4010-1 3 3 3 2 11
Ce travail permet de préciser les enjeux de conservation en faveur des landes sur le territoire francilien. Il apparaît que : La conservation des landes tourbeuses et hauts-mara représente une priorité absolue (enjeu majeur). Les landes humides d'une manière générale et plus spécifiquement celles structurées par la Bruyère à balais constituent des végétations sur lesquelles une attention forte à très forte doit être portée. Les enjeux de conservation des landes sèches sont très hétérogènes. La conservation des landes sur sables carbonatés apparaissent ainsi comme une des priorités de conservation des landes sur le territoire régional. Ce diagnostic tend à confirmer l'intérêt d'avoir apporté des précisions à la hiérarchisation des enjeux menée à l'échelle des habitats générique de la DHFF au regard de la variabilité des enjeux mesurés au sein des végétations qui les composent (en particulier pour les landes sèches). Les landes dans le réseau Natura 2000 francilien Synthèse par habitat générique de la DHFF
Parmi les différents sites Natura 2000 répartis en Île-de-France, 6 ZSC et 3 ZPS possèdent des landes au sein de leur périmètre. Compte tenu de la surface totale de lande incluse au sein de ces sites (1 152 hectares au sein des ZSC et 1 408 hectares au sein des ZPS) il est indéniable que le réseau Natura 2000 francilien possède une responsabilité majeure dans la conservation de ces habitats à l'échelle régionale. Près de 60% des landes de la région sont ainsi comprises dans le réseau Natura 2000 francilien La contribution respective de ces sites est cependant très contrastée, tant en raison des types d'habitats identifiés, de leur diversité, que de leur surface d'occupation (Tableau 3). Nous mentionnerons que : Le massif de Fontainebleau (ZPS et ZSC) a une responsabilité majeure dans la conservation des landes d'une manière générale et en premier lieu des landes sèches puisque plus de 40% d'entre elles sont localisée au sein de ce périmètre. De manière secondaire il présente également un enjeu certain pour les landes du 4010 et plus particulièrement pour les landes tourbeuses de platières qui y sont associées. Il subsiste encore certaines interrogations quant à la présence de tourbières hautes actives (hauts-marais) au sein de ce site. Un complément d'information pourrait être effectué pour statuer de manière définitive sur ce point. D'après notre analyse, nous considérons cet habitat absent des platières bellifontaines. Les fortes fluctuations saisonnières du niveau d'eau des dépressions tourbeuses de ces platières ne constituent pas des conditions favorables au développement de hauts-marais. Les sites Natura 2000 du Massif de Rambouillet (ZSC des Tourbières et prairies tourbeuses de la forêt d'Yvelines, ZSC de la Forêt de Rambouillet et ZPS du Massif de Rambouillet et zones humides proches) possèdent également une responsabilité majeure, tant en raison de la surface d'occupation des landes que de leur diversité. Ils présentent en premier lieu une responsabilité de premier ordre en faveur des landes humides et tourbeuses (4010) et également des tourbières hautes actives (7110*/7120) qui ne sont considérées présentes que sur ce site à l'échelle régionale. Tableau 3 : Synthèse surfacique des habitats communautaires de landes et hauts-marais au sein du réseau Natura 2000 d'Île
-de-France 4030 4010 7110*/7120 Total Territoire Surface % / IDF Surface % / IDF Surface % / IDF Surface % / IDF 2242,1 100,0 187,3 100,0 0,3 100,0 2429,7 100 Massif de Fontainebleau 917,1 40,9 1,3 0,7? 918,5 37,8 Forêt de Rambouillet 57,6 2,6 64,7 34,5 0,3 122,6 5,0 Tourbières et prairies tourbeuses de la forêt d'Yveline 6,9 0,3 5,3 2,9 12,2 0,5 Coteaux et boucles de la Seine 66,7 3,0 66,7 2,7 Haute vallée de l'Essonne 30,0 1,3 30,0 1,2 Buttes gréseuses de l'Essonne 1,9 0,1 1,9 0,1 1079,5 48,1 1151,9 47,4 Massif de Fontainebleau 917,1 40,9 918,5 37,8 Massif de Rambouillet et zones humides proches 259,3 11,6 383,0 15,8 Boucles de Moisson, de Guernes et de Rosny 106,6 4,8 106,6 4,4 Total ZPS 1283,0 57,2 124,1 66,2 0,3 100,0 1408,1 58,0 Total ZPS + ZSC 1317,4 58,8 124,1 66,2 0,3 100,0 1442,5 59,4 Ile-de-France ZSC Total ZSC 71,3 38,1 0,3 100,0 100,0 ZPS? 124,1 66,2 Wegnez Jérôme 34 0,3 100,0
Synthèse par association végétale
Compte tenu de l'hétérogénéité du niveau de rattachement syntaxonomique des stations cartographiées, il est impossible de réaliser une synthèse surfacique des différentes associations de landes. Il reste néanmoins possible de lister les différentes végétations avérées ou potentielles de chacun des sites Natura 2000 (Tableau 4). Bien que 3/5 ème de la surface des landes d'Île-de-France soient incluses au sein du réseau Natura 2000, trois végétations de landes (les landes humides nord-atlantiques à Call une et Bruyère cendrée, les landes humides thermo-atlantique à Bruyère à balais et Bruyère à quatre angles et les landes sèches thermo-atlantiques à ajonc nain et bruyère à balais), ne sont pas ou plus représentées au sein du réseau. Ces végétations sont extrêmement rares sur le territoire francilien, et pour certaines d'ores et déjà intégrées dans d'autres sites classés (RNR des Bruyères de SainteAssise entre autres). Néanmoins, deux de ces végétations sont considérées comme historiquement présentes au sein de certains sites N2000 (Tableau 4). Leur retour au sein de ces sites est par conséquent envisageable. De manière similaire aux constations précédentes, les sites Natura 2000 inclus dans les Massifs de Fontainebleau et de Rambouillet apparaissent comme les plus diversifiés. Ils présentent également une forte complémentarité entre eux. 35 Tableau 4 : Synthèse des végétations de landes au sein du réseau Natura 2000 d'Île-de-France
, X : Présence avérée, (X) présence potentielle ou historique C) ( ZS ) PS S) s (Z v e Y'h (ZP td roc ny ê s r p o s fo R de 00 de e la SC) ) mi et SC 20 ) sd ux hu Z s Z e ( ( ) N s e s S) rn SC nj e e ne eu ne i ne SC P e Z o E n b e d ) ( Z Z u z r ( ( S o Co lea u t (ZSC s tou de la sonne l' Es s lea u let et, de G b b e il le uil on i ri e ne le s l 'Es ses d ine ou is s bo tai p ra uc de u nt a am mb Mo et bo on e o e s a F F R t é s e l R e e e e e ré d val iè r fd fd fd de ux sg es ssi ssi ssi ucl tte te a ut e rêt u rb Ma Fo To Co Ha Bu Ma Ma Bo ne e li Lande sèche à Callune et Bruyère cendrée Calluno vulgaris - Ericetum cinereae 4030-9 X X X Lande m ésophile à Ajonc nain et Bruyère cendrée Ulici minoris-Ericetum cinereae 4030-7 X X X Lande sèche des sables calcaires à Callune et Filipendule com m une Groupement à
Filip
endula vulgaris et Calluna vulgaris prov. 4030-7 X Lande m ésophile à Ulex m inor et Erica scoparia Ulici minoris - Ericetum scopariae 4030-8 (X) Lande hum ide à Ajonc nain et Bruyère à quatre angles Ulici minoris-Ericetum tetralicis 4010-1 X Lande fraîche à Ajonc nain et Bruyère ciliée Ulici minoris - Ericetum ciliaris 4030-8 X Lande hum ide à Bruyère à balais et Bruyère à quatre angles Ericetum scopario-tetralicis 4010-1 Lande hum ide à Callune et Bruyère à quatre angles Calluno vulgaris - Ericetum tetralicis 4010-1 Landes tourbeuses Ericion tetralicis 4010-1 7120-1 X X (X) X X 11 Hauts m arais Oxycocco palustris - Ericion tetralicis 7110*-1 7120-1? X (X)? X 11 4 6 4 6 Total de végétation avéré X X X X X X X X X X 6 5 X 9 8 X X 8 X 9 10 (X) 3 2 8 1 1 Wegnez Jérôme 36 2
Conclusion
La mise en place d'une politique conservatoire d'espaces naturels efficace repose en grande partie sur une caractérisation précise des enjeux écologiques d'un territoire. Ce préalable nécessite de disposer d'une connaissance fine des habitats naturels, de leur répartition et de leur vulnérabilité. Ce travail de synthèse permet de répondre à ces besoins centraux pour les landes franciliennes et a donc pour ambition de contribuer à une conservation efficace de ces milieux dans toute leur diversité. Ce travail a ainsi permis de définir de manière précise les types de landes en présence sur le territoire et de lever certaines incertitudes identifiées en amont du projet. Il confirme la présence de quatre habitats génériques de landes ou hauts-marais (4010, 4030, 7110* et 7120) et de six habitats élémentaires. Ils correspondent d' un point de vue phytosociologique à onze associations végétales (quatre de landes sèches, quatre de landes fraîches à humides et trois relatives aux landes tourbeuses ou aux hauts-marais). Des incertitudes subsistent néanmoins sur la présence réelle des différentes associations de landes tourbeuses et hauts-marais. Conjointement, et au regard des données exploitées la création de nouvelles associations pourrait se justifier. Quoi qu'il en soit, on constate une grande diversité de landes au sein du territoire francilien. Les landes, malgré leur régression et morcellement avérés ces dernières décennies, occupent encore une place non négligeable à l'échelle régionale. Leur répartition est néanmoins très hétérogène et l'on note leur disparition presque totale dans plusieurs secteurs géographiques (Vexin Français, certaines terrasses alluviales de la Seine). Allorge P. 1921-1922 - Les associations végétales Données pour un prodrome des végétations de du Vexin français. 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p. Wegnez Jérôme Annexes Les landes d'Île-de-France Mars 2016 Wegnez Jérôme Annexe I : Clé de détermination des landes d'Ile-de-France 1-
Végétation à strate muscinale très développée, largement dominée par les sphaignes et pouvant former des bombements isolés. Absence systématique de la Bruyère cendrée et des Ajoncs (tout du moins au sein de notre territoire). Éricacées pouvant être peu abondantes et strictement représentées par la Callune et la Bruyère à quatre angles. Substrat à forte fraction organique, généralement tourbeux. Landes tourbeuse et hauts-marais (OXYCOCCO PALUSTRIS – SPHAGNETEA MAGELLANICI) Fiche C 1'- Végétation à strate muscinale plus ou moins développée, jamais dominée par les sphaignes. Landes atlantiques, sèches à humides (Ulicion minoris ; Classe du CALLUNO VULGARIS - ULICETEA MINORIS) 2- 2 Lande fraîche à humide sur substrat sableux ou argileux, soumis à un battement de nappe saisonnier. Strate muscinale discontinue pouvant contenir quelques sphaignes (sans bombements). Présence fréquente de la Bruyère à quatre angles. La Bruyère cendrée est assez fréquente excepté dans les landes les plus humides ou elle disparaît totalement. Présence possible des espèces des prairies oligotrophiles fraîches du Juncion acutiflori (Gentiana pneumonanthe, Cirsium dissectum, Carex panicea, Scorzonera humilis). La Molinie est récurrente, parfois dominante et peut former des touradons. Sur pente nulle ou faible. Laides fraîches à humides (Ulici minoris - Ericenion ciliaris) 2'- 3 / Fiche B Lande très sèche à mésophile sur substrat à fraction sableuse pure ou légèrement enrichie en limon ou argile. Absence ou très faible abondance d'Erica tetralix contrairement à Erica cinerea, abondante dans les stades pionniers. Végétation pouvant prendre la forme d'une callunaie pure, floristiquement très peu diversifiée. Strate bryolichénique souvent très développée formant un feutrage dans les stades évolués. La Molinie peut être présente mais ne forme jamais de touradons. Présence récurrente de Deschampsia flexuosa, Festuca filiformis, Genista pilosa, Rumex acetosella et de nombreuses espèces de lichens du genre Cladonia. Sol profond ou superficiel sur plaines, plateaux, versants ou chaos gréseux. Laides sèches à mésophiles (Ulicenion minoris) 3- 6 / Fiche A Landes du quart nord-ouest et de la frange occidentale de la région, comprenant généralement l'Ajonc d'Europe et/ou la Bruyère ciliée. Landes pouvant évoluer vers des fourrés épineux à Ajonc d'Europe et Bourdaine. 4 3'- Landes du reste du territoire sans A c d'Europe (ou très faible abondance) ni Bruyère ciliée. 5 4- Lande nord atlantique humide, sans Bruyère ciliée et restreinte au quart nord-ouest de la région (en dehors de l'aire de répartition de l'Ajonc nain). Sur plateau meulier et abords des suintements des argiles plastiques des buttes témoins du Vexin. Présence possible de touradons de Molinie. Lande humide à Callune et Bruyère à quatre angles (Calluno vulgaris - Ericetum tetralicis) 4'- Fiche B1 Lande rare, à forte influence atlantique, restreinte à la bordure occidentale du massif de Rambouillet. Présence systématique de la Bruyère ciliée et relative fréquence et abondance de l'Ajonc nain. Lande fraîche à Molinie ne formant pas de touradons. Lande fraîche à Ajonc nain et Bruyère ciliée (Ulici minoris - Ericetum ciliaris) 5- Fiche B2 Lande basse, inférieure à 1 m excepté dans les stades d'embuissonnement avancé. Sol à dominante sableuse soumis à un battement de nappe saisonnier ou sur argile plus ou moins pures. Absence systématique de la Bruyère à balais (Erica scoparia). Lande humide à Ajonc nain et Bruyère à quatre angles (Ulici minoris - Ericetum tetralicis) 5'- Fiche B3 Lande basse à haute, pouvant atteindre plus d'1,5 mètre de hauteur et devenant impénétrable, dans les stades les plus évolués. Présence systématique de la Bruyère à balais (Erica scoparia). Lande d'affinité thermo-atlantique restreinte aux hautes terrasses alluviales du couloir séquanien en amont de Paris et soumises à un battement de nappe important. Sol à fraction sableuse relativement importante jamais sur argile pure. Lande humide à Bruyère à quatre angles et Bruyère à balais (Ericetum scopario – tetralicis) 6- Fiche B4 Landes sèches à très sèches des substrats sableux purs ou quasi-purs pouvant comporter une fraction d'éléments plus grossiers (graviers ou cailloux). Absence systématique de l'Ajonc nain contrairement au Genêt poilu, localement présent (attention, l'absence de l'Ajonc nain n'est pas un critère absolu). Sur versants, vallées sèches, chaos rocheux ou substrats superficiels (platières) ainsi que sur plateau non influencé par une nappe aquifère (pas d'assise imperméable à faible profondeur). Landes caractérisées par la présence occasionnelle des espèces annuelles des pelouses sèches au sein des zones interstitielles décapées (Aira praecox, Teesdalia nudicaulis, Corynephorus canescens, Logfia minima, Spergula morisonii) 7 6'- Landes mésophiles sur substrat généralement enrichi en argile, limons ou influencé en profondeur par une nappe aquifère. Présence possible de l'Ajonc nain. Sur plateau et pentes faibles. Apparition possibles d'espèces mésophiles telles Potentilla erecta, Succisa pratensis, Pulmonaria longifolia, Peucedanum gallicum 8 Les landes d'Île-de-France Mars 2016 Wegnez Jérôme 7- Lande acidiphile totalement dépourvue d'espèces des pelouses calcicoles ou sablo-calcicoles. Cortège floristique peu diversifié (inférieur à 15 espèces). Lande sèche à Callune et Bruyère cendrée (Calluno vulgaris - Ericetum cinereae) 7'- Fiche A1 Lande neutrocline à acidicline des sables soufflés reposant sur une assise calcaire ou des hauts de versant en aplomb d'une assise calcaire se délitant sur sable ainsi que sur colluvions mélangées des basses plaines. Cortège floristique original pouvant être très diversifié (localement supérieur à 30 espèces), associant des espèces acidiphiles à des espèces calcicoles dont Euphorbia cyparissias et Filipendula vulgaris, de façon presque systématique. Lande de prédilection de l'Hélianthème en ombelle et du Rosier pimprenelle. Lande sèche sur sol sablo-calcaires Callune et Filipendule commune (Groupement à Filipendula vulgaris et Calluna vulgaris prov.) 8- Fiche A2 Lande basse, acidiphile, inférieure à 1 m excepté dans les stades d'embuissonnement ou de colonisation arborée. Absence systématique de la Bruyère à balais. Lande mésophile à Ajonc nain et bruyère cendrée (Ulici minoris-Ericetum cinereae) 8'- Fiche A3 Lande acidiphile à neutrocline, basse à haute, pouvant atteindre plus d'1,5 mètre de hauteur et devenant impénétrable, dans les stades les plus évolués. Présence systématique de la Bruyère à balais (Erica scoparia). Lande
mésophile à Ulex minor et Erica scoparia (Ulici minoris - Ericetum scopariae) Les landes d'Île-de-France Mars 2016 Fiche A4 Wegnez Jérôme Annexe II : Fiches descriptive des landes d'Ile-de-France Les landes d'Île-de
-France Mars 2016 Wegnez Jérôme DHFF : 4030 EUNIS : F4.2 C.B : 31.2 ZNIEFF : Oui VII-IX DHFF : 4030-9 EUNIS : F4.224 C.B : 31.224 ZNIEFF : Oui VII-IX DHFF : 4030-7 EUNIS : F4.2 C.B : 31.2 ZNIEFF : Oui VII-IX DHFF : 4030-7 EUNIS : F4.238 C.B : 31.238 ZNIEFF : Oui VII-IX DHFF : 4030-7 EUNIS : F4.239 C.B : 31.2393 ZNIEFF : Oui VII-IX DHFF : 401 0 / 4030 EUNIS : F4. 2 2. 3.. III.... III r... 1... 1 3 2.. 2 V III. V I. 2. 2 3 1. V IV III III III III.... I... I....... V III I II II I r r I I r I I r I r. r r r r r 2 1..... 2 1............. 3 2...... 2 1................ I I........... I I. r. I r r r r r...... r I.. 1. 2.............. 1 2. 2 2........... 2..... r........................... I II........ I I......................... II.......................... r...
I III.... r. II. 1. 1 Nombre de relevés Espèces des Calluno vulgaris -Ulicetea minoris Calluna vulgaris (L.)
Hull,
1808 V V V V Ulex minor Roth, 1797 III. Erica scoparia L., 1753. V Espèces de l'Ulicenion minoris Erica cinerea L., 1753 V IV IV V Cytisus scoparius (L.) Link, 1822 III III III II Genista pilosa L., 1753. II II. Cuscuta epithymum (L.) L., 1774 r r. Ulex europaeus L., 1753 r r. Espèces de l'Ulici minoris-Ericenion ciliaris Erica tetralix L., 1753. Genista anglica L., 1753 r I. Erica ciliaris Loefl. ex L., 1753. Espèces mésophiles à mésohygrophiles du Juncion acutiflori et du Nardo-juncion Molinia caerulea (L.) Moench, 1794 III II I I Potentilla erecta (L.) Räusch., 1797 II. II Carex panicea L., 1753. Peucedanum gallicum Latourr., 1785 r. I I Gentiana pneumonanthe L., 1753. Scorzonera humilis L., 1753. Succisa pratensis Moench, 1794 r r r II Agrostis canina L., 1753. I. Juncus conglomeratus L., 1753 I. I Juncus acutiflorus Ehrh. ex Hoffm., 1791. Dactylorhiza maculata (L.) Soó, 1962. Luzula congesta (Thuill.) Lej., 1811. Luzula multiflora (Ehrh.) Lej., 1811 I. I. Polygala serpyllifolia Hose, 1797 r. Pulmonaria longifolia (Bastard) Boreau, 1857 r. I I Betonica officinalis L., 1753. I I Serratula tinctoria L., 1753. I. Nardus stricta L., 1753. Lobelia uren L., 1753. Pedicularis sylvatica L., 1753. Hydrocotyle vulgaris L., 1753. Cirsium dissectum (L.) Hill, 1768. Espèces xérophiles des Galio-festucion et des Melampyretea Teucrium scorodonia L., 1753 IV III III IV Avenella flexuosa (L.) Drejer, 1838 III III II I Agrostis capillaris L., 1753 III I II. Rumex acetosella L., 1753 I III II I Danthonia decumbens (L.) DC., 1805 II II II. Carex pilulifera L., 1753 II I r I Hypericum pulchrum L., 1753 II. I. Anthoxanthum odoratum L., 1753 I I II. Veronica officinalis L., 1753 r I II. Viola canina L., 1753. r II II Polygala vulgaris L., 1753 r. II. Festuca filiformis Pourr., 1788 r r I. Festuca ovina (Groupe) r r I II Luzula campestris (L.) DC., 1805. I I. Melampyrum pratense L., 1753 r r I. Hieracium umbellatum L., 1753 r r I. Holcus mollis L., 1759 r r. Pteridium aquilinum (L.) Kuhn, 1879 II I r. Espèces de l'Helianthemetea guttati Pilosella officinarum F.W.Schultz & Sch.Bip., 1862 r r II. Aira praecox L., 1753. I I. Aira caryophyllea L., 1753. r I. Corynephorus canescens (L.) P.Beauv., 1812. r. Teesdalia nudicaulis (L.) R.Br., 1812. r. Ulici minoris - Ericetum cinereae Delelis-Dussolier et Géhu 1975 Calluno vulgaris - Ericetum cinereae (Allorge 1922) Lemée 1937 gr. Ulici minoris - Ericetum scopariae (Rallet 1935) Géhu 1975 Ericetum scopario - tetralicis Géhu 1975 Ulici minoris - Ericetum ciliaris (Lemée 1937) le Normand 1966 Ulici minoris - Ericetum tetralicis (Allorge 1922) Lemée 1937 Calluno vulgaris - Ericetum tetralicis Géhu & Wattez 1975 (sous association ericetosum cinereae)
Annexe IV : Tableaux phytosociologique
Tableau 1 : Calluno vulgaris – Ericetum cinereae A Recouvrement arboré (%) Recouvrement arbustif (%) Recouvrement herbacé (%) Recouvrement muscinal (%) Recouvrement total du relevé (%) Nombre de taxons distincts B 0 0 0 10 0 0 0 90 0 90 0 15 0 10 0 0 0 95 ### 0 15 8 13 11 10 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 5 10 10 15 10 80 90 80 70 0 0 80 80 90 70 95 5 15 60 1 0 0 10 0 70 0 90 70 50 60 70 0 0 0 90 90 0 98 95 95 95 90 0 0 14 8 8 9 12 17 20 27 8 15 11 0 0 0 0 0 4 0 0 0 0 0 0 15 0 0 0 0 0 70 0 0 0 0 0 80 0 0 0 0 0 95 0 90 0 90 90 8 12 12 11 10 10 40 0 0 0 40 60 0 0 60 2 0 0 0 80 0 0 90 90 ### ### 23 7 15 11 + + 3 3 4 4 2 2 4 + C 0 0 0 0 ### 11 D 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 90 ### 80 90 ### 1 1 8 6 18 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 70 80 ### 9 10 12 0 0 0 20 75 0 0 25 60 50 95 65 60 0 90 80 80 50 95 90 23 13 7 15 3 2 5 + 1 3 5 1 1 5 + 5 + + 4 1 1 + 1 1 2 2 1 + Combinaison caractéristique Calluna vulgaris (L.) Hull, 1808 Erica cinerea L., 1753 Genista pilosa L., 1753 4 2 2 4 2 4 5 2 4 + 4 2 4 4 3 4 2 X X + + + 4 + 3 4 + 2 5 3 4 + 2 4 4 2 4 3 4 2 4 2 4 3 2 4 4 2 3 3 3 V IV II Espèces de la variante
mésophile Molin
ia
caerulea (L.) Moench
,
1794 Festuca filiformis Pourr., 1788 + r 2 + + + 2 2
1 1 1 1
2 II II Espèces de la variante des chaos gréseux Polypodium vulgare (Groupe) + + r Espèces de l'Ulicenion minoris Cytisus scoparius (L.) Link,
1822
Genista anglica
L.
,
1753 Cu
scuta
epithymum (L.) L.
,
1774 + 1 + 1 1 2 2 1 X + + 1 1 + + + + + + + + 2 + III I r +
+
Espèces xérophiles
des Galio-
fest
u
cion
et des Melampyretea Avenella flexuosa (L.)
Drejer
, 1838 Rumex acetosella
L
., 1753 Teucrium scorodonia
L.
,
1753 Danthonia decumbens (
L.) DC.
,
1805 Care
x
pilulifera L., 1753 Agrostis capillaris L., 1753 Luzula campestris (L.) DC., 1805 Veronica officinalis L., 1753 Solidago virgaurea L., 1753 Anthoxanthum odoratum L., 1753 Hieracium umbellatum L., 1753 Holcus mollis L., 1759 Hypericum perforatum L., 1753 Agrostis vinealis Schreb., 1771 + + + + 2
+
1
+ + + 1 r r + + + r + 2 + + 1 + 1 + + X X 1 2 2 + + + + + r 1 + + 1 1 1 + 1 + + + + + + + + r + 1 + + + + 2 + + r 1 + 1 1 + + X 1 1 (X) + + 1 1 1 + + 2 + + + + + + 1 + 2 + r + + + 1 1
III II
II II II
I
I I I I
r
r
r
r
Espèces des Helianthemetea Aira prae
cox
L.
,
1753 Corynephorus canescens (L.) P.Beauv., 1812 Teesdalia nudicaulis (L.) R.Br., 1812 Aira caryophyllea L., 1753 Pilosella officinarum F.W.Schultz & Sch.Bip., 1862 r
+
+ + + + 2
+ + r
I
r
r
r r + r
II
r + III III
II I I
I I I r
X + + +
Espèces
des Crataego-Prunetea Rubus fruticosus (Groupe) Frangula dodonei Ard., 1766 r 1 + + 1 + 1 + + + +
+ + + Espèces des Querco-Fagetea Betula
la Roth, 1788 Pinus sylvestris L., 1753 Quercus robur L., 1753 Quercus pubescens Willd., 1805 Populus tremula L., 1753 Lonicera periclymenum L., 1753 Castanea sativa Mill., 1768 Quercus petraea Liebl., 1784 Betula pubescens Ehrh., 1791 1 + 1 2 2 + 1 2 + + 1 1 r + + + 1 + + + 2 + 1 + + + 1 1 + + + 2 1 1 + r + + + + + + + + + + + + + + + 3 r + + r r r r 2 r 1 + r 1 + + + X X 2 + + 1 + 1 + + 1 Espèces compagnes Pteridium aquilinum (L.) Kuhn, 1879 Calamagrostis epigejos (L.) Roth, 1788 Ajuga genevensis L., 1753 + + 2 + + 1 + 1 + 2 + + 1 + II r r Strate muscinale Hypnum jutlandicum Holmen & E.Warncke Hypogymnia physodes (L.) Nyl.
| 10,357
|
b0118bf078b5f8e2751b1401dae4d12a_12
|
French-Science-Pile
|
Open Science
|
Various open science
| 2,021
|
Italie
|
None
|
French
|
Spoken
| 7,541
| 18,169
|
PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021
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49
50
51
52
France
Gambie*
Géorgie
Allemagne
Ghana*
Grèce
Grenade
Hong Kong (Chine)
Hongrie
Islande
Inde
Indonésie
Iran*
Irlande
Israël
Italie
Jamaïque
Japon
Kazakhstan
Corée
Kosovo*
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Oui
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55
Koweït*
Kirghizistan*
Lettonie
Non
Non
Oui
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61
62
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66
67
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72
73
Liechtenstein
Lituanie
Luxembourg
Malawi*
Malaisie
Malte
Mexique
Moldova*
Mongolie
Monténégro
Montserrat
Maroc
Pays-Bas
Nouvelle-Zélande
Macédoine du Nord
Norvège
Oman
Pakistan
74
75
76
77
78
79
80
81
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Pérou
Philippines*
Pologne
Portugal
Qatar
Roumanie
Russie
Saint-Kitts-et-Nevis
Sainte-Lucie
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Oui
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Non
Oui
Oui
Non
Oui
Non
Non
Non
Oui
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N/C
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COP uniquement
COP uniquement
N/C
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N/C
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COP uniquement
N/C
Oui
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N/C
COP uniquement
N/C
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N/C
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COP
uniquement
N/C
N/C
COP
uniquement
N/C
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N/C
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N/C
N/C
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N/C
Non
Oui
Oui
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Non
Oui
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Oui
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Oui
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Non
N/C
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N/C
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COP uniquement
COP uniquement
N/C
COP uniquement
N/C
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Non
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N/C
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COP, à l’exception du
préambule.
PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021
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97
98
99
100
Saint-Vincent-et-les-Grenadines
Serbie
Singapour
République slovaque
Slovénie
Afrique du Sud
Espagne
Sri Lanka
Suède
Tadjikistan*
Thaïlande
Trinité-et-Tobago
Tunisie
Turquie
Turkménistan*
Ukraine
Émirats arabes unis
Royaume-Uni
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Oui
101
102
103
104
105
106
États-Unis
Uruguay
Ouzbékistan*
Venezuela*
Viet Nam
Zambie
Non
Non
Non
Non
Non
Oui
N/C
N/C
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COP
uniquement
N/C
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COP
uniquement
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Oui
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COP uniquement
N/C
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N/C
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N/C
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Non
N/C
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PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021
278
Thaïlande
A. Progrès dans la mise en œuvre du standard minimum
La Thaïlande compte 61 conventions fiscales en vigueur, comme l’indique sa réponse au questionnaire
d’examen par les pairs.
Aucune des conventions conclues par la Thaïlande n’est conforme au standard minimum ou ne fait l’objet
d’un instrument de mise en conformité.
La Thaïlande n’a pas signé l’IM.
La Thaïlande a indiqué dans sa réponse au questionnaire d’examen par les pairs qu’elle prenait des
dispositions en vue de signer l’IM.
B. Difficultés de mise en œuvre
Étant donné que la Thaïlande n’a pas adhéré à l’IM ni appliqué de mesures de lutte contre le chalandage
fiscal dans ses conventions, le Secrétariat lui proposera son aide pour élaborer un plan de mise en œuvre
du standard minimum en vue de renforcer son réseau de conventions.
Synthèse de la réponse de la juridiction – Thaïlande
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20
Partenaires de convention
Conformité
avec le
standard
Si
conforme,
méthode
choisie
Signature
d’un
instrument de
mise
en conformité
Méthode choisie
dans l’instrument
de
mise en
conformité
(si différent de
l’IM)
Arménie
Australie
Autriche
Bahreïn
Bangladesh*
Bélarus*
Belgique
Bulgarie
Cambodge*
Canada
Chili
Chine (République populaire de)
Taipei chinois*
Chypre*
République tchèque
Danemark
Estonie
Finlande
France
Allemagne
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
N/C
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N/C
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Non
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PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021
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50
51
52
53
54
55
56
57
58
59
60
61
Hong Kong (Chine)
Hongrie
Inde
Indonésie
Irlande
Israël
Italie
Japon
Corée
Koweït*
République démocratique populaire lao*
Luxembourg
Malaisie
Maurice
Myanmar*
Népal*
Pays-Bas
Nouvelle-Zélande
Norvège
Oman
Pakistan
Philippines*
Pologne
Roumanie
Russie
Seychelles
Singapour
Slovénie
Afrique du Sud
Espagne
Sri Lanka
Suède
Suisse
Tadjikistan*
Turquie
Ukraine
Émirats arabes unis
Royaume-Uni
États-Unis
Ouzbékistan*
Viet Nam
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
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Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
N/C
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Non
Non
Non
Non
Non
Non
N/C
N/C
N/C
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N/C
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PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021
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Trinité-et-Tobago
A. Aucune des conventions conclues par Trinité-et-Tobago n’est conforme au standard minimum ou ne fait
l’objet d’un instrument de mise en conformité.
Trinité-et-Tobago n’a pas signé l’IM.
B. Difficultés de mise en œuvre
Étant donné que Trinité-et-Tobago n’a pas adhéré à l’IM ni appliqué de mesures de lutte contre le
chalandage fiscal dans ses conventions, le Secrétariat lui proposera son aide pour élaborer un plan de
mise en œuvre du standard minimum en vue de renforcer son réseau de conventions.
Trinité-et-Tobago est invité à actualiser la convention de la CARICOM en entamant des discussions avec
l’ensemble de ses partenaires de convention143.
Synthèse de la réponse de la juridiction - Trinité-et-Tobago
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18
143
Partenaires de convention
Conformité
avec le
standard
Si
conforme,
méthode
choisie
Signature d’un
instrument de
mise
en conformité
Méthode choisie
dans l’instrument
de
mise en conformité
(si différent de l’IM)
Commentaires
Antigua-et-Barbuda
Barbade
Belize
Brésil
Canada
Chine (République populaire de)
Danemark
Dominique
France
Allemagne
Grenade
Guyana*
Inde
Italie
Jamaïque
Luxembourg
Norvège
Saint-Kitts-et-Nevis
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
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N/C
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N/C
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N/C
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Non
N/C
N/C
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N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
CARICOM
CARICOM
CARICOM
CARICOM
CARICOM
CARICOM
CARICOM
CARICOM
Les révisions apportées à la convention de la CARICOM nécessitent l’accord des onze partenaires.
PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021
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19
20
21
22
23
24
25
26
Sainte-Lucie
Saint-Vincent-et-les-Grenadines
Espagne
Suède
Suisse
Royaume-Uni
États-Unis
Venezuela*
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
CARICOM
CARICOM
PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021
282
Tunisie
A. Progrès dans la mise en œuvre du standard minimum
La Tunisie compte 56 conventions fiscales en vigueur, comme l’indique sa réponse au questionnaire
d’examen par les pairs, y compris la Convention en matière d’impôts sur le revenu de l’Union du Maghreb
arabe conclue avec quatre partenaires (la Convention UMA) 144.
La Tunisie a signé l’IM en 2018 et n’a pas notifié ses conventions avec l’Allemagne et Singapour. Le pays
a fait savoir qu’il notifierait ces conventions dans sa position sur l’IM qui sera soumise lors de la ratification.
La Tunisie met en œuvre le standard minimum par l’inclusion de la déclaration du préambule et de la règle
COP145.
Les conventions qui seront modifiées par l’IM deviendront conformes au standard minimum une fois que
les dispositions de l’IM auront pris effet.
B. Difficultés de mise en œuvre
Les conventions notifiées par la Tunisie aux fins de l’IM deviendront conformes une fois que le pays aura
ratifié l’IM. La Tunisie est invitée à ratifier l’IM le plus rapidement possible.
Synthèse de la réponse de la juridiction – Tunisie
1
2
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11
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13
Partenaires de convention
Conformité
avec le
standard
Si
conforme,
méthode
choisie
Signature
d’un
instrument
de mise
en
conformité
Méthode
choisie
dans
l’instrument de
mise en
conformité
(si différent de
l’IM)
Algérie*
Autriche
Belgique
Burkina Faso
Cameroun
Canada
Chine (République populaire de)
Côte d’Ivoire
République tchèque
Danemark
Égypte
Éthiopie*
France
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
N/C
N/C
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Oui
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Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
Commentaires
144
Au total, la Tunisie a identifié 58 « accords » dans sa liste des conventions fiscales : 55 conventions bilatérales et
la Convention UMA.
145
Pour ses conventions notifiées aux fins de l’IM, la Tunisie choisit d’appliquer la disposition de la déclaration du
préambule (article 6 de l’IM) et la règle COP (article 7 de l’IM).
PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021
283
14
Allemagne
Non
N/C
Non
N/C
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
31
32
33
34
35
36
37
38
39
40
41
42
Grèce
Hongrie
Indonésie
Iran*
Italie
Jordanie
Corée
Koweït*
Liban*
Libye*
Luxembourg
Mali*
Malte
Mauritanie*
Maurice
Maroc
Pays-Bas
Norvège
Oman
Pakistan
Pologne
Portugal
Qatar
Roumanie
Arabie saoudite
Sénégal
Serbie
Singapour
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Oui
Oui
Oui
Oui
Non
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N/C
N/C
N/C
N/C
43
44
45
46
47
48
49
50
51
52
53
54
55
56
57
58
59
République slovaque
Afrique du Sud
Espagne
Soudan*
Suède
Suisse
République arabe syrienne*
Turquie
Émirats arabes unis
Royaume-Uni
États-Unis
Viet Nam
Yémen*
Algérie* (UMA)
Libye* (UMA)
Mauritanie* (UMA)
Maroc (UMA)
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
N/C
N/C
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N/C
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
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Oui
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Oui
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Oui
Oui
Oui
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
La nouvelle convention a été
signée en 2018 et elle est entrée
en vigueur le 16 décembre 2019.
Elle n’est pas notifiée aux fins de
l’IM.
La nouvelle convention a été
signée en 2018 et elle est entrée
en vigueur le 17 décembre 2019.
Elle n’est pas notifiée aux fins de
l’IM.
Convention UMA
Convention UMA
Convention UMA
Convention UMA
PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021
284
Turquie
A. Progrès dans la mise en œuvre du standard minimum
La Turquie compte 86 conventions fiscales en vigueur, comme l’indique sa réponse au questionnaire
d’examen par les pairs.
La Turquie a signé l’IM en 2017 et a notifié ses conventions non conformes.
La Turquie met en œuvre le standard minimum par l’inclusion de la déclaration du préambule et de la règle
COP146.
Les conventions qui seront modifiées par l’IM deviendront conformes au standard minimum une fois que
les dispositions de l’IM auront pris effet.
B. Difficultés de mise en œuvre
Les conventions notifiées par la Turquie aux fins de l’IM deviendront conformes une fois que le pays aura
ratifié l’IM. La Turquie est invitée à ratifier l’IM le plus rapidement possible.
Synthèse de la réponse de la juridiction – Turquie
1
2
3
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5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
Partenaires de convention
Conformité
avec le
standard
Si conforme,
méthode
choisie
Signature d’un
instrument de
mise
en conformité
Méthode choisie
dans l’instrument
de
mise en
conformité
(si différent de
l’IM)
Albanie
Algérie*
Australie
Autriche
Azerbaïdjan*
Bahreïn
Bangladesh*
Bélarus*
Belgique
Bosnie-Herzégovine
Brésil
Bulgarie
Canada
Chine (République populaire de)
Croatie
République tchèque
Danemark
Égypte
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
N/C
N/C
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N/C
N/C
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N/C
N/C
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
N/C
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N/C
N/C
N/C
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N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
Commentaires
146
Pour ses conventions notifiées aux fins de l’IM, la Turquie choisit d’appliquer la disposition de la déclaration du
préambule (article 6 de l’IM) et la règle COP (article 7 de l’IM).
PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021
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29
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31
32
33
34
35
36
37
38
39
40
41
42
43
44
45
46
47
48
49
50
51
52
53
54
55
56
57
58
59
60
61
62
63
64
65
66
67
68
69
70
71
Estonie
Éthiopie*
Finlande
France
Gambie*
Géorgie
Allemagne
Grèce
Hongrie
Inde
Indonésie
Iran*
Irlande
Israël
Italie
Japon
Jordanie
Kazakhstan
Corée
Kosovo*
Koweït*
Kirghizistan*
Lettonie
Liban*
Lituanie
Luxembourg
Malaisie
Malte
Mexique
Moldova*
Mongolie
Monténégro
Maroc
Pays-Bas
Nouvelle-Zélande
Macédoine du Nord
Norvège
Oman
Pakistan
Philippines*
Pologne
Portugal
Qatar
Roumanie
Russie
Arabie saoudite
Serbie
Singapour
République slovaque
Slovénie
Afrique du Sud
Espagne
Soudan*
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
N/C
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N/C
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N/C
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N/C
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Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
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Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
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PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021
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80
81
82
83
84
85
86
Suède
Suisse
République arabe syrienne*
Tadjikistan*
Thaïlande
Tunisie
République turque de Chypre-Nord*
Turkménistan*
Ukraine
Émirats arabes unis
Royaume-Uni
États-Unis
Ouzbékistan*
Viet Nam
Yémen*
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
N/C
N/C
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Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
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N/C
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N/C
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PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021
287
Îles Turques et Caïques
A. B. Difficultés de mise en œuvre
Aucune juridiction n’a signalé de préoccupation concernant les Îles Turques et Caïques.
PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021
288
Ukraine
A. Progrès dans la mise en œuvre du standard minimum
L’Ukraine compte 75 conventions fiscales en vigueur, comme l’indique sa réponse au questionnaire
d’examen par les pairs. Vingt de ces conventions, celles conclues avec la Belgique, le Canada, le
Danemark, les Émirats arabes unis, la Finlande, la France, l’Inde, l’Irlande, l’Islande, Israël, le Japon, la
Lituanie, le Luxembourg, Malte, la Pologne, la République slovaque, le Royaume-Uni, la Serbie, Singapour
et la Slovénie, sont conformes au standard minimum.
L’Ukraine a signé l’IM en 2018 et déposé son instrument de ratification le 8 août 2019. L’IM est entré en
vigueur pour l’Ukraine le 1er décembre 2019.
L’Ukraine a signé un instrument bilatéral de mise en conformité concernant ses conventions avec les PaysBas, le Royaume-Uni et la Suisse.
L’Ukraine met en œuvre le standard minimum par l’inclusion de la déclaration du préambule et de la règle
COP147.
Les conventions qui seront modifiées par l’IM deviendront conformes au standard minimum une fois que
les dispositions de l’IM auront pris effet.
B. Difficultés de mise en œuvre
Aucune juridiction n’a signalé de préoccupation relative à ses conventions conclues avec l’Ukraine.
Synthèse de la réponse de la juridiction – Ukraine
1
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6
7
8
9
10
11
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13
Partenaires de convention
Conformité
avec le
standard
Si conforme,
méthode
choisie
Signature d’un
instrument de
mise
en conformité
Méthode choisie
dans l’instrument
de
mise en conformité
(si différent de l’IM)
Algérie*
Arménie
Autriche
Azerbaïdjan*
Bélarus*
Belgique
Brésil
Bulgarie
Canada
Chine (République populaire de)
Croatie
Cuba*
Chypre*
Non
Non
Non
Non
Non
Oui
Non
Non
Oui
Non
Non
Non
Non
N/C
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N/C
N/C
N/C
COP uniquement
N/C
N/C
COP uniquement
N/C
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Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
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Oui
Oui
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Oui
Oui
Oui
Oui
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N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
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N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
Commentaires
147
Pour ses conventions notifiées aux fins de l’IM, l’Ukraine choisit d’appliquer la disposition de la déclaration du
préambule (article 6 de l’IM) et la règle COP (article 7 de l’IM).
PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021
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27
28
29
30
31
32
33
34
35
36
37
38
39
40
41
42
43
44
45
46
47
48
49
50
51
52
53
54
55
56
57
58
59
60
61
62
63
64
65
66
République tchèque
Danemark
Égypte
Estonie
Finlande
France
Géorgie
Allemagne
Grèce
Hongrie
Islande
Inde
Indonésie
Iran*
Irlande
Israël
Italie
Japon
Jordanie
Kazakhstan
Corée
Koweït*
Kirghizistan*
Lettonie
Liban*
Libye*
Lituanie
Luxembourg
Malaisie
Malte
Mexique
Moldova*
Mongolie
Monténégro
Maroc
Pays-Bas
Macédoine du Nord
Norvège
Pakistan
Pologne
Portugal
Qatar
Roumanie
Russie
Arabie saoudite
Serbie
Singapour
République slovaque
Slovénie
Afrique du Sud
Espagne
Suède
Suisse
Non
Oui
Non
Non
Oui
Oui
Non
Non
Non
Non
Oui
Oui
Non
Non
Oui
Oui
Non
Oui
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Oui
Oui
Non
Oui
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Oui
Non
Non
Non
Non
Non
Oui
Oui
Oui
Oui
Non
Non
Non
Non
N/C
COP uniquement
N/C
N/C
COP uniquement
COP uniquement
N/C
N/C
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N/C
COP uniquement
COP uniquement
N/C
N/C
COP uniquement
COP uniquement
N/C
COP uniquement
N/C
N/C
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N/C
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COP uniquement
COP uniquement
N/C
COP uniquement
N/C
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COP uniquement
N/C
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COP uniquement
COP uniquement
COP uniquement
COP uniquement
N/C
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Oui
N/C
Oui
Oui
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Oui
Oui
Oui
Oui
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Oui
Oui
N/C
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Oui
N/C
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
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Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
N/C
Oui
Non
Oui
Oui
Oui
N/C
N/C
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Oui
Oui
Oui
Oui
N/C
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N/C
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N/C
N/C
COP uniquement
N/C
N/C
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N/C
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N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
COP uniquement
PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021
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68
69
70
71
72
73
74
75
76
République arabe syrienne*
Tadjikistan*
Thaïlande
Turquie
Turkménistan*
Émirats arabes unis
Royaume-Uni
États-Unis
Ouzbékistan*
Viet Nam
Non
Non
Non
Non
Non
Oui
Oui
Non
Non
Non
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
COP uniquement
COP uniquement
N/C
N/C
N/C
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
N/C
N/C
Oui
Oui
Oui
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021
291
Émirats arabes unis
A. Les Émirats arabes unis ont signé l’IM en 2018 et déposé leur instrument de ratification le 29 mai 2019.
L’IM est entré en vigueur pour les Émirats arabes unis le 1 er septembre 2019. Les Émirats arabes unis
n’ont pas notifié leur convention avec Saint-Marin. Aussi, à ce stade, cette convention ne sera pas modifiée
par l’IM. Saint-Marin a notifié sa convention conclue avec les Émirats arabes unis aux fins de l’IM.
Les Émirats arabes unis mettent en œuvre le standard minimum par l’inclusion de la déclaration du
préambule et de la règle COP148.
Les conventions modifiées par l’IM deviendront conformes au standard minimum une fois que les
dispositions de l’IM auront pris effet.
B. Difficultés de mise en œuvre
Comme mentionné précédemment, les Émirats arabes unis n’ont pas notifié leur convention avec SaintMarin. Notifier cette convention aux fins de l’IM ou engager des renégociations bilatérales dans le but de
mettre en œuvre le standard minimum permettrait de transposer le standard minimum dans cette
convention non couverte.
Synthèse de la réponse de la juridiction - Émirats arabes unis
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
Partenaires de convention
Conformité
avec le
standard
Si conforme,
méthode
choisie
Signature d’un
instrument de
mise
en conformité
Méthode choisie
dans l’instrument
de
mise en conformité
(si différent de l’IM)
Albanie
Algérie*
Andorre
Angola*
Argentine
Arménie
Autriche
Azerbaïdjan*
Bangladesh*
Barbade
Bélarus*
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
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Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
Commentaires
148
Pour leurs conventions notifiées aux fins de l’IM, les Émirats arabes unis choisissent d’appliquer la disposition de
la déclaration du préambule (article 6 de l’IM) et la règle COP (article 7 de l’IM).
PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021 292 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 Belgique Bosnie-Herzégovine Brunei Darussalam Bulgarie Canada Chine (République populaire de) Comores* Croatie Chypre* République tchèque Égypte Estonie Fidji* Finlande France Géorgie Allemagne Grèce Guinée* Hong Kong (Chine) Hongrie Inde Indonésie Irlande Italie Japon Jersey Jordanie Kazakhstan Kenya Corée Kosovo* Kirghizistan* Lettonie Liban* Liechtenstein Lituanie Luxembourg Malaisie Maldives Malte Maurice Mexique Moldova* Monténégro Maroc Mozambique* Pays-Bas Nouvelle-Zélande Macédoine du Nord Pakistan Panama Philippines* Oui Non Non Non Oui Non Non Non Non Non Non Non Non Oui Oui Non Non Non Non Non Non Oui Non Oui Non Oui Oui Non Non Non Oui Non Non Non Non Non Oui Oui Non Non Oui Non Non Non Non Non Non Oui Oui Non Non Non Non COP uniquement N/C N/C N/C COP uniquement N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C COP uniquement COP uniquement N/C N/C N/C N/C N/C N/C COP uniquement N/C COP uniquement N/C COP uniquement COP uniquement N/C N/C N/C COP et LOB N/C N/C N/C N/C N/C COP uniquement COP uniquement N/C N/C COP uniquement N/C N/C N/C N/C N/C N/C COP uniquement COP uniquement N/C N/C N/C N/C N/C Oui Oui Oui N/C Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui N/C N/C Oui Oui Oui Oui Oui Oui N/C Oui N/C Oui N/C N/C Oui Oui Oui N/C Oui Oui Oui Oui Oui N/C N/C Oui Oui N/C Oui Oui Oui Oui Oui Oui N/C N/C Oui Oui Oui Oui N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021 293 65 66 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 90 91 92 93 94 95 Pologne Portugal Roumanie Russie Saint-Marin Arabie saoudite Sénégal Serbie Seychelles Singapour République slovaque Slovénie Afrique du Sud Espagne Sri Lanka Soudan* Suisse République arabe syrienne* Tadjikistan* Thaïlande Tunisie Turquie Turkménistan* Ukraine Royaume-Uni Uruguay Ouzbékistan* Venezuela* Viet Nam Yémen* Oui Non Non Non Non Oui Non Oui Non Oui Non Oui Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Oui Oui Non Non Non Non Non COP uniquement N/C N/C N/C N/C COP uniquement N/C COP uniquement N/C COP uniquement N/C COP uniquement N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C COP uniquement COP uniquement N/C N/C N/C N/C N/C N/C Oui Oui Oui Non N/C Oui N/C Oui N/C Oui N/C Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui N/C N/C Oui Oui Oui Oui Oui N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C N/C Oui Oui N/C N/C N/C N/C N/C PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021 294 Royaume-Uni A. Le Royaume-Uni a signé l’IM en 2017 et déposé son instrument de ratification le 29 juin 2018. L’IM est
entré en vigueur pour le Royaume-Uni le 1er octobre 2018. Le Royaume-Uni n’a pas notifié sa convention
aux fins de l’IM avec l’Allemagne, mais a indiqué dans sa réponse au questionnaire d’examen par les pairs
que des négociations bilatérales seraient lancées concernant cette convention.
Les conventions entre le Royaume-Uni et les Îles Falkland* et Montserrat ne sont pas notifiées aux fins de
l’IM, car il s’agit d’accords conclus avec des territoires d’outre-mer. Des négociations bilatérales seront
engagées pour mettre à jour ces conventions.
Le Royaume-Uni met en œuvre le standard minimum par l’inclusion de la déclaration du préambule et de
la règle COP149.
Les conventions qui seront modifiées par l’IM deviendront conformes au standard minimum une fois que
les dispositions de l’IM auront pris effet.
B. Difficultés de mise en œuvre
Aucune juridiction n’a signalé de préoccupation relative à ses conventions conclues avec le Royaume-Uni.
Synthèse de la réponse de la juridiction - Royaume-Uni
1
2
Partenaires de convention
Conformité
avec le
standard
Si conforme,
méthode
choisie
Signature
d’un
instrument
de mise
en
conformité
Méthode
choisie
dans
l’instrument
de
mise en
conformité
(si différent
de l’IM)
Albanie
Algérie*
Non
Non
N/C
N/C
Oui
Oui
N/C
N/C
Commentaires
149
Pour 117 de ses conventions notifiées aux fins de l’IM, le Royaume-Uni choisit d’appliquer la disposition de la
déclaration du préambule (article 6 de l’IM). Pour 120 de ses conventions notifiées aux fins de l’IM, le Royaume-Uni
choisit d’appliquer la règle COP (article 7 de l’IM). Le Royaume-Uni a formulé une réserve conformément à l’article 6(4)
de l’IM afin de ne pas appliquer l’article 6(1) de l’IM concernant les conventions qui contiennent déjà la version
adéquate du préambule. Trois des conventions du Royaume-Uni entrent dans le champ de cette réserve.
Entrée en vigueur de l’IM le
1er janvier 2021.
Entrée en vigueur de l’IM le
1er janvier 2021.
Entrée en vigueur de l’IM le
1er janvier 2021.
Entrée en vigueur de l’IM le
1er janvier 2021.
Entrée en vigueur de l’IM le
1er janvier 2021.
150
La nouvelle convention avec le Lesotho* fait l’objet d’un instrument de mise en conformité car elle a été notifiée
aux fins de l’IM.
PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021
297
101
Arabie saoudite
Non
N/C
Oui
N/C
102
103
104
105
106
107
108
109
110
111
112
113
114
115
116
117
118
119
120
121
122
123
124
125
126
Sénégal
Serbie
Sierra Leone
Singapour
République slovaque
Slovénie
Îles Salomon*
Afrique du Sud
Espagne
Sri Lanka
Soudan*
Suède
Suisse
Tadjikistan*
Thaïlande
Trinité-et-Tobago
Tunisie
Turquie
Turkménistan*
Tuvalu*
Ouganda*
Ukraine
Émirats arabes unis
États-Unis
Uruguay
Non
Oui
Non
Oui
Oui
Oui
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Oui
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Oui
Oui
Non
Non
N/C
COP uniquement
N/C
COP uniquement
COP uniquement
COP uniquement
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
COP uniquement
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
COP uniquement
COP uniquement
N/C
N/C
Oui
N/C
Oui
N/C
N/C
N/C
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
N/C
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
N/C
N/C
Oui
Oui
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
127
128
129
130
131
Ouzbékistan*
Venezuela*
Viet Nam
Zambie
Zimbabwe*
Oui
Non
Non
Non
Non
COP uniquement
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
Oui
Oui
Oui
Oui
N/C
N/C
N/C
N/C
N/C
Entrée en vigueur de l’IM le
1er janvier 2021.
Entrée en vigueur de l’IM le
1er janvier 2021.
PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021
298
États-Unis
A. Progrès dans la mise en œuvre du standard minimum
Les États-Unis comptent 66 conventions fiscales en vigueur, comme l’indique leur réponse au
questionnaire d’examen par les pairs.
Les États-Unis ont choisi d’appliquer des règles COP dans la plupart de leurs conventions. Ils ont
commencé à inclure des mesures anti chalandage fiscal en 1962 151, et depuis les années 70, des
dispositions relatives à la règle COP (qui ciblaient initialement les sociétés d’investissement ou les sociétés
holding) figurent dans les conventions conclues par les États-Unis. Toutes les conventions signées par les
États-Unis sont complétées par des règles visant les mécanismes de financement par des sociétésrelais152.
Le Modèle de Convention des États-Unis de 2016 indique expressément que la convention ne doit pas
créer des possibilités de non-imposition ou d’imposition réduite par l’évasion ou la fraude fiscale (y compris
par des mécanismes de chalandage fiscal destinés à obtenir les allégements prévus dans la présente
Convention au bénéfice indirect de résidents d’États tiers).
Les États-Unis ont l’intention de se conformer au standard minimum en adoptant une règle LOB détaillée
qui n’est pas disponible par l’intermédiaire de l’IM. Aussi, les États-Unis n’ont pas signé l’IM et appliqueront
le standard minimum en suivant un processus bilatéral.
Les conventions conclues entre les États-Unis et les 45 juridictions suivantes contiennent une règle LOB
complétée par des règles nationales visant les mécanismes de financement par des sociétés-relais :
Afrique du Sud, Allemagne, Australie, Autriche, Bangladesh*, Barbade, Belgique, Bulgarie, Canada, Chine
(République populaire de), Chypre*, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Islande, Inde,
Indonésie, Irlande, Israël, Italie, Jamaïque, Japon, Kazakhstan, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte,
Mexique, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas, Portugal, République slovaque, République tchèque, Russie,
Slovénie, Sri Lanka, Suède, Suisse, Thaïlande, Tunisie, Turquie, Ukraine, Venezuela*. Les conventions
signées avec la Hongrie et la Pologne contiennent une règle LOB complétée par des règles nationales
visant les mécanismes de financement par des sociétés-relais. Les conventions conclues avec la Corée,
l’Égypte, le Maroc, la Norvège et Trinité-et-Tobago contiennent une règle de portée limitée contre le
chalandage fiscal, et sont complétées par des règles nationales visant les mécanismes de financement
par des sociétés-relais. La convention avec le Royaume-Uni contient une règle LOB et des règles visant
les mécanismes de financement par des sociétés-relais, et elle est complétée par des règles nationales
visant les mécanismes de financement par des sociétés-relais.
B. Difficultés de mise en œuvre
Aucune juridiction n’a signalé de préoccupation relative à ses conventions conclues avec les États-Unis.
151
Concernant la convention conclue entre les États-Unis et le Luxembourg.
152
Voir I.R.C. § 1.881-3, ajouté à l’Internal Revenue Code par la section 13238 de l’Omnibus Budget Reconciliation
Act of 1993, P.L. 103-66 (qui permet à l’Internal Revenue Service de requalifier une opération de financement
multipartite en tant qu’opération effectuée directement entre deux parties ou plus lorsque cela s’avère approprié pour
empêcher l’évasion de l’impôt aux États-Unis) ; Treas. Reg. § 1.881-3 (version modifiée en 2020) (qui fournit des
orientations supplémentaires concernant les mécanismes de financement par des sociétés-relais).
PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021
299
Synthèse de la réponse de la juridiction - États-Unis
Partenaires de
convention
Conformité
avec le
standard
Si
conforme,
méthode
choisie
Signature
d’un
instrument
de mise
en
conformité
Méthode
choisie
dans
l’instrument
de
mise en
conformité
(si différent de
l’IM)
1
2
Arménie
Australie
Non
Non
N/C
N/C
Non
Non
N/C
N/C
3
Autriche
Non
N/C
Non
N/C
4
5
Azerbaïdjan*
Bangladesh*
Non
Non
N/C
N/C
Non
Non
N/C
N/C
6
Barbade
Non
N/C
Non
N/C
7
8
Bélarus*
Belgique
Non
Non
N/C
N/C
Non
Non
N/C
N/C
9
Bulgarie
Non
N/C
Non
N/C
10
Canada
Non
N/C
Non
N/C
11
Chine (République
populaire de)
Non
N/C
Non
N/C
12
Chypre*
Non
N/C
Non
N/C
13
République tchèque
Non
N/C
Non
N/C
14
Danemark
Non
N/C
Non
N/C
15
Égypte
Non
N/C
Non
N/C
16
Estonie
Non
N/C
Non
N/C
17
Finlande
Non
N/C
Non
N/C
18
France
Non
N/C
Non
N/C
Commentaires
Règle LOB complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
Règle LOB complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
Règle LOB complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
Règle LOB complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
Règle LOB complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
Règle LOB complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
Règle LOB complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
Règle LOB complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
Règle LOB complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
Règle LOB complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
Règle LOB complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
Règle de portée limitée contre le
chalandage fiscal complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
Règle LOB complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
Règle LOB complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
Règle LOB complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021
300
19
20
Géorgie
Allemagne
Non
Non
N/C
N/C
Non
Non
N/C
N/C
21
22
Grèce
Hongrie
Non
Non
N/C
N/C
Non
Non
N/C
N/C
23
Islande
Non
N/C
Non
N/C
24
Inde
Non
N/C
Non
N/C
25
Indonésie
Non
N/C
Non
N/C
26
Irlande
Non
N/C
Non
N/C
27
Israël
Non
N/C
Non
N/C
28
Italie
Non
N/C
Non
N/C
29
Jamaïque
Non
N/C
Non
N/C
30
Japon
Non
N/C
Non
N/C
31
Kazakhstan
Non
N/C
Non
N/C
32
Corée
Non
N/C
Non
N/C
33
34
Kirghizistan*
Lettonie
Non
Non
N/C
N/C
Non
Non
N/C
N/C
35
Lituanie
Non
N/C
Non
N/C
36
Luxembourg
Non
N/C
Non
N/C
37
Malte
Non
N/C
Non
N/C
38
Mexique
Non
N/C
Non
N/C
39
40
Moldova*
Maroc
Non
Non
N/C
N/C
Non
Non
N/C
N/C
Règle LOB complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
Règle LOB dans une convention signée,
complétée par des règles nationales visant
les mécanismes de financement par des
sociétés-relais.
Règle LOB complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
Règle LOB complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
Règle LOB complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
Règle LOB complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
Règle LOB complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
Règle LOB complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
Règle LOB complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
Règle LOB complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
Règle LOB complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
Règle de portée limitée contre le
chalandage fiscal complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
Règle LOB complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
Règle LOB complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
Règle LOB complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
Règle LOB complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
Règle LOB complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
Règle de portée limitée contre le
chalandage fiscal complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021
301
41
Pays-Bas
Non
N/C
Non
N/C
42
Nouvelle-Zélande
Non
N/C
Non
N/C
43
Norvège
Non
N/C
Non
N/C
44
45
46
Pakistan
Philippines*
Pologne
Non
Non
Non
N/C
N/C
N/C
Non
Non
Non
N/C
N/C
N/C
47
Portugal
Non
N/C
Non
N/C
48
49
Roumanie
Russie
Non
Non
N/C
N/C
Non
Non
N/C
N/C
50
République slovaque
Non
N/C
Non
N/C
51
Slovénie
Non
N/C
Non
N/C
52
Afrique du Sud
Non
N/C
Non
N/C
53
Espagne
Non
N/C
Non
N/C
54
Sri Lanka
Non
N/C
Non
N/C
55
Suède
Non
N/C
Non
N/C
56
Suisse
Non
N/C
Non
N/C
57
58
Tadjikistan*
Thaïlande
Non
Non
N/C
N/C
Non
Non
N/C
N/C
59
Trinité-et-Tobago
Non
N/C
Non
N/C
60
Tunisie
Non
N/C
Non
N/C
61
Turquie
Non
N/C
Non
N/C
62
Turkménistan*
Non
N/C
Non
N/C
Règle LOB complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
Règle LOB complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
Règle de portée limitée contre le
chalandage fiscal complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
Règle LOB dans une convention signée,
complétée par des règles nationales visant
les mécanismes de financement par des
sociétés-relais.
Règle LOB complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
Règle LOB complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
Règle LOB complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
Règle LOB complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
Règle LOB complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
Règle LOB complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
Règle LOB complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
Règle LOB complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
Règle LOB complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
Règle LOB complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
Règle de portée limitée contre le
chalandage fiscal complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
Règle LOB complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
Règle LOB complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021
302
63
Ukraine
Non
N/C
Non
N/C
64
Royaume-Uni
Non
N/C
Non
N/C
65
66
Ouzbékistan*
Venezuela*
Non
Non
N/C
N/C
Non
Non
N/C
N/C
Règle LOB complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
Règle LOB et règle visant les mécanismes
de financement par des sociétés-relais
inscrites dans la convention, complétées
par des règles nationales visant les
mécanismes de financement par des
sociétés-relais.
Règle LOB complétée par des règles
nationales visant les mécanismes de
financement par des sociétés-relais.
PRÉVENTION DE L’UTILISATION ABUSIVE DES CONVENTIONS FISCALES – TROISIÈME RAPPORT D’EXAMEN PAR LES PAIRS SUR LE CHALANDAGE FISCAL © OCDE 2021
303
Uruguay
A. Progrès dans la mise en œuvre du standard minimum
L’Uruguay compte 21 conventions fiscales en vigueur, comme l’indique sa réponse au questionnaire
d’examen par les pairs. Deux de ces conventions, celles conclues avec le Chili et le Paraguay, sont
conformes au standard minimum.
L’Uruguay a signé l’IM en 2017 et déposé son instrument de ratification le 6 février 2020, et a notifié ses
conventions fiscales non conformes. L’IM est entré en vigueur pour l’Uruguay le 1er juin 2020.
L’Uruguay met en œuvre le standard minimum par l’inclusion de la disposition de la déclaration du
préambule et de la règle COP associée à la règle LOB153.
Les conventions qui seront modifiées par l’IM deviendront conformes au standard minimum une fois que
les dispositions de l’IM auront pris effet.
B. Difficultés de mise en œuvre
Aucune juridiction n’a signalé de préoccupation relative à ses conventions conclues avec l’Uruguay.
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c15b00449bc40a1d8a74f757d95500b3_1
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French-Science-Pile
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Open Science
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Various open science
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Discrimination de courbes par régression inverse fonctionnelle. Revue de Statistique Appliquée, 2005, LIII (1), pp.39-57. ⟨hal-00144140⟩
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None
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French
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Spoken
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Discrimination de courbes par régression inverse fonctionnelle Louis Ferré, Nathalie Villa
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DISCRIMINATION DE COURBES PAR REGRESSION INVERSE FONCTIONNELLE LOUIS FERRÉ ET NATHALIE VILLA
Rés Les méthodes de régression inverse telles que la SIR (Li,1991) ont été développées dans le domaine de la régression multivariée pour éviter le célèbre fléau de la dimension. Elles ont été récemment étendues aux données fonctionnelles. Plusieurs approches ont été proposées et nous présentons ici un article de synthèse et de comparaison en abordant le cas où la variable réponse est un vecteur d’indicatrice d’appartenance à des classes. Nous montrons qu’alors la régression inverse conduit à une méthode de discrimination dont la pertinence est établi sur des données réelles et simulées. Mots clefs : Discrimination, Données Fonctionnelles, Regression Inverse, Régression non paramétrique. 1. Introduction
L’analyse discriminante est une méthode éprouvée qui a été largement étudiée et étendue à différents contextes depuis sa découverte par Fisher. Les domaines d’application variés dans lesquels les problèmes de discrimination se rencontrent expliquent sans doute son succès. Elle se définit comme une méthode de classification supervisée qui consiste à classer des individus sur la base de variables explicatives et d’un échantillon d’apprentissage pour lequel à la fois ces variables et l’affectation aux classes sont connues. Notons X la variable explicative, J le nombre de classes, C la variable identifiant les classes et μj = E(X|C = j) pour j = 1,..., J. Le problème essentiel est celui de l’affectation des individus aux classes. Schématiquement, l’affectation peut s’opérer soit en utilisant des arguments géométriques, soit des arguments probabilistes. Dans le premier cas, affecter x à la classe j signifie que la distance de x au centre de gravité de la classe j est minimale, i.e., d2 (x, μj ) est minimale en j pour une certaine distance d, habituellement la métrique de Mahalanobis. Cette règle peut s’appliquer directement aux données ou bien après réduction de la dimension par Analyse Factorielle Discriminante. Dans le deuxième cas, il s’agit de maximiser la probabilité P (C = j|x) parmi toutes les valeurs de j. Au niveau statistique, tout le travail consiste à estimer cette probabilité. D’un point de vue paramétrique, la formule de Bayes fournit une réponse pour des modèles gaussiens et il est bien connu que cette règle d’affection est alors une version pénalisée de la règle géométrique. Mais on peut également estimer cette probabilité conditionnelle de façon non-paramétrique, voir e.g. Hand (1982). Cela bien sûr lorsque le régresseur est multivarié. Mais que se passe-t-il si le régresseur est fonctionnel? Comme la plupart des méthodes multivariées (voir, e.g., Dauxois et Pousse (1976) ou plus récemment Ramsay and Silverman (1997)), l’analyse discriminante a été étendue au cas fonctionnel, moyennant cependant quelques adaptations. En particulier, si on considère le problème de l’affectation probabiliste, James and Hastie (2001) considérent le problème sous des hypothèses de normalité alors que Ferraty et Vieu (2003) aborde le problème sous l’angle de la régression non paramétrique. Nous proposons ici une méthode sans hypothèse de loi. Elle est basée sur l’estimation du vecteur des probabilités P = (P (C = j|X))j=1,...,J à partir d’un modèle semi-paramétrique. Si on note Y le vecteur aléatoire de Rj tel que Y = (Y1,..., YJ ) avec Yj = I[C=j] où I est la fonction indicatrice de [C = j] et X une variable aléatoire fonctionnelle, on obtient très simplement que : (1) P = E(Y |X). On pose alors le modèle suivant : (2) P = f (< β1, X >,..., < βd, X >) où f est une fonction de Rd dans RJ, les β sont d fonctions définies sur le même ensemble que X. En fait, X est un processus stochastique continu X(t) défini sur un intervalle I de R. On supposera que les fonctions X sont de carré intégrable et on R considérera le produit scalaire sur L2I, ce qui signifie que < βk, X >= I X(t)βk (t)dt. Ce modèle est un modèle de réduction de dimension ; c’est une façon d’écrire que Y dépend de X uniquement au travers de sa projection sur un sous-espace d dimensionnel de L2I, engendré par les d vecteurs linéairement indépendants, β1,..., βd. C’est, en ce sens, un espace ”exhaustif” qui porte le nom d’espace EDR (pour Effective Dimension Reduction) dans la littérature sur la régression inverse (Li, 1991) ou central dans Cook et Yin(2001). S’agissant de données fonctionnelles, cet espace EDR va notamment permettre d’exhiber une base ”optimale” au sens de la régression sur laquelle seront projetées les données avant de procéder à une autre analyse. L’estimation de P va dépendre de la façon dont est estimé cet espace. Dans la Section 2, nous verrons que si X admet un opérateur de covariance, la solution dérive directement des résultats de Dauxois et al. (2001) et que l’estimation de l’espace repose alors sur la décomposition spectrale de l’opérateur Γ−1 X ΓE(X|Y ), où ΓZ désigne l’opérateur de covariance d’une variable fonctionnelle Z. Pour un échantillon i.i.d. de taille n du couple (Y, X), (Yi, Xi )i=1,...,n, on déduit aisément des estimateurs convergents de ΓX and ΓE(X|Y ). Malheureusement, le premier opérateur n’est pas borné de sorte que son estimateur empirique est mal conditionné. Cette situation est bien connue en statistique fonctionnelle et plusieurs solutions ont été proposées pour contourner ce problème. Pour l’essentiel, il s’agit de méthodes de régularisation ou de filtrage. Dans le premier cas, on s’applique à charger la diagonale de l’estimateur de l’opérateur de covariance. Par exemple, la Ridge-regression (Wold,1975) est une méthode ancienne qui a été appliqués à l’analyse discriminate par Di Pillo (1979) et Friedman (1989). Une alternative consiste à utiliser un critère pénalisé comme dans l’analyse discriminante ”fléxible”, Hastie et al. (1994), ou dans l’analyse discriminante pénalisée, Hastie et al. (1995). Notons au passage que ces deux approches reposent sur la méthode d’” optimal scoring”. On peut citer également les travaux de Leurgans, Moyeed and Silverman (1993) sur l’analyse des canoniques pénalisée en raison des liens étroits entre l’analyse canonique et l’analyse discriminante.
DISCRIMINATION DE COURBES PAR REGRESSION INVERSE FONCTIONNELLE 3
Dans James and Hastie (2001), une méthode de filtrage est utilisée. Elle consiste à projeter les données sur une base préalablement choisie, par exemple, une base d’ondelette, de polynômes orthogonaux, de polynômes trigonométriques ou de splines. L’avantage de cette approche est qu’elle autorise le traitement d’observations faites à des instants différents. L’inconvénient est que le choix des éléments de la base n’est pas toujours aisé. Concernant la régression inverse fonctionnelle, plusieurs solutions ont été envisagées. Ainsi, Ferré and Yao (2003) utilisent une méthode de filtrage en projetant les données sur une base formée des premières fonctions propres de l’opérateur de covariance de X. Elle reprend l’idée développée par Bosq (1991) pour des modèles AR1. Ferré et Villa (2004) utilisent une méthode de régularisation. Enfin, pour éviter l’inversion, Ferré et Yao (2004) déduisent l’espace EDR des vecteurs propres de l’opérateur Γ+ E(X|Y ) ΓX. Après avoir rappellé en Section 2 ce qu’est la régression inverse fonctionnelle, nous présenterons succinctement en Section 3 ces différentes méthodes en montrant comment elles s’inscrivent dans le cadre de l’analyse discriminante. La Section 4 est elle consacrée à la régle d’affectation utilisée et nous terminons par la Section 5 où les méthodes seront mises en oeuvre et comparées sur des données réelles ou simulées.
2. La regression inverse
Soit X une variable aléatoire à valeur dans l’espace des fonctions de carr é intégrable L2I, où I est un intervalle de R et Y une variable aléatoire à valeur dans RJ. La régression inverse fonctionnelle s’appuie sur le modèle suivant :
(3) Y = f (< β1, X >,..., < βd, X >) + ǫ,
où β1,..., βd
sont des vecteurs de L2I linéairement indépendants, f est une fonction, inconnue, de Rd dans RJ et ǫ est une variable aléatoire dans RJ non-corrélée avec X. D’un côté, ce modèle (3) est un cas particulier du modèle semi-parametrique pour variables hilbertiennes présenté dans Dauxois et al. (2001) dont nous allons exploiter les propriétés. D’un autre côté, il admet comme cas particulier la situation où Y est un vecteur aléatoire de Rj tel que Y = (Y (1),..., Y (J) ) avec Y (j) = I[C=j], où I est la fonction indicatrice de [C = j], et il sera donc un modèle pertinent pour l’analyse discriminante. Si notre approche ne repose sur aucune hypothèse de loi, il est cependant nécesssaires de supposer que : Hypothèse H-1 pour tout b ∈ L2I, si on pose B ′ = (< β1, X >,..., < βK, X >), alors E(< b, X > |B) est linéaire en B ; Hypothèse H-2 E(k X k4 ) < ∞). L’hypothèse H-1 est à la fois un cas particulier de l’hypothèse H-1 de Dauxois et al. (2001) et la version fonctionnelle de l’hypothèse 1.6 of Li (1991). Notons qu’elle est vérifiée notamment si X est une variable fonctionnelle gaussienne ou plus généralement elliptique. L’hypothèse H-2 assure l’existence de l’espérance de X, E(X), notée μ par la suite et de son opérateur de covariance noté ΓX. Cela permet également de définir μj = E(X|C = j) pour tout j = 1,..., J et ΓE(X|Y ), l’opérateur de covariance de E(X|Y ). Par ailleurs, on supposera tout au long de l’article que : 4 LOUIS FERRÉ ET NATHALIE VILLA Hypothèse H-3 ΓX est définie positive.
1/2
1/2 Soient ηk les vecteurs propres de l’opérateur ΓX ΓE(X|Y ) ΓX, on pose bk = −1/2 ΓX ηk. Pour garantir, l’existence des vecteurs bk ainsi définis, nous supposerons que (voir Ferré et Yao, 2004)P :
∞ Hypothèse H-4 Si X = i=1 ξi ui est la décomposition de Karunen-Loeve de P∞ P∞ E(ξi |Y )E(ξi |Y ) < ∞ où δi = E(ξi ). X, alors i=1 j=1 δi2 δj
En utilisant les résultats de Dauxois et al.(2001), on vérifie aisément que : Théorème 2.1. Sous les hypothèses H-1, H-2, H-3, H-4, sp{b1,..., bd } est inclus dans l’espace EDR. On en déduit alors que l’estimation de l’espace EDR s’obtient à partir de celle de sp{b1,..., bd }. L’analogie avec la SIR et en particulier avec la SIR fonctionnelle est évidente mais deux points méritent d’être précisés. Tout d’abord, l’estimation de ΓE(X|Y ) ne nécessite pas de tranchage et s’obtient directement par la matrice de covariance inter -groupe. Ensuite, la variable Y est ici multivariée alors qu’en SIR ou FSIR, elle est généralement univariée (voir cependant, pour la SIR Hsing(1999) et Li et al.(2003)). Si nous considérons ici le cas fonctionnel, notre approche s’applique également au cas multivarié. L’utilisation des méthodes de réduction de dimension a été récemment considérée en analyse discriminante multivariée. En effet, Cook et Yin(2001) considèrent un modèle comparable au modèle (3), mais dans lequel P est remplacé par la coordonnée maximale de P, revenant ainsi à un modèle univarié. Ils utilisent ensuite la méthode SIR ou SAVE (Cook, 1991) pour estimer ce sous-espace. De même, Hernandez et Velilla (2001) estiment l’espace central qui maximise la règle de Bayes. Leur technique repose sur la maximisation d’un critère basé sur l’entropie et conduit à une procédure beaucoup plus lourde que la méthode présentée ici dans le cas multivarié et elle n’a pas, à ce jour, d’équivalent dans le cas fonctionnel. Les estimateurs des vecteurs de base de la méthode par réduction de dimension sont identiques aux fonctions discriminantes de l’analyse discriminante linéaire. Même si, a priori, ces deux problèmes ne sont pas à la base semblables, la relation entre l’analyse discriminante linéaire et la régression inverse provient du fait que chacune d’elle se ramène, pour la première direction, au problème de maximisation du critère de Rayleigh : (4) max < ΓE(X|Y ) b, b >, < ΓX b, b > les autres directions étant solutions de problèmes identiques sous contraintes d’orthogonalité. Ceci est vrai dans le cas fonctionnel ou multivarié. 3. Estimation des paramètres
A partir d’un échantillon i.i.d. de taille n, (Xi, Yi ), pour i = 1,..., n, les estimateurs de l’espace central se déduisent des estimateurs suivants. On estime ΓE(X|Y ) par la matrice de covariance inter groupes, ΓnE(X|Y ) = J X ni j=1 n (μj − X̄) ⊗ (μj − X̄), DISCRIMINATION DE COURBES PAR REGRESSION INVERSE FONCTIONNELLE 5 Pn Pn (j) (j) où nj = i=1 Yi et μj = n1j i=1 Xi Yi. L’opérateur ΓX est estimé par l’opérateur P n empirique, ΓnX = n1 i=1 (Xi − X̄) ⊗ (Xi − X̄)), où X̄ est la moyenne empirique de X. Cependant, sous l’hypothèse H-2, ΓX est un opérateur de Hilbert-Schmidt est n’est donc pas inversible dans L2I. De plus, si l’on retreint ΓX à son image, l’opérateur ainsi obtenu est inversible, mais son inverse n’est pas borné. Ainsi, la matrice ΓnX sera mal-conditionnée et il convient d’utiliser des stratégies pour contourner ce problème. Nous présentons ci-dessous plusieurs solutions proposéees dans le cadre de la régression inverse. 3.1. Une solution de filtrage. Nous présentons ici l’approche de Ferré et Yao (2003) : la ”Fonctional Sliced Inverse regression”, FSIR. Elle consiste à projeter les données dans une base des vecteurs propres de l’opérateur ΓX. Cela conduit à un choix ”objectif” de la base de projection alors que l’utilisation de bases orthogonales comme celle de Fourier, de fonctions splines, d’ondelettes, ne permettent pas des choix toujours pertinents des éléments de la base. Soit (kn )n∈N une suite non convergente d’entiers. Pour tout n, on note Πkn le projecteur propre associé aux kn plus grande valeurs propres de ΓnX. L’estimation de l’espace EDR s’obtient par décomposition spectrale de l’opérateur ((Πkn ΓnX Πkn )+ )1/2 ΓnE(X|Y ) ((Πkn ΓnX Πk/n )+ )1/2 où la notation ”+” est utilisée pour représenter l’inverse généralisé d’une matrice. La consistance de l’estimateur de l’espace EDR a été étudiée dans Ferré and Yao (2003) lorsque Y est une variable aléatoire réelle. La convergence de ΓnE(X|Y ) vers ΓE(X|Y ) permet d’étendre directement ce résultat au cas où Y est un vecteur d’indicatrice. Ces résultats reposent sur des hypothèses sur les valeurs propres de ΓX. Grossièrement, celles-ci ne doivent pas tendre vers 0 trop rapidement. Précisons que ces hypothèses sont vérifiées, en particulier, si X est un mouvement brownien. La mise en oeuvre de cette méthode nécessite de sélectionner une valeur convenable pour kn. 3.2. Une solution basée sur un inverse généralisé de ΓnE(X|Y ). Cette solution repose sur le fait que sous le modèle (3), ΓE(X|Y ) est un opérateur de rang fini. Ainsi, (ΓX )−1/2 ΓE(X|Y ) (ΓX )−1/2 est lui-même de rang fini et l’espace propre engendré par ses valeurs propres non-nulles est identique à celui celui de son inverse généralisé. Le problème qui se pose ici est que cela nécessite la connaissance a priori de la dimension d de l’espace EDR. Si on note (ΓnE(X|Y ) )+d l’inverse généralise de ΓnE(X|Y ) tronqué aux d plus grandes valeurs propres, l’espace EDR est estimé à partir de la diagonalisation de la matrice ((ΓnX )1/2 (ΓnE(X|Y ) )+d (ΓnX )1/2 ). Cette méthode a été proposée par Ferré et Yao (2004) dans le cadre de la régression inverse lorsque Y est une variable aléatoire réelle et les auteurs établissent la consistance de l’estimateur de l’espace EDR sous des hypothèses assez faibles. Ces résultats s’entendent là encore à notre contexte. L’ avantage principal de cette approche est qu’elle est particulièrement simple à mettre en oeuvre. Cependant, elle nécessite l’estimation de d pour calculer (ΓnE(X|Y ) )+d. Si dans Ferré et Yao (2004), un critère lié à l’estimation de (ΓnE(X|Y ) ) est proposé, nous estimons ici d à partir d’un critère prenant en compte l’ensemble de la procédure. Nous développerons ce point dans les applications.
3.3. Une approche par régularistion.
Les méthodes de régularisation sont très communes pour le traitement des données fonctionnelles. Elles sont présentées comme plus efficaces que les méthodes de filtrage. L’idée principale est de pénaliser FERRÉ NATHALIE VILLA l’opérateur de covariance en introduisant des contraintes de régularité sur les fonctions estimées par modification du critère optimisé lors de l’estimation. <ΓE(X|Y ) b,b>, Ici, rappelons-le, la première direction, b1, est la solution du problème max <Γ X b,b> <Γ b,b> E(X|Y ) la deuxième, b2, celle de max <Γ, sous la contrainte < ΓX b1, b >= 0, etc... X b,b> Pour prendre en compte les contraintes de régularité, nous introduisons un paramètre de lissage λ et nous considérons la procédure suivante : <Γn E(X|Y ) b,b> – déterminer b̂1 tel que b̂1 maximise le critère <Γn b,b>+λ<D 2 b,D 2 b> ; <Γn X b,b> E(X|Y ) – puis déterminer b̂2 tel que b̂2 maximise <Γn b,b>+λ<D 2 b,D 2 b>, sous la contrainte X < ΓnX b, b̂1 > +λ < D2 b, D2 b̂1 >= 0 ; – les autres vecteurs s’obtiennent par optimisation du critère sous des contraintes semblables. La solution à ce problème est donnée par (b̂1,..., b̂d ), vecteurs propres associés aux d plus grandes valeurs propres de la matrice (ΓnX + λD4 )−1 ΓnE(X|Y ) et vérifiant < (ΓnX + λD4 )b̂i, b̂j >= δij. La matrice D4 est un estimateur de l’opérateur de différentiation d’ordre 4 et est calculée à partir d’un base de fonctions splines. La consistance de ces estimateurs a été démontrée dans Ferré et Villa (2004) pour une variable réelle, mais elle reste également valable dans le cadre étudié ici.
4. Régle de classification
Dans le modèle (2), f est une fonction de lien définie de Rd dans RJ. Elle s’ écrit f = (f1,..., fJ ) où, pour chaque u dans Rd et chaque j, fj (u) = P (C = j|U = u), avec U est la projection de X sur l’espace EDR et f (x) = E(Y |X = x). Une fois l’espace EDR estimé, le probl ème de l’estimation de f se ramène à un problème de régression multivariée et l’estimation des probabilités d’appartenance aux groupes sachant X va s’obtenir par régression non paramétrique. Toute méthode non paramétrique peut être, bien sûr, utilisée, mais nous emploierons ici des estimateurs à noyaux. On considère l’estimateur de NadarayaWatson : (j) Σn Y Πd K( <bk,Xhi >−u ) fˆj (u) = i=1n i d k=1 <bk,Xi >−u Σi=1 Πk=1 K( ) h R où K est un noyau vérifiant K(v)dv = 1 et h est la fenêtre. En fait, ce critère est une version non paramétrique de la règle de Bayes appliquée (5) Σn Y (j) Πd K( <bk,Xi >−u ) h est aux données projectées sur l’espace EDR. En effet, i=1 i k=1nh l’estimateur à noyau de la densité de (< b1, X >,..., < bd, X >) conditionnelle à Σn Πd K( <bk,Xi >−u ) est l’estimateur de la densité conjointe de (< b1, X > Y (j) et i=1 k=1 nh h,..., < bd, X >). Ainsi, la règle de classification conduit à maximiser en j un estimateur non paramétrique de P (Y (j) |(< b1, X >,..., < bd, X >)) dans l’esprit de ceux présentés dans Devroye et al. (1996). L’utilisation d’estimateurs à noyau peut s’avérer, dans le cas de groupes trop nombreux, inefficace en raison du ”fléau de la dimension”. Si tel est le cas, il est possible de remplacer ces estimateurs à noyau par des réseaux de neurones, insensibles à ce problème, et dont la pertinence de leur association avec les méthodes de régression inverse est démontrée dans Ferré et Villa (2004). Cependant dans
DISC
RIMI
NATION DE COURBES PAR REGRESSION INVERSE FONCTIONNELLE 7
la pratique, le nombre de groupes est généralement raisonnablement faible ce qui explique le choix effectué ici. 5. Applications
5.1
. Méthode.
Cette partie est consacrée à la mise en oeuvre des méthodes cidessus et à leur comparaison avec des méthodes concurrentes. Que les données soient réelles ou simulées, le mode opératoire présenté ci-après leur sera commun. Pour obtenir les estimateurs en pratique, nous proposons de diviser l’échantillon en trois et de procéder de la façon suivante : – tout d’abord estimer l’espace EDR sur le premier échantillon, dit échantillon d’apprentissage ; – puis, déterminer la fenêtre et les paramètres des différents modèles par validation croisée sur un échantillon de contrôle ; – enfin de déterminer le pourcentage de mal classés sur un échantillon test. Cette façon de procéder présente les avantages suivants : tout d’abord, les deux premières étapes s’effectuant sur des échantillons indépendants, il est possible d’utiliser les résultats de convergence des estimateurs à noyau pour obtenir la convergence de l’estimateur de f. Ensuite, il est possible de considérer la dimension d comme un paramètre du modèle pour l’approche 2 et de réitérer la procédure avec différentes valeurs de d pour retenir celle qui minimise le taux de mal classés. Dans le cadre de notre étude, nous avons, tout d’abord et comme décrit ci-dessus, déterminé par validation croisée les paramètres de chaque modèle puis, nous considérons cinquante segmentations de l’échantillon en deux parties obtenues de façon aléatoire : le premier échantillon permet la mise en oeuvre des différentes méthodes comparées pour les paramètres optimaux et le second échantillon évalue la performance moyenne et la variabilité de chacune de ces méthodes. Notons que les paramètres optimaux ont été callés avant les répartitions aléatoires de l’échantillon pour éviter des explosions de temps de calcul liés au volume important des Nous désignerons par SIR-Np la méthode par projection, SIR-N celle par inverse généralisé et SIR-Nr celle par régularisation. Nous les comparerons avec RPDA (Ridge Penalized Discriminant Analysis) de Hastie et al. (1995) et avec la méthode à noyaux de Ferraty et Vieu (2003) désignée ici par NPCD-PCA.
5.2. Données simulées : les ”waveform data”.
Nous considérons ici un jeu de données simulées qui est une sorte d’étalon pour la comparaison des méthodes de discrimination fonctionnelle. La base de donnnées est composée de 3000 courbes discrétisées en 21 points (t = 1, 2,..., 21) qui sont issues de 3 familles différentes (1000 courbes par classes) : (1) t → uh1 (t) + (1 − u)h2 (t) + ǫ(t) ; (2) t → uh1 (t) + (1 − u)h3 (t) + ǫ(t) ; (3) t → uh2 (t) + (1 − u)h3 (t) + ǫ(t) où u est une variable aléatoire de loi uniforme sur [0; 1], ǫ(t) est une variable aléatoire de loi normale centrée réduite et h1 (t) = max(6 − |t − 11|, 0), h2 (t) = h1 (t − 4) et h3 (t) = h1 (t + 4). Des représentations de ces courbes sont données en Figure 1. La base de données a été partagée en deux de manière aléatoire : un échantillon de 1500 individus (500 par classe) constituait la base d’apprentissage et un échantillon
8 LOUIS FERRÉ ET NATHALIE VILLA Classe 1 Classe 2 8 10 8 6 6 4 4 2 2 0 0 −2 −4 −2 2 4 6 8 10 12 14 16 18 −4 20 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 Classe 3 8 6 4 2 0 −2 −4 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20
Fig. 1 – Un échantillon de 50 courbes par classe de 1500 individus (500 par classe) la base de test. Les valeurs optimales pour chacunes des méthodes employées sont données dans le Tableau 1.
Paramètre 1 Paramètre 2 Paramètre 3
λ
=1
d
=2 h = 0,75 (
régular
isation de ΓX ) (dimension SIR) (fenêtre du noyau) SIR-Np kn = 2 d=2 h=3 (dimension ACP) (dimension SIR)
(fen
être
du noyau) SIR2-N
d
=2 h=3 (dimension SIR) (fenêtre du noyau) RPDA λ=2 d
=2
(régularisation
de ΓX
) (dimension
AFD
)
NPCD-PCA kN = 16 h=6
(dimension
ACP) (fenêtre du noyau) SIR-Nr Tab. 1 – Valeurs optimales
Les fonctions qui engendrent de l’espace EDR et l’espace dicriminant dans la RPDA sont données Figure 2. Ces fonctions propres sont très proches en ce qui concerne SIR2-N et SIR-Np et toutes deux sont assez voisines de celles de la RKDA.
DE COURBES PAR REGRESSION INVERSE FONCTIONNELLE 9
On peut observer aussi que seule SIR-Nr conduit à des fonctions lisses ce qui est cohérent avec cette méthode. Axe 1
Axe 2 0.1 RPDA SIR2−N SIR−NP SIR−NR 0.08 RPDA SIR2−N SIR−NP SIR−NR 0.15 0.06 0.1 0.04 0.02 0.05 0 0 −0.02 −0.04 −0.05 −0.06 −0.1 −0.08 −0.1 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20
Fig. 2 – Vecteurs de l’espace EDR
La projection du nuage de points sur ces espaces est donnée en Figure 3. Il est difficile de distinguer une différence entre les différents graphiques laissant ainsi présager de performances comparables dans les affectations. C’est en effet ce que l’on observe à la Figure 4 qui donne les boı̂tes à moustaches des taux d’erreurs de classements construites à partir des cinquantes simulations. On peut constater que la méthode RPDA est celle qui donne les plus mauvais résultats alors que les meilleurs sont obtenus par SIR2-N. La relative médiocrité des résultats de SIR-Nr s’explique sans doute par la difficulté d’interpoler convenablement les 21 points de discrétisation sur une base spline. Le Tableau 2 donne les caractéristiques du taux de mal classés. On peut y remarquer que les méthodes reposant sur la régression inverse fonctionnelle fournissent globalement des résultats qui les situent parmi les méthodes les plus performantes si on les compare avec ceux d’études similaires (Hernandez et Velilla (2001) indiquent que leur méthode RKDA a un taux d’erreur de 16,2 % et que le meilleur taux est obtenu pour un réseau de neurones avec 15,1 %). Moyennes Médianes Ecart type SIR-Nr 16,62 % 16,67 % 0,63 % SIR-Np 16,15 % 16,33 % 0,77 % SIR2-N 15,92 % 15,93 % 0,55 % RPDA 18,38 % 18,40 % 0,68 % NPCD-PCA 16,37 % 16,40 % 0,66 % 1◦ quartile Minimum 16,33 % 15,33 % 15,73 % 14,20 % 15,60 % 14,73 % 18,00 % 17,07 % 15,93 % 14,87 %
Tab. 2 – Caractéristiques des taux de mal classés
10 LOUIS FERRÉ ET NATHALIE VILLA RPDA − Axe 1 x Axe 2 SIR2−N − Axe 1 x Axe 2 2.5 3.5 3 2 2.5 1.5 2 1.5 1 1 0.5 0.5 0 0 −0.5 −0.5 −1 −1 −2 −1.5 −1 −0.5 0 0.5 1 1.5 2 −1.5 −2 −1.5 −1 4 3 3 2 2 1 1 0 0 −1 −1 −1.5 −1 −0.5 0 0.5 1 1.5 0 0.5 1 1.5 2 2.5 2.5 3 SIR−Nr − Axe 1 x Axe 2 SIR−Np − Axe 1 x Axe 2 4 −2 −2 −0.5 2 2.5 −2 −2 −1.5 −1 −0.5 0 0.5 1 1.5 2
Fig. 3 – Projection des données sur l’espace EDR Fig. 4 – Comparaison des taux d’erreur pour 50 échantillons 5.3. Reconnaissance de phonèmes. La base de données est composée de 4509 log-périodogrammes (discrétisés en 256 points) qui correspondent aux enregistrements de 5 phonèmes différents dont des représentations sont données en Figure 5. Les phonèmes enregistrés sont [sh] (872 log-périodogrammes), [iy] (1163 log-pério-dogrammes),
DISCRIMI
NATION DE
COUR
BES PAR REGRESSION INVERSE FONCTIONNELLE [sh] 11 [iy] 22 25 20 20 18 16 15 14 12 10 10 8 5 6 4 50 100 150 200 0 250 50 100 [aa] 25 25 20 20 15 15 10 10 5 5 0 0 −5 100 200 250 150 200 250 [ao] 30 50 150 150 200 250 50 100 [dcl] 20 15 10 5 0 − 50 100 150 200 250
Fig. 5 – Un échantillon de 10 log-périodogrammes par classe [dcl] (757 log-périodogrammes), [aa] (695 log-périodogrammes) et [ao] (1022 logpériodogrammes). La base de données a été partagée en deux de manière aléatoire : un échantillon de 1735 individus (347 par classe) constituait la base d’apprentissage et un échantillon de 1735 individus (347 par classe) la base de test sur laquelle était calculée l’erreur correspondant à chaque méthode. Les vecteurs engendrant l’espace EDR sont représentés Figure 6. Les solutions les moins lisses sont fournies par la méthode
SIR
-
Nr (en
raison
d’une fa
ible
valeur du paramètre optimal de rég
ularisation
) alors que les plus lisses
sont
obtenues
par RPDA et SIR2-N. Les solutions fournies par les diverses méthodes
testées
sont très proches les unes des autres. Les Figures 7, 8, 9 et 10, permettent de visualiser la projection des données sur l’espace EDR fournie, respectivement, par les méthodes SIR-Nr, SIR-Np, SIR2-N et RPDA. Elles font apparaı̂tre une bonne séparabilité linéaire des données projetées, laissant penser que le simple modèle RPDA fournira des taux d’erreur très satisfaisants. Concernant les méthodes SIR2-N et RPDA, les axes 1 et 2 permettent de séparer les phonèmes [sh] (en haut à droite), [ly] (au centre), [dcl] (en bas) et les phonèmes en ”a”, [aa] et [ao] qui eux sont confondus (à gauche). A l’inverse, SIR-Nr et SIR-Np, ne permettent pas de séparer [ly] et [dcl] sur l’axe 2 : en deux dimensions, SIR2-N et RPDA sont les plus discriminantes. Si l’axe 3 donne des
Axe 2 Axe 1 0.03 0.015 RPDA SIR−Nr SIR−Np SIR2−N 0.01 0.005 RPDA SIR−Nr SIR−Np SIR2−N 0.02 0.01 0 0 −0.005 −0.01 −0.01 −0.02 −0.015 −0.03 −0.02 −0.04 −0.025 −0.03 50 100 150 200 250 −0.05 50 100 Axe 3 150 200 250 Axe 4 0.08 0.1 RPDA SIR−Nr SIR−Np SIR2−N 0.07 0.06 RPDA SIR−Nr SIR−Np SIR2−N 0.08 0.06 0.05 0.04 0.04 0.02 0.03 0 0.02 −0.02 0.01 −0.04 0 −0.06 −0.01 −0.02 50 100 150 200 250 −0.08 50 100 150 200 250
Fig. 6 – Vecteurs de l’espace EDR pour les phonèmes. résultats comparables d’une méthode à l’autre, en séparant bien [ly] et [dcl], l’axe 4 est le seul qui permet de discriminer les phonèmes [aa] et [ao]. La discrimination y est meilleure pour SIR-Nr et SIR-Np que pour RPDA et SIR-N, ce qui explique que, globalement, les premières ont des performances supérieures aux secondes comme l’indiquent le Tableau 3 et la Figure 11.
Moyennes Médianes Ecart type SIR-Nr 8,24 % 8,30 % 0,44 % SIR-Np 8,45 % 8,44 % 0,51 % SIR2-N 9,33 % 9,48 % 0,47 % RPDA 9,04 % 9,05 % 0,52 % NPCD-PCA 9,89 % 9,83 % 0,60 % 1◦ quartile Minimum 7,95 % 7,32 % 8,01 % 7,32 % 8,99 % 8,36 % 8,65 % 7,84 % 9,39 % 8,47 %
Tab. 3 – Caractéristiques des taux de mal classés pour les phonèmes. DISCRIMINATION DE COURBES PAR REGRESSION INVERSE FONCTIONNELLE
SIR−Nr − Axe 1 x Axe 2 2.5 2 1.5 1 0.5 0 −0.5 −1 −1.5 −2 −2.5 −3 −2.5 −2 −1.5 −1 −0.5 0 0.5 1 6 7 SIR−Nr − Axe 3 x Axe 4 SIR−Nr − Axe 2 x Axe 3 3 7 2 6 1 5 0 4 −1 3 −2 2 −3 1 0 −2.5 −4 −2 −1.5 −1 −0.5 0 0.5 1 1.5 2 2.5 −5 0 1 2 3 4 5
Fig. 7 – Projection des données (SIR-Nr) SIR−Np − Axe 1 x Axe 2
3 2.5 2 1.5 1 0.5 0 −0.5 −1 −1.5 −2 −3.5 −3 −2.5 SIR−Np − Axe 2 x Axe 3 −2 −1.5 −1 −0.5 0 0.5 SIR−Np − Axe 3 x Axe 4 8 3 7 2 1 6 0 5 −1 4 −2 3 −3 2 −2 −1.5 −1 −0.5 0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 −4 2 3 4 5 6
Fig. 8 – Projection des données (SIR-Np)
7 8 13 14 LOUIS FERRÉ ET NATHALIE VILLA SIR2−N − Axe 1 x Axe 2 6.5 6 5.5 5 4.5 4 3.5 3 2.5 2 1.5 −3.5 4 4 3 3 2 2 1 1 0 0 −1 −1 −2 2 2.5 3 3.5 4 4.5 5 −2.5 −2 −1.5 −1 −0.5 0 0.5 4 5 0 0.5 SIR2−N − Axe 3 x Axe 4 SIR2−N − Axe 2 x Axe 3 5 −2 1.5 −3 5.5 6 6.5 −3 −2 −1 0 1 2 3
Fig. 9 – Projection des données (SIR2-N) RPDA − Axe 1 x Axe 2 6 5.5
5 4.5 4 3.5 3 2.5 2 1.5 1 −3.5 −3 −2.5 RPDA − Axe 2 x Axe 3 −2 −1.5 −1 −0.5 RPDA − Axe 3 x Axe 4 5 2.5 4.5 2 4 1.5 3.5 1 3 0.5 2.5 0 2 −0.5 1.5 −1 1 −1.5 0.5 0 1 1.5 2 2.5 3 3.5 4 4.5 5 5.5 6 −2 0 0.5 1 1.5 2 2.5 3
Fig. 10 – Projection des données (RPDA) 3.5
4 4.5 5
DISCRIMINATION DE COURBES PAR REGRESSION INVERSE FONCTIONNELLE 15
Fig. 11 – Comparaison des taux d’erreur pour 50 échantillons
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LES LONGUES PEINES. [Research Report] Mission de Recherche Droit et Justice; Université de bordeaux; Université de Lille; Ecole Nationale d'Administration Pénitentiaire. 2020. ⟨hal-03132281⟩
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Chercheur1 : Vous parliez beaucoup du... du procès d’assises effectivement. Alors : les douze ans... les douze ans c’est une longue peine. Peut-être, peut-être que vous considérez que c’est une longue peine? Participant : En fait, douze ans, au début euh... voilà j’ai dit : “écoute, douze ans, j’ai pris douze ans”. Puisque même mon avocate m’a demandé : “est-ce que vous voulez faire appel et tout?”. J’ai fais euh... : “non, je ferai pas appel [sic]”. Donc, j’ai accepté, j’ai dit : “voilà, j’ai commis une faute, tant pis je vais la payer”. [silence] Mais dans les douze ans, après mon avocate m’expliquait qu’ils calculent, les remises de peine. Elle
me
dit : “voilà
s’il prend huit ans, si il a une remise de peine et tout donc euh... je vais faire deux... comme ça que je vais avoir ** [pas compris]. Voilà. Qu’ils ont mis douze. Et euh... donc euh... ça et euh... Donc j’ai dit : “ok, j’accepte”. Et après, je savais pas [sic] c’est que vous avez les parties civiles. Donc pour les douze ans et après on vous dit : “bon, ben [sic] non, les parties civiles”. Moi, je comprenais pas du tout, si c’est.... si c’
est
... donc, ça
s’appelle les... dommages... donc, psychologie et tout ça. Donc, moi
j
’étais là, je ne pouvais rien dire. Donc, la juge
,
elle
donnait la parole à l’
avocat
e de
la victime et tout. Et là elle 615
commence à parler et tout, elle dit : “voilà euh...
puis
les dommages euh... la victime a du mal à se remettre et tout” et là on vous annonce cinquante mil euros. Là, je me suis... dans ma tête ça fait [bruit], je fais : “Ouah! comment je vais faire pour payer ça? Comment je vais faire?” Je dis : “cinquante mil euros?” je dis : “
mais
..
mais
ma fille aussi. Je dis
mais
je vais lui laisser quoi à ma fille?” Je dis : “déjà je gagne pas [sic] grand chose, je vais faire comment?” Et là.. la présidente fait : “Monsieur, veuillez sortir”,
**
[pas compris], et tout
. [respire]. Et vous êtes dans la petite salle à côté, et vous entendez : ça parle, ça picole et tout et là tu te dis : “oh, à quelle sauce je vais manger!” Et ça a duré une demi-heure et au bout d’une demi-heure on vous fait revenir, et là on vous dit : “bon, ben [sic] voilà, euh... ça sera vingt-cinq milles euros”. Quand-même vingt cinq milles euros je me suis dit : “ouah! douze ans, vingt-cinq mil euros, je fais : bufff! Comment je vais faire pour payer ça? Mais comment?” Parce que... j’ai pas [sic] d’argent de poche, enfin, j’ai un petit peu d’argent de côté mais, j’étais marié, donc ma femme avait... accès aux comptes, donc, j’ai dit : “comment je vais faire?”. * Je dis: “il va falloir que je me... retrousse les manches et... il va falloir que je me... [silence] * Et la voix partait en prison* [pas sûr transcription]. [silence] Vous arrivez dans une cellule et là... [bruit avec la bouche] Vous êtes assis, [bruit] vous regardez le mur et là vous voyez tout et tu te dis : “je fais quoi? je fais quoi? [avec plus d’intonation]”. Douze ans, vingt-cinq mil euros. Prend un fusil et tire-toi une balle dans la tête, c’est les premières pensées. Tu te dis : “prends un fusil tire-toi une balle dans la tête”. [silence] Et t’es là et tu fixes le *vilain* [pas sûr transcription], et t’attends. Et... à un moment donné, quelqu’un qui passe, parce que les journaux, évidemment, malgré que moi c’était un *type de rien du tout
* [pas sûr transcription], les journaux ça... Vous faites déjà une peine qui est pas facile, vous prenez ça, c’est pourtant... c’est pourtant... plus dur et là vous avez des gens qui passent derrière la porte, bon, et qui vous insultent. Et là tu te dis : “buff... c’est *bon* [pas sûr transcription, ou “c’est mort”], prend une balle, tire-toi une balle
dans la tête
parce que...
c’est la
seu
le
chose
qui
pourra en fait sauver ta dignité parce que
t’es plus rien
. [respire] *Là mais
, au bout d’un moment... tu reprends tes esprits tu te dis : “bon ben [sic] t’as fait une connerie, pense à la victime. Il faut que tu lui prouve que... tu as changé. Tu es en train de le faire. Pense à ta fille, pense à tes parents. Et prouve aux autres... à toi [se corrige] et aux autres, que t’es une bonne personne. Que t’es pas quelqu’un de méchant”. Et là petit à petit tu te bats [silence]. T’avance petite à petit [bruit avec la bouche]. Tu vas voir le psychologue et t’avance. Et un jour au téléphone on vous annonce ben [sic], que tu viens de perdre ta grand-mère et là... sifflement, vous lâchez le téléphone, vous tombez. Vous comprenez pas ce qui vous arrive. Vous vous dites : “ça va s’arrêter quand? ça va s’arrêter quand?” Et là vous avez le surveillant qui va vous voir et vous dit : “ça va pas et tout?” Et vous avez qu’une chose envie de faire c’est de lui dire : “vas-y défonce moi la tête que je disparaisse, que... ça soit fini quoi”. Et vous êtes là, en fait vous... vous semblez une grosse merde qui sert à rien. J’ai fait du mal, je perds ma famille. Je peux rien faire. Et en plus je peux même pas *aller en mitard* [pas sûr transcription]. Comment faire? alors on vous met un peu plus de psychologue et après on dit : “aller voir le psychiatre, il va discuter avec vous, ça ira un peu mieux”. Et le psychiatre c’est... Monsieur [nom] moi je pense que c’est une ** [pas compris] cette personne. Il m’a pris, [silence] il m’a aidé petit à petit. C’est pas facile, mais battez-vous, lâchez pas, battezvous, vous allez voir. Vous êtes quelqu’un, prouvez que vous êtes quelqu’un de fort. Vous avez fait une bêtise, ok, ça va arrive
r. Mais vous êtes pas [sic] quelqu’un de méchant. Battezvous, accrochez-vous. Et je parlais avec lui et tout et... je parlais souvent de la victime. Alors euh un jour, j’ ́tais en face et puis comme ça [bruit avec la bouche : “pah!”] il a tapé sur la table. Et là il me fait : “bon, apte”. Je fais : “apte? Pourquoi apte? J’ai... dis quelque chose qu’il fallait pas [sic]?”. “Pense un peu à toi. Arrête de penser à ta victime” [comme si c’était le psychiatre]. Je... [bruit avec la bouche] j’étais comme ça je dis : “attendez”. je dis : “oui, 616 mais euh... je sais pas [sic] peut-être qu’elle me...”. “Arrête. Pense à toi” [comme si c’était le psychiatre]. [silence] Peut-être”. [silence] Et... on a continué comme ça. Chercheur1 : C’est le psychiatre qui a dit ça? Participant : Voilà. Et, ça m’a fait un déclic, déjà, un premier déclic parce que ce qui voulait elle c’est savoir comment j’en étais arrivé là quoi, à passer à l’acte. Mais ça, j’avais un blocage. Ouais. Je creusais, cherchais, rien ne sortait. Elle m’a dit : “ne vous inquiétez pas”. Elle dit : “un jour ou l’autre ça sortira tout seul. Sans chercher ça sortira tout seul”. Et j’ai continué comme ça avec lui, et xx m’a dit : “si par la suite vous avez toujours besoin de moi, il dit : “pas de problème, je serai là pour vous”. Et je dis : “pas de souci”. Comme je suis passé euh... que j’étais ** [pas compris] c’est moi qui ai demandé, j’avais fait une lettre, mes... mon avocate l’a lu, a dit : “voilà mon client a demandé est-ce que c’était possible [bruit] que.. il puisse continuer à voir Monsieur ** [pas compris, nom] à sa sortie de prison, même pendant la prison. Sauf que j’ai été transféré donc ils ont pris la lettre c’est tout voilà. Comme client, *peut-être qu’un qui refuse* [pas sûr transcription] l’aide qu’on peut lui apporter et tout. je l’ai même dit au tribunal, j’ai dit : “ouais [sic], si à l’époque [silence] j’aurais eu ces... aides là je serais pas passé à l’acte”. Parce que moi, quand on me parlait de psychiatre et tout ça, pour moi le psychiatre et tout c’est que tu vois les gens qui sont mal, qui sont fous, qu’on met la camisole et tout ça. Alors que c’est faux. C’est faux. Et... [silence] de là, il y a ce... tout ce processus petit à petit que j’ai apporté, Et je voyais Monsieur ** [pas compris, nom] tous les week-ends. Et j’en me souviens toujours. Même ** [pas compris, nom] elle m’a dit quand je suis parti que j’ai changé. Elle m’a fait : “Ecoutez Monsieur, j’ai confiance en vous, je sais que Vous êtes une bonne personne. Vous allez *vite* [pas sûr transcription] sortir”. Chercheur1 : Vous avez eu des phases... Participant : Voilà. Voilà. Et moi, et moi ça ma... En fait, quand vous êtes en prisons tu te dis : “bon, je suis en bas. Faut que je remonte”. Et, moi à chaque fois que j’arrivais à remonter, je me suis dit : “Bon, ça va, j’arrive là, je vais stagner un peu..., prendre un peu de respiration, prendre mon temps, pour monter un peu plus”. Dès que j’arrivais à un point où ça allait bien,...je reprenais espoir et tout, il me tombait quelque chose dessus [bruit avec la bouche] ça redescendait. Et moi c’est ce qui s’est passé. Quand j’étais en haut, j’ai vu, donc c’est, ma grand-mère et un oncle. L’oncle que j’ai perdu je vous cache pas, c’est un oncle euh... qui était dans la gendarmerie... j’ai visité, son centre et tout. Euh... j’étais joueur de foot, il m’achetait des maillots, j’ai toujours vachement apprécié, même sa femme et tout. Ça m’a fait comme un coup de poignard quand j’ai appris qu’il était mort. C’est lui... bon, il a fait une dépression il s’en ait pas remis [respire]. Mais ça m’a mis comme un coup de poignard, j’en ai pleuré pleuré et euh... même ma sœur quand elle m’a prévenu, pour l’enterrement et tout, je voulais envoyer quelque chose et euh... elle a, elle a prévenu euh... celle qui est toujours ma tante, elle lui a dit : “non non, dit lui qu’il garde son argent, c’est gentil pour lui. On a une pensée pour lui, qu’il garde les meilleurs
s qu’il a de son oncle... [silence] Qu’il garde un bon souvenir”. Voilà. Et euh... Je peux vous dire que c’est très dur quand vous entendez ça, vous vous êtes en prison, tu te dis :”ouaw! t’as fait du mal à des gens”, mais en fait c’est des gens de l’extérieur que... tu vois pas [sic] régulièrement mais qui t’apporte un peu de chaleur et de réconfort alors que eux ils en avaient peut-être plus besoin puisque il était pas [sic] peut-être quelqu’un d’important* [pas sûr transcription]. [silence] Et ça touche énormément. [silence] Donc, après, quand tu apprends ça, il faut te battre se dire [bruit avec la bouche] accroche toi. [silence] Tu t’accroche. Tu repars. Tu enclenches la première, tu y vas [bruit avec la bouche] t’avance, t’avance. [
silence
] Et... et merde. ** [pas compris] ta famille, tu prends deux coups de massue, t’as essayé de remonter et on te transfère. Là tu dis : “comment je vais faire pour continuer, envoyer de l’argent à la famille, commencer à payer la partie civile? Parce que tant que vous êtes pas [sic] condamné, vous pourrez pas [sic] payer partie civile. [silence] Et... t’as du travail et là, t’es transféré tu te dis : “comment ça va se passer pour le travail?” Et tu te reprends un truc sur la tête. Tu te dis : “bon, c’est encore une épreuve. Tu t’accroches, on te transfère. Quand je suis arrivé à XX, je vous cache pas que quand je suis arrivé, on a traversé la cour, [silence] j’ai regardé comme ça [silence], j’ai fais : “je suis arrivé dans une maison de retraite ou quoi?”. [silence] Première chose que vous voyez
,
c’
est
une grande cour
, vous avez des personnes très âgées, parce que... ils sont en train de jouer aux boules, avec des boules en acier et là t’hallucine. Je dis : “je suis en prison, *on m’y met dangereux* [pas sûr transcription] [silence] et des mecs qui jouent aux boules? avec des boules en acier!”. Je dis : “mais je suis tombé où”. Et... tu vois les surveillants qui passent et qui parlent avec eux : “ça va?
alors
comment...
*
tu viens d’où?
* [pas
s
ûr transcription]”. Là mais tu dis : “mais c’est le monde
à
l’envers. C’est le monde
à
l’envers”. D’où tu viens, c’est si tu disais quelque chose
... c’est tout juste si on te
disait pas : “ferme ta gueule, rentre dans ta cellule sinon c’est le mitard”. [silence] Et ben [sic], t’arrive là, *c’est tout juste si les surveillants viennent pas [sic], ils te serrent pas la main [sic] ** [pas compris] avec toi* [pas sûr transcription]. Là tu commences à te dire : “ah! je suis tombé chez les dignes ou quoi?” [bruit, apparemment sur table]. Et le temps il passe et toi tu demandes à travailler. Et on te dit ben... [sic] il faut attendre six mois. Et là tu pleures. Six mois, comment je vais faire? Et puis là, il y a tous les frais qui tombent dessus : frais de justice. Et on te dit maintenant qu’il faut payer les parties civiles. Et là tu dis : ah!! [avec intonation], comment je fais? Et comme vous arrivez, vous avez un petit peu d’argent, première chose qui faut, [silence] partie civile. Et moi je dis mais... j’ai les frais de dossier. Trois cents... je crois que c’était trois cent soixante quinze pour le tribunal. Je dis : “ est-ce qu’il y a une possibilité de payer en plusieurs phases parce que là je peux pas [sic]”. Et là, on m’a dit : *“comment vous les donnez?”* [pas sûr transcription]. J’ai dis : “ben [sic] j’ai donné 50 euros aujourd’hui. Et là euh..., le tribunal a été très gentil, enfin, c’est le Trésor public qui a été très gentil. Ils me les ont accordés et ils m’ont fait une remise de... [silence] je ne sais plus : quinze, quinze ou vingt pour cent, je crois. Donc euh... ça m’a aidé un peu, mais... il faut quand même payer les parties civiles et là tu te dis : “ouah! comment je vais faire pour payer les parties civiles?”. Et après on vous dit : “combien voulez-vous donner?” [imite une voix grave]. Et là tu te dis : “Ben j’ai pas [sic] beaucoup d’argent, comment je fais?”. Alors euh... j’ai dit : “ben [sic] écoutez, si je donne vingt euros ça ira?”. “Vous donnez vingt euros c’est très bien. Vingt euros c’est bien” [comme si une autre personne lui parlait]. Donc j’ai donné vingt euros, jusqu’au moment où j’ai commencé à travailler. Mais, entre temps, comme moi j’ai arrivé à faire la demande pour euh... faire des permissions, j’ ai fait une première demande de permission. Et là, la juge, première chose qu’elle regarde : “est-ce que vous payez vos parties civiles?”. Monsieur donne vingt euros. Et là elle me regarde et tout : “Monsieur, vous pourriez donner un peu plus quand même, vingt euros c’est pas [sic] grande chose”. Elle regarde la juge : “bon [sic], j’ai pas [sic] de travail ** [pas compris], j’ai.. j’ai comme je dois payer les dossiers de procès euh... je donne vingt euros parce que j’ai que vingt euros pour ce temps mais comme je vais travailler je donnerai un peu plus. Et pis... la juge me regarde et puis commence à me refaire votre procès. Voilà. On vous dit : vous aurez la réponse au plus tard. Et euh... j’ai attendu à peu près un mois pour avoir la réponse. Et la réponse était catégorique : refusé. [silence] *Le premier point à passer [pas sûr transcription] doit faire des efforts pour payer les parties civiles et à nouveau voir si Monsieur suit des... soins pour le... psychologue alors que quand vous arrivez c’est la première chose que vous faites. Mais comme il, y en a très peu, c’est très très et quand je dis très long. Alors on vous propose des alternatives des fois, on vous dit : “ben [sic] il y a le psy, le psychiatre”. Mais le problème, [claquement bouche] c’est que... à XXX, ça se passe pas comme ça. Après on vous oriente, on vous dit : “mais il y a aussi la psychologue ** [pas compris]”. J’ai écrit une psychologue ** [pas compris] mais... ** [pas compris] rencontre. Et j’ai vu pour tout trois fois. La première fois je lui ai expliqué, j’ai commencé à parler. Ok, on peut donner un rendez-vous, la deuxième fois j’ai expliqué, j’ai parlé... je lui parle aussi de ma famille, de... de ce que je voulais faire, de ma victime.. tout ça, de mes projets. [silence] Et là, à la troisième fois je viens, et là ça va... [bruit] ** [pas compris], je rentre, ça a été direct. Elle me fait : “écoutez, pour moi, vous avez pas [sic] besoin de venir me voir”. Vous êtes quelqu’un qui avait la tête sur les épaules. Vous savez ce que vous voulez, vous savez où vous voulez
. A dit : “vous avez pas [sic] besoin”. A dit : “me je vous redonne pas [sic] un rendez-vous”. Elle a dit : “ si vraiment vous avez besoin [sic] vous pouvez ** [pas compris, murmure] mais je peux pas ** [pas compris, murmure]. Chercheur1 : Vous... dans vos propos vous parlez souvent de la... la la victime ** [pas compris]. Participant : Parce que c’est quelqu’un de proche, en fait. Chercheur1 : Oui, ouais ouais [sic] d’accord. Euh... est.-ce que vous... vous avez euh... alors c’est en train de ce développer un peu. Euh... ce qu’on appelle la justice restaurative? C’est... des rencontres. Participant : Oui, j’en avait parlé. J’ai... j’en ai parlé, tout ça... [respire] Et ça commence à se mettre en place. Donc, à Melun, j’ai fait un groupe de parole justement par rapport à ça. Chercheur1 : Un PPR ou un...? Participant : Moi ça s’appelait le... Chercheur1 : C’est des pro grammes de prévention de la récidive? Participant : Non non non, c’est pas [sic] ça. C’est euh... c’est euh.. ce... Chercheur1 : Pour la justice restaurative? Participant : [bruit avec la bouche] C’est, c’est plus basé sur les victimes. Chercheur1 : D’accord. Participant : Ce que les victimes ressentent. Et euh... des fois euh... ils passent des... de de victime. Qui veulent bien parler. Et des fois ils... essayent de faire venir des victimes qui... que ce soit en rapport à vous ou pas vous, ou des... Chercheur1 : [pas compris, ils parlent en même temps]. Participant :...qui puissent témoigner en face de vous. Que vous puiss... [sic] puissiez dialog... [sic] dialoguer pardon. Et... [bruit avec la bouche] arriver, arriver à donner votre point de vue. Ce qui ressentent, ce que vous ressentez, euh ... pourquoi? pourquoi eux? pourquoi pas [sic] une autre personne? Chercheur1 : C’est important ça? de pouvoir échanger avec... Participant : Ouais [sic], c’est très important, c’est très important. Oui, Oui. Mème moi puisque, bon, j’avais déjà parlé un moment euh... quand j’étais encore à... à Melun. À... pardon, à *Lô* [pas sûr transcription ville]. [claquement bouche] J’avais vue une émission à la télé, justement de victimes et... qui qui passaient à la télé, qui se 619 cachaient puisque elles voulaient pas qu’on les voit. Et qui se disait : “ouais [sic] mais c’est de ma faute... j’ai peut-être fait ci, j’ai fait ça”. Et ça ça, m’a mis en colère!. Ça m’a mis en colère. Je n’étais jamais en colère comme ça et je me suis mis en colère. Je dis mais : “pourquoi elle pense ça?” Elle a rien fait, elle s’est fait agressé. Elle a rien fait. Elle va se se promener euh... la personne qui l’a agressée euh.. je sais pas [sic] peut-être qu’il a pris un couteau. C’est une victime elle a rien demandé [sic]. Je dis : “mais pourquoi elle pense que c’est de sa faute”. Et j’ai dit : “il faut aider ces gens là”. Et j’avais fait une lettre, je m’en souviendrai toujours, je lui avais fait une lettre, je lui dis voilà : [respire] euh... est.-ce que ce serait possible de pouvoir faire des... des rencontres justement pour parler avec des victimes tout ça, euh... de discuter avec eux, de de leur dire d’arrêter de penser que c’est c’est eux les vic... [sic] c’est eux qui ont fait quelque chose pour pour euh... qui soient agressés. Et elle, on m’avait répondu : “c’est bien votre idée mais, je dis, malheureusement ça on peut pas le faire”. [silence
] Chercheur1 : La la... la semi-liberté vous l’envisagez pour euh... quelle période. Participant : Là.... Franchement moi la semi-liberté, bon [sic] c’est... c’est parce que bon, je peux pas [sic] aller chez ma sœur. Donc, comme je vous expliquais elle a son compagnon et tout donc, qui veut pas [sic]. Chercheur1 : Uhm. Participant : Donc, ma mère elle habite à... deux-cent kilometres de... de Melun. Je peux pas [sic] aller chez ma mère parce que j’ai mon boulot moi qui est à... une demi-heure de Melun. J’ai mon boulot que j’ai toujours, donc ils ont confiance en moi, elles ont toujours dit : “bon, c’est une bonne personne, il a toujours travaillé. Quand on avait besoin, il répondait toujours présent”. Donc, voilà. Moi c’est important mon travail. Et donc, je me suis dit : si j’ai pas [sic] le choix, j’irai en semi-liberté. Je vais aller en semi-liberté, bon, je sais pas [sic] pour combien de temps puisque je sais pas les délais, je sais pas [sic] si euh... ça va être pour six mois, un an, j’en sais rien. Chercheur1 : Il y a un centre de semi-liberté à Melun où... Participant : Ah, il y en, il y en a a Melun, il y en a *Mau* [pas sûr transcription ou “Lo”]. Euh... Chercheur1 : ** [pas compris, ils parlent en même temps] de travail. Participant : Voilà. À chaque, bon à chaque fois ça se trouve à peu près à une vingtaine de minutes du lieu de travail. Ce qui est important pour moi. [bruit porte] Et... donc, je me dis : “bon, si je vais là bas. Même si c’est pour six mois ou mème voir un an, donc si je travail c’est de l’argent que je mettrai de côté”. Donc après quand je vais sortir, je peux retrouver un appartement, voir une maison puisque... bon, voilà... moi euh... dans... [respire] dans mes projets c’est refaire revenir ma mère puisque... bon, elle est malade et... ben [sic] bon voilà ma mère elle est toute seule, il y a plus [sic] personne. [respire] J’ai un bon petit frère mais mon petit frère il est... il travail dans la cuisine, il travail sur Nantes, donc euh... ** [pas compris] c’est pas possible pour lui. Donc, voilà. Mais ma mère, bon, on va s’occuper de ma mère donc euh... Voilà, j’ai fait une promesse à mon père que... que quoiqu’il arrive je serai là toujours pour ma mère puisque... [respire] j’ai passé par... beaucoup de choses euh... et c’est aussi grâce aussi à mon père. [claquement bouche] Puisque... si je suis là aujourd’hui [silence] [claquement bouche] c’est... [silence] c’est grâce à lui [en pleur peut-être la dernière partie (?)]. [respire] *Ce qui vous manque* [pas sûr transcription] quand je suis arrivé à Melun, je faisais du sport, je suis gardien de but, euh... il y a une personne qui m’a rentré dedans, j’ai... faillit perdre la vie. J’étais dans le... coma, pronosti vital engagé. Et... voilà. Chercheur1 : À cause du match de football alors? Participant : Puisque cette personne là c’était un autre détenu euh... il s’était pris la tête avec d’autres détenus et... il est venu sur le terrain, je savais pas [sic] euh... dans les 620 escaliers il allait dans son coté. [respire] Il a dit : “je vais sur le terrain je vais me défouler euh...”. Il dit : “je vais casser”. Et ben [sic]... manque de bol euh... Chercheur1 : C’était vous. Participant : je vois le ballon arriver, je suis sorti, j’ai planché, j’ai pris la balle dans les mains, il a apparement... Moi je... je me souviens de rien. On m’a dit euh... qui s’est s’est jeté les deux pieds en avant, j’ai pris les deux pieds dans la figure [claquement bouche] j’ai été quatre jours dans le coma, pronostic vital engagé. Et après on m’a transféré à... à la salle de ** [pas compris] où on m’a fait le... ce ce côté là. Donc j’ai perdu euh... deux dixième à un œil, donc, à cet œil là. Donc pour lire de.. une étiquette comme ça, donc je me dis : “si je pouvais maintenant je vois tout flou”. Je suis obligé de porter des lunettes [claquement bouche]. J’ai des plaques ici, donc euh... ça me fait encore là... ça me tire au niveau de la... la pommette, tout ça, tout ça ça été refait. Donc, c’est pour ça que des fois, à ce niveau là quand je suis, je men [sic], quand je fais un faux sourire je vois que ça fait un peu le sourire de... comment, comment s’appelle euh... [cla
quement bouche] dans batman? Chercheur1 : Joker. Participant : Voilà. Ça fait un peu pareil. Et c’est vrai que... c’est la première chose que je me suis dit : “ouah!” Chercheur1 : Non non ça va. Participant : Donc ça ça faisait ça, bon. Chercheur1 : Ouais ouais. Participant : Peut-être que maintenant ça le fait moins mais je peux vous dire que... ça été quelque chose de... Chercheur1 : Alors peut-être que vous avez eu le nez cassé ou... Participant : Ben [sic] le nez il a pris aussi hein? Chercheur1 : Ouais [sic]. Participant : Ouais [sic] il a pris aussi, d’ailleurs c’est pour ça que... ici ça se remet pas parce que... Chercheur1 : Ouais [sic]Participant : C’est toujours rouge puisque bon, quand j’ai été opéré, en fait, ils ont passé par ma mâchoire. J’ai été ouvert, ils m’ont ouvert en dessous, ils sont passé là, et ils sont passés voir le nez. Chercheur1 : D’accord. Participant : Donc, le médecin il... Ça a pas [sic] été evident pour moi et et en fait ma famille était prévenue que... quinze jours après mon accident. [claquement bouche] Donc euh... Chercheur1 : Vous étiez *à la dérive* [pas sûr transcription] du coma là. Participant : Oui, là c’est c’est quand j’étais transféré à... [claquement bouche] à la *Salpêtrière* [pas sûr transcription]. Et même euh... dans les quatre jours j’étais dans.. j’étais réveillé et que j’ai pu marcher. Euh.. c’est une infirmière et deux médecin, qui étaient avec moi, qui m’ont accompagné dans la salle de bain.La lumière est éteinte, tout était dans le noir, et ils m’ont dit : “Monsieur”. Ils me disent comme ça, “on reste à côté de vous, ça va vous faire un choc”. A dit : “par contre ** [pas compris]. Encore j’avais du mal à parler parce que tout était enflammé. Et... quand ils ont allumé la lumière euh... j’ai failli tomber ** [pas compris]. Parce que franchement euh... je sais pas [sic] si vous avez... vous connaissez le film de ** [pas compris]? Mais en fin de compte, j’avais l’impression que mon visage... Chercheur1 : Très gonflé là. Participant : Il était reparti des deux cote et que... là il y avait plus rien. Même ma joue, [bruit avec la bouche] plus rien, tout était... ** [pas compris] Tout... tout déformé et tout. Et... ça a été dur, dur et... [silence] en plus de ça, vous avez pas [sic], vous pouvez pas prévenir votre famille, en plus on demande un numéro de téléphone qui a appelé. [silence] 621 Troublant. Mais alors, quand je dis troublant c’est euh... [bruit avec la bouche] je savais à peine comment je m’appelais, je.. je savais même
plus
les
numéro de téléphone. Et on demande
: “
qui
voulez-
vous prévenir?” Alors déjà
vous
avez
du mal partout, vous êtes transfusioné et tout,
j’avais des perfusions, j’étais
ben
... [
sic
] avec les... les moniteurs et tout
. Alors
c’est plutôt... entre
...
on va dire entre deux vagues, dans le brouillard, vous savez même pas [sic] où vous êtes et tout
. Et...
on vous demande ça.
[
bruit avec
la bouche] J
’ai pas su [sic] répondre à ça. On m’a transféré [claquement bouche]
et
quand je suis arrivé à la *Salpêtrière* [pas sûr transcription] je suis mal toujours, c’est un centre
**
[pas compris]. Ça s’appelle *UH* [pas sûr transcription]
ici,
c’est
... Chercheur1 : Ouais ouais [sic]. On appelle
ça
aussi ou
ais
[sic]. Participant : C’est super,
c’est
super. [silence] Et
je... je revois le médecin quand il est arrivé vers moi. Il fait : “Bonjour Monsieur, vous êtes là pourquoi?”. Alors moi franchement, quand il m’a sorti ça... Dans ma tète, je pensais même pas à ce qu’il m’était arrivé parce que franchement j’étais à l’ouest. Je croyais que c’était qu’il demandait pourquoi j’étais incarcéré. Et quand je lui ai
dit, i, m’a regardé comme ça, il m’a dit : “Mais ça je m’en fou totalement”. IL me dit : “moi je m’en fou royalement”. Il dit : “moi je suis là pour vous soigner”. Il dit: “oui, qu’est-ce qui vous êtes arrivé”. [silence] “Ben...” j’ai dit : “ben... je... j’étais dans les buts, je suis sorti, j’ai pris le ballon dans les mains, extinction de la lumière. Je me souviens de rien”. Chercheur1 : [Nom] on va, on va devoir quitter parce que... on a, on a jusqu’à six heures hein... Participant : C’est pour ça je peux vous dire...? Chercheur1 : Ouais [sic]. Participant : Et c’est... c’est ce qui m’a ce qui m’a touché c’est que... quand j’ai eu cet accident là, c’est que mon papa, qui avait jamais [sic] mis les pieds dans une cathédrale, a été dans le ** [pas compris], il a été voler des cierges pour moi. Ça m’a arrivé, au mois de mai, je devais sortir en permission pour son anniversaire. Ça m’avait été refusé, ça m’a arrivé le vendredi. Je suis revenu, en détention après mes soins et tout début juillet [silence]. Trois mois après je perds mon père. J’ai mème pas pu aller à son enterrement. Chercheur1 : C’est ça le plus difficile. Participant : Et là... je peux vous dire que... tous les jours, pendant quatre jours, toutes les demi-heures, elle appuie sur le bouton pour voir si vous êtes pas [sic] en train de vous suicider. Ce... je peux vous dire que vous ramassez la cuillère. Alors, la cuillère, alors j’avais envie de rien. Je voulais... plus rien. Je dis : “c’est bon, là c’est... c’est le bouquet final,”, je voulais plus rien. Et tous les jours. Et un jour... ben... [sic] j’ai dit : “non, écoute, il reste ta mère, il reste ta mère, il reste ta fille, accroche toi et reste” Et... c’est ce que j’ai fait. Et quand... euh... j’ai eu ma permission pour mon père au mois de novembre, j’ai... j’ai eu ma mère et tout, ma mère en pleurs parce qu’on l’avait pas revu depuis mon accident [claquement bouche] que je l’avais vu et tout. Et... là ma sœur elle me fait : “ben [sic] je vais t’emmener là où *papa est enterré, où il a été incinéré”* [pas sûr transcription]. Moi je savais pas [sic] comment... ma mère m’avais expliqué certaines choses qui s’étaient passées, ça m’a fait déjà mal. Et là quand je suis arrivé, euh... vous allez trouver ça idiot mais... j’ai... quand ma sœur elle m’a indiqué là. J’ai regardé, j’ai dit : “mais il est là, où?”. [silence] Elle fait : “ben [sic] il est là”. Je regarde, je fais : “où là?”. [silence] Ce qui s’appelle ** [pas compris, ils parlent en même temps]... Chercheur1 : [pas
compris, ils parlent en même temps] Participant : Ma mère n’avait pas les moyens de payer les *murs* [pas sûr transcription] et tout ça. Si vous avez un petit terrain qui est grand comme ça, comme ça, et là vous avez quatre personnes qui sont assis euh... en fin ils font un petit trou mais décent, hein? Et vous avez une plaque, grande commença, come ça, et vous avez des petits carrés comme 622 ça. Où c’est marqué le nom de la personne, le nom de la personne, ça date de naissance, date de décès. “Et ben [sic] ça on le fait” [pas sûr transcription]. Et j’ai regardé ma sœur et je fais : “mais là il est enterré comme un chien”. Et... elle me fait : “ouais [sic] mais maman n’avait pas de moyens”. Chercheur1 : En tout cas c’est de belles valeurs, quoi. Participant : Voilà. C’est c’est pour ça je dis, moi je pouvais... je peux vous en rencontrer, je pourrais vous dire. Chercheur1 : En tout cas on vous remercie du... du temps que vous avez bien voulu nous... nous accorder. Participant : Si vous voulez plus, pas de souci je suis encore là jusqu’à... mercredi. Chercheur1 : Jusqu’à mercredi, bon, ça ouais [sic]. Participant : Je pense que... jeudi je serai encore là. Chercheur1 : Bon... bon en tout cas on... on espere que vous la suite.... Chercheur2 : Merci. [à partir de ce moment transcription pas sûr, ils se sont déplacés apparement] Participant : Ouais [sic] voilà moi, j’aime... j’attends de voir comment ça va se passer mon retour là bas. Parce que... bon, il y a ** [pas compris] qui m’attend, la SPIP m’attend, ma ** [pas compris] m’attend. Donc voilà, donc là... je ne sais pas comment ça va se passer mais enfin. Déjà d’une je sais que quand je vais rentrer euh... *je passe pas en permission tout de suite* [pas sûr transcription] donc.... Chercheur1 : Ouais [sic] et puis ça rattrapera celle que vous n’avez pas eu pour maintenant. Participant : Mais c’est... c’est plus important parce que... c’est... [claquement bouche] [silence] Chercheur1 : Ouais [sic] c’est... il y a un... [pas compris, ils parlent en même temps] Participant : Franchement... Voilà, donc pour moi bon. Bon, en fin, c’est... en fin, c’est tant d’épreuves, il y a même des gradés et tout ça qui m’ont, qui m’ont dit : “mais vous savez que... franchement vous êtes loin de quelqu’un de courageux et de costaud parce que... *vous ne laissez pas vous aventurez, vous avez eu le choc et vous vous êtes battu* [pas sûr transcription]”. Alors il dit : “j’en connais pas mal... qu’on passé à l’acte”. Vous ne seriez pas là... voilà. Chercheur1 : Et pis [sic] là vous vous êtes resté au... au CNE euh... Participant : Ben... [sic] Chercheur1 : Alors que vous savez pas d’évaluation. [pas compris, murmure de fond]
FIN 623 624 ANNEXE 37 : Programme de la journée d’études du 19 octobre 2018 à Lille LE PARCOURS D’EXÉCUTION DE PEINE
Journée d’études organisée dans le cadre du projet de la mission de recherche Droit et Justice sur « les longues peines » VENDREDI 19 OCTOBRE 2018 8h30-17h30 –
Salle des Actes Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales 1 Place Déliot –
Lille MATINÉE 8 h 30 – Accueil des participants 9 h – Ouverture de la journée d’études M. Jean-Gabriel Contamin, Professeur à l’Université de Lille, Doyen de la FSJPS, et M. Pierre Gadoin, Directeur interrégional adjoint, DISP de Lille 9 h 15 – Présentation du projet de recherche sur « les longues peines » et introduction de la journée d’études Mme Evelyne Bonis, Professeur à l’Université de Bordeaux et M. Nicolas Derasse, Maître de conférences à l’Université de Lille, co-responsables scientifiques du projet 9 h 45 – Le parcours d’exécution de peine et son cadre légal M. Philippe Calo, Directeur pénitentiaire d’insertion et de probation, directeur-adjoint de l’Antenne locale d’insertion et de probation de Laon 10 h 15 – Pause 10 h 30 – 1e table ronde - L’élaboration du parcours d’exécution de peine -Mme Cécile Dangles, Magistrate, Première vice-présidente chargée de l’application des peines au TGI de Lille -Mme Anne-Camille Daumas, Directrice pénitentiaire d’insertion et de probation, et Mme Diane Larrieu, conseillère pénitentiaire d’insertion et de probation, Antenne d’insertion et de probation de Bapaume -M. Vincent Vernet, Directeur des services pénitentiaires, directeur du Centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil 625 -Mme Séverine Maciejewski, psychologue PEP, Centre pénitentiaire de Lille-Annoeullin, et M. Willy Wable, Premier surveillant au Centre pénitentiaire de Lille-Annoeullin -M. Augustin Roy, conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation, formateur des personnels, DISP de Lille, « PEP et troubles psychiatriques : le cas particulier du CP de Château-Thierry » Modérateur : Mme Virginie Peltier, Professeur à l’Université de Bordeaux 12 h 30 – Déjeuner APRÈS-MIDI 14 h – Une approche comparatiste du PEP : l’exemple de la Belgique Mme Laurence Dufrasne, conseiller directeur, Etablissement pénitenti
de Jamioulx Belgique 14 h 30 – Les enjeux de l’insertion et de la prévention de la récidive pour les condamnés à de longues peines
Mme Marion Zatti, Directrice des services pénitentiaires, Cheffe du Département des politiques d’insertion, de probation et de prévention de la récidive, DISP Grand Nord 15 h – Pause 15 h 15 - 2e table ronde - Le parcours d’exécution de peine : un préalable à la sortie? -M. Alain Blanc, Magistrat honoraire, président de la Commission Pluridisciplinaire des Mesures de Sûreté de Lille -M. Discutant : Alexandre Zabalza, maître de conférences à l’Université
de
Bordeaux
10h45 Échanges avec la salle et pause 9h15 Sous la présidence de Bruno Cotte, président honoraire de la chambre criminelle de la Cour de cassation, Président du Chantier de la justice sur le sens et l’efficacité des peines 11h Sens de la longue peine : approche psycho-sociologique Mylène Armand, SPIP Lille
Discutant : Lucie Hernandez, chercheur ENAP
11
h45
Sens de la longue pe
ine :
regard
de droit
compar
é ou de l’administration pénitentiaire Véronique Sousset ou
???
, directrice de cabinet à l’administration pénitentiaire
Discutant : Hélène Dantras-Bioy, maître de conférences à l’Université
de
Nantes
12h
15
Échanges
avec la
salle
APRES
-
MIDI : Quel intérêt
à
donner
du
sens
à la longue peine
? 14h00 Table ronde : donner du sens par la réinsertion Sous la présidence de Audrey Darsonville, professeur à l’université de Lille 628 • Loïc Lechon, Conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation, SPIP de la Rochelle • Frantz PINEAUD, Directeur fonctionnel SPIP 17 (présence à confirmer) • une personne de la DISP Toulouse, Lannemezan (identité à déterminer par le DISP de Toulouse) • Isabelle Rome, magistrate, Haut fonctionnaire au Haut conseil pour l’égalité des femmes et des hommes 15h30 Pause 16h Table ronde : donner du sens par la neutralisation Sous la présidence de Julie Alix, professeur à l’université de Lille • Ludovic Fossey, Juge de l’application des peines à Créteil • Docteur Bonnan, psychiatre, expert près la Cour d'appel et membre de la CPMS de Bordeaux • M. Leurent es qualité d’ancien président de la cour d’assises et de directeur actuel de l’ENM • Mme Dolata, ancienne directrice de CNE (sud est de la France) – contact en cours 629 ANNEXE 40 : Affiche du programme du colloque de Bordeaux 630 ANNEXE 41 : Enquête auprès de la population civile Afin de connaitre la perception de la société en général sur le sens de la peine chez les longues peines, un questionnaire destiné à la société civile a été conçu et diffusé. Ce questionnaire a été présenté auprès des citoyens de la façon suivante : « Ce questionnaire s'effectue dans le cadre d'une étude universitaire portant sur les longues peines, et mandatée par la Mission de recherche Droit et Justice. Cette recherche a pour finalité de comprendre le sens et l'utilité de ces sanctions mais aussi de mieux cerner les pratiques professionnelles en ce domaine pour pouvoir améliorer les dispositifs de prise en charge de cette population carcérale spécifique. En notre qualité de chercheurs, nous n'avons pas été mandatés par l'administration pénitentiaire pour mener à bien ce projet mais il nous semble indispensable de l'associer pleinement à notre démarche. En effet, l'un des objectifs de cette recherche est de pouvoir élaborer un guide à l'attention des acteurs de l'exécution des peines en France. Les premières questions sont générales et portent sur votre situation sociale et professionnelle actuelle. Les autres questions portent sur les représentations que vous avez de la prison en général, puis sur les personnes condamnées à de longues peines. Nous nous intéressons à la perception que vous avez de cette peine, du quotidien de ces personnes en prison et de leur prise en charge. La passation de ce questionnaire reste basée sur les principes du volontariat et de l'anonymat. Les réponses resteront confidentielles ». Ce questionnaire en ligne était accessible via le lien suivant : https://www.sphinxonline.com/SurveyServer/s/EMAPSPHINX/Lesensdelapeinechezleslonguespeines3/questionnaire.htm
631 PARTIE 1 : PRESENTATION DES RESULTATS DE L’ENQUETE I : Descriptif de l’échantillon............................................................................................................... 634 1 : Questions générales...............................................................................................................................
634 1. Age................................................................................................................................................. 634 2. Ancienneté..................................................................................................................................... 634 3. Sexe............................................................................................................................................... 634 4. Catégorie socio-professionnelle..................................................................................................... 635 5. Niveau d'étude............................................................................................................................... 635 II : Représentations de la prison..........
................
................................................................................ 636 6. Connaissance du milieu carcéral.................................................................................................... 636 7. Connaissance du milieu carcéral (manière)................................................................................... 636 8. Association mot/prison.................................................................................................................. 637 9. Utilité de la prison.......................................................................................................................... 637 10. Raisons......................................................................................................................................... 638 11. Effets de la prison........................................................................................................................
638 III : La perception de la longue peine..................................................................................................
639 12. Définition de la longue peine....................................................................................................... 639 13. Les types d'infraction................................................................................................................... 639 14. Utilité de la longue peine............................................................................................................. 640 15. Raisons si affirmation.................................................................................................................. 641 16. Raisons si négation...................................................................................................................... 641 17. Dangerosité des personnes condamnées...................................................................................... 642 18. Définition de la personne dangereuse.......................................................................................... 642 19. Le changement des personnes condamnées................................................................................. 642 20. Prison et lutte contre l'insécurité.................................................................................................. 643 21. Les longues peines et la réinsertion............................................................................................. 643 22. Perception de la réclusion criminelle à perpétuité (peine maximale)........................................... 644 23. Qualification des personnes condamnées à de longues peines.....................................................
644 IV : La perception de l’accompagnement des condamnés à de longues peines..................................
644 Le parcours d’exécution de peine............................................................................................................... 644 24. Perception des conditions de détention en France....................................................................... 644 25. Perception de la sévérité des conditions de détention.................................................................. 645 26. Représentation du temps passé en cellule.................................................................................... 645 27. Représentation du travail en prison.............................................................................................. 645 28. Représentation de la formation en prison..................................................................................... 646 29. Représentation de l’activité en prison.......................................................................................... 646 30. Perception des conditions de détention........................................................................................ 646 632 31. Comparaison de la gestion des détenus longues peines/courtes peines....................................... 647 32. Perception de l’évolution du détenu............................................................................................. 647 33. Effets de l’enfermement............................................................................................................... 648 La prise en charge des condamnés à de longues peines............................................................................. 649 34. La perception de l’accompagnement dans l'exécution de la peine............................................... 649 35. Les professionnels accompagnants..............................................................................................
649 V : La préparation à la sortie...............................................................................................................
650 La réinsertion des condamnés à de longues peines.................................................................................... 650 36. Les principaux obstacles à la réinsertion des condamnés............................................................ 650 37. Les principaux leviers à la réinsertion des condamnés................................................................ 651 38. Le niveau de satisfaction concernant la réinsertion des condamnées........................................... 652 39. entre 18 et 30 ans 26 14,4% entre 30 et 40 ans 63 34,8% entre 40 et 50 ans 48 26,5% entre 50 et 60 ans 12 6,6% 60 ans et plus 32 17,7% Total 181 100% Réponses effectives : 181 Non-réponse(s) : 0 Taux de réponse : 100%
Catégories les plus citées : entre 30 et 40 ans; entre 40 et 50 ans; 60 ans et plus
L’échantillon se compose principalement de personnes âgées de plus de 30 ans. - La majorité des répondants (34,8%) ont entre 30 et 40 ans. - 26,5% ont entre 40 et 50 ans et - 17,7% ont plus de 60 ans.
2. Ancienneté Effectifs % Rep. moins de deux ans 34 21% entre deux et cinq ans 31 19,1% Cinq ans et plus 97 59,9% Total 162 100% Réponses effectives : 162 Non-réponse(s) : 19 Taux de réponse : 89,5% Modalité la plus citée : Cinq ans et plus
Les répondants
occupent
pour la majorité
leur poste depuis
plus
de cinq ans
(59
,9%)
.
3. Sexe 634 Effectifs % Rep. homme 58 32,4% femme 121 67,6% Total 179 100% Réponses effectives : 179 Non-réponse(s) : 2 Taux de réponse : 98,9% Modalité la plus citée : femme
L’échantillon se compose de 121 femmes (67,6%) et de 58 hommes (32,4%).
4. Catégorie socio-professionnelle Effectifs % Rep. Agriculteurs exploitants 0 0% Artisans, commerçants et chefs d'entreprise 5 2,8% Cadres et professions intellectuelles supérieures 90 50,8% Professions intermédiaires 17 9,6% Employés 31 17,5% Ouvriers 2 1,1% Retraités 21 11,9% Autres personnes sans activité professionnelle 11 6,2% Total 177 100% Réponses effectives : 177 Non-réponse(s) : 4 Taux de réponse : 97,8% Modalités les plus citées : Cadres et professions intellectuelles supérieures; Employés; Retraités
- Les répondants appartiennent majoritairement à la catégorie : cadres et professions intellectuelles supérieures (50,8%), employés (17,5%) et retraités (11,9%).
5. Niveau d'étude Effectifs % Rep. Supérieur à bac+5 76 42,5% Supérieur à bac+3 46 25,7% Bac+3 24 13,4% 635 Bac 24 13,4% BEP-CAP 9 5% Collège 0 0% Total 179 100% Réponses effectives : 179 Non-réponse(s) : 2 Taux de réponse : 98,9% Modalités les plus citées : Supérieur à bac+5
; Supérieur
à bac+3
; Bac+3;... - La majorité des répondants a un niveau d’étude : supérieur à bac+5 (42,5%) et supérieur à bac +3 (25,7%).
II. Représentations de la prison 6. Connaissance du milieu carcéral Effectifs % Obs. oui 58 32% non 123 68% Total 181 100% Réponses effectives : 181 Non-réponse(s) : 0 Taux de réponse : 100% Modalité la plus citée : non
Parmi les répondants la majorité (68%) n’a aucune connaissance du milieu carcéral. Cependant, 32% des répondants ont aussi connaissance de ce milieu.
7. Connaissance du milieu carcéral (manière) Effectifs % Obs. Intervenant professionnel en prison 13 22,4% Bénévole en prison 2 3,4% Profession en lien avec le milieu carcéral 21 36,2% Par les médias 2 3,4% Par des lectures 7 12,1% Autre 13 22,4% 636 Total 58 100% Réponses effectives : 58 Non-réponse(s) : 0 Taux de réponse : 100% Modalités les plus citées : Profession en lien avec le milieu carcéral; Intervenant professionnel en prison; Autre
Ceux qui connaissent le milieu carcéral exercent pour 36,2% une profession en lien avec ce milieu et 22,4% sont des intervenants professionnels en prison. 22,4% ont aussi coché la catégorie « autre » précisant qu’ils connaissaient ce milieu par l’intermédiaire d’un proche (famille ou ami) qui exerce en prison mais aussi par l’intermédiaire d’un stage qu’ils ont réalisé en détention.
8. Association mot
/
prison
Effectifs % Rep. Punition 111 61,7% Réinsertion 17 9,4% Souffrance 23 12,8% Vengeance 0 0% Réponse 12 6,7% Autre 17 9,4% Total 180 100% Réponses effectives : 180 Non-réponse(s) : 1 Taux de réponse : 99,4%
Modalités les plus citées : Punition; Souffrance; Réinsertion;... Le mot le plus souvent associé à la prison est : - punition (61,7%), puis - souffrance (12,8%). Le mot prison évoque la réinsertion pour seulement 9,4% des personnes interrogées. 9,4% des répondants sont aussi classés dans la catégorie « autre » précisant par exemple qu’ils associent la prison à l’enfermement ou à la protection de la société.
9. Utilité de la prison
Effectifs % Obs. Pas d'accord du tout 5 2,8% Plutôt pas d'accord 61 33,7% Plutôt d'accord 87 48,1% Tout à fait d'accord 28 15,5% Total 181 100% Réponses effectives : 181 Non-réponse(s) : 0 637 Taux de réponse : 100% Modalité la plus citée : Plutôt d'accord
48,1% des répondants sont plutôt d’accord et 15,5% sont tout à fait d’accord avec le fait que la prison, en tant que lieu de privation est utile, alors que 33,7% ne sont plutôt pas d’accord avec ce principe
. 10. Raisons Effectifs % Obs. Pour punir la personne condamnée 75 65,2% Pour rééduquer la personne condamnée et la réinsérer 58 50,4% Pour protéger la société 86 74,8% Pour dissuader les délinquants et criminels 42 36,5% Pour la victime 48 41,7% Autre 1 0,9% Total 115 Réponses effectives : 115 Non-réponse(s) : 0 Taux de réponse : 100% Modalités les plus citées : Pour protéger la société; Pour punir la personne condamnée; Pour rééduquer la personne condamnée et la réinsérer
Parmi ceux qui pensent que la prison est utile, les raisons principalement évoquées sont : - protéger la société (74,8%) - punir la personne condamnée (65,2%) - rééduquer la personne condamnée et la réinsérer (50,4%) - pour la victime (41,7%) - pour dissuader les délinquants et les criminels (36,5%).
11. Effets de la prison
Effectifs % Obs.
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Connivence, transgression des règles et efficacité : tensions organisationnelles dans une multinationale. Gestion et management. Université Paris Dauphine - Paris IX, 2015. Français. ⟨NNT : 2015PA090004⟩. ⟨tel-04477877⟩
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L’analyse de ces motivations, en cohérence avec la démarche générale reste une approche à différents niveaux, du macro sociologique au micro sociologique et emprunte à différents auteurs. Dans les approches classiques, l’analyse stratégique permet de passer de l’analyse de l’organisation à l’analyse de l’action organisée (Rouleau, 2007), qui suppose la nécessaire coopération entre plusieurs individus qui vont réaliser quelque chose ensemble et se répartir les tâches à effectuer. Cette action organisée requiert la coopération entre individus, une certaine structure, et nécessite de savoir à partir de quand commence l’organisation. A noter deux apports de l’analyse de Crozier et Friedberg, la notion de pouvoir informel et la notion d’enjeux. Pour le pouvoir informel, il s’agit de l’influence tirée du contrôle d’une incertitude (un problème de fonctionnement de l’organisation dont les solutions ne sont connues que par un petit nombre) (Alter N., op. cit., p. 91). SOX à cet égard est une incertitude pour l’entreprise, notamment pour les managers qui sont responsabilisés pénalement, pressés par leur hiérarchie de montrer formellement leur maitrise du sujet, alors que dans l’application ils en sont très éloignés. Les parties les plus impliquées sont les services financiers avec les contrôleurs, les auditeurs et les contrôlés. Le service contrôle et les auditeurs connaissent indubitablement les règles mais restent assez éloignés des difficultés d’exécution. Le management pour sa part, se repose sur les contrôleurs pour affirmer à leur hiérarchie qu’il maitrise l’application. Cependant une inquiétude subsiste puisque le formalisme de SOX 317 est une gêne, ils ne l’ignorent pas, et que cette gène est susceptible d’entraver l atteinte des objectifs. A plusieurs reprises des business units managers se sont inquiétés de savoir si tout allait bien, si le service clients maitrisait la situation. Leur répondre par l’affirmatif est une forme de pouvoir basé sur l’incertitude, comme la situation décrite auparavant d’un team leader qui « jouait avec la règle » en mettant un manager dans la position d’autoriser une action déviante pour lever l’incertitude de la réaction d’un client stratégique, s’il venait à apprendre que sa commande était bloquée. Quant aux enjeux, qui mobilisent les acteurs, en les reliant aux remarques tirées des entretiens, nous pouvons en discerner plusieurs : Ne pas perdre de clients, car il y a une peur, celle de la sanction des clients qui, en passant à la concurrence, entrainerait une sanction interne, la réorganisation voire le transfert ou la cessation d’activité. En filigrane, c’est bien sur, la peur de la perte d’emploi. Une forme d’équilibre, de cohérence personnelle quant à la relation avec les clients, de la forme : En tant que client, je n’aimerai pas que l’on me traite de cette façon. Ce comportement est d’ailleurs en phase avec la démarche ISO, prônée par l’entreprise et l’environnement commercial en général. La capacité à assurer son poste, à ne pas faire partie des personnes les moins « désirables » de l’organisation, celles dont on se séparera en premier. L’enjeu est d’abord de ne pas se retrouver dans un poste « voie de garage » et au pire, dans les postes supprimés dans une prochaine réorganisation. La question du pouvoir n’est pas un point central de l’on étude car elle s’applique peu, en raison du caractère caché de l’action. Le pouvoir informel décrit, est limité et ne se dévoile que rarement, lors de situations où l’existence d’un risque commercial oblige le service client à prévenir un directeur de business. Le reste de l’organisation ignore le problème, comme l’existence d’une solution possible, et c’est bien le but poursuivi. Il n’y a donc pas, de ce fait, de cohabitation entre un pouvoir formel et un pouvoir informel. Hors, dans l’analyse de Crozier et 318 Friedberg, ce sont les relations de pouvoir qui expliquent la stratégie des acteurs, ce qui n’est pas le cas du groupe déviant. Par ailleurs l’analyse stratégique postule la liberté des individus, lesquels ne cherchent qu’à satisfaire leurs intérêts et leurs préférences à partir de calculs stratégiques. Le contexte économique dans lequel se déroule l’action déviante n’est pas celui du contexte qui prévalait lors de la sortie de l’ouvrage de Crozier et Friedberg. Le profil des personnes composant le service client est connu, comme leur dépendance à KINDYNOS du fait d’études souvent limitées ou leur attachement parfois familial à l’entreprise. Que ces personnes aient des objectifs personnels est indéniable mais il tout aussi indéniable qu’ils ont une perception aigue de la convergence de leurs intérêts avec ceux de l’entreprise. Le monde extérieur n’est pas si clément qu’ils puissent se permettre d’être libres de leurs choix et dans la position de marchander leur coopération. C’est même l’inverse. Pour autant ils ne sont pas dans l’incapacité d’agir et les travaux de Reynaud, qui prolongent ceux de Cro et Friedberg, mettent l’accent sur les règles et l’étude des régulations. On s’intéresse ici à la régulation autonome, dénomination différente du système informel (Reynaud J-D., op. cit., p. 111). L’auteur prévoit que « dans une organisation, tout groupe qui découvre la possibilité d’une régulation commune peut se constituer en communauté et revendiquer une autonomie ». Dans le cas présent, il n’y a pas de revendication, l’autonomie est à l’initiative du groupe, mais elle est limitée et n’est qu’une autonomie de moyens très encadrée. Cette autonomie ambitionne une légitimité tirée des finalités de l’organisation, finalités identiques à celles du management, mais divergentes sur la méthode, qui est une différence entre un travail prescrit et le travail réel. Cependant, sommes-nous dans la perspective de Reynaud, la cohésion sociale, avec des règles qui ne seraient que des contraintes réfléchies, pensées et négociées par les acteurs dans des interactions sociales? Dans le cas présent le fait générateur de la déviance vient de l’absence de négociations sur la règle, mieux, les tentatives de négociation ne portent pas sur la règle elle-même mais sur les modalités de son application. A retenir cependant l’apport de Reynaud sur son analyse de l’action collective, l’action commune qui engage les acteurs dans un projet, lequel se définit par des règles communes et une finalité. Dressen et Mias, dans leur étude 319 d’une régulation de branche, la course urbaine, illustrent cette élaboration commune, entre employeurs et salariés, de règles collectives pour leur profession (Dressen, 2008). Dans le cas de l’entreprise analysée, les règles d’utilisation des mots de passe, les modalités à observer en cas de contrôle, les réactions attendues en cas d’erreurs démontrent l’organisation, la coordination, en vue d’un projet qui est la satisfaction des clients grâce au bon fonctionnement de l’organisation. La notion d’enjeu semble cependant préférable à celle de projet, le projet indiquant une intentionnalité, l’enjeu indiquant un risque de gain ou de perte. Hors le groupe déviant ne construit pas réellement un projet, il est plutôt dans un mode réactif, avec des enjeux énoncés auparavant qui comportent clairement un risque. Pour conclure avec l’analyse stratégique, le mode d’influence principal est le pouvoir, négligeant d’autres formes d’influence que sont les notions de confiance, de légitimité, de persuasion et de manipulation. Hors ces notions semblent présentes dans la situation exposée et peuvent participer à l’explication des comportements. En commençant par la légitimité des managers, évoquée auparavant, car il existe une partition entre le management amont et le management aval. Le premier est constitué de personnes dont le profil académique les destine, pour peu qu’ils en aient l’ambition, à des carrières faites d’une succession de postes variés, destinés à montrer leur capacité d’adaptation à des environnements différents et les positionnant pour des postes d’envergure ultérieurement. La compétition est rude, les places sont chères et seuls quelques uns obtiendront des postes d’envergure internationale. La compétition présente des avantages pour l’entreprise en créant une émulation censée faire ressortir les meilleurs éléments, ceux à qui elle réservera les postes à responsabilités. Mais la rotation dans les postes excède rarement deux ans et les situations sont très variées. La technicité n’est pas le premier critère et l’entreprise teste davantage les qualités managériales, le leadership, l’adaptabilité, le travail en équipes, le travail en mode projet...Sur une période aussi courte et compte tenu de la compétition entre cadres à potentiel, quelle est la priorité entre, soutenir le service client englué dans les méandres de SOX et montrer à sa hiérarchie que l’on est en ligne avec 320 les exigences de la loi? Cette loi dont le top management a clairement énoncé qu’elle constituait sa priorité du moment. Il ne s’agit pas ici de critiquer ces managers mais de montrer que leur priorité ne s’est portée sur le fonctionnement de SOX, ce qui en retour les a décrédibilisés et a érodé leur légitimité. A l’inverse, le management aval, constitué de cadres intermédiaires, dont l’objectif de carrière est plus limité et dont la fonction les positionne au plus près des problèmes quotidiens, se retrouve en première ligne et isolé. La situation se dégradant et face aux questions des clients et des employés, il arrive un moment où la situation n’est plus tenable et la question du choix de la suite à donner se pose. En suivant les différentes postures du modèle d’Hirschman (Hirschman, 1970) et les déclinaisons ultérieures, on peut approcher les raisons du choix de l’action déviante : Exit: partir dans le cas présent est une option non envisageable pour la majorité des personnes eu égard à leur employabilité limitée. Le retrait, en se désintéressant des conséquences, reviendrait à transférer le problème aux clients, ce qui, à la lecture des remarques des AC ou des TL est impensable. Voice : le management amont, c'est-à-dire la direction France et hors France, ne peut ignorer le problème. Les risques, les difficultés ont été décrits, expliqués, argumentés à de nombreuses reprises. Le sujet est technique, connoté finances, géré par des consultants et semble concerner le service clients principalement, ce qui est bien sûr inexact. Autant de motifs de ne pas s’appesantir sur cette question, surtout que 2005 est une année noire pour le groupe, notamment avec la catastrophe survenue en mars dans une des principales installations du groupe. La société est sous les feux croisés de commissions d’enquête, de la presse et des familles des victimes. Les premières conclusions sont très défavorables à KINDYNOS et l’axe de communication de l’entreprise est la coopération avec les autorités. Il est absolument hors de question que KINDYNOS ne soit pas au rendez-vous de SOX, et ceci explique la posture très rigide de la hiérarchie. 321 Loyalty : comme démontré dans les parties précédentes, les personnels ne remettent pas fondamentalement en cause les objectifs de l’entreprise. Le service aux clients est un acquis collectif et sa satisfaction est une priorité. L’apathie est une distinction faite par Bajoit qui, selon cet auteur, est en filigrane du modèle d’Hirschman. C’est, en quelque sorte, la version passive de l’option « Exit ». Bajoit la définit ainsi : « c’est l’inverse absolu de la protestation, elle n’ouvre pas le conflit et ainsi contribue à reproduire le contrôle social, mais provoque une détérioration de la coopération » (Bajoit G., op. cit., p. 332). Le groupe déviant étudié ne rentre dans aucune de ces catégories car le croisement de la loyauté aux objectifs et la remise en cause du contrôle social, correspond à la protestation chez Hirschman. Il faut composer, pour une situation qui part des mêmes prémices, une catégorie différente où la protestation est silencieuse, secrète et conteste principalement les effets du contrôle plus que la légitimité du contrôle lui-même. Le management intermédiaire dont le rôle de filtre et d’interprétation a été démontré, n’est plus à même d’assurer cette tâche. Il est écartelé entre le respect des objectifs, base de l’appréciation de sa performance par sa hiérarchie, et dans l’impossibilité de résoudre un problème de fonctionnement, base de sa légitimité vis-à-vis des AC. Le service client, comme l’a rappelé un team leader dans un entretien, doit être « silent running », c'est-à-dire fonctionner et ne pas poser de problème, surtout que le contexte interne de la société concentre l’attention des dirigeants sur d’autres priorités. Il faut donc trouver une solution sans attendre d’aide extérieure au service. Ce constat est le point de départ de la recherche d’une solution dont on a décrit l’approche par tâtonnements successifs, sous le coup d’une double contrainte, le temps et le risque. En effet le temps passant, les pressions de toutes natures s’accentuaient, de la part des clients, mais aussi des business managers qui ne comprenaient pas les raisons techniques de cet enlisement et l’assimilait à une question de compétences. Sans oublier le contrôle interne et les consultants, dont 322 les principales préoccupations étaient le respect du timing et la réduction des violations. Puisqu’il n’y avait pas de solution de la part de l’organisation, il existait des solutions mais qui n’étaient pas compatibles avec SOX, qui ne respectaient pas la règle mais dont les finalités satisfaisaient les attentes tant des clients que du management. Si elles ne respectent pas, elles sortent du chemin prévu, elles dévient, l’organisation ne les acceptera pas, elle n’assumera pas ce risque. Le groupe pour sa part, pense que la situation justifie de prendre ce risque qui en tout état de cause n’est pas jugé si grave, puisque la finalité n’est pas de nuire à l’entreprise mais au contraire de respecter d’autres objectifs. Et ces objectifs sont importants pour KINDYNOS puisqu’ils figurent en bonne place dans les scorecards. Les finalités sont jugées bonnes, le moyen d’y parvenir est entrevu, les différentes personnes nécessaires à son fonctionnement sont d’accord, mais l’hypocrisie de l’organisation fait que ce mécanisme ne doit pas être connu, il sera donc secret. 2. La coopération, source de cohérence
Le premier paragraphe de cette approche de l’action collective se conclut, en employant les termes de : participation, de coordination de l’action déviante dans les plans horizontal et vertical. Cette première qualification de l’action collective visait à montrer qu’elle intégrait différents niveaux hiérarchiques, ce qui dans le cadre d’une action déviante tend à donner une dimension particulière. Il semble cependant que cette action collective ne doit pas son fonctionnement au seul mécanisme de la coordination, même si celle-ci repose sur divers mécanismes tels que, les processus de travail, l’autorité hiérarchique ou les applications informatiques. Ils permettent l’organisation du travail, la répartition des tâches, le contrôle de leur bonne exécution, de respecter un ordre mais n’impliquent pas nécessairement de passer par des moments ou des modalités de coopération (Zarifian, 2005). Hors la participation de chacun dépasse le cadre habituel du travail car l’action déviante suppose, au-delà de son approbation, de la mettre en 323 œuvre, de la cacher. L’hypothèse proposée ici est que le fonctionnement du groupe repose sur deux mécanismes parallèles, le schéma normal de travail et le schéma caché. Le risque évoqué est celui du dévoilement involontaire, de l’erreur technique résultant de la présence des deux mécanismes, sachant que le plus utilisé est le mécanisme déviant, alors que l’autre mécanisme n’est en fonction que lors des contrôles. Le fonctionnement du groupe repose évidemment sur une vigilance accrue mais requiert au-delà une véritable coopération. Le paragraphe suivant aura pour ambition de décrire une dimension supplémentaire à cette coopération, la connivence qui tente d’expliquer pourquoi il n’y pas eu de dévoilement volontaire. La coopération que l’on souhaite évoquer, n’est pas celle de l’entreprise contenue dans des réseaux, ou dans les pratiques du management participatif déjà évoquées notamment dans la participation à des projets. Il s’agit de la coopération au sens de travailler ensemble, dans un groupe donné, à une finalité commune. « Cette coopération peut-être volontaire, spontanée, négociée ou consentie (Boyer et Orléan, 1997), et fait référence de façon très explicite à une intentionnalité (Guerrien, 1995) » (Dameron-Fonquernie, 2000). La coopération s’explique par sa causalité, qui est la participation à un projet commun, et se définit comme une coopération de moyens, ou de fin ou par le partage d’une rationalité. La coopération de moyens est développée vis-à-vis des autres pour accéder à certaines ressources détenues par l’autre partie. C’est une négociation. La coopération comme fin, se construit dans la réalisation d’un projet en commun qui s’achève en même temps que son objet. Le groupe se constitue pour réaliser la mission, se développe en tant qu’équipe et adopte des référentiels communs (Ibid., p5). Pour le groupe de KINDYNOS, nous ne sommes ni dans une coopération de fin, ni dans une coopération de moyens. La question du partage d’une rationalité commence peut-être par le partage d’évènements c'est-à-dire un groupe de personnes qui, dans le temps, connait des moments critiques, et va développer une expérience commune, des repères partagés et une similitude de comportements. C’est une forme d’apprentissage avec ses côtés positifs comme la capacité à surmonter ensemble les obstacles et 324 ses côtés négatifs quand par exemple, se développe une sorte de mémoire des conséquences de changements organisationnels. C’est une position commune à la majorité des employés de KINDYNOS qui ont traversé de nombreux changements et dont certains sont plus exposés que d’autres. Il est fait référence ici aux employés et à l’encadrement intermédiaire que leur niveau de formation rend vulnérables aux aléas organisationnels. Si on ajoute que le service étudié avait une position marginale dans l’entreprise, non pas au sens d’un rejet, mais son manque de rattachement hiérarchique clair, en faisait une entité un peu floue sur ses missions, sur son développement. Sans parler de repli, ce manque de clarté sur le positionnement du service a favorisé une cohésion interne, une solidarité par compensation. La situation créé de fait un périmètre, une frontière certainement plus inconsciente que consciente, où l’organisation semble montrer aux personnes qu’elles font partie de l’entreprise, alors que des petits faits successifs semblent le contredire. Par exemple, les invitations aux évènements avec les clients, auxquels étaient parfois conviées les attachées clientèle, cessent. Les newsletters adressées à tout le personnel des business, ne parviennent plus aux personnes de ces business qui ont été rattachées au service client. C’est la question du dedans-dehors, étudiée par l’école des relations humaines (Mayo, 1933), avec la perspective des interactions entre la coopération et le besoin d’appartenance à un collectif, conceptualisée par les théories de l’identité sociale (Ibid., p20). Sans aller jusqu’à la fierté d’appartenance au service clients, les personnes se sentaient considérées, écoutées, voire comprises. Par exemple, sur un plan professionnel, la hiérarchie du service client était composée de spécialistes des problématiques de gestion clients, qui étaient plus en mesure de leur apporter des solutions très concrètes, a contrario d’un hiérarchique à dominante commerciale. Egalement sur un plan personnel, car la population majoritairement féminine, hiérarchie incluse, partageait des préoccupations communes, notamment familiales, qui favorisaient l’entraide sur les horaires, les congés ou la gestion des imprévus. 325 Dameron distingue deux autres coopérations, basées sur une rationalité calculatoire ou sur une rationalité identitaire. La première repose sur des calculs d’intérêts individuels dans la relation à autrui. La coopération dure tant que ses gains excèdent ses coûts. C’est une coopération complémentaire car c’est la complémentarité des fonctions divisées qui pousse les individus à coopérer. La seconde repose sur l’appartenance à un groupe porteur d’une identité commune. Elle se développe dans les actes de protection et de construction de cette identité. C’est une coopération communautaire car c’est la préservation et la défense de cette communauté qui pousse les individus à coopérer (Ibid., p21). Dans le cas analysé, le curseur se placerait presque à mi-chemin de ces deux formes de coopération, car d’un côté il est indéniable que l’action déviante est impossible sans le concours de plusieurs compétences, tant dans son élaboration, que dans son fonctionnement, mais la rationalité calculatoire est faible. Les individus pris dans l’action et la nécessité de trouver une solution, n’ont pas vraiment évalué les risques et les gains. N’ayant pas de bénéfice réel direct, on se rapproche de la description d’Alter dans laquelle coopérer c’est donner (Alter, 2009). Cette proposition sera reprise plus loin. De l’autre côté, le concept d’identité commune semble donner une dimension trop forte à cette coopération, qui se situe dans le partage de valeurs de travail, le besoin d’appartenance à un groupe et le besoin de réconfort face aux difficultés. Cette situation appartient davantage au registre des attentes non utilitaristes, au sens que leur donnent les sciences sociales, c'est-à-dire qu’elles ne sont pas basées sur la maximisation de l’utilité et l’assouvissement rationnel des désirs (Boudon R., op. cit., p. 724). Curieusement, l’entreprise en fragmentant davantage les tâches a augmenté la spécialisation et a accru la dépendance des individus les uns envers les autres. Le besoin de complémentarité, a par conséquent, participé au développement de la coopération. Le terme de complémentarité est d’ailleurs insuffisant à traduire les liens entre les personnes du groupe car la définition du complément c’est l’ajout à des choses de même nature et en l’espèce, les expertises sont différentes. En plus de se compléter pour accomplir le travail, elles sont interdépendantes, déjà dans l’accomplissement du travail habituel, mais plus encore l’action déviante. En effet le cercle des expertises au cœur du système de contournement est plus restreint et dans la majorité des cas ces expertises sont non substituables. Qu’une personne détentrice d’un accès spécifique à l’ERP soit absente, qu’un spécialiste du traitement des anomalies manque ou qu’une erreur de manipulation soit faite que l’on ne puisse justifier immédiatement, et très rapidement le risque d’une découverte du mécanisme peut apparaitre. La notion d’interdépendance en complétant la notion de coopération appelle deux remarques, l’une sur les rapports hiérarchiques, l’autre sur une perspective connexe à la coopération, l’approche par les réseaux. Par nature les rapports entre la hiérarchie et les employés, chez KINDYNOS, sont sur un mode cordial, consensuel et dans la proximité. Le tutoiement est de rigueur, chacun connait un peu de la vie privée des autres (open space), et quel que soit le niveau hiérarchique les bureaux sont les mêmes. Par contre, si l’autorité est peu marquée, l’organisation des processus d’autorisation est extrêmement compartimentée et le recours aux autorisations de la hiérarchie pour dépasser les latitudes permises, est fréquent. L’action déviante a modifié ce schéma en raison de la coopération rendue plus étroite, une forme de complicité (au sens de la connivence et non de la participation à une action répréhensible) qui résulte de l’engagement accentué de chacun et de l’interdépendance accrue. Les parties sur le sens du travail et le secret permettront d’approfondir la nature des liens qui unissent les membres du groupe. A l’organigramme officiel, s’ajoute un cercle de « fondateurs » et un cercle « d’initiés », ces deux cercles sont non perceptibles par des personnes n’appartenant pas au service, mais parfaitement identifiés par les employés du service. Le cercle des « fondateurs » est composé des personnes dont l’expertise a permis d’élaborer un système de contournement, et le cercle des « initiés » ajoute au cercle des « fondateurs » quelques utilisateurs clés du système de contournement. Il ne s’agit pas ici de procéder à une analyse du fonctionnement de l’organisation, et de ce groupe en particulier, en utilisant l’approche des réseaux même si le 327 concept d’interdépendance questionne l’approche du fonctionnement du groupe par la perspective des réseaux. En effet, Elias définit le réseau par « un ensemble d’individus en interaction qui forme une configuration de relations sur une base d’interdépendance réciproque » (Coenen-Huther, 1993). Le groupe pour des raisons déjà exposées, a peu de relations avec le reste de l’organisation, ce qui explique une forme de repli et de solidarité entre les membres du groupe. De plus les relations internes au groupe sont assez simples, tant par le fort aplatissement de la structure hiérarchique, que par la nature des rapports. Hors comme le rappelle Pesqueux, l’organisation en réseau ne contient pas en elle-même de hiérarchie mais une structure d’échange et de circulation (Pesqueux, 2008). Même si les rapports hiérarchiques se teintent d’une forme de complicité, ils demeurent présents et doivent apparaitre comme tels aux yeux extérieurs. Enfin il y a une unité et une concentration de l’organisation étudiée au niveau de ce groupe qui ne correspond pas non plus à l’approche par les réseaux, qui vise à « construire des représentations ’organisations hétérogènes, caractérisées par une forte dispersion et interconnexion dans l’espace » (Ibid., p10). Par ailleurs l’analyse des réseaux, dans le champ de la sociologie, est une méthode de modélisation inductive de la structure relationnelle (Lazega, 1994) alors que l’approche utilisée dans cette étude suit une démarche hypothéticodéductive. Cependant un des outils de l’analyse des réseaux peut contribuer à ce travail, en empruntant l’idée d’une représentation graphique pour figurer les cercles des « fondateurs » et des « initiés » par rapport à l’organigramme montré en début de chapitre.
328 SC PP BO Mgt FO FO FO FO Légende :
- PP : service performance - FO : services front office - BO : service back office 329 - SC : service contrats - Mgt : manager service - les ronds rouges composent le cercle des « fondateurs » - les ronds rouges et gris composent le cercle des « initiés » Cette représentation montre que l’organisation reste centralisée pour des questions d’organisation, de discrétion et de réactivité. Les individus non figurés en rouge ou en gris, connaissent l’existence d’un mécanisme de contournement mais ils n’y ont pas accès et ne sont pas informés des modalités de fonctionnement. Leurs consignes sont de rester discrets, de signaler toute anomalie et d’orienter toute demande de renseignements et toute demande de contrôle sur le cercle des « initiés ». Les termes de dedans-dehors sont tout à fait pertinents avec la situation ainsi que la perspective des interactions entre la coopération et le besoin d’appartenance à un collectif, signalés auparavant. Mais il est aussi possible d’envisager la coopération selon l’approche du don, dans une forme un peu particulière, qui est celle de la réciprocité généralisée (Alter N., op. cit., p. 111). A plusieurs reprises il a été mentionné que cette action déviante n’avait pas pour visée un profit personnel, ou une visée pécuniaire mais plus vraisemblablement une crainte qu’une augmentation excessive des tracasseries administratives envers les clients ne lasse ces derniers au point qu’ils veuillent partir. En coopérant pour transgresser les procédures de SOX, les individus prennent des risques sans pouvoir le dire aux clients. Ils ne peuvent attendre un retour clairement identifié puisque les clients ignorent que ce qu’ils reçoivent est un service en quelque sorte préservé, maintenu au niveau habituel, alors qu’il devrait être dégradé, ralenti du fait de la séparation des tâches et du cloisonnement informatique. Alter illustre la réciprocité généralisée en citant deux formes sous laquelle elle s’exprime, qui sont le plaisir de donner et le sentiment d’exister. Dans le comportement des membres du groupe étudié, on 330 peut identifier l’attente d’un retour, qui serait la fidélité du client à l’entreprise. Le maintien de la satisfaction du client, contribue au maintien du courant d’affaires, par voie de conséquence à la profitabilité de l’activité, donc en dernier ressort, au maintien de l’emploi. Avec cette explication, nous nous rapprochons davantage du sentiment d’exister, que du plaisir de donner. C’est une référence à l’explication donnée par Mauss, et rappelée par Alter, à propos du hau : « L’esprit du don suggère par analogie que le contre-don est nécessaire pour assurer que l’on continue de bénéficier de l’abondance produite par des cycles d’échange rituel » (Alter N., op. cit., p. 117). Sans contre-don il y aurait un risque de rompre le cycle d’échanges et de réduire l’abondance des richesses liée à ce cycle. Pour le groupe déviant, le propos n’est pas aussi explicite et aussi clairement exprimé. Il est plus intuitif et inversé dans l’ordre, c'est-à-dire, s’il n’y a plus de don, il pourrait ne plus y avoir de contre-don et le flux des échanges s’interromprait. C’est une forme de pari, puisqu’en donnant sans le dire, l’autre n’est pas explicitement tenu au contre-don. En évitant de créer des sources d’insatisfaction aux clients, le retour espéré, une forme de contre-don au don du service maintenu par l’action déviante, est la fidélité de ces clients. Nous retrouvons les caractéristiques du don, un acte volontaire, non obligatoire, une finalité non directement économique et la consumation c'est-à-dire que « la chose donnée représente une certaine valeur et donc un sacrifice pour le donateur » (Ibid., p26). Dans le cas présent la valeur réside dans le risque qui est attaché à l’action déviante des individus. L’important c’est de maintenir le lien avec les clients, ce lien que Caillé met au centre de sa définition restreinte du don : « Qualifions de don toute prestation de bien ou de service effectuée, sans garantie de retour, en vue de créer, nourrir ou recréer le lien social entre les personnes » (Caillé, 2005). Le don n’étant pas clairement identifiable par le donataire, le donateur en prenant l’initiative de la confiance dans un retour possible ou dans une perte, fait preuve de générosité en même temps qu’il procède à un calcul, l’anticipation d’un retour qui lui sera favorable (Ibid., p275). En partant de la coopération inhérente à toute organisation, cette approche souhaite montrer que le groupe a fondé sa cohésion sur une coopération, qui repose aussi bien sur des facteurs techniques nécessaires au mécanisme de 331 l’action déviante, que sur des motivations communes résultant de l’isolement du groupe et le partage d’aléas organisationnels. Le risque a contribué a forgé un collectif soudé, où la hiérarchie sans cesser d’exister, se double d’une forme de complicité entre les individus formant le cercle des « initiés » et dans une moindre mesure dans l’ensemble du groupe. Cette coopération renforcée, interne, a son pendant externe, dans la relation avec les clients, que le groupe évalue comme essentielle, et que la perspective du don explicite particulièrement bien. Le paragraphe suivant explore une autre voie de la forte cohésion du groupe, le sens du travail, et une autre extension de la coopération, la connivence.
3. Le sens du travail, source de références
Que la situation ait justifié de prendre des risques pour le groupe, peut s’expliquer par un enjeu commun, l’emploi par exemple, par une expérience commune, la répétition des réorganisations ratées et leurs conséquences ou par un sentiment partagé de frustration créé par l’organisation. Les différents développements précédents sur la culture, les comportements au travail, les questions identitaires des différents acteurs dans l’entreprise portent en eux une interrogation commune, plus large, inhérente à un environnement économique en mutation constante, la question du sens. Il s’agit ici du sens du travail, car la revue de littérature avait déjà mis en lumière cette recherche du sens, en général, contenue dans l’individualisme tendant vers une hypermodernité, quête d’un idéal narcissique (Aubert N., op. cit., p.80) L’analyse a mis en évidence que la séparation des tâches des attachées clientèle, avait entrainé un appauvrissement du contenu des postes, donc une perte d’intérêt du travail, et transmettait de la part de l’entreprise, un message de défiance latent, un sous-entendu de risque de malversation. Les personnes se sont senties déconsidérées, soupçonnées de manière permanente et ont constaté que les considérations de contrôle prenaient le pas sur les questions commerciales et l’efficacité organisationnelle. Le problème repose sur un hiatus, de communication et de pratique. En effet le message de l’entreprise demeure 332 celui du client roi vers qui toutes les actions doivent tendre avec les mots déjà cités, de service, de flexibilité, de réactivité alors que les procédures et les règles cadrent le travail dans des routines assez strictes et contredisent le message. Les cadres eux-mêmes se perdent dans ce décalage, eux dont Pichon (Pichon, 2009) explique que leurs attentes (centrées sur l’intérêt collectif, l’autonomie, la responsabilité) sont en friction avec les attentes de l’entreprise (axées la profitabilité, les dispositifs coercitifs gestionnaires) ce qui complique leur rôle d’interprétation jusqu’à susciter un sentiment de malaise décrit par Courpasson
Courpasson, 2009). A nouveau réapparaissent les effets d’un contexte économique et sociétal en mutation perpétuel, dont les nombreux changements entrainent une recherche de clarification permanente de chacun, sur les enjeux liés à la conjoncture, sur les conséquences pour l’emploi et sur le sens du travail. Silva et Wetzel, en utilisant l’opposition entre nostalgie et nostophobie, se sont intéressés aux situations dans lesquelles les individus comparent le temps « avant » et le temps « après », comment ils projettent des images positives ou négatives du passé pour faire face aux défis et aux difficultés du présent et atténuer le manque d’expectatives quant à l’avenir. Cette évaluation du sens attribuée aux situations du passé semble être un trait de notre société. Mais que faut-il comprendre? Est-ce, comme de nombreuses thèses l’ont montré, la perte de repères d’un monde où il y avait davantage de cohérence et d’unicité dans les valeurs familiales, éducatives et professionnelles, plus d’engagements stables, durables ou structurants? Ou est-ce au contraire, la peur non pas du vide du futur, mais du trop-plein des possibilités, de la multiplicité des significations et des directions possibles, et par conséquent le doute et l’incertitude sur les choix à faire (Gaulejac, 2009)? Ou est-ce un effet de la globalisation montrant l’incapacité de l’action politique locale à nous préserver de la précarité et de l’insécurité comme conséquences de la primauté du pouvoir global (Bauman, 2009)? Avant d’analyser le sens du travail, il convient de définir le sens du mot travail qui repose sur une dualité contradictoire. D’un côté le terme travail est associé à la peine, à la souffrance, à la contrainte (les machines qui assujettissent les 333 grands animaux, par extension, ce qui gêne, fatigue, les douleurs de l’enfantement, la peine que l’on prend pour faire quelque chose) (Littre). De l’autre côté, le travail contribue à la liberté, à la réalisation de soi, à la conquête sociale car il est source de richesses et de considération. De cette dualité, de Gaulejac distingue trois dimensions dans le travail (Gaulejac V de., op. cit., p.26) : Le savoir-faire à travers lequel s’accomplit une tâche plus ou moins valorisante et se fabrique une œuvre plus ou moins durable Il spécifie l’être social de chaque individu au regard de sa place dans la société. Il est un facteur de développement personnel et de construction de soi, donc un élément essentiel de l’être de l’homme. Il apporte des avantages en nature et financiers qui offrent des moyens de subsistance et qui mesurent la valeur du travail en termes d’avoir. Ce que l’on reçoit en termes de rémunération, est une composante essentielle du travail. De nombreux auteurs reconnaissent que le principal changement dans le rapport au travail est lié au développement de la société industrielle qui a modifié la nature des rétributions qui y sont attachées. Si dans les sociétés primitives les rétributions revêtaient différentes formes (matérielle, sécuritaire, sociale, prestige social, service à autrui...), elles se limitent dorénavant, selon Firth au salaire et aux avantages sociaux (Firth, 1948). Il nuance ce propos avec d’autres auteurs, en reconnaissant que le travail est une activité qui a un but, où l’on produit quelque chose d’utile (Nord, 1990), (Sherpherdson, 1984), qui correspond à un projet (Svendsen, 2006). Ces auteurs ont en commun de ne pas limiter le travail à gagner un salaire, dans une relation consentie, où quelqu’un d’autre dicte la nature du travail et la manière de l’exécuter, qui est la définition de l’emploi (Morin, 2007). A ne considérer le sens du travail que selon son aspect économique, l’importance de la rémunération est privilégiée au détriment de l’esprit de service et de communauté. Le travail est donc identifié comme une activité importante pour les individus et la société. C’est une activité par laquelle une personne s’insère dans le monde, exerce ses talents, se définit et crée de la valeur qui lui donne, en retour, le sentiment d’accomplissement et d’efficacité personnelle, voire peut-être un sens à la vie (Ibid., p7). Chez les protestants l’homme est sur Terre pour améliorer la création divine en se livrant à un travail sans relâche. Travailler c’est donc se rapprocher de Dieu. Weber parle du travail comme d’une disposition d’esprit qui est une fin en soi, la profession est une vocation (Beruf), qui ne peut être atteinte que par l’éducation religieuse, car elle favorise une attitude qui consiste à se sentir « tenu au travail par devoir » (Weber M., op. cit., p.43). Par ailleurs, le concept de sens est central dans la sociologie de Weber qui le considère comme étant à la base de la compréhension des phénomènes sociaux. Sa sociologie compréhensive (la science de l’homme en tant qu’être agissant) est basée sur la compréhension du sens subjectif, le sens visé, que les acteurs donnent à leurs actions. L’action est définie comme « l’action rationnelle par rapport à un but », c'est-à-dire que la compréhension d’une action sera d’abord celle de la fin choisie, puis celle des moyens choisis. L’intérêt de ce champ de recherche est de souligner que le sens réel (renommé endogène par Pharo) et le sens supposé par une personne externe à l’action, ne concordent pas nécessairement (Pharo, 1985). Ce constat pose la question d’une approche plus large du concept du sens, dont la racine latine, sensus, exprime notre manière d’apprécier, de voir, de concevoir, ou de juger (Dictionnaire Gaffiot, p.1423). Dans cette première approche, il s’agit de déterminer la place du travail, sa centralité, et la définition ou la représentation que les personnes lui donnent. Ces perspectives ont été étudiées par Morse et Weiss (1955) et par les modèles de définition du travail issus d’une enquête internationale menée dans huit pays par quatorze chercheurs formant le MOW (1987). Ces différents travaux confirment que le travail est important dans la vie pour la majorité des individus. Cependant cette importance ne détermine pas de façon incontestable la centralité, qui est selon le MOW, l’importance relative du travail dans la vie du sujet, à un moment donné de son histoire personnelle. Les résultats présentés par MOW, indiquent que le travail se retrouve au deuxième rang dans la majorité des pays, après la famille et avant les loisirs. Méda et 335 Davoine confirment la pondération que font les français sur les perspectives du travail dans leur vie, mais réaffirment la centralité au travers de la confrontation de trois grandes enquêtes internationales. Elles tentent d’expliquer une singularité française, qui réside dans la place et le sens du travail, que nous accordons en France, en comparaison avec d’autres pays européens. En effet les Français sont à la fois ceux qui accordent le plus d’importance au travail et souhaitent le plus voir la place du travail réduite dans leur vie. Ces deux auteurs ont retenu deux principales explications pour caractériser cette singularité nationale, le haut taux de chômage et l’insécurité de l’emploi ressentie, qui font que le travail est d’autant plus désiré et les attentes de réalisation dans le travail fortes. « Ce n’est plus seulement un revenu, un moyen de s’insérer que l’on attend du travail, mais bien un moyen de se réaliser, de développer ses capacités, que ces attentes soient ou non raisonnables » (Méda, 2008). Ces deux explications convergent avec la situation analysée chez Kindynos et confirment d’une part l’inquiétude liée au maintien dans l’emploi, d’autre part la place du travail dans la réalisation de ses attentes. D’autres auteurs se sont attachés à définir le travail soit par enquêtes tel que England (1990) soit en étudiant les attitudes à l’égard du travail, Wrzesniewski et al(1997). Dans six pays, les principales raisons évoquées pour travailler sont le salaire et le devoir, le travail étant clairement perçu comme une activité qui n’est pas désagréable par la grande majorité des répondants (Morin E., op. cit., p.14). S’agissant des attitudes à l’égard du travail, les auteurs ont identifié trois attitudes typiques : l’emploi, la carrière et la vocation. L’emploi signifie que le travail est un moyen de gagner sa vie, la carrière suggère un plan de carrière pour atteindre des objectifs professionnels et la vocation voit dans le travail un accomplissement, une contribution à la communauté. Il existe une racine germanique du mot sens, sumo, qui signifie la direction, l’orientation du sujet dans son travail, ce qu’il recherche dans le travail et les desseins qui guident ses actions. Le sens que l’on donne au travail serait intimement lié aux valeurs, par exemple les valeurs extrinsèques (les conditions dans lesquelles le travail s’effectue) et les valeurs intrinsèques (les propriétés du 336 travail lui-même) (Roberson, 1990). Kaplan et Tausky (1974) proposent une approche séparant les fonctions expressives et utilitaires du travail. Les premières procurent du plaisir et un accomplissement, confèrent statut et prestige, respectent des prescriptions concernant le devoir et la bienséance, sont l’occasion de rencontres et d’expériences humaines. Les secondes permettent d’assurer la subsistance, des conditions de vie décentes, maintiennent occupé (remède éventuel à l’indolence et l’inactivité, voire à des activités illicites). Ros, Schwartz et Surkiss (1999) avancent que les valeurs du travail sont le reflet de valeurs fondamentales, qu’ils regroupent dans leur modèle : le pouvoir, l’accomplissement, la bienveillance, la tradition, la conformité, la sécurité, l’hédonisme, l’autonomie l’universalisme et la tradition. Mais ces approches tout en restant pertinentes, ne permettent pas de refléter l’évolution des valeurs du travail ces dernières années car elles ne prennent pas en compte les incidences de l’individualisme, les aspirations des générations les plus récentes dont on a déjà brossé le portrait et les attentes dans le paragraphe de la culture et des identités au sein de l’entreprise. La génération Y a un rapport plus distancié avec le travail, attend un plus grand respect de ses droits et souhaite travailler moins mais mieux. Ainsi l’approche du sens du travail que l’on retrouve dans la valorisation du travail faite par le capitalisme, n’est plus d’actualité. En effet, si la centralité du travail demeure un vecteur essentiel de la construction identitaire, la montée des exclusions telles que le chômage ou la préretraite, depuis la fin des années 80, a favorisé un repli identitaire (Dubar C., op. cit., p.125). Castel interroge même la notion de centralité du travail, car pour lui « la relation d’emploi cesse d’être le socle stable à partir duquel pouvait nourrir le projet de construire une carrière, de maitriser les aléas de l’avenir et de juguler l’insécurité sociale » (Castel, 2009). Enfin, la troisième et dernière approche du mot sens appliqué au travail, fait référence à la cohérence entre le sujet et le travail qu’il accomplit. Ce concept développé surtout en psychologie existentielle (Yalom, 1980) « soutient que l’être humain a besoin de sens pour comprendre et interpréter ses expériences dans le monde et pour se définir les valeurs sur lesquelles il pourra fonder ses actions » 337 (Morin E., op. cit., p.21). La cohérence c’est le degré d’harmonie que le sujet atteint dans sa relation avec le travail (la cohérence apporte la sécurité psychologique et la sérénité face aux épreuves). L’individu a besoin d’une raison d’être, d’avoir un but, des valeurs ou des idéaux, sans lesquels il connaitrait une situation de détresse (Frankl, 1967). Le sentiment de non-sens se décrit comme un état de vide dans l’existence, caractérisé par l’ennui, l’apathie, l’absence de raison d‘être (Frankl, 1963), le sentiment de dépendance (Bugental, 1969), et par le sentiment d’impuissance (May, 1953 ; Fromm, 1975). L’employé peut s’adapter à une situation absurde (Kasl, 1992), c'est-à-dire qui n’a pas de sens, mais cette adaptation se fera au prix de quelque chose, modification des valeurs du travail, salaire plus important, désaffection à l’égard du travail ou de l’employeur... Baumesiter (1991) a déterminé quatre besoins qui concourent à donner un sens à la vie : Avoir une raison d’être, une raison de vivre. Avoir le sentiment d’avoir un contrôle sur son destin et de l’efficacité dans ses projets. Avoir le sentiment d’être une personne correcte, dont la conduite est moralement justifiable. Avoir un sentiment dignité et de valeur personnelle.
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Modélisation de la contamination nitrique de la nappe des calcaires de Champigny : Application à la protection des captages prioritaires de la fosse de Melun et de la basse vallée de l'Yerres
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Sur la rive gauche de la Seine, les formations de l’Oligocène sont drainés par la Seine, l’École et le Loing (Fig. 4.8).
Figure 4.8: Carte piézométrique de l’Oligocène sur la rive gauche de la Seine en basses eaux (1994).
52 Chapitre 4. Grandeurs caractéristiques Nappes de l’Éocène
Les cartes piézométriques de références sont établies pour la nappe des Calcaires de Champigny (Éocène supérieur et moyen) et la nappe de l’Éocène inférieur (Lutétien/Yprésien).
Nappe de l’Éocène supérieur et moyen
Les cartes piézométriques de référence de la nappe de l’Éocène ont été réalisées à trois périodes : 1. En 1967. Cartes en période de basses eaux (Fig. 4.9b, Annexe 1.2) et de hautes eaux (Fig. 4.9a, Annexe 1.2) effectuées dans le cadre de la réalisation de l’atlas des nappes aquifères dans la région de Paris (Rampon, 1967) ; 2. En 1973 et 1974. Carte piézométrique en hautes eaux (mois de mars) réalisée par le BURGEAP-BRGM (Mégnien et al., 1976) et présentée sur la figure 4.10 ; 3. En 2003 et 2004. Cartes piézométriques en période de hautes eaux (Fig. 4.9c, Annexe 1.2) et en période de basses eaux (Fig. 4.9d, Annexe 1.2) réalisées par AQUI’Brie.
b) c) d) 53 Figure 4.9: Cartes piézométriques de l’Éocène supérieur et moyen au printemps 1967 (a), à l’automne 1967 (b), au printemps 2004 (c) et à l’automne 2003 (d) 4.4. Piézométrie des différents aquifères a) 54
Chapitre 4. Grandeurs caractéristiques Sur la carte piézométrique de l’aquifère de l’
ocène supérieur et moyen de 1973-1974 a été reportée les neufs grands bassins souterrains d’écoulement.
1 2 3 Lim ite e c no tob 4 7 re Lim ite en m 8 ars 9 5 6
Figure 4.10: Carte des niveaux piézométriques de l’aquifère de l’Éocène supérieur et moyen en 1973-1974 avec la délimitation des bassins souterrains d’écoulement. Les caractéristiques des principaux bassins étant détaillés ci-après : – Le bassin du Provinois (bassin 9). Très escarpé, ce bassin draine les formations de la cuesta d’Île-de-France. Les niveaux piézométriques passent de 160 mNGF sur les plateaux à 110 mNGF au niveau des sources du Dragon, de la Voulzie et du Durteint. – Le bassin de l’Aubetin (bassin 8). La carte piézométrique de 1967 en hautes eaux est moins précise que celle établie en basses eaux mais les niveaux piézométriques renseignés au nord de l’Aubetin sont les seuls disponibles. On peut constater que l’écoulement général est sud-est nord-ouest, le niveau piézométrique passant de +190 mNGF dans la région de Sézanne à +70 m NGF à la confluence de l’Aubetin et du Grand Morin. Le gradient d’écoulement, faible est de 2,6 ‰. La nappe est alimentée en amont par les pertes de l’Aubetin puis est drainée par cette même rivière vers le Grand Morin. La délimitation avec le bassin du Provinois n’est pas très certaine et des pertes en amont de l’Aubetin pourraient alimenter les sources de Provins. – Le bassin du Chatêlet et de la vallée Javot situé au sud-ouest (bassin 5). Il est délimité au sud par la crête piézométrique fixant les sens d’écoulement des eaux le long de la cuesta d’Île-de-France et au nord par celle délimitant les eaux vers le bassin de l’Almont. Le gradient hydraulique augmente vers l’aval et est dû à la 4.4. Piézométrie des différents aquifères 55 diminution de l’épaisseur de la formation. Cette zone est marquée par les pertes en rivières du ru Chat let et du Javot. – Au centre se délimite deux grands bassins dont l’écoulement se dirige respectivement vers la Seine et la basse vallée de l’Yerres. La nappe s’écoule d’abord d’est en ouest jusqu’à Ozouer-le-Voulgis puis bifurque vers le sud-ouest pour se diriger vers la Seine, marquée par des résurgences entre Seine-Port et Livry-surSeine (bassin 4). Quelles que soient les années, la nappe est alimentée par des pertes sur le cours de l’Yvron, de l’Almont et de la partie médium de l’Yerres. La délimitation au nord fluctue en fonction des saisons. Ainsi, en période de hautes eaux, les pertes qui se produisent sur la partie médiane de l’Yerres font monter le niveau piézométrique conduisant à rediriger l’écoulement vers le nord. Ce bombement piézométrique est observable sur toutes les cartes de hautes eaux de 1974 et 2004. En 2004 un abaissement est observé de la piézométrie à la confluence du ru d’Avon et de l’Yerres. Les eaux souterraines situées au nord de l’Yerres (Bréon) se dirigent vers la fosse de Melun et non plus vers la basse vallée de l’Yerres comme en 1974. Cette modification de la direction d’écoulement peut être liée à un changement de localisation et de quantité d’eau prélevée entre les deux bassins. Cependant, la recharge étant faible dans les années 2003-2004, les différenciations des niveaux piézométriques ont été moins marquées dans cette zone. Dans la fosse de Melun, les niveaux piézométriques sont relativement proches de ceux de 1974. Au nord de l’Yerres, le sens des écoulements est dépendant des pertes de cette même rivière. Partant du haut plateau au sud-est, les eaux se dirigent vers le nord puis bifurquent vers le sud vers la basse vallée de l’Yerres (bassin 3). La nappe est alimentée par les pertes en rivières le long de la Visandre, de la Marsange, du ru du Cornillot, de la Barbançonne et de l’Yerres notamment lorsque le calcaire du Champigny affleure (entre Ozouer-le-Voulgis et Combs-la-Ville). En aval, le gradient hydraulique augmente et des résurgences à partir de Mandres-les-Roses ont lieu. Entre 1974 et 2004, les niveaux piézométriques ont peu varié tout en aval de l’Yerres mais on peut constater un recul de l’isopièze 50 m de plus d’un kilomètre. Les cartes de 1974 et de 2004 sont très différentes au niveau de la confluence du Grand Morin et de la Marne mais toutes les études relatent le manque de points de données dans cette zone. La carte de 1974 indique l’existence d’un bombement piézométrique longeant le Grand Morin mais aucune des cartes de 1967 et de 2004 ne le confirme. D’après la figure 4.11, l’épaisseur mouillée le long de la cuesta d’Île-de-France (aquifère unique) ne dépasse pas les 40 m et augmente vers le nord-ouest le long des synclinaux de l’Yprésien (Villiers, Nangis) (Mégnien et al., 1976). Lorsque la nappe des Calcaires de Champigny est séparée des formations sous-jacentes par les marnes infraludiennes, l’épaisseur mouillée est supérieure à 30 m ; ceci se produit au nord-ouest de Rosay-en-Brie et à la
56 Chapitre
4. Grandeurs caractéristiques confluence du ru d’Avon et de l’Yerres. Dans la zone de Melun, celle-ci est en moyenne de 20 m. Plus on se dirige vers l’aval de l’Yerres, plus l’épaisseur mouillée diminue (inférieure à 15 m à partir de Brie-Comte-Robert) et devient nulle suivant une ligne parallèle au cours de la Marne et du Grand Morin (bassin 1). Cet amincissement correspond à l’augmentation de l’épaisseur des marnes infraludiennes sous-jacentes. Au niveau de l’anticlinal de Corbeil, la nappe des Calcaires de Champigny est asséchée.
Figure 4.11: Épaisseur mouillée (en m) de la nappe des Calcaires de Champigny. La limite indiquée en noir indique le passage du calcaire de Champigny stricto sensu (au nord) à un aquifère unique dans la partie sud-est (Mégnien et al. (1976)). Dans l’ensemble la nappe est dénoyée 1 sauf vers Rosay-en-Brie où elle est captive. Le niveau piézométrique se situe en moyenne entre 5 et 15 m sous le fond des rivières (1973-1974, 2003-2004). Cependant les deux campagnes piézométriques ont été réalisées durant des années de faible recharge et ne permettent donc pas de connaître la profondeur de la nappe sous les rivières lors d’une année humide. Les cartes établies en hautes eaux (2003) et en basses eaux (2004) montrent de faibles fluctuations du niveau piézométrique dues à un faible contraste saisonnier de la recharge (Reynaud, 2012). En 1973-1974, les fluctuations les plus importantes sont localisées le long de l’Yerres, de la Visandre (de 3 m à 4 m), de l’Almont (de 3 m à 5 m), dans la vallée Javot et de l’Yvron (de 2 m à 3 m). Plus on s’éloigne des rivières, plus les fluctuations s’amortissent ce qui témoigne d’une alimentation de la nappe par les rivières.
1. Aquifère dénoyé : le niveau piézométrique de la nappe est inférieur à la cote du mur de la formation sus-jacente
4.4.
Piézométrie des différents aquifères 57
Nappe de l’Éocène inférieur Mégnien and Turland (1967) et Reynaud (2012) relatent la difficulté de connaître les niveaux piézométriques dans la Brie à cause du faible nombre de forage captant uniquement l’Éocène inférieur. Les quelques niveaux piézométriques connus sont trop peu nombreux et trop espacés pour être sûr de la carte piézométrique tracée. D’après le rapport de Mégnien and Turland (1967), cette nappe serait captive sous les vallées du Grand Morin, de l’Aubetin et de l’Yerres d’après la carte piézométrique réalisée par ces auteurs et présentée sur la figure 4.12. Le sens d écoulement général étant est-ouest.
a) Figure 4.12: Carte piézométrique de la nappe de l’Éocène inférieur estimée en 1974 par Mégnien (1979). 4.4.2 Chroniques piézométriques
Sur la zone d’étude quarante neuf piézomètres localisés essentiellement au centre et au nord enregistrent les fluctuations piézométriques de la nappe de l’Éocène. La moitié des piézomètres capte simultanément plusieurs formations aquifères (Fig. 4.13). Concernant la nappe de l’Oligocène, un seul piézomètre situé en rive gauche de la Seine à Fontainebleau enregistre son niveau piézométrique. Les niveaux piézométriques de la nappe des Calcaires de Champigny à Montereau-surle-Jard (Fig. 4.14a) et à Saint Martin-Chennetron (Fig. 4.14b) sont utilisés par les services de l’État pour définir les restrictions d’usage en fonction des différents seuils : seuil de vigilance, seuil d’alerte, seuil de crise, seuil de crise renforcée. Or depuis l’année 2005, le niveau piézométrique de la nappe n’est pas remonté au dessus du niveau du seuil de vigilance (Fig. 4.14). 58
Chapitre 4. Grandeurs caractéristiques
Figure 4.13: Localisation des piézomètres et des formations captées (EOS/CH : Nappe des Calcaires de Champigny stricto sensu ; EOS/CH+ALL : Nappe des Calcaires de Champigny stricto sensu + Nappe alluviale ; EOS/CH+SO : Nappe des Calcaires de Champigny + Nappe des Calcaires de Saint-Ouen
; EOS : Nappe des Calcaires de Champigny au sens large (Champigny+Saint-Ouen) ; EOS/CH+SO+EOM : Nappe des Calcaires de Champigny + Nappe des Calcaires de Saint-Ouen + Nappe du Lutétien ; ESM : Nappe du calcaire lacustre indifférencié (Champigny, St-Ouen, Lutétien), EOC : Nappes de l’Eocène (Nappe du Champigny/Saint-
Ou
en
/L
utétien
/Y
présien
)
;
EOS+EOM+CRAIE
:
Nappes
de
Éoc
ène
sup
érieur
+ Nappe du Lutétien + Nappe de la Craie a) b) Figure 4.14: Niveaux piézométriques à Montereau-sur-le-Jard (a) et à Saint Martin Chennetron (b) et leurs seuils de vigilance associés (source : ADES) 4.5. Particularités de l’hydrosystème étudié : gouffres et pertes en rivières59
4.5 Particularités de l’hydrosystème étudié : gouffres et pertes en rivières
Un gouffre est une ouverture naturelle dans le fond ou sur le coté d’une dépression topographique vers lequel s’écoule, en partie ou entièrement, un cours d’eau vers le domaine souterrain. Ce type de configuration est fréquent dans les systèmes karstiques. Les aquifères affleurants sur la zone d’étude sont essentiellement calcaires et sont donc susceptibles de subir des phénomènes de karstification. La position et le nombre de gouffres sur le secteur d’ e varie dans le temps passant de 70 dans les années 1973 à une cinquantaine en 1996 (IAURIF, 1996) suite au colmatage artificiel ou naturel de ces structures. A l’heure actuelle, 42 gouffres ont été référencés sur le terrain par AQUI’Brie (Fig. 4.15). L’emplacement des gouffres variant au cours du temps selon les aménagements des rus et le transport sédimentaire, leur dénombrement doit être régulièrement mis à jour. a) b) Figure 4.15: Photographies prises le 24/06/2011 : a) Gouffre en rivière du Courtenain au Plessier, un affluent de l’Ancoeur ; b) Gouffre de plateau à Maison Rouge
Les gouffres dans la partie est de la zone d’étude sont situés le long des rus ou cours d’eau, là où l’épaisseur des marnes est localement très faible (Gouffre du Plessier, Gouffre du Courtenain). Ceux localisés le long de la Marsange se sont créés sur des zones où l’épaisseur des marnes est en moyenne de 20 m. Le long de la cuesta d’Île-de-France et dans le Provinois on en rencontre également sous forme de dépression (doline) sur les zones d’affleurements des calcaires de Champigny. En dépit des nombreuses marques de dissolution du calcaire, Berger et al. (1975) ont es-
60
Chapitre 4. Grandeurs caractéristiques
Figure 4.16: Localisation des gouffres et classification réalisées par AQUI’Brie (au cours de l’année 2010)
timé que les circulations karstiques sont limitées dans le temps et dans l’espace bien que les quelques essais de traçages effectués n’ont pas permis de caractériser précisément la géométrie de ces chenaux et conduits karstiques. Les fractures de tailles moyennes sont donc négligeables en comparaison de l’ensemble de la masse de l’aquifère considérée. Les pertes en rivières peuvent avoir lieu de manière plus diffuse le long d’un cours d’eau. On peut déjà localiser ces zones à partir des cartes piézométriques comme précisé dans la section 4 de ce chapitre. Deux études, menées l’une entre 1973 et 1974 par le BRGM (Berger et al., 1975) et l’autre entre 2005 et 2010 par AQUI’Brie (Reynaud, 2012), ont eu pour objectif d’évaluer ces pertes en rivières sur la Brie occidentale et dans la vallée de l’Aubetin. Pour cela, des mesures de jaugeage ponctuelles ont été réalisées sur 43 stations réparties sur la zone étudiée. Pour la première étude, les mesures ont été mensuelles alors que pour la seconde elles ont été réparties sur 12 campagnes. Les résultats de ces deux études ont été représentés en terme de débit spécifique par bassin défini selon les stations de mesures par Reynaud (2012). Ils sont calculés selon la méthodologie des bassins additionnels et par rapport à des bassins de référence sur lesquels il n’y a ni perte ni rejet de stations d’épurations. Les résultats pour ces deux études sont présentés sur la figure 4.17. On distingue bien les zones de résurgences de la nappe des Calcaires de Champigny comme après Crosne et en aval de l’Aubetin et sur le tronçon de l’Yerres entre la station 180 et 140, partie où la nappe est en charge. On retrouve bien les zones d’infiltrations des cours d’eau mises en évidence par les cartes piézométriques tel qu’en amont de l’Aubetin, sur le bassin de la Visandre, de l’Yvron, de la Marsange, en amont de l’Ancoeur et plus
4.5
.
Particularités de l’hydrosystème étudié : gouffres et pertes en rivières61 particulièrement de la partie médiane jusqu’en aval de l’Yerres. Ces deux campagnes de mesures ont eu lieu cependant durant des années de très faible recharge et donc les débits spécifiques moyens sont sous-évalués par rapport à ceux obtenus durant un contexte climatique moyen. Notons qu’en 1973, certaines portions de cours d’eau et de nombreuses sources de la nappe des Calcaires de Brie se sont taries, phénomènes non observés entre 2005 et 2010. On constate que les valeurs des débits spécifiques diffèrent entre les deux études comme le contexte dans lequel ses campagnes ont été effectuées. En effet les prélèvements en nappes, les stations d’épurations et le nombre de gouffres "fonctionnels" étaient très différents de ceux actuels que cela soit en terme de quantité que de répartition géographique. Ainsi il n’est pas étonnant que les valeurs des débits spécifiques soient inversées pour quelques bassins tel que celui du ru d’Avon et du Réveillon. A partir des mesures de jaugeage réalisées dans les années 70 et de la méthode d’interpolation utilisée (bassin additionnel), les pertes en rivières en Brie occidentale (Bassin de l’Yerres, de l’Ancoeur, du Chatêlet, du Javot) sont évaluées à 5m3.s−1 alors que la drainance à travers les marnes vertes et supragypseuses est estimée à 1,5m3.s−1. Cette dernière est calculée sur des bassins versants pour lesquels un déficit de débit de l’ordre de 0,5 à 1,5 l/s/km2 a été attribué à la drainance d’une partie de la nappe du Brie au travers des marnes supragypseuses. La généralisation de ces débits de drainance sur les 1980 km2 de la Brie occidentale est cependant trop simplificatrice. En effet l’épaisseur des marnes vertes et supragypseuses est environ de 20 m sur les bassins de référence alors que cette formation s’amincie le long de la cuesta d’Île-de-France, dans certaines vallées et dans certains bassins versants comme celui de la Visandre. Les déversements de la nappe de Brie sur les versants peuvent avoir lieu notamment dans des zones où les marnes ont été amincies et disloquées par l’érosion. Des vidanges "occultes" de la nappe de Brie ont même été évoqués par (Mégnien, 1979) dans le secteur de Brie-Comte-Robert (Basse vallée de l’Yerres). Tous ces éléments montrent que la drainance de la nappe du Brie à travers et les marnes est bien plus complexe et que son évaluation ne peut être simplifiée à l’ensemble de la zone d’étude. Cette méthodologie basée sur les jaugeages différentiels par bassin ne permet donc pas de distinguer si les pertes se produisent uniquement sur le linéaire du cours d’eau où de manière diffuse sur le bassin. L’un des objectifs de ce travail est donc de pouvoir discerner et de quantifier ces deux phénomènes afin de déterminer leur importance dans le fonctionnement de la nappe des Calcaires de Champigny. 62
a) Figure 4.17: Estimation des arrivées (en bleu si naturelles, en violet si une partie est d’origine anthropique) et des infiltrations (du jaune au rouge selon leur importance) par bassins versants délimitées par la position des stations de jaugeages. Les bassins versants de référence sur lesquels il n’y a pas ni pertes, ni rejets en rivières sont indiqués en gris rayé (Reynaud, 2012)
Chapitre 4. Grandeurs caractéristiques b) 4.6. Contamination nitrique de l’hydrosystème 4.6 4.6.1
63
Contamination nitrique de l’hydrosystème Eaux superficielles
Dans le cadre de la DCE, un état des milieux à été réalisé par l’Agence de l’Eau SeineNormandie. La caractérisation du bon état global d’une masse d’eau est basée sur les critères du Système d’Évaluation de la Qualité de l’eau (SEQ-eau). Pour les eaux superficielles la notion de bon état global dépend du bon état chimique et écologique des cours d’eau alors que pour les eaux souterraines cette notion recouvre le bon état chimique et quantitatif. La qualité chimique des cours d’eau seine-et-marnais est dégradée par des substances organiques de synthèse, des hydrocarbures aromatiques polycycliques, des produits phytosanitaires et par les nitrates. Les différentes molécules quantifiées sont cohérentes avec leurs utilisations dans les pratiques agricoles et urbaines (Conseil Général de Seine-et-Marne, 2010). Du fait d’ état actuel très dégradé, tant écologiquement que chimiquement, le bon état écologique des eaux superficielles ne pourra être atteint avant 2021 ou 2027. La qualité des eaux superficielles vis a vis des nitrates des cours d’eau de Seine-et-Marne (Fig. 4.18a) et du nord de l’Essonne (Fig. 4.18b) est évaluée de "moyenne" à "mauvaise". Les petits cours d’eau sont les plus impactés avec des concentrations en nitrates comprises entre 25 et 50 mg.L−1 (DIREN, 2008). 64
b) Figure 4.18: Évaluation de la qualité des eaux superficielles vis a vis des nitrates selon le SEQ-Eau dans le département de Seine-et-Marne (a) et de l’Essonne (b) de 1996 à 2006 (source : DIREN (2008)).
Chapitre 4. Grandeurs caractéristiques a) 4.6. Contamination nitrique de l’hydrosystème 65
Les chroniques de mesures des concentrations dans les eaux superficielles sont souvent peu nombreuses et très discontinues dans le temps. Les concentrations en nitrates de l’Yerres suivent un cycle saisonnier au contraire de celles de l’Ancoeur (Fig. 4.19). Elles augmentent en hiver de novembre à avril et diminuent en été de juin à octobre. Les concentrations varient généralement entre 55 mg.L−1 et 10 mg.L−1 selon les saisons entre 1990 et 2010. On remarque une très faible diminution des teneurs entre le cours moyen et l’aval de l’Yerres. De même les analyses effectuées entre 1973 et 1975 (Berger et al., 1975) ont montré une teneur médiane de 29 mg.L−1 à Courtomer (amont) et de 25,5 mg.L−1 à Crosne (aval). Les teneurs en nitrates dans l’Yerres fluctuent aussi en fonction des conditions de recharge interannuelle puisque pendant des années de fortes recharges (2000-2002), les variations saisonnières des concentrations ne dépassent pas les 20 mg.L−1. Conc e nt ra t ions e n nit ra t e s (m g/L) 90 80 Y e rre s V ille ne uve St -Ge orge s (a va l) Y e rre s Soignolle s e n Brie (m oye n) Anc oe ur M oise na y (a va l) 70 60 50 40 30 20 10 0 1 /1 /9 8 1 /1 /0 0 1 /1 /0 2 1 /1 /0 4 1 /1 /0 6 −1
Figure 4.19: Mesures des concentrations en nitrates (mg.NO−1 3 L ) dans les eaux superficielles sur l’Almont à Moisenay et sur l’Yerres à Soignolles-en-Brie et à Villeneuve St-Georges entre le 01/01/1996 et le 01/01/2006
4.6.2 Eaux souterraines
Les trois quarts de la zone investiguée de la nappe des Calcaires de Champigny appartiennent à la masse d’eau souterraine ME 2 3103 (Brie Soissonnais Champigny) dont l’état chimique est médiocre, les paramètres les plus dégradants étant les nitrates et les pesticides. Un quart des points de suivis du Réseau patrimonial Eaux Souterraines de l’Agence de l’Eau Seine Normandie présente des concentrations moyennes sur 10 ans supérieures à 50 mg.L−1. Soixante deux pour cent des captages ont des concentrations dépassant le seuil de vigilance de 25 mg.L−1 (Fig. 4.20a) et 18 % dépassent les 50 mg.L−1 (DIREN, 2. Définie comme un volume distinct d’eau souterraine à l’intérieur d’un ou de plusieurs aquifères (Directive Cadre, article 5) 66 Chapitre 4. Grandeurs caractéristiques
2013
). Les plus fortes teneurs en nitrates sont mesurées en amont des bassins versants et à l’est de la zone d’étude, là où les calc aires de champigny affleurent. En amont du bassin versant de l’Yerres, les concentrations mesurées sont comprises entre 40 et 50 mg.L−1 et dans la fosse de Melun et la basse vallée de l’Yerres celles-ci sont comprises entre 20 et 40 mg.L−1 (Fig. 4.20b). b) a) Figure 4.20: a) Répartition des captages AEP en Seine-et-Marne selon les seuils d’actions définis par le SDAGE Seine-Normandie entre 1996 et 2011 (DIREN, 2013), b) Concentrations maximales en nitrates dans la nappe entre 2009 et 2010 et ses variations depuis 1999 (Reynaud et al., 2012).
Dans le bassin de la Seine, l’augmentation de la valeur médiane des concentrations en nitrates mesurées est en moyenne de 0.64 mg.L−1.an−1 depuis les 30 dernières années (Viennot, 2008). L’évolution des teneurs dans les aquifères dépend des propriétés de transferts du milieu, de la répartition et de la nature des pressions polluantes en surface. Le temps de réponse à la contamination nitrique des aquifères est aussi variable selon leur profondeur (Billen et al., 2001). Sur la zone d’étude, Landreaux and Roux (1984) ont constaté que vers 1930 les concentrations en nitrates étaient en moyenne de 25 mg.L−1 dans les calcaires de Brie, de 15 mg.L−1 dans les calcaires de Champigny et de 5 mg.L−1 dans les calcaires de St-Ouen. Ces concentrations restent à peu près stables jusqu’en 1955. Puis entre 1955 et 1975 les concentrations en nitrates dans les eaux de la source Traconne drainant les calcaires de Brie ont augmenté de 28 à 68 mg.L−1 soit une croissance moyenne de 1,5 mg.L−1 an−1 (Fig. 4.21). De même entre 1960 et 1975 les concentrations en nitrates des eaux des calcaires de Champigny ont augmenté de 15 mg.L−1 à 35 mg.L−1 avec localement une croissance pouvant atteindre 4 mg.L−1 an−1 (Berger and Mazenc, 1983). Une carte des isoteneurs de la nappe des Calcaires de Champigny a été réalisée par Landreaux and Roux (1984) en 1977 (Fig. 4.22). On peut remarquer que le long de l’Yerres les concentrations en nitrates sont d’environ 30 mg.L−1. Au nord de l’Yerres et dans la 4.6.
Contamination nitri
que de l’hydrosystème 67 Concentrations en nitrates (mg/L) 70 60 50 40 30 20 Source Traconne Brie 10 02602X0057-EOS Lechelle-Voulzie 0 25/11/1921 30/04/1938 03/10/1954 08/03/1971 11/08/1987 14/01/2004 18/06/2020
Figure 4.21: Évolution des teneurs en nitrates de la source de la petite Traconne qui draine les calcaires de Brie dans la régions de Provins d’après Landreaux and Roux (1984) et des teneurs des eaux prélevées dans les sources de Voulzie drainant les formations de l’Éocène. partie sud de Châtelet-en-Brie celles-ci sont inférieures à 15 mg.L−1 tandis que le long de l’Yvron et à l’est de la zone d’étude elles dépassent 40 mg.L−1.
Dans les années 70, les eaux souterraines étaient moins minéralisées que les eaux de surface mais leurs compositions reflétaient celles des eaux de surface d’après l’étude hydrogéologique réalisée dans la vallée de l’Yerres, de la Marsange, du Réveillon et du ru d’Ancoeur (Berger and Rampon, 1970). De plus, des polluants observés dans les eaux de surface ont été retrouvés dans la nappe des Calcaires de Champigny tels que des phénols, des détergents et des éléments traces. Si cette étude et celle effectuée par Mégnien et al. (1976) concluent que la nappe des Calcaires de Champigny est très vulnérable du à une communication rapide avec les eaux de surface, ils évoquent aussi la présence d ’une dilution importante de ces polluants dans la nappe. 68
Chapitre 4. Grandeurs caractéristiques
Figure 4.22: Isoteneurs en nitrates (mg.L−1 ) de la nappe des Calcaires de Champigny en 1977. Géoréférencées à partir de la carte de Landreaux and Roux (1984). 4.7
Synthèse
Sur la zone d’étude, les aquifères sont exploités essentiellement pour l’alimentation en eau potable. Plus de la moitié des captages prélève dans plusieurs niveaux aquifères dont la répartition suit l’extension des formations géologiques. Les volumes prélevés les plus élevés en 2007 sont dans la fosse de Melun, dans la basse vallée de l’Yerres à Nangis et dans le bassin du Provinois (sources de la Voulzie). La répartition géographique et les volumes prélevés ont évolué depuis les années 70 selon l’urbanisation de la zone d’étude. Par exemple, entre 1970 et 1986, les volumes prélevés ont presque doublé dans la fosse de Melun. En Brie Française, la nappe de l’Oligocène semble être de très faible puissance d’après les études menées dans les années 70. Elle est donc susceptible de s’assécher lors de période de faible recharge a contrario de celle située en rive gauche de la Seine. La nappe des Calcaires de Champigny est essentiellement dénoyée sous les formations semi-perméables du Stampien inférieur et du Ludien supérieur. Localement elle peut être asséchée lors de structures géologiques particulières. Les niveaux piézométriques sont dans la partie occidentale de la Brie influencés par les infiltrations se produisant en rivières et plus localement par la présence de gouffres. La quantification de ces pertes en rivières n’est pas aisée mais ces dernières ont un rôle important dans le fonctionnement de l’hydrosystème. Sur l’ensemble du système hydrogéologique étudié, les zones de fractures sont relativement rare et on considérera donc que le milieu est continu. La contamination des eaux souterraines par les nitrates est suivie depuis de nombreuses décennies. La nappe de l’Oligocène étant la plus superficielle, elle est aussi la plus vul- 4.7. Synthèse 69 nérable et présente des teneurs supérieures à 50 mg.L−1 dès 1970 avec un accroissement commençant depuis les années 50. L’aquifère des calcaires de Champigny présente une augmentation plus lente des teneurs en nitrates sauf dans les zones d’affleurement (partie est) et à proximité des pertes en rivières où des concentrations supérieures à 35 mg.L−1 sont mesurées dès 1977. Cette contamination en nitrates est aussi observable dans les eaux superficielles puisque dès les années 70, les concentrations dans l’Yerres et l’Almont sont supérieures à 25 mg.L−1. Si on remarque une baisse des concentrations dans les eaux de l’Almont depuis les années 90, les nitrates restent un paramètre dégradant pour la qualité des eaux de surface notamment pour les petits cours d’eau. 70
Chapitre 4. Grandeurs caractéristiques Deuxième partie Conceptualisation et modélisation hydrodynamique du système 71 Chapitre 5 Les outils de modélisation des hydrosystèmes
L’objectif de ce chapitre est de présenter de manière synthétique les différents types de modèles existants et en détaillant particulièrement les concepts et les processus pris en compte dans le modèle MODCOU avant sa mise en œuvre sur la zone d’étude.
Sommaire 5.1 5.2 5.3 5.1 Les modèles............................... 73 5.1.1 La classification des modèles............
........ 74 5.1.2 Les modèles hydrologiques......................
75 Modèle couplé MODCOU...................... 76 5.2.1 Représentation du système modélisé................ 76 5.2.2 Écoulements en surface : MODSUR................ 77 5.2.2.1 Bilan hydrique par les fonctions production....... 77 5.2.2.2 Routage du ruissellement................. 78 5.2.3 Écoulements en rivières....................... 79 5.2.4 Interception des lames d’eau ruisselées vers les gouffres...... 79 5.2.5 Prise en compte d’entrées/sorties en rivières............ 80 5.2.6 Transfert des lames d’eaux à travers la zone non saturée : NONSAT 80 5.2.7 Écoulements en aquifères...................... 81 5.2.8 Échanges surfaces-souterrains.................... 82 Synthèse................................. 83
Les modèles
Un modèle est défini comme une représentation simplifiée, relativement abstraite de processus élémentaires, d’un système en vue de le décrire et de l’expliquer (Dictionnaire de l’Environnement). La construction et le choix d’un modèle sont déterminés par la question posée initialement (Leite, 1990). C’est pour cela que s’est construit une multitude de modèles souvent spécifiques d’un objectif précis. Quand la question posée concerne plusieurs domaines de l’hydrosystème, des outils traitant d’une gestion intégrée sont nécessaires.
73 74
Chapitre 5. Les outils de modélisation des hydrosystèmes 5.1.1 La classification des modèles
Les nombreux modèles utilisés dans l’étude des hydrosystèmes permettent de les regrouper en trois grandes catégories (Ambroise, 1999). On peut distinguer trois grands types de modèles : – les modèles mécanistes. Ils englobent les modèles à base physique. A partir d’une bonne connaissance de la structure physique du système et à partir de lois qui le décrivent (physiques ou biologiques), les processus sont représentés de manière phénoménologiques. – les modèles conceptuels. Ils englobent les modèles paramétriques, les modèles boîtes grises et les modèles synthétiques. Ils permettent de représenter simplement le système et les processus quand ceux-ci sont inconnus ou que la mise en œuvre d’un modèle mécaniste est trop compliqué. – les modèles empiriques. Ils englobent les modèles boîte noire et d’entrée-sortie. Il s établissent des relations entre les variables de sortie et d’entrée du modèle sans référence aux processus qui sont mis en jeu. Les modèles mécanistes et conceptuels peuvent être distribués géographiquement. L’inconvénient de ces modèles est qu’il faut renseigner une multitude de données qui sont rarement disponibles à la fois en terme de qualité et de quantité. Certains de ces modèles sont nommés stochastiques quand ceux-ci prennent en compte le caractère aléatoire de certaines variables sous la forme d’une fonction de distribution de probabilités. Dans un même modèle, les processus peuvent être représentés selon une approche mécaniste ou conceptuelle. C’est le cas du modèle MODCOU qui représente les processus de manière conceptuelle pour le calcul du bilan hydrique et de manière mécaniste pour les écoulements souterrains. Cette représentation des processus s’est développée à partir des années 70. L’utilisation de ce type de modèle pose un certain nombre de problèmes et de questions dont il faut avoir conscience lors de l’interprétation des résultats et leur utilisation ultérieure par des gestionnaires.
Les concepts modélisés
Le choix d’un modèle plutôt qu’un autre s’établit en fonction de la question posée initialement. D’après Ambroise (1999) les modèles mécanistes sont entachés d’incertitudes provenant soit d’un point de vue théorique, soit d’un point de vue des approches numériques et de la discrétisation spatiale et temporelle. Du point de vue théorique, certains processus restent à ce jour mal connus ou trop complexes pour être pris en compte dans les modèles à base physique et sont donc simplifiés ou négligés. Les approximations numériques sont induites par les algorithmes (différences finies ou éléments finis) utilisés pour trouver une solution analytique aux équations à résoudre. La discrétisation spatiale et temporelle des calculs choisie pour résoudre les équations doit être adaptée à du processus simulé. De même que la discrétisation spatiale du système doit être adaptée à 5.1. Les modèles 75 la description de l’hydrosystème étudié. L’ajustement des modèles
Il ne peut y avoir une structure de modèle et un jeu de paramètres unique qui permettent de représenter de manière optimale le régime hydrologique d’un bassin versant (problème d’équifinalité). On peut distinguer plusieurs incertitudes types liées à différentes erreurs dues aux données de validation ou aux données utilisées pour l’ajustement des paramètres (Beven and Binley, 2006) : – données de forçages – structure interne et paramètres de structure – valeurs d’initialisations L’ajustement des paramètres peut être automatique, manuel ou hybride. La méthode d’ajustement s’effectue habituellement sur deux périodes temporelles distinctes (Refsgaard and Knudsen, 1996; Refsgaard, 1997). La phase de calibration permet de déterminer un jeu de paramètres du modèle et une phase de validation permet de tester le comportement du modèle face à des contraintes différentes. Cette séparation doit limiter la surparamétrisation du modèle. Dans le cas d’une disponibilité suffisante de données, une troisième phase appelée "test" est même recommandée par certains auteurs pour s’assurer de la robustesse du modèle. Cependant les prédictions réalisées avec un modèle même validé sous des contraintes données pour une utilisation prospective est à prendre avec précaution (Gomez, 2002).
5.1.2 Les modèles hydrologiques
Les modèles qui nous intéressent plus particulièrement dans le cadre de ce sujet sont les modèles mécanistes distribués. L’objectif n’est pas d’en donner une liste exhaustive car ils sont bien trop nombreux. Certains ont été classés selon leurs formalismes des processus pris en compte et ont fait l’objet de revues bibliographiques (Ambroise, 1999; Flipo, 2005; Beven, 1989). Les modèles peuvent être notamment classés selon leur gestion de l’interface surface-sou , de la zone non saturée ou bien encore des échanges nappes-rivières. Comme précisé dans le chapitre 3, le fonctionnement des nappes dans la zone étudiée est fortement dépendant des échanges nappes-rivières qui se déroulent le long du corridor fluvial. La distribution des échanges nappes-rivières est soumise à des facteurs multi-échelle qui modifient l’épaisseur de la zone hyporhéique à l’échelle locale et les écoulements souterrains au travers du lit de la rivière (Ellis et al., 2007). Les échanges nappes-rivières à une échelle régionale sont contrôlés par les écoulements régionaux dans les systèmes aquifères proches (Malard et al., 2002; Rushton, 2007; Frei et al., 2009; Kalbus et al., 2009), à une échelle locale par la perméabilité du lit du cours d’eau (Calver, 2001; Hester and Doyle, 2008; Koch et al., 2011; Kaser et al., 2009) et par la morphologie du fond de la rivière
76 Chapitre 5. Les outils de modélisation des hydrosystèmes (Frei et al., 2010; Kasahara and Wondzell, 2003; Sawyer and Cardenas, 2009; Cardenas et al., 2004). Les échanges nappes-rivières sont simulés soit selon un modèle de conductance soit selon un modèle de continuité des champs de pressions aux interfaces. Le type d’approche utilisé dépend de l’échelle géographique de l’étude envisagée. A l’échelle régionale, c’est le modèle de conductance qui est le plus utilisé notamment dans des modèles distribués car il demande moins de temps de calcul que pour l’approche de continuité des champs de pressions. Cette approche suppose implicitement que les flux échangés entre la rivière et la nappe ont lieu verticalement. Ceux-ci sont calculés comme le produit de la différence de charge entre la nappe et la rivière par un coefficient de conductivité du lit de la rivière, ce dernier étant lui-même le plus souvent estimé comme le produit de la conductivité hydraulique du matériau du lit du cours d’eau par le ratio entre la superficie du tronçon de la rivière et l’épaisseur du lit du cours d’eau. Le modèle MODCOU calcule les échanges nappes-rivières selon une approche de conductance. L’évaluation de la charge en rivière utilisée pour le calcul peut être évaluée à partir d’un modèle numérique de terrain. Dans ce cas de configuration la cote de drainage en rivière est une condition aux limites constante dans le temps. Cette approche a été utilisée sur la nappe alluviale du Rhin et a permis de modéliser régionalement son comportement mais aussi d’évaluer l’importance des échanges nappes-rivières pour son fonctionnement (Thierion, 2011). D’autre part le modèle MODCOU permet de modéliser des zones d’infiltrations préférentielles tel que des gouffres qui sont présents sur notre zone d’étude. 5.2 Modèle couplé MODCOU
MODCOU est un code de modélisation hydrogéologique qui permet de simuler de façon couplée les écoulements de surface et en nappes. Développé par Ledoux (1980) au Centre de Géosciences de l’École des Mines de Paris (MINES ParisTech), il a été mis en œuvre sur des systèmes hydrologiques à l’échelle régionale tels le bassin du Rhône (Habets, 1998; Golaz-Cavazzi, 1999), le bassin de la Seine (Gomez, 2002), la nappe du Rhin (Thierion, 2011) et le bassin de la Somme (Korkmaz et al., 2009). Ce modèle utilise la méthode des différences finies pour la résolution des équations régissant les écoulements souterrains en milieu poreux. Les écoulements superficiels sont quant à eux simulés grâce à une modélisation paramétrique (Fig. 5.1). Il comprend un certain nombre de modules régissant les écoulements en surface, les écoulements en rivières, les écoulements dans la zone non saturée et dans domaine souterrain. Ces modules sont détaillés ci-dessous.
5.2.1 Représentation du système modélisé
La représentation des écoulements nécessite d’abord de définir la structure du système hydrologique à partir de données d’observation. La zone investiguée contient un domaine de surface englobant un ou plusieurs bassins versants et un domaine souterrain représentant 5.2. Modèle couplé MODCOU 77 une ou plusieurs formations géologiques qui peuvent interagir ou non avec le domaine de surface. Ces domaines sont discrétisés en mailles carrées de tailles variables (Fig. 5.1). Maille rivière Maille de ruissellement pur Maillage de surface Surface Aquifère 1 Maillages souterrains Aquifère 2
Figure 5.1: Schématisation de la représentation du système par des maillages carrés emboitées
5.2.2 Écoulements en surface : MODSUR
Dans le domaine de surface, le bilan hydrique est calculé grâce une modélisation paramétrique exprimée par les fonctions production. On y distingue des mailles de ruissellement pur et des mailles rivières en se basant sur l’arborescence du réseau hydrographique que l’on souhaite modéliser.
5.2.2.1 Bilan hydrique par les fonctions production
Les fonctions production sont basées sur un modèle à réservoir simulant la répartition de la lame d’eau disponible au sol entre l’infiltration, le ruissellement et l’évapotranspiration réelle à partir des précipitations (pluie et/ou neige) et de l’évapotranspiration potentielle. La figure 5.2 présente les 7 paramètres à renseigner pour une fonction production. Dans le premier réservoir (réservoir de bilan), à partir des précipitations globales (P en mm) et de l’évapotranspiration (ETP en mm), est calculé à chaque pas de temps des données météorologiques (typiquement journalier) un apport d’eau en fonction du stock d’eau (R en mm) que l’on compare au niveau moyen et minimal DCRT (mm) et CRT (mm). On en déduit une lame d’eau disponible pour l’écoulement et une lame d’eau stockée dans le sol. Dans le deuxième réservoir (réservoir de répartition) la lame d’eau disponible pour l’écoulement est répartie entre le ruissellement et l’infiltration en fonction d’une lame d’eau maximale d’infiltration FN (mm.j−1 ).
78
Chapitre 5. Les outils de modélisation des hydrosystèmes
Figure 5.2: Schéma du fonctionnement d’une fonction production
Les réservoirs de transfert reçoivent respectivement l’infiltration et le ruissellement. Ils sont vidangés ensuite selon un modèle exponentiel contrôlé par les paramètres CQI (j.−1 ) et CQR (j.−1 ). Ils permettent d’induire un retard à l’infiltration et au ruissellement afin de représenter les composantes lentes des écoulements. Les écoulements rapides sont déterminés par les paramètres QIMAX (mm) et QRMAX (mm) qui sont respectivement les capacités maximales stockables dans les réservoirs d’infiltration et de ruissellement. La lame d’eau sortant du réservoir simulant l’infiltration Qi (mm.j−1 ) est ensuite introduite dans la zone non saturée simulée par le module NONSAT. La lame d’eau ruisselée Qr (mm.j−1 ) est routée vers la rivière selon la méthodologie présentée ci-dessous. Les paramètres des fonctions productions expriment les caractéristiques des sols et de leur occupation intervenant dans le calcul du bilan hydrique. La méthodologie pour les définir est présentée dans la chapitre 6,
section 1.2. 5.2.2.2 Routage du ruissellement
Les lames d’eau ruisselées produites par les fonctions productions sur les zones de ruissellement pur (Fig. 5.1) sont transférées au réseau hydrographique par isochronisme (Golaz-Cavazzi et al., 1998). Chaque zone isochrone d’un sous bassin est caractérisée par le temps que met la lame d’eau ruisselée sur cette zone pour atteindre la maille rivière exutoire du sous-bassin. La lame d’eau ruisselée arrivant à une maille rivière au temps t est alors égale à : Qr(t) = K−1 Nk X X ( qrj (t − kdt)) (5.1) k=0 j=1
Où K est le nombre de zones isochrones du sous-bassin, Nk le nombre de mailles de la zone isochrone k, et qrj (t-kdt) la lame d’eau ruisselée sur la ma
j au temps t-kdt avec 5.2. Modèle couplé MODCOU 79 dt le pas de temps de calcul, typiquement un jour. 5.2.3 Écoulements en rivières
Le transfert des lames d’eau au sein du réseau hydrographique est assuré par un découpage en biefs de ce réseau. Chaque bief est constitué d’une zone isochrone, c’est-à-dire d’un ensemble de mailles rivières dont l’eau va mettre le même temps à atteindre l’exutoire du bassin. A un instant donné, le volume d’eau s’écoulant d’un bief vers le bief aval est donné par l’expression V x xib où xib représente le coefficient de vidange d’un bief vers le bief aval et V le volume d’eau contenu dans le bief. Le volume d’eau dans un bief i au temps t+dt est donc égal au volume dans ce bief au temps t diminué du volume vidangé entre t et t+dt et augmenté du volume vidangé au niveau des biefs situés en amont immédiat du bief de i, auquel on rajoute les apports sur le pas de temps par ruissellement et par échange avec la nappe. Ce volume est donné par la formule : Vi (t+dt) =
(1
−
xib )∗(Vi (t)+Qri (t)+Qnapi (t)+ N X (xibj ∗(Vj (t)+Qrj (t)+Qnapj (t))
(5.2
)
j=1
Avec Vi (t) le volume d’eau contenu dans le bief i au temps t, Qri (t) la lame d’eau ruisselée parvenant au bief i entre t et t+dt, et Qnap i(t) la lame d’eau échangée avec le domaine souterrain sur le bief i entre t et t+dt. Le volume d’eau dans un bief est ensuite réparti dans les mailles rivières. Le module de simulation des écoulements en rivières ne permet pas de calculer les hauteurs d’eau sur les mailles rivières. Le niveau d’eau est donc imposé constant et ne dépend pas des débits en rivière. 5.2.4 Interception des lames d’eau ruisselées vers les gouffres
Une lame d’eau qui ruisselle sur une zone de ruissellement pur va par hypothèse entièrement s’infiltrer vers l’aquifère lorsqu’elle rencontre une maille gouffre. Le ruissellement est alors interrompu au détriment de la maille rivière auquel il était destiné.
Figure 5.3: Schématisation des mailles gouffres
80 Chapitre 5. Les outils de modélisation des hydrosystèmes
5.2.5 Prise en compte d’entrées/sorties en rivières
Pour représenter les éventuels prélèvements en rivières ou les apports (STEP, débit imposé aux limites du système), un débit (m3.s−1 ) affecté à une maille rivière peut être renseigné. Celui positif (apport) ou négatif (pompage) est ajouté au débit disponible pour la maille à laquelle il est appliqué.
5.2.6 Transfert des lames d’eaux à travers la zone non saturée :
NONSAT La lame d’eau infiltrée calculée par le module de surface est transmise au domaine souterrain après avoir traversé la zone non saturée. La conceptualisation de ce transfert est basée sur l’approche de Besbes (1978) qui à partir d’étude à l’échelle du bassin versant, a conclu que les écoulements dans la formation non saturée pouvaient être décrits par une cascade de Nash. La zone non saturée est donc assimilée à une série de réservoirs de même épaisseur se déversant les uns dans les autres selon une loi exponentielle (Fig. 5.4). Cette représentation des écoulements dans la zone non saturée dépend de deux paramètres qui sont N le nombre de réservoirs et τ (j) la constante de vidange qui traduit le temps de percolation verticale de l’eau au sein d’un réservoir.
| 34,554
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7f7cc146ec2e498b1942d90a0f1de7d7_1
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French-Science-Pile
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Open Science
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Various open science
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FACTEURS PREDICTIFS DE MORTALITE CHEZ LES PATIENTS ATTEINTS DE PNEUMONIE A COVID-19
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None
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French
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Spoken
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ISSN: 2320-5407
Int. J. Adv. Res. 9(07), 237-244
Journal Homepage: - www.journalijar.com
Article DOI: 10.21474/IJAR01/13122
DOI URL: http://dx.doi.org/10.21474/IJAR01/13122
RESEARCH ARTICLE
FACTEURS PREDICTIFS DE MORTALITE CHEZ LES PATIENTS ATTEINTS DE PNEUMONIE A
COVID-19
Errifaiy Hayate, Boukoub Naila, Tajellijiti Nissrine, Elouradi Youssef and Khalouki Mohammed
Hôpital IBN-TOFAIL, Unité De Réanimation COVID-19 Centre Hospitalier Mohamed VI Marrakech.
……………………………………………………………………………………………………....
Manuscript Info
Abstract
…………………….
………………………………………………………………
Manuscript History
Received: 10 May 2021
Final Accepted: 14 June 2021
Published: July 2021
Introduction: La pandémie à COVI-19 a constitué un problème de
santé mondiale. Si toutes les catégories de la population peuvent être
touchées par l’infection au nouveau coronavirus SARS-CoV-2,
certaines développent plus fréquemment de formes graves. Les facteurs
prédits indépendants associes aux issues fatales varient d’une
population à une autre. Le but de cette étude est d’identifier les facteurs
épidémiologiques cliniques et dparacliniques prédictifs de mortalité liée
au COVID-19.
Materiels Et Methodes: Etude rétrospective observationnelle réalisée
au service de réanimation de l’hôpital IBN TOFEIL de MARRAKECH
sur une période de deux mois. Nous avons inclus tous les patients
hospitalisés durant cette période ayant une pneumonie à COVID-19
confirmée biologiquement (PCR positif) ou radiologiquement (lésions
scannographiques compatibles). Les renseignements cliniques et
paracliniques ont été obtenus avec des formulaires normalisés de
collecte des données à partir des dossiers médicaux. Le critère de
jugement était la survie ou le décès du patient. Pour l’analyse
statistique, nous avons utilisé le test Chi-2 ou test de Fischer pour
comparer les variables qualitatives, les variables quantitatives ont été
exprimées en moyenne (± écart-type) ou en médiane(Percentile), et
comparées par t-test de Student ou Mann-Whitney. Pour l’analyse
multi- variée, nous avons utilisé la régression logistique multiple à
l’aide de SPSS version10 pour Windows. Un p<0,05 est considéré
comme significatif.
Resultatas: cent-deux dossiers répondant au critères d’inclusion ont été
collectés durant cette période d’étude. L’âge moyen était 61,83±11
avec une nette prédominance masculine (65,7%). Le diabète est la
comorbidité la plus fréquente avec une prévalence de 59,8% suivie par
l’obésité (45,4% des patients avaient un indice de masse corporelle>
30kg/m²) et l’HTA dans 40,2% des cas. Le taux de mortalité était de
45,1%. L’analyse multivariée a objectivé une association significative
entre l’HTA OR7.69 IC à 95%(1.24-47.62), la dyspnée stade III-IV
OR 84.547 IC (3.296-4547,3), la survenue d’insuffisance rénale OR
114.897 IC (2.902-4547.3) et la mortalité.
Conclusions: Dans cette étude la mortalité était surtout associé aux
comorbidités tels que l’hypertension artérielle, le diabète, la présence
Corresponding Author:- Errifaiy Hayate
Address:- Hôpital IBN-TOFAIL, Unité De Réanimation COVID-19 Centre Hospitalier Mohamed
VI Marrakech.
237
ISSN: 2320-5407
Int. J. Adv. Res. 9(07), 237-244
de dyspnée stade III-IV à l’admission et la survenue d’insuffisance
rénale ainsi que des taux élevés de ferritine et de D-Dimère.
Copy Right, IJAR, 2021,. All rights reserved.
……………………………………………………………………………………………………....
Introduction:La covid-19 est une maladie causée par le coronavirus SARS-CoV-2[1]. Cette maladie infectieuse est une zoonose
dont l’origine est encore débattue. Elle a été émergée en 2019 dans la ville de Wuhan, s’est propagée d’abord dans
toute la Chine puis dans tout le monde, provoquant ainsi une pandémie mondiale [2]. Bien que la majorité des cas
présente des symptômes légers, un certain nombre de patients présente des formes graves allant d’une détresse
respiratoire à une défaillance multi-organique voire un issu fatal [3,4,5]. Plusieurs publications ont étudié les
facteurs prédictifs de formes graves ou de mortalité chez les patients atteints de covid-19 dans les cohortes
chinoises, américaines et européenne [6, 7,8 ,9]. Cependant, il existe des différences entre ces populations et la
population africaine.
Depuis les premiers rapports cliniques sur covid-19, l’âge avancé et les comorbidités associées, en particulier les
maladies cardiovasculaires ou cérébro-vasculaires, ont été mis en évidence comme facteurs de risque associés à des
formes graves voire mortelles de COVID-19[10, 11, 12,13].
L’objectif de cette étude est d’identifier les facteurs démographiques, cliniques et para-cliniques prédictifs de
mortalité chez les patients atteints de pneumonie grave à covid-19.
Materiels Et Methodes:Etude rétrospective observationnelle réalisée au service de réanimation de l’hôpital Ibn Tofail de Marrakech sur une
période de deux mois.
Nous avons inclus tous les patients hospitalisés dans notre service durant cette période ayant une pneumonie à
covid-19 confirmée biologiquement (RT-PCR positif) ou radiologiquement (lésions scannographiques compatibles
avec covid-19).
Les renseignements cliniques et para-cliniques ont été obtenus avec des formulaires normalisés de collecte des
données à partir des dossiers médicaux.
Le critère de jugement était la survie ou le décès du patient.
Analyse Statistique:
L’analyse statistique a été effectuée à l’aide du logitiel SPSS version 19.0 de windows. L’analyse descriptive a
consisté au calcul des fréquences absolues et relatives pour les variables qualitatives et des paramètres de
positionnement et de dispersion pour les variables quantitatives (moyen ± écart-type). La distribution normale des
variables a été étudiée par le test de Kolmogorov-Smirnov. En analyse bivariée, la comparaison des variables
qualitatives a fait appel au test statistique de Chi2 de Pearson et celui de Fisher si nécessaire. Les variables
quantitatives ont été comparées par le test de Student et le test de Mann Whitney.
L’analyse multivariée par régression logistique binaire a été utilisée pour modéliser les facteurs prédictifs du décès
des patients COVID-19.
Ainsi, le variable d’intérêt était l’évolution (favorable/décès). Les variables dont l’association était significative au
seuil de 20 %en analyse bivariée ont été incluses dans un modèle multivarié.
Les variables retenues dans le modèle final ont été sélectionnées en utilisant une méthode stepwiseforward avec un
seuil d’entrée à 0,2 et un seuil de sortie à 0,05.
Le test de Hosmer Lemeshow a été utilisé pour examiner la qualité du modèle final de régression logistique. Le seuil
de significativité était retenu pour un p<0,05.
238
ISSN: 2320-5407
Int. J. Adv. Res. 9(07), 237-244
Resultats:Cent deux dossiers répondant aux critères d’inclusion ont été collecté durant la période d’étude. L’âge moyen était
61,83 ±11 avec une nette prédominance masculine (65,7%). Le diabète est la comorbidité la plus fréquente avec une
prévalence de 59,8% suivie par l’obésité (45,4% des patients avaient un indice de masse corporelle> 30kg/m²) et
l’HTA dans 40,2% des cas.
Les cardiopathies, les dysthyroidies et l’insuffisance rénale ont été observés
respectivement chez 8,8%, 3,9% et 3,9% des cas (Tableau1).
Quatre-vingt-dix patients (88,2%) étaient dyspnéique à l’admission dont 28 (31,1%) avaient une dyspnée stade II, 56
(62,2%)
avaient
une dyspnée stade III et 6 patients (6,7%) une dyspnée stade IV de NYHA. Douze patients (12,7%) avaient une
saturation en oxygène <79%, 61,1% avaient une saturation entre 79 et 89% et 26,5% avaient une saturation en
oxygène supérieur ou égale à 90%. Le dextro à l’admission été normal chez 32 patients (31,4%), entre 1.5 et 3g/l
chez 53 patients (52%) et supérieur à 4 g/l chez 16,7% des patients. 82 patient avaient une tachycardie supérieur 80
battement par min et 59 patients avaient une polypnée avec une fréquence respiratoire supérieur à 30 cycles par
minute. Concernant les lésions scannographiques 30,4% des patients avaient une atteinte modérée entre 25 et 50% ,
30,4% avaient une atteinte sévère (51-75%) et 39,2 avaient une atteinte très sévère supérieur à 75%. Plus que la
moitié des patients (59,8%) avaient une durée d’évolution de leur maladie de 4 à 10 jours avant l’admission en unité
de soins intensifs, 14,7% ont été admis avant le 4éme jour et 25,5% ont été admis après 10 jours d’évolution de
leur maladie. 29,4% des patient avaient une durée d’hospitalisation inférieur à une semaine, 54,9% avaient une
durée d’évolution entre 1 et 2 semaines, 10,8% entre deux et trois semaines et 4,9% avaient séjourné plus de trois
semaines. Les complications observé chez ces patients étaient principalement des complications inflammatoires dans
24,5% des cas, thrombo-emboliques dans 24,5 % des cas avec des manifestations artérielle et veineuse,
l’insuffisance rénale dans 15 ,7% des cas, complications cardiaques dans 8,8% des cas et complications infectieuses
dans 7,7% des cas (figure 2).
Analyse Bivariee Et Multi-Variee :
Cette analyse a objectivé une association significative entre quelque paramètres démographiques et cliniques et la
mortalité, ainsi les patients âgés, hypertendues, ayant un dextro supérieur à 1,5g/l dyspnéiques stades III et IV,
tachycardes avaient un risque plus élevé d’évolution vers le décès. Biologiquement des taux élevés de ferritine, DDimère, et d’urée avaient également une association significative avec la mortalité
Tandis que dans l’analyse multi-variée, seul le diabète, l’hypertension artérielle, la dyspnée stade III et des taux
élevés d’urée et de ferritinémie sont restés associés significativement à la mortalité. La durée d’hospitalisation
n’avait pas une association avec la mortalité.
Figure 1:- Les complications observées chez les patients atteints de COVID-19 hospitalisées en réanimation:
inflammatoire
24.5
thromboliques
24.5
insuffisance rénale
Cardiaque
septique
sans
15.7
8.8
7.8
18.6
239
ISSN: 2320-5407
Tableau 1:- Caractéristiques démographiques et clinques des patients.
Caractéristiques
Âge (années)
Sexe
Mâle
Femelle
Comorbidités associés
Diabète
Obésité
HTA
Cardiopathie
Insuffisance rénale
Dystheroidie
Asthme
Hémopathie
BPCO
Dyspnée
Présente
Absente
Stade de dyspnée
II
III
IV
Saturation en oxygène à l’admission
<79%
79-89%
>90%
TDM toracique
25-50%
51-75%
>75%
Durée d’évolution avant l’admission
<4J
4-10J
>10J
Durée d’hospitalisation
<1 semaine
1-2 semaines
2-3 semaines
>3 semaines
Fréquence cardiaque
<80 bpm
80-100 bpm
>100 bpm
Fréquence respiratoire
<20 bpm
20-30 bpm
>30 bpm
Int. J. Adv. Res. 9(07), 237-244
Total (n = 102)
61,83 ±11 (28-83)
67 (56.7%)
35 (34.3%)
61(59.8%)
46 (45%)
35 (40.2%)
9 (8.8%)
4(3.9%)
59 (3.2%)
3 (2.9%)
2 (1.9%)
2 (1.9%)
90(88.2%)
12 (11.8%)
28(31.1%)
56(62.2%)
6(6.7%)
13 (12.7%)
62 (61.8%)
27(26,5%)
(30.4%)
(30.4%)
(39.2%)
(14.7%)
(59.8%)
(25.5%)
(29.4%)
(54.9%)
(10.8%)
(4.9%)
19 (18.6%)
56(54.9%)
27(26.5%)
3(2.9%)
41(40.2%)
58(56.8%)
240
ISSN: 2320-5407
Int. J. Adv. Res. 9(07), 237-244
Tableau 2:- Caractéristiques cliniques analyse bivarié.
oui
HTA
non
oui
Diabète
non
oui
Cardiopathie
non
oui
Dysthyroidie
non
Stade de dyspnée
II NYHA
Durée évolution
II NYHA
et
III
NYHA
<4
4-10j
>10j
<1,5
Dextro
1,5-4,0
Bandelettes
(Labstix)
urinaires
Négative
Positive
<80 bpm
Fréquence cardiaque(FC)
8099bpm
Fréquence respiratoire(FR)
>100 bpm
20-30
>30
Durée d’hospitalisation
<1S
1-2S
>2 S
Effectif
%
Effectif
%
Effectif
%
Effectif
%
Effectif
%
Effectif
%
Effectif
%
Effectif
%
Effectif
%
Effectif
%
Evolution
Favorable
16
39,0%
40
65,6%
33
54,1%
23
56,1%
5
55,6%
51
54,8%
2
50,0%
54
55,1%
24
85,7%
24
38,7%
Favorable
25
61,0%
21
34,4%
28
45,9%
18
43,9%
4
44,4%
42
45,2%
2
50,0%
44
44,9%
4
14,3%
38
61,3%
P
Effectif
%
Effectif
%
Effectif
%
Effectif
%
Effectif
%
Effectif
%
Effectif
%
Effectif
%
Effectif
%
8
53,3%
36
59,0%
12
46,2%
13
39,4%
26
37,7%
41
50,6%
15
71,4%
12
63,2%
35
62,5%
7
46,7%
25
41,0%
14
53,8%
20
60,6%
43
62,3%
40
49,4%
6
28,6%
7
36,8%
21
37,5%
Effectif
Effectif
%
Effectif
%
Effectif
%
Effectif
%
Effectif
%
9
28
65,1%
28
47,5%
13
43,3%
35
62,5%
8
50,0%
18
15
34,9%
31
52,5%
17
56,7%
21
37,5%
8
50,0%
0,008
0,84
0,99*
0,99*
0,001*
0,53
0,029
0,088
0,032
0,077
0,21
241
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Int. J. Adv. Res. 9(07), 237-244
*test de Fisher
Tableau 3:- Marqueurs biologiques : Analyse bivarié.
Evolution
N
Moyenne
Favorable
56
26611,55
Globules
blanc
(GB)
décédé
46
20382,60
Favorable
56
286017,85
Plaquettes (PQ)
décédé
46
265913,04
Favorable
56
942,82
Lymphocytes
décédé
46
940,67
Favorable
56
2820,28
D-Dimère
décédé
46
6983,02
Favorable
56
6,35
Fibrinogène
décédé
46
6,68
Favorable
56
161,87
Protéine C-Réactive
(CRP)
décédé
46
179,12
Favorable
56
,41
Urée
décédé
46
,78
Favorable
56
984,00
Ferritine
décédé
46
1680,87
Tableau 5:- Analyse multi-varié.
β
2
p
Ecart-type
38181,52
24678,34
106441,19
103382,74
534,54
660,54
4586,06
9809,00
2,01
1,58
99,99
129,46
,20
,71
560,03
1278,17
OR
P
,323
,339
,986
,010
,364
,461
,002
,001
IC pour OR 95%
Inférieur
Supérieur
,050
1,479
,084
3,077
Sexe
-1,298
2,267
,132
,273
Indice
de
masse -,675
,541
,462
,509
corporelle(IMC)
HTA
2,041
4,810
,028
7,69
1,24
47,62
Stade dyspnée
4,437
7,185
,007
84,547
3,296
2168,621
Dextro
-,551
,339
,560
,576
,090
3,686
Bandelettes urinaires
,107
,006
,938
1,113
,074
16,685
Fréquence respiratoire
1,175
1,694
,193
3,238
,552
18,986
Fréquence cardiaque
,398
,442
,506
1,488
,461
4,804
Fièvre
,773
,630
,427
2,165
,321
14,588
Durée d’hospitalisation
,057
,009
,925
1,058
,325
3,450
Age
-,245
,074
,786
,782
,133
4,602
D-dimère
,003
5,135
,014
1,003
1,000
1,005
Uree
4,744
6,389
,011
114,879
2,902
4547,300
Ferritine
,002
6,937
,008
1,002
1,000
1,003
Glycémie
1,082
4,335
,037
2,95
1,06
8,19
Saturation en oxygène -,187
,065
,799
,829
,197
3,499
(SPO)
β: Bêta constante, 2: Wald, p: degré de signification du test de Wald, OR: Odds Ratio: rapport de côte, IC:
intervalle de confiance ; * : p< 0,05 ; *** : p <0,001
Discussion:La majorité des patients inclus dans notre étude était de sexe masculin, âgé et avait des comorbidités associés, ce qui
peut signifie que le sexe masculin, l’âge avancé et les comorbidités associés sont des facteurs prédictifs de formes
graves de COVID-19 et d’hospitalisation en unité de soins intensifs. La tranche d’âge la plus touchée était celle de
60 à 80 ans. Ces résultats rejoint celles d’une méta-analyse de 611583 patients atteints de COVID-19 qui a mis en
évidence que ceux âgés de 60à 70 ans avaient un risque plus élevé de décès (OR :3.13 ;IC à95% : (2.61-3.76)[14].
Une autre étude chinoise concernant 44672 patients a rapporté que seuls l’âge et les comorbidités ont affecté
significativement la mortalité (OR=3,4 pour chaque augmentation de 10 ans de l’âge ;OR=10,3 en présence de
comorbidité.[15]
242
ISSN: 2320-5407
Int. J. Adv. Res. 9(07), 237-244
Le diabète est la comorbidité la plus fréquente dans notre série, mais l’hypertension artérielle était plus associé à la
mortalité que le diabète OR :7.69 IC à 95% : (1.24-47.62) versus OR :2.95 IC : (1.06-8.19). Cela rejoint une analyse
groupée qui a rapporté que l’HTA peut être associée à un risque jusqu’à 2.5 fois plus élevé de forme grave ou
mortelle de COVID-19 en particulier chez les patients âgés [16]. Même résultats ont été rapporté dans une métaanalyse concernant 4659 patients qui a objectivé une association significative de l’HTA à la mortalité OR 2.5
IC(2.1-3.1)[17]. Le diabète reste la comorbidité la plus fréquente chez les patients atteints de formes graves de
COVID-19 avec une association significative avec la mortalité. Cette association a été rapportée dans plusieurs
études; une méta-analyse a rapporté que le diabète était associé à un risque plus élevé de gravité et de mortalité chez
les patients atteints de covid-19[18]. Une deuxième méta- analyse de 33 études a rapporté que le diabète avait une
association très significative avec la mortalité des patients atteints de COVID-19 (OR= 2,16 ; IC95% : 1,742,68)[19]
L’obésité bien que dans l’analyse bivarié était associée à la mortalité mais dans l’analyse multivarié n’était pas un
facteur prédictifs de décès alors qu’une étude rétrospective à New-York concernant 200 patients a rapporté que
l’obésité sévère IMC> 30kg/m² était indépendamment associé à la mortalité.[20]
Cliniquement, la dyspnée stade III et IV est le seul facteur qui a resté associé significativement au risque de décès
dans l’analyse multivarié avec un RR = 84.547; IC : (3.296-2168.621). Sur le plan biologique des taux élevés de DDimère, d’urée et de ferritinémie étaient associés au risque de décès dans l’analyse multi-variée. Ce que l’on peut
expliquer par l’importance de l’inflammation qui augmente le risque des complications telles que l’insuffisance
rénale et les complications thromboemboliques et donc augmente le risque de décès. Retournons à nos résultats qui objectivent que la durée d’hospitalisation n’avait pas un impact sur la mortalité ce
qui nous permet de conclure que l’infection nosocomiale n’était pas incriminé dans la mortalité des patients atteints
de
COVID-19
hospitalisés
en
USI.
Conclusion:Les études sur les facteurs prédictifs de mortalité étaient nombreuses, et les résultats diffèrent d’une étude à l’autre
et d’une population à l’autre. Dans cette étude la mortalité était surtout associé aux comorbidités tels que
l’hypertension artérielle, le diabète, la présence de dyspnée stade III-IV à l’admission et la survenue d’insuffisance
rénale et des taux élevés de ferritine et de D-Dimère.
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244.
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2012BOR30053_15
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French-Science-Pile
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Open Science
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Various open science
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L'hybridité dans l'oeuvre de l'écrivain brésilien Moacyr Scliar (1937-2011) : judéité, imaginaire et représentations
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None
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French
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Spoken
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504
L’historien Oiliam José, au moment de reconstituer l’arbre généalogique de Tiradentes, insiste même sur le fait qu’il descenderait d’une famille de vieux chrétiens : « Precisamente, num desses sítios vizinhos, o de Pombal, localizado à margem direita do Rio das Mortes, mas então incluído no território da Vila de São João del-Rei, fora residir o jovem casal de agricultores, Domingos da Silva Santos e Antonia da Encarnação Xavier. O primeiro descendia de pais portugueses, André da Silva e Mariana da Motta, nascidos no Arcebispado de Braga, onde viveram e faleceram. D. Antonia era de São João del-Rei e teve pai luso, Domingos Xavier Fernandes, e mãe paulista, Maria de Oliveira Cozassa ou Colasso. E ambos possuíam dois elementos reclamados para gozarem da consideração social : sangue de brancos nas veias e ligações a troncos de cristãos velhos. » Oiliam José, Tiradentes, Belo Horizonte/São Paulo, Ed. Itatiaia/Ed. da Universidade de São Paulo, 1985, p. 20. 503 241
l’oppression dont ils sont tous les deux victimes. Car si c’est le manque de liberté qui amène Rafael Mendes à cacher son identité, à dissimuler son origine juive, c’est également le manque de liberté qui amène Tiradentes à se battre pour la construction d’une nouvelle société dans laquelle tous les êtres humains, indépendamment de leur ethnie ou leur religion seraient considérés comme égaux. À travers son discours passionné, le personnage historique nous fait comprendre que l’égalité des êtres humains doit passer par une révolution de la structure sociale qui inclut, à juste titre, l’abolition de l’esclavage : Agitado, caminhando de um lado para outro, expõe seu plano. Quer um país livre, uma república em que todos tenham seus direitos, vai mais longe : antevê um mundo melhor, um mundo de igualdade, liberdade e fraternidade. Nesse mundo ninguém passará fome nem frio. [...] Não haverá escravos. Máquinas farão todo o trabalho [...] Não se trata de um sonho utópico – prossegue Tiradentes. – Estamos trabalhando ativamente para isto... Nós, meus amigos e eu. Somos um grupo coeso, disciplinado, mas capazes de audazes vôos de imaginação. Somos patriotas, dispostos a derramar nosso sangue, se preciso for, para libertar esta terra do jugo português. Somos inconfidentes505. Ce que Tiradentes ne révèle pas à Rafael Mendes, c’est que même s’il est le propagandiste de la conspiration auprès de l’élite de Minas Gerais et bénéficie de leur soutien, lui-même occupe une position inférieure au sein du groupe. Appartenant à une couche intermédiaire de la population, il est le fils d’un petit propriétaire qui a préféré suivre une carrière militaire au lieu de faire des études supérieures. Il dispose a d’un revenu modeste, contrastant avec la richesse de la majorité des notables adeptes de la conjuration506. Cette situation explique la différence des projets socio-économiques lors de l’instauration du système républicain au Brésil. La majorité des membres de la conspiration s’opposait à l’abolition de l’esclavage, alors que Tiradentes était l’un des seuls à envisager ce projet. Les idées libérales au Brésil avaient des limites bien définies, car, à vrai dire, la liberté était perçue comme une nécessité majeure pour rompre les liens de la colonie avec la métropole, tout en conservant les structures socio-économiques. Du point de vue du régime politique adopté, la liberté était 505 Oiliam José, op.cit., pp. 162-163. Parmi ces notables, nous pouvons citer quelques-uns : le poète Claudio Manoel da Costa, le colonel Domingos de Abreu Vieira, le colonel Francisco Antonio de Oliveira Lopes, le colonel Ignacio José de Alvarenga, le capitaine João Dias da Motta, le docteur José Álvares Maciel, le père José da Silva e Oliveira Rolim, le capitaine José de Rezende Costa, le père José Lopes de Oliveira, le sergent-chef Luiz Vaz de Toledo Piza, le conseiller à la cour d’appel et poète Thomaz Antonio Gonzaga, entre autres. 506 242 également problématique. Même si la majorité défendait la formation d’une République fédérale, celle-ci ne garantissait pas le droit de tous à la participation politique. En outre, les conjurés n’avaient pas une orientation politique définie, mais plutôt un ensemble de propositions d’ordre secondaire, comme par exemple la fondation de la capitale de la Fédération à São João Del Rei ou encore la création d’une université à Vila Rica507. Tiradentes côtoyait l’élite brésilienne car elle constituait le groupe influant qui aurait pu conduire au changement politique508. Pour ce faire, il avait besoin de rassembler le maximum d’adeptes pour destituer l’Ancien Régime et lancer la Révolution. C’est justement dans ce contexte qu’il sollicite l’adhésion de Rafael Mendes au mouvement. Il était un notable, mais aussi un nouveau-chrétien opprimé par le pouvoir métropolitain et devrait sans doute aspirer à la liberté : « A justiça deve estar acima dos interesses, Mendes. Então te pergunto: posso contar contigo509? » Par la suite, Moacyr Scliar maintient toujours le suspense quant aux aspirations politiques de Rafael Mendes et, de ce fait, nous ne pouvons pas savoir s’il aurait accepté ou non l’invitation de Tiradentes. Le nouveau-chrétien tombe grièvement malade suite à une infection dentaire et reste dans un état comateux qui l’empêche de participer à la conspiration. Lorsqu’il se rétablit, il est déjà trop tard : Tiradentes est mort. Néanmoins, bien que le protagoniste n’ait pas pu participer activement à la conspiration, sa position neutre le trahit vers la fin de l’épisode et il manifeste ouvertement sa sympathie envers ce personnage historique. Lors d’un rêve prémonitoire particulièrement symbolique dans lequel il entrevoit la mort prochaine de Tiradentes, Rafael Mendes essaie en vain de lui venir en aide : Em seu delírio, Rafael Mendes vê Tiradentes, preso, ser julgado. O Tribunal funciona num vasto salão abobadado. Atrás de uma pesada porta, provida de um orifício, fica o delator – quem? Quando este quer confirmar uma acusação faz 507 Oiliam José, op.cit., pp. 59-60. Oiliam José observe que Tiradentes a accumulé au long de sa vie beaucoup de désillusions. Il n’avait pas réussi à épargner ; il n’était pas devenu un homme cultivé ; il n’avait pas réussi à faire carrière à l’armée, conservant toujours le grade de sous-lieutenant. Dans ce contexte, pouvoir articuler le mouvement de l’Inconfidência était pour lui une façon de finalement montrer ses capacités vis-à-vis de la société. Oiliam José, Tiradentes, Belo Horizonte/São Paulo, Ed. Itatiaia/Ed. da Universidade de São Paulo, 1985, pp. 53-54. 509 Moacyr Scliar, op.cit, p. 164. 508 243 baixar, por meio de um sistema de cordas e roldanas, a cabeça de um Cristo crucificado. De repente, esta cabeça cai, rola pelo chão, vem ter aos pés de Rafael. Ele levanta-a do chão ; a cabeça já não é mais de madeira, não é a cabeça do Cristo, é a cabeça ensangüentada de Tiradentes. Horrorizado, Rafael deixa-a cair. No delírio, debate-se na cama : quer se levantar, quer avisar o alferes de que está sendo traído. A custo conseguem contê-lo. Salvem Tiradentes, ele grita, desesperado, mas ninguém sabe do que está falando. [...] Veio o dia em que, ainda muito fraco saiu para um passeio. Na praça principal deteve-se, estarrecido. A visão da cabeça decepada de Joaquim José da Silva Xavier, espetada numa vara, arrancou de seu peito um fundo suspiro. Então, não era delírio. Então não era sonho 510. Ce n’est qu’à ce moment du récit que les stratégies de « sacralisation » du personnage historique deviennent explicites et incontournables. Avant, nous n’avions que la description des idéaux d’un personnage historique qui était apparemment à la tête d’un mouvement visant la transformation de la société brésilienne et qui cherchait l’adhésion d’un plus grand nombre de membres de l’élite pour pouvoir mettre son projet en place. Tiradentes n’avait donc pas encore le statut de héros national, car il n’avait pas encore été mis à l’épreuve par le renversement si attendu de la structure coloniale. Puisque la confrontation directe avec le pouvoir central n’a jamais eu lieu et que l’épisode de l’Inconfidência Mineira n’a pas réussi à dépasser son statut de conspiration pour atteindre celui d’une véritable révolution, l’image mythique que Moacyr Scliar choisit d’immortaliser est celle du héros martyr, écartant celle du militaire républicain, exposant son bel uniforme511. Disposant de ces deux portraits immortalisés du mythe construits au long de la République, Moacyr Scliar choisit celui du héros martyr ; l’unique bouc émissaire d’un mouvement avorté, le seul dont la vie a été sacrifiée au nom du bien collectif, à l’image du Christ. Cette association systématique que Moacyr Scliar établit entre l’image de Tiradentes et celle du Christ démontre à quel point l’iconographie chrétienne, construite par la tradition populaire et consolidée par les républicains, fait partie d’un inconscient collectif dans lequel s’inscrit également l’écrivain. À propos de la puissance de cet inconscient collectif, Paulo Miceli commente : Tratar de Tiradentes, apesar das dificuldades e riscos é sempre interessante. [...] Nele, a história que as pessoas chamam real ou verdadeira confunde-se com a tradição que alimenta o imaginário popular. Confunde-se e vai confundir-se sempre, porque inscrita em um espaço impenetrável para a ciência, pois enquanto a universidade rejeita (para justificar sua própria existência) uma história que, à falta 510 id.,ibid., pp. 164-165. Nous pensons ici à la représentation que José Washt Rodrigues a immortalisé de Tiradentes dans son tableau intitulé « Alferes Joaquim José da Silva Xavier ». 511 244 de evidências, dá livre curso à imaginação e à fantasia, a « massa » [...] ignora soberba as opiniões e sentenças que a academia continiua emitindo 512. Pour que l’écrivain, dans son univers symbolique, associe directement l’image du Christ à celle de Tiradentes et vice-versa, il a dû faire appel non seulement à la tradition populaire orale, mais aussi à d’autres analogies historiques qui créent ce réseau d’identification, sacralisant à jamais le personnage historique. En effet, si l’on compare la raison de la mort de ces deux personnages, on observe que tous les deux représentaient un « danger politique » pour leurs respectives autorités gouvernantes. Ils étaient considérés des « agitateurs politiques ». Júlio José Chiavenato, dans son ouvrage O Inimigo eleito, observe qu’au temps de Jésus Christ, la lutte de classes était intense en Palestine513. Les classes sociales étaient clairement divisées et, par conséquent, une tension sociale et politique se faisait sentir. Dans ce contexte, la religion a joué un rôle fondamental auprès des juifs. La forme la plus active de participation sociale était la dure condamnation éthique contre les riches proférée dans les paroles des prophètes. Au sommet de la communauté se plaçaient les saducéens qui étaient également à la tête du Sanhédrin et faisaient partie de l’oligarchie sacerdotale. Les pharisiens, quant à eux, formaient la classe moyenne, équilibrant les rapports entre le groupe dirigeant allié aux Romains et le peuple humble qui attendait patiemment le Messie, croyant aveuglement dans les paroles des prophètes. Jérusalem était un centre d’agitation politique et religieuse lorsque Jésus y est arrivé, salué comme l’espoir de la rédemption des pauvres et travailleurs. La présence de ce mystique agitateur au milieu de l’effervescence politique a fait redoubler la vigilance romaine face au danger d’une rébellion populaire. En vue d’éviter ce danger, les Romains ont collaboré avec les saducéens pour arrêter légalement Jésus et empêcher les manifestations populaires. Les prêtres se sont mis à attaquer et à condamner sévèrement toute tentative de révolte, toute désobéissance civile. La parole subversive de Jésus représentait le centre de cette révolte. L’épisode qui a sans doute déclenché l’emprisonnement et la condamnation à la crucifixion de Jésus Christ a été celui de l’invasion du Temple par lui et ses adeptes
Paulo Miceli, O Mito do herói nacional, São Paulo, Contexto, 1994, p. 41. Júlio José Chiavenato, O Inimigo eleito : os judeus, o poder e o anti-semitismo, Porto Alegre, Mercado Aberto, 1985
,
pp. 6-16. 513 245
suivie de l’expulsion des commerçants514. Pris par une furie libertaire, Jésus a proféré quelques blasphèmes qui ont été utilisés par les saducéens comme prétexte pour arrêter le dangereux subversif et le remettre aux mains des Romains. Pour Júlio José Chiavenato, le messianisme politique était donc à l’origine de la condamnation de Jésus. Un messianisme perçu comme le reflet de la lutte de classes dans la Palestine de l’Antiquité515. Jésus Christ a représenté en ce sens le bouc émissaire sacrifié, d’un côté, pour que la stabilité sociale soit maintenue, et, de l’autre, pour que l’on ne change pas les rapports de force qui garantissaient la domination impérialiste romaine. Son sacrifice a momentanément soulagé la turbulence politique populaire et a légitimé la domination des saducéens qui ont conservé leur pouvoir à la tête du Sanhédrin, avec collaboration des Romains. Les intérêts de la classe moyenne, représentée par les pharisiens, ont également été assurés. La condamnation de Jésus Christ aurait été une manœuvre politique. Ce fait se confirme par l’expression que les Romains ont inscrit sur sa croix : « Roi des juifs ». Cela signifie qu’on le voyait autoinvesti d’une mission politique et non divine. La mort de Jésus a été un acte politique assumé par la classe dominante juive pour éviter la déstabilisation de la Palestine et un moyen de garder une bonne entente entre les Romains et les saducéens. À ce sujet, Caifaz, le Prête Suprême de l’époque, a même convaincu le conseil qu’il valait m « qu’un seul homme périsse plutôt que toute une nation » (Jean, 11-50). Malgré le fait que le combat politico-religieux de Jésus Christ ait eu lieu ouvertement, bénéficiant d’un soutien populaire de plus en plus représentatif et que celui de Tiradentes n’ait pas dépassé le stade d’une conspiration entre quelques notables, la notion de bouc émissaire a également été appliquée à l’épisode de l’Inconfidência Mineira. Lorsque Tiradentes se fait arrêter par les autorités portugaises, il avoue être non seulement l’agitateur, mais aussi le leader du mouvement, et, de ce fait, on le condamne à la peine capitale avec onze autres conspirateurs. Toutefois, le destin de ces onze condamnés a été différent du sien, car lui seul a été exécuté, tandis que les autres ont vu leur peine commuée en exil 514 N’oublions pas que Moacyr Scliar s’approprie cet épisode biblique dans le roman Os Vendilhões do Templo (2006). 515 Júlio José Chiavenato, op.cit., p. 7. 246 perpétuel, signé par D. Maria I. Cette peine allégée contraste avec la cruauté de la peine appliquée à Tiradentes, qui non seulement est mort sous la potence, mais a eu ses membres écartelés et exposés dans différentes villes de Minas Gerais en guise d’avertissement contre toute tentative de rébellion. À l’image du Christ, Tiradentes a également été élu comme le bouc émissaire qui, une fois sacrifié, a permis le rétablissement de l’ordre ancien. Adoptant la perspective de René Girard, la victime, désignée comme étant coupable de tous les maux qui frappent le groupe, est éliminée de façon collective, permettant d’apaiser la violence516. Tiradentes est donc le seul à périr pour que le pouvoir portugais sur sa colonie soit maintenu. En plus d’être perçus tous les deux par les autorités comme des agitateurs politiques et d’avoir joué le rôle de boucs émissaires, d’autres points de convergence relient la vie de ces deux personnages, en l’occurrence, la trahison dont ils ont été victimes. La version historique de l’historien Joaquim Norberto de Souza Silva établissait déjà des analogies entre la biographie de Tiradentes et celle de Jésus, afin de forger l’image mythique d’un conspirateur symbole d’un héros martyr : Retirou-se o alferes desconsoladíssimo do palácio e em caminho encontrou-se com o seu mau gênio [Joaquim Silvério dos Reis]. Como querendo patentear-se mais seu amigo [...], avisou-o o coronel Joaquim Silvério que tivesse conta em si, que se retirasse [do Rio de Janeiro] pois que o vice-rei, informado de suas práticas, andava com grande cuidado sobre ele, e mais dia menos dia seria preso. Era o beijo do Iscariota! Com a bolsa recheada do preço da traição vinha sentar-se Judas à mesa de Jesus Cristo517. Nous pouvons observer par ce témoignage historique, non dépourvu de subjectivité, le rapprochement explicite entre le récit historique de Tiradentes et celui de la fondation de la religion chrétienne. Dans cet extrait, on repère la figure du traître qui vend son leader aux ennemis politiques. Joaquim Silvério est explicitement comparé à Judas, ce qui implicitement rapproche une fois de plus Tiradentes du Christ. Bien que le récit de Moacyr Scliar ne fasse aucune référence explicite aux noms des délateurs, comme dans le passage ci-dessus, le lecteur est amené à établir l’analogie entre Tiradentes et Jésus de par la trahison dont ils ont été tous les deux 516 Cf. René Girard, Le Bouc émissaire, Paris, Grass
et, 2006. Apud Sílvia Carneiro Lobato Paraense, « Histόria, memόria e mito no Romanceiro da Inconfidência », op.cit., p. 25. 517 247 victimes. C’est pour cette raison qu’une fois que la délation, ou plutôt, la trahison a lieu, la tête du Christ roule par terre et se transforme en celle de Tiradentes, coïncidence qui dénote dans l’imaginaire de Rafael Mendes une équivalence entre ces deux personnages historiques. Du moment où la tête qui roule peut aussi bien être celle de Tiradentes que celle du Christ, la stratégie de sacralisation non seulement est réussie, mais atteint son niveau le plus abouti, car il s’agit d’identifier un personnage historique au fils de Dieu.
III.5) Le mouvement vers la désacralisation
Nous pourrions penser, en dernière analyse, que si le Tiradentes scliarien se voit comme un nouveau-chrétien et que, par conséquent, nous le percevons comme le Christ, ces analogies nous amènent à suggérer que la sacralisation de Tiradentes s’étend d’une certaine manière aux nouveaux-chrétiens dans la fiction scliarienne. Mais ce mouvement de sacralisation du juif que l’écrivain instaure lors de la récupération du passé des nouveaux-chrétiens n’est jamais stable, s’orientant vers une perception désacralisante du juif dans le présent. En d’autres termes, la sacralisation de l’élément juif par le passé ne garantit pas la construction d’une identité juive exempte de doute, de méfiance et même d’une certaine haine envers soi-même lors de cette découverte dans le présent du protagoniste. Si le mouvement vers la sacralisation avait été véritablement réussi, le Rafael Mendes contemporain, à la fin de la lecture du Premier cahier du nouveau-chrétien, n’aurait pas formulé son identité juive dans ces termes : Não era judeu, agora é judeu, ou meio-judeu, ou descendente de judeus, ou judaizante, ou cristão-novo, ou membro da nação, não importa : o certo é que agora tem algo de judeu, não a circuncisão, mas algo ; o que não acontecia antes e que é no mínimo desagradável, e até deprimente. Como descobrir um dente cariado518. Il y a, d’une certaine manière, dans le basculement de la sacralisation du passé vers la désacralisation du présent, une distance ironique de la part de l’écrivain suivie de ce que l’on appelle l’humour juif. Cet humour qui sous-tend la littérature scliarienne signifie une attitude où le sujet se prend lui-même comme objet de son 518 Moacyr Scliar,
A
Estranha nação de Rafael Mendes, op.cit., p. 259. 248 humour519. C’est parce que Moacyr Scliar est juif qu’il se permet de se moquer du juif d’une façon particulière, visant plutôt une désacralisation non destructive de son image. Il fait preuve d’un humour d’autodérision qui, dans un sens élargi, peut devenir et devient, en général, un comportement de vie face aux désagréments du destin humain. Comme l’observe Judith Stora-Sandor, « l’expression avoir le sens de l’humour, correspond à la nature de cette attitude dans la vie qui permet à l’homme de s’élever au-dessus de sa propre condition et de considérer ses malheurs, ceux de son groupe restreint ou ceux de la condition humaine en général, avec un certain détachement520 ». Dans le cas de Moacyr Scliar, écrivain sensible à l’Histoire et qui a une conscience aiguë de la tragédie de l’Histoire juive, il est difficile de se contenter de restituer seulement une image sacrée des juifs, car insister sur cette dimension reviendrait à fermer les yeux sur une Histoire dans laquelle l’antisémitisme a été omniprésent, bâtissant une image négative des juifs à travers le temps. Certains, ne pouvant pas toujours se battre, finissent par assimiler ces idées figées à des degrés plus ou moins intenses. Dans ce contexte, puisque Moacyr Scliar emprunte quelques clichés dépréciatifs du juif, nous ne pouvons pas affirmer qu’A Estranha nação de Rafael Mendes s’insère dans un projet d’idéalisation ou de cristallisation de l’image du juif dans la société brésilienne, même si parfois l’écrivain porte un regard bienveillant sur ses personnages. C’est plutôt une vision humaniste que Moacyr Scliar cherche à dévoiler. Pour cette raison, désacraliser l’image du juif est, en dernière analyse, une façon de se positionner dans le monde et d’avoir un regard lucide sur sa propre Histoire, constituée d’hommes qui disposaient du libre arbitre pour pratiquer autant le bien que le mal. En ce sens, les stratégies de sacralisation et désacralisation dont l’écrivain use, au-delà de s’inscrire naturellement dans la fiction sans choquer le lecteur, permettent également la cohabitation harmonieuse, dans le récit, d’éléments les plus disparates qui composent ce que Moacyr Scliar appelle son « étrange nation » : 519 Judith Stora-Sandor, L’Humour juif dans la littérature : de Job à Woody Allen, Paris, Presses Universitaires de France, 1984, p. 16. 520 id., ibid., p. 12. 249 Que estranha nação é esta, que inclui profetas rebeldes e bandeirantes cegos, médicos famosos e índios caducos, grandes financistas e salafrários como Boris Goldbaum521? Après avoir analysé le processus de traduction culturelle, en ce qui concerne les stratégies de sacralisation/désacralisation de l’identité juive à travers le rôle des personnages historiques, nous poursuivrons l’analyse de l’œuvre scliarienne dans cette même perspective, élisant, cette fois-ci, la figure de l’Indien. 521 Moacyr Scliar, A Estranha nação de Rafael Mendes, op.cit., p. 259. 250
CHAPITRE III L’INDIEN COMME SOI-MEME : LE POSTCOLONIALISME ET L’INDIEN DANS L’ŒUVRE SCLIARIENNE
Penser le concept de postcolonialisme dans la réalité brésilienne renvoie forcément à une révision de la période du Brésil colonial à la lumière du présent. Comme nous l’avons vu dans la première partie de notre étude, Walter Mignolo considère les trois processus historiques tels que la fin de l’ère européenne, l’émergence des États-Unis et le premier stade de la décolonisation du Tiers-Monde comme étant le début de l’époque postcoloniale522. Mais il nous rappelle que ce terme peut également être employé pour penser la colonisation espagnole et portugaise du début du XVIe au XIXe siècles, puisque cette période historique suscite, à l’instar de la décolonisation du XXe siècle, une réflexion sur ses conséquences culturelles, ce qui expliquerait l’origine des représentations hybrides actuelles. Comme l’avance Serge Gruzinski : « Si tous les métissages ne naissent pas forcément d’une conquête, ceux que l’expansion occidentale a déclenchés en Amérique débutent invariablement dans les décombres d’une défaite523. » En effet, la domination culturelle, politique et économique européenne est le point commun qui relie les pays postcoloniaux aux anciennes colonies espagnoles et portugaises d’Amérique, partageant entre elles une histoire moderne fondée sur les 522 Voir la première partie de notre étude ( Hybridité et postmodernité).
Walter Mignolo, Historias Locales/Diseños Globales : Colonialidad, Conocimientos Subalternos y Pensamiento Fronterizo, Madrid, Ediciones Akal, 2003, p. 165. 523 Serge Gruzinski, La Pensée métisse, Paris, Fayard, 1999, p. 60. 251 notions binaires telles que centre/périphérie, colonisateur/colonisé, européen/natif, modernité/tradition, qui sont au centre de la réflexion postmoderne en ce qui concerne l’axe postcolonialiste. Dans le chapitre précédent, nous nous sommes intéressés à la manière dont Moacyr Scliar revisitait les personnages mythiques de l’Histoire brésilienne tout en les transformant en symbole de l’altérité juive. Nous poursuivons à présent notre étude dans cette même perspective. Toutefois, à l’analyse des personnages historiques précis, tels que Zambi et Tiradentes, devenus des héros mythiques nationaux, nous nous intéresserons dorénavant à un « tout collectif » devenu le mythe fondateur de la nation brésilienne : l’Indien. À partir de la deuxième moitié du XXe siècle la représentation de l’Indien dans les productions culturelles brésiliennes est revisitée tenant compte du rapport entre le Moi-colonisateur et l’Autre-colonisé, ce qui permet d’instaurer un dialogue entre les productions littéraires et les études théoriques postcoloniales. À travers la déconstruction de la pensée colonialiste, qui, pendant toute la période romantique, a élu comme image du Brésil-nation un Indien idéalisé, des écrivains contemporains comme Moacyr Scliar revivent le processus de destruction et d’effacement des racines indigènes provoqués par la « mission civilisatrice » du colonialisme tout en portant au grand jour la fragmentation du sujet indigène actuel. Doté d’une représentation assez paradoxale, l’Indien oscille, d’une part, entre une image idéalisée prônée par la littérature romantique du XIX e siècle, qui le place comme symbole du héros brésilien primordial, et d’autre part, une image méprisée par l’historiographie moderne, qui, voulant étouffer le conflit du choc des civilisations, a également étouffé la voix de l’Autre et son Histoire. À contre-courant de cette tendance, l’historiographie contemporaine et les productions littéraires postmodernes comme celles de Moacyr Scliar cherchent justement à revisiter ce passé colonial, portant à la fois un regard nouveau sur les interstices de l’Histoire et sur le discours romantique fondateur de la nation brésilienne. Ainsi, comme nous le verrons, c’est en convoquant Littérature et Histoire, tout en les remettant systématiquement en question, que Moacyr Scliar donne accès au lecteur à une meilleure compréhension de qui était l’Indien de l’époque coloniale et qui est véritablement l’Indien aujourd’hui, dans un projet net de 252 concéder la voix aux marges, aux oubliés de l’Histoire, ou encore, comme le dirait Linda Hutcheon, aux « ex-centriques524 ». Pour mener à bien notre étude, nous partagerons ce chapitre en trois parties. Dans la première, nous nous intéresserons à repérer le dialogue que l’écrivain établit avec l’Histoire coloniale. Pour cela, nous nous concentrerons sur les rapports entre les jésuites et les Indiens, plus précisément en ce qui concerne l’expérience des aldeias525. Dans un deuxième temps, nous analyserons dans O Centauro no jardim (1980) comment le centaure Guedali procède à la récupération de l’Indien dans le discours de la postmodernité au travers des stratégies postcoloniales comme la désacralisation et la remise en question de la place de l’Indien historique et de l’Indien littéraire. La représentation de l’Indien sera également articulée à la symbolique du cheval dans la région du Rio Grande do Sul. Puis, la troisième partie sera consacrée au suivi du parcours qui mène Moacyr Scliar à construire l’altérité indigène tout en s’appuyant sur une identification progressive entre l’ en et le juif. Le sommet de cette identification se trouve dans la métafiction historiographique A Majestade do Xingu (1997), révélant une démarche de traduction culturelle. Nous travaillerons essentiellement avec les romans suivants : O Centauro no jardim (1980), A Estranha Nação de Rafael Mendes (1983), Cenas da vida minúscula (1991), A Majestade do Xingu (1997) et Os Vendilhões do Templo (2006). 524 Linda Hutcheon, Poética do pós-modernismo : história, teoria, ficção, op.cit. Le terme « aldeia » ou « aldeamento » souligne le caractère artificiel des villages jésuites créés pour mieux gérer l’évangélisation des Indiens au Brésil. Ce lieu n’est cependant pas présenté comme une « invention jésuite » mais comme une création du gouverneur Mem de Sá, mis en place à partir de 1558, conseillé en cela par le provincial Père Manoel da Nóbrega, après dix années de présence au Brésil. Charlotte de Castelnau-L’Estoile, Les Ouvriers d’une vigne stérile : les jésuites et la conversion des Indiens au Brésil (1580-1620), Lisbonne-Paris, Centre Culturel Calouste Gulbenkian/Commission Nationale pour les Commémorations des Découvertes Portugaises, 2000, p. 107. Certains historiens, comme Luís Felipe de Alencastro préfèrent garder le nom d’aldeamento. Dans notre étude, nous choisissons le nom aldeia, celui sous lequel les jésuites le désignent à la fin du XVI e siècle. Cf. Luís Felipe de Alencastro, O Tratado dos viventes : formação do Brasil no Atlântico Sul, séculos XVI e XVII, São Paulo, Companhia das Letras, 2000. 525 253
I) Les interstices de l’Histoire coloniale : jésuites et Indiens dans le Nouveau Monde Le rapport entre jésuites et Indiens sous les tropiques, loin d’être une simple histoire d’imposition de la religion chré
à un peuple dépourvu de religion, révèle un processus complexe d’interpénétration culturelle dans le rapport à l’Autre. Moacyr Scliar comprend très bien le rôle des jésuites dans ce processus, mettant en évidence les principaux enjeux du travail missionnaire au Brésil. Revisitant la biographie du Père José de Anchieta, dans A Majestade no Xingu, l’écrivain nous fait réfléchir sur des notions telles que le vœu de chasteté professé par les jésuites et leur rapport à la mort. Puis, dans Os Vendilhões do Templo, le conflit provoqué par le monopole du sacré entre jésuites et pajés ainsi que la spécificité du métissage culturel né dans les aldeias constituent deux thématiques chères à l’écrivain.
I.1. Père José de Anchieta : faire son salut et celui des Indiens
En revisitant l’Histoire coloniale, Moacyr Scliar, avant de construire ses personnages, fait preuve non seulement d’une solide documentation sur le sujet, mais aussi d’une compréhension des enjeux religieux et culturels de l’époque. On trouve un cas illustratif de ces enjeux lors de la construction du personnage historique, Père José de Anchieta526, dans A Majestade do Xingu. L’apparition courte du jésuite canarien en seulement quatre pages s’insère dans les fabulations du protagoniste juif anonyme qui, pendant son enfance, a fréquenté le collège catholique José de Anchieta, un hommage de l’établissement au jésuite. Nous pouvons observer d’ailleurs que cet hommage se réfère à l’importance du rôle de José de Anchieta auprès des Indiens. 526
José de Anchieta fut à la fois un grand missionnaire et la figure littéraire la plus importante du Brésil colonial au XVIe siècle, auteur de pièces de théâtre, de poèmes, du catéchisme et de la grammaire tupi. Il est né aux îles Canaries, en 1534, d’une famille d’origine basque, apparentée aux Loyola. En 1550, il étudie à Coimbra où il entre dans la Compagnie de Jésus. Il est remarqué pour son talent littéraire et sa ferveur religieuse. Envoyé en 1553 au Brésil, il devient le compagnon du Père Manoel da Nóbrega, puis sera lui-même appelé à des tâches d’administrateur (recteur et provincial, de 1578 à 1585). Après avoir quitté sa charge, il se retire dans la capitainerie d’Espírito Santo et passe la fin de sa vie dans les aldeias. Le 9 juin 1597, il meurt dans l’aldeia de Reritiba à Espírito Santo. Son corps est ramené à la capitainerie de Rio de Janeiro pour des obsèques solennelles. Le représentant de l’évêque de Bahia, Bartolomeu Simões Pereira, prélat de Rio de Janeiro et la plus haute autorité ecclésiastique de la colonie, prononce son éloge funèbre. À cette occasion, il qualifie le jésuite d’ « Apôtre du Brésil ». Cf. Charlotte de Castelnau-L’Estoile, Les Ouvriers d’une vigne stérile : les jésuites et la conversion des Indiens au Brésil (1580-1620), op.cit., p. 449. 254
En effet, José de Anchieta est généralement considéré par l’historiographie moderne comme l’ « Apôtre du Brésil », formule qui rend compte de son appréciation morale et du lien fort que l’unit au Brésil, lieu perçu comme une terre d’accueil sacrée. Les recherches de Charlotte de Castelnau-L’Estoile montrent que Quirício Caxa a été l’un des premiers biographes de José de Anchieta qui cherchent à rattacher la vie du jésuite à la mission527. La place de cette tâche est tellement importante dans le parcours d’Anchieta que Quirício Caxa finit par effacer d’autres épisodes qui ne sont pas directement liés à la mission, tels que les affrontements entre Français et Portugais pour la prise de la baie de Guanabara au début des années 1560, ou encore, son séjour comme otage chez les Tamoios, anciens ennemis des Portugais pendant la durée des négociations de paix entre ces Indiens et les Portugais (1563). De plus, l’auteur souligne le fait que José de Anchieta a pratiqué toutes les formes de conversion des Indiens au Brésil : vie sédentaire dans les aldeias, mission itinérante, vie parmi les Indiens non soumis. Le neuvième chapitre, consacré à son provincialat, donne l’image du missionnaire qui ne veut pas quitter son troupeau pour une charge plus honorifique. Dès qu’il peut, Anchieta revient à ses Indiens : Posto no cargo que aceitou com muito sentimento e angústia do seu coração, não mudou nada de seu andar comum e acostumado nem para com os índios, aos quais sempre acudia a pé e descalço, todas as vezes que podia furtar o corpo às obrigações de seu ofício528. Il est intéressant d’observer que son zèle missionnaire est symbolisé ici par la marche à pied, ce qui le rend différent d’autres missionnaires qui refusaient d’aller dans les aldeias ou d’avoir un contact direct avec les Indiens. Toutefois, son amour pour les Indiens n’est pas le seul élément qui explique son titre d’ « apôtre du Brésil ». Pour faire partie du groupe de saints, un homme religieux doit impérativement faire preuve de chasteté. Considérée comme l’un des principes de base des Constitutions Jésuites529, créées par Ignace de Loyola, cette vertu, en ce qui 527 Les deux premières biographies de José de Anchieta, celles de Quirício Caxa et de Pero Rodrigues sont restées manuscrites pendant longtemps et n’ont été publiées qu’au XX e siècle dans la collection des œuvres complètes d’Anchieta, éditée par le Père Helio Vitti. Quirício Caxa et Pero Rodrigues, Primeiras
biografias de José de Anchieta, S
ão Paulo
,
Edições Loyola
, 1988. In
Charlotte de Castelnau-L’Estoile
,
op.cit.
, p
.
450. 528 Quirício Caxa et Pero Rodrigues, Primeiras biografias de José de Anchieta, São Paulo, Edições Loyola, 1988, p. 26. 529
Le texte des Constitutions Jésuites est ainsi une référence constante pour les jésuites puisqu’ils sont invités à le relire tout au long de leur vie. On y trouve explicité le mode de fonctionnement de la Compagnie de Jésus. « Constitutions, Examen premier et général », in Ignace de Loyola, Écrits, Paris, Desclée de Brouwer, 1991, p. 114. 255 concerne José de Anchieta, est évoquée par le provincial Père Manoel da Nóbrega à propos de leur séjour chez les Tamoios (1563), pendant les trois mois qui a duré leur captivité. Dans les mots de Nóbrega, l’aldeia indienne est comparée au « feu de Babylone », auquel Anchieta échappe « sans qu’un seul de ses cheveux ne soit roussi530 ». Dans sa correspondance, on retrouve les mêmes formules utilisées pour parler des dangers des aldeias : Para se livrar destes ardentíssimos perigos e propinqüíssimas ocasiões usava de muita oração e comunicação com Deus. Encomendava-se fortissimamente a Virgem N. Senhora de quem era e foi sempre devotíssimo, em especial de sua puríssima concepção. Usava de disciplina, que sempre teve em costume por presentíssimo remédio para toda doença em especial para esta531. Charlotte de Castelnau-L’Estoile observe que cette thématique de la chasteté est également développée dans la biographie de José de Anchieta, écrite par Pero Rodrigues, qui permet de saisir de façon précise les difficultés concrètes que pose au missionnaire la vie parmi les Indiens, du point de vue du respect du vœu de chasteté. L’auteur évoque la façon dont les Pères Nobrega et Anchieta, lors de leur séjour de négociation chez les Tamoios, répondent aux questions que leur posent les Indiens à propos à la fois de la paix et de leur façon de vivre. C’est précisément l’abstinence des jésuites qui provoque l’incompréhension des Indiens, qui souhaitent sceller la paix par des alliances matrimoniales : E posto que com as razões que lhes davam em suas perguntas em todas as matérias se davam por satisfeitos, só na matéria da pureza não podiam tomar pé seus brutos entendimentos, nem cuidar que havia pessoas que guardem a castidade ; ofereciam suas parentas, conforme a seu costume, como em confirmação das pazes, mas vendo em diferente maneira da vida dos padres, mostravam grande espanto, e cobravam muito crédito de sua virtude. E ainda neste particular incrédulos, chegaram uma vez a lhe perguntar pelos pensamentos e desejos, dizendo assim: « Nem quando as vedes as desejais? » Ao que respondeu o Padre Manuel da Nóbrega, mostrando umas disciplinas : « Quando nos salteiam tais pensamentos acudimos com esta mezinha. » De que ficaram muito mais espantados, cobrando maior respeito aos padres532. Ce récit est un exemple de lutte victorieuse contre la tentation de la chair. Pour Charlotte de Castelnau-l’Estoile, la sainteté de José de Anchieta ne réside pas tellement dans le fait qu’il soit indifférent à ces tentations ou qu’il n’ait pas eu de mauvaises pensées, mais plutôt qu’il parvienne à en triompher, en ayant recours à la 530 Quirício Caxa et Pero Rodrigues, Primeiras biografias de José de Anchieta, op.cit., p. 20. In Charlotte de Castelnau-L’Estoile, op.cit.,
p. 466. 531 id., ibid., p. 466. 532 id., ibid., p. 467. 256 fois à la prière et à la mortification de la chair533. C’est d’ailleurs grâce à ses qualités exceptionnelles de résister au péché que son supérieur, le Père Nóbrega, a pu le laisser seul parmi les Indiens, contrairement au règlement des missions534. Attentif à la biographie de José de Anchieta et à son travail auprès des Indiens, Moacyr Scliar, tout en respectant l’image sainte construite par l’historiographie, met sa chasteté à l’épreuve, révélant ce qui aurait pu constituer un interstice de l’Histoire lorsqu’il met en scène un Anchieta assailli par des mauvaises pensées, mais triomphant à la tentation charnelle. Regardant un tableau accroché à l’entrée du collège, le protagoniste de A Majestade do Xingu voit un homme courbé, pied nu, écrivant des vers dans le sable d’une plage paradisiaque. Cette représentation d’Anchieta transporte le protagoniste anonyme au XVIe siècle, à l’époque du Brésil colonial. Il imagine ainsi que José de Anchieta prend pour domestique Jaci, une jeune fille de treize ans qui admire la maîtrise de la parole et l’écriture du jésuite. Elle le suit en cachette lors de ses promenades solitaires pendant lesquelles il s’isole à la plage pour se consacrer à la prière et à l’écriture de vers dans le sable. Jusque là, Moacyr Scliar écarte toute possibilité d’un contact direct avec la jeune indienne, et les documents historiques attestent cette méfiance d’Anchieta envers les femmes. Aux yeux du jésuite, les femmes indigènes « andam nuas e não sabem se negar a ninguém, mas até elas mesmas cometem e importunam os homens, jogando-se com eles nas porque têem por honra dormir com os Cristãos535 ». La femme, commente Mary del Priore, devient ainsi « la cible préférée des prêcheurs536 », et contre elle et le sexe les missionnaires proféraient de nombreux discours. Pour aider le jésuite à faire son salut, conservant sa chasteté, le règlement des Constitutions Jésuites imposait une discipline stricte. Pour ce faire, il fallait donc limiter les occasions, notamment en évitant au jésuite, résidant de collège ou d’aldeia, de se trouver seul face à une femme indigène. La présence d’un compagnon était à cet effet indispensable : 533 Idem. « e quando o Padre Nóbrega o deixou, bem sabia quem deixava, de quem não menos confiava nesse particular que de si mesmo. » Quirício Caxa et Pero Rodrigues, Primeiras biografias de José de Anchieta, op.cit., p. 20.
In
Charlotte
de
Castelnau
-L
’Estoile
,
op.
cit., p. 467. 535 « Carta do padre José de Anchieta ao padre mestre Inacio de Loiola, prepósito geral da Companhia de Jesus, de Piratininga, julho de 1554 », in José de Anchieta, Cartas : informações, fragmentos históricos e sermões, Belo Horizonte/São Paulo, Itatiaia /EDUSP, 1988, p. 78. 536 Mary del Priore, A Mulher na História do Brasil, São Paulo, Contexto, 1989, p. 16. 534 257
No se mande de ordinario ninguno fuera de casa sin companhero, sin especial licencia del P. Provincial ni por fuera se aparte uno de otro por distancia en que no se puedan ver uno a otro, sino con mucha necesidad y quanto tornare para casa den cuenta deso al superior537. Pour Charlotte de Castelnau-L’Estoile, cette surveillance mutuelle apparaît comme une sorte de contrepoint à l’ouverture au monde extérieur auquel invite l’idéal missionnaire de la Compagnie de Jésus538. Ces conseils qui s’adressent à l’ensemble de la province deviennent plus spécifiques et insistants lorsqu’il s’agit de la vie dans l’aldeia. Dans cette forme sédentaire de la mission, l’ennemi est désigné comme étant la femme indigène, incarnation du péché de chair. Le regard d’un autre jésuite ici devient presque vital : Y quanto fuere possible no hablen en la porteria ni en la iglesia con mugeres deteniendose con ellas sin estar otra persona de casa o de fuera presente ni salgan fuera de casa por el Aldea sin compañero ni en ella queden sin el, en quanto fuere possible539. À cette première barrière, représentée par le regard de l’autre, s’ajoute une seconde barrière, cette fois-ci matérielle, constituée de portes et de clés qui doivent être surveillées surtout la nuit : Como fuere de noche se cierren las puertas de la casa que van para fuera y el superior recoia luego las llaves y no se sirvan de indias para traer agua ni las consientan venir de noche con limosnas a la porteria540. Ces exemples, insistant sur la mise à l’écart des femmes indigènes, confirment bien que le péché de la chair est perçu dans le règlement jésuite comme la tentation la plus forte à laquelle le missionnaire était exposé. Étant donné la difficulté de mettre face à face un jésuite et une femme indigène, Moacyr Scliar, sensible à ce contexte, trouve le moyen de provoquer une approximation entre José de Anchieta et l’indienne par le biais de la maladie541. Jaci 537 ARSI, Bras. 2, « Para lo General de la Provincia », in Confirmação que de Roma se enviou à Província do Brasil de algumas cousas que o P. Cristóvão de Gouveia Visitador ordenou nela o ano de 1586, § 8, apud Charlotte de Castelnau-L’Estoile, op.cit., p. 129. 538 id., ibid., p. 129. 539 ARSI, Bras. 2, « Para las aldeias », in Confirmação que de Roma se enviou à Província do Brasil de algumas cousas que o P. Cristóvão de Gouveia Visitador ordenou nela o ano de 1586, § 4, apud Charlotte de Castelnau-L’Estoile, op.cit., p. 130. 540 id., ibid. 541 Il est intéressant d’observer que l’intérêt de Moacyr Scliar pour le rôle joué par les jésuites dans le soulagement de la souffrance vient également de son intérêt pour l’Histoire de la médecine au Brésil. À ce propos, voir son essai Do mágico ao social : a trajetória da saúde pública, Porto Alegre, L&PM, 1987. 258 tombe subitement malade et, sur ce point, Moacyr Scliar imagine, d’une façon vraisemblable, que le missionnaire lui transmet sa maladie. En effet, le contact fréquent avec les Blancs a été source de contamination de nombreux Indiens qui, ignorant ces maladies venues d’Europe, n’avaient aucune défense immunitaire pour lutter contre elles. Bien que l’esclavage et les guerres expliquent la progressive dépopulation indigène, les épidémies ont fait des ravages encore plus conséquents
. Par ailleurs, si les registres historiques attestent le fait qu’Anchieta souffrait d’une tuberculose au niveau des os, ce qui serait à l’origine de son départ au Brésil et de sa représentation en tant que bossu, ces mêmes registres sont davantage parcimonieux au moment d’expliquer la raison de sa mort. Toutefois, pour Moacyr Scliar, cette maladie était la tuberculose, qui avait suivi Anchieta pendant toute sa vie : Era um homem doente, o padre. Os livros escolares mencionam o fato sem dizer que doença era, mas a gente sabia que se tratava de tuberculose. Desde a época da Descoberta, a tísica acompanhava a história brasileira – e continuava uma ameaça bem presente : aqueles magros mulatos de olhar brilhante, febril, aquelas mulheres pálidas, emaciadas... Em nossa casa, tuberculose era um tema constante, como havia sido na Europa. [...] No quadro, Anchieta não parecia tuberculoso. Meio magro, sim, encurvado também, débil, talvez – mas doente? Não aos olhos enlevados do artista. O que tínhamos ali não era um enfermo, era um homem bom, um homem santo 543. Malgré la maladie d’Anchieta, qui le rend victime et coupable à la fois, son rôle d’homme vertueux n’est pas remis en question au début du récit, d’autant plus que la sainteté du jésuite se confirme par la permission d’être seul avec une femme, n’ayant pas besoin du regard inquisiteur de ses compagnons, comme le détermine le règlement des Constitutions : 541 Moacyr Scliar, A Majestade do Xingu, op.cit., p. 70. Bien que les sources sur les maladies qui ont ravagé les populations indigènes soient restreintes, il est connu que la variole a été la responsable de la plus grande mortalité produite au XVI e siècle.
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F.1.2.2. Gestion de l'énergie
Les figures F.6 à F.8 présentent la consommation instantanée et l'évolution de l'état de charge de la batterie sur des cycles 10-15 modes pour différents état de charge initiaux (55.8% fig. F.6, 70% fig.F.7 et 20% fig. F.8). Le fonctionnement du moteur thermique est également représenté pour un état de charge initial de 55.8%. Les figures montrent une bonne corrélation mesures/simulations, les modèles de composants représentent donc bien ceux de la Prius-II. Cela montre aussi que les lois de gestion de l'énergie sont proches de celles implémentées dans le véhicule. Cela reste vrai y compris pour des états de charge extrêmes différents de conditions "normales" d'utilisation (boost interdit, puissance demandée par la batterie très négative ). On observe par exemple que pour une batterie très déchargée (fig. F.7) le moteur thermique démarre (donc consomme) même si le véhicule est à l'arrêt. A l'inverse pour un état de charge initial élevé (fig. F.8), la partie du cycle en mode électrique est plus importante que pour un cycle à bilan batterie nul. Cependant, on observe des différences principalement sur la gestion de l'énergie du système. Par exemple, aux instants 180 et 330 figure F.6 le véhicule reste en mode tout électrique alors que, en simulation nous démarrons le mode hybride. Cela peut s'expliquer par une différence sur les lois gérant la stratégie (P dechyb (SoC)) ou par une vitesse du véhicule différente due au suivi de cycle qui n'est jamais parfait (en mesure notamment). Ces différences sont cependant minimes et énergétiquement peu significatives puisque, au final, à bilan batterie nul, le moteur fournit toute l'énergie. Cela n'influe donc
ment pas sur la consommation de carburant. 56 1.4 80 55 Simulation Measurement 70 Vehicle Speed 60 1 53 40 30 speed in km/h 50 consumption in g/s 54 SOC in % Simulation Measurement 1.2 52 0.8 0.6 0.4 20 51 10 50 0 100 200 300 400 time in s 500 600 0.2 0 700 0 2500 Simulation Measurement 100 200 300 400 time in s 500 600 700 Simulation Measurement 120 2000 100 engine torque in Nm engine rpm 0 140 1500 1000 80 60 40 20 0 500 -20 0 0 100 200 300 400 time in s 500 600 -40 700 0 100 200 300 400 time in s 500 600 700
Figure F.6. Spped in km/h Measurement Simulation 100 100 90 90 80 80 70 70 60 60 47.5 % 74 % 78 % 80 % 50 40 30 50 40 30 20 20 10 10 0 0 2 4 6 8 10 Time in s 12 14 16 18 0 0 2 4 6
Figure F.9. 0–100 km/h acceleration
8 10 Time in s 12 14 16 18
ANNEXE F. F.1.2.3. Flux d'énergie
En mode hybride, l'énergie dans le système Toyota peut circuler dans deux directions dans ME1 et ME2. Le couple de ME2 est quasiment toujours négatif (opposé à celui du moteur thermique), donc selon la vitesse respective de ME1 (fixée par celle des roues) et celle du moteur thermique, la vitesse de ME2 sera positive ou négative (relation de Willis). La puissance de ME2, donc de ME1, sera donc positive ou négative (Figure F.10). En supposant que la batterie ne fournit pas d'énergie, deux cas de figure se présentent : • La puissance de ME2 est négative (généralement à haute vitesse moteur thermique), alors la puissance circule dans une direction intuitive "normale". La puissance arrivant au train épicycloïdal se sépare en deux, une partie part directement vers l'arbre de ME1 donc les roues, l'autre partie circule dans ME2 puis ME1 (dérivation de puissance). • la puissance de ME2 est positive (faible vitesse/puissance moteur), alors la puissance électrique circule de ME1 vers ME2. La puissance de ME2 s'ajoute à celle du moteur dans le train épicycloïdale, et cette puissance se sépare en deux au niveau de l'arbre de ME1 ; une partie part aux roues l'autre transite par ME1. A noter que, dans les deux cas, cette circulation d'énergie entraîne des pertes dans les machines, il devient donc important dans certains cas de minimiser le flux électrique et de ne pas chercher uniquement "optimiser" le fonctionnement du moteur thermique (meilleur Csp) [151].
Battery Battery Bost converter Boost converter Generator Generator Pelec Pelec Engine Engine Motor Peng Peng-Pelec Motor Peng Peng+Pelec Peng Peng « Normal » energy flow generator Engine Motor positive generator speed energy re-circulation generator Engine Motor negative generator speed
Figure F.10. Energy flow in THS systems
Les deux modes de circulation de l'énergie peuvent être observés expérimentalement en regardant les puissances dans ME1, ME2 et la batterie. Considérant que la puissance est positive dans les machines quand elles fonctionnent en moteur, si la puissance de ME2 est négative, on a un mode "normal" et si elle est positive, un mode recirculation d'énergie. La figure F.11 présente la puissance de ME2 mesurée et simulée sur la partie extra-urbaine du cycle NEDC, l'alternance entre les deux modes de fonctionnement y est clairement observée. Mesure et simulation sont suffisamment proches pour valider notre modèle, ANNEXE F. ARTICLES 120 particulièrement concernant la gestion de l'énergie. A noter que, en mode électrique, une petite puissance existe dans ME2 pour équilibrer le train épicycloïdal.
re circulation flow 15 150 100 Electric mode 10 5 50 0 0 -5 -10 Simulation Measure speed 800 850 900 950 1000 time in s 1050 1100 1150
Figure F.11. GEN power on EUDC uses cycle
Vehicle speed in km/h Generator power in kW Normal Flow
ANNEXE F. ARTICLES 121 F.2. Optimal sizing of an electrical machine using a magnetic circuit model : application to a hybrid electrical vehicle
L'article complet [104] est référencé sous : V. Reinbold, E. Vinot, L. Garbuio and L. Gerbaud. "Optimal sizing of an electrical machine using a magnetic circuit model : application to a hybrid electrical vehicle", IET Electrical Systems in Transportation, 2016, vol. 6, pp. 27-33 Une version auteur est disponible aux liens suivants : http ://madis-externe.ifsttar.fr/exl-php/DOC00024119 https ://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01301720/document Cette annexe présente uniquement un extrait de l'article concernant le modèle RNM et sa validation avec flux 3D. L'article complet comprend aussi, entre autres, des résultats d'optimisation du système dans deux cas différents : l'un utilisant uniquement un facteur d'échelle, toutes les dimensions de la machine subissent un facteur et l'autre avec 10 paramètres indépendants. Des écarts de l'ordre de 2% sur la consommation peuvent alors être observés et montrent l'intérêt de modèle dimensionnants de machines électriques.
Modélisation par réseau
de ré
luc
tance : Le modèle de circuit magnétique utilise une équivalence magnéto électrique. Il est basé sur la connaissance d'un jeu de paramètres géométriques (fig. F.12) comprenant la largeur de l'entrefer, les dimensions des aimants, le rayon externe du stator, les caractéristiques des bobinages et la longueur de la machine. Cela conduit à un circuit magnétique (fig F.13) où chaque réluctance dépend des paramètres géométriques. Les sources magnétiques dépendent de l'amplitude I des courants et de l'angle interne δ, i.e. l'angle orienté entre les courants et l'axe Q. 92 16.4 27 5 7 27 52 82 0.6 Depth = 85 mm
Figure F.12. Geometrical representation of one eighth of the initial IPMSM STATOR Sources AIR-GAP ROTOR magnets Figure F.13. Magnetic circuit model of one eighth of the IPMSM
ANNE
XE
F
.
ARTICLES 123 ANNEXE F. ARTICLES 124 F.3. Building of an electrical machine thermal model in the context of a hybrid electric vehicle global optimisation
L'article complet [36] est référencé sous : M. Le Guyadec, E. Vinot, L. Gerbaud, P. Lombard, A. Chaumond and T. Boussey. "Building of an electrical machine thermal model in the context of a hybrid electric vehicle global optimization", vppc 2017, pp 1-6 Une version auteur est disponible aux liens suivants : https ://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01713398/document http ://madis-externe.ifsttar.fr/exl-php/DOC00028587 Cet article présente rapidement les travaux de Mathias Le-Guyadec sur le développement et la validation d'un modèle thermique de machine synchrone à aimant enterrés. Un modèle éléments finis (§F.3.1) a d'abord été développé et validé avec des mesures et a servi au développement d'un modèle circuit (§F.3.2) rapide pouvant être utilisé dans un processus de dimensionnement.
F.3.1. Construction du modèle éléments finis
Le logiciel Flux à été utilisé en statique pour construire le modèle élément finis et comprendre les échanges thermiques. La géométrie est celle de la figure F.14, les dimensions sont représentées figure F.12. Les têtes de bobines sont représentées par des volumes massifs en jaune sur la figure. Les données principales pour la construction du modèle sont fournies dans le tableau F.1. Les pertes injectées dans la machine sont également présentées dans ce tableau. Les pertes Joule et pertes fer sont calculées à partir du modèle réluctant présenté dans [104]. Ces valeurs obtenues pour un point de fonctionnement de référence de 180 N.m @ 960 tr/min similaire à celui utilisé dans [152]. Figure F.14. EM geometry used for the FEA (Flux). Les températures obtenues sont représentées figure F.15. La température maximale est de 149°C et est observée dans les têtes de bobine. La figure F.17 donne des résultats complémentaires. Le principal
apport de
ce modèle est cependant la compréhension
des
princip
aux chemins d'échanges
therm
iques : ANNEXE F. ARTICLES 125 • le flux principal va des têtes de bobines vers le carter, environ 92% de la chaleur générée passe par l'interface stator/carter ; • le brouillard d'huile de refroidissement interne permet de limiter la température des têtes de bobine mais il n'y a pas d'échange thermique important à ce niveau ; • le rotor a un impact mineur sur les échanges thermiques
Figure F.15. EM temperatures obtained (Flux). Tableau F
.1. Characteristics of the finite element model Volumes permanent magnets casing slot (axial) slot (radial) end-winding air gap stator & rotor (axial) stator & rotor (radial) Surfaces stator/casing contact oil equivalent layer slot insulation casing forced cooling casing natural cooling Losses copper losses iron losses (stator) Characteristics λ : [W * m−1 * °C−1 ] λP M = 47.3 aluminium / λcas = 52 copper / λslax = 394 copper & insulation / λslrad = 4.7 copper & insulation / λend = 4.7 oil/air / Couette flow / λgap = 10 iron / λax = 5.21 iron / λrad = 51.9 h : [W * m−2 * °C−1 ] & E : [m] λctc = 0.075 / Ectc = 6.10−5 λeq = 0.0125 / Eeq = 5.10−4 ⇐⇒ hoil = 25 Mylar-type material λslins = 0.125 / Eslins = 19.10−5 Tcas = 97°C T∞ = 50°C / hcas = 5 P : [W ] PCL = 935 PIR = 84
ANNEXE F. ARTICLES 126 F.3.2. Construction du modèle circuit
Le modèle circuit thermique (LPTN) est développé sous Matlab et est représenté schématiquement figure F.16. Les résultats obtenus avec les éléments finis sont utilisés pour représenter les chemins d'échanges thermiques avec la meilleure précision possible. Le modèle fonctionne comme décrit ci dessous : • les entrées sont les pertes et les paramètres géométriques du modèle • les coefficients d'échanges thermiques sont définis à partir de valeurs trouvées dans la littérature • les sorties sont les températures aux noeuds du modèle
La figure F.16
représente une coupe axiale de la machine. Les dimensions ne sont pas respectées. Le carter (casing) est refroidi par des canaux de refroidissement à eau dont la température est régulée de façon externe. Les pertes Joules (CL) et les pertes fer (IL) sont des sources de chaleur. Les chemins de transfert sont représentés par des résistances thermiques équivalentes : • en bleu clair pour la conduction • en bleu foncé pour les contacts • en vert pour la convection Les lignes obliques représentent des échanges ortho-radiaux au stator (entre les dents et les encoches dans notre cas). Le refroidissement interne est assuré par un mélange huile/air (brouillard) projeté sur les têtes de bobine (en jaune). Figure F.16. Thermal network considered
Un calcul analytique est réalisé pour trouver la température à chaque noeud. Il suffit pour cela de résoudre le système d'équation linéaire déduit des lois de Kirchoff appliquées à chaque noeud du circuit. Les résultats sont présentés figure F.17. Elle montre le profil de température à l'intérieur de la machine. Les résultats de référence obtenus avec la méthode des éléments finis sont représentés en bleu. A noter que, avec les éléments finis, la température n'est pas celle d'un point précis mais la valeur moyenne dans le volume considéré. Une fourchette indique donc les températures min/max dans ce volume. Les cercles rouges représentent les températures trouvées avec le modèle LPTN. Les croix représentent la température max dans les têtes de bobines. Les erreurs relatives sur les températures stator et rotor ANNEXE F. ARTICLES 127 entre les deux modèles sont inférieures à 3%. Il en est de même pour la température d'huile (120° C) non représentée ici. Une comparaison des flux de chaleur entre modèle FEM et LPTN à montré que ceux-ci sont respectés. La plus grande différence est trouvée au niveau de l'échange entre encoche et stator avec 10% d'erreur.
170 160 EM temperature - LPTN End winding max.temp. - LPTN EM temperature - Flux3D End winding max.temp. - Flux3D max. permissible winding temp. 150 140 130 120 110 100 90 Casing Stator ring Slot Air gap Rotor ring-sup Magnets Rotor ring-inf
Position in the EM: from outside the EM (left) to the center (right) Figure F.17. EM temperature profile. FEA (blue) and LPTN (red) are compared.
ANNEXE F. ARTICLES 128 F.4. Time reduction of the dynamic programming computation in the case of a hybrid vehicle
L'article complet [79] est référencé sous : E. Vinot. "Time reduction of the Dynamic Programming computation in the case of hybrid vehicle", International Journal of Applied Electromagnetics and Mechanics, IOS Press, 2017, vol 53, pp 1-15 Une version auteur est disponible aux liens suivants : https ://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01474338/document http ://madis-externe.ifsttar.fr/exl-php/DOC00026538 Cet article présente les travaux réalisés sur la programmation dynamique en termes de formulation du problème (construction du graphe) et algorithmes de résolution. Pour les véhicules hybrides, résoudre le problème de programmation dynamique revient à trouver dans le plan SoC en fonction du temps la meilleure "trajectoire" de SoC qui minimise la consommation le long d'un cycle de conduite connu à l'avance. La contrainte sur le SoC final est en général garantie par construction des limites du graphe (fig. F.19). Le problème est ensuite résolu en utilisant le principe d'optimalité de Bellman [102] de manière itérative. Un débit de carburant (coût) est associé à chaque arc entre deux points consécutifs des colonnes k et k+1 (fig. F.20). La consommation sur une trajectoire est simplement la somme des coûts des arcs de cette trajectoire. Les limites du graphe sont déterminées en calculant l'évolution du SoC le long du cycle en mode tout électrique et en mode hybride avec recharge maximale de la batterie. L'espace SoC(temps) est ensuite discr isé dans les deux axes. La méthode la plus simple est de faire un "maillage" régulier selon les deux axes (fig. F.19, Regular grid). Avec ce type de maillage, les arcs correspondant au mode tout électrique n'ont aucune chance de correspondre à des arcs présents dans le graphe. Cela peut engendrer des erreurs importantes sur la consommation et ne permet pas de faire un réel choix de la stratégie (mode électrique /hybride). Une solution retenue dans [74] est de considérer l'arc le plus proche comme l'arc électrique et de lui affecter une consommation nulle. Cette méthode peut engendrer de grosses erreurs sur le SoC final qui ne sera pas "respecté", sauf à discrétiser très finement le domaine. Une solution proposée dans nos travaux est donc de créer un maillage irrégulier" (fig. F.19, Non regular grid) pour que les arcs électriques soient des arcs du graphe. Il suffit pour cela de commencer les arcs d'un point d'une colonne par celui correspondant au mode tout électrique. Une fois les coûts des arcs calculés plusieurs méthodes de résolution sont envisageables : • Une méthode "intuitive" qui consiste à utiliser une boucle sur chaque point de chaque colonne dans la boucle sur le temps. Pour chaque point de la colonne k+1 le débit de carburant des arcs pouvant atteindre ce point est ajouté à la consommation associée aux points de la colonne k sur le meilleur chemin de 0 à k (fig. F.18). La trajectoire correspondant à la consommation minimale est alors sélectionnée. L'avantage de cette méthode est que, seuls les arcs "valides" (considérant les limites du système) sont pris en compte. Le principal inconvénient est l'utilisation de deux boucles, ce qui est peu efficace en termes de temps de calcul. • Une méthode à base de matrices permet de traiter tous les points d'une colonne en une fois en utilisant une matrice creuse de taille M*M (M nombre de points d'une colonne) (F.20. Deux ANNEXE F. ARTICLES 129 matrices M*M sont utilisées, l'une avec les coûts des arcs permettant de joindre chaque point de la colonne k+1 (coût mis à Inf si l'arc n'est pas possible), l'autre avec les consommations depuis t=0 associées aux points de la colonne k. Il suffit alors de prendre le min de chaque ligne pour résoudre le problème. L'inconvénient est de traiter avec des matrices très grosses 1000 × 1000 voire 5000 × 5000, ce qui réclame un gros "effort" de calcul pour construire matrices et réaliser les opérations ci-dessus. • Une méthode dont l'idée est de construire des matrices uniquement pour les arcs valides dont la taille sera donc très réduite smax ∗ M (fig. F.21). Deux matrices d'indices seront aussi utilisées : l'une contenant sur chaque ligne les indices des points de la colonne k atteignant les points de la colonne k+1. L'autre dont les lignes sont composées des indices dans l'éventail (fig. F.18) des coûts atteignant ces points. Cette méthode permet de travailler avec de "petites" matrices (typiquement 20 × 1000) pleines qui permettent un gain en effort de calcul. Les tableaux F.2 et F.3 présentent les temps de calcul pour les trois méthodes pour des discrétisations en SoC de 0.05% et 0.01% pour une architecture de type THS avec les paramètres de l'annexe F.1. La méthode avec des matrices "pleines" y apparaît comme étant la plus efficace et permet des temps de calcul et des résolutions avec une discrétisation de 0.05% (le plus souvent utilisée dans nos calculs), de 2 à 10s, pour une architecture de type THS, (de 1 à 3 seconde pour une architecture hybride parallèle car le calcul des coûts des arcs est beaucoup plus simple).
arc: coût=D(δsoc) i=S_max SoC batterie espace de recherche mode électrique charge max δsoc hybride hybride charge max SoC max éventail des arcs i=0 éventail des arcs SoC initial SoC final SoC min décharge max vitesse vehicle cycle de conduite T e k temps k+1
Figure F.18. programmation dynamique : principe
ANNEXE F. ARTICLES 130
Battery SOC Regular grid maximum charge limit dsocelec Initial SOC value dsocelec Final SOC value maximum discharge limit "electrical mode" discharge Battery SOC Non Regular grid maximum charge limit Initial SOC value dsocelec Final SOC value maximum discharge limit "electrical mode" discharge
Figure F.19. Maillage régulier et irrégulier Battery SOC M ilim_max(k+1) SOC max i1_sup(i2) i2 i1_sup(i2) J*k+C i2 i1_inf(i2) SOC min 1 k ilim_min(k+1) k+1 Figure F.20. Résolution ave des matrices
ANNEXE F. ARTICLES 131 Battery SOC
M is_sup(i2) i1_sup(i2) SOC max 1 i1_inf(i2) Smax i1_sup(i2) ilim_max(k+1) i2 J*k+C 1 Smax i1_inf(i2) i1_sup(i2) is_inf(i2) SOC min M i2 1 1 Smax ilim_min(k+1) k+1 k
Figure F.21.
solution avec des matrices pleines
Tableau F.2. Computer effort for different driving cycle with a graph precision of -0.05 % Drive cycle THS SPHEV1 EVT Ampera -0.05 Graph précision Time of cycle in s 560 843 1805 1181 Million of edge 3.5 6.3 18 7.9 Time of edge cost calculation in s 1.5 1.9 5.1 2.5 Fuel consumption in l/100km 3.772 4.124 5.309 3.720 Time to solve DP in s A : Point to point method 3.82 7.24 18.7 10.4 B : Matrix method 32 4.9 13.5 6.9 B : Index matrix method 0.6 1.2 4.6 1.9
ANNEXE F. ARTICLES 132 Tableau
F
.3. Computer effort for different driving cycle with a graph precision of -0.01 % Drive cycle THS SPHEV1 EVT Ampera -0.01 Graph précision Time of cycle in s 560 843 1805 1181 Million of edge 865 151 435 194 Time of edge cost calculation in s 4.5 9.3 25 11.6 Fuel consumption in l/100km 3.768 4.118 5.299 3.714 Time to solve DP in s A : Point to point method 20.3 38.9 104 54 B : Matrix method 682 106.1 2485 149 B : Index matrix method 7.9 19.8 62.66 23.6
ANNEXE F. ARTICLES 133 F.5. Comparison of different power-split hybrid architectures using a global optimisation method
L'article complet [46] est référencé sous : E. Vinot. "Comparison of different power-split architectures using a global optimisation design method", Int. J Electric and Hybrid Vehicles, 2016, vol. 8, pp. 225-241. Une version auteur est disponible aux liens suivants : https ://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01394060v2/document http ://madis-externe.ifsttar.fr/exl-php/RIS00000028 Cet article présente notamment les résultats de dimensionnement obtenus en appliquant la méthode présentée chapitre 4 (§4.3.3) aux quatre architectures suivantes : • architecture de type Toyota (fig. C.7), • architecture de Série Parallèle sans réducteur supplémentaire (fig. C.5, SPHEV 1), • architecture de type EVT (fig. C.11) avec un réducteur sur l'arbre du moteur thermique (suite à de précédentes études [21]) • architecture de type Opel Ampera (fig. C.8). Les composants de "base" (cartographie, châssis véhicule ) sont ceux de la Toyota PRIUS présentés annexe F.1.
La figure F.22 présente les fronts de Pareto nombre de modules batterie (un module = 46 Wh)/consommation du véhicule, obtenus avec une fonction objectif calculée par pondération des consommations sur les trois cycles Artémis. J1 =
4.J1urb + 0, 3.J1rout + 0, 3.J1auto (F.1) où J1urb, J1rout, J1auto représentent les consommations sur cycles urbain, routier et autoroutier. Nous pouvons observer que les architectures à dérivation de puissance type Toyota ou Opel-Ampera sont les plus performantes. Les solutions à base d'EVT, même en ajoutant un réducteur entre le moteur thermique et la machine électrique [21, 134] restent sensiblement moins performantes en termes de consommation, et les solutions simples de type série-parallèle présentent des consommations de plus de 10 % supérieures à celle des hybrides à dérivation de puissance. Nous pouvons observer que l'architecture de type Ampera est celle qui présente globalement la plus faible consommation, très légèrement mieux que l'architecture de type PRIUS. Cela est dû à la présence de trois "embrayages" (deux connectés au train épicycloïdal, fig. C.8). Ils permettent de bloquer la couronne du train et donc la machine ME2 dans certains modes de fonctionnement, évitant ainsi des pertes dans ME2. Ce n'est pas le cas dans le système Toyota, et par exemple, en mode électrique, le soleil et la couronne du train tournent (parfois à haute vitesse 5000 à 10000 tr/min). Le rotor de ME2 (à aimant permanent) tourne donc aussi et entraîne des pertes dans la machine. Les architectures de type EVT et série-parallèle présentent les moins bonnes consommations. L'architecture EVT est moins efficace que celles à base de trains épicycloïdaux principalement parce que les points de fonctionnement du système ne peuvent être choisis avec autant de liberté. En particulier ME2 est souvent contrainte de fonctionner ANNEXE F. ARTICLES 134 dans des zones à faibles rendements [21]. Cela est particulièrement vrai dans des conditions de type urbaines à faibles vitesses. Dans ces conditions les moteurs thermiques et électriques des architectures avec des trains épicycloïdaux fonctionnent à relativement haute vitesses et bon rendement. L'architecture série-parallèle est celle qui a les moins bonnes performances. Ne pouvant fonctionner qu'en mode série ou parallèle, les points de fonctionnement des composants ne peuvent pas être choisis avec autant de facilité que dans les architectures à dérivation de puissance. Par ailleurs, les limitations sur les vitesses maximales du moteur thermique notamment, obligent à utiliser fréquemment le mode hybride série. En mode autoroutier avec 30 modules batterie le mode série est utilisé 50 % du temps. Le tableau F.4 présente des points du front de Pareto et les paramètres optimaux associés pour des packs batterie avec 10, 20 et 30 éléments. Pour les quatre architectures la taille du moteur thermique décroît quand celle de la batterie augmente. D'un autre côté, la taille des machines électriques (particulièrement ME2) tend aussi à décroître, car si le moteur thermique est moins puissant, moins de puissance sera dérivée en flux série. Les puissances du moteur et des machines sont similaires pour les différentes architectures pour des tailles de batteries équivalentes. Seule l'architecture série-parallèle possède des composants plus puissants. A noter qu'aucune contrainte sur les volumes des composants n'est appliquée. Pour cela un troisième objectif a été ajouté au processus d'optimisation : le volume du système composé du moteur thermique et des deux machines électriques. A noter que des simulations avec 5 objectifs (un pour chaque volume de composants) ont aussi été réalisées ([33]). En première approximation, la puissance volumique de ces composants est supposée constante et égale à celle observée dans le système THS (tableau F.6). La figure F.23 présente les points obtenus sur les fronts de Pareto pour les quatre architectures proposées. L'évolution de la consommation en fonction de la taille de la batterie est présentée figure F.23(a), celle du volume figure F.23(b). Le tableau F.5 présente quelques points de ce front de Pareto pour des batteries avec 10, 20 et 30 parmi les points qui minimisent le volume du système. L'architecture série-parallèle est celle présentant la plus forte consommation et le plus fort volume. Cela est principalement dû au mode hybride série qui impose de grosses machines électriques. D'un autre côté, les architectures THS et EVT sont les plus compactes. L'architecture Ampera est la plus efficace en termes de consommation mais est un peu moins compacte.
80 Système Toyota Hybride série parallèle Electric Variable Transmission Système Ampera nombre de module batterie 70 60 50 40 30 20 10 4 4.2 4.4 4.6 4.8 5 5.2 5.4 5.6 5.8 6 consommation l/100km
Figure F.22. Comparaison de différentes architectures à dérivation de puissance
ANNEXE F. ARTICLES 135
Tableau F.4. Dimensionnement pour 10, 20, 30 batteries sur cycle "mixed" artemis avec 2 objectifs 10 battery number of elements THS SPHEV1 EVT Ampera ICE power (kW) 80 75 71 75 EM1 electrical power (kW) 63 70 62 82 EM2 electrical power (kW) 47 56 49 72 0.6 ICE gear ratio PG ratio 1.5 2.5 3.84 FG ratio Fuel consumption (l/100km) 5.06 4.95 5.15 5.48 20 battery number of elements THS SPHEV1 EVT Ampera ICE power (kW) 57 65 61 61 EM1 electrical power (kW) 51 71 54 70 EM2 electrical power (kW) 40 59 46 72 0.6 ICE gear ratio PG ratio 1.5 4.09 FG ratio Fuel consumption (l/100km) 4.63 4.65 4.8 4.99 30 battery number of elements THS SPHEV1 EVT Ampera ICE power (kW) 48 55 54 52 EM1 electrical power (kW) 57 72 58 73 EM2 electrical power (kW) 28 42 36 56 0.5 ICE gear ratio PG ratio 1.8 2.2 4.15 FG ratio Fuel consumption (l/100km) 4.54 4.5 4.68 4.83
ANNEXE F. ARTICLES 136
100 6 Système Toyota Hybride série parallèle Electric Variable Transmission Système Ampera 5.6 80 5.4 5.2 5 70 60 50 4.8 40 4.6 4.4 Système Toyota Hybride série parallèle Electric Variable Transmission Système Ampera 90 global volume in l fuel consumption l/100km 5.8 0 10 20 30 40 50 60 number of elements of battery pack 70 80 (a) Pareto fonction du nombre de batterie 30 0 10 20 30 40 50 60 number of elements of battery pack (b) Gestion optimale
Figure F.23. Pareto avec trois objectifs 70 80
ANNEXE F. ARTICLES 137
Tableau F.5. Dimensionnement pour 10, 20, 30 batteries sur cycle "mixed" artemis avec 3 objectifs 10 battery number of elements THS SPHEV1 EVT Ampera ICE power (kW) 65 75 66 83 EM1 electrical power (kW) 52 45 58 82 EM2 electrical power (kW) 45 35 48 75 0.95 ICE gear ratio PG ratio 1.5 1.5 Volume (l) 63 66 65 85 Fuel consumption (l/100km) 4.92 4.98 5.4 5.6 20 battery number of elements THS SPHEV1 EVT Ampera ICE power (kW) 60 59 56 67 EM1 electrical power (kW) 45 69 61 77 EM2 electrical power (kW) 38 41 50 74 0.81 ICE gear ratio PG ratio 1.5 1.7 Volume (l) 56 60 58 64 Fuel consumption (l/100km) 4.65 4.62 4.91 5.07 30 battery number of elements THS SPHEV1 EVT Ampera ICE power (kW) 50 50 51 56 EM1 electrical power (kW) 49 70 49 67 EM2 electrical power (kW) 31 35 34 54 0.77 ICE gear ratio PG ratio 1.7 1.9 Volume (l) 48 54 50 60 Fuel consumption (l/100km) 4.55 4.48 4.81 4.86
ANNEXE F. ARTICLES 138
Tableau F.6. Volume et puissnace des composants de base Mechanical power(kW) Volume (l) Engine(ICE) 50 39.7 Electrical machine (EM1) 30 9.4 Electrical machine (EM2) 55 4.7
ANNEXE F. ARTICLES 139 F.6. Optimal Energy Management of HEVs with Hybrid Storage System
L'article complet [93] est référencé sous : E. Vinot and R.
" al energy system Conversion 2013
Cet article des règles de gestion de l'énergie pour un véhicule hybride parallèle à deux embrayages avec une source réversible elle même hybride batterie plus supercapacité (fig F.24). Le principe du maximum de Pontryagin y est présenté en considérant deux variables d'état (l'énergie stockée dans la batterie et celle stockée dans la super-capacité). Deux multiplicateurs de Lagrange sont donc déterminés. Des lois à base de règles sont également développées et sont basées exactement sur les mêmes règles que celles présentées au chapitre 3 (§3.2) pour la partie moteur thermique. La partie batterie super-capacité (fig. F.25) est gérée avec des règles basées sur une fréquence de coupure. Ces lois sont paramétrées et les paramètres sont déterminés par des études paramétriques. Le but de l'optimisation (PMP) et du choix des paramètres des lois de gestion est de minimiser une fonction pondérée consommation/carré du courant efficace batterie le long d'un cycle de fonctionnement. Le courant efficace pouvant être vu comme une représentation de l'usage et de l'échauffement de la batterie donc de son vieillissement.
Z tf J= t0 2 (dcarb (t) + K * Ibatt (t))dt (F.2)
Les figures F.26 à F.27(b) présentent les résultats principaux de l'article. La figure F.26 représente les fronts de Pareto consommation/courant efficace de la batterie obtenus en faisant varier K dans le cas de lois de gestion à base de règles ou optimales (PMP). Le nuage de points représente toutes les combinaisons de paramètres balayées pendant l'étude paramétrique pour "tuner" les lois de gestions au mieux. Les lois de gestion à base de règles présentent des résultats qui restent corrects par rapport à l'optimal atteignable (d'autres lois, basées sur d'autres principes, pourraient certainement être encore meilleures). Les figures F.27(a) et F.27(b) représentent les sollicitations sur la batterie par classe de courant obtenue des pondérations différentes en utilisant, soit une gestion à base de règles, soit une gestion optimale. Sur la figure F.27(a) nous représentons, pour une gestion à base de règles, les cas où K=0, on ne minimise que la consommation (point 3,24 l /100km, 58.4 A) et le cas où la consommation a augmenté de seulement 2.9% pour une diminution du courant efficace de 59 % (point 3.34 l/100km, 27.5 A). Sur la figure F.27(b) nous représentons, pour une gestion optimale les cas où K=0, on ne minimise que la consommation (point 3,16 l /100km, 41 A) et K=0.5 (point 3,27 l /100km, 15,4 A). 2 Enseignement et formation à la recherche
2.1
Encadrement................ 2.2 Enseignement................ 2.3 Participation à des jurys et à des instances recherche..................
4 4 6............................................
ou comités
en
lien
avec l'enseignement............................ et la... 7 3 Production scientifique : bilan 8 4 Valorisation et transfert 4.1
Contrat de recherche et contrat industriel......................... 4.2 Contribution à l'élaboration des politiques publiques...................
8 8 9 5
Diffusion de la culture scientifique
5.1 Participation à des réseaux de recherche.......................... 5.2 Participation à des comités éditoriaux et expertises d'articles.............. 9 9 10 6 Participation à la vie de l'institut et du laboratoire 10 7 Production scientifique 11 1
EMMANUEL VINOT Adresse mail : [email protected]
Date de naissance : 23
-11-19
72 Organisme employeur : IFSTTAR (Institut Français des Sciences et Techniques des Transports de l'Aménagement et des Réseaux) Affectation actuelle : Département AME (Aménagement Mobilité Environnement), ECO7 (ECO-gestion des Systèmes Énergétiques Pour les Transports), CR1 depuis janvier 2013 1
1.1 Diplômes et déroulement de carrière
Diplômes et titres universitaires Avril 2000 Docteur de l'Institut National Polytechnique de Grenoble LEG (Laboratoire d'Electricité de Grenoble - actuel G2eLab). Mention très honorable avec les félicitations
du Jury. (63ème section). Titre : Modélisation des supraconducteurs HTC. Applications au calcul des pertes AC.
Composition du Jury : M. Yves BRUNET (Président de l'INPG), Président M. Frédéric BOUILLAULT (Professeur de l'Université Paris XI), Rapporteur M. Pierre MANUEL (Ingénieur EDF et Docteur d'Etat), Rapporteur M. Bertrand DUTOIT (Professeur à l'EPFL), Examinateur M. Pascal T
IX
ADOR (Directeur de Recherche CNRS), Directeur de Thèse M. Gérard MEUNIER (Directeur de Recherche CNRS), Directeur de Thèse Mars 1997 Master of electrical science de l'Université Laval de Québec LEEPCI (Laboratoire d'Electrotechnique d'Electronique de Puissance et de Commande Industrielle). Mention Très Bien
. (63ème section). Titre : Modélisation des moteurs à aimants permanents asynchrones synchronisés. Conception d'un prototype. Septembre 1996 DEA de Génie Electrique LEG (Laboratoire d'Electricité de Grenoble). Mention Très Bien. (63ème section). Titre : Modélisation des moteurs à aimants permanents asynchrones synchronisés. Juin 1996 Ingéni
de l'Institut National Polytechnique de Grenoble ENSIEG (Ecole Nationale Supérieure d'Ingénieurs en Electricité de Grenoble). Mention Bien. 2 1.2 Depuis sept. 05
Chargé de recherche
à
l'
IFS
TTAR
Institut Francais des Sciences et Techniques des Transport
s de l'
A
ménagement et des Réseaux,
Labora
toires Transport et Environnement (LTE),
Equipe
Véhicule Electrique et Hybride (VEH). En CDD de sept 05 à sept 08. CR1 depuis le 1er janvier 2013. Etude, modélisation, dimensionnement optimal des véhicules hybrides, de leurs composants, et des stratégies de gestion de l'énergie (essence/électricité). Sept. 02 à juil. 05
Chef de Projet R&D chez Moving Magnet Technologies à Besançon (filiale du groupe Sonceboz)
Développement et modélisation (Flux2D, Flux3D) de moteurs électriques à réluctance variable et à aimants permanents. Développement sous Flux de programmes utilisateurs pour décrire des aimantations polaires. Etude et développement d'un moteur « magnétique » à onde progressive. Sept. 01 à août 02 ATER ENSIEG/LEG Modélisation thermique et électromagnétique d'un moteur à aimants permanents 225 000 tr/min, 400 W. Pré-dimensionnement et modélisation d'un moteur homopolaire supraconducteur. Oct. 00 à juil 01 Stage Post Doctoral LEEPCI Laboratoire d'Electrotechnique, d'Electronique de Puissance et de Commande Industrielle de Québec
Modélisation, optimisation et conception d'une machine à courant continu en matériaux magnétiques frittés. Cette recherche effectuée en liaison étroite avec la compagnie QMP (Québec Métal Powder) a permis, à encombrement égal, un gain de puissance de 30 % par rapport à son équivalent en matériaux feuilletés. Jan. 98 à sept.
00 Travaux
de
th
èse au LEG
Développement et mise en oeuvre d'un modèle électromagnétique pour les supraconducteurs, dans un logiciel de calcul des champs par éléments finis (Flux3d). Mise en place d'une méthodologie de mesure et de caractérisation fils et bobines supraconducteurs. Valorisation de ces travaux : - Insertion d'un module supraconducteur dans F3D - Projets européens (BIGPOWA et READY) visant à développer de nouveaux fils supraconducteurs et à développer un transformateur supraconducteur. 3 Fév 97 à déc 97 Service militaire « Appelé Ville » (animation socio-culturelle) à Gonesse. Jan 96 à jan 97 Stage de DEA et de Master of electrical science LEEPCI de Québec Modélisation (matlab/simulink) de moteurs à aimants permanents (NdFeBo) à démarrage direct sur le réseau par une cage d'écureuil. Conception et test d'un prototype. 2 Enseignement et formation à la recherche
2.1 Encadrement Thèses : • B. Kabalan, Thèse sur l'optimisation topologique des architectures hybrides [29][26], fin prévue en mars 2020, bourse CIFFRE-PSA. Co-encadrement avec R.Trigui du LTE-IFSTTAR, Y. Chen et C. Dumand PSA Vélizy. Taux d'encadrement 50.%. • M. Le-Guyadec, "Dimensionnement multi-physique des véhicules hybrides, de leurs composants et de la commande du système" [78], soutenue en octobre 2018, bourse IFSTTAR. Suite des travaux de thèse de V. Reinbold en ajoutant un modèle thermique des machines électriques et la prise en compte du nombre de pôles [4][27][28]. Co-encadrement avec L.Gerbaud du G2elab (Laboratoire de Génie Electrique de Grenoble). Taux d'encadrement 50.%. Mathias le Guyadec est actuellement en CDD au CEA de Grenoble. Composition du Jury : M. Christophe ESPANET (Président à Sorbonne ), Rapporteur, Président du Jury M. Olivier BETHOUX (Professeur de l'Université Paris XI), Rapporteur M. Xavier ROBOAM (Directeur de Recherche, INP-ENSEEIHT), Examinateur M. Nicolas LABBE (Docteur Ingénieur Valéo), Examinateur M. Laurent GERBAUD (Professeur Grenoble-INP), Directeur de Thèse M. Emmanuel VINOT (Chargé de recherches IFSTTAR), Encadrant de Thèse • V.Reinbold, "Méthodologie de dimensionnement d'un moteur électrique pour véhicules hybrides" [79], soutenue en octobre 2014, bourse Région Rhône -Alpes Thèse sur le dimensionnement du système et des composants des véhicules hybrides, [7][10][13][36][37][38]. Co-encadrement avec L.Gerbaud du G2elab (Laboratoire de Génie Electrique de Grenoble). Taux d'encadrement 50. %. Vincent Reinbold est actuellement maître de conférence au GEEPs/IUT de Cachan. Composition du Jury : M. Christophe ESPANET (Président à Sorbonne ), Président du Jury M. Frederic GILLON (Maître de Conférence ECL), Rapporteur M. Xavier ROBOAM (Directeur de Recherche, INP-ENSEEIHT), Rapporteur M. Lauric GARBUIO (Maître de Conférence, Grenoble-INP), Examinateur M. Philippe-Siad FARAH (Docteur Ingénieur Valéo), Invité M. Laurent GERBAUD (Professeur Grenoble-INP), Directeur de Thèse M. Emmanuel VINOT (Chargé de recherches IFSTTAR), Encadrant de Thèse 4 CDD - PostDoc • B. Colette, CDD IR sur le Projet FCCP (27 mois à partir de février 2019). Modélisation et dimensionnement de Vélo Cargo électrique Batterie plus Pile à Combustible. Taux d'encadrement 60%. • A. Ovallie (24 mois : mai 2016-mai 2018), Post Doc sur l'insertion de systèmes de stockage stationnaire pour des applications SNCF [3]. Taux d'encadrement 20%. • R. Derollepot, CDD IR sur le projet PROMOVAN (26 mois : avril 2013 – juin 2015). Modélisation et dimensionnement d'architectures hybrides pour embarcations fluviales [30][31]. Taux d'encadrement 100%. • R. 2.2 Enseignement
Bilan Etablissements : ESISAR, Université Laval de Québec, ENSIEG, ECL, ESTACA, INSA, IUT Lyon (License-Pro). Disciplines : électrotechnique, électronique, mécatronique. Nature : 64 h de CM, 144 h de TD, 487 de TP/BE, 86 h d'encadrement de projet. Niveaux : écoles d'ingénieurs. Année 2018-2019 2017-2018 2016-2017
2015-2016
2014-2015 2013-2014 2012-2013 2001-2002 2000-2001 1996-1997 1997-2000 Total établissement CM IUT Lyon ECL INSA ESTACA ECL ESTACA ECL ESTACA ECL ECL ECL ECL ENSIEG Ulaval Ulaval ESISAR 4 6 8 16 8 8 8 8 10 76 TD TP/BE Projets 4 4 8 4 12 36 36 72 12 4 4 4 105 72 72 186 144 491
86 86 • Module véhicules électriques et Hybrides à l'ECL (Ecole Centrale de Lyon) depuis 2012, à l'INSA (Institut National des Sciences Appliqués de Lyon) de Lyon depuis 2018 et à l'IUT Lyon 1 (License Pro) depuis 2019 (76h à l'ECL, 16h à l'INSA, 8h à l'IUT) Les véhicules hybrides : généralités, architectures, modélisation, gestion, composants (moteur électrique) • Formation continue ESTACA (Ecole Supérieur des Techniques Aéronautiques et de Construction Automobile) depuis 2016,(32h) Les véhicules hybrides : généralités, architectures, gestion • ATER à l'ENSIEG (Ecole Nationale Supérieur d'Ingénieur en Electricité de Grenoble) - 2001-2002, (191 h) Projet 2eme année en Electronique (56h), TP Electronique de puissance et conversion d'énergie (44h), BE électronique (61 h), projet collectif 2eme année (30 h). 6 • Assistant à l'Université Laval de Québec- 1996-1997 et 2000-2001, (216 h) TP/TD d'électricité pour ingénieurs (72 heures), TP/TD de machines électriques (72 heures), TP/TD d'électronique de puissance (72 heures). • Monitorat ESISAR (Ecole Supérieure d'Ingénieurs en Systèmes Industriels Avancés Rhône-Alpes) - 1997-2000, (258 h) Moniteur de l'éducation nationale à l'ESISAR département de génie électrique (entre janvier 1998 et juillet 2000). 72 h TD et 186 h TP en 2eme et 3eme années ; machines électriques (fonctionnement, caractéristique et commandes) et électronique de puissance (composants, convertisseurs).
2.3 Participation à des jurys et à des instances ou comités en lien avec l'enseignement et la recherche
Participation à des jurys de Thèse • Poline Marie Examinateur de la Thèse : Contribution aux méthodes de conception et de gestion des systèmes énergétiques multi-sources par optimisation systémique. Application aux trains hybrides électriques et autonomes. Soutenance le 28 novembre 2018. Csi : comité de suivi individuel • Houbaddi Adnane Thésard IFSTTAR-LTE sur la gestion de la recharge d'une flotte de Bus • Guille des Buttes Alice. Thésarde IFSTTAR-LTE sur la gestion et le dimensionnement de véhicules hybrides en tenant compte du compromis consommation/pollution. • Baoling Guo Thésarde G2elab sur la gestion d'alternateurs hydrauliques à vitesse variable. • Poline Marie Thésarde G2elab sur le dimensionnement optimal de locomotive hybride. Production scientifique : bilan
La liste complète des publications est fournie en fin de document dans la section 7.
Type de publication nombre total ACL : Article à comité de Lecture répertoriée dans les BDI JCR, Scopus ACLN : Article à comité de Lecture non répertoriée dans JCR ou Scopus ACTI : Communication avec actes dans un congrès international ACTN : Communication avec actes dans un congrès national BR : Brevet ou Licence Logiciel RAPP : Rapport de Recherche OV : Article de vulgarisation ou intervention colloque 4 23 4 38 1 3 9 2
Valorisation et transfert 4.1 Contrat de recherche et contrat industriel
• FCCP : Fuel Cell Cargo Pedelec, (vélo électrique à pile à combustible). Projet Interreg NWE, 2018-2021 (36 mois), porteur : DLR. Etude énergétique pour le déploiement de vélo cargo et pistes d'améliorations. Implication : Participation au montage du projet et responsable scientifique pour l'IFSTTAR (laboratoires impliqués LTE-EASE-TEMA). • PROMOVAN : Navire fluvial à propulsions innovantes, 2013-2015 (30 mois). Projet Feder plus Région. Partenaires : VNF (porteur du projet), CFT, CEA, ENAG, Cabinet Mauric. Implication : J'étais responsable et coordinateur de la tâche 2 : évaluation de différentes solutions d'hybridation pour des embarcations fluviales de type pousseur, automoteur et vedettes passager. Le responsable projet pour l'IFSTTAR était D.Pillot (CR1, Laboratoire Transport Environnement équipe Energie Pollution de l'Air) (évaluation des émissions de polluants). Le projet PROMOVAN portait sur l'hybridation des navires fluviaux (péniche autopropulsée, pousseur de barge, vedette fluviale) pour les rendre plus propres et économes. Après une phase de mesures sur les embarcations pour déterminer au mieux l'utilisation et les émissions de polluants caractériser les navires et leurs usages, une phase d'étude des différentes solutions hybrides a été réalisée pour déterminer la solution la plus pertinente pour chaque type d'embarcation. Du fait de la complexité de ce type d'embarcation (deux lignes de propulsion et la présence de gros consommateurs d'énergie à bord) nous avons développé, avec Romain Derollepot (CDD IR), des méthodes de gestion des réseaux de bord multi-sources (carburants, batterie, pile à combustible. ) et multi-consommateurs (propulsion, compresseur, réseau électrique de bord, propulseur d'étrave). La bibliothèque VEHLIB a été enrichie de modèles d'embarcations fluviales et de leurs composants. Les méthodes globales de dimensionnement développées ont ensuite permis de dimensionner et de comparer trois architectures hybrides dédiées aux embarcations fluviales ; parallèle, série et combinées série-parallèle. Implication : Implication dans la dernière partie du projet sur la Toyota Prius-II. Evaluation de la Toyota Prius-II et de la Honda Insight [15][74][75]. Réalisation avec l'équipe technique du banc à rouleau de l'IFSTTAR (R.Vidon, B.Malaquin, P.Perret et P. tassel) des essais de la Toyota PRIUS. Caractérisation in-Situ des composants (moteur thermique) et mesures des consommations sur cycles d'essais et à vitesse stabilisée. Réalisation d'essais spécifiques : performances dynamiques, récupérations aux freinages, climatisation, disparité sur les monoblocs de la batterie
4.2 Contribution à l'élaboration des politiques publiques
Expert pour la Mission parlementaire sur le verdissement du ferroviaire. Audition en juillet 2018. Cette mission a pour but de faire le point sur les possibilités et les avantages des trains à propulsion hybride (diesel/électrique, caténaire/systèmes de stockage embarqués ou stationnaires) et des trains à base de pile à combustible (expert Denis Candusso IFSTTAR). Député en charge de la mission : Benoit Simian, rapport remis en novembre 2018. 5 5.1 Diffusion de la culture scientifique Participation à
des réseaux de recherche MEGEVH : (Modélisation Énergétique et Gestion d'Énergie des Véhicules Hybrides et Electriques) groupe thématique du réseau interrégional RT3 du Ministère de la Recherche. Ce réseau regroupe plusieurs universités et industriels français et a pour but de favoriser une approche transdisciplinaire (électrotechnique, mécanique, énergétique, automatique, environnement, chimie) indispensable au développement de systèmes complexes. Organisateur du Séminaire 2017 à Lyon : Thème de la journée "stockage et gestion de l'énergie dans les véhicules électriques et hybrides", 25 participants (IFSTTAR, LGEP, L2EP, Ampere, GEEPS, PRISME, FEMTOST, SNCF).
5.2 Participation à des comités éditoriaux et expertises d'articles
Membre de comité d'organisation de Conférences • Standing chairman VPPC (Vehicular Power and Propulsion Conference) 2017 organisé à Belfort. Session Control and energy management of Transportation Systems. • Standing Chairman Electrimacs 2017 organisé à Toulouse. Session Transportation and embedded network applications. • Membre du comité scientifique de la conférence VPPC 2016 organisée à Hangzhou. Organisateur et Chairman des Tutoriaux. • Membre du comité scientifique de la conférence VPPC 2014 organisée à Coimbra. Organisateur et Chairman de la session spéciale Global Optimisation of The design of HEV Power Train. • Membre du comité scientifique de la conférence VPPC 2010 organisée à Lille. Organisateur et Chairman de la session Vehicular Electronics. Reviewing d'articles • Review pour différentes revues ; Energies (en moyenne 3 par an), IEEE-TVT (Transaction on Vehicular Technology) (1 par an), ECM (Energie Conversion Management), IET-Electrical System in transportation, Matcom (MAthematic and computer in Simulation). • Review pour différentes conférences, (VPPC, Electrimacs). Evaluation sujet de thèse 1 sujet de thèse CIFFRE ANRT. 6 Participation à la vie de l'institut et du laboratoire
• Membre du bureau d'animation du GERI GNSS (Géo localisation et navigation par satellites) de 2009 à 2011. • Représentant du personnel au conseil de département AME depuis 2013. • Représentant du personnel à la commission d'évaluation des chercheurs (comeval) du MTES depuis 2015. • Organisation des séminaires scientifiques de l'équipe VEH de 2016 à 2018 ans (6 séminaires par an). • Membre du groupe "communication" du LTE (2017-2018) (affichage poster, Site Web, wiki ). [1] P.O. Vandanjon, E. Vinot, V. Cerezo, A. Coiret, M. Dauvergne, and M. Bouteldja. Longitudinal profile optimization for roads within an eco-design framework. Transportation Research Part D : Transport and Environment, 67 :642–658, 2019. [2] M. Le-Guyadec, L. Gerbaud, E. Vinot, and B. Delinchant. Sensitivity analysis using sobol indices for the thermal modelling of an electrical machine for sizing by optimization. COMPEL : The International Journal for Computation and Mathematics in Electrical and Electronic Engineering, 1 :1–10, 2019. [3] A. Ovalle, J. Pouget, S. Bacha, L. Gerbaud, E. Vinot, and B. Sonier. Energy storage sizing methodology for mass-transit direct-current wayside support : Application to french railway company case study. Applied Energy, 230 :1673–1684, 2018. [4] M. Le Guyadec, L. Gerbaud, E. Vinot, V. Reinbold, and C. Dumont. Use of reluctance network modelling and software component to study the influence of electrical machine pole number on hybrid electric vehicle global optimization. Mathematics and Computers in Simulation, pages 1–22, 2018. [5] R. Derollepot and E. Vinot. Sizing of a combined series-parallel hybrid architecture for river ship application using genetic algorithm and optimal energy management. Mathematics and Computers in Simulation, pages 1–30, 2018. [6] E. Vinot. Time reduction of the dynamic programming computation in the case of hybrid vehicle. International Journal of Applied Electromagnetics and Mechanics, 53(2) :213–227, 2017. [7] V. Reinbold, L. Gerbaud, and E. Vinot. Multi-objective optimization of the sizing of a hybrid electrical vehicle. International Journal of Applied Electromagnetics and Mechanics, pages 1–25, 2017. [8] E. Vinot, V. Reinbold, and R. Trigui. Global optimized design of an electric variable transmission for hevs. Vehicular Technology, IEEE Transaction on, 65(8) :1–5, 2016. [9] E. Vinot. Comparison of different power-split architectures using a global optimisation design method. Int. J Electric and Hybrid Vehicles, 8(3) :225–241, 2016. [10] V. Reinbold, E. Vinot, L. Garbuio, and L. Gerbaud. Optimal sizing of an electrical machine using a magnetic circuit model : application to a hybrid electrical vehicle. IET Electrical Systems in Transportation, 6(1) :1–7, 2016. [11] E. Vinot, R. Trigui, Y. Cheng, C. Espanet, A. Bouscayrol, and V. Reinbold. Improvement of an evt-based hev using dynamic programming. Vehicular Technology, IEEE Transactions on, 63(1) :40–50, 2014. [12] E. Vinot and R. Trigui. Optimal energy management of hevs with hybrid storage system. Energy Conversion and Management, 76 :437–452, 2013. [13] V. Reinbold, E. Vinot, and L. Gerbaud. 11 [14] A. Devie, E. Vinot, S. Pelissier, and P. Venet. Real-world battery duty profile of a neighbourhood electric vehicle. Transportation Research Part C : Emerging Technologies, 25 :122–133, 2012. [15] E. Vinot, J. Scordia, R. Trigui, B. Jeanneret, and F. Badin. Model simulation, validation and case study of the 2004 ths of toyota prius. International Journal of Vehicle Systems Modelling and Testing, 3(3) :139–167, 2008. [16] F. Grilli, S. Stavrev, Y. Le Floch, M. Costa-Bouzo, E. Vinot, I. Klutsch, G. Meunier, P. Tixador, and B. Dutoit. Finite-element method modeling of superconductors : from 2-d to 3-d. Applied Superconductivity, IEEE Transactions on, 15(1) :17–25, 2005. [17] M. Costa, E. Martinez, C. Beduz, Y. Yang, F. Grilli, B. Dutoit, E. Vinot, and P. Tixador. 3d modeling of coupling between superconducting filaments via resistive matrix in ac magnetic field. Applied Superconductivity, IEEE Transactions on, 13(2) :3634–3637, 2003. [18] E. Vinot, V. Leconte, G. Meunier, and P. Tixador. Circuit coupling method applied to bulk superconductors. Magnetics, IEEE Transactions on, 38(6) :3661–3664, 2002. [19] E. Vinot, G. Donnier-Valentin, P. Tixador, and G. Meunier. Ac losses in superconducting solenoids. Applied Superconductivity, IEEE Transactions on, 12(2) :1790–1794, 2002. [20] S. Stavrev, F. Grilli, B. Dutoit, I. Klutsch, E. Vinot, P. Tixador, G. Meunier, Pr. Skov-Hansen, and J. Hansen. Numerical modelling of bi-2223 multifilamentary tapes with position-dependent j c. Physica C : Superconductivity, 372 : –1805, 2002. [21] S. Stavrev, F. Grilli, B. Dutoit, N. Nibbio, E. Vinot, I. Klutsch, G. Meunier, P. Tixador, Y. Yang, and E. Martinez. Comparison of numerical methods for modeling of superconductors. Magnetics, IEEE Transactions on, 38(2) :849–852, 2002. [22] G. Donnier-Valentin, P. Tixador, and E. Vinot. Considerations about hts superconducting transformers. Applied Superconductivity, IEEE Transactions on, 11(1) :1498–1501, 2001. [23] E. Vinot, G. Meunier, and P. Tixador. Different formulations to model superconductors. Magnetics, IEEE Transactions on, 36(4) :1226–1229, 2000. ACTI : Conférences internationales avec actes publiés [24] P.O. Vandanjon, E. Vinot, and T. El-Almi. Slope optimisation (sloop) : Tailor-made optimisation for road longitudinal profile ecodesign considering the dynamic of vehicles. In VSDIA 2018, Budapest, Hungary, pages 1–9. [25] M. Le-Guyadec, L. Gerbaud, and E. Vinot. Sensitivity analysis usong sobols indexes for the thermal modelling of an electrical machine for sizing by optimisation. In Optimization & Inverse Problems in Electromagnetism (OIPE), 2018, Hall, Austria. [26] B. Kabalan, Y. Cheng, E. Vinot, R. Trigui, and C. Dumand. Optimal design and sizing of throughthe-road hybrid vehicle powertrain. In SIA Powertrain 2018, Orléans, France, pages 1–6. [27] M. Le Guyadec, L Gerbaud, E. Vinot, and V. Reinbold. Influence of electrical machine pole number on hybrid electrical vehcicle global optimization. In Electrimacs 2017, Toulouse, France, pages 1–6. [28] M. Le Guyadec, E. Vinot, L. Gerbaud, P. Lombard, A. Chaumond, and T. Boussey. Building of an electrical machine thermal model in the context of a hybrid electric vehicle global optimization. In vppc 2017, Belfort, France, pages 1–6. 12 [29] B. Kabalan, E. Vinot, Y. Cheng, R. Trigui, and C. Dumand. Improvement of a series parallel hybrid electric vehicle architecture. In vppc 2017, Belfort, France, pages 1–6. [30] R. Derollepot and E. Vinot. Management and sizing of a combined serial-parallel hybrid architecture for river ship application. In Electrimacs 2017, Toulouse, France, pages 1–6. [31] R. Derollepot and E. Vinot. 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Ethique et performance : le cas des indices boursiers et des fonds d'investissement en finance islamique
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La finance islamique utilise des techniques spécialisées permettant à des clients sensibles aux valeurs éthiques de la religion musulmane d‘accéder aux produits et services bancaires ou de marché financier. Les banques islamiques proposent des modes de financements et de participation libres d‘intérêt et respectant les quatre autres principes mais la gamme de produits et services offerts reste étroite. Selon le rapport d‘Oliver Wyman (2009), la moitié des banques de détail islamiques offrent moins de six produits alors que seulement 15% de ces banques proposent plus de 10 produits ce qui reste largement inférieur à l‘offre des banques conventionnelles.
La demande
La demande est exprimée par des investisseurs privés ou institutionnels qui sont à la recherche de solutions éthiques ou souhaitant investir conformément à leurs convictions religieuses. Les pays du Golfe, berceau de la finance islamique, détiennent 70% de la part de marché suivi des pays du Sud-Est de l‘Asie avec 20%. Les pays européens (principalement le Royaume-Uni) et les États-Unis représentent les 10% restant avec une demande exprimée par la communauté musulmane de ces pays ainsi que par les non musulmans.
La mondialisation a 61 PARTIE 1-Chapitre 2La finance islamique : enjeux et état de l’art joué, selon Saïdane (2009), un rôle dans la forte croissance de la demande des produits et services de la finance islamique à travers le monde. La figure 3 ci-dessous est une cartographie des principaux pays en fonction de la dynamique de la demande en termes de finance islamique (Level of consumer « push ») et du cadre réglementaire offert par chaque pays (Level of government « pull »).
Nous remarquons que c‘est l‘Arabie Saoudite qui représente la demande la plus importante mais le royaume est limité par l‘absence d‘un cadre réglementaire dynamique. Au contraire, les trois pays ayant adapté leur cadre réglementaire à la finance islamique (Iran, Pakistan et Soudan) dès la fin des années 70 et le début des années 80, connaissent une demande peu dynamique entravant le développement des produits et services financiers islamiques. Par ailleurs, le pays qui a profité de l‘importance de la demande exprimée sur son territoire et a mis en place un cadre réglementaire favorable à la finance islamique est la Malaisie. Elle est suivie du Koweït et du Qatar.
Figure 3 : Cadre réglementaire des pays et dynamique de la demande de la finance islamique Source : Hassoune (2009) 62
PARTIE 1-Chapitre 2La finance islamique : enjeux et état de l’art 1.3. La fonction d’utilité des investisseurs en finance islamique
Une fonction d‘utilité est une façon de résumer les préférences de l‘investisseur dans un terme générique appelé utilité, en se basant sur quelques variables de choix (Damodaran 2006). Elle représente une construction mathématique qui résulte du comportement rationnel de l‘investisseur (Poulalion et Pupion 2004). Pour prendre des décisions dans un environnement incertain, la théorie du portefeuille (Markowitz 1952 ; 1959) nous renseigne que le choix des investissements dépend de l‘enrichissement espéré et du risque associé. Aussi, Bell (1995) a introduit une fonction d‘utilité, dite linéaire-exponentielle qui prend en compte des moments d‘ordre supérieur. Pour tenir compte de l‘aversion relative au risque, la fonction d‘utilité puissance a été introduite (Xie 2000). Les modèles uni-factoriels et multifactoriels d‘évaluation des actifs financiers30 utilisent le même postulat, ils se basent tous sur l‘hypothèse de la maximisation de la richesse des investisseurs. Ces derniers ne sont concernés que par la rentabilité et le risque de leurs portefeuilles. En plus de ces deux motivations, certains investisseurs peuvent investir conformément à leurs valeurs et convictions personnelles (Beal et al. 2005). Fama et French (2007) expliquent que la préférence pour certains titres peut également influencer leur prix, ils citent l‘exemple de l‘exclusion de certains secteurs jugés non éthiques, indépendamment de leur profil de rentabilité et de risque. En effet, la recherche d‘une « plus-value éthique » (De Brito et al. 2005) peut constituer la principale motivation pour l‘investisseur éthique comme nous l‘avons vu précédemment. Les investisseurs qui optent pour les produits de la finance islamique font partie de cette catégorie. L‘introduction de la dimension religieuse islamique dans le choix des portefeuilles a conduit Kuran (1986; 1996) à parler des individus homo-islamicus, ces derniers sont supposés être altruistes et avoir un comportement éthique. Pour être en conformité avec leurs principes religieux, certains investisseurs acceptent de renoncer à la maximisation de leur profit, contrairement aux individus homo-economicus. Cette idée a été reprise par Asutay (2007) qui a analysé les différences qui existent entre les motivations des individus dans les deux systèmes. Ainsi, la fonction d‘utilité des 30 Ces modèles seront développés avec plus de détail dans le chapitre suivant 63
PARTIE 1-Chapitre 2La finance islamique : enjeux et état de l’art individus homo-economicus est unidimensionnelle, elle se base sur l‘individualisme, et la recherche d‘une maximisation d‘utilité. Cependant, celle des individus homoislamicus est bidimensionnelle, leur comportement dépasse l‘individualisme pour tenir compte des considérations sociales et des règles imposées par la religion musulmane.
2. Mode de fonctionnement de la finance islamique
2.1. Les acteurs de l’industrie financière islamique En plus des banques islamiques dont le rôle a été précédemment signalé, de nouveaux acteurs sont apparus sur la scène financière islamique. Il s‘agit de compagnies d‘assurance et de réassurance ainsi que les fonds d‘investissement conformes à la charia. Avec le développement de l‘activité, des jurisconsultes docteurs en droit musulman qui s‘assurent de la conformité des produits et services sont de plus en plus sollicités. Les fonds d’investissement islamiques : Appelés unit trusts aux Royaume-Uni et mutual funds aux États-Unis et représentant l‘équivalent des OPCVM en France, les fonds d‘investissement constituent un champ d‘étude vaste et intéressant en finance islamique. Historiquement, les premiers fonds d‘investissement islamiques ont été créés durant les années 1970. Plusieurs d‘entre eux n‘ont pas pu survivre (Iqbal 2002) à cause de l‘absence d‘un marché structuré et d‘un cadre réglementaire approprié. Le début effectif de ces fonds a eu lieu à partir de 1986 et ont connu des taux de croissance importants du milieu des années 1990 (Al-Rifai 1999). Parmi les différentes catégories des fonds d‘investissement islamiques, Siagh (2007) propose la classification suivante : Equity Funds : il s‘agit des fonds d‘investissement dans des actions cotées sur les places financières et jugées conformes à la charia ; Short Term Investment Funds : ce sont les fonds qui investissent à court terme et qui financent des activités d‘investissement spécialisées ; Leasing Funds : les fonds proposant divers actifs en location ;
64
PARTIE 1-Chapitre 2La finance islamique : enjeux et état de l’art
Real Estate Funds : ce sont des fonds immobiliers qui s‘intéressent aux propriétés générant des revenus stables et qui nécessitent un investissement important ; Commodity Funds : ce sont des fonds qui se caractérisent par une prise de risque réelle sur les matières premières ; Private Equity Funds : ils s‘intéressent aux sociétés non cotées, conformes à la charia, et qui présentent des potentialités de croissance importantes. Le point commun entre ces différents fonds d‘investissement est qu‘ils sont à capital non garanti, leur niveau de rentabilité dépend ement des bénéfices et des pertes qu‘ils réalisent et qui seront partagés entre les différents investisseurs participant dans le fonds. Le nombre de fonds d‘investissement islamiques est passé d‘une douzaine au début des années 1990 à une soixantaine en 1999 (Al-Rifai 1999). Dans son dernier rapport sur le sujet, Eurekahedge (2010) a estimé à 680 le nombre total des fonds islamiques, avec 70 milliards de dollars américains d‘actifs sous gestion et dont les fonds actions représentent à eux seuls 53% du total des fonds. Quant à la répartition géographique, les fonds islamiques malaysiens et saoudiens constituent plus de 50% du total des fonds, et les 6 pays du Golfe réunis en représentent 65%. Vu le caractère récent de cette industrie, les fonds islamiques restent de taille modeste et les actifs qu‘ils gèrent demeurent largement inférieurs aux actifs gérés par leurs homologues conventionnels. Selon un rapport d‘Ernest & Young (2011), 64% des fonds islamiques gèrent des actifs inférieurs à 75 millions de dollars.
65
PARTIE 1-Chapitre 2La finance islamique : enjeux et état de l’art
Figure 4 : La répartition géographique des principaux fonds d’investissement islamiques
Répartition géographique des fonds d'investissement islamiques Autres; 5.59% Qatar; 2.48% singapore 4.35% Kuweit; 4.97% Bahreïn; 4.97% KSA; 42.86% USA; 6.21% UK; 6.21% UAE; 9.94% Malaisie; 12.42%
Source : Construit à partir de Failaka (2007) La présence
de com
ité
charia
au
niveau
du
fond
revêt une importance capitale (De Lorenzo 2000) eu égard à la diversité des
opérations
et des domaines d‘intervention des fonds. Le rôle de ces comités ne se limite pas à la supervision mais la dépasse pour toucher les investisseurs et aussi le fonds lui-même. Ainsi, le service est orienté vers la clientèle en leur donnant des recommandations religieuses et des conseils techniques. Il est également orienté vers les investisseurs pour les aider dans la purification de leurs revenus, cette opération consiste à déduire la part des revenus provenant d‘activités illicites. Quant à l‘impact du comité charia sur le fonds, il est double. D‘une part les jurisconsultes orientent les stratégies d‘investissement du fonds, et d‘autre part, ce dernier peut avoir plus ou moins de crédibilité en fonction de la notoriété des membres constituant le comité. Par ailleurs, un des principaux problèmes dont souffre la finance islamique demeure le manque de spécialistes maîtrisant à la fois les principes de la finance moderne et de la loi islamique, une double compétence nécessaire pour faire partie des comités charia des fonds d‘investissement ou des institutions financières islamiques. Ainsi, plusieurs jurisconsultes opèrent simultanément dans plusieurs conseils, une situation qui rappelle, au sens de Chaar (2008), l‘entrecroisement entre les conseils d‘administration connu sous le nom anglais « interlocks ».
66
PARTIE 1-Chapitre 2La finance islamique : enjeux et état de l’art
Les compagnies d’assurance et de réassurance islamique En principe, la charia encourage la protection contre les risques, mais s‘oppose au caractère commercial du contrat d‘assurance (Nienhaus 2008). Ainsi, l‘assurance islamique « takaful » est basée sur le principe d‘entraide soutenu par les autres principes régissant la finance islamique31. Les différences entre le système d‘assurance conventionnel et islamique sont nombreuses. Pour les partisants du système islamique, ces différences résident dans le fait que les pratiques de l‘assurance conventionnelle sont en faveur des assureurs, alors que la takaful est un système dans lequel les assurés s‘engagent à s‘entraider mutuellement en cas de survenance d‘un risque (Bhatty 2008). Les différences se manifestent aussi dans le business model, au niveau comptable, au niveau des intervenants qui sont en fin de compte plutôt des gestionnaires de risque que des assureurs au sens conventionnel du terme (Abouzaid 2008 ; Zaatar et De Lagarde 2008). D‘autres différences existent au niveau des statuts de la société islamique d‘assurance et ceux de la société d‘assurance conventionnelle (Qurradaghi 2011). Selon cette approche, l‘assuré takaful peut avoir une fonction proche de celle des sociétaires dans les entreprises mutualistes. La compagnie takaful offre son expertise et son savoir-faire de gestion et met à la disposition de ses clients un fonds auquel ils contribuent en tant que participants et le montant de la contribution correspond à la prime d‘assurance qui varie en fonction des risques à assurer. La prime payée n‘est pas définitivement perdue. Ainsi, à l‘échéance d‘un contrat, les assurés, en tant qu‘associés, gardent le droit à un remboursement correspondant au surplus technique non utilisée de leurs primes (Ma‘sum Billah 2002; Zaatar et De Lagarde 2008), et ce après déduction des frais de gestion. Au contraire, si le montant des cotisations s‘avère insuffisant pour couvrir l‘ensemble des frais engagés, la prime d‘assurance augmente pour combler le déficit constaté. Pour assurer la séparation entre les fonds des actionnaires et les fonds des assurés, les sociétés takaful produisent deux bilans et deux comptes de résultats distincts, comme le précise Abouzaid (2008). En plus de l‘option protection, les assurés ont le droit de choisir une 31 Voir la décision de la haute autorité des oulémas
sa
oudiens
n°
52, datée du 25 mars 1977
(04
/04/1397 du calendrier Hégire)
67
PARTIE 1-Chapitre 2La finance islamique : enjeux et état de l’art option épargne qui leur donne un droit supplémentaire qui se traduit par un partage des pertes et profits réalisés par le fonds (Bhatty 2008).
En cas de réalisation de bénéfices, les assurés ont droit aux profits au prorata de leurs participations, alors qu‘en cas de perte technique (Abouzaid 2008; Zaatar et De Lagarde 2008) les actionnaires avancent un prêt sans intérêt, au fonds des sociétaires, remboursable sur les profits techniques futurs. A l‘instar de l‘organisation des banques islamiques, les opérateurs d‘assurance islamiques peuvent être des compagnies takaful, offrant des produits à 100% islamiques, ou bien des fenêtres islamiques des établissements d‘assurance conventionnels proposant des produits takaful en plus des produits d‘assurance classiques, une forme qui constitue souvent une première étape avant la création d‘une filiale islamique à part entière. En 2002, on comptait 41 compagnies, dont 5% seulement étaient des fenêtres islamiques, offrant les produits takaful et présentes dans 23 pays avec un montant total des primes qui atteignait 1,3 milliard de dollars (Bhatty 2008). Au fur et à mesure du développement de l‘activité takaful, le marché d‘assurance islamique a vu l‘arrivée des réassureurs (re-takaful), régis par les mêmes principes, afin d‘assurer une répartition et un transfert des risques sup s des compagnies takaful. La première société dédiée exclusivement à la re-takaful a vu le jour en 2005 (Abouzaid 2008). En janvier 2008, le nombre des établissements takaful, comme le montre le tableau cidessous, a atteint 124 compagnies présentes dans 28 pays, et dont six font uniquement de la re-takaful (Bhatty 2008). L‘attrait de cette activité s‘est manifesté par la nette augmentation du nombre des fenêtres islamiques des banques conventionnelles qui représentent actuellement 26% des opérateurs.
Tableau 4 : Sociétés de takaful dans le monde Moyen-Orient Afrique Asie Pacifique Autres Total établissements takaful 57 21 41 25 144
Source : Bhatty ( 2008)
Dans son rapport sur l‘assurance islamique, Moody‘s (2008) évalue la takaful à 2,5 milliards de dollars à la fin de l‘année 2007, et prévoit qu‘elle va atteindre 7,4 milliards de 68
PARTIE
1-Chapitre 2La finance islamique : enjeux et état de l’art dollars en 2015.
Les marchés les plus actifs sont la Malaisie en termes de clientèle et l‘Arabie Saoudite en termes d‘activité. Comme les autres produits et services de la finance islamique, les solutions takaful sont destinées aussi bien aux musulmans qu‘aux non musulmans. Ainsi, à Singapour un fonds conforme à la charia compte plus de 50% de participants non musulmans (Zaatar et De Lagarde 2008). Cependant, les auteurs remarquent qu‘en dehors des zones d‘implantation des populations musulmanes l‘activité des fonds takaful est peu connue et reste assez limitée. 2.2. La régulation de la finance islamique
Malgré les différences que présente la finance islamique par rapport à la finance conventionnelle, aucun traitement spécifique n‘est accordé aux institutions financières islamiques. En effet, ces dernières au même titre que leurs consœurs conventionnelles, sont soumises aux règles émises par les autorités de régulation de chaque pays dans lequel la finance islamique est présente. Pour illustrer ces propos, l‘exemple des autorités financières au Royaume-Uni (Coste 2008) peut être signalé à ce niveau. Ainsi, la FSA (Financial Services Authority), utilise le principe de « No special treatment : no obstacle no favour » tout en reconnaissant la spécificité de la finance islamique. Ainsi, afin d‘assurer la standardisation des règles comptables et d‘audit, l‘organisation de comptabilité et d‘audit des institutions financières islamiques 32, basée à Bahreïn a été créée en février 1990. Elle se charge d‘instaurer les règles de gouvernance et les normes comptables conformes aux marchés financiers islamiques et compatibles avec les normes internationales. En outre, la finance islamique a intensifié ses efforts de normalisation, de réglementation et de contrôle (Saïdane 2009) à travers la mise en place d‘organisations qui s‘assurent de la conformité des établissements financiers islamiques à la charia et de leur intégration à la finance mondiale. Par ailleurs, le conseil islamique des services financiers 33, basé en Malaisie, s‘est engagé depuis sa création en novembre 2002 dans la recherche des meilleures pratiques permettant d‘atténuer le risque des instituts financiers islamiques et l‘application des directives des accords financiers internationaux. Sa mission est réalisée en étroite 32
33
www
.
aaoifi.com
www.ifsb.org 69
PARTIE 1-Chapitre 2La finance islamique : enjeux et état de l’art collaboration avec ses 150 membres et les principales institutions financières
s (Fonds Monétaire International, Banque Mondiale, Banque des règlements Internationaux, etc.). Vu son jeune âge, la finance islamique a un retard en matière de gestion des risques, de gouvernance de ses institutions, d‘organisation des marchés financiers et de standardisation des instruments financiers. Autant de défis à relever par les autorités de régulation de l‘industrie financière islamique auxquels s‘ajoute l‘insuffisance du capital humain et de cadres dotés de la double compétence : une connaissance de la charia et une maîtrise des techniques de la sphère financière.
III. Les mécanismes financiers islamiques
Il s‘agit des opérations utilisées par les institutions financières islamiques afin de proposer à leur clientèle une offre compatible avec leurs principes. Ainsi, les établissements islamiques procèdent généralement à des opérations « triangulaires » (Ruimy 2008) dans lesquelles un bailleur de fonds, un promoteur et un fournisseur se trouvent engagés.
1. Les techniques de financement
1.1. Mourabaha (vente à crédit) C‘est un mode de financement selon lequel le client signe un accord avec l‘institution financière islamique pour l‘achat d‘une marchandise. L‘établissement financier agit en tant que commerçant : il achète le bien au comptant et le revend à son client à terme avec une marge bénéficiaire. Deux cas sont possibles (Benmansour 1994) : ◘ Le client demande à son conseiller de lui acheter une marchandise en précisant ses caractéristiques y compris son prix, il propose une commission à l‘établissement financier islamique, en contrepartie et demeure entièrement responsable de la marchandise. ◘ Le client désigne une marchandise et demande à l‘établissement financier islamique de l‘acheter, dans ce cas c‘est ce dernier qui fixe le prix de vente avec une marge bénéficiaire et demeure responsable du bien jusqu‘à sa livraison. 70
PARTIE 1-Chapitre 2La finance islamique : enjeux et état de l’art
Pour que cette opération soit valide, du point de vue de la charia, un ensemble de conditions doivent être réunies (Benmansour 1994; Kettani 2005) : Le prix d‘acquisition doit être connu de la part du vendeur et de l‘acheteur ; La marge bénéficiaire doit être déterminée avec précision et librement négociée entre contractants ; L‘institution financière islamique doit posséder réellement l‘actif avant de la revendre à son client ; Le prix de vente ne doit subir aucune modification en cas de retard ou d‘anticipation de paiement ; Le client garde la possibilité de refuser la marchandise en cas de défauts cachés ou apparents ; Il s‘agit d‘une opération peu risquée, qui concerne l‘achat de matières premières, des produits semi-finis et des marchandises. Cette opération constitue la majeure partie des emplois des institutions financières islamiques et leur assure une liquidité importante. Pour les opposants à la finance islamiques (Khan 2010) cette opération présente des similitudes avec un mode de financement conventionnel. Cependant, les partisants du système bancaire islamique insistent sur les différences qui se situent au niveau des obligations contractuelles de chacune des parties concernées par le contrat (Chaar 2008 ; Saïdane 2009).
1.2. Ijara/ Ijara waiqtina (crédit-bail/ Leasing)
Ce mode de financement concerne les biens sujets à dépréciation (matériel roulant, immobilier, etc.) et l‘horizon de son application est le moyen terme (moins de 10 ans). Il consiste, pour l‘institution financière islamique, à acheter le bien et le mettre à la disposition d‘un entrepreneur (client) moyennant le paiement d‘un loyer périodique. La location peut être accompagnée d‘une option d‘achat, dans ce cas le transfert de propriété se fait au terme des échéances de remboursement après paiement de la différence entre le prix du bien et la somme des loyers versés. Le contrat doit expressément mentionner, comme c‘est le cas en finance conventionnelle, le prix du bien, le délai de location, le montant du loyer et les garanties exigées.
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PARTIE 1-Chapitre 2La finance islamique : enjeux et état de l’art
Lorsqu‘il s‘agit d‘un contrat ijara waiqtina, le client peut lever son option d‘achat. Dans ce cas, il paie exactement la différence entre les loyers versés et le prix du bien figurant sur le contrat et ce afin d‘éviter toute augmentation illicite.
1.3. Istisna’a (contrat d’entreprise)
Il s‘agit d‘une demande de fabrication d‘un produit, accompagnée d‘une promesse d‘achat au moment de la livraison du produit fini conformément au cahier des charges. L‘istisna‘a devient un mode de financement lorsque le paiement intervient avant la livraison. Dans ce cas, la banque islamique finance le fonds de roulement de la société pour les projets qui ne sont pas éligibles au leasing (travaux d‘ingénierie ou de matières premières qui interviennent dans la fabrication des biens destinés à la vente, etc.). Pour qu‘il puisse bénéficier de ce financement, l‘investisseur doit être en mesure de financer, par ses propres moyens, soit le coût des matières premières soit le coût de fabrication. 1.4. Bai’salam : (livraison différée) et Bai’muajjal : (paiement différé)
Bai‘salam est une transaction dans laquelle l‘acheteur paie à l‘avance le prix contre une promesse de livraison à une date future d‘un bien dont les spécifications sont clairement déterminées au moment de la vente. Cette opération de vente à livraison différée constitue un mode de financement pour les opérations agricoles ou d‘import/export. Afin de limiter son exposition au risque, la banque n‘achète à terme que les biens pour lesquels elle dispose d‘une promesse préalable d‘achat par son client. A la différence de la technique précédente, le Bai‘muajjal est une transaction commerciale spot dont le paiement est échelonné dans le temps sans que cela engendre des frais supplémentaires pour l‘acheteur.
2. Les techniques de participation
2.1. Mocharaka (participation active) Il s‘agit d‘un partenariat actif, un mode de financement utilisé aussi bien en finance islamique que conventionnelle selon lequel deux ou plusieurs parties participent en mettant en commun le capital et le travail. Ainsi la banque devient copropriétaire et coresponsable de la gestion du projet. Ce mode rejoint la joint-venture (Bendjilali 1996) avec le principe de partage des pertes et des profits au prorata de la contribution de chaque partie. 72
PARTIE 1-Chapitre 2La finance islamique : enjeux et état de l’art
La spécificité de la finance islamique à ce niveau concerne la participation dégressive (Saadallah 1992) qui permet à la banque islamique de se désengager de l‘affaire progressivement au profit de son client qui s‘engage à verser à la banque tout ou partie du bénéfice réalisé, et ce à concurrence du montant de sa participation. Ainsi chaque année, au moment du partage des bénéfices, la banque se voit attribuer, en plus de sa part, une partie ou la totalité de la part de son partenaire qui, à l‘échéance, devient le seul propriétaire et maître du projet.
2.2. Modaraba (commandite)
Ce mode de financement est l‘équivalent de la commandite: le commanditaire fournit le capital financier nécessaire au projet (apport en numéraire), alors que le commandité fournit le capital humain et l‘expertise nécessaire (apport en nature). Il s‘agit d‘une forme de capital risque (Wampfler 2002) où le financier islamique peut jouer le rôle du bailleur de fonds, comme il peut apporter son expertise de gestion à un projet financé par ses clients. Les profits réalisés sont partagés entre les deux partenaires, alors que les pertes sont supportées uniquement par le commanditaire, le commandité ne perd que la valeur de son travail. Pour ce mode de financement, la banque en tant que commandité, peut devenir commanditaire en confiant les fonds à un deuxième commandité, elle se contente de jouer un rôle d‘intermédiaire entre des investisseurs et des porteurs de projets et garde tout de même son droit à une part des profits qui en résultent en contrepartie de son intermédiation. Dans la pratique, nous distinguons deux catégories de Modaraba selon la nature du projet financé : Limitée : lorsque le contrat porte sur le financement d‘un projet précis connu à l‘avance ; Illimitée : lorsque le commandité peut investir dans un ou plusieurs projets de son choix en fonction des opportunités qui se présentent.
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PARTIE 1-Chapitre 2La finance islamique : enjeux et état de l’art Section 2 : Ingénierie financière islamique
Le développement des opérations des institutions financières islamiques s‘est fait pendant longtemps à travers les opérations des banques, des fonds d‘investissement et des sociétés d‘assurance, et tout récemment de réassurance islamiques. La finance islamique a mis à la disposition de ces opérateurs des instruments financiers, plus ou moins sophistiqués, tels que les obligations islamiques (sukuk), ainsi que des produits dérivés adaptés à la charia.
I. Le marché interbancaire islamique
Le marché monétaire interbancaire est le lieu privilégié pour l‘intervention de la banque centrale pour équilibrer le marché. Dans le système financier conventionnel, le taux d‘intérêt est perçu comme étant le prix de la liquidité. L‘absence de cette notion dans le système financier islamique amène la banque à allouer ses liquidités sur la base du partage des pertes et profits (Beaugé 1990). A ce niveau, il faut distinguer les systèmes bancaires mixtes et les systèmes bancaires islamisés (Kettani 2005).
1. Systèmes bancaires mixtes
C‘est le cas de plusieurs pays où les banques islamiques coexistent avec les banques conventionnelles locales. Un problème se pose aux autorités monétaires qui voient leur pouvoir limité et une partie du système échapper à leur contrôle. Ceci est dû au fait qu‘une banque islamique ne peut pas souscrire de bons de trés ni autres emprunts basés sur un taux d‘intérêt. En effet, les banques islamiques se retrouvent dans l‘obligation de détenir d‘importantes liquidités et les autorités monétaires se trouvent contraintes d‘adapter de nouveaux instruments à mettre à la disposition des banques islamiques. La conception de ces instruments est souvent délicate (El Qorchi 2005) à cause des difficultés posées par la définition d‘un taux de rendement sur ces instruments. La solution qui a été proposée par plusieurs chercheurs, notamment par Al Jarhi et Iqbal (2001), réside dans l‘émission par la banque centrale de certificats de dépôts centraux (CDC) négociables, représentant un placement diversifié et moins risqué, le taux de 74 PARTI
E 1-Chapitre
2La finance islamique : enjeux et état de l’art rendement de ces certificats remplacera le taux d‘intérêt. Dans ce cas, le contrôle du stock de monnaie en circulation se fera grâce aux opérations d‘open market.
2. Systèmes bancaires islamisés
Dans ce cas, les banques islamiques en plus des réserves obligatoires auprès de la banque centrale disposent d‘un compte pour gérer leurs liquidités, en plaçant leurs excédents et en se finançant en cas de besoin à court terme. La banque centrale garde son rôle de régulation en tant que banque des banques, et vu l‘absence d‘un taux d‘intérêt elle dispose de quatre instruments (Boudjellal 1998) qui sont : un ratio de partage de pertes et profits, un ratio de réserves, un contrôle des crédits ainsi que les opérations d‘open Market. La Malaisie, et le Bahreïn ont prévu un cadre spécifique pour les banques et le marché monétaire islamiques (Sole 2007). Ainsi, la Malaisie a créé, depuis 1994, un marché interbancaire islamique34. Dans le même sens, la banque centrale du Bahreïn a mené en 2001 une étude qui a conclu que les banques islamiques souffrent d‘un phénomène d‘excès de liquidité et que « les banques conventionnelles de la même taille ont en moyenne 46,5% de liquidités en moins comparées aux banques islamiques » (Khan et Ahmed 2002). Ceci a poussé les autorités monétaires du Bahreïn à créer, en 2002, le centre LMC (the Liquidity Management Center) afin d‘assurer la gestion des liquidités des banques islamiques. Il faut signaler que l‘absence d‘un vrai marché monétaire organisé pour la finance islamique a poussé la plupart des banques islamiques à se concentrer sur des opérations à court terme (El Qorchi 2005 ; Martens 2001) et dont le rendement n‘est pas assez élevé. Pour les économistes et financiers islamiques, le développement du marché interbancaire islamique s‘impose (Iqbal 2002) afin de permettre à des banques disposant d‘un excédent de liquidité de participer au financement de projets menés par d‘autres banques islamiques exprimant un besoin de liquidité à très court terme. Cela va permettre de lever les contraintes de compartimentage relatives à la structure des dépôts effectués (Martens 2001) et se traduira par l‘équilibre entre les éléments de l‘actif et les éléments du passif de leurs bilans. 34 http://iimm.bnm.gov.my 75
PARTIE 1-Chapitre 2La finance islamique : enjeux et état de l’art II. Le marché obligataire islamique 1. Le marché des Sukuk 1.1. Présentation
Les produits obligataires islamiques sont représentés par les sukuk. Ces instruments financiers à moyen terme permettent de contourner la notion du taux d‘intérêt prohibé par la charia en proposant une solution alternative aux obligations classiques. Le principe des sukuk est que le propriétaire reçoit une part du profit attaché au rendement sous-jacent et pas un intérêt fixe (Saïdane 2009). Ainsi, le principe des sukuk en finance islamique peut être rapproché de celui des ABS « Asset Backed Securities » en finance conventionnelle (Quiry et Le Fur 2006) et s‘apparente à de la titrisation. Les sukuk sont généralement émis par des fonds communs de créances, le plus souvent une SPV (Special Purpose Vihicule), créée ad hoc (Hassoune et Damak 2007) pour le compte d‘emprunteurs souverains ou corporate. Dans le premier cas, les émetteurs des sukuk sont des États alors qu‘il s‘agit dans le second de sociétés ou de banques. Dans certains cas, le taux d‘intérêt, généralement le LIBOR, peut servir de benchmark pour les sukuk, une pratique qui ne fait pas l‘unanimité des comités charia. Pour la justifier, les émetteurs ajoutent une clause dans le contrat (Usmani 2000) qui stipule que lorsque les profits réalisés dépassent le taux de référence, le supplément est versé en entier à l‘entreprise qui gère le projet (SPV) en récompense de sa bonne gestion. Lorsque les profits réalisés sont en dessous de ce taux, le gestionnaire du projet prélève sur ses propres comptes le reliquat qui sera accordé aux investisseurs à titre de crédit gratuit. Le principe qui consiste à récompenser la bonne gestion d‘un fonds est reconnu par l‘AAOIFI, mais il y a une absence d‘unanimité concernant le fait de se servir d‘un taux d‘intérêt comme référence. Certains comités charia prônent plutôt l‘utilisation d‘un taux de rendement exigé (Usmani 2002) indépendamment du taux d‘intérêt pour garder la spécificité des obligations islamiques.
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PARTIE 1-Chapitre 2La finance islamique : enjeux et état de l’art 1.2. Émission et négociabilité des sukuk
Le processus d‘émission des sukuk (Hassoune 2008) commence par l‘identification des actifs sous-jacents (actifs immobiliers, titres, etc.), puis le transfert des droits de propriété à la SPV créée ad hoc. Cette dernière détient les droits pour le compte des investisseurs ayant payé les sukuk. La SPV procède par la suite à la rémunération des émetteurs puis revend les actifs sous-jacents à la maturité des sukuk. Le rendement des actifs sous-jacents constitue l‘équivalent du coupon, le remboursement du principal intervient après la revente des actifs à leur valeur du marché. Les sukuk sont généralement négociés sur le marché de gré à gré, et les titres côtés ne représentent que 25% du total (Hassoune et Damak 2007). La place de cotation la plus active dans les négociations est celle de Dubaï suivie par celle de Londres, Euronext propose également des sukuk (voir annexe 4) suite à l‘admission de ces produits par l‘AMF en juillet 2008 (voir annexe 5). A la base, les sukuk avaient comme support des contrats modaraba (Chabir 2001) et étaient connus sous le nom de Moukarada. Actuellement nous comptons quatorze manières qui sont reconnues par l‘AAOIFI pour structurer les sukuk en fonction contrats servant de sous-jacents. D‘autres innovations ont eu lieu dans la manière de structurer ces obligations islamiques dont l‘apparition des sukuk convertibles en actions (Ruimy 2008). Par respect du principe du partage des pertes et profits, les sukuk ne peuvent pas être garantis par une des parties contractantes (Nisar 2007). Cependant, la garantie peut provenir d‘une tierce partie indépendante des contractants qui peut se porter volontaire pour compenser les pertes éventuelles. La banque centrale est bien placée pour jouer ce rôle, à condition qu‘elle ne soit pas impliquée dans le projet et qu‘elle apporte sa garantie sans contrepartie. La distinction entre les sukuk garantis et ceux non garantis détermine le traitement qui leur est réservé par les agences de notation. En effet, les sukuk garantis sont notés suivant la méthodologie classique appliquée aux obligations conventionnelles. Les obligations islamiques non garanties quant à elles, sont notées selon la méthodologie applicable aux financements structurés.
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PARTIE 1-Chapitre 2La finance islamique : enjeux et état de l’art 2. Évolution des sukuk 2.1. Historique
Les premiers sukuk ont été émis en 1998 par le groupe saoudien Dallah Al Baraka (Hassoune et Damak 2007). En 2001, c‘était le tour du Bahreïn qui a émis des sukuk de 3 à 5 ans suivi du Qatar en 2003 pour une émission record de 700 millions de dollars à échéance 2010. Quant aux obligations convertibles, elles étaient émises pour la première fois par le port de Dubaï en 2006. Même si les premières émissions ont eu lieu dans les pays du Golfe, l‘essor des sukuk a attiré d‘autres pays : le premier en Europe était le Land allemand de Saxe Anhalt qui a émis en juillet 2004 des sukuk pour un montant de 100 millions de dollars (Ruimy 2008). Un autre pays où ce produit s‘est très vite développé est la Malaisie où les sukuk représentaient 42% de l‘encours total de la dette privée et 25% des obligations en circulation à la fin de l‘année 2004 (Siagh 2007). Le tableau suivant illustre l‘évolution des sukuk au niveau mondial à partir de l‘année 2000, et nous remarquons que le montant total des émissions des sukuk qui est parti d‘une base faible a dépassé les 26 millions de dollars en 6 ans.
Tableau 5 : L’évolution des émissions de sukuk (en millions de dollars)
Années Types Sukuk corporate 2000 2001 2002 336.3 530 179.9 Sukuk souverains - 250 800 Emission totale 336.3 780 979.9 5717.06 7210.54 12065.39 26797.92 - 131.94 25.63 483.43 Taux de croissance (%) 2003 2004 2005 2006 4537.06 5731.19 11358.89 24526.32 1180 1479.35 26.12 706.5 67.33 2271.6 122.11
Source :
www.financeinislam.com/article/8/1/546
[
consulté en
avril 2008]
L‘analyse de la répartition des sukuk émis nous renseigne sur le fait que les sukuk corporate se sont développés à une cadence supérieure à celle des sukuk souverains. Cette tendance s‘explique par le fait que les entreprises ont commencé à découvrir ce produit à partir de 2003 et à l‘intégrer dans le cadre de diversification de leurs financements. 78
PARTIE 1-Chapitre 2La finance islamique : enjeux et état de l’art
En 2007, avec un volume de l‘ordre de 32,65 milliards de dollars et plus de 100 émissions provenant d‘une dizaine de pays, les sukuk étaient le segment du marché financier islamique qui a connu la croissance la plus élevée, le taux de croissance était de 71% portant ainsi le total des sukuk émis à 97,3 milliards de dollars (Moody‘s 2008). La Malaisie reste le principal pays émetteur de sukuk et les sukuk ijara adossés à des actifs immobiliers représentent la moitié des émissions selon le rapport d‘Oliver Wyman (2009). Les sukuk sont désormais utilisés pour financer des opérations nécessitant de lourds investissements, c‘est le cas en l‘occurrence de l‘énergie, de l‘immobilier ou des infrastructures. Les investisseurs qui cherchent à diversifier leurs prêteurs peuvent intégrer une tranche islamique, ce qui montre la complémentarité des deux types de financement. Outre les sukuk, de nouveaux instruments financiers sont apparus parmi lesquels le financement par effet de levier qui a été rendu possible à travers des montages financiers complexes. La première série de ces acquisitions a eu lieu au Royaume-Uni au cours de l‘année 2009 (Herbert Smith 2009).
2.2. Impact de la crise financière
En principe, la présence des comités charia interdit aux institutions financières islamiques de détenir des titres non adossés à des actifs réels (asset-backing). Elles ne peuvent pas non plus participer à des spéculations non maitrisées et à des positions non couvertes, vu leur caractère d‘incertitude prohibé par la charia. En effet, l‘industrie financière islamique a été résiliente face aux dernières crises financières (Arouri al. 2012, b) sans qu‘elle soit immunisée contre des risques conjoncturels affectant l‘économie réelle (Hassoune 2009). Selon le Bureau National des Recherches Économiques35, la crise des subprimes a officiellement commencé en décembre 2007 et s‘est terminée en mars 2009. Cette crise a été une illustration permettant de confronter l‘avis des comités aux réalités de la finance mondiale. Elle a eu comme effet de freiner la croissance des sukuk, leur émission ayant baissé de 54.5% en 2008 à 15.1 milliards de dollars (Global Investment House 2009). Cette baisse est principalement due au manque de liquidité sur les marchés à cause du resserrement des crédits, ou credit crunch, qui a conduit à une attitude prudente de la plupart des investisseurs. 35 http://www.nber.org/cycles.html [consulté en octobre 2010]
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PARTIE 1-Chapitre 2La finance islamique : enjeux et état de l’art
Après cette tendance baissière, l‘année 2009 a connu un retour à la hausse, mais à des niveaux inférieurs à ceux de l‘avant-crise. Ainsi, selon un rapport de Standard and Poor’s (2010, a), l‘émission des sukuk s‘est accrue de 54% pour passer à 23.3 milliards de dollars. Ce sont le retour de la confiance des investisseurs et des liquidités qui ont encouragé cette reprise. La finance islamique est une partie de la finance mondiale, par conséquent elle a été touchée par la crise dès lors que cette dernière a touché la sphère réelle de l‘économie. Ainsi, au début de cette crise qui était essentiellement financière, les établissements financiers islamiques ont été moins affectés (Hassoune 2008) pour deux raisons principales : premièrement, par application du principe d‘interdiction de l‘intérêt, les conseils de charia leur interdisaient de s‘engager dans des opérations spéculatives avec effet de levier et deuxièmement, parce que ces établissements n‘ont pas pris part à la structuration en chaîne des produits dérivés au regard de leur caractère spéculatif en application du principe d‘interdiction de l‘incertitude. Osman (2010) ajoute également d‘autres facteurs liés au principe d‘adossement à un actif réel et à la confiance des clients des banques islamiques pour justifier la résistance de ces banques en période de crise. La crise immobilière qui s‘est manifestée par la dépréciation des actifs immobiliers a eu un impact sur les actifs détenus par les établissements financiers islamiques. Un exemple étant la crise de Dubaï, le conglomérat Dubaï World et sa filiale immobilière Nakheel ont demandé un rééchelonnement de leurs dettes dont une tranche islamique de 4,1 milliards de dollars sous forme de sukuk. L‘intervention de l‘émirat d‘Abou Dhabi en fournissant 10 milliards de dollars à titre de prêt a permis à Dubaï World de rembourser les sukuk à l‘échéance prévue, le 14 décembre 2009. III. Les liens avec l’investissement socialement responsable 1. Les particularités de chaque catégorie 1.1. Différences en termes du référentiel et des choix opérationnels
Le référentiel En finance de marché islamique, le référentiel est religieux et tire ses principes des textes sacrés constituant la loi islamique. Ainsi, la charia réglemente toutes les pratiques de 80 PARTIE 1-Chapitre 2La finance islamique : enjeux et état de l’art l‘investissement en fixant les limites de ce qui est licite et ce qui est interdit (Saïdane 2009). Les produits et instruments financiers islamiques doivent être compatibles avec les préceptes de l‘islam et il incombe aux comités charia, de valider leur conformité. Chaque établissement ou fonds d‘investissement islamique doit obligatoirement avoir son propre comité (Chaar 2008). Par ailleurs, les investisseurs SR se réfèrent aux critères ESG établis par les agences de notation. En plus de ces normes, des comités éthiques peuvent attester de la conformité de certaines pratiques des établissements jugés SR, la présence de ces comités est souhaitable mais pas obligatoire (Miglietta et Forte 2007). C‘est dans ce contexte qu‘apparaît la différence fondamentale entre les fonds d‘investissement islamiques et les fonds SR (Atta 2000). En plus des exclusions sectorielles, les fonds islamiques ont un univers d‘investissement plus restreint puisqu‘ils excluent également toutes les opérations basées sur un taux d‘intérêt.
Intégration dans le système financier
La nature des produits financiers islamiques exige des pays d‘accueil une adaptation de leur système juridique pour faciliter leur intégration dans le système financier. Il s‘agit de mettre en œuvre certains aménagements d‘ordre juridique et fiscal (Saint Marc 2008) évitant la double imposition de ces produits. Des efforts de codification des lois islamiques sont mis œuvre par des organisations telles que l‘AAOIFI afin de faciliter cette intégration. Par ailleurs, les autorités des marchés jouent un rôle dans l‘intégration des produits financiers islamiques. Ainsi, en France, l‘AMF a autorisé le 17 juillet 2007 l‘utilisation des critères extra-financiers de sélection des titres, une mesure qui autorise les OPCVM conformes à la loi islamique (voir annexe 6) à l‘instar des fonds ISR et de partage. Ces OPCVM sont sensés respecter les dispositions législatives et réglementaires en vigueur dans chaque pays, mais leur particularité est reconnue lorsqu‘il s‘agit de la distribution de tout ou partie des revenus du fonds. Pour les OPCVM islamiques, un processus de « purification » des revenus consiste à verser une partie du revenu à un organisme reconnu d‘utilité publique. Ne mobilisant pas les mêmes expertises pour valider les pratiques et la conformité, et utilisant deux référentiels différents, l‘ISR et la finance islamique ne visent pas à servir la même clientèle et n‘utilisent pas exactement les mêmes stratégies.
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PARTIE 1-Chapitre 2La finance islamique : enjeux et état de l’art 1.2. Implications au niveau des stratégies et des droits des créanciers
Les stratégies utilisées en finance islamique sont principalement des stratégies d‘exclusion ainsi que certaines formes d‘activisme actionnarial (Ghoul et Karam 2007). Cependant, les investisseurs ISR utilisent en plus de ces deux stratégies des filtres relatifs aux pratiques sociales et orientés vers le développement durable (Miglietta et Forte 2007). En termes de droit des contrats, les droits des créanciers financiers et islamiques sont différents en cas de défaillance de la société de gestion ou du projet. Pour illustrer cette différence, Boureghda (2008) s‘est intéressée à l‘interprétation de la notion du défaut dans les deux systèmes et a démontré qu‘elle est plus large en finance conventionnelle qu‘en finance islamique. Selon la conception islamique la charia impose que le défaut soit imputable à une faute de l‘emprunteur et exige le consentement mutuel en cas de résiliation, ce qui exclut les cas de résiliation unilatérale.
2. Les convergences possibles
Malgré les différences entre la finance islamique et l‘ISR, des zones d‘intersection existent. Nous allons analyser les convergences possibles sous deux angles : la légitimité ainsi que la complémentarité entre les deux modèles.
2.1. La légitimité
Les investissements islamiques, de même que ceux SR, tirent leur légitimité de la finalité de leur approche. L‘islam, à travers ses cinq principes financiers, prône l‘équité et la justice sociale en termes de répartition des richesses et même de protection de l‘environnement. Ce sont là autant de principes moraux partagés avec l‘industrie SR (Novethic 2009). La notion du partage est présente en finance islamique à travers la zakat qui est une aumône donnée aux nécessiteux, et la purification des revenus en versant une part aux organismes d‘utilité publique. Cette notion est présente également dans les investissements SR notamment à travers « les fonds de partage ». 2.2. La complémentarité L‘ISR ainsi que la finance islamique restent complémentaires à la finance conventionnelle et les trois font partie d‘une finance contemporaine globale. Pour illustrer cette relation, Chaar (2008) précise qu‘il n‘existe qu‘une seule finance globale mais plusieurs 82 PARTIE 1-Chapitre 2La finance islamique : enjeux et état de l’art pratiques plus ou moins éthiques, selon cette acception la finance contemporaine sert de modèle à la finance islamique.
Les opérateurs de la finance islamique se chargent de créer des instruments financiers compatibles avec la loi islamique et qui soient à même de reproduire les objectifs et les performances des instruments conventionnels. La finance de marché islamique de même que les activités de marché SR sont des compléments éthiques apportant de la morale à la finance conventionnelle. En raison de leur apparition relativement récente, les produits de la finance de marché islamique n‘ont pas pour vocation de remplacer les produits existants, les recherches menées dans ce domaine vont plutôt dans le sens d‘une cohabitation (Boureghda 2008). A titre d‘exemple, la création d‘indices boursiers regroupant des sociétés respectant les critères éthiques est une pratique commune à la finance islamique et à l‘investissement socialement responsable. Ce sont les indices islamiques qui feront l‘objet de la section suivante de notre thèse.
83 PARTIE 1-Chapitre 2La finance islamique : enjeux et état de l’art Section 3 : Les indices boursiers islamiques I. Historique et présentation des indices boursiers islamiques 1. Historique des indices boursiers islamiques
Avant le lancement des indices boursiers conformes à la loi islamique, les investisseurs désireux d‘investir en conformité avec leurs principes religieux étaient obligés d‘effectuer le tri eux-mêmes en s‘intéressant au se d‘activité des entreprises.
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Adhémar Esmein et le droit constitutionnel de la liberté
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En effet le droit de dissolution de la Chambre populaire est le corollaire juridique de la responsabilité politique du Cabinet, elle-même étant la conséquence directe de l’irrévocabilité du Chef de l’État. Le droit de dissolution constitue donc « la garantie »6 de l’indépendance du pouvoir exécutif : « Enfin, pour maintenir l’indépendance constitutionnelle, l’irrévocabilité du chef exécutif, le gouvernement parlementaire admet, 1 Ibid. « Tous les publicistes de l’école parlementaire sont d’accord pour admettre le droit de dissolution. C’est un moyen pacifique et national, pour arriver sans violence à vider un conflit : c’est un régulateur qui fait régner l’harmonie entre les pouvoirs, l’ordre et la paix dans le pays », A. Saint Girons, Essai sur la séparation des pouvoirs..., op. cit., p. 346. 3 A. Saint Girons, Manuel de droit constitutionnel, op. cit., p. 482. 4 Voir F. Moreau, Précis élémentaire de droit constitutionnel, op. cit., p. 402. 5 F. Moreau,
Précis
é
lément
aire
de droit constitutionnel
, op.
cit
., p. 387. 6 Rappelons cet extrait déjà cité : « Même là où règne le gouvernement parlementaire, bien que, par le ministère, la direction du pouvoir exécutif dépende largement de la Chambre populaire, l’irrévocabilité du chef du pouvoir exécutif, monarque ou président, garantie par le droit de dissolution, fournit un point fixe, une force au moins de résistance, en dehors du pouvoir législatif », Éléments..., op. cit., p. 466. 2 398 non le droit de veto, qui ne pourrait là servir à rien, comme on le verra plus loin, mais le droit de dissoudre la Chambre des députés »1. L’apparence est donc trompeuse selon Esmein : le droit de dissolution n’enfreint en rien le principe de la séparation des pouvoirs, il en est au contraire la conséquence d’une application « souple ». Les Éléments de droit constitutionnel portent : « le droit de dissolution est plutôt en réalité une sanction de ce principe, en ce qu’il a d’essentiel, puisque, comme nous l’avons vu, sous cette forme de gouvernement, c’est le dernier moyen et le plus efficace pour garantir l’irrévocabilité et l’indépendance du pouvoir exécutif »2. Si le droit de dissolution constitue la garantie de l’indépendance du Chef de l’État en régime parlementaire, elle est la seule : « En effet, du moment que la Constitution admet un pouvoir exécutif plus ou moins séparé du pouvoir législatif et dont le titulaire ne peut pas être révoqué par ce dernier, il est toujours possible que des conflits se produisent entre les deux pouvoirs : le droit de dissolution est le seul moyen de leur donner une solution pacifique »3. L’article 5 de la loi constitutionnelle du 25 février 1875 dispose : « Le Président de la République peut, sur l’avis conforme du Sénat, dissoudre la Chambre des députés, avant l’expiration légale de son mandat ». Toutefois, l’objectif des constituants, qui souhaitaient, par l’accord du Sénat, « rendre plus effective cette prérogative »4, n’ont fait que rendre « plus improbable, plus difficile, l’exercice de ce droit ». Esmein explique que, depuis les lois constitutionnelles de 1884, le Sénat est devenu, par son caractère entièrement électif, l’égal de la Chambre des députés. De sorte que la haute assemblée ne prendra plus la responsabilité d’autoriser la dissolution d’une assemblée de même nature sans d’impérieuses nécessités : « le Sénat, devenu totalement électif et vraiment républicain n’autoriserait une dissolution de la Chambre des députés que si l’opinion publique l’imposait véritablement ; mais alors même la dissolution prononcée ne pourrait être qu’une mesure bienfaisante »5. Esmein regrette alors que « ce rouage essentiel du gouvernement parlementaire, qui a pour but d’assurer, à l’égard de la Chambre des députés, l’indépendance constitutionnelle du pouvoir exécutif, court grand risque de se rouiller chez nous. Ce n’est qu’à la dernière extrémité que le Sénat, après l’histoire du 16 mai 1877, autoriserait une dissolution, à moins qu’elle ne fût désirée, demandée par la Chambre des députés elle-même »6. Ainsi, Esmein en appelle, plus discrètement que ne le fera Moreau en 19027, à la revalorisation du droit de dissolution dans le mécanisme des institutions françaises au motif que lui seul peut sauvegarder l’indépendance toujours menacée du pouvoir ex
tif. La cinquième édition des Éléments de droit constitutionnel ajoutera au chapitre consacré à la séparation des pouvoirs pour dénoncer les agissements de la Chambre basse contraignant le titulaire de l’exécutif à la démission. Esmein s’attache ici à la démission du Président Jules Grévy qui fut poussé à la démission par la Chambre basse qui lui refusait 1 Éléments..., op. cit., p. 485. Éléments..., op. cit., p. 748. Voir également p. 158. 3 Éléments..., op. cit., p. 749. 4 Ibid. 5 Éléments..., op. cit., p. 749-750. 6 Éléments..., op. cit., p. 751. 7 Voir le chapitre « Erreurs à redresser » de l’ouvrage de Moreau : F. Moreau, Pour le régime parlementaire, op. cit., p. 326-351 et notamment p. 334-338. 2 399 la constitution d’un nouveau ministère. Il s’agit là d’un « moyen extrême, révolutionnaire quoique pacifique, de forcer le titulaire du pouvoir exécutif à sa retirer »1 mais surtout d’un moyen inconstitutionnel. Esmein refuse que l’irrévocabilité de l’exécutif puisse être mise à mal par la Chambre de façon légale en régime parlementaire. Pour lui, il s’agit d’un détournement des règles constitutionnelles relatives à la responsabilité politique : « Quoi qu’on en dise, ce sont là des actes inconstitutionnels auxquels le jeu du gouvernement parlementaire donne une apparence de constitutionnalité »2. Cette argumentation vise ainsi à préserver le coeur de la séparation « souple « des pouvoirs, en démontrant que la démission forcée n’entre pas dans le jeu du gouvernement parlementaire. 1 2 Éléments..., op. cit., p. 485. Éléments..., op. cit.,
. 486. 400
Section 2 La compréhension du régime américain ou l’introuvable séparation stricte des pouvoirs
Si le régime parlementaire est une version souple ou atténuée du principe de la séparation des pouvoirs, encore faut-il le faire contraster avec une version « rigide ». Après avoir établi que le régime parlementaire constituait un « type » de séparation atténuée se déclinant en Angleterre, en France et dans la plupart des monarchies constitutionnelles d’Europe, Esmein établit l’existence d’un autre « type » de régime, en complète opposition au premier par la rigoureuse séparation1 de l’exécutif et du législatif qu’il est censé instituer : « Un certain nombre de Constitutions se sont attachées à appliquer aussi strictement que possible la séparation du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif, telle que la professait Montesquieu »2. Cette typologie des régimes à séparation stricte ou rigide des pouvoirs inclut deux anciennes Constitutions françaises – celles de 1791 et de l’An III – et une Constitution toujours en vigueur depuis son adoption en 1787 : la Constitution fédérale des États-Unis d’Amérique3. Esmein entend démontrer que ces trois Constitutions peuvent être rassemblées dans une même catégorie au motif qu’elles instituent ou instituèrent des pouvoirs – entendus à la fois comme organes et comme fonctions – sinon totalement séparés, du moins séparés de façon plus accentuée que les régimes parlementaires. Toutefois, on observe que les caractéristiques présentées comme des éléments de rigidité ne se retrouvent pas tous dans les trois « Constitutions-type »4 qu’il identifie. Mais l’objectif des Éléments de droit constitutionnel est, nous l’avons dit, de maintenir l’idée d’une séparation des pouvoirs en régime parlementaire, au prix d’un certain nombre d’arrangements théoriques. La théorisation d’un régime supposé appliquer la séparation de façon rigide ne va pas échapper à quelques approximations ou omissions de la part de l’auteur, afin de prouver les bienfaits de l’autre régi , le régime parlementaire. C’est là, comme l’a démontré Gérard Conac5, la fonction unique assignée au régime américain dans la théorie d’Esmein. La fédération américaine est, sans aucun doute, le régime représentatif moderne le moins étudié dans l’œuvre d’Esmein, en comparaison des régimes français, anglais ou même suisse. Hormis une courte préface à la réédition du Fédéraliste assurée par Gaston 1 Esmein écrit précisément : « Sur ce point les diverses combinaisons pratiquées ou proposées se ramènent à un certain nombre de types distincts. Je les exposerai en commençant par celles qui appliquent le plus rigoureusement possible le principe de la séparation des deux pouvoirs », Éléments..., op. cit., p. 466, nous soulignons. 2 Ibid., nous soulignons. 3 C’est également le cas de Saint Girons ou de Duguit qui, sans proposer de typologie des régimes, considèrent que la Constitution de 1791 applique, avec la Constitution fédérale américaine, une séparation stricte : voir par exemple A. Saint Girons, Essai sur la séparation des pouvoirs, op. cit., p. 291 et p. 314. Léon Duguit consacre l’ensemble de son article à démontrer l’application absolue du principe de séparation : L. Duguit, « La séparation des pouvoirs et l’Assemblée nationale de 1789 », art. cité. 4 Éléments..., op. cit., p. 466, p. 472. 5 Voir G. Conac, « Adhémar Esmein, théoricien du système constitutionnel américain », art. cité. Voir également R. Moulin, Le présidentialisme et la classification des régimes politiques, op. cit., p. 22. 401 Jèze en 19021, on constate que seuls les Éléments de droit constitutionnel consacrent des développements aux États-Unis. Toutefois, on ne saurait y trouver un panorama complet et détaillé des institutions politiques américaines et de leur fonctionnement. Ce n’est effet que par touches successives – comparées notamment système constitutionnel français des lois de 1875 – que ces institutions sont étudiées. Poursuivant son objectif de légitimation du régime parlementaire, Esmein tente de démontrer que le régime américain organise une séparation stricte des pouvoirs législatif et exécutif. Cette affirmation connaîtra une postérité indéniable puisque le « spectre » de la séparation rigide des pouvoirs hante encore et toujours le discours de la majorité de la doctrine constitutionnelle française dans son analyse du régime politique des États-Unis2. La théorie d’une séparation stricte ou rigide –les deux termes sont synonymes – des pouvoirs n’est pas, là encore, une originalité propre à Esmein. La description du régime américain ne diverge pas, sur le fond, de ce que l’on trouve dans les ouvrages de droit constitutionnel antérieurs à 1896 ou dans les études spécifiquement consacrées à la séparation des pouvoirs. Seule la grille d’interprétation change. On a remarqué en effet que la séparation des pouvoirs connaît quatre formules selon Esmein. Ainsi les degrés de séparation atténuée et de séparation stricte sont encadrés, à leurs extrêmes, par une séparation « absolue » – qu’Esmein rejette au nom de l’unité de la souveraineté – et une « confusion » des pouvoirs entendues comme la simple négation de la séparation. L’analyse de ses collègues et prédécesseurs présente moins de subtilité. La grande majorité des publicistes considère en effet que le régime politique des États-Unis institue une séparation « absolue »3. Saint Girons ne cesse de le répéter dans ses deux ouvrages tout en en soulignant les dangers4. Son Essai sur la séparation des pouvoirs oppose ainsi la république française et la république américaine : « Suivant que la république présidentielle se combine avec le gouvernement parlementaire, ou bien consacre la séparation absolue des pouvoirs, on a la forme française ou la forme américaine »5. Le Manuel de droit constitutionnel reprendra exactement la même idée6. Fuzier-Herman exprime le même sentiment dans ses développements consacrés au régime politique des États-Unis7 : « Ainsi se trouve consacrée la séparation des pouvoirs législatif et exécutif : elle est absolue, systématique et
1
Voir
Le
Fédéraliste
(commentaire de la Constitution des États-Unis, recueil d’articles écrits en faveur de la nouvelle constitution, telle qu’elle a été adoptée par la Convention fédérale le 17 septembre 1787, par A. Hamilton, J. Jay et J. Madison,
Nouvelle édition française, avec une introduction bibliographique et historique, par G. Jèze, avec une préface de A. Esmein,
(
Le Fédéraliste, traduction par G. Jèze) Paris, Giard et Brière, 1902, 788 pages. Pour une critique de l’édition de Gaston Jèze, voir D. Mongoin, « Le Fédéraliste revisité. Présentation des articles 10, 51 et 78 », Jus Politicum, n° 8, p.1. 2 Voir J. Boudon, « Le mauvais usage des spectres. La séparation “rigide” des pouvoirs », art. cité., p. 248-251
notamment
. 3 Remarquons que Julien Boudon signale, en note, dans son article : « La présentation du régime américain en termes de « rigidité » a des racines plus lointaines [que celles de la doctrine d’Esmein] (Benjamin Constant, Germaine de Staël, Duvergier de Hauranne) – information communiquée par le professeur Carlos Pimentel », J. Boudon, « Le mauvais usage des spectres. La séparation “rigide” des pouvoirs », art. cité., p. 250, note 10. 4 Voir notamment A. Saint Girons, Essai sur la séparation des pouvoirs, op. cit., p. 291, p. 300 et p. 557. Voir également A. Saint Girons, Manuel de droit constitutionnel, op. cit., p. 396-397. 5 A. Saint Girons, Essai sur la séparation des pouvoirs, op. cit., p. 254, nous soulignons. 6 Voir A. Saint Girons, Manuel de droit constitutionnel, op. cit., p. 400. 7 On remarque que, contrairement à Saint Girons, Fuzier-Herman conclut son étude par un aperçu relativement bref de l’application du principe séparation des pouvoirs dans les législations étrangères : voir É. Fuzier-Herman, La séparation des pouvoirs d’après l’histoire et le droit constitutionnel comparé, op. cit., p. 511-566. 402 opposée aux idées pratiquées dans la vieille Europe, où les constitutions les plus perfectionnées, tout en maintenant les pouvoirs séparés, comptent sur leur union et sur leur action réciproque pour faire du principe de souveraineté populaire une réalité toujours efficace »1. Duguit adopte la même opinion dans son article consacré à la séparation des pouvoirs dans la Constitution de 1791. S’il n’affirme pas formellement le caractère absolu de la séparation dans la Constitution américaine, sa démonstration tend à prouver la séparation – par définition « absolue » – introduite dans les institutions de la monarchie constitutionnelle française est directement inspirée des institutions américaines2. Boutmy ou Moreau, eux, n’iront pas jusqu’à caractériser la Constitution américaine au moyen de l’expression « séparation absolue des pouvoirs ». Ils considèrent en effet que le régime parlementaire n’institue pas à proprement parler de séparation des pouvoirs mais, au contraire, une « collaboration harmonieuse et indépendante »3 entre les pouvoirs pour Moreau ou un « concert »4 pour Boutmy. Ainsi, l’expression « séparation des pouvoirs »5 est employée pour désigner le principe d’organisation des institutions américaines. Si Moreau est peu disert sur le type de séparation aux États-Unis6, Boutmy attache à la notion de « séparation » la même signification que Saint Girons ou Fuzier-Herman à celle de « séparation absolue » : « La Convention de Philadelphie, pénétrée jusqu’à la superstition de la théorie de Montesquieu, a mis tous ses soins à tenir les pouvoirs séparés. Les routes qu’elle leur a tracées sont invariablement parallèles, elles ne se croisent nulle part. Ils peuvent se voir, se menacer du regard ou avec une voix lointaine ; mais il n’y a pas de carrefour où ils puissent se rencontrer, se prendre corps à corps et engager une lutte qui laisse à l’un deux l’avantage et le dernier mot »7. Malgré ces divergences lexicales la théorie de la séparation stricte des pouvoirs et son application aux États-Unis est commune à tous les auteurs français de la fin du XIXe siècle. Toutefois il semble qu’Esmein et Boutmy soient les seuls à étudier en profondeur la Constitution américaine et les rapports entre les organes qu’elle institue. Ils nient purement et simplement – par des explications contestables d’un point de vue juridique – l’existence de rapports constants entre les organes étatiques de l’Union américaine. Se révèle alors, par la négation des entorses à la séparation fonctionnelle (I) et à l’indépendance organique (II), toute l’ambition de la théorie esmeinienne : prouver, coûte que coûte, que le régime parlementaire constitue bien un régime de séparation (plus souple que celui des États-Unis) et ainsi démontrer tous les bienfaits du régime français institué par les lois de 1875. 1
É. Fuzier-Herman, La séparation des pouvoirs d’après l’histoire et le droit constitutionnel comparé, op. cit., p. 560. 2 Voir L. Duguit, « La séparation des pouvoirs et l’Assemblée nationale de 1789 », art. cité., p. 111-114 notamment. 3 F. Moreau, Précis élémentaire de droit constitutionnel, op. cit., p. 387. 4 Voir par exemple É. Boutmy, Études de droit constitutionnel : France, Angleterre, États-Unis, Paris, Plon, 1885, p. 134. 5
Boutmy
évoque à une seule reprise
« la séparation si complète de l’exécutif et du législatif
», É. Boutmy, Études de droit constitutionnel : France,
Angleterre, États-Unis
, Paris,
P
lon, 1885, p
.
150
. 6 Après avoir longuement expliqué que le régime parlement organise une collaboration des pouvoirs, Moreau se contente de souligner que ce régime est « exclu par les États-Unis et les Républiques américaines qui les ont imités », F. Moreau, Précis élémentaire de droit constitutionnel, op. cit., p. 394. 7 É. Boutmy, Études de droit constitutionnel : France, Angleterre, États-Unis, op. cit., p. 135. 403
I Les exceptions à la séparation au sens fonctionnel
En s’en tenant à la définition – imprécise – de la séparation des pouvoirs fournie par les Éléments de droit constitutionnel, on comprend que la séparation stricte, censée caractériser le régime politique américain, introduit de l’étanchéité dans l’exercice des fonctions exécutive et législative. Si Esmein ne conclut pas, à la manière de Saint Girons1 ou de Boutmy2, à l’isolement total des organes dans l’exercice de leurs fonctions respectives, il tente de démontrer l’absence d’entorses à la spécialisation des organes. Il s’agit là de la principale différence entre le régime parlementaire et le régime de séparation stricte qu’est le régime américain. Le premier autorise en effet, nous l’avons vu, une intrusion de l’organe exécutif dans la fonction législative – par le droit d’initiative législative partagé – ainsi qu’un exercice partiel de la fonction exécutive par l’organe législatif (l’autorisation parlementaire de ratification des traités internationaux). Par opposition, une séparation stricte de la séparation de l’exécutif et du législatif interdit, en principe, à l’organe législatif et à l’organe exécutif d’intervenir dans leurs fonctions respectives. Les Éléments de droit constitutionnel, parmi les caractéristiques des « Constitutions-types » appliquant une séparation stricte, établissent en effet comme une « conséquence logique du principe »3 que « le pouvoir exécutif n’est point partie à la législation »4 et qu’ainsi « la législation appartient tout entière et exclusivement au pouvoir législatif »5 u comme organe, c'est-à-dire au Congrès des États-Unis. Cette affirmation est parfaitement exacte quant à l’initiative des lois : « Il en résulte, premièrement, que le pouvoir exécutif n’a pas l’initiative de la proposition des lois : celleci ne peut émaner que du Corps législatif lui-même. Comme d’autre part, les ministres du pouvoir exécutif ne peuvent pas en même temps être membres du Corps législatif, ils ne peuvent point faire non plus, en leur nom personnel, ce qu’ils ne pourraient pas faire en tant que ministres. Le seul détour possible, facile même, mais extra-légal, consiste à trouver un membre du Parlement qui veuille bien introduire en son nom propre, et comme émanant de lui, la proposition de loi que désire le gouvernement »6. Si on se rappelle que le droit d’initiative partagé du régime parlementaire constitue « la règle la plus sage »7, il n’est pas étonnant qu’Esmein tienne le caractère exclusif de l’initiative législative pour un procédé « peu raisonnable »8. Il explique l’adoption de cette technique dans ses 1 Saint Girons donne bien à la notion de séparation absolue des pouvoirs la signification d’un isolement total des organes dans l’exercice de leurs fonctions respectives. Ainsi écrit-il, à propos de l’assemblée Constituante de 1789-1791 : « La Constituante consacra le système diamétralement opposé [à celui de confusion des pouvoirs de l’Ancien régime] : séparation absolue des pouvoirs. Isolés l’un de l’autre, les pouvoirs devinrent naturellement ennemis... », A. Saint Girons, Essai sur la séparation des pouvoirs, op. cit., p. 291. Ou encore dans son Manuel : « C’est pour échapper au danger trop réel de l’annihilation graduelle du pouvoir exécutif par le Parlement, que les Américains établi l’isolement des pouvoirs », A. Saint Girons, Manuel de droit constitutionnel, op. cit., p. 400, nous soulignons. 2 Voir É. Boutmy, Études de droit constitutionnel : France, Angleterre, États-Unis, op. cit., p. 135. 3 Éléments..., op. cit., p. 471. 4 Ibid. 5 Ibid. 6 Éléments..., op. cit., p. 471. 7 Éléments..., op. cit., p. 729. 8 Éléments..., op. cit., p. 472. 404 trois « Constitutions-types
» par des raisons politiques : « Mais on était entraîné par une idée qui, d’ailleurs, contenait une part de vérité. On voulait assurer la pleine indépendance du pouvoir législatif, qui devait par des lois dicter au pouvoir exécutif les règles de ses actions : or, on pensait que permettre à celui-ci de proposer des lois, c’était le plus souvent lui permettre de le s’imposer en fait à l’acceptation du Corps législatif ; l’initiative gouvernementale devait annihiler naturellement l’initiative parlementaire »1. L’ensemble des juristes de la fin du siècle se fonde sur cette interdiction faite à l’organe exécutif de proposer l’adoption d’une loi pour conclure à l’existence d’une séparation stricte ou absolue. Duguit considère que la disposition pertinente de la Constitution de 1791 résulte de l’application de la séparation – absolue par définition – des pouvoirs2. Saint Girons affirme que « Montesquieu établit la séparation absolue des pouvoirs »3 par le fait que « le pouvoir exécutif ne doit pas participer à la rédaction de la loi, ni même avoir le droit d’initiative : le droit de veto lui suffit »4. Il en signale tous les méfaits5, sans pour autant s’arrêt sur le cas de la Constitution américaine. Fuzier-Herman observe également que les deux Chambres du Congrès « possèdent la plénitude du pouvoir législatif »6, tout comme Boutmy qui regrette que la participation de l’exécutif à la fonction législative ait été proscrite par les Constituants américains7 au nom de la séparation des pouvoirs. Mais si cette initiative exclusive est reconnue par Esmein comme la marque éclatante de la séparation stricte, particulièrement aux États-Unis, l’auteur semble reconnaître dans le droit de veto législatif confié à l’organe exécutif une exception au caractère rigide : « Le même principe qui fait refuser au pouvoir exécutif l’initiative des lois, devrait lui dénier aussi toute action sur les lois votées par le Corps législatif. Tout droit de veto accordé au pouvoir exécutif paraît absolument contraire au principe de la séparation des pouvoirs »8. Le veto provoque une faille majeure dans la théorie de la séparation stricte des pouvoirs. En plus de contredire l’idée d’une spécialisation fonctionnelle des organes, il vient aussi mettre à mal la « typologie » des régimes de séparation stricte puisque Esmein admet lui-même que sur les trois Constitutions qui servent de base à sa théorie de la rigidité, deux d’entre elles confient à l’organe exécutif le droit de s’opposer à l’entrée en 1 Ibid.
Voir L. Duguit, « La séparation des pouvoirs et l’Assemblée nationale de 1789 », art
.
cité., p
.
122. 3 A. Saint Girons, Essai sur la séparation des pouvoirs, op. cit., p. 97. 4 Ibid. 5 A. Saint Girons, Manuel de droit constitutionnel, op. cit., p. 408-409, nous soulignons. 6 É. Fuzier-Herman, La séparation des pouvoirs d’après l’histoire et le droit constitutionnel comparé, op. cit., p. 560. 7 « En Amérique, les ministres n’ont pas entrée au Congrès. Le Président et ses conseillers ne communiquent avec les Chambres que par des messages et des comptes rendus écrits. Le Président, dit le texte, peut adresser de temps en temps au Congrès des informations et appeler son attention sur les mesures nécessaires ou utiles. Mais ces propositions ou plutôt ces motions, ni le Président, ni les ministres ne peuvent les suivre dans l’enceinte des Chambres, les convertir en bills formels, les soutenir avec l’autorité qui s’attache à la parole d’un gouvernement responsable, dissiper les malentendus, écarter les amendements qui vont contre le but de la loi, modifier euxmêmes le texte au cours de débat selon les impressions qui se font jour dans l’Assemblée. Toutes ces conditions d’un travail législatif mûri, judicieux, conséquent, leur sont refusées. Ils ne peuvent se faire entendre qu’à la cantonade », É. Boutmy, Études de droit constitutionnel : France, Angleterre, États-Unis, op. cit., p. 136-137. 8 Éléments..., op. cit., p. 474. 2 405
vigueur d’un texte adopté par l’organe législatif1. C’est ainsi que la Constitution du 3 septembre 1791 confie au Roi des Français le droit de sanctionner les décrets du Corps législatif2 en s’opposant « aux théoriciens rigoureux de la séparation des pouvoirs qui veulent refuser au roi tout droit de veto »3. La septième clause de l’article 1er de la Constitution américaine prévoit, elle, que « Tout ordre, résolution ou vote pour lequel le concours du Sénat et de la Chambre des Représentants peut être nécessaire (sauf en matière d’ajournement) devra être présenté au Président des États-Unis ; et avant de devenir exécutoire, il devra être approuvé par lui ou s’il le désapprouve, être voté à nouveau par les deux tiers du Sénat et de la Chambre des Représentants suivant les règles et les limitations prescrites pour le cas des propositions de lois ». Esmein écrit que l’introduction d’un tel veto « paraît »4 contraire au principe qu’il énonce. De sorte qu’il faut comprendre que l’apparence est ici trompeuse. Le droit de veto n’est jamais qualifié d’« exception » à la séparation rigide des pouvoirs mais seulement de « déviation »5 du principe. Le veto a pour but de donner de l’indépendance à son titulaire, le Chef de l’État : sans ce droit, la séparation des pouvoirs n’aurait plus aucune effectivité. Les Éléments de droit constitutionnel expliquent qu’il vient du droit anglais à une époque où royaume ne connaissait pas encore tous les ressorts du gouvernement parlementaire, et notamment le principe de la responsabilité politique du Cabinet : « La raison principale de cette déviation doit être recherchée dans l’influence prépondérante de la
Constitution anglaise. Celle-ci, nous le savons, était considérée comme appliquant le principe de la séparation des pouvoirs ; mais, d’autre part, un de ses traits bien connus était le veto de la Couronne »6. Esmein s’abrite derrière Montesquieu. L’Esprit des lois admet la faculté pour le Chef de l’État d’empêcher les entreprises de l’organe législatif lorsque cela lui paraîtra nécessaire. Par sa faculté d’empêcher, l’organe exécutif participe à l’exercice de la fonction législative : « La puissance exécutrice ne faisant partie de la législative que par sa faculté d’empêcher, elle ne saurait entrer dans le débat des affaires. Il n’est même pas nécessaire qu’elle propose, parce que, pouvant toujours désapprouver les résolutions, elle peut rejeter les décisions des propositions qu’elle aurait voulu qu’on n’eut pas faites »7. Il est donc impossible pour Esmein de contester l’intrusion de l’organe exécutif dans la fonction législative8 puisque Montesquieu l’affirme lui-même. La chose ne sera pas douteuse, jusqu’à ce que Joseph Barthélemy affirme le caractère exécutif de la faculté d’empêcher du Président des États-Unis en 19069. Toutefois si Esmein admet que la faculté d’empêcher 1 On signalera la thèse de doctorat d’Albert Viatte soutenue en 1901 sur cette question : A. Viatte, Le veto législatif dans la Constitution des États-Unis (1787) et dans la Constitution française de 1791, Paris, Giard et Brière, 1901, 158 pages. 2 Constitution du 3 septembre 1791, titre III, chapitre III, section III, articles 1 à 8. 3 L. Duguit, « La séparation des pouvoirs et l’Assemblée nationale de 1789 », art. cité
.
,
p
. . 4 « Tout droit de veto accordé au pouvoir exécutif paraît absolument contraire au principe de la séparation des pouvoirs », Éléments..., op. cit., p. 474, nous soulignons. 5 Éléments..., op. cit., p. 475. 6 Ibid. 7 Montesquieu, De l’Esprit des lois, op. cit., t. II, p. 219. 8
Julien Boudon démontre clairement la qualité de co-législateur du Président des États-Unis par « la présentation » des textes de lois qui doit lui être faite pour en assurer
l’entrée
en vigueur : voir J. Boudon, « Le mauvais usage des spectres. La séparation “rigide” des pouvoirs », art. cité., p. 261-262. 9 Voir R. Moulin, Le présidentialisme et la classification des régimes politiques, op. cit., p. 21, note 62. 406 entre
bien dans la fonction législative1, il ne peut se résoudre à la qualifier d’exception au principe de la séparation des pouvoirs. Cela est théoriquement impossible pour la simple raison que le droit de veto découle directement de ce principe de séparation. On peut considérer, qu’à l’image du droit de dissolution de la Chambre basse en régime parlementaire, le droit de veto dans un régime de séparation stricte des constitue la garantie de l’indépendance de ce dernier. Esmein explique ainsi à propos de la distinction entre faculté de statuer et faculté d’empêcher chez Montesquieu : « Il y avait certainement là un aperçu très profond : dans le système de la pleine séparation des deux pouvoirs, d’après lequel l’exécutif ne peut aucunement influer sur les décisions des Chambres, son indépendance, pratiquement, ne peut être assurée que par le droit de veto à son profit ; l’expérience l’a bien prouvé »2. Ainsi, quant au but recherché, le droit de veto peut être appréhendé comme le pendant du droit de dissolution, tandis que l’addition des deux procédés ne saurait être utile, du moins dans un régime parlementaire. C’est ce qu’Esmein précise, relativement au « veto mitigé » du Président de la République prévu par l’article 7 de la loi du 16 juillet 1875 : « Cette prérogative [le droit de veto], sous l’une ou l’autre forme [française ou américaine] était condamnée d’avance à rester lettre morte en vertu des principes mêmes du gouvernement parlementaire, comme est tombé en désuétude le veto absolu du roi d’Angleterre. Une prérogative semblable ne peut être utile qu’à un chef d’État qui agit indépendamment et par lui-même, à l’exemple du Président des États-Unis. Lorsque, au contraire, ce droit doit être exercé avec l’assentiment d’un ministère qui dépend de la majorité du Parlement, il ne trouvera presque jamais une occasion de s’exercer »3. L’argumentation est la même chez Saint Girons, un des rares juristes4 de la fin du siècle à consacrer quelques pages de son Manuel de droit constitutionnel à la « sanction de la loi ». Il y met à la fois le droit de demander une seconde délibération au Parlement (article 7 de la loi du 16 juillet 18755) et le droit de veto des Constitutions américaine de 1787 et française de 17916. Après avoir établi que « la sanction est un acte législatif par lequel le Chef de l’État approuve le vote régulier du Parlement, le complète et le rend définitif et exécutoire »7, Saint Girons explique que « la République américaine a souvent pratiqué le 1 C’est notamment l’opinion d’Adolphe de Chambrun qui se place sous l’autorité du Fédéraliste dans son ouvrage Le pouvoir exécutif aux États-Unis, publié pour la première fois en 1876 et dont la seconde édition paraîtra en 1896, date de la parution de la première édition des Éléments de droit constitutionnel : « Les motifs qui ont déterminé les constituants à conférer au chef du Pouvoir Exécutif une part aussi grande d’autorité législative, sont exposés de la manière suivante par les auteurs du Fédéraliste... », A. de Chambrun, Le pouvoir exécutif aux États-Unis, Paris, Fontemoing, 2e édition, p. 108, nous soulignons. 2 Éléments..., op. cit., p. 475. 3 Éléments..., op. cit., p. 674. 4 On remarque par exemple qu’Édouard Fuzier-Herman ne mentionne pas le droit de veto du Président dans ses développements pourtant consacrés à la séparation des pouvoirs aux États-Unis. On note également l’absence de commentaire d’Émile Boutmy sur ce point dans ses Études constitutionnelles, comme dans le Précis élémentaire de Félix Moreau. 5 Esmein tient à opérer une distinction entre le « veto mitigé » de la loi du 16 juillet 1875 et le « veto à l’américaine » sur le moyen de surpasser l’opposition présidentielle : voir Éléments..., op. cit., p. 673. 6 À propos de la Constitution française de 1791 : « Le ministère commit la maladresse de se prononcer pour le veto suspensif, qui fut voté à une grande majorité. La loi était censée sanctionnée lorsqu’elle était adoptée par la seconde législature après celle qui l’avait proposée », A. Saint Girons, Manuel de droit constitutionnel, op. cit., p. 473. À propos de la Constitution américaine de 1787 : « Aux États-Unis, le Président peut aussi demander une nouvelle délibération qui, pour devenir obligatoire, doit réunir une majorité des deux tiers », A. Saint Girons, Manuel de droit constitutionnel, op. cit., p. 474. 7 A. Saint Girons, Manuel de droit constitutionnel, op. cit., p. 471, nous soulignons. 407 veto, peut être à la vérité parce que la Constitution des États-Unis, semblable à notre Constitution de 1791, a un peu trop appliqué le principe de la séparation absolue des pouvoirs. Le veto est le seul moyen pour le Président d’agir sur les Chambres, qu’il ne peut ni ajourner, ni dissoudre. Nous savons d’ailleurs qu’il n’a pas le droit d’initiative »1. Esmein comme Saint Girons ne fait que reprendre ici ce que Chambrun tirait déjà du Fédéraliste en affirmant que le droit de veto est « indispensable au maintien des prérogatives du Pouvoir Exécutif »2. Ainsi, le droit de veto constitue assurément une exception, bien qu’Esmein tente de la présenter comme une simple « déviation ». Il semble vouloir se rassurer lui-même en précisant que le droit de veto est la seule entorse connue par laquelle l’organe exécutif peut exercer une part de la fonction législative. La seule entorse et, sans aucun doute, la moins grave de toutes celles que l’on pourrait imaginer : « Mais le veto est la seule prise qu’ait le pouvoir exécutif, dans ce système, sur le législatif. On ne pourrait songer à lui donner le droit de dissoudre la Chambre des députés : ce serait une violation plus formelle du principe de la séparation. De même, il est même assez logique que le pouvoir exécutif n’ait pas le droit d’ouvrir ou de clore à son gré la session du Corps législatif qui, naturellement, est alors permanent... »3. La théorie de la séparation stricte des pouvoirs connaît cependant d’autres exceptions, ou « déviations », dès lors que l’organe législatif se voit confier des attributions le faisant participer à la fonction exécutive. De sorte que, là encore, la théorie d’une séparation stricte devient de plus en plus difficile à étayer. Esmein expose que les trois Constitutions de sa typologie des régimes de séparation stricte admettent toutes de tels procédés4. Son analyse de la Constitution française de 1791 l’oppose, une nouvelle fois, à Duguit quant au contenu des attributions exécutives qui doivent, en principe, être exercées par l’organe exécutif. L’article « La séparation des pouvoirs et l’Assemblée nationale de 1789 » établit en effet que la Constituante violait le principe de séparation qu’elle avait elle-même proclamé en attribuant à l’organe législatif la matière fiscale5. Pour Duguit, celle-ci relève de la fonction exécutive : « Devant une aussi longue tradition [de demandes des États Généraux], nul ne songe, nul ne peut songer à refuser cette prérogative aux représentants du peuple, nul ne fait observer qu’en donnant au corps législatif le vote du budget et la réparation de l’impôt, on viole ouvertement le dogme si solennellement promulgué de la séparation des pouvoirs. Et cependant, si l’on va au fond des choses, on voit aisément que ce sont là des actes de l’ordre exécutif. Sans doute l’acte qui créé un impôt nouveau ou qui maintient un impôt ancien est une loi ; mais l’acte qui fixe les dépenses publiques est un acte exécutif, car il n’a d’autre but que d’assurer le fonctionnement d’institutions publiques créées par la loi, et par conséquent 1 A. Saint Girons, Manuel de droit constitutionnel, op. cit., p. 474. A. de Chambrun, Le pouvoir exécutif aux États-Unis, op. cit., p. 110. 3 Éléments..., op. cit., p. 476. 4 « D’autre part, nos trois Constitutions-types ont, à l inverse, attribué au Corps législatif certains droits qui rentrent naturellement, semble-t-il dans les attributions du pouvoir exécutif », Éléments..., op. cit., p. 476-477. 5 « La Constitution délègue exclusivement au Corps législatif les pouvoirs et fonctions ci-après : [...] ; 2° De fixer les dépenses publiques ; 3° D’établir les contributions publiques, d’en déterminer la nature, la quotité, la durée et le mode de perception ; 4° De faire la répartition de la contribution directe entre les départements du royaume, de surveiller l’emploi de tous les revenus publics, et de s’en faire rendre compte », Constitution française du 3 septembre 1791, titre III, chapitre III, section I, article 1er. 2 408 d’assurer l’exécution de la loi ; la répartition de l’impôt est un acte exécutif, car elle n’est autre chose que la mise en œuvre de la loi qui crée l’impôt »1. Les Éléments de droit constitutionnel contestent cette opinion en se plaçant sous l’autorité de Montesquieu qui faisait de l’impôt une attribution législative incontestable2 : « Je ne rangerai point dans cette catégorie [des attributions du pouvoir exécutif], comme M. Duguit, le vote périodique et la répartition de l’impôt ; car, si à l’origine et pendant longtemps le vote périodique de l’impôt s’est distingué du vote et de l’établissement des lois, c’était devenu presque une même chose en Angleterre, et c’était pour les esprits politiques le privilège essentiel des Assemblée représentatives ; Montesquieu le faisait rentrer directement dans la législation »3. Esmein admet une seule entorse dans la Constitution de 1791 : « Mais il y avait bien un empiètement sur le pouvoir exécutif, lorsque la Constitution de 1791 attribuait au Corps législatif ce qu’on appelait la “haute police administrative ”, c'est-à-dire le droit de maintenir ou de lever la suspension prononcée par le roi contre les administrateurs et le droit de dissoudre les corps administratifs »4 Une autre entorse est commune aux trois « Constitutions-types » : elle tient à l’obligation faite aux Chambres d’approuver, ou de ratifier, les traités négociés et conclus par le pouvoir exécutif. On a constaté que la direction des relations diplomatiques appartenait par principe, conformément à la doctrine de Montesquieu, à l’organe exécutif. De ce fait, l’article 8 de la loi constitutionnelle du 16 juillet 1875 introduisait de la souplesse, caractéristique du régime parlementaire. Or, on observe que les Constitutions-types définies par Esmein vont encore plus loin. Toutes trois requièrent en effet l’approbation du Parlement ou d’au moins l’une des pour la totalité des traités négociés et conclus par l’organe exécutif. Il en est ainsi dans les deux Constitutions françaises. Quant à la Constitution américaine, Esmein refuse de l’assimiler aux deux Constitutions françaises pour la raison qu’elle réclame l’approbation de deux tiers des membres du Sénat5, et non des membres du Congrès en son entier : « les traités négociés par le Président de la République ne sont point soumis au pouvoir législatif, c’est-à-dire aux deux Chambres du Congrès : mais ils doivent être approuvés par le Sénat ; il faut même le consentement des deux tiers des sénateurs présents »6. Cette exclusion de la Chambre des représentants est cruciale pour sauvegarder la théorie de la séparation stricte des pouvoirs. Elle permet d’écarter tout empiètement de l’organe législatif sur l’exercice de la fonction exécutive qui inclut la direction des relations diplomatiques. Ici, le Sénat n’agit jamais en tant que branche de l’organe législatif mais « en qualité de conseil de gouvernement ». 1 L. Duguit, « La séparation des pouvoirs et l’Assemblée nationale de 1789 », art. cité., p. 124. On a constaté dans la première partie de cette étude que le consentement des Chambres anglaises à la levée des impôts institué par le Bill of Rights constitua l’un des points essentiels de l’essor du gouvernement représentatif en Angleterre. 3 Éléments..., op. cit., p. 477. Esmein cite Montesquieu en note : « Si la puissance exécutrice statue sur la levée des deniers publics autrement que par son consentement, il n’y aura plus de liberté parce qu’elle deviendra législative dans le point le plus important de la législation ». 4 Éléments..., op. cit., p. 477. 5 « Il [le Président des États-Unis] aura le pouvoir, sur l’avis et avec le consentement du Sénat, conclure des traités, pourvu que deux tiers des Sénateurs présents donnent leur accord », Constitution fédérale des États-Unis, article 2, section 2, clause 2. 6 Éléments...
, op
. cit.
, p. 760.
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La conception du Sénat américain comme « conseil de gouvernement » n’est pas une idée propre à Esmein. James Bryce recourait déjà à l’expression de « conseil qualifié » – « council qualified – en se fondant sur les lettres d’Hamilton relatives au Sénat fédéral : « The aim with wich the Senat was created, the purposes it was to fulfill, are set forth under the form of answers to objections, in five letters, all by Alexander Hamilton, in The Federalist. These aims were the five following : [...] To creat a council qualified, by its moderate size and the experience of its members, to advise and check the President in the exercise of his powers of appointing to office and concluding treaties »1. Cette description de la Chambre haute américaine était répandue dans la doctrine publiciste de la fin du siècle. Tous les auteurs présentant le Sénat comme un « conseil » législatif faisaient leur l’opinion de Tocqueville qui écrivait : « le sénat concourt à la formation des lois ; il juge les délits politiques qui lui sont déférés par la chambre des représentants ; il est, de plus, le grand conseil exécutif de la nation. Les traités conclus par le président doivent être validés par le sénat ; ses choix, pour être définitifs, ont besoin de recevoir l’approbation du même corps »2. Adolphe de Chambrun consacre ainsi un chapitre entier de son ouvrage à la double qualité du Sénat américain, comme Chambre législative et comme « Conseil exécutif ». Ce chapitre intitulé « Le Sénat considéré comme Conseil exécutif »3 explique que la répartition des fonctions entre le Congrès et le Président fit craindre le despotisme de ce dernier, et notamment dans la direction des relations extérieures de l’Union4 : « Placés en présence de ces difficultés, les constituants les évitèrent grâce à l’adoption d’une méthode nouvelle ; le Sénat fut investi du droit d’assister le Président en qualité de conseil exécutif »5. Chambrun admet alors que le Sénat puisse être appréhendé à la fois comme un organe législatif et comme un organe exécutif, selon la fonction qu’il exerce : « Ici, il faut bien le remarquer, le Sénat cesse de faire partie du Pouvoir Législatif ; la Chambre des représentants n’a rien à voir dans ces attributions ; quand il est saisi de questions de cette nature, pour employer ici l’expression technique, il s’occupe d’affaires exécutives »6. Dans ses Études de droit constitutionnel, Boutmy dépeint la lente mutation du Sénat américain de simple « conseil exécutif » en véritable Chambre législative : « Le Sénat a commencé par être essentiellement une diète de plénipotentiaires, à l’imitation et par un sorte de prolongement du Congrès continental, et, en outre, un conseil exécutif, selon le type des Assemblées qui, sous ce même nom, assistaient originairement le gouverneur dans la plupart des colonies de la Nouvelle-Angleterre »7. Boutmy ajoute quelques pages plus loin : « En 1789, le Sénat se conçoit moins bien comme une branche de la législature que comme une sorte de conseil d’État associé à l’exerci
du pouvoir présidentiel »8. 1 J. Bryce, The American Commonwealth, op. cit., p. 48. A. de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, Paris, Pagnère, 1848, t. I, p. 193. 3 A. de Chambrun, Le pouvoir exécutif aux États-Unis, op. cit., p. 221-255. 4 «
Si le Président avait été investi du droit exclusif de conclure des arrangements internationaux, les relations étrangères de
l’Union auraient en fait échappé
à tout espèce de contrôle
», A. de Chambrun, Le pouvoir exécutif aux États-Unis, op. cit., p. 221. 5 A. de Chambrun, Le pouvoir exécutif aux États-Unis, op. cit., p. 221-222. 6 A. de Chambrun, Le pouvoir exécutif aux États-Unis, op. cit., p. 222. 7 É. Boutmy, Études de droit constitutionnel : France, Angleterre, États-Unis, op. cit,, p. 118. 8 É. Boutmy, Études de droit constitutionnel : France, Angleterre, États-Unis, op. cit,, p. 121.
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Licence professionnelle Management des entreprises de l'hôtellerie et de la restauration Formations Licence professionnelle Management des entreprises de l'hôtellerie et de la restauration ● Présentation de la formation
Champ(s) de formation : Économie - gestion Établissement déposant : Université de Rouen Établissement(s) cohabilité(s) : / La licence professionnelle (LP) Hôtellerie et tourisme spécialité Management des entreprises de l'hôtellerie et de la restauration vise à former des assistants de direction capables de gérer les aspects opérationnels, commerciaux, organisationnels des hôtels ou des restaurants. Cette LP lancée en 2010 est adossée à un partenariat passé entre l'IUT d'Evreux et le Lycée Professionnel Decrétot de Louviers. Les enseignements ont lieu dans ces deux établissements. Outre certains enseignements dédiés au coeur des métiers de bouche ou d'hôtellerie, ceux-ci correspondent à du management opérationnel, technico-commercial ou aux langues, ce qui est cohérent avec les objectifs de cette LP. Cette formation propose des mises à niveau en restauration et hôtellerie pour les étudiants issus de formations non-hôtelières, en gestion ou en informatique pour les brevets de technicien professionnel (BTS) Hôtellerie. Cette LP comprend une durée de stage de quatre mois, ainsi qu'un projet collectif tuteuré. Synthèse de l'évaluation
Cette formation est portée par deux institutions, dont le coeur de métier est la formation professionnalisante, à savoir l'IUT d'Evreux et le Lycée Professionnel Decrétot de Louviers. Cette LP correspond donc à une offre universitaire de proximité. Les interventions de professionnels en activité – c'est-à-dire hors corps d'enseignants du lycée Decrétot, qui sont d'anciens professionnels du secteur – correspondent à 20 % des cours assurés. Il y a par ailleurs de nombreux intervenants, et non une concentration sur un tout petit nombre de professeurs, ce qui doit permettre aux étudiants d'avoir plusieurs points de vue sur leur futur métier. Les compétences requises correspondent, seulement pour partie, aux enseignements suivis en cours de formation. Quelques stages sont réalisés à l'international proche (Belgique) ou lointain (Chine), ce qui est intéressant pour ce type de formation. De même, certains anciens diplômés accueillent en stage des étudiants en cours de formation, ce qui traduit un effet réseau intéressant. Le taux d'insertion professionnelle est bon et celui relatif à la poursuite est faible, ce qui est conforme aux exigences générales des LP. Malgré des résultats positifs, cette LP présente des points faibles majeurs. Elle s'apparente plus à une troisième année du BTS Hôtellerie qu'à une licence au recrutement plus ouvert et apportant un plus visible et explicite par rapport à des formations de niveau Bac+2. Offre universitaire de proximité. ● Très bon taux d'insertion professionnel, lié au dynamisme du secteur d'hôtellerie – restauration : certains diplômés accédant au statut cadre. ● Un taux de poursuite d'études faible, ce qui est conforme aux exigences des LP. Points faibles : ● La restauration occupe peu d'heures et concerne peu 'emplois alors qu'elle fait partie de l'intitulé du diplôme. ● Une place du tourisme qui pourrait être renforcée. ● Une intervention trop limitée des professionnels en activité. ● Une durée de stage insuffisante, notamment pour les étudiants minoritaires ne provenant pas de BTS Hôtellerie, et pas d'alternance. ● La trop faible ouverture aux DUT et étudiants de licences généraliste. ● Un meilleur ciblage des enseignements pour limiter les redites de points déjà abordés en BTS. Recommandations : Quatre recommandations sont suggérées. La première concerne la pertinence de mentionner la restauration dans l'intitulé de la LP, et ce compte tenu de la faiblesse des enseignements et des emplois occupés par les diplômés dans cette spécialité. La deuxième recommandation est relative au ciblage de la formation. Cette LP doit apporter un plus explicite par rapport au BTS Hôtellerie, que ce soit dans les enseignements managériaux ou commerciaux, ou encore dans la proposition de modules de création d'entreprise pour les diplômés intéressés pour se mettre un jour à leur compte. Pour apporter un saut qualitatif par rapport à celui proposé au niveau Bac+2 (BTS, DUT, deuxième année de licence (L2), etc.), le partenariat entre l'IUT d'Evreux et le Lycée Decrétot devrait être réexaminé, avec une place plus importante à l'IUT. Troisièmement, nous ne pouvons qu'encourager l'équipe pédagogique de la LP Hôtellerie et tourisme - Management des entreprises de l'hôtellerie et de la restauration à plus ouvrir les recrutements aux DUT ou aux L2 de gestion, de langues, etc. Une telle ouverture ne pourra qu'être bénéfique. La quatrième recommandation concerne le rayonnement de cette LP. L'amorce d'un développement à l'international, d'un effet réseau est intéressante. Ne convient-il pas d'être plus ambitieux et de renforcer la dimension internationale de la LP ou d'envisager des partenariats forts avec les institutions touristiques et hôtelières normandes? Ne faudrait-il pas renforcer l'enseignement de spécialité en anglais à renforcer, de sorte à donner une connotation plus internationale à la LP? Analyse La LP Hôtellerie et tourisme spécialité Management des entreprises de l'hôtellerie et de la restauration se donne un objectif précis, celui de former des assistants de direction de ces secteurs ayant des besoins de compétences en management commercial, opérationnel, organisationnel, etc. Néanmoins, le dossier fait apparaître certaines faiblesses pour une formation à vocation professionnelle, par exemple un stage d'une durée à peine suffisante par rapport aux pratiques du secteur visé, ou des interventions de professionnels en activité insuffisantes. De plus, il n'y a aucun module de création d'entreprise alors que des diplômés pourraient être intéressés à terme de devenir indépendants. Cette LP se veut une formation de proximité, reposant sur un partenariat entre l'IUT d'Evreux et le Lycée Decrétot de Louviers, sans concurrente en Normandie qui est une région touristique. Des groupes hôteliers ou de restauration sont mentionnés comme appuis de la formation, mais leurs rôles précis ne sont pas explicités. En outre, il est mentionné le fait que d'anciens diplômés accueillent en stage des étudiants, ce qui montre un effet réseau intéressant. Enfin, il ne semble pas exister de partenariat avec les institutions touristiques normandes, ce qui paraît surprenant pour une formation intégrant le terme de tourisme dans son intitulé.
Équipe pédagogique
Cette LP repose sur une équipe pédagogique structurée, avec un centre de gravité du côté du Lycée Louviers, qui se réunit chaque semestre en conseil d'enseignement. La composition de cette équipe n'est pas précisée ; le dossier ne faisant apparaître qu'un seul enseignantchercheur en gestion intervenant, ce qui est peu pour une formation de niveau L. Enfin, un conseil de perfectionnement a été créé début 2015, ce qui est conforme aux exigences générales d'une LP. Les effectifs de cette LP oscillent entre 22 et 26 étudiants. Une trop grande part des inscrits vient de BTS (environ 3/4) ; les flux venant de DUT ou d'une licence généraliste étant trop faibles. Le taux de réussite est d'environ 90 %, ce qui est très satisfaisant. L'insertion professionnelle est très bonne, avec 86 % de CDI à 18 mois, principalement dans l'hôtellerie ; le bassin de recrutement n'étant toutefois pas précisé. 20 % des diplômés ont accédé au statut cadre. La poursuite immédiate d'études est faible (9 % des diplômés), ce qui est conforme aux exigences générales d'une LP. Elle est sans objet pour une LP. D'autant plus que l'intervention d'enseignants-chercheurs est très faible dans la LP Hôtellerie et tourisme - Management des entreprises de l'hôtellerie et de la restauration. Si cette LP est adossée à un partenariat entre un IUT et un lycée professionnel, la part d'interventions de professionnels en activité demeure trop faible, avec 20 % des heures. De plus, les intervenants professionnels ne viennent que du seul secteur de l'hôtellerie. Ce jugement est toutefois à nuancer : compte tenu des horaires pratiqués dans l'hôtellerie et dans la restauration, il est difficile pour des professionnels de ces secteurs de consacrer à l'enseignement un volume d'heures conséquent. De plus, les enseignants du Lycée Louviers sont d'anciens professionnels de l'hôtellerie et de la restauration. Cette LP propose une durée de stage de 16 semaines et un projet collectif tuteuré. La durée du stage paraît faible, surtout pour des étudiants ne venant pas du BTS Hôtellerie. Par ailleurs, le contenu du projet tuteuré n'est pas précisé. La place de l'international est en général faible pour des LP, qui ont le plus souvent un fort ancrage local. Dans cette LP, aucun enseignement professionnel n'est assuré en anglais, alors que cela constituerait un plus appréciable. Enfin, quelques stages sont réalisés à l'étranger (la Belgique, la Chine sont mentionnées). Le flux principal d'entrants dans cette LP vient de BTS Hôtellerie. Les DUT ne postulent pas et il y a trop peu d'étudiants venant d'une licence généraliste, d'où l'absence réelles de passerelles. Il s'agit là d'un point faible que l'équipe pédagogique de cette LP devrait traiter. Le dossier transmis ne fait pas apparaître l usage d'un outil particulier du type plate-forme pédagogique. Les modalités d'évaluation sont classiques, avec des notes de contrôle continu et un rapport avec soutenance pour le projet tuteuré et le stage. Il n'y a pas de référentiel de compétences et de dispositif pour leur suivi. Le suivi des diplômés est assuré au niveau central de l'Université de Rouen, par l'OVEFIP. Un conseil de perfectionnement est en place depuis le début 2015, si bien qu'il est difficile d'appréhender son rôle effectif. Notons que l'Université de Rouen a procédé à une autoévaluation de cette LP.
Observations de l'établissement
L'établissement n'a pas fourni d'observations..
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Figure I-5 - Organisation et structures sédimentaires des dépôts pyroclastiques (d'après Stow, 2005). -
Les déferlantes pyroclastiques (« surge ») correspondent à des écoulements très riches en gaz avec une faible concentration en particules qui se déplacent le long d'une pente. C'est un écoulement turbulent en expansion, transportant un mélange de gaz et de particules volcaniques. Les dépôts qui lui sont associés sont partiellement influencés par la topographie, avec des accumulations plus importantes dans les vallées que sur les sommets. Une érosion basale des dépôts est possible (Figure I-5). Les dépôts de déferlantes pyroclastiques ont un granoclassement intermédiaire à celui des dépôts de coulées pyroclastiques et des dépôts de retombées. Le plus souvent ce sont des dépôts fins et massifs, pouvant ressembler à des dunes de sables moyens (Figure I-5). Mais parfois, ils présentent des laminations d'épaisseur variable avec des laminations obliques à angle faible ou des structures ondulées (Fisher et Schmincke, 1994) (Figure I-5).
2.1.3. Les dépôts hydroclastiques
Les dépôts hydroclastiques comprennent tous les débris produits lors de l'interaction entre le magma et l'eau que le processus soit explosif ou non (Fisher et Schmincke, 1994). Il existe des hyaloclastites qui sont issues de l'interaction non-explosive de l'eau avec la lave chaude et les hyalotuffs issus de l'interaction explosive de l'eau avec la lave chaude (Honnorez et Kirst, 1975). Les hyalotuffs
Les hyalotuffs sont des roches pyroclastiques vitreuses résultant d'une explosion phréatique ou phréatomagmatique. Les débris se sont mis en place après avoir été éjectés de la cheminée volcanique (Honnorez et Kirst, 1975). Les processus à l'origine de cette fragmentation sont : 1) les éruptions phréatiques, lorsque les eaux souterraines se vaporisent, 2) les éruptions phréatomagmatiques, lorsque les eaux souterraines ou de surface entrent en contact avec le magma, 3) les explosions sous-marines provenant de l'interaction eau-magma dans des eaux peu profondes ou sous la glace et 4) les explosions littorales lorsque des coulées de lave ou des coulées pyroclastiques à terre entrent en mer (Fisher et Schmincke, 1994).
Les hyaloclastites
Les hyaloclastites sont une variété d'autoclastites qui se forment sous l'eau. Elles sont composées de fragments vitreux, ou anciennement vitreux, formés par la granulation de la lave lors de son contact avec l'eau (Staudigel et Schmincke, 1984 ; Kokelaar, 1986). Les quatre mécanismes principaux à l'origine des hyaloclastites sont : 1) l'effritement de la couche vitreuse recouvrant la lave en coussin, 2) la granulation de la lave par le choc thermique entre la lave en fusion et l'eau, 3) la vésiculation de la lave par l'expansion des gaz et 4) la fragmentation de la lave par explosion de vapeur, l'eau, pénétrant dans les fractures des roches, se vaporise (Batiza et al., 1984 ; Kokelaar, 1986). 2.2. Les dépôts volcanoclastiques secondaires : les dépôts épiclastiques
Les dépôts épiclastiques sont composés de cristaux et de fragments de cristaux ou de roche qui ont été libérés de n'importe quelle roche préexistante (volcanique ou non) par les agents classiques d'érosion et d'altération (Neuendorf et al., 2005). En domaine volcanique, cette définition est moins claire. En 1960, Fischer considère que les dépôts épiclastiques contiennent des fragments produits par tous les processus de fragmentation des roches et qu'ils peuvent être transportés par tous les processus de transport de surface comme les coulées de boue, les glaciers ou l'action des vagues. En 1961, il corrige sa définition (Fisher, 1961) et se rapproche de la définition des dépôts épiclastiques en domaine non volcanique (Neuendorf et al., 2005). Il regroupe sous le terme « épiclastique » les fragments produits par l'altération et l'érosion de roches préexistantes et transportés par l'eau, l'air ou la glace (Fisher, 1961 ; Schmid, 1981). Selon cette définition, les dépôts pyroclastiques remaniés n'appartiennent à aucune classe, car selon la définition de Cas et Wright (1987, 1991), le terme pyroclastique est limité aux dépôts produits durant une activité volcanique explosive et transportés par un processus directement lié à cette activité volcanique. Le terme « épiclastique » a été redéfini par certains auteurs afin d'englober tous les faciès de dépôts issus des processus sédimentaires de surface, sans ternir compte de l'origine des dépôts (Stow et al., 1996). Dans ce travail, nous utiliserons la définition des dépôts épiclastiques utilisée Fisher (1961, 1966) et Schmid (1981). Ainsi, les dépôts épiclastiques regroupent les accumulations de fragments issus de l'érosion et de l'altération de produits volcaniques uniquement (Schmid, 1981). Plusieurs types de processus sont à l'origine de ce remaniement comme le transport par le vent, les rivières, le ruissellement de l'eau de pluie ou leur remobilisation en mer (vagues, marée, processus gravitaires). Dans certains cas, il s'agit d'évènements de plus grande ampleur comme des avalanches de débris, des coulées de débris ou tout simplement une rivière en crue (Figure I-6). Ces processus entraînent le transport d'importantes quantités de sédiments volcanoclastiques sur les pentes du volcan et, pour les îles volcaniques, jusqu'au domaine marin profond.
Figure I-6 - Principaux processus à l'origine des dépôts épiclastiques (d'après Stow, 2005).
3. Transport et dépôt des éléments volcanoclastiques à terre
Les écoulements d'origine gravitaire sont les principaux processus permettant le transport de grandes quantités de sédiments volcanoclastiques. Ils peuvent être regroupés en quatre types (Smith et Lowe, 1991) en fonction de la quantité d'eau dans l'écoulement (Figure I-7).
Figure I-7 - Classification et caractéristiques des différents écoulements à l'origine de dépôts volcanoclastiques, (d'après Smith et Lowe, 1991, modifié par Binet, 1998). - Le premier type d'écoulement correspond aux avalanches de débris. Ce sont des coulées granulaires pauvres en eau (Figure I-7). - Le deuxième type correspond aux coulées de débris. C'est un mélange de débris et d'eau (jusqu'a 30 % - Figure I-7). Le transport des particules n'est plus uniquement dû à la collision entre les grains mais également à la présence d'eau (Figure I-7). - Le troisième type correspond aux coulées hyperconcentrées. Il s'agit d'un écoulement dont la teneur en eau peut dépasser la teneur en particules, avec des proportions d'eau comprises entre 30 et 60% (Figure I-7). La collision entre les grains n'est plus le processus dominant de support des particules. - Le quatrième type correspond aux écoulements fluviatiles qui sont des écoulements turbulents contenant plus de 60% d'eau (Figure I-7). Ces différents processus gravitaires peuvent se produire pendant ou après l'éruption. L'eau, présente dans ces derniers, provient des précipitations ou de la remobilisation d'eau pendant l'éruption par la fonte des neiges ou la vidange d'un lac de cratère.
3.1. Avalanches de débris (« debris avalanche »)
Les avalanches de débris résultent du détachement soudain et rapide d'une partie importante d'un volcan, mobilisée par l'action de la gravité le long d'un plan de cisaillement basal (Ui, 1983 ; Siebert, 1984). Le déclenchement de ces processus est encore mal connu, il s'agit de processus lent pouvant être associé à l'injection répété de lave (Moore et al., 1989). D'autres processus peuvent également intervenir à l'exemple d'une couche de faible contrainte (roches altérées ou hyaloclastites) qui faciliterait les glissements à l'origine des avalanches de débris (Oehler et al., 2005 ; Lopez et Williams, 1993). L'intrusion de dykes est également un facteur déclenchant des avalanches de débris (Iverson, 1995 ; Famin et Michon, 2010). Ces différents mécanismes vont permettre la formation d'un écoulement pauvre en eau dont le déplacement se fait par fluidisation interne, par friction entre les particules. La masse détachée se déplace comme un large bloc cohérent. L'eau contenue dans l'avalanche est située dans les pores et se déplace donc avec les débris solides sans intervenir dans le support des particules. La distance maximale de transport d'une avalanche de débris (L) est liée à sa hauteur de chute (H) et au volume de débris concerné (Ui, 1983). Les avalanches de débris peuvent parcourir plusieurs dizaines de kilomètres. L'avalanche de débris associée à l'effondrement du mont Shasta, il y a 300 000 ans, s'étend jusqu'à 43 km de distance du volcan (Crandell et al., 1984). Les avalanches de débris associées aux volcans quaternaires japonais ont parcouru des distances comprises entre 1,6 et 32 km (Ui, 1986). Dans le cas d'îles océaniques, ces avalanches de débris se propagent à plus de 100 km de leur point d'origine pour Hawaii ou les Canaries (Moore et al., 1989 ; Masson et al., 2002), 80 km des côtes pour La Réunion (Oehler et al. 2005, Oehler et al., 2008, Le Friant et al., 2011) et entre 4 et 120 km des côtes dans les Antilles (Deplus et al., 2001 ; Boudon et al., 2007). Les dépôts associés à ces écoulements sont un mélange de débris bréchiques mal triés caractérisés par deux composantes: les blocs et la matrice (Figure I-8, A). Les blocs sont des fragments de roches provenant du volcan avec des tailles allant du mètre à la dizaine de mètres en domaine continental et plusieurs kilomètres en domaine océanique, ils sont appelés des méga-blocs (Ui, 1983). La matrice est un mélange de petits fragments issus du volcan, du sol érodé par l'avalanche lors de son avancée et de la désagrégation progressive des blocs. Figure I-8 - A) Représentation schématique d'une avalanche de débris (d'après Oehler, 2005). B) photo d'une structure en jigsaw dans une avalanche de débris observée au cap La Houssaye à La Réunion. C) photo des dépôts d'avalanche de débris du Mont Shasta (Californie) (photo prise par Harry Glicken, 1982). 3.2. Les coulées de débris (« debris flow »)
Les coulées de débris sont des écoulements chargés en sédiments volcanoclastiques mal triés et saturés en eau. Ils se mettent en place sur les pentes du volcan sous l'action de la gravité. Ces coulées peuvent être liées à des processus éruptifs, comme l'incorporation de neige par une coulée pyroclastique ou une éruption sous la glace ou dans un cours d'eau, ou par un processus non éruptif, comme la mobilisation d'un glissement lié à de fortes précipitations (Pierson et al., 1990 ; Iverson et al., 1997 ; Lavigne et Thouret, 2000). Ces écoulements peuvent également être générés par un effondrement d'un flanc ou d'une partie d'un volcan lors d'un tremblement de terre ou par la présence d'un niveau de roches altérés (Vallance, 2000 ; Scott et al., 2001), comme dans le cas des avalanches de débris. Ainsi, selon le mode d'alimentation, deux types de coulées de débris sont identifiables (Lowe, 1979): - Les coulées de débris cohésives contenant une forte proportion d'argile (2 à 5 % par volume), appelées aussi coulées de boue (« mudflow »). Elles sont généralement initiées par un effondrement d'une partie d'un volcan ou la mobilisation d'un dépôt de glissement par la présence d'un niveau de roches altérées (Vallance et Scott, 1997 ; Reid et al., 2001). - Les coulées de débris non cohésives ne contenant pas ou peu d'argile. Elles sont généralement formées par la mobilisation de dépôts pyroclastiques ou autoclastiques, peu de temps après l'éruption, par de fortes précipitations ou par la rupture d'un lac (Scott et al., 2001). Les coulées de débris du domaine volcanique font majoritairement partie de groupe contenant de faibles proportions d'argile (Smith, 1986). L'écoulement ainsi généré contient une proportion d'eau généralement comprise entre 20 et 30 % (Figure I-7). Le transport des particules se fait grâce à la collision et à la friction entre les grains ainsi que par la force de flottabilité de la matrice boueuse (Hampton, 1979 ; Lowe, 1979 ; Smith, 1986). Dans le cas d'un écoulement cohésif, c'est la force de flottabilité qui prédomine, tandis que dans le cas d'un écoulement non cohésif, c'est la collision et la friction entre les grains qui est la plus importante (Lowe, 1979 ; Smith, 1986 ; Scott et al., 1995). Figure I-9 - Photographie montrant un dépôt de coulée de débris de l'éruption de 1877 du volcan Cotopaxi (Equateur) (d'après Fisher et Schmincke, 1994).
Ce sont des dépôts massifs sans stratification ni tri granulométrique. Les dépôts de coulées de débris ont les caractéristiques des dépôts en masse avec un tri granulométrique faible ou absent, une stratification interne légère et la présence d'un faciès à blocs et d'un faciès de matrice (Smith, 1986 ; Vallance, 2000) (Figure I-9). Ces dépôts sont généralement caractérisés par un granoclassement normal, dans certains cas un granoclassement inverse est visible dans la partie basale des dépôts. Il est associé à la pression de dispersion (liée aux collisions entre particules) et se limite aux écoulements avec une faible proportion d'argile (Smith, 1986). Ces dépôts ont une faible épaisseur, de quelques centimètres à quelques dizaines de mètres (Smith et Lowe, 1991 ; Janda, et al., 1981 ; Vallance, 2000). Contrairement aux avalanches de débris, la présence d'eau dans ces écoulements empêche la fracturation des blocs. La matrice boueuse, sera souvent vésiculée, due au piégeage de bulles d'air par l'écoulement, et les blocs seront plus ou moins anguleux (Figure I-9). Les coulées de débris se différentient des avalanches de débris par leur plus grande teneur en eau et par l'action de l'eau dans le transport des particules (Smith et Lowe, 1991). 3.3. Les écoulements hyperconcentrés (« hyperconcentrated flows »)
Les écoulements hyperconcentrés correspondent à des écoulements aqueux (30 et 60 % d'eau, Figure I-7), denses, contenant une forte charge sédimentaire. Ils sont générés par des inondations fortement érosives (Lirer et al., 2001), des tempêtes (Paguican et al., 2009) ou par la dilution d'une coulée de débris, par perte de matériel ou incorporation d'eau (Pierson et Scott, 1985, Graettinger et al., 2010). Ces écoulements sont faiblement turbulents car la forte teneur en sédiment de l'écoulement amortit la turbulence (Smith, 1986). Le support des particules provient principalement de la collision entre les grains et de la force de flottabilité de l'écoulement (Figure I-7) (Smith, 1986 ; Smith et Lowe, 1991). Les sables et les graviers fins sont maintenus en suspension tandis que les éléments les plus grossiers (> 1 m) sont charriés sur le fond par traction (Pierson et Scott, 1985 ; Dumaisnil et al., 2010 ; Pierson, 2005).
Figure I-10 - A) Écoulement hyperconcentré dû aux fortes précipitations (Régime de crue). B) dépôts issus d'écoulements hyperconcentrés riches en galets (Rivière Saint-Étienne, La Réunion). Plusieurs unités avec granoclassement normal (allant des galets aux argiles) se superposent. Les dépôts issus de ces écoulements hyperconcentrés sont massifs ou montrent parfois une stratification grossière avec un granoclassement normal (Figure I-10). Ils varient de quelques centimètres à quelques mètres d'épaisseur (Vallance, 2000). Les dépôts sont très variables selon la taille des éléments transportés. Les dépôts riches en galets présentent un granoclassement normal allant des galets aux argiles (Figure I-10, B). La stratification est mieux développée dans la partie supérieure des dépôts, où les débris sont plus fins (Smith, 1986). Les dépôts sableux sont formés par une alternance de lits plus ou moins bien triés de sable fin et de sable grossier (Smith, 1986). En contexte volcanique, et en particulier quand la charge sédimentaire est dominée par des cendres volcaniques (constituant la partie minérale de la boue), les écoulements hyperconcentrés et les coulées de débris sont souvent regroupés sous le terme de lahar. Le lahar est un terme indonésien qui a été défini comme : « un terme général regroupant des écoulements rapides constitués d'un mélange de fragments de roches et d'eau qui se met en place en domaine volcanique » (Smith et Fritz, 1989). Ce terme décrit un processus et non les dépôts associés à ce processus. Les lahars englobent l'ensemble des processus allant des coulées de débris aux écoulements hyperconcentrés (Smith et Fritz, 1989 ; Smith et Lowe, 1991). 3.4. Les écoulements fluviatiles (« stream flows »)
Les écoulements fluviatiles sont des écoulements faiblement chargés en sédiment dont la proportion d'eau est de l'ordre de 60 à 99 % (Figure I-7). Ils sont alimentés en eau directement par les précipitations, les eaux de ruissellement ou par les eaux d'infiltration et les eaux souterraines (Freeze, 1974). La charge solide provient de l'érosion des milieux environnants par le cours d'eau et par les eaux de ruissellement. Ce sont des écoulements turbulents dont le transport des sédiments se fait par suspension ou par charriage sur le fond (Freeze, 1974 ; Smith, 1986). La plupart du temps, ces écoulements sont concentrés dans des chenaux dont la morphologie évolue le long du cours d'eau. Il existe un grand nombre de classifications principalement basées sur 1) la sinuosité, 2) la présence ou l'absence de bancs sableux dans le chenal et 3) le nombre de ramification du chenal, 4) la nature de la charge sédimentaire (Figure I-11) (Leopold et Wolman, 1957 ; Schumm, 1985 ; Rosgen, 1994 ; van den Berg, 1995 ; Alabyan et Chalov, 1997 ; Eaton et al., 2010). La forme la plus simple est la rivière rectiligne sans banc sableux (« straigth channels»), mais ces chenaux sont relativement rares dans la nature (Leopold et Wolman, 1957). Elles transportent des particules fines et contiennent une très faible quantité de sable et de gravier (Schumm, 1985) (Figure I11). Le transport des particules se fait principalement par suspension. Lorsque la charge sédimentaire est plus sableuse, la rivière devient sinueuse (Figure I-11). Une rivière est considérée comme sinueuse lorsque le rapport entre la longueur du talweg et la longueur de la vallée est supérieure à 1,5 (Leopold et Wolman, 1957). Dans ces rivières, l écoulement n'est pas homogène. Dans la partie convexe des virages, l'écoulement a une forte vélocité et est très turbulent, tandis que, dans la partie concave des virages, les flux sont lents, presque laminaires. S'il y a érosion des bords dans les courbes convexes du chenal avec sédimentation dans la courbe concave, avec formation de bancs sableux (Figure I-11), il s'agit de rivière à méandres. Ces rivières ont une charge sédimentaire mixte avec une proportion variable de particules fines et de particules grossières (sables et graviers) (Schumm, 1985). Figure I-11 - Classification des différents types de chenaux fluviatiles en fonction de leur charge sédimentaire de leur sinuosité et de leur stabilité (d'après Schumm, 1985).
Lorsque la charge sédimentaire devient grossière avec une forte proportion de graviers et de sables grossiers à fins, il y a formation d'une rivière en tresse (Figure I-11). Elles sont constituées d'un large chenal contenant des barres ou des îles sableuses (Leopold et Wolman, 1957 ; Brice et al., 1978) (Figure I-11). Les îles sont des structures permanentes végétalisées tandis que les bancs sont des structures composées de sables et de graviers, qui sont recouvertes lors d'inondation (Schumm, 1985). La largeur des barres ou des îles est inférieure à trois fois la largeur de l'écoulement (Brice et al., 1978). Ces rivières ont un écoulement rapide et le transport des particules se fait principalement par roulage et saltation sur le fond (Nichols, 2009). Elles sont différentes des rivières anastomosées (« anastomosing channels » ou « anabranching channels ») qui sont composées par deux chenaux ou plus, séparés par des zones d'inondation (Makaske, 2001). Ces zones sont recouvertes de végétation ce qui stabilise les flancs du chenal et empêche leur migration (Smith et Smith, 1980). Les chenaux sont 3.5. Transformation des écoulements
Au cours de leur avancée, ces différents écoulements peuvent connaître de nombreuses transformations, présentées dans la Figure I-12. L'activité à l'origine de l'écoulement peut être éruptive ou non-éruptive, le passage progressif d'une avalanche de débris à une coulée de débris, jusqu'à un écoulement hyperconcentré se fait par incorporation d'eau de pluie ou de rivière ou par l'incorporation de neige ou de glace par l'écoulement (Figure I-12). Ceci s'observe notamment pour les lahars (Palmer et al., 1991; Capra et al., 2004 ; Pierson et Scott, 1985) avec le passage d'une coulée de débris à un écoulement hyperconcentré. Lors de l'éruption du Mont Saint Helens en 1980, une coulée de débris a rencontré la rivière de « North Fork Toutle ». Elle s'est transformée en écoulement hyperconcentré par dilution (Pierson et Scott, 1985).
Figure I-12 - Diagramme schématique montrant la relation entre les phénomènes volcaniques et la formation des avalanches de débris, des coulées de débris, des écoulements hyperconcentrés et des écoulements fluviatiles, (modifié d'après Smith et Lowe, 1991).
L'écoulement peut également incorporer du matériel, comme des particules
fines
, ce qui modifie la cohési
on
de l'écoulement et donc son comportement (vitesse et extension) (Smith et Lowe, 1991; Pierson, 1995). Par exemple, lors d'une montée en crue, si la rivière incorpore beaucoup de débris et de sédiments, il y aura formation d'un écoulement hyperconcentré. Ces modifications n'affectent pas nécessairement l'écoulement dans son ensemble et peuvent n'impliquer qu'une partie de celui-ci (Palmer et al., 1991). Ainsi, les dépôts observés ne caractériseront que le processus de transport avant dépôt et non le processus de transport dominant. 4. Transport des éléments volcanoclastiques en mer
Le transport des sédiments volcanoclastiques en mer peut être dû à trois processus principaux qui sont : (1) la génération des écoulements en domaine sous-marin (Figure I-13 A), (2) la continuité directe des écoulements aériens en mer (écoulements pyroclastiques, avalanches de débris, Figure I13 B), et (3) le transfert en mer des sédiments via le réseau hydrographique (Figure I-13 C).
Figure I-13 - Principaux processus de transfert des sédiments volcanoclastiques dans le domaine profond (modifié d'après Babonneau, 2002). A) Génération des écoulements directement en domaine sous-marin, B) Continuité directement en mer des écoulements formés à terre,
C) Transfert en mer des sédiments par le réseau hydrographique terrestre. Ces processus gravitaires sous-marins sont définis comme étant l'ensemble des processus capables de transporter des sédiments sous l'action principale de la gravité, depuis les plateaux jusqu'aux plaines abyssales (Middleton et Hampton, 1973). Dans un premier temps, les sédiments sont transportés du domaine terrestre au domaine marin par les rivières ou par l'activité volcanique. Ces sédiments, associés à ceux du plateau (transportés par l'érosion, par les courants océaniques ou par la houle), ainsi qu'aux sédiments hémipélagiques, forment une accumulation sédimentaire au sommet de la pente. Lors de leur déstabilisation de ces sédiments, des glissements sont générés permettant le transport des sédiments sur la plaine abyssale jusqu'à plusieurs centaines de kilomètres de la zone source (Figure I-13 A).
4.1. Transfert sédimentaire terre-mer 4.1.1. Transfert par le réseau fluviatile
Le premier transfert de sédiment du domaine aérien au domaine marin se fait par les rivières. À son débouché en mer, le fleuve dépose des sédiments grossiers qui sont ensuite redistribués par les processus côtiers (houle, marées, courant). Lorsque le fleuve apporte des sédiments plus rapidement qu'ils ne sont remaniés par les processus marins, il y a formation d'un delta. Il existe plusieurs types de deltas classés en fonction de l'importance des apports fluviaux et des processus de remaniement marin (Figure I-14) (Wright, 1977).
Figure I-14 - Exemple des trois principaux types de delta (d'après Nichols, 2009). - Lorsque que les courants des rivières rejoignent le domaine marin pour déposer des sédiments au-delà du rivage, il y a formation d'un delta à dominance fluviatile (Wright, 1977) comme le delta du Mississipi (Figure I-14). La forme de ces deltas est contrôlée par les apports fluviatiles. Le courant unidirectionnel à l'embouchure de la rivière continue en mer et forme un chenal et des levées sous-marines. Les apports de sédiments de la rivière permettent la construction des levées au-dessus du niveau marin formant des avancées de terre sur la mer (Figure I-14) (Wright, 1977). - Lorsque l'influence de la houle sur la sédimentation est importante, il y a formation d'un delta à houle dominante (Wright, 1977) comme le delta du Rhône ou du Nil (Figure I-14) ou le delta de la rivière Saint-Étienne (La Réunion). La progradation du chenal vers le large est limitée, les levées ne se forme pas car les apports sédimentaires du fleuve sont remaniés par les vagues juste après leur dépôt. Ainsi toute obliquité entre la direction du vent et la bordure du delta provoque une migration latérale des sédiments. Les vagues érodent le matériel le long des côtes et forment des plages et des barres d'embouchures parallèles à la ligne de côte (Figure I-14) (Wright, 1977). - Lorsque l'influence de la marée sur la sédimentation est importante, il y a formation d'un delta à marée dominante comme le delta du Ganges (Figure I-14). La partie supérieure du chenal sous-marin est influencée par les marées avec notamment un arrêt de l'apport fluviatile pendant les marées hautes. Les courants de marée remanient le sédiment à l'embouchure de la rivière et forme des barres sédimentaires perpendiculaires à la ligne de côte (Figure
-14) (Wright, 1977).
Dans certains cas, il y formation d'un estuaire. C'est une portion de vallée fluviatile en mer qui est inondée par l'eau de mer en période de haut niveau marin. Dans cette zone, les effets du domaine marin sont dominants et il y a un mélange entre l'eau douce et l'eau de mer. Les apports sédimentaires proviennent à la fois du fleuve et de la mer. Ils peuvent être transportés par le fleuve, la houle et les marées. La différence entre un estuaire et un delta est que la sédimentation dans un estuaire est limitée à la vallée ennoyée, tandis que dans un delta, les sédiments progradent au large (Nichols, 2009).
4.1.2. Le transfert des sédiments volcanoclastiques au domaine marin peut se réaliser par la continuité directe des écoulements présentés au chapitre 3 en mer. Dans cette partie, nous ne présenterons que la continuité directe des processus typiques du domaine volcanique tel que les avalanches de débris et les écoulements volcanoclastiques primaires (coulées pyroclastique). Les autres écoulements, plus communs au domaine sous-marin, seront traités dans le paragraphe suivant. Les écoulements produits directement par les éruptions peuvent alimenter le domaine profond en matériel volcanoclastique comme c'est le cas des coulées pyroclastiques. Contrairement au domaine aérien, les coulées pyroclastiques en domaine sous-marin se transforment rapidement en écoulement de densité aqueux. En raison du faible rythme de décantation des particules dans l'eau, les dépôts sous-marins présentent un meilleur granoclassement et une plus grande proportion de verre volcanique que les dépôts aériens (Stix, 1991). Lorsque l'écoulement est généré à terre et qu'il est dense et non turbulent, celui-ci garde son intégrité en passant au domaine sous-marin et parcours plusieurs kilomètres. S'il est plus turbulent, il y a un mélange avec le fluide ambiant et transformation de l'écoulement en écoulement de densité aqueux (Stow et al., 1996). L'écoulement peut également être formé en mer, la transformation en écoulement plus dilué se produit après que l'écoulement est parcouru une distance de 5 km depuis sa source (Stow et al., 1996). Les dépôts proximaux sont massifs et non granoclassés. En s'éloignant de la source, ceux-ci présentent une base grossière avec des sédiments de surface fins et lités. Lors de l'effondrement du dôme du volcan de la Soufrière (Montserrat) du 12-13 juillet 2003, volume 210 millions de m3 de matériel pyroclastique est entré dans l'océan (Trofimovs et al., 2008). Lors de son entrée dans l'océan, la coulée pyroclastique a absorbé beaucoup d'eau avant de se déposer. Trois zones caractérisées par une sédimentation différente ont été identifiées (Figure I-15). La zone la plus proche des côtes est caractérisée par des sédiments grossiers qui forment un lobe de dépôt avec un faible granoclassement. Ces sédiments ont une morphologie similaire aux dépôts observés à terre, mais ils contiennent moins de particules fines (Trofimovs et al., 2008). Les dépôts situés juste après le lobe de sédiments grossiers sont composés majoritairement de sable massif avec quelques graviers et silts. La troisième zone, la plus distale, est composée de sédiments fins déposés par des courants de densité, tel que des courant de turbidité. Ces dépôts sont bien triés et présentent des laminations planes et parfois entrecroisées (Trofimovs et al., 2008). Figure I-15 - Reconstruction du transfert en mer des dépôts pyroclastique associés à l'effondrement du dôme de la Soufrière le 12-13 juillet 2003 (d'après Trofimovs et al., 2008)
Les avalanches de débris sont également des écoulements qui sont généralement formés à terre et qui se poursuivent directement en mer comme c'est le cas aux Canaries (Mitchell et al., 2002). Les dépôts d'avalanches de débris sont largement dominants sur les pentes sous-marines des îles océaniques (Deplus et al., 2001). Néanmoins, en terme de sédiment total transporté dans le domaine sous-marin, ils sont de moindre importance en comparaison aux autres écoulements (coulées de débris, courants de turbidité) (Masson et al., 2006). Ces écoulements se forment préférentiellement sur de fortes pentes. Aux Canaries, leur origine est principalement aérienne, tandis qu'à Hawaii, ils se forment en mer car les pentes aériennes des volcans Hawaiiens sont faibles (de l'ordre de 3 à 6 ° pour le Moana Loa contre 11 à 16 ° pour les pentes aériennes des îles Canaries) (Mitchell et al., 2003). Ainsi, les avalanches de débris des îles d'Hawaii comportent des blocs importants car ils n'ont pas été désintégrés lors de leur transport. Pour que les blocs soient désintégrés en domaine sous-marin, il faudrait que l'eau s'infiltre rapidement dans les fractures des blocs, sinon la fracturation est empêchée par la pression de l'eau ambiante. En domaine aérien, la fracturation des blocs est uniquement limitée par la pression atmosphérique. Sur les données de bathymétrie (Figure I-16), la morphologie des dépôts d'avalanche de débris sousmarines présentent une surface à hummock comme observée le domaine terrestre, sur les données d'imagerie acoustique. Ils sont caractérisés par un faciès tacheté (Figure I-16). Ces dépôts sont souvent situés dans le prolongement d'une structure en fer à cheval identifiée à terre et correspondant à la zone d'effondrement à l'origine de l'écoulement. Figure I-16 - A) Imagerie acoustique de dépôts d'avalanche de débris au large de la Dominique. Leur topographie à hummock est caractérisée par un faciès moucheté (d'après Deplus et al., 2001). B) Carte bathymétrique de l'île de Fogo (Cap Vert) montrant l'extension des dépôts d'avalanche de débris (d'après Masson et al., 2008). Les courbes de niveau sont espacées de 200m (la courbe épaisse bleue représente 3000 m, la verte 2000 m et la orange 1000 m) C) Carte bathymétrique de l'île de El Hierro (Canaries) montrant l'extension des dépôts d'avalanche de débris (d'après Masson et al., 2006).
D) Imagerie acoustique de dépôts d'avalanche de débris au large du Piton de la Fournaise. Leur topographie à hummock est caractérisée par un faciès moucheté. Aux Canaries, l'avalanche de débris El Golfo a été générée à terre, au niveau du flanc ouest de l'île El Hiero, et s'est prolongé en mer. Elle serait à l'origine du dépôt de 150 km3 de sédiment en bas de la pente (Figure I-16 C). Au large d'Hawaii, certaines avalanches de débris peuvent atteindre plus de 200 km de long et 5000 km3 de volume (Moore et al., 1989). 4.2. Les glissements en masse sous-marins
Les glissements en masse correspondent au déplacement de volumes sédimentaires homogènes le long de surfaces de cisaillement. Le transport s'effectue uniquement sous l'effet de la gravité regroupant deux processus majeurs : le fluage (ou creeping) et les glissements soit translationnels (slide) soit rotationnels (slump). - Le fluage (ou creeping) est une déformation du matériel sous une charge constante. C'est un mouvement lent qui peut durer de quelques heures à plusieurs milliers d'années (Stow et al., 1996). - Les glissements se forment en réponse à une instabilité gravitaire de la pile sédimentaire. Lorsque des sédiments sont déposés sur une pente, même faible, ils sont instables. Lors d'un évènement brutal comme un tremblement de terre, une intrusion magmatique ou un apport brutal de sédiment supplémentaire, il peut y avoir une rupture dans l'empilement sédimentaire et formation d'un glissement translationnel (slide) ou rotationnel (slump). Ces processus sont caractérisés par un déplacement limité dans l'espace. Les slides (ou glissement translationnel) sont des mouvements en masse de sédiments non consolidés le long d'un plan de cisaillement dit translationnel. Le bloc de sédiment déplacé conserve ses structures d'origine car la majeure partie du cisaillement se situe au niveau de la surface de glissement. Les dépôts sont caractérisés par des blocs de sédiment isolés. Les glissements rotationnels (« slumps ») sont des mouvements en masse de sédiments non consolidés le long d'un plan de cisaillement dit rotationnel. Les dépôts des slumps sont caractérisés par des niveaux glissés présentant typiquement une structure plissée avec le sommet des anticlinaux orienté dans le sens de la pente. La cicatrice de lissement présente une forme en cuillère et peut mesurer quelques mètres à plusieurs centaines de mètres de diamètre (Nichols, 2009) Ces processus peuvent se produire en domaine non-volcanique, comme le glissement de Storegga (Figure I-17 A) au large de la Norvège ou en domaine volcanique comme le glissement de Hilina (Figure I-17 B) sur le flanc du volcan Kilauea à Hawaii. Le glissement de Storegga est un glissement translationnel (Bugge et al., 1988) d'une superficie de 5600 km3. Il correspond à plusieurs glissements successifs (Bugge et al., 1988). Le glissement de Hilina est un glissement rotationnel d'une superficie de 5200 km3 (Moore et al., 1989). Figure I-17 - A) Vue en trois dimensions de la partie supérieure du glissement de Storegga basée sur des données de bathymétrie. La ligne en pointillée marque la limite du glissement (d'après Masson et al., 2006). B) Bathymétrie ombré du glissement de Hilina sur le flanc sud-est de l'île d'Hawaii (d'après Smith et al., 1999).
4.3. Les écoulements gravitaires sous-marins
Les écoulements gravitaires sous-marins peuvent être séparés selon leur comportement rhéologique en écoulements cohésifs et en écoulements non-cohésifs (Figure I-18) (Mulder et Alexander, 2001).
Figure I-18 - Représentation schématique des différents types d'écoulements gravitaires et des dépôts associés, (d'après Mulder et Alexander, 2001).
4.3.1. Les écoulements cohésifs : les coulées de débris sous-marines
Les écoulements cohésifs ont une pression de pores très importante ce qui limite la pénétration de l'eau. Ainsi l'écoulement reste cohérent et son taux de dilution, par le dépôt de particules ou par l'absorption d'eau, est plus faible que les écoulements non-cohésifs (Mulder et Alexander, 2001). Les principaux écoulements cohésifs sous-marins sont les coulées de débris (Figure I-18). Les coulées de débris sous-marines sont des écoulements laminaires dans lesquels les composants (grains et fluide) permettent le support des particules. Ces écoulements se caractérisent par la présence d'une matrice qui assure une cohésion entre les particules en mouvement, et par des concentrations et des viscosités très élevées empêchant le développement de la turbulence. Dans les coulées de débris, la densité de la masse sédimentaire dépasse celle de l'eau ambiante (Major, 2003). Figure I-19- Modélisation en laboratoire de coulée de débris. A) Coulée de débris aérienne, B) coulée de débris sous-marine (d'après Mohrig et al., 1998)
Quelques différences existent entre les coulées de débris subaériennes (présentées au paragraphe 3.2) et les coulées de débris sous-marines. La principale différence est l'absence de tension de surface. Celle-ci est produite par le contact entre l'eau et l'air à la surface de l'écoulement en domaine subaérien. En domaine sous-marin, le fluide interstitiel est généralement de densité égale ou inférieure à l'eau ambiante ce qui diffère du domaine aérien. L'eau présente dans les pores n'a pas une densité suffisante pour fournir une force de déplacement à l'écoulement car il n'y a pas de tension de surface (Mulder et Alexander, 2001). L'absence de cette tension de surface entraîne une dilution de la partie sommitale de l'écoulement, formant un nuage de particule en suspension (Figure I-18). Les coulées de débris sous-marines sont également plus rapides et moins érosives que leur homologue à terre (Gee et al., 1999). Ceci est expliqué par le fait que la tête de la coulée de débris glisse sur une fine couche d'eau, qui limite les frottements et donc l'érosion (Mohrig et al., 1998). Les dépôts des coulées de débris seront caractérisés par des conglomérats à matrice cohésive (Figure I-18) avec un faible classement des particules dû à l'absence de turbulence. Ces dépôts ont des épaisseurs pouvant dépasser 60 m et les sédiments qui les composent varient des argiles aux blocs de plusieurs dizaines de mètres (e.g. Leigh et Hartley, 1992). Un granoclassement inverse peut être visible la base des dépôts, associés aux cisaillements au contact entre l'écoulement et le substrat (Nichols, 2009). En domaine sous-marin, il peut également y avoir une dilution du sommet de l'écoulement (Figure I-19) qui se traduit dans les dépôts par un bon granoclassement. En domaine volcanique, les coulées de débris sous-marines peuvent être très importantes. La coulée de débris des Canaries résulte d'une rupture de la pente de l'île El Hiero à une profondeur de 3200 à 3700 m. Elle a un volume de 400 km3 de sédiment (Urgeles et al., 1997). Ces dépôts recouvrent une surface de 40 000 km2 et ont une épaisseur moyenne de 10 m (Masson et al., 1998) 4.3.2. Les écoulements non cohésifs
Les écoulements non-cohésifs (Figure I-18) sont composés de particules distinctes ce qui permet le développement d'une forte porosité au cours de l'écoulement. En domaine sous-marin, les pores se remplissent principalement d'eau. En fonction de la concentration en sédiment, trois classes principales d'écoulement peuvent être identifiées : les écoulements hyperconcentrés, les écoulements concentrés et les courants de turbidité (Figure I-18).
Les écoulements hyperconcentrés
Les écoulements hyperconcentrés peuvent avoir la même proportion de composants solides et de matrice que les écoulements cohésifs, mais leur comportement est différent. Soit ils contiennent moins de grains cohésifs, soit la cohésion à l'intérieur de l'écoulement est diminuée par la forte agitation des particules, liée à la vitesse de l'écoulement. Les sédiments transportés peuvent être des blocs de la taille du mètre (Mulder et Alexander, 2001). Les écoulements hyperconcentrés regroupent les écoulements « liquéfiés » et les écoulements granulaires (Mulder et Alexander, 2001; Figure I-18). Les écoulements granulaires sont des mélanges très concentrés de grains non-cohésifs au sein desquels les interactions intergranulaires et la pression de dispersion maintiennent les particules en suspension et assurent le déplacement de l'écoulement. La classe granulométrique des grains est supérieure aux silts (Mulder et Cochonat, 1996). Les écoulements liquéfiés correspondent à un mélange homogène de particules et de matrice. Toutes les particules sont supportées par le fluide interstitiel mis sous pression et qui s'échappe vers le haut. La classe granulométrique des grains s'étend des argiles aux silts (Mulder et Cochonat, 1996). Les dépôts associés à ces écoulements présentent un faible gran classement normal, sauf pour les dépôts situés au sommet de l'écoulement qui ont un meilleur granoclassement, car ils correspondent à la partie la plus diluée de l'écoulement.
Les courants de turbidité
Les courants de turbidité sont des écoulements gravitaires dans lesquels les sédiments sont transportés par la turbulence. Ce sont des écoulements avec une faible charge et une concentration en sédiment inférieur à 9% par volume (Mulder et Alexander, 2001). Cette concentration correspond à la limite de Bagnold qui permet d'avoir un écoulement dont l'ensemble des particules est supporté par la turbulence (Bagnol, 1962). La granulométrie des particules transportées s'étend des sables aux argiles. En fonction de leur comportement, les écoulements turbiditiques peuvent être divisés en trois groupes : - les bouffées turbides, qui sont des écoulements d'un volume fini, générés par une injection de fluide dense ponctuelle. Il n'y a pas d'alimentation continue par l'arrière (Ravenne et Beghin, 1983). Elles ont une durée de vie courte et un faible volume. - Les courants de turbidité de haute et de basse densité : les courants de turbidité sensu stricto sont des écoulements de fluide dense dans un fluide ambiant de moindre densité et présentent une alimentation prolongée ou continue par l'arrière. Ils ont une extension longitudinale plus importante que les bouffées turbides avec une tête (front de densité), un corps très allongé, et une queue relativement diluée. Ces écoulements sont générés par des glissements ou par la transformation d'un écoulement de plus forte concentration (Mulder et Alexander, 2001). Il existe des courants de turbidité de haute densité et de basse densité, fonction de la concentration et de la taille des éléments transportés (Figure I-20) (Lowe, 1982 ; Mulder et Cochonat, 1996). Les courants de haute densité sont liés à la transformation de glissements de grande échelle, type slide et slump. Ils sont constitués d'une partie basale laminaire surmontée d'une partie supérieure turbulente (Mulder et al., 1997). Le dépôt des sédiments présente : dans la partie basale, des structures tractives et un granoclassement inverse, et dans la partie supérieure, le dépôt se fait par suspension suivant un granoclassement normal (petits graviers, granules et sables). Les courants de basse densité résultent d'instabilités de plus petite taille mettant en jeu du matériel moins grossier (sables très fins aux argiles). Les sédiments mis en jeu sont plus fins. Ils se déposent en fonction de leur vitesse de chute. Les sédiments les plus grossiers (sables très fins, silts) se déposent en premier et les sédiments les plus fins en dernier. Les dépôts associés à ces cour s'organisent en séquences. La plus classique est la séquence de Bouma (1962) (Figure I-20), pour la gamme granulométrique des sables aux argiles. Elle comprend cinq unités nommées de Ta à Te de la base jusqu'au sommet. Elle décrit une séquence à granoclassement normal dont le terme le plus grossier est noté Ta et le terme le plus fin est noté Te. Cette séquence est rarement observée dans son intégralité, elle est généralement tronquée de ces termes supérieurs ou inférieurs soit par érosion, soit par ségrégation granulométrique latérale dû à la diminution de concentration du courant de turbidité. - Le terme inférieur Ta correspond à un dépôt de haute densité. Figure I-20 - Séquences turbiditiques « types » définie par Bouma (1962), Lowe (1982) et Stow et Shanmugam (1980) (d'après Shanmugam, 2000).
-
Les courants hyperpycnaux font référence à des écoulements sous-marins générés directement par les eaux d'un fleuve chargées en sédiment et dont la densité est supérieure à l'eau de mer. Ils contrastent avec les écoulements hypopycnal correspondant au panache de surface (Figure I21). La concentration en particule de ces écoulements est de l'ordre de 1,5% (Mulder et al., 2003) et comprend des particules allant des sables aux argiles
. Figure I-21 - Ecoulement hyperpycnal et écoulement hypopycnal. ρ f correspond à la densité de l'écoulement et ρw correspond à la densité du fluide ambiant (d'après Mulder et Alexander, 2001)
Ils se forment généralement lors de phénomènes importants comme des crues (Mulder et al.,1997). Les masses d'eaux denses, chargées en sédiments, plongent sous les eaux marines sur les pentes sousmarines (Figure I-21) et génèrent un écoulement gravitaire turbulent dit « hyperpycnal » (Mulder et Syvitski, 1995). Ils ont une continuité importante dans le temps, de quelques heures à plusieurs mois (Mulder et Syvitski, 1995) et leur dynamique suit celle de la crue du fleuve avec une monté en charge et une décrue. Les dépôts se caractérisent par un épais niveau avec une granulométrie continue, un granoclassement inverse marquant la monté en charge, qui peut se préserver dans les granulométries fines, un granoclassement normal correspondant à la décrue (Mulder et Alexander, 2001). Il est courant que le granoclassement inverse soit érodé par l'écoulement principal, rendant ainsi la reconnaissance des écoulements hyperpycnaux difficile. D une manière identique aux écoulements qui sont observés à terre, les différents écoulements sousmarins peuvent subir une transformation au cours de leur déplacement notamment par dilution due à l'incorporation d'eau ou par perte de matière. 5. Les systèmes turbiditiques
Un éventail sous-marin ou « deep-sea fan » correspond à une accumulation de sédiments déposés par différents processus de transport (présenté au chapitre 4) en domaine océanique. Ces éventails sousmarins peuvent avoir une forme en éventail, mais des formes plus lobées ou allongées sont également courantes. Leur forme varie de quelques kilomètres de diamètre à plusieurs millions de kilomètres carrés comme l'éventail du Bengal (Curray et Moore, 1971). La morphologie de ces éventails est fonction de la nature du sédiment transporté et des différentes proportions de sable, de graviers et d'argiles. Un système turbiditique est un éventail sédimentaire sous-marin préférentiellement alimenté par des courants de turbidité.
5.1. Morphologie d'un système turbiditique
Ces systèmes turbiditiques sont généralement constitués de différents éléments architecturaux qui sont le ou les canyons, le ou les systèmes chenal-levées et les lobes (Figure I-22).
Figure I-22 - Schéma d'un système turbiditique modifié d'après Reading et Richards (1994). A) têtes des canyons et principaux canyons au débouché de la rivière Saint-Étienne (La Réunion). B) Profils de sismique haute résolution recoupant l'actuel système chenal-levées du Zaire (d'après Babonneau et al., 2002). C) Profil sismique recoupant le lobe de Pineto (Corse) (d'après Gervais et al.,2004). 5.1.1. Les canyons
Les canyons sont des conduits naturels permettant le transport des sédiments et de l'eau depuis le domaine continental vers le domaine marin (Figure I-22 A). Ils sont formés par érosion ou par la formation d'instabilités récurrentes au débouché d'une source en apport sédimentaire (fleuve, ravine). Ce sont des structures géomorphologiques en dépression, qui peuvent inciser la plate-forme continentale depuis le plateau interne jusqu'au pied de pente. Ils sont constitués de trois parties : - la tête qui correspond à la partie la plus proche de la côte (Figure I-22 A) ; - le corps qui est en continuité avec la tête et qui forme une vallée avec des flancs abrupts et un dénivelé amont-aval important (Figure I-22 A) ; - l'embouchure qui est située en pied de pente et qui est marquée par un changement de pente. Des structures d'érosion et de transit peuvent être visibles comme des loupes d'arrachement ou des sillons d'érosion. L'observation de la section latérale d'un canyon est un paramètre important dans l'étude de leur morphologie. Un canyon peu avoir une section en U ou en V. Une section en V suggère une forte érosion du canyon par un écoulement rapide, tandis qu'une section en U suggère une alimentation par un écoulement lent et sporadique (de Pippo, 2004). La dominance des processus de dépôt sur les processus d'érosion est un autre facteur pouvant contribuer à la forme en U du canyon ou au développement d'un fond plat du canyon (canyon de Saint-Etienne, Figure I-22 A). Inversement, La dominance des processus d'érosion sur les processus de dépôt engendre le développement d'une section en V. Le contexte tectonique peut également avoir une influence. Lorsque les canyons se trouvent dans un bassin légèrement en subsidence, ils auront préférentiellement un fond plat tandis que s'ils sont situés en zone tectoniquement active, ils auront principalement une section en V (de Pippo, 2004). 5.1.2.
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Races canines et comportement
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Bertrand Jordan
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Races canines
et comportement
Bertrand Jordan
Chroniques
génomiques FORUM Biologiste, généticien et
immunologiste, président
d’Aprogène (Association pour
la promotion de la génomique),
13007 Marseille, France. [email protected] L’espèce canine est caractérisée par une très grande
variété de phénotypes : bien qu’appartenant à la même
espèce, un chihuahua et un berger allemand diffèrent
énormément par leur taille, leur poids et leur morpho-
logie. Cette diversité a été exacerbée par une intense
sélection qui, pour l’essentiel, a eu lieu à l’époque Victo-
rienne et a abouti à plus de trois cents races1 distinctes,
présentant des caractéristiques physiques très codifiées,
races dont la « pureté » est assurée par un système de
pedigrees géré par des associations ad hoc2. Ces chiens
de race sont loin d’être majoritaires au niveau mon-
dial : on estime qu’environ 80 % du milliard de chiens
existants sont des « chiens de village » semi-sauvages
(free-ranging). Même aux États-Unis, les individus de
race ne représentent que la moitié de la population,
le reste correspondant à des chiens de race mélangée,
« bâtards » ou mutts. Il n’en reste pas moins que l’on
s’est principalement intéressé aux races « pures », et
que l’on associe généralement race et comportement :
le labrador est censé être intelligent, doux et sociable,
enjoué, mais parfois têtu, fidèle et affectueux, tandis
que le caniche présente une grande intelligence, est très
fidèle et a un caractère vif et espiègle3. La validité de
ces caractères est largement admise, et de nombreux
sites Internet proposent de vous aider à choisir une race
de chien en fonction de vos desiderata sur son compor-
tement. L’ADN du chien a été séquencé dès 2005 [1], ce
qui a rendu possible l’étude des corrélats génétiques de
la race et de leur relation avec le comportement. Deux
articles récents [2, 3] ont abouti à des conclusions
plutôt contradictoires, surtout si l’on se fie à la manière
dont ils ont été rapportés dans la revue Science : Dog
breeds really do have distinct personalities-and they’re
rooted in DNA [4], pour le premier en 2019, et Your dog’s
breed doesn’t determine its personality, study suggests -
Work challenges popular idea that breeds have specific, CHRONIQUES GÉNOMIQUES reliable behaviors [5], pour le second en 2022. Une telle
divergence mérite un examen un peu détaillé, qui est
l’objet de cette chronique. 1 Le mot race, communément utilisé pour les chiens et d'autres animaux, désigne
des lignées d'animaux d'une même espèce, sélectionnés le plus souvent par
l'Homme.
2 En France, le Livre des Origines Français ou LOF, https://www.centrale-canine.
fr/articles/le-lof
3 https://www.dogsplanet.com/race-de-chien/ 4 vetapps.vet.upenn.edu/cbarq/ Biologiste, généticien et
immunologiste, président
d’Aprogène (Association pour
la promotion de la génomique),
13007 Marseille, France.
[email protected] médecine/sciences médecine/sciences médecine/sciences 2022 ; 38 : 947-50 médecine/sciences 2022 ; 38 : 947-50 Races canines
et comportement
Bertrand Jordan
Chroniques
génomiques Races canines
et comportement
Bertrand Jordan
Chroniques
génomiques 2019 : un déterminisme de race –
mais des données perfectibles Ascendances déter-
minées par séquençage d’ADN,
exemples allant d’un chien de pure
race à un bâtard. Extrait partiel
et remanié de la figure 3 de [3]. Breeds : autres races ; poodle :
caniche ; staff : american staf-
fordshire terrier. Bâtard
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e ces profils de comportement sont certes assez détaillés, mais ils sont
remplis par les propriétaires des chiens (et non par un observateur
indépendant) ce qui peut les biaiser, l’avis pouvant notamment être
influencé par le comportement attendu compte tenu de la race du
chien concerné. 2019 : un déterminisme de race –
mais des données perfectibles Le premier article, émanant de plusieurs équipes
étatsuniennes [2], est essentiellement fondé sur
l’exploitation de données préexistantes. Pour le volet
génétique, l’étude utilise les résultats de génotypage
(à l’aide de microarrays spécifiques) précédemment
obtenus par deux autres équipes sur 5 697 chiens [6,
7] ; pour le comportement, les auteurs ont repris les
informations d’une base de données appelée C-BARQ4
qui répertorie les comportements de 29 656 chiens
(dont 14 020 de race « pure »). Les données génétiques
et celles de comportement ne concernent donc pas les
mêmes animaux, ce qui amène les auteurs à établir un
profil génétique moyen pour chaque race à partir de
ceux des quelques dizaines d’individus concernés. Ces
profils moyens sont ensuite confrontés aux données de
comportement, en se limitant à celles qui concernent
des chiens de race « pure ». Les comportements ont été
évalués à partir des réponses (sur une échelle de 0 à 4)
à 78 questions, et sont regroupés en 14 facteurs fai-
sant la synthèse de plusieurs items du questionnaire,
par exemple « éducabilité » (trainability) regroupant
l’obéissance, la capacité à aller chercher des objets,
la résistance aux stimulus parasites, etc. Notons que 947 m/s n° 11, vol. 38, novembre 2022
https://doi.org/10.1051/medsci/2022140 m/s n° 11, vol. 38, novembre 2022
https://doi.org/10.1051/medsci/2022140 Race « pure »
Hybride F1
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ver Figure 1. 2019 : un déterminisme de race –
mais des données perfectibles Les résultats suggèrent aussi que
de nombreux gènes sont impliqués (hérédité multigénique), et que
nombre d’entre eux interviennent dans le fonctionnement du sys-
tème nerveux. Au total, cette étude confirme que le comportement
des chiens de race est en partie génétique, et suggère que les diffé-
rences observées entre races sont liées à leur patrimoine génétique. Reste que le recours à des échantillons différents pour les données
génétiques et de comportement affaiblit nettement ces conclusions
puisqu’il oblige à travailler sur des valeurs moyennes et non sur les
profils individuels. 2019 : un déterminisme de race –
mais des données perfectibles portement codifié, race « pure » ou mélangée) pour
chacun des individus étudiés représentant au total près
d’une centaine de races.́ La comparaison des séquences obtenues avec un panel
de référence contenant les données génétiques de
101 races de chiens montre que l’on peut ainsi iden-
tifier l’appartenance de chaque chien, qui coïncide à
98,7 % avec la race déclarée pour les chiens de race «
pure » ; elle permet aussi d’identifier les ascendances
pour les chiens croisés et les bâtards, même lorsque
ces ascendances sont multiples (Figure 1). Au total,
l’échantillon comporte 924 individus de race confirmée
et 1 221 chiens croisés ou bâtards, dont la majorité
ont au moins quatre ascendances différentes. On peut
ensuite se poser la question du déterminisme génétique
du comportement. Pour ce faire, les 117 items du phé-
notype sont regroupés en huit caractères (par exemple,
obéissance, sociabilité avec les humains ou les autres
chiens, tendance au jeu, etc.) et confrontés avec les
données de séquençage et génotypage. Il ressort de
cette étude que les comportements répertoriés ont
bien une composante génétique, et que celle-ci rend
compte d’environ 25 % de la variation observée au sein
de la population dans son ensemble : une influence
génétique nette, mais qui laisse une large part dans la
formation de la personnalité de l’animal à l’environne-
ment et à l’éducation. Reste à voir dans quelle mesure
ces variations sont corrélées avec la race, en d’autres
termes, si la race d’un chien prédit un comportement
spécifique comme cela est généralement admis. C’est
ici que l’étude de 2022 montre sa supériorité : le fait de
considérer les données individuelles pour chaque ani-
mal (génétique et comportement) évite de gommer la
variabilité à l’intérieur d’une race. De plus, l’analyse de
bâtards dont l’ascendance est discernable par l’ana-
lyse génétique mais pas évidente « à l’œil nu » par
le propriétaire de l’animal, améliore l’objectivité du
recueil de données. On peut le voir, par exemple, pour
la docilité qui est l’un des caractères les plus héritables
et les plus différenciés selon les races. Même si la valeur moyenne de ce paramètre est un Dans ces conditions, le comportement (moyen) de chaque race
diffère, et présente une corrélation significative avec les données
génétiques : environ 15 % des différences de comportement seraient
dues au patrimoine héréditaire. 5 darwinsark.org/ m/s n° 11, vol. 38, novembre 2022 2022 : des données plus solides, une corrélation presque
évanescente Le deuxième article, paru en 2022 [3], est le fruit de la collaboration
entre une dizaine de laboratoires des États-Unis. Paru dans une revue
plus « cotée » que le précédent (Science au lieu de Proceedings of the
Royal Society), il est effectivement plus solide et plus détaillé. D’une
part, les données génétiques et comportementales proviennent cette
fois des mêmes chiens, et sont répertoriées individuellement et non
en tant que moyennes ; et, d’autre part, l’étude porte non seulement
sur des individus de race « pure », mais aussi sur des chiens croisés
(deux ou trois races parentales) ou des bâtards (parenté complexe). Nous verrons que ces derniers se révèlent très utiles dans l’analyse. Les chiens étudiés proviennent d’un projet appelé Darwin’s Ark5 qui
répertorie les comportements (indiqués par les possesseurs des
chiens) selon un questionnaire comportant 117 items, et qui conserve
aussi un échantillon d’ADN pour chaque chien. Les données génétiques
consistent en un génotypage par microarray et un séquençage à basse
couverture (1X) de l’ensemble des 2 145 chiens étudiés, complété par
un séquençage à haute couverture (46X) de 27 bâtards. On dispose
ainsi d’un ensemble cohérent de données (génotype détaillé, com- Même si la valeur moyenne de ce paramètre est un
peu plus faible (indiquant une plus grande docilité m/s n° 11, vol. 38, novembre 2022 948 Docile
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Figure 2. Haut : répartition du caractère de docilité (Biddabi-
lity) noté de – 2 (docile) à + 2 (indépendant) pour l’ensemble
des chiens de l’échantillon (en gris) et pour les seuls individus
de race Border Collie (un type de chien de berger*) (en blanc). Bas : répartition du caractère pour les chiens Border Collie
identifiés par séquençage de leur ADN (extrait partiel et rema-
nié de la figure unique du résumé de [3]). * www.woopets.fr/chien/race/border-collie/#informations % Border Collie
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Figure 3. Répartition de la docilité pour 638 bâtards ayant une part d’ascen-
dance Border Collie. On voit qu’il n’y a pratiquement aucune corrélation, la part
d’ascendance Border Collie (en ordonnée) ne prédisant pas la docilité (extrait
partiel et remanié de la figure unique du résumé de [3], les points de couleur
correspondent à des individus discutés dans l’article). 2022 : des données plus solides, une corrélation presque
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0 FORUM CHRONIQUES GÉNOMIQUES Figure 2. Haut : répartition du caractère de docilité (Biddabi-
lity) noté de – 2 (docile) à + 2 (indépendant) pour l’ensemble
des chiens de l’échantillon (en gris) et pour les seuls individus
de race Border Collie (un type de chien de berger*) (en blanc). Bas : répartition du caractère pour les chiens Border Collie
identifiés par séquençage de leur ADN (extrait partiel et rema-
nié de la figure unique du résumé de [3]). Figure 3. Répartition de la docilité pour 638 bâtards ayant une part d’ascen-
dance Border Collie. On voit qu’il n’y a pratiquement aucune corrélation, la part
d’ascendance Border Collie (en ordonnée) ne prédisant pas la docilité (extrait
partiel et remanié de la figure unique du résumé de [3], les points de couleur
correspondent à des individus discutés dans l’article). Figure 3. Répartition de la docilité pour 638 bâtards ayant une part d’ascen-
dance Border Collie. On voit qu’il n’y a pratiquement aucune corrélation, la part
d’ascendance Border Collie (en ordonnée) ne prédisant pas la docilité (extrait
partiel et remanié de la figure unique du résumé de [3], les points de couleur
correspondent à des individus discutés dans l’article). Des contradictions exagérées, des extrapolations hasardeuses Finalement, les deux articles analysés ici [2, 3] ne sont pas aussi
contradictoires que semblent l’indiquer leurs titres, et surtout, les
échos auxquels ils ont donné lieu [4, 5]. Il aurait été intéressant que
les auteurs de l’article le plus récent discutent les conclusions du pré-
cédent, mais ils l’ignorent complètement6, ce qui ne semble pas très
fair play et aurait dû être repéré par les reviewers – en tous cas, cela
nous prive d’une mise en perspective utile. En fait, les différences dans
les conclusions semblent provenir essentiellement de l’emploi inévi-
table de moyennes (au lieu de valeurs individuelles) et des possibles
biais des propriétaires pour les chiens de race « pure » auxquels le
premier travail est obligé de se limiter pour relier les données géné-
tiques et phénotypiques obtenues sur des individus différents. Quoi
qu’il en soit, les conclusions à retenir sont celles du second article :
une composante génétique assez faible mais nette pour le comporte-
ment, et une quasi-absence de corrélation entre race et personnalité. Les deux groupes d’auteurs évoquent, sans insister, les leçons à tirer de
ces résultats pour la génétique et la médecine humaines. Il me semble
que l’on doit les mettre en perspective par rapport à des stéréotypes
largement condamnés mais toujours bien présents concernant les
populations humaines. Les « races » humaines, dont on a longtemps
admis l’existence, étaient caractérisées par leur apparence physique
mais aussi par des traits de comportement censément inscrits dans
leurs gènes et qui orientaient leur place dans la société. Ces stéréo-
types ont la vie dure et réapparaissent notamment à la faveur des
progrès de l’analyse génétique de populations, qui permet aujourd’hui
de mesurer les différentes ascendances d’une personne et éventuel- moyenne) pour le chien de berger (Border Collie), le
plus docile des chiens étudiés dans cet article, la
Figure 2 montre que la variabilité est très importante,
que l’on considère l’ensemble de chiens répertoriés
dans Darwin’s Ark (14 292 individus) ou les 16 chiens
de cette race identifiés par leur séquence pour le
présent travail. Si l’on considère maintenant les
638 bâtards pour lesquels le séquençage a décelé une
ascendance partielle de Border Collie, on voit qu’il n’y
a pratiquement aucune corrélation entre le pourcen-
tage d’ascendance et la docilité dans le comporte-
ment (Figure 3). 6 À l’exception de l’inclusion de la référence et d’une mention cryptique à propos de gènes exprimés dans
le cerveau. RÉFÉRENCES 1. Lindblad-Toh K, Wade CM, Mikkelsen TS, et al. Genome sequence, comparative
analysis and haplotype structure of the domestic dog. Nature 2005 ; 438 : 803-19. 2. MacLean EL, Snyder-Mackler N, vonHoldt BM, Serpell JA. Highly heritable and
functionally relevant breed differences in dog behaviour. Proc R Soc B 2019 : 286 :
20190716. TIRÉS À PART
B. Jordan TIRÉS À PART
B. Jordan Q
u’est-ce que la guérison ? Des réponses, il y en a. De toutes sortes et de tout temps. Chacun y va de son savoir,
religieux, scientifique, médical... Et de quoi est-on supposé guérir ? D’un symptôme, d’une douleur, d’une maladie,
d’une répétition mortifère, d’un destin mélancolique ? Pour la psychanalyse, la guérison s’insère dans un système
imaginaire et a, comme point de mire, un idéal. « La guérison, c’est une demande... »
précise Lacan. Les auteurs nous invitent ici à découvrir, au-delà du semblant et à partir
de la clinique, les liens entre guérison et vérité du sujet. Comité éditorial de l’Association Psychanalyse et Médecine (APM) : Martine Dombrosky,
Sophie Dunoyer de Segonzac, Houchang Guilyardi, Josette Olier, Betty Testud
BON DE COMMANDE
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Tél. : 01 49 85 60 69 - Fax : 01 49 85 03 45 - E-mail : francois.fl [email protected]
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u’est-ce que la guérison ? Des réponses, il y en a. De toutes sortes et de tout temps. Chacun y va de son savoir,
religieux, scientifique, médical... Et de quoi est-on supposé guérir ? D’un symptôme, d’une douleur, d’une maladie,
d’une répétition mortifère, d’un destin mélancolique ? LIENS D’INTÉRÊT 8. Jordan B. La génomique et la diversité humaine. Cahiers de
l’Urmis [En ligne], 20 juin 2021. http://journals.openedition. org/urmis/2387 ; doi : 10.4000/urmis.2387 L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérê t concernant les données publiées dans cet
article. L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérê t concernant les données publiées dans cet
article. Des contradictions exagérées, des extrapolations hasardeuses Cela est à mettre en rapport avec le
fait qu’il est difficile de deviner les ascendances d’un
bâtard, comme montré par les auteurs : du coup, la
définition du comportement chez un bâtard est sans
doute plus objective car moins influencée par les sté-
réotypes de race. Finalement, au total, les auteurs estiment que la race
prédit moins de 10 % du comportement, avec des
valeurs différentes selon les caractères examinés. Pour
l’essentiel donc, la race ne prédit pas la personnalité
d’un chien au niveau individuel, même si quelques
tendances sont discernables si l’on considère les
moyennes. Bien entendu, des caractères physiques,
comme la taille, le pelage ou la morphologie sont,
elles, fortement héritables et très corrélées avec la
race – rien d’étonnant, puisque c’est sur ces critères
que ces races ont été définies ! m/s n° 11, vol. 38, novembre 2022 949 lement de la rattacher à un groupe d’ascendance [8]. L’exemple des
chiens montre que, même en présence de véritables races fortement
sélectionnées et de morphologies très différentes, celles-ci n’ont
quasiment aucune valeur prédictive quant au comportement et à la
personnalité des individus qui leur appartiennent. Cela devrait inciter
à une grande prudence ceux qui pensent déduire le comportement
d’une personne de la couleur de sa peau… 3. Morrill K, Hekman J, Li X, et al. Ancestry-inclusive dog genomics
challenges popular breed stereotypes. Science 2022 ; 376 :
eabk0639. doi: 10.1126/science.abk0639. 4. Pennisi E. Dog breeds really do have distinct personalities-
and they’re rooted in DNA. Findings may have implications
for humans as well. Science Jan 7 2019 doi: 10.1126/science. aaw5856. www.science.org/content/article/dog-breeds-really-
do-have-distinct-personalities-and-they-re-rooted-dna 5. Grimm D. Your dog’s breed doesn’t determine its personality,
study suggests - Work challenges popular idea that breeds have
specific, reliable behaviors. Science 28 Apr 2022 doi: 10.1126/
science.abq7236. www.science.org/content/article/your-dog-
s-breed-doesn-t-determine-its-personality-study-suggests SUMMARY Dog breeds and behaviour s-breed-doesn-t-determine-its-personality-study-suggests It is commonly believed that a dog’s breed predicts its behaviour. A
2019 paper seemed to confirm this, but had some serious limitations. An extensive new study shows that, in fact, breed is not a good predic-
tor of behaviour at the individual level, and has only a weak influence
on average characteristics. 6. Hayward JJ, Castelhano MG, Oliveira KC, et al. 2016 Complex
disease and phenotype mapping in the domestic dog. Nat
Commun 2016 ; 7 : 10460. 7. Parker HG, Dreger DL, Rimbault M, et al. Genomic analyses
reveal the influence of geographic origin, migration, and
hybridization on modern dog breed development. Cell Rep 2017 ;
19 : 697–708. RÉFÉRENCES Pour la psychanalyse, la guérison s’insère dans un système
imaginaire et a, comme point de mire, un idéal. « La guérison, c’est une demande... »
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Improvisation musicale homme-machine guidée par un scénario temporel Jérôme Nika 1, Marc Chemillier 2 1. Ircam, UMR STMS 9912 CNRS - UPMC 1 place Igor Stravinsky Paris, France [email protected] 2. CAMS, EHESS, UMR 8557 CNRS 190 avenue de France Paris, France [email protected]
Cet article propose un modèle pour l'improvisation musicale guidée par une structure formalisée. Il exploite les connaissances a priori du contexte d'improvisation pour introduire de l'anticipation dans le processus de génération. « Improviser » signifie ici articuler une mémoire musicale annotée avec un « scénario » guidant l'improvisation (par exemple une progression harmonique dans le cas du jazz). Le scénario et la séquence étiquetant la mémoire sont représentés comme des mots construits sur un même alphabet. Cet alphabet définit les classes d'équivalences choisies pour décrire les éléments musicaux constituant la mémoire. La navigation dans cette mémoire assure la cohérence et l'homogénéité du résultat musical en exploitant les motifs communs aux deux séquences tout en étant capable de s'éloigner du matériau musical d'origine. Le modèle et l'architecture d'ordonnancement décrits dans cet article sont implémentés dans le système d'improvisation ImproteK, utilisé à plusieurs reprises avec des musiciens ABSTRACT. This paper presents a computer model for musical improvisation guided by a formalized structure. It uses the prior knowledge of the temporal structure of the improvisation to introduce some anticipation in the music generation process. In this framework "improvising" amounts to articulating an annotated memory and a "scenario" guiding and constraining the improvisation (for example a given chord progression in the case of jazz improvisation). The scenario and the sequence describing the musical memory are represented as words defined over the same alphabet. This alphabet describes the equivalence classes chosen to label the musical contents of the online or offline memory. The navigation through this memory searches for continuity in the musical discourse by exploiting similar patterns in the sequences, as well as the ability to go beyond the simple copy of their associated musical contents. The model and the scheduling architecture described in this paper are implemented in the improvisation software ImproteK which has been used at several occasions with expert musicians. 1 MOTS-CLÉS : improvisation musicale guidée, scénario, recherche de motifs, recherche de préfixes, indexation, apprentissage, interaction, ImproteK. guided improvisation, music generation, scenario, pattern matching, prefix matching, indexing, learning, interaction, ImproteK
KEYWORDS: 1. Introduction 1.1. Improvisation structurée et guidée
L'improvisation jazz ou blues s'appuie traditionnellement sur une « grille » définissant une progression harmonique ; la basse continue baroque laisse à l'interprète la réalisation de l'harmonie en improvisant à la main droite à partir d'une basse écrite pour la main gauche L'existence d'un objet structuré temporellement et antérieur à la performance, non nécessairement décrit avec un vocabulaire harmonique, se retrouve également dans de nombreuses autres traditions improvisées, notamment dans la musique orientale. On peut citer à ce titre la musique classique d'Inde du Nord dans laquelle l'improvisation est guidée plusieurs échelles : l'enchaînement de parties de longueurs différentes et ayant une identité propre dans l'exemple des raga en fournit un premier niveau. L'évolution au sein de chacune de ces parties est ensuite construite à partir de descriptions détaillées en termes de mélodie, de vitesse ou de registre : par exemple suivre un cheminement mélodique comportant une montée progressive vers la double octave supérieure suivi d'une descente rapide dans le registre médium. En sortant du champ musical, cette notion de structure formalisée peut se transposer à la commedia dell'arte dont le canevas décrit de manière minimale la séquence d'évènements et de situations que suivra l'intrigue de la représentation, ou encore à la tradition orale des contes populaires traditionnels ou des épopées pour lesquels le récit improvisé s'appuie sur une trame constituée d'unités élémentaires, parfois associées à un ensemble de formules consacrées, définissant ainsi une grammaire du récit. L'idée de structure temporelle préexistante et guidant la performance improvisée trouve un écho dans les études cognitives traitant de l'improvisation, qui font émerger une notion de planification plus large que le simple canevas formel (car elle inclut l'ensemble des stratégies narratives de l'improvisateur) et son articulation avec les exigences de réactivité face à des situations imprévues qui caractérise l'improvisation. La notion de « plan » dans (Sloboda, 1982) ou (Shaffer, 1980) est définie comme un objet abstrait représentant la structure fondamentale de la performance, et laissant les dimensions plus fines être générées ou agencées en temps voulu pendant l'exécution. Dépassant la seule séquence de contraintes formelles, (Pressing, 1984 ; 1988) introduit la notion de « référent » en tant que schéma sous-jacent guidant ou aidant la production du matériel musical. Ce schéma sous-jacent peut également s'étendre aux dimensions cognitives, Improvisation homme-machine guidée par un scénario 2 perceptives ou émotionnelles, et sa relation avec le comportement improvisé peut être, entre autres, métaphorique, imitative, allégorique, ou antagoniste. L' « improvisation automatique » fera ici référence à un système informatique capable de produire de la musique (typiquement une séquence de notes jouées un synthétiseur ou une séquence de dates lues dans un fichier audio) en relation directe avec le contexte musical produit par une situation de concert. Le modèle d'improvisation automatique décrit dans cet article, implémenté dans le système d'improvisation ImproteK, repose sur un canevas préexistant à la performance. Dans ce cadre, le canevas guidant le modèle est représenté par une séquence de contraintes formelles pour l'improvisation que le système doit générer. De la même manière que dans les exemples de répertoires improvisés cités précédemment, cet objet ne porte pas la dimension « narrative » de l'improvisation, c'est-à-dire la conduite de l'improvisation dans son évolution fondamentalement esthétique et non explicite. Pour cette raison, le modèle bien que complet et à l'exécution autonome s'efforce d'offrir à un opérateur pilotant le système (lui-même en situation de musicien), un contrôle esthétique et musical, considérant que cette dimension narrative est indissociable de la performance incarnée.
1.2. Systèmes informatiques pour l'improvisation : état de l'art et historique
Parmi les différents projets s'intéressant à la question de l'improvisation musicale automatique, on se limitera ici aux systèmes construisant leurs improvisations en concaténant des fragments musicaux (captés en temps réel ou au préalable) qui sont réinjectés dans la performance après avoir été transformés et réagencés. Ces systèmes peuvent se distinguer selon le paradigme choisi pour guider l'improvisation, et la longueur du futur anticipé qu'il implique. Comme OMax (Assayag, Bloch, Chemillier, Cont, Dubnov, 2006 ; Assayag, Bloch, Chemillier, 2006 ; Lévy et al., 2012), dans la lignée duquel le projet décrit dans cet article est construit, les systèmes de « co-improvisation » créent de nouvelles improvisations en naviguant dans une représentation extraite du jeu d'un musicien capté en temps réel. Un paradigme similaire sous-tend également des travaux tels que (Pachet, 2003) ou (François et al., 2013). Le parcours de la mémoire musicale suit pas après pas la logique interne du matériau capté et peut laisser à un opérateur le soin de contrôler la génération. D'autres systèmes peuvent être guidés par une écoute réactive et une analyse des entrées musicales : à partir d'une mémoire également captée en temps réel ou d'un corpus prédéfini, des contraintes sur l'instant ou à plus long terme peuvent être imposées pour piloter la navigation dans cette mémoire. SoMax (Bonnasse-Gahot, 2013) traduit à chaque instant le jeu d'un improvisateur sous forme de contraintes, par exemple décrites en termes de contexte harmonique, pour aiguiller la navigation dans un corpus dont la logique interne est suivie quand les contraintes sont relâchées. Axé sur l'interaction et la réactivité, (Moreira et al., 2013) fonctionne selon un principe d'observations multimodales du jeu d'un musicien permettant de trouver dans une mémoire un segment musical approprié selon des associations préalablement apprises. Dans cette lignée, (Pachet et al., 2013) utilise également des annotations harmoniques a priori 3 parmi les critères de recherche. Enfin, une structure connue ou définie en amont peut diriger le processus de génération, en exploitant ou non cette connaissance a priori pour introduire de l'anticipation. Dans cette catégorie (Dubnov, Assayag, 2005) puis (Surges, Dubnov, 2013) proposent la création de règles ou de scripts pour contrôler les paramètres de génération d'une session d'improvisation. Avec un horizon plus long, (Donze et al., 2013) introduit une structure de contrôle pour guider l'improvisation selon une séquence de référence, jouant ainsi un rôle comparable à celui du scénario dont il sera question dans cet article. On notera également qu'un certain nombre d'autres travaux n'utilisent pas directement le matériau musical capté en direct, mais produisent des improvisations à partir de modèles créés au préalable avec lesquels le musicien interagit durant le concert. Ainsi, (Thom, 2000) construit itérativement des modèles de jeu avec une logique de « trading fours » dans un schéma d'interaction à court terme, et (Sioros, Guedes, 2011a ; 2011b) se concentrent sur l'aspect rythmique en extrayant d'une analyse de l'improvisation en cours les paramètres contrôlant des modèles génératifs prédéfinis. On se situe ici dans le périmètre de l'improvisation musicale idiomatique (Bailey, 1999), en postulant que dans ce cadre et dans un contexte donné l'improvisation se construit en partie sur la mobilisation et la transformation d'éléments que l'on a pu entendre ou jouer soi-même dans un contexte différent mais défini avec le même langage. Dans cette optique, la musicalité même réside dans le caractère inattendu, impromptu ou anticipé de ces mobilisations. Le projet présenté dans cet article s'inscrit dans la continuité des travaux initiés dans (Dubnov et al., 1998 ; Assayag et al., 1999) sur la navigation dans une cartographie du jeu d'un musicien « analogique » capturant une partie de sa logique musicale. L'application de ces principes à logiciel d'improvisation en temps réel a donné lieu à la création du logiciel OMax (Assayag, Bloch, Chemillier, Cont, Dubnov, 2006 ; Assayag, Bloch, Chemillier, 2006 ; Lévy et al., 2012). La prise en compte de la question de la « pulsation » dans les systèmes d'improvisation et les travaux menés sur l'utilisation des grilles de jazz dans l'improvisation (Chemillier, 2001 ; 2004 ; 2009 ; Chemillier, Assayag, 2008) ont ensuite conduit au développement du système ImproteK. Ce système introduit des contraintes à long terme et des connaissances a priori dans un processus informatique d'improvisation. Celles-ci sont ajoutées au moyen d'un formalisme abstrait pouvant traduire des notions musicales comme celle de pulsation sur le plan rythmique, ou de grille d'accords sur le plan harmonique. L'architecture d'ImproteK décrite dans (Nika, Chemillier, 2012) associe un modèle de génération considérant ces notions musicales et le système de suivi de partition Antescofo (Cont, 2008) permettant la synchronisation du jeu des phrases calculées pendant la performance.
1.3. Un modèle d'improvisation guidée par scénario
En reprenant le schéma décrit précédemment, cet article présente une nouvelle approche de l'improvisation automatique intégrant une notion de guidage. Celle-ci exploite les connaissances a priori sur la structure temporelle de l'improvisation, que l'on appellera scénario, afin d'intégrer une anticipation dans le processus de généra- Improvisation homme-machine guidée par un scénario 4 tion musicale. La section 2 introduit ainsi le modèle de génération pour l'improvisation idiomatique dans lequel une mémoire musicale structurée et annotée est parcourue en suivant un chemin conforme à un scénario guidant l'improvisation. Avec le souci de fonder le traitement informatique de la question musicale sur un processus constituant une métaphore de la réalité de l'improvisation, la section 3 décrit la première étape d'une phase du processus de génération, qui utilise des outils classiques d'algorithmique du texte pour reconnaître à chaque instant les préfixes du scénario courant dans la mémoire musicale, à la manière d'un musicien improvisateur mobilisant un « cliché » qu'il aurait entendu ou joué lui-même dans un contexte différent. La section 4 décrit la seconde étape d'une phase de génération : la navigation dans la mémoire en cherchant à allier la continuité du discours musical et la possibilité de s'éloigner du matériau original. La section 5 évoque ensuite certains des paramètres algorithmiques permettant à un opérateur-musicien pilotant le système de contrôler la génération au cours de l'im isation, ainsi que de définir des heuristiques appropriées au cadre idiomatique. La section 6 expose enfin la mobilisation dynamique du modèle en temps réel dans un contexte de performance et décrit l'architecture au sein de laquelle ce processus de génération est intégré. L'ordonnancement des appels au modèle permet d'allier l'anticipation permise par la connaissance a priori d'un scénario et la réactivité nécessaire à l'improvisation par la mobilisation dynamique de processus statiques.
2. Modèle d'improvisation automatique guidée 2.1. Scénario et mémoire structurée
Le processus d'improvisation guidée est modélisé comme l'articulation entre une séquence de référence et une mémoire structurée et annotée dans laquelle on viendra rechercher des séquences musicales qui seront transformées et réagencées pour créer les improvisations : – le scénario correspond à une séquence symbolique de référence guidant l'improvisation et définie sur un alphabet adapté au contexte musical, – la mémoire à une séquence de contenus étiquetée par une séquence symbolique définie sur le même alphabet que le scénario. Dans ce contexte, « improviser » signifiera parcourir la mémoire pour collecter des blocs parmi ses contenus musicaux et les concaténer pour créer une phrase musicale en suivant la séquence d'étiquettes imposée par le scénario. À la manière d'un improvisateur employant un motif qu'il a entendu ou joué lui-même dans un contexte différent mais présentant localement une progression commune avec le nouveau contexte dans lequel il joue, il s'agit donc de trouver des segments de la mémoire correspondant aux portions successives du scénario à suivre et de les enchaîner. Les séquences du scénario et de la mémoire étant différentes dans le cas général, il faut donc exploiter 5 au mieux leurs motifs communs pour extraire et assembler les segments de la mémoire les plus longs possible ou répondant à d'autres critères imposés traduisant des choix musicaux, tout en évitant l'écueil de la simple recopie dans le cas où les deux séquences présentent une grande similarité.
2.2. Notations
Le scénario et la séquence de labels étiquetant la mémoire sont représentés comme des mots sur un même alphabet. Le choix d'un alphabet fixe les classes d'équivalences des éléments musicaux constituant la mémoire. Cette mémoire peut être instantanée, apprise à la volée au d'une performance, ou faire appel à un corpus appris antérieurement. On suppose donné un scénario S de taille s dont on notera S[T ] la lettre d'indice T. Ayant choisi au préalable une unité temporelle pour le découpage des segments, S[T ] correspond à la classe d'équivalence souhaitée pour l'improvisation à produire au temps T. Étant donnée une mémoire M de taille m, la lettre M [P ] correspond à la classe d'équivalence étiquetant le fragment musical correspondant au temps P. Par la suite, on confondra le mot M constitué par la séquence de labels qui étiquette la mémoire avec son contenu. 1. Ces phases de navigation dans la mémoire segmentent l'improvisation dans son processus algorithmique de production
,
et
ne
correspondent pas en général
à des « phrases » musical
es
distinct
es.
6 T T' 2 1 T'' 1 2 c b a b a a b c c b a c b S iT iT' 1 Label Contenu b c c C ST' T Scénario (S) 2 b B a A 2b b a B' A' a b a c A" B" b a c a b A"' C' 1 2a c c C" C"' b a B"' Mémoire (M) T 1 T' 2 1 2 C B A B' A' A" B" C" C'" B'" A'" C' Improvisation
Figure 1. Improviser en articulant une mémoire annotée et un scénario : exemple de deux phases de navigation débutant respectivement en T et T'
La Figure 1 donne un exemple schématisant deux phases successives, de T à T 0 −1 puis de T 0 à T 00 − 1. La première phase (débutant en T ) cherche à générer l'improvisation à partir de la date T sur le scénario courant ST, suffixe de S. À l'issue de cette première phase, on a pu traiter le préfixe S[T ]S[T 0 − 1] du suffixe ST de S, et une nouvelle phase de recherche sur le suffixe ST 0 de S doit donc être lancée à partir de la date T 0 pour compléter l'improvisation jusqu'à une date T 00 − 1.
2.4. Phase de génération sur le scénario courant ST 2.4.1. Étape 1 : recherche d'un point de départ dans la mémoire
Chaque phase est amorcée par la recherche d'un motif initial conforme à une section du scénario courant dans la mémoire, soit un préfixe de ST dans M. Le premier élément de ce motif fournit un point de départ pour la phase de navigation : un état de la mémoire à partir duquel on est assuré de pouvoir trouver au moins une séquence correspondant à une partie du scénario courant, dont en premier lieu le motif trouvé lui-même. Cette première étape est détaillée dans la section 3. L'ensemble des indices i des états candidats pour constituer un point de départ pour la génération de l'improvisation à partir de la date T est défini par : DT = {i < m | ∃ cf ≥ 0, M [i]M [i + cf ] ∈ Préfixes(ST )} où cf représente la continuité par rapport au futur du scénario. cf mesure la durée de la séquence de la mémoire qui pourra être littéralement recopiée tout en respectant le 7 scénario à partir de l'état d'indice i choisi. L'exemple ci-dessous reprend la première étape de la phase de navigation débutant en T en Figure 1. En numérotant les lettres à partir de 0, on a par exemple pour la première phase : M = bC |CbabaabaCba|CabC |Cba S0 = cbabaabccbacb D0 = {1, 2, 10, 13, 16, 17} où D0 contient les indices des positions de M en lesquelles débute un préfixe de S0. Les lettres correspondantes figurent en majuscule dans M, et les préfixes qu'ils débutent sont soulignés. Leurs longueurs donnent les valeurs de cf associées.
2.4.2. Étape 2 : suivre une suite d'enchaînements satisfaisant le scénario
À partir du point de départ choisi, on cherche à parcourir la mémoire en suivant une séquence d'enchaînements conformes au scénario courant. Le chemin suivi dans la mémoire passe par des états dont les labels correspondent au scénario et dont les contenus musicaux sont concaténés pour former l'improvisation. Lorsque cela est possible, une solution triviale est de suivre linéairement le motif de la mémoire choisi à l'étape précédente. Cependant, les perspectives peuvent être élargies en tirant profit d'une analyse de la structure de la mémoire. Dans le cas général , si S et M sont différents et si aucun n'est facteur de l'autre, il s'agira d'exploiter au mieux non seulement leurs motifs communs mais également leurs similarités internes pour tenter de créer un discours musical continu en prolongeant le parcours au-delà des motifs communs. Cette volonté de pouvoir s'éloigner du matériau initial nous poussera à élargir l'ensemble des enchaînements candidats après la lecture d'un état dans la mémoire. On envisagera ainsi les enchaînements conformes au scénario possibles à partir d'un état donné d'indice k0 comme l'ensemble des états de la mémoire présentant un passé commun avec cet état et satisfaisant la prochaine contrainte imposée par le scénario. On définit donc ET,k0, l'ensemble des indices k des états de la mémoire M conformes avec le temps T du scénario S et pouvant constituer un enchaînement avec l'état précédent M [k0 ], par : ET,k0 = {k < m | ∃ cp ∈ [1, k], M [k − cp ]M [k − 1] ∈ Suffixes(M [0]M [k0 ]), et M [k] = S[T ]} Quand M [k0 + 1] = S[T ], donc M [k0 + 1] ∈ ET,k0, le motif commun à M et S peut être suivi linéairement en choisissant l'enchaînement fourni par l'état suivant de la mémoire. Pour éviter une simple recopie de séquences tout en préservant une certaine continuité musicale, on autorise donc un parcours non-linéaire si les sauts effectués se font entre deux segments présentant un passé commun, c'est-à-dire si les facteurs de la mémoire se terminant aux points de départ et d'arrivée de ces sauts présentent un suffixe commun. La longueur cp de ce suffixe commun quantifie ainsi la continuité par 8 rapport au passé de la mémoire. Cette seconde étape, qui sera détaillée dans la section 4, s'arrête lorsqu'aucun enchaînement n'est possible, c'est-à-dire quand ET,iT −1 = ∅. L'exemple ci-dessous reprend un pas de la deuxième étape de la phase de navigation débutant en T 0 sur la Figure 1 (2a-2b). En numérotant les lettres à partir de 0, on a pour l'ensemble E10,18 :
M = bccbA|bAabA|cbAcabccbA M [0]M [18] = bbccb S = cbabaabccbacb S[10] = a E10,18 = {4, 6, 9, 12, 19}
E10,18 contient les indices des lettres de M égales à S[10] = a, et précédées d'un suffixe de M [0]M [18]. Les lettres correspondantes figurent en majuscule dans M, et les suffixes de M [0]M [18] qui les précèdent sont soulignés (sauf M [0]M [18] luimême pour faciliter la lecture). Leurs longueurs donnent les valeurs de cp associées.
2.5. Articulation des phases
L'algorithme 1 résume le schéma général du processus d'improvisation. Les phases successives de navigation dans la mémoire correspondent à la boucle principale de l'algorithme. L'étape de recherche d'un point de départ correspond donc aux lignes 2-3, où l'on construit DT au sein duquel il sera choisi. L'étape de navigation correspond à la boucle interne (lignes 4-6), où la mémoire est parcourue en choisissant des positions iT dans les ET,iT −1 successifs jusqu'à ce qu'aucun enchaînement ne soit plus possible. Si le schéma de l'algorithme 1 peut s'exécuter linéairement en suivant littéralement la boucle principale jusqu'à ce que la fin du scénario soit atteinte pour produire d'un bloc une phrase musicale répondant à la spécification donnée par le scénario, il peut également être segmenté en différents processus concurrents correspondant à des phases de navigation couvrant des sections du scénario qui se chevauchent. Ces aspects d'ordonnancement visant à allier l'anticipation permise par la connaissance du scénario et la possibilité d'avoir des contrôles réactifs lors de la performance sont traités dans la section 6.
2.6. Contrôles, filtrages, et heuristiques
Différents paramètres permettent de piloter la génération des séquences produites par le modèle, notamment lors des définitions des ensembles DT et ET,k0 ou des choix des positions à jouer parmi les positions candidates (« iT ← i ∈ DT » et « iT ← i ∈ ET,iT −1 », algorithme 1). Ces paramètres permettent de restreindre ces ensembles en filtrant les solutions, ou au contraire de les étendre : la généricité du modèle permet en effet de définir des critères d'appariement et de comparaisons en terme d'équivalences propres au contexte idiomatique, et donc à l'alphabet utilisé (en 9 Algorithme 1.
Algorithme principal d'improvisation
Entrées : S, scénario de taille s M, mémoire de taille m Résultat : {iT }0≤T <s, indices des états de M à concaténer pour produire l'improvisation 1 2 3 4 5 6 Initialisation :
T
=0 Tant que T < s faire iT ← i ∈ DT T
←
T +1 Tant que (T < s)&(ET,iT −1 6= ∅) faire iT ← i ∈ ET,iT −1 T
←T +1 cas d'échec d'une recherche, la marche à suivre peut également être définie par des heuristiques pertinentes spécifiques au contexte). Parmi les contraintes utilisées pour filtrer les solutions qui seront abordées dans cet article, on peut citer la localisation du motif dans la mémoire, la préférence pour un segment assurant la meilleure continuité avec le motif produit lors de la phase précédente, ou encore des intervalles imposés pour les paramètres cf et cp. A titre d'exemple, exiger la valeur maximale pour cf entraînera la recherche d'un préfixe de taille maximale et assurera d'avoir un résultat homogène et continu sur sa durée ; à l'inverse une petite valeur impliquera des extractions de courts segments dans des zones potentiellement différentes de la mémoire : selon les situations musicales, on pourra successivement préférer un état assurant une grande cohérence du discours musical à long terme et très proche de la séquence d'apprentissage, ou au contraire un résultat plus morcelé. Ces contrôles peuvent être confiés à l'opérateur-musicien et/ou paramétrisés automatiquement par l'écoute des entrées musicales au cours de l'improvisation. Si l'ensemble des solutions n'est pas réduit à un seul élément une fois les filtrages opérés, la position iT de la mémoire utilisée pour devenir le temps T de l'improvisation est tirée aléatoirement parmi les positions restantes. Des exemples de tels contrôles et heuristiques sont développés en section 5.
3. Recherche de préfixes du scénario courant dans la mémoire
En supposant l'improvisation déjà complète jusqu'à la date précédente T − 1 à laquelle s'est terminée une phase de navigation, on détaille dans cette section la re- 10 cherche d'un point de départ dans la mémoire pour créer un fragment d'improvisation commençant au temps T. La recherche est donc guidée par le suffixe 2 ST du scénario original S=S0 qui contient la séquence des classes d'équivalences S[T ], S[T + 1], imposées pour tous les temps à partir de T. Les préfixes de ST dans M sont indexés afin de choisir celui qui fournira l'état de départ en fonction du système de contraintes imposé pour le filtrage des solutions (longueur du préfixe, cf, local isation dans la mémoire). Le parcours à partir de cette date T, décrit en section 4, se développera ensuite jusqu'à une date T 0 − 1 à laquelle se présentera à nouveau la nécessité d'une recherche de point de départ, donc de préfixes pour le prochain suffixe du scénario considéré ST 0.
3.1. Définitions
On se ramène au problème général de l'indexation de tous les préfixes d'un mot X=X[0]X[x − 1] dans un texte Y =Y [0]Y [y − 1]. Cette recherche vise à construire une table dont les entrées sont les longueurs des préfixes de X trouvés dans Y, associées aux positions de Y auxquels ces préfixes débutent. Elle s'appuie sur l'algorithme introduit dans (Morris, Pratt, 1970) qui décrit le parcours de l'automate déterministe reconnaissant le langage A∗ X (où A est l'alphabet sur lequel sont définis X et Y ) en suivant le chemin étiqueté par les lettres de Y. Cet algorithme permet ainsi de trouver toutes les occurrences du mot X dans Y, et utilise pour cela une fonction de suppléance calculée au préalable sur le mot X indexant ses similarités internes qui seront exploitées pour éviter les comparaisons inutiles. L'algorithme d'indexation des préfixes de X dans Y décrit dans cette section se décompose en une analyse préalable du mot X et la localisation en elle-même : lors de la localisation, les plus longs préfixes du mot X terminant à chaque position du texte Y sont indexés (voir 3.2), et les éventuels préfixes de longueurs inférieures qu'ils contiendraient sont déduits grâce aux calculs préalables effectués pendant la phase d'analyse de X qui construit la fonction de suppléance (voir 3.3). – En reprenant le vocabulaire usuel, on dira qu'un mot est un facteur propre de X s'il est facteur de X et différent de X. – Un bord d'un mot non vide X est un facteur propre de X qui est à la fois un préfixe et un suffixe de X. – On notera f la fonction de suppléance issue de l'algorithme de Morris et Pratt. Elle est définie par : f (0) = −1 f (i) = longueur du plus long bord de X[0]X[i − 1] pour i ∈ [1, x] 2. Dans le cas de scénarios cycliques, par exemple pour une improvisation jazz basée sur une grille harmonique dont on ne connaît pas au préalable le nombre de répétitions, la même méthode de recherche sera appliquée à des permutations circulaires successives du scénario plutôt qu'à des suffixes. 11 f est construite avant la phase de localisation lors d'une phase d'analyse de X. Pour la construction de la table des bords et de f, se reporter à (Crochemore et al., 2001).
X = ababcabababbc f (11) = 4
Dans le cas de l'exemple ci-dessus, si lors d'une étape de la localisation des occurrences de X dans un texte Y on compare X[11] = b à une lettre du texte Y [j] et que celle-ci est différente, on comparera ensuite Y [j] à X[f (11)] = X[4] = c. X[i] P(i) {2} {3, 1} {4, 2}
Figure 2. Exemples de P (i), ensemble des longueurs des bords de X[0]X[i]
Dans l'exemple de la Figure 2, le dernier b en position j = 8 termine la séquence abab de longueur 4 qui est préfixe du mot, et contenant elle-même le préfixe ab de longueur 2. On obtient donc pour cette lettre P (8) = {4, 2}. P (i) est par définition l'ensemble des longueurs des bords de X[0]X[i] et donne donc immédiatement l'ensemble des longueurs des préfixes de X se terminant en position i dans X. Pour tout i ∈ [1, x − 1], pour tout L ∈ P (i) 6= ∅, i est donc la position de fin d'un préfixe de X de longueur L. Finalement pour tout i ∈ [1, x − 1], pour tout L ∈ P (i) 6= ∅, un préfixe de X de longueur L débute dans X en position (i − L + 1). La connaissance des P (i) donne ainsi la localisation des préfixes de X dans lui-même qui sera utilisée dans l'algorithme de reconnaissance des préfixes de X dans Y détaillé en 3.2 et 3.3.
3.2. Reconnaissance du plus long préfixe de X se terminant en une position donnée de Y
L'algorithme d'indexation des préfixes de X dans Y présenté en algorithme 2 et illustré en Figure 3 reprend le déroulé de l'algorithme de Morris et Pratt : les caractères du mot et du texte aux positions courantes respectives i et j sont comparés un à un
12 Texte Y a b a b c a b a = Mot X a b a b c a b c a b a b a Avancer dans X et Y tant que les caractères sont égaux un à un a b a b c a b a ≠ a b a b c a b c a b a b a Caractères différents : préfixe de X trouvé dans Y a b a b c a b a ≠ a b a b c a b c a b a b a Report des préfixes internes au préfixe de X trouvé dans Y avec P a b a b c a b a a b a b c a b c a b a b a Utiliser la fonction de suppléance f sur X pour continuer la recherche en évitant les comparaisons inutiles a b a b c a b a a b a b c a b c a b a b a
Figure 3. Indexation des préfixes d'un mot X dans un texte Y avec f et P données (ligne 2, algorithme 2) et les compteurs sont incrémentés tant qu'ils sont égaux (étape 1, Figure 3 / lignes 8-9, algorithme 2), l'indice i de la position dans le mot fournissant la longueur du motif reconnu à ce stade. Si la lettre X[i] du mot est différente de la lettre courante du texte Y [j], cette dernière est ensuite comparée à X[f (i)], la lettre suivant le plus long bord de X[0]X[i − 1] de longueur f (i) < i ayant
donc été trouvé dans le texte. Remonter ainsi la fonction de suppléance dans le mot jusqu'à un état auquel on pourra lire le caractère courant Y [j] du texte permettra de reprendre les comparaisons après le plus long préfixe de X que l'on sait avoir déjà trouvé dans Y et se terminant en Y [j−1] pour éviter les comparaisons inutiles (étape 4, Figure 3 / lignes 6-7, algorithme 2). Enfin, quand i atteint la taille du mot, une occurrence complète de X est trouvée à la position gauche (j − i) dans Y (ligne 11, algorithme 2).
13 Algorithme 2. Reconnaissance des préfixes d'un mot X dans un texte Y
Entr
ées : X, mot de longueur x f, fonction de suppléance
pour X
Y,
texte
de longueur y Résultat : Localisation et longueurs des préfixes de X trouvés dans Y 1 2 3 4 5 6 7 14 15 16
Initialisation : i = 0; j = 0 Pour j ∈ [0, y − 1] faire si (i > −1)&(Y [j] 6= X[i]) alors si i > 0 alors Préfixe de X de longueur i trouvé : Y [j − i]Y [j − 1] Ajouter les préfixes de longueur < i entre (j − i) et (j − 1) Tant que (i > −1)&(Y [j] 6= X[i]) faire i ← f (i) i←i+1 j ←j+1 si i > x − 1 alors Occurrence de X trouvée : Y [j − i]Y [j − 1] Ajouter les préfixes de longueur < x entre (j − i) et (j − 1) i ← f (i) si i > 0 alors Préfixe de X de longueur i trouvé : Y [j − i]Y [j − 1] Ajouter les préfixes de longueur < i entre (j − i) et (j − 1) Pour passer de la reconnaissance des occurrences du mot X dans le texte Y à celle des préfixes de X dans Y, il suffit d'effectuer quelques enregistrements supplémentaires. Au cours de ce processus, un préfixe de X est balayé dans Y : – quand les deux caractères courants sont différents alors que les précédents étaient égaux : si Y [j] 6= X[i] et i > 0, on a trouvé dans Y un préfixe de X de taille i se terminant en j − 1 et débutant donc en j − i (étape 2, Figure 3 / ligne 4, algorithme 2), – quand la recherche atteint la fin du texte avec i > 0 : un préfixe de taille i était en train d'être reconnu (ligne 14, algorithme 2), – quand une occurrence complète de X est trouvée dans Y. Par définition de la fonction de suppléance f, le retour en arrière effectué dans le mot en cas d'échec à une étape (i, j) est tel qu'un préfixe reconnu se terminant à l'indice (j − 1) dans un des trois cas listés ci-dessus est le plus long préfixe terminant en cet indice, et que les indices du texte (j −i)(j −1) sur lesquels il s'étend ne seront plus parcourus lors de la recherche. Afin que le retour en arrière soit valide, il reste donc à rechercher les éventuels préfixes qui seraient contenus par ce plus long préfixe avant de remonter un chemin de suppléance. Ainsi, si à l'étape (i, j) comparant X[i] et Y [j] un préfixe de X de taille i a été reconnu en position (j − i) dans Y, la sousroutine présentée en algorithme 3 reporte les préfixes internes à X[0]X[i − 1] dans Y [j − i]Y [j − 1] (étape 3, Figure 3 / lignes 5, 12, et 16, algorithme 2).
Algorithme 3. Sous-routine : préfixes de
longueur < i
entre (
j −
i)
et
(
j − 1)
1
2
3 4
Pour i0 ∈ [1, i − 1] faire Pour L ∈ P (i0 ) faire Préfixe de X de longueur L trouvé dans Y débutant en (j − i) + (i0 − L + 1) En effet, si pour i0 ∈ [1, i − 1], L ∈ P (i0 ) 6= ∅, un préfixe de X de longueur L débute dans X en position (i0 − L + 1) (voir 3.1), il suffit pour obtenir sa position dans Y de décaler cet indice de (j − i), position à laquelle débute le plus long préfixe de X dans Y de longueur i terminant en position (j − 1) trouvé à l'étape (i
, j). 3.3. Indexer les préfixes contenus dans le plus long préfixe de X terminant en une position donnée dans Y
En
plus
de son rôle de fonction de suppléance, la fonction f construite à partir de la table des bords du mot X contient les informations permettant d'obtenir les P (i), longueurs de tous les bords des X[0]X[i] pour i ∈ [1, x-1]. Ceci justifie donc la définition de P introduite en 3.1, et son utilisation pour localiser les préfixes de X dans lui-même par leurs positions droites et leurs longueurs pour les reporter ensuite dans Y. En remarquant que le bord d'un bord de X est lui-même un bord de X, et en procédant par récurrence (Crochemore et al., 2001), on obtient que pour un mot X non vide et n le plus grand des entiers k pour lequel f k (X) est défini (soit f n (X) = 0), f (X),f 2 (X),,f n (X) est la suite des longueurs des bords de X classées par ordre décroissant. En remontant le chemin de suppléance à partir d'une position i dans le mot X tant que f n (i) est défini, on obtient donc : P (i − 1) =
{f
(i),
f
2 (i
),, f n
(
i)
>
0} pour 1 < i < x
Un exemple de l'indexation des préfixes d'un mot X terminant en un indice donné grâce à f est donné en Figure 4.
i = 11 a b a b c a b c a b a b a f(12) = 4 a b a b c a b c a b a b a {} {4,} f(4) = 2 a b a b c a b c a b a b a {} {2,} {4, 2,} f(2) = 0! a b a b c a b c a b a b a -1 {2} {4, 2} a b a b c a b c a b a b a P{11} = {4, 2}
Figure 4. Exemple : obtenir P (i), l'ensemble des longueurs des bords de X[0]X[i] à partir de f (i + 1), f 2 (i + 1),f n (i + 1) Algorithme 4. Sous-routine : préfixes de longueur < i entre (j − i) et (j − 1) 1
2 3 4
Pour i0 ∈ [1, i − 1] faire Pour f n (i0 + 1), n
∈ N∗ défini faire Préfixe de X de longueur f n (i0 + 1) trouvé dans Y débutant en (j − i) + (i0 − f n (i0 + 1) + 1)
La sous-routine présentée en algorithme 3 et appelée aux lignes 5, 12, et 16 de l'algorithme 2 revient donc finalement à l'algorithme 4. Pour éviter les informations redondantes, seuls les plus longs préfixes débutant à chaque indice sont enregistrés (si 16 X[i] est la première lettre d'un préfixe de longueur L, il l'est bien sûr également de préfixes de longueurs 1 à L). Finalement, la phase d'analyse consiste en la construction de f sur X (Crochemore et al., 2001) comme pour l'algorithme de Morris et Pratt. La phase de localisation procède ensuite simplement à des enregistrements additionnels de certaines positions non retenues par ce dernier sans avoir à effectuer de comparaisons ou de retours supplémentaires par rapport à l'algorithme de départ dont la phase de localisation s'exécute en temps Θ(y) sans excéder plus de 2y − 1 comparaisons entre des lettres de X et de Y, et dont la phase d'analyse s'effectue en temps Θ(x). Si sa fonction de suppléance n'est pas optimisée, par exemple relativement à celle de (Knuth et al., 1977) ou de (Boyer, Moore, 1977), le choix de l'algorithme de Morris et Pratt et de sa fonction de suppléance comme point de départ de l'algorithme de reconnaissance des préfixes se justifie par le fait qu'il en résulte une implémentation simple due au lien direct entre bords et préfixes, et une rapidité d'exécution tout à fait suffisante pour le cas d'application (ce résultat est empirique : le logiciel ImproteK au sein duquel le modèle est implémenté à été utilisé à de nombreuses reprises lors de sessions d'improvisation ou de concerts depuis 2012) 3. Enfin, ce choix est motivé par le souci de traiter simplement la question musicale par un processus informatique cherchant en premier lieu une cohérence métaphorique avec la réalité de l'improvisation, en cherchant à ce que les opérations informatiques puissent correspondre à des opérations réellement pratiquées par des musiciens.
4. Parcours linéaire ou non-linéaire de la mémoire
L'index DT des préfixes du scénario courant ST dans la mémoire M est obtenu au début de chaque nouvelle phase en appliquant l'algorithme décrit dans la section précédente pour X = ST et Y = M. Il offre une cartographie des facteurs équivalents dans ces deux séquences, et ainsi une représentation de leurs similarités structurelles. Le choix du segment à retourner en fonction du système de contraintes imposé relève ensuite du choix musical et sort du champ algorithmique. La section suivante supposera donc le segment de la mémoire choisi parmi les candidats de DT (ce choix sera abordé en 5.2 à travers les liens entre les paramètres algorithmiques et les paramètres de jeu musical dans le cas d'une improvisation jazz).
4.1. Utiliser les similarités internes de la mémoire
La progression à travers la mémoire peut simplement consister à suivre linéairement la séquence sélectionnée correspondant à un préfixe du scénario courant, soit à choisir à chaque pas iT = iT −1 + 1 tant que cela est possible (si M [iT −1 + 1] = S[T ], M [iT −1 + 1] ∈ ET,iT −1 ). Cependant, en utilisant les caractéristiques de la mémoire, 3. Le premier terrain d'expérimentation musicale avec le modèle ayant été les « grilles » de standards de jazz, les séquences traitées comportaient de nombreuses régularités. En effet, du fait du rythme harmonique généralement à la blanche ou à la ronde celles-ci sont souvent de la forme x4 y 2 z 2 x8 l'algorithme naïf aurait donc été fortement sous-optimal. 17 on peut chercher à prolonger le parcours le plus continûment possible, ou à l'inverse à altérer la fidélité au matériau d'origine pour proposer une séquence nouvelle. Si la première option sera généralement préférée dans les cas où les facteurs communs au scénario et à la mémoire sont courts, la deuxième sera à l'inverse plus souhaitable si le scénario à suivre S et la séquence étiquetant la mémoire M sont similaires. Après avoir cherché les séquences littérales présentes dans la mémoire, on recherche donc maintenant des enchaînements correspondant à la suite du scénario qui ne se trouveraient pas en l'état dans la mémoire mais qui préserveraient la continuité du discours musical. Pour ce faire, la mémoire est apprise dans une structure d'automate permettant de repérer ses similarités internes au fur et à mesure de sa construction : l'oracle des facteurs (Allauzen et al., 1999 ; Lefebvre et al., 2002). 'oracle des facteurs a été introduit pour pallier la difficulté de construire simplement un automate fini déterministe reconnaissant exactement le langage constitué par l'ensemble des facteurs d'un mot. L'oracle des facteurs construit sur un mot X est un automate fini déterministe reconnaissant tous les facteurs de X, ainsi que quelques mots supplémentaires. Dans le cadre d'une application musicale, cette structure d'automate présente l'avantage de conserver l'aspect séquentiel de la mémoire musicale structurée temporellement, et de ne pas agglomérer en un seul état toutes les instances regroupées au sein d'une même classe d'équivalence. De plus son algorithme de construction étant incrémental et linéaire en la longueur de la séquence en temps comme en espace (se reporter à (Allauzen et al., 1999) pour l'algorithme de construction), il est tout à fait adapté à des applications temps réel (voir (Assayag, Bloch, Chemillier, Cont, Dubnov, 2006) pour l'introduction de cette structure dans la problématique de la réinjection stylistique pour l'improvisation musicale). Comme la plupart des systèmes utilisant l'oracle des facteurs pour des applications d'improvisation musicale (Assayag, Bloch, Chemillier, Cont, Dubnov, 2006 ; Bonnasse-Gahot, 2013 ; Surges, Dubnov, 2013 ; François et al., 2013 ; Donze et al., 2013) on en fait ici une utilisation détournée en exploitant des liens de constructions pour introduire de la « surprise » par rapport à la séquence d'origine, et non pas pour procéder à une recherche de motifs à proprement parler. On utilise en effet sa fonction de construction, la fonction de lien suffixiel, pour indexer des similarités internes à la séquence étiquetant la mémoire. La fonction de lien suffixiel appliquée en position i d'un mot X pointe sur l'état d'arrivée du plus long suffixe propre de X[0]X[i] répété à gauche. Les liens suffixiels repèrent ainsi des motifs répétés au sein de la séquence et assurent l'existence d'un suffixe commun entre les éléments qu'ils relient. Ce contexte commun aux deux zones de la mémoire représente donc ici un passé musical commun. Le postulat au coeur des modèles musicaux utilisant l'oracle des facteurs est qu'un parcours non linéaire d'une mémoire ainsi cartographiée permet de créer des phrases musicales se renouvelant par rapport au matériau d'origine tout en préservant la continuité du discours musical.
Parcours guidé de la mémoire : suivre des enchaînements satisfaisant le scénario
La navigation contrainte présentée dans cette section adapte l'heuristique de parcours d'un oracle des facteurs présentée dans (Assayag, Bloch, 2007) à l'improvisation guidée. On entend par navigation contrainte le fait de suivre dans l'automate un chemin dont les transitions sont imposées par les lettres du scénario à partir de l'état de départ préalablement sélectionné. Selon l'évolution des différents paramètres de continuité et des contraintes qui leurs sont imposées, elle alterne entre des phases de progression linéaire n'employant que des transitions reliant deux états consécutifs dans la séquence originale, et des sauts en suivant des liens suffixiels. Pour essayer de poursuivre le parcours une fois le facteur initial recopié, si aucune transition indexée par le label souhaité n'est trouvée à partir de l'état courant, on cherche à suivre un lien suffixiel permettant d'atteindre un autre état où l'on pourra éventuellement lire l'étiquette courante. Lorsque l'on effectue de tels sauts, les liens suffixiels garantissent qu'il existe dans la séquence d'origine une partie commune entre les deux fragments concaténés. Afin de connaître la longueur du contexte commun entre deux évènements musicaux dans une séquence (Assayag, Dubnov, 2004) fait appel à la méthode présentée dans (Lefebvre, Lecroq, 2000) pour le calcul du vecteur lrs, linéaire en temps et en mémoire, en l'intégrant dans l'implémentation de la construction de l'oracle. La longueur de ce contexte correspond au paramètre cp introduit en 2.4.2. Chaque état de l'oracle mémoire en position k0 stocke donc une table de positions de la mémoire avec lesquels il partage un suffixe/passé musical commun, et un sous-ensemble de ET,k0 contenant les états candidats pour constituer un enchaînement à partir de cet état satisfaisant le scénario au temps T est obtenu en extrayant de cette table les éléments dont le label correspond à S[T ]. Par ailleurs, les résultats engendrés lors des expériences d'utilisation du logiciel menées avec des musiciens montrent en pratique que le sous-ensemble de ET,k0 atteint en suivant un chemin suffixiel vers l'avant ou l'arrière à partir de l'état k0 suffit pour s'éloigner de la séquence d'origine. L'exemple donné par la Figure 5 illustre un pas de ce parcours avec le choix de iT +3 ∈ ET +3,iT +2. On e que l'étape de recherche d'un préfixe du scénario courant a retourné l'état (d, D) (début du préfixe de longueur 3 dbc) comme point d'entrée dans la mémoire et qu'à ce stade, les labels d, b, et c ont été cherchés et trouvés dans l'oracle des facteurs contenant la mémoire musicale. La concaténation des fragments musicaux associés D, B 0 et C 0 forme la phrase musicale en construction et la position courante dans l'oracle des facteurs est l'avant-dernier état (c, C 0 ). Le scénario exige ensuite que le label de l'état suivant soit équivalent à a. 5. Contrôles, filtrages, et heuristiques 5.1. Paramètres algorithmiques / paramètres de jeu musical : exemples de filtrage 5.1.1. Jouer sur cf, continuité par rapport au futur du scénario
Le choix du segment de la mémoire parmi les préfixes du scénario courant ST indexés lors de la phase de recherche est premièrement contraint par l'intervalle de longueur imposé à cf. On peut en effet vouloir favoriser les facteurs les plus longs offrant l'assurance d'un segment musical d'une cohérence maximale, ou à l'inverse préférer introduire une certaine discontinuité dans l'exploitation de la mémoire musicale. De plus, de la même manière que le contrôle de la « qualité » des sauts décrit plus loin, imposer des contraintes sur leur fréquence et les instants auxquels on les autorise constitue un paramètre de jeu musical permettant de filtrer les solutions. Le paramètre de continuité par rapport au futur du scénario cf défini en 2.4.1 prend à l'issue de chaque étape de recherche (section 3) la valeur de la longueur du préfixe du scénario courant choisi dans la mémoire : on sait en effet que la continuité peut être assurée pour les cf prochaines lettres du scénario. Limiter à chaque instant à une valeur maximale C le nombre de transitions successives suivies dans l'automate mémoire depuis le début de la dernière phase de navigation sans avoir suivi un lien suffixiel, donc la longueur du préfixe du motif recopiée littéralement jusqu'à ce stade, traduit des choix musicaux tendant à rendre prépondérante tantôt la logique musicale du scénario, tantôt celle de la mémoire. Ce paramètre peut-être fixé de manière indépendante ou relativement aux valeurs prises par cf. Dans ce cas : – Imposer C < cf force à suiv re un lien suffixiel avant même d'avoir exploité l'intégralité du motif commun au scénario courant et à la mémoire et d'aller donc chercher à poursuivre l'improvisation en puisant dans une autre zone de la mémoire alors que la continuité était encore assurée. – Quand C = cf, des fragments de la mémoire seront littéralement recopiés et enchaînés, et on pourra par exemple filtrer le choix des motifs après l'étape d'indexation de telle manière qu'ils soient liés par des liens suffixiels, et ainsi rechercher la continuité entre les différents segments issus de chaque phase de navigation. – Enfin comme dans l'exemple en Figure 5, imposer C > cf revient à utiliser l'analyse de la structure de la mémoire pour tenter de continuer à suivre le scénario en prolongeant le parcours au-delà des motifs communs.
5.1.2. Jouer sur cp, continuité par rapport au passé de la mémoire
La structure d'oracle des facteurs de la mémoire peut donc être mise à profit comme dans le cas présenté dans la section précédente pour effectuer des sauts permettant de prolonger le parcours dans la mémoire au-delà de la duplication d'un facteur équivalent à un préfixe du scénario présent littéralement. La « qualité » d'un saut suivant un lien - ou un chemin - suffixiel est évaluée par la longueur du contexte commun entre les états de départ d et d'arrivée a, soit la longueur du suffixe commun entre M [0]M [d] et M [0]M [a]. On retrouve ainsi la mesure de la continuité par rapport au passé de la mémoire, cp, introduite en 2.4.2. En imposant des contraintes en temps réel sur ce paramètre, on peut donc à chaque instant quantifier le degré de cohérence souhaité dans l'évolution de la progression : plus on impose à la continuité cp d'être longue, plus on espère que le fait de s'inscrire dans un passé commun rendra un saut entre deux états imperceptible. À l'inverse, plus on l'autorise à être courte, plus on espère se différencier du matériau d'origine.
5.2. Définir des heuristiques selon l'alphabet : exemple de l'improvisation jazz
Dans le cadre d'application où l'alphabet choisi correspond à des labels harmoniques, on peut par exemple chercher à improviser sur la grille d'un standard de jazz en utilisant un corpus constitué d'un ensemble de morceaux différents. Comme évoqué précédemment , la nature de l'alphabet permet de définir en complément de l'al- 21 gorithme générique des heuristiques qui lui sont adaptées. Pour cet alphabet, on peut donc par exemple ajouter l'équivalence de séquences à la transposition près ou par transformations définies par des grammaires de substitution d'accords (Chemillier, 2004). En procédant à la recherche décrite en section 3 modulo l'opération de transposition, les motifs communs aux différentes grilles sont repérés au-delà des différences de modes ou de tonalité. On poursuit donc ainsi l'analogie avec un musicien improvisateur cherchant face à une nouvelle grille à réutiliser des « clichés » qu'il aurait pu entendre ou jouer lui-même dans le cadre d'une autre grille présentant localement des enchaînements communs. En favorisant les préfixes les plus longs, on mise ainsi sur le fait que les récurrences de cadences particulières dans les progressions harmoniques de jazz permettront de produire une narration crédible en concaténant des fragments inscrits dans des évolutions différentes. Cette approche présente également un intérêt dans l'optique de la performance temps réel, particulièrement si le scénario étiquetant la mémoire correspond à la même séquence que le scénario à suivre. En effet, dans un contexte d'improvisation à partir d'une mémoire vide au départ et se nourrissant à la volée des improvisations fournies par les musiciens analogiques qui entourent le système, elle permet dans plusieurs cas de jouer sur des portions de scénario non encore découvertes et pour lesquelles aucune tranche musicale n'a encore été mémorisée. Par exemple, dans le cas d'un morceau présentant des cadences équivalentes dans des modes différents, plus localement des marches harmoniques, ou plus simplement encore des mêmes successions d'accords répétées, il sera possible de jouer sur la suite du scénario en puisant dans la mémoire incomplète apprise jusqu'à ce stade. La définition d'heuristiques pertinentes dans le cas d'un alphabet donné va de paire avec l'apparition de nouveaux contrôles offerts à l'opérateur-musicien lors de la performance : dans le cas de cet exemple on peut tantôt préférer choisir les chemins les plus longs quels que soient les sauts de transposition nécessaires, permettant de recopier les plus longs segments possibles mais présentant risque d'introduire une discontinuité du discours musical perceptible entre deux portions issues de deux recherches successives; ou bien à l'extrême inverse choisir les chemins minimisant les transpositions quitte à passer à côté d'enchaînements ou de cadences complètes qui seraient présentes dans une autre tonalité locale. Hors contexte d'improvisation, la construction de DT pour tous les instants T du scénario offre de plus une représentation de tous les chemins possibles pour parcourir une mémoire en n'autorisant que les facteurs d'un mot-contrainte qu'est le scénario. Le résultat peut ainsi également fournir un outil visuel d'analyse permettant d'observer les similarités et inclusions entre deux séquences. Figure 6. Couvrir la grille de Blue in green (S) avec des facteurs issus d'Autumn leaves (M ). S : une case pour un temps, M : une case pour une mesure de 4 temps
L'alphabet commun à ces deux mots est l'ensemble des accords de quatre notes issus de l'harmonisation de la gamme majeure, représentant ainsi le langage le plus utilisé dans les scénarios jazz que sont les grilles de standards. Les nombres en gras étiquetant une flèche (ou un faisceau de flèches) correspondent aux nombres d'occurrences dans M du facteur de S que recouvre la flèche si l'on transpose M du nombre de demi-tons indiqué entre parenthèses (plus le nombre total d'occurrences est élevé, plus la flèche est épaisse). En reprenant les notations de 2.4.1, la figure est obtenue en 23 reportant dans le scénario pour chaque instant T le nombre d'occurrences à la transposition indiquée des facteurs de M associés à la valeur maximale de cf pour DT (soit donc le nombre d'états du scénario recouvert par la flèche partant de la position T ). Même si ne figure en Figure 6 qu'un sous-ensemble très réduit de chacun des DT et qu'aucune information ne traduit (directement) les ET,k0, son observation fournit certains indices quant à la manière dont un opérateur-musicien peut contrôler le système pour improviser sur la grille de Blue in green en utilisant, parmi d'autres, une captation d'Autumn Leaves. La présence de longues flèches couvrant jusqu'à 10 temps, soit plus de 2 mesures, laisse espérer que sur ces portions de la grille, un résultat musical cohérent pourra être obtenu même si l'on ne se contente pas que de recopier les portions de la mémoire littéralement. De plus, le fait que plusieurs faisceaux de fl èches se tuilent en recouvrant des portions communes indique que les enchaînements entre les différents fragments extraits de la mémoire pourront se faire de manière continue musicalement puisqu'il existe des suffixes communs entre les différentes positions de la mémoire concernées. En revanche, aucune flèche ne partant du dernier temps de la mesure 7, la transition avec un des 4 facteurs choisi pour débuter la mesure 8 risque d'être abrupte. De plus, si l'on se contente de concaténer les plus longs segments, la même phrase musicale sera nécessairement jouée sur les mesures 1 à 3 et 5 à 7, puisqu'il n'existe qu'un seul facteur dans M réalisant BbMaj7/A7/Dm7 /. Date T → Position courante dans le scénario
Source de pulsation d b c a Scénario (S) Segmentation et labellisation Jeu c Requête Entrées musicales Ordonnancement Apprentissage c a Buffer (B) Contrôles utilisateur Improvisation synchronisée Génération Mémoire (M)
Figure 7.
Intégration
du modèle
dans
un environnement de performance
On représente le modèle intégré au sein d'un environnement d'improvisation par le schéma général en Figure 7. L'écoute d'une source de pulsation fournit la date courante T, et donc la classe d'équivalence associée S[T ] = c dans le scénario. À chaque mise à jour de la date T : – Le label associé à la nouvelle position courante dans le scénario S[T ] annote la portion du flux musical entendu depuis la date T − 1. L'entité formée par ce fragment musical associé à la classe d'équivalence S[T ] est apprise à la volée dans l'oracle des facteurs constituant la mémoire de l'improvisation en cours. 25 – Si ce temps de l'improvisation a déjà été calculé par le modèle et stocké dans le buffer, il est joué en synchronisation avec les autres musiciens. – Une requête de génération sur un suffixe SV du scénario (V ≥ T ) est envoyée au modèle si nécessaire. 6.2. Ordonnancement des phases de navigation : anticipations et réécritures S[T]
Label
lisation
Apprentissage Entrées [T,T+1[ S[T] S[V] SV Scénario T Buffer Mémoire Requête V < anticipation minimum autorisée B[T] Sortie jouée au temps T M[ iV ] ∅ ∅ Écriture
Figure 8. Ordonnancement des requêtes envoyées au modèle
Avec une anticipation sur le temps de la performance, le modèle génère les segments musicaux par phases de navigation comme présenté en Figure 8. Lorsqu'à un temps T une requête de génération associée à un suffixe SV lui est envoyée, il génère l'improvisation de la date V à la date T 0 (incluse) à laquelle une nouvelle phase est simplement amorcée. La génération se termine donc par une nouvelle étape d'indexation de préfixes de ST 0 dans la mémoire M en empiétant sur la phase suivante pour choisir le point de départ de la prochaine étape de parcours de la mémoire qui sera effectuée en temps nécessaire à la réception de la prochaine requête. Le calcul de l'improvisation jusqu'au point de départ de la prochaine phase inclus permet de garder une avance raisonnable afin d'éviter que le temps de la génération ne se laisse rattraper par le temps de la performance. Le temps de calcul nécessaire à l'indexation des préfixes du scénario courant dans la mémoire est en effet supérieur au simple choix d'un enchaînement satisfaisant le prochain temps du scénario. Partition dynamique : ordonnancer les réactions et les appels au modèle
Entrées : T, date / position courante dans le scénario S, scénario original à suivre ; ST suffixe de S commençant à l'indice T ÉlémentReçu = (Idx, Contenu), nouvel élément reçu, généré par le modèle Initialisation : Buffer (contenant les éléments musicaux à jouer) = ∅ V (indice de la première position vide du buffer) = 0 TempsCourantJoué = faux 1
2 3 4
5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 Dès que T mise à jour faire Apprendre entrées musicales [T − 1, T [ étiquetées par S[T − 1] dans M TempsCourantJoué ← faux si Buffer[T ] alors Jouer(Buffer[T ]) TempsCourantJoué ← vrai Dès que V − T < anticipation minimum imposée faire T 0 ← max(T, V ) Requête génération (T 0, ST 0 ) Dès que modification de paramètres ou de S affectant la la date T 0 ≥ T faire Requête génération (T 0, ST 0 ) Dès que ÉlémentReçu = (Idx, Contenu) faire si (Idx = T )&(¬ TempsCourantJoué) alors Retard ← Date(mise à jour T ) - Date(ÉlémentReçu) Jouer(Contenu, Retard) TempsCourantJoué ← vrai Buffer[Idx] ← Contenu V ← max(Idx+1, V) La mise en oeuvre de cette architecture implique trois processus parallèles écoutant et réagissant respectivement à l'environnement extérieur, aux éléments produits par le modèle, et aux instructions données par l'opérateur. Ils se retrouvent dans les trois blocs formant la « partition dynamique » générique donnée en algorithme 5, résumant l'ordonnancement des appels au modèle et le jeu des séquences dont le calcul a été anticipé ou non : – L'écoute de l'environnement extérieur (musiciens co-improvisateurs et source de pulsation) orchestre l'apprentissage du matériau musical, l'ordonnancement des requêtes au modèle, et le jeu des éléments anticipés contenus dans le buffer (lignes 1-13 algorithme 5). 27 – À la réception d'un nouvel élément généré par le modèle (lignes 14-20, algorithme 5), celui-ci est enregistré dans le buffer ou immédiatement joué s'il s'agit de l'élément de l'improvisation correspondant à la date courante. – Enfin, si une nouvelle recherche est forcée ou quand une contrainte est modifiée par l'utilisateur (lignes 21-22, algorithme 5), une requête intégrant ce nouveau paramètre est transmise au modèle pour la génération des temps suivants, y compris si ceux-ci sont déjà remplis dans le buffer. Dès que la date courante est mise à jour, une requête sur un suffixe du scénario peut être envoyée au modèle pour générer une partie de l'improvisation à partir de la date correspondante. Celle-ci peut correspondre à la première date V pour laquelle aucun élément d'improvisation n'a encore été calculé si le délai d'anticipation minimum a été atteint (Figure 8), ou à une date T 0 ≥ T si une réaction est imposée par une modification du scénario ou de paramètres extérieurs affectant la position T 0, quitte à réécrire une portion de l'improvisation déjà anticipée (Figure 9).
Réagir / affiner S[T] S[T'] Trace Historique du dernier parcours de la mémoire et des paramètres de navigation ST' Scénario iT'-1 Requête T T' B[T'] Mise à jour V Buffer B[T] iT" ∅ Mémoire M[ iT' ] M[ iT" ] Réécriture
Figure 9. Affiner l'improvisation ou réagir à une modification affectant une date T 0 ≥ T en réécrivant une partie de l'improvisation déjà calculée
On cherche ainsi à pouvoir allier l'anticipation à des contrôles réactifs. En effet, en imposant régulièrement de nouvelles recherches au fur et à mesure que la mémoire musicale se remplit et à chaque nouvelle instruction de l'opérateur (contraintes de génération, alternance entre corpus antérieur et mémoire immédiate,), les intentions de jeu à court terme contenues dans le buffer peuvent évoluer et se modifier en permanence (Figure 9). En enregistrant dans une trace un historique des états de la mémoire parcourus et des contraintes appliquées lors des phases successives, on assure la cohérence entre ces phases de navigation portant sur des suffixes du scénario qui se chevauchent impli quant ainsi que l'anticipation des prochains temps de l'improvisation s'affine au cours du temps en se réécrivant. De cette manière, on pourra par exemple réutiliser un motif venant d'être joué par un musicien ou imposer des contraintes de génération pertinentes sur l'instant. Une « réaction » n'est donc finalement pas envi- Improvisation homme-machine guidée par un scénario 28 sagée ici comme une réponse épidermique instantanée, mais comme une révision des intentions à court-terme à la lumière des nouveaux évènements de l'environnement, tout en continuant à satisfaire le scénario.
6.3. Implémentation
Le modèle génératif présenté dans les sections 2, 3, et 4 a été implémenté sous la forme d'une bibliothèque Common Lisp dans l'environnement OpenMusic (Bresson et al., 2011).
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V.2.1 Étude des températures moyennes annuelles
Illustrons, pour, ommen er, les résultats fournis par la méthode NOP, sur les jeux de données omplets, 'est-à-dire sans entrage spatial préalable. Les paramètres utilisés dans ette se tion seront, sauf mention expli ite, identiques à eux utilisés dans les hapitres pré édents. Pour les deux domaines, l'étude est menée sur la période 1900-2006. Cha une des mailles possédant une série de données ininterrompue sur la période est prise en ompte dans le as Méditerranée, alors que 50 pseudo-stations sont utilisées dans le as Fran e. Dans ette première appli ation, les p-values données sont évaluées en utilisant une hypothèse d'indépendan e des observations d'une année sur l'autre, pour le as Fran e, et une hypothèse de dépendan e de type AR1 de oe ient α = 0.4 pour le as Méditerranée. Dans le as de la Fran e, on utilise don les mêmes hypothèses qu'au Chapitre III ; la prise en ompte d'un AR1 de paramètre α = 0.2 ne modie pas les résultats présentés. Dans le as de la Méditerranée, l'hypothèse est onforme aux indi ations données au II.3, et orrespond à elle utilisée dans les hapitres pré édents. Fran e 0.4 1.2 0.3 1.0 0.8 0.2 Temporal evolution Temporal evolution NOP, ρ = ρ0 Méditerranée 0.0 −0.2 −0.6 1920 1940 1960 Years 1980 2000 −0.8 1900 2020 1.0 0.3 0.8 0.2 0.6 Temporal evolution Temporal evolution 0.1 0.0 −0.1 1980 2000 −0.8 1900 2020 1.0 1980 2000 2020 1920 1940 1960 Years 1980 2000 2020 1920 1940 1960 Years 1980 2000 2020 0.0 −0.6 1960 Years 1960 Years −0.2 −0.4 1940 1940 0.2 −0.3 1920 1920 0.4 −0.2 2.0 0.8 1.5 0.6 Temperature (°C) NOP, ρ = ρ1 0.2 0.4 −0.4 1900 0.4 −0.4 −0.3 −0.4 1900 0.6 −0.4 −1.0 −0.6 −0.8 1900 1920 1940 1960 Years 1980 2000 2020 −1.5 1900
Fig. V.1 Signaux d'évolution temporelle estimés par la méthode NOP. Les évolutions temporelles estimées par la méthode NOP (ve teur μ), sont représentés pour les domaines Fran e et Méditerranée, et deux valeurs ρ1 < ρ0 sensiblement diérentes du paramètre de lissage ρ. Ces évolutions temporelles sont omparées au lissage de la seule moyenne sur le domaine onsidéré. Dans e premier as, les deux é hantillons présentent des évolutions signi atives au sens des hypothèses testées par la méthode NOP. Du fait des di ultés à représenter orre tement la queue de la distribution sous H0, on peut seulement (ave une grande onan e toutefois) on lure que la p-value est dans les deux as, plus petite que 10−4. Si e résultat est très remarquable, il ne permet pas véritablement d'établir une omparaison ave les p-values al ulées au hapitre pré édent (qui étaient en ore plus petites), par exemple an d'évaluer le gain o asionné par le hangement de modèle statistique. La Figure V.1 présente les estimateurs obtenus par la méthode NOP, en termes de forme d'évolution temporelle du signal. Plusieurs ommentaires peuvent être tirés de ette gure, ompte tenu de la signi ativité des hangements. Ces signaux d'évolution temporelle sont notamment omparés à des signaux équivalents estimés par un simple lissage par fon tion spline (ave un nombre similaire de degrés de liberté) de la seule série des températures moyennes sur l'ensemble du domaine onsidéré. 122 Déte tion sans a priori
Dans le as du domaine Méditerranée, pour ommen er, l'estimateur de l'évolution temporelle est remarquablement linéaire. Ce signal relativement étonnant dière en parti ulier sensiblement de la forme d'évolution pouvant être évaluée à partir des températures moyennes sur le domaine. On peut remarquer qu'une telle linéarité pourrait être liée à un hoix d'une valeur trop élevée du paramètre de lissage ρ. En eet, le hoix de e paramètre demeure, de la même façon qu'au hapitre pré édent, en partie arbitraire. La onstru tion d'une méthode d'estimation de ρ par validation roisée n'a pas été entreprise i i (elle serait plus ompliquée à mettre en ÷uvre que dans le as de données unidimensionnelles). De plus, la pénalité portant sur un terme de dérivée se onde, le hoix d'une valeur très grande pour ρ onduit à l'annulation de la pénalité, et don à l'obtention d'une fon tion linéaire du temps. Cependant, dans le as qui nous o upe, ette ause possible ne peut être retenue, puisque l'estimation de e même signal temporel en hoisissant une valeur ρ1 de ρ sensiblement plus petite que la valeur initiale ρ0 onduit toujours à l'estimation d'une évolution relativement linéaire dans le temps, omme l'indique la Figure V.1. Dans le as du domaine Fran e, le résultat est à la fois omparable et diérent. Comparable, tout d'abord, par e que l'évolution estimée par la méthode NOP fournit un signal nettement plus linéaire que elui pouvant être déduit d'un lissage de la moyenne spatiale des températures. On remarque d'ailleurs que dans e dernier as, le ré ement estimé au ours des 70 premières années du siè le est très réduit, alors que la rupture de pente au ours des trente dernières années est très marquée. Cette rupture de pente, notamment, se retrouve également dans le signal déduit de la méthode NOP, de façon à peu près on omitante. C'est dans la forme en tilde de e signal que se situe la diéren e ave le résultat obtenu sur la Méditerranée, forme qui se trouve a entuée lorsqu'on réduit le nombre de pseudo-stations utilisées (non montré). La forme obtenue reste toutefois plus linéaire que elle déduite de l'analyse des valeurs moyennes, quelque soit le nombre de pseudo-stations utilisées. Deux remarques supplémentaires peuvent être faites on ernant es deux ourbes. D'une part, le ve teur μ estimé par la méthode NOP est i i normalisé (nous avons évoqué au V.1 le problème de la normalisation entre μ et g), de sorte que les valeurs indiquées en ordonnée orrespondent ee tivement à une température moyenne sur le domaine. On peut onstater de ette façon que le ré hauement moyen sur l'ensemble de la période estimé par NOP est globalement du même ordre que elui observé dire tement sur la ourbe des températures moyennes. Dans le as de la Méditerranée, l'absen e de rupture de pente tend toutefois à légèrement limiter e ré hauement. D'autre part, les valeurs de haque année individuelle sont représentées sur la gure des valeurs moyennes, ontrairement à e qui est fait dans le as de l'étude de la méthode NOP. Ce i se justie par le fait que la méthode NOP utilise l'ensemble des dimensions spatiales de l'é hantillon, et ne peut don pas être représentée omme un simple lissage de données réelles ( 'est-à-dire de dimension 1). Les derniers résultats intéressants fournis par la méthode NOP sont les distributions spatiales des signaux estimés (ve teurs g). Ces distributions spatiales sont représentées Figure V.2, en appliquant ette fois- i une normalisation au ve teur g, de telle sorte que l'é helle représentée dé rive la variation de température estimée en haque point entre le début et la n de la période (1900-2006). On peut tout d'abord remarquer que dans les deux as, les distributions spatiales obtenues sont très similaires à elles représentées, respe tivement, Figures IV.11 et IV.5. Ce résultat souligne l'a ord entre les deux méthodes. Cet a ord n'est d'ailleurs surprenant, ompte tenu de la forme des signaux temporels estimés par NOP et représentés pré édemment, signaux qui sont eux-mêmes onformes à ertains (tout au moins) des signaux temporels du hapitre pré édent, déduits de simulations limatiques. Une diéren e toutefois notable on erne la valeur moyenne du ré hauement sur le domaine, parti ulièrement dans le as de la Fran e. Figure IV.5,
en
e
et
, ette valeur est de l'ordre de
1.1
à
1.2
C
, ontre
1.6
à 1.7 C
dans
le as de NOP
. par la rupture de pente sensible du ve teur μ estimé par NOP. En eet, les signaux d'évolution temporelle utilisés au hapitre pré édent présentaient généralement soit des évolutions plus linéaires, soit une rupture de pente plus pré o e et moins marquée. La valeur du ré hauement moyen nalement estimée était en onséquen e légèrement diminuée, de la même manière que l'estimation de ette quantité en ajustant une tendan e linéaire sur les températures annuelles représentées Figure V.1 onduirait à une valeur plus petite que elle obtenue en utilisant une estimation par fon tion spline. Globalement, les résultats obtenus par la méthode NOP tendent plutt à onrmer eux obtenus au Chapitre IV en utilisant la méthode TOD. Les formes d'évolution temporelles déduites des observations (Figure V.1) pourraient toutefois faire l'objet d'une interprétation plus poussée. Une remarque intéressante onsiste à signaler que la reprodu tion de la ourbe en forme de tilde de l'évolution de la température moyenne (forme qui se retrouve à l'é helle globale) est longtemps demeuré une tâ he di ile pour les CGCMs, es derniers ayant tendan e à simuler une évolution plus linéaire. Plus ré emment, la prise en ompte de l'eet des aérosols, notamment, a permis de se rappro her un peu plus de la ourbe d'évolution observée, en soulevant pourtant quelques questions (Knutti, 2008, Kiehl, 2007). L'interprétation des signaux estimés par NOP, notamment sur le domaine Méditerranée, peut être intéressante dans ette perspe tive. e 0.6 0.6 0.4 0.4 Temporal evolution Temporal evolution Méditerranée 0.2 0.0 −0.2 −0.4 −0.6 1900 1920 1940 1960 Years 1980 2000 2020 −0.6 1900 1920 1940 1960
Years 1980 2000 2020 V.3 Évolution temporelle estimée par NOP pour les températures moyennes annuelles entrées spatialement. La te hnique d'estimation est en tout point omparable à elle utilisée Figure V.1, ave ρ = ρ0, et après retrait du terme spatialement uniforme du jeu de données traitées. Fig. Il reste ependant di ile de faire la part des hoses entre deux expli ations possibles. D'une part, la linéarité dans le temps
peut s
'explique
r par
le
fait que
la mé
thode ltre de façon e a e l'eet des aérosols, par exemple par e que elui- i a une empreinte spatiale diérente. Dans e as, la méthode permet d'une ertaine façon de onrmer le fait que l'eet du forçage gaz à eet de serre ait été très progressif au ours du siè le dernier. D'autre part, en présen e d'un seul terme de hangement, la méthode NOP permet de mieux estimer la forme de l'évolution temporelle, puisque l'estimation est basée sur l'ensemble de l'é hantillon au lieu de se ontenter d'une proje tion unidimensionnelle ( e qui est fait lorsque la moyenne est étudiée). Dans e as, on pourrait être tenté d'interpréter la linéarité observée omme un indi e du rle de la variabilité interne dans la forme en tilde ouramment dé rite de la moyenne. L'interprétation de e résultat, en tout état de ause, suggère d'aller un peu plus en avant vers l'attribution. V.2.2 Autres variables
Par sou is de ompatibilité ave les hapitres pré édents, nous allons i i présenter les résultats obtenus ave la méthode NOP sur les températures moyennes annuelles entrées spatialement, et e sur les deux domaines onsidérés. Nous aborderons ensuite brièvement le as déjà évoqué des pré ipitations annuelles sur la Fran e. V.2.2.1 Températures moyennes annuelles entrées spatialement
Dans un premier temps, nous allons don nous on entrer sur les températures moyennes annuelles, entrées spatialement. En suivant la dénition donnée en introdu tion de la déte tion à l'é helle régionale, et la pratique des hapitres pré édents, 'est l'étude de ette variable qui peut véritablement permettre de on lure à la mise en éviden e d'un hangement régional. Le test de déte tion ee tué par la méthode NOP, tout d'abord, rejette pour ha un des deux domaines l'hypothèse nulle, et e de façon très pronon ée, les p-values étant, omme dans le as pré édent, largement inférieures à 10−4. Les résultats obtenus sont don, omme pour les variables non entrées, ompatibles ave eux mis en éviden e par la méthode TOD, même si la omparaison est limité par la di ulté d'estimer pré isément la p-value dans le as de NOP. Ces résultats sont sensiblement plus pronon és que eux obtenus ave la méthode ROF. En terme de forme d'évolution temporelle, les résultats fournis par la méthode NOP sont illustrés, pour les deux domaines étudiés, Figure V.3. Dans es deux graphiques, l'é helle en ordonnée ne doit pas faire l'objet d'interprétation, et seule la forme du signal importe. En eet, V.2 Premières appli ations
Figure V.1, les valeurs en ordonnée
pou
vaient grossièrement s'interpréter omme un indi ateur de la température moyenne sur le domaine, mais e n'est plus le as i i, puisque en s'intéressant à des données entrées spatialement, la moyenne sur le domaine est toujours nulle. Dans le as du domain
e Méditerranée, le signal observé sur le terme non-uniforme étudié peut onstituer une début d'expli ation du ara tère très linéaire du l'évolution obtenue sans entrage spatial. En eet, le hangement i i est très pronon é au ours de la période de dé roissan e de la moyenne spatiale, essentiellement entre 1940 et 1980. Inversement, sur la n de la période, lorsque l'évolution de la température moyenne est relativement forte, l'évolution du signal entré est très réduite. Comme le jeu de données total orrespond à la somme de la moyenne spatiale est du terme entré étudié i i, une expli ation qualitative possible du résultat (bien que simpliée) est que les évolutions de es deux termes se relaient pour résulter en un hangement très régulier dans le temps. V.2.2.2 Cumuls annuels de pré ipitations sur la Fran e
L'étude des umuls annuels de pré ipitations, omme elle des températures annuelles, permet de rendre ompte de quelques résultats intéressants, même si elle revêt un ara tère ina hevé. Tout d'abord, l'appli ation de la méthode NOP aux données de pré ipitations onduit à la déte tion d'un signal de hangement très signi atif (p-value < 10−4 ). Ce résultats est obtenu de façon très similaire ave ou sans entrage spatial. Le as des pré ipitations se singularise toutefois de elui des températures par le fait que la moyenne spatiale des pré ipitations (i i sur la Fran e), ne montre au une éviden e de hangement au ours de la période 1900-2006. Ce résultat peut être, en première appro he, appréhendé visuellement en étudiant la série des umuls annuels de pré ipitations moyennées sur le domaine. Il est surtout onrmé par l'appli ation de la méthode NOP à la série unidimensionnelle des moyennes annuelles sur le domaine (la méthode NOP pouvant également servir à tester la présen e d'un signal non-paramétrique dans le as unidimensionnel). Comme nous l'avons évoqué au V.1, la méthode NOP onstitue alors une solution additionnelle aux autres méthodes déjà onnues pour ee tuer e type de test. Dans le as des pré ipitations, la mise en ÷uvre d'un tel test sur la série des umuls annuels moyennés sur le domaine ne rejette pas l'hypothèse nulle, e qui onrme le diagnosti visuel, et l'absen e d'évolution en moyenne sur le domaine. Le signal déte té par l'appli ation de la méthode NOP sur l'ensemble du jeu de données est don entièrement lié à des hangements de la distribution spatiale des es umuls annuels. elle utilisée Figure V.1, ave ρ = ρ0, et après retrait du terme spatialement uniforme du jeu de données traitées. à l'estimation d'un hangement nul en moyenne sur le domaine). Ces signaux de hangements estimés par la méthode NOP sont représentés Figure V.4, dans le as non entré. Une interprétation ne de es résultats demanderait, de nouveau, un ertain re ul, et est don trop pré o e. On peut toutefois onstater que la distribution spatiale du hangement est très similaire à elle relevée au hapitre pré édent (Figure IV.8), et tout aussi peu régulière. Il est également intéressant de onstater que dans la distribution spatiale représentée, la moyenne spatiale des hangements semble sensiblement diérente de zéro, alors qu'elle ne l'est pas signi ativement au sens du test statistique utilisé. V.2 Premières appli ations 127 Chapitre VI Con lusions et perspe tives
Au ours de ette thèse, nous nous sommes intéressés à la problématique de la déte tion des hangements limatiques à l'é helle régionale, sujet que nous avons traité sous deux angles distin ts. Du point de vue statistique, tout d'abord, nous avons proposé et étudié des tests d'hypothèses e a es pour les études de déte tion à l'é helle régionale. Du point de vue limatologique, ensuite, nous avons appliqué es méthodes à diérentes observables limatiques sur les domaines Fran e et Méditerranée, e qui a permis de mettre en éviden e de nouveaux résultats quant à la déte tailité des hangements limatiques en ours. En outre, les é hanges entre ses deux points de vue ont été permanents au ours de e travail, e qui a permis de onstruire des méthodes statistiques adaptées, et d'aborder ertaines questions sur les évolutions limatiques ave des outils originaux. Après avoir présenté le adre à la fois statistique et limatique des études de déte tion, nous avons étudié en détail trois stratégies de déte tion, basées sur trois hypothèses diérentes sur la part réputée onnue des hangements limatiques en ours et à venir. Ainsi nous avons su essivement re her hé dans les observations la distribution spatiale d'un signal de hangements limatiques, telle que simulée par des modèles de limat, sa forme d'évolution temporelle, et enn nous nous somme intéressés à la déte tion d'un signal de hangement régulier en temps, mais non spé ié. Pour ha une de es trois options, nous avons proposé une méthode d'inféren e, ou apporté une ontribution aux méthodologies déjà existantes. Con ernant la première de es stratégies, nous avons montr que la déte tion d'un signal dont l'empreinte spatiale est déterminée s'apparentait à un problème de régression multivariée, dans lequel la onnaissan e de la matri e de ovarian e de la variabilité limatique interne est pré ieuse. Dans le adre d'appli ations limatiques, la grande dimension des variables onsidérées, ombinée au petit nombre d'observations disponibles, est à l'origine de diérentes di ultés, notamment d'estimation. La ontribution méthodologique apportée au Chapitre III onsistait à montrer que l'algorithme ouramment utilisé dans la ommunauté pouvait être avantageusement rempla é par l'utilisation d'un estimateur de matri e de ovarian e bien- onditionné. La méthode ROF ainsi introduite est basée sur une appro he de type ridge regression, et permet nalement d'obtenir un test de déte tion plus puissant. L'utilisation de ette première méthode (ROF) a notamment permis de mettre en éviden e ertains résultats nouveaux sur les domaines étudiés. Ces résultats étaient parti ulièrement intéressants sur le bassin méditerranéen, où une première analyse a permis de proposer une possible interprétation physique, en mettant en avant le ontraste Terre-Mer. Dans le as de la Fran e, ependant, si quelques variables semblent montrer des évolutions signi atives, les résultats demeurent ontrastés, et souvent sensibles au hoix du signal re her hé ( 'est-à-dire au hoix du modèle limatique utilisé pour le simuler). Une deuxième stratégie a été introduite au Chapitre IV, an d'évaluer la présen e, dans les observations, d'un signal de hangements présentant une évolution dans le temps déterminée à 129 l'avan e (méthode TOD). D'un point de vue plus te hnique, ette méthode onsiste à ombiner un lissage par fon tions splines des signaux simulés et un test de Hotelling, sans toutefois qu'un point méthodologique authentiquement original n'ait été introduit. D'un point de vue appli atif, en revan he, l'utilisation de la méthode TOD a permis de réel progrès, et e sur les deux domaines Fran e et Méditerranée, en mettant en lumière des hangements souvent importants au ours du siè le dernier. Nous avons vu que ette stratégie de déte tion permettait d'obtenir des résultats on ordants ave une très large majorité de modèles limatiques ; et a ord est toutefois obtenu en limitant le nombre de degrés de liberté laissé aux modèles. La omparaison de la distribution spatiale des sign ainsi déte tés dans les observations ave eux déduits des modèles limatiques (et utilisés omme point de départ de la méthode ROF) a montré que la reprodu tion, par les modèles de limat, de la distribution spatiale des hangements observés, sur des domaines aussi petits, restait souvent un dé. Enn, une troisième stratégie a été étudiée au Chapitre V, proposant de déte ter les hangements limatiques de façon largement non-paramétrique, en évitant presque toute utilisation des modèles numériques (méthode NOP). L'inféren e est alors basée sur deux hypothèses prinipales, à savoir l'hypothèse de séparabilité espa e-temps, et l'hypothèse de régularité dans le temps, du signal de hangements. Généralisation de ertaines méthodes au problème de l'attribution
Tout d'abord, un prolongement naturel du travail ee tué dans le adre de ette thèse on erne la généralisation des méthodes proposées au problème de l'attribution. Comme nous l'avons indiqué au Chapitre II, le problème de l'attribution requiert une plus grande information a priori que n'en né essitent les méthodes de déte tion, puisque, par exemple, il faut évaluer la ontribution des réponses à diérents forçages dans les évolutions observées. Ainsi, la méthode NOP paraît très di ile à généraliser au problème de l'attribution, puisqu'elle est largement non-paramétrique, et qu'elle ne permet pas de distinguer les réponses à deux forçages distin ts. À l'opposé, la généralisation de la méthode ROF semble naturelle, puisqu'il s'agit d'une adaptation de la méthode des empreintes digitales optimales, déjà largement utilisée pour attribuer des hangements limatiques. Au lieu de se porter sur la puissan e du test, la justi ation de l'intérêt de la méthode ROF pourrait être apporté en évaluant l'éventuelle rédu tion de l'erreur quadratique moyenne des estimateurs des oe ients de régression, dans un modèle à plusieurs variables expli atives. Ce faisant, une indi ation serait apportée sur l'intérêt d'utiliser une matri e de ovarian e bien onditionnée pour ee tuer une régression en grande dimension. Notons également qu'une ertaine préféren e peut être apportée à e type de méthode dans le as de l'attribution, puisque le rle joué par les modèles de limat est plus important, en a ord ave l'esprit de l'attribution, qui onsiste à omparer résultats de simulations observations sur des é helles de temps onvenablement hoisies. Le as de la méthode TOD, enn, est plus ambigu. Si l'utilisation d'une méthode similaire à TOD ne semble pas ex lue pour mener des études d'attribution, plusieurs di ultés devraient 130 Con lusions et perspe tives au préalable être surmontées. Premièrement, le test de Hotelling, sur lequel repose la méthode TOD, n'est utilisable que pour tester des hypothèses linéaires dont la diéren e des dimensions est 1. Si d'autres variables expli atives sont ajoutées, il n'existe plus de test optimal. Certains tests ayant de bonnes propriétés sont toutefois onnus, parmi lesquels le test de Wald. Une deuxième di ulté tient au ara tère régulier dans le temps des réponses du système limatique aux forçages externes. Extension des domaines d'appli ation
Un se ond prolongement naturel de e travail onsiste à étendre le domaine d'appli ation des méthodes introduites. Trois pistes prin ipales peuvent être envisagées pour ela. Premièrement, l'appli ation des méthodes introduites devra être menée à l'é helle globale. Plusieurs motivations justient un tel travail. D'une part la question du rle des a tivités humaines a été initialement posée de façon globale ; le GIEC, par exemple, s'emploie avant tout à démontrer l'in ontestabilité de l'inuen e anthropique à l'é helle mondiale. D'autre part, les méthodologies on urrentes de elles développées i i ont été popularisées par leur utilisation à é helle globale, et 'est à ette é helle que leurs auteurs e sont eor és d'en montrer les qualités. L'appli ation à l'é helle mondiale des méthodes dé rites dans ette thèse, ependant, n'est pas sans poser quelques di ultés, en lien ave la dimension spatiale du problème ; nous reviendrons sur es di ultés. Deuxièmement, omme indiqué au Chapitre I, les méthodes de déte tion et d'attribution ont été, au ours de es dernières années, appliquées à diérentes variables météorologiques ou o éaniques. De la même façon, il est envisagé d'appliquer les méthodes introduites dans ette thèse à d'autres variables que la température. Nous avons vu que quelques premiers éléments ont été apportés on ernant l'étude des pré ipitations, notamment grâ e à la disponibilité de longues séries homogénéisées sur la Fran e. Ce travail pourra être approfondi par exemple en her hant à interpréter le signal déte té sur les pré ipitations annuelles, ou en s'intéressant aux umuls saisonniers de pré ipitations. Con ernant e dernier point en parti ulier, il sera utile d'évaluer la pertinen e des méthodes proposées pour des variables non gaussiennes. Bien que ela n'ait pas été mentionné dans e manus rit, quelques premiers pas ont également été faits en vue d'une appli ation en hydrologie, sur des données de débits, appli ation qui est envisagée dans l'avenir. Troisièmement, dans le but de re her her, dans les observations, un signal issu d'une simulation numérique du limat, diverses études ont montré l'intérêt d'utiliser une empreinte spatiotemporelle du signal re her hé (Stott et al., 2001 par exemple). L'extension de la méthode ROF, notamment, à e as d'appli ation, sera don souhaitable, singulièrement dans le but de mener des études d'attribution. Rédu tion de la dimension et régularisation spatiale
Comme nous l'avons vu, la taille des é hantillons étudiés pose souvent des di ultés, en parti ulier lorsque le nombre d'années observées (assimilable à un nombre d'individus) est du même ordre que le nombre de lieux d'observations (assimilable à un nombre de variables). Ce problème tend à empirer, par exemple, si l'on souhaite appliquer les méthodes de déte tion à l'é helle globale, où la dimension spatiale peut devenir en ore beau oup plus grande. Le problème de la rédu tion de ette dimension spatiale est don posé. D'une ertaine façon, la dimension spatiale autorisant l'utilisation des méthodes que nous avons introduites est toujours limitée. Pour les méthodes TOD et NOP, la ondition d'appli ation du test est, pré isément, que le nombre d'individus soit supérieur au nombre de variables. Si ette ondition n'est pas vériée, la statistique sous H0 est dégénérée, et le test ne s'applique plus de la même manière. Une solution possible pour surmonter e problème, dans e as là, pourrait onsister à étudier es distributions dégénérées. Le as de la méthode ROF est un peu plus déli at. En eet, nous avons vu que lorsque la dimension spatiale du problème devient trop importante, il est di ile de maîtriser le niveau du test, e dernier tendant à devenir trop permissif ( f III.1). L'utilisation d'une te hnique de réé hantillonnage diérente, omme proposé au III.2.2 pourrait onstituer une solution satisfaisante, en fournissant un test exa t, au prix d'une légère perte de puissan e ( f III.2.2). Dans les deux as, don, le problème de la dimension semble pouvoir être ontourné, mais il est naturel de se demander si une solution permettant de réduire ette dimension spatiale ne pourrait pas être proposée. Cette question d'apparen e naïve n'est en fait pas si simple à traiter. D'un point de vue historique, l'appli ation de la méthode des empreintes digitales optimales a toujours été ouplée à une ertaine rédu tion de la dimension spatiale. Deux te hniques ont prin ipalement été utilisées pour parvenir à ette rédu tion. D'une part, les données (observations et signaux simulés) ont été projetées, lors d'appli ation à l'é helle globale, sur des fon tions lisses à l'é helle planétaire (typiquement des harmoniques sphériques planétaires ), an de ne onserver que les stru tures de grande é helle ( onduisant don à un ertain lissage spatial). D'autre part, les observations ont lassiquement été projetées sur les premières omposantes prin ipales des variables utilisées, omme dé rit au III.1. Con ernant e se ond point, plusieurs éléments ont été apportés au Chapitre III an de montrer les limites de ette pro édure. En quelques mots, nous avons vu que la proje tion sur les premières omposantes prin ipales pouvait rendre la déte tion moins e a e, et que le hoix du nombre de omposantes à onserver était déli at et sensible pour le résultat. De plus, un problème de déte tion étant généralement onsidéré omme un problème de maximisation du rapport signal sur bruit, il est raisonnable de penser que la maximisation du bruit (qui est synonyme de proje tion sur les premières omposantes) n'est pas né essairement une stratégie adaptée. La solution que nous avons proposée permet de dépasser ette di ulté, sans toutefois permettre de réduire la dimension spatiale du problème. Con ernant la proje tion sur des fon tions lisses, la question sous-ja ente est elle de l'intérêt d'une régularisation spatiale, ou lissage, des données dans le but de favoriser la mise en éviden e de ertains signaux. Cette question se pose d'autant plus que l'on onsidère généralement que les CGCMs sont avant tout apables de reproduire les stru tures de grande é helle des hangements. Dans ette thèse, ertaines te hniques de régularisation ont été utilisées, mais toujours sur la partie temporelle du signal. Nous n'avons pas, à e jour, étudié la possibilité d'utiliser des te hniques similaires sur la distribution spatiale des hangements. Plus pré isément, la question posée i i est de savoir dans quelle mesure la réponse attendue au forçage anthropique, par exemple, est lisse en espa e. Contrairement au as de l'évolution temporelle des hangements, 132 Con lusions et perspe tives la réponse à ette question est relativement di ile. Au Chapitre III, nous avons vu, en nous basant sur l'exemple du ontraste Terre-Mer, que ertaines ara téristiques robustes des hangements limatiques pouvaient être irrégulières en espa e. Prise en ompte d'une in ertitude de modélisation
Un des problèmes n'ayant pas été abordé dans ette thèse on erne la prise en ompte de l'in ertitude de modélisation, ou pour être plus pré is d'une partie de ette in ertitude, a essible par omparaison des diérents CGCMs mondiaux. Cette remarque vaut parti ulièrement pour la déte tion (ou l'attribution) de signaux donnés, et don pour les méthodes de type empreintes digitales optimales. Plus pré isément, le travail mené dans ette thèse sur e type de problème (Chapitre III) repose toujours sur l'hypothèse que la dire tion des hangements limatiques à venir est parfaitement onnue. C'est sous ette hypothèse que la méthode des empreintes digitales optimales a été introduite, et 'est sous ette hypothèse que le béné e lié à l'utilisation de la méthode ROF a été évalué. Cela nous a notamment onduit à tester la méthode en mode parfait, 'est-à-dire à l'appliquer à une simulation limatique du XXIème siè le, dans laquelle on her he le signal de hangement simulé par le même modèle limatique. Si ette étape est importante dans l'élaboration d'une méthode e a e, on peut souhaiter aller au-delà de e type d'hypothèse, notamment ompte tenu des di ultés des modèles à simuler, à petite é helle, les bonnes stru tures spatiales de hangements ; di ulté qui a notamment été illustrée au IV.3, en omparant la distribution spatiale des hangements estimée par la méthode TOD, aux résultats des simulations. D'une ertaine façon, ette thèse utilise déjà une appro he multi-modèle, en omparant systématiquement les résultats obtenus ave les diérents modèle de la ommunauté, à l'image de nombreuses autres études (Zhang et al., 2006, Gillett et al., 2005, Stott et al., 2006, notamment). On pourrait ependant souhaiter aller plus loin, en prenant en ompte une ertaine in ertitude de modélisation, et en her hant une méthode permettant de déte ter relativement 133 e a ement, dans un modèle de limat donné, les hangements simulés par les autres modèles ( e qui se rappro he davantage de la situation réelle où haque modèle onstitue une reprodu tion imparfaite de la réalité). Une telle appro he se justie notamment par le fait que ertaines ara téristiques des hangements limatiques projetés sont onnues omme étant plus ou moins robustes au hoix du modèle limatique. Étude de la variabilité interne du limat
Bien qu'il s'agisse d'une piste de réexion relativement indépendante de elles pré édemment présentées, la onnaissan e de la variabilité interne du limat est intimement liée à la réalisation d'études de déte tion et d'attribution. Comme nous l'avons vu au Chapitre II, pour séparer les eets des diérents forçages du limat de ses variations internes, une bonne onnaissan e de la variabilité est tout aussi pré ieuse que la onnaissan e des termes de réponse aux diérents forçages. Deux questions prin ipales présentent un intérêt parti ulier on ernant la variabilité interne du limat. Un premier problème on erne la bonne façon de dé rire la variabilité interne du limat, telle que simulée par les modèles ouplés de la ommunauté. Plus pré isément, du point de vue de la déte tion et de l'attribution des hangements limatiques, on peut s'interroger sur les hypothèses, notamment statistiques, les mieux adaptées à la représentation de ette variabilité. Un se ond problème onsiste à se demander dans quelle mesure la variabilité interne simulée par les modèles ouplés est-elle ohérente ave elle évaluée par les études de déte tion et d'attribution, après retrait des signaux imputables aux forçages externes du système limatique dans les séries observées ( es deux appro hes onstituant les deux te hniques généralement employées pour évaluer la variabilité interne). Ces deux problématiques peuvent être traitée sous l'angle de la température moyenne globale omme ela a partiellement été fait dans e manus rit, ou bien sous l'angle des grands modes de variabilité régionaux, omme, par exemple, l'El Niño Southern Os illation (ENSO) ou l'Os illation Nord-Atlantique (NAO), an d'étudier ques spé i ités régionales. Con ernant le premier point, ette thèse s'est atta hée à montrer que l'utilisation de pro essus AR1 onstituait l'hypothèse a minima permettant de restituer les grandes ara téristiques de la variabilité interne du limat. Le travail mené reposait notamment sur l'étude de la variabilité de la température moyenne globale, et de sa densité spe trale. An d'approfondir e travail, on pourrait souhaiter évaluer la plus value apportée par la prise en ompte, de façon plus générale, de pro essus ARMA, ou même d'un eet mémoire de plus longue portée que elui asso ié aux pro essus AR1 ou ARMA, en utilisant des outils statistiques dédiés à l'étude des séries hronologiques. La sensibilité des résultats des études de déte tion aux hypothèses ee tuées sur la variabilité interne pourrait ainsi être étudiée. De la même façon, nous avons évoqué, au II.3.3.2, l'intérêt de prendre en ompte des pro essus (éventuellement AR1) ve toriels, pour perspe tives prendre en ompte le ara tère relativement diéren ié en espa e, des propriétés de persistan e (ou de mémoire) de la variabilité interne. Enn, les quelques premiers résultats présentés dans e manus rit indiquent que les diéren es entre les modèles ouplés de la ommunauté peuvent être importantes du point de vue de la variabilité interne. L'étude et l'interprétation physique de es diéren es peut en soi onstituer un sujet de re her he important. Le se ond problème, qui on erne la ohéren e des diérentes estimations qui peuvent être faites de la variabilité interne, n'a été que très partiellement abordé dans e manus rit. L'enjeu est pourtant important, d'une part pour les études de déte tion et d'attribution, an de montrer que la variabilité à laquelle on se réfère est orre te, et d'autre part pour les modèles de limat. Comme nous l'avons indiqué, la validation de la variabilité simulée par les modèles est souvent faite par le biais de la variabilité totale, e qui ne permet de dis riminer orre tement les termes de variabilité interne et for ée. Une omparaison plus poussée des résultats des diérentes études de déte tion et d'attribution aux simulations de ontrle des modèles ouplés pourrait don être utile. On peut notamment remarquer que e travail onstituerait un approfondissement du test de ohéren e introduit par Allen et Tett (1999), qui visait notamment à répondre à e type de question. Cette omparaison pourrait être faite à é helle globale, mais également à l'é helle régionale, par exemple en utilisant les résultats obtenus dans ette thèse. Elle pourrait également être menée sur des é helles de temps dépassant les derniers 150 ans, puisque ertaines études ont ré emment été menées sur le limat du dernier millénaire (Hegerl et al., 2003, Hegerl et al., 2007a, Saenger et al., 2009). Con ernant e dernier point, il est parti ulièrement frappant de onstater que ertaines variations limatiques importantes observées au ours du dernier millénaire ne semblent pas imputables aux eets de forçages externes (Hegerl et al., 2007a en parti ulier).
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1 INTRODUCTION INTRODUCTION
Stéphane Gros* De nos jours, la diversité intérieure de la Chine s'invite le plus souvent dans l'actualité sous la forme des « conflits ethniques » qui prennent ponctuellement des tournures dramatiques. Ces tensions ne sont en rien nouvelles et si elles sont dans certains cas exacerbées par le contexte politique contemporain en République populaire de Chine (RPC) où elles prennent des formes inédites, le qualificatif « ethnique » devrait susciter autant de questions que l'origine et l'étendue de ces « conflits ». Les zones périphériques du centre historique et politique de la Chine sont les espaces de concentration de peuples allogènes reconnus aujourd'hui comme minorités sous la désignation officielle de « nationalités minoritaires » (shaoshu minzu 少數民族) : elles représentent plus de 8 % de la population, soit environ 113 millions de personnes. Si ces minorités constituaient la population d'un seul et même pays, il serait placé au douzième rang mondial, plus peuplé que l'Allemagne, la France ou le RoyaumeUni. À cette échelle, il faut rappeler l'évidence que ces périphéries et ces peuples ne se ressemblent pas tous, et qu'une assez grande variété de configurations locales peuvent venir nuancer la vision habituelle des relations interethniques comme lieux où se déploient diverses formes de domination et de résistance. Une longue tradition académique et populaire envisage le monde chinois comme un centre dont la civilisation s'est progressivement étendue sur ce monde périphérique. Ces marges de l'Empire d'autrefois, régions ontalières de l'actuelle RPC, constitueraient une mosaïque culturelle tantôt englobée et sinisée, tantôt maintenue à distance et ethnicisée. Pour justifiée qu'elle soit, cette vision de mondes qui s'opposent plus qu'ils ne se métissent tend à figer les catégories culturelles et ethniques et laisse peu de place à une compréhension des négociations, adaptations et variations qui surviennent en contexte d'interaction. Si bien qu'aucune formule unique ne peut rendre compte de la complexité des formulations identitaires et des processus de construction nationale. Les contributions réunies dans ce numéro viennent apporter des analyses résolument historicisées et contextualisées sur les représentations croisées, les mécanismes identitaires et les logiques d'interaction entre groupes locaux, mais aussi entre le local et le national, dans cette partie sudouest de la Chine située à l'interface des pôles de civilisation que représentent la Chine et le Tibet. Cette introduction vise modestement à mettre au jour quelques thèmes qui traversent les études de cas qui suivent, malgré la diversité des approches et des périodes * Ce texte a été écrit dans le cadre du projet « Territories, Communities, and Exchanges in the Kham Sino-Tibetan Borderlands » (Starting Grant n° 283 870), financé par le Conseil européen de la recherche (ERC). Je remercie Philippe Ramirez et David Atwill pour leurs remarques sur une version antérieure de ce texte. Cahiers d'Extrême-Asie 23 (2014) : 1-30 © École ançaise d'Extrême-Orient, Paris, 2015 Do not circulate without permission of the editor / Ne pas diffuser sans autorisation de l'éditeur 2 Stéphane Gros considérées. Les auteurs parlent des Tibétains (Zang 藏), des Naxi 納西, des Han 漢, des Yi 彝, des Pumi 普米, des Hui 回, des Wa 佤, et bien d'autres groupes, reconnus officiellement ou non, qui pratiquent des religions diverses (telles que le bouddhisme, le christianisme, l'islam, ou l'animisme), et dont les histoires sont intimement liées. Vus de Chine, ces groupes et les régions qu'ils habitent ont une qualité périphérique à laquelle s'ajoute une marginalité non plus nécessairement géographique mais structurelle, stigmate qui peut faire de certains groupes des « étrangers familiers », dont les musulmans Hui constituent un bon exemple1. Chacun à leur manière, les auteurs réunis ici abordent les problèmes liés à la conceptualisation de formes culturelles hétérogènes et ouvrent toute une série de questionnements relatifs à la diversité et aux clivages internes de la Chine. Pour poser quelques jalons, cette introduction identifie quelques notions-clés qui peuvent contribuer à renouveler notre compréhension des régions considérées, et discute trois thématiques intimement liées qui dénotent cette diversité : la persistance des ontières intérieures, la distinction entre aires culturelles, et les dynamiques de l'ethnicité2.
Frontières intérieures
L'histoire de l'Empire chinois est celle d'un processus continuel d'adaptations locales au modèle impérial, lequel a varié au fil des siècles. 3 Carte 1 : Sud-Ouest de la Chine et localisation des études de cas. Gros nature dialectique de la constitution de leur marginalité3. En fonction de diverses conjonctures, à différents moments historiques, ces périphéries deviennent aussi des zones intermédiaires, des terrains d'entente. Les régions ontières, qu'elles soient géographiques ou métaphoriques, sont des lieux de production culturelle et non de simples zones de transition, des entre-deux sans valeur analytique en soi4. Les régions qui nous intéressent dans ce volume sont situées le long de la bordure orientale du plateau tibétain, du Qinghai 青海 et du Gansu 甘肅 au nord jusqu'à la province du Yunnan 雲南 au sud. Elles sont conventionnellement regroupées sous les labels de Chine de l'Ouest ou Chine du Sud-Ouest (qui recouvre d'autres régions limitrophes, comme le Guizhou 貴州, le Hunan 湖南 et le Guangxi 廣西, non considérées ici par les auteurs). Si ces qualificatifs désignent avant tout ces régions comme des ontières (intérieures) de la Chine, il faut rappeler que ces zones périphériques ont été influencées, modelées, et en partie définies par des forces émanant non de la seule Chine, mais aussi de pouvoirs et d'entités politiques localisées au Tibet comme en Asie du Sud-Est plus largement (voir carte 1). La difficulté à trouver une terminologie adéquate pour désigner ces régions est un sujet déjà longuement débattu ; car l'enjeu dépasse celui de la qualification d'une zone géographique et a des conséquences sur la manière de l'envisager et de la comprendre. La notion de « ontière intérieure » rendue célèbre par les travaux de Owen Lattimore (1900 -1989) reposait déjà sur le constat que les ontières linéaires des cartes fonctionnent en réalité comme des zones diffuses aux loyautés ambivalentes (qu'elles soient ethniques, politiques ou religieuses) et parfois soumises aux intérêts économiques5. La distance géographique qui séparait autrefois les « barbares de l'extérieur » (waiyi 外夷) des « barbares de l'intérieur » (neiyi 內夷) était renforcée par la distinction cru / cuit (sheng 生 / shu 熟) selon leur degré d'assimilation (voir Stéphane Gros dans ce numéro). La dynamique ontalière ne se limite pas au mouvement de transformation émanant de la civilisation du centre, mais repose sur une logique de l'assimilation à double sens : les sujets s'identifiant au centre impérial (les « Chinois ») pouvaient devenir barbares (yihua 夷化), et ce danger contribuait à la raison d'être de la ontière comme à son maintien. À travers l'histoire subsiste ainsi une ambiguïté dans la détermination des « Chinois » par opposition aux « nonChinois » - et y substituer « Han » et « non-Han » ne simplifie pas la question6.
3. Voir plus particulièrement David Faure et Ho Ts'ui-p'ing, éds., Chieftains into Ancestors: Imperial Expansion and Indigenous Society in Southwest China, Vancouver, University of British Columbia Press, 2013 ; Pamela Kyle Crossley, Helen F. Siu et Donald S. Sutton, éds., Empire at the Margins: Culture, Ethnicity, and Frontier in Early Modern China, Berkeley, University of California Press, 2006.
4. Je conserve ici un usage nécessairement englobant de la notion de ontière ; pour ce qui est de la diversité des termes existant en langue chinoise, voir Paola Calanca et
François Wildt
, «
Les
ontières
: quelques
termes-clés », Extrême-Orient, Extrême-Occident,
vol
. 28,
no 28 (2006), p. 17-56. 5. Owen Lattimore, Inner Asian Frontiers of China, Boston, Beacon Press, 1967 [1940].
6. Vaste sujet s'il en est ; voir le récent éclairage critique dans Thomas S. Mullaney, James Leibold, Stéphane Gros et Eric Vanden Bussche, éds., Critical Han Studies: The History, Representation, and Identity of China's Majority, Berkeley, California University Press. Dru Gladney a 5 Comme l'a brillamment expliqué Thongchai Winichakul dans son ouvrage pionnier Siam Mapped, les nations modernes se sont formées par l'imposition de ontières et de limites à des régions, des peuples ou des espaces qui en étaient dépourvus7. L'invention des « communautés imaginaires » nationales et de leur corps géographique s'est effectuée à travers un processus initié par l'État de définition de centres et de périphéries, de limites et de peuples (tribus ou ethnies)8. Jusque-là, ces espaces diffus, où les ontières restèrent souvent indéterminées, garantissaient aux sociétés périphériques une autonomie de fait. À l'heure où il devient si commun d'insister sur des phénomènes globalisés, il serait pour le moins peu judicieux de projeter rétroactivement les ontières actuelles sur le passé des régions d'Asie qui nous intéressent ici. Il serait en revanche plus approprié d'adopter comme modèle l'approche transnationale - avant même l'émergence de l'état-nation. Il s'agit alors simplement de suggérer que ces lieux (où des ontières se sont effectivement cristallisées à divers moments historiques) sont des espaces où s'exercèrent des influences d'intensité variable et émanant de centres multiples. Si bien que les appartenances comme les allégeances pouvaient y être elles-mêmes variables et multiples, favorisant des formes de souveraineté spécifiques, ancrées dans la liminalité du corps territorial transculturel de ces sociétés des zones intermédiaires. De telles régions, malgré la « iction du terrain » limitant leur intégration aux centres voisins9, furent à travers les siècles des zones d'échange et de circulation, de biens et d'idées comme de personnes, ainsi que des lieux d'affrontement. Les habitants de ces régions (dont l'histoire du peuplement reste confuse) prenaient part à des réseaux changeants de partenariats économiques, à des relations religieuses ou politiques variées. Des routes caravanières traversaient le Yunnan vers l'Inde et le Tibet, et les montagnes qui se dressent telles des barrières au-delà du bassin du Sichuan vers l'Ouest ont été gravies de longue date en de multiples passages vers les hauteurs tibétaines. Ces voies en sont venues à être appelées « La route de la montré que les politiques de la représentation ethnique dans la Chine contemporaine ont plus à voir avec la réification de la majorité Han comme un tout uni, mono-ethnique et moderne, qu'avec les minorités elles-mêmes ; voir Dru Gladney, "Representing Nationality in China: Refiguring Majority / Minority Identities," The Journal of Asian Studies, vol. 53, no 1 (1994), p. 92-123. La linéarité de l'histoire nationale a été remise en question par Prasenjit Duara qui a souligné le caractère instable et historiquement contingent des représentations qui sous-tendent le métarécit de la nation chinoise ; voir Prasenjit Duara, Rescuing History from the Nation
:
Question
ing
the Narratives of Modern China, Chicago, University of Chicago Press, 1995. 7. Thongchai Winichakul
, Siam Mapped: A History of the Geo-Body of a Nation, Honolulu, University of Hawai'i Press, 1994. 8. Benedict Anderson, Imagined Communities: Reflections on the Origins and Spread of Nationalism, revised ed., Londres et New York, Verso, 1991 ; Charles F. Keyes, "Presidential Address: 'The People of Asia'-Science and Politics in the Classification of Ethnic Groups in Thailand, China, and Vietnam," The Journal of Asian Studies, vol. 61, no 4 (2002), p. 1163-1204. 9. Stéphane Gros soie du Sud », « La route du thé et des chevaux », qui reliaient la Chine à l'Asie du Sud-Est, à l'Inde et au Tibet10. Le Sud-Ouest de la Chine n'a été véritablement cartographié - dans un sens à la fois géographique, politique, linguistique et ethnographique - qu'à la fin des Qing 清 (1644-1911), puis plus activement pendant la période républicaine (1911-1949). Comme Laura Hostetler l'a montré dans son travail sur les pratiques cartographiques sous les Qing, le problème de la classification et de la catégorisation était au coeur des efforts visant à comprendre, représenter et finalement définir les peuples périphériques. Décrire ces peuples était un mode de connaissance et un moyen de mieux contrôler la géographie humaine des régions où l'empire s'étendait11. Si bien qu'historiquement, « la malléabilité des ontières fut un élément central des processus dynamiques qui engendrent l'ethnicité », comme l'écrivent les éditeurs du volume Empire at the Margins12. Il est assez significatif que les études sur les groupes ethniques de Chine, et la discipline ethnologique elle-même, se soient développées en lien étroit avec les études sur les ontières. En 1926, alors que l'érudit Cai Yuanpei 蔡元培 (1868-1940) publiait son célèbre article « Shuo minzu xue » 說民族學 (Sur l'ethnologie) qui officialisa le terme de minzu xue pour désigner la discipline ethnologique, Wu Wenzao 吴文藻 (1901-1985), alors encore étudiant en sociologie à l'université de Columbia, parlait dans un article intitulé « Minzu yu guojia » 民族與國家 (Nation et État) de bianzheng xue 邊政學, étude des affaires ontalières, et promouvait une approche inclusive des cultures de peuples périphériques qui influa sur le développement de l'anthropologie de terrain13. La période républicaine et en particulier les années de guerre sino10. Voir infra pour une discussion de ces appellations, ainsi que la contribution de Patrick Booz dans ce numéro. Pour l'importance historique de ces réseaux commerciaux, voir plus particulièrement Ann Maxwell Hill, Merchants and Migrants: Ethnicity and Trade Among Yunnanese Chinese in Southeast Asia, New Haven, Yale University Press, 1998 ; Wim Van Spengen, Tibetan Border World
s: A Geo-historical Analysis of Trade and Traders
, New York, Kegan Paul International, 2000 ; Bin
Yang
, "
Horse, Silver, and Cowries: Yunnan in Global Perspective," Journal of World History, vol. 15, no 3 (2004), p
. 281-322 ; Chang Wen-Chin, "Venturing into 'Barbarous' Regions: Transborder Trade among Migrant Yunnanese between Thailand and Burma, 1960s–1980s," The Journal of Asian Studies, vol. 68, no 2 (2009), p. 543-572 ; C. Patterson Giersch, "Across Zomia with Merchants, Monks, and Musk: Process Geographies, Trade Networks, and the Inner-EastSoutheast Asian Borderlands," Journal of Global History, no 5 (2010), p. 215-239 ; C. Patterson Giersch, "Copper, Cotton, and Caravans: Trade and the Transformation of Southwest China," dans Eric Tagliacozzo et Wen-Chin Chang, éds., Chinese Circulations: Capital, Commodities, and Networks in Southeast Asia, Durham, Duke University Press, 2011, p. 37-61. 11. Laura Hostetler, Qing Colonial Entreprise: Ethnography and Cartography in Early Modern China, Chicago, Universiy of Chicago Press, 2001, p. 135-136, p. 157. 12. Pamela Kyle Crossley, Helen F. Siu et Donald S. Sutton, "Introduction," dans Empire at the Margins, p. 20.
13. Wu Wenzao proposait ainsi d'aborder les questions de développement des régions ontières avec les méthodes de l'anthropologie appliquée telle qu'elle était mise au service de l'administration coloniale aux États-Unis. Professeur à l'Université de Yanjing, puis déplacé à Kunming où il fonda le département de sociologie à l'Université du Yunnan ainsi que la Société d'ethnologie du Yunnan (Yunnan minzu xuehui 雲南民族學會), Wu Wenzao devint le maître d'une 7 japonaise furent dominées par la question des ontières et la place que la diversité ethnique et culturelle pouvait tenir dans la construction nationale. Les ethnologues prenaient part à ce débat qui opposait, sur fond de nationalisme, une vision unitaire à une vision plus pluraliste et multiculturelle de la Chine , Zhonghua minzu 中華 民族. Désormais installés dans les provinces du Yunnan et du Sichuan où les universités furent déplacées pendant la guerre, les ethnologues ou les anthropologues chinois qui, pour nombre d'entre eux, revenaient de séjours d'études à l'étranger, conduisirent les premières enquêtes de terrain sur les ethnies des régions ontières. Cette période fut en somme un âge d'or pour le développement de la discipline, et les ontières du Sud-Ouest un paradis ethnographique. « Allez à la ontière » (dao bianjiang qu 到邊疆去) fut un slogan dominant de la vie intellectuelle et politique de l'époque républicaine qui incita à l'étude et à l'ethnographie de ces « ontières ». Elles étaient encore des espaces en voie de définition où des migrants furent installés et de nouvelles terres cultivées, des agents furent chargés de réaliser des relevés cartographiques et topographiques, et de nouvelles ressources naturelles furent identifiées14. Ce fut aussi une époque de voyage et de découverte, de promotion et d'idéalisation de ces régions dont les habitants ne pouvaient plus être dépeints comme des barbares car ils étaient désormais considérés comme des co-nationaux. Pour la plupart d'entre eux, les voyageurs étaient motivés génération d'ethnologues dans les années 1930, dont notamment Fei Xiaotong 費孝通 (1910-2005) et Lin Yaohua 林耀華 (1910-2000). Li Anzhai 李安宅 (1900-1985) lui était également proche, qui préconisait le travail social aux ontières comme un projet de modernisation et de promotion du développement des sociétés minoritaires. Sur Wu Wenzao, voir plus particulièrement Wang Mingming 王铭铭, « Minzu yu Guojia. Cong Wu Wenzao de zaoqi lunshu chufa » 民族与国家--从吴 文藻的早期论述出发 (Nationalité et État
. À partir des premiers
travaux de Wu Wenzao), Yunnan minzu xueyuan xuebao
云南
民族
学院
学报, vol. 16, no 6 (1999), p. 19-25 ; vol. 17, no 1 (2000), p. 20-26. Sur Li Anzhai, voir Chen Bo 陈波, Li Anzhai yu Huaxi xuepai renleixue 李安宅與華西 學派人類學 (Li Anzhai et l'anthropologie de Huaxi), Chengdu, Sichuan chuban jituan Badu shushe, 2010, plus particulièrement p. 106-130. Pour une discussion voir Yen Hsiao-pei, "Constructing the Chinese: Paleoanthropology and Anthropology in the Chinese Frontier, 1920–1950," thèse non publiée, Harvard University, 2012. 14. Voir notamment l'étude de Chen Zhihong
qui replace à juste titre ce mouvement de l'époque républicaine dans le contexte plus large de la « territorialité » moderne qui contribua à transformer des zones ontalières liminales en ontières précises ; Chen Zhihong, "Stretching the Skin of the Nation: Chinese Intellectuals, the State, and the Frontiers in the Nanjing Decade (1927-1937)," thèse non publiée, University of Oregon, 2008. Suivant les réflexions de James Millward sur l'époque Qing, l'accent est mis ici sur la ontière comme un processus dynamique plutôt qu'un lieu statique ; James A. Millward, "New Perspectives on the Qing Frontier," dans Gail Hershatter, Emily Honig, Jonathan N. Lipman et Randall Stress, éds., Remapping China: Fissures in Historical Terrain, Stanford, Stanford University Press, 1996, p. 113-129. Stéphane Gros par un élan nationaliste, une « croisade pour réaffirmer la souveraineté chinoise » sur les régions ontières, comme l'écrit Mo Yajun15. La contribution de Lara Maconi à ce numéro aborde cette période-clé dans la constitution des savoirs sur les régions ontières de Chine. En parallèle aux remarques de Stéphane Gros concernant le développement en Chine de disciplines telles que la sociologie, l'anthropologie, l'ethnologie et l'archéologie, qui furent mises au service d'un besoin de collecte et d'organisation des connaissances sur ces « ontières intérieures » de la Chine, elle montre comment s'est élaboré à cette époque un « imaginaire national ». Elle restitue le vécu d'un groupe de jeunes intellectuels artistes et relate comment l'expérience du voyage constituait une étape quasi initiatique sur le plan personnel, et témoignait d'une curiosité grandissante pour les régions et les peuples de la bordure tibétaine. Les artistes auxquels elle s'intéresse proposent des visions de l'« autre » nuancées et complexes, et Lara Maconi analyse comment les élans civilisateurs et évolutionnistes de l'époque se superposent à certains idéaux esthétiques et moraux traditionnels chinois et aux nouvelles idées et modes scientifiques, philosophiques et esthétiques aîchement arrivées de l'Occident. En effet, comme Stevan Harrell l'a rappelé, la présence étrangère, notamment missionnaire, et la collecte de connaissances (botanique, archéologique, ethnologique, etc.) lors de nombreuses expéditions contribuait à une domination de type colonial instaurée au début du xxe siècle16. Mais plus intéressant, c'est l' effort éducatif et les épistémologies scientifiques qui, davantage que l'ordre colonial, eurent une influence à l'époque. L'indigénisation de l'ethnologie et de l'anthropologie pendant cette période de guerre contribua à la consolidation d'une conscience nationale que la ontière Sud-Ouest et ses peuples non-Han étaient une partie essentielle de la Chine. Yen Hsiao-pei a montré que les intellectuels, quel que soit le modèle qu'ils estimaient être le plus adéquat pour expliquer la réalité chinoise, étaient tous engagés dans un processus de « nationalisation » de la ontière du sud-ouest visant à inscrire les groupes minoritaires dans la généalogie chinoise17. Stéphane Gros met également en lumière, dans son article sur les discours savants concernant les peuples des marges sino-tibétaines, comment cette mentalité généalogique informe une histoire régressive qui fait des groupes ethniques d'aujourd'hui les descendants directs de peuples historiquement identifiables. 9 de la RPC, et la localisation géographique des minorités les place, hier comme aujourd'hui, au coeur des enjeux de souveraineté territoriale18. Le travail d'identification et de classification mené dans les années cinquante après l'avènement de la République populaire de Chine, s'il diffère dans les méthodes mises en oeuvre et dans les connaissances et les théories nouvelles qui l'ont informé, n'est pas dans sa nature tellement différent de l'effort déployé sous les Qing puis sous la République. Les classifications ethnolinguistiques en particulier ont contribué, sous le Guomindang comme sous le régime communiste, à l'élaboration de taxonomies simplifiées réduisant la complexité ethnique et culturelle de ces régions à des ensembles plus aisément administrables, aboutissant à l'orthodoxie ethnotaxonomique du discours officiel relatif aux 56 « nationalités » composant l'actuel « État multinational » (duo minzu guojia 多民族國家)19. Les ontières intérieures du passé sont renouvelées sous la forme d'unités administratives (régions, préfectures, districts) autonomes (zizhi 自治) généralement associées à la « nationalité minoritaire » présente en plus grand nombre sur le territoire en question20. Dans le projet de construction nationale, l'altérité des régions périphériques devint une simple diversité constitutive de la nation, et la reconnaissance des « nationalités » fut une forme d'intégration des différences. Les ontières intérieures de la Chine constituent ainsi un continuel objet d'interrogation pour l'anthropologie, et peut-être une source d'inspiration pour sa réforme comme le propose l'anthropologue Wang Mingming 王銘銘 (voir Zhang Yuan et Tang Yun dans ce numéro). Qui plus est, l'anthropologie des ontières a longtemps fixé les ontières de l'anthropologie en Chine, enracinant la discipline dans l'étude des groupes périphériques non-Han. L'article de Sylvie Beaud dans 18. La question de la souveraineté territoriale n'est pas sans susciter quelques contradictions entre un modèle socialiste et une nécessité impérialiste comme le souligne David Howland, "The Dialectics of Chauvinism: Minority Nationalities and Territorial Sovereignty in Mao Zedong's New Democracy," Modern China, vol. 37, no 2 (2011), p. 170-201. Pour le rôle joué par les régions périphériques dans la politique du jeune parti communiste chinois, voir Liu Xiaoyuan, Frontier Passages: Ethnopolitics and the Rise of Chinese Communism, 1921–1945, Stanford, Stanford University Press, 2003. 19.
Thomas S. Mull
a
ney, Coming to Terms with the Nation: Ethnic Classification in Modern China, Berkeley, University of California Press, 2011.
20. Stéphane Gros ce numéro permet de relativiser la marginalité des non-Han à la périphérie du monde chinois, en prenant pour objet une communauté Han du Yunnan. Les Han ne représentent pas ici le « centre » ou une position hiérarchique, mais simplement un minzu parmi d'autres, dans une province majoritairement habitée par des minorités. Sylvie Beaud évite ainsi l'écueil de la dichotomie Han-minorités pour traiter des logiques sociales à l'oeuvre au niveau local. En s'interrogeant sur l'origine du peuplement de la région de Yangzong, proche de la capitale provinciale, Sylvie Beaud démontre que contre toute attente nous ne sommes pas face à un exemple de déplacement et d'implantation de la culture Han, mais face à un processus plus complexe de négociation dans un milieu ethnique et culturel diversifié. Cette diversité (ethnique, culturelle) peut alors être vue comme coextensive de l'émergence d'une identité locale particulière. Une approche décentrée des Han - catégorie hégémonique s'il en est - contribue à la fois à en éclairer la complexité interne et les processus relationnels qui participent à la production de la « Hanité »21. Si « Han » est en effet trop souvent une catégorie dominante qui n'autorise plus la distinction de variations internes, les articles de David Atwill et Stéphane Gros questionnent pour leur part la catégorie « Tibétain » et sa variante chinoise « Zang », et posent la question de l'essentialisme qui guette toute tentative de définition interne et externe d'une catégorie identitaire. Ces réflexions prolongent en somme les remarques critiques que Sara Shneiderman avait formulées quant au manque de prise en compte de l'ethnicité dans la manière dont la catégorie de « Tibétain » est souvent mobilisée22. Plus généralement, de telles approches soulèvent le problème du cadre minzu-centrique qui empêche une saisie et une conceptualisation plus subtile du minzu comme un élément parmi d'autres au sein de constellations plus composites et situationnelles. Dans ce cadre, les ontières intérieures correspondent alors aux clivages internes, aux dynamiques propres à l'ethnicité en tant que processus relationnel de production de la différence sociale, qui sera discuté plus loin (cf. infra).
Aires culturelles et nouvelles frontières
Ce qui précède a permis de souligner les propriétés à la fois variables, adaptatives et intrinsèquement mélangées des zones ontières de la Chine du Sud-Ouest. 11 unitaire de la Chine, qui font de ces régions liminaires autant de « microcosmes » où cultures et identités se sont sans cesse recomposées23. Le Sud-Ouest est une catégorie régionale de convenance qui ne s'apparente qu'en surface à une aire culturelle. En effet, toute définition d'une aire culturelle se heurte à la difficulté de ramener la chaine des diversités à la trame des ressemblances pour former une unité, sorte de matrice culturelle dont les racines plongeraient dans un passé ancien. Les couches successives des diverses influences se superposeraient alors aux fondations d'une culture dite originelle. Toute tentative de définition en ce sens oblige à reconnaître que les aires culturelles sont aussi des espaces discursifs, qu'elles décrivent autant qu'elles inventent une réalité24. Au fil des siècles, certaines régions de cette interface entre mondes chinois, tibétain et indien ont vu émerger leur propres formations politiques plus ou moins centralisées, productrices de hiérarchies et de stratifications sociales. Les rapports de pouvoir qui se mirent en place complexifient notre vision d'une opposition classique entre centre et périphérie, dans un monde où le tissu social reposait sur un ensemble de réseaux d'échanges, qu'ils soient politiques, économique, religieux, ou encore matrimoniaux. Une approche régionale non culturaliste reposant davantage sur les liens économiques dynamiques inscrits dans la géographie pourrait certes s'inspirer du modèle des macro-régions de William Skinner (1925-2008)25. Si la pertinence d'un tel modèle s'impose face au découpage administratif, ce modèle reproduit néanmoins, sur d'autres bases, l'opposition entre une zone centrale (où sont concentrées les ressources), et une zone périphérique ; les centres régionaux sont comme des noeuds d'un vaste au de circulation des biens, des personnes ou des informations. L'État est le grand absent d'une telle perspective, qui peine également à rendre compte des réseaux de commerce à longue distance et des logiques structurant les régions ontières. Or, il est difficile de séparer le pouvoir politique des transformations culturelles et économiques. Comme C. Patterson Giersch le souligne, certains phénomènes d'acculturation naissent des efforts déployés pour maximiser les opportunités d'intégration à des situations commerciales et politiques contrôlées par d'autres, ce qui garantit un accès au pouvoir et aux richesses26. Il existe certes depuis un certain temps des unités d'analyse non centrées sur le référent étatique ou national mais sur le partage d'attribut linguistiques, culturels, religieux ou économiques, généralement associés à des zones écologiques. Comme Sara Shneiderman l'a justement rappelé, des appellations comme « Haute-Asie » ont émergé de préoccupations pour des formations culturelles régionales spécifiques 23. Voir N. Di Cosmo et D. J. Wyatt, éds., Political Frontiers, Ethnic Boundaries, and Human Geographies in Chinese History, Londres, Routledge Curzon, 2003. 24. Voir par
exemple la
discussion dans Grant
Evans, "Between the Global and the Local
There
Are Regions, Culture Areas, and National States: A Review Article," Journal of Southeast Asian Studies, vol. 33, no 1 (2002), p. 147-162.
25. Pour une présentation et
discussion
de la
contribution
de William Skinner
, voir Carolyn Cartier, "Origins and Evolution of a Geographical Idea: The Macroregion in China," Modern China, vol. 28, no 1 (2002), p. 79-142 ; Christian Lamouroux, « Les pérégrinations d'un modèle géographique (1965-2002) », Études rurales, nos 161-162 (2002), p. 263-272. 26. C. Patterson Giersch, "Across Zomia with Merchants, Monks, and Musk." © École ançaise d'Extrême-Orient, Paris, 2015 Do not
circula without permission of the editor
/ pas
er sans autorisation de l'éditeur Stéphane Gros au-delà des limites administratives des États27. C'est aussi en réponse à de telles préoccupations et pour promouvoir une saisie transnationale des populations auxquelles les ontières étatiques ont été imposées que John McKinnon et Jean Michaud ont forgé l'appellation de Massif sud-est asiatique28. Ceci étant, toute tentative de définition d'une aire régionale, culturelle ou civilisationnelle, pose le problème de la sélection des critères la définissant, comme celui plus large de la valeur épistémologique dont une telle aire pourrait être dotée. C'est sous cet angle critique que Willem Van Schendel, dans un remarquable article à propos de l'Asie du Sud- Est, a souligné avec force la pertinence relative des « aires académiques », à la fois espaces physiques, espaces symboliques de production du savoir, et espaces institutionnels au sein desquels se déroulent les carrières académiques29. Il faisait remarquer que les découpages régionaux aboutissent à considérer comme périphériques certaines régions et certains types de savoirs : de là est née Zomia, aire à la valeur purement heuristique, située au carrefour des aires conventionnelles que sont l'Asie de l'Est, l'Asie centrale, l'Asie du Sud, et l'Asie du Sud-Est30. Van Schendel montre ainsi que Zomia, zone constituée de l'agrégation des ontières entre ces aires culturelles, est une zone interstitielle, ontalière par excellence, et nécessairement hybride. 13 sur les ontières intérieures de l'Asie, définies comme des limites écologiques et démographiques, marges de la civilisation ethniquement stigmatisées31. Il faut cependant reconnaître à l'approche de James Scott le mérite de restituer une forme d'agencéité aux peuples considérés, capables de choix et de stratégies conscientes et non simples victimes passives de politiques étatiques. Le cadre d'interprétation reste néanmoins un dualisme réducteur, et malgré la tentative de James Scott de les réunir en un ensemble cohérent qui se serait construit dans l'opposition à l'État, on peut difficilement faire un amalgame entre tous les groupes périphériques de Chine qui ne parlent pas d'une même voix. Cela devient encore plus évident si l'on prend en compte la période contemporaine et les nouvelles formes d'intégration aux espaces nationaux qui y prennent forme32. Plusieurs des contributions réunies ici apportent des éclairages complémentaires sur les formes variables et ambivalentes d'intégration (Edwin Schmitt, Vanessa Frangville, Valérie Vandenabeele). Le paradigme régional doit ainsi s'enrichir de formes variées de connectivité, de conjonctions et d'appartenances qui font en somme éclater la cohésion géographique : l'inscription territoriale doit alors être pensée comme hétérogène et discontinue, sous la forme de réseaux et de maillages. C'est dans cette perspective qu'ont émergé ces dernières décennies des études relatives aux routes de commerce et aux corridors ou couloirs d'échanges et de contact, comme la « Route de la soie du Sud » (Nanfang sichou zhi lu 南方絲綢之路), l'« ancienne route du thé et des chevaux » (Chama gudao 茶馬古道), ou encore le « couloir tibéto-Yi » (Zang-Yi zoulang 藏彝走廊). Ces appellations ont sus cité en Chine la production de tout un ensemble de travaux de qualité variable, et qui ne sont parfois que des litanies en écho à des notions-slogans sans valeur explicatives en elles-mêmes. Il n'en reste pas moins que les phénomènes sociaux sur lesquels ces notions se sont greffées sont une réalité qui mérite notre attention. Les implications méthodologiques de telles approches sont bien mises en lumière dans la discussion que Tang Yun et Zhang Yuan nous offrent de l'ouvrage complexe de Wang Mingming où il défend une approche relationnelle des régions qu'il dit « intermédiaires », et à partir d'une réflexion sur le « couloir tibéto-Yi » élabore une théorie du processus civilisationnel chinois33. Les routes de commerce, pour autant qu'elles relient, n'en sont pas moins des lieux d'une expérience renouvelée de la différence. Gros l'intérêt économique commun les rapprochait. Ces rencontres semblent typiques de ces zones ontalières où beaucoup de mondes culturels ont fusionné pour de courtes périodes, pour de nouveau se dissocier. Dans des régions où migrations, contacts interethniques et polyglottisme étaient de règle, il semble urgent de reconsidérer la manière d'appréhender les unités de base du tissu social et de rejeter tout essentialisme. Un parallèle peut être fait avec les limites de l'approche en termes d'aires linguistiques, et la nécessité de reconsidérer les classifications de type généalogique pour favoriser la prise en compte des phénomènes de diffusion entre langues voisines pouvant appartenir à des familles linguistiques différentes34. Ce qui contribue à déterminer les propriétés d'un système régional ne tient pas à la continuité dans le temps d'un héritage propre à un groupe dominant (généralement désigné en des termes ethniques) mais aux usages communs partagés et aux logiques sociales qui ont pris forme au cours de processus historiques. Dans ce sens, Chris Vasantkumar a montré à quel point il peut être difficile de distinguer Han, Hui et Tibétains et que l'habit comme la langue sont alors de bien pauvres marqueurs identitaires ; ce qui l'amène à utiliser la notion d'« unités de commune participation » plus à même de dépasser le référent ethnique pour mettre au jour d'autres formes d'appartenance35. Dans une perspective interactionniste, les ontières culturelles ou linguistiques, sans être inopérantes, cèdent souvent à la dynamique des échanges (économiques, religieux, politique s, matrimoniaux, etc.) dont dérivent certaines formes de changement et d'acculturation36. Edwin Schmitt aborde dans sa contribution à ce numéro les changements de valeurs liées aux pratiques agriculturales. L'impact de l'introduction de nouvelles plantes, comme le maïs, la pomme de terre, ou le riz, sur les modes de subsistance a été encore peu étudié dans cette région37. La fine connaissance du milieu et des espèces plantées par les Han et les Ersu de la région de Songlin di 鬆林地, 34. Nick J. Enfield, "Areal Linguistics and Mainland Southeast Asia," Annual Review of Anthropology, vol. 34 (2005), p. 181-206. L'identification d'aires culturelles repose parfois sur un arrière-plan de déterminisme linguistique, et l'expression « ethnolinguistique » reste fondamentalement ambiguë quant au lien censé exister entre la réalité sociologique et les caractéristiques linguistiques. 15 dans le Sichuan de l'Ouest, permet à Edwin Schmitt de considérer ensemble la production, la consommation et l'échange des produits agricoles et la manière dont ces produits sont associés au sein des deux populations à des valeurs distinctes. Les relations interethniques ont alors une influence directe sur la manière dont ces produits sont perçus et utilisés, les faisant passer du domaine de la valeur symbolique à celui de la valeur économique par exemple. Cette approche est éclairante à un double niveau : elle permet d'accorder toute son importance au champ d'activité où l'économique et le religieux s'interpénètrent d'une part, et de considérer les populations rurales Han et non-Han à un même niveau d'interaction et non pas sur une échelle hiérarchique d'autre part. Les modes de subsistance sont un des facteurs-clés dans la formation des identités désormais bousculées par les nouveaux enjeux liés à la protection environnementale, au contrôle de l'usage des ressources, ou au développement du tourisme, particulièrement prégnants dans les régions du Sud-Ouest et les zones habitées principalement par lesdites nationalités minoritaires38. Les projets environnementaux actuels font des régions montagneuses du Yunnan ou de la bordure tibétaine des enjeux cruciaux de la construction d'espaces « écologiques », tel le Parc national de Pudacuo étudié par Valérie Vandenabeele. Dans son article, elle décrit comment, depuis la fin des années 1990, le développement touristique au sein de la Préfecture autonome tibétaine de Diqing au nord-ouest du Yunnan s'est édifié sur une politique de tibétanisation de l'image de la région qui véhicule l'image de Tibétains naturellement protecteurs de la nature. Or, les nouveaux défis économiques associés aux changements de mode de subsistance peuvent susciter des tensions not parce que le développement du tourisme ethnique contribue à fortement modeler les identités locales et maintenir les ontières entre les groupes39. Tami Blumenfield relève d'ailleurs ce point, et nous apporte plus largement sa réflexion nourrie d'une longue expérience de terrain au Yunnan auprès des Naxi et Mosso, concernant le concept de « résilience » qui entre désormais sur la scène des études chinoises. La notion de résilience, telle que Tami Blumenfield la met en avant, convient particulièrement bien à une approche dynamique du social qui considère le changement comme constitutif des systèmes sociaux, tout en prenant en compte l'inscription dans un milieu naturel. nous aider à penser la continuité dans le changement, nous restons face au défi de repenser les topologies du social, et au-delà des régions, des aires ou des réseaux, nous devons continuer à nous interroger sur les nouvelles formes de spatialité ; ce à quoi nous invite aussi, précisément, l'apparente résilience des identités.
(Inter)ethnicité, (inter)culturalisme
Les historiens et anthropologues de la Chine savent reconnaître les termes ethniques pour ce qu'ils sont : des labels bien souvent issus de textes historiques chinois et réutilisés dans le cadre de processus politiques d'intégration de la périphérie. Toute une littérature a maintenant analysé les diverses facettes et étapes de ce processus au fil du xxe siècle, notamment les efforts déployés après l'avènement de la République (1911), puis ceux de la RPC dans les années 195040. Ces divers efforts de construction nationale ont permis la rationalisation des labels ethniques souvent à la lumière de discours savants et des théories des jeunes sciences sociales influencées par des épistémologies occidentales. C'est à la faveur du développement conjoint de ces sciences et du nationalisme qu'un nouveau vocabulaire a vu le jour, et que le terme minzu - nation, race, nationalité - a commencé à être utilisé dès la fin du xixe siècle dans le contexte de définition et de construction de l'État-nation41. Ce terme fortement polysémique accumule des ambiguïtés qui résultent non seulement de son origine en japonais (minzoku), mais aussi de la manière dont le concept de nation puisait dans les traditions européennes, puis russe (notamment avec la distinction entre natsiya et narodnost). Comme Jo ël Thoraval l'a déjà souligné, cette situation ne doit rien à une fatalité linguistique mais à toute une histoire des débats ethnopolitiques en Chine42. L'évolution des référents du terme minzu dans l'espace politique et intellectuel chinois demande donc à ce que sa temporalité soit prise en compte, car cette ambiguïté est constitutive de l'histoire des sciences sociales 40. 17 à l'époque moderne et contemporaine43. Preuve en est que les débats sur ce que minzu doit ou devrait désigner sont encore d'actualité, et la traduction du terme reste délicate si l'on prétend englober les diverses périodes de son usage en Chine. La diversité ethno-culturelle et le problème de la cohésion sociale ont constitué un défi auquel des réponses diverses ont été apportées au fil du xxe siècle. L'avènement de la République populaire de Chine s'est accompagné de la nécessité de dresser une liste officielle des ethnicités présentes sur son territoire, ce qui fut réalisé en 1954 lors d'une vaste campagne d'« identification ethnique » (minzu shibie 民族識別) qui aboutit à la classification et catégorisation des « nationalités » (minzu) officiellement reconnues au sein du nouvel « État multinational » (duo minzu guojia). Les catégories actuelles de « nationalité » furent dans certains cas le résultat d'un processus de redéfinition et de promotion, voire de création44, au cours duquel des marqueurs identitaires stéréotypés prirent forme et s'imposèrent45. Cette vision d'une Chine multinationale s'est désormais enracinée tellement profondément dans l'imaginaire social qu'elle fait partie du sens commun et s'impose avec la force de l'évidence. Or cette évidence est le résultat d'un processus historique et politique bien déterminé. Nimrod Baranovitch a montré à partir de l'évolution des livres scolaires, comment la spécificité multiethnique de la Chine est intégrée dans l'historiographie officielle. Les minorités ne sont plus les Autres dans le discours national mais bien présentées comme des composantes indissociables de l'entité Chine dès l'antiquité46. Cette forme d'intégration idéologique montre que l'ethnicité reste un élément incontournable de la réalité comme du discours officiel. En somme, c'est un multiculturalisme communiste aux caractéristiques chinoises47. L'une des conséquences majeures du projet d'identification ethnique sur la pratique ethnologique est le traitement monographique et mono-ethnique dont les groupes officiellement identifiés furent l'objet. Chaque groupe est généralement traité comme une entité discrète, aux dépends des liens étroits qui peuvent le relier à d'autres groupes voisins. L'ethnographie comme l'histoire se mettent au service 43. Cf. J. Leibold,
Reconfiguring Chinese Nationalism,
p. 113-114
. Voir également Florent Villard, "'Class', 'Race' and Language: Imagining China and the Discourse on the Category 'Han' in the Writing of Marxist Revolutionary Qu Qiubai (1899–1935)," Asian Ethnicity, vol. 11, no 3 (2010), p. 311-324. 44. Cf. K. Kaup, Creating the Zhuang. 45. Cf. Stéphane Gros de la justification de la distinction entre les catégories ethniques en usage48. Figée dans le catégoriel, la Chine ne peut être que multiculturelle ou multinationale, mais peine à se voir interculturelle49. Ainsi l'article de Stéphane Gros adopte une approche diachronique pour éclairer l'évolution de la taxinomie relative aux peuples de la bordure sino-tibétaine et souligne, comme le font Tang Yun et Zhang Yuan dans leur réflexion sur l'ouvrage de Wang Mingming, l'importance de prendre en compte au niveau régional les interactions de plusieurs groupes en présence, ainsi que les contextes et diverses échelles qui contribuent à déterminer des devenirs identitaires, pour ne pas se limiter à des analyses mono-ethniques, ou plus exactement mono-minzu. Cette conception relativement statique de la diversité culturelle et ethnique du pays s'exprime dans des classifications ordinaires (et officielles) qui placent les minorités à différents stades de développement et à une distance plus ou moins grande de ce qui constitue la vision idéalisée du Chinois moderne50. Vanessa Frangville fait écho à ces considérations en décrivant la situation des Wa de la ontière sino-birmane, souvent représentés dans l'imaginaire populaire comme exemplaires d'un exotisme sauvage. Cependant, toutes les descriptions passées ou présentes des groupes périphériques ne sont pas empreintes de paternalisme ou de jugement culturel. Comme Ying Li-hua l'a montré, les régions ontières habitées par les minorités deviennent de manière croissante dans le discours national des lieux de renouveau spirituel51. Une telle vision n'est pas sans précédent, et Shen Congwen (1902-1988) s'en était fait l'une des premières voi x dans les années 1930, ainsi que Lara Maconi l'évoque dans son article. L'identité de la majorité, catégorie par défaut de la configuration « multinationale » chinoise en association intime avec le pouvoir et l'élite, fait que « Han » en vient souvent à désigner l'État, la modernité ; si bien que dans les zones majoritairement non-Han, l'entité à la source des politiques déployées sur le territoire est 48. Voir par exemple Charles F. McKhann, "The Naxi
and the Nationalities Question," dans Stevan Harrell, éd., Cultural Encounters on China's Ethnic Frontiers, p. 39-62 ; Melissa J. Brown, "Ethnic Classification and Culture: The Case of Tujia in Hubei, China," Asian Ethnicity, vol. 2, no 1 (2001), p. 55-72. 49. 19 ethnicisée : « l'État » devient « les Han »52. Cette opposition se retrouve souvent au niveau de l'analyse, et les relations interethniques contemporaines sont généralement envisagées comme les relations entre minorités et pouvoir central, suivant une dialectique entre le local et le national qui a alimenté la majeure partie des contributions aux études sur l'ethnicité dans le Sud-Ouest de la Chine53. Or, les revendications identitaires sont en général formulées dans le contexte d'interactions au sein d'une communauté locale, et un autre niveau d'analyse consiste à étudier la sphère interethnique qui dessine localement les paysages sociaux, comme le fait Edwin Schmitt dans ce volume. Les études réunies ici contribuent à mettre en lumière les constructions et représentations identitaires, à différents moments historiques, comme les nécessaires ambiguïtés et les points de iction sur lesquels elles reposent. Chacune à leur manière, ces études questionnent la résilience identitaire et les fondements de cette organisation sociale de la différence qu'est l'ethnicité. L'approche diachronique permet alors de mieux souligner comment l'histoire, ou plus exactement la mémoire, peut être mobilisée pour (re)construire des visions de soi et de l'autre, comme autant de modèles d'adaptation à la réalité persistante mais changeante d'une pluriethnicité constitutive d'un être ensemble. Ainsi plusieurs des articles remettent en cause l'approche catégorielle et considèrent les conditions dans lesquelles les identités ont été et sont encore négociées, reformulées ou étouffées. David Faure a récemment souligné l'importance de replacer au coeur de l'histoire des relations interethniques la langue de l'auto-identification que l'on pourrait trouver opérante au niveau local. « Dans une telle histoire, écrit-il, "centre" et "périphérie" ne sont que des constructions temporelles. Ce serait une histoire de l'évolution des institutions issues de multiples centres, et qui reflèterait la société multiculturelle qu'une population de [plusieurs] millions [de personnes] a dû être »54. Les contributions à ce volume témoignent de certaines continuités et remettent en cause l'idée d'une tabula rasa dans l'appréhension et la gestion des régions et peuples périphériques sous le régime communiste. Une approche de l'ethnicité historiquement informée ne peut se satisfaire, quelle que soit la période, de décrire comment les catégories ethniques ont été imposées par les pouvoirs en place, et se doit de prendre en compte les réactions locales, la dialectique (ou le caractère dialogique) des formulations identitaires55. Dans cette perspective, il y a deux obstacles principaux 52. Voir Stevan Harrell, "L'état, c'est nous, or We have Met the Oppressor and He Is Us: The Predicament of Minority Cadres in the PRC," dans Diana Lary, éd., The Chinese State at the Borders, Vancouver, University of British Columbia Press, 2007, p. 221-239. 53. Ou plus largement en Asie, voir par exemple Christian Culas et François Robinne, "Introduction," dans Inter-Ethnic Dynamics in Asia: Considering the Other through Ethnonyms, Territories, and Ritual, New York, Routledge, 2010, p. 1-10. 54. David Faure, "Introduction," dans David Faure et Ho Ts'ui-p'ing, éds., Chieftains into Ancestors: Imperial Expansion and Indigenous Society in Southwest China, p. 4, p. 19. 55. Voir par exemple Stevan Harrell, éd., Cultural Encounters on China's Ethnic Frontiers ; ou Stevan Harrell, Ways of Being Ethnic, où l'auteur a par exemple identifié plusieurs types de réactions, répliques stratégiques historiquement variables face à l'État et ses politiques expansionnistes : l'imitation, la tribalisation, l'assimilation et l'ethnicisation. Voir également Dru Gladney, © École ançaise d'Extrême-Orient, Paris, 2015
à notre compréhension de l'ethnicité, qui tiennent à la manière de l'envisager soit sur une base culturelle et un ancrage dans la tradition d'une part, soit à partir d'un groupe pris isolément d'autre part. Le premier obstacle nous a amené à nous questionner sur la définition des aires culturelles (et linguistiques) ; le second nous invite à réfléchir à l'ethnicité comme processus continu et nécessairement adaptatif résultant des relations entre groupes. Il est désormais monnaie courante, suite aux études menées depuis maintenant plusieurs décennies sur les peuples de ces régions de Chine comme de celles avoisinantes, de souligner la fluidité, la continuelle reformulation, et l'étonnante résilience des identités souvent mobilisées à des fins stratégiques. L'ethnicité ne se résume cependant pas aux usages instrumentaux qui peuvent en être fait, pas plus qu'à la simple reproduction d'un capital ancestral. L'alternative aux approches essentialistes ou substantialistes de l'ethnicité, à la suite de Frederick Barth, se formule en termes de processus et de dynamique relationnelle, et implique de considérer les groupes dans leurs relations et non comme des réalités en soi56. Pour paraphraser Rogers Brubaker, il s'agit de penser l'ethnicité sans les groupes, dont la cristallisation n'est au mieux qu'un aboutissement possible, une potentialité57. 21 d'ensembles multiethniques cohérents - bien qu'instables »59. À l'opposé de la démarche qui vise à identifier des unités discrètes, ou à reproduire celles officialisées (les minzu), il faut prendre acte de la mixité. Malgré des politiques étatiques qui, en Chine, contraignent et limitent les modes d'expression identitaire, individus et communautés continuent néanmoins à reformuler leurs appartenances plurielles et à leur donner du sens. Le néo-culturalisme chinois s'organise autour de démonstrations de la modernité et de la modernisation, ce qui place les minorités (« nationalités minoritaires ») dans une situation ambiguë puisque leur propre modernisation menace de leur faire perdre les spécificités qui leur ont valu d'être reconnues comme telles en premier lieu60. La promotion des cultures des minorités en Chine est aussi une stratégie de légitimation, et ce qui se traduit parfois par des formes de marchandisation des traditions peut servir les intérêts de l'État via de nouveaux modes de contrôle et de surveillance, même si les cadres locaux eux-mêmes issus des minorités en question peuvent et savent mobiliser les ressources pour leurs propres fins61. Susan McCarthy relève cependant un aspect souvent négligé, et remarque que pour les membres des trois groupes sujets de son étude (Bai 白, Dai 傣, et Hui), le renouveau culturel est la revendication d'une appartenance à leur minorité d'une part, mais aussi un moyen d'affirmer leur citoyenneté et leur contribution à l'identité nationale62. À l'heure actuelle un individu ne peut avoir qu'une seule identité de minzu, la catégorie étant nécessairement réactaire à l'hybridité. Comme David Atwill le montre bien dans son article, le paradigme de minzu est rétif aux ethnicités duelles, et l'usage de la désignation de Za ng-Hui 藏回 pour les tibétains musulmans suggère implicitement que Hui est une catégorie plus sujette à l'acculturation et à l'assimilation que celle de Zang. Les réflexions de David Atwill sont tout à fait pertinentes pour tout autre type d'identité ambiguë ou a priori exclusive. Cet enchevêtrement des appartenances complexifie la lecture du paysage social en fonction des catégories fixes de minzu63. Le concept de minzu a tôt été débattu par les anthropologues, notamment dans sa relation à l'ethnicité et au concept de groupe ethnique (zuqun 族群). Mais un nouveau débat s'est désormais engagé en Chine depuis le début des années 2000 relatif au bien-fondé de la distinction des minzu, à la question du statut afférent et à la possible réforme du système de discrimination positive64. Gros de minzu de la même manière que l'on indiquerait les deux noms de famille du père et de la mère en France65. D'autres prennent le contre-pied de l'approche de discrimination positive, vue comme une forme de ségrégation territoriale et économique, et promeuvent une réforme de la politique des minzu qui viserait à terme à l'abandon de l'auto-identification à une minzu (minzu rentong 民族認同) au profit de l'identité nationale chinoise (guozu rentong 國族認同)66. C'est en somme une vision renouvelée de la « fusion » (jiaorong 交融) ou de l'« amalgame » (ronghe 融合), entre autres modes d'assimilation prônés dès l'époque républicaine au début du xxe siècle : on retrouve en effet dans ce type de discours bien des arguments qui étaient déjà ceux avancés par les intellectuels dans les années trente et quarante67. Ce débat sur le statut de minzu est entré dans les sphères officielles et académiques, ainsi que le cinéma dans le cas des films non-han comme l'analyse Vanessa Frangville dans ce numéro. En effet, le cinéma relègue souvent les non-Han à des visions stéréotypées, et le « cinéma non-han » devient un genre en soi, soutenu et promu par les instances gouvernementales en vue de la production de films mettant en scène lesdites « nationalités minoritaires ». Certains lui opposent l'emploi de « cinéma minzu » qui répond à l'aspect discriminant de la précédente appellation et rompt avec l'idée de marginalité qui est souvent associée au statut de minorité. Vanessa Frangville souligne le rôle de l'Éta t dans la production des films non-han et le contrôle de cet espace de création d'un côté, tout en montrant la diversité des acteurs impliqués et la marge de manoeuvre que les réalisateurs peuvent conserver de l'autre. On pourrait arguer que la vision d'une Chine multiculturelle et celle d'une Chine unifiée où les distinctions ethniques seraient gommées reposent toutes deux sur une conception relativement statique de l'identité nationale et que la différence est davantage de degré que de nature. Certes les notions de mixité ou d'hybridité auxquelles il a été fait référence ci-dessus restent elles-mêmes ambiguës puisqu'elles présupposent une pureté originelle des unités de référence68.
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French-Science-Pile
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Open Science
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Various open science
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Zoologie descriptive; anatomie--histologie et dissection des formes typiques d'invert©♭br©♭s,
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None
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French
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Spoken
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Les produits des divers follicules passent dans un canal
commun, le canal hermaphrodite, qui aboutit à la glande
de Valbumine (fig. 529, A), laquelle sécrète vraisemblable¬
ment la couche d’albumine qui enveloppe le vitellus de
chaque œuf.
Mais, à partir de ce point, les œufs et les spermato¬
zoïdes vont cheminer par des voies parallèles et séparées.
Nous avons dès lors un tube large et boursouflé, Y utérus,
GASTEROPODES P UL MO NES.
— LA LIMAGE ROUGE
451
longé sur un de ses côtés par une étroite gouttière faisant
directement suite au canal hermaphrodite, la gouttière
déférente. Les spermatozoïdes suivent la gouttière défé¬
rente ; les œufs au contraire, trop volumineux, en écartent
les lèvres et passent dans l’utérus.
Vers l’extrémité antérieure du corps, un peu avant
A, follicule glandulaire de la glande hermaphrodite. — B, ovule. —
C, amas de spermatozoïdes. — D, spermatozoïde. — E, sperniatopliore.
l’orifice respiratoire, la gouttière déférente se transforme
en un tube complet, indépendant, qui porte le nom de
canal déférent. Celui-ci aboutit au pénis, rétracté au repos
dans la cavité du corps, mais susceptible de se déployer et
de faire saillie par l'orifice génital. Le pénis est tapissé
intérieurement par de nombreuses papilles qui sécrètent
le spermatophore (tig. 528, E). Celui-ci, ou capréolus, est
un corps allongé, aminci aux extrémités, fortement arqué
452
ZOOLOGIE
DESCRIPTIVE
et assez semblable aux siliques de certains Astragales1.
Il est filiforme en avant
et offre le long de sa par¬
tie convexe une rangée
de dents obliques d’avant
en
arrière,
disposées
comme des dents de scie.
Il est cartilagineux, blan¬
châtre et creux, sa dila¬
tation servant de réser¬
voir spermatique.
L'utérus devenu aussi
indépendant
forme
un
oviducte qui vient débou¬
cher dans une portion
élargie ou vagin. Entre
le vagin et le pénis, se
trouve une poche spa¬
cieuse, la poche copulatrice, destinée à recevoir
le
liquide
séminal
de
l’autre individu, lors de
l’accouplement.
Poche séminale, vagin
et pénis aboutissent à un
A, organes génitaux. ■— B, glande
hermaphrodite dont les lobules
ont été isolés.
vestibule qui
débouche
au dehors par l’orifice
situé à droite, sous le
rebord de la cuirasse, immédiatement au-dessous de
1 A. Moquin-Tandon. Obs. sur les spermatophores des Gasier.
terr. androgynes. C. R. Ac. Sc., t. XLI, 1855, 2, p. 857.
GASTÉROPODES PÜLMONÉS.
— LA LIMACE ROUGE
453
l’orifice respiratoire. La portion terminale du vestibule,
d’aspect glandulaire, sécrète un liquide chargé de lubréfier
l'orifice génital, soit lors de l’accouplement, soit lors de
la ponte.
— Le globule formé par la glande caudale
augmente considérablement. Lorsque deux individus se rencon¬
trent, l’un d’eux se dirige aussitôt vers l’extrémité postérieure
de l’autre qui continue à ramper, et dévore lentement le globe
muqueux, jnsqu’à ce que le premier se retournant vienne à en
faire autant ou bien vienne caresser le côté droit de sa tête ;
alors ce dernier abandonnant la glande caudale lui rend
caresses pour caresses. Ils se chatouillent mutuellement, se
lèchent le mufle, le cou, l’orifice génital. Toute la partie anté¬
rieure du corps entre dans un état presque convulsif, le vesti¬
bule génital vient faire saillie au dehors sous forme d’un bou¬
ton blanchâtre; les attouchements deviennent de plus en plus
intimes et de plus en plus voluptueux. La verge se dévagine,
s’allonge, s’érige et l’accouplement s’opère. Les frémissements
spasmodiques durent près d’une heure et cessent tout à fait
après la séparation. Les deux Arions se trouvent alors dans un
état voisin de l’épuisement.
Pendant l’accouplement, le pénis pénètre non dans le vagin,
mais dans la poche copulatrice. C’est là qu’est déversé le sperme
ou plutôt le spermatophore qui le renferme. En effet, si l’on
vient à séparer violemment deux Arions accouplés, on isole
deux filaments roides, luisants, un peu nacrés, qui sont les spermatophores. Le spermatophore est sécrété, nous l’avons vu, à
l’intérieur même du pénis ; il a pour fonction de faciliter l’in¬
troduction du sperme, en même temps que de rendre l’union
sexuelle plus intime. Les dents, dont il est pourvu, l’em¬
pêchent de ressortir et favorisent même sa marche en avant,
les frémissements convulsifs de l’appareil reproducteur agis¬
sant sur elles de la même façon que les moindres mouve¬
ments agissent sur ces épis que les enfants s’amusent à se
Accouplement.
glisser dans la manche. Le spermatophore ne tarde pas à se
454
ZOOLOGIE
DESCRIPTIVE
résorber et les spermatozoïdes sortent alors dans le vestibule
génital pour remonter ensuite, par l’oviducte, jusque dans l’utérus où ils fécondent les ovules.
Dix à douze jours après l’accouplement, chaque Arion
pond une quarantaine d’œufs blancs, sphériques, sem¬
blables à des perles mates de 4 millimètres de diamètre.
Développement. — Pour se procurer des œufs, il suffit de
nourrir des Arions, en juillet, dans une caisse garnie de terre
humide. On pourra de la sorte en obtenir un grand nombre,
déposés en petites masses à la surface du sol (fîg. 530). Ces œufs
sont contenus dans une coque élastique et résistante, imprégnée
de sels calcaires et dont il faudra les débarrasser avec soin avec
des aiguilles très fines en évitant de percer la membrane vitel¬
line. Si l'on met ces œufs soigneusement pelés sous un bon
compresseur, où ils soient maintenus dans une humidité suffi¬
sante, sans exclure la circulation de l’air, on aura le plaisir de
pouvoir suivre, directement sous le microscope, leur dévelop¬
pement qui reste d’ordinaire tout à fait normal pendant plus
d’une semaine1. On emploiera également la méthode des coupes.
Après l’émission des deux globules polaires et la fécondation
de l’œuf, celui-ci se divise en deux, puis en quatre cellules égales.
Mais au fractionnement suivant se forment quatre petites cel¬
lules claires, voisines des globules polaires et quatre grosses
cellules foncées. Les premières vont donner naissance à l'ecto¬
derme et les dernières à Y endoderme. Par divisions successives,
se forme une blastula, puis une gastrula. La face interne des
cellules ectodermiques sécrète alors un liquide, qui, venant s'ac¬
cumuler entre les deux feuillets, les sépare l’un de l’autre, for¬
mant ainsi une cavité, où l’on voit bientôt apparaître des cel¬
lules mésodermiques, sans que l’on ait pu assister à leur mode
de formation. Sur l’un des côtés du blastopore, en un point qui
va devenir la face ventrale de l'embryon, se développe un bouri 11. Fol. Sur le développement des Gastéropodes pulmonés. Arch.
zool. expér., t. VIII, 1880.
GASTÉROPODES PULMONÉS. — LA limace rouge
455
cellule,
endodcj'micjucs
cnifs
O (Q
’q7q>
f ceU,. eçto
0-‘{oÏoT?A dermique.
globules polaires
cellules
bouche.
œil
grand tentacule
| petit tentacule
t'érebr^f
bouche
pnrunwslomc
radida
mdu la-
rectum,
foie-
cauttepollealeestomacpLed-
Fiff. 530.
Principaux stades du développement.
geon creux extodermique, qui donnera le pied, tandis qu’un
enfoncement de l’autre extrémité fournira la glande coquillère,
456
ZOOLOGIE
DESCRIPTIVE
dont les bords se souderont bientôt pour former un sac clos où
se développeront les granulations calcaires que nous avons
observées dans l’épaisseur du manteau de l’adulte. De chaque
côté de la base du pied, une invagination ectodermique va
donner naissance à une paire de tubes terminés en cul-de-sac et
qui constituent les reins larvaires. En même tempsT l’archentéron vient s’ouvrir au dehors entre la glande coquillère et le
pied, donnant ainsi naissance à Yintestin et à l'anus. Entre
l’anus et le pied, une invagination de l’ectoderme fournit la
cavilëpalléale. La larve ainsi constituée va se transformer rapi¬
dement pour donner naissance à l’adulte. I)e chaque côté de la
bouche vont se développer deux bourgeons, qui, par division,
fourniront les grands tentacules et l’œil, les petits tentacules et
la lèvre supérieure. En même temps une invagination ectoder¬
mique latérale donnera naissance aux ganglions cérébroïdes.
Un bourgeon ventral de l’œsophage fournira le rudiment de la
radula, tandis qu'un rbpli dorsal se couvrira de cils vibratiles
pour aider à la déglutition. Les deutolécithes, renfermés dans
des cellules endodermiques, vont s’accumuler dans les cellules
dorsales qui constitueront l’origine du foie, tandis que le reste
de l’épithélium limitera Y estomac.
Le pied a pris un grand développement et les cellules méso¬
dermiques sont venues le tapisser pour lui former un revêtement
musculaire grâce auquel il pourra mettre en mouvement le
liquide qu’il contient ; ce sera donc un véritable cœur embryon¬
naire. Mais bientôt le liquide tend à disparaître, l’estomac et le
foie s’individualisent de plus en plus, et ce dernier, se trouvant
trop étroit dans le sinus dorsal du corps, pivote autour de l’es¬
tomac, en provoquant une torsion de l’œsophage et de l’intestin,
et vient se loger dans la cavité du pied. En même temps, le
cœur prend naissance, la cavité palléale se vascularisé pour
devenir un poumon et le rein définitif se développe pour rem¬
placer les reins larvaires qui sont entrés en régression. L’éclo¬
sion se produit alors et l’on remarque que les jeunes présentent
déjà, sur les côtés du pied, ce sillonnement de la peau que l’on
trouve chez l’adulte.
CHAPITRE XXXII
ACÉPHALES
Par L. BOUTAN
Maître de conférences de zoologie, à l’Université de Paris.
LA MOULE COMESTIBLE
Mytilus Éclulis (Linné).
Place de la moule dans la systématique. — La
Moule comestible fait partie de la famille des Mytilidés à
coquilles équivalves, cunéiformes, sans échancrures pour
le passage du byssus, munies d’un ligament linéaire mar¬
ginal et à glande génitale répandue dans les deux lobes
du manteau.
Les Mytilidés sont dimyaires, c'est-à-dire pourvus d’un
muscle adducteur supérieur et inférieur, et font partie des
mollusques Acéphales ou Lamellibranches.
Beaucoup d'auteurs modernes désignent actuellement les
Acéphales sous le nom de Pélécypodes, en invoquant sur la néces¬
sité de la symétrie avec les termes de Gastéropodes et de Cépha¬
lopodes. Cette dénomination tirée de la forme du pied ne me
parait pas suffisamment justifiée.
11 faut remarquer, en effet, que tous les Acéphales n’ont
pas le pied en forme de hache, comme semble l’indiquer
le terme Pélécypodes; la Moule, par exemple, dont le pied
ressemble à la langue d’un Mammifère, l’Huître qui n'a
ZOOLOGIE
458
DESCRIPTIVE
pas de pied du tout, le Pecten dont le pied a la forme d'une
coupe, etc.
Le mot Pélécypode mérite d’autant moins d’être subs¬
titué au terme consacré d’Acéphale, qu’il est relativement
de création récente, puisqu’il a été imaginé par Goldfuss1
en 1 821, tandis que le terme d’Acéphale était employé par
Cuvier en 1798.
Si l’on tenait absolument à changer le nom des Acéphales,
on devrait de préférence, lui substituer celui de Bivalve
donné par Linné en 1767, ou celui de Ditome créé un peu
avant par Tournefort.
Habitat. Mœurs. — Les Moules vivent fixées sur les
rochers, soit au niveau de la marée, soit à une profondeur
de quelques brasses. Elles sont répandues sur toutes les
cotes de la Manche et de l’Océan.
Elles semblent préférer, à l’inverse du plus grand
nombre des animaux marins, les terrains 'relativement
récents et quoiqu’on en trouve, par exemple, sur les côtes
de Bretagne (terrains anciens), elles paraissent vivre dans
de meilleures conditions sur les cotes du nord de la Manche
(terrains secondaires).
Aux environs de Boulogne par exemple, elles occupent
de vastes étendues qui découvrent à marée basse et qu’on
met en coupe réglée.
Si l’on drague devant le port de Boulogne par 8 à
10 mètres de fond, on les trouve en abondance extraordi¬
naire, mais tous les échantillons recueillis ne sont alors
que de petite taille.
i Manuel de Conchylioloyie, par Paul Fischer. Savy, 1887.
*
A C E P II A L E S.
LA
MOULE
450
Ou peut fournir deux explications de ce fait incomplè¬
tement éclairci :
1° Les Moules restent de petite taille dans les fonds
vaseux et profonds ;
2° Les Moules émigrent et se transportent peu à peu au
fur et à mesure de leur croissance vers la limite des
marées.
Cette seconde hypothèse me paraît le plus plausible, les
Moules sont fixées par l’intermédiaire d'une organe qu’on
appelle le byssus, mais peuvent cependant se déplacer.
Si l’on met, en effet, des animaux en expérience dans une
cuvette, voici ce que l'on observe 1 :
Pour grimper le long des parois du verre, les jeunes
animaux fixent aussi haut que possible un filament
byssal ; puis, lorsque le filament est solidifié, ils se hissent
le long de cette sorte de corde, après avoir rompu à
Vaide d'un mouvement brusque du pied le filament qui
s'opposait à leur ascension.
Ce fait, qui a été signalé depuis longtemps par M. de
Lacaze-Duthiers dans ses cours professés à la Sorbonne,
explique la pratique des myticulteurs qui recueillent les
Moules sur des pieux placés dans des endroits qui ne
découvrent que dans les plus grandes marées. Les jeunes
animaux sont ensuite disposés sur les claies et on les
émerge progressivement, de manière à ce que les plus
âgés soient plus exposés à l’air que les jeunes.
Description extérieure de l’animal. Principaux
1 Recherches sur le byssus des Lamellibranches, par L. BoutanArchives de zool. exp. et génér. Reinwald. Paris, 3° série, t. Vlll.
460
ZOOLOGIE
DESCRIPTIVE
orifices. Méthode pour l’orienter. — La Moule, comme
tous les Acéphales typiques, est complètement enveloppée
à l’état adulte par la coquille : cette dernière est recouverte
d’un épiderme noir bleuâtre ou violacé.
Les deux valves de la coquille sont égales. Leur forme
générale est celle d’un coin arrondi
en arrière.
Les crochets sont antérieurs et
pointus.
Le ligament (linéaire et submar¬
ginal) est très long et se voit facile¬
ment à l’extérieur.
Grâce à ces deux points de repère
('crochets et ligaments), il est facile
de déterminer la position de l'ani¬
mal dans l'intérieur de la coquille
(voy. fig. 531).
Le ligament correspond à la face
dorsale de l’animal. En disposant la
coquille de manière à ce que les
crochets soient placés au-dessus du
ligament, la bouche se trouve en haut.
Le bord opposé au ligament correspond à la face ven¬
trale, au bord libre des valves, entre lesquelles, on voit
souvent les filaments du byssus faire saillie.
Lorsque l’on a enlevé la coquille, l’animal est complè¬
tement enveloppé du manteau, presque toujours encombré
par les produits génitaux et libre sur ses bords, sauf en
arrière, où l’on remarque un épithélium très pigmenté
qu’on désigne sous le nom de membrane anale (fig. 54G).
ACÉPHALES. — LA
MOULE
461
Le manteau se replie au-dessus de la bouche en consti¬
tuant un capuchon céphalique.
Si l'on écarte les bords du manteau, et si l’on fend le
Fig. 532.
Moule ouverte par la face ventrale et montrant les rapports
des principaux organes.
capuchon céphalique, on peut rejeter les deux lobes du
manteau à droite et à gauche (fig. 532).
On distingue alors sur la ligne médiane :
La bouche, fente transversale courbe, à concavité supé¬
rieure, masquée par deux lèvres minces formées par le
prolongement des palpes labiaux ;
462
ZOOLOGIE
DESCRIPITVE
Le pied, qui a l'apparence d'une langue de Mammifère
et qui porte un fort talon d’où sort le byssus.
Enfin, au-dessous du pied, on trouve également sur
la ligne médiane une saillie (bosse de polichinelle très
atténuée) qui représente la glande génitale.
Les branchies s'insèrent entre les palpes labiaux., de
chaque côté, et descendent de part et d’autre, du corps,
pour venir se réunir inférieurement sur la ligne médiane
(voy. fi g. 532 et 549).
Les quatre lames sont constituées par des filets unis
entre eux par des cils vibratiles dont la réunion forme,
par place, les renflements désignés, à tort, sous le nom
de renflements musculoïdes.
En écartant les branchies, on distingue le rein coloré en
brun et l'on distingue à la loupe son orifice externe.
Pour apercevoir le cœur, il faut renverser l’animal sur
la face ventrale et regarder au-dessous de la charnière.
On le voit par transparence à travers la fine membrane
péricardique (fig. 546).
Description des téguments et du squelette. Par¬
ticularités les plus saillantes. — Les parois du man¬
teau sont constituées par un épithélium à cellules cylin¬
driques, sécrétant d'abord la conchyoline, puis la nacre,
sur la surface externe du manteau. L'épithélium est cilié
presque partout dans le reste du corps ; on aperçoit, de
loin en loin, des glandes monocellulaires qui paraissent
uniquement constituées par des éléments différenciés des
cellules de revêtement.
Au-dessous de l’épithélium, particulièrement dans le
manteau, il existe un tissu conjonctif de fibres lâches et
'
A C É P H A LES.
LA
MOULE
463
peu serrées, entre lesquelles, on distingue de nombreux
globules sanguins de forme irrégulière.
Les fibres musculaires disséminées dans toute les parois
du corps forment par place des faisceaux volumineux
dont l’ensemble constitue des muscles importants.
Ils ont été étudiés depuis longtemps 1 et nous suivrons
dans leur étude le travail déjà ancien de M. Sabatier qui
en a fourni une très bonne description.
Impressions musculaires de la coquille. — L’examen de
la paroi interne de la coquille permet de reconnaître le
point d’insertion des différents muscles (fig. 533).
On observe, en effet :
1° Une impression arrondie et souvent légèrement
bilobée, relativement grande, obscure, placée non loin
du bord inférieur; c’est l’insertion du muscle adducteur
inférieur.
2° Une impression très petite, mais très marquée, située
près du sommet et des crochets, dans le voisinage du bord
supérieur; elle appartient au muscle adducteur supérieur.
3° Une impression placée en avant de celle de l’adduc¬
teur inférieur, et composée d’une série horizontale d’im¬
pressions elliptiques correspondant à l’insertion des fais¬
ceaux des muscles du byssus, et des muscles rétracteurs
postérieurs du pied.
4° Une impression petite, linéaire, placée sous l’extrémité
antérieure de la charnière et à laquelle vient s’insérer le
muscle rétracteur antérieur du pied.
5° Lu arrière et au-dessous du muscle adducteur infé1 Eludes sur la Moule commune, par A. Sabatier. Delahaye. Paris,
1877.
%
ZOOLOGIE
464
DESCRIPTIVE
rieur, une petite empreinte triangulaire, rudiment de sinus
palléal, pour l’insertion des muscles de la membrane anale.
muscle add. sup.
— muscles du byssus.
muscle add. inf.
Fig. 533.
Moule vue par la valve droite et supposée transparente pour laisser
voir l’impression des principaux muscles.
(La trace de l’insertion des muscles palléaux est représentée en pointillé.)
L’appareil musculaire lui-même se compose, de cinq
groupes de muscles :
1° De muscles destinés à rapprocher les valves, muscles
adducteurs des valves ;
2° De muscles agissant sur le pied, ou rétracteurs du
pied;
3° De muscles agissant sur le byssus, ou muscles du bys¬
sus, dont l’action est complexe;
4u Des muscles palléaux;
b° Des muscles anaux.
«
ACÉPHALES.
LA
465
M0 ULE
Les muscles adducteurs des valves sont au nombre de
deux, l'un supérieur et l'autre inférieur. Leurs dimen¬
sions sont très inégales, l’inférieur étant un muscle volu¬
mineux, et le supérieur un muscle si petit et si rudimen¬
taire qu'il est passé inaperçu pour quelques observateurs,
qui ont placé la Moule parmi les bivalves monomyaires.
L'adducteur inférieur est un muscle puissant, transversa¬
lement étendu d’une valve à l’autre, et présentant une
coupe ovalaire, quelquefois légèrement bilobée.
Le muscle adducteur supérieur est très petit; il occupe
transversalement le capuchon antérieur du manteau, et
s'insère à la face interne de chaque valve, dans une fos¬
sette placée à l’extrémité antérieure du bord inférieur.
La partie moyenne de ce muscle est comprise dans l’épais¬
seur même du manteau.
Le rôle de ces deux muscles est évidemment de rappro¬
cher les valves et de fermer la coquille ; leur action, celle
de l’inférieur surtout, est très puissante
Les muscles rétracteurs du pied sont, les uns anté¬
rieurs et les autres postérieurs. Il y a deux muscles anté¬
rieurs et deux postérieurs.
Les muscles antérieurs forment deux faisceaux très vo¬
lumineux qui, partant du pied, se portent en avant et un
peu en haut, et vont s’insérer dans une fossette allongée
située un peu en arrière de l’extrémité antérieure de la
charnière. Ces deux muscles forment deux faisceaux blancs
nacrés parfaitement visibles au-devant du pied.
Les muscles rétracteurs postérieurs sont de petits
muscles composés d’un ou deux petits faisceaux apla¬
tis, qui s’insèrent sur la face interne de la coquille, audessous de la cavité péricardique, et pénètrent dans la
ZOOLOGIE DESCRIPTIVE.
11.
30
46G
ZOOLOGIE
DESCRIPTIVE
base du pied, qu’ils parcourent dans toute sa longueur.
Ces muscles sont rétracteurs du pied, sur lequel ils
agissent bien plus directement‘que les rétracteurs anté¬
rieurs. L’action de ces derniers ne porte, en effet, que
sur la base du pied, les muscles rétracteurs postérieurs,
au contraire, viennent s'insérer dans toute la longueur du
pied, et influent non seulement par la situation du pied,
mais encore sur la forme et la longueur de cet organe.
Les muscles du byssus sont constitués par une série
de faisceaux musculaires volumineux qui, partant de la
base du byssus, et s’écartent en un éventail composé de
quatre ou cinq faisceaux qui s'insèrent au-dessus du muscle
adducteur inférieur des valves et au niveau de la région
péricardique.
Les muscles rétracteurs antérieurs du pied et les muscles
du byssus forment dans leur ensemble un système qui,
ainsi que le remarque très judicieusement M. Sabatier,
vient converger indifféremment à la base du pied et du
byssus, tandis que le rétracteur postérieur du pied appar¬
tient exclusivement à ce dernier organe.
Il résulte de cette disposition que la masse du corps de
l’animal est comprise dans l’intervalle des branches d’un X
musculaire, qui doit exercer sur elle une certaine com¬
pression.
On comprend quelle peut être l’action de ce groupe de
muscles, soit pour rapprocher l’animal de l’extrémité du
byssus qui se fixe à l’extérieur, et par conséquent pour
diminuer sa mobilité, soit pour rapprocher les deux valves
et venir en aide aux adducteurs.
Les muscles palléaux occupent tout le bord libre du
manteau et le bord dorsal jusqu’à la charnière. Ils for-
ACEPHALES.
LA
M0ÜLE
467
ment sur chaque lobe du manteau une bande qui se ré¬
trécit en pointe à ses deux extrémités.
Cette bande est composée de petits faisceaux musculaires
dont la direction est perpendiculaire aux bords du manteau.
Ces petits faisceaux nacrés s’anastomosent obliquement
entre eux. Quand ces muscles sont relâchés, la lèvre fes¬
tonnée et papillaire des bords du manteau proémine entre
les valves; mais, dès que ces muscles se contractent, les
bords du manteau et les festons papillaires sont tirés en
dedans de la coquille, de manière à ce que l’animal puisse
la fermer hermétiquement en appliquant les valves l'une
contre l’autre. M. Sabatier pense qu’en s’accumulant ainsi
les uns contre les autres, ces replis papillaires contribuent
à fermer la cavité du manteau et à y retenir une certaine
quantité d’eau nécessaire à la vie de l’animal.
Les muscles anaux s’insèrent au-dessous du muscle
adducteur inférieur des valves, sur une petite impression
triangulaire, représentée par la ligne courbe pointillée
(fig- §33).
Ces muscles s’épanouissent dans la membrane anale,
qu’ils tendent et retirent en dedans quand l’animal veut
fermer sa coquille. Ils ferment ainsi l’orifice anal du man¬
teau, et représentent d’après l’auteur que nous venons de
citer les muscles des siphons des Bivalves siphonés.
Description du pied et de ses annexes. — Le pied
est bien développé.
Il est mobile, rétractile et Susceptible de prendre des
dimensions et des formes assez variées.
C’est un organe de locomotion, quoique l’animal soit
fixé par son byssus, car il peut l’aider à changer de place.
468
ZOOLOGIE
DESCRIPTIVE
Ce n’est certainement pas, comme on le croyait autre¬
fois, un organe destiné à introduire à un moment donné,
dans le système vasculaire, une certaine quantité d’eau1.
11 présente en arrière un fort talon d’où l’on voit sor¬
tir un paquet de filaments, représentant l’or¬
gane fixateur, le
bys-
sus (fig. 532).
Byssus de la Moule. —
Le byssus de la Moule
est, en apparence, très
compliqué.
L’appareil
fixateur de ce Mollusque
se présente,
en
effet,
tout d’abord comme un
enchevêtrement de fila¬
ments sans nombre, tous
Fig. 534.
Coupe transversale du pied d’une
jeune Moule, passant au travers
du byssus.
terminés par une petite
plaque adhésive ; mais
une observation
atten¬
tive permet de se rendre
compte que cette complication n’est qu’apparente et qu'il
existe deux parties nettement distinctes : l’axe et les
lamelles du byssus (fig. 538).
L’axe se compose d’une masse verdâtre *ou jaunâtre,
conique et terminée en pointe mousse dans sa partie la
plus éloignée du pied. Dans la portion proximale, au con1 Cette opinion était basée sur la présence d’orifices que l’on con¬
sidérait comme ceux de l’appareil aquifère et qui sont en réalité
ceux de glandes à mucus très nombreuses sur cet organe.
A CEP II A LES.
LA
M0ULE
4G9
traire, on distingue, après arrachement, une série de
lamelles (fig. 534).
Sur une coupe sagittale, on voit que ces lamelles se
soudent rapidement entre elles, lorsqu’on s’éloigne de la
surface pédieuse,
de manière à former
une
masse
i
unique qu’on appelle la tige ou partie centrale.
A cette partie centrale du byssus, viennent s’ajouter des
filaments nombreux (fig. 538).
Quoique cette disposition ne soit pas générale, nous
pouvons nous représenter les filaments comme prenant
tous naissance le long de l’axe, sur une meme ligne.
En réalité, dans presque toutes les Moules considérées,
les filaments, au lieu de prendre naissance sur une seule
ligne, peuvent saillir en des points différents, soit dans le
voisinage de deux lignes très rapprochées, soit selon les
deux côtés opposés de l’axe.
Lorsqu’on tire vivement sur l’appareil byssal d’un ani¬
mal épanoui dans l’eau et dont les valves sont légère¬
ment entr’ouvertes, on arrache sans difficulté l’appareil
fixateur tout entier.
L'on constate ainsi que le byssus à Vâge adulte est
constitué par une série de lamelles, libres dans la partie
en contact avec le pied et qui se soudent de plus en plus
intimement à partir de la région moyenne.
Ces lamelles sont sécrétées par des lames qui repré¬
sentent la glande fondamentale du byssus (fig. 534).
Les lames sont constituées par une couche de tissu con¬
jonctif au milieu de laquelle se trouve un nombre consi¬
dérable de glandes unicellulaires.
Chacune des glandes est constituée par une cellule volu-
470
ZOOLOGIE
DESCRIPTIVE
mineuse présentant un gros noyau et encombrée de gra¬
nulations. Elles aboutissent, à l’aide d’un prolongement
souvent très considérable, au niveau de l’épithélium
sous-jacent à la lamelle. Ce sont ces glandes qui sécrètent
--
épithcliiuTv
-*■
corvjOTlCtif'
t issu -
glandes
dzi bi/ssus
Fi g. 535.
Coupe longitudinale d’une lame et d’une lamelle du byssus pour
montrer leur rapport et leur structure histologique.
1 a matière collante ; à peu près tous les auteurs sont
d’accord sur ce point (fîg. 535).
Au-dessus de l’épithélium, en contact avec le pro¬
duit sécrété, on aperçoit une striation très nette qu’on
i
serait tenté de prendre, au premier abord, pour des cils
vibratiles ; en réalité, ce ne sont que des petits bâton-
A C K P H ALES.
LA
MOULE
471
nets de matière sécrétée, absolument immobiles (fig.'535).
Les lames sont renfermées dans l’intérieur d’une cavité
profonde ; mais cette cavité communique également avec
un sillon qui suit la languette du pied dans toute son
étendue. Ce sillon aboutit, avant l’extrémité de la lan¬
guette. dans une cavité semi-circulaire, sorte de dilatation
terminale du sillon (fig. 536 et 538).
Depuis longtemps on sait que les filaments du byssus
Fig. 536.
Coupe transversale du pied de la Moule intéressant le sillon
où se sécrètent les filaments du byssus.
de la Moule se constituent par l’intermédiaire du sillon.
Cependant je crois que les faits ont besoin d’être pré¬
cisés.
J’ai fait à ce sujet quelques expériences. Si l’on place
dans une cuvette en verre transparent des Moules de
moyenne taille, on ne tarde pas à les voir constituer quel¬
ques filaments adhésifs, qu’elles fixent soit sur le fond, soit
sur les parois.
Nous savons déjà que les Moules peuvent cheminer en
utilisant ces filaments.
472
ZOOLOGIE
DESCRIPTIVE
Comment la Moule arrive-t-elle à fixer les filaments ?
L’observation directe permet de répondre à cette ques¬
tion :
Le Mollusque allonge la languette pédieuse jusqu’à l’en¬
droit précis où il veut fixer la plaque adhésive qui termine
le filament ; la languette est tournée de manière à ce que
Schéma du byssus de la Moule indiquant le mode de formation
des filaments.
ap, plaque adhésive de l’extrémité d’un filament. — fl, filaments se rattachant à la
tige T. — P, pied. — P’ languette pédieuse sécrétant le filament.
la cavité semi-circulaire soit placée à la surface du corps
étranger sur lequel l'adhésion va se produire. C’est de la
cavité demi-circulaire que provient la plaque adhésive.
En regardant par transparence à travers les parois du
verre, on voit très nettement, sortir de l'intérieur de la
cupule, un liquide blanchâtre et pâteux que l’animal étale
en couches minces, à l’aide de mouvements circulaires
répétés.
Pour employer une comparaison qui fera bien saisir le
A fi E P H A LES.
LA
MOULE
473
fait observé, F action produite par l’animal est la même
que lorsque nous faisons couler de la cire à cacheter à la
surface d’une enveloppe et que nous la pressons ensuite à
l’aide d’un cachet.
D'où vient cette matière collante ?
Elle est contenue dans l’intérieur du sillon.
On voit, en effet, l’animal, après avoir malaxé la
matière adhérente, retirer progressivement la languette
et entrouvrir le sillon. On constate alors qu’un Filament
blanchâtre continu réunit la plaque adhésive à l’axe
du byssus.
Le fait est facile à mettre en évidence à l’aide de l’expé¬
rience suivante :
Si, au moment où l’animal est occupé à fixer l’un des filaments,
on glisse au-dessous de la languette une lame de ciseaux et
que, par un mouvement brusque, on sectionne transversalement
la languette, on constate, en faisant ensuite des coupes sur la
partie détachée du corps de la Moule, la présence du filament
dans toute la longueur du sillon (11g. 536).
Cette expérience prouve donc qu’au moment où la plaque
adhésive est appliquée par le frottement à la surface des corps
étrangers, le filament est déjà tout entier formé dans l’intérieur
du sillon.
Nous devons nous représenter le filament comme issu de la
glande byssogène. La matière collante sécrétée a été injectée dans
l’intervalle des lamelles, au niveau du sillon, et s’est renforcée
à ce niveau, de la sécrétion des glandes de la paroi du sillon.
Description de l'appareil digestif de la Moule.
Glandes annexes. — D'une façon absolument générale,
le tube digestif des Acéphales a ses deux orifices situés
sur la ligne médiane et ventrale du corps.
La bouche s’ouvre, au-dessus du pied, entre quatre
474
ZOOLOGIE
DESCRIPTIVE
palpes labiaux, sous forme d’une fente transversale située
au-dessous du muscle adducteur supérieur des valves.
Cependant chez les monomyaires, le muscle adducteur
supérieur des valves ayant disparu, la position de la bouche
doit être figurée comme dans le dessin très simple que
j’emprunte aux cours professés à la Sorbonne par M. de
Lacaze-Duthiers (fig. 529).
L’anus s’ouvre au-dessous du muscle adducteur infé¬
rieur des valves.
Le tube digestif de la Moule se rapporte au premier
schéma, mais dans la moule, ainsi que nous l’avons fait
ACÉPHALES.
LA
MOULE
475
observer plus haut, le muscle -abducteur supérieur est
moins développé que le muscle abducteur inférieur.
%
Bouche et palpes labiaux.
—La bouche a la forme d’une
fente transversale limitée par deux lèvres minces, l’une
supérieure, l'autre in¬
muscle add. sup.
férieure, qui se conti¬
nuent par les palpes
labiaux (fig. 538).
Aux angles externes
de la lèvre supérieure
font suite les tenta¬
cules de Sabatier ou
palpes labiaux exter¬
nes,
et aux
angles
externes de la lèvre
inférieure font suite
les deux palpes labiaux
internes. Ces palpes
sont longs et pointus
et leur forme générale
est triangulaire ; leur
extrémité dessine un
angle
aigu,
et leur
bord adhérent est re¬
lativement court ; ils
Schéma du tube digestif chez les Acé¬
phales dimyaires et chez les monomyaires (d’après H. de Lacaze-DuTHIERS).
se dirigent normalement en bas
et en
arrière. Les
palpes d’un même côté sont appliqués immédiatement
l’un sur l’autre par une de leurs faces, ils ne sont sépa¬
rés qu’au voisinage de leur bord adhérent par la partie
antérieure de la brandiie (fig. 532).
476
ZOOLOGIE
Œsophage
et estomac.
DESCRIPTIVE
— A la suite de la bouche, le
tube digestif, d’abord évasé (cavité buccale), se rétrécit
en arrière à la façon d'un entonnoir, pour constituer un
œsophage très court (fig. 538).
Cet œsophage aboutit dans une sorte de poche fortement
cœur,
reètum.
anus.
Fig. 540.
Schéma du tube digestif de l’Acéphale pour indiquer les rapports
du stylet cristallin et de l’estomac.
plissée, l’estomac proprement dit, qui fee prolonge en
arrière sous la forme d'un cæcum relativement large, qui
contient le stylet cristallin sur lequel nous reviendrons
plus loin (fig. 538).
Ce cæcum descend jusqu’au niveau du muscle abduc¬
teur inférieur où il se termine en cul-de-sac. En compa¬
rant les figures 538 et 540, on se rendra compte des parti-
A C E P HALES.
LA
MOULE
477
ciilarités qui distinguent le tube digestif de la Moule du
tube digestif typique de l’Acéphale.
Intestin.
— Latéralement dans la partie inférieure, se
détache l’intestin dont la première partie est récurrente.
L’intestin remonte en effet, sur la face ventrale de l'esto¬
mac où on le distingue par
transparence sur les indivi¬
dus maigres, au niveau de
la bosse génitale,
faisant
deux indexions situées entre
les deux veines afférentes des
oreillettes. Il pénètre dans
le foie où il se recourbe sur
lui-même pour redescendre
presque en droite ligne vers
le muscle adducteur infé¬
rieur. Avant de l’atteindre,
il traverse obliquement le
v e n t r i c u 1 e p o u r a b o u t i r e n fi n
au-dessous du muscle ab»
ducteur inférieur (fig. 538).
Glandes
annexes.
— La
seule glande annexe agglo¬
Fig. 541.
Coupe d’un fragment du tube
digestif montrant les cellules
épithéliales
ciliées et les
glandes unicellulaires.
mérée, que l’on puisse différencier, est le foie ou mieux l’hépato-pancréas ; il faut
cependant y ajouter, comme organes glandulaires, de
nombreuses glandes unicellulaires (glandes à mucus) et
les glandes de la paroi du cæcum stomacal qui sécrètent
le stvlet cristallin.
478
Z 0 0 L 0 Gi E
1) E SCUI L' T IV E
Stylet cristallin. — Pour étudier le stylet cristallin de
la Moule, il faut choisir des Moules fraîches, car très
rapidement, lorsque l’animal est à jeun, ce corps transpa¬
rent diminue et même disparaît presque complètement.
Fig. 542.
Coupe de l’estomac et du foie montrant les tubes hépatiques
et les glandes unieellulaires.
On a beaucoup discuté sur le rôle du stylet cristallin
chez les Acéphales.
Le considérer comme un organe masticateur jouant le
rôle d’une radule paraît impossible, et je pense qu’on doit
se ranger à l’opinion formulée par M. Barrois dans son
travail sur cet organe hypothétique1.
M. Théodore Barrois considère le stylet cristallin comme un
organe fournissant la matière nécessaire pour enrober les excréments
el les grains de sable et faciliter leur glissement dans le tube digestif.
'
A C E 1» H A LES.
Histologie. — La première
LA
MOULE
419
partie du tube digestif est
ciliée ; cette ciliation apparaît avec beaucoup d'évidence
dans l’estomac (fîg. 542), ou sur les plis de la muqueuse ;
on distingue très nettement sur les coupes, au milieu des
cellules épithéliales, un certain nombre de cellules glan¬
dulaires, facilement reconnaissables à leur contenu gra¬
nuleux (fig. 541).
Le foie ou l’hépato-pancréas, au point de vue histolo¬
gique, ne diffère pas de celui des Gastéropodes déjà décrit ;
il est formé par les grosses cellules caractéristiques avec
des canaux excréteurs ciliés qui aboutissent dans l’estomac
utriculaire.
Préparation anatomique. — Préparation du tube digestif
de la moule. — La dissection du tube digestif d’un Acéphale
est toujours une opération difficile. A cause de la délicatesse
de ses parois, il est presque impossible de ne pas causer de
rupture quand on cherche à l’isoler.
Nous conseillons, pour faciliter cette préparation, l’animal
étant étalé sur le dos, le capuchon céphalique fendu, d’injecter
par la bouche une masse solidifiable, de manière à remplir,
autant que possible, la lumière du canal intestinal.
Ce procédé ne réussit pas toujours complètement, surtout
si l’on opère sur des animaux ayant le tube digestif rempli de
sable, mais parfois cependant on obtient un succès complet.
Il devient alors facile de constater la présence de l’estomac
au milieu de la masse du foie; immédiatement au-dessous de
la bouche; de suivre le tube digestif au-dessous du pied, de le
voir revenir en arrière, longer la face dorsale, traverser le ven¬
tricule du cœur, pour aboutir au-dessous du muscle adducteur
inférieur dans la cavité correspondante à l’ouverture anale. On
sera surpris dans cette préparation de la longueur inusitée du
cæcum stomacal de la Moule qui s’étend en droite ligne dans
toute la région dorsale (fig. 538).
ZOOLOGIE
480
DESCRIPTIVE
Description du système nerveux. — Dans tout sys¬
tème nerveux d’Acéphale il y a lieu de distinguer, comme
chez les Gastéropodes, trois centres nerveux principaux.
a. Le centre sus-œsophagien formé de deux ganglions
capuchon céphalique-
. nerf pal/cal
—palpes Labiaux,
if r/
'
^
g. céréb,
\“
'
V-.trace de La, branchie
\
)
J
-JL./.f connectif cer.ped.
•■•J.
^-y-ganglions pecL.
I
I
---/.•).Ç-—piecL
-J.-.-\i—l— rem,
---./.—d-— masse, génitale,
-L
I
! .-L-hjA..conncct.cer. vise.
j--.-.Vifr...nerfpcdléaL
..L..y... nerf branchial,
..-anus
\
I
I
L.-trou, anal.
Fig. 543.
Système nerveux de la Moule vu par la face ventrale.
(cérébroïdes) réunis par une commissure qui passe toujours
au-dessus de la bouche, quelle que soit la position des
ganglions (situés d’ordinaire au niveau de la commissure
des lèvres) ;
b. Le centre pédieux, formé de deux ganglions réunis
par une courte commissure (souvent virtuelle), situés à la
hase de l’organe locomoteur ;
ACEPHALES.
LA
481
MOULE
c. Le centre viscéral formé, comme les précédents, de
deux ganglions réunis par une commissure (souvent vir¬
tuelle), situés exactement sur la face ventrale du muscle
adducteur inférieur des valves.
Ces trois centres sont unis, deux à deux, par deux paires
de connectifs (cérébro-pédieux et cérébro-viscéraux) et
constituent ainsi deux
muscle add. sup.
colliers nerveux au¬
tour du tube digestif
gangl. cérébroïdes.
commissure ccr. péd.
(fig. 544).
gangl. péd.
Le centre sus-œso¬
gl. génitale et commis¬
sure cer. vise,
gangl. palleux ou vise.
phagien fournit des
nerfs aux parties su¬
muscle add. inf.
périeures du corps et
.... anus.
du manteau.
I.e centre pédieux
innerve
exclus ive -
Fig. 544.
Schéma du système nerveux de F Acé¬
phale, d’après II. de Lacaze-Duthiers.
ment le pied.
Le centre viscéral envoie des ramifications dans la
branchie, les organes génitaux, le corps de Bojanus et
les parties inférieures du manteau.
Cette description générale s’applique à très peu près
à la Moule (fig. 543). On doit noter cependant une particu¬
larité importante, c’est que les deux connectifs, cérébro¬
pédieux et cérébro-viscéral, sont soudés sur une faible
partie de leur étendue, à partir des ganglions cérébroïdes.
On a voulu voir dans ce fait un terme de passage au
système nerveux des Gastéropodes.
Guidés par l’idée théorique d’une similitude entre le
système nerveux des Acéphales et celui des Gastéropodes,
de nombreux auteurs ont cherché à trouver des disposiZOOLOGIE DESCRIPTIVE. — II.
31
482
ZOO LO GIE
DESC U IPTI VE
tions rapprochant la topographie générale des centres ner¬
veux dans les deux cas. Ces études ont donné quelques
résultats intéressants qu'il est utile d’envisager ici.
La difficulté ne consiste pas à établir l’homologie des
centres cérébroïdes ou sus-œsophagiens et des ganglions
pédieux qui sont en même nombre et ont sensiblement
la même position relative chez les Acéphales et les Gas¬
téropodes. Elle réside tout entière dans la nécessité de
trouver, chez les Acéphales une disposition homologue à
celle que représente l’ensemble des ganglions que M. de
Laeaze-Duthiers appelle chez les Gastéropodes, le.centre
asymétrique ; centre
qui comprend typiquement cinq
ganglions : deux ganglions palléaux, deux ganglions intes¬
tinaux et un ganglion viscéral.
A opposer à ce centre asymétrique des Gastéropodes,
on n’a d'ordinaire, chez les Acéphales, que deux ganglions
parfaitement symétriques placés sur le muscle adducteur
inférieur.
Cependant, Babor1 dans un animal qui est très voisin
de la Moule, le Dreissensia Polymorpha, a trouvé les par¬
ticularités suivantes :
Chaque ganglion cérébroïde ou sus-œsophagien est
formé de deux ganglions fusionnés, V-un représentant le
centre sus-œsophagien, Vautre le premier ganglion du
centre asymétrique (l'un des ganglions pleuraux).
Les ganglions
cérébro-pleuraux tétraédriques sont
situés, latéralement, aux encoignures de la bouche et ils
sont réunis par une longue commissure cérébrale.
1 Babor, J.-F. Système nerveux de « Dreissçnsia polymorpha »,
Pal 1. — Sitzungsberichte der Bohmischen Gesellschaft f. Wissenschal't, Mathematik u. Naturkunde. 1895.
A C E P ri A L E S.
LA
M 0 TTI, E
483
Il en part toute une série de nerfs; entre autres, les con¬
nectifs cérébro-pédieux qui vont, comme d’habitude,
rejoindre les ganglions pédieux placés normalement, et
les connectifs, qui réunissent les ganglions cérébroïdes à
la masse nerveuse placée sur le muscle adducteur inférieur.
Ces derniers connectifs présentent, d’après Babor, une
disposition très remarquable.
Les nerfs, en effet, qui partent des ganglions cérébro¬
pleuraux, restent d’abord superficiels dans la paroi du
corps puis s'engagent plus profondément, dans les deux
côtés du pied, se renflent en ganglions situés tout près de
la masse viscérale, avant d’atteindre le centre nerveux
situé sur le muscle adducteur inférieur.
Sur le trajet des connectifs, unissant les ganglions
cérébroïdes aux ganglions situés sur le muscle adducteur
inférieur, se trouveraient donc deux ganglions, qui pour¬
raient être homologués aux ganglions intestinaux du
centre asymétrique des Gastéropodes, car, ajoute l’au¬
teur : ces ganglions sont situés, comme chez les Gastéro¬
podes, dans la commissure viscérale, intercalés latérale¬
ment, et ils innervent (au moyen de deux nerfs latéraux
très fins) la branchie et le manteau.
Les faits exposés par Babor semblent apporter une con¬
firmation à la découverte faite antérieurement par Pelseneer dans la Nucula d’un ganglion pleural distinct du
ganglion cérébroïde, et donner un appui sérieux à l’idée
soutenue par cet auteur, qu’il existe un rapport intime
entre les différentes parties du système nerveux des Acé¬
phales et des Gastéropodes.
Cependant, je dois faire quelques réserves à ce sujet,
484
ZOOLOGIE
DESCRIPTIVE
car M. d’Hardivilliers 1 a trouvé sur des Spondyles, que
j’avais rapportés d’un voyage dans la mer Rouge, une
disposition très remarquable et qui contredit en partie les
faits exposés plus haut.
Dans ces animaux, en effet, les ganglions pédieux sont
unis directement par une longue commissure aux gan¬
glions situés sur le muscle adducteur inférieur.
Donc, si les idées de Pelseneer sont justes, il faut
admettre que les ganglions pleuraux (les deux premiers
ganglions du centre asymétrique) sont* situés chez les
Acéphales, tantôt en contact avec les ganglions cérébroïdes,
tantôt, reportés très loin sur le muscle adducteur inférieur
où ils seraient fusionnés avec les autres ganglions.
Cela ne paraît pas très probable et, en conséquence, il
est prudent de faire des réserves sur une homologie com¬
plète entre le système nerveux de b Acéphale et celui des
Gastéropodes. Dans tous les cas, on ne trouve l’équiva¬
lent, dans aucun Acéphale, du troisième collier constitué
chez les Gastéropodes par les ganglions stomato-gastriques ou labiaux.
Chez la Moule, la division du ganglion cérébroïde en
deux centres n'est pas visible et il n'existe pas de renfle¬
ments ganglionnaires sur le trajet du connectif cérébroviscéral.
Préparation du système nerveux de la Moule. — Pour
préparer le système nerveux de la Moule, il faut enlever l’ani¬
mal de la coquille, le coucher sur la face dorsale et étaler le
manteau de manière à disposer le sujet, la face ventrale dirigée
vers le haut.
1 D’Ilardevilliers. Comptes rendus de VAcadémie des sciences, 1892.
ACEPHALES.
LA
MOULE
485
On aperçoit immédiatement Jes palpes labiaux qui entourent
la bouche; au-dessous, et sur la ligne médiane, on distingue le
pied qui porte le byssus, et les branchies qui viennent se sou¬
der au-dessous de lui (fig. 532).
On doit rechercher tout d'abord les ganglions viscéraux.
Ils sont faciles à préparer, car ils offrent une connexion cons¬
tante avec le muscle adducteur inférieur des valves, à la face
ventrale duquel ils sont toujours situés (fig. 543). Pour les mettre
en évidence, il suffit donc de trancher le point d’union des
branchies sur la ligne médiane, au-dessous de la bosse génitale.
On les aperçoit alors par transparence au milieu du tissu
conjonctif, ils sont souvent colorés en jaune pâle.
De chacun des ganglions part une série de nerfs; celui qui se
rapproche le plus de la ligne médiane est le plus intéressant.
C’est le fil conducteur qui va permettre de disséquer le reste du
système nerveux et de trouver le centre sus-œsophagien et les
ganglions pédieux.
Il se dirige vers la bouche, d’abord visible dans la dissection,
puis il s’enfonce progressivement au milieu du tissu brunâtre
du corps de Bojanus.
Il faut le suivre, dans toute sa longueur, par une dissection
attentive, il conduira à l’un des ganglions sus-œsophagiens
situé au niveau de la commissure des lèvres. Il représente, en
effet, le connectif cérébro-viscéral de la Moule.
Pour atteindre l’un des ganglions pédieux, il faut partir du
ganglion sus-œsophagien et suivre le connectif cérébro-pédieux
qui réunit ces deux centres.
Dans la Moule, la dissection de ce connectif est facilitée par¬
ce fait que les connectifs cérébro-viscéraux et cérébro-pédieux
sont coalescents à leur point de départ sur une certaine lon¬
gueur. Au moment de leur séparation, le connectif cérébro-pé¬
dieux est recouvert par un gros muscle (muscle adducteur anté¬
rieur du pied) qui se voit sans dissection.
Pour isoler le connectif cérébro-pédieux, il suffit de réséquer
ce gros muscle dans sa portion la plus voisine de la bouche et
de le soulever en disséquant soigneusement salace inférieure ou
dorsale.
h.
31.
486
ZOOLOGIE
DESCRIPTIVE
Organes des sens. — Les organes des sens sont peu
développés chez les Moules, les yeux ne sont pas représen¬
tés chez l'adulte, comme dans le Pecten. Chez la Moule
adulte, on ne connaît pas non plus les otocystes; l'organe
du tact existe cependant, et est particulièrement développé
sur les palpes labiaux, le pied et les bords du manteau.
On doit noter, à ce propos, que les grands nerfs qui
partent des ganglions cérébroïdes et des ganglions viscé¬
raux vont innerver le bord du manteau, sans que la dis¬
section permette de délimiter nettement la région située
sous la dépendance.
Les yeux peuvent exister cependant (ils sont d’ailleurs
représentés chez la Moule aux stades larvaires) ainsi que
les otocystes.
Si ces organes sont mal représentés chez la Moule
adulte, il n’en est pas de même chez tous les Acéphales.
On rencontre fréquemment des otocystes dans l’épais¬
seur du pied. Dans Nucula Pelseneer en a trouvé une
forme remarquable, constituée par une simple invagina¬
tion épithéliale remplie de grains de sable ou de corps
étrangers. Les otocystes sont toujours reliés aux gan¬
glions cérébroïdes, selon la loi que M. de Lacaze-Duthiers
a mis en évidence pour les Gastéropodes.
Organe palléal.
— On doit également signaler chez la
Moule, un organe hypothétique qu’il ne faut pas confondre
avec les organes gaudronnés de Sabatier qui seront décrits
avec les organes respiratoires.
Cet organe hypothétique (organe palléal, Osphradium)
est, peut-être, l’homologue des deux points rouges que
A C EI' II A L E S.
LA
487
MOULE
nous avons décrits dans la cavité dorsale de la Patelle,
sous le nom de fausse branchie.
Il est constitué par un renflement ganglionnaire, situé
sur chacun des deux grands nerfs qui se détachent de la
masse viscérale, au niveau du repli de la brancliie. Il est
formé par un épithélium élevé, au-dessous duquel se trou¬
vent quelques lacunes. Quelques auteurs lui attribuent le
rôle d’organe olfactif.
Description générale des branchies. — Les bran¬
chies, chez les Acéphales en général, sont des organes
pairs, situés de chaque côté du pied, le long de la paroi
interne du manteau. Elles sont consti tuées (quand l’organe
est complet) par quatre feuillets de chaque côté :
1° Deux feuillets directs ;
2° Deux feuillets réfléchis.
Chaque feuillet se compose de nombreux filets garnis
de cils vibratiles.
Tantôt, dans les Acéphales, les filets restent libres et
ne contractent aucune adhérence. Tantôt les filets peuvent
se souder par place (constituant ainsi un treillage).
Les feuillets réfléchis internes se soudent alors entre
eux, et les feuillets réfléchis externes se soudent avec le
bord du manteau.
Par suite de cette disposition, la cavité centrale du corps
de P Acéphale, limitée par le manteau, se trouve subdivi¬
sée en deux cavités superposées, a et b (lig. 545).
Les cils vibratiles de la branchie déterminent par leurs
mouvements un courant ascendant, dirigé vers la bouche,
dans la cavité a, et descendant dans la cavité ô, où s’ouvre
l’anus.
il
31..
488
ZOOLOGIE
DESCRIPTIVE
La Moule représente un type intermédiaire entre les
deux cas que nous venons d’indiquer.
La branchie de la Moule, considérée dans son ensemble
et avant toute altération, a l’aspect d’une lame continue
étalée dans le sens perpendiculaire à sa longueur. Mais,
si on la touche sans de grandes précautions, elle se fend
sur un ou plusieurs points et si l'on continue à l'agiter,
Coupe schématique de deux Acéphales indiquant la disposition
des feuillets branchiaux (d’après II. de Lacaze-Duthiers).
elle se divise et se décompose en un très grand nombre
de filets très déliés, correspondant aux stries tines qui
caractérisent l’aspect de la branchie intacte.
| 2,268
|
tel-04430080-va_Guichoux_Arthur.txt_30
|
French-Science-Pile
|
Open Science
|
Various open science
| null |
La démocratie à l'épreuve des places : sociologie des rassemblements 15M, Gezi, Nuit debout. Sociologie. Université Paris Cité, 2021. Français. ⟨NNT : 2021UNIP7387⟩. ⟨tel-04430080v2⟩
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None
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French
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Spoken
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| 11,364
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L’appel à faire converger les luttes ne reviendrait-il pas à placer le collectif qui l’énonce à se placer au centre de l’espace des mouvements sociaux et ainsi de reproduire un rapport de subordination « centre » - « périphérie »? Ce qu’on pourrait qualifier d’angle mort « post-colonial » éclaire un débat récurrent des « mouvements de places » si on se réfère au cas-fenêtre Occupy Wall Street. Ainsi la déclaration de l’Assemblée Générale d’Occupy à New-York2096 a fait l’objet de vifs débats autour de la notion de race. Une première version énonçait « qu’il n’y a qu’une seule race, la race humaine2097 ». De retour d’une réunion du collectif South Asians for Justice (Asiatiques du Sud pour la justice), Manissa Maharawal, engagée dans plusieurs collectifs antiracistes, se ligue avec plusieurs amies contre cette phrase placée en exergue parce qu’elle « bannissait le souvenir de toutes les relations de pouvoir et ne tenait aucun compte de décennies d’oppression2098 ». A ses yeux, cette phrase nie l’expérience de l’oppression et de l’assignation vécue au quotidien en tant que Noire. Pour sa première participation à Occupy Wall Street, elle prend donc l’initiative de bloquer la proposition du texte en dépit des tentatives de dissuasion par des participants plus anciens qui les enjoignent à envoyer leurs préoccupations par mails (« on nous a dit que « bloquer » la déclaration, c’était très sérieux »). Manissa et ses camarades de lutte finissent par obtenir gain de cause en introduisant un paragraphe qui mentionne « l’inégalité et la discrimination sur le lieu de travail basée sur l’âge, la couleur de la peau, le sexe, l’identité de genre et l’orientation sexuelle2099 ». Et Manissa de conclure : « Ça valait la peine de s’asseoir à un coin de rue dans le Financial District à 23H30 un jeudi soir, après une journée de travail, et d’argumenter pour faire changer la première ligne de la Déclaration d’occupation de la ville de New York2100 ». Elle interprète la suppression de cette ligne comme une victoire contre le « daltonisme libéral » 2095 Intervention d'Almamy Kanouté lors de l’assemblée, militant du mouvement « Emergence », Place de la République 40 mars, Nuit debout Paris. Il évoque la possibilité d’une « fusion entre les parisiens et les banlieusards ». 2096 Trois cents personnes participent à l’assemblée ce soir-là. 2097 Voici l’extrait de la version provisoire de la déclaration d’Occupy Wall Street : « Comme un seul peuple uni, autrefois divisé par la couleur de notre peau, notre sexe, notre orientation sexuelle, notre religion, ou notre absence de religion, notre parti politique et notre milieu socioculturel, nous reconnaissons la réalité : qu’il n’y a qu’une seule race, la race humaine » 2098 Manissa MAHARAWAL, « Tenir tête » in COLLECTIF,
Occupy Wall Street! Textes, Essais et témoignages des indignés,op cit, p. 62 - 70. 2099 Ibid. 2100
Ibid, p
. 68 – 69. 418 (« liberal colourblindness2101 ») de l’hémisphère gauche du champ militant états-unien et de son analyse lacunaire de la violence, y compris dans les espaces protestataires.
2.2.3. Des mouvements de classes? Bien qu’elles restent minces et fragmentaires, les données quantitatives dont on dispose concernant la sociographie des rassemblements 15M, Gezi et Nuit debout confirment la surreprésentation des classes intermédiaires urbaines, plus diplômées que la moyenne nationale mais également plus précarisées, qui vivent ou travaillent dans les centres-villes où se situent les places. L’absence manifeste ou la sous-représentation de groupes sociaux plus démunis en ressources (ce qui peut faire obstacle à la mobilisation mais pas systématiquement si on tient compte de la fréquence des mobilisations dites « improbables 2102 ») fait question pour des mobilisations qui développent une rhétorique qu’on peut qualifier de « populiste2103 ». L’absence de données fiables sur le cas barcelonais 2104 invite à la prudence : il n’est pas question de raisonner à partir d’un individu-type ou moyen qui correspondrait au jeune diplômé des classes moyennes au début des années 2010 en Espagne. Même si l’apparition du 15M ne peut probablement pas être dissociée de la crise des débouchés que connait la génération des mileuristas, ces jeunes diplômés au chômage ou dans des emplois précaires qui vivent encore chez leurs parents faute de mieux (son hybridation avec le 15M a donné l’expression de quincemileuristas). C’est un élément à prendre en considération pour comprendre la prégnance du discours méritocratique tenu par une frange des « jeunes indignés 2105 » dans « un mouvement social jeune mais pas adolescent 2106 » où sont surreprésentés les étudiants et diplômés. A Barcelone, les militants libertaires issus des squats Okupa, les néo-activistes de Democracia Real Ya!, les affiliés au parti de gauche (Izquierda Unida, Revolta Global) mais 2101 Joel OLSON,
Whiteness and the 99%. We are Many: Reflection of Movement Strategy From Occupation to Liberation, 2012, p. 46-51.
2102 Les mobilisations improbables déjouent les pronostics des approches trop mécanistes par les mobilisations d’ouvrier immigés et de prostituées dans les années 1970 en France : Choukri HMED, « Contester une institution dans le cas d'une mobilisation improbable: la « grève des loyers » dans les foyers Sonacotra dans les années 1970 », Sociétés contemporaines, 2007, n° 1, p. 55-81 ; Lilian Mathieu, « Une mobilisation improbable: l'occupation de l'église Saint-Nizier par les prostituées lyonnaises », Revue française de sociologie, 1999, p. 475499. 2103 Pour Gerbaudo, le populisme renvoie au pôle discursif du référentiel « citoyenniste ». 2104 Kerman CALVO, Teresa GOMEZ-PASTRANA, Luis MENA, « Mouvement 15M : qui sont-ils et que revendiquent-ils? », Zoom Politico, Université de Salamanque, avril 2011. Enquête menée sur un échantillon de plus de 250 personnes entre le 26 et le 30 mai sur la place de la Constitution de Salamanque. 2105 2105 Carlos TAIBO, « The Spanish indignados: A movement with two souls », European Urban and Regional Studies, 2013, vol. 20, n° 1, p. 155-158.
L’expression mileuristas désigne les jeunes diplômés qui
vivent une
crise
des débouchés professionnels 2106 Ibid. 419
aussi les travailleurs en grève du secteur public et privé local et l’
association de la PAH qui milite pour l’accès au logement forment
une mosaïque qui invite à se tenir à distance des schèmes explicatifs trop simplificateurs. Il en va de même pour l’occupation du parc Gezi et de la place Taksim où, compte-tenu de l’hétérogénéité sociale et politique des protagonistes, « la classe en elle-même ne fonctionne [...] pas comme une variable explicative pour les manifestations de Gezi » au contraire de « l’orientation politique et culturelle » des manifestants2107. Si Erdem Yörük et Murat Yüksel conviennent que le parc Gezi est davantage prisé par les « cols blancs » (on y trouve moins d’ouvriers, d’employés et de professions intermédiaires que de cadres et de professionnels, ce que corroborent les profils rencontrés pendant l’enquête), primo-manifestants pour une bonne partie d’entre eux2108, les deux auteurs battent en brèche l’hypothèse2109 d’une mobilisation de classe. Celle-ci présente au contraire une transversalité remarquable puisque les revendications ne visaient pas « d’abord le capital et les capitalistes, mais avant tout le gouvernement Erdoğan2110». L’enquête collective menée place de la République pendant Nuit debout fait état d’une homogénéité des rassemblements parisiens qui seraient donc sectorisés. Avec un échantillon de 511 participants, elle conclue qu’en dépit de « leur caractère composite, les deboutistes se recrutent surtout dans les milieux artistiques, médiatiques et universitaires, tous trois en crise2111 ». Avec la moitié des enquêté.e.s qui sont désignés comme des « créatifs culturels » issus des mondes de l’art, de l’enseignement supérieur, des médias et des associations, le caractère sectoriel des rassemblements Nuit debout à Paris s’expliquerait par une mobilité sociale descendante favorisée par une précarisation professionnelle. Les deboutistes interrogés appartiennent en majorité aux « mondes professionnels de la culture, de l’université,
2107 Erde
m
YÖRÜK
,
Murat YÜKSEL, « Classes et politique dans les manifestations de Gezi en Turquie »,
Agone
, n° 3, 2016, p. 79-100.
2108 D’après l’enquête de Konda, 79 % des personnes interrogées présentes au parc déclaraient n’appartenir à aucune organisation politique et 94 % disaient y être venus en tant que personnes individuelles et non pour représenter un groupe. Pour 55 % d’entre elles, le mouvement de contestation de Gezi était leur première manifestation politique. 2109 On peut remarquer que cette hypothèse est partagée par ceux qui déchiffrent Gezi à l’aune d’une prolétarisation des classes moyennes (des prolétaires en col blanc) ou au contraire d’une surreprésentation des classes moyennes au détriment des « vrais » prolétaires qui seraient absents. cf. Çaglar KEYDER « The New Middle Class », Bilim Akademisi, 2014; Cihan TU
GAL
, « Resistance Everywhere? The Gezi Revolt in Global
Perspective
»,
New
Perspective s on Turkey, 2013, n° 49. 2110 Erdem YÖRÜK, Murat YÜKSEL, « Classes et politique dans les manifestations de Gezi en Turquie », op cit. 2111 COLLECTIF, « Déclassement sectoriel et rassemblement public : éléments de sociographie de Nuit debout place de la République », Revue française de science politique, vol. 67, n° 4, 2017, p. 675-694. L’enquête a été conduite sur la place de la République sur la base d’un échantillon de 511 participants en avril 2016. Des mêmes auteurs : COLLECTIF, « Qui vient à Nuit Debout? Trois méthodes pour une question », Sociologie, 2020, vol. 11, no 3, p. 251-266. 420 notamment des sciences humaines, des médias, et dans une moindre mesure de l’informatique et de l’associatif2112 ». Ceci étant, l’hypothèse d’une mobilisation par le
déclassement
semble trop ré
du
ctrice
. L’hypothèse de « mouvements de classes » ne résiste pas à l’examen si on considère que malgré leur proximité sociale, celles et ceux qui se font protagonistes ne représentent qu’une fraction des groupes sociaux en question. Mieux vaut se garder d’une lecture mécaniste des propriétés sociales2113 des acteurs qui ne tiendrait pas suffisamment compte des trajectoires d’engagement, des sphères de socialisation et des parcours de vie. Leur attitude vis-à-vis de l’ordre établi – adhésion, interrogation, subversion... - n’est pas déterminée à l’avance. Les enquêtes quantitatives produites in situ ont le mérite de produire une photographie à un instant t de phénomènes collectifs éphémères ; elles n’en restent pas moins limitées, comme tout mode de collecte de données, par ce qu’elles laissent hors-champ. Une hypothèse explicative tient à ce que les « mouvements de places » mobilise davantage une grammaire du peuple que de la lutte des classes, celle-ci n’étant pas absente pour autant. Les discours que produisent ces collectifs émergent s ne visent pas en premier lieu les producteurs ou détenteurs du capital mais directement ceux qui exercent le pouvoir politico-administratif. Cela ne signifie pas que ces mobilisations sont dénuées d’enjeux matériels – les politiques publiques du logement, de la santé et de l’emploi, le droit à la ville, le code du travail français... - mais qu’elles s’indexent en priorité sur des situations vécues comme une dépossession démocratique.
2.3. Les angles
morts
du «
99% »
La sociologie des « Places » met en
évidence les limites
des approches post-marxistes
et
en
particulier
des
thé
ories de l’hégémonie
en tant que
stratégie majoritaire. Qu’ils émergent des analyses ou des discours émiques, les éléments de controverses qu’on vient d’exposer rappellent que les collectifs 15M, Gezi, Nuit debout sont aussi traversés par des revendications minoritaires2114 qui les mettent sous tension. Passer les rhétoriques super-majoritaires au tamis « intersectionnel » éclaire avec force l’impensé des stratégies qu’on peut qualifier de 2112 COLLECTIF, « Déclassement sectoriel et rassemblement public », Revue francaise de science politique, 2017, vol. 67, n° 4, p. 675-693.
2113 Olivier FILLIEULE, Bernard PUDAL, « Sociologie du militantisme. Problématisations et déplacement des méthodes d'enquête », Penser les mouvements sociaux. Conflits sociaux et contestations dans les sociétés contemporaines, La Découverte, 2010, p. 163 – 184. 2114 Gilles DELEUZE, Félix GUATTARI, Mille Plateaux, Éditions de Minuit, 1980. 421
« majoritaires ». Celles-ci prennent le risque de diluer les différences sociales dans des ensembles trop vastes ou indéfinis (des « signifiants-vides » pour reprendre le terme de Laclau) au risque que cet impensé reproduise « la violence des appareils d’Etat ou du pouvoir d’Etat2115 ». Ce point soulève une difficulté théorico-méthodologique centrale pour une approche qui s’est développée dans le sillage du linguistic turn des années 19802116. La théorie du populisme de Laclau et Mouffe pâtit en effet d’un biais logocentrique qui tend à faire de la politique une lutte sémantique. L’application stricte du postulat constructiviste aux identités politiques ne tiendrait pas assez compte des conditions socio-historiques dans lesquelles s’insèrent les « jeux de langage » (Wittgenstein). S’il est indéniable que les identités collectives comportent une part de contingence, cette malléabilité ne doit pas conduire à négliger l’inertie des structures sociales et historiques qui exercent une force gravitationnelle sur les acteurs. Les collectifs d’appartenance pluriels dans lesquels s’inscrit tout individu sont le produit d’une histoire qui en forme le sol inébranlable à partir duquel il est possible de se mouvoir et de se redéfinir au fil de ses expériences socialisatrices. Cette critique théorique devient plus concrète quand on la rapporte aux objections qui visent la rhétorique citoyenniste dont l’appel au « 99% » est exemplaire. En faisant du citoyen le plus petit dénominateur commun, celle-ci tend à désenchâsser les individus des rapports sociaux dont ils sont à la fois les produits et les producteurs. La schématisation du « haut » et du « bas », du « 99% » et du « 1% » tend à oblitérer les antagonismes qui segmentent le corps social de part en part. L’autre limite des approches populistes tient au présupposé selon lequel les « mouvements de places » requièrent une traduction institutionnelle pour devenir politique et construire un peuple par sa mise en forme électorale. Or les slogans qui ont tissé la trame des « mouvements de places » peuvent aussi se déchiffrer comme des claim representative. L’expression de Michel Saward, qu’on peut traduire par « prétention à représenter », refuse de réduire la représentation politique à sa définition électorale. Elle ouvre des perspectives stimulantes pour saisir ce que disent les occupations de places urbaines de la démocratie.
2.4. Le peuple en représentation Interroger les « Places » à l’aune des claim representative suppose de préciser au préalable ce qu’on entend par « représentation ». Cette
étape de clarification
semble d’a
utant plus
nécessaire 2115
2116 Etienne BALIBAR, Violence et civilité, Editions Galilée, 2010, p. 180. Federico TARRAGONI, « Le peuple selon Ernesto Laclau », La vie des idées, 2017. 422
que le régime mixte du gouvernement représentatif tend de plus en plus à se confondre avec l’idée de démocratie tandis que son principal élément aristocratique, l’élection, tend de son côté à absorber la notion de représentation. Ce sont pourtant deux postulats sérieusement remis en cause par la science politique. Hanna Pitkin donne une définition de la représentation comme une activité substantielle qui découle du vote et consiste à « agir pour autrui ». Elle n’a donc pas grand-chose en commun avec la représentation-autorisation de Hobbes qui visait à légitimer la souveraineté absolue du monarque2118. Pour Hobbes, les représentés n’ont pas d’existence en dehors du représentant qui incarne la multitude et l’unité politique du corps social en dehors de toute élection. La conception générique de Pitkin se situe à équidistance d’une conception maximaliste de la représentation qui procède par identification du représentant aux représentés et des thèses minimalistes où le représentant se contente de faire de la figuration (standing for) sans rendre de compte aux représentés. Ce positionnement intermédiaire fait ressortir en creux les principaux usages théoriques de la représentation qui tournent autour de trois axes distincts : - La représentation comme mandat au sens juridico-politique, qui repose sur la délégation à une entité supposée rendre des comptes ; - La représentation comme incarnation (représentation-identité) qui « dans sa forme pure [...] diffère de la représentation-mandat en ce qu’elle n’implique ni un consentement explicite de l’entité représenté, ni une reddition des comptes formelle aux représentés2119 » ; - La représentation par la présentification qui manifeste ce qui est absent2120 et présente une dimension théologico-politique2121. 2118 La conception générique dont Pitkin dégage les principaux traits se distingue de la représentation-autorisation hobbesienne dans la mesure où les représentés existent indépendamment de la représentation en tant qu’individus porteurs de droits ; la représentation consiste à « rendre présent à nouveau » le collectif.
Thomas HOBBES, Léviathan, Livre 1, Chapitre 16, 1651 Hanna F. PITKIN, The concept representation, Berkeley, University of California Press, 1967. cf: Hanna F. PITKIN, Samuel HAYAT, « La représentation politique », Raisons politiques, 2013, no 2, p. 35-51. 2119 Yves SINTOMER, « La représentation-incarnation: idéaltype et configurations historiques », Raisons politiques, 2018, n° 4, p. 21-52.
2120 Une distinction liminaire oppose la représentation-figuration, qui est « transitive » au sens où on représente quelque chose ou quelqu’un, de la représentation performative ou « intransitive » où l’objet n’existe pas en dehors de l’acte de représenter. Sur ce point, on renvoie aux travaux de l’historien Roger Chartier, en particulier
: Roger CHARTIER, The Meaning of Representation in Annales, 1989, p. 1505 – 1520. Pour une généalogie des usages esthétiques et politiques de la représentation, Yves SINTOMER, « Les sens de la représentation politique : usages et mésusages d'une notion », Raisons politiques, 2013, no 2, p. 13-34. 2121 Claude LEFORT, « Permanence du théologico-politique? » in Essais sur le politique. XIXe-XXe siècles, op cit, p. 275 – 329. 423
La première conception, la plus courante dans les régimes dits « démocratiques », « s'enracine dans la tradition révolutionnaire française et américaine qui comprend la représentation au sens exclusif de la démocratie représentative, comme ensemble des attributions de charges déterminées par le vote et confiées pour une durée déterminée2122 ». La seconde procède d’une représentation par similarité et peut se rapprocher, dans le cas des mouvements sociaux, d’une « politique de la présence2123 » qui récuse le fait que les idées puissent être déconnectées de l’expérience vécue. La troisième, enfin, suit la dialectique du modèle et de l’image et consiste donc à « rendre présent » ce qui ne l’est pas (par exemple le peuple). Ces trois acceptions ne sont pas exclusives et peuvent se combiner. Déplier le concept de représentation permet d’éviter de le confondre avec sa signification électorale devenue hégémonique. La représentation n’est pas qu’une délégation ou un « transfert de pouvoir entre deux entités sociales constituées » ; elle relève avant tout d’un processus d’institution, c’est-à-dire « la constitution, par un individu ou par un groupe signifiant, d’un groupe signifié, qui acquiert par là un statut de sujet politique2124 ». En ce sens, la rhétorique du « 99% » soulève la question de l’écart entre le groupe signifiant et le groupe signifié, entre le « peuple des places » et le peuple comme « entité indéfiniment problématique2125 » tout en la déplaçant sur le terrain de la représentation incarnation. C’est l’argument développé par Yves Sintomer : les « mouvements de places » font partie des mouvements sociaux qui contestent la représentation mandat (ou la mal-représentation) et constituent un cas-limite de représentation qui tend à relativiser la division représentantsreprésentés2126 puisqu’en principe, n’importe qui peut participer. Cette observation va dans le sens de la problématique de Michael Saward 2127 redéfinit la représentation par des « prétentions à représenter » au cours desquelles un auteur (« a
maker
»
) 2122 Hasso HOFMANN, « Le concept de représentation : un problème allemand? », Raisons politiques, vol. 50, no. 2, 2013, pp. 79-96. Traduit par Gaëtan Pégny et Yves Sintomer. 2123 Anne PHILIPPS, « Stratégies de la différence: politique des idees ou politique de la présence? », Mouvements, 1999, vol. 3, p. 92-101. 2124
Les analyses
de Pierre Bourdieu
sont particulièrement éclairantes sur ce point
. Pierre BOURDIEU, « La représentation politique », Actes de la recherche en sciences sociales. vol. 36-37, 1981. La représentation politique-1. pp. 3-24 ; Pierre BOURDIEU, « La délégation et le fétichisme politique », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 52, 1984, p. 49-55. 2125 Antoine CHOLLET, « « Peuple-Un » ou dèmos : les figures du peuple chez Lefort et Castoriadis » in POIRIER Nicolas (dir.), Cornelius Castoriadis et Claude Lefort : l’expérience démocratique, Lormont, Le Bord de l’eau, 2015. 2126
Par symétrie avec les cas où « où la voix des représentés est totalement absorbée dans celle des représentants
». cf Yves SINTOMER, « La représentation-incarnation: idéaltype et configurations historiques », Raisons politiques 4 (2018): 21-52. 2127 Comme nous le verrons, l’analyse des mouvements de places comme « revendication de représentation » ne fait pas l’unanimité : Thomas ZICMAN DE BARROS, « Not All Claims Are Representative Claims’: Constructing ‘The People’in Post-Representative Movements » Representation, 2020, p. 1-16. L’approche de Michaël Saward se trouve dans : Michael SAWARD, « The Representative Claim », Contemporary political 424 signifie devant un public (« audience ») une relation entre un sujet et un objet à partir d’un référent (le « peuple », les « classes sociales », la « nation »...). La problématique des representative claims amorce un tournant constructiviste 2128 qui paraît cependant tardif par rapport à la théorie politique francophone qui avait abordé de longue date ces questions, que ce soit sous un angle libéral avec Lefort2129 ou plus critique dans les travaux de Bourdieu2130. Selon Saward, les prétentions à la représentation relèvent de combinaisons multiples : les intérêts d’un groupe socio-professionnel, les droits des non-humains, les besoins étendus à l’humanité entière... Force est de préciser que les prétentions ne doivent pas être interprétées à l’aune d’un constructivisme naïf qui présupposerait une autonomie du discours vis-à-vis de l’ordre des pratiques2131. La structure triadique met en jeu un tiers, ce qui confère aux claim representative une dimension politique2132. « Cette prétention peut ou non être couronnée de succès. Elle peut ou non inciter les représentés à participer à l’acte de représentation, et peut ou non augmenter leur pouvoir d’agir2133 ». Qu’elles soient légales ou non, les prétentions à représenter le peuple prennent appui sur des mythes, des symboles, des institutions qui les précèdent. La force de cette approche est de sortir la représent de l’ornière électorale sans nier la possibilité de leur articulation. La construction sociale de la représentation ouvre une perspective extrainstitutionnelle puisque, en dehors des organisations non-gouvernementales, des partis politiques, des syndicats ou des personnalités publiques2134, les mouvements sociaux peuvent être porteurs de prétentions à la représentation. Suivant cette voie, les rassemblements de places 15M, Gezi, Nuit debout peuvent s’analyser à l’aune des prétentions à représenter le « peuple » que multiplient protagonistes et antagonistes, gouvernés et gouvernants. theory, 5 (3), 2006, p. 297-318. Michael SAWARD, The Representative Claim, Oxford University Press, 2010.
Pour Saward, la représentation résulte d’une activité de revendication (claim making) dans laquelle « un auteur de représentation (M) met en avant un sujet (S) qui représente un objet (O) relié à un référent (R) devant un public (audience, A
). ». On consultera aussi : Virigine DUTOYA, Samuel HAYAT, « Prétendre représenter la représentation politique comme revendication », Revue Francaise de Science Politique, 2016, vol. 66, n° 1, p. 725. 2128 Sofia NÄSSTRÖM, « Where is the representative turn going? ». European journal of political theory, 2011, vol. 10, n° 4, p. 501-510. 2129 Claude LEFORT, « Démocratie et représentation » in COLLECTIF, Métamorphoses de la représentation politique au Brésil et en Europe, Paris, 27-29 avril 1989, 1991, p. 223-232. 2130 Pierre BOURDIEU, « Le mystère du ministère », Actes de la recherche en sciences sociales, 2001, no 5, p. 711. 2131 Cyril LEMIEUX, « Peut-on ne pas être constructiviste? », Politix, 2012, n° 4, p. 169-187. 2132 Thomas FOSSEN, « Constructivism and the Logic of Political Representation », American Political Science Review, 2019, vol. 113, no 3, p. 824-837. 2133 Yves SINTOMER, « La représentation-incarnation : idéaltype et configurations historiques », op cit, p. 22 2134 Laura MONTANARO, « The democratic legitimacy of self-appointed representatives », The Journal of Politics, 2012, vol. 74, no 4, p. 1094-1107. « Les indignés se sentent autorisés à dire qui est le peuple et à nier [la] légitimité des représentants2135 » déclarait en mai 2011 Esperanza Aguirre, présidente de la Région de Madrid, en réponse aux misrepresentative claims des quincemayistas. « Ils ne nous représentent pas » constitue en effet un des principaux slogans lancés par la plate-forme Démocratie Réelle Maintenant! et repris sur les places. Il dénonce la mal-représentation par le bipartisme espagnol (par exemple dans les slogans : « PSOE et PP c’est la même merde2136 », « Ni PSOE, ni PP ») tout en exprimant une prétention à parler au nom de ceux d’en bas (« Si ceux qui sont en bas bougent, ceux qui sont en haut tombent2137 » ; « Ce n’est pas une question de gauche contre la droite, mais du bas contre le haut2138 »). Sur les places espagnoles, la sémantique du « peuple » est omniprésente que ce soit dans les discours ou les slogans. Après avoir la tentative d’expulsion du 27 mai 2011, des pancartes fleurissent sur la place de la Catalogne pour clamer la victoire du peuple : « Le peuple a gagné (« El poule guanya2139 »). « Ils se prétendent le peuple mais ne voient pas la masse de tous ceux qui ne vont pas au Parc Gezi2140 » : le rappel à l’ordre d’Erdogan s’arrime à une conception majoritarianiste du peuple à laquelle les manifestants opposent l’identification à la place Taksim (« Nous sommes Taksim! attention le gouvernement tue2141 »). Les rappels à l’ordre du président français sont plus nuancés2142 invitant à traduire « l’envie de changer le monde [...] dans une perspective politique, ce qu’on appelle un débouché politique, un débouché démocratique ». Il ajoute « qu’il n’y a jamais rien qui remplacera le vote et la démocratie et le suffrage universel 2143 » reproduisant une hiérarchisation classique entre la politique des institutions et de la rue. Place de la République, une inscription blanche sur les dalles grises indique : « Bienvenue en démocratie » identifiant Nuit debout « au » peuple qui s’assemble.
2135 Íñigo ERREJÓN, « We the people El 15-M:¿ Un populismo indignado? », ACME: An International Journal for Critical Geographies, 2015, vol. 14, no 1, p. 124-156.
2136 Le discrédit des partis de droite et de gauche est une constante des slogans 15M. En voici un autre exemple : « Où est la gauche? Au fond à droite ». (« ¿Dónde está la izquierda? Al fondo a la derecha »). 2137
FOTOMOVIMIENTO, « Si ceux d’en bas
bougent
, ceux d’en haut tombent »
(
en espagnol
«
Si
se mueven los
de
abajo
,
ca
en
los
de
arriba
»), sans date. 2138 En version originale : « Esto no es una cuestión de izquierda contra derechas, es de los de abajo contra los de arriba ». C’est un slogan qui circule activement en 2011 pendant le 15M. 2139 El despertar de los places ; Le réveil des places. Un an de 15M, documentaire réalisé par Jordi Oriola Folch et Mariela Acjia, 2012. 2140 Discours d’Erdogan à Pursaklar, traduction par Pierre Pandelé, 9 juin 2013 2141 Archives personnelles, « Nous sommes Taksim! attention le gouvernement tue », Istanbul, sans date. 2142 Par opposition avec la position d’Erdogan pour qui les manifestations sont extérieures à la démocratie. Dans son discours du 6 juin, il enjoint les concitoyens à « se retirer de ce jeu sale, de ces manœuvres politiques, de ces manifestations illégales qui visent la démocratie ». Discours d’Erdogan, Istanbul, 6 juin 2013, traduit par Pierre Pandelé.
2143 Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur la Gauche au pouvoir et sur la politique gouvernementale, Paris, 3 mai 2016.
426 Les références au « peuple » ne s’articulent cependant pas de la même façon. Les « mouvements de places » 15M et Nuit debout se structurent autour d’une opposition « peuple » - « élites » qui renvoie à un conflit de légitimité. A l’axe vertical de l’onction électorale des gouvernés par les gouvernants s’oppose l’axe horizontal des processus de légitimation et de transactions multisectorielles entre les élites des champs politique, économique, financier et patronal2144 à une échelle nationale ou intergouvernementale. La configuration turque est plus spécifique dès lors que la rhétorique anti-élitiste constitue un des principaux répertoires discursifs du Parti de la Justice et du Développement contre les élites kémalistes. Il faut aussi préciser que le populisme constitue un principe fondateur de la République Turque gravé dans le marbre constitutionnel. Cet usage officiel du populisme le halkçılık en turc, « consistait à légitimer l’exercice du pouvoir par la référence à une inspiration populaire 2145 ». Dans ses discours publics pendant les dix-huits jours de Gezi, le premier ministre Erdogan convoque une conception ethno-nationaliste du peuple (le millet). Le 6 juin 2013, à l’aéroport d’Istanbul, il déclare : « Mes frères! C'est la nation [millet], et elle seule, qui choisit le dépositaire du pouvoir. La nation est dépositaire du pouvoir et personne d'autre. Personne ne peut s'en prendre à ce pouvoir ni contester les élections. Nous sommes là depuis dix ans et demi, et pendant cette durée nous avons considéré le pouvoir du peuple comme une chose sacrée, nous l'avons protégé comme notre propre vie et nous continuerons de le faire2146». La rhétorique d’Erdogan procède d’une double logique de représentation mandat (d’où son insistance sur le caractère incontestable des élections) et de la représentation incarnation puisqu’il s’adresse à ceux qu’il considère comme des « frères » mettant en scène ses origines populaires. A la prétention électorale qui s’appuie sur une représentation-mandat se couple une prétention extra-électorale qui s’adosse sur une représentation-incarnation 2147. Ses discours charrient également une acception plébéienne du peuple (le halk) qui ressort lorsqu’il tance les maraudeurs (çapulçu) accusés de tout détruire sur leur passage. Il est significatif qu’en inversant ce stigmate, les manifestants rejettent publiquement cette prétention autoritaire à la
2144 Michel DOBRY, « Valeurs, croyances et transactions collusives. Notes pour une réorientation de l’analyse de la légitimation des systèmes démocratiques », Javier SANTISO (éd.), À la recherche de la démocratie. Mélanges offerts à Guy Hermet, Karthala, 2009, pp. 103-120. 2145 Elise MASSICARD, « Le populisme dans la Turquie d’aujourd’hui », Février 2018, CERI. Halkçılık : Les six flèches du kémalisme sont le républicanisme, le révolutionnarisme, l’étatisme, la laïcité, le nationalisme et le populisme.
Bien
qu
’il traduise
une volont
é
de
rupture avec l’ottomanisme, le kémalisme n’a jamais été populiste selon Laclau dès lors qu’il aurait abandonné toute logique équivalentielle propre au populisme
. Cf Ernesto LACLAU, La raison populiste, Seuil, 2005, p. 247.
Le kémalisme cherchait à faire rupture par rapport à l’empire ottoman en construisant « un peuple homogène organisé autour de groupes professionnel
s solidaires et non en strates ou en classes » (Laclau). 2146 Discours d’Erdogan, Istanbul, 6 juin 2013, op cit. 2147 Il est à relever que la solution du référendum a été envisagée pour décider du sort au parc à l’issue de la réunion du 12 juin, ce qui convoque encore une autre figure du peuple ne se confondant pas avec la volonté de son chef. 427 représentation apostrophant le premier ministre par son prénom : « Tayip, tu vas manquer d’essence! », « Démission du gouvernement! Encore du gaz au poivre, allez Tayip! 2148 ». Alors que l’évacuation est imminente le 15 juin 2013, les occupants du parc protestent une nouvelle fois en sautant sur place scandant : « Qui ne saute pas est Tayip2149! ». L’hypothèse des claim representative met en relief les singularités des « mouvements de places ». Dans le cas de la Turquie, le « Nous » se construit dans la logique minoritaire des groupes sociaux opprimés par le gouvernement AKP (Arméniens, Kurdes, Alévies mais aussi femmes, homosexuels, classes urbaines diplômées...). Dans le cas de l’Espagne et de la France, les « indignés » et « deboutistes » prônent « l’émancipation d’une domination imposée par une minorité oppressive 2150 ». Mais les trois configurations soulèvent le même enjeu d’une prétention extra-électorale à représenter le peuple qui procède d’une représentation-incarnation multiple et polyphonique. Sur les places, le travail symbolique n’est monopolisé par aucun groupe ou aucun représentant. Au contraire, il se construit sur des « prétentions à ne pas représenter2151 » qui ne sont rien d’autre qu’une manière d’activer une représentation inclusive suivant un principe de non-distinction. Place de la Catalogne, les porte-parole sont tenus de parler en leur nom propre et pas au nom du collectif2152. A Istanbul, la délégation invitée par le gouvernement à la table des négociations divise. Une des enquêtées refuse d’y participer ne souhaitant « représenter personne 2153 ». Pendant Nuit debout, outre les refus de parler aux médias sur la place ou sur les plateaux de télévision, on prend soin de se camoufler derrière l’épicène « Camille ». Le refus de la représentation-mandat cohérent avec le rejet des structures partisanes et syndicales revient à ne représenter personne d’autre que soi, donc à mettre tacitement en avant le groupe social ou la communauté d’expérience auquel on appartient. C’est aussi une manière de construire une parole collective entre celles et ceux qui n’ont ucun titre à gouverner. Celle-ci prend une dimension polyphonique compte-tenu du caractère multiple de cette représentation-incarnation, ce qui la distingue de sa jumelle institutionnelle. A Barcelone, le constat de la mal-représentation (« Ils ne nous représentent pas ») résonne avec le refus
2148 Archives personnelles,
« Tayip tu vas manquer d’essence
! », juin 2013. Entretien
avec Aydan
,
op
cit. 2150 Guillaume SIBERTIN-BLANC, « Du simulacre démocratique à la fabulation du peuple : le populisme minoritaire », Actuel Marx, vol. 54, no. 2, 2013, pp. 71-85. Il attribue au minoritaire une signification deleuzienne comme « l’ensemble des transformations qui indéfinissent ces identifications ». 2151 Samuel HAYAT, « Unrepresentative claims: Refusing to represent as a source of power and legitimacy », 2019. 2152 Entretien avec Georges, op cit. 2153 Entretien avec Mélanie, op cit. Voic
i
l’extrait en question : « alors je me suis dit que la démocratie du parc va devenir représentative, personne n'a été élu, personne ne m'a donné de légitimité pour les représenter et dire quelque chose ». 2149 428 principiel de toute représentation (« Personne ne nous représente » ; en catalan :« Ningu ens representa2154
»). La devise kémaliste « Nous sommes les soldats de Mustafa Kemal » scandée par les organisations de jeunesse à leur arrivée sur la place, est parodiée « Nous sommes les soldats de Mustafa Keser2155 » et reprise sous sa forme antimilitariste et libertaire : « Nous ne sommes les soldats de personne2156 ». A Paris, le peuple des « peuple de casseurs-cueilleurs » qui décorent les murs pendant les manifestations contre la loi « travail » contraste avec le « peuple » des « citoyens » qui s’assemblent sur la place de la République. Qui plus est, le travail symbolique ne se limite pas à ces fragments de discours : il relève de pratiques collectives qui font appel à des symboles, des lieux et des manières de faire « peuple ». « Nous sommes la revendication2157 » arguaient les occupiers du parc Zuccotti face aux injonctions médiatico-politiques à formuler leurs griefs sous forme de revendications. Les manières de s’organiser et de fabriquer du collectif charrient des significations politiques qui dépendent aussi de leur contexte d’émergence. En Espagne, le « peuple des places » se dissocie du corps électoral le 22 mai 2011, jour des élections autonomes. Les meetings politiques orchestrés par l’AKP en parallèle de l’évacuation du parc Gezi le 15 juin 2013 met en évidence une dualité similaire. Lorsque Nuit debout organise une Assemblée matinale aux portes de l’Assemblée nationale sur le point de voter la loi « travail » (3 mai 2016), c’est aussi une manière de mettre en scène la contestation et de mettre en défaut l’allégation des parlementaires à représenter le peuple. Ces usages polémiques et polysémiques du mot « peuple » renvoie à son étymologie complexe. Celle-ci ne se réduit pas en effet au sens civique du demos, du peuple qui s’assemble pour délibérer : il comporte au moins quatre dimensions si on suit Etienne Balibar2158. A la définition politique du demos s’ajoute une définition ethno-nationaliste (ethnos), une acception idéelle (le laos comme communauté de destin) et une signification numérique renvoyant à la masse, au nombre ou la multitude (le plethos). Ces ambiguïtés du terme expliquent en partie pourquoi la 2154 FOTOMOVIMIENTO, sans date. Mustafa Keser est un chanteur populaire turc. 2156 Ce dernier slogan évoque la mobilisation des objecteurs de conscience qui refusaient la conscription.
Haydan, op cit. 2157 Jef BRANDT, Michael LEVITIN, « A New World », Occupied Wall Street Journal, n° 3, 22 octobre 2011, p. 2.
2158
Le peuple renvoie à la fois au tout, à l’ensemble du populus et à la partie populaire, à sa dimension plébéienne, la plebs
. Cf Gérard BRAS, Les Voies du peuple. Éléments d’une histoire conceptuelle, Éditions Amsterdam, 2018. Étienne BALIBAR, « Comment résoudre l’aporie du « peuple européen » », Le Symptôma grec, Paris, Lignes, 2014. On renvoie aussi à : Manuel CERVERA-MARZAL, « Présentation. Les métamorphoses du peuple », Mélanges de la Casa de Velázquez [Online], 49-1, 2019.
philosophie et la sociologie s’en méfient autant2159. Faut-il en conclure pour autant, comme le suggère Gerbaudo à travers l’hypothèse anarcho-populiste, que les « Places » expriment une revendication de souveraineté? N’est-ce pas confondre plusieurs dimensions d’un même phénomène? Pour Lefort, souveraineté et peuple sont en tension davantage qu’ils ne se superposent : « La démocratie inaugure l’expérience d’une société insaisissable, immaîtrisable, dans laquelle le peuple sera dit souverain, certes, mais où il ne cessera de faire question en son identité, où celle-ci demeurera latente2160». Le peuple n’est pas pour autant « introuvable » mais multiple ; il ne procède pas tant d’une indétermination que d’une mise en débat permanente qui n’est pas transitoire ou accidentelle. Qui fait partie du peuple? La question ne porte alors pas sur le point de savoir dans quelle proportion le « peuple des places » correspond au peuple dans son ensemble, comment la partie se rapporte au tout. Il n’y a pas de critère dernier2161 qui puisse décider ce qu’est ou non le peuple puisque c’est précisément un opérateur de division. Se trouve ainsi porté au jour le caractère pluriel et conflictuel du peuple que les gouvernements représentatifs ont tendance à refouler et que la philosophie de l’action éclaire avec force : « L'action politique est une lutte. On ne saurait agir avec d'autres sans agir contre d'autres. On doit ici entendre qu'il n'est pas accidentel qu'une fraction du peuple ait à entrer en conflit avec le pouvoir ou avec d'autres fractions du peuple : c'est le mode même d'exercice de la citoyenneté2162. » Il est possible de prolonger ce que dit Tassin afin de rompre avec toute vision substantialiste « du » peuple et de s’écarter de la philosophie du sujet. Il n’y a alors de peuple qui ne saurait se conjuguer au pluriel et à la voix active, s’indexant sur le mode du faire plutôt que sur celui de l’être. Les rassemblements de places ne seraient en ce sens rien d’autre que des manières de « faire peuple ». Ils ne se laissent donc pas déchiffrer comme un fractionnement « du » peuple mais comme une de ses manifestations rappelant qu’il n’y a de « peuple » que divisé. C’est aussi ce qui fait que les « peuples des places », aussi différentes soient leurs compositions et leurs situations, ne sont pas immunisés contre la division et le conflit qui tissent le politique. 2159 Sur les tendances symétriques de la philosophie et de la sociologie à angéliser ou au contraire diaboliser la notion de peuple, cf la notice de Jean-François KERVEGAN, « Peuple » in Philippe RAYNAUD, Stéphane RIALS (dir.), Dictionnaire de philosophie politique, PUF, 1996, p. 463. Du côté de la sociologie, cf. Pierre BOURDIEU, « Les usages du peuple » in Choses dites, Minuit, 1987, p. 178 – 184. 2160 Claude LEFORT, L’invention démocratique, op cit, p. 172-173. 2161 Claude LEFORT, Le temps présent, op cit, 395. 2162 Etienne TASSIN, Le maléfice de la vie à plusieurs, Montrouge, Bayard, 2012, p. 100 – 101. 430
CONCLUSION Pour qui
refuse
de réduire la démocratie à
la
« désignation des
gouvernants
2163 »,
les
«
mouvements
de places »
sont des gisements d’expérience précieux
. C’est la raison pour laquelle cette thèse s’est proposée d’explorer les rassemblements 15M, Gezi, Nuit debout dans une analyse triangulaire. L’enjeu de cette enquête empirico-théorique était double : construire un objet dans un comparatisme problématisé et interroger sa signification en tant que politique démocratique. Car les occupations de places urbaines présentent de fortes similarités qui ne doivent pas occulter leurs singularités. Le chapitre 1 procède au découpage de l’objet d’étude par une triple description émique, cartographique et géographique des occupations barcelonaise, stambouliote et parisienne. La comparaison n’est pas que morphologique : elle interroge aussi la syntaxe des « mouvements de places » à l’aune des répertoires protestataires. L’ensemble des pratiques qui ressortent comme des régularités – les assemblées, les activités de mise en commun mais aussi la passivité, la dimension festive, l’économie du don... - permettent de les caractériser comme des rassemblements polyfocalisés au cours desquels les participants cessent de coopérer avec l’ordre urbain sans pour autant le bouleverser radicalement en particulier en ce qui concerne Nuit debout. Ils donnent naissance à un univers éphémère dont les frontières restent symboliques et mobiles. Ces rassemblements se distinguent donc d’autres modes d’action comme les occupations productives dans le cadre de grèves ou l’occupation prolongée d’espaces ruraux comme les ZAD. Il importe également de rappeler que la ressemblance des rassemblements de places n’est qu’apparente avec les occupations qui ont eu lieu dans des configurations révolutionnaires comme l’occupation emblématique de la place Tahrir en Egypte. Cette phase d’approche terminée, il était nécessaire de bâtir un cadre théorique susceptible d’interroger ce terrain déjà amplement labouré par les sciences sociales. C’est l’objectif que s’est fixé le chapitre 2 qui part du constat que les « mouvements de places » nourrissent une représentation à la fois commune et variable qui associent la démocratie à la place publique. Qu’elle porte le nom d’agora, de forum ou de maïdan, la place n’est-elle pas le lieu politique par excellence? C’est la raison pour laquelle ce chapitre théorique prend pour point de départ l’analogie entre démocratie et place publique afin de mettre en perspective les 2163 Nicholas POHL, « Démocratie et mouvements sociaux » in COLLECTIF, Dictionnaire des mouvements sociaux. 2e édition mise à jour et augmentée, Presses de Sciences Po, 2020, pp. 181-186.
| 28,811
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f46af01fdbf02209cfac7d17ed2ca1e0_1
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French-Science-Pile
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Open Science
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Various open science
| 1,987
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Les mésaventures des sources de L'Estavelle et de L'Inversac en Languedoc Méditerranéen
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None
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French
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Spoken
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Int.].
Speleol. 16 (1987), pp. 101-109
LES MESAVENTURES DES SOURCES DE L'ESTAVELLE
ET DE L'INVERSAC EN LANGUEDOC MEDITERRANEEN
Bernard Geze *
RESUME
\
L'Estavelle et I'Inversac sont deux sources celebres du Languedoc mediterraneen (Sud
de la France). La premiere a malheureusement servi de type pour les cavite's karstiques alternativement absorbant ou degorgeant des eaux, suivant les saison, ce qui n'a jamais ete son
cas. La seconde peut, au conrraire, servir de modele pour ce fonetionnement alternatif de
perte ou d' emergence.
SUMMARY
The Estavelle and the Inversac are two celebrated springs in the mediterranean Languedoc (South of France). Unfortunately, the first one has been chosen as a type for the
karstic cavities alternatively absorbing or discharging the waters, in accordance with the season, that had never been the case. On the opposit, the second one can be taken as model
for this alternation as swallow hole or emergence.
Les sources de I'Estavelle et de l'Inversac sont citees depuis fort longtemps dans les ouvrages d'''Histoire Naturelle" des provinces meridionales de la France, car leur fonctionnement hydrologique a toujours beaucoup intrigue les observateurs. Elles se trouvent toutes deux dans Ie departement de I'Herault, a I'Ouest de Montpellier, la premiere dans la commune de Cabrieres, pres de l' extremite orientale du massif ancien dit de la
Montagne Noire, la seconde dans la commune de Balaruc-Ies-Bains, au
bord de I' etang de Thau (fig. 1).
Leur description sommaire fera comprendre comment leurs etranges
comportements ontprovoque
des explications plutot douteuses et comment l'accumulation de textes mal Ius a entralne d'invraisemblables er-
a
Professeur honoraire de Geologie
I'Institut National Agronomique, Ancien Charge de
Cours d'Hydrogeologie a Ia Sorbonne, 11 rue Vauquelin, 75005 PARIS (France).
102
B. GEZE
Fig. 1 - Situation geographique des sources de I'Estavelle et de l'Inversac.
Les Monts de Cabrietes, Ie Causse d' Aume1as et la Montagne de la Gatdiole sont a dominante
karstique.
reurs, ficheusement repetees par trap d'hydralogues et de karstologues.
Mais leurs mesaventures sont aujourd'hui bien terminees, puisqu'aucune
ne fonctionne plus!
LA SOURCE DE L'ESTAVELLE
II semble que ce soit). Fournet, alors prafesseur de Geologie a la Faculte des Sciences de Lyon, qui ait Ie premier, en 1859, attire l'attention
sur l'Estavelle dans son excellent travail sur l'Hydragraphie souterraine,
particulierement consacre aux regions "caverneuses" du Jura, mais aussi
du Bas-Languedoc OU il avait etudie avec M. Graff, a partir de 1844, Ie petit bassin houiller de Neffies, ainsi que les terrains paleozoiques qui le dominent dans ce que nous appelons maintenant les Monts de Cabrieres,
partie de la Montagne Noire celebre par ses faunes fossiles allant de l'Ordovicien au Carbonifere et par sa tectonique d'une extreme complication.
C' est 1500 m au Nord-Ouest du village de Cabrieres, par consequent
en plein Languedoc mediterraneen et non dans Ie Jura, que se trouve la
MESAVENTURES DES SOURCES
103
. source de I'Estavelle. Suivant Ies auteurs, son nom (qui s'ecrit aussi Estabel) signifierait qu'il y avait une etable aupres d'elle, ou bien viendrait de
1'0ccitan "estervel", qui veut dire tourbillon. Quoi qu'il en soit, la source
debouche sur un enorme depot de tuf calcaire (1000 m x 500 m) formant
un plateau en faible pente au-dessus de la vallee de la Boyne, dont Ie lit,
deja creuse, a ete devie par lui. D' apres l' altitude relative du plateau (40 a
50 m) et Ie fait que de petites cavites dans Ie tuf ont ete habitees par l' ours
des cavernes, on peut supposer que Ie debut de la construction de cet edifice remonte a peu pres au Quaternaire moyen et que la source a toujours
debite une eau tres riche en calcaire.
Or, Ie point de sortie se localise dans des schistes dinantiens (Viseen),.
sur Ie trajet d'une faille injectee de quartz, et non dans Ies calcaires et dolomies du Devonien qui encadrent la region, ce qui est deja curieux. On
est conduit a penser que l' eau a suivi un assez long parcours en profondeur
et n' a pu gagner I' exterieur qu' a la faveur de la faille, qui a servi soit de
barriere, soit de drain.
Mais Ie plus etrange est que, malgre I'activite deployee forcement par
la source pour construire Ie plateau de tuf, elle ne debite depuis longtemps
que tout-a-fait rarement. Deja Fournet notait quelle avait "vomi beaucoup d'eau" en 1856, mais qu'elle n'avait point fonctionne depuis dix
ans. Personnellement,
j'ai entendu parler de periodes de 25 ans sans
qu'elle ait crache. La notice de la carte geologique de la France a 1/50.000
sw
Pic tie
Source de
Ie Caragnas
l'£sTAV£LLE
~
:
h1
300m
laBoyne
~
~
100
1
~-
Tuf (12.Dm)
200 ~h2.
o
NE
Bissous)
z.
Fig. 2 . Coupe des chevauchements
et series renvetsees au voisinage de la source de l'Estavelle
(l'echelle des hauteurs est double de celie des longueurs).
(J = schistes ordoviciens; d = calcaires et dolomies du Devonien; hi = lydiennes du Tournai.
sien; h2 = schistes du Viseen (facies culm); Q = faille quartzifiee; gJ= surface de chevauche.
mene.
Variantes orthographiques
sur les cartes recentes: Ie Caragnas = les Cayraignasses; Estavelle
= Estabel; Bissous = Vissou.
104
B. GEZE
(Feuille Lodeve, datant de 1982) precise: "1'Estabel est une source temporaire ne coulant que tres exceptionnellement; son debit peut aloes atteindre, en quelques jours, 1m3 / set il est aussitot suivi d 'une periode de tarissement pouvant s' etendre sur plusieurs mois".
Sans etre trouble par un comportement aussi etrange, Fournet pense
que I' on est en presence de "fontaines caracterisees par deux bouches en
quelque sorte jumelles ... Dans tous les cas, la destination des unes, qui
sont habituellement a sec, est de servir a l' evacuation du trap-plein des cavernes, du moment OU I'orifice, dont I'ecoulement est permanent, devient
insuffisant par suite de l' exuberance des eaux ... Dans Ie Languedoc, ces
bouches suppIementaires son designees sous Ie nom d 'Estavelles, denomination que j' ai juge a prapos de generaliser, en l' appliquant a tous les pertuis du meme ordre, dissemines dans Ie autres contrees".
Quelques pages plus loin dans son memoire, Fournet etudie des sources praches de Porrentruy, dans les calcaires du Jura franco-suisse et dit
qu' en remontant une vallee "aux sources perennes succede une premiere
estavelle, puis viennent des estavelles d'estavelles, largement espacees, de
plus en plus intermittentes, conformement a leurs hauteurs, et il me semble qu 'un pareil enchalnement est suffisamment demonstratif pour ne
plus rien laisser a desirer a I' egard de la parfaite solidarite de ces divers debouches".
II est donc parfaitement clair que, pour Fournet, createur du terme,
une estavelle est une source de trap-plein fonctionnant temporairement
. au-dessus d'une source perenne.
Mais a-t-il eu raison de prendre comme modele d'un tel fonctionnement I'Estavelle type de Cabrieres? Ce n' est pas evident pour plusieurs raisons: Au-dessous de sa bouche, il n'existe que de fort petites sources qui
ne paraissent pas avoir Ie moindre rapport avec elle. Ensuite, la rarete du
fonctionnement parait incompatible avec un role normal de trap-plein, car
les precipitations ne sont tout de meme pas negligeables sur les monts de
Cabrieres OU les fortes pluies de printemps et d'automne rei event habituellement Ie debit de toutes les sources. Des decades sans debordement
d'un trap-plein paraissent invraisemblables, aussi bien qu'un depot de tuf
sans un ecoulement assez regulier.
Depuis une douzaine d'annees, on est certain qu'il n'y a plus eu de
debordement, mais la raison en est evidente: un forage, prafond de 55 m a
ete execute au voisinage du griffon et, dans les fissures des schistes sous la
carapace de tuf, a rencontre de l' eau en quantite suffisante pour assurer
I'alimentation du village de Cabrieres. Cette eau a tous les caraeteres
MESAVENTURES DES SOURCES
105
d'une eau karstique, ce qui confirme l'hypothese d'une provenance relativement profonde, mais sans que l'on puisse garantir I'origine dans I'un ou
l'autre des paquets de dolomies dev~j<;.!1_n~,s.-Sjtuts-.dans-des-positiontectoniques particulierement 'compliquees aux alentours. De toutes fac;ons,
l' exemple de l'Estavelle a ete vraiment mal choisi par Fournet pour designer de simples trop-pleins.
La facheuse histoire du terme "estavelle" ne s'arrete malheureusement pas la, Dans son celebre ouvrage "Les Ablmes", E,A. Martel cite un
peu en vrac des exemples de trop-pleins par lesquels ''l'eau interne s'extravase" et a la mauvaise idee de mentionner les "Estavelles de PorrentfUY" (puisees dans Fournet) en meme temps que Ie "lac de Zirknitz en
Carniole", dont il precise bien, quelques chapitres plus loin, Ie fonctionnement alternatif, rempli ou vide par les cavites y aboutissant.
C' est alors que Jovan Cvijic, apres avoir lu un peu vite les textes anterieurs, ecrit: . 'dans les profondes depressions karstiques il ya des fissures et
des avens qui fonctionnent alternativement comme sources ou comme
gouffres absorb ants ou ponors; j'ai propose de les appeler "estavelles" en
utilisant la denomination que Fournet a donne a une source semblable".
Cette desastreuse initiative explique pourquoi Ie terme est largement
employe dans la litterature geographique de langues slaves, d' ou elle nous
est revenue au point que Marjorie Sweeting ecrit: "The term estavelle Was
first used in the Jura but is now used fairly widely for a hole which is at one
time of the year a swallow hole and an another time a spring" et que Ie lexique de]. Margat, publie pourtant en France, donne pour estavelle la definition: "orifice, en terrain karstique, alternativement
absorbant ou
emissif, selon les saisons".
En definitive, on se trouve en presence d' un terme mal choisi par
Fournet pour signifier trop-plein temporaire, reproduit avec une r~rt"
geographique par Martel et mal compr's au seos hvd-,~'r.
faut donc rejeter for. eLement
;C '<.( 1.:.daLure geograp iq e e hvrlro roc,' ,_
"pC.
. _J
••
Cependant, son succes prouve d'abord que 1'00 a besoin d'un terme
simple pour designer une cavite karstique a fonctionnement hydrique alternatif, dite parfoir "perte-emergence",
ensuite qu'aucun pays ne dispose de ce terme dans sa langue nation ale . La proposition que nous allons
faire necessite l' etude de la deuxieme source a laquelle nous avons fait allusion en introduction.
B. GEZE
106
LA SOURCE DE L'INVERSAC
Cette source a fait I'objet d'innombrables descriptions. II semble que
sa premiere etude tant soit peu serieuse soit celle d' Astruc, dans son "Memoire pour l'Histoire Naturelle de la Province du Languedoc" , datant de
1740. On pourrait encore citer les observations de Marcel de Serres et Louis
Figuier, publiees a Montpellier en 1848, et qui ont l'avantage de reduire la
part de l'imagination dans I'explication d'un fonctionnement hydrique a
premiere vue surprenant.
Son nom d'Inversac provient peut-etre de l'Occitan "Enversar", qui
signifie renverser, mais la plupart des auteurs Ie font carrement remonter
au Latin "Inversae aquae", les eaux qui s'inversent, ce qui est en somme
une bonne definition du phenomene anciennement observe dans la source, comme nous allons voir ci-apres.
Elle se localise 1500 m a l'Est de Balaruc-les-Bains, dans Ie quartier dit
aujourd'hui Balaruc-Ies-Usines, 3 km au Nord de la ville de Sete, en bordure de l'etang (ou bassin) de Thau, qui est au niveau de la Mediterranee
et en relation directe avec elle. Son exutoire est dans les calcaires miocenes,
au contact de l' extremite des calcaires jurassiques qui forment Ie chatnon
de la Gardiole entre Montpellier et Sete. Le bassin emissif debouchait autrefois sur Ie minuscule ruisseau de Colobres, qui n'avait guere qu'une
vingtaine de metres de longueur entre rocher et rivage de l' etang, Ie tout a
la cote zero, non troublee ici par des marees,
Actuellement, un chenal maritime et de larges quais edifies devant
une usine qui a capte I' eau de la source, l' ont definitivement separee de
I' etang, mais Ie fonctionnement hydrique anterieur avait ete serieusement
sw
INV£RSAC
I
Ba.ssin de Thau
I m
Om
M9']e de la Bardiole 168'"
~
t
.. . ,
.. ..
Fig. 3 - Schema du fonctionnement
hydrologique de I'Invetsac.
j = calcaites et dolomies jurassiques; m = calcaires molassiques
miocenes.
NE
MESAVENTURES DES SOURCES
107
etudie. Les anciens auteuts disaient qu'apres un ecoulement normal vers
l' exterieur pendant l' hiver, au commencement de l' ete, les eaux de
l' etang se precipitaient sous terre avec une telle impetuosite que l' on entendait a une distance assez eloignee Ie bruit de leur engouffrement! Meme en faisant la part de l' exageration, on doit reconnahre la realite du
phenomene puisqu'en 1925, a la suite de trois annees de secheresse persistante, l' etang se deversait dans l'Inversac a raison d' environ 10.000 metres cubes par jour. L' eau de l' etang titrait aloes 36 grammes de chlorure
de sodium par litre; l'eau de la source ne renfermait pourtant que 10
grammes en septembre et atteignait en octobre Ie maximum de 23 grammes seulement. De la vint l'idee que, meme lorsque toutes les sources du
pays etaient assechees, ou coulaient si peu que la consommation devait
etre severement reglementee, il arrivait encore a I'Inversac une quantite
d'eau douce suffisamment importante pour en tirer un utile parti.
Le probleme etait d' eliminer l' eau salee absolument impropre aux
emplois industriels. On se mit a rechercher en amont de la source une cavite dont on sup~onnait l' existence d' apres un vieux plan date du 9 octobre
1894. On decouvrit en effet, a 4 m, 50 au-dessous du sol, une petite salle,
haute de 1 m, 50, large au plus de 6 metres et entierement occupee par
l' eau calme, profonde de 5 metres par endroits (descendant donc plus bas
que Ie niveau de la mer). En outre, les travaux produisirent un providentiel effondrement de rochers qui, croit-on, obstruerent partiellement les
conduits par lesquels se faisait I'absorption des eaux salees vers la profondeur. De fait, a partir de ce jour, la teneur en sel marin de la source ne cessa de d€crohre jusqu'a 3 g, 8 au maximum, ce qui ne genait plus dans la
pratique.
Les quelques variations que l'on a observees par la suite continuaient
a etre curieusement causees par la pluie et Ie vent. En effet, la moindre
pluie provoque une augmentation de debit qui, brassant sans doute les
eaux salees prealablement engouffrees, entralne une remontee du sel, contrairement a ce que 1'0n aurait pu imaginer. De meme, suivant que Ie
"mistral" (vent du NW) ou Ie "marin" (vent du SE) soufflent sur
l' etang, celui-ci subit une sorte de crue ou au contraire de dessechement
au voisinage de la source, qui re~oit aloes des infiltrations salees plus ou
moins abondantes.
En juillet 1937, les conditions naturelles n' etaient encore qu' assez
peu modifiees lorsque j' ai pu observer l' etrange phenomene de l' inversion
du courant qui a donne son nom a l'emergence. Le flot d'eau salee penetrant dans Ie ruisseau de Colobres refoulait d' abord l' eau douce qui conti-
108
B. GEZE
nuait it sortir en s'elevant progressivement. Ensuite, I'eau de source gagnait l' exterieur en coulant en surface, tandis que l' eau salee courbait les
algues vertes de la profondeur et se precipitait en sens inverse vers les fissures du rocher dans lesquelles elle s'engloutissait.
Bien entendu, comme mes pred€cesseurs, j'ai imagine d'ingenieux
mecanismes pour expliquer ce phenomene, notamment une liaison possible avec les sources thermales de Balaruc-les-Bains (temperature atteignant
47"), ainsi qu'avec la source de l' Abysse (ou de la Vise) qui jaillit violemment au fond de l'etang de Thau it 3 km de l'Inversac. Mais depuis, les
etudes serieuses faites en Provence it la source sous-marine de Port-Miou,
puis it la Roubine de Vic-la-Gardiole non loin de l'Inversac, tout aussi bien
que celles consacrees aux celebres "moulins de la mer" d' Argostoli et a
plusieurs autres pertes-emergences du littoral hellenique, ont montre qu' il
s'agissait d'un fonctionnement hydrique assez normal, qui s'explique simplement par la difference de densite entre l' eau douce et l' eau de mer,
tandis que leur remontee commune peut se produire n' importe OU vers Ie
large.
CONCLUSION
GENERALE
Bien que Ie cas qui vient d' etre considere soit un peu particulier et
que Ie fonctionnement ait cesse d'etre observable, Ie nom de la source parait tellement favorable qu' il y a probablement interet a en generaliser
I'emploi. Je reprends donc les termes d'une note publiee en 1971 dans
Spelunca; elle servira de conclusion a cette petite revision historique des
"mesaventures" de deux sources celebres:
Un INVERSAC est une cavite karstique alternativement absorbante
ou emissive, selon les saison. L'inversac peut etre horizontal ou vertical,
penetrable ou impenetrable et fonctionner d'une fa~on perenne ou temporaire. L'inversion des eaux, qui explique Ie nom de son prototype languedocien, peut avoir des causes variees qui n'interviennent pas dans la
definition. Le terme d'inversac doit remplacer celui d'estavelle qui etait
employe a tort.
109
MESAVENTURES DES SOURCES
BIBLIOGRAPHIE
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b554f6bbc5c205cf200c6c29284c6a35_2
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French-Science-Pile
|
Open Science
|
Various open science
| 2,023
|
Un Vernaculaire modulaire pour le Calcul des Constructions. 1989. ⟨hal-04228906⟩
|
None
|
French
|
Spoken
| 7,936
| 11,855
|
Règles de typage
Nous pouvons maintenant donner les règles définitives du λ-calcul du Calcul des Constructions qui permettent de rendre compte des termespropositions et des termes-preuves que nous avons introduits. Tout d’abord nous devons ajouter une règle indiquant que P rop est de type T ype, puis guidés par l’isomorphisme de Curry-Howard écrire pour le type P rop les mêmes règles que celles écrites plus haut pour le type T ype. Pour cela nous allons écrire ces règles de façon polymorphe : les symboles K et K ′ désignent les mots T ype ou P rop.
P rop : T ype x:T ∈Γ Γx:T Γ T : K Γ, x : T T ′ : K ′ Γ (x : T )T ′ : K ′ 22 Acces variable P roduit et Quantif ication 1.2.6 Γ T : K Γ, x : T T ′ : K ′ Γ t : T ′ Γ [x : T ]t : (x : T )T ′ Abstract
ion
Γ u : (x : T )T ′ Γ v : T Γ (u v) : T ′ [x ← T ]
Application Symboles logiques
Nous avons dit qu’il est possible dans un système non prédicatif comme le Calcul des Constructions (c’est-à-dire un système où les propositions sont des termes et où il est possible de quantifier sur ces termes) de définir les connecteurs et quantificateurs autres que ⇒ et ∀ à l’intérieur même du langage. Nous allons décrire ici succinctement la façon dont ces symboles sont définis et utilisés dans le Calcul de Constructions. Exemple : conjonction En déduction naturelle le symbole ∧ est primitif et trois règles régissent son
comportement. ΓA ΓB ΓA∧B ∧ − intro ΓA∧B ΓA ∧ − elim1 ΓA∧B ∧ − elim2 ΓB
Dans le Calcul des Constructions ce symbole n’est pas primitif, il est défini à l’intérieur du système. Il existe en effet des termes du λ-calcul and, conj, proj1 et proj2 tels que : — si u :A et v :B alors (conj u v) :(and A B), — si w :(and A B) alors (proj1 A B w) :A, — si w :(and A B) alors (proj2 A B w) :B. Ces termes sont :
— and = [A : P rop][B : P rop](C : P rop)((A ⇒ B ⇒ C) ⇒ C) — proj1 = [A : P rop][B : P rop][x : (and A B)](x A [y : A][z : B]y) — proj2 = [A : P rop][B : P rop][x : (and A B)](x A [y : A][z : B]z) — conj = [v : A][w : B][C : P rop][f : A ⇒ B ⇒ C](f v w) 23
On peut de ce fait définir A ∧ B comme une abréviation de (and A B) et on a les résultats suivants : — si on peut exhiber une preuve de A et une preuve de B dans Γ alors on peut exhiber dans Γ une preuve de A ∧ B — si on peut exhiber une preuve de A ∧ B dans Γ alors on peut exhiber dans Γ une preuve de A — si on peut exhiber une preuve de A ∧ B dans Γ alors on peut exhiber dans Γ une preuve de B Donc on peut traduire toute preuve écrite en déduction naturelle dans le Calcul des Constructions puisqu’on sait y simuler cha cune des règles de déduction naturelle. Réciproquement si on a une preuve u d’une proposition A dans le Calcul des Constructions on peut prouver cette proposition en déduction naturelle. On montre cette proposition par récurrence sur le couple (u, A), la complexité de u décroissant à chaque étape. - Si u = (conj b c) et que A = B ∧ C alors on a par l’hypothèse de récurrence une preuve en déduction naturelle de B et une preuve de C, on peut donc utiliser la règle ∧-intro pour construire une preuve de B ∧ C. - Si ce terme est (proj1 A B u) alors u est une preuve de A ∧ B. On a par l’hypothèse de récurrence une preuve de A ∧ B et on construit une preuve de A avec la règle ∧-elim1. - Idem si le terme commence par (proj2 A B u). - Dans tous les autres cas on traduit le terme guidé par l’isomorphisme de Curry-Howard comme ci-dessus. Notons ici qu’il faut distinguer le cas où on veut montrer A ∧ B et le cas où on veut montrer (C : P rop)((A ⇒ B ⇒ C) ⇒ C) qui sont distincts en déduction naturelle. Dans le premier cas il faut utiliser une règle ∧-intro et dans le second faire deux ⇒-elim puis une ⇒-intro et un ∀-intro. C’est pour cela qu’il faut faire une récurrence sur le couple (terme,type) et non seulement sur le terme. Autres symboles La disjonction, l’absurdité, la négation et la quantification existentielle fonctionnent selon le même principe. Si A et B sont deux propositions (or A B) est la proposition “A ou B”. Cette proposition peut aussi se noter A ∨ B. Si u est une preuve de A alors (or introl A B u) une preuve de A∨B. Si v est une preuve de B alors (or intror A B v) est une preuve de A∨B. 24 Si u est une preuve de A ∨ B, v une preuve de (A ⇒ K) et w une preuve de (B ⇒ K) alors (u K v w) est une preuve de K. La proposition “Absurdé’ se note {}. Si u est une preuve de {} alors (u A) est une preuve de A. Si A est une proposition (not A) est la proposition “non A”. (not A) peut aussi se noter ̃A. Comme en déduction naturelle (not A) est une abréviation pour la proposition (A ⇒ {}). Si A est une proposition ayant éventuellement une variable libre x de type T alors (ex T [x : T ]A) est la proposition “il existe x de type T tel que A”). Cette proposition peut aussi se noter < T > Ex [x : T ]A. Si t est de type T et u est une preuve de A[x ← t] alors (ex intro T ([x : T ]A) t u) est une preuve de < T > Ex [x : T ]A. Si u est une preuve de < T > Ex [x : T ]A, v une preuve de (x : T )(A ⇒ K) et que x n’est pas libre dans K alors (u K v) est une preuve de K.
1.3 1.3.1 Vernaculaire et Machine Constructive Vernaculaire
Nous allons maintenant voir la syntaxe permettant de déclarer une variable, définir une constante, poser un axiome et prouver un théorème dans le vernaculaire du Calcul des Constructions.
Variables Parameter <nom de la variable>~: type de la variable>. Constantes Definition <nom de la constante> = <terme>. Axiome Axiom <nom de l’axiome>~: <enonce de l’axiome>. < >
1.3.2 Machine Constructive
Un tel texte écrit en vernaculaire peut être vérifié automatiquement dans le Calcul des Constructions. Pour cela on le considère comme une suite d’instructions interprétées par une machine : la machine constructive. Cette machine manipule un environnement ENV qui est une liste de déclarations de variables, d’axiomes, de constantes et de théorèmes : type constr... ;; (* type des lambda-termes *) type declaration = Vardecl of variable | Constdecl of constant and variable = Decl of string * judgement and constant = Def of string * judgement and judgement = Judge of constr * constr * level and level = Object | Proof ;; Dans un environnement donné, la machine lit une phrase de vernaculaire. Si cette phrase n’est pas correcte, la machine déclenche une exception, si cette phrase est correcte la machine modifie son environnement pour en tenir compte. Si le texte de vernaculaire est correct la machine terminera donc son interprétation, et si ce texte est incorrect la machine déclenchera une exception. Nous supposerons que : - si ENV et t sont donnés on sait vérifier que t est typable dans ENV et dans ce cas produire son type principal, (Nous noterons T y(e, t) le fait que t soit typable dans l’environnement e et P T (e, t) son type principal), - si e est un environnement et que t et t′ sont deux termes bien formés et typables dans e on sait vérifier qu’ils sont équivalents (c’est-à-dire αβηδéquivalents). Nous noterons ceci Verif(e,t,t’), par exemple Verif(e,PT(e,t),t’) signifie que t est le type de t′. EN V = e T EXT = (P arameter x : t) :: r T y(e, t) EN V = (V ardecl(Decl(x, Judge(t, T ype, Object)))) :: e T EXT = r EN V = e T EXT = (Def inition x = t) :: r T y(e, t) EN V = (Constdecl(Decl(x, Judge(t, P T (e, t), Object)))) :: e T EXT = r 26 EN V = e T EXT = (
Ax
i
om x
:
t)
:: r T y(e, t) EN V = (V ardecl(Decl(x, Judge(t, P rop, P roof )))) :: e T EXT = r EN V = e T EXT = (T heorem x t′ P roof t) :: r T y(e, t) T y(e, t′ ) V erif (e, P T (e, t), t′ EN V = (Constdecl(Decl(x, Judge(t, t′, P roof )))) :: e T EXT = r Remarquons que la règle choisie est toujours décidée par le sommet de la pile TEXT, c’est-à-dire que pour un élément u au sommet de la pile, une règle au plus peut s’appliquer. Quand aucune règle ne s’applique deux cas peuvent se produire : soit la pile TEXT est vide ce qui signifie que le texte à été entièrement vérifié et qu’il est correct, soit une condition T y(e, t) ou V erif (e, P T (e, t), t′ ) n’est pas vérifiée ce qui signifie qu’un terme ou une preuve est mal construit, ou qu’une preuve est correcte mais n’est pas la preuve du théo rème énoncé. En fait toutes ces règles correspondent à plusieurs transitions successives de la machine. Pour décrire plus finement le fonctionnement de la machine, nous allons traduire les preuves dans un langage de plus bas niveau (command) et interpréter cette traduction. On ajoute un registre à la machine : le registre VAL et un type d’éléments de l’environnement : les conjectures (Cast). | Cast of judgement Traduction du vernaculaire en commandes : On traduit phrase par phrase : Parameter x :t. Definition x=t. Axiom x :t Theorem x t proof t’ [construct t ; def var x] [construct t ; def const x] [construct t ; def ax x] [construct t ; conjecture ; construct t’ ;verify ;def th x] Règles de transition de la machine : EN V = e T EXT = (construct t) :: r T y(e, t) EN V = e T EXT = r V AL = t EN V = e T EXT = (def var x) :: r V AL = t EN V = (V ardecl(Decl(x, Judge(t, T ype, Object)))) :: e T EXT = r 27 EN V = e T EXT = (def const x) :: r V AL = t EN V = (Constdecl(Decl(x, Judge(t, P T (e, t), Object)))) :: e T EXT = r EN V = e T EXT = (def ax x) :: r V AL = t EN V = (V ardecl(Decl(x, Judge(t, P rop, P roof )))) :: e T EXT = r EN V = e T EXT = (conjecture) :: r V AL = t EN V = (Cast(Jugde(t, P rop, P roof ))) :: e T EXT = r EN V = (Cast(Judge(t′, P rop, P roof ))) :: e T EXT = (verif y) :: r V AL = t V erif (e, P T (e, t), t EN V = e T EXT = r V AL = t EN V = e T EXT = (def th x) :: r V AL = t EN V = (Constdecl(Decl(x, Judge(t, P T (e, t),
P
)))) ::
e T
EXT
= r
La
règle choisie
est
toujours guidée par le sommet de la pile TEXT
. On vérifiera que les transitions dues à l’interprétation d’un terme t dans le premier système mènent au même état que l’interprétation de sa traduction dans le deuxième système. Remarquons que l’opération consistant à prendre un terme dans le texte à vérifier qu’il est typable et à le mettre dans le registre VAL que nous considérons comme une opération élémentaire de la machine pourrait être encore décomposée. Cela demanderait de détailler le type constr des λtermes et à ajouter à cet ensemble de règles les règles de typage du λ-calcul utilisé dans le Calcul des Constructions.
2 Un Vernaculaire modulaire pour le Calcul des Constructions
Le vernaculaire sommaire que nous avons décrit ci-dessus demande à l’utilisateur de traduire sa preuve en un λ-terme pour pouvoir l’exprimer. Cette traduction a deux inconvénients : d’une part c’est un travail fastidieux qui devrait être fait par une machine, d’autre part ce travail demande à l’utilisateur de connaı̂tre l’isomorphisme de Curry-Howard, que l’utilisateur ne veut sûrement pas apprendre.
2.1 2.1.1 Local/Global Ecrire une preuve en déduction naturelle
La première possibilité qui permet à l’utilisateur de ne pas traduire entièrement sa preuve sous forme d’un λ-terme est l’utilisation de la δconversion (possibilité de démontrer un théorème puis de l’utiliser par la suite). Certaines preuves peuvent être ainsi exprimées quasiment en déduction naturelle. La règle ⇒-elim Par exemple on a trois axiomes u : A ⇒ B ⇒ C, v : A et w : B. On veut démontrer un théorème z d’énoncé C. La preuve en déduction naturelle est : ΓA⇒B⇒C ΓA ΓB⇒C ΓB ΓC On peut traduire cette preuve en le λ-terme (u v w) et donc écrire en vernaculaire : Theorem z C Proof (u v w). Une autre façon de faire est de remarquer que l’on applique deux fois la règle ⇒-elim et trois fois le lien axiome. Oublions pour le moment les liensaxiome et décomposons le raisonnement en deux étapes : d’abord prouver le théorème y d’énoncé B ⇒ C, et ensuite prouver le théorème z. Theorem y (B -> C) Proof (u v). Theorem z C Proof (y w). Chacune de ces étapes demande l’application d’une seule règle, de ce fait le λ-terme preuve est toujours de la même sorte : pour la règle ⇒-elim c’est toujours l’application d’une preuve à une autre. On pourrait donc en changeant très superficiellement la syntaxe écrire ce texte. y (B -> C) Proof by -> -elim from u and v.
The
orem z C Proof by -> -elim from y
and
w. Ce qui est une façon d’écrire la preuve en déduction naturelle, qui ne demande pas de connaı̂tre l’isomorphisme de Curry-Howard.
La
règle ∀-elim La règle ∀-elim peut s’utiliser selon le même processus : on décide que la phrase by particularisation of u to t est une abréviation de (u t). Le lien axiome En déduction naturelle, si on a deux théorèmes A et A ⇒ B on peut utiliser la règle ⇒-elim. Si A et A ⇒ B sont deux axiomes alors on ne peut pas utiliser directement la règle ⇒-elim, il faut d’abord transformer ces axiomes en théorèmes avec la règle du lien axiome. Dans le vernaculaire du Calcul des Constructions, on autorise d’utiliser les axiomes comme les théorèmes dans l’écriture des termes-preuves. Cette règle du lien axiome n’est plus utile sauf dans le cas trivial où on veut avoir un théorème de même énoncé qu’un axiome. Par exemple si on a un axiome u : A et que l’on veut un théorème d’énoncé A il suffit de dire que u est une preuve de A. On peut donc décider que from the axiom u est une abréviation du terme-preuve u.
Les règles d’introduction
Cette façon d’écrire les preuves en déduction naturelle ne peut pas s’étendre aux règle d’introduction, en effet dans la façon de noter les preuves comme ci-dessus on ne parle pas du contexte Γ simplement, on déclare les axiomes du contexte, puis on énonce les théorèmes qui sont tous prouvés dans le même contexte. Ceci n’est plus possible avec les règles d’introduction puisque leur essence même est de raisonner sur différents contextes.
2.1.2 Quelques remarques sur la façon de dénoter la conséquence
Ce problème que l’on rencontre avec les règles d’introduction vient du fait qu’il y a en déduction naturelle trois symboles pour dénoter la conséquence. Un symbole dans le langage : la flèche (⇒) et deux dans le métalangage : le signe de déduction () et la barre utilisée pour écrire les règles (—). Dans les mathématiques usuelles on en distingue au plus deux : l’implication, et dans le métalangage la barre que l’on traduit par : telle proposition est démontrable à partir de telle autre. En d’autres termes, alors qu’on veut que les règles du métalangage permettent de déduire les propositions les unes des autres, la déduction naturelle nous propose de déduire des séquents les uns des autres, les séquents étant eux-mêmes des déductions. Par rapport au calcul des séquents, la déduction naturelle minimise ce désagrément. En effet dans la règle ⇒-elim : ΓP ⇒Q ΓP ΓQ On a le même contexte dans tous les séquents, ce qui permet d’écrire cette règle : P ⇒Q P Q Le problème est que cette remarque n’est pas valable pour toutes les règles et c’est justement les règles à contexte variable qui posent des problèmes pour le vernaculaire. Il ne semble pas qu’il soit possible de définir un système de déduction dont toutes les règles soient locales et qui n’ait que deux symboles pour dénoter la conséquence. (Il serait sans doute intéressant d’essayer de donner un sens précis à cette phrase, voire de la démontrer.) Une solution proposée est celle qui consiste à écrire les règles de déduction naturelle en rayant les hypothèses et les variables quand on utilise les deux règles d’introduction. Ce système de déduction n’a plus que deux symboles (⇒ et —) mais les règles ne sont plus locales puisque l’hypothèse ou la variable que l’on raye peut être loin de la barre d’application de la règle. Cette solution n’est pas satisfaisante car elle ne correspond à rien dans la pratique mathématique mais elle nous indique que si le langage mathématique se contente de deux symboles c’est sans doute parce que les mécanismes sous-jacents ne sont pas non plus locaux.
2.1.3 Contextes ou Contexte
En déduction naturelle un contexte n’est rien de plus qu’un ensemble d’axiomes et de déclarations. Dans un texte mathématique ordinaire le contexte n’est pas un ensemble quelconque d’axiomes et de déclarations mais l’ensemble des axiomes et déclarations situés avant une phrase donnée dans le texte. La propriété fondamentale qui distingue les textes mathématiques des preuves écrites dans les systèmes de déduction est qu’il existe dans les textes mathématiques un ordre total sur l’ensemble des phrases énoncées alors qu’il n’y a dans les systèmes de déduction qu’un ordre partiel sur cet ensemble. Cette linéarité (au sens non mathématique du terme) a sans doute à voir avec la non-localité des mécanismes de déduction sous-jacents aux textes de mathématiques.
2.1.4 Pour en revenir aux règles d’introduction
Une façon de comprendre la règle ⇒-intro est la suivante : Soit Γ le contexte actuel, si dans un autre livre où le contexte (au sens du Calcul des Constructions) est Γ, P on peut montrer Q, alors on peut dans le contexte actuel déduire P ⇒ Q. Pour justifier la déduction de P ⇒ Q on peut recopier dans le livre actuel la preuve de Q qu’on aurait écrite dans l’autre livre. Le temps de cette preuve on peut utiliser l’axiome P. Cet axiome P a donc une portée limitée dans le livre. Cette façon de définir une portée aux hypothèses est un mécanisme non local, mais son effet est limité à une partie du texte, ce contrôle de la nonlocalité est possible du fait de la linéarité du texte mathématique. Pour utiliser cette règle il faut donc procéder en trois temps : 1. annoncer que l’on suppose un nouvel axiome P, 2. démontrer Q, c’est-à-dire prouver un nouveau théorème w : Q 3. Cesser de supposer l’axiome P tout en transformant le théorème w pour que son énoncé devienne P ⇒ Q Au moment où l’on modifie le théorème w de façon à ce que son énoncé devienne P ⇒ Q il faut aussi s upprimer du contexte l’axiome P. En effet, quand on a une preuve w de l’énoncé Q qui utilise l’axiome x : P, il ne faut pas se contenter de remplacer w par w′ = [x : P ]w est une preuve de P ⇒ Q, car cette preuve n’est pas écrite dans le bon contexte. Rappelons que nous voulons considérer que le contexte est l’ensemble des axiomes et variables valides au moment où l’on écrit le théorème (et non 32 uniquement les variables libres du λ-terme-preuve, que l’utilisateur ne veut pas voir) et donc bien que x ne soit pas libre dans w′ la proposition P ⇒ Q serait, si l’on ne supprimait pas l’hypothèse x, démontrée dans le contexte voulu augmenté de l’hypothèse P.
2.1.5 Ouvrir les parenthèses sans les fermer
La solution adoptée dans la première version du vernaculaire consistait à noter explicitement les trois opérations : par exemple pour prouver A ⇒ A dans un contexte où A est une proposition, il fallait écrire : Axiom x:A. Theorem w A Proof x. Discharge x. Discharge x indiquait que x devait être éliminée et de ce fait w modifié en [x : P ]x : (P ⇒ P ). Dans un texte mathématique les deux premières phases sont assez explicites : “Pour prouver A ⇒ B supposons A et prouvons B”. La troisième est toujours implicite. Il est clair pour le lecteur que quand on a terminé de prouver B, A n’est plus une hypothèse valide, qu’on ne peut pas utiliser le théorème B et en revanche qu’on peut utiliser A ⇒ B. Le fait qu’un mathématicien ne distingue pas prouver B sous l’hypothèse A et prouver A ⇒ B montre qu’on confond même ordinairement la notion mathématique d’implication avec celle métamathématique de déduction, c’est-à-dire les symboles ⇒ et —. Ceci vient du fait que l’implication intuitionniste est l’internalisation dans le langage de la notion de déduction. Puisque la troisième phase du raisonnement est implicite dans un texte mathématique elle doit aussi l’être dans le vernaculaire du Calcul des Constructions. Nous devrons donc ajouter la possibilité de définir une hypothèse ou une variable locale à une preuve, et supprimer les règles ⇒-intro et ∀-intro.
2.1.6 Un peu de syntaxe Ecriture des phrases en plusieurs lignes 33
Pour introduire la syntaxe qui permet de définir des hypothèses et des variables locales nous devons modifier la syntaxe du vernaculaire. Toutes les phrases que nous écrivions en une ligne le sont maintenant en deux ou trois. Parameter <nom de la variable>~: <type de la variable>. s’écrit désormais : Parameter <nom de la variable>. Inhabits <type de la variable>. Definition <nom de la constante> = <terme>. s’écrit désormais : Definition <nom de la constante>. Body <terme>. Axiom <nom de l’axiome>~: <enonce de l’axiome>. s’écrit désormais : Axiom nom de l’axiome>. Assumes <enonce de l’axiome>. Theorem <nom du theoreme> <enonce du theoreme> Proof <preuve du theoreme>. s’écrit désormais : Theorem <nom du theoreme>. Statement <enonce du theoreme>. Proof <preuve du theoreme>. 34 Il est maintenant plus difficile de traduire un texte de vernaculaire en commandes pour la machine constructive. Peut-être faut-il même modifier un peu cette machine. Nous n’allons pas détailler ces modifications puisque nous allons encore enrichir le vernaculaire.
Hypothèses et variables locales
Pour déclarer une hypothèse ou une variable locale à une preuve, il suffit d’insérer la déclaration de cette hypothèse ou de cette variable entre la ligne Statement et la ligne Proof. Par exemple : Commençons par déclarer une variable propositionnelle B : Parameter B. Inhabits Prop. puis prouvons le théorème I : Theorem I. Statement B->B. Hypothesis x. Assumes B. Proof x. Le mot clé Hypothesis à remplacé Axiom, ce qui indique que x est une hypothèse locale. Pour prouver B ⇒ B nous supposons B et nous prouvons B. Ce qui est puisque que B est une hypothèse. Remarquons que la preuve donnée pour le théorème est x c’est-à-dire une preuve de B, et que l’énoncé du théorème est B ⇒ B. Donc l’hypothèse B est locale à la preuve mais pas à l’énoncé du théorème. Il est également possible de déclarer une hypothèse locale à tout le théorème. 35 Theorem I’. Hypothesis x. Assumes B. Statement B. Proof x. Ici l’hypothèse est posée avant l’énoncé du théorème. L’énoncé est donc B (au lieu de B ⇒ B) et va être modifié en B ⇒ B quand l’hypothèse x sera effacée. Donnons enfin un exemple avec une variable : pour démontrer (C : P rop)(C ⇒ C) nous posons une variable propositionnelle C, puis nous supposons l’hypothèse C et enfin nous montrons C. Theorem I’’. Statement (C:Prop C->C). Variable C. Inhabits Prop. Hypothesis x. Assumes C. Proof x. Le mot clé Variable à remplacé Parameter pour indiquer que la variable C est locale. 2.1.7 Lemmes et définitions locales
La possibilité de définir des variables et des hypothèses locales à une preuve nous a permis de nous débarrasser dans le langage superficiel des règles ∀-intro et ⇒-intro. Mais la hiérarchisation du texte mathématique est un phénomène plus général. Une autre indication que donne la structure hiérarchique du texte est l’importance relative des résultats. Par exemple, 36 pour démontrer un théorème T on peut avoir besoin de définir un concept qui n’est pertinent que pour cette preuve, de même on peut avoir besoin de montrer un lemme qui n’a pas d’intérêt en soi sinon d’aider à montrer le théorème en question. Ici cela revient à définir une constante (dans le premier cas une constante de genre objet, dans le second de genre preuve) qui vit le temps d’une preuve et dont le nom symbolique est remplacée par la valeur dans la preuve une fois que celle-ci est terminée. Pour écrire de tels définitions et lemmes locaux il suffit de les insérer entre la ligne Statement et Proof du théorème, en remplaçant le mot clé Definition par Local et Theorem par Remark. On peut aussi insérer une définition locale entre la ligne Theorem et la ligne Statement, pour utiliser cette définition comme abréviation dans l’énoncé du théorème (la définition est alors locale au théorème en entier : énoncé et preuve). En revanche, insérer un lemme entre la ligne Theorem et Statement n’a pas grand sens. 2.1.8 Eléments locaux à un axiome, une variable ou une définition
Dans les paragraphes précédents, nous avons vu que l’on pouvait déclarer des éléments (hypothèses, variables, lemmes et définitions) locaux à un théorème. Dans ce paragraphe, nous allons voir qu’il est possible d’en déclarer aussi à des axiomes, des variables et des définitions. Pour cela il suffit d’insérer les phrases de déclaration d’éléments locaux entres les deux lignes de la phrase de définition de l’élément global.
Eléments locaux à une définition
Une définition locale à une définition permet d’écrire un corps de la définition plus court, le nom symbolique de la constante locale est remplacé par sa valeur dans la constante globale. Une variable x : T locale à une définition u = t définit en fait la constante u comme [x : T ]t. Un lemme local à une définition n’a pas grand sens. Une hypothèse locale à une définition permet de définir plus simplement des objets dépendant de preuves comme la racine carrée. En effet, pour former le terme (sqrt x) il faut d’abord s’assurer que x est positif, c’est-àdire que sqrt est un objet qui prend en argument un réel et une preuve de la positivité de ce réel. Si une hypothèse P est locale à un axiome Q c’est l’axiome P ⇒ Q qui est en fait posé. Si une variable x : T est locale à un axiome Q c’est l’axiome (x : T )Q qui est en fait posé. Une définition locale à un axiome peut aider à écrire un axiome plus court, le nom symbolique est ensuite remplacé par sa valeur dans l’axiome. Un lemme local à un axiome n’a pas grand sens. Eléments locaux à une déclaration de variable
Si une variable x : T est locale à une déclaration de variable y : T ′ alors la variable y est en fait déclarée de type T ⇒ T ′ (où (x : T )T ′ si x intervient aussi dans le type T ′ ). Une définition locale à une déclaration de variable pourrait aider à écrire un type plus court pour cette variable. Un lemme local à une déclaration de variable n’a pas grand sens. Une hypothèse locale à une déclaration de variable peut permettre de déclarer plus simplement une variable dénotant un objet dépendant d’une preuve.
2.1.9 Mécanisme général de localité
Dans les paragraphes précédents nous avons vu que l’on pouvait définir un élément d’une sorte quelconque local à un autre élément lui aussi d’une sorte quelconque. Comme il y a quatre sortes d’éléments et deux façons de déclarer un élément local à un théorème (local à la preuve ou à tout le théorème) cela fait vingt possibilités. Comme quatre d’entre elles n’ont pas de sens, cela devrait faire seize cas à traiter. En fait ces vingt cas obéissent à un même mécanisme que nous allons détailler ici. Bien sûr pour guider l’implémentation nous suivrons ce mécanisme général, mais du point de vue de l’utilisateur, c’est l’étude de toutes les combinaisons ci-dessus qui est importante et non le mécanisme général. Rappelons que les théorèmes sont des constantes, que les preuves sont les valeurs de ces constantes et les énoncés des théorèmes les types de ces constantes. Seul le genre distingue les théorèmes des autres constantes. De même les axiomes sont des variables, les énoncés de ces axiomes sont les types de ces variables. Nous n’avons donc que deux sortes d’éléments : les constantes qui ont une valeur et un type et les variables qui n’ont qu’un type. 38 Nous pouvons donc ramener nos vingt cas à deux : Quand une constante est locale à un élément, on remplace, quand la constante est éliminée, le nom symbolique par la valeur de la constante dans le type et la valeur (s’il en a une) de l’élément en question. Quand une variable x : T est locale à un élément, elle est abstraite dans cet élément, c’est-à-dire que si le type de l’élément est T ′ il devient (x : T )T ′ quand la variable est éliminée et si l’élément a une valeur v, celle-ci devient [x : T ]v. Un cas particulier est celui où une variable est abstraite uniquement dans la preuve d’un théorème sans être abstraite dans son énoncé. Dans ce cas la preuve n’est pas une preuve de l’énoncé avant l’abstraction et il faut d’abord abstraire la variable dans la preuve (sans toucher à l’énoncé) avant de vérifier que la preuve est bien une preuve de l’énoncé.
2.1.10 Equivalence avec le calcul des prédicats intuitionniste
Maintenant que nous avons la possibilité de déclarer des variables et des axiomes locaux à une preuve, nous pouvons supprimer les règles ∀-intro et ⇒-intro de l’ensemble des règles de déduction naturelle utilisées pour construire les termes-preuve. Il est important de vérifier qu’en modifiant ainsi le vernaculaire, en l’enrichissant d’une part du mécanisme de localité et en l’amputant d’autre part de deux règles, on ne change pas son pouvoir d’expression, c’est-à-dire que nous devons vérifier que les s démontrables en vernaculaire et en déduction naturelle (par exemple) sont les mêmes. Correction
Pour montrer que toute preuve écrite en vernaculaire peut se traduire en déduction naturelle, on remarque que l’interprétation d’une preuve en vernaculaire d’une proposition P revient à construire un λ-terme-preuve de P. Nous détaillerons par la suite la méthode de construction. On peut comme nous l’avons vu déduire de ce terme une preuve en déduction naturelle de P. Il est à noter que si on veut démontrer formellement ce théorème il faut complètement décrire la sémantique du vernaculaire (sémantique que nous allons esquisser par la suite). Et démontrer que le λ-terme construit à partir d’une preuve de P est de type P. Il y a beaucoup de travail à faire pour décrire cette sémantique et prouver sa correction, mais l’enjeu de ce travail n’est pas négligeable : en extrayant un programme d’une preuve constructive 39 de la correction de la sémantique du vernaculaire, on réaliserait l’amorçage (“boot-strap”) du Calcul des Constructions. Complétude La réciproque de ce théorème est plus simple. Si on a une preuve d’une proposition P écrite en déduction naturelle, nous allons écrire un lemme pour chaque étape de la démonstration. Il suffit donc de faire une récurrence sur la longueur de la preuve. Notons tout de même qu’après avoir introduit une variable ou une hypothèse, nous devons montrer des lemmes avant d’arriver à la règle d’introduction qui abstrait ces hypothèses et ces variables. La possibilité de définir des lemmes locaux à un théorème et des hypothèses et variables locales à ce lemme, etc, n’est pas superflue, cette possibilité du vernaculaire est nécessaire pour traduire simplement les preuves de déduction naturelle en vernaculaire. Ce qui est important n’est pas que ces lemmes locaux soient éliminés hors du théorème global et que leur nom symbolique soit remplacé par leur valeur, mais la possibilité après une introduction de variable ou d’hypothèse de prouver des résultats intermédiaires utilisant euxaussi des règles d’introduction avant de prouver le théorème final. En fait, il est possible de montrer la complétude sans utiliser cette possibilité et en autorisant de donner un arbre (c’est-à-dire plus qu’une simple application) comme preuve d’un théorème, mais il faudrait introduire de nombreuses coupures peu naturelles dans la preuve en vernaculaire. Montrons formellement ce théorème : Soit π une preuve en déduction naturelle du séquent Γ P. Nous allons construire un texte de vernaculaire qui est correct dans un contexte (au sens du Calcul des Constructions) où les axiomes et les variables de Γ sont déclarés et qui définit un théorème u d’énoncé P. — Si la dernière règle de π est le lien-axiome, alors il existe dans Γ un axiome u d’ énoncé P. Le texte de vernaculaire : Remark u. Statement P. Proof u. a les propriétés requises. — Si la dernière règle de π est ⇒-elim, alors il existe une proposition Q et deux preuves en déduction naturelle π1 et π2 de Γ Q ⇒ P et Γ Q. Par hypothèse de récurrence, il existe deux textes T 1 et 40 T 2 qui définissent deux symboles u1 et u2 qui sont des preuves de Q ⇒ P et Q. Le texte suivant : T1 T2 Remark u. Statement P. Proof (u1 u2). a les propriétés requises. — Si la dernière règle de π est ∀-elim, alors il existe une proposition Q, une preuve π1 et un terme t tels que π1 est une preuve de ∀x : T Q et Q[x ← t] = P. Par hypothèse de récurrence, il existe un texte T 1 qui définit un symbole u1 preuve de ∀x : T Q. Le texte : T1 Remark u. Statement P. Proof (u1 t). a les propriétés requises. — Si la dernière règle de π est un ⇒-intro, alors il existe deux propositions Q et R, et une preuve π1 telles que P = Q ⇒ R et π1 est une preuve de Γ, (Ax h : Q) R. Par hypothèse de récurrence, il existe un texte T 1 qui définit un symbole u1 preuve de R dans un contexte où les variables et les axiomes de Γ et h sont déclarées. Le texte : Remark u. Statement P. Hypothesis h. Assumes Q. T1. Proof u1. a les propriétés requises. — Si la dernière règle de π est un ∀-intro, alors il existe une proposition Q, une variable x, un type T et une preuve π1 telles que P = ∀x : 41 T Q et π1 est une preuve de Γ, (V ar x : T ) Q. Par hypothèse de récurrence, il existe un texte T 1 qui définit un symbole u1 preuve de Q dans un contexte où les variables et les axiomes de Γ et x sont déclarées. Le texte : Remark u. Statement P. Variable x. Inhabits T. T1. Proof u1. a les propriétés requises.
2.2 2.2.1 Sections Partage d’hypothèse
Dans un livre, il est d’usage de démontrer dans un chapitre unique des résultats qui partagent une même hypothèse. Par exemple dans un livre de théorie des groupes on veut pouvoir consacrer un chapitre aux groupes commutatifs. Tous les théorèmes que l’on montre sont de la forme : Statement ((Commutatif G) -> P). (G est une variable globale) Pour prouver un tel théorème, nous devons comme nous l’avons vu supposer localement que G est commutatif et prouver P. Il est d’usage de ne pas répéter cette hypothèse pour chaque théorème, mais d’écrire au début du chapitre : “Dans ce chapitre on suppose G commutatif”, puis d’écrire les théorèmes : Statement P. Si on a besoin de cette hypothèse dans une preuve on fait référence au fait qu’elle est supposée dans tout le chapitre. A l’intérieur du chapitre le théorème est considéré comme étant P, et après le chapitre il est considéré comme ((Commutatif G) ⇒ P ). 42 L’hypothèse (Commutatif G) est donc une hypothèse locale, mais au lieu d’être locale à un élément elle est locale à toute une section. Pour permettre de définir des hypothèses, des variables, des lemmes et des définitions locaux à une section, nous allons ajouter au langage des instructions délimitant les sections. Le début de la section se note : Section <nom de la section>. La fin : End <nom de la section>. Par exemple : Section Groupes_commutatifs.... End Groupes_commutatifs. Dans une telle section toutes les phrases commençant par les mots : Hypothesis, Variable, Remark et Local définissent des éléments locaux à la section. Hors de la section, ils sont effacés et les autres éléments sont modifiés de façon à ce que tout se passe comme si ces éléments étaient locaux à tous les éléments de la section.
2.2.2 Interprétation d’un mécanisme dans un autre
Les deux mécanismes que nous avons présentés ci-dessus (la possibilité de définir des éléments locaux à un élément et celle de définir des éléments locaux à une section) sont redondants, il est en effet facile de simuler l’un d’eux dans un système qui autorise l’autre. Naturellement dans le vernaculaire nous autorisons les deux mécanismes, mais la machine constructive ne doit en connaı̂tre qu’un. Interpréter le mécanisme de section dans celui des éléments locaux à un élément De la façon dont nous l’avons introduite, la possibilité de définir une section est un procédé pour définir simultanément des éléments locaux à plusieurs éléments. On peut donc réécrire le texte avec ces éléments locaux à chaque élément qui le suit : Par exemple :
43
Section Groupes_commutatifs. Hypothesis c. Assumes (Commutatif G). Theorem th1. Statement <statement 1>. Proof <proof 1>. Theorem th2. Statement <statement 2>. Proof <proof 2>. End Groupes_commutatifs. peut
se réécrire en : Theorem th1. Hypothesis c. Assumes (Commutatif G). Statement <statement 1>. Proof <proof 1>. Theorem th2. Hypothesis c. Assumes (Commutatif G). Statement <statement 2>. Proof <proof 2>[th1 <- (th1 c)]. La substitution de (th1 c) à th1 vient du fait que dans th2 on a utilisé th1 comme preuve de < statement 1 >. Alors que maintenant th1 est une preuve de (Commutatif G) ⇒< statement 1 > et donc (th1 c) est une preuve de < statement 1 >. Interpréter le mécanisme d’éléments locaux à un élément dans celui de section 44 Réciproquement il est toujours possible d’utiliser le mécanisme de définition d’éléments locaux à un élément en considérant chaque phrase de vernaculaire comme une petite section. Theorem th1. Hypothesis c. Assumes <hyp>. Statement <statement>. Proof <Proof>. Comme : Section th1. Hypothesis c. Assumes <hyp>. Theorem th1. Statement <statement>. Proof <Proof>. End th1. La première traduction comporte l’inconvénient d’obliger une réécriture assez complexe sur la preuve avant sa vérification, alors que cette réécriture est plus simple dans la deuxième traduction (nous verrons même qu’en modifiant un peu la machine constructive on peut s’affranchir de cette réécriture). L’inconvénient de la deuxième traduction est de compliquer sensiblement la machine constructive en ajoutant un mécanisme de fermeture de section qui abstrait les variables éliminées et remplace les noms symboliques des constantes éliminées par leur valeur dans les bons éléments. Grossièrement la première demande du travail avant la vérification de la preuve et la deuxième pendant cette vérification. Nous avons choisi la deuxième.
45 2.2.3 Force des éléments Ju
squ’ici nous nous sommes contentés de déclarer des éléments locaux à des éléments globaux. Nous voulons aussi pouvoir déclarer des éléments locaux à d’autres éléments locaux, par exemple une hypothèse locale à un lemme : mark r1. Hypothesis c. Assumes <hyp>. Statement <statement>. Proof <Proof>. se traduit en : Section r1. Hypothesis c. Assumes <hyp>. Remark r1. Statement <statement>. Proof <Proof>. End r1. Le problème avec cette traduction est que le lemme r1 est désormais local à la section r1, c’est-à-dire que rien ne va sortir de la section r1. Si on réécrit ce texte en Theorem r1, le théorème va être global alors que l’on veut qu’il soit local, mais local à la section qui est juste au-dessus de la section r1. L’information élémentaire : local/global est donc insuffisante et nous allons la remplacer par un entier qui indique la section exacte à laquelle est limitée la portée de l’élément. 46 A tout point du texte (c’est-à-dire à chaque instant de la vérification du texte) on considère un nombre SEC qui est le nombre de sections ouvertes. Quand on définit un élément local dans cette section on donne à cet élément la force SEC. Si l’élément est global on lui donne la force 0. Quand on ferme une section, la valeur de SEC passe de s à s − 1 et on supprime tous les éléments qui ont une force supérieure ou égale à s. Ainsi quand on vérifie : Remark r1. Hypothesis c. Assumes <hyp>. Statement <statement>. Proof <Proof>. dans une situation où SEC = s, on associe à r1 la force s et à c la force s + 1, ainsi quand on ferme la section s + 1 (c’est-à-dire quand on a fini de vérifier r1) l’hypothèse c est abstraite et r1 survit, jusqu’à la prochaine fermeture de section, ce qui est bien ce qu’on voulait. 2.3 2.3.1 Vernaculaire et machine constructive Sémantique de Section et End
Pour formaliser la sémantique de Section et End nous allons ajouter un nouveau type d’élément dans l’environnement : les Têtes de section (Section) | Section of string;; Quand nous rencontrerons une tête de section de nom s nous empilerons l’élément (Section s) au sommet de la pile. Quand nous rencontrerons une fin de section nous modifierons les éléments situés dans la pile ENV au dessus de la dernière tête de section de façon à supprimer les éléments de force supérieure ou égale à s. Quand une constante ou un lemme est supprimé on remplace son nom symbolique par sa valeur dans tous les éléments définis après lui et qui l’utilisent. Quand une variable ou une hypothèse est supprimée on fonctionnalise tous les éléments définis après elle et qui l’utilise. (C’est-à-dire que si on supprime u : T 47 et que v : P est un élément défini après u et qui l’utilise alors v devient [u : T ]v : (u : T )P ) et quand on fonctionnalise un élément v en u on modifie toutes ses occurrences dans les objets au-dessus de lui en remplaçant v par (v u). Par exemple si w était égal à (v x), w devient (v u x) car v a été fonctionnalisé et en fait devient ensuite [u : T ](v u x) car u est éliminé. Nous ajoutons deux instructions à la machine constructive et traduisons le vernaculaire ainsi : Section x. End x. 2.3.2 [open section x] [close section] Modifier la machine constructive pour ne pas faire explicitement la réécriture de preuve
L’expression de la sémantique du vernaculaire en terme de réécriture de preuves est une bonne façon d’exprimer une spécification mais pas un bon moyen d’implémenter le vernaculaire. Nous allons donc tenter de donner une sémantique à chacune des instructions : Parameter, Variable, Inhabits, Definition, Local, Body, Axiom, Hypothesis, Assumes, Theorem, Remark, Statement, Proof de façon à ce qu’une phrase écrite en plusieurs lignes : Theorem t. Statement <statement>. Proof <Proof>. ait la sémantique de Theorem t plus haut et que : <statement> Proof <Proof>. définie Theorem t. Hypothesis c. Assumes <hyp>. Statement <statement>. Proof <Proof>. 48 ait la même sémantique que : Section t. Hypothesis c. Assumes <hyp>. Theorem t. Statement <statement>. Proof <Proof>. End t. (avec le calcul des forces décrit plus haut). Nous allons commencer par donner la sémantique de Parameter et Inhabits. Nous voulons que : Parameter x. Inhabits t. ait la même sémantique que celle définie précédemment pour Paramter x:t. et que l’on puisse introduire des éléments locaux entre les deux lignes. En fait dans ces deux instructions c’est seulement à la deuxième que l’on peut mettre l’élément V ardecl dans l’environnement. La première instruction Parameter sert uniquement à ouvrir la section. Au moment où nous interpréterons Inhabits, il faudra définir l’élément V ardecl et fermer la section. Le seul problème est qu’il faudra au moment de l’interprétation de Inhabits se souvenir de deux choses : le de la variable et sa force (qui est portée en partie par le mot clé Parameter qui indique que la variable est globale). Retrouver le nom est chose facile puisque c’est le nom de la dernière section ouverte, mais il faut stocker la portée dans l’environnement. Pour cela on ajoute encore une sorte d’éléments à l’environnement : les portées (Scope) : | Scope of strength 49 Nous traduirons donc : Parameter x. Inhabits t. [push scope 0 ; open section x] [construct t ; def var ; pop scope ;close section] Notons que def var est maintenant une commande de la machine sans arguments, et qu’il faudra qu’elle trouve les informations de nom et de portée de l’environnement. De même pour la définition de variable locale : Variable x. [push current scope ; open section x] On peut de même donner la traduction des instructions utilisées pour poser des axiomes et définir des constantes. Axiom
x
.
Assu
mes
t. Hypothesis. Definition x. Body t. Local x. [push scope 0 ; open section x] [construct t ; def ax ; pop scope ;close section] [push current scope ; open section x] [push scope 0 ; open section x] [construct t ; def const ; pop scope ;close section] [push current scope ; open section x]
Théorèmes : Le cas des théorèmes est rendu un peu plus difficile par le fait qu’il y a trois instructions et que l’on veut pouvoir écrire les deux variantes : Theorem I. Statement B->B. Hypothesis x. Assumes B. Proof x. Theorem I’. 50 Hypothesis x. Assumes B. Statement B. Proof x. C’est-à-dire que l’on veut avoir certains éléments locaux à la preuve et d’autres à tout le théorème (preuve et énoncé). Prenons un exemple où l’on a les deux : Theorem I. Variable B. Inhabits Prop. Statement B->B. Hypothesis x. Assumes B. Proof x.
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La forêt du Huelgoat e t les mines de Poullaouen (1732-1788) Pour -comprendre les vicissitudes que traversent les forêts royales en Cornouaille dans la seconde moitié du χ ν ι ι ι θ siècle, il nous faut évoquer celles de la Compagnie des Mines de Basse-Bretagne, à l'affouage desquelles ces massifs furent alors trop évidemement sacrifiés. Le I e r avril 1732, Louis de BOURBON, grand maître des M i nières de France, annulait les permis de recherches délivrés en Cornouaille a u x termes des anciennes ordonnances, et octroyait pour 30000 livres à MM. de la B A Z I N I È R E et GUILLOTIN de KERNEST, négociants à Morlaix, un privilège pour l'extraction de l'or, de l'argent, de l'étain, du cuivre et du plomb, sur le territoire des localités de Berrien, Poullaouen, Carnoet et crune dizaine de paroisses voisines. A u mois d'août de l'année suivante, 14 milliers de livres de minerai étaient exploités en une seule semaine. Elles devaient permettre de couler 7 756 livres de plomb (1). Les métaux puisés clans les minières du Huelgoat étaient transportés au coeur du massif à 2 lieues de Poullaouen pour y subir la fusion. La Compagnie venait en effet d'engager d'importants capitaux ; pour l'établissement des galeries, les associés n'avaient pas hésité à faire appel à des mineurs étrangers, principalement allemands ; 150 ouvriers, recrutés dans les environs étaient venus s'y adjoindre. Toutefois, situées en contre-bas le long de la rivière de F a o, les mines du Huelgoat risquaient constamment d'être inondées. O n d û t bientôt creuser un puisard de 20 pieds de profondeur; le trop-plein des eaux était évacué par un canal,souterrain. Lorsque le subdélégué de Carhaix descendit à Poullaouen, le 30 mai 1734, deux pompes étaient actionnées à la main de j o u r, e t de nuit par 4 hommes qui se relayaient toutes les deux heures. U n fondeur venait d'arriver de Suisse; il travaillait alors à la construction d'un fourneau (1) Cf. P. V. de descente du subdélégué de Carhaix (15 août 1733). (Arch. Dép, Il. -et-Vil., C. 1487). 450 à réverbère, qui devait être mis en chantier au mois d'août suivant. On pensait l'alimenter exclusivement au charbon de bois dont l'emploi, sur place, s'avérait plus avantageux que celui du charbon de terre d'importation. La veine s'annonçait abondante. Trois puisards, furent bientôt creusés, autour desquels 46 ouvriers s'activaient sans relâche (1). Le taux d'extraction était monté à 24 milliers de livres de minerai par semaine. Bientôt, quelques autres fourneaux à grille vinrent s'adjoindre au précédent. Déjà plusieurs centaines de pieds d'arbres avaient été affectés aux constructions de l'usine sur les terrains nouvellement concédés en forêt du Huelgoat. Pour alimenter ces fonderies, de vastes ateliers de carbonisation firent leur apparition dans tous les taillis environnants. Le 15 octobre 1745, la municipalité dt Carhaix faisait parvenir au Contrôleur général des Finances une plainte contre les Associés des Mines de Basse-Bretagne: Les habitants de cette ville rendaient la Compagnie responsable de la disette de bois d'oeuvre qui sévissait déjà dans les environs. L'essor de l'établissement avait, en effet, provoqué un afflux d'ouvriers étrangers, généralement fort mal vus de la population rurale qui leur tenait grief de multiples excès. Attaqué, le Directeur des Mines répondit que, lors des dernières adjudications à la barre de la maîtrise de Carhaix, « il avoit « observé religieusement (sic) de ne point enchérir, de crainte qu'on (( ne lui en fit un crime ». Toutefois, observe-t-il, « les associés « et moi aurions de la sorte vendu une partie des minerais prépaie rés au Huelgoat depuis un an et que nous accumulons ici chaque « jour par manque de charbon ». C'est tout au plus si le régisseur reconnaît s'être porté acquéreur, es qualité, de 6 arpents de bois dans les forêts du Roy aux 3 dernières ventes. Il prétend n'y avoir acheté que 3 380 barriques de charbon, au cours des deux années précédentes. De tels chiffres peuvent surprendre. Un fourneau consommait, en effet, 6 000 barriques par an. En vérité, la Régie des Mines ne s'était pas fait faute au cours des dix dernières années, de mettre à contribution les massifs des environs, en particulier la retenue de M. de BLOSSAC (30 a.) aux portes de Carhaix et celle, peu éloignée de M. de la MARCHE (701 a.) toutes deux traitées à courte révolution. De leur côté, les Mines.de Basse-Bretagne avaient conclu marché avec les frères LOLOS, charbonniers, pour la livraison de 10 000 barriques en trois ans ; ces gens travaillaient alors en forêt de Kerjean, à 3 lieux de Carhaix. A la même époque, l'établissement minier sous traitait avec les adjudicataires de la forêt abba(1) « Dans le premier est la pompe à chaîines qui reçoit les eaux d'une « autre pompe à bras, qui est posée dans lei second puisard et les déverse « dans le canal souterrain; le troisième puisard sert pour tirer le minerai ». (Arch. Dép. Il.-et-Vil., C. 1488). AMÉNAGEMENT F O R E S T I E R ET P R O G R E S T E C H N I Q U E
451 tiale de Conveau, près de Langonnet (380 arp.), alors en cours d'exploitation définitive. Cependant, le 17 décembre 1747, les associés faisaient parvenir à l'intendant une demande d'octroi de 200 pieds d'arbres en forêt domaniale de Beuchcoat. Ils avaient conçu le projet de construire une « machine à feu pareille à celles d'Angleterre », assez analogue, semble-t-il, aux installations que l'on rencontrait déjà à cette époque dans les mines du Hainault. En se substituant aux pompes, cet engin devait permettre d'extraire les eaux de la mine avec pîus de facilité et moins de dépenses. Il en coûterait 20 000 livres. Un tel investissement permettrait d'économiser beaucoup de maind'oeuvre et de rendre moins pénible le travail des autres ouvriers. Or, cette nouvelle machine avait un grave inconvénient : elle nécessitait une consommation considérable de combustible. A défaut de charbon de terre à proximité, l'usine fut contrainte de solliciter l'extension de son privilège d'exploitation à un périmètre couvrant 3 lieues de largeur et 20 lieues de longueur. Or, à cette époque, la situation de la Compagnie était sérieuse: Les commandes royales s'annonçaient de plus en plus pressantes et ce, à un moment où le conflit avec l'Angleterre la privait de tout espoir de recevoir le charbon de terre britannique par voie maritime. Il y avait peu de chance de découvrir des filons importants de houille à proximité de l'établissement. Dans les environs, les bois renchérissaient sans cesse, au grand mécontentement des artisans et de la population locale. De leur côté, les frais d'exploitation avaient crû de notables proportions. Le pompage à la main nécessitait un personnel nombreux. Autre fardeau non moins harassant, le charrois des minerais de la forêt du Huelgoat aux fours de Poullaouen entraînait des frais considérables. Déjà, pour actionner la fonte, il fallait faire venir la charbonnette de fort loin. Toutes ces charges grevaient le budget de l'entreprise ; or, les besoins des arsenaux du Roy étaient pressants. Seule une exploitation industrielle intensive et techniquement plus perfectionnée, eût permis à l'usine d'équilibrer sa situation financière. Afin de tirer un meilleur avantage de la.mine, les associés demandèrent au Roy la permission de faire construire à Poullaouen un bocambre et une fonderie qui seraient actionnés cette fois par une machine hydraulique. Un arrêt du Conseil d'Etat du 25 avril 1750 leur permit de procéder à la dérivation des eaux de la rivière voisine de Plandonnen, sauf à édifier à leurs frais une canalisation à travers la forêt, qui serpenterait entre le « Gouffre » et le chantier du Huelgoat. Le 23 mai, l'ingénieur ROBERT était commis, sur ordonnance du grand maître, à la levée du terrain et « estimation « des broussailles et aultres bois croissant de part et d'autre de « l'alignement ». Le canal devait avoir 8 pieds de large. La su- 452 perfide du terrain concédé fut estimée à 176 pieds carrés et les bois abattus, sur cette assiette, à la valeur de 239 livres. Toutefois, la Compagnie persistait clans ses inquiétudes. En 1753, elle faisait observer au Roy que les ventes annuelles de 39 arpents, en moyenne futaie, décidées dans les forêts du Domaine, ne sauraient être poursuivies pendant plus de 13 ans. Sans plus attendre, il fallait envisager la réduction en taillis de 1 à 20 ans, des 3/4 des bois de la maîtrise. Les associés entendaient en effet que les adjudications ordinaires soient réduites à 12 arpents et les ventes de taillis portées céans à 100 arpents. Ceci postulait une modification profonde de l'aménagement en cours. Les forêts de la maîtrise de Carhaix comprenaient à cette époque 4 094 arpents, dont 450 en vieille futaie et 490 en peuplements plus jeunes de 40' à 60 ans. Pour suivre la Compagnie dans ses exigences, il eût fallu se résoudre à ne laisser désormais croître en futaie que 1 374 arpents. Sous la pression des besoins militaires, le pouvoir^ royal fit d'abord droit aux doléances de la Mine. Le 17 avril 1753, un premier arrêt du Conseil fixait la é annuelle des coupes en Cornouaille à 100 arpents de taillis'. Toutefois, sur les instances pressantes des riverains et des artisans, le grand maître intervint pour que les ventes annuelles de futaie nouvellement restreintes à 12 arpents, soient portées à 18. Sabotiers, boisseliers et charpentiers qui oeuvraient en permanence sur les rives du massif s'opposaient alors violemment aux charbonniers et aux ouvriers de la Compagnie. Les papiers de la maîtrise témoignent de nombreuses rixes entre les deux fractions de la population, l'une soumise à la police de l'intendant de la province, l'autre à celle des forestiers du Roy. Au reste, les doléances du grand maître étaient parfaitement justifiées : Outre que les nouvelles prescriptions n'étaient point conformes aux ordonnances, une telle délivrance de taillis dépassait largement les capacités d'absorption de la Mine. Ce régime d'exception, qui conduisait déjà les officiers des maîtrises à consentir de multiples délais de vidange, ne pouvait qu'entraîner à long terme un avilissement du produit des ventes et la ruine de l'artisanat local. Aussi, dès la guerre terminée, le Conseil revint-il sur sa décision, réduisant à 50 arpents l'affouage ordinaire de la Compagnie. Entre temps, les associés avaient demandé et obtenu de faire construire à Poullaouen une machine hydraulique d'un type nouveau: 4200 toises de terrain domanial furent alors concédées à là Mine, à proximité de la forêt royale de Freau, pour y asseoir une canalisation nouvelle, destinée, cette fois, à capter une partie des eaux de l'Aulne. De son côté, l'arrêt du 18 mai 1756 (1) réformait visiblement (1) Enregistré au greffe de la maîtrise le 28 septembre!. (Cf. Arch. Finistère. Maîtrise de Carhaix. 150 B. Non invent.) Dép. AMÉNAGEMENT FORESTIER ET PROGRES TECHNIQUE 453 l'assiette des coupes: en Cornouaille, 3650 arpents étaient désormais affectés - au lieu de 2404 -< pour croître en futaie. Par contre, 1 250 a. seulement seraient convertis en taillis à l'usage de la Mine, sur le pied d'une vente annuelle de 50 arpents de 25 ans. A une époque où les progrès réels de la, mécanique ouvraient à la mine de nouvelles perspectives, le Conseil entendait, en effet, ménager désormais les intérêts légitimes de la et sauvegarder ceux de la Marine du Roy, dont la renaissance primait désormais tous les efforts. Les progrès techniques ouvraient en effet à la Mine de nouveaux horizons. Aux coûteux et pénibles artifices d'antan, tendait à se substituer un ingénieux système de canalisation. Il permettait d'accroître le potentiel hydraulique des pompes et procurait une économie substantielle de combustible, en étayant la fonderie sur des bases plus modernes et moins empiriques. En août 17Ó1, les plans ébauchés, huit ans plus tôt, par l'ingénieur CHOCAT de GRAND MAISON étaient repris et le tracé d'un nouveau tronçon de canalisation, de 12 pieds de large et 1 115 pieds de long, arpenté à proximité des massifs royaux de La Motte et Nargoat. Le devis en fut approuvé par arrêt du Conseil du 6 avril 1762. Toutefois, dix ans plus tard, les inondations recommençaient! La première machine était aux termes de sa puissance et la Direction se trouvait hors d'état de faire poutrer les galeries, à une plus grande profondeur, sans le secours d'un second engin. En raison de la^ structure du synclinal, en contre-bas de la Mine, il était nécessaire d'installer la pompe dans une position dominante, et d'élever à proportion le cours de la rivière en captant l'eau à deux lieues, au moulin du Huelgoat. L'installation, de rampes, à flanc de coteau, nécessitait, cette fois, des travaux considérables, sur des terrains escarpés. Bientôt, l'arpenteur de la maîtrise, Olivier Des BRÛLAIS, recevait la mission d'opérer le relevé de la future canalisation. Elle s'étendait sur 2 900 toises, dont 2 056 ressortissant du domaine forestier du Roy. Bientôt, l'adjudication des bois le long du tracé était décidée en faveur de la Compagnie et la Mine, astreinte, aux termes de l'arrêt du Conseil du 30 avril 1771, à opérer le comblement des fossés et le repeuplement des rives du massif. Les travaux s'échelonnèrent au cours des trois années suivantes. Les archives, encore non inventoriées, de la maîtrise de Carhaix nous apprennent que diverses plaintes furent alors évoquées au Conseil. Parmi les riverains, certains, plus ingénieux, tentaient de capter les conduits au moyen de perches pour irriguer leurs prés ; d'autres moins délicats, arrachaient les planches et s'emparaient en pleine forêt des arbres abattus de part et d'autre des canalisations. Pour palier ces dégradations, les Mines de Basse-Bretagne furent astreintes à faire assermenter
garde devant maîtrise.
En 1784, l'adjudication au bénéfice de la Mine de plusieurs arpents de bois, dans le massif de La Motte Freau, fut opérée à la légère par M. ESTANCELIN de TOUVENT, juge-maître à Rennes, qui exerçait alors, par intérim, les fonctions de grand maître en Bretagne. Les agissements de ce forestier provoquèrent la colère du célèbre procureur général La CHALOTAIS. Ce dernier, satisfaisant à une rancune inassouvie contre les maîtrises, entendit faire enquêter céans devant la Cour sur les faits et gestes de l'officier. Notre parlementaire, comme chacun sait, ne manquait aucune occasion de s'ériger en seul juge des intérêts du Roy dans la province. Dans ce nouveau « scandale », l'autorité monarchique menaçait d'être vivement compromise. En effet, la plupart des coupes de bois, adjugées à la barre de la maîtrise de Carhaix, au cours des années précédentes l'avaient été dans des conditions fort reprehensibles. Une futaie de j6 arpents de 60 ans, en forêt de Nargoat, venait d'être dévolue à la Compagnie pour 15000 livres, alors que les boisiers des environs étaient disposés à en donner près de 50000. La Mine avait, de plus, bénéficié gratuitement de tout le bois croissant de part et d'autre des rigoles, sur deux perches de largeur. Non contentes.de précipiter la ruine de la forêt, en y pratiquant de multiples sentiers de vidange, les Mines tentaient constamment de s'accroître du côté de Boudoudrain, sur les terrains du Roy. Outre 21 arpents de canalisations, la Compagnie avait obtenu en 1778, à l'ouverture de la Guerre de Sécession, deux nouvelles concessions, l'une de 17 arpents de taillis dans le canton de Brugnec, l'autre de 5 arpents en futaie proche du Gouffre, afin d'y installer les bâtiments d'une seconde fonderie. Aucun de ces projets n'avait été suivi d'exécution ; néanmoins, des arbres venaient d'être abattus sur ces deux emplacements. En 1787, la vente ordinaire de 50 arpents de taillis en fjorêt de Nargoat tourna court. L'adjudicataire, un marchand de bois de Belle-Ile en Terre l'avait obtenue, en poussant les enchères à 3 500 (1) Réformation -Maîtrise de Carhaix, 1786 (A. D. Il.-et-Vil, 5. B.). AMENAGEMENT FORESTIER ET PROGRES TECHNIQUE 455 livres. Toutefois, ce dernier s'aperçut vite que les Mines, en accaparant la main-d'oeuvre locale, lui rendraient l'exploitation êmement difficile. Il n'était pas rare, en effet,.que la Compagnie soustraitât avec quelques bûcherons et sabotiers, en leur laissant le bénéfice des meilleurs pieds. L'exploitant se désistait de son offre, le lendemain des enchères à midi. Toutefois, la Compagnie refusa de se substituer à ce particulier, aux conditions souscrites par lui. L'adjudication dut être annulée et renvoyée à l'année suivante. Les archives de la maîtrise nous apprennent que, cette fois, la Mine resta seule bénéficiaire de cette coupe, sans aucun concurrent. Les guerres de la Révolution, en désorganisant le contrôle des forêts domaniales, sans faire cesser les besoins de la Mine, ne devaient qu'aggraver une crise dont les données ne seront modifiées qu'un siècle plus tard, à la faveur des nouveaux aménagements. Michel DUVAL, Docteur
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L’insécurité transfrontalière en Afrique de l’Ouest : le cas de la frontière entre le Niger et le Nigeria
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457 | P a g e
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Vidéos BADA Salamatou et Amadou IBRAHIM, extrait du journal télévisé Télé Sahel, enregistrent vidéo in YouTube. Page de la Haute Autorité à la Consolidation de la Paix HACP. Format vidéo, titré « session de formation comité de paix », 2 :37. Disponible sur : https://www.youtube.com. Publié le 13 août 2018 (consultée le 10 septembre 2018). GAKO Habou et Harouna SANDA, extrait du journal télévisé Télé Sahel, enregistrent vidéo in YouTube. Page de la Haute Autorité à la Consolidation de la Paix HACP. Format vidéo, titré « Dossier de formation du comité de paix à Diffa », 2 :37. Disponible sur : https://www.youtube.com. Publié le 31 janvier 2018 (consultée le 08 septembre 2018). MAI SALLE Issaka, préfet départemental de Mainé-Soroa, interview accordé dans le cadre d’étude de faisabilité de Monsieur MOUSSA, 25 octobre 2015 à Mainé soroa OUSMANE Adamou, conseiller élu de la commune urbaine de mainé-soroa, interviews dans le cadre d’étude de faisabilité de Monsieur MOUSSA, 30 octobre 2015 à Mainé soroa. OUSMANE Malam, interviews dans le cadre d’étude de faisabilité de Monsieur MOUSSA, 28 octobre 2015 à Mainé soroa Sheihk Dahiru Bauchi, extrait de sa visite annuelle au Niger, édition spéciale de la radiotélévision
Ténéré. Enregistrement vidéo 1/3 in : YouTube. Page Fathu Gado. Format vidéo, 1 :00. Disponible sur : https://www.youtube.com. Consultée le 03/09/2018, traduit de haussa. 458 | P a g e Bibliographie Sheik Albanin Zaria. Allocution sur Muahamad Yusuf. Ajoutée le 27/10/2013. Extrait de son allocution dans la mosquée de Malam Mussa Sahabi à Zaria. Youtube. Ishaq Sabaru, 31 :24 vidéo disponible sur https://www.youtube.com,. Consulté le 21/03/2017, traduit de haussa. SOUMANA Abdoulay et Amadou IBRAHIM, extrait du journal télévisé Télé Sahel, enregistrent vidéo in YouTube. Page de la Haute Autorité à la Consolidation de la Paix HACP. Format vidéo, titré « Mise en place du Conseil Communal de Paix (Diagourou) », 2 :37. Disponible sur : https://www.youtube.com. Publié le 03 septembre 2018 (consultée le 11 septembre 2018). ................
................................
.............................................................178 Figure no 11 : Analyse des tendances mensuelles des incidents de janvier à octobre 2017...179 Figure no 12 : La croissance des dépenses militaires du Niger (2008-2018)...................197 Figure no 13 : Schéma constitutionnel de la République fédérale du Nigeria....................222 Figure 14 : Appréciations des efforts de lutte contre l’extrémisme...............................253 Figure 15 : Aperçu globale de la stratégie antiterroriste de la CEDEAO........................267 Figure 16 : Cadre réglementaire de la FMM.........................................................313 Figure 17 : Le gros de la répartition du budget de l’union africaine de l’année 2017...........320
465 | P a g e Table des tableaux
TABLE DE TABLEAUX Tableau 1 : Nombre de guerres et victime de guerre en Afrique et dans le monde.................4 Tableau 2. Les quatre images de la sécurité............................................................16 Tableau 3 : Les grandes réflexions théoriques de la notion de sécurité...........................17 Tableau 3 : aperçu des initiatives majeures en matière de lutte anti-terroriste au Sahel.......256 466 | P a g e Table des cartes TABLE DES CARTES Carte 1 : Cartographie des défis sécuritaires que pose les groupes islamistes militants en Afrique.......................................................................................................5 Carte 2 : Zone géographique et La population du Lac...............................................67 Carte 3 : Diffa : Mouvements de populations suite à la crise du nord-est du Nigéria............93 Carte 4 : Itinéraires routiers vers le marché de Maiduguri, passé et présent.....................124 Carte 5 : Propagation et crimes contre l’humanité de Boko Haram...............................154 Carte 6 : Attaques de Boko Haram sur la frontière nigérienne situation d’octobre 2015......163 Carte 7 : Niger/ Diffa Victimes civiles liées aux attaques de Boko Haram (06 février 2015 au 22 août 2017)............................................................................................164
Carte 8
:
La pression transfrontalière croissante
de
Bok o Haram, en 2015.....................165
Carte 9
:
Zone
CBLT
et
les Etats-
membres du bassin du
la
c Tchad...............................278 Carte 10 : Carte de l’Architecture Africaine de Paix et de Sécurité (AAPS) de l’UA.........296 Carte 11 : Les quatre bases de commandement de la FMM.......................................312 Carte 12 : Infographie des forces militaires françaises en Afrique................................333
467 | P a g e
Table des annexes TABLE DES ANNEXES Annexe 1 : Carte du Niger avec région de DIFFA. Annexe 2
:
Carte
du Nigeria
avec État de Borno. Annexe 3 : Photos du bassin du Lac Tchad. Annexe 4 : Cartes des zones rouges au Sahel
.
Annexe 5
:
Vue globale sur la carte
d’Afrique.
Anne
xe 6 : Frontière réelle entre le Niger et le Nigeria dans la ville de Dolé dans la région de Zinder.
Annexe
7 : Frontière réelle entre le
Niger
et le Nigeria dans la ville de
Dol
é dans la région de Zinder. Annexe 8 : Muhammad Yusuf fondateur de Boko Haram (2002-2009). Annexe 9 : Abubacar Shekau le successeur de M Yusuf depuis 2009 et donné pour mort plusieurs fois. Annexe 10 : Chef de faction de BH Abu Mus’ab Al-barnawi ancien porte-parole du BH et qui a été nommé chef de faction de BH par Daesh en été 2016.
468 | P
a
g e Table des mat
ières TABLE DES MATIÈRES DEDICACES...............................................................................................................................................
I REMERCIEMENTS.................................................................................................................................. II
SOMMAIRE.............................................................................................................................
................
III LISTE des SIGLES...................................................................................................................................VI INTRODUCTION GÉNÉRALE................................................................................................................ 1 CLAIRIFICATION CONCEPTUELLE..............................................................................................
9 I. La sécurité un concept contesté à typologie multiple........................................................... 9 II. La sécurité humaine : sens et réalité.................................................................................... 18 III. Sécurité globale : un enjeu de l’interdépendance............................................................... 22 IV. Insécurité : un phénomène multiforme............................................................................... 24 V. Le terrorisme : un terme courant au sens multiple............................................................ 26 VI
. La frontière, au-delà de la discontinuité............................................................................. 33 MÉTHODOLOGIE : ATOUTS ET LIMITES.................................................................................. 47 PREMIÈRE PARTIE : LES ÉTATS FACE AUX DÉFIS MAJEURS : LA GENÈSE DE L’INSÉCURITÉ TRANSNATIONALE................................................................................................. 55 CHAPITRE 1 : LA MISE EN CONTEXTE DE LA FRONTIERE ENTRE LE NIGER ET LE NIGERIA............................................................................................................................................... 58 Section 1 : La frontière, le nouvel
État nation
et
les
populations
................................................. 60 A- Frontière et population, un lien de proximité et de séparation............................................ 60 a- L’histoire d’une frontière imaginaire : la ligne Say-Baroua............................................... 60 b- La diversité au centre de rapprochement et de l’éloignement des populations................... 64 B- Déplacement et productivité des populations sur la frontière............................................. 71 a- Les villes frontalières, un facteur de désenclavement......................................................... 71 b- La différence monétaire, un avantage pour les liens commerciaux entre les peuples?...... 74 Section 2 : Un aperçu des rapports interétatiques entre les deux pays........................................ 79 A- La commission mixte nigéro-nigériane de coopération...................................................... 79 a- Contexte et objet de la création de la commission mixte de coopération........................... 80 b- La commission mixte, une valeur à apprécier pour les deux pays?...................................
82 469 | P a g e Table des matières La longue histoire d’une coopération bilatérale diversifiée................................................
85 B- CHAPITRE 2 : LE PHENOMENE DE L’INSECURITE SUR LA FRONTIERE ET SES EFFETS.................................................................................................................................................................
87 Section 1 : Une topographie de l’insécurité sur la frontière.......................................................... 87 A- Hier ignorée, aujourd’hui au centre d’attention : le Manga, au cœ ur de l’insécurité.......... 88 a- Situation géo-climatique et enjeux sécuritaires du Manga.................................................. 88 b- Le lourd prix d’une incursion prévisible?.......................................................................... 92 Des djihadistes locaux ou venus d’ailleurs?....................................................................... 94 Ba- Les enfants djihadistes du manga, une innocence désorientée?......................................... 96 b- Une incursion anticipée dans une situation explosive?....................................................
106 Section 2 : L’état d’urgence ; entre solution sécuritaire et asphyxie économique....................
110 A- L’état d’urgence, une mesure à conséquences néfastes?.................................................. 112 a- Un besoin déterminant à court terme?.............................................................................. 112 b- État d’urgence une mesure désastreuse?.......................................................................... 116 B- Effets sectoriels de cette insécurité................................................................................... 120 a- La fragilité d’un tissu social historique, la confiance perdue?......................................... 120 b- Les structures économiques en passe entre une désintégration et une réintégration.........
122 CHAPITRE 3 : AUX ORIGINES DE L’INSECURITE TRANSFRONTALIERE...................... 127 Section 1 : Le terrorisme, principal facteur de l’insécurité dans la région................................
127 A- Boko Haram, l’histoire d’un mouvement au départ légitime?......................................... 128 a- La naissance du mouvement, à l’instar des mouvements religieux répétitifs au Nigeria. 128 b- L’heure d’Aboubacar Shekau : le début de l’insurrection sanguinaire............................. 149 La riposte des États comme source de la dégradation de la situation d’insécurité........... 155 Ba- Dégradation de la situation au nord du Nigeria : action de l’État un l’élément déclencheur.........................................................................................................156 b- Les répercutions frontalières de Boko Haram...................................................................
161 Section 2 : De la rébellion aux conflits ethniques en passant par les groupes d’autodéfense : Le manga, une culture d’instabilité?..................................................................................................
166 A- La rébellion du Manga et ses conséquences...................................................................... 167 a- La genèse de la rébellion de Mangari............................................................................... 168 b- Faire la paix et non construire la paix : quelle facture pour le Manga?........................... 171 B- Banditisme et conflit intercommunautaire, une perturbation récurrente........................... 173 a- La criminalité des coupeurs de route, l’autre fardeau pour l’État.....................................
174 470 | P a g e Table des matières
bDEUXIÈME Les tensions et conflits intercommunautaires, le cocktail Molotov de plus......................
176 PARTIE : LA GESTION NATIONALE ET TRANSNATIONALE DE L’INSÉCURITÉ TRANSNATIONALE............................................................................................... 183 CHAPITRE 4 : LES ACTIONS ETATIQUE ET BILATERALE POUR LA SECURISATION DE LA FRONTIERE................................................................................................................................. 187 Section 1 : Niger et au Nigeria face à la mobilisation antiterroriste........................................... 190 A- Une expertise des moyens mis en place
par le Niger pour la lutte contre le terrorisme et de la sécurisation de sa frontière avec le Nigeria............................................................................... 191 a- Les activités politico-militaires : la boite noire d’un pays pris en tenaille........................ 192 b- La mobilisation populaire : les mains à la pâte de tous comme perspective de sécurité... 215 B- Le diagnostic des actions antiterroristes nigérianes de concert avec ses moyens pour la sécurisation de sa frontière avec le Niger...................................................................................... 221 a- Les militaires au cœur de l’État contre Boko Haram........................................................ 224 b- La confiance populaire à l’État : entre méfiance et confiance..........................................
237 Section 2 : Les actions bilatérales pour la lutte contre l’insécurité entre le Niger le Nigeria.. 240 A- Le cercle vicieux d’une lutte commune : d’une coopération militaire à celle judiciaire dans un espace complexe....................................................................................................................... 241 a- Les accords militaires, un impératif dans la lutte contre le terrorisme.............................. 242 b- Entre maîtrise et interposition : la difficile coopération en pratique................................. 245 B- La coopération bilatérale par-delà le militaire.................................................................. 249 a- Les accords de coopération judiciaires, une possibilité essentielle................................... 250 b- Entre exécution et oubli des accords en temps de lutte contre Boko Haram....................
252 CHAPITRE 5 : LES ACTIONS MULTILATERALES SUR LA FRONTIERE.......................... 255 Section 1 : Les instruments sous-régionaux de la lutte contre le terrorisme.............................
257 Aa- La CEDEAO : la superbe organisation sur laquelle on peut compter?............................ 258 Ses instruments, par essence indispensable pour la répression du terrorisme : confins d’un géant régional............................................................................................................................ 258 b- Ses perspectives de lutte contre Boko Haram : une capacité limitée?............................. 269 A cheval sur l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale, la CBLT : une organisation B- ressuscitée...................................................................................................................................... 276 a- Les conditions de création et de transformation de la CBLT............................................ 277 b- La CBLT et la gestion non négociable du phénomène Boko Haram................................ 283
471 | P a g e Table des matières
Section 2 : L’engagement continental pour la lutte contre le terrorisme dans le bassin du Lac Tchad............................................................................................................287 A- Les mécanismes sécuritaires et antiterroriste de l’Union africaine................................... 288 a- Une politique sécuritaire commune ancienne et progressive : forces et limites............... 289
b- Le dispositif antiterroriste de l’union : quel pari stratégique pour quel résultat?............. 297 B-
La force multi
nationale mixte, quelle action pour quelle mobilisation multilatérale?.....
308
a
-
Condition
de création et
objectif
de la FMM.................................................................... 309 b- État de lieu de ses actions sur sa zone d’intervention.......................................................
314 CHAPITRE 6 : À LA RECHERCHE DES RÉPONSES : LES LEÇONS D’UNE MAUVAISE ET TARDIVE GESTION SÉCURITAIRE?.......................................................................................... 323 Section 1 : Le rôle des anciennes puissances coloniales : briser les tabous................................ 325 A- La coopération Niger-France pour la sécurité : Les coulisses d’une présence ancienne.. 326 a- De par
le
confins : une responsabilité de présence française légitime?...........................
328 b- La France l’éternelle coupable,
responsable
de
quoi
?
...................................................... 335 B- La coopération sécuritaire britannique et américaines avec le Nigeria : Une ambivalence qui ne dit pas son nom......................................................................................................................... 343 a- Entre présence et absence : un flexible lien historique avec les Britanniques?...............
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Communication Internationale et enjeux scientifiques : un état de la recherche à la naissance des sciences de l information - en France
L'internationalisation de la culture, de l'information et de la communication : quels enjeux contemporains? « Communication Internationale » et enjeux scientifiques : un état de la recherche à la naissance des sciences de l'information communication en France "International communication" and scientific issues: a state of the art at the birth of information - communication sciences in France Pas de titre en espagnol Bertrand Cabedoche Bertrand Cabedoche est depuis décembre 2012 président du réseau mondial des chaires Unesco en communication (Orbicom). Diplômé de l'École Supérieure de Journalisme de Lille (1978), il a d'abord exercé en France en tant que journaliste, puis au Canada, avant de rejoindre l'équipe de recherche CRAPE et soutenir en 1987 une thèse pour le doctorat d'état de sciences politiques. Professeur en Sciences de l'Information - Communication, il enseigne à l'Université Grenoble Alpes depuis 2005. Il a été directeur de l'École de Journalisme de Grenoble, puis responsable de la chaire Unesco en Communication Internationale, adossée au laboratoire Gresec dont il est responsable des relations internationales. Il est fortement investi comme expert dans différents programmes de l'Unesco, de l'Unicef, etc. Sous sa présidence, Orbicom est devenu think tank de l'Unesco sur les questions d'information et de communication. Publié dans une quinzaine de pays, Bertrand Cabedoche est intervenu en tant que professeur invité à Beijing, Moscou, Beyrouth, Ammân, Alexandrie, Abidjan et Antananarivo. Ses interventions ont été sollicitées dans plus d'une quarantaine de pays en Europe, Amérique du Nord et Amérique Latine, Afrique et Asie. Abstract
What is designated as International Communication does not, in fact, actually exist, neither as a concept, a field, a category, a theory, a school, a discipline, nor a sector. It does not provide any original methodological approach. Its area of utility remains unclear and notably flexible, since the identification attempts to specify it are diachronic in character, as its claims refer to actors that steadily become more numerous and give rise to a variable geometry as well as more and subtle discursive productions. Embodied in publication titles and university courses, mobilized by international organizations for use in classificatory objectives, called upon for terminological clarification, it can only disappoint, offering false structural syntheses that fill scientific journals. Driven by a variety of often non-visible politico-cultural interests, its terminological polysemy discourages serious and exhaustive research. However, its discursive manifestation does produce meaning effects and impact on our understanding, and it is now time to put this in perspective. Thus, the only option for illuminating this situation – one that would avoid endless description and inventories – requires the common thread of a discipline, namely the information-communication sciences. From its formal constitution in France at the end of 70's and with its progressive establishment in Humanities and Social sciences, this discipline now provides a significant theoretical corpus and epistemological anchoring. At the same time, it is still possible in provide a reasonable and accessible to initial overview. Moreover, confining ourselves to one country while simultaneously taking into account transnational scientific collaborations and productions – and not least avoiding the pitfalls of mediacentrism – an interrogation of the discipline reveals a formidable toolbox. Its epistemological, theoretical, conceptual and methodological features justify a provisional state of the art, one that stands out in a crowded academic domain, and offers useful alternatives to the problematic character of International Communication.
Keywords International Communication, Information – Communication Sciences, epistemology of communication. CABEDOCHE Introduction
Entreprendre d'éclairer scientifiquement l'envergure et le déploiement de la Communication Internationale et considérer l'ensemble de ses enjeux, constitue une gageure : l'objet de connaissance, comme ses acteurs, se présentent volubiles, donc insaisissables. Le constat s'impose, dès lors qu'il s'agit d'embrasser chacun des axes, synchronique et diachronique et chacune des dimensions, temporelle et spatiale, structurant l'évolution référentielle de l'expression Communication Internationale : celle-ci apparaît toujours plus englobante, de l'instant où la plume greffière de Théophraste Renaudot s'était vu consigner la relation des événements entre nations en la réduisant dans sa Gazette, aux seuls faits de cour, jusqu'à l'appel de l'Unesco de 2010, invitant « les usagers à devenir des participants actifs et des créateurs dans un monde numérique, si l'on veut que les médias () améliorent aussi nos capacités de découverte de l'Autre, d'ouverture, d'acceptation mutuelle et de dialogue ». Initialement réservé à la désignation du jeu diplomatique entre nations les plus puissantes, puis à l'implication de plus en plus inclusive des organisations internationales pour le développement, le domaine intègre aujourd'hui de multiples acteurs, objets et problématiques, et renvoie à un éclatement d'enjeux que l'on devine fondamentaux, quoiqu'insaisissables. Mobilisée au gré des intérêts et jeux stratégiques et tactiques des acteurs, l'expression caméléon autorise de ce fait la convocation naturalisée d'expressions qu'il convient au contraire de mettre question, pour en identifier les enjeux, souvent souterrains : ère numérique, diversité culturelle, modernité, communication pour le développement, dépendance, journalisme de la paix, créativité citoyenne, etc. À cet effet, l'entrée par une discipline scientifique, telle que les sciences de l'information communication (Sic), s'avère nécessaire, pour autoriser la distanciation vis-à-vis d'une appellation faussement objectivante, tout en révélant les effets de sens auxquels ouvre, précisément, le flou constitutif du domaine. Méthodologiquement, le présent travail s'appuie sur des publications scientifiques antérieures de l'auteur, publiées dans différents pays et une prospection d'articles regroupés autour du mot clé Communication Internationale, d'abord au sein de la revue Les Enjeux de l'Information et de la Communication. Il se nourrit parallèlement d'incursions complémentaires dans d'autres revues à comité scientifique et ouvrages structurants de la discipline en France. La naissance d'une approche communicationnelle de la Communication Internationale, sur des territoires scientifiques particulièrement encombrés Bien avant la constitution, à la fin des années soixante-dix, de la nouvelle discipline connue en France sous le nom de sciences de l'information - communication, les premières impulsions théoriques se proposant d'embrasser le domaine ont été amorcées par les travaux en relations internationales. Il s'agissait d'abord de développer un savoir académique relatif aux relations entre les nations, au sens d'acteurs étatiques, initialement seuls consacrés par le droit international public. L'élargissement s'est imposé à partir du XXe siècle, la Communication Internationale débordant du droit de la guerre. Une Communication Internationale dépassant rapidement les seuls échanges entre États Les premières études en polémologie correspondent à deux visions : d'une part, une conviction gouvernant la diplomatie de la Maison Blanche, renvoyant au monde sauvage décrit par Thomas Hobbes (homo homini lupus est, L'homme est un loup pour l'homme) et à partir de laquelle la doxa justifie la criminalisation de l'adversaire, l'appel aux valeurs civilisationnelles jugées menacées, la mobilisation préventive permanente et la nécessité du shérif ; d'autre part, une vision, classiquement désignée comme européenne, de l'homo furiosus distinguant guerre et paix, considérée comme tout © CABEDOCHE aussi incontestable que la précédente, en termes de production de normes, considération des espaces et temporalités convoquées, analyse des rapports de forces, repérage des états de conscience, décodage des finalités et décryptage des jeux de communication. l ère contemporaine des confli s post-étatiques et post-politiques, le système défini à partir du traité de Westphalie ne tient plus, qui, à partir des principes conjoints de la souveraineté des États et de la symétrie des engagements, avait jusque-là consigné jus ad bellum et jus in bello (Droit à la guerre et droit dans la guerre). Il devient nécessaire d'intégrer de nouveaux belligérants, parfois indiscernables des non-belligérants ou des médiateurs « neutres » : mouvements de libération, groupes de partisans, milices plus ou moins paramilitaires, maquis de résistance et cellules de guérilla, voire activismes terroristes, groupes mafieux, réseaux de cyberdélinquance (Huygue, 2008). Les cadres d'analyse convenus explosent, lorsque les jeux tactiques des acteurs, militairement et logistiquement dominés, oeuvrent à compenser l'asymétrie des conflits par de subtiles logorrhées discursives. La linguistique et les sciences politiques ont déjà enrichi l'arsenal des méthodes susceptibles de repérer l'ennemi, notamment lorsque celui-ci s'infiltre au sein même des médias nationaux. Harold Dwight Lasswell avait dû bousculer sa conception empirico-fonctionnaliste du journaliste, méliorativement érigé comme agent de propagande en appui du politique, pour « la gestion gouvernementale des opinions, plus économique que la violence et la corruption » (Lasswell, 1927). Il lui avait ainsi fallu dépasser le confinement convenu du journalisme à des fonctions classiques d'alerte, d'organisation des réponses sociétales aux défis de l'environnement, de transmission de l'héritage culturel et social. Pour distinguer la « bonne » propagande de la « mauvaise » quand la thèse des effets forts des médias pour la gouvernance des opinions reconnaît encore ceux-ci comme déterminants, la panoplie des outils d'analyse des contenus se devait alors d'être enrichie de techniques probatoires pour confondre l'ennemi, agissant ainsi parfois même sur le territoire national (Lasswell, 1952) : repérage des thèmes (analyse descriptive), des signifiés (analyse thématique), des signifiants (analyse lexicale), des catégories (analyse fréquentielle) L'injonction allait dans le sens d'une double obéissance : au principe d'objectivation, qui permet de dépasser l'étroitesse des prénotions nationales et de comprendre le texte exogène ; au principe de quantification, qui impose la scientificité des sciences humaines et sociales sur le modèle des sciences exactes (Bernard Berelson et Paul Lazarsfeld, 1948). Tout cela avait encore explosé un quart de siècle plus tard, à la fin de la guerre au Vietnam, victoire militaire mais défaite psychologique pour les États-Unis : réinvesti par la Maison Blanche dans une rhétorique justificatrice de la guerre nom de l'intérêt national, l'État s'était érigé définisseur primaire, usant des technologies de l'information et de la communication les plus performantes pour mobiliser à la cause les populations, nationales comme extranationales. Enfin, la fin du XXe siècle témoigne d'une nouvelle évolution : le glissement progressif d'une diplomatie du fort au faible, basée sur la dissuasion militaire pendant la guerre froide, à une diplomatie du fort au fou, lorsque l'adversaire déterritorialisé se révèle insensible à la dissuasion dans la contrainte technologique et la raison, et privilégie au contraire l'action d'éclat apparemment déraisonnable, en fonction de sa résonnance médiatique potentielle jusque dans les supports d'information de l'adversaire et de sa rentabilité en termes de leadership au sein même de sa propre « alliance objective ». BERTRAND CABEDOCHE Le croisement nécessaire de disciplines multiples, pour la mise en perspective des enjeux de la communication internationale
Tout un répertoire scientifique s'est en effet offert, à l'inventaire duquel les sciences de l'information - communication se sont livrées dès leur apparition, pour construire la spécificité de leurs paradigmes sur le terrain de la communication internationale. Un socle particulièrement riche d'outils méthodologiques, conceptuels et théoriques
En France tout particulièrement, influence première des sciences politiques et des enseignements en relations internationales oblige, les recherches en communication internationale ont d'abord été cadrées par les théories de l'État, dans une perception des enjeux, certes critique, mais identifiant ceux-ci sur un terrain essentiellement culturel, au niveau de la sphère idéologico-politique. Ce confinement a eu ses avantages : il a ainsi prévenu la recherche en sciences humaines et sociales en France de la tentation d'un économisme, voire d'un technicisme, étroits, dans lesquels au contraire, les principaux acteurs des années soixante se précipitaient allègrement, notamment au sein du système des Nations-Unies. Les prescriptions semblaient trop souvent réduire les analyses aux études de marché et le consommateur à la rationalité de l'homo oeconomicus, en quelqu'endroit que ce fût de la planète. Les sciences de l'information - communication apparaissent en France au moment où une continuité de distanciation critique est déjà engagée, entreprenant de (re)découvrir l'humain en tant qu'homo singularis, réhabilité par la psychologie sociale, homo civilis, consacré par le droit et surtout homo politicus, reconnu par les sciences politiques, c'est-à-dire, du point de vue des sciences de l'information - communication, en tant que sujet actif des sociétés humaines, au niveau mondial. Les sciences de l'information - communication s'investissent alors, aussi bien sur le territoire des organisations économiques, via la théorie des industries culturelles ; dans le questionnement de la (dé)(re)territorialisation des espaces publics, via les jeux des acteurs institutionnels et sociaux ; autour de la distinction des usages et des pratiques, via le développement de technologies de l'information et de la communication que les acteurs s'entêtent à désigner comme « nouvelles » Une approche communicationnelle de la communication internationale, par essence interdisciplinaire Jeune discipline, les sciences de l'information - communication redessinent des sillons déjà creusés, avant d'affirmer davantage leur autonomie. Les terrains se multiplient au-delà des frontières, comme les convergences théoriques et conceptuelles, en dépit de la constitution de savoirs inscrits dans des géographies disciplinaires hétérogènes, selon les communautés nationales. Les relations suivies s'établissent rapidement avec de nombreuses équipes partenaires, hébergées dans des universités et centres de recherche à l'étranger. Ces collaborations se renforcent tout au long des colloques internationaux, certains réguliers au niveau bilatéral (cf. les colloques bilatéraux franco-brésiliens organisés par Intercom, la SFSIC et le Gresec ou avec l'Université Unisinos et ceux de l'IPSI à Tunis avec la Fondation Adenauer), ou multilatéral (cf. le colloque Communication et changement social en Afrique, organisé tous les 4 ans depuis 2005, entre Douala et Grenoble et une demi-douzaine d'autres universités africaines) ; autour de groupes de recherche internationaux (cf. le GDRI Commed regroupé autour de l'IRMC de Tunis) ; au sein de consortiums régionaux (cf. le consortium Relations Internationales à partir de l'Université Galatasaray en Turquie) ou d'universités d'été ( . la summer school européenne de l'European Communication Research and Education Association) ; entre écoles doctorales (cf. avec les Universités de Lund, Beyrouth, Malaga, Ouagadougou, Douala) ; à partir de financements partagés (cf. l'ANR ; le Fonds Québécois de Recherche sur la Société et la Culture ; la Fondation Adenauer) ; au fur et à mesure des fréquentions suivies, transfrontalières et translinguistiques, par exemple anglophones (cf. le Camri de l'Université de Westminster), hispanophones (cf. l'Université Ibericoamericana de Mexico), lusophones (cf. l'Université Unisinos du Brésil), baltes (cf. l'Université de Tartu en Estonie) Les perceptions des tendances lourdes de la recherche par pays et régions s'accélèrent avec les appels annuels d'expertise internationale pour évaluation des travaux ou recrutement de professeurs (cf. le Conselho Nacional de Desenvolvimento Cíentifico e Technológico, de Lisbonne, la Master League de la Communication University of China de Beijing, la Higher School of Economics de Moscou, le Luxembourg National Research Fund) Toutes ces habitudes de travail renforcent la relation de confiance avec des invitations à leçons inaugurales (cf. les Universités de la Manouba à Tunis ou de Lubumbashi pour les cinquante ans des sciences de l'information - communication en RDC), à conférences d'ouverture de congrès des sociétés savantes régionales (cf. l'Arab Association of Research in Communication) et à animation d'ateliers de réseaux mondiaux (cf. IAMCR-AERI, ECREA, Orbicom) Ces partages scientifiques donnent enfin lieu à des publications croisées réunissant les chercheurs par l'objet communicationnel (cf. l'analyse par des chercheurs d'une trentaine de pays différents des mécanismes communicationnels autour de l'élection présidentielle des États-Unis avec l'université de l'Illinois) ou suscitées par le rapprochement progressif d'analyses convergentes, jusqu'à constituer a posteriori une théorie, comme pour l'analyse des industries culturelles (Miège, 2003). BERTRAND CABEDOCHE collaborations permettent encore de dresser des états de la recherche (cf. le rapport de l'European Science Foundation, finalisé à Ljubljana en 2013). Les solidarités scientifiques autorisent la reconnaissance de revues structurantes, dont les onglets ouvrent le travail scientifique au terrain de la Communication Internationale (cf. la revue Les Enjeux de l'Information et de la Communication de l'Université Grenoble-Alpes). Enfin, les chercheurs sont régulièrement appelés par les organisations internationales pour nourrir celles-ci de leur contribution : l'Unesco (cf. les rédaction et traduction du guide Model Curricula for Journalism Education: A Compendium of New Syllabi ; les participations des chaires Unesco au sein d'Orbicom, désigné think tank de l'Agence internationale pour les Nations Unies pour les questions concernant l'information - communication) ; par l'Unicef (cf. le projet Study of socio-cultural determinants for the adoption of key family practices, animé par un consortium composé des Universités d'Antananarivo, de l'Ohio et de Witwatersrand). Les chercheurs français profitent encore d'éclairages sur les enjeux pour le 3e millénaire, organisés par la Commission Nationale Française pour l'Unesco (cf. la multistakeholder Conference : CONNECTing the Dots ; le colloque : Enseignement supérieur et numérique, quelles attentes des sociétés africaines?). Enfin, leur implication est sollicitée dans l'animation de débats par la United Nation Institute for Training and Research (Unitar) avec des professionnels (cf. à Libreville sur le thème Le journalisme, acteur de la paix?), par des instances académiques (cf. le Cames ; les ministères de l'enseignement supérieur et de la recherche de Côte d'Ivoire, du Congo) et par des opérateurs de la francophonie (OIF, AUF, université Senghor), voire par des organisations professionnelles et syndicales pour la réflexion et la rédaction de documents sur l'éthique (cf. l'Organisation syndicale des Journalistes malgaches) Tout cela est bien évidemment favorisé par les tutorats offerts aux étudiants et doctorants des universités partenaires (cf. les bourses de mobilité internationale CMIRA, les exportations des modules de formation doctorale, les co-tutelles et codiplomations, les présidences et participations à jurys de thèse), lesquels deviennent ensuite des ambassadeurs de premier plan pour les échanges et renforcements des accords-cadres entre établissements (Chen, 1994 ; Banerjee, 1994), etc. Ainsi, les problématiques en sciences de l'information - communication ouvrent pêle-mêle et de manière non exhaustive à l'interpellation du rôle de la communication pour le changement social, à l'échelle régionale, continentale, voire intercontinentale ; aux jeux croisés entre médias classiques et médias sociaux, locaux, nationaux et transnationaux pour la construction des espaces publics, politiques et sociétaux ; à l'interrogation des filières aux niveaux régional, continental et intercontinental, constitutives des industries de l'information et de la communication ; à la discussion des industries créatives ; à la mise en débat critique de la diversité culturelle, plus entendue dans sa résonance politique autour du pluralisme des expressions que dans sa dimension anthropologique et au questionnement de la régulation (nature et niveaux) Ce répertoire non exhaustif ne peut être établi qu'à partir d'une approche historique longue (Braudel, 1987), au-delà des agendas médiatiques contemporains. Seule, en effet, cette distanciation temporelle « permet de sortir d'un opportunisme conjoncturel (le règne de l'actualité), de tirer les conséquences du fait qu'il est impossible de comprendre certains objets () si l'on ne fait un retour sur le passé, y compris le passé lointain, () pour se départir de la 'normalité' apparente du présent () et examiner ce qui, dans le passé, constitue un héritage structurant ce présent » (Bautier, 2006, p. 197). Précisément, lorsque les sciences de l'information - communication se présentent en France à la fin des années soixante-dix, il est bientôt rappelé que c'était pendant la Guerre froide et depuis les ÉtatsUnis que l'appellation même de Communication Internationale s'était stratégiquement substituée au terme de « guerre psychologique », expression désormais négativement connotée car relevant trop de la sphère militaire et par trop affilée à la théorie psychologique (Mattelart, A., 1992, p. 102-103). Pour autant, la novation terminologique n'avait pas empêché la remise en question des thèses diffusionnistes, dont le déterminisme technologique avait cependant déjà inspiré de nombreuses BERTRAND CABEDOCHE politiques, dites de développement. La critique s'était parallèlement concrétisée depuis le Sommet des non-alignés d'Alger de 1973, par la revendication d'acteurs majoritairement identifiés « au Sud » en faveur d'un Nouvel Ordre Mondial de l'Information et de la Communication, tout aussi hétérogène dans ses propositions que l'éparpillement disciplinaire des saupoudrages scientifiques sur lesquels se construisaient les argumentaires de légitimation. Le rapport McBride, qui tente alors de sortir de l'impasse, n'en représente pas moins une tentative de mise en débat contradictoire (Cabedoche, 2011a). En considérant ce rapport comme premier fil conducteur, une influence théorique majeure témoigne des relations de proximité que les chercheurs de la discipline entretiennent depuis la France avec leurs collègues étrangers : à la naissance des sciences de l'information - communication en France, les auteurs finlandais Kaarle Nordenstreng et Tapio Varis viennent de développer leur concept central de circulation à sens unique l'information mondiale, révélant la nature des flux de l'information internationale médiatisée en même temps que la marchandisation croissante de la culture dont l'information constitue une des dimensions (Nordenstreng, Varis, 1974). Les deux chercheurs et leur équipe avaient procédé à une analyse – qu'ils jugeaient significative – des contenus engendrés par ces déséquilibres de la circulation de l'information à l'avantage des pays du Nord. L'Unesco, qui avait déjà accueilli le constat en cette deuxième moitié des années 70, invite alors de nombreux chercheurs à confondre l'ethnocentrisme des médias du Nord, au premier rang desquels les agences de presse mondiale, toutes situées « au Nord », pour précisément tenter de rompre cette circulation à sens unique de la communication à l'échelle mondiale. Un accueil réservé pour les techniques d'analyses stricto sensu des contenus manifestes de la communication internationale
La toute jeune discipline bénéficie alors d'une offre méthodologique déjà bien balisée par le structuralisme, pour ne pas en rester aux méthodes d'analyses sémio-descriptives de Communication Internationale, via les contenus de presse. Reprises en sciences politiques, les catégories de figures organisées autour des fonctions du langage, telles que définies par Roman Jakobson, permettent ainsi de confondre le discours idéologique des médias. La sociologie inspire les analyses comparées en démontrant comment le cerveau peut être conditionné par la gelstalt générale des Unes et des pages intérieures, comme lors de la visite de Nikita Khrouchtchev en France. Par la systématisation, l'analyse structurale se propose de mettre en relief le signifié, la connotation, le système sous-jacent aux apparences. Ainsi, des mythes contemporains surgissent du langage commun porté par les communications de masse, naturalisant les valeurs de la petite bourgeoisie, y compris dans les préférences culinaires nationales (le steak frites) exposées à l'offre de consommations exotiques. Armand Mattelart reconnaîtra plus tard avoir à ce moment-là été séduit par le projet sémiologique inspiré par la lecture structurale de Roland Barthes et d'Edgar Morin (Mattelart, A., 2010, p. 95-96). Le paradigme structuraliste s'étend alors à la psychanalyse, la littérature, l'anthropologie et permet de confondre le faux évolutionnisme des lectures linéaires de l'histoire, lesquelles aboutissent toutes à décréter des peuples et des cultures historiquement « en retard ». Le discours est alors considéré au-
à de l'expression d'un sujet parlant et au-delà même de l'intention de son auteur, quel qu'il soit : politicien, écrivain, journaliste
Ce sujet peut même se retrouver envahi au plus profond de sa propre conscience, jusqu'à le voir, malgré lui et contre lui, s'approprier le discours de pouvoir, comme le démontre alors Foucault. Une convocation méthodologique à l'écart des dérives structuralistes, comme des insuffisances d'approches purement sémio-descriptives
À la naissance des sciences de l'information - communication en France, le procès est déjà entendu, contre des lectures mécanistes du fonctionnement des sociétés humaines : en se focalisant sur la stigmatisation du code, la linguistique structurale y enferme le contexte. La structure apparait immobile, gelée, hors du temps et de l'espace. L'information est irréductiblement consignée avec le contrôle d'une totalité étatique dans un ensemble monolithique, d'où l'expression de la société civile ne peut surgir. L'homme n'est plus que le support de structures, ce qui, à l'extrême chez Althusser, rend vaine l'analyse visant à pointer les spécificités discursives des auteurs. Mais l'apparition des sciences de l'information - communication en France correspond à une période de mise en jachère théorique, qui invite à repenser la place du sujet, les jeux des acteurs, le rôle actif de l'audience. Henri Lefebvre s'était déjà prononcé contre un théâtre althussérien humainement désert, se complaisant dans l'analyse des invariants et des indéterminations et tendant à effacer l'action des sujets. Outre-Manche, depuis la New Left, Edward Thompson avait même vu dans la construction althussérienne une « terrible machine à déshumaniser ». Depuis, le débat s'est élevé au niveau des enjeux de la Communication Internationale, dès lors que ce structuralisme radical, quelque peu épuisé au niveau national, n'en inspire pas moins encore certains acteurs du Mouvement des non-alignés, critiques résolus de l'Ordre Mondial de l'Information et de la Communication. En France, la charge des années 70 se déplace alors contre le tiers-mondisme (Cabedoche, 1990), héritier trivial (au sens d'Yves Jeanneret) de « la pensée 68 et du structuralisme », © Les Enjeux de l'information et de la communication http://lesenjeux.u-grenoble3.fr/ °17/ , BERTRAND CABEDOCHE dont l'exécution définitive au milieu des années 80 correspond à la réhabilitation du Sujet en tant qu'être pensant autonome, lequel réclame la prise en considération de son discours. Dans ce contexte polémique, la pensée communicationnelle en France ne se sent d'abord pas davantage attirée par les méthodologies d'analyse des textes. Comme pour les théoriciens de la Critical discourse analysis, l'interface est absolue entre texte/discours/société : si le discours reste considéré dans sa matérialité linguistique, en tant que production écrite ou orale, c'est toujours en lien étroit avec ses différents contextes de production, de diffusion et de réception, desquels il tire (une partie de) sa signification. Des paradigmes disciplinaires réfractaires à une théorie universelle de la Communication Internationale
Même si le patrimoine épistémologique des sciences de l'information - communication renvoie à un savoir cumulatif, lequel, au contraire de l'information médiatique, ne procède pas par effacement des énoncés précédents, la discipline n'a jamais témoigné d'un enthousiasme débordant, ni pour le fonctionnalisme, dont il fallait déconstruire l'empirisme de la lecture proposée de la Communication Internationale, ni pour l'École du développement (dite encore École de la modernisation) qui s'en nourrissait. Dans cette opération de déconstruction, les sciences de l'information - communication ont déjà eu à considérer parallèlement la théorie de la dépendance, dont le renouvellement critique salutaire avait fini par provoquer à son tour la distanciation : l'école critique s'était déjà figée au moment de la constitution des sciences de l'information – communication, quand elle prétendait à son tour offrir un cadre théorique global, qui expliquerait l'homme dans sa totalité, quels que soient l'espace et la temporalité proposés.
La mise en cause de l'École du développement
Dans la décennie qui voit la naissance des sciences de l'information - communication, l'Unesco d'Amadou Mahtar M'Bow traite désormais des questions de communication à l'échelle de la planète, qu'elle estime relever de sa compétence. L'arène, offerte par l'Agence spécialisée des © Les Enjeux de l'information et de la communication | http://lesenjeux.u-grenoble3.fr/ | ° , 2016 BERTRAND CABEDOCHE Nations Unies, se montre sensible aux postures théoriques critiques, déstabilisant les certitudes de l'École de la modernisation. Il n'en avait pas toujours été ainsi. Jusqu'au début des années soixantedix, l'ensemble des institutions du système des Nations Unies s'étaient largement construites autour de cette première posture théorique séduisante. Il est frappant alors de constater la linéarité des propositions dominantes d'un siècle à l'autre. La discussion de la linéarité des analyses Auguste Comte avait construit sa théorie des trois États au XIXe siècle selon l'évolution, irréductible, du mode d'explication propre à l'état de chaque société : l'état théologique, quand la cause des phénomènes est recherchée en attribuant des intentions aux objets (fétichisme), ou à un Dieu, voire à des êtres surnaturels (mono et polythéisme) ; puis l'état métaphysique, quand les agents explicatifs exogènes sont remplacés par des forces abstraites : la Nature de Spinoza, le Dieu géomètre de Descartes, la Matière de Diderot, la Raison du Siècle des Lumières ; enfin l'état positiviste, lorsque l'esprit recourt à l'épreuve de réalité et s'affranchit, par l'expérimentation, des discours spéculatifs précédents. Un siècle plus tard, les sociétés humaines sont pareillement hiérarchisées et linéairement disposées, chez Walt Whitman Rostow, selon leur degré d'avancement en six étapes sur l'échelle de la croissance. Point de départ, la société traditionnelle ; puis, le pré-décollage, avec le dégagement de surplus agricoles ; le take off, à partir d'un fort investissement, l'émergence d'industries motrices et la fin des blocages culturels et socio-politiques ; l'image de la modernité, avec l'établissement de la démocratie, condition de dépassement du décollage ; la voie vers le développement, avec le constat d'un exode rural, conjointement au développement de la production industrielle ; enfin, la maturité, concrétisée par la consommation de masse. La première étape est celle où, aujourd'hui encore, certaines nations primitives restent bloquées, attardées. La destruction du blocage mythes leur fait espérer atteindre la deuxième étape, celle des pays sous-développés. La rationalité du take off est celle que le diffusionnisme libéral établit à l'examen de cinq pays à environnement socio-culturel voisin (Iran, Turquie, Liban, Egypte, Jordanie) : Daniel Lerner relie ainsi leur classement économique aux habitudes d'exposition de leurs élites aux médias, notamment états-uniens, ce qu'établissent les travaux suivants d'Ithiel de Sola Pool et de Wilbur Schramm : les mass médias commerciaux offrent l'image de la modernité et stimulent l'envie d'y accéder, pour l'établissement de la démocratie, dans des pays alors dits en voie de développement. Consécutivement, certains autres pays sont sur le point d'atteindre la cinquième étape, celle de la croissance industrielle, pour devenir ainsi les Nouveaux Pays Industrialisés. La dernière étape, celle des Pays développés, est surtout concrétisée par les États-Unis, alors première nation économique mondiale et préfigurant l'ère de la consommation mondiale. L'incarnation n'est pas anodine. En ces années soixante où la géopolitique du monde se cristallise dans la guerre froide, le président Harry S. Truman témoigne de sa conviction profonde : la pauvreté constitue le lit du communisme. Forte du succès de l'expérimentation du plan Marshall, la Maison Blanche prône la lutte contre le sous-développement. La référence enjoint concrètement de procéder à l'injection massive d'une aide financière temporairement limitée et au transfert technologique, pour accélérer le take-off. L'aide passe également par la formation des journalistes, notamment à la déontologie, pour accélérer le free flow of information, condition de dépassement du take-off. Significatif à cet effet de cette influence états-unienne avait été l'investissement des Nations-Unies pour la mise en place au début des années soixante d'un Programme pour le Développement International sur dix ans (PNUD), couplé avec la mise en place d'une Agence spécialisée disposant un Programme alimentaire mondial (PAM), à partir de 1963. Il s'agissait alors de « rompre le mur du silence autour du scandale de la faim dans le monde », dénoncé lors de la décennie précédente, notamment par Josué de Castro (de Castro, 1949, p. 16). Le professeur en géographie humaine avait BERTRAND CABEDOCHE construit son réquisitoire, choqué par les réponses politiques néo-malthusianistes proposées par les pays développés. La réforme agraire prônée par le Brésilien avait bientôt fait des émules en Europe. Le tout jeune chercheur belge, Armand Mattelart, avait directement vécu la tension de l'époque, entre les deux influences théoriques et disciplinaires : économie développementaliste, d'un côté ; ographie malthusianiste, de l'autre. C'est, installé au Chili, qu'il avait franchi un pas, radical : préparant sa mutation de la démographie vers les sciences de l'information - communication dont il sera l'un des piliers sur le terrain de l'analyse de la Communication Internationale depuis la France où il sera plus tard accueilli en tant que réfugié politique. Il avait bientôt établi, avec son épouse Michèle, le lien entre les intérêts des États-Unis et la presse conservatrice chilienne et entamé ainsi son approche critique de l'École développementaliste, nourri de rencontres stimulantes : Ivan Illich, critique radical des systèmes techniques de la société productiviste ; Louis-Joseph Lebret, spécialiste des questions de développement ; Don Helder Camara, figure de la théologie de la libération en Amérique latine. L'idéaltype journalistique, porteur du positivisme de l'École du développement
Les chartes déontologiques du journalisme en France renvoient globalement à des principes producteurs de normes et légitimant les pratiques : existence de lois objectives régissant le fonctionnement de toute société humaine ; élection des médias comme moteurs du progrès social, en tous lieux ; primat de l'information, à valeur universelle, sur l'opinion, liée aux contingences sociétales ; nécessité de la libre circulation de l'information pour le développement et le changement social ; attribution au journalisme des fonctions messianiques d'éducateur et de promoteur de l'ouverture ; valorisation de l'expérience et de la « vérité des faits », ces derniers étant réputés pouvoir être observés sans pré-requis particuliers. Depuis, lorsque ce journalisme se voit reprocher ses dérives, le recours à l'idéaltype resurgit, immanquablement, sous la forme de deux prescriptions rappelées par les instances représentatives : vis-à-vis de l'externe, le réflexe vise à tenter de faire comprendre les contraintes du métier (Derville, 1996) ; en interne, la recommandation enjoint de témoigner d'une plus grande rigueur éthique dans la collecte des données et l'interprétation de celles-ci. Le procédé offre l'avantage de ne pas remettre en question le fondement positiviste de l'idéaltype, constitutif également de l'École du développement, tandis que le questionnement constructiviste fait aujourd'hui partie de l'héritage des sciences de l'information - communication. L'avertissement est en effet entendu chez de nombreux chercheurs de la discipline, provenant notamment d'un Edmund Husserl dénonçant l'écrasement des questionnements métaphysiques par le positivisme du XIXe siècle : la science y est cant à la surface, réduite à une simple « science des faits » (Husserl, 1972, p. 11-12). Les auteurs de la discipline marquent ainsi leur prise de distance : aucun acteur social, journaliste compris (Cf. Les Cahiers du journalisme. Dossier Le journaliste, acteur social, n° 2, 1996.), n'opère dans un désert de sens ; les significations, qui apparaissent comme « naturelles », ne sont jamais que les significations auxquelles les acteurs se sont progressivement habitués, culturellement, socialement, politiquement, dans leurs cercles d'appartenance. Par ailleurs, parce que les mots ne sont pas autant attachés à ce qu'ils sont censés © BERTRAND CABEDOCHE désigner, comme la vulgate positiviste portée par les métadiscours journalistiques semble le croire, le langage ne se présente aucunement transparent : les spécialistes de la traduction l'éprouvent, quand le mot est manquant dans une langue par rapport à l'autre ; ou encore spécifiquement confiné dans une sphère exclusive ou au contraire élargi à l'ensemble de l'activité humaine ; ou enfin entaché de connotations multiples selon les contextes historico-culturels. Les sciences de l'information - communication se saisissent aujourd'hui de front du questionnement épistémologique (Cabedoche, 2006), témoignant de leur prise en compte des apports du constructivisme, sans que, nécessairement, à la différence d'un Jean-Louis Le Moigne par exemple, les auteurs persistent, chacun, à se déclarer constructiviste radical. Certains réclament même le retour à un positivisme revu et corrigé. Quoi qu'il en soit, les analyses en sciences de l'information - communication peuvent encore témoigner de l'influence du constructivisme, par la convocation d'un Patrick Charaudeau, dont les grilles méthodologiques inspirent encore certaines analyses en sciences de l'information communication. Une condition est posée à ce détour méthodologique : que les modèles sociolinguistiques ainsi proposés s'enrichissent d'approches empruntées à l'économie politique critique, pour mieux comprendre les jeux croisés des acteurs sur la scène internationale, sans pour autant écarter définitivement la dimension structurelle des enjeux de la Communication Internationale. Sans cet apport, le isme radical peut en effet conduire à deux dérives, comme les identifie le chercheur canadien Gilles Gauthier : celui de l'anti-objectivisme cognitif qui, posant que la connaissance ne relève pas d'une adéquation au réel, dissuade de l'évaluation de celle-ci in situ, comme hier le structuralisme d'un Louis Althusser le postulait dangereusement ; celui du scepticisme ontologique qui, appelant à une suspension définitive du jugement sur la réalité, peut conduire au cynisme comme ersatz d'analyse ou au relativisme culturel radical, où tout se valant dans son inadéquation au réel, le nihilisme cognitif redonne place à la barbarie ou à la négation de l'Autre. BERTRAND CABEDOCHE
Le questionnement de l'interculturel, accélérateur de l'entrée des nations dans la modernité? Sur ce terrain, la modélisation proposée par Geert Hofstede est sans doute la plus célèbre pour l'évaluation des différences culturelles entre nations, l'accélération de leur communication et l'émulation performante de la rencontre (Hofstede, 1980 [rééd]). Au terme des deux phases d'enquêtes, de 1967 à 1969, puis de 1971 à 1973, plus de 90 000 personnes ont répondu, réparties en soixante-douze filiales d'IBM, se distinguant autour de trente-huit professions, vingt langues. Soit 116 000 questionnaires portant sur le degré de satisfaction au travail, la perception des problèmes dans le cadre du travail, les buts professionnels de chacun, les croyances relatives au travail, enfin, les coordonnées socio-démographiques et économiques liées à la personne. Au final, les réponses ont été croisées par métier et par profession. À partir de cette très large observation statistique des terrains culturels investis par la société IBM dans le monde, l'auteur néerlandais considère ainsi cinq rapports d'échange, dominants dans chaque culture, associés à l'élaboration d'indices : la relation au pouvoir hiérarchique, la relation au collectif, la relation entre genres, la relation à l'incertitude, la relation au temps. Les grilles explicatives fournies prolongent le repérage déjà constitué des modes de communication selon les cultures, identifié notamment par Edward T. Hall (Hall, E. T. 1976). L'influence d'Hofstede est évidente, présente tout particulièrement dans la littérature de l'interculturalité anglo-saxonne, jusqu'à autoriser des lectures comparatives avec la Chine. Son succès auprès des cabinets de consultants s'explique précisément par la facilité d'utilisation de ses manuels, dont le contenu est largement appuyé par des chiffres à vocation probatoire ; par la magie d'application de recettes, convaincantes à court terme et par le caractère immédiatement monnayable des formations pour leur apprentissage en découlant. Les sciences de l'information - communication en France n'ont jamais été attirées par le réductionnisme et le quantitativisme forcené qui accompagnent la démarche. Le modèle est aujourd'hui, de plus en plus, désigné comme mécaniste, ethnocentrique, idéologique. La première distanciation critique contre Hofstede réside dans sa lecture de la culture réduite à une expression nationale, homogène, statique, déterminée, discriminante, à l'avantage des valeurs incarnées dans les pays anglo-saxons du Nord. Que signifie l'identité nationale, interroge déjà Armand Mattelart? Les méthodologies de l'enquête s'y révèlent discutables, isolant des réponses hors contexte, usant d'une langue non maîtrisée par tous les interrogés, brassant des variables statistiques sans réflexivité, maniant des échantillons finalement peu représentatifs. Pour dépasser l'écueil, des recommandations sont désormais émises, en faveur d'une convocation cross-culturaliste, multifactorielle, polycontextuelle de l'interculturalité (Tsui, Nifadkar, Yi Ou, 2007), articulant les niveaux, micro, méso, macro (Chatterjie, Grainger, 2006). Le questionnement reste ouvert. Ainsi, les sciences de l'information - communication en France n'écartent pas les distinctions sur une base nationale, voire régionale. Elles configurent ainsi le concept de nation civique autour du modèle français qui aboutit à la dissolution juridique de l'origine des naturalisés avec l'obtention de la nationalité française, quand d'autres reconnaissent la nation ethnique dans l'Allemagne de Weimar et la nation multiculturelle aux États-Unis ou au Brésil (Smith, 1994). Autre repérage géoscientifique, la trajectoire des Cultural studies est identifiée, territorialement parlant, de Birmingham à l'ensemble de la Grande-Bretagne, puis aux États-Unis (Mattelart, Neveu, 2003, p. 28-50). La France n'a finalement accueilli cette tradition de recherche que très timidement avec Marc Augé et ce, tardivement, pour explorer cette anthropologie des mondes contemporains dans les non-lieux. Il est vrai encore que l'École du développement est souvent liée aux États-Unis, tant elle a bénéficié d'encouragements – y compris financiers correspondant aux besoins conjugués de la tradition hobbesienne de la Maison Blanche (Chomsky, Clark, Saïd, 1999) et des ordres de grandeur des majors de la communication du pays (Boltanski, Thévenot, 1991). Au XIXe siècle, la latinité avait aussi été développée selon le même ancrage national depuis la France coloniale de Napoléon III, en réaction aux constructions hautement © BERTRAND CABEDOCHE concurrentielles des nations protestantes et de la « race anglo-saxonne », avant que la notion d'hispanité n'ajoute à son tour à la confusion, en réponse à cette latinité forcée (Martinière, 1982, p. 27-29). Il est vrai également qu'au moment de la naissance de l'Unesco, la tournée prospective d'un John Boorstin en Europe avait révélé une opposition irréductible, portée par Aragon, autour de la confusion engendrée par la traduction de culture de masse par culture populaire, (Mattelart, A., 2000, p. 36). Depuis l'Europe, des auteurs avaient aussi déployé l'antiaméricanisme viscéral de leur construction théorique (Kojève, 1947), ajoutant aux désignations trompeuses d'écoles géographiquement identifiées : École de Chicago, École de Francfort Enfin, même à l'intérieur d'un même courant théorique, les priorités peuvent varier d'une région à l'autre à la surface de la planète, comme en ce qui concerne l'économie politique de la communication (Miège, 2004). Mais depuis la France, les sciences de l'information - communication rejettent très vite les réductions géopolitiques, faussement explicatives, déterministes et parfois même, racialisantes, au dépens de ceux qui s'en emparent à la suite d'Hofstede, sans distanciation suffisante. Ces projets, épistémologiquement mal construits, rencontrent systématiquement la critique, quand ils se complaisent paresseusement à culturaliser à outrance le politique et le social (Žižek, 2004) ou à défendre des politiques de quotas de la part des instances de régulation de la communication autour de la promotion des « minorités visibles », sans plus de mise à distance (Mattelart, A., Mattelart, M., Delcourt, 1984, p. 34). La discipline ne se laisse donc pas abuser, habituée à transcender les frontières nationales, pour construire ses outils théoriques à partir de convergences non institutionnelles au-delà des frontières. Ainsi se présente la génèse de la théorie des industries culturelles, autour des chercheurs espagnols, Enrique Bustamante, Ramon Zallo (Bustamante, Zallo, 1988), Miguel de Aguilera (de Aguilera, 2000), Juan Carlos Miguel de Bustos (Miguel de Bustos, 2004) ; des chercheurs canadiens, Jean-Guy Lacroix, Gaëtan Tremblay (Tremblay, 1997 ; Lacroix, Tremblay, Lefè vre, Miège, Moeglin, 1997), Éric George (George, 2014a, 2014b), Benoit Levesque (Lacroix, Lévesque, 1986) ; des chercheurs britanniques Nicholas Garnham (Garnham, 1990), David Hesmondhalg (Hesmondhalg, 2007) ; des chercheurs français, Philippe Bouquillion (Bouquillion, 2008), Bernard Miège (Huet, Ion, Lefèbvre, Miège, Péron, 1978) et Pierre Moeglin (Moeglin, 2012) ; voire du chercheur brésilien Cesar Bolaño (Bolaño, 2015) Ainsi, les distinctions s'opèrent davantage entre écoles théoriques qu'entre nations. Les réactions critiques se manifestent rapidement (Cabedoche, 2013b), lorsque certains chercheurs (Averbeck-Lietz, 2013) tentent de justifier les évolutions et distinctions théoriques par des traits culturels spécifiques, réduits à des orientations géographiquement localisées, par exemple nationales. Cette méfiance pour les configurations géoculturelles rigides et simplistes se reconnaît dès l'origine en sciences de l'information - communication, lorsque les cartographies de la circulation à sens unique entre Nord et Sud se déchaînent encore, sans prendre acte de l'évolution déjà perceptible de l'échange inégal (Mattelart, A. Mattelart, M., Delcourt, 1984, p. 42). Pour autant, la discipline prend acte des apports théoriques de la pensée critique contre l'École du développement, regroupant plusieurs contributions théoriques sous l'appellation École de la dépendance. Une prise en compte mesurée des enseignements de l'« École de la dépendance » Directement issue de la théorie de l'industrie culturelle entamée par Theodor Adorno et Max Horkheimer dans les années quarante, la pensée critique souffre déjà de l'interrogation de son caractère déterministe et globalisant, lors de la constitution des sciences de l'information communication en France, paradoxalement à l'instar de l'École du développement à l'encontre de laquelle elle offre les outils du combat théorique. Ainsi, la pensée antidoxique peut elle-même fabriquer sa propre doxa. Pour autant, les sciences de l'information - communication sont redevables de cette économie politique critique– non sans une réelle distanciation de fond – telle que développée par l'École de Francfort et dont la perspective s'est précisément élargie à partir du milieu des années soixante et pendant les années soixante-dix, avec la théorie dite de la dépendance.
BERTRAND CABEDOCHE Une distanciation, dans le sillage premier de l'économie politique critique de l'École de Francfort
Fortement identifiés parmi les pionniers de la discipline, les théoriciens contemporains de la théorie des industries culturelles, comme Bernard Miège, le constatent, aujourd'hui encore : de multiples travaux traitent de l'histoire du livre, de la presse, du cinéma, de la radio et plus encore de la télévision. Mais la plupart diluent leur analyse autour de considérations esthétiques ou professionnelles. Elle ne proposent pas de grilles de lecture des relations des secteurs étudiés, avec le développement plus général des sociétés humaines au sein desquelles elles se développent. Elles se cantonnent à relever les caractéristiques communes des produits culturels et informationnels, comme s'ils ne relèvent que de leur dynamique propre, sans atteindre le niveau plus général de la compréhension des phénomènes de production et de consommation, ou leur niveau plus singulier par rapport aux formes antérieures de la production de l'information. Ainsi, la sectorisation des productions industrielles de la culture et de l'information, ou bien dissuade de percevoir l'industrialisation de la culture et de la communication dans ses tendances lourdes et ses spécificités contemporaines, ou bien incite à ne considérer la production industrielle des contenus informationnels que dans ses effets culturels et sociaux, sans l'associer au développement des réseaux et des outils. Tel est le mérite des théoriciens de l'École de Francfort que d'avoir nourri la critique des formes modernes de la culture de masse. Certes, la forme marchande ne recouvre pas toutes les activités culturelles et informationnelles. Mais les produits qui en sont issus, information internationale comprise, se présentent de plus en plus sous la forme d'une marchandise. Les manuels retraçant l'histoire de la pensée communicationnelle depuis la France retiennent que le rejet de l'empiricofonctionnalisme par cette École de Francfort était parti du refus de l'invitation adressée par Paul Lazarsfeld à Theodor Adorno : fraichement émigré sur le territoire états-unien depuis l'Allemagne en voie de nazification, ce dernier s'était vigoureusement désolidarisé d'un projet de recherche proposé par le premier, visant à identifier les effets culturels des programmes musicaux à la radio. Adorno avait justifié sa position, jugeant limité l'objet de recherche, tel que circonscrit par le commanditaire financeur, la fondation Rockefeller, à l'intérieur du système de radio commerciale développé aux Etats-Unis. Exilé lui aussi à l'Université de Columbia après avoir fui l'Allemagne nazie, Max Horkheimer avait partagé ce même constat d'incompatibilité profonde, avec sa propre réflexion critique : « le besoin de se limiter à des données sûres et certaines, la tendance à discréditer toute recherche sur l'essence même phénomènes comme « métaphysique », [risquent] d'obliger la recherche sociale empirique à se restreindre au non essentiel, au nom de ce qui ne peut pas faire l'objet de controverses ». La critique ainsi amorcée témoignait donc d'un rejet épistémologique, plus que d'une simple aversion ponctuelle, liée à un programme commandité de recherche. Elle caractérisait le refus de la dichotomie imposée par l'Aufklàrung (la « philosophie du progrès »), qui entend repousser l'obscurantisme, le mythe des sociétés primitives, au moyen de la raison moderne (Adorno, Horkheimer 1944, [rééed. 1974, p. 13]). La posture critique s'était alors structurée autour de deux types d'arguments. Sur le plan individuel, cette supposée « pensée en progrès » propose de supprimer les pulsions irrationnelles et antisociales en éliminant la violence, la peur, la détresse, la terreur. Sur le plan social, elle entend conduire à une humanité émancipée, à la civilisation, avec la rationalisation du monde par le savoir, dont « la technique est l'essence même ». Ainsi, ce savoir ne vise pas la création de concepts. Il constitue « une méthode » pour « la constitution d'un capital », par « l'exploitation du travail des autres ». L'essentiel n'est donc pas la recherche de la Vérité et le Progrès pour tous, comme annoncé, mais avec la modernité, le glissement d'une fin en soi à un moyen, à une méthode efficace, qui alimenterait l'espoir, vain, en une émancipation générale (Horkheimer, Adorno, 1944, [rééd. 1974, p.22-23]). Avec cette spéculation dans la modernité, la Raison devient ainsi totalitaire. Son idéal, c'est le système, dont tout peut être déduit. Dès sa naissance, la Raison est ainsi domination et destruction de l'altérité : tout ce qui ne se conforme pas aux critères du calcul et de l'utilité est suspect. Sous sa forme primaire, non différenciée, Mana représente ce qui est inconnu et transcende les limites de l'expérience. La Raison veut ainsi tuer Mana dans une tentative extrême d'absorber tout inconnu dans ses matrices des calculs. Caractéristique de la pensée enfant qu'il faut au plus vite dépasser par l'expérimentation chez Auguste Comte, la nature est donc « ce qui doit être appréhend mathématiquement, même l'insoluble et l'irrationnel n'échappent pas aux théories mathématiques » (Horkheimer, Adorno, 1944, [rééd. 1974, p. 41]). Pour les deux auteurs critiques, le processus mathématique automatique et autonome, qui s'auto-définit comme étant nécessaire et objectif, prend ainsi l'allure d'un nouveau rituel mythique. Désormais, pour l'École de Francfort, les produits culturels, les magazines, les films, les programmes radiophoniques témoignent de cette rationalité technique et doivent être considérés comme symboles de l'industrie culturelle, dont l'empreinte, dévorante, se traduit par la trilogie sérialisation/standardisation/division du travail. En s'emparant des produits culturels et informationnels à l'échelle de la planète, l'industrie culturelle les dégrade en précipitant leur chute dans la marchandise. La théorie de l'industrie culturelle était ainsi constituée. Après la seconde guerre mondiale, Herbert Marcuse avait pris le relais de l'analyse, depuis cette École de Francfort installée aux Etats-Unis, d'où son oeuvre irradiait ensuite en Europe, voire audelà, jusqu'à la mort de l'auteur à la fin des années soixante-dix, précisément au moment de l'institutionnalisation académique des sciences de l'information - communication en France. Bien que dépassé par son mythe, Marcuse offrait un cadre d'analyse qui contribuait lui aussi à saper la légitimité de l'entreprise de rationalisation et d'homogénéisation du monde par la technique. Paradoxalement, ce qui est actuellement en oeuvre à l'échelle mondiale avec une lecture marcusienne, c'est l'irrationalité d'un modèle d'organisation de la société qui, à l'Ouest comme à l'Est, plutôt que de libérer l'homme, l'asservit doublement, en tant que producteur d'abord, puis en tant que consommateur. Avec cette pensée critique, l'agent principal de cette aliénation, dont Marcuse avait ressuscité le concept depuis l'oeuvre du jeune Marx, est expressément désigné : les médias dominants travaillent à configurer la société unidimensionnelle, ils suppriment l'espace de la pensée critique. En réponse à Marcuse, mais tout en se recommandant de ce courant critique de l'École de Francfort, Jürgen Habermas avait offert un cadre théorique, toujours convoqué en sciences de l'information - communication, autour de la référence au concept d'espace public : entre l'État et la société, l'espace de médiation ainsi identifié, conjointement en France, en Allemagne et en GrandeBretagne aux XVIIIe et XIXe siècles, permet la discussion publique, dans une reconnaissance commune de la puissance de raison et de la richesse de l'échange d'arguments, des confrontations d'idées, et d'opinions éclairées (Auflärung), entre les personnes. Le principe de publicité se définit ainsi comme mettant à la connaissance de l'opinion publique les éléments d'information qui concernent l'intérêt général. Mais quand les sciences de l'information - communication se constituent en France, Habermas vient d'être publié en France (Habermas, 1978) et n'a pas encore véritablement amorcé la critique de sa propre approche théorique : alors, pour l'auteur, la période contemporaine correspond à une période de reféodalisation de la société. Le déplacement de la critique à l'échelle planétaire avec une École de la dépendance, finalement, discutée Au-delà des analyses de contenus des médias évoqués par Kaarle Nordenstreng et Tapio Varis, l'ouvrage La télévision circule-t-elle à sens unique? des deux auteurs, s'oppose radicalement à la vision irénique et harmonieuse des processus d'internationalisation des médias dans le monde, tels que décrits par les théoriciens de l'École du développement. Avec d'autres auteurs qui s'attachent à démontrer les mécanismes de dépendance développés par le phénomène, le processus est analysé en le reliant aux nouvelles formes de domination structurant les relations Nord-Sud. Dans ce concert d'analyse critique, Herbert I. Schiller se détache avec sa définition de l'impérialisme culturel, dont les moyens de communication globale constituent le principal vecteur et dont la résonnance de l'analyse reste contemporaine (Downing, 2011). Le concept lui semble être « [] celui qui décrit le mieux la somme des processus par lesquels une société est intégrée dans le système moderne mondial et la manière dont sa strate dominante est attirée, poussée, forcée et parfois corrompue pour modeler les institutions sociales, pour qu'elles adoptent, ou même promeuvent les valeurs et les structures du centre dominant du système » (Schiller, 1976). La thèse est diffusée en France à la constitution des sciences de l'information - communication (Mattelart, A., 1976). Dans les états de la recherche entrepris ensuite (Mosco, 1996 ; Mattelart, Tr., 2002 ; Nordenstreng, 2011), avec les collaborations directes entre auteurs de part et d'autre des frontières (Boyd-Barrett, Palmer, 1979), grâce aux traductions offertes au public francophone, aux co-directions de thèse et participations à des conseils scientifiques internationaux, aux invitations en France, par exemple de Herbert I. Schiller (Miège, 2004), des ponts théoriques sont ainsi dressés avec les auteurs critiques britanniques (Boyd-Barrett, 1977, 1980, 1982), latino-américains (Wells, 1972 ; Paldàn, Salinas 1979 ; Beltrán, 1978), voire états-uniens (Chomsky, Clark, Saïd, 1999 ; Miège, Schiller, 1991) Comme les autres disciplines, les sciences de l'information - communication prennent acte ensuite depuis la France de la contre-attaque brutale que la thèse, accueillie à l'Unesco, y avait rencontrée. Dès lors qu'elle aboutit à la mise en cause des agences mondiales du Nord, dont deux états-uniennes (Associated Press, United Press International), la posture critique provoquera bientôt le départ des États-Unis de l'Unesco. La réaction suivra en cela celle d'un Royaume-Uni, tout autant étrillé par la critique de la dépendance à laquelle aboutissait le déploiement de l'agence Reuter au niveau mondial, ajoutant au déséquilibre des flux de l'information, dont souffrent les pays du Sud. L'Unesco s'emploiera ensuite à donner des gages auprès des deux États frondeurs : noyautage expéditif du rapport McBride, puis mise sous séquestre de la référence au Nouvel Ordre Mondial de l'Information et de la Communication, jusqu'au retour des « nations prodigues » (Cabedoche, 2011 et 2013a). Réduite à ses dimensions politique, diplomatique, financière, la crise n'offre pas l'opportunité d'un décodage, autre que celui des jeux stratégiques et tactiques des acteurs, encombré des arguments dilatoires et autres déclaratifs, parfois de mauvaise foi, convoqués pour terrasser l'adversaire. Sean McBride le réalisera lui-même plus tard : rencontrant l'un des journalistes qui, avec de nombreux autres de la presse libérale anglo-saxonne, avait assassiné le rapport de la commission qu'il présidait au moment de sa diffusion en 1980, le prix Nobel de la Paix découvrira avec stupeur que son interlocuteur n'avait jamais lu ledit rapport mais, pour autant, avait construit son argumentaire expéditif, sans plus de fondement : "How an Irishman encouraged Unesco to produce a monster!". L'opinion définitive s'était ainsi forgée à partir de l'agitation provoquée par la fuite clandestine d'un blue print du travail, pourtant effectué à huis clos au sein de la commission, donc dans des conditions mystérieuses (Cabedoche, 2011). Le procès semble aujourd'hui renvoyer à une stratégie mûrement réfléchie et préparée dès la création de l'Unesco, par une diplomatie étatsunienne hostile à l'évolution critique d'une institution internationale que le pays rêvait de contrôler, depuis sa création (Toye, Toye, 2007). Assumé par le président Ronald Reagan dès sa campagne présidentielle à la charnière des années 1970-1980, le projet états-unien de sabordage était né en fait dès 1945, lorsque la première Direction générale de l'Unesco avait échappé au pays (Cabedoche, 2013a). Le projet avait ensuite été entretenu, constatant que, malgré son poids financier dans le budget de celle-ci et une politique effrontément interventionniste sur le terrain de l'information (Frau-Meigs, 2004), les programmes et projets de l'Unesco ne lui avaient pas été systématiquement favorables, même sous la direction générale d'un de ses ressortissants comme Luther Harris Evans. Plus tard, le travail de sape se concrétisera, lorsque le pays réussira à maintenir un closer look pendant toute la durée de son absence en tant qu'État membre de l'Agence (Frau-Meigs, 2004, Maurel, 2009). Enfin, la distanciation se réfugiera dans la bataille menée depuis son retour au sein de l'enceinte internationale autour de la diversité culturelle (Mattelart, A., 2005) et les actions bilatérales conduites depuis, en parallèle, sur les terrains même de l'action de l'Unesco. Au-delà de ces enjeux politico-diplomatiques, la compréhension des enjeux théoriques passe par d'autres sources, plutôt que celles fournies par les discours des acteurs. La distanciation est consacrée dès les premiers pas des sciences de l'information - communication dans les années quatre-vingts, exprimée par exemple par Armand Mattelart et son équipe, notamment à partir d'une fréquentation in situ de militants progressistes latino-américains : « Beaucoup de pays d'Amérique Latine ont utilisé le NOMIC comme une fuite en avant pour abandonner le terrain exigeant et donc dangereux des politiques nationales, arguant de la priorité du plan international. La défense enflammée d'un nouvel ordre [] est souvent un masque heureux pour maintenir la situation intérieure inchangée. [] Le véritable problème ne se pose pas en termes de transferts quantitatifs de capacités informationnelles du Nord au Sud. Il consiste plutôt à créer des nouveaux flux d'information avec des contenus, des protagonistes, des priorités et des nécessités absentes du flux actuel » (Mattelart, A. et M., Delcourt, 1984, p. 22-23). L'apport des théoriciens de la dépendance est certes estimable. Les auteurs ont ainsi permis de considérer l'information et la communication comme ressources pour les jeux des acteurs, voire comme moyens de gouverner, confirmé plus tard avec la désignation péremptoire d'une entrée dans l'ère de communication, par les pouvoirs en place (Mattelart A. et M., Delcourt, 1984, p. 54). Mais dans l'immédiat, la Communication Internationale révèle des enjeux plus croisés et complexes que la dichotomie des écoles précédentes avait pu laisser croire. Car au-delà des oppositions frontales, École du développement et École de la dépendance pèchent du même travers : les auteurs précurseurs de la pensée communicationnelle ont eu pareillement tendance à ne retenir que le rôle stratégique déterminant des moyens de communication dans la reproduction ou l'évolution des rapports sociaux et ce, de manière rigide. Ils ont parallèlement oublié le vécu concret et conflictuel des groupes sociaux dans leur rapport au spectacle. Or, les détours méthodologiques par l'étude des audiences révèlent déjà comment les médias transnationaux dominants peuvent aider à la prise de conscience des populations locales, enfermées dans l'extranéité des médias nationaux aux ordres de pouvoirs dictatoriaux (Mattelart, Tr., 1995). Les médias du roaming bousculeront plus tard les analyses trop rigides de la soumission des audiences, bientôt révélées avec les premières pratiques issues du développement du magnétoscope. Par ailleurs, bien que contradictoires, École du développement comme École de la dépendance se révèlent construire pareillement leur démonstration autour de la prénotion discutable de cultures nationales : la première pour les tirer toutes vers le développement, quelle que soit l'étape dans laquelle elles sont encore identifiées ; la seconde pour les protéger contre l'impérialisme culturel des médias extérieurs. Le questionnement est régulier en sciences de l'information - communication, alors qu'il avait été oublié au moment le plus tendu de la revendication pour un NOMIC à la fin des BERTRAND CABEDOCHE années soixante-dix : que signifient les concepts de culture nationale, d'autonomie culturelle? quand les entreprises états-uniennes adaptent leurs programmes aux terrains nationaux? quand sur place, les matrices, schémas et genres qui ont fait leur preuve au Centre sont repris à la Périphérie? (Mattelart, 1976, p. 294 et suiv.) L'analyse est très rapidement confortée par les traductions des ouvrages considérés comme marquants depuis l'étranger. Ainsi, travaillant sur les médias dominants et très vite reconnu en France, Jesús Martín-Barbero (Mattel art Tr., 2002, Lochard, 2002) aide à ne pas s'arrêter aux seuls stratagèmes du dominateur : la séduction, la résistance et la structure du message peuvent être traversées par des conflits et contradictions, car ces médias classiques ne sont pas parcourus que par la seule logique des intérêts dominants. La prise en compte de leur rôle en tant que médiateurs invite ainsi à une relecture profondément dialectique des interactions entre culture de masse, publics populaires et rapports sociaux. Trop longtemps oubliées dans les disciplines précédentes, les audiences se sont ainsi très vite rappelées à l'examen des chercheurs des sciences de l'information communication naissantes, porteuses de réalités multiples et de multiples histoires de significations accumulées (Paldàn, Salinas, 1979, p. 93). Progressivement, les analyses de la Communication Internationale se détachent ainsi d'une approche par les flux : si celle-ci permet d'identifier de manière synchronique les déséquilibres, « elle n'offre en revanche aucun principe de compréhension » (Mattelart, A. et M., Delcourt, 1984, p. 44). La conclusion tombe alors, brutale mais prometteuse de nouveaux horizons pour les sciences de l'information - communication : pour la compréhension des enjeux de la communication à l'échelle mondiale, « la notion d'impérialisme culturel et son corollaire, la dépendance culturelle ne suffisent plus aujourd'hui » (ibid., p. 47). C'est sur ce terrain, déjà fortement préparé, que, dès leur naissance, les sciences de l'information communication fourbissent leurs armes autour d'une des réflexions qui les fera ensuite reconnaître au sein des recherches classées sous l'onglet de la communication internationale : la théorie des industries culturelles. Le premier travail en ce sens ne renvoie pas spécifiquement à la discipline, trop jeune encore. Il regroupe ainsi un représentant du secteur associatif en études urbaines, qui rejoindra ensuite le CNRS (lequel n'accueille pas les sciences de l'information - communication) et des universitaires, identifiés en sociologie, ou, pour l'un d'entre eux, marqué par une trajectoire d'abord en études politiques, mention économie politique, puis en socio-économie (Huet, Ion, Lefèbvre, Miège, Péron, 1978). Mais c'est au sein des sciences de l'information - communication que la lecture va progressivement enrichir les lectures de la Communication Internationale. Ce travail précurseur offre un premier intérêt pour le traitement ultérieur de la Communication Internationale : il oblige à considérer que, pas plus que pour les produits culturels, on ne peut analyser la Communication Internationale comme un tout différencié, dont la seule logique serait systématiquement marchande. Certes, les industries culturelles ne constituent pas un secteur à part des autres branches industrielles. Dans le même temps, la piste de travail ouverte au moment de la constitution des sciences de l'information - communication invite immédiatement à considérer les industries culturelles par filières, obéissant à des particularités propres, selon le caractère reproductible ou non des produits ; selon la participation ou non des travailleurs artistiques ; selon les filières et leurs chevauchements ; selon les terrains où celle-ci se développent.
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En 1947, il se rend aux États-Unis en vue de mieux comprendre les développements dans la filière des résines qui ont eu lieu au cours de la Seconde Guerre mondiale chez le plus grand concurrent de la France de l'autre côté de l'Atlantique. En 1948, il part au Portugal pour y découvrir une jeune industrie qui commence à menacer la production française. On ne connaît pas la taille exacte des différentes sections, mais elles ne sont pas équilibrées. Par exemple, le laboratoire de biologie forestière, établi en 1948, ne compte vraisemblablement qu'un seul membre permanent, le professeur David, futur membre de l'Académie des Sciences et l'un des plus grands spécialistes de la biologie du pin162. La biologie forestière et la recherche sur le bois sont complètement délaissées dans les années 1940, en raison de la fermeture du laboratoire forestier de Pierroton pendant la guerre, mais David tente de ressusciter cette filière. Les travaux du laboratoire de biologie portent initialement sur le bouturage du pin maritime et sur la destruction du sous-bois dans la forêt landaise par des hormones de synthèse afin de diminuer le risque d'incendies, les recherches sur cette thématique étant financées par la Caisse de Prévoyance des Landes de Gascogne qui accorde encore en 1948 une subvention de 300 000 francs à l'Institut du Pin. L'année suivante a lieu dans les Landes le plus grand incendie de l'histoire de la région qui fait 82 morts et ravage 100 000 ha de la forêt163. Suite à cet événement tragique, l'Institut du Pin, grâce à son laboratoire forestier, contribue à la lutte contre le feu dans la forêt landaise. David envisage également de travailler sur la germination des graines de pin « dans le but d'essayer d'obtenir des individus à croissance plus rapide, et pouvant atteindre une taille plus grande que les individus normaux. 164 Dans les années 1950, ses recherches s'orientent vers l'étude du gemmage165 et surtout de l'impact du gemmage à l'acide sur le bois de pin. Un autre chercheur, Jean Haget, sous-directeur du Laboratoire d'Entomologie appliquée de la Faculté des Sciences de Bordeaux, dans le cadre de son activité au sein du service de biologie de l'Institut du Pin, élève des Thanasimus formicarius, des prédateurs des bostryches qui G. Brus, « Rapport sur le fonctionnement et les travaux de l'Institut du Pin, année 1956 », Archives de l'Institut du Pin, boîte « Divers ». 290 menacent les pins maritimes. L'Institut subventionne les recherches de Haget mais ce dernier n'en est pas formellement un de ses membres. Quelle est la place de la section biologie forestière parmi les autres sections de l'Institut du Pin? Essayons de quantifier l'importance des différentes sections de l'Institut du Pin en nous basant sur la liste de ses publications entre 1947 et 1969, conservée dans les archives de l'Institut166.
Figure 2 : Nombre d'articles et d'interventions orales publiées sur la biologie du pin (1947-1967) Entre 1948 et 1959, onze articles consacrés à la biologie de pin sont publiés, neuf de la main de David et deux de Haget, mais plus de la moitié des articles en question paraît dans Bois et Résineux, visant un public non scientifique. Mal
gré ses succès initiaux,
le laborato
ire sera fermé au bout d'une dizaine d'années. Après l'introduction du gemmage activé dans la forêt landaise, aucune nouvelle piste de travaux n'est adoptée et l'Institut ne continue ni son travail sur les questions liées au gemmage ni celui sur la biologie forestière. Le site de Pierroton, réouvert en 1950, deux ans après l'établissement du laboratoire de biologie forestière, est transféré à l'INRA en 1964, et l'Institut abandonne cette filière167. 166 Toutes les figures dans cette partie ont été établies par nous à partir des données figurant sur la liste des publications de l'Institut du Pin, Archives de l'Institut du Pin, boîte « Divers ». 167 «
Chronique du c
inquant
enaire de la station de Recherches forestières de Pierroton », 2013, p.
3,
communication
de la part
de
l
'INRA. 291 Un autre laboratoire, celui des recherches sur le bois et
ses
dé
rivés
, connaît
un destin différent
. En fait
, l'importance de la filière cellulose, surtout dans le contexte de la papeterie, s'accroît déjà avant la Seconde Guerre mondiale au sein de l'Institut du Pin. Cette évolution s'achève en 1940, au moment où la section « bois et dérivés » devient le Laboratoire de cellulose entièrement consacré à la question papetière168. Il gagne en importance dans les années 1950-1960, notamment grâce à deux chercheurs : Pierre et Huguette Monzies, un couple employé à l'Institut. Leurs travaux portent avant tout sur les propriétés de la pâte à papier. En 1958, le laboratoire de cellulose de l'Institut du Pin, à côté de l'École Française de papeterie de Grenoble et de l'Institut national de recherche chimique appliquée, est l'un des trois laboratoires de base du grand Centre technique des papiers, cartons et cellulose, entité censée coordonner la recherche papetière à l'échelle nationale169, qui deviendra ensuite le Centre technique du papier ayant son siège à Grenoble170. La recherche papetière au sein de l'Institut du Pin prend de plus en plus de place au cours des années 1950-1960 ; par exemple, en 1966, les papeteries locales lui attribuent une allocation de 528 150 francs pour contribuer au développement du laboratoire de papeterie. Au total, entre 1947 et 1967, une vingtaine de publications et communications sur les questions liées à l'exploitation bois en papeterie voient le jour, leur nombre allant en augmentant chaque année. 168 R. Bentejac, Historique de l'Institut du Pin et de ses activités dans le domaine de la chimie, 1996, p. 6, Archives de l'Institut du Pin, boîte « Divers ». 169 R. Bentejac, Historique de l'Institut du Pin et de ses activités dans le domaine de chimie, 1996, p. 7, Archives de l'Institut du Pin. 170 Communication personnelle de l'ancien directeur de l'Institut du Pin, Claude Filliatre, du 12 avril 2016.
292 Figure 3 : Nombre d'articles et de communications orales publiées concernant la papeterie et le bois du pin 1947-1967
Cependant, la biologie forestière et la papeterie restent des sujets marginaux parmi les thématiques étudiées par l'Institut du Pin. C'est le Laboratoire de recherche sur la chimie et l'utilisation des produits résineux et de leurs dérivés qui rassemble la majorité des chercheurs au sein de l'Institut. En 1948, le chercheur vietnamien Lê Van Thoi assume sa direction. Cette année-là, ce laboratoire réunit huit ingénieurs chimistes, deux aides-chimistes, trois thésards, un mécanicien, un magasinier, un garçon de service et deux femmes de service, soit, au total dix-huit employés171. L'activité du laboratoire des produits résineux est complétée par celle du laboratoire de recherches physiques que dirige le professeur Auguste Rousset, physicien intéressé par l'optique moléculaire et la chimie physique, et un des promoteurs les plus importants de la spectrographie Raman en France172. En effet, explique Georges Brus, « les mesures polarimétriques, la spectrographie Raman, ultraviolette et infrarouge, les diagrammes de rayons X, la détermination des poids moléculaires des grosses molécules par la méthode de diffusion, les mesures électrochimiques, les déterminations de tensions superficielles, etc. sont indispensables pour les recherches sur la constitution et sur l'utilisation produits étudiés à l'Institut du Pin : terpènes, acides résiniques, l'huile de 171 172 Anonyme, « L'UCR et l'Institut du Pin », Bois et Résineux, 20 janvier 1949. Note biographique d'Auguste Rousset : http://christian.j.borde.free.fr/AugusteRousset.pdf, consulté le 18 janvier 2016. 293
résine, résines synthétiques, cellulose »173. Les deux laboratoires contribuent à la recherche sur deux sujets fondamentaux, habituellement traités au sein de l'Institut du Pin : les dérivés de l'essence de térébenthine et les acides résiniques. Sur environ 190 articles et communications émanant des chercheurs de l'Institut du Pin (thèses publiées incluses) pour les années 1947 à 1967, environ 65 % concerne ces deux produits principaux de l'industrie landaise et leurs dérivés. Observons la répartition d'articles et de communications de l'Institut du Pin dans la figure suivante. Figure 4 : Thèmatiques des publications dans les années 1947-1969
Biologie forestière 6% Autres 12% Acides résiniques 31% Nouveau mode de fractionnement de la gemme et ses dérivés 6% Bois et papeterie 11% Dérivés terpéniques 34%
Notons qu'à cette période, une cohorte importante d'articles sur la gemme et le gemmage se répartit entre la biologie forestière et la problématique du nouveau mode de fractionnement de la gemme. En ce qui concerne les grands thèmes (dérivés terpéniques et acides résiniques) abordés après la guerre, à première vue il existe entre eux un équilibre. Notre analyse du Bulletin de l'Institut du Pin dans le premier chapitre confirme que la place occupée par chacune de ces thématiques dans les années 1950 à 1960 ne diffère pas vraiment de celle observée pour les années 1920 à 1930. Mais cet équilibre est compromis si l'on fait intervenir le facteur temps dans nos interrogations.
Figure 5 : Nombre d'articles et de communications orales sur les acides résiniques et leurs dérivés (1947-1969) Figure 6 : Nombre d'articles et de communications orales sur l'essence de térébenthine et ses dérivés (1947-1969)
On constate en effet que juste après la guerre, l'essence de térébenthine n'est plus un sujet d'étude porteur. L'Institut concentre au contraire tous ses efforts sur le développement de procédés pouvant augmenter la valeur des colophanes (la décoloration, la polymérisation 295 et l'hydrogénation), mais aussi sur des recherches fondamentales étudiant leur composition et leurs propriétés. Par exemple, en 1951, une grande étude est entreprise sur la conductimétrie et la potentiométrie des acides résiniques et de leurs sels alcalins174. Une autre voie de recherche est ouverte l'utilisation du spectre Raman dans l'analyse des produits résineux. À la fin des années 1940, douze articles sont consacrés à ce sujet. Mais c'est la synthèse des produits à la base des acides résiniques qui se trouve évidemment au coeur de l'activité du laboratoire. En 1953, « 45 dérivés nouveaux ont été préparés à l'acide déhydroabiétique, 23 à partir de l'acide dextropimarique, 40 à partir de l'acide dihydrodextropimarique. Parmi ces dérivés, plusieurs présentent un intérêt pratique » assure l'un des rapports de l'Institut du Pin de cette période175. 174 « Institut du Pin », 1951, Archives de l'Institut du Pin, fichier « U.C.R. ». 175 « Institut du Pin », sans date, Archives de l'Institut du Pin, fichier « U.C.R. ». 176 P. Legendre, « Sur les dérivés des produits résineux », 1955, Archives de l'Institut du Pin, fichier « U.C.R. ». 296
Ensuite, des raisons économiques poussent également l'Institut vers l'essence de térébenthine. En 1953, les chercheurs de l'Institut du Pin déposent un brevet intitulé « Nouveaux Polyamides » protégeant le Terlon. Le Terlon est un composé de polyamides obtenus par polycondensation de diverses diamines avec l'acide pinique, produit d'oxydation du pinène177. Il se présente sous forme de fibres analogues aux fibres de Nylon et, en 1954, G. Brus et P. Legendre espèrent que « les qualités et le prix de revient de ces nouvelles fibres rendront possible la fabrication industrielle qui pourrait assurer un large débouché nouveau à l'essence de térébenthine. »178 Par conséquent, l'Institut réoriente ses travaux vers les dérivés de l'essence de térébenthine qui semblent offrir plus d'opportunités que les acides de la colophane. L'acide pinique synthétisé à partir de l'essence de térébenthine est un composé qui suscite un intérêt particulier. En 1958, on peut lire dans le rapport annuel de l'Institut du Pin que « la mise au point de la préparation et l'étude des propriétés des différents esters de l'acide pinique ont été étudiées en raison de l'importance que ces esters sont susceptibles de prendre, non seulement comme plastifiants de certaines résines de synthèse, mais également pour l'intérêt qu'ils présentent, étant donné leur stabilité et leur courbe de viscosité, dans la lubrification des turbo-réacteurs et des armes automatiques, ainsi que comme fluides de commande des servo-moteurs. »179 Vers 1959, en parallèle des polyamides, l' aborde la thématique des hydroperoxydes de divers terpènes (pinane, menthane, carvomenthène, limonène) pouvant servir en tant que catalyseurs de polymérisation, notamment dans la production des caoutchoucs synthétiques. Ajoutons que l'Institut utilise couramment la chromatographie en phase vapeur afin d'analyser des essences de térébenthine et d'autres produits résineux, ce qui l'amène à des études supplémentaires consacrées à cette technique innovante à l'époque180. Un autre sujet prometteur, abordé au début des années 1960, est l'étude des polymères du nopinène et de leurs dérivés ainsi que la préparation et la 177 « Institut du Pin », 1954, Archives de l'Institut du Pin, fichier « U.C.R. ». 178 Ibidem. 179 R. Rusterholz, « Rapport Moral du Conseil d'Administration de la N.U.C.R » [1957-1958], Bois et Résineux, 20 août 1958. 180 « Travaux effectués par l'Institut du Pin au cours de la campagne 1959-1960 », Archives de l'Institut du Pin, fichier « U.C.R. ». 297 polymérisation de dérivés vinyliques181.
Les polymères intègrent lentement l'Institut du Pin, et leur importance ne cessera de croître. La troisième raison de la marginalisation des acides résiniques au sein de l'Institut du Pin et de l'essor des travaux sur les terpènes est de nature purement personnelle. La courbe des publications du chercheur le plus productif de l'Institut, Lê Van Thoi (70 articles cosignés), présente des similarités avec celle des publications sur les colophanes.
Figure 7 : Nombre d'articles et de communications orales de Lê Van Thoi (1947-1969)
Etant spécialiste des acides résiniques, son départ en 1956 affecte tout le système des recherches menées au sein de l'Institut du Pin. Un an plus tard, G. Brus engage Roger Lalande, chimiste spécialisé dans les terpènes qui devient responsable des recherches fondamentales de l'Institut sur cette question. Nous voyons dans la figure suivante que la courbe de publications de Lalande correspond à celle de l'essence de térébenthine. Figure 8 : Nombre d'articles et de communications orales de R. Lalande (1947-1969)
Il est clair que les inclinations personnelles des membres les plus actifs de l'Institut ont un rapport direct avec le changement de ses thèmes de recherche. Les façons de travailler respectives de Lê Van Thoi et de Lalande, les chercheurs principaux de l'Institut, marquent profondément la politique scientifique de l'établissement. Observons le tableau rassemblant les chercheurs les plus productifs de l'Institut du Pin dans les années 1947-1969. Tableau 3 : Les chercheurs les plus actifs de l'Institut du Pin (1947-1969)
Chercheur/ingénieur ayant Nombre Sujets publié au moins 10 d'articles totalité d'articles (187) principaux de articles/communications cosignés entre 1947 et 1969 recherches Lê Van Thoi 70 37,4 % Roger Lalande 41 21,9 % Terpènes Georges Brus 37 19,8 % Tous Acides résiniques Acides François (Mlle) 25 13,3 % résiniques et terpènes 299 Pierre Monzie 21 11,2 % Bois et papeterie Acides Pierre Legendre 16 8,6 % résiniques et gemmage Jean Moulines 13 7% Ourgaud 12 6,4 % André Belloc 10 5,3 % Terpènes Acides résiniques Acides résiniques
On remarque d'abord que Lê Van Thoi et Lalande sont de véritables meneurs en ce qui concerne l'activité de recherche. Les résultats de Georges Brus sont aussi particulièrement impressionnants compte-tenu du fait que, jusqu'en 1961, il remplit le rôle de doyen de la Faculté des Sciences de Bordeaux, fonction qu'il quitte pour raisons de santé182. Inversement, il est par ailleurs surprenant que Pierre Legendre, directeur technique de l'Institut, ne publient que 16 articles entre 1947 et 1969. D'un autre côté, sa tâche principale consiste à aider et à intervenir auprès d'entreprises et la recherche à proprement parler n'est pour lui qu'une activité secondaire. Au total, entre 1947 et 1969, 59 personnes publient des recherches sous la « tutelle » de l'Institut du Pin (thèses incluses). Observons le schéma résumant le rapport entre le nombre d'articles publiés et le nombre d'auteurs. Figure 9 : Publications de l'Institut du Pin entre 1947 et 1969. (Nombre d'articles par auteur)
D'un point de vue scientométrique, le schéma ci-dessus semble confirmer les intuitions concernant la répartition des publications par auteur. Celle-ci enregistre une nette baisse du nombre d'auteurs par rapport au nombre d'articles publiés. Autrement dit 19 chercheurs ne publie qu'un seul article, tandis que neuf chercheurs signent plus que 10 articles. Néanmoins, la cohorte « moyenne » (entre 5 et 3 auteurs) est très élevée183. En ce qui concerne l'organe des publications, après la disparition en 1939 du Bulletin de l'Institut du Pin, c'est le Bulletin de la Société chimique de France devient la revue de prédilection des chimistes de l'Institut. Voici la totalité des publications (communications orales exclues) ordonnées en fonction de leur type. 183 La répartition des contributions ne satisfait pas la loi de Lotka : 1/n 2 (n étant le nombre de publications) exprimant la proportion d'auteurs publiant un nombre d'articles donné par rapport aux auteurs ne publiant qu'un seul article (A. Lotka, « The frequency distribution of scientific productivity », Journal of the Washington Academy of Sciences, 16 (12), 1926, 317-324). La fonction se rapproche plutôt de la formule 1/(2log2n), mais avec une variabilité croissante. Cependant, le nombre d'échantillons est relativement faible et la question des relations disciplinaires entre les différentes sections peut fausser les résultats.
301 Tableau 4 : Les organes de publications (1947-1969) Revue/type de publication Bulletin de la Société chimique de France 86 Thèses publiées 22 Comptes rendus de l'Académie des Sciences 15 Bois et Résineux 8 Autres 35
On voit clairement que la seule autre revue où publient les chercheurs de l'Institut du Pin de manière régulière sont les Comptes rendus de l'Académie des Sciences. Remarquons finalement que le travail au sein de l'Institut est une entreprise collective. Observons dans la figure suivante la part du nombre total d'articles signés par un nombre d'auteurs donné.
Figure 10 : Nombre d'auteurs signant un article (en pourcentage) 4 3%
5 1% 6 2% 1 28% 3 23% 2 43% 302
On voit que seulement 28 % des articles sont signés par un seul auteur. 43 % possèdent deux auteurs et 23 % trois auteurs. Au total, plus de 70 % des publications ont au moins deux auteurs, ce qui constitue une augmentation par rapport aux années 1920 et 1930. Conclusion : une identité en mutation
La recherche d'une nouvelle identité par l'Institut du Pin pendant et après la Seconde Guerre mondiale présente donc plusieurs facettes. Avant tout, c'est la quête d'une formalisation de la coopération de l'Institut et de l'industrie locale. Nous avons vu que dès sa naissance, le Laboratoire de chimie appliquée à l'industrie des résines essaie d'approfondir cette relation. L'Institut du Pin, censé être le laboratoire officiel de l'industrie, le devient grâce à l'U.C.R. Mais qu'est-ce que cela veut dire en pratique? Pendant la guerre et juste après, l'Institut du Pin cherche à se rapprocher de l'industrie pétrolière afin de profiter du prestige de la pétrochimie et d'améliorer sa position dans le monde universitaire, mais aussi de moderniser et réinventer l'organisation du district industriel des Landes. Pourtant, cette piste se révèle être une mauvaise voie. La société Jupiter-Shell met fin à la coopération avec l'Institut au moment où la pénurie de pétrole se termine ; les entreprises pétrolières ne s'enracinent pas dans le paysage économique de la forêt landaise. Par conséquent, l'Institut du Pin se trouve dans l'obligation de refaçonner sa politique. Il choisit de renforcer ses liens avec les entreprises du district industriel résineux des Landes à travers une multiplicité de projets de nouveaux ateliers à l'échelle semi-industrielle. Mais les projets Saint-Symphorien et SOLARED sont des échecs. L'Institut du Pin doit de nouveau changer ses priorités et opte pour une coopération plus étroite avec les entreprises existantes plutôt que d'en créer de nouvelles. En même temps, nous voyons des ruptures similaires dans les thématiques des recherches abordées après la guerre. Avec le départ de Lê Van Thoi, les acides résiniques cèdent la place à l'essence de térébenthine comme thème de recherche de prédilection. L'augmentation continue de la place occupée par la papeterie montre que l'Institut du Pin s'ouvre de plus en plus à la filière papetière. Globalement, nous voyons une décomposition de la « science » des résines, comme une discipline à part entière pratiquée par l'Institut. Il ne reprend pas la publication du Bulletin de l'Institut du Pin et se concentre sur le Bulletin de la Société chimique de France. Cela montre une volonté de s'émanciper de la logique propre à 303 l'industrie des résines et dialoguer avec l'ensemble de la communauté des chimistes français. 3 D. Pestre, Science, argent et politique, Paris, Editions Quae, 2003, p. 22. 4 Voir M. Kenney, Understanding Silicon Valley: The Anatomy of an Entrepreneurial Region, Stanford, Stanford University Press, 2000. 305 fortune
des
compagni
es
n'est plus liée à leur capital matériel, mais au capital immatériel ; c'est le savoir, surtout sous forme de brevets, qui est au coeur du patrimoine des entreprises.
La
prospérité
gén
ère la prospérité
,
grâce
à la recherche. Les « clusters d'excellence », les « pôles de compétitivité » ou bien d'autres initiatives aspirant à stimuler l'innovation à l'échelle régionale,
à
l'
image de la Silicon Valley, se multiplient. Ce paradigme de l'innovation est essentiel à la mise en place des politiques économique et scientifique moderne. Et pourtant, le cas de l'Institut du Pin et de l'industrie résinière nous incite à repenser la vision trop simpliste des relations entre la prospérité scientifique et industrielle. Ce chapitre explorera le réseau des interdépendances entre la science des résines en Aquitaine incarnée par l'Institut du Pin, et son milieu économique : le district de l'industrie des résines dans les Landes. Il est organisé chronologiquement en trois parties : les premières années de l'Institut du Pin, la Seconde Guerre mondiale, et enfin l'Institut du Pin après la guerre, au moment de la plus grande prospérité financière de l'institution bordelaise. Il constitue une relecture de notre récit sur l'Institut du Pin dans une optique nouvelle, mettant en évidence les facteurs économiques ayant amené à la formation du laboratoire de Vèzes et de l'Institut. Nous nous pencherons en particulier sur les cours des produits résineux, les budgets du laboratoire de chimie des résines et de l'Institut, les indicateurs économiques et l'évolution du marché. Nous finirons par l'analyse du récit élaboré dans les journaux régionaux sur le rôle de la science dans le redressement économique et par une réflexion plus large sur l'ambiguïté des relations entre les mondes scientifique et économique. 1. Les sources économiques de l'essor de la chimie des résines en Aquitaine 1.1. La forêt landaise : une usine à résine
Pour mieux comprendre la spécificité économique de l'industrie française des résines, il est nécessaire de rappeler le contexte de la création de la forêt landaise. Elle est aujourd'hui le plus grand massif forestier de France avec environ un million d'hectares couvrant les départements des Landes et de la Gironde en Aquitaine. Mais le paysage des Landes, il y a deux cents ans, a un tout autre aspect. Les Landes constituent un désert aride en été et un marécage en hiver. D'énormes dunes mouvantes tout au long de la côte atlantique les séparent de l'Océan. La région est habitée par des bergers considérés comme à demi- 306 sauvages5. La forêt, à l'époque, se manifeste sous forme d'îlots de pins isolés, des pignadas, couvrant au moins 100 000 ha. Elle est exploitée par une petite communauté de résiniers depuis plusieurs siècles et approvisionne les chantiers de Bordeaux en bois et en résine. L'idée de la reforestation apparaît au début du XVIIIe siècle, mais elle n'est introduite qu'une centaine d'années plus tard par l'abbé Louis-Mathieu Desbiey (1734-1817) et Nicolas-Thomas Brémontier (1738-1809), professeur de mathématiques et ingénieur, sous l'influence desquels on commence à fixer les dunes grâce aux semis de pin. Leur démarche n'a pas d'ambitions économiques. Les pins sont censés protéger la population locale contre les dunes mobiles. Ce n'est qu'après ce succès que l'on prend en considération le reboisement à grande échelle de la région. L'idée de reboisement des Landes est directement liée à la « mission civilisatrice » de l' t français. Les Landes sont considérées comme un terrain quasi sauvage dont la population, à l'instar des peuples africains, doit être civilisée. En 1822, une Compagnie anonyme des Landes de Bordeaux se forme dans le but de revaloriser le territoire6. Certains, comme le préfet de Gironde, le baron d'Haussez, espèrent transformer la région en « campagne anglaise » et ses habitants en paysans laborieux. D'autres suggèrent cependant que les Landais sauvages, « plus proches des singes que des hommes »7, ne peuvent pas être civilisés et que le seul espoir pour la région consiste en l'introduction de colons. Tout cela dans l'esprit du progrès inspiré des Saint-simoniens bordelais. Une chose est néanmoins claire pour les autorités publiques à l'époque. Un certain Gabriel Bouyn écrit en 1849 que le landais est « une bête fauve, n'épargnant ni les femmes, ni les enfants », et qu'il est « l'intermédiaire entre l'homme et le singe ». Cité dans J. Sargos, Histoire de la forêt landaise: du désert à l'âge d'or, Bordeaux, L'Horizon chimérique, 1997, p. 61. 307 de revenus8. La forêt constitue par contre un facteur d'instabilité à cause de la variabilité des prix de ses produits, et aussi parce que les bénéfices sont souvent différés. Certes, le boisement progresse sur l'initiative de certains Landais, mais il s'agit d'un processus très lent. La pression des autorités sur le reboisement augmente au milieu du XIXe siècle avec une loi de Napoléon III, obligeant en 1857 de créer des forêts de pins dans chaque commune. Les Landais se révoltent régulièrement et une véritable « guérilla » s'organise qui, la nuit, incendie de jeunes pignadas. Comme nous l'avons expliqué dans le premier chapitre, la situation change brutalement en 1861, au moment où, suite à la guerre de Sécession, Abraham Lincoln ordonne le blocus maritime des états confédérés. Les états comme la Géorgie, la Caroline du Nord et la Caroline du Sud approvisionnent à l'époque les plus grands consommateurs de produits résineux dans le monde, en particulier certains chantiers navals anglais et certaines usines chimiques allemandes. Cette industrie américaine, dépendant du travail des esclaves africains, constitue le fondement de l'économie de toute la région9. Le prix des produits résineux devient exorbitant en Europe, ce qui détermine un changement de climat intellectuel dans les Landes et en Gironde. Les communes vendent leurs pâturages aux compagnies forestières et la population locale abandonne airement ses métiers traditionnels pour profiter du gemmage. Charles Prat explique : « L'augmentation des prix de produits résineux provenant de la guerre de Sécession en Amérique [déclenche] dans cette région, ce que l'on peut appeler la frénésie du repeuplement. »10 De nombreux villages deviennent rapidement très riches et construisent des églises et mairies impressionnantes. Mais cette prospérité ne dure pas longtemps. « Les habitants des Landes de Gascogne, après avoir pendant des siècles vécus dans une condition voisine de la misère, avaient soudain connu en 1860, lors de la guerre de Sécession, une année de richesse exceptionnelle, richesse qui fut, hélas!, bien éphémère »11, écrit Groc, le chef du Syndicat des résiniers, en 1931. 9 R. Outland, Tapping the Pines, Baton Rouge, Louisiana State University Press, 2004, p. 46. 10 Ch. Prat, « Défense, aménagement et remise en valeur de la forêt de Gascogne, Rapport présenté au Congrès des Gemmeurs des 8 et 9 Novembre, à Sabres », Bois et Résineux, 30 novembre 1947. 11 Groc, « La Genèse et le but de la Fédération des Produits Résineux », Bois et Résineux, 24 mai 1931. 308 respectivement 245 francs
,
56 francs et 75 francs les 100 kg12.
En
1864 le prix d'une barrique de gemme de 225 litres atteint 300 francs13. Cinq ans plus tard, en 1869, la barrique de gemme ne vaut plus que 45 francs, soit une chute de plus de 80 % de sa valeur. Cette situation ressuscite le sentiment anti forestier, mais la structure de la propriété dans les Landes a été changée et malgré les difficultés, l'économie se réoriente vers l'exploitation de la résine. Du jour au lendemain, la population locale qui vivait depuis des siècles d'une économie agropastorale fermée et autonome, se retrouve dépendante des cours de la résine sur les marchés de Londres, d'Anvers, de Wilmington et de Savannah. Au lieu de la prospérité, le « progrès » promu par des élites régionales et nationales n'apporte que la précarité pour la population de la région. Dans les années 1870, la situation ne cesse de s'aggraver avec des prix oscillant autour de 50 francs par barrique de gemme. Comme le relate Marcelle Barraud, un historien landais Pierre Cuzacq (1830-1903), affirme à l'époque : « La situation est désastreuse dans le pays des Landes, la misère est grandissante, aussi les habitants émigrent-ils ; on ne retrouvera bientôt plus de résiniers. »14 Autrement dit, la région est en train de subir une crise économique profonde. Le problème ne se résume pas aux prix bas, mais aussi à leur forte variabilité. En 1896, 100 kg d' de térébenthine coûtent 42 francs, le prix passe à 95 francs en 1900 et retombe de nouveau à 55 francs en 1901. Cette instabilité économique provoque un sentiment d'insécurité chez les résiniers. Leur situation sociale difficile mène à des émeutes. Durant la révolte de 1891, l'armée tue neuf grévistes landais, dont deux enfants15. Les résiniers travaillent à l'époque en tant que métayers. Ils reçoivent une somme fixe pour le litre de matière ramassée et un salaire annuel après la vente. Au moment des baisses, ils sont les premiers à en subir les conséquences. En outre, ils n'ont pas la capacité de négocier les prix, car la gemme appartient formellement aux sylviculteurs. Le conflit social se superpose au conflit culturel entre les riches sylviculteurs républicains et la population catholique. En 1905, un des députés républicains affirme que les paysans se dressent contre la 12 M. Barraud, « Historique du Développement Economique des Landes », Bulletin de l'Institut du Pin, n. 13, 1931, p. 1-4.
13 J. Sargos, Histoire de la forêt landaise: du désert à l'âge d'or, Bordeaux, L'Horizon chimérique, 1997, p. 501. 14 Cité dans M. Barraud, « Historique du Développement Economique des Landes », Bulletin de l'Institut du Pin, n. 13, 1931, p. 1-4, 2. 15 B. Alquier, Le soulèvement des résiniers landais en 1907, Cressé, EDR, 2009, p. 6. 309 République
à
cause de « calomnies propagées par un clergé arrogant
»16. En 1907, la contestation se transforme en une grande révolte. Plusieurs manifestations ont lieu, très violentes, faisant parfois des morts17. L'armée doit intervenir. Le général Armand Jaquey, de Mont-de-Marsan, républicain nationaliste et député des Landes, dit après avoir dispersé l'un de ces rassemblements illégaux que le « droit de grève est une monstruosité, un crime contre la civilisation. C'est le retour au régime des Papous. »18 La référence aux peuples colonisés se révèle très marquante si l'on considère qu'encore quelques décennies plus tôt, les Landais étaient comparés aux Hottentots19. Au XIXe siècle, pour « civiliser » les Landais, l'État recourt au progrès technique. Il « construit » la forêt des Landes, une usine à produire de la résine. Sa mise en place exige le concours des meilleurs in eurs, car les Landes ne se prêtent pas facilement au boisement. Un réseau de fossés pour assécher le terrain en hiver est construit couvrant toute l'étendue du désert landais. Le réseau doit être maintenu en bon état et la forêt débroussaillée régulièrement. Les Landais ne sont plus un peuple sauvage mais deviennent des ouvriers forestiers obligés d'extraire la résine et entretenir le fonctionnement de leur « usine ». Cette mise en parallèle avec l'usine explique aussi pourquoi les manifestations landaises se rapprochent plus des grèves des ouvriers syndicaux que des mouvements agricoles. Comme nous l'avons indiqué dans le chapitre précédent, le gemmage est une activité quasi-agricole, qui dépasse les catégories traditionnelles d'activité économique. 17 Ibidem, p. 84. 18 Ibidem, p. 71. 19 J. Sargos, Histoire de la forêt landaise: du désert à l'âge d'or, Bordeaux, L'Horizon chimérique, 1997, p. 56. 20 M. Tassion, «Comment la forêt landaise, en grand péril, sera sauvée une deuxième fois en moins de cent ans », Bois et Résineux, 16 mai 1943. 310 l'École Polytechnique, est le plus important évènement de la région. Une grande fête est organisée avec le concours de plusieurs représentants du régime de Vichy21. Il faut attendre la période de l'après-guerre pour nuancer l'importance de Chambrelent et revaloriser le rôle joué par les Landais eux-mêmes22.
1.2. Le financement du laboratoire de Maurice Vèzes
En 1901, un an après la création du Laboratoire de chimie appliquée à l'industrie des résines, la Petite Gironde consacre un article à la crise économique dans la région en essayant d'en identifier les causes. Le journal propose plusieurs remèdes : la réglementation du commerce, l'uniformisation des types d'emballages, la régularisation des différents types de colophane, l'étude de moyens de transport et la stabilisation des cours 23. La science ne figure pas encore sur la liste, mais son rôle est déjà reconnu à l'échelle locale. En 1889, Cuzacq exprime ses espoirs : « La science fait tous les jours des progrès, l'industrie trouvera encore, il faut espérer, de nouveaux moyens d'utiliser les produits du pin. »24 Une dizaine d'années plus tard, l'urgence est reconnue par les autorités locales qui souhaitent stimuler la recherche dans la région bordelaise et qui contribuent à la formation du Laboratoire de chimie appliquée à l'industrie des résines. Prenons comme échantillon le budget du laboratoire de Vèzes de l'année universit 1903/1904, afin de mieux comprendre qui le finance (cf. tableau 1). 21 Editorial, « 1893-1943 : Il y a cinquante ans mourait Chambrelent, le créateur de la Forêt landaise », Bois et Résineux, 11 juillet 1943. 22 J. Sargos, Histoire de la forêt landaise: du désert à l'âge d'or, Bordeaux, L'Horizon chimérique, 1997, p. 361. 23 M. Barraud, « Historique du Développement Economique des Landes », Bulletin de l'Institut du Pin, n. 13, 1931, p. 1-3, 2. 24 Ibidem.
311 Tableau 1 : Les recettes du Laboratoire de chimie appliquée à l'industrie des résines de M. Vèzes en 1903-1904*
Source Montant Communes (Landes, Gironde) 1990 francs Chambres de commerce de Bordeaux, de Mont-de-Marsan, de 1300 francs Bayonne Ville de Bordeaux 1000 francs Conseils Généraux de la Gironde et des Landes 1000 francs Autres (industries, associations) 445 francs Recettes pour les services (analyse des produits résineux) 232,50 francs Total : 5957,50 francs
* Tableau établi par nous à partir de M. Vèzes, Rapport du fonctionnement du Laboratoire de chimie appliquée à l'industrie des résines pendant l'année universitaire 1903-1904, Bordeaux, imprimerie G. Gounouilhou, 1905. Le laboratoire est financé par les contributions de plusieurs entités, mais le concours direct de l'industrie privée est marginal. Ce sont avant tout des organismes publics et des organismes à caractère intermédiaire tels que les chambres de commerce qui y investissent. Le laboratoire est établi en pleine crise économique et sociale, mais avant les plus violentes manifestations syndicales de 1907. Son rôle n'est pas plus important que celui d'autres solutions potentielles évoquées par la Petite Gironde, mais il est bien précis : combattre la crise. Ce n'est pas l'industrie morcelée qui est intéressée par l'essor de la science, mais les autorités publiques qui cherchent un moyen de maîtriser ce qui se passe dans la région. La naissance de la chimie des résines en Aquitaine est par conséquent directement liée aux difficultés économiques de la région. 312 Quels sont les besoins du laboratoire dans les premi
ères années de son fonctionnement
?
Voici un aperçu des dépenses dans l'année universitaire 1903-1904.
Tableau 2 : Les dépenses du Laboratoire de chimie appliquée à l'industrie des résines de M. V
èzes en 1903-1904* Dépense Montant Appareils 2360,20 francs Traitement du préparateur 1500 francs Verreries, produits chimiques 576,25 francs Installation matérielle du laboratoire 562,73 francs Livres, publications, brevets 435 francs Emoluments du garçon de laboratoire 301,5 francs Frais d'impression des publications du laboratoire 224,60 francs Total : 5960,28 francs
* Tableau établi par nous à partir de M. Vèzes, Rapport du fonctionnement du Laboratoire de chimie appliquée à l'industrie des résines pendant l'année universitaire 1903-1904, Bordeaux, imprimerie G. Gounouilhou, 1905. Le budget du laboratoire couvre les dépenses élémentaires, mais il permet à Vèzes de se fournir annuellement en appareils et en outils de plus en plus sophistiqués. En 1903, le laboratoire possède déjà des pycnomètres destinés à l'étude densimétrique de la térébenthine, une balance d'analyses Collto à chaîne, des appareils électriques pour la production et la mesure des températures élevées, et enfin des appareils à filtration sous pression à chaud pour l'étude de la colophane25. Le laboratoire est aussi capable de rémunérer un préparateur. Avec Vèzes, payé par la Faculté, et quelques stagiaires, l'effectif du personnel varie entre deux et 25 M. Vèzes, Rapport du fonctionnement du Laboratoire de chimie appliquée à l'industrie des résines pendant l'année universitaire 1903-1904, Bordeaux, imprimerie G. Gounouilhou, 1905. 313 quatre personnes dans les premières années de son existence. Initialement, le laboratoire est hébergé dans une des pièces de la Faculté des sciences de Bordeaux, mais dans des conditions visiblement déplorables selon Vèzes : « C'est toujours le même corridor exigu, trop froid en hiver, trop chaud en été, avec ses tables de travail insuffisantes au point de vue de la surface utile []. Dans bien des circonstances, le laboratoire des résines a dû déborder chez son voisin, le laboratoire de chimie minérale, auquel il emprunte non seulement quelques-uns de ses appareils, mais encore une partie de ses locaux. »26 Mais en 1906, le laboratoire obtient de nouveaux locaux plus grands dans l'Institut zoologique, rue Paul Bert à Bordeaux. Ce que nous savons des budgets du laboratoire de Vèzes provient de ses rapports publiés annuellement. On n'en a que quelques-uns aujourd'hui, mais s permettent de reconstituer un certain nombre de phénomènes. À première vue, malgré la situation socioéconomique difficile dans la région, le Laboratoire s'en sort assez bien et sa situation matérielle est relativement stable dans les premières années de son activité. Figure 1 : Les recettes du Laboratoire du professeur Vèzes en francs*
8000 7275 7000 5000 6282 5967,5 6000 5493 5524 1904 1905 6260 4975,25 4736 4000 3000 2000 1000 0 1901 1902 1903 1906 1907
1912 * Histogramme établi par nous à partir des données figurant dans les rapports du fonctionnement du Laboratoire de chimie appliquée à l'industrie des résines dans les années universitaires 1901-1908, 1912 26
M. Vèzes, Le rapport du fonctionnement du Laboratoire de chimie appliquée à l'industrie des résines dans l'année universitaire 1901-1902, Bordeaux, imprimerie G. Gounouilhou, 1903. 314
Les budgets fluctuent légèrement entre 1902 et 1907, mais ils permettent néanmoins un fonctionnement normal du laboratoire jusqu'à cette date. Cependant, l'année 1912 s'avère très difficile. Après avoir pris en compte l'inflation, le budget de 1912 équivaut à 4308 francs de l'année 190727. La valeur totale du budget chute donc de 32 % entre 1907 et 1912. Certains rapports du laboratoire ne nous étant pas parvenus, il est difficile d'interpréter cette baisse considérable. S'agit-il d'une exception ou bien au contraire d'une tendance plus lourde? Les données concernant les publications de Maurice Vèzes semblent tendre vers la deuxième option.
Figure 2 : Le nombre de publications de Vèzes entre 1900 et 1922* 18 16 14 12 10 8 6 4 2 0 * Histogramme établi par nous à partir des données figurant dans « Publications de Maurice Vèzes », Bulletin de l'Institut du Pin, n. 2, 1935, p. 30-39. Maurice Vèzes, après être devenu directeur du Laboratoire des résines, est très productif avec environ huit articles par an durant la première décennie du XXe siècle. Même si nous voyons dès le début une diminution du nombre de publications, les années 1905-1908 permettent d'anticiper une stabilisation. Et pourtant la tendance change brusquement dans la deuxième décennie du fonctionnement du laboratoire. Dans les années 1911-1920, la 27 L'inflation dans cette étude est établie par le moyen de cet outil en ligne : http://franceinflation.com/calculateur_inflation.php. 315 moyenne annuelle s'élève uniquement à 1,5 article. La première explication possible concerne la complexité des problèmes traités. Au départ, Vèzes rassemble les connaissances existantes en vue de produire des résumés concernant la chimie et surtout l'industrie des résines. Au moment où il commence à conduire des travaux de laboratoire plus exigeants, mais originaux, la fréquence de ses publications diminue. Cependant, compte tenu du budget de l'année 1912, se dessine une autre explication. Avec des budgets limités, Vèzes n'est pas capable d'assurer des emplois permanents, son équipe diminue, il est presque le seul à conduire des recherches et la productivité du laboratoire chute. Pourquoi cette perte de financements? Il semble que le laboratoire est sur une très bonne voie dans les premières années de son existence. Les budgets sont raisonnables, il dispose d'un matériel moderne (plus important chaque année) et il arrive à se faire installer dans des locaux plus grands. Cette situation change avec la fin de la crise. Après les émeutes de 1907-1908, la situation dans la région se calme et les Landes commencent à sortir des difficultés. Le prix de l'essence de térébenthine varie entre 60 et 80 francs pour 100kg (les produits secs entre 12 et 40 francs). En 1911, au cours de certains mois l'essence atteint même un prix élevé de 150 francs28. Mais c'est la pénurie d'autres matières premières, survenue pendant et après la guerre, qui augmente la consommation de la résine et qui conduit à une véritable amélioration de la situation économique dans les Landes. « Une nouvelle ère de prospérité a eu lieu pendant la guerre de 1914 et 1918 et surtout après la guerre au moment où les cours de l'essence bondirent avec les cours des changes » explique Marcelle Barraud dans les années 193029. Les sources économiques américaines de l'époque confirment ces tendances générales30. 28 P. Maydieu, « Les emplois et le Commerce de la Colophane », Bulletin de l'Institut du Pin, n. 19, 1931, p. 145-149. 29 M. Barraud, « Historique du Développement Economique des Landes », Bulletin de l'Institut du Pin, n. 13, 1931, p. 1-3, 1. 30 T. S. Woolsey, « Conservative turpentining by the French: the methods pursued in France, Algiers and Corsica », dans Thomas Gamble (dir.) Naval Stores History, Production, Distribution and Consumption, Savanah, Review Publishing & Printing Company, 1921, p. 175-188.
316 Figure 3 : Le prix d'un litre de gemme français en dollars américains* 0,25 0,2 0,15 0,1 0,05 0
* Diagramme établi par nous à partir des données figurant
dans T. S. Woolsey, « Conservative turpentining by the French: the methods pursued in France, Algiers and Corsica », dans Thomas Gamble (dir.), Naval Stores History, Production, Distribution and Consumption, Savannah, Review Publishing & Printing Company, 1921, p. 175-188. De 1908 à 1911 on constate une hausse des prix de 25 % qui coïncide avec la répartition plus équilibrée des revenus auprès des habitants suite aux succès des grévistes de 1907. Avec la fin de la crise de l'industrie des résines, le laboratoire, conçu comme un des moyens de combattre ladite crise, n'est plus nécessaire. Les autorités publiques n'ont plus intérêt à investir dans un projet dont le retour direct pour l'industrie au moins semble être minime. Certes, les prix diminuent entre 1913 et 1915, mais avec l'arrivée de la guerre ils remontent à nouveau et le laboratoire perd définitivement sa raison d'être. On ne peut exclure l'hypothèse que la dérive universitaire que nous avons décrite dans le premier chapitre soit plutôt le résultat, et non la cause, de la marginalisation du laboratoire de Maurice Vèzes.
1.3. L'Institut du Pin face à la crise (1921-1941) 1.3.1. L'évolution des budgets scientifiques et des prix des résines : une relation inverse
L'Institut du Pin est une institution beaucoup plus large que le laboratoire de Vèzes. Il compte plusieurs chercheurs permanents et le nombre d'étudiants en thèse dépasse, certaines années, dix personnes. Une telle institution exige des budgets considérables. Remarquons pourtant, qu'après une très bonne année en termes de financement (1921), où l'Institut du Pin (ou plutôt le laboratoire des résines en pleine transformation) obtient des subventions considérables (20 000 francs) d'un propriétaire landais François Dupouy et de la Caisse de la recherche scientifique31, les débuts de l'Institut sont très modestes. En 1922, le laboratoire ne compte que 4 employés : directeur technique, préparatrice, aide-préparatrice et garçon de laboratoire. La situation s'améliore d'année en année. Encore une fois on ne dispose pas de données complètes mais les rapports d'activité de l'Institut du Pin existants nous confirment que son financement ne cesse d'augmenter dans l'Entre-deux-guerres. Figure 4 : Recettes de l'Institut du Pin (en francs)* 600000 500000 400000
300000 200000 100000 0 1927 1934 1935 1936 1937 1938 1939 1940
1941 * Histogramme établi par nous à partir des données figurant dans les rapports d'activité de l'
Institut
du Pin des
années
1927,
1934
-
1938
,
1943
.
31 G. Dupont, « La Forêt Landaise. Vers l'exploitation méthodique de cette richesse nationale », Revue Philomathique de Bordeaux, 25e année, 1922, 165-176, 167. 318
Figure 5 : Recettes de l'Institut du Pin, corrigées de l'inflation (prix 1927)* 350000 300000 250000 200000 150000 100000 50000 0 1927 1934
1935 1936 1937 1938 1939 1940
1941 * Histogramme établi par nous à partir des données figurant dans les rapports d'activité de l'Institut du Pin des années 1927, 1934-1938, 1943. L'amélioration de la situation financière de
l'Institut
est même plus marquée que ne
l
'
indi
quent
ses
budget
s
: pour rappel,
l'
Institut
du Pin
ob
tient
de l'administration des Eaux et Forêts le laboratoire forestier à Pierroton32 vers
1931
et
plus
ieurs de ses chercheurs et ingénieurs
sont rémunérés par des services variés tels que le Service de la répression des fraudes. Soulignons
que l'augmentation du budget à la fin des années 1930 résulte également de la transformation administrative de l'Institut, qui a lieu en 1938. Certains éléments budgétaires commencent à l'époque à être visibles directement sur le budget de l'Institut tandis qu'auparavant ils passaient par l'Association Institut du Pin ou par la Faculté. En pratique, cela nous permet de supposer que l'augmentation des ressources de l'Institut a été moins soudaine que ne le suggère le graphique et qu'elle s'est faite de manière plus continue. Qui finance l'Institut? Comparons les budgets des années 1927 et 1938 pour observer les tendances les plus importantes.
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ie de courbes planes R. Fablet1 1 A. Chaigneau2 S. Bertrand 3 Institut Telecom/Telecom Bretagne, Technopôle Brest-Iroise, 2938 Brest, France 2 IRD/UMR LEGOS, Av. E. Belin, 31000 Toulouse, France 3 IRD/UMR EME, Av. Jean Monnet, Sète, France {[email protected], [email protected],[email protected]} Rés
umé
Avec le développement des technologies de suivi et géolocalisation, l'analyse de données trajectométriques est un thème émergent dans de nombreux domaines. L'extraction et la description de structures significatives le long d'une trajectoire est parmi les principales thématiques d'intérêt. Alors que l'analyse de forme 2D a fait l'objet de très nombreux travaux, l'analyse multi-échelle de la géométrie de courbes planes ouvertes reste à notre connaissance relativement peu explorée. Nous montrons que l'application de méthodes de décomposition espace-échelle doit être considérée avec attention et proposons un schéma basé sur une décomposition en ondelettes continues. Nous illustrons sa pertinence sur différents exemples et considérons également une application à la caractérisation de structures géométriques dans les images.
Clef courbe plane, géométrie et régularité multi-échelle
Figure 1: Exemples de trajectoires géolocalisées: trajectoire enregistrée par GPS à une résolution d'une seconde d'un fou de l'ı̂le Guanape (Pérou) (gauche), relevé de positions ARGOS d'une bouée dérivante à la surface de l'océan (droite). Nous illustrons sur un segment de chaque trajectoire la présence de structures de petite échelle. Abstract With the development of tracking technologies, the analysis of trajectory data is an emerging issue in numerous domains. The extraction and description of the key patterns along a track are among the key issues. Whereas shape analysis has received a lot of attention over the last two decades, the multiscale analysis of the geometric features of opened planar curves remains to our knowledge weakly investigated. We here show that classical multiscale techniques cannot straightforwardly address this issue and propose an original wavelet-based scheme. We demonstrate its relevance for the characterization and extraction of local scale-space patterns of interest along a track and consider an application to image geometry analysis. 1 Introduction
Récemment, l'acquisition de données de trajectoires est devenue de plus en plus commune dans de nombreux domaines. A titre d'exemple, l'écologie du mouvement est une discipline scientifique qui se développe fortement depuis une quinzaine d'années [8, 13, 10] notamment grâce aux technologies de suivi GPS à hauterésolution. De nombreux programmes de marquage d'espèces marines ou terrestres (tortues marines, requins, oiseaux marins, mammifères marins et terrestres,) ont bénéficié de ces technologies GPS pour constituer des bases de données de trajectoires individuelles permettant de mieux comprendre les comportements individuels, notamment les comportements de prédation [8, 10, 13]. Un exemple de traLyon, 24-27 janvier 2012 jectoire haute-résolution (à une résolution temporelle d'une seconde) d'un fou sur les côtes péruviennes est fourni comme illustration. Il est notable que cette trajectoire révèle un emboı̂tement d'échelles de mouvement en termes d'oscillations et/ou boucles avec des échelles caractéristiques de l'ordre de la dizaine de mètres à la dizaine de kilomètres. Nous fournissons un autre exemple de données trajectométriques acquises par une bouée dérivante à la surface de la mer associée à un système ARGOS. Cet exemple constitue également une parfaite illustration de la nature intrinsèquement multi-échelle des phénomènes observés, ici déterminés par la dynamique océanique en surface. Au-delà de ces exemples pris dans les domaines de la télédétection et de l'écologie, la constitution de bases de données de trajectoires individuelles de véhicules ou de personnes devient également commun [3]. On peut par exemple citer ici la mise en oeuvre de systèmes de suivi navires (VMS: Vessel Monitoring System) pour le suivi du trafic maritime ou de pêcheries industrielles, les problématiques de vidéo-surveillance [11] ou d'analyse de contenus vidéos exploitant pleinement les avancées récentes dans le domaine de la détection et du suivi des personnes, par exemple [16]. Pour chacun de ces domaines d'application, les problématiques d'analyse et description des caractéristiques des trajectoires individuelles, comme la caractérisation de la géométrie des trajectoires ou la détection de comportements d'intérêt le long d'une trajectoire, deviennent centrales. Une trajectoire 2D peut être séparée en deux composantes distinctes: une composante géométrique, i.e. la courbe dans le plan définie par la trajectoire, et une composante de déplacement le long de la trajectoire. Il peut être noté que ces deux composantes sont mutuellement indépendantes et peuvent donc être analysées séparément. Figure 2: Analyse FPT (First-Time Passage) d'une trajectoire: trajectoire illustrée en Fig.1.a et détection de structures significatives (en magenta) par la méthode FPT [8] pour un rayon d'analyse de 40m avec un zoom sur une portion où des structures d'intérêt ne sont pas détectées (haut), série de l'indice FPT le long de la trajectoire pour une rayon d'analyse de 40m avec le seuil empirique utilisé pour la détection de structures (bas). L'analyse de trajectoires 2D est un thème de recherche particulièrement actif dans le domaines de l'écologie du mouvement. Deux catégories principales de méthodes ont été envisagées. Les modèles de marche Lyon, 24-27 janvier 2012 aléatoire (marche aléatoire corrélée, marche de Lévy, [4, 13] ) fournissent une représentation parci- monieuse et globale d'une trajectoire à partir des paramètres du modèle. Ces modèles ont par exemple permis de mettre en évidence l'existence de comportement de type Lévy (i.e., des stratégies super-diffusives) dans les stratégies de recherche de proies de différents prédateurs supérieurs [13]. Ces modèles ne permettent pas de déterminer les échelles spatiales caractéristiques d'une trajectoire et d'extraire des structures d'intérêt associées telles que des boucles ou des oscillations. Pour se faire, des méthodes exploitant l'analyse d'un descripteur local de la sinuosité de la trajectoire ont été proposées [4]. L'indice FPT (First-Passage Time) est certainement le plus populaire [8]. Il consiste à évaluer en chaque point de la trajectoire le temps nécessaire pour s'éloigner d'une certaine distance. Comme illustré pour la méthode FPT (Fig.2), ces approches requièrent de définir une échelle d'analyse a priori. Elles sont donc intrinsèquement mono-échelle et ne peuvent détecter et caractériser des structures d'intérêt le long d'une trajectoire pour une gamme étendue d'échelles. Leur extension à une analyse multi-échelle constitue le coeur de notre contribution. Il peut être souligné que les analyses multi-fractales [10] constituent une réponse partielle, bien qu'elles ne permettent que d'extraire une représentation relativement sommaire du contenu multi-échelle d'une trajectoire. L'analyse de formes 2D est puis longtemps un thème de recherche particulièrement actif en vision par ordinateur, notamment les méthodes de décomposition multi-échelle (par exemple, les méthodes de Fourier, les moments de Zernike ou courbure espace-échelle (CSS: curvature scale-space) [6, 21]) ou plus récemment les métriques basées sur le recalage de formes [2, 12]. A titre d'exemple la méthode CSS représente une forme par les passages par zéro de la courbure le long de la forme en fonction de l'échelle d'analyse alors qu'une forme est représentée par sa projection sur une base de fonctions dans les méthodes de Fourier ou Zernike. Ces dernières ne peuvent néanmoins pas se transposer directement à l'analyse de courbes planes ouvertes. de signaux 1D non-stationnaires par ondelettes continues [9, 17], nous proposons une représentation espace-échelle de la géométrie d'une courbe plane. La méthode proposée est décrite dans la section suivante.
3 3.1 Approche proposée Principe
Comme illustré (Fig.3), pour un déplacement sur une boucle circulaire à vitesse constante, les composantes horizontales et verticales de l'orientation le long de la trajectoire (i.e., l'orientation de la tangente à la courbe plane) sont des sinusoı̈des en quadrature avec une fréquence caractéristique de la taille du cercle décrit. La présence d'oscillations conduiraient également à de tels comportements sinusoı̈daux de la série des orientations. Il peut être remarqué que dans une analyse fréquentielle de la séries des positions le long de la trajectoire le niveau d'énergie dépend du rayon des structures. Le fait de considérer la série des orientations fournit une normalisation des énergies vis-à-vis des échelles d'analyse. Ces observations fournissent la base pour caractériser la géométrie d'une courbe plane à partir d'une analyse temps-fréquence de la série 2D de l'orientation le long de la courbe. Toutefois la nature multi-échelle des structures géométriques impose de considérer avec attention cette analyse temps-fréquence et de la comLyon, 24-27 janvier 2012 biner à un représentation espace-échelle adaptée de la courbe. Nous détaillons ci-dessous l'algorithme pro- posé pour calculer une représentation espace-échelle de la géométrie d'une courbe plane ainsi que les méthodes exploitant cette représentation pour extraire des structures géométriques d'intérêt. 3.2 Spectre espace-échelle de géométrie d'une courbe plane
la L'analyse temps-fréquence d'un signal 1D référencé en temps peut être vue comme la décomposition de ce signal sur un ensemble d'atomes temps-fréquence [9]. Ce type de décomposition ne s'applique pas de manière directe dans le cas de courbes planes pour lesquelles il n'existe pas de référence intrinsèque de parcours d'une courbe. Pour une courbe plane, si l'on considère l'abscisse curviligne comme axe "temporel" de référence, l'analyse de la fréquence du signal de l'orientation le long de la courbe comme suggéré cidessus conduit à une sur-estimation du rayon d'une boucle ou d'une oscillation si la courbe présente des irrégularités à plus petite échelle. Dans certain cas, ces structures à petites échelles peuvent même occulter une structure de plus grande échelle. Ces deux situations sont illustrées en Fig.4 (bas, gauche). Alors que le spectre de la décomposition temps-fréquence (ici par ondelettes continues) de la série des orientations le long de la courbe ne permet pas de détecter les deux plus grandes boucles, les boucles de plus petites tailles sont effectivement associées à une zone du spectre de forte énergie mais pour une fréquence caractéristique sur-estimant significativement (d'un facteur supérieur à 2) le rayon de ces structures. Il peut être souligné que cette analyse est valide à la fois pour pour des boucles et des oscillations. Ces observations mettent en évidence la nécessité de considérer conjointement à l'analyse du contenu fréquenciel du signal d'orientation et la définition d'une représentation espace-échelle adaptée de la courbe. L'algorithme en découlant repose sur la décomposition en ondelettes continues complexes (CCWT: Complex Continuous Wavelet Transform) [17] Cette décomposition permet de réaliser un bon compromis temps-fréquence et est bien adaptée à l'analyse de modulation fréquencielle. L'application d'une représentation complexe est en outre naturelle pour traiter une information d'orientation. Pour un signal mono-dimensionel, la CCWT consiste à calculer des coefficients d'ondelettes complexes {wx (a, τ )} résultant de la convolution du signal et de versions translatées et dilatées de l'ondelette considérée Ψ Z t−τ 1 x(t) * Ψ∗ dt (1) wx (a, τ ) = √ a a où a est la période (ou échelle temporelle), τ une position temporelle et u∗ correspond au conjugué complexe RFIA de la2012 variable complexe u. Le signal analysé ici est une représentation complexe de la série des orientations θ le long de la courbe, i.e. 3.3 Analyse multi-échelle des structures géométriques d'intérêt
Etant donné le spectre SC associé à une courbe plane C, nous pouvons caractériser la distribution des échelles Lyon, 24-27 janvier 2012 géométriques DC observées le long de la courbe C à partir de la somme des énergies dans chaque sous- bande d'échelle du spectre, i.e. Z DC (R) = SC (aR, τR )dτR (3) Cette distribution est homogène à une distance cumulée des structures géométriques de rayon caractéristique R. Nous pouvons également exploiter le spectre SC pour détecter des structures géométriques d'intérêt le long de la courbe C. Comme illustré (Fig.4), la présence d'oscillations locales ou de boucles se traduit par des régions d'énergie élevée dans le spectre SC. La détection des ces structures géométriques peut donc être formulée comme l'extraction des régions du spectre SC d'énergie localement maximale et significative vis-à-vis d'un modèle a priori. Nous considérons ici un modèle de bruit contre lequel le niveau d'énergie du spectre sera testé. Ce modèle est défini par une marche aléatoire corrélée [4] du premier ordre contrainte par les statistiques du premier ordre du changement d'orientation de la courbe C. Par simulation, nous déterminons le percentile à 90%, noté SCRW, du spectre d'énergie associé à ce modèle de marche aléatoire. La détection des structures géométriques significatives consiste alors à extraire les ensembles de niveaux maximaux [15], qui ne contiennent qu'un maximum local, dans la région du spectre SC d'énergie supérieure au niveau de référence SCRW. De manière complémentaire, nous différencions les structures géométriques de type oscillation de celles comportant des boucles par un critère géométrique: Une structure géométrique de rayon caractéristique R est dite bouclante si le segment associé de la courbe plane CR contient des auto-intersections et oscillante dans le cas contraire. 4 où (xB,yB ) sont les composantes horizontales et verticales du bruit géométrique, w est la fréquence de l'oscillation à petite échelle (1/2π km−1 ), ut et vt sont des réalisations d'une loi gaussienne de variance 1. Le niveau de bruit ajouté à la trajectoire simulée est quantifié par le paramètre α. Nous illustrons en Fig.4 la comparaison de la caractérisation espace-échelle de la géométrie de la trajectoire issue d'une part d'une application directe d'une décomposition temps-fréquence à la série des orientations de la courbe (Eq.1) (Fig.4, méthode A) et de l'approche proposée (Eq.2) d'autre part (Fig.4, méthode B). Cet exemple simulé pour α = 1 démontre la nécessité de considérer une représentation espaceéchelle de la courbe adaptée à l'analyse fréquencielle de son orientation pour appréhender ses échelles géométriques caractéristiques. Application à l'analyse géométrique de trajectoires
Nous appliquons l'approche proposée à l'analyse de trajectoires 2D. Nous considérons à la fois des exemples synthétiques et des trajectoires réelles pour démontrer la pertinence de notre contribution.
Figure 4: Evaluation de l'approche proposée: pour 4.1 Exemples synthétiques
Afin de mener une évaluation quantitative de l'approche proposée, des simulations de trajectoires présentant des structures géométriques connues sont réalisées. Les exemples considérés comportent deux grandes boucles d'un rayon 81.5km et au sein de la première sont simulées trois boucles consécutives de rayon 5.1km. En outre nous superposons un bruit géométrique à petite échelles défini comme suit:
R
FIA
2012 xB (t) = α ∗ [sin(2 ∗ π ∗ w ∗ t) + ut ] yB (t) = α ∗ [vt ] (4)
une
courbe
plane
présentant
deux grandes
bouc
les (
rayon
de 81.5km
),
trois petites boucles (rayon 5.1km) et un bruit géométrique à des échelles plus fines(haut), la décomposition en ondelettes continues de la série des orientations de la courbe (Eq.1) ne permet pas de détecter efficacement la présence des boucles (méthode A) alors que l'approche proposée les révèle clairement (méthode B). Nous rapportons le spectre d'énergie des décompositions en ondelettes. Nous comparons également les spectres calculées au spectre théorique en termes d'erreur quadratique 24-27pour janvier 2012 moyenne (EQM) pour les deuxLyon, méthodes différents niveaux de bruit α (Eq.4) (bas).
Figure 5: Analyse multi-échelle de la géométrie d'une trajectoire d'oiseau: voyage de nourrissage d'un fou au départ de l'ı̂le Guanape (Pérou) avec
structures bouclantes détectées (gauche), spectre multi-échellle de la géométrie le long de la trajectoire et structures bouclantes (magenta) et non-bouclantes (cyan) détectées (droite, haut), distribution d'énergie à travers les échelles (droite, bas). Cette évaluation qualitative est confortée par une évaluation quantitative basée sur une comparaison du spectre d'énergie théorique d'une courbe comprenant uniquement les différentes boucles au spectre d'énergie calculé à partir d'une décomposition multiéchelle (Eq.1 et 2). Le critère d'erreur évalué est la différence quadratique moyenne des deux spectres d'énergie. Nous calculons ce critère d'erreur pour différents niveaux de bruit α (Eq.4) (Fig.4, bas). 4.2 Trajectoires réelles
Nous considérons également un exemple de voyage de nourrissage d'un oiseau marin pendant la période de nidification. Il s'agit ici d'un trajectoire de fou à partir de l'ı̂le de Guanape au large des côtes péruviennes. De manière générale, un voyage consiste en un aller-retour à partir du nid pour trouver des proies et nourrir les oisillons pendant leurs premières semaines. Ces voyages présentent des structures oscillantes et bouclantes sur une large gamme d'échelles comme illlustré plus 2012 haut RFIA (Fig.1). Nous illustrons pour ce même exemple l'application de la méthodologie proposée (Fig.5). Le spectre espaceéchelle évalué révèle bien les différentes échelles de structures géométriques présentes le long de la trajectoire. Ces résultats de détection peuvent être comparés à ceux obtenus par une méthode mono-échelle (cf. Fig.2) [8, 10, 14] et démontre clairement l'apport de l'approche multi-échelle. Ils permettent notamment de mettre en évidence les emboı̂tements en échelle: les structures géométriques de plus petites échelles (moins de 100m de rayon) sont ici toutes imbriquées dans des structures bouclantes ou oscillantes de plus grand rayon. On peut penser que ces emboı̂tements sont caractéristiques de certains comportements de recherche et prédation, les plus petites structures permettant de se focaliser sur des zones d'intérêt à l'intérieur d'une zone de prospection de plus grande taille. La compréhension des relations entre taille et emboı̂tement des structures géométriques et stratégie de prédation fait l'objet de travaux en collaboration avec des écologues et doit permettre d'approfondir les connaissances actuelles [8, 13]. Nous pouvons également quantifier à travers la distribution d'énergie des échelles géométrique de la trajectoire (Fig.5, en bas, à droite) la fréquence relative des différentes échelles. Cette distribution fait apparaı̂tre deux modes principaux, l'un autour de 60m de rayon et l'autre de l'ordre de 1km avec la présence d'un nombre significatif de structures de 10m à 1km de rayon. Des résultats complémentaires portant sur l'analyse d'un ensemble de trajectoires individuelles de fous de la même zone géographique (un jeu de plus 100 voyages) laissent penser que ces deux échelles de 60m et 1km sont des caractéristiques moyennes de l'ensemble de la population de fous sur la zone d'étude. Elles pourraient être associés à des échelles caractéristiques de l'organisation des champs de proies. 5 Application à l'analyse multiéchelle des images
Nous considérons également une application à la caractérisation de la géométrie des images. Relativement récemment, différents travaux ont démontré la pertinence d'une représentation d'une image par l'ensemble de ces lignes de niveaux pour différentes applications : compression et interpolation d'images [15], détection de structures géométriques élémentaires (bords, coins,) [7], caractérisation de texture [19]. Dans des domaines d'application particuliers tels que l'analyse d'écoulement fluide, les lignes de niveaux correspondent également à des grandeurs physiques d'intérêt [1, 5]. Du point de vue méthodologique, la caractérisation statistique des dynamiques fluides reposent généralement sur l'analyse de spectre fréquenciel des champs de vitesse. L'analyse des 24-27 janvier 2012 champs de Lyapounov (i.e., Lyon, des indices locaux de la convergence de particules advectées par le champ de vitesse) a récemment émergé comme un outil fournissant des informations pertinentes pour comprendre la structuration à différentes échelles induite par une dynamique fluide. Les outils d'analyse de ces champs reposent généralement sur des statistiques relativement simples (champ moyen, décomposition modale,). De manière complémentaire, des résultats théoriques récents ont démontré que la géométrie des lignes de niveaux de traceurs scalaires advectés par une dynamique turbulente est définie par les paramètres physiques (notamment la diffusivité) décrivant la turbulence [5]. Nous avons exploré ces statistiques de rugosité des iso-lignes pour l'analyse des images satellitales de la température de surface de l'océan et la caractérisation de la saisonalité de la frontogénèse océanique dans certaines zones très dynamiques de l'océan (par exemple, la région du courant des aiguilles au des côtés d'Afrique du sud) [1]. L'approche développée ici permet typiquement d'approfondir la compréhension de la déformation géométrique induite à différentes échelles par une dynamique turbulente. Elle permet par exemple de caractériser les échelles géométriques caractéristiques d'une frontogénèse et de quantifier leurs fréquences relatives. Nous en fournissons ici l'illustration pour la région frontale au sud de l'Afrique du sud, l'une des plus actives de l'océan, en analysant une série d'images hebdomadaires de la température de surface de 2003 à 2009 dans la région du courant des aiguilles. Nous avons évalué la distribution de l'énergie des échelles géométriques des iso-températures dans la région frontale (i.e., la ligne de niveaux de plus fort gradient moyen [1]) en appliquant la méthode décrite précédemment. La région frontale présente en effet des oscillations géométriques à différentes échelles qui restent à notre connaissance peu décrites quantitativement. Nous illustrons les distributions obtenues pour deux dates différentes en janvier 2003 (été austral) et en juillet 2003 (hiver austral) (Fig.6). Elles mettent clairement en évidence une plus forte intensité de structures de plus grandes tailles en hiver, ce qui est consistant avec la plus forte activité des ces zones frontales en hiver. A partir de l'ensemble de la série de 6 années de données, nous avons calculé le cycle saisonnier moyen (Fig.6, à droite). Il met clairement en évidence la saisonnalité des fréquences des structures géométriques de rayon de plus de 100km lors de la période hivernale alors que durant les mois d'été les structures de rayon de l'ordre de 50km forment le mode le plus intense. Ces résultats originaux constituent une première caractérisation RFIA 2012 géométrique multi-échelle comparativement aux travaux antérieurs, par
[1]. Nous avons dans cet article abordé la caractérisation multi-échelle des structures géométriques le long d'une courbe plane. Nous avons mis en évidence les limites des approches existantes et proposé une méthode de décomposition espace-échelle de la géométrie à partir d'une analyse espace-échelle adaptée de l'orientation le long de la courbe. Le spectre espace-échelle ainsi évalué permet de quantifier la distribution en échelle de la géométrie d'une courbe plane et d'identifier des structures d'intérêt oscillantes ou bouclantes le long de cette courbe. Nous avons démontré la pertinence de la méthode proposée sur des exemples synthétiques et réelles de courbes planes, en particulier des trajectoires d'oiseaux marins exhibant une large gamme d'échelles géométriques, et considéré une première application à l'analyse de la géométrie des images, dans le contexte de la télédétection de l'océan. Du point de vue méthodologique, les travaux futurs viseront à comparer et évaluer différents types de décomposition temps-fréquence, en particulier la possibilité d'adapter des décompositions de type WignerVille ou EMD (Empirical Mode Decomposition) à ce contexte d'analyse de courbes planes [9]. Ces travaux ouvrent aussi de nouvelles perspectives pour la caractérisation multi-échelle de la géométrie dans les images et l'extraction de structures géométriques d'intérêt. Notre contribution permet d'envisager de nouvelles primitives, notamment des structures oscillantes (vagues, zébrures,) qui pourraient compléter les nombreuses approches d'extraction de signatures locales (par exemple les points d'intérêt) et primitives géométriques comme des bords rectilignes, coins ou jonctions [7]. L'analyse de texture semble également être un domaine d'application naturelle des méthodes proposées. travaux récents ont d'ailleurs démontré la pertinence de l'analyse des ensembles de niveaux des images texturées pour des problèmes de reconnaissance et classification [19]. Cette contribution fournit de nouveaux outils de caractérisation de la géométrie des trajectoires individuelles et des images. Comme illustré sur quelques exemples ici, les travaux en cours explorent plus particulièrement leur potentiel pour révéler et mieux comprendre les comportements de prédateurs supérieurs et étudier les dynamiques océaniques. D'autres applications, en particulier dans le domaine de l'analyse de comportements individuels et collectifs sont envisagés..
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Etude de la dégradabilité enzymatique des aliments concentrés et sous-produits A. Castagna, Daniel Sauvant, Michelle Dorleans, Sylvie Giger
dégradabilité des aliments concentrés et A. CASTAGNA D. SAUVANT enzymatique sous-produits Michelle DORLEANS Sylvie GIGER /.Af.!.!4., Laboratoire de Recherches de la Chaire de Zootechnie Institut national agronomique Paris-Grignon 16, rue Claude-Bernard, F 75231 Paris Cedex OS Résumé
Une méthode de mesure de dégradabilité enzymatique applicable aux aliments concenété mise au point en simplifiant au maximum la méthode de travail. La technique l'action d'un mélange de préproposée comprend trois étapes principales : un empesage parations glucolytiques (amylase, cellulase, hémicellulase) et une attaque à la pepsinechlorhydrique. Pour 37 aliments divers (2,8! cellulose brute! 48,3 p. 100 MS) ayant fait l'objet d'une mesure de digestibilité in vivo de la matière organique (30,7! CUD mo C 92,3 p. 100), la dégradabilité enzymatique permet de mieux prévoir le CUDmo que les teneurs en cellulose brute, NDF, ADF et ADLignine considérées séparément. La même observation peut être faite lorsque les 18 aliments concentrés sont considérés séparément. La combinaison des teneurs en NDF et ADLignine permet d'aboutir à une précision comparable de prédiction de la dégradabilité enzymatique pour les 37 (ETR = 4,84 p. 100 vs 4,97 p. 1(10) ou les 18 (ETR = 3,44 vs 3,32) aliments cités. Pour les 11 aliments composés considérés, la teneur en ADLignine aboutit à une meilleure prévision que la dégradabilité enzymatique (ETR = 2,06 vs 3,29 p. 100). La méthode proposée a fait l'objet d'une chaîne analytique dans le cadre de la C.E.E. trés a - Mots clés : Dégrndn6ilité enzymatique, aliment.I' concentrés, sous-produits, prévision dige.sri6ilité ruminant, analyse Vmt Soest. I. Introduction
Les méthodes de prévision de la digestibilité des aliments des ruminants peuvent utiliser des résultats issus d'analyses chimiques, de mesures physiques (énergie de broyage, réflectance dans l'infra-rouge) ou de tests de dégradabilité in vitro. Ces tests sont réalisés, soit par incubation dans du jus de rumen, comme dans la méthode de T ILLEY & T ERRY (1963), soit par mesure de la dégradabilité de l'aliment en présence de préparations enzymatiques, de cellulases en particulier. Le concerne essai publié de mesure de dégradabilité enzymatique d'aliments les travaux de O D NEFER et al. (1963). Depuis, différentes variantes métho- premier dologiques ont été proposées. Certains auteurs ont conçu des méthodes où la préparation cellulasique agit sur des résidus issus d'un traitement par voie chimique de ELLNER OUGHAN &, l'échantillon (N1C Q UEEN & VAN, OEST 1975 ; R S OLLAND 1977 ; K H & KIRCHGESSNER, 1977 ; ISRAELSEN, REXEN & THOMSEN, 1978 ; ABE, HORII & KAMEOKA, AYW H R A D 1979). Enfin, dans d'autres cas, l'action de la cellulase est précédée (J ONES &, OTO & 1V1 LLISON &, 1973 et 1975 ; G ONE, 1977 ; A INSON ORZUCKI 1978) ou suivie (D B ELLNER UGGOLZ C G t FER et Cil., 1963 ; 8 UEEN & VAN, 11., 1971 ; 1V1C Q OEST 1975 ; K S &, IRCHGESSNER 1977) par d'autres traitements enzymatiques généralement proK téolytiques. Les méthodes publiées jusqu'à présent concernent presque uniquement des fourrages ; or, les résultats de tests de dégradabilité enzymatique sur les aliments concentrés pourraient permettre de prévoir de manière assez fiable la digestibilité de leur matière organique, donc leur valeur énergétique. Les aliments concentrés soulèvent des problèmes méthodologiques spécifiques par rapport aux fourrages en raison, notamment, de la variabilité importante des proportions respectives des constituants pariétaux (SAUVANT, 1981) et, de la présence éventuelle de teneurs élevées en protéines, amidon et lipides. L'étude de la dégradabilité enzymatique des aliments riches en amidon a été abordée suivant deux approA K O ME n & KA p EARD (1977) pour des céréales, et, LAR & B C ches différentes. IC BE Ho A faire des ont de de de maïs, préparations amyla(1979) pour agir proposé l'ensilage EXEN & SEN OM (1978) ont réalisé une attaque cellulasique après H T L, A R IS N S R siques. présent travail a été entrepris pour évaluer l'intérêt de l'utilisation d'une prévision de la digestibilité des aliments des ruminants, concentrés et sous-produits en particulier, qui soit basée le plus possible sur des mesures de solubilisation enzymatique. En outre, pour respecter un objectif pratique, une simplification maximale de la méthodologie a été systématiquement recherchée ; a priori, toute opération de transvasement est exclue et, dans la mesure du possible, plusieurs Le méthode de enzymes sont associées dans une II. même incubation. A. Choix des préparations enzymatiques
De nombreuses préparations enzymatiques sont disponibles sur le marché. Un choix a donc été effectué pour ne retenir que les préparations les plus fréquemment citées dans la bibliographie ou bien celles qui présentent le maximum de garantie de constance dans les livraisons. En outre, les préparations enzymatiques glucolytiques ont été choisies de manière à pouvoir être utilisées dans les mêmes conditions au sein d'un seul mélange. Six préparations d'enzymes ont été retenues pour ces essais : une pepsine (Sigma P 7012) utilisée à 39 °C à une concentration de 2,0 g/1 pendant différentes durées d'action dans l'acide chlorhydrique 1 N. La normalité la plus fréquemment utilisée pour HCI est 0,1 N, cependant les travaux récents - NDRIEU (1979) et U d'A A FRERE (1982) ont montré l'intérêt de l'utilisation d'une lité de 1,0 ; norma- une pronase (Sigma P 5005) utilisée à 2,0 g/1 dans un tampon phosphate ORII &, 0,066 M à pH 7,4 et à 39 °C (AI3, H E AMEOKA 1979) : différentes durées K d'action ont été testées ; une cellulase (Novo, SP 122) de Trichodermn viriile à différentes concentrations agissant pendant 24 heures à 39 °C dans un tampon acide acétique-acétate de sodium 0,05 M à pH 4,7 (A ORII &,, H BE AMEOKA 1979). D'autres auteurs ont K utilisé ce de l'action de cellulases (J HIVEND 1969 ; T ARRIGE &, déjà type tampon pour MC QUEEN & VAN SOEST, 1974 ; KELLNER & KIRCHGESSNER, 1977 ; GOTO & MINSON, 1977 ;, NDRIEU 1979 ;, A UFRERE 1982) ; A - une hémicellulase (Novo) d'Aspergi llus sp. utilisée dans les mêmes conditions que la cellulase et testée aux mêmes concentrations ; une amylase (Sigma A 6505 type 11I A) de Bacillus subtilis utilisée en solution à 0,8 g/1 en présence d'un tampon acide acétique-acétate de sodium 0,05 M à pH 4,7 pendant 24 heures à 39 °C ;1- - - - une amylase (Sigma A 1278 type l'amylase A 6505. XI A) de Bacillus subtilis utilisée dans les mêmes conditions que
Lorsque des préparations amylasiques sont utilisées, seules ou un prétraitement par empesage préalable de 10 mn à tillon subit B. Choix des matières en mélange, l'échan- 70 &dquo;C. premières Des échantillons de douze matières premières différentes ont été retenus pour les dégradabilité. Le choix de ces aliments a été effectué avec l'objectif de respecter, dans la mesure du possible, les principes suivants : tests de - - être d'un être bien emploi fréquent ; connu quant à la digestibiltié in vivo la plus probable de la matière organique ; être représentatif des familles végétales et des principaux « types» d'ingrédients utilisés en alimentation animale : riches en amidon (maïs, orge, manioc, son), en protéines (tourteaux de soja, arachide, colza, coprah), en cellulose facilement digestible (pulpe de betteraves, coques de soja) ou en cellulose peu digestible (luzerne déshydratée, paille de blé). - Les caractéristiques analytiques de ces douze matières premières sont indiquées dans le tableau 1. Dans ce premier tableau, figurent également les valeurs moyennes de teneur en cellulose brute et de digestibilité in vivo de la M.O. proposées pour ces aliments dans les tables I.N.R.A. 1978 (D NDRIEU & SAUVANT, 1978)., A EMAROUILLY
C. Mode d'expression des résultats
Les résultats de dégradabilité sont exprimés en matière organique par rapport à la matière sèche ou la matière organique de l'échantillon de départ : avec : M.S.e M.M.e M.S.r M.M.r : : : : quantité de matière sèche de l'échantillon de départ, quantité de cendres de l 'échantillon de départ, quantité résiduelle de matière sèche, quantité résiduelle de cendres. Les données obtenues sont par 100 pour exprimer les résultats en corrélation très élevée entre ces deux modes d'expression de la dégradabilité. Pour mettre en évidence les effets spécifiques des préparations enzymatiques, il est tenu compte de la solubilisation de l'aliment par la solution tampon seule. Parmi ces quatre différents modes d'expression des résultats calculés systématiquement, la dégradabilité rapportée à la matière sèche dans l'ensemble enzyme + tampon a été retenue pour ne pas alourdir le texte et pour être cohérent avec la recherche d'une simplification maximale de la méthode. multipliées pourcentage. Les résultats révèlent Tous les résultats cités une correspondent à trois répétitions de la même mesure.
D. Plan de travail
Les trois familles d'enzymes ont été considérées successivement en trois étapes. Au sein de chaque famille, les préparations ont d'abord été étudiées séparément dans le but d'être comparées les unes aux autres ou bien pour en préciser les conditions d'utilisation. Ces préparations ont ensuite été étudiées en association avec celles des familles préalablement étudiées : cellulase + hémicellulase pour les préparations amylasiques, cellulase + hémicellulase + amylase pour les préparations protéasiques. Les échantillons utilisés ont été broyés à la pour les analyses d'aliments. grille « classique » de 1 mm, méthode appliquée
III. A. Le tableau 1 cellulose brute qui matières premières montre que les échantillons étudiés sont dans l'ensemble très proches des présentent des teneurs en valeurs moyennes proposées NDRIEU & SAUVANT, 1978). Il est, de ce fait, dans les tables 1.N.R.A. EM (D A LLY, UE ARQ logique d'adopter, comme estimation de la digestibilité la plus probable de la M.O
de ces aliments, les valeurs citées par ces tables. B. Etude des enzymes 1. Actions séparées dégradant les glucides pariétaux de la cellulase et de l'hémicellulase OMSE (197
8) ont montré que l'
action
d'une préparation H T N au bout de 20 heures. La durée d'incubation de 24 HIVEND T ARRIGE &, par différents auteurs (J ELLNER &, I K E G SSNER RCH 1977) a donc été retenue pour les essais d'enzymes 1969 ; K glucolytiques ; une durée d'action plus longue nécessiterait, en outre, l'emploi d'un HIVEND 1969). T ARRIGE &, agent anti-microbien tel que le nitrure de sodium (J EXEN & SS I L E A, EN R R pratiquement terminée heures, qui a déjà été appliquée cellulasique était Comme la bibliographie ne fournit pas une information homogène sur la concentration en enzyme des préparations cellulasiques utilisées, différentes concentrations ont été testées sur 0,5 g d'échantillon de sept matières premières pour une durée d'incubation de 24 heures à 39 °C. Les figures 1 et 2 (cf. p. 276) présentent les niveaux de dégradabilité des aliments, sous l'action des enzymes et du tampon acide acétique-acétate de sodium en fonction des concentrations testées en cellulase et hémicellulase. L'accroissement de la dose de l'enzyme augmente le niveau de dégradation des aliments. D'après les valeurs moyennes, le « plateau » est atteint pour les concentrations 1,0 g/1 et 1,5 g/1 environ de cellulase et d'hémicellulase respectivement. Cependant, les réponses diffèrent largement d'une matière première à l'autre ; pour la cellulase le « plateaude la réponse est approximativement atteint pour la concentration de 0,5 g/1 pour la pulpe de betteraves et de 1,5 g/1 pour l'org e et le tourteau de colza. Par contre, pour les concentrations étudiées, l'apparition du « plateau n'est pas évident pour le tourteau de coprah et la pellicule de soja. La hiérarchie des niveaux de dégradation des ingrédients est comparable entre les deux enzymes. En outre, à concentration comparable en enzyme, la dégradabilité est plus faible avec l'hémicellulase qu'avec la cellulase sauf dans le cas du tourteau de coprah. Cependant, la hiérarchie de la dégradabilité des matières premières sous l'effet de la cellulase ou de l'hémicellulase est très éloignée de leur classement selon leur valeur moyenne de digestibilité in vivo (tabl. 1). Ainsi, l'orge et le manioc présentent-ils une valeur de dégradabilité légèrement inférieure à leur digestibilité ; par contre, les autres matières premières testées, en particulier le tourteau de soja, sont très peu dégradables sous l'effet de la cellulase ou de l'hémicellulase en comparaison de leur digestibilité in vivo. Ces résultats montrent l'insuffisance de l'utilisation unique d'enzymes dégradant les constituants pariétaux dans le cas des aliments concentrés. Pour ces raisons, le choix des différentes concentrations en enzyme ne pouvait être effectué sur la base de la corrélation avec la digestibilité in vivo la plus probable. Pour différentes concentrations supérieures ou égales aux seuils de 1,0 g/1 de cellulase et 1,5 g/1 d'hémicellulase, les deux enzymes aboutissent à un « plateau» et à des résultats de dégradabilité très corrélés (0,94 fi R! 0,96, n = 7), de ce fait, deux concentrations en enzyme ont été retenues dans la suite de l'étude. Les concentrations se situent dans la plage de variation observée dans la bibliographie, 1977). ER SON, 1977) à 1,8 g/1 (KELLNER & KIRCHGESSN N 0,25 g/1 (GOTO & MI ces 2. Etude de l'additivité des
effets
Les deux enzymes dégradant les glucides pariétaux ont été considérées sans l'utilisation de prétraitement. Pour tester l'additivité des effets de ces enzymes, une analyse de variance a été appliquée aux résultats de dégradabilité obtenus selon les quatre combinaisons d'un plan factoriel 2 X 2, dans lequel les sept aliments constituent des blocs : - - - -
tampon tampon tampon tampon
se
ul
, g
/ de cellulase, + 1,0 g/1 d'hémicellulase, + 1,0 g/1 de cellulase + 1,5 g/1 + 1,0 d'hémicellulase.
Les
résultats
de ces
analyses
,
résumés dans les tableaux
2 et
3
rév
èlent
l'influence significative des enzymes et des aliments ; ils indiquent, en outre, que l'interaction entre les enzymes n'est pas significative. tiques considérées, ils indiquent,
C. Etude de la combinaison des enzymes glucolytiques Effets séparés des amylases
L'étude de ces effets séparés a été conduite sur quatre matières premières préalablement empesées pendant 10 mn à 70 °C : deux riches en amidon, le maïs et l'orge 1. deux n'en contenant pas ou très peu, les tourteaux de colza et de soja. Les résultats indiquent que, dans les conditions décrites, l'a-amylase A 6505 dissout significativement plus la matière organique des aliments que l'amylase A 1278 (tabl. 4). En outre, l'interaction significative enzyme X aliment montre que les différences de sensibilité aux deux enzymes ne sont pas identiques pour les quatre aliments. Ainsi, le maïs présente la même dégradabilité vis-à-vis des deux enzymes alors que l'orge est plus sensible à l'amylase A 6505. Les valeurs de dégradabilité observées pour les tourteaux de colza et de soja traduisent vraisemblablement l'impureté des enzymes utilisées qui présentent de ce fait une activité de type protéolytique et et/ou cellulolytique.'so): des deux amylases! ra 6' Cc;;;p.? avec un mélange cellulase!- hémicellulase l c ; (;-nn!yiases A 6505 et A 1278 ont été comparées en combinaison avec le :d c ulase c.;- hémicellulase sur des échantillons préalablement empesés. L'ana-! ;,i;:1:li<=uc rapportés dans le tableau 5, révèle une action, en l iiificilB ci,,-.cnt plus faible pour l'a-amylase A 1278, ainsi qu'une interi '.._,, -:c X aliment. En outre, la comparaison des résultats des tableaux 4 et 5,, ¡,ue t'asscciation des amylases avec le mélange cellulase -!- hémicellulase i « : une c issoluticn accrue de la matière organique pour l'orge et les deux!, l, oindre pour le mais qui est alors beaucoup moins dégradé que l : 1: CG! ipr ne peut être expliqué sans une caractérisation précise U c nt!! _,n, i.;s S l C préparations enzymatiques utilisées. i C des résultats, i.,. c, c : :,!u:::c::!:N'.c de ces résultats l'u-amylase A 6505 semble être en ll,icCl1 0e son activité supérieure. adaptée à l'objectif!! c:c. :'_. :!oc:c:i.ivité des! _,. __!, -'1!''. effets des A 6505 a été considéré avec celui du mélange cellulase 1c,- quatre combinaisons d'un plan factoriel de type 2 X 2, __!:lr.Llcn:cnt empesés constituent des blocs : ion LC ;cal,,'d., (i.-a¡;1ylase glucolytiques l'amylase _ i! _. ','._ :!Ianac V (ccllulase - enzymes, -, ;,,-::i::j,1;:;c + hémicellulase), A 6505, + mélange (cellulase + hémicellulase). _ ;:ux sont très significatifs et il n'y a pas d'interaction entre les :;ji.:aii L u q c: considérées (tabl. 2). Il y a par contre une interaliment causée par le fait que l'action du mélange des _ ca!yme X v. ue et le manioc est nettement plus faible, 12,4 et 17,5 points _, x_;.c i n pouvait attendre à partir des dégradabilités observées L l'amylase et du mélange cellulase + hémicellulase. Les.'_. C.3 concern!es sont les plus riches en amidon et les plus solue,!11.1-cii œul (tabl. 2). Les effets observés pourraient traduire, —!<-i,c des spectres d'activité des deux types de préparations v'. Les résultats observés pour ces deux matières premières ne l,, : ; caractéristiques des aliments riches en amidon, les données __._____._! cn sont la preuve (tabl. 5).!!!, _ _ &dquo;!,,. j : L :1. e - _., _.__ la.s : '. ! -1:;.Il;!e solubilisation sous l'action de l'empesage, du tampon!j c.'.'.yn'es g lucolytiques sont, excepté pour le manioc et l'orge,.c: < =J ii 30 points) aux valeurs les plus probables de digestibilité :, _.,!:c c.'ganique. D. Etude des combinaisons entre les et préparations glucoly!icj:,,2 protéolytique entre les conditions d'utilisation des P:'!:)Cl:'a!i_::3 nécessitent de procéder à des incubations ;;!:::r ;s pouvoir utiliser les différentes enzymes à des niveaux d'activité qui soient icj p : proches possible de leur optimum. DorrEFER et al. (1963) ont d'aillci:;.5 ob!cï ;!!!w:! l'activité de la pepsine, ajoutée à une incubation cellulasique était réduite en r_ i!c-.! du pH trop élevé du milieu. glucolytique 1. et importantes protéolytique durée ari p xi?J d'hydrolyse Différents temps d'hydrolyse ont été testés pour la pepsine et la promise, '.'o:!'!!tif de l'utilisation de ces préparations enzymatiques est de contribuer à In (&dquo;; &dquo;1'::':':&dquo;'1 c' 1.i des contenus cellulaires par hydrolyse des fractions protéiques. La jz=p:1.,,> pronase ont été testées seules sur les sept aliments qui ont été utilisa ré&dquo;&dquo; w&dquo; ; &dquo;!. a l'influence des concentrations en cellulase et hémicellulase (cf. fig. 1 et 2). Le t '> c&dquo; 'l bleau 6 indique que la solubil isation de la matière sèche de ces :1lir la solu'ii'i.;::'i:::1 Par 15 heures d'incubation. ne entre 1 et varie contre, pronase pas -- '1' s'accroît dans la même période sous l'action de la pepsine-chlorhydrique. L'augmentation de la solubilisation est plus marquée pour les coques de soja et surtout les pulpes de betteraves (tabl. 6), ce qui traduit vraisemblablement la solubilisation des hémicelluloses sous l'effet du pH. Les valeurs de solubilisation sont moyennement corrélées à celles de la digesprobable de la M.O., avec un léger avantage pour la pepsine : 0,55 < R < 0,64 contre 0,46 < R < 0,52 pour la pronase. D'autre part, au-delà de 4 heures, les valeurs de solubilisation sous l'effet de la pepsine-HCI présentent avec les teneurs en NDF 1 que dans le et ADF des aliments des valeurs de corrélation plus proches de cas de la pronase. tibilité - 2. Etude des combinaisons avec les enzymes glucolytiques
Plusieurs séries de mesures de dégradabilité ont été réalisées sur les douze matières premières du tableau 1 pour comparer différentes séquences d'action des préparations glucolytique (mélange cellulase -!- hémicellulase + amylase) et protéolytique (pepsine ou pronase). La comparaison entre les quatre séquences a porté sur deux groupes de paramètres : le premier groupe comprend la valeur du coefficient de corrélation entre la dégradabilité observée et la valeur de la digestibilité moyenne in vivo, de la matière organique retenue dans les tables I.N.R.A. 1978 (tabl. 7) ainsi que l'écart-type résiduel de cette relation, et, le second groupe la répétabilité intra aliment du résultat. Les résultats obtenus, rapportés dans le tableau 7, montrent que les différentes séquences considérées aboutissent à des hiérarchies des valeurs de dégradabilité proches des valeurs de digestibilité probable de ces aliments, ce qui n'était pas le cas lorsque les préparations glucolytiques étaient appliquées seules (tabl. 2 et 5). L'action préalable de la pepsine aboutit aux résultats les plus médiocres pour les paramètres considérés. En outre, cette séquence aboutit à des valeurs de dégradabilité qui sont en moyenne de cinq points inférieures aux trois autres. Cet écart est particulièrement marqué pour le tourteau de coprah, la pulpe de betteraves, le manioc et la paille (tabl. 7). Ces résultats pourraient provenir d'un lavage insuffisant du résidu de l'attaque pepsique. K ELLNER & K IRCHGESSNER (1976) ont remarqué la nécessité de procéder à un lavage rigoureux du résidu de l'hydrolyse acide précédant l'attaque à la cellulase, fait implique des manipulations qui alourdissent la méthode. Plusieurs auteurs ont cependant proposé de faire agir la pepsine en première attaque OTO &, LLISON &, (J &, ONES AYWARD 1973 et 1975 ; G H INSON 1977 ; A M ORZUCKI B 1978), mais aucun d'eux n'a fait état de la comparaison avec des résultats obtenus selon une séquence inverse ou bien avec d'autres enzymes protéolytiques. Lorsque la préparation glucolytique est appliquée en premier, la pepsine permet d'obtenir de meilleurs résultats que la pronase (tabl. 7). Cette différence va dans le sens des résultats de BucIImIAN (1979) qui a observé que la digestibilité des protéines des céréales par le rat était mieux prédite à l'aide des résultats d'une attaque pepsique que pronasique. Parmi les quatre combinaisons considérées, la séquence enzyme glucolytiqued'obtenir les meilleurs résultats. Cet enchaînement enzymes glucoa déjà été utilisé pour des tests enzymatiques (D ONEFER et al., 1963 ; ELLNER &, N, A IRCHGESSNER K UGGOLZ aL, 1971 ; Mc Q G t E UEEN & V OEST 1975 ; K S 1977). Il est également à rapprocher du protocole de travail de digestibilité in vitro ERRY (1963). La figure 3 traduit la relation entre le résultat ILLEY & T proposé par T de cette attaque et la digestibilité in vivo de la M.O. admise en moyenne pour les douze matières premières considérées. L'équation associant la digestibilité de la matière organique (tabl. 1) et la dégradabilité enzymatique rapportée à la matière sèche des aliments : pepsine permet lytiques-pepsine plus discriminés les uns par rapport aux autres par la dégradabilité enzymatique que la digestibilité in vivo de la matière organique. D'autre part, l'étude des écarts à la régression semble indiquer que la dégradabilité enzymatique tend à sous-estimer la digestibilité des matières premières riches en cellulose facilement digestible : pellicules de soja, pulpe de betteraves. montre que les aliments sont Cette relation peut être considérée comme satisfaisante dans la mesure où, pour 12 matières premières, les corrélations entre les valeurs de digestibilité de la M.O. et les teneurs en cellulose brute, NDF, ADF et ADLignine sont respectivement de - 0,86, - 0,84, - 0,84, - 0,55. En outre, la combinaison entre les teneurs en cellulose brute et ADLignine, utilisée dans les équations de prévision de la valeur énergétique des mélanges concentrés (SAUVANT, 1981) aboutit, pour les mêmes données, à un coefficient de corrélation multiple de 0,90. ces 3. Essais de réduction de la durée de l'hydrolyse pepsique
Pour chercher à explorer l'intérêt d'une réduction de la durée de l'attaque essai a été effectué sur quatre matières premières : les tourteaux de arachide et les pellicules de soja. Les écarts entre les valeurs de dégradabilité aux différents temps d'hydrolyse pris successivement sont faibles mais significatifs (tabl. 8). Les valeurs de dégradabilité obtenues en 4 heures se rapprochent le plus de la digestibilité moyenne connue de ces matières premières ; ce résultat montre l'intérêt de conserver une durée d'hydrolyse pepsique de 4 heures.
pepsique, un colza, soja et
E. Description du protocole de la méthode retenue
La méthode retenue pour réaliser des comparaisons ultérieures avec des tests in vivo ou d'autres méthodes de prédiction de la valeur énergétique comprend un empesage, l'action du cocktail d'enzymes glucolytiques suivie d'une attaque de 4 h à la pepsine chlorhydrique. Le protocole de travail correspondant à cette méthode est décrit dans le tableau 9. Cette méthode est rapide en comparaison des autres méthodes de dosage enzymatique qui comportent généralement deux traitements de 48 heures chacun (G EXEN &!1'HOMSEN, 1978) SRAELSEN R I OTO &, INSON 1977 ;, M IRCH K ou un de 24 heures et un de 48 heures (J ELLNER & AYWARD 1973 ; K H ONES &, LARO &,, 1977 ; C GESSNER EARD 1977). L'écart-type intra aliment de 0,53 p. 100 B de dégradabilité indique que l'intervalle de confiance attaché à une valeur de dégradabilité est de -!- 1,61 p. 100 pour une mesure double et ± 0,97 p. 100 pour une mesure triple. Lorsque l'aliment considéré contient une proportion importante de lipides, la méthode peut aboutir à sous-estimer la valeur de la dégradabilité. Ainsi, pour des graines de lupin contenant un extrait éthéré de 7 p. 100 M.S. la dégradabilité est de 71,6 p. 100 sur le produit brut et de 94,3 p. 100 après délipidation (différence AUNDERS & H AUTALA (1979), il est donc significative). Comme l'avaient déjà suggéré S nécessaire de procéder à une délipidation dès que la matière première considérée a une teneur en extrait éthéré supérieure à 7-8 p. 100. F. Mise en oeuvre pratique de la méthode dans les laboratoires
Une chaîne VAN analytique a été récemment organisée au niveau de la C.E.E. (, E M ER 1982) pour tester trois méthodes de dégradabilité enzymatique sur 15 aliments, cités au tableau 10, dont la digestibilité in vivo de la matière organique DER connue. Une des trois méthodes correspond à celle qui est décrite dans la présente communication : trente-quatre laboratoires ont participé à ce test. L'écart-type intralaboratoire (répétabilité) est de 1,34 p. 100, la valeur moyenne de l'écart-type global (reproductibilité) est de 4,24 p. 100 ; cette valeur varie entre 2,75 p. 100 et 5,85 p. 100 selon l'aliment considéré ( VAN DER, EER 1984). A partir des résultats obtenus, nous M avons calculé que les séries de valeurs de dégradabilité fournies par les différents laboratoires étaient très corrélées aux valeurs de digestibilité in vivo. En effet, 27 coefficients de corrélation sur 34 sont supérieurs ou égaux à 0,95, 32 sont compris entre 0,92 et 0,97, les coefficients des deux autres laboratoires étant égaux à 0,87 et 0,63 est respectivement.
G. Prédiction de la digestibilité mesurée in vivo de la matière organique
La méthode décrite a été appliquée, ainsi que les analyses chimiques des teneurs cellulose brute, NDF, ADF et ADLignine, à 37 aliments dont la digestibilité in vivo de la matière organique avait été mesurée expérimentalement au laboratoire (18), au centre de Lelystad (15) ou au laboratoire des aliments de Theix (4). Les valeurs des différentes caractéristiques considérées sont rapportées dans le tableau 10. Les potentiels de prédiction de la digestibilité de la M.O. ont été comparés sur trois ensembles de ces aliments : la totalité (n 37), les aliments concentrés composés ou non, en incluant les drèches de brasserie (n 18) et les aliments composés en = = (n = 11). La teneur en cellulose brute et les critères analytiques de Van Soest, considérés sont pour les 37 aliments de moins bons prédicteurs de la diges- tibilité de la M.O. que la dégradabilité enzymatique (tabl. 11). Par contre, la combinaison des teneurs en NDF et ADLignine aboutit à une prédiction de qualité légèrement supérieure à celle de la dégradabilité enzymatique. Les coefficients de l'équation de la prévision de la digestibilité de la M.O. Lorsque les 18 aliments concentrés, composés ou non, sont considérés, les valeurs écarts-types résiduels sont plus faibles que celles observées pour l'ensemble des 37 aliments (tabl. 11). La dégradabilité enzymatique est, pour ces aliments, le meilleur critère de prédiction de la valeur de la digestibilité de la M.O. Les teneurs en cellulose brute, NDF et ADF, présentent des biais communs lorsqu'elles sont utilisées pour prédire la digestibilité de la M.O. des aliments concentrés : sous-estimation pour les pulpes de betteraves (- 8 points) et d'agrumes (= 8 points), de la farine de maïs (= 6 points), sur-estimation pour les drèches de brasserie (! 9 et 16 points'21 et 24 respectivement) et le mélange n° 22 (! 12,5 points) riche en O pour les n paroi végétale peu digestible. Les valeurs des écarts-types résiduels des prédictions des aliments concentrés à partir de la dégradabilité enzymatique et de la combinaison NDF, ADLignine sont comparables (tabl. 11). Par contre, les valeurs individuelles des écarts aux modèles correspondants ne sont absolument pas corrélées, ce qui indique que ces deux types de prédicteurs ne présentent pas les mêmes biais pour les 18 aliments considérés. Cet examen des écarts individuels ne permet cependant pas d'avancer une hypothèse sur l'origine de ce biais. des L'ajustement des 11 résultats de digestibilité de la MO des aliments composés partir de la dégradabilité enzymatique aboutit à un modèle tout à fait comparable, en terme de coefficients de régression et de précision, à ce qui a été obtenu pour l'ensemble des aliments concentrés (tabl. 1). Par contre, la teneur.en ADLignine devient un meilleur prédicteur pour ces aliments puisque l'écart -type résiduel n'est que de 2,06 p. 100 de digestibilté. La combinaison des teneurs en NDF et ADLignine à ne permet pas d'améliorer la qualité de la prédiction.
IV. Conclusions
Ce travail ne prétend pas être exhaustif vis-à-vis des nombreuses préparations enzymatiques utilisables ainsi que de la multiplicité des combinaisons possibles de ces préparations et des choix des conditions physico-chimiques des incubations. Ces résultats montrent cependant qu'en partant d'un nombre restreint de préparations enzymatiques fréquemment utilisées, il est possible d'aboutir à une méthode dont les résultats sont d'emblée applicables et incitent la poursuite des travaux dans ce domaine. La méthode retenue s'apparente à celles qui ont été proposées par, ORII BE H A K A MEOKA (1979) et par D OWMAN & C OLLINS (1982). Elle s'en distingue en réalité nettement par sa simplicité d'application. Les résultats présents montrent, en particulier, qu'il est possible d'éviter les transvasements d'échantillons et de mélanger des préparations enzymatiques glucolytiques pour aboutir à une méthode de prévision de la digestibilité de la matière organique des aliments concentrés et sous-produits assimilés qui soit applicable à grande échelle. & Les résultats obtenus par 34 laboratoires de la C.E.E., appliquant pour la première fois la méthode, sont encourageants par la qualité de la prédiction intralaboratoire. Cependant, les écarts systématiques de niveau de dégradabilité, observés entre laboratoires, plaident pour l'emploi, dans chaque incubation, d'un même échantillon standard dont la digestibilité in vivo de la M.O. est, si possible, connue. Ce standard pourrait, en outre, permettre de corriger, en partie au moins, des variations d'activité entre livraisons de préparations enzymatiques. Une des principales limites de ce travail vient du fait que les valeurs de digestibilité de la matière organique prises comme référence dans la phase de mise au point n'ont pas été mesurées in vivo mais correspondent aux valeurs les plus probables généralement admises. Cependant, les matières premières utilisées présentaient des caractéristiques analytiques proches des valeurs moyennes connues, d'autre part la digestibilité de la M.O. d'un aliment concentré peut varier notablement selon les conditions expérimentales extrinsèques (fourrage de base, niveau alimentaire) et la méthode de calcul de cette digestibilité (G IGER & SAUVANT, 1982). Cette incertitude demeure importante pour une même technique appliquée au sein d'un seul laboratoire. Ainsi pour les 6 aliments concentrés dont la digestibilité de la M.O. a été mesurée à Lelystad, l'écart-type des résultats obtenus est, en moyenne, de 1,6 p. 100, ce qui signifie que 95 p. 100 de ces résultats sont compris dans une plage présentant une amplitude de 6,4 p. 100 de digestibilité de la M.O. Pour ces raisons, des valeurs moyennes ont semblé préférables dans la première phase du travail. de digestibilité de la M.O. sont consila meilleure caractéristique unique pour les UGGOLZ et al. (1971) pré . Ces résultats sont proches de ceux mentionnés par G qui ont utilisé comme référence les valeurs T.D.N. les plus probables de 24 aliments expérimentaux. Lorsque l'ensemble des aliments, ou les 18 concentrés, ayant fait l'objet d'une mesure in vivo de digestibilité de la M.O. est considéré, la cellulose brute et les critères analytiques de Van Soest pris individuellement sont également de moins bons prédicteurs de la digestibilité que la dégradabilité enzymatique, ce qui ERTS et al. (1981) rejoint les résultats observés pour des aliments composés par A et WA EWEY & B OYNE ( 1981 ). Summary
Study
of
the
enzym
atic degradability of concentrat
es
and by-products enzymatic degradability measurement was elaborated to be valuable for to be as simple as possible. The method was based on three main an incubation in a glucolytic enzyme (amylase, cellulase, steps : an aqueous hydrolysis an incubation in a pepsin chlorhydric buffer. When considering hemicellulase) mixture 37 feedstuffs of different origins (2.8 C crude fibre! 48.3 p. 100 of DM) with in vivo 92.3 p. 100), the enzymatic measured values of organic matter digestibility (30.7! OMD < degradability allowed to predict more accurately the feed OMD than the separate data of crude fibre, NDF, ADF and AD lignin contents. A similar observation remained valuable when the 18 concentrates feedstuffs were considered separately. The combination of the NDF and ADLignin contents allowed to obtain a precision similar to the enzymatic degradability for the 37 (RSD = 4.84 p. 100 vs 4.97 p. 100) or the 18 (RSD = 3.44 vs 3.32) above mentioned feeds. When considering the 11 compound feeds, the ADLignin content gave the best prevision (RSD = 2.06 vs 3.29 p. 100). The described method was tested into an EEC ring-test. A method of concentrate feedstuffs and
- - Key-words :Enzymatic degradability, analysis. concentrates, by-products, digestibility prediction, Van Soest
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Les ouvertures de tir pour armes à feu en Bourgogne Franche-Comté (1360-1650). Histoire. Université Bourgogne Franche-Comté, 2023. Français. ⟨NNT : 2023UBFCH023⟩. ⟨tel-04415070⟩
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En dehors de notre zone d’étude, ce cas se rencontre toutefois dès les années 1440 au château de Guigamps (22) ; (Faucherre 2019) ou au château de Saint-Vidal (43) ; (Bizri 2008). Dans la seconde moitié du XVIe siècle, les ouvertures associées aux fenêtres ne sont plus évasées comme à Gissey-sous-Flavigny (21) (v.1570) ou dans les échauguettes du Bastion Sainte-Agathe de Beaune (21) (vers 1640) et elles se présentent sous la forme de simples « trous » circulaires. Hors du corpus, une ouverture de tir de ce type aurait été recensée dans la seconde moitié du XVe siècle au château de Fontenoy-le-Château (88) (Muller 2015). Curieusement, l’ouverture de tir n’est pas toujours aménagée dans l’allège de la baie comme au château du Bouchet à Nuars (58), où l’ouverture de tir est décalée, mais partage la même allège que la fenêtre (v.1510-1530). Dans de rares cas, une ouverture de tir peut également être associée à d’autres types de baies comme à Gissey-sous-Flavigny (21), où elles sont percées dans le linteau d’une des portes (1560-1590) (fig. 62).
-2.1.4.2 Aménagements
Les baies de tir peuvent être équipées de divers aménagements qui trahissent autant leur utilisation comme ouverture de tir que comme baie de jour. Le premier, et le plus évident, est le bas-volet qui peut s’observer dans le boulevard du château de Presilly (39), entre les années 1430 et 1450, dans la tour des archives du château de Charolles (71) entre 1471 et 1474 ( Jal, Maerten 2015), à Posanges (21) entre 1440 et 1490, à Berzé-le-Châtel entre 1430 et 1470, Châteauneuf (21) vers 1470/1480 ou encore dans le château du Gros-Chigy (71) à Saint-André-le-Désert après les années 1480 (Auloy et al. 2015). Nicolas Faucherre recense ce type à Beaune vers 1465 (Dangles, Faucherre 1997) et E. Jacquier évoque, dans son article de 2003, la récurrence de construction de fenêtres-barbacanes dans le Charollais au cours de la guerre de Cents Ans ( Jacquier 2003). Ce type est donc particulièrement courant en contexte castral dans les années 1430-1500 même si on le retrouve plus tardivement comme à Vallerois-le-Bois (70) au XVIe siècle ou au Gros-Chigy (71) vers 1570. Les bas volets peuvent être soutenus par des crapaudines de pierres comme à Présilly, mais le sont plus couramment par des crochets en métal (Châteauneuf, Posanges, Berzé-le-Châtel, Vallerois-le-Bois, Gros-Chigy...) ; (fig. 63). Si nous n’avons pu trouver aucun exemple de bas-volet conservé, plusieurs sources iconographiques permettent de supposer que ces éléments étaient percés d’orifices de tir circulaires ou triangulaires de manière à pouvoir utiliser une arme de petit calibre pendant le rechargement de la pièce principale dissimulée sous le bas-volet73. Occasionnellement, la fenêtre peut également être équipée d’un barreaudage qui vient clore cette dernière et probablement servir au support d’armes de petit calibre. Ce d’aménagement est peu commun dans notre région d’étude. Il est toutefois recensé aux châteaux du Bouchet à Nuars (58) entre 1510 et 1530, de Gissey-sous-Flavigny (21) entre 1550 et 1570 ou de Demangevelle (70) (non daté) sous la forme de simples négatifs. Des barreaudages sont conservés dans la tour des Moulins de Marcigny (71) entre 1480 et 1530 mais il est difficile d’affirmer qu’ils sont d’origine (fig. 64).
73
Jean de Warvin, Les chroniques d
’
Angleterre, Walter art Museum, W.201
81 I-Prolégomène à la typochronologie des ouvertures de tir
Fig. 63 : Exemple de baies de tir à mantelet sur crochet de fer (à gauche, château du Gros-Chigy, 71) et sur crapaudine (à droite, château de Presilly, 39, relevé Rousset 2008) Fig. 64 : Exemple de baies de tir à barreaudage (à gauche, tour du Moulin, Marcigny, 71) et à panneau de bois interne (à droite, château de Gissey-sous-Flavigny 21) Fig. 65 : Exemple de baies de tir à brétêche avec ouverture sur la brétêche (à gauche,château de Faulin, 89) et entre les corbeaux (château de Berzé-le-Châtel,71)
82 Attributs typologiques et variations
Plus rarement, les baies peuvent être closes grâce à de simples panneaux de bois. Ce type de dispositif, rare, est mis en évidence par la présence de négatifs de barres de fermeture dans l’ébrasement de la baie. On recense principalement ces éléments dans les édifices modestes à vocation résidentielle fortifiés pendant les guerres de Religion comme à Gissey-sous-Flavigny (21) entre 1550 et 1590 et Thory (89) entre 1550 et 1580. Dans d’autres cas, une baie sommitale peut simplement être équipée d’une bretèche qui a la vocation de couvrir les ouvertures situées en dessous d’elle et qui peut elle-même être percée d’une ouverture de tir. Celle-ci peut être aménagée entre les corbeaux, comme à Berzé-le-Châtel (71) édifiée entre 1430 et 1470 et qui constitue la première occurrence d’une ouverture de tir sur bretèche dans notre corpus. Dans la seconde moitié du XVIe siècle, l’ouverture de tir semble davantage située dans la bretèche elle-même comme c’est le cas au château de Faulin (89) vers 1585 ou dans la porte du Val de Flavigny-sur-Ozerain– (21) entre 1550 et 1570 (fig. 65).
2.1.5 Méthodes de mise en œuvre
Les constructions des ouvertures de tir sont extrêmement variées en raison, d’abord, de la diversité de leurs formes. La mise en œuvre de l’ou- verture de tir en façade se démarque, dans la très grande majorité des cas, par l’utilisation de blocs de natures différentes de ceux de la maçonnerie qui les accueille (matériaux, dimensions, marques d’outils...). En premier lieu, les ouvertures de tir sont majoritairement constituées de 4 blocs ou plus, probablement en raison de la prédominance de mires relativement hautes jusqu’aux années 1500 et de la construction d’évasements larges dans la première moitié du XVIe siècle (fig. 66). Ce phénomène est particulièrement flagrant dans les sites de catégorie 1. Une première bascule s’effectue, dès les années 1540, dans les sites de catégorie 3. On y observe en effet la prédominance de constructions à moins de 4 pierres, voire totalement monolithiques. Il faut attendre les années 1570 pour voir cette bascule s’opérer dans les sites de la catégorie 2 et 1610 pour la catégorie 1. Ce phénomène s’explique probablement par la diffusion d’ouvertures de petit calibre, destinées à la défense ponctuelle. Ces dernières semblent utilisées très tôt et en grand nombre dans les sites modestes. Elles sont par la suite largement diffusées lors des guerres de Religion. Les sites de la catégorie 1, où l’on utilise un armement plus lourd, ne semblent pas présenter, ces petites ouvertures avant la première moitié du XVIIe siècle, et seulement en parapet ou dans les échauguettes des bastions.
Fig. 66 : Nombre de pierres en façade par catégories et par décennies
2.2 L’espace de tir
2.2.1 Plan de l’ouverture de tir
Parce qu’il n’est visible que de l’intérieur de la fortification, l’espace de tir est malheureusement rarement mentionné, photographié et décrit dans les études que nous avons pu consulter. Notre corpus comparatif en souffre et il sera donc moins fourni pour ce chapitre. Nous devrons compter davan- 84 tage sur notre propre corpus de données et sur les rares autres études qui èvent ou montrent l’espace de tir dans son entier. -2.2.1.1 Simple ébrasement
La majorité des ouvertures les plus anciennes présentent un plan en simple ébrasement c’est-àdire un plan de forme triangulaire dont la partie la plus large est située sur le parement interne et Attributs typologiques et variations la pointe du triangle correspond à la façade de l’ouverture de tir. Ce type de plan, parfois appelé « en sifflet » apparaît en même temps que les premières ouvertures de tir, qu’elles soient aménagées dans des ouvertures plus anciennes ou qu’elles soient construites ex nihilo. Le simple ébrasement subsiste ensuite sans discontinuer jusqu’au seuil du XVIIIe siècle, en particulier dans les ouvertures de taille modeste destinées au tir d’armes de petit calibre. Les premiers exemplaires d’ouvertures en simple ébrasement présentent des chambres de tir de plan rectangulaire, comme dans la porte du Croux de Nevers (58) entre 1380 et 1410, la porte du bourg à Flavigny-sur-Ozerain (21) entre 1440 et 1480, ou la commanderie de Bellecroix (71) entre 1400 et 1450 (fig. 67). Le cas de chambres de plan pseudo rectangulaire, c’est-à-dire présentant un plan rectangulaire légèrement ébrasé, peut également être rencontré comme à Posanges (21) entre 1440 et 1490 ou à Berzé-le-Châtel entre 1430 et 1470. Les plans à ébrasement simples et chambre de tir rectangulaire sont toujours associés à des allèges jusqu’aux années 1530 au plus tôt. Sans allège, ce type de plan perdure jusqu’à la fin du XVIIe siècle dans les fortifications de catégorie 1 comme dans la porte taillée de Besançon. De leur côté, les chambres de tir de plan triangulaire n’apparaissent, dans le cadre de notre corpus, que dans les années 1450 comme dans l’enceinte urbaine d’Amance (70) ou le château de Villa -en-Duesmois entre 1480 et 1500 (fig. 68). Compte tenu du fait que les premières ouvertures de tir sont, parfois, des anciennes archères réadaptées, il est toutefois raisonnable de supposer que le plan triangulaire existe dès la fin du XIVe siècle. Ce type de plan, souvent dépourvu d’allège, perdure jusqu’au XVIIe siècle dans les édifices les plus modestes mais semble disparaître dans les sites de catégorie 1 dès la première moitié du XVIe siècle, à l’exception des ouvertures tardives en forme d’archère.
Fig. 67 : Exemple de simple ébrasement à chambre quadrangulaire (Porte du bourg, Flavigny-sur-Ozerain, 21) Fig. 68 : Exemple de simple ébrasement à chambre triangulaire (Château de Vilaines-en-Duesmois, 21)
-2.2.1.2 Simple évasement
Le plan en simple évasement est formé, quant à lui, par un triangle dont la base est située au niveau du parement externe et dont la pointe est constituée par la bouche de tir au niveau du parement interne. La chambre de tir est inexistante et est constituée par le niveau qui accueille l’ouverture. Ce type de plan est recensé dès les premières décennies du XVe siècle dans les créneaux sommitaux comme au château de Villaines-en-Duesmois (21) entre 1380 et 1410. En dehors de cas précis, le simple évasement n’est attesté en Franche-Comté que dans les années 1500-1510, soit en même temps que le double ébrasement, 85 I-Prolégomène à la typochronologie des ouvertures de tir notamment dans l’enceinte de Neuchâtel-Urtière (25) ou dans l’enceinte urbaine de Champlitte (70). En Bourgogne, ce type de plan ne semble pas attesté avant les années 1530 ; on le retrouve notamment dans des édifices relativement modestes comme au château du Bouchet à Nuars (58) ou au château de Chenecey-
illon (25) (fig. 69). En dehors de notre corpus, le simple évasement semble apparaître de façon simultanée dans les années 1460 à 1480 comme à Bouvignes en Belgique (Bragard 2017), Darmouth en Angleterre (O’Neil 1960), Shramberg (Piper 2014) ou Laubenbergerstein en Allemagne (Zeune 2016). Si aucun exemple aussi ancien n’a pu être déterminé dans notre zone d’étude, il est peu probable que l’apparition du simple ébrasement y diffère fondamentalement.
Fig. 69 : Exemple de simple évasement (Château de Chenecey-Buillon, 25) -2.2.1.3
Plans jumeaux
A partir des années 1450, l’apparition de plans pour l’usage simultané de deux fûts dans des axes de tir différents peut être attestée. Pour les plans ébrasés, ce type de plan se présente sous la forme d’une seule niche de tir accueillant, au nu du mur, deux arbalétrières-canonnières (Chenecey-Buillon, Berzé-le-Châtel...) ou de deux ébrasements accolés l’un à l’autre (Vezelay, Bellecroix...). Ces deux types sont répandus entre 1450 et 1475 comme dans la tour Saint-Jean de Vezelay (89), la tour Blondeau à Beaune, le château de Saint-Fargeau (89) ou le château de Berzé-le-Chatel (71) (fig. 70). Ils peuvent toutefois être occasionnellement attestés plus tardivement comme dans la porterie de la commanderie de Bellecroix (71), le château de Chenecey-Buillon (25) ou l’église Saint-Pierre de Tonnerre (89) entre 1560 et 1600. De leur côté, les plans évasés jumeaux, présentent toujours un plan en simple évasement et le double ébrasement n’y est jamais employé. L’évasement est séparé en son milieu par une maçonnerie ou un bloc de plan triangulaire qui permet le tir simultané de deux pièces, renforce la solidité de l’évasement et sert indirectement de dispositif d’arrêt. Ce type de dispositif est rare. On le retrouve 86 Fig. 70 : Exemple d’ébrasements jumeaux (Château de Berzé-le-Châtel, 71) notamment dans le château du Bouchet à Nuars (58) entre 1510 et 1530. Par la suite, il est exclusivement utilisé dans les fortifications de catégorie 1 du XVIe siècle comme dans la Tour NotreDame de Besançon entre 1540 et 1560, et dans la tour Basse des Moulin à Auxonne entre 1550 et 1610 (Fig. 71). En dehors de notre corpus, ce type d’embrasure se retrouve dans le boulevard NotreDame de Bayonne en 1525 (Faucherre, Pressouyre 1993), au château du Morimont, aménagé avant 1535 (Salch 1979) ; au château de Monopoli (Pouilles), rénové par Charles Quint en 1552 ou au château de Brézé (49) en 1614 (Faucherre, François, 2016).
Attributs typologiques et variations
Fig. 71 : Exemple d’évasements jumeaux (Tour Basse des Moulins, château d’Auxonne), intérieur en haut, extérieur en bas (cl. V. Viscusi).
2.1.4 Plans complexes
Dans le cas de plans permettant d’offrir plus de deux directions de tir, nous préférons parler de « plan complexe ». L’ébrasement complexe n’est attesté qu’une seule fois dans notre corpus, dans le château de Villaines-en-Duesmois (21) entre 1460 et 1480. Les embrasures de ce château présentent 5 bouches de tir orientées sur trois niveaux et selon trois axes différents et sont, nous le verrons, d’un type relativement rare (p.214 à 216)(fig. 72). De leur côté, les plans à évasements complexes ne sont attestés, pour notre corpus, qu’en Franche-Comté. Ces ouvertures se présentent sous la forme de canonnières à au moins trois bouches de tir situées dans le même évasement. On retrouve des exemplaires de ce type, qui n’ont pas conservés leurs parties internes, dans la maison forte de Jouhe (39), non datée, et dans la porte de Charmont à Besançon (25) entre 1550 et 1600 (fig. 73). Cette dernière ouverture, qui présente quatre bouches de tir, semble spécifiquement pensée pour compenser les angles morts du sas de la porterie, contrairement à l’exemplaire de Jouhe, dont l’utilité réelle semble plus hypothétique (vol.2, p.134). En dehors de notre corpus, on retrouve couramment ce type d’embrasures de 87 I-Prolégomène à la typochronologie des ouvertures de tir
Fig. 72 : Exemple d’ébrasement multiple (Château de Villaines-en-Duesmois (21) Fig. 73 : Exemple d’évasement complexe (Porte de Charmont, Besançon, 25) 88 tir au XVIe siècle, dans les terres sous l’influence du Saint-Empire, comme dans l’enceinte urbaine d’Ammershwhir (68) (base POP), l’Eglise de Nouvions-sur Meuse (08) (base POP), ou l’enceinte de Wasselonne (67) (base POP). Il semble que ce modèle soit, ou puisse être, inspiré par les forteresses royales du début du XVIe siècle. D’abord sous l’influence de Louis XII, comme dans la Grosse Tour de Toulon (83), édifiée vers 1514, dans laquelle ce type d’embrasure est construit avec une bouche de tir principale, avec sa niche propre, flanquée de deux créneaux latéraux débouchant tous trois sur une façade en demi-lune. Un modèle très similaire peut être aperçu dans la tour des Rondes du château de Blaye (33), édifié vers 1520 (Faucherre 2019). Dans les fortifications érigées sous François Ier, ce type d’ouverture semble devenir très courant, notamment dans les contremines ventilées des bastions, où il est percé en nombre. Dans ce cas, les trois embrasures sont situées dans la même niche de tir comme dans le bastion de la citadelle à Doullens (80), érigé en 1536. Dans d’autres cas, comme dans l’enceinte d’Ardes (62), édifiée entre 1535 et 1540 ou l’enceinte d’Amiens (80), construite entre 1520 et 1536, les trois embrasures sont placées au nu du mur et le couloir de circulation de la contremine est volontairement élargi pour permettre le maniement de fûts relativement longs (jusqu’à 2m pour Amiens) (Crouy-Chanel 2014, p.132). Les embrasures, de grands calibres (50x49 cm à Amiens) débouchent le plus souvent sur un évasement quadrangulaire en façade. Attributs typologiques et variations -2.2.1.5 Le double ébrasement et ses prédécesseurs
Les plans précédents présentent, pour la majorité d’entre eux, un problème théorique majeur : ils fragilisent la maçonnerie en ouvrant de larges espaces dans son épaisseur (fig. 74). Les possibilités de ces plans sont donc restreintes car ils empêchent, au moins en théorie, l’ouverture d’embrasures de tir larges ou la création de murs assez épais pour limiter la brèche. Un évasement/ébrasement trop large fragilise en effet la maçonnerie et la rend plus propice à l’égueulement. Dès les premières décennies du XVe siècle, plusieurs solutions seront expérimentées, de façon concomitante, pour remédier à ce problème.
-2.2.1
.5.1 Les
premières
tentatives Dans le cadre de notre corpus, de premières expérimentations sont menées, entre 1410 et 1430, dans l’enceinte urbaine de Nevers (58). Les ouvertures de tir de cette enceinte se présentent sous la forme d’embrasures de « type Suscinio » évasées sur le parement externe. En plan, elles proposent de larges chambres de tir qui, contrairement au double ébrasement, ont leur partie la plus large au milieu ou au premier tiers de la maçonnerie et se resserrent au niveau des deux parements. Le plan de la chambre de tir, présentant donc une forme de deux évasements opposés par leur partie la plus large, permet en définitive d’ouvrir de larges espaces dans la maçonnerie sans la fragiliser (200 à 225 cm de large) et d’enfoncer l’orifice de tir dans l’épaisseur du mur. Ce plan, dit « en double évasement », se retrouve, entre 1480 et 1530, dans la tour du Moulin de Marcigny (71) et, dans une forme moins aboutie, dans la tour de la Pelote de l’enceinte de Besançon (25) entre et 1475. Il ne semble toutefois pas connaitre plus de succès dans la région. Une variante de ce type de plan est identifiable dans la porte Neuve de Vezelay (89) où l’on expérimente, entre 1420 et 1440 une chambre de tir à double évasement aux angles beaucoup plus marqués que dans les cas de Nevers ou MarciFig. 74 : Synthèse des plans précédents 89 I-Prolégomène à la typochronologie des ouvertures de tir gny. Dans cette enceinte, ce type de plan est également expérimenté sur des ouvertures de « type Suscinio » légèrement évasées. Des ouvertures identiques aux angles encore plus accentués sont expérimentées dans le château de Posanges (21) entre 1440 et 1490. Une autre variante, également proposée sur des ouvertures de type « Suscinio » légèrement évasées, peut être identifiée au château de LaMotte-Ternant (21) entre 1440 et 1490. Dans ce cas, la partie interne du double évasement présente des parois rectilignes qui ne sont pas évasées. Ce plan dit « en pointe de flèche » ne trouve pas de comparatif strict mais rappelle grandement celui des premières arbalétrières-canonnières à double ébrasement érigées dans les années 1470/1480 notamment celles du château d’Auxonne (21). L’avantage du plan en « double évasement », dont le plan en pointe de flèche, n’est en définitive qu’une variante, est qu’il permet la création d’embrasures larges dans des maçonneries épaisses. La place dévolue au servant est de grandes dimensions et les angles situés au centre de la maçonnerie permettent l’aménagement de dispositifs d’arrêt/de supports massifs et bien ancrés. L’inconvénient principal de ce type de plan est qu’il limite largement, par ces angles opposés, l’ange de tir dans le cas d’un fût très allongé. C’est probablement ce facteur, et la diffusion du double ébrasement dans les chan royaux qui limitera la diffusion du double évasement en France (fig. 75). Fig. 75 : Expérimentations primitives du double ébrasement
90 -2.2.1.5.2 La normalisation sous Louis XI et Charles VII
La totalité des expérimentations précédemment évoquées est en effet abandonnée dès les années 1480 avec la diffusion du double ébrasement dans les fortifications royales. Cette diffusion a déjà été traitée dans le détail par les travaux de thèse de Nicolas Faucherre, nous n’y reviendrons donc pas dans le détail (Faucherre, Pressouyre 1993). Les formes les plus anciennes de double ébrasement sont recensées par l’auteur dans les chantiers bourguignons et roussillonnais du règne de Louis XI, soit à partir de l’extrême fin des années 1470 dans des ouvertures décrites comme des « arbalétrières-canonnières à double ébrasement ». Pour N. Faucherre, le double ébrasement, en plus de renforcer la structure de la maçonnerie, « présente plusieurs avantages ; d’une part, compte tenu de la longueur du tube à faire pivoter dans un espace exigu, le double ébrasement de l’ouverture permettait d’engager le tube des deux tiers, rapprochant l’œil et la main du servant pour la visée ; tout autant, il ouvrait considérablement l’angle horizontal vu et battu depuis l’intérieur de l’ouverture, offrant un champs de tir bien supérieur aux simples fentes traditionnelles (Faucherre 2019, p.56) ». On trouve ce type de double ébrasement primitif aux châteaux royaux de Beaune (21), Auxonne (21) et Dijon (21) en 1478/1479 mais aussi au château de Joux (25), sur une tour édifiée par Phillipe de Horchberg en 1486 ou au château de Châteauneuf (21), renforcé par Philippe Pot entre 1477 et 1500. Attributs typologiques et variations
Lors de la décennie suivante, l’arbalétrièrecanonnière à double ébrasement prend, dans les chantiers de Charles VIII et Louis XII, une élévation plus aplatie à l’horizontale et un évasement plus large. Le centre du double ébrasement, formé de deux ébrasements simples réunis à leur sommet, recule progressivement dans l’épaisseur de la maçonnerie : l’ouverture à la française est née. Elle est attestée à Beaune entre 1490 et 1500, à Dijon entre 1490 et 1510 ou à Vezelay entre 1510 et 1520 (fig. 76). En dehors de notre corpus, ce type d’ouvertures est attesté dans les territoires influencés par le domaine breton (Mont-SaintMichel, Dol de Bretagne, Fougères), dès les années 1480, ce qui traduit probablement une influence de ces régions sur le modèle français. Par la suite, le double ébrasement se diffuse largement. Le plan de l’espace de tir (triangulaire ou quadrangulaire) continue à être diversifié jusqu’au XVIIe siècle mais le plan rectangulaire semble s’imposer progressivement dans les sites de catégorie 1 dès les années 1500. De leur côté, les plans en double ébrasement à espace de tir triangulaire semblent davantage dévolus aux sites les plus modestes comme au château de Faulin (89) ou de Thory (89) à partir de 1580. Si le centre du double ébrasement prend la place du milieu de la maçonnerie dès les années 1490, il semble relégué au tiers extérieur de cette épaisseur dans les années 1560 au plus tard. Cette position de la bouche de tir dans la maçonnerie est théorisée par Antoine Deville en 1628 (cf. p. 46 à 56). Fig. 76 : Relevé des canonnières à double ébrasement du château de Dijon (Grémeaux 1936) -2.2.1.5.3 Entre théorie de l’ingénieur et pratique du maçon
En définitive, les expérimentations antérieures au double ébrasement ne doivent pas être passées sous silence et, si le double évasement est une de ces expérimentations, il est probable que d’autres aient fleuri simultanément dans le courant du XVe siècle. Il n’y a aucun doute que les modèles théorisés par les fortifications royales sont en effet issus d’expérimentations plus anciennes et on pourra citer les cas de Namur, daté en 1459 (Bragard 2017), du Haut-Koenigsbourg en 1480, du château de Quefurt entre 1460 et 1480 (Piper 2014) ou de certains châteaux bretons entre 1458 et 1487 (Martineau 2011), qui sont équipés de doubles ébrasements en même temps que les forteresses françaises, voire plus anciennement. Ces diverses expérimentations, qui ont fait leurs preuves, ont probablement été affinés par la suite sous le giron des ingénieurs royaux par la forme du double ébrasement. A partir de 1480/1490, le domaine royal tend à largement diffuser cette forme comme une solution idéale pour ouvrir de larges ouvertures de tir permettant de battre de larges zones tout en mettant le tireur en sécurité. Les formes les plus anciennes, expérimentations passagères, seront moins diffusées et donc vouées à disparaître sur le temps long. Face à cette diffusion massive du double ébrasement, en particulier dans les sites de catégorie 1, la théorie voudrait que ce plan devienne majoritaire dans toutes les fortifications à partir de 1480 et que seules celles qui l’emploient s’autorisent à ouvrir de larges évasements dans leurs maçonneries. Dans la pratique, cela est en partie vrai. On citera l’exemple des canonnières de la tour Charles Quint de Champlitte (70) qui ouvrent, entre 1500 et 1550, des évasements larges de 195 cm et profonds de 320 cm. Ces embrasures, en évasements simples, ont effectivement finies par s’affaisser et ont nécessité leur rebouchage au XVIIe siècle pour ne pas que la totalité de la tour ne s’effondre (voir vol.2, p 155-177). D’un autre côté, on pourra citer la tour Notre Dame d’Auxonne (21), remanié au XVIIe siècle, qui ouvre un évasement large
Fig. 77 : Réparition et dimensions des doubles ébrasement en Bourgogne et en Franche-Comté de 134 cm et profond de 490 cm sans problème structurel apparent (vol.2,p 18-69).
Cet exemple, et beaucoup d’autres, tendent à prouver que, lorsque les principes constructifs sont bien compris, la construction de grandes canonnières sans le recours au double ébrasement ne semble pas impossible. Ce constat se retrouve sur le terrain car, si le double ébrasement fini effectivement par s’imposer dans la Bourgogne française, où il constitue près de 60 % des types d’évasement, c’est en revanche le simple évasement qui est majoritaire en Franche-Comté, avec 54 % des occurrences contre seulement 38 % de doubles ébrasements (fig. 77). En théorie, les dimensions des évasements en façade devraient être inférieures en Franche-Comté car le double ébrasement y est significativement moins utilisé et que ce dernier permet d’ouvrir de plus grands évasements. Dans les faits, c’est pourtant l’inverse que l’on observe. Si les dimensions moyennes des évasements en façade sont bien supérieures en Bourgogne lors de l’apparition du double ébrasement entre 1470 et 1510, un point de bascule net s’effectue entre 1520 et 1530, période après laquelle les évasements comtois présentent des dimensions plus importantes. Ce résultat peut s’expliquer par plusieurs facteurs qui, tous resteront à l’état d’hypothèses. 92 En premier lieu, la volonté d’ouvrir de larges évasements, par imitation avec les chantiers royaux, mais sans en comprendre les principes constructifs, est une option que l’on peut raisonnablement imaginer à Champlitte. Ce cas est sans doute isolé car, en définitive, peu de canonnières en simple évasement nous sont parvenues effondrées. D’un autre côté, il semble que la Franche-Comté n’ait eu accès que tardivement, pour des raisons sur lesquelles nous reviendrons, au double ébrasement. Cette zone a donc eu l’occasion d’expérimenter d’autres solutions pour remédier aux problèmes liés au simple évasement. L’évasement double et l’évasement complexe sont des premières pistes car ils ouvrent plusieurs évasements moins larges au lieu d’un seul de plus grandes dimensions. Il faut également observer le développement du claveau, de l’évasement oblong et de formes monolithiques, particulièrement dynamique dans la région, et qui sont autant de manière de fortifier l’évasement sans en modifier le plan. Une dernière possibilité serait celle d’une conservation différentielle des grandes places fortes comtoises (Gray, Saint-Anne, Dole, Vesoul...), qui ont souffert de davantage de destructions lors de la conquête française et sont, en moyenne, moins conservées qu’en Bourgogne. Les fortifications plus modestes, m conservées, pourraient avoir davantage recours à des ouvertures de tailles démesurées. En l’état, l’usage du simple évase- Attributs typologiques et variations ment dans des places comme Besançon (25) tend à mettre de côté cette dernière hypothèse. Quoiqu’il en soit, il faut noter, en Bourgogne comme en Franche-Comté, une tendance nette à la prédominance du simple évasement et du simple ébrasement sur le double ébrasement dans la majorité des fortifications de catégorie 2 et 3 à partir des années 1530. Ce phénomène s’explique probablement par l’épaisseur réduite des murs de ces sites, et par le rôle plus ponctuel de leur défense, qui ne nécessite pas forcement l’usage du double ébrasement, contrairement aux sites des catégorie 1, pour lesquels le double ébrasement se développe de manière quasi-systématique en Bourgogne comme en Franche Comté à partir des premières décennies du XVIe siècle.
Vue ext. B A A’ B’ Coupe Plan B C C’ C 18° 84° A A’ C’ B’ Vue int. B 0 25 50 75 100 cm Château de Villaines-en-Duesmois (21) Tour des enfants (R+2) A A’ Echelle d’origine : 1/20e Ouverture de tir n° VED13 Relevé/DAO : M.Messner 2018
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2.2.2 Chambres/Niches de tir
Nous considérerons ici que la niche de tir correspond à un plan triangulaire qui se rétrécit jusqu’à la bouche de tir. Ce plan serait le plus souvent dérivé de celui l’archère. La chambre de tir, d’un plan se rapprochant du parallélogramme, a quant à elle une largeur supérieure au nu du mur et offre un espace de part et d’autre de l’orifice de tir. Ce type de plan, qui dériverait de celui de l’arbalétrière, permet un meilleur maniement des fûts. Enfin, nous utiliserons le mot « casemate » et «espace de tir» pour désigner ces deux types d’espace. -2.2.2.1 Présence et absence de l’espace de tir
La simple présence d’un espace de tir, si elle est attestée dès la fin du XIVe siècle, n’est pas systématique. Dans le cas d’embrasures en simple évasement, la chambre de tir est, par définition, absente. C’est également le cas des créneaux d’artillerie, percés dans les parapets, qui possèdent des espaces de tir non couverts. Ce type d’ouverture est identifié, pour notre corpus, dès 1410 à Villaines-en-Duesmois (21). Il est également repéré par N. Faucherre à Beaune en 1465 et identifiable sur les photographies du château de Dijon dans les structures édifiées entre 1480 et 1510 (Tour Fig. 78 : Crénaux d’artillerie du XVe siècle (en haut, Château de Villaines-en-Duesmois, 21) et du XVIIe siècle (en bas, Château d’Auxonne, 21; relevé V. Viscusi) Saint-Guillaume, tour Notre-Dame, Boulevard Louis-XII...). Malheureusement, ce type d’ouvertures est très rarement conservé et semble peu évoluer au cours du temps puisqu’on retrouve des exemplaires très proches de ceux de Villaines-en-Duesmois dans le château d’Auxonne ou dans la citadelle de Besançon, tous deux édifiés à la fin du XVIIe siècle. En l’état actuel de nos connaissances, il est donc difficile de différencier un créneau ancien d’un créneau tardif (fig. 78). 93 I-Prolégomène à la typochronologie des ouvertures de tir qui explique l’absence de chambre de tir. Le cas de murs fins, et donc de l’absence d’espace de tir, devient beaucoup plus courant dans les sites de catégories 2 et 3 à partir des années 1530 puis particulièrement à la fin du siècle, où ce cas est majoritaire pour ces catégories. À , cette particularité semble accompagner la diffusion d’ouvertures de tir de petite taille aménagées dans des édifices qui possèdent des murs fins (fig. 79). -2.2.2.2 Degré d’ouverture et dimensions
Fig. 79 : Exemple d’embrasure en simple ébrasement sans espace de tir (Eglise de Sermizelles, 89)
Lorsque la maçonnerie est fine, il peut également arriver que les ouvertures en simple ébrasement soient dépourvues d’espace de tir. Ces embrasures sont alors placées sur une allège. Ce cas se présente très occasionnellement dans la première moitié du XVe siècle comme dans la tour SaintJean de Vézelay (89) entre 1435 et 1445 ou à Berzé-le-Châtel vers 1430. Dans ces exemples, les ouvertures de tir concernées sont placées dans des espaces contraints (escalier, parapet, latrine...) ce 94 La largeur maximale des chambres et niches de tir des fortifications de catégorie 1, qui utilisent, dès leurs origines, un armement lourd, tend à rester très stable au cours du temps et n’augmente significativement, dans les grandes places fortes (Dole, Besançon...), qu’à partir de la seconde moitié du XVIe siècle. Pour les sites de catégorie 2, la largeur des espaces de tir tend à une augmentation timide jusqu’en 1530/1550. Au-delà de cette décennie et, surtout, pendant les guerres de Religion, la largeur des chambres tend se réduie, concomitamment à la diffusion majoritaire d’ébrasements et d’évasements simples. Les fortifications de catégorie 3, qui utilisent majoritaire- Attributs typologiques et variations
Fig. 80 : Evolution de la moyenne des dimensions des espaces de tir par décénnies et catégories de sites
95 I-Prolégomène à la typochronologie des ouvertures de tir ment un armement portatif, gardent une largeur de chambre relativement constante au cours du temps. Concernant la longueur de l’espace de tir, pour les sites de catégories 1 et 2, les chambres de tir sont de plus en plus profondes jusqu’aux guerres de religion puis se réduisent progressivement. Ce phénomène peut s’expliquer par l’utilisation de plus en plus courante d’armes portatives ou semi-portatives, qui nécessitent moins d’espace pour leurs maniements. Ce constat est toutefois relativement curieux pour les sites de catégorie 1 et la sous-représentativité des fortifications d’état dans le corpus est une piste sérieuse pour expliquer ce phénomène. Dans les sites de catégorie 3, la tendance est, de façon surprenante, à l’augmentation de la profondeur de l’espace de tir à partir de la seconde moitié du XVIe siècle. Cette donnée s’explique probablement par le percement, dans ces périodes, d’ouvertures de tir dans des baies préexistantes, notamment des fenêtres d’églises qui sont très profondes. Enfin, Nicolas Faucherre proposait dans sa thèse de voir une accentuation de l’ébrasement des espaces de tir à partir du premier quart du XVe siècle. Ce phénomène est sans doute attesté dans les nombreuses fortifications royales que l’auteur a pu étudier. Au regard de nos données, qui concernent des catégories de sites plus variées, il apparaît que le degré d’ouverture des chambres de tir est en une donnée stable qui évolue peu dans la seconde moitié du siècle. Là encore, la sousreprésentativité des fortifications royales dans le corpus explique sans doute les données (fig. 80). -2.2.2.3 Angle de tir effectif et angle de visée théorique
Dans la mesure où les dimensions des chambres de tir évoluent peu, il n’est pas étonnant que la mesure de l’angle de visée reste, en moyenne, relativement constante dans toutes les catégories et oscille le plus souvent entre 50° et 60°. Cette mesure correspond toutefois seulement à l’angle 96 de visée théorique, c’est-à-dire l’angle maximum que l’œil du tireur est capable de battre dans un ébrasement de la chambre donnée. Cette mesure ne correspond pas à l’angle de tir réel qui tient compte, quant à lui, du diamètre du tube et de la topographie du terrain battu. Comme nous l’avions démontré lors de nos expérimentations sur le site de Chenecey-Buillon (25) en 2015, plus le diamètre de l’arme et la longueur du tube sont importants, plus l’angle de tir réel est en effet réduit (voir p. 276 à 289). Ces expérimentations ont permis de montrer que, pour une distance et un angle de visée identique, un changement de fût peut en effet réduire l’angle de tir par 21 (fig. 81). L’angle de visée et l’angle de tir sont donc deux mesures très distinctes et il convient d’en avoir conscience dans l’analyse des plans de feu. Dans la mesure où la tendance générale semble être à la réduction du calibre des tubes, comme le laissent supposer le diamètre de bouches de tir, un angle de visée constant n’indique donc pas forcement que l’angle de tir n’augmente pas. Le cas de la tour de la Pelote à Besançon, pour laquelle les canonnières utilisent un armement semi-portatif au XVe siècle puis un armement portatif au XVIIe siècle, illustre bien ce phénomène par une évolution significative du plan de feu par le seul changement d’armement et un remaniement léger des bouches de tir pour les adapter au nouvel armement (fig. 82). Dans le cas de notre corpus, on note en moyenne une légère augmentation de l’angle de tir à partir des années 1500 et, surtout, pendant les guerres de Religion. Cette tendance, très timide, doit donc prendre en compte la réduction des calibres, qui accentue le phénomène dans son ensemble (fig. 83). Attributs typologiques et variations
Fig. 81 : Evolution de l’angle de visée en fonction du rapport entre calibre de l’arme et calibre de l’ouverture de tir (rapport C/C) 97
I-Prolégomène à la typochronologie des ouvertures de tir Angle de visée théorique maximum Proposition de reconstitution des angles de tir XVe siècle 262,00 262,00 262,00 Coupe 264,00 264,00 264,00 260,00 260,00 260,00 258,00 258,00 258,00 256,00 256,00 57° Esp. 4 256,00 Esp. 4 55° 254,00 254,00 252,00 252,00 Esp. 3 49° 244,00 26° Esp. 1 26° Esp. 1 242,00 242,00 8° 240,00 240,00 240,00 39° 246,00 16° 244,00 44° Esp. 1 12° Esp. 2 22° 246,00 244,00 55° Esp. 3 250,00 248,00 Esp. 2 46° 246,00 242,00 Esp. 4 254,00 20° 16° 248,00 Esp. 2 252,00 Esp. 3 250,00 250,00 248,00 Proposition de reconstitution des angles de tir XVIIe siècle 0 2m 6m RDC 0 0 2m 2m 6m 6m 62° 58° 47° 39° 40° 35° Esp. 1 Esp. 1 0 3m Esp. 1 9m 0 3m 9m R+1 0 3m 9m 54° 62° 50° 58° 62° 54° 34° 37° 39° 3m 9m 3m 9m 9m R+2 3m 74° 39° 52° 47° 49° 24° 45° 51° Angles de tir cumulés 0 0 3m 3m 9m 9m
Fig. 82 : Evolution de l’angle de visée de la tour de la Pelote 98 0 3m 0 3m 9m 9m 26° 0 3m 0 3m 9m 9m Att
ributs typologiques et variations
Fig. 84 : Exemples de plans de feu relevés dans le corpus 99 I-Prolégomène à la typochronologie des ouvertures de tir Fig. 83 : Evolution de la moyenne des angles de visée par décénnie et catégories de sites
Ces tendances prennent en compte la moyenne des angles de visée par décennie. Le problème du calcul de la moyenne est que méthode lisse les spécificités de chaque ouverture et de chaque plan de feu. Dans les faits, on note, dans la majorité des sites, une grande diversité des usages des différentes ouvertures de tir. Certaines d’entre elles, permettent les tirs de flanquement, parallèles au sens de la fortification. Ce type de tir est le plus représenté (48 %), mais aussi le plus étendu en moyenne (60°). Les ouvertures offrant ce type de tir présentent des orifices d’un diamètre compris entre 8 et 60 cm, c’est-à-dire qu’elles sont utilisées aussi bien pour le tir d’armes légères que pour celui de pièces plus lourdes. Les expérimentations de Chenecey-Buillon, si elles ont leurs limites, ont permis de supposer que ces deux types d’armement peuvent être utilisés conjointement dans une même ouverture de grand calibre et que, si l’angle de tir d’une ouver- 100 ture usant d’un grand calibre est limité, les canonnières qui permettent ce type de tir peuvent être orientées de manière à battre précisément le pied des courtines ou des bastions sans avoir à orienter la pièce (p.276 à 289). Les tirs frontaux, perpendiculaires au sens de la fortification, sont également très représentés (40 %), mais sont en moyenne moins étendus (52°). Ils sont associés à des bouches de tir de 8 à 50 cm de diamètre, ce qui suggère qu’ils utilisent le même armement que les ouvertures de flanquement. On peut toutefois observer une grande majorité de calibres inférieurs à 10 cm à partir des années 1510 ce qui suggère une relative spécialisation dans le tir antipersonnel à cette période et l’utilisation préférentielle du tir d’enfilade (rasant) par de plus gros calibres dans les décennies précédentes. Les tirs d’écharpe, orientés à 45° par rapport à la ligne de fortification, sont significativement moins courants (9 %) et moins larges (30°). Les ouvertures permettant ce type de tir présentent des bouches d’un diamètre compris entre 12 et 20 cm ce qui suppose l’utilisation préférentielle d’un armement semi-portatif. Le tir d’écharpe semble très majoritairement utilisé pour combler un angle mort ponctuel de la dé- Attributs typologiques et variations fense ou pour flanquer un ouvrage avancé. Malheureusement, l’état de conservation des vestiges étudiés occulte très largement les ouvertures offrant un tir fichant, placées en parapet, qui ne constituent que 3 % du corpus étudié. Pourtant, la majorité de l’iconographie disponible rend compte de l’importance de cette position dans la défense, principalement occupée par les pièces les plus lourdes ou semi-portatives pour l’action du tir lointain ou antipersonnel depuis le parapet ou la plateforme d’artillerie. La faible conservation de ce type d’ouvertures dans la majorité des vestiges observés engage à la prudence dans la restitution du plan de feu des places, car il ne fait aucun doute qu’elles y occupent une place importante (fig. 84). En définitive, la majorité des plans de feu étudiés sont souvent cohérents et leurs angles morts s’expliquent le plus souvent par une spécificité du terrain (Chenecey-Buillon), un élément non conservé (Montby) ou parce que la défense de la place n’est pensée que ponctuellement, pour fortifier une zone spécifique sans considération ou existence d’autres organes de flanquement (Tonnerre). Dans une majorité des cas, les angles morts ne sont pas dus à des angles de visées trop restreints (fig. 85).
Fig. 84 : Différents types de tir 101 I-Prolégomène à la typochronologie des ouvertures de tir
Il est de plus possible que la grande majorité des organes de défense active soient complémentaires les uns des autres dans les zones qu’ils permettent de battre, ce qui ne nécessite pas l’ouverture d’angles de tir très larges et explique que les angles de visée supérieurs à 60° soient rares. Les plans de feu complètement aberrants sont rares et presque tous sont cohérents avec l’armement disponible et la vocation défensive de la place. Les places les plus modestes (catégorie 2 et 3) ont en effet tendance à multiplier les petites ouvertures aux larges angles de visées afin de pouvoir intervenir ponctuellement par l’usage d’armes portatives, quand bien même le nombre de servants est inférieur à celui des ouvertures de tir. Le plan de feu, s’il n’est pas pensé dans son ensemble, reste cohérent par la multiplication des organes de tir, même si toutes les ouvertures ne peuvent être utilisées en même temps et que les flanquements ne sont pas optimisés. Les places les plus importantes (catégorie 1 voire 2) présentent, dans un premier temps, de nombreuses canonnières aux larges angles de visée, mais dont le plan de feu est cohérent à grande échelle, car chaque élément de flanquement doit, en théorie, pouvoir flanquer ceux qui lui sont adjacents. Ce type de flanquement est souvent associé à des organes de tir circulaires (tours à canon). À partir du XVIe siècle et principalement, dans les années 1530/1540, les places de catégorie 1 présentent en moyenne moins d’ouvertures de tir qui sont en revanche placées de manière plus cohérente. Préférant ouvrir moins de canonnières, mais dans des angles de tir plus précis, ces places semblent privilégier l’économie et l’effiicacité à la multiplication inutile des organes de tir. Il est en intéressant de constater que, dans toute embrasure correctement conçue, le pivot de l’angle de visée, c’est-à-dire le centre de l’angle interne et de l’angle externe, est toujours placé au centre de la bouche de tir, là où il permet l’angle de tir le plus large (fig. 87). Les embrasures moins bien conçues, extrêmement rares, ont ce point 102 trop loin dans l’évasement ou trop proche dans l’embrasement. Ce défaut de conception s’il ne réduit pas forcement l’angle de visée théorique, réduit considérablement l’angle de tir réel, car le fût de l’arme ne peut pas pivoter à son maximum. Les embrasures les mieux conçues tirent, de plus, le meilleur parti du rapport entre la largeur de l’évasement et la forme de la chambre de tir. Dans les sites de catégorie 3 voire de la catégorie 2, ce principe n’est pas toujours compris, et il n’est pas rare d’observer des conceptions de l’ébrasement ou de l’évasement qui réduisent l’angle de visée par une mauvaise conception de leur plan. Dans ce cas, le pivot de l’angle de visée est toujours décalé du centre de la bouche de tir vers la gauche ou vers la droite. Fig. 87 : Emplacement du pivot de l’angle de visée -2.2.2.4
Couvrements
Les espaces de tir sont, pour la grande majorité d’entre eux, clos dans leur partie supérieure. En Bourgogne, le couvrement sous voûte est le premier à apparaître dans notre corpus. Il est recensé pour la première fois dans la porte du Croux de Nevers (58) entre 1380 et 1400 (fig. 88). Si Attributs typologiques et variations les exemplaires les plus précoces présentent une voûte en plein cintre, les arcs surbaissés ou segmentaires sont attestés en Bourgogne, à partir de 1450 comme aux châteaux de Posanges (21) ou d’Auxonne (21) (fig. 89). En Franche-Comté, il faut attendre les années 1470/1480 pour voir apparaître le couvrement plein cintre, comme dans la tour de la Pelote à Besançon (25), et les années 1550 pour la première voûte surbaissée comme dans la tour des Annonciades de Champlitte (70). Ces deux types de couvrements peuvent occasionnellement présenter des trous de coffrage, comme au château de Châteauneuf, mais ces éléments ne sont pas datant.
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Les deux méthodes sont équivalentes d'un point de vue fonctionnel. Pour faire la simulation avec injection de fautes, on doit disposer d'un ensemble de vecteurs d'entrée. Ces vecteurs d'entrée seront déterminés par le concepteur (par exemple, des vecteurs d'entrée provenant d'un fichier « stimuli »). En absence de tels vecteurs, on peut utiliser l'ensemble complet des vecteurs du circuit. Mais dans ce cas, la simulation devient trop longue. Alors, on peut faire appel à une séquence de vecteurs de test aléatoire, assez longue mais suffisante la plupart du temps. Les vecteurs de test sont générés pseudoaléatoirement en utilisant des circuits de type LFSR (Linear Feedback Shift Register). La dimension des LFSRs doit être en accord avec la largeur des bus d'entrée du circuit. Par exemple, pour un multiplicateur de type Wallace à deux entrées sur 16 bits nous avons utilisé un circuit LFSR de dimension 32 qui aura une période de 232-1 cycles d'horloge. L'ensemble de vecteurs de test avec les points d'injection, les durées des impulsions et les instants d'injections déterminent l'espace de la simulation. Si on utilise 1000 vecteurs d'entrée à 200 points d'injection par vecteur et 5 instants d'injection par point d'injection, on aura un million de fautes différents à simuler. En pratique, on simulera plusieurs millions de fautes pour une meilleure confiance dans les résultats. Chapitre II
L'interprétation des résultats de l'injection des fautes est le pas suivant. Il consiste à décider si les valeurs présentes dans les registres de sortie sont correctes ou pas. Cette décision se fait par comparaison logique entre les valeurs de sortie du circuit sous test avec les valeurs correctes de référence. En fait, pour chaque vecteur d'entrée, on réalise plusieurs cycles de simulation avec injection de fautes. Le premier cycle de simulation est sans injection de fautes et les valeurs des sorties sont considérées comme valeurs correctes de référence pour les cycles de simulation suivants. L'évaluation des résultats d'une faute se fait en comparant les valeurs réelles des sorties avec les valeurs de référence. Si des circuits supplémentaires de détection de fautes sont prévus, comme des circuits de calcul de parité ou des contrôleurs DRC, on vérifie également si la détection a eu lieu afin d'évaluer l'efficacité du mécanisme de détection. On récupère les résultats d'évaluation grâce à un calcul probabiliste d'occurrence d'erreurs et de détection d'erreurs. Une fois que tous les fautes ont été simulés pour le vecteur de test courant, on passe à un autre vecteur de test. L'implémentation effective de l'algorithme a été faite à l'aide d'un simulateur eventdriven, (l'outil de simulation commercial est VerilogXL) sur lequel on a greffé l'algorithme proposé. Algorithme de simulation avec injection de défauts dans le cas d'un circuit combinatoire pour chaque vecteur de test évaluer les événements du circuit sans faute retenir les valeurs des sorties comme référence pour chaque faute injection de la faute (en utilisant un modèle logique- temporel) évaluer les événements provoqués par la faute récupérer les
s sorties comparer les valeurs des sorties avec les valeurs de référence traitement de résultats (calcul des probabilités) rétablir le circuit avant injection (si nécessaire) end 'pour chaque'faute end
'
pour chaque'vecteur de test
L'environnement de test est implementé par une description Verilog. Pour aider le concepteur, l'environnement de test peut être généré automatiquement, selon les caractéristiques du circuit sous test (nombre de bits aux entrées/sorties et méthode de -73- Chapitre II détection/tolérance aux fautes : un ou plusieurs bits de parité, contrôleur double-rail, etc.). Après chaque cycle de simulation, on dispose des valeurs des sorties du circuit et on peut commencer à analyser et à interpréter les résultats. 1. Fonctionnement normal : les sorties du circuit sont correctes et la sortie d'erreur n'indique pas d'erreur. La probabilité que le circuit fonctionne correctement est notée par pcorrect. 2. Fonctionnement incorrect avec détection d'erreurs : les sorties sont incorrectes à cause d'une erreur qui est détectée (signalée par la sortie d'erreur). Ainsi, la dernière opération sera répétée. La probabilité qui correspond à ce fonctionnement sera pdétection. 3. Fonctionnement incorrect sans détection d'erreurs : les sorties sont incorrectes et le mécanisme de détection ne détecte pas la faute. Cette situation est mauvaise, car les résultats sont erronés et seront transmis aux étages suivants, compromettant le bon fonctionnement du système. La probabilité associée est pnondétection. 4. Fonctionnement correct avec indication d'erreur : les circuits qui assurent la détection d'erreur ont probablement été affectés par la faute. Ceci n'est pas considéré comme une situation grave, mais le circuit répète quand même la dernière opération sans qu'il en soit besoin. (Souvent, ces méthodes de détection sont accompagnées d'un mécanisme de reprise consistant à répéter la dernière opération ou le dernier cycle d'opérations). La probabilité associée est pfaux. Chapitre II
L'efficacité de détection du circuit est le rapport entre les erreurs détectées aux sorties du circuit et le nombre total d'erreurs apparues aux sorties du circuit. Ainsi, l'efficacité est donnée par le rapport: eff = p detection ⋅ 100(%) p nondetection + p detection
2.5. Les avantages de la solution proposée
Dans ce chapitre nous avons défini un modèle temporel pour les fautes transitoires, qui ne compromettent pas la qualité des simulations. L'intérêt de ce modèle est une réduction importante du temps de la simulation par comparaison aux simulations de type SPICE nécessaires quand on utilise des impulsions décrites par une double exponentielle. Le modèle temporel a été ensuite utilisé pour développer un outil de simulation. L'avantage de cet outil est une diminution significative du temps de simulation. Par exemple, pendant la validation de la méthode on a caractérisé l'efficacité d'une méthode de détection de fautes transitoires pour un circuit complexe (un multiplicateur de Wallace sur 16 bits) par l'utilisation de 100 points d'injections à 35 décalages chacun et 250 vecteurs de test, ce qui fait 875000 étapes de simulations pour 6 heures de calcul. Auparavant, une caractérisation équivalente nécessitait plus d'une semaine de simulation et quelques heures de travail pour réaliser les calculs statistiques. La qualité des simulations n'est pas compromise malgré la vitesse. Les résultats obtenus concordent avec les résultats classiques. Grâce à un environnement intégré de conception, la plupart des opérations nécessaires sont automatisées, réduisant ainsi la durée de l'intervention du concepteur. Quant aux ressources nécessaires, notre méthode de simulation est comparable à la simulation différentielle des fautes et beaucoup moins exigeante que la simulation concurrentielle. Les besoins en mémoires pour la simulation de centaines de fautes sont semblables aux besoins en mémoire pour la simulation d'une seule faute, grâce au traitement séquentiel. Le coût d'implémentation est réduit parce qu'on a greffé l'algorithme sur le simulateur logique VerilogXL de Cadence. Cependant, il est possible d'utiliser d'autres supports qui peuvent simuler des circuits décrits en Verilog. Chapitre III Chapitre III Circuits auto-contrôlables face aux défauts critiques dans les technologies nanométriques
La méthode traditionnelle de tolérance aux fautes dans le cas des circuits logiques consiste dans la triplication du circuit et l'utilisation d'un circuit qui choisit les sorties des trois copies afin de sélectionner la valeur majoritaire (technique TMR – Triple Modular Redundancy). Mais, le surcoût matériel de cette méthode est très élevé, dépassant 200%. Il est donc inacceptable pour des applications à faible valeur rajoutée comme les produits grand public. Dans le cas de fautes transitoires, il existe une méthode de tolérance aux fautes moins coûteuse. Il s'agit de la combinaison de la détection d'erreurs concurrentielle avec une procédure de reprise, afin de réaliser la correction d'erreurs. Pour les fautes de timing, la correction d'erreurs est assurée par le même principe, mais pendant la phase de reprise, la fréquence d'horloge sera réduite afin d'éliminer les conséquences de la faute. La technique de détection concurrentielle consiste dans la vérification des résultats fournis par un circuit pendant son fonctionnement normal. Elle peut être réalisée par une procédure classique, qui consiste en la duplication du système digital suivie de la comparaison des sorties provenant des deux copies. Cette technique a pour principal désavantage un surcoût matériel très important, plus de 100%, qui représente aussi un désavantage majeur pour les applications orientées vers le grand public. Chapitre III Les circuits « auto-contrôlables » (self-checking dans la littérature anglaise) [AND 71], [AND 73], [ASH 77], [SMI 77], [SMI 78], [JHA 93] sont une alternative intéressante pour la détection concurrentielle du fait de leur coût beaucoup plus faible
. Ils
détec
tent les fautes permanents, mais aussi les fautes transitoires. Un nombre significatif d'implémentations de circuits auto-contrôlables a été proposé dans le passé. Une grande partie des ces circuits offrent une détection d'erreurs à faible coût (par exemple des multiplicateurs auto-contrôlables utilisant des codes arithmétiques [PET 58], [PET 72], [AVI 73], [ALZ 99]. Notre but est de pouvoir utiliser ces circuits pour le contrôle concurrentiel de fautes transitoires et de fautes de timing, mais aussi de fautes qui impliquent des valeurs logiques indéterminées sur le site d'occurrence de la faute. Les fautes transitoires seront notre première préoccupation car ils représentent la cause la plus importante de dégradation de la fiabilité dans les technologies submicroniques avancées. Les fautes de timing étant la deuxième cause, ils devront aussi être couverts. Une troisième cause seront les défauts produisant des valeurs indéterminées. Ces défauts se manifestent très souvent comme de fautes de timing. Ainsi ils seront couverts par une technique détectant les fautes de timing. Pour ces raisons, on va prendre en compte seulement ces types de fautes, si la technique de tolérance aux fautes employée pour les autres fautes peut les détecter sans surcoût matériel significatif. Par ailleurs, les fautes de collage logique sont détectées facilement pendant les tests de fabrication et elles n'ont pas besoin du contrôle en ligne dans la majorité des applications Malheureusement, les circuits auto-contrôlables ont été développés pour détecter ce type de fautes, et peuvent ne pas être efficaces pour les fautes qui nous intéressent dans cette étude. On analysera donc, le comportement des circuits autocontrôlables vis-à-vis de fautes transitoires, fautes de timing et défauts produisant des valeurs indéterminées, afin d'évaluer leur efficacité, et d'y remédier dans les situations où ils présentent une faible couverture de fautes par rapport à ce qui nous intéresse. Chapitre III 3.1. Définitions
Dans les circuits auto-contrôlables, le circuit complexe est partitionné en plusieurs blocs fonctionnels, chacun de ces blocs étant implémenté d'après le principe présenté dans la figure 3.1. Cette structure consiste dans un bloc fonctionnel, fournissant des sorties qui appartiennent à un code détecteur d'erreurs. Ensuite, un contrôleur de code vérifie si les sorties du bloc fonctionnel appartiennent au code et réalise ainsi la détection concurrentielle d'erreurs. Sorties codées Entr
ées
Circuit
O
pérationnel
... C
ontrôle
ur Indicateur
d'erreur
Figure 3.1. – La structure générale d'un circuit auto-contrôlable.
Dans la suite, nous présenterons les classes de circuits auto-contrôlables définissant ainsi leurs propriétés diverses. Ces propriétés ont été introduites par Carter [CAR 68] et formalisées par Anderson [AND71]. Définition 1 : Circuit'sûr en présence de fautes'(« Fault Secure ») – Pour un ensemble de fautes F, un circuit G est'sûr en présence de fautes', si pour chaque faute f ∈ F, les sorties erronées n'appartiennent pas au code de sortie. Cette propriété garantit que, pour l'ensemble de fautes F, le circuit G ne génère pas de sorties erronées qui n'appartiennent pas au code, et qui sont donc détectées par le contrôleur. Une autre propriété utile est la propriété d'auto-testabilité. Définition 2 : Auto-testabilité (« Self Testing ») - Pour chacun de fautes modélisés affectant le circuit G, il y a au moins un vecteur d'entrée pendant le fonctionnement normal du circuit qui produit des sorties qui n'appartiennent pas au code de sortie. Cette deuxième propriété évite donc l'existence de fautes redondants. De telles fautes restent indétectables et peuvent être combinées à de nouveaux fautes survenant plus tard, pour donner de fautes multiples. Cependant, en présence de fautes multiples, il n'est pas garanti que le circuit reste'sûr en présence de fautes'. Il peut donc, produire des sorties erronées non détectables. La propriété 'd'auto-testabilité' nous évite cette situation. La combinaison de ces deux propriétés dans la propriété 'totalement auto-contrôlable' offre le plus haut niveau de protection.
Définition 3. Circuit totalement Auto-Contrôlable (« Totally Self-Checking »)
– Le circuit G est totalement auto-contrôlable s'il est'sûr en présence de fautes' et 'autotestable' pour chacune de fautes de F. La propriété de'sûreté en présence de fautes' est la plus importante des deux, parce qu'elle garantit la détection d'erreur pour n'importe quelle faute unique. Par contre, elle est la plus difficile à réaliser. La propriété 'd'auto-testabilité' est facile à réaliser, spécialement pour les fautes de collage logique. Une faute de collage logique qui n'est pas détectable correspond à une redondance logique. Ainsi, ces fautes peuvent être éliminés en utilisant un système de minimisation qui élimine les redondances logiques. [McC 71]. Pour les fautes transitoires, la propriété 'd'auto-testabilité' n'a pas de sens, parce qu'il n'y a pas de fautes dans le circuit, mais seulement des erreurs créées par une source externe. Dans ce cas, la seule propriété qui s'applique est la'sûreté en présence de fautes'. Pour certains autres types de fautes, comme les courts-circuits, par exemple, il n'est pas toujours facile d'éliminer toute faute qui n'est pas détectable. Dans ce cas, et pour toute application qui nécessite un très haut niveau de sécurité, on pourra imposer des contraintes structurelles au circuit de façon à garantir qu'un faute indétectable ne détruise pas la propriété de'sûreté en présence de fautes' [NIC 87]. Ces techniques utilisent la propriété suivante. Définition 4 : 'Fortement sûr en présence de fautes' (« Strongly Fault Secure »): Un circuit G est 'fortement sûr en présence de fautes' F, si pour chaque faute f ∈ F, soit qu'il est 'totalement auto-contrôlable', soit qu'en présence de f il préserve la propriété de'sûreté en présence de fautes'. Chapitre III
Les circuits 'fortement sûrs en présence de fautes' constituent la classe la plus large des circuits satisfaisant la propriété de 'totalement auto-contrôlable'. Par contre, dans le cas de fautes spécifiques, telles que les fautes de court-circuit, les contraintes additionnelles garantissant cette propriété impliquent un surcoût matériel qui n'est pas justifié pour la plupart des applications. Etant donné que dans cette étude nous ne recherchons pas à protéger les circuits dans n'importe quelle situation pour atteindre un niveau de sécurité très élevée, mais cherchons seulement à éviter une dégradation de la fiabilité dans les circuits VLSI, nous nous intéressons dans la suite uniquement à la propriété de'sûreté en présence de fautes' qui garantit la détection d'erreurs produites après l'occurrence d'une premiere faute. Les circuits'sûrs en présence de fautes' ayant été développés dans le passé pour prendre en compte les collages logiques, nous étudierons dans ce chapitre comment se comportent les circuits vis-à-vis des fautes transitoires, des fautes de timing et des défauts produisant des niveaux indéterminés.
3.2. Les codes de détection d'erreurs
Mise à part la technique classique employée pour la détection des fautes qui utilise la duplication du circuit opérationnel et un comparateur vérifiant l'inégalité des sorties, d'autres techniques ont été développées pour réduire le surcoût d'implémentation, notamment des techniques qui emploient des codes de détection d'erreurs. Ces techniques permettent une réduction du coût d'implémentation par rapport à la duplication. Par la suite on présentera, sans entrer dans les détails, quelques-uns des codes les plus utilisés dans les techniques d'auto-contrôlabilité des circuits logiques. 3.2.1. Le code de parité
C'est le code de détection d'erreurs le plus simple et le moins coûteux puisque son implémentation consiste à ajouter un bit supplémentaire aux bits de données. Le bit ajouté, -81- Chapitre III représente la parité du nombre de « 1 » dans le mot de données considéré (bit de parité paire). Il existe également le cas complémentaire, le bit de parité impaire, dont la valeur est le complément du bit de parité impair. Ce code détecte toutes les erreurs simples ou plus généralement les erreurs sur un nombre impair de bits. En exploitant cette limitation de la couverture de fautes, des techniques utilisant plusieurs bits de parité ont été développées pour la détection des erreurs multiples ne présentant pas un surcoût d'implémentation très élevé. La technique du code de parité est beaucoup utilisée pour la détection de fautes sur les bus de données, dans les registres, ou dans les mémoires.
3.2.2. Code double rail
Ce code consiste à dupliquer et à inverser les bits de données. Il permet de détecter des erreurs multiples, mais la redondance matérielle introduite est similaire à la duplication (code de redondance maximale). L'utilisation de cette technique est réduite à des applications critiques de petite surface. 3.2.3. Codes non ordonnés
Les codes non ordonnés détectent toutes les erreurs unidirectionnelles. Ce sont les erreurs multiples, telles que tous les bits erronés du mot comportent le même type d'erreur (soit uniquement « 0 » vers « 1 », soit uniquement « 1 » vers « 0 »). Si une telle erreur affecte un mot du code, le mot résultant n'appartient plus au code non ordonné et ainsi l'erreur est détectable. Les codes non ordonnés les plus intéressants sont les codes m-parmin, et le code de Berger. Le code m-parmi-n est un code non séparable (les bits de données et de contrôle sont mélangés), et il est composé de mots de n bits contenant exactement m bits dont la valeur est égale à « 1 ». Le code de Berger est un code séparable non ordonné où la partie de contrôle représente le nombre de « 0 » de la partie donnée. Le nombre de bits de contrôle est égal à log2(n+1), pour n bits de la partie donnée. Chapitre III Ces codes sont utilisés pour détecter les erreurs unidirectionnelles affectant surtout les PLA, les mémoires ROM ou les circuits logiques sans inverseur avec de la logique partagée. 3.2.4. Codes arithmétiques
Les codes arithmétiques sont intéressants pour les circuits arithmétiques, parce qu'ils sont préservés par les opérations arithmétiques comme l'addition, la soustraction et la multiplication. Ces codes sont divisés en deux catégories : les codes séparables et les codes non séparables. Dans les codes séparables, sur une base A, les mots codes sont obtenus en associant à la partie donnée X, une partie de contrôle X'=|X|A (le code résidu), ou X'=A|X|A (le code résidu inverse). Dans les codes arithmétiques non séparables, sur une base A, on parle de mots codes égaux au produit des mots d'origine (non codés) par la base A (X.A).
3.3. Les contrôleurs
* La fonction d'un contrôleur est de signaler l'occurrence d'une erreur sur ses entrées en générant un signal d'erreur sur ses sorties et l'occurrence d'entrées correctes par un signal de bon fonctionnement. Pour cela, on considère l'ensemble des mots de sortie du contrôleur indiquant un bon fonctionnement comme l'espace code de sortie, et l'ensemble des mots indiquant une erreur comme l'espace non code de sortie. Le contrôleur doit vérifier la propriété suivante : * Cette partie est présentée pour compléter le document, mais sa lecture n'est pas nécessaire pour la compréhension des travaux que nous présentons dans le reste du document. Chapitre III Définition 5 :
Codes disjoints (« Codes Disjoint ») : Un contrôleur est à « codes disjoints » s'il associe aux mots code d'entrée des mots code de sortie, et aux mots non code d'entrée des mots non code de sortie. Si un faute reste indétectable dans le contrôleur, il peut masquer une erreur produite dans le circuit qu'il contrôle. Afin d'éviter cette situation, le contrôleur doit être autotestable (conformément à la définition 2). Si entre l'occurrence de deux fautes, il s'écoule un temps suffisamment long, un faute dans un contrôleur à « codes disjoints » et « auto-testable » est toujours détectée avant que le deuxième faute apparaisse. Propriété : Un contrôleur doit avoir au moins deux sorties. Si le contrôleur a une seule sortie qui prend pour valeur z en absence d'erreur, et z' en présence d'erreur, où z = 0 ou 1, une erreur forçant la sortie à la valeur z n'est jamais détectée par le contrôleur. Pour cette raison, on utilise des contrôleurs à deux sorties, dont les valeurs 01 et 10 indiquent le fonctionnement correct, tandis que les valeurs 00 et 11 indiquent le fonctionnement erroné. Par conséquent, l'augmentation du nombre de sorties du contrôleur augmente sa fiabilité. La conception d'un contrôleur « auto-testable » est une tâche difficile parce que tous les fautes internes doivent être détectées en n'utilisant que des mots code aux entrées, qui sont les mots avec lesquels le contrôleur sera exercé pendant le fonctionnement normal du circuit. Heureusement, pour les codes les plus utilisés dans la pratique, comme les codes de parité, les codes double rail, unidirectionnels, m-parmi-n, arithmétiques, etc., des contrôleurs « auto-testables » ont été proposés dans la littérature. • Le contrôleur de parité est, en fait, un arbre de parité qui calcule la parité de ses entrées. Le circuit est facilement testable, puisque quatre vecteurs de tests sont suffisants pour tester un arbre composé des portes OU Exclusif à deux entrées. Néanmoins, ce contrôleur n'a qu'une sortie, et l'application des mots code aux entrées (des mots dont la parité est paire, ou des mots dont la parité est impaire) ne détecte qu'une seule de deux fautes de collage de la sortie (voir figure 3.2.a). • Maintenant, nous allons présenter le contrôleur double rail « auto-testable ». La cellule double rail est représentée dans la figure 3.3, et l'on peut remarquer que F0=A⊕B, et F1= (A⊕B)'. Ce contrôleur est facilement testable puisque quatre mots de code sont suffisants pour tester un contrôleur double rail de n'importe quelle taille [AND 71]. Le contrôleur double rail est très utile dans la conception des circuits autocontrôlables, car il peut être utilisé pour le contrôle des blocs dupliqués en inversant une sortie, ou des blocs duaux.
-85- Chapitre III A.. B
B' F1. A' F0. Figure 3.3. Cellule de base du contrôleur double rail.
Une autre utilisation très intéressante consiste dans la compression de plusieurs signaux d'erreurs fournis par plusieurs contrôleurs dans un circuit auto-contrôlable complexe. Chaque contrôleur du système fournit une paire de signaux codés en double rail, voir figure 3.4, puis un contrôleur double rail peut compresser les paires fournies par ces contrôleurs en une seule paire codée en double rail.
Bloc 2 Bloc 1 Contrôleur 2 Contrôleur 1 Bloc i Bloc n+1 Contrôleur i Contrôleur n+1 Contrôleur double rail sur n bits
Figure 3.4. Compactage des signaux d'erreurs dans un contrôleur double rail.
• Les codes arithmétiques les plus utilisés dans les circuits auto-contrôlables sont les codes résiduels à coût minimal. Le circuit de contrôle pour les codes basés sur le code résiduel (partie entourée par une ligne en pointillé dans la figure 3.5) est généralement composé d'un générateur modulo A, qui génère le résidu du résultat de l'opération, un -86-
Chapitre III
bloc d'inverseurs, un traducteur et un contrôleur double rail fournissant le signal d'erreur. Les codes résiduels à c oût minimal sont les codes utilisant une base de type A=2k-1 [AVI '73]. G é n
é
r a te
u m o
d
u
lo
A G é n é r a te u m o d u lo A O p é r a tio n a r ith m é tiq u e O p é r a tio n a r ith m é tiq u e m o d u lo A L a tc h e s L a tc h e s B lo c k d 'in v e r
s
e u r
s
G é n é r a
te
u r m o
d u
lo A T r a d u
c te
u
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o
n
tr ô le u r a r ith m é tiq u e C o n tr ô le u r d o u b le -r a il
Figure 3.5. Structure d'un circuit auto-contrôlable basé sur le code résidu.
• Le contrôleur pour le code de Berger utilise un circuit (un générateur) qui reçoit comme entrées la partie de données du mot code et qui génère comme sorties la partie contrôle. Ensuite un contrôleur double rail compare cette partie de contrôle avec la partie de contrôle provenant du mot code. Ce contrôleur est auto-testable pour les fautes affectant le bloc générateur, et plus généralement ce bloc est à codes disjoints pour tout faute affectant le bloc générateur. Une implémentation typique pour le circuit générateur consiste en un compteur de «1 », dont la réalisation même consiste en un réseau contenant des cellules d'additionneurs complets et des demi-additionneurs. Chapitre III 3.4. Les circuits'sûrs en présence de fautes' face aux fautes à comportement complexe [ANG'00b]
Les circuits auto-contrôlables sont conçus de manière que le bloc fonctionnel soit'sûr en présence de fautes' pour les fautes de type collage logique. Cependant, les fautes de collage logique sont facilement détectables par les techniques ATPG, ainsi que par les techniques de DFT et de BIST. Donc, elles seront éliminées pendant les tests de production et ne nécessitent pas la détection en ligne pour les applications commerciales. En ce qui concerne les autres types de fautes, les considérations ne sont plus les mêmes. Dans le cas de fautes transitoires, de fautes de timing ou de défauts induisant des niveaux logiques indéterminés, la détection des erreurs en provenance de ces fautes peut être toujours nécessaire à cause de leur impact sur la fiabilité des systèmes conçus dans une technologie nanométrique. Pour la suite, on considère des circuits logiques synchrones pour lesquels les sorties des circuits sont capturées par des latches ou des bascules. En conclusion, les valeurs traitées par les contrôleurs sont des valeurs logiques, même si certaines valeurs nondéterminées peuvent apparaître aux sorties du circuit combinatoire à cause d'un faute. Si les sorties du circuit 'auto-contrôlable' avaient des valeurs non déterminées, d'autres problèmes pourraient apparaître pendant l'interprétation de ces niveaux logiques non déterminés pour lesquels des solutions sont proposées dans l'article [NIC 86]. 3.4.1. Extension du modèle de collage logique
Pour la simplicité, dans ce qui suit, le terme'sûr en présence de fautes' sera utilisé pour appeler un circuit'sûr en présence de fautes' pour le modèle de collage logique. On cherche à analyser le comportement de ces circuits face aux fautes à comportement complexe. Par une analyse attentive des circuits'sûrs en présence de fautes', on montrera dans un premier temps que la propriété de'sûreté en présence de fautes' reste valable pour un modèle de fautes plus large.
Chap III
Soit N l'ensemble des noeuds du circuit. En exploitant la propriété de'sûreté en présence de fautes', on affirme qu'une faute de type collage logique, qui affecte n'importe quel noeud du circuit appartenant à l'ensemble N, crée des erreurs détectables. Considérons maintenant, l'ensemble de fautes affectant n'importe quel élément du circuit, de type : noeuds appartenant au set N, transistor, ou porte logique du circuit. Un faute qui apparaît sur un tel type d'élément affecte un seul noeud appartenant à l'ensemble N avant que, éventuellement, elle soit propagée en plusieurs noeuds. • Cette affirmation est évidente si l'élément affecté est un noeud de l'ensemble N. • Si l'élément affecté est une porte logique, premièrement, la faute se propage vers un seul noeud de l'ensemble N (la sortie de cette porte logique, par exemple), avant qu'éventuellement elle soit propagée aux plusieurs noeuds de l'ensemble N. • Si l'élément affecté est un transistor, ce transistor peut appartenir à une porte, et dans ce cas on peut appliquer le principe antérieur. Le transistor en cause peut être aussi un transistor utilisé comme interrupteur pour connecter ou déconnecter deux lignes. Dans ce cas, les terminaux du transistor sont des noeuds du circuit qui appartiennent à N. Le faute affectant le transistor, affectera par la suite les valeurs d'un de ces terminaux, en fonction de la direction de la propagation du signal à travers le transistor. En conclusion, à un certain instant de temps, n'importe quel faute considérée perturbe d'abord la valeur d'un seul noeud du set N. Soit nf un noeud de l'ensemble N, affecté par une faute f. On démontrera que la propriété de'sûreté en présence de fautes' reste valable pour les fautes considérées cidessous s'ils ont les attributs suivants : Attribut 1. Faute sur un seul élément du circuit : Chaque faute f affecte un seul élément du circuit (noeud, transistor, porte logique). Attribut 2. Erreur logique : Chaque faute f crée des valeurs logiques erronées ('0' ou '1') au noeud nf. Chapitre III Attribut 3. Valeur erronée au repos
: Chaque faute f crée des valeurs erronées sur le noeud nf, qui restent stables pendant la période du cycle d'horloge pendant laquelle la valeur du noeud nf est supposée avoir fini ses transitions (phase de repos du noeud). Les fautes dont les attributs sont présentés auparavant ont un comportement similaire à celui de fautes de collage logique, mais ils représentent une classe de fautes plus générale. Par exemple, si un faute de type collage logique (SA1 ou SA0) affecte le noeud nf, ce noeud reste bloqué à une valeur logique permanente ('1' ou '0'). Dans le nouveau modèle de fautes, le noeud nf peut changer de valeur logique d'un cycle d'horloge à l'autre. Donc, si un faute appartenant au modèle étendu, produit des erreurs au noeud nf, elles peuvent être du type 0->1 pendant certains cycles d'horloge et du type 1->0 pour d'autres cycles d'horloge, ce qui n'est pas le cas pour le collage logique. On va utiliser ce modèle de fautes étendu comme un outil d'analyse du comportement des circuits'sûrs en présence de fautes' pour les fautes suivants : fautes transitoires, fautes de timing et défauts qui impliquent des valeurs non déterminées au noeud nf. Pour ce nouveau modèle de fautes, on montre que la propriété de'sûreté en présence de fautes' est préservée. Théorème 1 : Un circuit qui est'sûr en présence de fautes' pour les fautes de type collage logique simple, reste'sûr en présence de fautes' pour le modèle de fautes étendu, caractérisé par les attributs 1, 2 et 3. Démonstration: On considère une faute f caractérisée par les attributs 1, 2 et 3, affectant un noeud nf, pendant le cycle d'horloge Ci. D'après ses attributs, la faute f induit une valeur logique erronée e au noeud nf, et cette valeur est stable pendant toute la période de stabilité du noeud nf, dans le cycle d'horloge Ci. Le comportement du faute f pendant le cycle d'horloge Ci, est le même que si un faute de collage logique à une valeur e affectait le noeud nf. Puisque le circuit est'sûr en présence de fautes' pour toutes les fautes de collages logiques affectant les noeuds de l'ensemble N, l'erreur résultante à la sortie du circuit sera ainsi détectée. Alors, les erreurs produites par des fautes du nouveau modèle étendu sont détectables. • Pour les autres fautes de court-circuit, l'attribut 1 reste valide si la résistance du courtcircuit et les éléments (transistors) connectant les deux fils aux VDD et Gnd sont tels que la tension sur les lignes court-circuitées correspond à une valeur erreur logique [NIC 87]. Dans cette situation, les deux fils affectés par la faute de court-circuit auront les mêmes valeurs logiques 00 ou 11. Comme une faute de court-circuit est activée seulement si des valeurs logiques opposées apparaissent sur les deux lignes (01 or 10), alors, dans ce cas, un seule ligne peut être affectée par l'erreur. Donc, à chaque fois qu'une erreur survient, la situation est équivalente à la situation dans laquelle une seule ligne court-circuitée est affectée par la faute. Dans ce cas, l'attribut 1 reste valide, ensemble avec l'attribut 2. En ce qui concerne l'attribut 3, il peut rester valide, et dans ce cas, la propriété de'sûreté en présence de fautes' reste valable. Si l'attribut 3 n'est pas valide, une erreur de timing est observée. Supposons maintenant que la faute de court-circuit crée des valeurs non déterminées sur les deux lignes court-circuitées. Pour chaque ligne affectée par la faute, les portes logiques qui reçoivent en entrée ces valeurs non déterminées peuvent les interpréter comme des valeurs logiques erronées. Cette situation sera équivalente à l'occurrence d'une erreur double sur les deux lignes. Elle peut détruire la propriété de'sûreté en présence de fautes' [NIC 87]. Une autre situation d'erreur double est aussi le cas d'un couplage capacitif entre deux fils métalliques, situation qui pourrait également détruire la propriété de'sûreté de fonctionnement'. Néanmoins, l'attribut 1 est respecté par la majorité des fautes physiques, car la plupart des fautes affectent un seul fil métallique, ou un contact, ou un via, ou un transistor (par exemple, ouvertures, ou court circuits entre la grille et l'oxyde de grille, ou entre la grille et le drain, la grille et la source ou la source et le drain). Chapitre III 3.4.2. Fautes à comportement complexe
Nous allons considérer par la suite, les fautes qui sont conformes à l'attribut 1 (la faute f affecte un seul élément du circuit : noeud, transistor ou porte logique). On range le comportement de ces circuits dans certaines classes de fautes en fonction de deux autres attributs, soit : La classe A : Le comportement erroné du circuit est en conformité avec les attributs 2 et 3. La classe B : Le comportement du circuit erroné est en conformité avec l'attribut 3, mais pas avec l'attribut 2. La classe C : Le comportement du circuit erroné est en conformité avec l'attribut 2, mais pas avec l'attribut 3. La classe D : Le comportement du circuit erroné n'est en conformité ni avec l'attribut 2, ni avec l'attribut 3. En effet, dans cette classification, on considère des classes de comportement erroné, plutôt que les classes de fautes. On est obligé de considérer des classes de comportement erroné, au lieu de classes de fautes, car certaines fautes peuvent changer leur comportement d'un cycle d'horloge à l'autre (ce qui n'était pas le cas pour le collage logique). Ainsi, cette classification représente le comportement possible du noeud nf, affecté par une faute conforme à l'attribut 1, pendant un cycle d'horloge donné. Pour simplifier la terminologie, on va utiliser dans la suite le terme «classes de fautes » à la place de « classe de comportement erroné ». On va prendre en compte les cas suivants : • Si, pendant la phase de repos du noeud nf, une faute induit sur nf un niveau indéterminé, on parle d'une faute de classe B. • Si, pendant la phase de repos le noeud nf prend une valeur logique erronée et ce niveau logique est atteint sans excès de retard, alors on parle d'une faute de classe A, pour lequel la propriété de'sûreté en présence de fautes' reste valide. • Si, pendant la phase de repos du noeud nf, il prend une valeur logique correcte mais atteinte après un délai significatif, nous avons alors une faute de timing. Nous allons faire par la suite, une analyse plus détaillée des fautes de timing. Ces cas considèrent une faute unique, induisant une faute de retard au noeud nf (les fautes de -92- Chapitre III retard distribuées correspondent à des fautes multiples, et dans ce cas la propriété de'sûreté en présence de fautes' n'est pas garantie dans aucun des cas à cause de la multiplicité de la faute). • Si la faute induit un retard important au noeud nf, et si la valeur mémorisée à n'importe quelle sortie du circuit correspond à la valeur logique erronée du noeud nf, alors on a un faute de classe A pour lequel le circuit reste'sûr en présence de fautes'. • Si le retard additionnel induit au noeud nf est plus court de façon à ce que la valeur correcte du noeud nf a le temps de se propager sur un sous-ensemble des sorties du circuit, alors on a un faute de classe C. En conclusion, les fautes de timing peuvent affecter le comportement du circuit de plusieurs manières, en fonction du retard développé par le faute au noeud nf. Dans certains cas (fautes de classe A), le circuit préserve la propriété de'sûreté en présence de fautes', mais pour les fautes appartenant à la classe C, une analyse plus détaillée sera nécessaire. Le dernier cas considéré ici concerne les fautes transitoires. • Si l'amplitude de l'impulsion transitoire atteint un niveau logique au noeud nf, alors on a une faute de classe C. • Si l'amplitude de l'impulsion transitoire a un niveau non déterminé, alors on a une faute de classe D. Dans ce cas, à cause de son amplitude et de sa durée réduites, l'impulsion transitoire sera probablement atténuée avant qu'elle n'arrive à la sortie du circuit combinatoire. Par conséquent, elle peut ne pas créer d'erreurs à la sortie du circuit. Par la suite, nous allons analyser l'effet de fautes de classes B, C et D sur la propriété de'sûreté en présence de fautes'. Cette discussion couvre tous les cas de fautes énoncés auparavant. Afin de faciliter l'analyse d'un circuit'sûr en présence de fautes', affecté par une faute de classe B, C ou D, on va comparer son comportement avec le comportement du même circuit en présence d'une faute fe de classe A. Pour cette faute fe, on note avec Se l'ensemble des sorties erronées. Chapitre III Théorème 2. Soit nf un noeud du circuit, affecté par une faute f de classe B, C ou D
. Si les chemins de propagation, connectant le noeud nf avec les sorties du circuit, ne contient pas des chemins reconvergents ayant des parités d'inversion différentes, alors l'erreur affectera seulement une partie de l'ensemble de sorties Se. Démonstration: Supposons qu'une faute f de classe B ou C, affecte le noeud nf pendant le cycle d'horloge Ci. Supposons maintenant une faute fe de classe A, produisant une erreur logique e au noeud nf, pendant l'intervalle du cycle Ci, pendant lequel le noeud nf était supposé être à l'état stable (intervalle de repos). Cette erreur se propagera à travers tous les chemins sensibilisés connectant le noeud nf avec les sorties du circuit pendant le cycle Ci (D1, D2, D3 dans la figure 3.6). Soit Se l'ensemble des sorties affectées par l'erreur e.
A B
C
o
.
o
.
o
nf
Se D
3
. D2 D Q o. o D Q D1 o D Q Chemin possible CLK Figure 3.6 Illustration de propagation d'une faute f, de classe B ou
C. On a les cas suivants pour la faute f : 1. Si f appartient à la classe B, le niveau logique non-déterminé du noeud nf, peut être interprété par certaines portes logiques comme niveau logique '0' et par d'autres portes logiques comme niveau logique '1' en fonction de leur seuil logique. Donc, il sera interprété comme valeur logique erronée seulement par certaines portes. Il sera ainsi propagé à un sous-ensemble du Se, en fonction des valeurs logiques des entrées A, B et C Chapitre III 2. Si f appartient à la classe C, on a les cas suivants : • Supposons qu'une faute transitoire affecte le noeud nf. La valeur logique du noeud nf est affectée pendant une durée de temps limitée (la durée de l'impulsion transitoire). L'impulsion transitoire peut se propager aux sorties appartenant à l'ensemble Se, par exemple, seulement à la sortie D1 si (A, B, C) = (1, 1, 1) ou aux sorties D2, D3, si (A, B, C) = (0, 0, 1), ou aux sorties D1, D2, D3, si (A, B, C) = (0, 1, 1). Elle va arriver aux sorties à des moments différents (dans l'ordre D1, D2, D3 si le chemin de propagation vers D1 est le plus court, et celui qui mène à D3 est le plus long). Donc, les erreurs seront présentes seulement dans un sous-ensemble du Se, au moment même de la capture des sorties par l'horloge du système. • Supposons qu'un défaut crée un délai supplémentaire au noeud nf. Le délai se propagera aux sorties du circuit à travers les chemins ayant des temps de propagations différents. Le temps de propagation pour certains d'entre eux étant court, l'addition du retard supplémentaire peut ne pas induire un retard excessif. Donc, certaines sorties de l'ensemble Se ne seront pas affectées par l'erreur. De nouveau, seulement un sous-ensemble du Se sera erroné. En conclusion, les fautes de classes B et C (par exemple, un défaut créant des niveaux nondéterminés au noeud nf, ou des fautes transitoires ou de timing de classe C), induisent des erreurs sur un sous-ensemble Se. On a démontré que, si les attributs 2 ou 3 ne sont pas ables pour une faute (donc fautes de classe B ou C), alors l 'erreur à la sortie du circuit affectera seulement un sous-ensemble des sorties Se. Maintenant, si les attributs 2 et 3 ne sont pas valables (en fait, une faute de classe D), on peut facilement démontrer, que les erreurs vont affecter un sous-ensemble de sorties du Se, en combinant les arguments employés antérieurement pour chacun des attributs 2 et 3. Q.E.D Théorème 3: Si le noeud nf est connecté avec plusieurs sorties du circuit à travers des chemins reconvergents, ayant des parités d'inversion différentes, alors pour une faute appartenant aux classes B, C ou D, les erreurs peuvent affecter quelques sorties qui n'appartiennent pas à l'ensemble Se. B o. o D2 D3. o o o D 4 (Oe) C o. o
D
1
nf Figure 3.7. Illustration graphique du théorème 3.
Ces valeurs erronées peuvent s'annuler entre elles, résultant en une valeur globale correcte sur Oe.
Prenons par exemple le cas du circuit présenté dans la figure 3.7, affecté par un faute créant sur le noeud nf une erreur logique. Pour le vecteur d'entrée (0, 1, 0) la sortie D4 (Oe) prend pour valeur '0' pour le circuit avec ou sans faute. D'autre part, pour les fautes appartenant aux classes B, C or D, les erreurs propagées à travers seulement un sousensemble des chemins sensibles peuvent être capturées à la sortie Oe. Alors, l'annulation des erreurs ayant des valeurs opposées peut ne pas se produire, et une erreur peut apparaître à la sortie Oe.
Q
.E.D Les théorèmes 2 et 3 sont très utiles pour l'analyse du comportement des différent classes des circuits'sûrs en présence de fautes', face aux classes de fautes B, C et D. 3.4.3. Classes de circuits «sûrs
en présence de
fautes »
On peut partager les circuits auto-contrôlables en deux catégories : ceux qui atteignent la propriété de'sûreté en présence de fautes' en exploitant deux attributs importants de l'erreur (la multiplicité maximale de l'erreur et la polarité de l'erreur ), et ceux qui n'exploitent pas ces attributs. Les circuits de la première catégorie sont conçus de -96- Chapitre III façon à ce que, soit la multiplicité de l'erreur ne dépasse pas une certaine valeur t, soit la polarité de l'erreur vérifie certaines contraintes. Une contrainte usuelle sur la polarité de l'erreur exige que le même type d'erreur (0-> 1 ou 1-> 0) affecte toutes les sorties (erreur de type unidirectionnel). Par la suite, on va présenter un théorème qui garantit la'sûreté en présence de fautes' pour les fautes des classes B, C et D, dans le cas des circuits conçus à l'aide de contraintes sur la multiplicité de l'erreur et la polarité de l'erreur. Mais, définissons d'abord les deux attributs de l'erreur. Définition : Multiplicité de l'erreur : le nombre de sorties du circuit affectées par l'erreur. Définition : Polarité de l'erreur : la polarité de l'erreur détermine le type d'erreur affectant une sortie. Ainsi, on a la polarité 0 -> 1 et la polarité 1 -> 0. Théorème 4 : Si le noeud nf est connecté à chaque sortie du circuit à travers des chemins qui ne contiennent pas de branches reconvergentes ayant des parités d'inversion différentes, alors, la propriété de'sûreté en présence de fautes' réalisée à l'aide des contraintes de multiplicité de l'erreur et/ou de polarité de l'erreur est préservée pour les fautes de classe B, C ou D affectant le noeud nf. Démonstration : Nous avons vu qu'une faute f, appartenant aux classes B, C ou D affectant un noeud nf, est propagée aux sorties à travers un sous-ensemble de chemins à travers lesquels est propagée une faute fe appartenant à la classe A, qui affecte le noeud nf. Si entre le noeud nf et les sorties il n'y a pas de chemins reconvergents avec des parités d'inversion différentes, alors l'erreur produite par le faute f affecte seulement un sousensemble de Se (sorties affectées par la faute fe). Donc, la multiplicité des erreurs à la sortie ne peut pas être augmentée. Par contre, si le noeud nf est connecté aux sorties du circuit à travers des chemins ayant des parités d'inversion différentes, alors, la multiplicité de l'erreur peut être augmentée par les fautes appartenant aux classes B, C et D. Les contraintes sur les polarités des erreurs en sortie peuvent aussi être mises en faute. En fait, les erreurs produites sur les sorties qui sont correctes dans le cas du faute de classe A, peuvent ne pas être en conformité avec les contraintes de polarité de l'erreur. On va montrer par la suite, que ces contraintes sur les attributs de l'erreur ne seront pas affectés pour certains circuits'sûrs en présence de fautes', référés comme circuits 'à chemins sûrs en présence de fautes'(« path secure circuits », dans la littérature anglaise). Ainsi la propriété de'sûreté en présence de fautes' restera vérifiée même en présence de fautes appartenant aux classes B, C et D. Les circuits 'à chemins sûrs en présence de fautes' impliquent des contraintes sur la multiplicité de l'erreur et la polarité de l'erreur en utilisant deux concepts : Définition : La parité d'inversion des chemins connectant un noeud aux sorties du circuit [SMI 77] [SMI 78]. Il représente le nombre modulo 2 de portes logiques de type inverseur qui sont inclues dans un chemin. La parité d'inversion d'un chemin détermine la polarité de l'erreur produite à la sortie du chemin de propagation quand une erreur de polarité donnée apparaît à l'entrée du chemin. Si l'erreur à l'entrée est 1->0, et la parité d'inversion est '0', la seule possibilité pour l'erreur à la sortie est 1-> 0, tandis que pour une parité d'inversion égale à '1', l'erreur à la sortie sera 0->1. Définition : Le degré de divergence d'un noeud du circuit [SMI 77] [SMI 78]. Il détermine le nombre de sorties connectées avec le noeud nf, à travers des chemins de propagation du circuit. Si le degré maximal de divergence pour n'importe quel noeud du circuit est md, alors la multiplicité de l'erreur aux sorties produites par une faute affectant un seul noeud du circuit ne peut pas dépasser md. 2. Pour chaque noeud du circuit, tous les chemins connectant le noeud avec les sorties du circuit ont la même parité d'inversion (voir l'exemple présenté dans la figure 3.9), et les sorties du circuit sont codées dans un code détecteur d'erreurs unidirectionnelles (codes non-ordonnés, par exemple le code m-parmi-n ou le code de Berger [SMI 77]).
0->1 I1 I2 1->0 I3 0->1 I4 I5 1->1 I6
Figure 3.9. Circuit dont chaque noeud se connecte avec les sorties à travers des chemins ayant la même parité d'inversion.
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Les influences cosmiques en agriculture
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PREPARATION DE BAINS DE SEMENCES
A EFFETS FAVORABLES
Il est entendu, pour la préparation du compost d'utiliser les
préparations curatives suivantes:
Blé/ froment
seigle
avoine
orge
betterave à sucre
valériane
millefeuille
écorce de chêne
ortie
valériane et purin
betterave fourragère
lin
camomille
(à
pulvériser
sur
le sol
avant le semis, sinon les graines deve-
pois, trèfle
épinard
radis
radis noir ou navet
salade
poireau
oignon
céleri
tomate
haricots
pomme de terre
purin
*
nant humides,
colleraient l’une à
l’autre.
camomille (besoin en calcaire, chaux)
bouse de corne* sur sol marécageux :
valériane
camomille
camomille
écorce de chêne
valériane
valériane
valériane
valériane
camomille ou écorce de chêne
valériane ou purin (en cas de danger:
de phytophtore, uniquement valériane
excréments (fumier) mélangé dans de
l’eau de pluie.
Pour la réalisation des préparations, voir le livre Agriculture (Cours aux agriculteurs) de R. Steiner.
>
Gémeaux
8%
Re
:
D
=
Bélier
À
e
\
'
\
Mouvement du
soleil au cours
de l'année
KR
Figure 1
277
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Verseau
Na)
Balance
Sagittaire
apérieurs: - de lumière, signes d'Air (=)
- de chaleur, signes de Feu (°---)
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Taureau
Figure 2
X
Scorpion
Poissons
% Capricorne
Ethers inférieurs:
- chimique, signes d'Eau
(._---")
- de vie, signes de Terre
(__—)
Les résultats sont davantage compréhensibles lorsque l’individualité de la plante est prise en considération. D’après mes
observations, je peux dire qu’il n’y a pas de bain de semences valable à coup sûr pour toutes les plantes en général. Un mélange
des 6 préparations* de compost ne m’a pas donné, par exemple,
au cours de mes essais, un résultat bon de façon constante. Là,
apparait l’effet de la valériane, mais en même temps affaibli par
les autres préparations. Ce mélange serait peut être un bain de
semences approprié pour la plante «originelle ». L’engrais corné
peut être employé pour toutes les plantes, parce qu’il stimule en
général la croissance des racines.
La valériane a une bonne influence sur la racine pour une
plante à grosse racine qui tend à se ramifier. Par exemple, les
légumineuses dont les racines ont été traitées avec de la valériane, ont peu de racines, mais celles-ci sont très fortes, avec peu
de radicelles.
Pour les légumineuses, cela n’est pas bon et la plante réagit
par un faible rendement. D’autres plantes ont besoin de ce traitement. Le blé par exemple, réagit favorablement, avec une
meilleure tenue, et une résistance accrue à l’hiver, une plus
grande résistance aux chaleurs fortes et persistantes de l’été; de
même qu’une consistance plus harmonieuse et plus pleine du
grain jusqu’au bout de l’épi. Les grains eux-mêmes montrent
un meilleur équilibre entre la teneur en amidon et en albumine
alors que, pour un traitement au millefeuille ou la camomille,
nous obtenons des grains farineux avec peu d’albumine.
Le traitement des semis est très simple. Une grande quantité
de semences (par exemple céréales) est répandue avec la solution au cours du béchage, comme on le fait pour les engrais habituels. Si les grains sont tous également humidifiés, on recouvre
le tas avec des sacs. Après deux heures, le semis est étalé afin de
sécher. Si ce travail est effectué l’après-midi, les grains passent
sans problème le lendemain matin à la machine. Pour 100 kgs
de semences pour les céréales et les légumineuses, il faut environ 3 litres de solution liquide. Pour des semences de raves, 3
fois plus. De petites quantités de graines, graines de légumes,
etc sont placées dans un morceau de tissu et plongées 10/15
mns dans le liquide. Ensuite, elles seront étalées dans un endroit
ombragé et aéré, le tissu dénoué afin de permettre le séchage,
sur du bois ou du papier absorbant. Elles peuvent encore être
semées le jour même. En général, il est bon d’utiliser les semences au plus tard deux jours après le bain de semences. Pour un
traitement de semences de provisions, un semis plus faible sera
légèrement impropre à germer. Ce qui peut signifier en fait, une
certaine auto-sélection.
Comment sont préparées les différentes solutions ? Les préparations liquides comme la valériane, l’engrais de corne, sont
mélangées comme d’habitude et aussitôt utilisées pour le traitement des semences. Les préparations d’herbes sont placées dans
de l’eau de pluie à température de la main - 1/2cm3 pour un
litre d’eau - et remuées jusqu’à ce que la substance soit bien liée
dans l’eau. De temps en temps, remuer favorise une meilleure
extraction. Après 20-24 heures, la solution est utilisée pour le
traitement de la graine.
Celui qui est familiarisé avec les modes de pensées de l’agriculture biodynamique retrouve un contact intérieur avec la nature,
la terre et les plantes. Il devient de plus en plus conscient que,
non seulement la tête et les mains doivent insuffler leurs forces
dans le travail, mais aussi le cœur. Et c’est justement la courte
période du traitement des semences qui donne au jardinier et à
l’agriculteur l’occasion de faire parler les forces de son cœur. Les
plantes réagiront à cela de façon positive et le geste du semeur
redeviendra un acte sacré, élévateur.
Le choix des jours de semis d’après les positions de la lune
dans les 3 fois 4 éléments Terre, Eau, Air, Feu d’une lunaison ou
dans les deux groupes de sortes d’Ether sera pour beaucoup de
nos jardiniers et agriculteurs d’autant plus facile qu’ils peuvent
facilement, de leur propre chef, faire ce choix:
Voici pour orienter :
Les 12 figures du zodiaque, comme
cela est indiqué sur le
schéma, sont groupées en deux croquis, afin de faire ressortir de
quelle manière les deux Ethers inférieurs (fig. 2), les éthers de
vie et l’éther chimique, et les deux éthers supérieurs (fig. 1),
l’éther de chaleur et de lumière ont leur effet du cercle cosmique aux sphères terrestres, et aussi afin de montrer la répartition
des planètes de notre système solaire structuré.
1 - Ether de vie, signe de terre (fig. 2, a)
taureau
© , vierge
NP, capricome
%
2 - Ether chimique, signe d’eau (fig. 2, b)
poissons Ÿ{ , cancer S , scorpion M,
3 - Ether de lumière, signe d’air (fig. 1,a)
gémeaux
ŸŸ , balance
=, verseau
==
4 - Ether de chaleur, signe de feu (fig. 1, b)
bélier Æ ,lion $ ,sagittaire =-+
Sur chacun de ces deux croquis apparaissent nettement l’interpénétration et la complémentarité de ces couples de forces
dans leur opposition polaire. Par exemple, le soleil en Poissons
de mars avril avec la pleine lune* de printemps dans la Vierge.
Et aussi inversement le soleil dans la Vierge en automne avec la
pleine lune-Poissons (montante),
réunissant
l’Ether
de vie et
l’Ether des sons. C’est justement cela qui fait la qualité accrue
de nos deux époques de travaux dans la zone tempérée, surtout
de la seconde moitié septentrionale de la terre.
*
La pleine lune correspond toujours à une opposition avec le soleil: ainsi le soleil
en Poissons définit une pleine lune en Vierge.
Enchaînement des sphères des planètes d’après leurs qualités
d’Ethers, comme résultat de l’évolution de notre système
solaire:
Sphères
supérieures du soleil (soleil supérieur) :
Saturne
: éther de chaleur
Jupiter
Mars
Z :éther de lumière
g' : éther de chimie ou de son
Soleil
GAL éther de vie (constituant de l’espace)
Sphères inférieures du soleil (soleil inférieur):
Mercure % : éther de chaleur
Vénus
9 : éther de lumière
Lune
Terre
( : éther de chimie ou de son
Ô :éther de vie
Par ces données on constate directement que des sphères
semblables, lors de conjonctions (par ex.: D et $ )se renforcent activement et mutuellement, et que des sphères non semblables
restent
neutres
Extrait de la revue
Avril 1954.
ou
même
«Lebendige
s’affaiblissent
Erde»
(Terre
l’une
l’autre.
Vivante)
Mars
BIBLIOGRAPHIE
Agriculture (Conférences aux agriculteurs) : R: Steiner
Le gai jardin potager : P. Feiffer
Méthode biodynamique (Triade): Kabish
Calendrier planétaire : Ducom
L'évolution de la terre: R. Waschmuth
Fiches
Eau de pleine lune: F. Rulni
Fertilité du sol et économie de l’eau
ELEMENTS
POUR
LA VIE SPIRITUELLE
ET FAMILIALE
3 rue des Quinze-Vingts, 10000 - TROYES.
dioica)
L'ORTIE (Urtica
L'ORTIE
HAUT
(Urtica dioïca)
EUR :
60 à 100 cm. Il existe aussi une variété plus petite, elle
est moitié moins haute.
LI EU :
Presque partout.
PERIODE
DE RECOLTE :
Sans les racines, pendant la floraison, de juin à août.
Pour le purin, aussi en dehors de cette période.
UTILISATION
:
De toute la plante sans les racines, pour la fertilisation
du sol, mais aussi dans l'élevage, la cuisine et la santé.
DESCRIPTION
:
Cette plante bien connue, haute de 60 à 100 cm, se rencontre partout. Elle est considérée comme mauvaise herbe,
Sa tige est de section carrée et les feuilles ont une forme de
cœur dont les bords sont dentés. De plus ces feuilles ont
des poils piquants. || existe aussi une variété plus petite,
qui a les mêmes effets, et l'on peut donc employer cette dernière si l'on ne trouve pas la grande.
Pour la cueillir sans être piqué il faut la prendre de bas
en haut, comme en la caressant.
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À T L'ONPS
AU JARDIN, DANS LES CHAMPS:
L'ortie a la particularité de récupérer l'excès d'azote, de
produire du fer et de donner des enzymes au sol. On ramasse les orties en pleine floraison du mois de Juin au mois
d'Août, pour faire du purin ou pour secher. On les coupe en
petits morceaux, si possible les hacher "menu" lorsqu'elles
sont fraîches ou sèchées. || est recommandé de hächer toutes les plantes dont on veut utiliser plus intensément les
forces. Mais lorsque l'on met ces plantes en purin, cela
n'est pas absolument nécessaire.
L'ortie est très appréciée par les connaisseurs pour son
emploi diversifié dans le jardinage et dans l'agriculture.
Elle rend le sol, sur lequel elle croît, plus meuble et plus
riche en humus brun-noir. En la compostant en un tas spécial avec l'activateur "Terre Vivante" (préparation de plantes médicinales très efficace), elle permet aussi d'avoir
après quelques semaines selon la saison et le temps un excellent humus d'un grand secours pour les terres affaiblies
ou difficiles ou encore pour accélérer d'autres composts ou
fumiers. Cet humus est capable de donner aux plantes les
substances dont elles manquent. Si l'ortie est utilisée en
compost de surface (mulching), elle favorise la transformation du sol, notamment des sols secs et légers (endroits où
la prêle prolifère, par ex.). On peut aussi la préparer en purin et après l'avoir délayée en mettre aux plantes. Ainsi elle
les aidera à croître avec vigueur et santé et fortifie leur capacité d'auto-défense contre les maladies.
PURIN D'ORTIE
1) EN FERMENTATION :
Mettre des orties dans un tonneau, couvrir d'eau, il peut
à la rigueur séjourner au soleil, au bout de 4 jours, il peut
être prêt à l'emploi.
On emploie une dilution de ce purin à 50 parties pour une
sur les arbres fruitiers et les arbustes à baies, qui sont
attaqués
par l'araignée
rouge,
les pucerons
des feuilles ou
d'autres prédateurs. Cette dilution est un remarquable moyen
biologique
contre
ces
insectes
ravageurs.
On
peut
aussi
y
ajouter une décoction de prêle: ajouter 1/4 de litre de dé.
coction de prêle (50 gr. de prêle pour 1/4 de litre d'eau) à
1/2 litre de purin d'ortie, diluer à 50 parties, comme dit
plus haut. L'araignée rouge existe en 3 versions: elle s'attaque aux arbres fruitiers, aux baies et aux haricots, les
deux premiers étant les plus dangereux. On les reconnait
aux taches blanches et ponctuées apparaissant sur les feuilles, qui finissent par sécher et tomber. Les fleurs et les
fruits périclitent. Le traitement doit intervenir au début du
printemps avant la formation de la feuille et de la fleur et il
est à renouveler,
2) FERMENTE :
On le prépare de la même façon et on le laisse fermenter
jusqu'à ce qu'il dégage une odeur très forte. || est alors de
couleur sombre, moins "mordant" et donne un engrais liquide
de haute valeur. Puis on le dilue (20 fois) et on peut en asperger une fois par semaine toutes les cultures, ou tous
les quinze jours, le mieux après la pluie. Les légumes et
fleurs, les arbres fruitiers et même les céréales en profitent
énormément. Âu printemps on améliore de cette manière le
sol, ainsi que le gazon et la prairie. De même on peut acti-
ver le compost de surface (mulching) en vaporisant du purin
d'ortie (ou même le compost en tas). Les rosiers surtout,
mais aussi toutes les autres plantes vous seront reconnaissants pour ce traitement par une croissance vigoureuse, La
dilution du purin d'ortie fait disparaitre la chlorose (jaunissement) de la feuille et guérit les plantes maladives. Pour
les arbres, qui ont subi la chlorose de la feuille l'année
précédente, on peut effectuer une aspersion de purin d'ortie
avant la formation des bourgeons.
L'ortie
gamiques
ou
peut combattre
l'oidium
et les maladies
crypto-
qui se développent en période chaude et sèche.
De même on peut aider des plantes d'appartement jaunies
faibles en les mettant avec le pot 15 minutes dans un
purin d'ortie (dilué, bien sûr).
L'infusion d'ortie a des effets similaires, ou bien même
de l'ortie macérée pendant 24 heures dans de l'eau tiède.
PREPARATION
D'UN
PURIN:
On récolte l'ortie, le mieux pendant la floraison (à partir
de mi-juin) et on verse environ 50 litres d'eau de pluie ou de
rivière sur 5 kg d'ortie fraîche ou 800 gr. d'ortie séchée,
ceci dans un tonneau propre ou une fosse à purin. Cette
quantité suffit pour asperger | ha de terre, après l'avoir dilué 20 à 30 fois. L'on peut préparer de plus petites quantités, par exemple dans un seau en émail non endommagé, jamais dans un récipient de métal, à cause des réactions
chimique du métal avec le purin.
Ces mesures n'ont qu'une valeur relative, car les plantes
peuvent avoir un contenu minéral très différent:
a/comme plante en soi
b/selon les saisons et le temps
c/d'après le climat et le sol, sur lequel elles croissent.
C'est pourquoi l'on n'a pas besoin de se tenir servilement à
ces mesures pour ces purins de plantes, sauf s'il s'agit de
préparations de fougères ou de tanaisie (dont nous parlerons
plus tard), qui pourraient endommager les feuilles ou les
plantes si les arrosages sont trop intensifs.
EMPLOI
DU PURIN:
en résume :
- sur les plantes pendant leur végétation, les légumes
(en particulier épinard, tomate, rhubarbe... qui le supportent
même pur), les céréales,
prairies...
les arbres
fruitiers,
les fleurs, les
- en activateur de compost et de mulching.
- en formation d'humus dans le sol (préparation des terres..…).
CULTFURE"DEE
ORTIE:
L'ortie, lorsqu'elle est cultivée à côté des plantes médicinales comme l'angélique, la marjolaine, la sauge, la valériane.. augmente leur teneur en huiles essentielles et ainsi
leur efficacité, leur parfum...
L'ortie stimule les plantes voisines qui deviennent plus
résistantes.
L'ortie est formatrice d'humus et l'on peut ainsi fertiliser
un endroit inculte en y replantant des orties, qui au bout de
quelques temps donnent déjà d'excellents résultats, ou en
compostage de surface.
Pour cultiver des orties, il vaut mieux en repiquer que
d'en semer, car l'ortie est très vivace et forme de nombreux
rejets et les graines d'orties mettent plutôt beaucoup de
temps à gsrmer. Si vous en semez, les faire séjourner pendant
quelques temps dans du purin d'ortie ou de la solution
Terre Vivante jusqu'à ramollissement.
CUISINE
L'ortie est une des principales composantes de la fameu-
se cure de printemps, qui comprend aussi le pissenlit. Cette
cure permet vraiment de régénérer et de revivifier l'organisme en cette période de l'année où l'on ne se sent pas "très
bien". Outre les infusions, l'on peut faire:
SALADE
D'ORTIE:
Cueillir de jeunes pousses d'ortie (les vieilles sont irritantes), enlever les tiges, qui sont très ligneuses. Les ajouter à la salade ou au pissenlit et assaisonner comme de coufume.
SALADE
DE PRINTEMPS:
Cueillir de jeunes feuilles d'ortie, des feuilles de pissenlit,
de la mûâche
des champs,
des
feuilles
d'achillée
millefeuille, des feuilles de renouée bistorte (grande oseille) ou du raifort, Toutes ces plantes se trouvent à l'état
sauvage mais peuvent aussi être cultivées. Assaisonner
selon votre goût.
POTAGE
D'ORTIE:
Prendre de jeunes pousses d'ortie, les laver, faire revenir un gros oignon coupé fin dans de l'huile, ajouter les
orties hâchées, saler, remuer quelques minutes, puis verser
1 litre d'eau et cuire 1/4 d'heure. Servir avec une noix de
beurre ou de purée de noisettes, ou avec de la crème fraiche. Ou cuire les orties pendant 1/4 d'heure dans 1 litre
d'eau, ajouter de la purée de pommes de terre ou des flocons
de céréales, saler et servir avec de la crème fraîche, une
noix de beurre ou de purée de noisette.
ORTIES
EN LEGUMES:
Les préparer comme
des épinards ou avec des épinards.
ORTIES
EN TARTES,
CEUFS
DE
EN CREPES..
PAQUES:
On peut utiliser l'ortie pour teindre en jaune les œufs:
mettre
des racines d'ortie dans l'eau de cuisson.
ELEVAGE
Hâcher de jeunes pousses d'ortie ou, surtout des graines, et
les mélanger aux autres aliments.
Les POULES pondront davantage et seront prémunies contre
la diarrhée et la coccidiose.
Les COCHONS seront plus forts et plus sains.
Les VACHES auront un lait meilleur et plus abondant.
Les CHEVAUX auront un plus beau pelage et seront plus
vigoureux, en consommant de l'ortie en mélange avec l'avoine.
À la LAITERIE, utiliser de la poudre d'ortie, excellent
détergent pour nettoyer et désinfecter les récipients et tuyaux employés.
HYGIENE
Contre la CHUTE DES CHEVEUX, masser le cuir chevelu
avec du jus d'ortie frais (l'extraire à la centrifugeuse ou en
pressoir) et ceci pendant plusieurs semaines en alternant
tous les 3 jours avec du jus d'oignons, puis rincer, sécher
et masser à l'huile d'olive, ceci au bout de 20 minutes d'action du jus d'ortie ou d'oignon.
Doubler ce traitement d'une cure interne d'infusion d'ortie
et d'infusion d'oignon, en boire plusieurs fois par jour 1/2
verre.
Ou
encore,
couper
un petit céleri
en morceaux,
ajouter une
poignée d'ortie, un litre de bon vinaigre, cuire pendant 1/4
d'heure. Lorsque le liquide est refroidi, le passer et en frictionner le cuir chevelu.
La
poudre
(toute
la plante
et surtout
la racine)
macérée
peut aussi atteindre des résultats identiques, en particulier
contre les PELLICULES.
L'ortie
en infusion
ou macération
est une excellents
lotion
pour toute peau ayant tendance à la dermatose {ACNE, DARHRÉPECZEMA:..).
SANTE
Comme nous l'avons vu plus haut, l'ortie a sa place dans
le jardin, dans l'étable, dans la cuisine, dans la salle de
bain, mais elle doit se trouver aussi et surtout dans la pharmacie familiale.
L'ortie suit l'homme partout où il s'est établi et forme, à
l'image de l'homme, une société à part dans la nature.
On la trouve vraiment partout, dans les endroits secs,
comme dans les endroits humides, présente au devenir de
l'homme et l'aidant non seulement à reconstituer l'organisme
vivant de la terre: l'HUMUS, mais aussi à reconstituer son
propre corps.
Par son contenu:
- de FER,
qui lui donne cette allure imposante, l'ORTIE agit sur le
SANG:
elle régénère le sang (ANEMIE, CHLOROSE...),
elle purifie le sang (ACNE, DARTRE, ECZEMA... tout problème de peau: DERMATOSE),
elle régularise les menstruations longues et pénibles (les
prévoir) et les HEMORRAGIES internes et utérines.
elle calme les SAIGNEMENTS DE NEZ,
elle soigne les HEMORROIDES,
elle soulage la goutte, les RHUMATISMES ARTICULAIRES
en fouettent le mal avec des orties fraîches (active la circulation du sang),
elle favorise la LACTATION et fortifie la maman.
- de SOUFRE,
qui la rend brûlante, piquante, l'ORTIE agit sur le SYSTEME METABOLIQUE, DIGESTIF:
CRAMPES ou LOURDEURS
DIARRHEE, CEELULITE:S
d'ESTOMAC,
CONSTIPATION,
- de SILICE,
qui contribue à sa rigidité et à son maintien particulier
(autrefois sa tige servait à la fabrication de cordages, de filets et de tissus...),
l'ORTIE a son action profonde sur l'élimination par les
REINS et la VESSIE:
elle est donc précieuse dans les soins des RHUMATISMES,
du DIABETE, de la RETENTION d'EAU, de la CELLULITE... en facilitant la sécrétion urinaire; elle est connue de
tous temps pour soigner l'INCONTINENCE d'URINE (pipi au
lit): en alternance avec de la prêle en poudre, donner une
10
demie cuillérée à café de graines d'ortie réduites en poudre
dans une cuillérée à café de miel, changer tous les 3 jours
(ortie, prêle, ortie, etc.….);
ou aussi en infusion, 2 tasses par jour (mais pas le soir)
d'une cuillérée à soupe de graines d'ortie, de prêle et de
fleurs de millepertuis, une cuillérée à café de poudre d'écorce de chêne et de poudre de racine de tormentille,
EMPLOI
- en INFUSION : mettre une pincée de feuilles séchées
dans une tasse et verser l'eau bouillante.
- en DECOCTION : 2 à 3 cuillérées à soupe d'ortie à mettre dans 2 tasses d'eau, lorsque l'eau bout, le laisser pendant 5 minutes. De même pour les racines ou les graines.
- en
BAIN:
en reconstituant ou pour activer les proces-
sus d'élimination (CEï_LULITE).
- en MACERATION: faire macérer des orties fraîches
dans de l'alcool à 90°, remplir un bocal d'orties fraîches,
triées et essuyées, bien tasser, ajouter de l'alcool à 90°,
boucher et mettre au soleil pendant 9 jours et filtrer. Appliquer cette macération sur les plaies, qui cicatriseront mieux
et plus vite.
- en ONGUENT : de l'ortie en poudre (plantes ou racines)
délayée avec un peu d'eau et appliquée sur le nez ou le front
arrête les saignements de nez; avec du sel marin et de l'huile d'olive, en masser les pieds froids ou une autre partie du
corps qui a tendance à se refroidir.
11
- en CATAPLASMES
tièdes (feuilles, graines ou jus) sur
les ulcères, abcès…
PROVERBES
ET EXPRESSIONS
Jeter aux orties — se défaire de quelque cnose de gênant
sousestimer une chose...
J'aime
l'arai g née et j'aime
|
Parce
q u'on
l'ortie !
les hait.
Victor HUGO
Que ferez-vous au jour de l'assemblée
et au jour de fête de l'Eternel?
… Ce qu'ils ont de précieux en objets d'argent, l'ortie les
hériteru,
et l'on verra croitre les chardons dans leurs maisons.
Ils arrivent les jours de la visitation,
ils arrivent les jours de la récompense!
OSEE 9/5 -7
+
ELEMENTS POUR LA VIE SPIRITUELLE ET FAMILIALE
3, rue des Quinze-Vingts - 10000 - Troyes
LA PRELE (Equisetum Arvense)
DU JARDIN A L'OFFICINE.
Les plantes que nous vous présentons ont leur place
- au jardin
- dans l'étable
- dans la cuisine
- dans la salle de bains
- et aussi et surtout dans la pharmacie familiale.
Ainsi nous pouvons envisager le problème de la constitution
d'une pharmacie familiale à base de plantes et de moyens naturels sans effets annexes ou toxiques qui, de plus, peut passionner toute une famille, autant pour la recherche des éléments, le séchage et le stockage des plantes, que pour les emplois et les effets possibles.
Les indications agricoles sont issues de l'agriculture bio-dynamique, véritable méthode de culture qui tient compte autant
des données terrestres que cosmiques.
C'est cette forme d'agriculture qui correspond réellement aux
besoins de notre temps. Le mouvement bio-dynamique 4, rue de
la Grande Chaumière, 75014 Paris peut au besoin vous renseigner sur les livres à lire, les stages de formation; il édite aussi une excellente revue: La lettre aux amis des Champs et
des Jardins.
LES PLANTES
"MEDICINALES"
Les plantes ne poussent pas n'importe où, ni n'importe
comment: chacune a son milieu, et chacune révèle aussi les
propriétés, mais aussi les carences du sol. C'est de cette observation
que nous
pouvons
tirer beaucoup
d'enseignements,
notamment comment pallier les manques, comment équilibrer
le sol et augmenter la fertilité, comment contribuer par les
plantes à l'hygiène, la santé, le bien-être, des plantes, des
animaux et des hommes,
C'est pourquoi nous abordons différentes plantes dites médicinales, qui sont d'une grande utilité dans la pratique du
jardinage, de l'agriculture, de l'élevage et de la santé des
hommes.
EN GENERAL:
100 gr. de plantes séchées correspondent à environ 600-800
grammes de plantes fraîches, On ne récolte pas les plantes
après la pluie ou trop tôt le matin, quand les plantes sont
pleines de rosée: elles ne se conserveraient pas. Bien sûr,
il ne faut utiliser que des sujets sains, non fanés, ni bruns ou
mal formés.
Le séchage se fait le mieux à l'air réchauffé, au grenier,
mais non au soleil ni dans le four (sauf exception, car beaucoup de substances agissantes se perdent tout à fait ou en
partie, surtout dans le four électrique. Dans tous les cas, la
température ne doit pas dépasser celle d'un Jour chaud d'été,
25 à 30°). || vaut mieux étendre les plantes sur du papier (pas
de papier imprimé), puis les protéger de l'humidité et les conserver en cartons ou en boîtes.
Si vous ne pouvez en ramasser
les trouver chez l'herboriste, :
vous-mêmes,
vous pouvez
LA
PRELE.
Equisetum Arvense.
Hauteur
Localisation
Période de cueillette
Utilisation
environ 30 cms
champs, prairies, dépressions, pentes. !
24 juin à août ( sans la racine)
À cause de sa teneur en acide silicique, est indispensable pour les
pul vérisations de toutes les cultures
de jardins, en particulier dans les
cas de maladies à champignons.
De nombreux emplois, à la cuisine,
à l'étable, pour la santé. :
La PRELE, appelée aussi Asprelle, Queue de Chat, de
Cheval, de Rat, ou de Renard, ou Herbe à récurer..., se rencontre comme «mauvaise herbe» sur tous les terrains, prairies,
et sols en pente, champs humides ou sablonneux, au bord des
dépressions et des marécages. La tige, creuse, haute d'environ 30 cms, généralement marquée de sillons et ayant des petites branches verticillées, ressemble à un minuscule sapin.
La pousse de printemps, 20 cms maximum, (mars-avril), est
une pousse rousse sans branches, mais elle est féconde; tandis que la prêle qui nous intéresse pour le jardin et la santé
pousse en mai,
Elle est vivace par sa racine souterraine rampante, Elle ne
fleurit donc pas, mais se reproduit par les spores de la pousse
de printemps, un peu à la façon des champignons, des fougères, des mousses... Elle existait déjà aux périodes les plus reculées de la terre, où elle pouvait atteindre la taille d'un sapin: on en trouve des fossiles dans le charbon.
COMPOSITION.
La Prêle contient de l'acide silicique et de la silice (plus
de 90° % à l'état sec), de la saponine, mais aussi du calcium,
fer, magnésium, manganèse, potassium, sodium, soufre, tanin,
vitamine C etc.
Comme les céréales et les graminées, la prêle contient donc
beaucoup de silice, Ce qui est étonnant, c'est que la terre elle-même, y compris l'atmosphère, en contient encore davantage: trois quarts de silice, De toutes les substances terrestres,
elle est celle qui attire, fixe et transmet le plus intensément
les forces de la lumière, de la chaleur et de la verticalité des
plantes.
CUEILLETTE.
Préférer la Prêle des Champs à la Prêle des bois ou des marais. Elle donne des pousses fécondes rougeûtres (dites floraison ) à retenir, surtout si vous désirez en planter dans votre
jardin. Elle fleurit en mars-mai, mais on la récolte, sans la racine (tiges stériles) de la floraison de préférence dans le temps
de la St Jean d'Eté, pendant 4 semaines après le 24 Juin, mais
aussi jusqu'en Septembre, d'autant plus qu'elle contient alors
son maximum de silice,
Sécher la prêle à l'ombre, dans un lieu aéré, sec et chaud.
UTILISATION.
AU JARDIN ET EN AGRICULTURE.
Riche en acide silicique, la prêle s'avère être un moyen efficace de prévention et de combat contre les différentes maladies à champignons se développant en périodes humides ( l'ortie sert plutôt contre les maladies se développant en période
chaude et sèche), contre les croûtes, la rouille, les taches
noires, la nielle etc... mais aussi contre l'araignée rouge. :
La prêle est utilisée aussi contre les pucerons, :
Décoction,
La décoction de prêle constitue la préparation 508 de la
méthode bio-Dynamique, ( voir la bibliographie et les stages, )
Dilution étendue :
Faire bouillir doucement 500 g de prêle séchée dans 10 litres d'eau de pluie pendant 30 à 40 minutes. :
Ajouter 50 g de cendre de bois 10 minutes avant la fin de l'ébullition. Filtrer et laisser reposer un jour ou deux, jusqu'à
l'apparition d'une odeur putride. Diluer ensuite cinq fois successivement, en ajoutant chaque fois 10 litres de la dilution
précédente à 90 litres d'eau de pluie, Une fois préparée, la dilution peut être gardée deux semaines au maximum. La sub-
stance
solide très fine déposée au fond du récipient
peut être
réutilisée après remise en suspension dans l'eau. :
Dilution limitée :
Même méthode que ci-dessus, en utilisant 200 g de produit
sec pour 10 litres d'eau étendus à 100 litres seulement.
L'avantage des décoctions réside dans leur préparation rapide (24h), alors qu'il faut plus d'une semaine pour préparer
le purin de prêle,
Purin :
Le purin de prêle s'obtient en plaçant 3 kg de produit sec
dans un sac à larges mailles maintenu au fond d'un récipient
contenant 100 litres d'eau de pluie à la température d'environ
15° pendant 8 à 10 jours. || se forme alors à la surface une
pellicule marquant la fin de la fermentation acide, Le jus fermenté peut se conserver deux mois environ en récipient fermé.
La moisissure qui peut se former à la surface est sans importance.
On prépare également le purin à partir de la décoction dont
on n'a pas séparé l'herbe, On peut aussi ajouter au purin les
parties solides recueillies lors du filtrage des décoctions.
Le purin est souvent préféré à la décoction comme plus efficace, car il contient encore les substances fermentescibles
de la prêle, qui sont altérées par l'ébullition dans le cas de la
décoction.
( Les descriptions de la décoction et du purin de prêle sont
extraites de l'Encyclopédie d'Agricul ture Biologique.)
Macération :
Diluer 100 g de poudre de prêle dans 2 litres d'eau, secouer
énergiquement ou brasser intensivement, Laisser reposer 24 h
et employer comme la décoction.
Macération - décoction :
Afin de garantir une utilisation aussi avantageuse que pos-
sible de cette plante, laisser celle-ci macérer 24 h, faire bouillir 20 à 30 minutes, puis alors laisser refroidir après avoir recouvert le récipient. Au point de vue quantité, prendre 200 g de
poudre de prêle pour 10 litres d'eau, et, après ébullition, di.
luer l'extrait dans cinq fois sa quantité d'eau. 1| est nécessaire de filtrer la décoction avant utilisation.
Deux sortes de traitements peuvent être envisagés avec ces
préparations :
- Traitement du sol :
mais en sachant qu'avant tout il importe de redonner vie au sol
de reconstituer l'humus et le «cheptel » de vers de terre. :
- Traitement des plantes :
à végétation trop luxuriante, ou susceptibles d'être atteintes
ou atteintes de maladies cryptogamiques. :
Ces traitements se font le matin, de préférence avant les heures de «plein soleil ».
TRAITEMENT DU SOL :
Amélioration directe du sol:
L'endroit où doivent vivre les champignons est le sol, S'ils
vivent au-dessus, sur les plantes, ils deviennent nuisibles, 1|
s'agit donc de protéger tout d'abord le sol en le fertilisant et
en intensifiant les processus d'auto-défense dans le jardin, la
serre, le verger ou les champs. La régularité d'emploi de la
prêle donne une amélioration des résultats d'année en année,
Dès l'automne et l'hiver, traiter préventivement le sol avec
de la décoction de prêle diluée, surtout aux endroits où l'on
constate chaque année des maladies,
Si l'on travaille des terres froides et humides, qui deviennent ainsi sensibles aux maladies cryptogamiques, il est à
conseiller de pulvériser sur le sol une dilution faible de prêle,
30 à 40 litres à l'hectare.
En février, pulvériser sur les terres à cultiver ou déjà ensermencées une décoction de prêle et de tanaisie, 2/3 prêle et
1/3 tanaisie ( 30 g pour un litre d'eau }), cela désinfecte le sol
en particulier les couches.
Puis avant les semis, préparer le sol en pulvérisant de la
décoction de prêle seule ou mélangée au purin d'ortie sur
toute la surface ou dans la rigole des semis, cela donnera de
jeunes plantes saines et vigoureuses (le faire en février, mars
et juillet), ou aussi arroser autour des jeunes plants repiqués
ou avant le repiquage (tomates en particulier), Asperger toutes les cultures,, surtout.celles sensibles aux maladies crypto:
gamiques tous les 8 à 15 jours avec de la prêle pour avoir des
plantes saines et résistantes, ce qui favorise aussi la croissance par sa teneur en silice.
En été, en particulier à la mi-juillet, pulvériser tout le sol
et toutes les cultures avec la décoction de prêle (aussi avec
de l'ortie), et s'il y a une maladie créptogamique(sur les haricots, tomates, les épinards, les radis noirs ou les céleris),
pulvériser trois jours de suite. :
Sous châssis ou en serre, il est important d'ajouter toujours
1 litre de décoction à 10 litres d'eau d'arrosage. :
Amélioration du sol par le compost :
Le reste des plantes «infusées» peuvent être mis au compost de surface (mulching), autour des plantes en danger.
La décoction de prêle, (200 g sur 2 litres et demi d'eau,
diluée dans 10 litres d'eau), ajoutée au purin d'ortie, améliore
la qualité du compost. La décoction de prêle enlève aussi l'odeur «pénétrante» du purin d'ortie ou du purin de fumier et y ajoute ses qualités propres. La décoction ou le purin de prêle
ajoutée dans le compost, à raison d'un seau versé dans un trou
tous les 2m50, ainsi que la pulvérisation en surface de la même quantité de prêle, renforce l'action de la préparation d'écorce de chêne ( Préparation 50 5),
TRAITEMENT DES PLANTES.
Plantes :
Pulvériser la dilution de décoction de prêle pendant toute
la durée de la végétation, aussi souvent que c'est nécessaire
pour les maladies cryptogamiques.
En particulier par temps chaud et humide, et surtout en période de pleine lune, on pourra pulvériser sur les feuilles. Par
contre on s'abstiendra de pulvériser directement sur les plantes en période chaude et sèche,
- Tremper les plants de choux dans un mélange d'argile et de
décoction de prêle : contre les maladies bactériennes.
10
- Contre la rouille et les taches sur les pieds de tomates, éloigner les tomates tachées dès l'apparition des taches, Traiter à la prêle tous les 8 jours.
Une végétation trop luxuriante peut aussi
pulvérisation de prêle.
être freinée par une
Arbres fruitiers :
Plus les arbres sont âgés, plus la prêle est efficace et nécessaire,
À titre préventif, en automne, pulvériser de la décoction à
dilution «étendue» sur les arbres fruitiers, les arbustes à baies
et sur les vignes, avant que les feuilles finissent de tomber,
Répéter l'opération au printemps, dès que les bourgeons ont
verdi, en particulier si l'hiver est humide et doux.
À titre curatif, utiliser la dilution limitée, à raison d'un litre par arbre fruitier et 50 litres pour un hectare de verger en
taille basse, Pour ces traitements, on peut ajouter un demi-litre
de lait pour 10 litres de décoction afin de rendre la prêle adhésive.
Enduit à l'argile :
Traiter les arbres seulement | à où il y a danger ou d'insectes ou de maladies, et ceci sur le bois avec de la Tanaisie
( Tanacetum vulgare).
En hiver, lorsqu'il n'y a pas de gel à craindre, brosser le
tronc, y compris les racines visibles avec une brosse végétale dure : avec une infusion de tanaisie, de prêle et un peu de
fougère. En suite, badigeonner le tronc jusqu'aux branches avec une bouillie d'argile ( de l'argile dans une décoction de
prêle et de la bouse de vache pure: 3 parties de bouse, 3 parties d'argile et un peu de sable fin ou de silice, ) Ceci peut
11
aussi guérir ies plaies. Des substances amères augmentent son
action (infusion de Vermouthou de marrons d'Inde râpés), Les
arbustes à baies, on peut les asperger en utilisant une balayette trempée dans ce mélange.
Avant la floraison des arbres, pulvériser sur les arbres de
la décoction de prêle (30 g pour un litre d'eau) avec un peu
d'achillée millefeuille, et ajouter de l'argile pour que ce mélange adhère mieux,
PRELE COMME MAUVAISE HERBE.
Elle montre la constitution du sol, l'équilibre est compromis, le sol idéal pour des plantes cultivées est constitué d'humus, d'argile, de silice. Le sol parsemé de prêle manque donc
d'humus: arracher l'es prêles avec les racines, les récupérer
et les sécher après avoir coupé les racines, épandre du bon
compost granuleux, l'enfouir légèrement, recouvrir le sol afin
qu'il ne s'asseche pas et reste tempéré, La prêle des champs
aime les sols légers, secs: la prêle des prairies les sols humides. :
Donc, pendant l'été, recouvrir le sol ; en automne, semer de
l'engrais vert, qui fera le nécessaire pour le renouveau du sol,
Dans le Cours aux Agriculteurs, Rudolf STEINER a conseillé de brûler les graines de ces herbes, de mélanger cette
cendre de graines à de la cendre de bois; triturer pendant une
heure et saupoudrer le sol à protéger pendant que la Lune est
dans la constellation de la Vierge.
Maria THUN conseille, après des expériences durant 10
ans, de «diluer» cette cendre de plantes dans de la cendre de
bois jusqu'à D8 (c'est-à-dire prendre une partie du premier
mélange et ajouter 9 parties équivalentes de cendres de bois,
_triturer, puis recommencer l'opération 8 fois).
|*
UN COIN DE PRELE,
Planter un coin de prêle, comme d'ortie, d'achillée, de camomille, de valériane, de tanaisie etc... dans votre jardin: replanter
les tiges souterraines
ou semer au printemps ( voir la
description de la prêle au début de cette fiche).
ELEVAGE".
La prêle peut être utilisée pour:
les ABCES
- les HEMORRAGIES
- les PLAIES difficiles à guérir.
les PLAIES
et SUP PURATIONS par suite de frottement de
la selle ou de harnachement,
etc... ( voir le chapitre SANTE ),
- en cataplasme : employer de la poudre de prêle et en faire
une pâte avec de l'eau,
- en décoction: 20 à 50 grammes de prêle en poudre dans un
litre d'eau, bouillir 5 minutes,
- en poudre: nettoyer les plaies, puis saupoudrer de prêle,
CUISINE.
Entretien:
- Par sa teneur en silice, la prêle réduite en poudre sert à polir finement bois et métaux, à récurer pots et vaisselles, :
13
- La même
propriété est utilisée
par les clarinettistes
qui
«prêlent» leur anche jusqu'à ce qu'elle soit amincie à l'épaisA.
t-.
«
r.
seur voulue.
- La prêle peut être d'une aide à expérimenter pour badigeonner le plancher ou le mur humide, où prolifèrent les champignons ou taches. Au besoin, recommencer plusieurs fois.
Recettes :
- En condiment:
bon vinaigre.
jeunes pousses fertiles, confites dans un
- Prêle crue: (tiges fertiles de printemps), les nettoyer, les
préparer en salade ou comme des asperges. Les jeunes pousses
sont toniques et reconstituantes,
- Prêle en omelette: mettre les jeunes pousses dans des
oeufs battus, plus un peu de gruyère râpé, sel et thym, cuire
et servir baveux.
- Prêle au gratin: cuire à l'eau les pousses, égoutter, parsemer de noix de beurre, de fromage râpé, de chapelure, de
de sel et de persil. Faire gratiner au four.
- Prêle en purée: cuire à l'eau, passer, écraser, tamiser, mélanger à la purée de pommes de terre, à parts égales, ajouter
un jaune d'oeuf, de la crème fraîche, du sel et du gruyère rûpé; gratiner au four dans un plat huilé,
14
HYGIENE.
- Comme lotion pour le visage: décoction ou poudre de prêle
macérée, pour peaux grasses, acnéiques, aux pores dilatées,
resserre les pores, combat les inflammations et les boutons.
- En dentifrice:
La prêle empêche les caries, arrête les hé morragies, guérit les
aphtes. Tremper la brosse à dents mouillée dans de | a poudre
de prêle.
- Transpiration des pieds, des aisselles:
- Employer la poudre de prêle comme du talc,
- Ou faire un bain local de prêle (250 à 500 g de prêle en décoction à verser dans le bain ou suspendre un sachet de poudre de prêle sous le robinet d'eau chaude.)
- Ou badigeonner les pieds tous les jours avec de la teinture
de prêle (500 g de prêle macérée dans 1/2 litre d'alcool,
laisser pendant trois semaines en agitant de temps à autre,
puis passer à travers un linge fin.)
- Alterner ces soins à la p prêle avec d'autres à la sauge.
g
SANTE,
Reminéralisant :
La Silice organique de la prêle est favorable pour une bonne constitution de la muqueuse et des os (solidité, résistance
et reconstitution). Le Calcium n'est pas assimilable directement par l'organisme, mais la silice des plantes est génératrice de Calcium.
15
- La Prêle, (pulvérisée dans les aliments ou dans une boisson avant les repas) a une action importante comme reminéralisant naturel:
DECALCIFICATION (ongles cassants, taches blanches sur
les ongles, décalcification osseuse en cours de croissance ou
par suite de fracture ou de vieillesse), CARIES DENTAIRES,
ANEMIE, FATIGUE.
- Elle resserre, fortifie et répare les tissus, isole le mal et
cicatrise, favorise la multiplication des globules blancs, ce
qui est important dans la lutte pour la santé lors de maladies
infectieuses: TUBERCULOSE
PULMONAIRE, INFLAMMATIONS DE LA CAVITE BUCCALE OÙ DES GENCIVES ET
MAUX DE GORGE (en gargarismes), INFLAMMATIONS OCULAIRES (en bain local ou en lotion),
- Elle donne un terrain peu favorable au développement du
CANCER, qui naît surtout sur un terrain carencé en silice ou
en magnésium,
- Elle cicatrise et soude les plaies: HEMOPTYSIE, METRORRAGIE, INFLAMMATIONS DES MUQUEUSES DE L'ESTOMAC, ET INTESTIN (ULCERE GASTRIQUE, DIARRHEE.)
Divurétique:
- La Prêle contient de la SAPONINE et de la FLAVINE et
agit sur les REINS et la VESSIE : ALBUMINURIE, CALCULS
RENAUX, COLIQUES NEPHRETIQUES, CYSTITE, DYSURIE,
GRAVELLES, RETENTION D'URINE, RHUMATISMES..., AFFECTIONS CUTANEES : Acné, Dartres, Eczéma, Prurit...
- Elle est donc générateur d'urine (divrétique}
- Elle fortifie le processus urinaire et elle est à recommander
16
pour l'INCONTINENCE
décoction
d'URINE
le matin, mais aussi
soupe de prêle, ] AT
pour enfants et adultes (en
en association : | cuillerée
à
à soupe de Millepertuis,-1 cuille-
rée à café d'écorce de chêne, 1 cuilleréeà café de tormentille :
bouillir 15 minutes, prendre 2 tasses le matin.) Alterner la dé
coction ou la poudre de prêle avec l'ortie ( voir la fiche oRThe).
- Par l'action sur les REINS,
TOUX,
l'ASTHME,
les
maladies
la prêle a des effets sur la
PULMONAIRES
chroniques.
- Elle régularise la transpiration ( voir HYGIENE).
Elle soutient le reste du métabolisme (DIARRHEES, douleurs au FOIE, CONGESTION HEPATIQUE des grands mangeurs ou grands fumeurs: on peut prendre pour cela le mélange
suivant: Prêle 309, fleurs de Romarin 30g, fleurs
de Souci 20g,
feuilles d'Asperule odorante 30g, feuilles de menthe 20g. Bien
mélanger, prendre 2 cuillerées à café du mélange pour 1 litre
d'eau, infuser 15 minutes, et prendre une tasse après chaque
repas.:
- CELLULITE
:prendre en alternance avec du Pissenlit et
de l'Achillée Millefeuille.
Hémostatique et Dépuratif :
L'aspect de la Prêle a quelque chose de profondément rythmique et cela indique le rapport avec le côté rythmique en
l'homme, :
- La Prêle épure le SANG par les REINS et empêche la formation de dépôts dans les artères : ABCES, ULCERES
QUEUX, HEMORROIDES, ARTERIOSCLEROSE...
17
VARI-
- elle active la circulationdu SANG : INSUFFISANCE CIRCULATOIRE, JAMBES LOURDES, FATIGUE...
(aussi en mélange : Prêle 10 g, feuilles de Vignes Rouges 10 g
feuilles de Noyer 10 g, écorce de Bourdaine 25 g, racine de
Chiendent 15 g, fleur d'Hysope 10 g. Bien mélanger, prendre
2 à 3 cuillerées à soupe pour 1/2 litre d'eau, bouillir 10 à 15
minutes, deux à trois tasses par jour, en cures de 21 jours
chaque fois.)
- elle régularise la TENSION : HYPERTENSION ou tendance, :
(aussi en mélange : Prêle 10 g, feuilles d'Olivier 10 g, fleurs
d'Hysope 10 g, feuilles de Sauge 25 g, écorce de Bourdaine
25 g. Bien mélanger, prendre 2 à 3 cuillerées pour 1/2 litre
d'eau, bouillir 10 minutes, prendre 1 tasse à la fin de chaque
repas),
- elle arrête le SANG : HEMORRAGIE INTERNE
ou EXTERNE, ou NASALE, ou PULMONAIIRE,, ou UTERINE, ou VISCERALE, PERIODES trop longues, VOMISSEMENTS de SANG,
TOUX SANGUINOLENTES...
(en décoction, en jus frais ou en poudre),
SANTE
On n'utilise de la Prêle que la plante stérile à récolter en
juil let-août.
USAGE
INTERNE
Décoction
:
:
- 20 à 50 g pour 1 litre d'eau, bouillir 5 minutes, en décoction légère. :
18
- 30 à 50 g pour 1/2 litre d'eau, bouillir 1/2 heure, est indiqué pour favoriser l'élimination par les reins, Boire cette
quantité par gorgées au cours d'une journée,
Décoction pour compresses et gargarismes :
- | kg de plantes fraîches ou 100 g de plantes sèches pour
1 litre d'eau, bouillir 1/2 heure,
Poudre de prêle : mettre en cachet de 0,5 à 1,5 g ( cela se
trouve en pharmacie ) ou la prendre dans un liquide à raison
d'une cuillerée à café par tasse,
!.
7
«
a
Jus frais : à prendre toutes les 30 minutes à raison d'une
cuillerée à thé,.
USAGE
#
S
7
EXTERNE
:
Décoction :
- 50 à 100 g pour 1 litre d'eau, bouillir 3 à 5 minutes ; mais
aider la guérison en buvant aussi de la prêle en décoction,
Lavages et compresses : plaies guérissant mal, abcès, ulcères
variqueux, hémorroïdes saignantes, dartres, eczémas, prurits..,
En lavage nasal : arrête les saignements de nez et le rhume de
cerveau même chronique (faire un lavage plusieurs fois par
jour pendant plusieurs jours de suite),
En gargarismes :
pour les maladies de bouche, la prêle aseptise, nettoie et désengorge.
19
€ VU LU
OU 2
LEGENDE.
Du temps où les Centaures vivaient encore sur terre, les
prêles recouvraient leurs corps rugueux. Et lorsque ces demidieux quittèrent leurs demeures terrestres pour monter au ciel.
| 487
|
2008REIMS034_1
|
French-Science-Pile
|
Open Science
|
Various open science
| 2,008
|
Renforcement des structures en béton armé par collage de matériaux composites. Comportement des structures sollicitées à la flexion
|
None
|
French
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Spoken
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| 12,512
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Université de Reims École doctorale Champagne Ardenne Sciences Technologies Santé Thèse en cotutelle de DOCTORAT Spécialité Mécanique et Génie Civil Présentée par Todor ZHELYAZOV RENFORCEMENT DES STRUCTURES EN BETON ARME PAR COLLAGE DE MATERIAUX COMPOSITES -COMPORTEMENT MECANIQUE DES STRUCTURES SOLLICITEES A LA FLEXIONSoutenue publiquement à l’Université de Reims Champagne Ardenne
Le 13 décembre 2008
Devant le jury :
M. Yves DELMAS Professeur à l’Université de Reims Président M. François BUYLE-BODIN Professeur à l’Université de Lille 1 Rapporteur M. Kliment HADJOV Professeur à l’U.T.C.M.., Bulgarie Rapporteur M. Mihael KISHKILOV Professeur à l’U.A.G.C.G., Bulgarie Examinateur M. Alexandre ALEXANDROV Professeur à l’U.T.C.M., Bulgarie Examinateur M. Dimitri DONTCHEV Professeur à U.T.C.M., Bulgarie Co-directeur M. Alex LI Professeur à l’Université de Reims Co-directeur M. Jules ASSIH Maître de conférences à l’Université de Reims Co-encadrant 1 2
Remerciements
Au terme de ce travail je tiens à remercier mes codirecteurs : Monsieur Dimitar Dontchev, Professeur de l’UCTM de Bulgarie et Monsieur Alex Li, Professeur de l’Université de Reims et mon encadrant Monsieur Jules Tchao Assih, Maître de Conférences à l’Université de Reims. Je tiens à remercier Monsieur Yves Delmas, Professeur de l’Université de Reims et directeur de l’IUT de Reims pour sa confiance et pour le soutien. Je remercie Monsieur Karl Debray, Professeur à l’Université de Reims. Je remercie Monsieur François Buyle-Bodin Professeur à l’université des et Technologies de Lille1 et Monsieur Kliment Hadjov, Professeur à l’U.C.T.M. de Sofia, Bulgarie d’avoir accepté d’être les rapporteurs de cette thèse. Merci a tous,
qui m’ont aidé
dans la réalisation de ces travaux de recherche : Alexandre, Patrick, Jie,... 3 4
Sommaire Chapitre I.................................................................................................................................. 17 I.1 Elément en béton armé soumis à la flexion..................................................................
19 I.1.1 Renforcement à la flexion.................................................................................... 22 I.1.2 Renforcement à l’efFort tranchant....................................................................... 24 I.1.3 Comportement mécanique d’un élément en béton armé fléchi après l’initiation de la fissuration................................................................................................................ 27 I.2 Renforcement des structures par collage des éléments de renforcement extérieurs. Revue des travaux de recherche........................................................................................... 29 I.2.1 Etudes sur le collage structural............................................................................. 29 I.2.2 Renforcement des structures en béton armé par collage de plaques en acier...... 30 I.2.3 Le matériau composite comme une option alternative......................................... 32 I.2.4 Renforcement des structures en béton armé par collage de FRP......................... 34
I.3 Modélisation du comportement mécanique d’une structure en béton armé, renforcée par collage de CFRP. Cadre théorique.................................................................................
42 I.3.1 Notions de base de la théorie
d
’élasticité............................................................. 43 I.3.2 Variable d’endommagement................................................................................ 46 I.3.3 Lois de comportement des matériaux et des interfaces........................................ 49 I.3.3.1 Modélisation du comportement du béton..................................................... 50
I.3.3.2
Acier. Modélisation du comportement......................................................... 52 I.3.3.3 Matériau composite. Critères de rupture...................................................... 54 I.3.3.4 Interface acier-béton..................................................................................... 56 I.3.3.5 Interface bétonmatériau composite. Joint adhésif...................................... 59
CHAPITRE II........................................................................................................................... 65
II.1 Béton............................................................................................................................ 67 II.1.1 Essai de compression....................................................................................... 67 II.1.2 Essai de traction par flexion............................................................................. 69
5
II.2 Acier............................................................................................................................. 70 II.3 Matériaux composites en Fibres de carbone
................................................................ 71 II.4 Adhésif.........
................
................................................................................
................
77 CHAPITRE III......................................................................................................................... 79
III.1 Modèle expérimental.................................................................................................... 81 III.2 Réalisation des poutres en béton armé......................................................................... 83 III.2.1 Préparation des armatures................................................................................ 84 III.2.2 Mise en place des jauges de déformation......................................................... 84 III.2.2.6 Préparation de la surface.......................................................................... 84 III.2. 2.7 Protection des jauges contre les actions mécaniques............................... 86 III.2.3 Coulage des poutres en béton armé.................................................................. 88 III.2.4 Mise en place du renfort extérieur du matériau composite.............................. 90 III.3 Résultats expérimentaux.............................................................................................. 92 III.3.1 Comportement global de la structure............................................................... 92 III.3.1.8 Charge ultime........................................................................................... 93 III.3.1.9 Déplacement vertical................................................................................ 94 III.3.1.10 Extension transversale du béton dans la zone comprimée....................... 96 III.3.2 Modes de rupture globale observés
.................................................................. 99
III.3.3 Comportement local
.......................................................................................
104 III.3.3.11 Déformations dans la barre d’acier........................................................ 107 III.3.3.12 Déformations dans le matériau composite.............................................
117
III.3.4 Discontinuité à l’interface béton-matériau composite................................... 123 III.3.5 Activation des cadres par le mécanisme de l’effort tranchant.......................
126 CHAPITRE IV....................................................................................................................... 133
IV.1
Mo
délisation « classique »......................................................................................... 136 IV.2 Lois de comportement et critères de rupture..............................................................
141
6 IV.2.1
Modélisation du comportement
du bé
ton
....................................................... 141 IV.2.2 Mo
délisation
du comportement de l’acier...................................................... 143 IV.2.3 Modél
isation
du comportement de la couche adhésive..................................
145 IV.
2.4
Modélisation du comportement du matériau composite................................ 145 IV
.2.5
Modélisation
de
l’
interface
acier-béton.......................................................... 145 IV.
2.6
Critères de rupture.......................................................................................... 147 IV.3 « Outil » numérique.................................................................................................... 148 IV.3.1 Procédure semi-analytique.............
................
................
................
................ 149 IV.4 Procédure incrémentale.............................................................................................. Le rôle des matériaux composites dans le domaine du renforcement des structures est incontestable. De nombreux travaux de recherches et des réalisations pratiques ont démontré l’efficacité de la technique de réhabilitation des bâtiments et des ouvrages d’art par le collage d’éléments de renforcement extérieur. Au début des plaques d’acier étaient utilisées comme éléments de renforcement, mais elles ont été remplacées progressivement par les matériaux composites. L’utilisation de plus en plus fréquente des matériaux composites s’explique d’un part par leurs meilleures propriétés mécaniques et d’autre part, par le progrès dans les procédés de leur fabrication durant ces dernières décennies. Devenus plus accessibles sur un plan économique, les matériaux composites sont une solution très attractive pour répondre au besoin de renforcement des bâtiments et des ouvrages d’art. Il existe à présent de nombreuses possibilités d’application de cette technique de renforcement. Dans une structure courante en béton armé il est possible de renforcer presque tous les éléments de construction : colonnes, poutres, dalles. Cette technique permet d’améliorer : • la capacité portante, • la rigidité, • la durée de vie de la structure, • la durabilité de la structure, exposée aux attaques environnementales. Dans ces travaux de recherche, nous nous sommes intéressés à l’étude du comportement mécanique et particulièrement aux différents mécanismes de résistance ainsi qu’aux différents modes de rupture observés dans une poutre en béton armé, renforcée par collage de matériau composite et soumise à la flexion. La structure renforcée constitue un système très complexe en lui-même. Elle contient plusieurs composants : béton, acier, adhésif, matériaux composites. 11
Introduction générale
En même temps, les résultats des différents essais effectués dans le cadre de notre campagne expérimentale nous montrent différents modes de rupture des poutres renforcées par collage de matériaux composites. On distingue principalement : rupture de la poutre renforcée par flexion, rupture de la poutre renforcée par flexion-cisaillement, rupture de la poutre renforcée par cisaillement, rupture de la poutre renforcée par décollement du matériau composite collé dans la zone d’enrobage. Dans notre approche théorique, nous nous sommes posés l’objectif d’éviter la formulation de modèles différents pour chaque mécanisme de résistance. Nous proposons une procédure semi-analytique, dans laquelle nous introduisons des lois de comportement pour les différents matériaux, constituant la structure renforcée. Les lois de comportement sont définies sur une échelle méso-scopique, que permet l’application de la procédure que nous proposons pour des structures possédant d’autres géométries. Pour connaître le comportement de la structure renforcée, il faut connaître le comportement mécanique de ses différents composants, en terme de lois de comportement. Il est en même temps nécessaire de prendre en considération les interactions spécifiques qui résultent de la juxtaposition de ces composants au sein du système. Ainsi, à titre d’exemple la couche adhésive modifie le comportement mécanique de la partie adjacente de la poutre en béton armé. Le matériau composite, la couche adhésive et la partie adjacente de l’enrobage en béton forment le joint adhésif et agissent ensemble dans le transfert des efforts de la structure renforcée à l’élément de renforcement. L’insertion dans le modèle des lois constitutives, qui gèrent le comportement des interfaces, entre les différentes composantes de la structure, doit modéliser des phénomènes tels que l’apparition d’un champ de discontinuités. Des critères de rupture sont formulés pour les différentes composantes de la structure renforcée. Sous l’effet de la charge appliquée, un champ de contraintes et un champ de déformations sont générés dans la poutre renforcée. A la base des composantes des tenseurs des contraintes et des déformations, les critères de rupture locale sont vérifiés. Avec
12 Introduction général
e l’évolution de la charge appliquée, les éléments finis, dans lesquels la variable d’endommagement atteint une valeur critique, sont désactivés. L’amorçage et la propagation de la fissuration dans le béton sont ainsi simulés et les modes de rupture globale de la structure sont obtenus comme résultat de la procédure semianalytique. En outre, parallèlement à cette partie d’étude théorique, une étude expérimentale complémentaire à la première partie, a été menée. Cinq poutres en béton armé, dont quatre renforcées par collage de matériaux composites ont été testées. Pour créer artificiellement la nécessité de mise en place du renforcement extérieur, nous avons sous-dimensionné la poutre en béton armé par la mise en place d’une quantité insuffisante d’armature dans la zone tendue. L’utilisation des jauges de déformation a permis de mettre en évidence d’une part l’évolution locale des déformations, et d’autre part le comportement local à la rupture. Des mesures à l’aide de capteurs de déplacement ont été prévues afin de détecter l’apparition possible d’une discontinuité dans le champ des déplacements à l’interface acier-béton. Le comportement global est obtenu à l’aide des courbes Charge-flèche. Une information visuelle sur les modes de rupture globale est obtenue à travers l’observation de la propagation des macro-fissures dans le béton. Nous définissons dans le premier chapitre de ce document bilan général sur les différents travaux dans le domaine du renforcement des structures en béton. L’identification des paramètres mécaniques qui interviennent dans les modèles de comportement est le sujet du chapitre II (Matériaux. Identification des paramètres mécaniques). L’approche expérimentale et les résultats obtenus sont présentés. Dans le chapitre III, nous étudions le comportement mécanique d’une poutre en béton armée, renforcée et soumise à un essai de flexion quatre points, à l’aide de jauges de déformation et de capteurs de déplacement.
13 Introduction générale
Dans le chapitre IV (Modélisation) nous détaillons la procédure semi-analytique dans laquelle nous introduisons les lois de comportement et les critères de rupture définis pour les différents matériaux. Nous proposons des simulations du comportement de ces poutres, ayant la même géométrie que celles testées expérimentalement. Les résultats issus de la modélisation montrent une bonne cohérence avec les résultats issus de notre campagne expérimentale.
14 Introduction générale
15 Introduction
générale
16 Étude bibliographique
Chapitre I ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE 17 Étude bibliographique 18 Étude bibliographique I. Généralités sur le renforcement de poutres en béton armé par collage de matériaux composites
Nous présentons dans le chapitre I, une étude bibliographique sur la conception et sue le comportement mécanique d’une structure en béton armé, renforcée par collage de matériau composite. Afin de connaître le comportement mécanique d’une structure renforcée, il est nécessaire de connaître les propriétés mécaniques de ses différents constituants : béton, acier, adhésif, matériau composite (Buyle-Bodin F. et David E. [BUY-04], [BUY-02] BUYLEBODIN, et al). Il est à noter que le comportement des constituants est complexe en lui-même. Ainsi le comportement non-linéaire du béton diffère en traction et en compression, l’acier montre un comportement non-linéaire en dehors du domaine élastique évolutif, le matériau composite est anisotrope par conception...
I.1 ELEMENT EN BETON ARME SOUMIS A LA FLEXION
Dans ce paragraphe nous introduisons le rôle du renforcement extérieur en matériau composite à travers les modèles fondés sur la théorie des poutres. Pour être plus précis, nous illustrons la contribution du renforcement extérieur sur une configuration concrète : un élément de structure sollicité en flexion quatre points. La théorie classique des poutres avec l’hypothèse de NavierBernoulli nous permet de connaître les efforts internes dans l’élément considéré : le moment fléchissant et l’effort tranchant. (Fig. 1.1). Dans le cas où la structure est considérée comme homogène, élastique et isotrope nous pouvons définir le champ des contraintes normales ( σ ) et les contraintes tangentielles ( τ ), générées par la charge appliquée : σ= M.z I (1-1) τ= Q.S I.b (1-2) où : « I »moment d’inertie de la section de la poutre, « S »moment statique de la section, « b »largeur de la section, « M »le moment de flexion et « z » la hauteur de la section. 19
Étude bibliographique
Fig. 1.1. : Diagrammes des efforts internes dans une poutre sollicitée en flexion 4 points
La figure (Fig. 1.1) présente la répartition du moment fléchissant et de l’effort tranchant dans une poutre soumise à un essai de flexion quatre points. Les résultats montrent que la valeur du moment de flexion est maximale dans l’intervalle entre les deux points d’application de la charge où l’effort tranchant est nul. Ce moment est nul aux extrémités où l’effort tranchant est maximal. Pour une poutre en béton armé, dans la zone du moment fléchissant constant les fissures sont générées d’une sollicitation en mode « I », tandis que les fissures dans les zones voisines résultent d’une sollicitation composée de modes « I » et « II ». Suivant cette logique, dans les différentes zones repérées des modèles appropriés peuvent être introduits pour décrire les mécanismes de ruine traduits par la fissuration (Fig. 1.2) : • la zone « A »: le moment fléchissant est le seul effort interne et l’analogie de Ritter permet d’évaluer les efforts de tension et de compression dans le renforcement longitudinal et dans la zone comprimée de la section en béton. • la zone « B » : le comportement de la structure est étudié à travers le modèle de l’arc interne.
20 Étude bibliographique
Fig. 1.2. : Mécanismes de résistance dans une poutre sollicitée en flexion 4 points.
Avec la mise en place du renforcement extérieur en matériau composite nous pouvons assurer une contribution soit au mécanisme de résistance à la flexion, soit au mécanisme de résistance à l’effort tranchant. Nous pouvons ainsi distinguer deux types de renforcement par collage de matériau composite : • Renforcement à la flexion (Fig. 1.3)le renforcement en matériau composite est collé sur la face tendue de la poutre. • Renforcement
à l’effort tranchant (Fig. 1.4)le renforcement en matériau composite est collé sur les faces latérales de la poutre. Une approche possible d’évaluer la capacité portante de la poutre renforcée est de superposer la contribution du matériau composite aux mécanismes de résistance qui agissent dans la poutre en béton armé. Cette approche est basée sur la théorie des poutres et sur la supposition que les sections restent planes après déformation.
21 Étude bibliographique
I.1.1 RENFORCEMENT A LA FLEXION
Avec le collage du matériau composite sur la face tendue de la structure on ajoute un terme supplémentaire à l’équation avec laquelle le moment fléchissant ultime est calculé:
Fig. 1.3. : Configuration d’une poutre en béton armé soumise à la flexion Fig. 1.4. Mécanismes de résistance au moment fléchissant dans une poutre en béton armé renforcée par collage de matériau composite [TEN00].
Dans un modèle proposé par Teng [TEN00] la capacité portante de la poutre est évaluée par (Fig. 1.4): 22
Étude bibliographique
M u = k1 h h h .b.x. − k2.x + σ s. As − d s + σ frp. Afrp − d frp γc 2 2 2 f cu
Avec le premier terme de l’équation (1-3) (1-3) la contribution des mécanismes de résistance qui agissent dans le béton est évaluée. C’est l’effort en compression qui agit sur la zone comprimée du béton : f cu Fbc = k1 γc.b.x (1-4) où ε cf ∫ σ dε c k1 = c 0 ( ).ε est un coefficient qui est utilisé pour remplacer le diagramme f cu γc c parabolique des contraintes dans la zone comprimée par un diagramme rectangulaire. f cu est la résistance du béton en compression, γ c est un coefficient de sécurité, «b» est la largeur de la section, « x » est la distance de la fibre la plus comprimée à l’axe neutre. Les autres paramètres qui interviennent dans le premier terme de (1-3) sont « h »la hauteur de la section et le coefficient k2, qui est évalué par l’équation suivante : εc, f ∫ ε.σ d ε c k2 = 1 − 0 εc, f c c. (1-5) ε c,
f
.
∫ σ dε c 0
23 Étude bibliographique
La contribution des armatures en acier sollicitées en traction est évaluée par : h 2 σ s. As − d s (1-6) où As est la section des armatures tendues, σ s est la contrainte générée dans les armatures tendues, d s est la distance entre la fibre la plus comprimée et le centre de gravité des armatures tendues. Le troisième terme de (1-3) donne la contribution du renforcement en matériau composite: h σ frp. Afrp − d 2 frp (1-7) A frp et σ frp sont la section et la contrainte générée dans le matériau composite, d frp est la distance entre la fibre la plus comprimée et le centre de gravité du matériau composite, « h » est l’hauteur de la section.
I.1.2 RENFORCEMENT A L’EFFORT TRANCHANT
Une explication du rôle du renforcement à l’effort tranchant est proposée par Kani [KAN-69]: avec la propagation de la fissuration dans le béton, des arcs internes sont formés. Ils suivent les trajectoires des contraintes principales de compression et sont séparés l’un de l’autre par les fissures formées par les contraintes principales de traction. La présence des 24 Étude bibliographique cadres assure des supports additionnels aux arcs et augmentent ainsi la capacité portante de la poutre à l’effort tranchant. Dans ce contexte, le renforcement extérieur en matériau composite assure un support additionnel aux arcs internes (Fig. 1.5).
Fig. 1.5. : Renforcement d’un élément en béton armé soumis à l’effort tranchant. La résistance d’une poutre à l’effort tranchant est évaluée par la sommation de la contribution des mécanismes de résistance qui agissent dans le béton et de la contribution du renforcement intérieur en acier : VRd = min(Vcd + Vwd ) (1-8) où Vcd quantifie la contribution des mécanismes de résistance qui agissent dans le bé
ton
,
Vwd
est la
portion
de
l’effort tranchant qui est
«
repris»
par le renforcement
transversal
en
acier.
25 Étude bibliographique Comme dans le cas de renforcement à la flexion, la contribution du matériau composite à la résistance de la poutre, à l’effort tranchant, est prise en compte en ajoutant un terme supplémentaire à l’équation (1-8). La résistance totale Vtot est évaluée par : Vtot = VRd + V frp,d. (1-9) D’après un modèle proposé par Triantafillou [TRI98], la contribution du matériau composite à la résistance de l’effort tranchant peut être estimée par : V frp,d = 0.9 γ frp.ρ frp.E frp.ε frp,ε.b.d. (1 + cot ( β ) ).sin ( β ) (1-10) où γ frp est le coefficient partiel de sécurité pour le matériau composite, ρ frp = 2.t est le taux de renforcement transversal en FRP, b « t » est l’épaisseur du renforcement transversal en FRP, E frp est le module d’élasticité du matériau composite, « b »largeur de la section, «d »hauteur utile de la section, ε frp,ε déformation effective du FRP qui prend en considération des facteurs comme les caractéristiques géométriques de la structure renforcée et du renforcement, la concentration des contraintes, et dépend du mécanisme de rupture à l’interface béton matériau composite (Fig. 1.6) 26
Étude
bibliographique
Fig. 1.6. : Mécanisme de rupture pris en considération par [TRI98] pour déterminer la contrainte effective dans le matériau composite.
I.1.3 COMPORTEMENT MECANIQUE D’UN ELEMENT EN BETON ARME FLECHI APRES
L’I
NITIATION
DE LA FISSURATION
.
Avec l’augmentation de la charge appliquée, les contraintes de traction générées dans la zone tendue dépassent la résistance du béton en traction et ainsi, la fissuration dans le béton est amorcée. La section qui résiste à la charge appliquée diminue et la position de l’axe neutre change. (Fig. 1.5).
Fig.1.7. : Déformations et contraintes dans la section d’un élément en béton armé soumis à l’action d’un moment fléchissant. 27
Étude bibliographique Le changement du moment d’inertie et du moment statique de la section doit être pris en considération dans les équations (1-2), (1-3) et (1-4). Fig. 1.8. : Modification de la réponse de la structure en terme de distribution des déformations dans une section observée avec l’évolution de la fissuration. La solution des équations constitutives ne peut pas être obtenue dans une forme fermée. La réponse de la structure en terme de contraintes et de déformations peut être trouvée, par contre, dans une procédure itérative. Cette approche est utilisée par [RAB01], [RAB07]: des rigidités équivalentes sont introduites et sont déterminées à chaque pas de la procédure itérative..
ε.dz + A.E.ε + A '.E.ε'A11 = ∫ b.E b b s s s s s s.ε.z.dz + A.E.ε.z + A '.E.ε '.z'B11 = ∫ b.E b b s s s s s s s s (1-11).ε.z 2.dz + A.E.ε.z 2 + A '.E.ε '.z '2 D11 = ∫ b.E b b s s s s s s s s
28 Étude bibliographique
Dans cette description mathématique, il est visible que les rigidités équivalentes A11, B11, D11 dépendent non seulement des caractéristiques géométriques de la section modifiées, = f (ε ) et E = f (ε ) qui décrivent le comportement mais aussi des constantes élastiques E b b s s des matériaux. Elles prennent ainsi en compte la non-linéarité physique qui a lieu dans les lois constitutives des matériaux et se traduit par les relations non-linéaires « contraintedéformations ». Les rigidités équivalentes interviennent dans les équations d’équilibre qui déterminent le champ des déplacements et les efforts interne s dans la structure étudiée. I.2 REN
FORCEMENT DES
STRUCTURES
PAR COLL
AGE
DES
ELEMENTS
DE
RENFORCEMENT EXTERIEURS
.
REV
UE
DES TRAVAUX DE RECHERCHE. I.2.1 ETUDES SUR LE COLLAGE STRUCTURAL
Sur un plan historique, l’étude de renforcement en tant que procédé de collage s’inscrit dans les traditions du laboratoire Groupe de Mécanique, Matériaux et Structures de l’université de Reims. Le comportement mécanique des assemblages collés à double recouvrement a été étudié par Gilibert [GIL78], [GIL86] et Luhowiak [LUH85]. Delmas [DEL85] a analysé la technique de collage de tubes d'acier et de cuivre à l'aide d'un manchon. L’assemblage en sifflet avec butée de pièces épaisses a été étudié par Perrenot [PER88]. Le comportement mécanique des assemblages collés type « sifflet » a été étudié aussi par Objois [OBJ98] et plus tard Gacoin [GAC-07]. Halfaoui [HAL90] a analysé le comportement mécanique d'une éprouvette à simple recouvrement en tôles minces d'acier soumise à des sollicitations statiques et dynamiques.
29 Étude bibliographique
Les techniques expérimentales de l’extensométrie par jauges électriques et celles de l’émission acoustique ont été utilisées par Gilibert [GIL87] pour étudier le comportement d’assemblages collés à simple recouvrement en biseau et en escalier dans des essais de traction simple, fatigue ou en cisaillement. Un modèle analytique traitant le comportement d’un assemblage collé à double recouvrement a été proposé par Berdah, Gilibert et Rigolot [BER-87]. La théorie des développements asymptotiques de Rigolot [RIG-76], [RIG-80] propose une solution alternative aux problèmes de singularité des contraintes. Assih [ASS98] a étudié le comportement mécanique des poutres en béton armé renforcées ou réparées par collage de plaques composites en fibre de carbone. Une étude sur le renforcement à l’effort tranchant des poutres en béton armé a été réalisée par Diagana [DIA-01] Le comportement mécanique des poutres mixtes acier-béton assemblées par un joint d’adhésif a fait l’objet d’une étude expérimentale et théorique menée par Bouazaoui [BOU05]
I.2.2 RENFORCEMENT DES STRUCTURES EN BETON ARME PAR COLLAGE DE PLAQUES EN ACIER
Les premiers travaux de recherche sur l’application de cette technique de renforcement ont été initiés par Krieg et al [KRI-66], Hermite et Bresson [HER-67], et Burkhardt et al [BUR-75]. La proposition a été faite que la capacité portante d’un élément en béton armé peut être augmentée par la mise en place de plaques en acier par l’intermédiaire d’un joint collé. Un modèle qui estime la charge ultime provoquant le décollement des plaques en acier est proposé par [THE-90]. Le modèle proposé a été basé sur les modèles prédictifs décrivant le comportement des joints à simple et à double recouvrement. Le comportement local des plaques en acier au voisinage des fissures ainsi que les déformations dans la phase des déformations non-linéaires dans la section fissurée ont été étudiés.
30 Étude bibliographique
Les lois de distribution des contraintes dans le joint adhésif ont été étudiées par [ROB89]. La solution proposée a montré que les contraintes normales et les contraintes de cisaillement deviennent maximales vers les extrémités du renforcement extérieur. L’énergie de déformation critique qui entraîne la propagation d’une fissure à l’interface tôle-béton a été recherchée par [HAM90]. Les lois de conservation de la théorie d’élasticité ont été mises en œuvre. On a observé que la charge critique de décollement est relativement insensible à l’épaisseur de l’adhésif. Une étude paramétrique [MAC-82], [SWA-87] a montré que le ratio b doit être t inférieur à 50 afin de réduire les contraintes à l’interface béton acier, « b » étant la largeur de la plaque en acier et « t » son épaisseur. Des études sur les possibilités d’ancrage [JON], [SWA] ont montré que l’effort ultime supporté par la structure et le mode de rupture change considérablement avec l’utilisation des dispositifs d’ancrage tels que des tôles superposées aux extrémités. La fixation des extrémités du renforcement extérieur en acier par l’intermédiaire de boulons empêche sa séparation complète du reste de la structure (bien que le décollement ne soit pas évité). Une épaisseur optimale du joint adhésif est déterminée par [SWA]: l’épaisseur de la couche adhésive doit être inférieure à 1.5mm pour avoir un collage optimal. Un programme expérimental mené par [VAN-85], [VAN-86], a eu comme objectif d’étudier le comportement des poutres en béton armé renforcées à la flexion et à l’effort tranchant par mise en place de renforcement extérieur en acier. Deux possibilités de fixation des tôles ont été utilisées : des goujons filetés et le collage avec une résine époxyde. L’augmentation de la capacité portante était plus importante pour les poutres dans lesquelles
31 Étude bibli
ographique les tôles sont collées. Les goujons par contre sont recommandés dans le cas où le joint adhésif est compromis. La conclusion tirée est que les goujons augmentent considérablement la durée de vie de la structure en béton armé renforcée par collage de plaques en acier.
I.2.3 LE MATERIAU COMPOSITE COMME UNE OPTION ALTERNATIVE
Chronologiquement les matériaux en FRP (Fiber Reinforced Polymer) ne sont pas un au nouveau. Ils sont connus dans l’industrie aérospatiale depuis quelques décennies. L’évolution de la technique de fabrication des matériaux en FRP a entraîné une diminution du coût et leur application a pris un grand essor, y compris dans le domaine du bâtiment et des travaux publics. Les matériaux composites apparaissent comme une alternative à l’utilisation des tôles d’acier. Comparés avec l’acier, les FRP ont de meilleures caractéristiques mécaniques. Ils sont plus résistants et leur poids volumique est moins élevé (Tableau 1.1, Fig. 1.9).
Tableau 1.1 Caractéristiques mécaniques des différents matériaux. Module d’élasticité Contrainte à la rupture Masse volumique E σu ρ GPa MPa kg / m3 210 235-1670* 7800 VerreE 74-75 3500-3600 2600 VerreS 85.5 4600 2480 Carbone à haut module 350-650 2500-4000 1800-2000 Carbone à contrainte élevée 200-240 3500 1700-1800 Kevlar (aramide) 74-130 3500-4200 1390-1450 Acier 32
Étude bibliographique
Les Matériaux composites sont plus faciles à stocker et à manier. Ils n’imposent pas de limitation au niveau des dimensions et de la forme de l’élément de renforcement. Les matériaux composites sont plus résistants à la corrosion et aux attaques chimiques. Dans le cas de renforcement par collage de plaques métalliques la corrosion peut détériorer l’interface et provoquer ainsi une perte d’adhérence.
contrainte * rupture σ carbone aramide * * * verre σy acier ε y ε déformation
Fig. 1.9. : Comportement contrainte – déformation de plaques en fibres de verre, de kevlar, de carbone et d'acier sous une sollicitation de traction uni-axiale.
La comparaison avec les tôles d’acier montre que les matériaux composites sont une solution plus attractive. En même temps la technique du renforcement a fait l’objet de nombreux travaux de recherche, tenant compte du manque de donnée et de l’incertitude, concernant le comportement mécanique de la structure renforcée et du matériau composite. Dans le paragraphe suivant nous proposons une brève présentation des travaux de recherche qui portent sur l’étude expérimentale du renforcement des structures en béton armé, sollicitées à la flexion, par collage de matériau composite. Le modèle expérimental utilisé est une poutre sollicitée en flexion quatre points. Nous nous limitons ici à citer seulement les travaux de recherche dont l’objet est l’étude du comportement mécanique d’une structure soumise à un chargement statique.
33 Étude bibliographique
I.2.4 RENFORCEMENT DES STRUCTURES EN BETON ARME PAR COLLAGE DE FRP
Les premières études sur le comportement mécanique d’une structure en béton armé, renforcée par collage de matériau composite sont réalisées dans le laboratoire fédéral Suisse par Meier et Kaiser [MEI-92]. L’augmentation de la capacité portante, par rapport à une poutre non renforcée de référence était de 200%. La constatation a été faite que la propagation des fissures de cisaillement peut entraîner le décollement prématuré du renforcement extérieur en matériau composite. A la base d’une étude expérimentale sur le comportement des poutres en béton armé renforcées par collage de matériau composite dans des essais de flexion quatre points et des résultats d’une modélisation analytique les modes de rupture intervenant, ont été classifiés par Triantafillou et al. [TRI92] : • rupture de la plaque composite (Zone I) • rupture par écrasement du béton (Zone II) • rupture par compression (Zone III) Un diagramme qui permet d’identifier le mode de rupture en fonction des quantités d’acier et de renforcement en matériau composite a été proposé (Fig. 1.10). 34 Taux du renforcement d'acier ρs
Étude bibliographique ρ s2 Zone III ρ s1 Zone II Zone I 0 ρ p1
Taux du renforcement de plaque composite ρ p2 ρ p Fig.1.10.: Diagramme de rupture en fonction des pourcentages de plaques composites et d'acier d'après [TRI92]
Dans le cadre d’une étude expérimentale Dubois et al [DUB-92] ont testé des poutres en béton armé de dimension 1000x125x125mm, renforcées de plaques composites en fibres de verre unidirectionnelles et bidirectionnelles. Pour certains des corps d’épreuve, un dispositif d’ancrage a été prévu : les extrémités des plaques composites collées ont été fixées par l’intermédiaire de boulons. L’augmentation de la capacité portante, par rapport à Configuration la poutre de référence, est rappelée dans le tableau suivant :
Type de renforcement Sans Avec renforcement à renforcement à l’effort tranchant l’effort tranchant 58% A Fibres de verre unidirectionnelles 18% B Fibres de verre bidirectionnelles 32% C Identique aux configurations A et B avec 34% 77% un dispositif d’ancrage supplémentaire
Des essais sur des poutres de grandes dimensions (4100 x 300 x 200mm) ont montré une augmentation de la capacité portante de 60%.
35 Étude bibliographique
Des poutres d’une section en « T » avec et sans précontrainte, renforcées par collage d’une plaque en matériau composite ont été soumises à un essai de flexion quatre points [DES95]. L’augmentation de la charge ultime était de 32%. Les auteurs ont observé, par contre, une influence de la précontrainte sur la flèche de la poutre renforcée. Avec la précontrainte, la flèche diminue approximativement de 100%, tandis que sans précontrainte la flèche de la poutre ne change pas avec la mise en place du renforcement en matériau composite. Arduini et al. [ARD97] ont fait des essais avec des poutres en béton armé renforcées ou non renforcées par collage de matériaux composites. Quatre types de poutres ont été testés. (Fig. 1.11.) Les poutres de Type 1 étaient sans renforcement en plaques de matériau composite. Sur la face tendue des poutres de type 2 des plaques composites contenant une couche de matériau composite ont été collées. Les poutres de type 3 étaient renforcées par collage de plaques contenant trois couches de matériau composite. Les poutres de type 4 avaient une plaque composite de trois couches aussi, mais sur les côtés latéraux une plaque monocouche a été collée.
Fig. 1.11. : Différents types de poutre et différents mécanismes de rupture.
36
Étude bibliographique
Les chercheurs ont observé une augmentation de la capacité portante avec la mise en place de renforcement en matériau composite, qui était pourtant accompagné par un changement du mode de rupture. La rupture pour la poutre type 1 s’est produite par écrasement du béton longtemps après l’écoulement plastique de l’acier de l’armature tendue. Pour la poutre type 2 une rupture du matériau composite dans la zone de la section médiane a été observée après l’écoulement dans l’armature longitudinale. La plaque contenant 3 couches de FRP, collée sur la poutre type 3, a subi un décollement. Richie et al. [RIC91] ont réalisé une étude dans laquelle 16 poutres sousdimensionnées ont été testées afin d’étudier l’efficacité du renforcement extérieur en fibres d’aramide de verre et de carbone. Une augmentation de la rigidité entre 17% et 99% et de la force ultime atteinte entre 40% et 97% a été observée. Richie et al. ont constaté que pour un nombre important de poutres, la rupture a eu lieu dans la zone, située au voisinage de l’extrémité de la plaque composite. Un dispositif d’ancrage a été utilisé pour augmenter la capacité portante des poutres, mais les modes de rupture fragile et les modes de rupture par décohésion du renforcement extérieur n’ont pas été évités. Les résultats d’un modèle itératif analytique, développé par Geymayer [GEY68] ont été confrontés aux résultats expérimentaux. Malgré leur bonne cohérence, les résultats du modèle prédictif ont été surestimés en terme de rigidité. Saadatmanesh et Ehsani [SAA91] ont testé cinq poutres de section rectangulaire et une poutre de section en « T » renforcées par collages de plaques en GFRP soumises à une flexion quatre points. Les résultats des essais sur les poutres de section rectangulaire ont montré une augmentation considérable de la capacité portante avec la mise en place des plaques en composite sur la face tendue de la section. La charge de ruine n’était pas très élevée. Les auteurs ont expliqué que le mode de ruine par décollement de la plaque, à un niveau très faible du chargement, était lié au manque de renforcement intérieur en acier. Ils en ont tiré la conclusion qu’une quantité minimale de l’armature tendue est nécessaire pour
37 Étude bibliographique
limiter l’ouverture des fissures provoqué par le moment fléchissant et ainsi éviter le décollement de la plaque. Pour la poutre de section en « T » la capacité portante atteinte par collage de la plaque en matériau composite a été deux fois plus grande que celle d’une poutre non renforcée. La mise en place de renforcement a retardé la fissuration et a limité l’ouverture des fissures, mais la ductilité des structures testées a diminué. Chajes et al. [CHA94] ont testé des poutres renforcées par collages de composites (aramide, Everre, graphite). Ils n’ont pas prévu de renforcement à l’effort tranchant. Avec le déroulement des essais, un dispositif d’ancrage a été mis en place pour éviter la rupture par décollement de la plaque composite. Le mode de rupture détecté dans les poutres renforcées par plaques en aramides a été la rupture du composite. La variété des modes de rupture a été attribuée à la différence des propriétés mécaniques du renforcement et plus précisément à la déformation ultime des différents types de matériaux composites utilisés. La déformation ultime du composite en aramide était deux fois plus grande que celle du composite en E-verre et 5 fois plus grande que celle du composite en graphite. La résistance en flexion a augmenté, elle est passée de 36% à 53% ; il en va de même pour la rigidité en flexion qui est passée de 45% et 53%. Cette augmentation de certaines performances mécaniques a été accompagnée d’une diminution de la ductilité. L’index de ductilité pour les poutres renforcées est passé de 2 à 3 tandis que l’index de ductilité pour la poutre sans renforcement est passé de 4 à 5. Un modèle analytique proposé par An et al. [AN-91], fondé sur les relations contraintedéformation des matériaux utilisés, a été développé. Buyunkoztuk et Hearing [BUY98] ont étudié les modes de rupture qui ont lieu dans les poutres en béton armé renforcées par collage de matériaux composites. Ils ont constaté que le mode de rupture par décollement de la plaque a lieu dans le cas où la poutre a une résistance à l’effort tranchant plus élevée. La séparation de l’enrobage en béton a été détectée dans des poutres renforcées par des plaques en composite qui étaient relativement courtes. La supposition a été faite que ce mode de rupture est dû à la concentration des contraintes à
38 Étude bibli
ographique l’extrémité de la plaque composite. Cette supposition a été confrontée à la supposition que le délaminage de la plaque en composite est provoqué par la formation de fissures de l’effort tranchant et du moment fléchissant dans la poutre en béton armé. L’influence de l’ancrage de l’extrémité de la plaque composite sur le comportement mécanique et sur le mode de rupture globale a été étudiée par Garden et Hollaway [GAR98]. 12 poutres de dimensions 100x100x1000mm ont été testées. Toutes les poutres ont été sousestimées en flexion. L’étude expérimentale a montré une augmentation significative de la capacité portante des poutres renforcées avec la mise en place d’un dispositif d’ancrage prévu. La charge ultime atteinte par les poutres sans ancrage était entre 88% et 177% plus grande que la charge ultime détectée dans la poutre de référence. Avec la mise en place d’un dispositif d’ancrage une augmentation de la capacité portante de 192% à 209% par rapport à la poutre de référence a été constatée. Dans la poutre de référence un écoulement plastique de l’armature tendue a été observé. Il était suivi par l’écrasement du béton. Les modes de rupture observées dans les poutres renforcées ont été classifiés en : • Rupture par séparation de l’enrobage, • Rupture par séparation partielle de l’enrobage. Une rupture par séparation de l’enrobage s’est produite dans les poutres sans dispositif d’ancrage. Pour les poutres munies d’un dispositif d’ancrage le décollement de la plaque en composite s’est amorcé au voisinage des fissures dues à l’effort tranchant. Rahimi et Hutchinson [RAH01] ont testé des poutres de dimensions 200x150x2300mm. Pour les différents corps d’épreuve ils ont fait varier la quantité du renforcement intérieur en acier, ainsi que la quantité et le type du renforcement extérieur en matériaux composites. Les auteurs ont constaté qu’avec la mise en place du renforcement extérieur en matériaux composites, la capacité portante et la rigidité de la structure augmentent. Ils ont observé une augmentation de la capacité portante de 230%. La conclusion a été faite que la quantité du renforcement intérieur à la flexion et à l’effort tranchant affecte l’efficacité du renforcement extérieur en matériaux composites. Pour des poutres avec un taux du renforcement intérieur élevé, le niveau de contraintes dans la zone comprimée est proche de la résistance du béton en compression. La supposition a été faite, que l’augmentation de la 39 Étude bibliographique capacité portante est conditionnée par les caractéristiques mécaniques et la quantité du renforcement extérieur. On a constaté que l’endroit, où la rupture a lieu, change en fonction de l’épaisseur de la plaque en matériau composite. Les auteurs ont noté une rupture dans l’enrobage en béton, dans une zone proche de la pointe d’application de la charge, pour des épaisseurs plus faibles des plaques en composite. Ils ont observé une transition de l’endroit où la rupture a lieu vers le support avec l’augmentation de l’épaisseur de la plaque en matériau composite. La contrainte moyenne à l’interface béton-matériau composite était plus importante pour les poutres renforcées d’une plaque plus épaisse. La conclusion a été tirée que la concentration des contraintes à l’extrémité de la plaque composite du renforcement extérieur n’est pas le mécanisme de ruine qui entraîne la rupture globale de la structure renforcée comme c’était le cas observé pour les poutres renforcées par collage de plaques métalliques. Dans leur programme expérimental Rahimi et Hutchinson ont observé des ruptures dans l’enrobage en béton et le décollement de la plaque composite. Pour résumer les études expérimentales citées ci-dessus nous pouvons dire qu’avec le collage de matériaux composites, tous les chercheurs ont observé une augmentation de la capacité portante et de la rigidité. Ils reportent en même temps la manifestation de nouveaux modes de rupture, introduits avec la mise en place du matériau composite. Deux hypothèses sur le mode de rupture par décollement de la plaque composite sont confrontées: • Le décollement résulte des mécanismes de ruine qui ont lieu dans l’élément renforcé, telle que la fissuration due à la flexion ou à l’effort tranchant. • Le décollement résulte de géométrie du joint adhésif: la supposition est faite qu’une concentration des contraintes aux extrémités de la plaque composite provoque le décollement de la plaque. 40 Étude bibliographique
Il faut noter que la deuxième hypothèse est en concordance avec l’augmentation de la force ultime atteinte avec la mise en place d’un dispositif d’ancrage à l’extrémité du renforcement extérieur en matériau composite. Le comportement mécanique de la structure renforcée change d’une façon qualitative et quantitative en fonction d’une multitude de paramètres indépendants [TRI92] tels que: • Les propriétés mécaniques des matériaux utilisés, • Le taux de renforcement, • La géométrie de la structure renforcée. Pour modéliser la structure renforcée nous pouvons introduire des modèles pour tous les mécanismes de résistance qui interviennent dans le système considéré. Nous pouvons utiliser par exemple l’analogie de Ritter qui décrit la « réponse » d’une poutre à l’action du moment fléchissant et le modèle de l’arc interne qui décrit la réponse d’une poutre à l’action de l’effort tranchant pour étudier le comportement à la rupture de la poutre. Une option alternative est la modélisation des lois de comportement des différents matériaux qui font partie de la structure étudiée: béton, acier, matériau composite, adhésif et définir un critère de rupture local à chaque matériau. Les critères de rupture sont définis dans l’espace des déformations et respectivement dans celui des contraintes. Les champs des contraintes et des déformations sur la géométrie de la structure étudiée sont déterminés numériquement. Nous pouvons étudier ainsi le comportement à la rupture de la structure renforcée. Nous décrivons en détail l’approche que nous avons choisie pour simuler le comportement de la structure renforcée dans le chapitre « Modélisation ». Dans le paragraphe suivant nous présentons le cadre théorique de notre approche.
41
Étude bibliographique I.3 MODEL DU COMPORTEMENT MECANIQUE D’UNE STRUCTURE EN BETON ARME, RENFORCEE PAR COLLAGE DE CFRP. CADRE THEORIQUE. Les lois constitutives qui décrivent le comportement des matériaux sont définies comme des relations entre les composants du tenseur des déformations ε ij et du tenseur des contraintes σ ij. Plusieurs théories sont développées pour décrire le comportement nonlinéaire des matériaux : plasticité, mécanique de la rupture, mécanique de l’endommagement. Les poutres renforcées, que nous avons testées, étaient initialement saines. Pour cette raison nous avons choisi de simuler leur comportement à travers un modèle qui est basé sur la mécanique de l’endommagement. Sur l’échelle « méso » les lois de comportement sont modifiées par les mécanismes de coalescence et de propagation des microfissures. Sur le plan théorique, il existe deux approches principales pour étudier le comportement à la rupture du matériau : modèle de la fissure distribuée et modèle de la fissure discrète. Nous choisissons l’approche de la fissure distribuée (smeared crack). L’autre approche n’est pas applicable dans notre cas. Pour évaluer la possibilité qu’une instabilité de milieu ait lieu, elle suppose une évaluation de l’état des contraintes dans la pointe de la fissure. Comme nous l’avons déjà mentionné nous n’avons pas de fissuration initiale, nous sommes obligés de commencer par l’étape précédente, dans laquelle on n’observe pas de fissuration sur l’échelle « méso ». Dans cette étape, par contre, une micro-fissuration est générée suite à l’application de la charge. Nous prenons en considération l’influence de cette microfissuration sur les lois constitutives à travers le modèle de la fissuration distribuée. Nous rappelons dans le paragraphe suivant des notions de base de la théorie d’élasticité et nous introduisons la variable d’endommagement.
42 Étude bibliographique I.3.1 NOTIONS
DE BASE DE LA THEORIE D’ELASTICITE. Pour une sollicitation générale, la loi de Hooke est représentée par les équations (114), (1-15), (1-16) avec la convention suivante: dans un repère orthonormé X ( x1, x2, x3 ) la notation σ i, j signifie que la contrainte σ agit dans un plan perpendiculaire à xi et sa direction est parallèle à xi.
ε11 = σ 11 ε 21 = −υ.ε11 ε 31 = −υ.ε11 (1-14) ε 32 = −υ.ε 22 (1-15) E Pour une sollicitation dans la direction « 1 », ε12 = −υ.ε 22 ε 22 = σ 22 E Pour une sollicitation dans la direction « 2 », ε13 = −υ.ε 33 ε 32 = −υ.ε 33 ε 33 = σ 33 (1-16) E
Pour une sollicitation dans la direction « 3 ». La déformation dans la direction « 1 » après une superposition des actions sera: ε1,
tot = ε1 = ε11 + ε12 + ε13 = σ 11 E − υ E (σ 22 + σ 33 ) (1-17) Avec la définition de la contrainte hydrostatique σH = σ 11 + σ 22 + σ 33 3 (1-18)
43 Étude bibliographique et la déformation hydrostatique
εH
= ε11
+
ε
22 +
ε
33
(1-19) 3
A partir de (4) par analogie et après transformations on arrive à: σ ii = ε ii. E ν.E +.3ε H, i = 1..3 (1 + υ ) (1 + υ ). (1 − 2υ ) (1-20) et σ ii = ε ii.λ + μ.3ε H, i = 1..3 (1-21) Les coefficients de Lamé sont définis d’une manière classique: λ= υ.E E et μ = (1 + υ ) (1 + υ ). (1 − 2.υ ) (1-22) Les relations (1-20) sont complétées par: σ ij = γ G, i = 1..3, j = 1..3, i ≠ j (1-23) En forme matricielle pour la loi d’élasticité, on a : σ ij = E.ε ij (1-24) où σ ij = [σ 11 σ 22 σ 33 σ 23 σ 31 σ 12 ], T ε ij = [ε11 ε 22 ε 33 ε 23 ε 31 ε12 ].
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Développement de méthodologie, conception et validation de détergents / biocides pour le nettoyage en place de membranes polymères de l’industrie laitière
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THESE DE DOCTORAT DE L'UNIVERSITE DE RENNES 1 COMUE UNIVERSITE BRETAGNE LOIRE ECOLE DOCTORALE N° 596 Matière Molécules et Matériaux Spécialité : « Chimie : Procédés et Environnement » Par Lucie LE PETIT, Ingénieure CPE Lyon « Développement de méthodologie, conception et validation de détergents/biocides pour le nettoyage en place de membranes polymères de l’industrie laitière » Thèse présentée et soutenue à Rennes, le 22 juin 2020 Unité de recherche : « Institut des Sciences Chimiques de Rennes » UMR CNRS 6226, Equipe Chimie Ingénierie des Procédés Composition du Jury :
Thierry Bénézech, Directeur de Recherche, INRAe Lille / Rapporteur Christel Causserand, Professeur, LGC, Université Paul Sabatier, Toulouse / Rapporteur Estelle Couallier, Chargée de Recherche CNRS, GEPEA, St Nazaire / Examinatrice Geneviève Gésan-Guiziou, Directrice de Recherche, INRAe Rennes / Présidente du jury Murielle Rabiller-Baudry, Professeur, ISCR, Université de Rennes 1 / Directrice de thèse Régis Périon, Directeur R&D, Kersia, Dinard / Co-directeur de thèse Ce
travail
a été
réalisé grâce au soutien financier de l’ANRT ainsi que de
l’entreprise Kersia dans le cadre d’une convention CIFRE
Remerciements
Cette thèse est l’achèvement de 3 ans de travaux. 3 ans ça paraît long au début, et puis on se rend rapidement compte que ça passe très vite. Une thèse, c’est riche en émotions : appréhension, doute, enthousiasme, envie, curiosité, acharnement, stress, optimisme (des fois le contraire) et finalement de la satisfaction et de la fierté
. Mon goût pour la chimie s’est prononcé tôt, même lorsqu’il s’agissait de compter le nombre de moles au lycée et qu’on ne comprenait pas très bien ou cela allait nous mener. Mon DUT de Chimie m’a permis d’accéder à l’école CPE Lyon. Tout ce parcours et ces longues années sur les bancs de l’école ont forgé mon envie de faire une thèse et de percer dans le domaine de la recherche au fur et à mesure. Un stage à l’INRA sur le lait et un an chez Unilever dans la détergence et me voilà retournée à Rennes pour travailler sur la conception de détergents pour nettoyer les membranes à filtration du lait. Coïncidence ou évidence? En tout cas, cela aura été une belle aventure qui aura duré 10 ans et qui j’espère ne s’arrêtera pas ici. J’espère que cette thèse sera le début d’une belle carrière scientifique. Je tiens tout d’abord à remercier l’ANRT et l’entreprise Kersia pour le financement de cette thèse. Je remercie Murielle Rabiller-Baudry pour son encadrement, sa ténacité, le partage de son intelligence scientifique et ses précieux conseils. Merci également de m’avoir permis de participer à plusieurs congrès scientifiques en Europe mais aussi jusqu’au Maroc, et de m’avoir fait confiance. Je remercie également mes encadrants de Kersia, Régis Périon pour m’avoir donné l’opportunité d’effectuer cette thèse dans un premier temps, ainsi qu’Olivier Connan, pour leur suivi, leur gentillesse, leurs conseils et leur disponibilité. Je remercie Geneviève Gésan-Guiziou qui a accepté de faire partie de mon jury et de mon comité de suivi de thèse pendant ces 3 années, ainsi que Jean Rocherullé également pour avoir participé à mon comité de suivi. Je remercie Christel Causserand et Thierry Bénézech d’avoir accepté d’être rapporteurs de ce travail, ainsi que Estelle Couallier pour sa participation au jury. Je remercie toute l’équipe CIP et plus particulièrement l’équipe membrane située au 10A pour leur accueil chaleureux: Thierry, Lydie, Anthony et Patrick qui ont été là quand il le fallait, autant pour des conseils scientifiques que pour discuter autour d’un café. Ces collègues ont d’abord été mes professeurs à l’IUT ; dont j’ai appris à connaître leurs sujets de recherches à postériori, ce qui est bien dommage quand on comprend leur passion pour ce domaine de recherche. Merci également à Marina et Serge pour leur gentillesse et leur disponibilité. Je remercie également Thomas Vivès pour m’avoir initiée puis permis de réaliser toutes les mesures de tensiométrie à l’ENSCR, ainsi que Francis Galle (SurfactGreen) pour son partage et sa flexibilité. Je remercie de tout mon cœur les doctorants, post-doctorants et stagiaires avec qui on a vécu de très bons moments autant professionnellement que personnellement : Antoine, Hiba, Thi Vi Na, Pacôme, Zelia, Kheir-Eddine, Simon, Fadwa, Marion, Elena, Camille(s), Omar, Walid, Corine, Sara(s), Yamina, Penglin, Dorian, Karolina, Aziz, Raouf(s)... ainsi qu’Adel. On en rencontre du monde en 3 ans, surtout dans un bureau dans lequel on a poussé les meubles (presque les murs) pour faire rentrer tout le monde. Merci à tous, venus d’ici et d’ailleurs, avec qui on a beaucoup partagé, surtout culturellement parlant. Je remercie également les différents bureaux d’ACiD pour cette vie associative riche et avec lesquels on a essayé de dynamiser l’ISCR et de faire bouger les choses, avec plus ou moins de succès : Barthélémy, Mehdi, Thomas, Nicolas, Quentin, Marie, Vincent, Thimothé et Youenn. Cette association a mis encore plus de couleurs à ma vie de tous les jours au sein de l’ISCR. On aura mis beaucoup de cœur dans toutes nos idées, tentatives et réussites. Je souhaite longue vie à cette association et toujours plus de projets. La présidente tire sa révérence. Longue vie également à l’association Nicomaque, ainsi que Sciences en cour[t]s et Pint of Sciences. Ces évènements de vulgarisation scientifique sont très importants et doivent perdurer. Merci aux doctorants qui s’impliquent dans tout ça. Merci également à l’administration de l’ISCR, notamment Marc Fourmigué, pour m’avoir nommée au conseil d’unité et m’avoir permis de découvrir les dessous de cette UMR. Evidemment, je remercie tous mes amis qui m’ont suivi pendant ce long cursus scolaire. Tout d’abord les Préalien(ne)s avec qui on s’est serrés les coudes de nos 3 ans à nos 18 ans sur les bancs de l’école, et bien sûr pour encore bien longtemps. Ils ont forgé la personne que je suis devenue. Les IUTien(ne)s avec qui la passion pour la chimie a réellement commencé. Enfin, les CPEen(ne)s : l’amour de la chimie, mais aussi de l’informatique, nous a réuni, pour ne plus jamais nous quitter. Beaucoup se sont questionnés quant à cette envie de faire une thèse après avoir obtenu un diplôme d’ingénieur « Mais? pourquoi? » Merci d’avoir cru en moi jusqu’au bout. Le parcours était long, mais il en valait le coup. Je remercie ma famille : mon père et ma mère pour m’avoir donné la fibre scientifique et m’avoir encouragée pendant tout mon parcours scolaire, et ma sœur avec qui on a eu le plaisir de débattre longuement sur nos histoires de thésardes. Bon courage Marine, car pour elle, ce n’est pas encore terminé! Last but not least, merci à Romain qui a su comprendre mon dévouement personnel pour cette thèse et qui m’a encouragée (et supportée) pendant ces 3 années avec amour, douceur, gentillesse et persévérance. Liste des travaux Publications internationales avec comité de lecture Publications
à venir
(
en attente de confirmation
au
niveau
de Kersia pour ne pas divulguer de potentielles informations confidentielles)
:
Lucie Le Petit, Murielle Rabiller-Baudry, Romain Touin, Raphaël Chataignier, Patrick Thomas, Olivier Connan, Régis Périon, A new methodology for the demonstration of harmlessness of a biocide on a polyamide reverse osmosis membrane : a multiscale approach of polymer membrane cleaning and disinfection improvement, Separation and Purification (2020) Communications orales internationales Lucie Le Petit, Murielle Rabiller-Baudry, Romain Touin, Raphaël Chataignier, Patrick Thomas, Olivier Connan, Régis Périon, 2018, Methodology for the validation of harmlessness of a non-oxidant biocide useful for polyamide Reverse Osmosis membranes, ISNMS (The First International Symposium on Nanomaterials and Membrane Science for Health, Water, Energy and Environment), 11-12 octobre 2018, Marrakech (Marocco) Lucie Le Petit, Murielle Rabiller-Baudry, Romain Touin, Raphaël Chataignier, Patrick Thomas, Olivier Connan, Régis Périon, 2019, A multiscale approach of polymer membrane cleaning and disinfection improvement, AMARE (International conference on Applications of Multi-scale Approaches in Environmental chemistry), 23-25 Avril 2019, Rennes (France) Murielle Rabiller-Baudry, Lucie Le Petit, Sara El Morr, The interactions between fouling, cleaning and ageing of dairy membranes, Nordic Dairy Congress, 27-29 Mai 2020, Malmö (Suède) – reporté au 2-4 juin 2021 Murielle Rabiller-Baudry, Lucie Le Petit, Sara El Morr, 2020, On a global heuristic approach to formulate detergents/biocides and evaluate their efficiency & harmlessness toward membranes: application to quick evaluation of formulation useful for cleaning & disinfection of polymer membranes of dairy industry, 12th International Congress on Membranes and Membrane Processes, 12-17 Juillet 2020, Londres (UK) – reporté au
décembre 2020
Communications
internationales par poster avec actes Lucie Le Petit, Murielle Rabiller-Baudry, Romain Touin, Raphaël Chataignier, Patrick Thomas, Olivier Connan, Régis Périon, 2018, Methodology for the demonstration of harmlessness of a cleaning solution on a polyamide reverse osmosis membrane, Fouling & Cleaning in Food Processing, 17-20 Avril 2018, Lund (Sweden) + Flash présentation du poster + acte de congrès (8 pages) Communications internationales par poster Lucie Le Petit, Murielle Rabiller-Baudry, Romain Touin, Raphaël Chataignier, Patrick Thomas, Olivier Connan, Régis Périon, 2018, How to shorten demonstration of harmlessness of new formulated disinfectants towards membrane material? Application to Reverse Osmosis and Ultrafiltration membranes, Euromembrane, 9-13 Juillet 2018, Valencia (Spain) Communications orales nationales Lucie Le Petit, Murielle Rabiller-Baudry, Romain Touin, Raphaël Chataignier, Patrick Thomas, Olivier Connan, Régis Périon, 2018, Methodology for the demonstration of harmlessness of a new formulated detergent on a reverse osmosis membrane, Journée des doctorants de l’ISCR, 28 juin 2018, Rennes (France) Table des matières Introduction générale.............................................................................................................. 3 I Chapitre I : Bibliographie................................................................................................
9 1 Détergence et formulation......................................................................................................... 9 1.1 Définition de la détergence...................................................................................... 9 1.2 Les ingrédients d’un détergent............................................................................... 10 1.2.1 Les acides................................................................................................................. 10 1.2.2 Les bases : soude & potasse..................................................................................... 11 1.2.3 Agents chélatants...................................................................................................... 11 1.2.4 Les tensioactifs......................................................................................................... 17 1.2.5 Propriétés des tensioactifs en solution...................................................................... 19 1.3 Détergents formulés............................................................................................... 26 2 Détergents enzymatiques........................................................................................................ 28 2.1 2.2 2.3 2.4 3 Types d’enzymes et formulation........................................................................... 29 Stratégies de nettoyage.......................................................................................... 29 Propriétés d’une enzyme : activité, pH optimum.................................................. 30 Etape de désactivation........................................................................................... 30 Désinfection............................................................................................................................ 31 3.1.1 3.1.2 3.1.3 4 Hypochlorite de sodium........................................................................................... 31 Acide peracétique/H2O2........................................................................................... 32 Autres désinfectants................................................................................................. 32 Filtration membranaire............................................................................................................ 33 4.1 Plusieurs types de procédés baro-membranaires................................................... 34 4.2 Grandeurs caractéristiques..................................................................................... 35 4.2.1 Pression transmembranaire....................................................................................... 35 4.2.2 Flux de perméat et perméance.................................................................................. 35 4.2.3 Rétention d’un soluté / seuil de coupure d’une membrane...................................... 36 4.3 Matériaux membranaires....................................................................................... 36 4.4 Géométries............................................................................................................. 38 4.5 Facteurs limitant les transferts............................................................................... 39 4.5.1 Filtration frontale / filtration tangentielle................................................................. 39 4.5.2 Flux de solvant : Jp...................................................
................................................ 40 4.5.3 La polarisation de concentration.............................................................................. 41 4.5.4 Colmatage................................................................................................................. 42 4.5.5 Comment limiter le colmatage? Flux critique vs flux limite................................... 43 4.5.6 Méthodes alternatives afin de limiter le colmatage.................................................. 45 5 Nettoyage appliqué à la filtration membranaire...................................................................... 47 5.1 Décolmatage physique........................................................................................... 47 5.1.1 Rétrolavages............................................................................................................. 47 5.1.2 Ultrasons................................................................................................................... 48 5.2 Rinçages et nettoyage chimique............................................................................ 49 5.2.1 Qualité de l’eau........................................................................................................ 49 5.2.2 Optimisation de l’efficacité d’une solution détergente............................................ 50 5.2.3 Nettoyage En Place (NEP) par une cascade de détergents....................................... 51 5.2.4 Problématique du relargage de constituants des solutions détergentes.................... 52 5.2.5 Réutilisation de solutions détergentes...................................................................... 52 5.3 Nettoyage enzymatique......................................................................................... 53 Comment évaluer l’efficacité d’un nettoyage?...................................................................... 54 6 6.1 Définition de la propreté........................................................................................ 54 6.2 Mesures en ligne pour déterminer la propreté hydraulique d’une membrane....... 55 6.3 Mesures « hors ligne » pour déterminer la propreté chimique.............................. 57 6.3.1 Analyse des souillures relarguées............................................................................. 58 6.3.2 Images, morphologies.............................................................................................. 59 6.3.3 Propriétés physico-chimiques globales des surfaces................................................ 61 6.3.4 Identification des éléments et analyses semi quantitative ou quantitative............... 68 6.3.5 Analyses de dépôts épais.......................................................................................... 70 7 Le vieillissement chimique des membranes : conséquence du NEP?.................................... 71 7.1 Définitions du vieillissement (physique, chimique, mécanique)........................... 71 7.2 Comment étudier le vieillissement des membranes?............................................ 72 7.2.1 Techniques d’analyses.............................................................................................. 72 7.2.2 Protocoles de vieillissement accélérés des membranes............................................ 75 7.3 Sait-on quelle étape du NEP est responsable du vieillissement des membranes? 77 7.3.1 Dégradation de membranes en PES/PVP................................................................. 77 7.3.2 Action de l’hypochlorite sur des membranes polyamides........................................ 82 7.3.3 Conclusion sur les dégradations............................................................................... 85 UF de lait : état de l’art du NEP.............................................................................................. 85
8
8.1 Composition du lait et propriétés........................................................................... 85 8.1.1 Les protéines............................................................................................................. 87 8.1.2 Les minéraux du lait................................................................................................. 88 8.2 Composition des lactosérums................................................................................ 88 8.3 Rapide historique sur la valorisation des ingrédients laitiers................................ 89 8.4 Opérations à membranes dans l’industrie laitière.................................................. 90 8.5 Etat de l’art du NEP d’une membrane d’UF de lait écrémé à l’échelle industrielle92 8.5.1 Colmatage irréversible : cible du NEP..................................................................... 93 8.5.2 Les membranes d’UF de l’industrie laitière............................................................. 94 8.5.3 Séquence classique de NEP...................................................................................... 95 8.5.4 Sélection de détergents formulés pour éliminer les protéines
.................................. 96 9 Résumé.................................................................................................................................... 96
10 II
S
tratégie du projet de thèse................................................................................................. 96 Chapitre II : Matériels et méthodes............................................................................ 101
1 Fluides et solutions utilisées................................................................................................. 101 1.1 1.2 1.3 1.4 1.5 2 Eau....................................................................................................................... 101 Lait écrémé UHT................................................................................................. 101 Solutions commercial es alcalines formulées de nettoyage.................................. 101 Détergents enzymatiques..................................................................................... 102 Solutions de désinfection..................................................................................... 103 Analyse des solutions............................................................................................................ 106 2.1 2.2 2.3 Mesure de pH....................................................................................................... 106 Conductimétrie.................................................................................................... 106 DCO (demande chimique en oxygène)................................................................ 106 2.4 2.5 2.6 2.7 2.8 3 Osmose inverse..................................................................................................................... 110 3.1 3.2 3.3 3.4 4 Dosage colorimétrique de tensioactifs non ioniques (UV-Visible)..................... 107 Point de trouble.................................................................................................... 107 Mesure de la tension superficielle d’une solution détergente.............................. 108 Détermination de la CMC (concentration micellaire critique) par tension de surface 109 Tests de stabilité des détergents prototypes formulés.......................................... 110 Membranes.......................................................................................................... 110 Pilote d’OI........................................................................................................... 111 OI avec membrane spirale................................................................................... 112 OI avec membrane plane..................................................................................... 112 Ultrafiltration........................................................................................................................ 112 4.1 Membranes.......................................................................................................... 112 4.2 Pilote plan d’ultrafiltration (dit « Pilote new UF CEA »)................................... 112 4.3 Pilote d’UF spiralé............................................................................................... 114 4.4 Protocole d’UF de lait écrémé (module plan)...................................................... 115 4.5 Nettoyages ex-situ des membranes planes en réacteurs fermés.......................... 116 4.5.1 Echantillonnage des coupons de membranes à nettoyer........................................ 116 4.5.2 Cartographie des dépôts avant nettoyage............................................................... 117 4.6 Nettoyage en place sur pilote plan....................................................................... 118 4.7 UF de lait écrémé et nettoyage en place sur module spiral................................. 119 5 Vieillissement accéléré des membranes sous micro-ondes................................................... 120 5.1 5.2 5.3 6 Démarche générale.............................................................................................. 120 Vieillissement des membranes d’OI sous MW pulsées....................................... 121 Vieillissement des membranes d’UF en PES/PVP sous MW pulsées................. 123 Caractérisation des membranes neuves, colmatées, nettoyées, vieillies............................... 125 6.1
ATR-FTIR
...........................................................................................................
125 6.1.1 Spectromètre ATR-FTIR (Jasco
)
...........................
................
................................ 125 6.1.2 Spectre
d’une
membrane vierge PES/PVP
.............................................................
126 6.1.3 Spectre d’une membrane vierge en polyamide
......................
................................ 127 6.1.4 Dosage des protéines sur la membrane d’ UF PES/PVP........................................ 130 6.1.5 Dosage des
tensi
o
actifs résiduels sur la membrane d’UF PES/PVP...................... 132 6.2
Potentiel d’éco
ulement
........
................
................................................................
133 6.3 Mesures des angles de contact sur des matériaux plans et secs........................... 133 6.3.1. Préparation des matériaux à caractériser..................................................................... 133 6.3.2. Mesures par la technique de la goutte posée............................................................... 134 6.3.3. Détails des mesures et caractéristiques des solvants purs........................................... 135 6.3.4. Détails des mesures pour les détergents......................................................................
136 III Chapitre III : Time-efficient multiscale approach of polymer membrane degradation and stability : application to formulation of harmless non-oxidative biocide for polyamide and PES/PVP membranes..........................................................................................................
141 Abstract:.......................................................................................................................................
141 Keywords
......
................................................................................................................................ 141 1 Introduction........................................................................................................................... 141 2 Methodology General
time-efficient methodology
to
study filter
ability and
membrane age
ing of a formulated detergent/ biocide................................................................
................................ 144
2.1 Choice of the analytical routine tool for routine use........................................... 144 2.1.1 Impact of chlorine disinfection on PES/PVP membrane ageing............................ 145 2.1.2 Impact of chlorine disinfection on Polyamide membranes ageing........................ 145 2.2 Accelerated ageing by membrane immersion under microwaves (MW)............ 146 2.3 Overall methodology........................................................................................... 148 3 Experimental......................................................................................................................... 149 3.1 Water, solutes and solutions................................................................................ 149 3.2 Formulated biocide prototypes............................................................................ 149 3.3 Membranes and filtration cell.............................................................................. 150 3.3.1 RO membranes....................................................................................................... 150 3.3.2 UF membrane......................................................................................................... 150 3.3.3 Filtration cell for flat membranes........................................................................... 151 3.4 Pilot for cross-flow filtration............................................................................... 151 3.4.1 Standard conditions................................................................................................ 151 3.4.2 Biocide filtration with flat membrane.................................................................... 152 3.5 RO with spiral membrane (step 3)....................................................................... 152 3.6 Ageing experimental conditions under pulsed micro-waves (step 1).................. 153 3.7 ATR-FTIR analysis of membranes...................................................................... 154 4 Results and discussion.......................................................................................................... 155 4.1 How to evidence the possible adsorption of biocide ingredients on membrane.. 155
4.2 Membrane accelerated ageing under microwaves (step 1).................................. 160 4.2.1 RO membrane (170 W).......................................................................................... 160 4.2.2 UF membrane......................................................................................................... 161 4.3 CIP in filtering conditions with flat membrane (step 2)...................................... 163 4.3.1 RO membrane in biocides at target concentration of use....................................... 163 4.3.2 UF membrane......................................................................................................... 165 4.4 Long-time tests with spiral wound RO membrane (step 3)................................. 167 5 Conclusion............................................................................................................................ 168 Acknowledgments........................................................................................................................ 170 Nomenclature............................................................................................................................... 170 References.................................................................................................................................... 170 Appendices
/
Supplementary
........................................................................................................ 174
Append
ix 1:
Degradation
of PES and PSf...................................................................... 174
Appendix 2: degradation of Polyamide..........................
................
................................
175 Appendix 3: FTIR data for PA membranes according to literature................................ 175 Appendix 4: ATR-FTIR spectra of RO membrane immersed in Biocide B at 1.5 wt% at start under MW (170 W)........................................................................................................ 176 Appendix 5: ATR-FTIR spectra of RO membrane immersed in Biocide D at 1 wt% at start under MW (170 W)................................................................................................................... 176 Appendix 6: experimental : ATR-FTIR......................................................................... 177 Appendix 7 : Permeance of the RO flat membranes in Biocide A, B & D................... 177 Appendix 8 : ATR_FTIR spectrum of the RO flat membranes after 70 min filtration in Biocide A, B & D and careful rinsing with water........................................................................ 178 IV Chapitre IV : Développement et validation d’un détergent alcalin fort (pH 12.0 – 12.5) pour le NEP d’une membrane PES/PVP d’UF de lait écrémé.................................................. 183
1 Introduction........................................................................................................................... 183 2 Définition du cahier des charges et des objectifs..................................
................................ 184 3 Méthodologie pour valider un détergent alcalin fort............................................................ 185 4 Réflexions sur le développement des prototypes « détergents alcalins forts »..................... 188 5 Résultats................................................................................................................................ 191
5.1 Caractérisation physico-chimiques des solutions détergentes............................. 192 5.1.1 Caractéristiques globales des détergents liquides concentrés................
................ 192
5.1.2
Caractéristiques global
es des
détergent
s liquides dilués
........................................
192 5.2
Colmatag
e des membranes planes en UF et quantification des dépôts protéiques
ir
réversibles
initiaux....................................................................................................... 195 5.3 Nettoyage en réacteur fermé................................................................................
199 5.3.1 Résidus protéiques post-nettoyage par les différents détergents alcalins............... 199 5.3.2 Optimisation de la concentration du prototype 12J sélectionné
.............................
205 5.4 Nettoyage sur pilote plan avec le prototype 12J à 5 g.L-1 sélectionné................ 206 5.4.1 Colmatage en UF de lait écrémé............................................................................ 206 5.4.2 Flux en cours de NEP............................................................................................. 206 5.4.3 Résidus protéiques post-NEP................................................................................. 207 5.5
Etu
de de la
dégrad
abilité de la membrane
d’UF
par le
prototype 12J sous micro-ondes à
400
W 209 5.5.1 Commentaire sur le protocole est les adaptations nécessaires par rapport à la littérature............................................................................................................................... 209 5.5.2 Problématique liée à l’évaporation des solutions sous micro-ondes...................... 210 5.5.3 Analyse ATR-FTIR des membranes traitées 240 min sous micro-ondes à 400 W 211 5.6 Nettoyage sur pilote spirale : validation intermédiaire à l’échelle laboratoire.... 213 5.6.1 Conditions particulières de ces essais.................................................................... 213 5.6.2 Cycles consécutifs d’UF de lait écrémé/ NEP par le prototype 12J à 5 g.L-1........ 213 5.6.3 Comportement de la membrane spirale pendant le NEP avec le détergent prototype 12 J à 5 g.L-1.......................................................................................................................... 215 5.7 Transposition industrielle....................................
................................
................
216 6 Conclusion............................................................................................................................ 217 Remerciements............................................................................................................................. 218 V Chapitre V : Comment rationaliser la décision de reformulation d’un détergent prototype?............................................................................................................................
221 1 Introduction........................................................................................................................... 221 2 Définition du cahier des charges et des objectifs.................................................................. 222 3 Méthodologie pour valider un « détergent alcalin modéré »................................................ 224 4
Réflexions
sur
le développement des prototypes de « détergents alcalins modérés »
: pH 11.5 12.0
.............
................................................................................................................
................
227 5 Résultats................................................................................................................................
230 5.1 Caractérisations physico-chimiques des solutions détergentes........................... 230 5.1.1 Caractéristiques globales des détergents liquides concentrés (détergents « purs ») 230 5.1.2 Caractéristiques globales des détergents liquides dilués........................................ 230 5.2 Colmatage des membranes planes en UF et quantification des dépôts protéiques irréversibles initiaux
....................................................................................................... 232 5.2.1 Liste des essais
effectués
........................................................................................
232 5.2.2 Perméance de référence, dans le lait écrémé et post
-
rinçage
................................. 233 5.2.3
Quantification par
ATR-F
TIR
des dépôts de protéines sur les membranes avant nettoyage............................................................................................................................... 238
5.3 Nettoyage en réacteurs fermés.............
................................
................................
239 5.3.1
Résidus protéiques post-nettoyage par les différents détergents prototypes..........
239 5.0 ± 2.7.....................................................................................................................
240 5.3.2 Autres informations apportées par l’analyse ATR-FTIR....................................... 242 5.4 Nettoyage sur pilote plan avec le détergent prototype : « Formule 3 » à 5 g.L-1 252 5.4.1 Colmatage en UF de lait écrémé............................................................................ 252 5.4.2 Efficacité du NEP................................................................................................... 252 5.4.3 Quid de la propreté hydraulique de la membrane?................................................ 253 5.4.4 Etude de l’impact de la « Formule 3 » en conditions d’UF sur la membrane neuve 256 5.5 Conclusion sur l’utilisation des TANIs en formulation de détergents pour nettoyer des membranes en PES/PVP................................................................................................. 259 5.6 Discussion en lien avec la structure des TANIs.................................................. 260 5.6.1 Structure des TANI et disparition de la PVP......................................................... 262 5.6.2 Structure des TANI et adsorption........................................................................... 263 5.7 Quid de l’évaluation des risques associés au relargage d’un tensioactif adsorbé sur une membrane PES/PVP....................................................................................................... 265 5.7.1 Étude de la désorption d’un tensioactif assistée par ultrasons : une estimation de la quantité minimum relargable par cycle?.............................................................................. 265 5.7.2 Quantification directe sur la membrane du maximum de tensioactif relargable.... 268 5.7.3 Approche de l’estimation du risque lié au relargage de TA9 pendant la phase d’UF de production......................................................................................................................... 276
6 Démarche de reformulation.................................................................................................. 279
6.1.1 S’inspirer des « Formules 1 à 6 » sans TANI pour créer une nouvelle famille de détergents au système tensioactif majoritairement non-ionique : « Formules X »............... 280 6.1.2 Faire évoluer significativement le cahier des charges pour créer une nouvelle famille de détergents au système tensioactif exclusivement anionique : « Formules Y »................ 281 7 Résultats avec un « détergent alcalin modéré » avec un
système tensioactif
purement
anionique
282
7.1
Caractérisations physico-chimiques de la « Formule 16 ».
.................................
282 7.2 Essais réalisés pour étudier l’efficacité de la « Formule 16 »............................. 283 7.3 Nettoyage en réacteurs fermés (LLP25, LLP27)................................................. 283 7.3.1 Résidus protéiques post-NEP................................................................................. 284 7.3.2 Analyse ATR-FTIR des membranes colmatées et nettoyées................................. 285 7.4 Nettoyage sur module plan (LLP28, LLP29)...................................................... 290 7.4.1 Efficacité du NEP................................................................................................... 290 7.4.2 Quid de la propreté hydraulique de la membrane?................................................ 291 7.
4.3 Conclusion partielle sur la « Formule 16 »............................................................ 294 8 Conclusion du Chapitre V..................................................................................................... 294 Remerciements............................................................................................................................. 295 VI Chapitre VI : Nettoyage enzymatique vs nettoyage chimique : y-a-t-il vraiment une différence d’efficacité et de respect de l’intégrité des membranes lors du NEP d’une membrane PES/PVP d’UF de lait écrémé?.......................................................................................... 299
1 Introduction........................................................................................................................... 299 2 Définition des objectifs......................................................................................................... 300 3 Méthodologie utilisée pour la comparaison des détergents enzymatiques........................... 300 4 Détergents enzymatiques...................................................................................................... 301 5 Résultats................................................................................................................................
304 5.1 Colmatage des membranes planes en UF et quantification des dépôts protéiques irréversibles initiaux....................................................................................................... 304 5.1.1 Listes et objectifs des essais effectués.................................................................... 304 5.1.2 Perméance de référence, dans le lait écrémé et post-rinçage................................. 305 5.1.3 Protéines irréversibles initiales............................................................................... 306 5.2 Nettoyage en réacteurs fermés............................................................................. 306 5.2.1 Résidus protéiques post-nettoyage par les différents détergents enzymatiques..... 306 5.2.2 Effet du pH sur le nettoyage enzymatique à 5 g.L-1............................................... 307 5.2.3 ATR-FTIR : Adsorption d’ingrédients / dégradation de membrane?................... 309 5.2.4 ATR-FTIR : quid de la dégradation potentielle de la PVP?.................................. 312 5.2.5 Rôle de l’enzyme vs rôle du « squelette » dans l’efficacité du détergent.............. 315 5.3 Nettoyage sur pilote plan avec le détergent DEPTA UF 305 L à 5 g.L-1 (LLP22)318 5.3.1 Colmatage en UF de lait écrémé et NEP................................................................ 318 5.3.2 Efficacité du NEP : Résidus protéiques post-NEP................................................. 318 5.3.3 Flux en cours de NEP............................................................................................. 319 5.3.4 ATR-FTIR : adsorption, dégradation?.................................................................. 321 5.4 Quid de l’adsorption de la subtilisine du détergent enzymatique sur une membrane vierge? 323 5.4.1 Immersion de membrane vierge dans des détergents enzymatiques...................... 323 5.4.2 NEP d’une membrane vierge en conditions de filtration avec DEPTA UF 305 L (LLP24) 323 5.5 Cascade de NEP : désactivation de l’enzyme avec DEPTAL UF L1.................. 327 5.5.1 Flux......................................................................................................................... 328 5.5.2 Quantification des protéines résiduelles................................................................. 329 5.5.3 ATR-FTIR : Quid des adsorptions d’ingrédients et de la dégradation de la membrane?........................................................................................................................... 330
6 Conclusion du chapitre VI.................................................................................................... 332 VII Chapitre VII : La détermination des tensions de surface des solutions peut-elle constituer un outil d’aide à la formulation de détergents alcalins?.................................................. 335
1 Introduction...........................................................................................................................
335
2 Théorie de Young-Dupré-Van Oss....................................................................................... 339 2.1 Les forces en présence......................................................................................... 341 2.1.1 Les forces négligées dans la théorie....................................................................... 341 2.1.2 Les Forces au centre de la théorie.......................................................................... 342 2.2 Exemples
de
décom
position des tensions de surface pour des solvants purs connus346
2.3 Caractérisation de surface à partir de solvants purs connus................................ 348 3 Méthodologie pour la caractérisation des détergents............................................................ 349 3.1 Sélection de matériaux et caractérisation de leurs surfaces................................. 349 3.1.1 Critères de sélection des matériaux........................................................................ 349 3.1.2 Pré-sélection de matériaux à caractériser............................................................... 350 3.1.3 Sélection de 3 solvants purs de référence (données connues)................................ 350 3.1.4 Caractérisation des matériaux présélectionnés....................................................... 351 3.1.5 Validation de la démarche pour caractériser un solvant pur.................................. 354 4 Résultats : caractérisation des solutions détergentes............................................................. 356 4.1 Caractérisation des solutions détergentes : résultats expérimentaux................... 357 4.1.1 Mesure des angles de contact................................................................................. 357 4.1.2 Détermination des composantes LW, AB, A, B des tensions de surfaces............. 358 4.2 Etude de l’hypothèse de limite de validité de la démarche associée à la CMC...
360 4.3 Déconstruction du prototype 12J......................................................................... 363 4.3.1 CMC des solutions prototypes simplifiées............................................................. 363 4.3.2 Caractérisation de « détergents prototypes simplifiés »......................................... 364 4.3.3 Caractérisation de solutions de TA2 dans NaOH pH12.3..................................... 369 5 Discussion : aide à la formulation de détergents efficaces................................................... 372 6 Conclusion du chapitre VII................................................................................................... 376 VIII Conclusion générale.............................................................................................. 379 IX Références......................................................................................................................
395 X Annexes..........................................................................................................................
419 1 FDS Ultrasil 10 *.................................................................................................................. 419 2 FDS P3-Ultrasil 115 *........................................................................................................... 419 3 FDS DEPTAL UF 117L **.................................................................................................. 419 4 FDS DEPTAL UF 120L **.................................................................................................. 419 5 FDS Ultrasil 53 *.................................................................................................................. 419 6 FDS DEPTA UF 305L **..................................................................................................... 419 7 Guide qualité de l’eau (Koch)............................................................................................... 419 8 FDS P3-Ultrasil 141 *........................................................................................................... 419 9 FDS Filterzym SM **........................................................................................................... 419 10 FDS Filterzym SM Protect **........................................................................................... 419 11 FDS P3-Ultrasil 67 *......................................................................................................... 419 12 FDS DEPTIL PA5 **........................................................................................................ 419 13 FDS DEPTACID WCM **............................................................................................... 419 14 FDS DEPTAL UF L1 **................................................................................................... 419 Abréviations
ATR
-FTIR Infrarouge à transformée de Fourier – Réflectance totale atténuée BSA Bovine serum albumine CMC Concentration micellaire critique CIP Cleaning In Place CLT Chlore libre total Da Dalton DCO Demande chimique en oxygène EDTA Éthylène diamine tétra acétique FRV Facteur de réduction volumique H1240 ou H1539 Hauteur de bande sur le spectre ATR-FTIR (1240 cm-1 ou 1539 cm-1) IAA Industries agroalimentaires Ig Immunoglobuline J Flux (L.h-1.m-2) Lp Perméance (L.h-1.m-2.bar-1) MF Microfiltration MM Masse molaire (g.mol-1) MW Micro-ondes MWCO Seuil de coupure (g.mol-1) NEP Nettoyage En Place NF Nanofiltration OI Osmose inverse PES Polyethersulfone pI Point isoélectrique PTM Pression transmembranaire PVP Poly vinyl pyrrolidone Ret rétention Rm Résistance hydraulique Rrev et Rirrev Résistance réversible/irréversible SDS sodium dodecyl sulfate STEP Station d’épuration TA Tensioactif TANI Tensioactif non ionique TFC Total free chlorine (ppm) UF Ultrafiltration US Ultrasons γA Tension de surface (mN.m-1) – Interactions polaires accepteurs d’électrons γB Tension de surface (mN.m-1) – Interactions polaires donneurs d’électrons γAB Tension de surface (mN.m-1) – Forces polaires γL Tension superficielle d’un liquide (mN.m-1) γLW Tension de surface (mN.m-1) – Forces d’interactions dipolaires γS Tension superficielle d’un solide (mN.m-1) α-LA α-lactalbumine β-LG β-lactoglobuline θ Angle de contact (°)
Introduction générale 1 2 Introduction générale
Les procédés de séparation membranaire sont très utilisés et les applications sont nombreuses : industries agroalimentaires (IAA) (produits laitiers, jus de fruits, vin, bière, ovoproduits...), traitement et dess des eaux, biomédical/pharmaceutique, biotechnologies... La filtration du lait représente 40% des applications à membrane dans les IAA. L’ultrafiltration est notamment utilisée dans des opérations de standardisation ou concentration des protéines du lait ou du lactosérum. Quel que soit le procédé membranaire concerné, le verrou est la maitrise du colmatage global des membranes qui est systématique, ainsi que du colmatage résiduel avant nettoyage appelé colmatage irréversible initial. Le colmatage peut être réversible (éliminé avec un rinçage à l’eau) ou irréversible (persiste après rinçage à l’eau). Il réduit les performances, modifie la sélectivité et le flux de la membrane. Pour restaurer les propriétés initiales de la membrane, l’élimination du colmatage est une étape indispensable. Différents moyens sont possibles : décolmatage physique, nettoyages chimique et enzymatique. Le décolmatage physique consiste à inverser le sens de la filtration du perméat vers le rétentat. Avec les membranes spirales utilisées dans les IAA et qui sont des matériaux multicouches, cette action n’est pas possible car elle dégrade les membranes. Le colmatage dépend de la membrane, du fluide filtré en cours de production et des conditions hydrodynamiques de la filtration. Le colmatage irréversible initial est la cible du nettoyage, réalisé sans démontage des équipements appelé NEP (nettoyage en place ou CIP cleaning in place). Le NEP des membranes est une étape limitante pour l’optimisation des procédés industriels plus écocompatibles et un développement plus important. En effet, les procédés membranaires présentent les avantages d’être compatibles avec le développement durable, d’être peu énergivores et fiables en comparaison des autres procédés de séparation. L’industrie agroalimentaire utilise des NEP en plusieurs étapes : rinçage à l’eau, nettoyages acide et alcalin (voire enzymatique) et désinfection, faisant appel à des détergents formulés. A l’échelle industrielle, les opérations de nettoyage consomment donc des produits chimiques, de l’eau, de l’énergie, et nécessitent jusqu’à 30% du temps. Ces opérations sont souvent gérées empiriquement et ne sont pas optimisées dans l’industrie laitière. Elles sont réalisées 1 à 2 fois par jour. Depuis une quinzaine d’années, le NEP chimique des membranes a été de plus en plus étudié [1–15] tant au niveau de son efficacité dans des applications bien identifiées [4,7,9,16–19] que pour son impact sur le vieillissement [20–22]. En effet, un détergent peut causer la dégradation accélérée d’une membrane car il peut être agressif (pH, ingrédients...). Par exemple, l’hypochlorite de sodium est connu pour être très efficace au niveau de la désinfection et du nettoyage de dépôts organiques [8] mais dégrade rapidement les membranes, notamment la polyamide [23–29] (utilisée en osmose inverse) et les membranes en PES/PVP (UF) bien que plus lentement [11,30–33]. La formulation de détergents/biocides efficaces est une affaire de spécialistes. Le savoir-faire est essentiellement celui des fabricants de détergents qui le garde secret comme est secrète la formulation exacte des détergents commerciaux. A notre connaissance, à l’exception des travaux réalisés à l’ISCR-CIP [4,5,7,18], il n’existe aucune méthodologie pour développer des détergents efficaces pour les membranes en tenant compte dès le départ de l’efficacité du nettoyage en même temps que des interactions avec la membrane au cours du NEP et des impacts sur le vieillissement des membranes. La problématique est résumée sur la Figure 1. 3 Nettoyage des membranes : 2 questions principales
Efficacité du nettoyage : Comment bien formuler? Innocuité du détergent vis-à-vis de la membrane : Filtrabilité? Dégradation? Résidus (du fluide filtré ou du détergent)? Vieillissement?
Figure 1 : Problématique de la formulation d’un détergent efficace
La méthodologie utilisée au cours de ce travail de thèse CIFRE avec la société Kersia a pour objectif de : 1) Valider des détergents/biocides formulés déjà commercialisés 2) Formuler de nouveaux détergents/biocides plus efficaces que ceux actuellement disponibles Cette méthodologie a été mise au point dans la continuité de 3 thèses réalisées à l’ISCR : Bégoin (2004) [18], Delaunay (2007) [4] et Diagne (2013) [5] qui ont posé la base des études sur l’efficacité du nettoyage. Les résultats majeurs de la thèse de Lilian Bégoin [18] sont : 1) La validation de la représentativité du colmatage réalisé à l’échelle laboratoire par rapport au colmatage obtenu à l’échelle industrielle (nature et quantité) 2) La mise au point d’une technique de quantification des protéines par une méthode de routine utilisant l’ATR-FTIR 3) L’identification d’une cible de tension superficielle γ = 20-30 mN.m-1 pour les détergents alcalins et les membranes PES/PVP Les résultats majeurs de la thèse de David Delaunay [4] sont : 1) La mise en évidence de l’hétérogénéité du colmatage sur une membrane en fonction de l’hydrodynamique et de la géométrie de la membrane 2) Vieillissement par NaOCl 3) Réflexion sur la faisabilité du recyclage des solutions de NEP 4) L’utilisation des tensions de surfaces des membranes neuves/colmatées/nettoyées pour étudier la qualité du nettoyage en s’appuyant sur une caractérisation fines des matériaux en utilisant l’approche de Van Oss pour décomposer les caractéristiques des membranes (γLW et γAB acide/base de Lewis) Les résultats majeurs de la thèse de Wemsy Diagne [5] sont : 1) La mise en évidence d’une échelle d’efficacité relative des détergents lorsque le colmatage est réalisé au flux critique (c’est à dire colmatage irréversible initial le plus faible et le moins cohésif) 2) La mise en évidence de l’affaissement des performances de NEP si le colmatage est réalisé au flux limite (flux maximum) même avec un détergent efficace d’où la nécessité d’une approche simultanée physico-chimie / hydrodynamique. 4 Parallèlement à ces travaux sur l’efficacité du NEP des membranes, des travaux sur le vieillissement des matériaux membranaires, essentiellement PES/PVP, ont été conduits à l’ISCR depuis le début des années 2000, dans le cadre de la thèse de Bégoin [18], Diallo [34] Delaunay [4] et plus récemment Yamina Hanafi [35]. Les résultats majeurs sont les suivants : 1) Les membranes UF PES/PVP ne sont pas dégradées par HCl 1 M (durée, température) 2) Les membranes NF PES/PVP ne sont pas dégradées par H3PO4 5.5 M ou 5.9 M après 1 an à température ambiante [34] 3) Les membranes PES/PVP sont attaquées progressivement par NaOCl avec des effets variables selon le pH, la température et la concentration (voir Chapitre bibliographique) [4,18,33,35– 39] Enfin, dans le projet ANR-Méduse coordonnée par Professeur C. Causserand (Université Paul Sabatier, Toulouse, 2001-2009) une méthodologie d’étude du vieillissement accéléré des membranes polymères combinant l’action de NaOCl et l’activation micro-ondes (MW) a été établie à l’ISCR. Ces travaux autour des MW se sont étalés sur presque 10 ans et n’ont été publiés que très récemment [21,22,40] (voir chapitre bibliographique). La méthodologie initiale utilisée au cours de cette thèse est issue de la synthèse de l’ensemble de ces travaux. Elle comporte 2 volets. Le premier volet contient 4 étapes itératives pour déterminer l’efficacité du nettoyage : 1) Test d’efficacité des prototypes formulés et choix d’une formule par une technique en réacteurs fermés développée au laboratoire de Rennes (ISCR) 2) Test d’efficacité de la formule sélectionnée sur membrane plane en conditions de filtration 3) Vieillissement accéléré sous micro-ondes afin de valider l’innocuité du détergent à long terme vis-à-vis de la membrane 4) Validation finale sur membrane spirale Etape supplémentaire bonus : Test industriel (si possible) Le second volet compte 3 étapes pour valider l’innocuité du détergent/biocide formulé vis-à-vis de la membrane, qui seront détaillées dans le Chapitre III. Outre la validation et l’amélioration de cette méthodologie globale, cette thèse aborde également une nouvelle question à caractère plus théorique : les tensions de surface des membranes (γS) et les tensions superficielles des détergents formulés (γL) ainsi que leur décomposition (LW, AB acide/base) peuvent-elles être utilisées comme une aide à la formulation? Ces différentes grandeurs sont calculées grâce à des mesures d’angles de contact entre une surface et un liquide. Les réponses apportées par cette thèse sont déclinées en 7 chapitres. Le chapitre I est une étude bibliographique qui fait un état de l’art de la problématique et des challenges, et introduit toutes les notions utiles à la compréhension de cette étude
: - Détergence & formulation : ingrédients et mécanismes Nettoyage enzymatique Désinfection Principes de la filtration membranaire Nettoyage appliqué à la filtration membranaire 5 - Evaluation de l’efficacité d’un nettoyage Vieillissement chimique et dégradation d’une membrane UF de lait : état de l’art
Le chapitre II présente les matériels et les méthodes utilisés notamment les méthodes analytiques (ATR-FTIR, angles de contact et tensiométrie (caractérisation, CMC)) à la fois pour les études de vieillissement des membranes et pour le développement de détergents et qualification de l’efficacité d’un nettoyage. Ce chapitre présente également les protocoles d’ultrafiltration (UF) et d’osmose inverse (OI). Le chapitre III développe une méthodologie d’étude de l’innocuité d’un détergent/biocide vis-à-vis d’une membrane. Le but de l’étude a été le développement d’une méthodologie visant à prouver l’innocuité d’un détergent vis-à-vis d’une membrane, mais aussi la validation de l’innocuité d’un biocide acide non oxydant (Kersia). Une méthodologie en 3 étapes a été développée en utilisant une technique de vieillissement accéléré des membranes sous micro-ondes. Les études en OI ont été réalisées avec une membrane en polyamide (TFC-HR, Koch), membrane classiquement utilisée pour le domaine laitier. Deux types de détergents chimiques ont été étudiés pour le NEP des membranes d’UF. Leur développement spécifique fait l’objet de 2 chapitres de résultats : - Formulation & développement d’un détergent fortement alcalin pH [12.0-12.5] et séquestrant avec système tensioactif optimisé (Chapitre IV) Formulation & développement d’un détergent alcalin pH [11.5 – 12.0] et séquestrant compatible avec l’ajout potentiel d’hypochlorite de sodium (système tensioactif également optimisé) (Chapitre V) Les études en UF ont été réalisées sur deux pilotes équipés d’une membrane PES/PVP (HFK-131, Koch) qui est la membrane la plus utilisée dans l’industrie laitière (70% du marché mondial) soit plane pour les tests préliminaires soit spirale pour les essais plus approfondis ; la membrane spirale n’étant pas disposée à faire des autopsies contrairement aux membranes planes. Le chapitre VI porte sur des détergents enzymatiques commerciaux afin de valider leur performance et comparer leur efficacité et leur fonctionnement avec des détergents alcalins forts. Enfin le chapitre VII aborde la question de l’aide à la formulation de détergent à partir de mesures d’angle de contact en utilisant les différents prototypes développés dans le Chapitre IV. La démarche suivie a pour objectif de comprendre si, et dans quelle mesure, la caractérisation fine des solutions détergentes complexes à partir de mesures d’angles de contact entre des surfaces à sélectionner et un détergent peut être réalisée. Quel pourrait être son utilisation pour une aide à la formulation de solution détergente efficace. L’objectif a été de déterminer les composantes polaires et apolaires de la tension de surface d’une solution détergente grâce à la démarche permettant cette décomposition dans le cas de solvants purs, la
orie de Van Oss (Van Oss, Forces interfaciales en milieu aqueux, 1996) [41]. 6 Chapitre I : Bibliographie 7 8
I Chapitre I : Bibliographie
Le chapitre I est une étude bibliographique qui fait un état de l’art et des challenges, et introduit toutes les notions utiles à la compréhension de cette étude
: -
1 1.1 Détergence & formulation : ingrédients et mécanismes Nettoyage enzymatique Désinfection Principes de la filtration membranaire Nettoyage appliqué à la filtration membranaire Evaluation de l’efficacité d’un nettoyage Vieillissement chimique et dégradation d’une membrane UF de lait : état de l’art Détergence et formulation Définition
de la détergence D’après le Larousse, la détergence est le « Phénomène permettant d'éliminer d'un milieu solide les salissures qui y adhèrent par leur mise en suspension ou en solution » Une définition similaire est donnée pour le nettoyage dans « Nettoyage, désinfection et hygiène dans les bio-industries » [1] : « Le nettoyage consiste à éliminer d’une surface donnée toute souillure visible ou invisible pouvant s’y trouver. Ceci est réalisé par la détergence, processus selon lequel, des salissures sont détachées de leur substrat et mises en solution ou en dispersion et qui est la résultante de plusieurs phénomènes physico-chimiques survenant aux interfaces de 3 phases : support/souillure/détergent ». Le mécanisme de détergence se fait en 3 étapes : 1) Le mouillage Le détergent entre en contact avec la souillure et la force d’adhésion entre celle-ci et le détergent doit être plus grande que la force établie entre le support et la souillure. Le liquide doit mouiller le solide, soit la tension superficielle du liquide doit être inférieure à la tension superficielle critique du solide (c’est à dire angle de contact liquide – solide = 0°). Pour ceci, des agents tensioactifs sont présents dans la solution rgente pour diminuer la tension superficielle et permettre le mouillage. 2) Le déplacement de la souillure
Après avoir mouillé la souillure, il faut l’écarter de la surface à nettoyer. Un/des composés de la solution détergente s’adsorbe sur le support, diminue l’attraction souillure/support et la souillure se détache du support.
3) L’anti-redéposition
Plusieurs mécanismes interviennent pour empêcher la souillure de se redéposer sur la surface à nettoyer : 9 - Réactions chimiques : solubilisation des souillures ou émulsification avec action des tensioactifs contenus dans le détergent. L’ajout d’agent d’anti-redéposition peut être favorable à une émulsion stable Phénomènes physico-chimiques : ajout de dispersants qui évitent la formation d’agrégats/agglomérats et la sédimentation. Le dispersant s’adsorbe à la surface solide/liquide et réduit le niveau d’énergie nécessaire pour séparer les particules (exemple : acides polyacryliques ou polyacrylates de sodium [1], polyphosphates [42]). Un effet électrostatique répulsif ou stérique (ou combinaison) évitera leur agglomération L’efficacité du nettoyage dépend de la formulation du détergent ainsi que sa concentration, mais aussi des facteurs techniques du nettoyage comme le temps, la température, l’action mécanique. Les ingrédients pour formuler un détergent peuvent se classer en deux catégories : ceux qui ont un action chimique (bases, acides, séquestrant...) et ceux qui ont une action physicochimique : les tensioactifs qui sont des ingrédients essentiels. Les ingré
dients d
’un
détergent 1.2
Selon la cible, différentes formulations détergentes pourront être établies. Elles sont fondées sur de grandes catégories de composés chimiques : acides, bases, chélatants et tensioactifs. Ces derniers sont souvent utilisés en mélange avec des alcalins. Leurs rôles ainsi que quelques ingrédients classiquement rencontrés dans les détergents formulés utilisés pour le nettoyage (NEP) des membranes sont présentés ci-dessous :
1.2.1 Les acides Les bases Les chélatants Les tensioactifs Les acides
Les acides (ex. phosphorique, nitrique, sulfurique, sulfamique, citrique) sont utilisés pour dissoudre les résidus minéraux. L’acide chlorhydrique (HCl) est prohibé dans les installations industrielles en inox car il favorise la corrosion. L’acide phosphorique (H3PO4) présente l’inconvénient majeur de générer des effluents chargés en phosphate que les stations d’épuration (STEP) ne savent pas éliminer et qui génèrent des boues. L’acide nitrique (HNO3) est le plus utilisé même s’il génère des nitrates dans les effluents. En laiterie, l’acide nitrique est utilisé pour éliminer la pierre de lait, la galalithe (« caséine durcie »), qui est un polymère thermodurcissable issu de la caséine. A concentration élevée, son pouvoir oxydant a tendance à détruire les agents tensioactifs. Pour limiter les rejets en phosphore ou en azote, les acides organiques (et biodégradables) tels que l’acide acétique, lactique, citrique, succinique ou gluconique peuvent aussi être utilisés car ils ne sont pas dangereux/corrosifs et ont un pouvoir séquestrant supplémentaire (acide gluconique ou citrique) [1]. 10 Les acides acétique, lactique, succinique et gluconique ne sont pas utilisés comme charge principale acide pour la détergence. En revanche, l’acide citrique, acides alkylsulfoniques, acide glycolique ou acide formique sont utilisés. Un des acides organiques les plus utilisés en alternative à l’acide phosphorique est un acide alkylsulfonique (acide méthanesulfonique). Pour l’application membrane, l’acide nitrique reste le plus utilisé. Le nettoyage acide n’est généralement pas efficace pour éliminer les souillures organiques s’il n’y a pas de minéraux dans la couche colmatante. 1.2.2 Les bases : soude & potasse
La soude (NaOH) aide à dissoudre les souillures organiques. Elle n’a pas d’action sur la tension superficielle d’une solution mais elle aide à dissoudre les souillures organiques par le jeu de différents mécanismes selon le pH, la température, et le temps de contact. Par exemple, l’augmentation du pH permet le gonflement des protéines quel que soit la température et l’hydrolyse des matières grasses est facile par saponification à température ambiante [9]. Par contre, l’hydrolyse des protéines est facile à pH = 13, 50 °C en 1 heure [43] alors qu’elle ne se produit pas à 50°C pH = 11.5 en 1 heure [18]. Enfin, NaOH a pour conséquence la précipitation des cations multivalents (Ca2+, Mg2+, etc). L’hydroxyde de potassium (KOH) est aussi un agent beaucoup utilisé dans l’industrie des détergents mais il coute plus cher que la soude et il faut une masse plus importante pour la même quantité d’OHdemandée (rapport masse molaire NaOH/KOH : 40/56). Néanmoins, la potasse produit des savons plus solubles et elle se rince mieux que la soude. De plus, le chlore est légèrement plus stable en présence de potasse qu’en présence de soude [42]. En réalité, très peu de travaux ont fait état de la réelle différence entre NaOH et KOH. En général, les détergents sont un mélange de soude et de potasse. La raison principale du mélange NaOH/KOH est que la présence d’hydroxyde de potassium peut être utile pour stabiliser les formulations à froid, l’hydroxyde de potassium et les sels de potassium ayant des points de gel plus bas que l’hydroxyde de sodium et les sels de sodium. 1.2.3 Agents chélatants
Les agents chélatants (ou complexants, séquestrants) sont utilisés pour pallier aux dépôts dus à la précipitation des ions responsables de la dureté de l’eau (Ca2+ et Mg2+) utilisée pour rincer les équipements et préparer les solutions de nettoyage (NEP). Ce sont donc des agents indispensables dans la formulation de détergents. L’action des chélatants ne se limite pas aux ions de la dureté de l’eau. Ils servent également à solubiliser les dépôts cristallins provenant des souillures rencontrées tel que le carbonate de calcium, l’oxalate de calcium, le phosphate de calcium... Les agents chélatants permettent d’améliorer l’action des tensioactifs anioniques : une eau dure peut provoquer la précipitation des tensioactifs anioniques, qui perdent donc leur capacité détergente. La combinaison de tensioactifs et d’agents chélatants permet une bonne performance. Le choix des molécules chélatantes doit se faire en recherchant l’efficacité mais en gardant à l’esprit qu’ils seront présents dans les effluents du NEP et qu’il y a toujours nécessité de développer des formulations plus biodégradables. 11 L’EDTA, Ethylène Diamine Tétra-Acétique (Figure I-1), est un complexant organique et l’agent chélatant le plus efficace connu. Il forme des complexes très stables avec les cations multivalents.
Figure I-1: Molécule d’EDTA à pH > 11.5, chélatant d’un cation M (ex Ca2+, Mg2+) L’acide n’est pas soluble dans l’eau, c’est pourquoi on utilise des sels de sodium d’EDTA (EDTA 4Na). L’EDTA possède 6 sites donneurs de doublets d’électrons : 2 sur les azotes
4 sur les oxygènes des carboxylates. Le pouvoir complexant de l’EDTA dépend du pH qui contrôle les formes acide/base des fonctions amines et acides carboxyliques. En effet, son pouvoir séquestrant est maximum au-delà de pH 10 (Figure I-2), soit sous sa forme Y4-. Figure I-2 : Diagramme de distribution de l’EDTA (1 : H4Y, 2 : H3Y-, 3 : H2Y2-, 4 : HY3-, 5 : Y4-) avec pKa1 (H4Y/H3Y-) = 2.0, pKa2 (H3Y-/H2Y2-) = 2.7, pKa3 (H2Y2-/HY3-) = 6.2, pKa4 (HY3-/Y4-) = 10.3
Les pKa1 et pKa2 (< 2.7) concernent CO2H alors que pKa3 et pKa4 concernent les azotes. L’efficacité élevée de l’EDTA pour la complexation est due aux sites amines sous leurs formes basiques qui constituent des ligands « forts » de M. Les fonctions carboxylates sont connues pour être des ligands plus faibles et donc moins efficaces que N| mais ils participent à la stabilité globale du complexe soluble ainsi formé. L’efficacité de l’EDTA pour complexer Ca2+ est montrée Figures I-7 et I-8. C’est la référence en matière de complexant car l’efficacité est très proche des 100%. 12 Le problème de l’EDTA est sa nocivité connue et le fait qu’il soit non facilement biodégradable. Il est potentiellement toxique car lié à des métaux lourds en rejets dans l’environnement. Il tend de plus en plus à être retiré des formulations commerciales. De plus, l’EDTA et NaOCl, utilisé pour la désinfection, sont incompatibles pour une utilisation en mélange car ils réagissent ensembles. L’EDTA consomme tout le chlore libre présent en solution. ➔ NTA NTA, ou nitrilotriacétic acid (Figure I-3), a été proposé pour se substituer à l’EDTA mais son efficacité est environ 50% celle de l’EDTA (Figures I-7 et I-8). De plus, il a récemment été soupçon d’être cancérigène [42].
Figure I-3 : Molécule
de NTA
➔
Les alternatives plus « vertes
»
de
l’
EDTA
:
GLDA
&
MGDA Dorota Kolodynska [44,45] a travaillé sur les alternatives à l’EDTA dans le domaine du traitement des eaux usées. Plusieurs ingrédients pourraient aussi convenir à une utilisation pour les détergents. Le Glutamic acid diacetic acid (GLDA, Figure I-5) appartient à la nouvelle génération “verte” des agents chélatants. Il dérive d’un composé naturel l’acide glutamique (Figure I-4).
Figure I-4 : Molécule d’acide glutamique
L’avantage du GLDA est qu’il est facilement biodégradable et il a un très bon profil écologique et toxicologique. Il peut être utilisé comme une alternative à l’EDTA, NTA, et aux phosphates. Il a une très bonne solubilité sur une grande plage de pH [46]. Le GLDA est commercialisé par AkzoNobel sous le nom de Dissolvine® GL.
Figure I-5 : Molécule de GLDA 13
Le MGDA, Methylglycinediacetic acid (Figure I-6), ou Dissolvine® M-40, a aussi été développé par AkzoNobel. Il est biodégradable. Il réagit rapidement et est définit comme un séquestrant fort.
Figure I-6 : Molécule de MGDA sous forme de sel de sodium
Cependant, GLDA et MGDA sont de moins bons complexants que l’EDTA (Figures I-7 et I-8)
Figure I-7 : Calcium chelating power in functional tests at pH = 10 with chelating agents DTPA : acide diéthylène triamine penta acétique, EDTA : acide éthylènediaminetétraacétique, HEDTA : acide hydroxy-ethylethylene-diamine-triacetique, PDTA : acide diamino-propane-tétra-acétique, GLDA : Acide Diacétique acide glutamique, MGDA : Acide Methylglycinediacetique, NTA : acide nitrilo-triacétique, EDG : Ethyl DiGlycol [46] Figure I-8 : Chelating power of EDTA, NTA and GLDA (mean value stability constant for 7 metals : Ba, Ca, Cu, Fe, Mg, Ni, Zn) [46]
L
’EDTA est le plus efficace pour
ché le calcium (pH = 10) avec une efficacité proche de 100%. Le GLDA est proche de 80% alors que le MGDA et le NTA sont proches de 50% (Figure I-8). 14 L’EDTA reste donc le séquestrant le plus efficace mais en raison de sa mauvaise biodégradabilité, son remplacement par le GLDA ou MGDA est de plus en plus effectif.
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Au commencement était le terme. Le statut du mot dans
Les Contemplations
Victor Hugo cieux
Les Presses Universitaires de Valenciennes ont été fondées, en 1985, par = Jean-Pierre Giusto.
Diffusion directe : Presses Universitaires de Valenciennes Université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis Le Mont-Houy - Extension FLLASH 59313 Valenciennes cedex 9 Distribution en librairie : Fondation Maison des Sciences de l'Homme 54 boulevard Raspail 75006 Paris Tous droits de reproduction, de traduction et d'adaptation entières ou partielles réservés pour tous les pays. UV en.indd 2 25/03/2015 18:39:40 LE SEL DE LA LANGUE Hommage à Michèle Aquien Études réunies par Anna Jaubert & Anne-Marie Paillet COLLECTION « PRATIQUES ET REPRÉSENTATION » PRESSES UNIVERSITAIRES DE VALENCIENNES PUV Aquien.indd 3 25/03/2015 18:39:40 SOMMAIRE
Anna JAUBERT & Anne-Marie PAILLET Les deux versants d'une carrière 7 Olivier SOUTET Pour une extension du domaine de la morphologie : y a-t-il un morphème i/j!en!français!?!!! 17 Claire GRACIEUX Au commencement était le terme. Le statut du mot dans Les Contemplations de Victor Hugo 29 Marc PORÉE Version anglaise et autre versant du langage : « l'ici dans l'ailleurs » 43 Mireille HUCHON Claude de Taillemont en Labérynthie 75 Anne-Marie PAILLET Tours et détours de la communication : l'ironie de Molière 89 Florence LECA MERCIER Le romanesque mis à mal dans Les Grandes Blondes de Jean Echenoz 105 Françoise RULLIER « La philosophie de comptoir », digression et lieu commun chez San-Antonio 117 PUV Aquien.indd 5 25/03/2015 18:39:40 Pierre CHIRON « Plus or que l'or » 135 Dominique MAINGUENEAU Rêverie généalogique et investissement du signifiant : l'exemple de José Maria de Heredia 149 Christelle REGGIANI La place de l'analyse : sur « Les lieux d'une ruse » de Georges Perec 161 Gérard BERTHOMIEU L'homme aux rakis : sur l'autre versant d'une correspondance dans À Rebours de Joris-Karl Huysmans 173 Eric PELLET Postlude aux Michellanées
187 PUBLICATIONS DE MICHÈLE AQUIEN 197
Les Presses Universitaires de Valenciennes, dont les bureaux sont accueillis au bâtiment Matisse de l'Université de Valenciennes, sont heureuses d'éditer cet Hommage. Il honore Michèle Aquien, chercheuse et psychanalyste déjà publiée aux PUV et qui, selon un mouvement à rebours du peintre né au Cateau et mort en pays niçois, a grandi sur la colline de Cimiez, tout près du musée Matisse, à Nice, mais, telle Épicure, s'est mise à cultiver son jardin dans le Nord, à côté de la ville natale du peintre, y faisant fleurir ses iris et ses roses niçoises. Bouclant la boucle de Matisse, elle apporte ainsi un peu de sa lumière en terre valenciennoise. S.H. L e premier livre des Contemplations1 multiplie les citations métapoétiques qui contribuent à faire de ce recueil l'un des manifestes hugoliens. Le poète entend ébranler les acquis du classicisme dans les domaines de la rhétorique, de la versification et du lexique. Depuis longtemps, de nombreux critiques estiment cependant que ces citations relèvent davantage de la provocation que de l'art poétique. Pourtant, Hugo ne se contente pas toujours de formules lapidaires : en particulier, la continuité de pensée qui unit « Réponse à un acte d'accusation » au poème « Suite » témoigne de l'approfondissement de la réflexion sur le mot, voire d'une complexification. En effet, à dix vers d'écart, le mot est tour à tour personnifié puis réifié, contraste souligné par le parallélisme de construction : [31] Car le mot, qu'on le sache, est un être vivant [] Oui, vous tous, comprenez que les mots sont des choses (I, 8, pp. 48-49). Hugo est un penseur du mot tout autant, si ce n'est davantage, qu'un polémiste en matière de rhétorique et de prosodie. Nous chercherons à comprendre la conception hugolienne du mot et ce qui l'amène à lui accorder une place aussi importante dans sa poétique2. L'édition de référence qui a été adoptée pour cet article est la suivante : Victor Hugo, Les Contemplations, éd. Pierre Albouy, Paris : Poésie/Gallimard, 1973. On indique entre parenthèse, le numéro du livre du recueil, puis le numéro du poème dans ce livre. 2 Parmi les critiques qui ont abordé la question de la
linguistique hugolienne,
voir Michaël Riffaterre, « La poétisation du mot chez Victor Hugo », Cahiers de l'Association Internationale des Études Françaises, 1967, n° 19, pp. 177-194 ; Pierre Larthomas, « Théories linguistiques de l'école romantique : le cas de Victor Hugo », Romantisme, 1994, n° 86 «
Langue
et idé
ologie
», pp. 67-72 ;
Florence Nau
gret
tte et Guy Rosa
,
Ed.
,
Victor
Hugo
et la
langue
, actes du colloque de Cerisy, 2-12 août 2002, Rosny-sous-Bois, Bréal, 2005. 1 PUV Aqui
en
.
ind
d
31
CLAIRE GRACIEUX LE SIGNIFIÉ EN CRISE
Quelle signification le poète donne-t-il au mot? Deux acceptions, l'une linguistique et l'autre figurée, se relaient dans le poème « Suite », entre emploi métonymique et connotation autonymique : Quand, aux jours où la terre entr'ouvrait sa corolle, Le premier homme dit la première parole, Le mot né de sa lèvre, et que tout entendit, Rencontra dans les cieux la lumière, et lui dit (I, 8, pp. 50-51) Les vingt vers qui suivent contiennent le discours introduit par le verbe de parole . Selon cette configuration, mot, sujet du verbe dit qui suppose un agent humain, fonctionne comme métonymie du locuteur. Cependant, le discours direct est immédiatement suivi d'une acception grammaticale du terme, puisque mot est le support d'une connotation autonymique : « Oui, tout-puissant! Tel est le mot » (p. 51). Face à cette concurrence référentielle (locuteur ou notion linguistique), la première occurrence de mot se prête alors à une relecture : et si, contrairement aux apparences, mot renvoyait à la seule apostrophe de deux syllabes « Ma soeur » plutôt que de s'identifier au locuteur? [32] Le mot né de sa lèvre, et que tout entendit, Rencontra dans les cieux la lumière, et lui dit : Ma soeur! Envole-toi! plane! sois éternelle (I, 8, p. Entretemps, mot est répété cinq fois en sept vers (v. 14-20) et à l'échelle du poème, il apparaît vingt-sept fois, majoritairement à la place privilégiée par le poète, l'attaque du vers. Dans ce poème comme souvent dans PUV Aquien.indd 32
LE STATUT DU MOT DANS LES CONTEMPLATIONS DE VICTOR HUGO
le reste de l'oeuvre, le mot désigne une réalité à la fois graphique et sémantique ; une suite de lettres entourée de blanc et qui a du sens. Ce mot flamboyant qui luit sous leur paupière : Esperance! (I, 8, p. 50) Le mot s'appelle Légion (I, 8, p. 49) Pour vous, gloire et bonheur sont des mots décevants (III, 5, p. 140) Vous lâchez le grand mot : Révolutionnaire (I, 26, p. 80) C'est le mot ineffable : Aimons! (II, 22, p. 111) Les noms Espérance, Légion, gloire, bonheur, l'adjectif Révolutionnaire et le verbe Aimons sont des parties du discours différentes, mais qui correspondent toutes à des unités graphiques et lexicales. Si la réflexion est bien linguistique, ce n'est pas frontalement dans le cadre du débat entre le nominalisme et le cratylisme qu'elle prend place. Bien plutôt, les poèmes « Réponse à un acte d'accusation » (I, 7), « Suite » (I, 8), « Quelques mots à un autre » (I, 26), ou le poème « Jeunes genres, prenez garde aux choses que vous dites » de Toute la lyre, l'inscrivent dans une linguistique de l'énonciation. Le poète républicain cherche à débarrasser les mots de leur connotation sociopolitique, selon un déplacement du poétique vers le politique. Tel est l'enjeu principal de « Réponse à un acte d'accusation ». Aux reproches qui lui sont adressés, avoir « foulé le bon goût et l'ancien vers françois » (I, 7, p. 42), Hugo oppose un argument de type linguistique à travers une narratio qui est centrée sur le vocabulaire : [33] Quand, tâchant de comprendre et de juger, j'ouvris Les yeux sur la nature et sur l'art, l'idiome, Peuple et noblesse, était l'image du royaume ; La poésie était la monarchie ; un mot Était un duc et pair, ou n'était qu'un grimaud (p. 43) À travers cette métaphore filée bien connue, se lisent deux desseins : faire entrer les mots populaires dans la poésie lyrique, mais aussi, plus ambitieux encore, supprimer les connotations qui sont affectées aux mots. CLAIRE GRACIEUX 7, pp. 43 et 46) et injures (« gredins » ou « faquins », I, 13, p. 57). Les mots poétiques et nobles ne s'en trouvent pas détrônés 4. Ce que l'exilé introduit surtout, ce sont les emprunts à d'autres langues, latine ou anglaise tels « plebs » et « mob », pour désigner une réalité équivalente. Ne nous y trompons pas, c'est avant tout le champ référentiel qui s'élargit, les référents ordinaires tels que l'ortie entrent dans la poésie lyrique ; le vocabulaire correspondant s'engouffre alors dans la brèche. Cependant, sur le strict plan de la dénomination, la réforme prend la forme suivante : un vent d'égalité souffle dans l'ensemble du recueil lorsque le familier « papa » rime avec le religieux « mea culpa » (I, 7, p. 46) ou lorsque les classiques narine et onde sont accompagnés de leurs synonymes populaires nez et vague (respectivement, I, 7, p. 46 et V, 2, p. 239)5. La transformation des connotations, quant à elle, est parfois mise en oeuvre dans Les Contemplations, ce que résume bien Evelio Minano Marinez à propos de certaines lexies : L'araignée et la roue ont des rayons comme l'étoile et la fleur et acquièrent une valeur positive qui s'oppose aux connotations habituellement négatives de l'araignée, et de l'autre, à une certaine neutralité connotative de la roue, hors de ce contexte 6. [34] Critique vis-à-vis de la connotation, Hugo n'en vient cependant pas à privilégier la dénotation, comme en témoignent sa pratique de la synonymie et son goût des mots vagues. Tout d'abord, l'académicien se fie bien peu aux lexicographes. Ainsi, le nivellement qui affecte les connotations contamine-t-il parfois la dénotation : lorsqu'il fait « fraterniser la vache et la génisse » (I, 7, p. 44), Hugo ne fait allusion qu'à une différence connotative dans l'emploi des deux substantifs. Il passe sous silence toute idée de distinction dénotative alors que le sème spécifique <qui n'a pas mis bas> s'ajoute dans génisse aux traits sémantiques de vache. De même, les variations du dénoté ou du connoté ne retiennent pas Hugo : Tel garnement du Pinde, nourrisson Des Muses, au milieu d'un bruit de corybante, Marmot sombre, ait mordu leur gorge un peu tombante (I, 26, p. 83) Entre garnement, nourrisson et marmot existent en effet à la fois des variations connotatives de niveau de langue et dénotatives concernant les tranches d'âge, que Hugo lisse. La pratique de la substitution synonyAu contraire, Hugo renoue avec l'acception étymologique des mots, tels que peintes (II, 3, p. 91), sourds (I, 19, p. 72) sincère (I, 26).
5 Voir l'analyse de J. A. Frey, « Les Contemplations » of Victor Hugo. The Ash Wesnesday Liturgy, Charlottesville : University Press of Virginia, 1988, p. 66. 6 Evelio Minano Marinez, « Image et réalité de l'animation dans Les Contemplations », Queste, n°2 dossier Victor Hugo, 1985, pp. 21-30, ici p. 24. 4 PUV Aquien.indd 34 /03/2015
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mique hugolienne est habitée par le dynamisme : elle vise ici à défiger la périphrase traditionnelle « nourrisson des Muses », ce qui est renforcé par l'enjambement qui vient rompre l'unité de l'expression. Ensuite, Hugo exprime aussi sa défiance vis-à-vis de la précision sémantique en recourant fréquemment à des mots vides de sens. Le mot chose est placé en à la rime dans de très nombreux poèmes, soit comme substantif, soit comme centre d'une expression indéfinie : « Peu de chose » rime avec « morose » (I, 1, p. 33), « quelque chose » avec « rose » (I, 15, p. 66), « autres choses » avec « roses » (II, 1, p. 89) « ces choses » avec « oses » (II, 25, p. 119). La connotation autonymique met à distance le mot tel qu'il est connu. Elle souligne l'hiatus entre la forme et le sens. Une définition ou un mot nouveaux sont proposés pour remplacer le mot ou le sens ordinaire, peu éclairants. Par cette mise à distance du connoté et du dénoté, le signifié serait-il exclu du mot, pratique radicale qui serait en conformité avec la tonalité révolutionnaire de « Réponse à un acte d'accusation »? Les réunions de contraires ou les énumérations hétéroclites pourraient nous conduire sur cette voie du nihilisme sémantique. Par exemple, qu'il s'agisse de l'énumération « vents, ondes, arbres, flammes, / roseaux, rochers » (p. 387), ou de la série « resplendit », « flamboie », « aboie » (VI, 26, p. 402), un intrus est introduit dans la cohérence sémantique du poème « Ce que dit la bouche d'ombre »8. Cependant, Hugo se montre attentif à la dimension Léon Cellier éd., Victor Hugo, Les Contemplations, Paris : Garnier frères, 1969, note du deuxième poème du livre I, p. 484. 8
Pierre
van Rutten
,
« "Ce que
dit la
Bouch
e d'Ombre" de Victor Hugo. Étude 7 PUV Aquien.ind
d 35 CLAIRE GRACIEUX signifiante du mot. Il le formule dans une sentence, à travers l'hypozeuxe « Qui délivre le mot, délivre la pensée », qui établit un rapport très étroit entre le signifié et le signifiant, dont le lien est pensé sur le mode analogique de l'âme et du corps : Et, de même que l'homme est l'animal où vit L'âme, clarté d'en haut par le corps possédée, C'est que Dieu fait du mot la bête de l'idée (I, 8, p. 49 Ainsi, le rapport du mot à la pensée est conçu sur le mode d'une relation distendue mais permanente. L'hétérogénéité de nature est rendue par le parallélisme de l'hypozeuxe, mais aussi par la figure de l'antithèse qui se joue à un triple niveau : Et je mêlai, parmi les ombres débordées, Au peuple noir des mots l'essaim blanc des idées ; Et je dis : Pas un mot où l'idée au vol pur Ne puisse se poser, tout humide d'azur! (I, 7, p. 44) [36] Dans une antithèse entre le noir et le blanc, entre l'animal et l'humain, entre l'animé et l'inanimé, le mot n'est pas étranger à la pensée, c'est-àdire au signifié connotatif ou dénotatif, mais le rapport qu'il entretient avec elle n'est ni défini ni définitif. C'est ainsi que s'entend l'isotopie du mouvement pour qualifier le mot : Le mot, le terme, type on ne sait d'où venu [] Montant et descendant dans notre tête sombre, Trouvant toujours le sens comme l'eau le niveau ; Formule des lueurs flottantes du cerveau (I, 8, pp. 48-49). L'antithèse « montant et descendant » et le sème du mouvement commun aux trois formes participiales constituent cette isotopie qui confirme que le mot est toujours lié au sens, mais sans fixité. C'est que Victor Hugo cherche à construire de nouveaux signifiés. Il se montre favorable à des connotations subjectives pour remplacer des connotations définies socialement. C'est en ce sens que le mot peut être défini à la fois comme un être vivant et comme une chose : c'est un objet de création, et non un outil préétabli ; un « terme » dans les deux acceptions possibles, plutôt qu'un point de départ. Aussi le travail sur le signifié se trouve-t-il au coeur de plusieurs poèmes. Méfiant vis-à-vis du lexique institué, Hugo propose de nouvelles dénominations : « Quand l'impuissance écrit, elle signe : Sagesse » (I, 26, p. 80). Le mouvement même de certains poèmes est celui d'une stylistique », op. cit., p. 227. LE STATUT DU MOT DANS LES CONTEMPLATIONS DE VICTOR HUGO
recherche sémantique. Dans « Vere Novo », les périphrases se succèdent pour exprimer les différentes dimensions du signifié recherché : « charmants petits amoureux [] éblouissement de folles ailes blanches [] petits morceaux blancs » (I, 12, p. 56). Retardée une nouvelle fois par une manipulation de la syntaxe, en particulier par le retardement de l'agent du verbe voir et par la polysyndète « s'envoler [] et rôder [] et courir », la dénomination est dramatisée : il s'agit des « billets doux, devenus papillons ». Trouver le mot apparaît plus généralement comme le fruit de la recherche poétique, surtout s'agissant du nom : Révèle-moi, d'un mot de ta bouche profonde, La grande énigme humaine et le secret du monde (I, 10, p. 53) - Quel est ton nom? lui dis-je. Il me dit : - La prière (VI, 1, p. 298) Le mot fait l'objet d'un deuxième traitement, figuré cette fois-ci. L'allégorie est récurrente dans les poèmes des Contemplations et dans « Jeunes gens, prenez garde aux choses que vous dites » (Toute la lyre). Le mot apparaît souvent en effet comme un personnage à qui est conférée une existence à la fois politique et géographique. Dans le poème de Toute la lyre, il prend même une dimension fantastique dans la mesure où il s'affranchit de toute contrainte physique au moment de traverser l'espace. La constante allégorisation s'explique non seulement par la réflexion énonciative qui justifie la métonymie du mot pour le locuteur, mais surtout par l'origine divine que le poète pétri de culture biblique et chrétienne et familier de l'animisme accorde au mot. « Car le mot, c'est le Verbe, et le Verbe, c'est Dieu » (I, 8, p. 51). Cette paraphrase du verset néotestamentaire introduit le mot dans l'équation par laquelle débute l'évangile de Jean. En réduisant à un rythme binaire le rythme ternaire qui a une fonction hautement symbolique de la Trinité, Hugo met en miroir Dieu et l'homme à travers l'attribut commun du langage. Aussi la profération du mot est-elle systématiquement envisagée sous l'angle du sacré9, avec des formules au style direct qui sont empruntées à la Bible ou qui en pastichent le style. CLAIRE GRACIEUX
L'effet est présenté dans son immédiateté grâce aux connecteurs incolores et et alors, et grâce à l'enjambement. L'efficace du langage renouet-elle avec l'idée du poète inspiré? Certains critiques la déchiffrent du moins dans la pratique du vers croustique, qui commence par une tonique, c'est-à-dire par la mise en valeur d'un mot. Et selon la même perspective, Charles Renouvier et Léon Cellier placent le mot à l'origine de la poétique hugolienne. Cependant, soulignons que le pastiche génésiaque de la première occurrence s'inscrit dans une critique des adversaires de Victor Hugo qui lui attribuent un pouvoir divin qu'il n'a pas. C'est la raison pour laquelle le pastiche procède par antithèse, évoquant l'ombre plutôt que la lumière divine. Hugo ne prétend pas égaler Dieu : il n'atteint l'efficacité du mot que par le travail, qui lui permet de percer un mystère, celui du « chiffre énorme : Dieu » (III, 8, p. 143). En raison de ce travail, le mot constitue non pas le point de départ, mais le terme. Ce recours à l'allégorie vient surtout souligner le pouvoir du mot, en l'associant à des verbes de mouvement : Le mot veut, ne veut pas, accourt, fée ou bacchante, S'offre, se donne ou fuit [] Il frappe, il blesse, il marque, il ressuscite, il tue (I, 8, p. 49) [38] Le mot devient le héros d'une épopée, par l'énumération et par l'emploi absolu des verbes transitifs. La pensée du mot s'inscrit dans une réflexion pragmatique que développe « Pleurs dans la nuit » autour des adverbes qui correspondent à autant d'attitudes : « Soyons l'immense Oui » ; « Non est un précipice » (V, 6 xvi, pp. 327-328). La toute-puissance est sous le signe du silence ou du mot bref, car l'idée de secret est centrale dans l'herméneutique hugolienne du mot, qui est celle d'un symbolisme formel. LE SIGNIFIANT PALPITANT : LE SYMBOLISME FORMEL
Hugo est moins un inventeur qu'un animateur des mots10. Il exploite, sollicite, active les différentes facettes formelles du signifiant, graphique ou phonique. Puisque les mots sont définis comme « un troupeau de signes et de sons » (I, 8), le poète nous invite à percevoir toute la sémantique des constituants que sont les phonèmes (unités sonores) et graphèmes (unités graphiques). L'inscription du sens dans la forme constitue un symbolisme de la forme. À la différence d'Étienne Brunet qui s'accorde à faire de l'explicite 10 Deux néologismes seulement sont enregistrés dans Les Contemplations par Étienne Brunet, Le Vocabulaire de Victor Hugo, Champion-Slatkine, 1988. LE STATUT DU MOT DANS LES CONTEMPLATIONS DE VICTOR HUGO
une spécificité de la poésie hugolienne11, et avec Marie-Hélène Prat, nous gageons que l'utilisation des mots repose sur une « lecture active » qui « pourrait bien être un modèle de lecture poétique »12 en raison de la conception dynamique du mot. Cette lecture, nous la devons à la définition paradoxale du mot à la fois comme « chose » et comme « être vivant ». Ces deux directions trouvent un terrain de conciliation si l'on envisage que vivant renvoie à l'idée de souplesse, de changement, de dynamisme. La répétition est la figure centrale des Contemplations qui autorise cette lecture active. Elle témoigne d'une position poétique dont l'enjeu est également pragmatique. Position poétique car la répétition est représentative d'un style simple revendiqué par son auteur. Ce faisant, elle permet de créer de nouvelles réalités, de passer d'un signifié à l'autre, ou d'un signifiant à l'autre. La répétition de mot dans le poème « Suite » provoque un effet de familiarisation qui fait accepter au lecteur l'idée d'un mot qui s'anime dans le poème, et fait passer du domaine de la fantaisie au domaine du réel, de l'allégorie à la définition. L'enjeu est également pragmatique car la répétition accompagne une energeia consistant à hypnotiser le lecteur, qui s'accroche à la répétition comme élément de stabilité alors qu'elle-même accompagne une transformation. La répétition crée et le sens et le texte. Les anadiploses constituent l'une des manières d'entraîner le lecteur dans la vision hugolienne : « Amours de l'âme monstre et du monstre univers » (VI, 26, p. 402). Associée à l'énumération, la étition syntaxico-lexicale « Nomen, numen, lumen » (VI, 25, p. 385) met en valeur la fécondité de l'homéoptote et illustre le principe de création par la reprise avec variation d'un seul phonème. La répétition des sons produit ainsi une logique, du sens et du texte. Polyptote et figure dérivative autour du mot amour entraînent à leur tour le substantif âme dans une attraction paronymique (II, 22, pp. 111-113). Par ailleurs, la répétition assure une continuité entre les poèmes qui permet d'envisager Les Contemplations comme un poème plutôt que d'un recueil. [40] Les sonorités elles-mêmes ont un pouvoir poétique et une fécondité sémantique, logique voire métaphysique. Les mots « agissent en générateurs d'échos »13. En guise de rimes riches et enrichies, relevons la surprenante alliance entre « bavard » et « buvard » (II, 1, p. 90) ; l'attraction paronymique est également féconde à l'intérieur d'un vers avec l'homéoptote « Ils sont! ils vont! » (III, 30, p. 184), tandis que la paronomase travaille à l'échelle de la strophe : Jeunes amours, si vite épanouies [] Jeunes amours, si vite évanouies (I, 11, p. 55) De nombreux exemples de cette créativité sonore pourraient être sollicités. En voici un : On marche, on court, on rêve, on souffre, on penche, on tombe, On monte. Quelle est donc cette aube? C'est la tombe (VI, 22, p. 362) Le dernier mot est préparé non seulement par la rime d'appel, mais aussi, pour lui donner une plus grande force argumentative, par tous les mots du vers qu'il clôture : sa nasale apparaît dans « on monte » et « donc », sa dentale dans « monte » et « donc » et sa labiale dans « aube ». La logique sonore remplace la logique lexicale pour créer une logique sémantique. La réflexion d'Étienne Brunet trouve ainsi à s'appliquer à l'ensemble des mots : Le nom propre gagne en évocation et en connotations tout ce qu'il perd en désignation et en dénotation, et [] le son suppléée au sens, les noms étant retenus pour leur sonorité14. La lecture poétique que propose René Bourgeois de « Demain dès 13 14 P
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Aquien.indd 40 Henri Meschonnic, Pour la poétique IV, Écrire Hugo, Paris :
Gallimard, 1977, p. 170. Étienne Brunet, op. cit., p. 309. LE STATUT DU MOT DANS LES CONTEMPLATIONS DE VICTOR HUGO
l'aube » peut être généralisée. Le choix des mots est motivé par le réseau que leurs sonorités instaurent : l'homophonie entre le voile et la voile ajoute le sème de la légèreté, tandis que le choix du nom propre Harfleur vaut moins pour sa précision référentielle que pour ses sonorités qui mettent un coup d'arrêt à « la série des sonorités fluides et douces »15 des deux vers. Ajoutons à ce cratylisme latent le rôle que joue la forme visuelle dans la conception hugolienne du mot. Certes, les rimes des Contemplations ne suivent pas le principe parnassien de la rime pour l'oeil16, mais le dessinateur et dramaturge tient compte à sa manière du visuel. Les mots simples, à l'écrit, sont des groupements de lettres séparés des autres éléments par un blanc. Hugo y ajoute comme caractéristique la démarcation qu'introduit la majuscule. Sensible à la graphie, Hugo adopte aussi l'orthographe ancienne de « poëme », « poëte » (I, 9), utilise les petites capitales « non », « espérance », « fiat lux » (I, 8, p. 50-51), tandis qu'il transpose la pratique dramatique des vers brisés au domaine lyrique : Et, là, je m'écriais : - Horace! ô bon garçon! (I, 13, p. 58) Certes, les chiffres sont encore retranscrits en toutes lettres, « Charles neuf » n'est pas le « Pie X » des Calligrammes, mais ils constituent tout autant une nouveauté scandaleuse. La présence de purs graphèmes dans Les Contemplations ouvre également la voie à l'écriture visuelle des poèmes d'Apollinaire : « une F » et « ABCD » riment audaci eusement avec « chef » et « débordé » (I, 7, p. 42-43). Du moins, elle se caractérise par un niveau de langue familier : [41] Ils en sont à l'A B C D du coeur humain [] Le pluriel met une S à leurs meas culpas [] Sur l'affreux chevalet des X et des Y (I, 13, pp. 60-61). L'attention que Hugo prête à la longueur du mot témoigne plus encore de ce symbolisme de la forme. Adepte de l'épitrochasme qui l'amène à privilégier dans un vers les monosyllabes, Hugo ordonne parfois les mots selon un critère presque uniquement arithmétique : Où croit, monte, s'enfle et bouillonne L'incommensurable Babel! (VI, 23, p. 368)
15 René Bourgeois, « Les Contemplations, IV, 14 », Recherches et travaux n° 17, 1978, pp. 21-29, ici p. 28. 16 Pour un échantillon des rimes pour l'oreille, voir Pierre van Rutten, op. cit., p. 226. CLAIRE GRACIEUX
Les mots se suivent ici en fonction du nombre de leurs syllabes, du monosyllabe croit à l'adjectif de six syllabes incommensurable, selon une progression qui mime le mouvement dénoté. Dans le débat entre le nominalisme (arbitraire du signe) et le cratylisme (motivation entre son et signifié), Hugo garde la souplesse du nominalisme mais trouve une nouvelle motivation au rapport entre signifié et signifiant. Il favorise les rapports associatifs qui sont virtuels, sousjacents, et les rapports syntagmatiques qui articulent les syntagmes les uns aux autres. En même temps qu'il écrit Les Contemplations, l'auteur de lavis développe une herméneutique du signe. Il exploite ainsi ses initiales de poète et celles de sa maîtresse Léonie d'Aunet comme autant d'objets (chevalet, prie-Dieu etc.)17, mais la réserve encore à l'espace du dessin. Il y a là une indéniable modernité qui motive le lien entre forme et sens. Paul Claudel ira plus loin dans son Journal. Hugo, lui, ne va pas jusqu'à interpréter dans ses textes les phonèmes et graphèmes pour eux-mêmes, indépendamment du signifié du mot qu'ils constituent. Cependant, tous deux partagent cette même sensibilité à la matérialité, dont l'horizon est métaphysique. « Tout, jusqu'à leur regard, écoute » (I, 6, p. 40) peut être lu comme un écho annonciateur de « l'oeil écoute » de Claudel..
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Determinants and impacts of cross-border labour mobility Camill
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To cite this version: Camille Dumeignil. Determinants and impacts of cross-border labour mobility. Economics and Finance. Université Savoie Mont Blanc, 2020. English. NNT : 2020CHAMA020. tel-03554725 HAL Id: tel-03554725 https://theses.hal.science/tel-03554725 Submitted on 3 Feb 2022
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THÈSE Pour obtenir le grade de DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ SAVOIE MONT BLANC
Spécialité : Sciences économiques Arrêté ministériel : 25 mai 2016 Présentée par Camille Dumeignil Thèse dirigée par Mareva Sabatier et par Jean-Yves Lesueur préparée au sein du laboratoire IREGE Université Savoie Mont Blanc et de l’école doctorale SISEO
Déterminants et impacts de la mobilité frontalière du travail Determinants and impacts of cross-border labour mobility
Thèse soutenue publiquement le 22 septembre 2020, devant le jury composé de : M. Stephen Baz
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des universités, Aix
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seille Université, Examinateur M. Giovanni Ferro-Luzzi Professeur Université de Genève, Examinateur M. Jean-Yves Lesueur Professeur des universités Université Lyon, Directeur de thèse Mme. Mareva Sabatier Professeur des universités, Université Savoie Mont Blanc, Directrice de thèse Mme. Véronique Simonnet Professeur des universités, Université Grenoble Alpes, DARES Ministère du Travail, Rapporteur M. François-Charles Wolff Professeur des universités, Université de Nantes, Rapporteur L’Université
Savoie Mont Blanc n’entend donner aucune approbation, ni improbation aux opinions émises dans cette thèse ; elles doivent être considérées comme propres à leur auteur. À mon papa, Remerciements
Je pensais que cette partie serait la plus évidente pour moi, mais finalement cela s’avère plus compliqué que je ne l’imaginais tant il est difficile de synthétiser mes remerciements envers tous ceux qui m’ont accompagnée de près ou de loin dans cette expérience qu’est la thèse. Je tiens tout d’abord à exprimer ma profonde reconnaissance à mes directeurs de thèse, Mareva Sabatier et Jean-Yves Lesueur pour m’avoir encadrée avec tant de bienveillance, depuis maintenant quatre ans. Je souhaite également les remercier pour leurs exigences, leurs conseils avisés et les relectures minutieuses qui m’ont permis d’apprendre avec rigueur à faire de la recherche. Enfin, un grand merci pour leur soutien et les échanges partagés tout au long de ces quatre années. La réalisation de ce travail de thèse sous leur direction constitue pour moi une période particulièrement enrichissante et épanouissante. Je tiens à remercier spécifiquement Mareva Sabatier pour m’avoir donné envie de faire une thèse en économie lorsque j’ai assisté à son cours en première année de licence, pour sa disponibilité et son accompagnement précieux au quotidien. Je remercie également Stephen Bazen, Giovanni Ferro-Luzzi, Véronique Simonnet et François-Charles Wolff pour avoir accepté de faire partie de mon jury de thèse et plus particulièrement Véronique Simonnet et François-Charles Wolff qui ont accepté d’être rapporteurs. Un grand merci à la Région Auvergne-Rhône-Alpes pour le financement de cette thèse et au Crédit Agricole des Savoie pour avoir soutenu ce projet de thèse, et plus particulièrement à Frédéric Burdet pour avoir œuvré à la réalisation de ce partenariat. Je tiens maintenant à remercier les membres de l’IREGE qui ont contribué à faire de ce travail de thèse une expérience humaine incroyable au-delà de la formation à la recherche. Mes remerciements commencent tout d’abord par Gersende et Muriel qui ont assurément contribué à mon épanouissement à la fois par leurs conseils précieux, leur bonne humeur mais également au travers de nos discussions sur des sujets divers et variés. Mes remerciements se tournent aussi vers les membres de l’IREGE qui m’ont aidée tout au long de ce travail de thèse que ce soit au niveau des enseignements ou de la recherche et pour leurs conseils toujours bienveillants. Je pense notamment à Rachel Bocquet, Dorothée Charlier, Sarah Le Duiguou, Bérangère Legendre, Bénédicte Serbini, Jérémy Tanguy et tous les autres membres de l’IREGE avec qui j’ai eu le plaisir de partager ces quatre années. Merci à Bérangère Legendre de m’avoir souvent I Remerciements conseillée sur mes choix méthodologiques et Bénédicte Serbini pour son investissement dans la réalisation de mes services de cours. Je tiens enfin à remercier particulièrement Jérémy Tanguy pour son aide plus que précieuse sur les DADS, ses conseils sur les logiciels, son partage d’expérience, sa bonne humeur permanente et bien sûr pour le partage d’une passion commune autour des trésors sucrés dont recèle l’IREGE. Sa présence quotidienne au laboratoire a été salutaire dans les derniers moments de thèse. Merci également à tous les doctorants et anciens doctorants de l’IREGE avec qui j’ai eu le plaisir de partager ces quatre années : Angélique, Annaïg, Benoît, Boris, Caroline, Claire, Émilie, Gaëlle, Kang-Wook, Karine, Olga, Prudence, Sophie, Romanic, Vichet ainsi qu’à tous ceux qui ont été de passage. Une pensée particulière pour Caroline et Olga avec qui j’ai commencé cette aventure, et pour notre séjour à Autrans. Cette thèse est pour moi une aventure humaine extraordinaire qui m’a permis de lier des amitiés fortes (PWDL), notamment avec les chevaliers de l’IREGE. Je pense tout d’abord à Caroline avec qui j’ai partagé cette aventure depuis le début et sans qui ces quatre années n’auraient pas été pareilles. Merci pour nos discussions et nos rires, comme quoi l’économie et la gestion peuvent tisser des liens forts. Je pense aussi à celles qui ont terminé avant, Annaïg et Emilie. Nos soirées à rire et à échanger sur des sujets très divers (quoique) constituent l’un des plus beaux souvenirs de ces quatre années. Et enfin je tiens à remercier Boris pour ces discussions épistémologiques qui m’ont confortée dans mon choix de faire de l’économie, mais également pour avoir partagé tous ces bons moments. Merci aux amis de longue date de m’avoir soutenu tout au long de ce projet que constitue la thèse : à Agathe et Cécé pour leur amitié ô combien précieuse et tous les moments partagés, à Amandine et Pauline pour m’avoir soutenue depuis toujours, à Fanny pour son enthousiasme permanent et son amitié, à Léa pour nos soirées et à Lola mon amie la plus fidèle. Je tiens aussi à remercier tous les copains et copines de Dingy et la troupe de Dingy Girly pour leur grain de folie et leur amitié! Enfin, merci à Fred et Morgane (et Margot) pour cette présence durant le confinement, et à Morgane pour nos échanges sur les hauts et les bas de la thèse (et sa relecture précieuse). Je souhaite enfin remercier mes proches pour leur encouragement. Je pense en particulier à la famille du Chinaillon (merci à Sandra, ma marraine, et à Sonia, ma cousine, pour avoir accepté de faire la dernière relecture), ma petite sœur, et ma nouvelle (belle) famille. Je suis profondément reconnaissante de vous avoir auprès de moi. Bien entendu, je tiens à remercier ma maman, pour son soutien pendant la thèse mais aussi depuis toujours et bien sûr pour son amour inconditionnel. Merci de m’avoir transmis ta force. Je pense également très fort à mon papa, parti avant le début de cette thèse, j’aurai rêvé pouvoir partager ce moment avec toi. Cette thèse, je te l’a dédie. Je pense également à tous ceux partis trop tôt ou pendant cette thèse. Enfin, mon dernier remerciement, et pas des moindres, va à Robin pour m’avoir soutenu (et supporté) dans ce projet, d’avoir accepté les hauts mais surtout les bas avec tant de bienveillance, de gentillesse et d’amour. Merci aussi pour toutes ces années passées à tes côtés qui sont toutes plus épanouissantes les unes que les autres et pour m’avoir aidé à traverser toutes les épreuves.
II Table
des
mat
ières
Remerciements..................................
I Liste des tables.................................. V Liste des figures.................................. VII Introduction générale 1
1 Cross-border labour mobility decisions : The effect of complementarities in local labour markets 37 1.1 Introduction................................. 37 1.2 Theoretical model.............................. 41 1.3 Empirical context and data........................ 47 1.3.1 Complementarities in local and transnational labour markets : some facts.............................. 47 Data................................. 48 1.4 Descriptive analysis............................. 51 1.5 Method and Results....
........................ 56 1.6 Conclusion.................................. 62 1.3.2 2 Labour market consequences of temporary migration for the country of origin : A natural experiment based on France 69
2.1 Introduction................................. 69 2.2 Policy framework.............................. 74 2.3 Data.....................................
76
2.4 Empirical design
..............
................
80 2.
4.1 80 Methodological choice.......
................
III
Table
des
mat
ières 2.4.2 Empirical strategy
.........................
81 2.5 Overall Results........... .................... 84 2.6 Validity of RDiT and sensitivity analysis................. 90 2.6.1 Validity of the RDiT........................ 90 2.6.2 Sensitivity to the firms characteristics............... 93 2.6.3 Geographic sensitivity....................... 95 2.6.4 Individuals sensitivity for wage.................. 96 Conclusion.................................. 98
2.7 3 The impact of cross-border labour mobility on real estate price trends : A natural experiment
103 3.1 Introduction................................. 103 3.2 Policy Framework : the Swiss case..................... 108 3.3 Data and descriptive statistics....................... 110 3.4 Empirical strategy............................. 116 3.5 Overall Results............................... 120 3.6 Sensitivity Analysis............................. 125 3.7 3.6.1 Placebo tests............................ 125 3.6.2 Time horizon........................ .... 126
3.6.3 Time horizon and distance to border
............... 127 3.
6.4 Quality of
apartments
....................... 130
Conclusion.................................. 132 Conclusion générale 139 Bibliographie
153
IV Liste des tables 1.1 Comparative statics properties of Vm -Vs in the equilibrium....... 45 1.2 Unemployment rates and wages in the two study-cases......... 48 1.3 Summary Statistics............................. 52 1.4 Determinants of cross-border mobility decisions : Marginal effects... 58 1.5 Home countries : territorial comparison.................. 66 1.6 Definitions of variables........................... 67 2.1 Evolution of the average deflated hourly wage and of the ratio of apprentices to firms.............................. 79 2.2 Regression discontinuity model for wages................. 85 2.3 Regression discontinuity model for apprenticeships............ 86 2.4 Placebo tests................................ 91 2.5 Robustness to time horizon........................ 92 2.6 Sensitivity to the firms characteristics................... 94 2.7 Sensitivity of depending on the workplace................ 96 2.8 Sensitivity to skill occupations....................... 97 2.9 Definitions of variables........................... 100 2.10 Firms and individuals characteristics................... 101 3.1 Summary statistics for apartments.................... 113 3.2 Summary statistics for houses....................... 114 3.3 Difference-in-differences for apartments.................. 121 3.4 Difference-in-differences for houses..................... 122 3.5 Placebo tests................................ 126 3.6 Sensitivity to time horizon......................... 127 V Table des matières 3.7 Sensitivity to distance to border with time horizon 3.8 Sensitivity by price quartile.....................
... 130 VI........... 128
Liste des figures 1 Dates d’applications des accords
de
Schengen par pays
......... 4 2 Introduction progressive de l’ALCP.................... 5 3 Évolution de la mobilité frontalière du travail dans l’UE-15 et l’UE-28. 6 4 Évolution de la mobilité frontalière du travail dans huit pays de l’UE. 7 5 Poucentage des travailleurs frontaliers sur la population niveau NUTS
2 8 6 Flux de travailleurs frontaliers en provenance de France......... 9 7 Part des travailleurs frontaliers dans la population en emploi en France 10 8 Typologie des espaces frontaliers européens................ 11 9 Démarche générale de la recherche.....................
36 1.1 Location of commuters in Haute-Savoie by municipality......... 53 1.2 Location of commuters in Moselle by municipality............ 54 2.1 Liberalisation process of the Swiss labour market............ 75 2.2 Map of the France-Switzerland border area................ 76 2.3 Number of cross-border workers by département............. 77 2.4 Continuity of Xi at the threshold..................... 83 3.1 Cross-border
permit
eligibility
.......................
108 3.2 Population
and cross-border
workers
growth in Haute-Savoie
...... 110
3.3 Parallel trend hypothesis for apartments between treated and control group.....
................................
117 3.4 Parallel trend hypothesis for houses between treated and control group 117 3.5 Map of Switzerland, Haute-Savoie and Savoie..............
135
3.6 Evolution of housing supply
........
................ 137 VII Liste des figures
VIII Introduction générale
Dans le contexte d’une économie mondialisée, les déplacements terrestres, maritimes et aériens sont facilités, les mouvements de population de plus en plus fréquents et les opportunités de mobilités multipliées (Sheller & Urry, 2006). C’est notamment le cas de la migration du travail. Selon l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM, 2020), en 2017, on comptait près de 164 millions de travailleurs migrants dans le monde, soit près des deux tiers du total de migrants au niveau mondial. Cette migration de travail se définit, selon l’OIM (2019), comme « le déplacement d’une personne d’un État à un autre, ou à l’intérieur de son propre pays, pour des raisons professionnelles ». Elle a donc la même signification que la mobilité du travail, définie comme les « déplacements entre différents lieux géographiques ou déplacements le long de l’échelle professionnelle », dès lors qu’elle implique une mobilité géographique (OIM, 2019). Bien que les termes de migration et de mobilité peuvent être utilisés comme synonymes (Tassinopoulos & Werner, 1999), la migration de travail peut prendre diverses formes. Kondoh (1999) propose de classer cette dernière en trois catégories : la migration de travail permanente, la migration de travail temporaire, et la mobilité frontalière du travail. Ces différentes catégories de migration de travail permettent de définir trois groupes de migrants : les travailleurs migrants permanents, les travailleurs migrants temporaires et les travailleurs frontaliers. Pour l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Économiques), un travailleur migrant désigne « toute personne qui quitte son lieu de résidence habituelle pour raison de travail et qui s’établit à titre temporaire ou permanent, soit dans une autre région à l’intérieur d’un même pays (migration interne), soit dans un autre pays, franchissant ainsi une
1
Introduction générale frontière internationale (migration externe) ». Parmi les migrants externes, le Parlement Européen (1997) précise que les travailleurs frontaliers sont « des travailleurs qui exercent leur métier sur le territoire d’un État et résident sur le territoire d’un autre État (critère politique) dans lequel ils retournent en règle générale tous les jours ou au moins une fois par semaine (critère de temps) ». Il existe bien un mouvement entre deux lieux géographiques (pays d’origine et pays de destination) mais qui ne se traduit pas par l’établissement de sa résidence dans un autre pays, contrairement à la migration permanente et temporaire. En revanche, dans les zones de libre circulation, la mobilité frontalière du travail est considérée comme une forme extrême de migration temporaire. En effet, l’OCDE (2019) définit les immigrés temporaires dans les zones de libre circulation « comme les individus qui déclarent travailler dans un pays autre que le pays où ils résident habituellement ». Pour ’OCDE, le recours à cette définition est un moyen de tenir compte non seulement des personnes qui émigrent vers un autre pays pendant une durée inférieure à un an, mais aussi des travailleurs frontaliers. Si traditionnellement, ces derniers ne sont pas considérés comme des immigrés, pour l’OCDE, il est essentiel de les inclure dans l’analyse des migrations afin de prendre en considération l’ensemble des participants au marché du travail du pays d’accueil. Si la migration de travail peut avoir plusieurs formes, son évolution a reçu une attention particulière en Europe. Le contexte européen L’Europe constitue en effet la zone de libre circulation la plus étendue de l’OCDE. En 2015, près de 2 millions de personnes travaillaient au moins une fois par semaine dans un autre pays, selon l’Enquête sur les Forces de Travail (Eurostat). Ce chiffre a été multiplié par trois entre 1999 et 2015, reflétant principalement l’évolution de la mobilité frontalière du travail qui représente environ 1,3 million de travailleurs. Cette forte augmentation de la mobilité en Europe et plus particulièrement de la mobilité frontalière du travail est liée principalement à l’évolution du cadre institutionnel et notamment aux accords de libre circulation. En effet, l’article 45 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne 2 Introduction générale (TFUE), appelé aussi Traité de Rome (1957), définit le cadre général de la libre circulation. L’objectif du TFUE est de développer la mobilité des travailleurs entre les différents pays. Ce traité complète ainsi la libre circulation des biens, des services et des capitaux au sein du marché unique européen. La libre circulation des travailleurs implique l’abolition de toute discrimination fondée sur la nationalité en ce qui concerne l’emploi, la rémunération et les autres conditions d’emploi et de travail (Parlement Européen). Ce sont les Accords de Schengen, initialement conclus le 14 juin 1985 entre cinq pays (France, Allemagne, Belgique, Luxembourg et Pays-Bas), qui ont défini le cadre précis de la libre circulation. En effet, ces accords proposent l’abolition des frontières intérieures pour créer une frontière extérieure unique. Ils permettent ainsi de supprimer les barrières douanières afin que les individus puissent circuler librement entre les pays sans subir de contrôle. La mise en application des accords de Schengen a été promulguée en 1995 pour les pays signataires d’origine auxquels se sont ajoutés l’Espagne et le Portugal. Au fur et à mesure des années, l’espace Schengen s’est élargi au sein de l’Europe et inclut désormais vingt-six pays (Figure 1). En revanche, certains pays qui ne font pas partie de l’UE ont souhaité développer des accords spécifiques de libre circulation avec l’UE. C’est le cas de trois pays sur quatre de l’AELE (Association Européenne de Libre Echange) : l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège. En effet, ces trois pays ont décidé de rejoindre l’Espace Économique Européen (EEE) qui rassemble les 27 États membres de l’UE ainsi que ces trois pays. L’EEE permet d’étendre, aux trois pays de l’AELE membres de l’EEE, les quatre libertés qui fondent le marché unique de l’Union européenne comme la liberté de circulation des personnes. Pour ces trois pays de l’AELE n’appartenant pas à l’UE, cela signifie surtout la fin des contrôles systématiques à la frontière. La mise en place de la libre circulation a permis aux travailleurs d’aller chercher un emploi dans un autre pays que leur pays de résidence, sans restriction.
3 Introduction générale
Figure 1 – Dates d’applications des accords de Schengen par pays
Source : Réalisé par Pascal Orcier, Géoconfluences (2015)
La Suisse, également membre de l’AELE, a quant à elle refusé de rejoindre l’EEE, le 6 décembre 1992. En revanche, afin de définir les règles de mobilité entre la Suisse et l’UE, des accords bilatéraux ont été conclus. En effet, la Suisse et les États membres de l’UE ont signé en 1999 une première série de sept accords (Accords Bilatéraux I), dont l’accord sur la libre circulation des personnes (ALCP). L’ALCP met fin à la politique migratoire restrictive suisse pour toutes les personnes provenant des Etats signataires.
4 Introduction générale
Cet accord prévoit, pour les ressortissants des 15 premiers membres de l’UE le droit de choisir librement leur lieu de travail et de résidence. L’objectif final de l’ALCP était d’encourager l’entrée de personnes hautement qualifiées issues de l’espace européen. En effet, la littérature a souligné la difficulté pour les entreprises suisses de trouver des travailleurs (Kägi & Lobsiger, 2014 ; Indergand & Beerli, 2015) et plus particulièrement des travailleurs qualifiés. En revanche, pour éviter que les effets de l’introduction de l’ALCP ne soient trop soudains sur le marché du travail suisse, la transition entre les deux systèmes (politique migratoire restrictive vs libre circulation) a suivi un processus en plusieurs étapes qui s’est déployé sur la période 2002-2014 comme l’indique la Figure 2 (Losa et al., 2012).
Figure 2 – Introduction progressive de l’ALCP
Source : « La libre circulation : joies ou douleurs? »(Losa et al., 2012 ; p :22)
L’introduction de l’ALCP en 2002 a modifié de manière progressive le cadre d’embauche des travailleurs frontaliers issus de l’UE grâce à la suppression de plusieurs conditions comme la priorité donnée aux travailleurs natifs. Cependant, jusqu’au 1er juin 2007, l’embauche des travailleurs frontaliers était limitée aux individus qui résidaient en zone frontalière c’est à dire au maximum à dix kilomètres de la frontière. Grâce à l’abolition des ces dernières, le bassin d’emploi s’est fortement étendu sur l’ensemble du territoire des États signataires de l’ALCP. Ce n’est donc qu’à partir du 1er juin 2007 que la libre circulation est devenue complète pour les travailleurs frontaliers. L’abolition des frontières en Europe, que ce soit à travers la mise en œuvre des accords de Schengen ou d’accords bilatéraux, a ainsi modifié les schémas de mobilité 5 Introduction générale du travail au sein de l’Europe et a notamment permis l’expansion de la mobilité frontalière du travail. Évolution de la mobilité frontalière du travail en Europe
Entre 1999 et 2018, le nombre de travailleurs frontaliers a augmenté d’environ 130% dans l’UE-15, pour s’établir à plus de 1,4 millions de personnes (Figure 3). Dans l’UE-28, le nombre de travailleurs frontaliers a connu une augmentation encore plus importante et a atteint plus de 2 millions de personnes en 2018 (Figure 3).
Figure 3 – Évolution de la mobilité frontalière du travail dans l’UE-15 et l’UE-28 Source : Eurostat (2018)
La figure 3 témoigne bien de cette forte évolution de la mobilité frontalière du travail que ce soit dans l’UE-15 comme dans l’UE-28. En revanche, l’évolution de la mobilité frontalière du travail est très hétérogène en fonction des pays. En effet, en 2018, les trois quarts des travailleurs frontaliers en Europe étaient originaires de huit pays : 6 Introduction générale France (445 000 21%), Allemagne (282 000 13%), Pologne (214 000 10%), Slovaquie (139 000 6%), Italie (131 000 6%), Roumanie (130 000 6%), Hongrie (104 000 5%) et Belgique (107 000 5%). La Figure 4 qui représente l’évolution de la mobilité frontalière du travail dans ces huit pays, souligne la position de la France. En effet, elle regroupe à elle seule 21% du total de travailleurs frontaliers en 2018, devenant ainsi le pays européen avec le plus de travailleurs frontaliers. Figure 4 – Évolution de la mobilité frontalière du travail dans huit pays de l’UE Source : Eurostat (2017)
Bien que l’évolution de la mobilité frontalière du travail soit soutenue, le nombre de travailleurs frontaliers ne représentait que 0,9% de la main-d’œuvre totale de l’UE-28 en 2015. Cette moyenne cache toutefois une forte hétérogénéité régionale. De manière attendue, la mobilité frontalière du travail est plus élevée pour les régions (niveau NUTS 2) ayant une frontière commune avec un pays voisin. Comme le montre la 7 Introduction générale Figure 5, pour 36 régions européennes, les travailleurs frontaliers représentaient au moins 2% des personnes en emploi en 2015.
Figure 5 – Poucentage des travailleurs frontaliers sur la population niveau NUTS2 Source : « Statistics on commuting patterns at regional level », Eurostat (2017)
Si la mobilité frontalière de travail est plus élevée au niveau régional, ce phénomène est encore plus marqué à l’échelle départementale. Par exemple, en France, le pays européen comptant, pour rappel, le plus de travailleurs frontaliers, le nombre de ces 8 Introduction générale derniers est très important dans les départements à proximité de la frontière, en particulier avec le Luxembourg et la Suisse (Figure 6). En Haute-Savoie, département comptant le plus de travailleurs frontaliers en direction de la Suisse, ils représentent 9% de la population en emploi contre 4% seulement en 2002 (INSEE et OFS). Cette importance des travailleurs frontaliers dans la population se retrouve également dans d’autres départements frontaliers. En Moselle, département comptant le plus de travailleurs frontaliers en direction du Luxembourg, ces deniers représentaient plus de 14% de la population âgée de 15 à 65 ans en 2012 (INSEE). Figure 6 – Flux de travailleurs frontaliers en provenance de France Source : INSEE «
Résider en France et travailler à l’étranger »(2014, p :2) Plus localement, la part des travailleurs frontaliers dépasse parfois plus de 40% de la population active (Figure 7) alors qu’au niveau de la France ce statut de travail représentent 1,3% de la population active.
9
Introduction générale
Figure 7 – Part des travailleurs frontaliers dans la population en emploi en France Source :
«
Dynami
ques de l’emploi transfrontalier en Europe et en France » (2017, p :8)
Si la mobilité frontalière du travail est un phénomène très hétérogène du point de vue du pays d’origine, ce phénomène est aussi hétérogène en fonction du pays de destination. En 2016, les travailleurs frontaliers allaient principalement travailler dans trois pays selon la Commission Européenne : la Suisse avec 22% de travailleurs frontaliers, suivie de l’Allemagne avec 21% et du Luxembourg avec 9%. La contribution des travailleurs frontaliers à l’emploi peut être également très importante, en particulier pour le Luxembourg et la Suisse. En effet, en 2016 au Luxembourg la part des travailleurs frontaliers de l’UE-28/AELE représentait 41% du nombre total de salariés et en Suisse ces derniers représentaint 8% de la population active (Fries-Tersch et al., 2018). L’un des facteurs expliquant cette forte hétérogénéité de la mobilité frontalière tient probablement aux complémentarités plus ou moins fortes entre les territoires de part et d’autre des frontières. En effet, les contextes économiques locaux déterminent le potentiel d’interaction au sein de ces espaces comme le souligne la Figure 8. Le Commissariat Général à l’Egalité des Territoires (CGET) a qualifié les frontières européennes en fonction de trois critères structurels fondamentaux : économique (PIB/hab), démographique (part de jeunes et part de seniors) et sociaux taux de 10 Introduction générale chômage). Figure 8 – Typologie des espaces frontaliers européens
Source : « Dynamiques de l’emploi transfrontalier en Europe et en France » (2017, p :5)
La typologie des espaces frontaliers met en avant les avantages et les obstacles pouvant encourager ou limiter les échanges, et notamment les flux de travailleurs frontaliers. Les complémentarités peuvent se situer sur les profils démographiques (France-Allemagne ; Pologne-Allemagne) ou d’un point de vue économique (FranceLuxembourg ; France-Suisse). En revanche, d’autres frontières ne sont pas favorables aux échanges comme c’est le cas des territoires frontaliers roumains avec la Hongrie et la Bulgarie. Plus les complémentarités sont fortes, plus les flux transfrontaliers à l’échelle régionale semblent élevés (CGET, 2017).
11
Introduction générale
À travers ces faits stylisés, nous pouvons observer l’augmentation de la mobilité frontalière en Europe. Cette augmentation révèle une forte hétérogénéité tant du point de vue des pays d’origine que des pays de destination des travailleurs frontaliers, ainsi que des disparités entre les zones frontalières elles-mêmes. La présence de cette forte hétérogénéité questionne tant sur les déterminants de la mobilité frontalière du travail que sur ces impacts qui, compte tenu de l’importance de cette mobilité dans certains territoires, peuvent être nombreux. 12
Introduction générale Déterminants de la mobilité frontalière du travail
L’essor de la mobilité frontalière du travail questionne sur les déterminants de cette dernière. Il est essentiel d’étudier les choix de mobilité entre les marchés du travail locaux et étrangers afin de comprendre le fonctionnement de ces derniers. En effet, les flux de mobilité peuvent permettent d’atteindre une allocation efficiente des ressources (Borjas, 1999). De plus, le fort développement de la mobilité frontalière du travail peut avoir de fortes répercussions sur le pays de résidence et le pays de destination, ainsi que des effets conjoints sur les deux. Compte tenu des impacts économiques potentiels, il est nécessaire de mieux comprendre les déterminants des décisions de migration frontalière, afin de mesurer plus précisément les impacts. La littérature s’est d’ores et déjà saisie de cette question en mettant cependant davantage l’accent sur les déterminants de la migration permanente.
Modèle classique de la migration de travail permanente
La littérature en sciences économiques porte à la fois sur la migration interne (à l’intérieur d’un pays) que la migration externe dite internationale (entre deux pays). Comme le souligne Borjas (1999), les mécanismes qui expliquent les migrations peuvent s’appliquer aussi bien à la migration interne qu’à la migration internationale. Les travaux fondateurs de l’analyse des migrations ont été développés avec le modèle de Harris & Todaro (1970) qui relie les théories de la migration et celle de la recherche d’emploi à partir des travaux de Lewis (1954). Le modèle théorique de Harris & Todaro (1970), diverge du modèle néoclassique en reconnaissant l’existence d’un chômage involontaire et d’un marché du travail segmenté avec, d’une part le secteur urbain caractérisé par des opportunités d’emploi et des salaires plus hauts, et d’autre part, le secteur avec des salaires plus faibles. Les auteurs font l’hypothèse que les agents se comportent comme des individus parfaitement rationnels. Ainsi, les travailleurs du secteur rural vont comparer les avantages et inconvénients à migrer vers le secteur urbain. En effet, l’objectif de l’individu est de maximiser son niveau de revenu, net des coûts migratoires classiques 13 Introduction générale tels que les coûts de transport (monétaires et psychologiques), ou encore l’effort à fournir pour appréhender une nouvelle langue et une nouvelle culture. Grâce à la prise en compte du chômage, ce modèle permet d’intégrer la probabilité de trouver un emploi dans la décision de migrer. Le modèle de Harris & Todaro (1970) prédit que la migration rurale-urbaine va se poursuivre aussi longtemps que le revenu gagné dans le secteur urbain dépasse le revenu du produit agricole, malgré l’existence du chômage urbain. Dans le cadre de cet arbitrage, Harris & Todaro (1970) soulignent également l’importance du capital humain (Sjaastad, 1962). D’une part, les opportunités d’emploi augmentent avec le niveau du capital humain, et d’autre part, la migration peut constituer une stratégie d’accroissement du capital humain. Ces deux facteurs augmentent donc la probabilité de migrer. Si le modèle de Harris & Todaro (1970) fournit une première analyse des migrations, des travaux plus récents ont permis d’identifier de nouveaux déterminants de ces migrations. Pour Péridy (2010), le renouveau théorique a débuté avec les modèles d’auto-sélection. L’auto-sélection de la migration permanente Suite aux travaux fondateurs de Harris & Todaro (1970), la littérature s’est donc attachée à étudier le problème de sélection dans la décision de migration (Borjas, 1991, 1994, 1999). À partir du modèle initial de Roy (1951), Borjas (1991, 1994, 1999), montre que la décision de migrer dépend du degré de « transférabilité » des compétences observables et inobservables des migrants potentiels, et de l’inégalité de revenu entre les lieux d’origine et de destination. Les différences de qualification conduisent à une auto-sélection positive si les immigrés sont plus qualifiés que la population native et à une auto-sélection négative si les immigrés sont moins qualifiés que la population dans le pays de destination. Autrement dit, les travaux de Borjas suggèrent que les travailleurs qualifiés sont plus attirés par un marché du travail où les salaires se distribuent plus largement, car il peut fournir plus d’opportunités de revenus
14
Introduction générale élevés. Inversement, les travailleurs non-qualifiés préfèrent un marché du travail où la variance des salaires est relativement faible. Le processus d’auto-sélection va donc influencer la décision de migration des individus. La mise en avant du processus d’auto-sélection de la migration souligne l’endogénéité dans la décision de la migration, qui est un élément de discussion majeur dès lors que l’on souhaite mesurer les impacts de la migration. Au-delà du processus d’autosélection de la migration, un autre aspect de l’évolution théorique de l’analyse de la migration concerne la spécification des coûts migratoires, comme l’indique Péridy (2010).
Les coûts de la migration permanente
Ainsi, dans les premiers modèles de migration (Harris & Todaro, 1970 ; Borjas, 1991, Borjas, 1994 ; Borjas, 1999), les coûts de migration se résument aux coûts de transport (mesurés au moyen de la distance géographique (Greenwood, 1975)) et à l’effort à fournir pour appréhender une nouvelle langue ainsi qu’une nouvelle culture. Depuis, la littérature s’est penchée sur l’identification d’autres sources de coûts de migration. Le premier concerne la perte des réseaux humains ou économiques qui résulte de la migration (Carrington et al., 1996 ; Moretti, 1999 ; Bauer & Zimmermann, 1997). Carrington et al. (1996) proposent un modèle de migration dynamique qui permet une meilleure modélisation des mouvements migratoires que les modèles néoclassiques comme celui de Harris & Todaro (1970) qui ont des coûts de mobilité fixes. Le modèle de Carrington et al. (1996) prédit que les coûts de déplacement déclinent avec le stock de migrants présents dans le pays de destination. Ce résultat s’explique par plusieurs mécanismes. Tout d’abord, les migrants envoient souvent des informations sur le marché du travail et sur le marché immobilier à leurs amis et à leur famille restés dans leur pays d’origine (Hansen, 1940). Deuxièmement, les migrants antérieurs fournissent souvent aux futurs migrants une aide à la recherche d’emploi ou de logement (Grossman, 1991). Enfin, les migrants antérieurs réduisent le coût de l’adaptation à l’environnement, la culture ou la langue étrangère (Marks, 15 Introduction générale 1989). Tous ces éléments suggèrent que le coût de l’installation dans une région est moindre lorsqu’il existe un réseau établi de migrants antérieurs. L’importance du réseau pourrait également expliquer la volonté des travailleurs frontaliers de faire des navettes quotidiennes, plutôt que de migrer, afin de rester vivre dans leur pays d’origine et de ne pas subir cette perte de réseau. Le second coût à prendre en compte dans l’analyse des décisions de migration correspond aux effets frontières qui mesurent le coût du franchissement d’une frontière. Comme le souligne Péridy (2010), ce concept a été initialement développé dans la théorie du commerce international, par McCallum (1995). L’existence de frontières politiques représente une source importante de réduction des flux commerciaux (Head & Mayer, 2002). L’effet frontière est cependant plus faible dès lors qu’il existe une langue commune (Wei, 1996). Au-delà du commerce international, la frontière a un effet sur la décision de migration (Helliwell, 1997 et Hunt & Mueller, 2004), principalement en raison de l’existence de système institutionnel différent de part et d’autre de la frontière. Helliwell (1997) souligne que l’effet frontière est même plus important quand il s’agit de migration que de commerce international. Pour finir, un troisième coût répond aux critiques faites aux modèles traditionnels de migration et d’auto-sélection qui ne prennent pas en compte les politiques migratoires comme un coût à la migration. La migration est pourtant le résultat des facteurs d’attraction du pays de destination comme le besoin de main-d’œuvre étrangère (Piore, 1979). Cette demande va dépendre des politiques migratoires mises en place. En effet, les mouvements migratoires diminuent lorsque la politique migratoire devient plus restrictive car elle augmente les coûts à la migration (Benhabib, 1996 ; Mayda, 2010). Dans le même temps, des politiques migratoires différentes peuvent impacter le flux de migrants si elles favorisent des migrants qualifiés ou non qualifiés. La migration temporaire du travail : un processus dynamique
Si la migration permanente a été la première à être analysée dans la littérature, beaucoup de migrations sont temporaires (Dustmann & Görlach, 2016) et peuvent se
16
Introduction générale traduire par un processus de retour dans le pays d’origine. Comme nous l’avons vu précédemment, la mobilité frontalière du travail est une forme extrême de migration temporaire au sens de l’OCDE. Il est donc essentiel d’analyser pour quelles raisons les individus reviennent dans leur pays d’origine, afin de mieux comprendre la mobilité frontalière du travail. En effet, le caractère temporaire de la migration peut impliquer des changements importants dans le comportement et les choix des immigrants (Dustmann & Görlach, 2016). Pour tenir compte du caractère temporaire et donc réversible de la migration, Dustmann & Görlach (2016) ont proposé un modèle théorique dynamique avec deux hypothèses majeures : a) le revenu peut différer entre les deux pays et b) il est possible d’accroître son niveau de capital humain à travers la migration. Ce modèle permet d’aboutir à quatre prédictions théoriques pouvant expliquer le caractère temporaire de la migration. Premièrement, les individus ont une forte préférence pour la consommation dans le pays d’origine, même si les salaires sont plus élevés dans le pays de destination. Deuxièmement, le pouvoir d’achat de la monnaie du pays de destination est plus élevé dans le pays d’origine. Troisièmement, il existe un différentiel de salaire positif entre le pays de destination et le pays d’origine. Pour finir, les travailleurs peuvent accumuler du capital humain plus rapidement dans le pays de destination, la migration temporaire a donc pour objectif d’accroître rapidement ses compétences. Bien que les modèles de migration de travail (temporaire ou permanente) permettent de comprendre le choix de travailler dans un autre pays que son pays d’origine, ils ne permettent pas de prendre en compte l’arbitrage des individus entre établir sa résidence dans un autre pays, ou faire des déplacements quotidiens entre deux pays, qui est une forme de « commuting ». Les décisions de « commuting » La littérature en économie du travail a proposé une analyse des décisions de déplacements quotidiens ou de « commuting ». Ainsi, les modèles traditionnels de
17 Introduction générale
recherche d’emploi (Stigler, 1962 ; Lippman & McCall, 1976 ; Mortensen, 1986) ont été complétés par une analyse spatiale qui prend en compte les trajets quotidiens dans le choix individuel (Wales, 1978 ; Rogerson, 1982 ; Jackman & Savouri, 1992 ; Van den Berg & Gorter, 1997 ; Rouwendal, 1998 ; Rouwendal, 1999 ; Paetzold, 2019). Cette littérature établit que la mobilité du travail résulte d’un arbitrage entre le salaire individuel potentiel et les coûts de transports quotidiens qu’ils soient monétaires ou psychologiques. En revanche, si cette littérature s’intéresse à la distance optimale de recherche d’emploi, elle ne prend pas en compte la notion de frontière. Ce n’est que récemment que plusieurs auteurs ont comparé le « commuting » à la migration du travail permanente (ou temporaire) (Eliasson et al., 2003 ; Huber & Nowotny, 2013 ; Nowotny, 2014). Les différents auteurs soulignent la différence entre ces deux schémas de mobilité de la main-d’œuvre. Le choix de faire des navettes quotidiennes plutôt que de migrer est encouragé par l’accessibilité régionale qui réduit le temps et le coût du trajet domicile-travail. Cette littérature met clairement en évidence la notion de proximité géographique cessaire pour faire des navettes plutôt que de migrer.
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Le Siècle rejoignit très vite la feuille orléaniste et le fit savoir dans son édition du 13 juin111. Cependant toute la presse ne fut pas unanime pour participer à cet hommage. C'est pour motiver le refus de s'associer à cette célébration de la mémoire cavourienne qu'est publiée une petite brochure intitulée Protestation à propos de M. de Cavour112. Son auteur, Eugène Carré, est le rédacteur en chef du journal La Jeunesse, créé en 1861. Il s'agit d'un titre ne s'occupant pas directement de politique, mais qui profite des pages littéraires et culturelles pour faire passer des idées politiques avancées113. Eugène Carré explique qu'il n'a pas répondu dans son journal à l'invitation du Journal des débats car La Jeunesse ne s'occupant pas directement de politique, il ne pouvait être question pour lui de publier un article qui aurait expliqué le pourquoi du refus de son journal de s'associer à l'initiative du Journal des débats ; en effet, un tel article aurait été par la force des choses éminemment politique. C'est la raison pour laquelle il publie cette brochure, où il développe le point de vue qui est le sien sur Cavour114. Dans ce petit texte, très anticlérical, l'auteur se revendique comme un libre penseur115. Plus généralement ce texte se situe politiquement dans la gauche avancée voulant aboutir non seulement à l'obtention de droits politiques mais également des droits sociaux pour les masses pauvres. Il est donc à la gauche de la gauche 111 « Quand il s'agit d'honorer le grand citoyen qui vient de mourir, Le Siècle ne peut pas plus hésiter qu'il n'hésita lorsqu'il fallut prendre parti pour la cause de l'indépendance italienne », Le Siècle, 13 juin 1861 112 Eugène Carr
, Protestation à propos de M. de Cavour, Paris, E.Dentu, 1861, 31p. 113 Cf. Claude Bellanger, Jacques Godechot, Pierre Guiral et alii, Histoire générale de la presse française, op. cit., p. 304 114 Eugène Carré, Protestation à propos de M. de Cavour, id, p.4 115 Id., p. 24 281 mod
érée dont Le Siècle est le représentant. Il est par conséquent intéressant de confronter les opinions d'Eugène Carré avec celles du rédacteur du Siècle. Les différences de jugement sur l'oeuvre du ministre piémontais révèlent les fractures qui séparent ces deux gauches. « Qu'a-t-il fait du principe des nationalités? Il l'a mutilé. La Démocratie, c'est la liberté. [] Nous devons dire ici que le principe des nationalités n'est au fond que le principe même de la souveraineté du peuple. []. C'est parce qu'une nation a le droit de se gouverner elle-même qu'elle a le droit de repousser l'oppression étrangère. Faire appel au peuple au nom de la nationalité pour repousser cette oppression, et prétendre confisquer à l'intérieur cette souveraineté, c'est non seulement manquer à la logique, mais c'est encore oublier les leçons de l'histoire117. » Ainsi la gauche modérée représentée par Le Siècle et la gauche plus radicale dont la brochure d'Eugène Carré révèle
l'opinion présentent un
portrait
diamétralement opposé de Cavour, en partant pourtant de considérations
proche
s. Pour la pre
mière, Cavour est le champion de la cause du peuple, et c'est la raison pour laquelle il faut célébrer sa mémoire. Pour la seconde Cavour est au contraire un traître à la cause du peuple, qu'il abuse, comme le prouve l'extension du Statuo à toute la péninsule, qui ne confère le droit de vote qu'aux élites sociales. Cette hostilité à l'égard de Cavour est confirmée par une autre brochure le concernant et due à la plume d'Henri Cernuschi118. Les propos de ce dernier sont d'autant plus intéressants à étudier que son texte connaît une certaine diffusion dont témoigne sa rapide réédition. De plus, émanant d'un auteur italien, exilé en France depuis 1850 après avoir participé à la défense de la République romaine en 1849, il présente les idées d'un homme vivant entre deux cultures, pouvant donc se faire le passeur en France de certaines idées 116 "Aristocrate, il sait dans cette grande question de l'indépendance italienne, reléguer le peuple à la dernière place et pousser la noblesse à prendre la première", id., p. 18
117 Id., p
. 27
118 Henri Cern
us
chi, Réponse
à l'accusation portée par M. de Cavour, Paris, Imprimerie de Dubuisson
et cie, 1861, 31p
. 282 développées dans certains milieux italiens sur les modalités de l'indépendance de la péninsule. Républicain de conviction, lié aux milieux républicains français119, il contribue à diffuser par son texte auprès de ces derniers certains jugements négatifs sur Cavour. S'il publie sa brochure après la mort de Cavour, il avait néanmoins commencé à la rédiger du vivant du ministre, en réponse au dernier discours parlementaire que ce dernier avait prononcé à la chambre de Turin le 29 mai 1861 et dans lequel il citait nommément Cernuschi. Le sujet de la discussion portait sur une proposition soumise à discussion de faire reconnaître les grades des officiers qui avaient pris part à la défense de Rome en 1849. Cavour répondit qu'il en acceptait le principe uniquement pour ceux qui avaient également pris part aux combats de 1859. Or Cavour reprochait à Cernuschi de ne pas être intervenu alors, préférant s'occuper de ses intérêts personnels à Paris et délaissant donc par goût du lucre la cause de l'indépendance. Cenuschi n'avait publié aucun texte politique depuis son arrivée en France. Mais se sentant touché dans son honneur, il décide donc de répondre au comte, et publie sa brochure pour exposer ses idées, même si entre temps le comte est décédé. En effet, il ne lui semble pas de manquer de respect à la mémoire du défunt, car il attaque non sa personne, mais sa politique. Les arguments qu'ils développent rejoignent en partie ceux d'Eugène Carré. Le tort essentiel fait à Cavour est d'avoir promu une politique italienne contraire aux besoins des populations de la péninsule. En effet, il n'est pas pensé comme le promoteur d'une réelle politique d'indépendance suscitant un enthousiasme populaire. Il n'a été que le serviteur talentu d'une politique d'ancien régime permettant à la monarchie des Savoie d'agrandir territorialement son domaine. L'indépendance de l'Italie sous la direction de Cavour n'est qu'un leurre : elle n'est qu'une piémontisation imposant avec force les structures piémontaises du nord au sud de la Péninsule. Ne suscitant aucun enthousiasme populaire, la politique de Cavour n'a pas pu aboutir grâce à un engagement volontaire des Italiens. Elle n'a pu se faire que par l'alliance avec la France : ceci met le nouvel Etat sous la dépendance de cette puissance. 283 intérêts réels de la péninsule, ne tenant pas compte des structures du pays et ne travaillant qu'au bénéfice de la monarchie piémontaise, au mépris des aspirations des peuples des différents Etats préexistants. Ainsi Cernuschi rejoint les propos d'Eugène Carré selon lesquels Cavour a mené une politique d'aristocrate peu soucieux du peuple, à l'inverse de ce qu'affirmaient les rédacteurs du Siècle pour lesquels Cavour menait une politique répondant aux aspirations populaires. Cette différence d'analyse relève du sens polysémique du mot peuple. Pour la gauche modérée faisant de Cavour son champion, le mot peuple doit être compris dans son acceptation politique de communauté des citoyens d'où découle le pouvoir. Pour Cernuschi au contraire il n'existe pas un peuple abstrait à la source du pouvoir mais des peuples différents façonnés par les diverses situations historiques. Enfin pour la partie située encore plus à gauche, le terme peuple n'a pas une acceptation politique mais une acceptation sociale : le peuple, c'est ce qui n'est pas la classe dirigeante ou l'élite sociale. Il s'agit de la masse des travailleurs, exclus de tous droits, méprisés par le pouvoir et exploités. Pour le dire d'une formule, le peuple, ce sont les victimes de la répression en juin 1848120. Ainsi la différence de vue sur Cavour révèle la division qui existe à gauche entre ses différentes ailes : celle qui privilégie les droits politiques et la lutte pour les approfondir d'une part, celle qui tente d'avoir une lecture qu'on pourrait qualifier d'anthropologique d'autre part et qui ne pense pas en termes d'abstractions mais en terme de structures historiques d'autre part et enfin celle qui depuis 1848 a petit à petit placé les préoccupations politiques au second plan pour se concentrer sur les questions sociales. Cette de vues entre les différentes sensibilités de gauche se donne à lire dans le parallèle fait par Eugène Carré entre Cavour et Garibaldi. Le Siècle, reprenant ici un topos déjà affirmé dans le portrait de Cavour publié de son vivant et que nous avons déjà étudié, présente Garibaldi et Cavour comme travaillant main dans la main, au-delà des divisions sociales, pour le bien d'un objectif commun, la cause nationale allant de pair avec l'affirmation du principe de liberté en Italie. 120
Sur cette distinction entre le peuple compris
comme corps politique ou
comme
corps social
, cf. Pierre Rosanvallon, Le peuple introuvable. Histoire de la représentation démocratique en France, op. cit. Cf. également Jacques Julliard, « Le peuple », in Pierre Nora (dir.), Les lieux de mémoire, Paris, Quarto Gallimard, 1997, tome 2, pp. 2359-2393 284 «
Si
, nous la trouverions dans l'homme qui a toujours compris et prêché ces deux grands principes qui peuvent seuls sauver l'Italie
: la souveraine
té et
la solidarité des peuples
Il
est sur toujours toujours son bâillon. . Cet homme, seul, sans armée, sans police, sans agent, sans rien en un mot de ce qui fait la force matérielle des gouvernements, en a toute la force morale. Rien ne manque à cette figure de patriote acharné à la délivrance de l'Italie Les plus fameux es d ingratitude nationale passés l'ingratitude de l'Italie envers lui » Garibaldi est donc présenté comme 'anti- avour. est vu comme celui ayant lé pour le peuple, à la différence de Cavour. Il ne peut y avoir de parallèle entre eux : leurs chemins sont divergents. L'idée des rédacteurs du Siècle est erronée. Par cette opposition de la figure des deux personnages est réaffirmée l'impossible conciliation entre la gauche modérée et les mouvances situées plus à gauche. Les propos de Cernuschi vont dans le même sens, puisqu'il reproche à Cavour d'instrumentaliser Garibaldi pour faire aboutir les desseins de la monarchie piémontaise, mais en méprisant fonc ment ses options politiques réelles. On peut donc dire que parler de Cavour répond à gauche à des considérations de politique intérieure et de positionnement politique à l'intérieur même de la gauche. Encenser Cavour ou réprouver son action sert à réaffirmer les positions politiques qu'on défend plus généralement. Au-delà de ce jeu de positionnement à l'intérieur de la gauche, l'utilisation qui est faite de sa figure sert également à réaffirmer des principes marquant une claire opposition au régime de Napoléon III. Les portraits faits de Cavour servent en effet à critiquer le Second Empire et à afficher des positions nettement anticléricales. Pourtant malgré cette utilisation commune de la figure de Cavour, les deux gauches ne se retrouvent pas non plus ici, car les critiques qu'elles formulent les opposent également. La critique à l'égard du régime de Napoléon III prend plusieurs formes. Le Siècle lui adresse deux reproches essentiels : il accuse le gouvernement de ne pas rendre d'hommage public à Cavour, et il lui fait grief de ne pas reconnaître le nouvel Etat italien. L'idée essentielle ici consiste à dissocier l'Empire de sa politique italienne. Cette dernière n'incarne pas le régime mais ce que la France représente du point de vue politique et moral, à savoir la patrie de la Liberté. L'appui que la gauche a pu apporter à la politique italienne de l'Empire n'est pas un blanc-seing, mais s'inscrit dans la tradition de la gauche qui a toujours défendu la cause nationale122. C'est dans cette optique que Le Siècle est de tous les journaux que nous 121 122
Eugène
Carré,
Protestation à propos de M
.
de
Cavour
, op. cit., pp.28-29 Cf. Philippe Darriulat, Les patriotes. La gauche républicaine et la nation. 1830-1870, op. cit. 285 avons consultés le seul à rendre longuement compte dans son édition du 18 juin de la cérémonie s'étant déroulé la veille en l'église de la Madeleine en hommage à Cavour. D'après les dires du journal, confirmés par le compte-rendu que fait Le journal des débats, la cérémonie n'a pas eu lieu à l'initiative des autorités françaises mais à celle de la légation italienne123. L'évocation de cette cérémonie permet au Siècle de se livrer à une attaque en règle contre le régime. On reproche d'abord aux autorités une méfiance excessive à l'égard de la foule, empêchée d'accéder à l'église. Le reproche ici formulé revient à contester la légitimité populaire du régime, fondée sur les plébiscites : quand le peuple est présent dans sa réalité concrète de foule réunie pour un événement comme la cérémonie en hommage à Cavour, le pouvoir ne sait s'adresser à lui que sous sa forme policière. De plus, cette cérémonie est présentée comme une cérémonie dans laquelle était majoritairement présente l'opposition. La présence de Persigny et de Thouvenel est rapidement évoquée. Mais l'essentiel réside dans la présence des partisans de la « démocratie française », tels Jules Favre ou François Arago, et derrière eux « de nombreux ouvriers qui avaient quitté leurs travaux pour honorer le patriote italien et protester à leur manière contre le silence gardé au corps législatif et au sénat sur la douloureuse perte faite par l'Italie124 ». La foule dans son ensemble est estimée à 5 000 personnes. Par le compte-rendu que Le Siècle fait de cette cérémonie, il l'inscrit dans la tradition des enterrements d'opposants servant d'occasion de manifestation politique contre le pouvoir en place125. Il se sert de Cavour pour critiquer le pouvoir. D'autant que l'appui que le Napoléon III a donné dans un premier temps à la cause nationale incarnée dans le ministre de Victor-Emmanuel II n'a été que de façade, comme le prouvent les tergiversations mises pour reconnaître le royaume italien. Le journal se demande quelles sont les raisons pour lesquelles le royaume d'Italie n'a pas encore été reconnu, et se refuse à croire que la France pourrait mettre des conditions à cette reconnaissance. A un régime hésitant, Le Siècle oppose une France unanime à se reconnaître dans l'oeuvre d'émancipation nationale initiée par Cavour. Tel est le sens à donner à la participation populaire à l'occasion de la cérémonie en l'église de la Madeleine. « Que veut le gouvernement français en maintenant un corps d'occupation à Rome, contrairement au voeu du pays ainsi occupé militairement? Sommes-nous pour ou contre l'indépendance de l'Italie? De l'impossibilité où l'on est de répondre à ces questions naissent des doutes, des incertitudes funestes. [] Il faut que cet état de chose cesse. Il faut être avec ou contre l'Italie; avec ou contre le pouvoir temporel de la papauté. La reconnaissance du royaume italien hâtera-t-elle cette solution si universellement désirée? Dieu le veuille pour le bonheur de l'Italie, pour le repos et la gloire de la France! []Que la France, puisqu'elle est une nation catholique -moins catholique pourtant que chrétienne- protège la papauté, qu'elle lui fournisse les moyens d'accomplir sa mission spirituelle, rien de mieux! Mais que notre armée fasse à Rome une oeuvre contraire à l'oeuvre héroïque accomplie à Magenta, à Marignan, à Solferino; que notre drapeau abrite à Rome les intrigues de la réaction; que protégé par nos armes, les cardinaux et François II entretiennent la guerre civile dans cette Italie pour l'indépendance de laquelle nous avons prodigué tant de sang et tant d'or, c'est une flagrante inconséquence qui ne peut se prolonger127. »
L'évocation de la cérémonie faite en l'hommage de Cavour permet donc de critiquer le pouvoir en place, qui par sa politique trahit la mission historique de la France. Elle permet de dissocier l'appui donné à
la
cause italienne par
la
gauche
modérée
de
la
politique
italienne
de
Napoléon III. Et la reconnaissance du
royaume italien à
la fin
du mois de juin n'apporte
pas
l'appui de cette frange de l'opinion au régime
:
ce dernier ne fait qu'avec de retard ce que le souci de la grandeur française l'aurait du pousser à faire du vivant même de Cavour. Les critiques à l'égard du régime de Napoléon III sont également le fait de la gauche plus radicale. Mais elles ne rejoignent pas celles de la gauche modérée. Eugène Carré refuse de participer à l'hommage rendu à la mémoire de Cavour car il considère que la politique menée par le ministre piémontais, loin de favoriser la cause de la liberté, n'était qu'un prétexte à asservir le peuple. Dans ce contexte, tous les soutiens dont Cavour a pu bénéficier sont présentés sous la même optique. L'auteur critique sans la nommer la politique de 126 127 Le Siècle, 18 juin 1861 Id. 287 Napoléon III. De concert avec Cavour, elle se négocie dans le secret des cabinets. Ceci est à l'opposée de l'action réellement populaire d'un Garibaldi, qui réalise ses hauts faits en comptant sur le soutien actif de la foule, et au grand jour. L'auteur finit son portrait de Cavour par cette considération qui, si elle s'adresse à Cavour, n'en constitue pas moins une accusation de la pratique politique de Napoléon III : « On commence à saisir l'arrière-pensée de ceux qui se servent de l'idée de nationalité comme d'une diversion à l'idée de liberté128. » Ainsi, alors que la gauche modérée reproche au gouvernement de Napoléon III de ne pas appuyer assez son alliance avec Cavour, la gauche radicale au contraire se sert de l'alliance entre les deux hommes pour refuser tout soutien à l'un comme à l'autre. Ici encore, Cavour est un révélateur de l'opposition des deux gauches, même lorsqu'elles convergent dans des critiques à l'égard d'ennemi commun. La même opposition se retrouve si l'on prend en compte le jugement porté sur la politique religieuse de Cavour. Mais ici encore, gauche modérée et gauche radicale, si elles sont toutes deux favorables à l'anticléricalisme, ne se retrouvent pas autour de la figure de Cavour sur cette question. Pour la gauche modérée, Cavour est un champion de la cause anticléricale. Le dernier texte que nous avons cité prouve que cette frange de l'opinion est favorable à l'abolition du pouvoir temporel du Pape. Lorsque Le Siècle affirme « il faut être avec ou contre l'Italie; avec ou contre le pouvoir temporel de la papauté », il entend souligner l'incompatibilité qu'il existe entre la cause nationale et la cause du pouvoir temporel du Pape. Deux légitimités s'affrontent sur l'espace romain, et les exigences des temps modernes amènent à affirmer la primauté du pouvoir civil sur le pouvoir religieux. La solution de cette question n'est pas présentée comme touchant la seule Italie, mais comme touchant également la France. Elle s'est battue pour faire advenir à Solferino ou à Magenta le principe national, et l'empêcher d'aboutir aux seuils de Rome est vue comme une inconséquence, trahissant la mission historique du pays129. Toutes ces affirmations sont faites par Le Siècle à l'occasion de la cérémonie ayant eut lieu à la Madeleine à la mémoire de Cavour. Celui-ci sert donc à critiquer le régime, puisqu'en évoquant ce personnage, le journal en profite pour critiquer le cléricalisme supposé du pouvoir. Encore une fois, Le Siècle reprend ici les mêmes idées que le journal avait 128 Eugène Carré, Protestation à propos de M. de Cavour, op. cit., p. 29 Cf développées du vivant de Cavour dans le portrait qu'il lui avait consacré pour affirmer un positionnement nettement anticlérical, que l'oeuvre de Cavour était supposée confirmer. Les républicains modérés ont donc posé l'image d'un Cavour anticlérical, et c'est cette image qu'ils reprennent à sa mort. Elle justifie de lui rendre hommage en participant à la souscription lancée par Le Journal des Débats. Or ici encore, le clivage entre la gauche modérée et la gauche radicale est patent, et la brochure d'Eugène Carré en est un bon révélateur. Ce dernier, entre autres reproches, fait grief à Cavour d'être un partisan de la cause catholique. « Catholique, il inscrit en tête de la constitution une religion d'Etat, il reste toujours le défenseur des biens de main-morte ; et quand il offre à l'Eglise la liberté, il la lui offre sur cette terre italienne où, ni la philosophie, ni le schisme n'ont poussé de racines ; c'est dire qu'il lui propose une véritable souveraineté, garantie par des centaines de millions de propriétés. » Et une note en bas de page précise : « Qu'on puisse aller à la messe, ainsi le veut la liberté. Soit! Nous voulons la liberté entière, sincère ; mais peut-elle l'être sans l'égalité? Y aurait-il égalité entre le clergé italien avec son monopole intellectuel, ses richesses, ses privilèges, ses armes, et le peuple ignorant, pauvre, désarmé 130?» Nous avons vu plus haut que Cavour n'avait pas éliminé les propriétés ecclésiastiques ; son but était de ne conserver que les ordres à vocation sociale et de faire en sorte que l'Eglise subvienne à ses propres besoins par la gestion de ses ressources sans avoir à recourir à l'aide de l'Etat. Il n'y avait donc pas eu spoliation des biens du clergé, mais redéfinition des prérogatives du clergé et de l'Etat. Ce n'était donc pas l'anticléricalisme de combat souhaité par la libre-pensée dont se réclame Eugène Carré. Dans son optique, l'Etat devait non pas seulement délimiter la part de l'Etat et celle de l'Eglise, mais lutter frontalement contre cette dernière. Ne pas le faire est un des torts de Cavour, qui ici encore est présenté comme abusant le peuple. L'auteur ne tient pas compte des protestations de l'Eglise à l'é gard de la politique cavourienne vis-à-vis de la question romaine et des autres questions religieuses : la volonté de compromis caractéristique de Cavour dans ces délicates questions est pour Eugène Carré une ruse de plus. Cavour ne mérite pas par conséquent en ce domaine non plus la panthéonisation que suggère la souscription lancée par Le Journal des Débats et à laquelle Le Siècle s'est jointe. 130 Eugène Carré, Protestation à propos de M. de Cavour, op. cit., p. 19 289 Ainsi si nous souhaitons résumer le rapport des gauches à Cavour tel que son décès le laisse apparaître, il convient d'en souligner l'ambivalence. Ainsi Cavour est une figure qui divise la gauche. Le jugement porté sur son oeuvre ne faisant pas l'unanimité à gauche, sa mémoire ne sera pas portée par ce groupe, la mémoire se construisant autour de figures consensuelles assurant la cohésion d'un groupe. Ici, c'est autour de Garibaldi que se fera le consensus, gauche radicale et gauche modérée pouvant sans peine se reconnaître dans lui. 4- Et le Cavour du pouvoir en place?
Le Siècle avait reproché aux instances dirigeantes du pays de ne pas participer à l'hommage légitime que le peuple français ne pouvait manquer de rendre à Cavour comme nous l'avons vu. Il l'accusait par là d'être opposé au peuple, de s'en méfier, étant incapable de communier avec lui autour d'un homme incarnant un double principe à défendre, le principe national et celui de la liberté des peuples, principes étant considérés comme étant de matrice française. L'absence d'enthousiasme de la part du pouvoir à célébrer la mémoire de Cavour telle que nous l'indique Le Siècle nous semble logique, en fonction de tout ce que nous avons vu précédemment. Tous les secteurs de l'opinion, qu'ils aient été jusque là majoritairement favorables à la politique menée par Napoléon III comme les catholiques ou opposés à lui se 290 servent du décès de Cavour pour critiquer le pouvoir. Ainsi, si les catholiques, les orléanistes, les républicains s'opposent en tout, cependant la figure de Cavour leur sert à tous comme moyen de critiquer l'Empereur, soit en lui reprochant sa politique italienne (comme c'est le cas pour les catholiques et les légitimistes) soit en lui faisant grief de son absence de libéralisme (comme l'affirment les orléanistes) soit encore en lui reprochant d'instrumentaliser à des fins de pouvoir la juste cause nationale italienne (cas des gauches). Par conséquent, le pouvoir ne peut se réclamer de Cavour, car il lui aliène ses alliés traditionnels sans pour autant lui amener le soutien des forces qui lui sont opposées. Par conséquent, le pouvoir napoléonien ne peut que faire preuve de discrétion face au décès de Cavour. La lecture des journaux proches du pouvoir et des quelques brochures publiées sur le ministre piémontais montre la réalité de ce silence relatif de la part du pouvoir en place. Pour connaître l'opinion bonapartiste sur Cavour nous avons consulté la presse officielle, c'est-àdire Le Moniteur, ainsi que Le Constitutionnel, l'un des principaux journaux favorable au régime impérial et soutenant systématiquement les positions du pouvoir en place131. « Nous avons un douloureux événement à annoncer à nos lecteurs: M. le comte de Cavour est mort ce matin à sept heures. L'Italie toute entière va tressaillir d'émotion à la nouvelle de cette catastrophe qui la prive de son plus grand homme d'Etat. Nous n'avons pas toujours approuvé les actes politiques de cet éminent ministre; la diplomatie française en plus d'une occasion a blâmé l'impulsion hardie qu'il a donnée au mouvement national de l'Italie; elle aurait eu le droit d'attendre plus de déférence pour ses conseils. Mais il y a eu en lui cette noble passion de la grandeur de son pays, qui excuse même les fautes, et qui sera aux yeux de la postérité sa justification et sa gloire. Il est juste de reconnaître que, dans ces derniers temps, M. de Cavour, par l'ascendant qu'il avait conquis, avait dominé les influences aventureuses qui, sans lui, auraient peut-être conduit l'Italie aux hasards les plus périlleux, en troublant profondément l'Europe []La mission conservatrice qu'il a remplie [consistait] à modérer, à dominer et à vaincre la révolution de laquelle il procédait, et dont il a su tirer, au milieu de tous les éléments d'agitation, la force nécessaire pour gouverner entre les protestations de l'ancien régime et les entraînements de l'anarchie. Cf. Christophe , Le , op cit pp
Sans doute cette mort va être une épreuve cruelle pour l'Italie. Mais s'il y a aujourd'hui dans la Péninsule un grand homme de moins, il y a, grâce à Dieu, un grand peuple de plus, et ce peuple affranchi par la France ne saurait désormais retomber dans la servitude. A son lit de mort, M. de Cavour a pu se dire que si cette oeuvre glorieuse de l'Italie indépendante n'était pas encore affermie, du moins la domination étrangère qui pesait sur son pays était à jamais condamnée. L'illustre homme d'état italien a eu la consolation suprême de mourir en chrétien. Hier soir, à huit heures, il recevait les derniers sacrements, et toute la population de Turin, frappée de consternation et de douleur, accompagnait pieusement le ministre de Dieu qui apportait au comte de Cavour la prière et la bénédiction de Dieu132. » Ce texte témoigne parfaitement de la gêne des bonapartistes à parler de Cavour. Ceci illustre les contradictions du régime qui ne fait pas la politique de sa base sociale. Dans ce texte, Le Constitutionnel affirme que les actions menées par Cavour n'ont pas toujours eu l'assentiment de la diplomatie française. C'est un moyen d'affirmer que la France n'est pas responsable des atteintes portées aux Etats du Pape. Napoléon III s'étant jusque là appuyé sur les catholiques, il ne peut affirmer un soutien clair à cette action, même si l'invasion des Etats pontificaux par les troupes piémontaises a été faite avec son accord. Pour souligner l'attachement que les bonapartistes ont à l'égard de la religion catholique, la question religieuse dans ce n'est évoquée que pour montrer la mort chrétienne du ministre piémontais. C'est un moyen d'affirmer qu'il est catholique, et que donc son oeuvre politique ne peut pas être contraire aux intérêts de l'Eglise. Par conséquent, la France n'a pas trahit en appuyant Cavour. De la même façon, on insiste sur le caractère conservateur de l'oeuvre de Cavour, pour jouer sur le même réflexe qui avait amené en 1848 le parti de l'ordre à se regrouper derrière la candidature de Louis-Napoléon Bonaparte. Présenter Cavour comme un homme ayant su dominer la révolution revient à légitimer son action, et indirectement le soutien que le régime français lui a apporté. Ainsi les considérations du journal révèlent de préoccupations de politique intérieure : il s'agit d'affirmer que la politique impériale italienne n'était pas en contradiction avec les intérêts de ses soutiens. La présentation qui est faite de Cavour n'est donc ici ni élogieuse ni dénigrante, ce qui témoigne de la gêne des bonapartistes. Le mérite essentiel qui lui est attribué est d'avoir su donner vie, grâce à la France, à un peuple. Le régime se voulant un régime s'appuyant sur la légitimité populaire, il est dans la logique de l'argumentation que de présenter ainsi l'oeuvre de Cavour et l'appui que la France lui a apporté. Insister sur le rôle de la France dans la résurrection du peuple italien revient à souligner l'importance du pays sur la 132 Le Constitutionnel, 6 juin 1861 292 scène internationale, et confirme par là même la réalité de la politique de Napoléon III qui est une politique visant à rendre son rang à la France, en secouant la tutelle imposée par l'ordre du traité de Vienne. Par la suite, les journaux bonapartistes n'évoquent plus la figure du ministre décédé. Durant ce mois de juin 1861, Le moniteur et Le Constitutionnel n'évoquent les affaires d'Italie que pour préparer l'opinion à la reconnaissance du nouveau royaume, qui est effective à la fin du mois. C'est dans une brochure anonyme publiée à cette occasion133 que l'utilisation de la figure de Cavour par les bonapartistes se donne à lire. Elle confirme leur gêne à évoquer le ministre italien. Cette brochure se sert du décès de Cavour pour justifier la politique internationale de la France, en expliquant les raisons qui ont poussé à reconnaître le royaume italien. L'oeuvre interne de Cavour n'est pas du tout évoquée : Cavour 'est pas pour les bonapartistes un modèle politique. Son oeuvre intérieure ne peut pas leur servir à justifier la politique intérieure de Napoléon III. Lorsque la politique intérieure de Cavour était analysée par les catholiques, les légitimistes, les orléanistes ou les différentes composantes de la gauche, elle était un moyen de revendiquer des souhaits en politique intérieure française, par l'illustration de ce que Cavour, posé comme modèle ou anti-modèle, avait fait. Les bonapartistes ne peuvent procéder de même par conséquent, pour deux raisons. D'une part la politique impériale depuis 1852 n'était pas une politique libérale qui aurait pu se reconnaître dans l'oeuvre du ministre piémontais ; d'autre part l'utilisation de ce dernier par les opposants au régime empêchait ses soutiens de l'évoquer. Ainsi la brochure La mort du Comte de Cavour et la politique européenne ne parle que de la politique extérieure de Cavour. L'auteur de ce texte entend justifier le bien-fondé de la politique impériale à l'égard de l'Italie, alors qu'elle est critiquée par les catholiques qui la refusent en bloc ainsi que par tous les partisans non bonapartistes de la cause italienne qui reprochent au régime d'avoir trop tardé à reconnaître le royaume. L'idée centrale développée par l'auteur est que par sa politique, Napoléon III s'est posé comme l'arbitre du devenir italien, rendant à la France sa position hégémonique en Europe. De plus il s'inscrit dans le sillage de grandeur de la politique de son oncle qui était considéré comme ayant voulu favoriser l'avènement des nations ; du moins est-ce ainsi que le mythe napoléonien présentait l'oeuvre de Napoléon Ier, à partir de la lecture qu'il en avait lui-même donné dans le Mémorial de Sainte-Hélène qui était pour Napoléon III la référence de son action en matière de politique internationale134.
133 134 La mort du comte de Cavour et la politique européenne, E. Dentu, 1861, 15p. Cf. Natalie Petiteau, Napoléon, de la mythologie à l'histoire, op. cit., pp. 269-296 293 « Napoléon III a tenu à honneur que l'un de ses plus beaux titres de gloire soit celui du libérateur de l'Italie pour laquelle son oncle avait beaucoup fait, mais qu'il
eu le regret de n'avoir point laissé libre et une. Du moins Napoléon Ier avait prophétisé qu'elle le serait ; il en avait laissé le soin testamentaire à l'héritier de son nom. Et voilà maintenant cette partie du testament du grand homme exécutée135. » Cavour est présenté comme n'ayant été qu'un moyen pour faire aboutir cette politique, dont tous les mérites reviennent à Napoléon III. L'auteur anonyme de la brochure explique en effet que par sa politique, Napoléon III a tout fait pour affirmer la grandeur de la France, sans nuire aux intérêts de la Papauté. « Le comte de Cavour est mort au milieu de son triomphe, mort dans sa foi et
l'affirmant.
Italie, France, Napoléon
;
France, Rome, Venise,
tels
ont été ses derniers mots. Et c'est en effet le résumé de son credo politique : être ami de la France, pour entrer plus vite à Rome et peser de là de tout le poids de l'Italie sur le Pô et sur le Mincio, de manière à arracher la Vénétie aux serres autrichiennes138. »
135 La mort du comte de Cavour et la politique européenne, op. cit., pp. 14-15 Id., p 3-5 137 Id., p. 4 138 Id., p. 6 136 294
Le but final de cette politique est donc la lutte contre l'Autriche. Or la lutte contre le traité de Vienne dont l'Autriche est l'un des garants est également le but de Napoléon III. L'alliance avec Cavour était donc logique. D'autant qu'elle a permis le rattachement légitime de Nice et de la Savoie. Les plébiscites qui y ont été organisés, tout comme ceux réalisés dans le royaume italien, montrent le souci accordé aux choix de la population, et confirment la justesse de la politique impériale, puisque « la volonté nationale proclamée et appliquée comme base de la sanction des Etats est un changement immense introduit en Europe139 ». Ainsi l'évocation de Cavour de la part des bonapartistes ne sert qu'à justifier la politique impériale. L'oeuvre du ministre italien importe peu : il n'a été qu'un relais des objectifs portés par la France. La mémoire cavourienne n'est donc pas assumée par les bonapartistes. Par conséquent, ce n'est pas dans ce secteur de l'opinion qu'elle se transmettra. Conclusion de la première partie
Les textes que nous avons analysés dans cette première partie montrent l'importance médiatique de la question italienne en France entre 1848 et 1861. A la mobilisation physique des volontaires français de tous bords partis lutter en Italie pour ou contre le Risorgimento a fait écho une véritable mobilisation de papier. Cette dernière répond à des motivations de différentes natures. Il faut d'abord l'inscrire dans une logique commerciale. L'abondance des titres consacrés à cette époque à la question italienne en général prouve une attente à laquelle les titres de presse, les livres et les brochures tentent de répondre. Plus profondément, la couverture de la question italienne s'inscrit dans un processus de politisation de la population alphabétisée. En effet, l'évocation des enjeux italiens se fait toujours en fonction d'une grille de lecture politique plaquant sur la réalité italienne les oppositions politiques françaises. Elle est donc l'occasion de diffuser des idées politiques utiles dans le débat interne et de les approfondir. Les textes que nous avons étudiés montrent également l'existence d'un espace public national. En effet toutes les sensibilités politiques s'expriment sur la question italienne pour s'opposer mais en partageant une vision commune de l'Italie. Pour tous l'Italie représente un terrain où les forces conservatrices et les forces progressistes s'affrontent, prolongeant en dehors des frontières françaises des conflits nés dans le sillage de la Révolution française. Cette grille de lecture commune permet ensuite le débat entre les différentes sensibilités politiques autour des formes politiques légitimes à promouvoir. Cette lecture commune de la réalité italienne prouve de plus que les questions intérieures et les questions extérieures ne sont pas encore dissociées. Ce qui se joue en Italie est un épisode de la lutte oppos à l'échelle européenne les forces conservatrices aux forces progressistes. L'Italie n'est donc pas perçue d'abord comme un territoire étranger, et par conséquent les grands hommes italiens ne sont pas perçus comme des étrangers mais comme l'incarnation de principes politiques valables en France même. Ceci explique les efforts faits par les opérateurs culturels dont nous avons étudié les textes pour populariser dans l'espace hexagonale certaines des figures des « grands Italiens ». Garibaldi et Manin sont ainsi pensés comme des figures de proue du mouvement républicain par les gauches françaises. Cavour quant à lui est pensé comme l'incarnation des valeurs positives du libéralisme par les orléanistes. 297 DEUXIEME PARTIE. 1861-1914 :« FAIRE LES ITALIENS » VU DE FRANCE LES TRANSFORMATIONS DU REGARD FRANÇAIS SUR LES « PERES DE LA NATION ITALIENNE » AUX TEMPS DE LA NATIONALISATION DES MASSES 298
La période qui s'ouvre en 1861 dans l'histoire du dix-neuvième siècle italien marque, selon l'heureuse expression de Benedetto Croce, le passage de « la poésie à la prose ». A l'épopée romantique visant à réaliser l'unité de la péninsule italienne succède la phase moins exaltante mais tout aussi difficile de la gestion du nouvel Etat. Les défis que doivent affronter les dirigeants italiens de l'époque sont colossaux. En effet, les bases du nouvel Etat semblent fragiles, faisant douter à son origine de sa pérennité. Plusieurs raisons rendent comptent de cette situation. Le premier facteur de faiblesse réside dans la difficile intégration du sud de la Péninsule au nouvel Etat. Instrumentalisé par les Bourbons en exil auprès du Pape, le sud de l'Italie se lance dans un brigandage massif1. Il peut être lu comme une révolte des masses rurales qui n'ont tiré aucun bénéfice du nouvel ordre politique et ne le perçoivent qu'à travers ses aspects les plus négatifs pour elles : hausse d'impôt pour combler les énormes déficits dus au processus unitaire et conscription militaire obligatoire. La situation dans les provinces méridionales apparaît alors incontrôlable. Durant les années 1860 le tiers de l'armée italienne est obligé d'y stationner pour les pacifier. Les libertés institutionnelles y sont supprimées, l'administration de la justice y étant confiée à partir de la loi Pica de 1863 aux juridictions militaires. La répression est féroce faisant, jusqu'en 1863, 3 451 victimes du té des brigands contre 307 pour l'armée, selon le rapport de la commission parlementaire diligentée au cour de cette même année2. La faiblesse de ce nouvel Etat est renforcée par l'étroitesse du corps social sur lequel il repose. Dans le cadre d'un Etat-Nation dans lequel le pouvoir est censé provenir de la reconnaissance des citoyens vivants dans une même construction politique au nom d'une culture commune sanctionnée par le partage d'une même langue, le fait que l'italien ne soit parlé en 1861 que par 2% de la population totale de la péninsule constitue un réelle limite3. De plus, le corps politique est très étroit. En effet, le Statuto concédé au royaume du Piémont en 1848 par Charles-Albert devient le texte constitutionnel du nouvel Etat. 299 d'accès au vote. Dans le cadre d'une monarchie censitaire, le droit de vote n'est accordé qu'aux citoyens de plus de 25 ans payant au moins quarante lires de contributions directes. Il est également attribué aux citoyens « par capacités », c'est-à-dire aux détenteurs de titres universitaires et aux membres des professions libérales supérieures. Ces limites importantes aboutissent à ne reconnaître le droit de vote qu'à 2% de la population italienne. La loi Depretis de 1882, en vigueur jusqu'à la loi de 1912 accordant le suffrage universel masculin, diminue de moitié les conditions de cens et accorde le droit de vote à tous les hommes sachant lire, amenant ainsi le corps électoral potentiel à 7% de la population totale4. Cette évolution ne se fait pas sans à coup, Francesco Crispi faisant restreindre le corps électoral par la loi électorale du 11 juillet 1894 dans un climat de forte contestation politique et sociale. Ainsi, durant pratiquement toute la période que nous prenons ici en considération, l'Etat italien ne reconnaît comme base de sa légitimité qu'une frange très étroite de la population de la péninsule. Or cette faible base est encore amoindrie par l'attitude des catholiques. En effet, le Pape refuse de reconnaître le nouveau royaume qui l'a dépossédé de ses Etats. Non content d'excommunier les premiers rois italiens, Victor-Emmanuel II et Humbert Ier, Pie IX donne comme consigne en 1874 aux catholiques italiens de ne pas participer à la vie politique nationale dans le décret connu sous le nom de Non expedit (« il ne convient pas »), et reprenant le célèbre mot d'ordre lancé en 1863 par le journal catholique L'unità cattolica, « nè eletti nè elettori » (ni élu ni électeur)5. Si les catholiques ne pas unanimes à mettre en pratique cette consigne pontificale et si la participation à la vie politique locale est autorisée permettant aux catholiques de s'exprimer malgré tout, force est de constater que seule la moitié des électeurs potentiels participe effectivement aux élections législatives, restreignant d'autant la faible base sociale sur laquelle repose le nouveau régime. Conscients de la faible reconnaissance du nouvel Etat italien par les populations de la péninsule et des menaces que cette situation fait peser sur lui, les dirigeants italiens entreprennent une politique active de nationalisation des masses. Les différents gouvernements en place après 1861, et surtout ceux qui arrivent à la tête de l'Etat après la « révolution parlementaire » de 1876 qui porte la gauche parlementaire aux responsabilités, investissent massivement la mémoire du Risorgimento pour y parvenir. Celle-ci utilise plusieurs vecteurs : les fêtes patriotiques6, l'importante vague muséographique7, la politique
4 Cf
.
Gilles Pécout, Naissance de l'Italie contemporaine, op. cit., p. 193 Id., p. 201 6 cf. Ilaria Porciani, La festa della nazione Rappresentazione dello Stato e spazi sociali nell'Italia unita, Bologne, Il Mulino, 1997, 219p. 5
300 scolaire visant tant à alphabétiser les masses qu'à leur faire accepter les valeurs et les pouvoirs du nouvel Etat, le culte rendu aux « grands hommes de la patrie », culte passant tant par l'écrit que par la dénomination des rues et l'érection de statues8. Il s'agit de donner une vision syncrétique du Risorgimento, qui n'aurait été qu'une vaste épopée unissant tous les Italiens dans un même but : obtenir l'indépendance de la péninsule en chassant les pouvoirs dépendants directement ou indirectement de l'étranger, et unifier tous les Etats en un seul et unique Etat, autour de la monarchie de Savoie, unanimement reconnue9. Cette vision a pour but de masquer les divisions importantes qui existaient entre les différents acteurs du Risorgimento. En la popularisant, en l'ancrant par des cultes civiques au sein des masses, les gouvernements espèrent obtenir la loyauté des foules en désamorçant toutes les rivalités politiques et sociales qui existent au même moment. Pour donner corps à ces principes, la mémoire du Risorgimento est incarnée dans la figure de ceux qui sont progressivement présentés comme les « pères fondateurs » de la nation italienne et dont tous les Italiens sont appelés à poursuivre l'oeuvre : il s'agit de Victor-Emmanuel II, de Garibaldi, de Cavour et de Mazzini. La figure de Manin finit quant à elle par disparaître de la mémoire italienne, les républicains italiens pouvant lui reprocher son rapprochement avec la monarchie des Savoie alors que les monarchistes tendent à minorer l'importance d'un homme qui proclama en 1848 la république à Venise10. L'instrumentalisation de la mémoire de ceux qui sont progressivement présentés comme les « pères fondateurs » de la nation italienne est évidente dans le portrait qu'Edmondo de Amicis en dresse dans son célèbre livre Cuore, pendant italien au Tour de France de deux enfants. Les rivalités entre ces quatre acteurs sont tues ou rappelées de façon très allusive, et si dans la réalité Mazzini haïssait Cavour pour ce qu'il incarnait et pour l'Unité autour de la monarchie qu'il avait contribué à réaliser, la version que l'auteur proposait aux enfants était celle de l'entente de ces quatre personnages autour du thème de l'Unité11. La toponymie des villes d'Italie, où l'on retrouve toujours, sous une forme ou sous une autre, associés ces quatre personnages va dans le même sens. Ainsi, bien qu'ils aient été 7
Massimo Baioni, La religione della patria. Musei e istituti del culto risorgimentale (1884-1918), Trévise, Pagus Edizioni, 1994, 194p. 8 Mario Isnenghi (dir.), I luoghi della memoria. Simboli e miti dell'Italia unita, Rome-Bari, Laterza, 1996-1997, 3 volumes 9 Sur le rôle central conféré à la monarchie dans la construction de l'identité nationale italienne, cf. Catherine Brice, Monarchie et identité nationale en Italie (1861-1900), Paris, éditions EHESS, 2010, 430p. 10 Eva Cecchinato, La rivoluzione restaurata. Il 1848-1849 fra memoria e oblio, Venise, Il poligrafo, 2003, 601p. 11 Gilles Pécout, « Le livre Coeur : éducation, culture et nation dans l'Italie libérale », in Edmondo de Amicis, Le livre Coeur. Edition de Gilles Pécout, Paris, Editions rue d'Ulm, 2001, pp. 357-482 301 opposés en tant de point de leur vivant, ils voient leur mémoire instrumentalisée pour légitimer la nouvelle construction étatique et ses dirigeants. De « contemporains célèbres » qu'ils étaient dans la période précédente, ils finissent par devenir, surtout après leur mort, les figures tutélaires de la nation italien
, les « pères de la patrie ». La mémoire de chacun d'entre eux incarne dans les discours officiels qui se mettent alors en place une facette de l'Italie: Victor-Emmanuel incarne la monarchie, Mazzini le théoricien du fait unitaire, Cavour le diplomate talentueux amenant la cause italienne dans les chancelleries européennes, Garibaldi le peuple en arme se levant pour la défense de la patrie. L'évolution du regard italien sur les « contemporains célèbres » que nous étudions dans ce travail va de pair avec une évolution en France des représentations les concernant. Mais s'il est vrai que ces dernières sont fonction des besoins internes au jeu politique français, comme nous avons tenté de le démontrer dans la première partie de ce travail, alors cette évolution française se fait de manière autonome par rapport à celle italienne, et est à inscrire dans l'évolution générale de la vie politique française. C'est en fonction de cette évolution que nous avons choisi de diviser cette seconde partie de notre travail en trois temps qui nous semblent avoir chacun leur cohérence par rapport à notre sujet. Le premier temps correspond à la deuxième partie du Second Empire. Durant cette phase que l'on définit de manière classique « d'Empire libéral », la question italienne continue à faire parler d'elle. En effet, le processus d'unification territoriale de la Péninsule n'est pas achevé, du fait de la mainmise des Autrichiens sur la Vénétie et du maintien du pouvoir temporel du Pape sur ce qui lui reste de ses Etats du fait de la protection que le gouvernement impérial français lui accorde. La politique extérieure du régime est alors en contradiction avec sa politique intérieure. En effet, alors qu'il tente de trouver de nouveaux appuis en entreprenant une progressive libéralisation visant à compenser la perte du soutien d'une partie des catholiques du fait de la politique italienne des années 1859-1861, le maintien des troupes françaises à Rome le prive d'éventuels ralliements des franges moins conservatrices du corps politique. Il sera donc intéressant de voir comment évoluent les représentations sur les « pères fondateurs » de la nation italienne au cours de la période en fonction du contexte politique que nous venons d'évoquer. Le deuxième temps de cette partie correspond à la phase qui s'ouvre avec la chute de l'Empire et va jusqu'en 1882, année de la mort de Garibaldi, dernier vivant des personnages que nous ions dans ce travail. Cette partie nous semble avoir sa cohérence vis-à-vis de notre sujet. En effet, le regard français sur les héros italiens que nous étudions est alors conditionné par les débats de politique interne et par les rapports hésitants entre la France et 302 l'Italie au même moment. La période s'ouvre avec la défaite de Sedan. Dans le cadre de notre sujet, cette dernière est d'importance. Le gouvernement de la Défense Nationale décide de poursuivre le combat contre la Prusse. Garibaldi propose alors à la nouvelle République française d'intervenir et s'engage à la tête des volontaires de l'armée des Vosges12. Cette intervention de Garibaldi entraîne une violente polémique entre les républicains et les conservateurs. Elle se prolonge durant toute la décennie et donne à lire les débats qui opposent plus généralement les deux blocs sur les bases de la légitimité du nouveau régime. Celui-ci se met en place très difficilement. Né par défaut au moment de la défaite de 1870, il lui faut attendre la fin de la décennie pour voir les républicains prendre tous les leviers de commande des institutions et la décennie suivante pour voir se mettre en place, sous la houlette de Jules Ferry, les grandes lois scolaires visant à l'ancrer dans toutes les couches de la société. La période peut donc se résumer à celle du combat des républicains pour asseoir la République13. Les questionnements institutionnels qui traversent la société politique française du temps influencent les représentations françaises sur les « pères de la nation » italienne et donnent en partie à la période sa cohérence vis-à-vis de notre sujet. Ces représentations sont également conditionnées durant cette période par les relations entre la France et l'Italie. Progressivement, l'Italie s'éloigne de la France pour se rapprocher des Empires centraux, poussée en cela par la politique internationale de Bismarck qui cherche à isoler diplomatiquement la France. Les rancoeurs et les malentendus entre les deux nations se cristallisent autour de la question coloniale, suite au protectorat français sur la Tunisie (1882) qui pousse dans la foulée les dirigeants italiens à officialiser leur rapprochement avec les Empires centraux par la signature de la Triple Alliance14. Ces tensions ne peuvent manquer d'avoir des répercussions en retour sur les représentations françaises des « pères de la nation italienne ». Il convi donc d'analyser ces dernières en tenant compte à la fois du contexte intérieur et extérieur. Enfin le dernier temps de cette étude sera consacré, sous la forme d'un épilogue, à la période allant de 1882 au début de la Grande Guerre. Les héros que nous étudions dans ce travail sont tous morts à ce moment. Le Risorgimento fait donc alors définitivement parti du passé. C'est donc autour de ces trois temps que nous allons chercher d'appréhender les représentations françaises sur les héros italiens et sur leurs évolutions tout au long de la période pour tenter de voir ce qu'elles nous disent en creux des cultures politiques françaises de la période et de leurs évolutions. 304 Chapitre 1 : Le difficile achèvement de l'unité territoriale italienne (18611870). Les représentations françaises des « pères de la patrie italienne » durant la dernière partie du Second Empire I- Une vue générale : moindre intérêt pour les héros italiens, maintien des représentations antérieures et affirmation des oppositions politiques à l'Empereur
La période allant de 1861 à 1870 est entre autre marquée en Italie par la question de l'achèvement de son unité. Cette question a des implications internationales dans lesquelles la France est directement ou non partie prenante. La question de Venise l'intéresse puisque son rattachement à l'Italie, effectif après la guerre austro-prussienne de 1866, signifie l'affaiblissement de l'Autriche, puissance garante de l'ordre de Vienne et considérée pour cela comme ennemie tant par les républicains que par les bonapartistes. La question romaine quant à elle a encore plus de résonances en France que sa solution s'y trouve. En effet durant toute la décennie le Pape ne doit de maintenir en sa possession ses Etats que du fait de la protection que lui assure l'armée impériale. Or la question de Rome est sur le devant de la scène des relations internationales entre la France et l'Italie durant toute la décennie. Le 27 mars 1861 Cavour prononce en effet un discours à la Chambre de Turin dans lequel il affirme vouloir faire de Rome la capitale du nouvel Etat. Il reprend donc à son compte une partie des revendications des républicains italiens, mais avec une nuance : alors que ces derniers estiment qu'il faut forcer le destin, en entreprenant tout de suite une initiative, Cavour explique que ce dessein ne pourra aboutir qu'en concertation avec les puissances étrangères catholiques, au premier rang desquelles la France. La Péninsule voit s' er durant la décennie les modérés héritiers de Cavour et qui partagent son point de vue et les républicains, qui derrière Garibaldi tentent de réaliser ce but par une initiative populaire. La question romaine passe par plusieurs étapes durant la décennie. En juin 1862 Garibaldi en partant de Sicile prépare une expédition, probablement appuyée en sous-main par Victor-Emmanuel II et son principal ministre, Urbano Rattazzi. Au cri de ralliement « Rome ou la mort », il enrôle 2 000 volontaires. Mais une fois la certitude acquise que les armées françaises stationnées à Rome s'opposeront au coup de force de Garibaldi, le roi et Rattazzi le désavouent. Ils font mettre fin à son expédition par l'envoi de l'armée régulière qui s'oppose aux volontaires de Garibaldi dans les montagnes de l'Aspromonte, le 3 août 1862, au cours d'une bataille durant laquelle Garibaldi est blessé. S'impose donc en Italie la conscience que la question romaine ne pourra pas être résolue qu'avec l'accord de la France. Cette prise de conscience pousse le gouvernement italien à signer en 1864 avec les autorités françaises la 305 convention dite de Septembre. Cette dernière stipule que la capitale italienne sera transférée de Turin à Florence, signifiant par là même l'abandon de la revendication de Rome comme capitale. D'autre part le gouvernement italien s'engage à assurer la protection de la ville éternelle et à prendre à son compte une partie de la dette publique de l'Etat pontifical. En échange de ces concessions, le gouvernement français promet de retirer ses troupes stationnées à Rome dans les deux ans, ce qui est chose faite en décembre 1866. Or en octobre 1867 Garibaldi lance une nouvelle expédition sur Rome. La France rompt alors de fait la convention de septembre en envoyant un corps expéditionnaire qui débarque à Civita-Vecchia et qui met fin à la tentative du Héros des Deux Mondes à Mentana le 3 novembre. La question romaine n'est résolue qu'en septembre 1870, suite à la défaite française de Sedan, le gouvernement italien autorisant l'armée officielle italienne à prendre la ville, laissée libre par les armées françaises. Le 20 septembre 1870, les armées italiennes entrent à Rome par la brèche de la Porta Pia après de courts combats. Ainsi durant toute la décennie « la politique extérieure italienne gravitera autour de thèmes fondamentaux : celui du rapport avec la France et celui du conflit avec la Papauté15 les deux thèmes n'étant que les deux faces d'une même médaille. Dans ce contexte et en fonction des caractéristiques que nous avons déjà signalées du discours public du temps ayant tendance à simplifier les enjeux politiques en les incarnant dans des personnes, on aurait pu s'attendre à voir une profusion de textes en France sur les personnages que nous étudions. Or pour l'ensemble de la période allant de 1862 à 1870 nous ne comptons en tout que 26 publications pour l'ensemble des personnages étudiés dans cette étude. Il conviendra d'expliquer les raisons de cette moindre parole par rapport à la période antérieure. 15 « La politica estera italiana ruoterà attorno a due temi fondamentali : quello dei rapporti con la Francia e quello del conflitto con il papato ». Citation tirée de
Giuseppe Mammarella et Paolo Cacace,
La politica
este
ra dell'
Italia. Dallo Stato unitario ai giorni nostri, Rome-Bari, Laterza, 2006, p.8 306 Textes publiés en France sur les "pères de la nation italienne" de 1862 à 1870 Cavour 9 8 7 Garibaldi Mazzini Victor-Emmanuel 6 5 4 3 2 1 0 1862 1863 1864 1865 1866 1867 1868 1869 1870
Bien que le nombre de textes pris en considération soit relativement peu important, surtout si on le compare à ceux publiés dans la phase 1859-1861, ce graphique nous permet tout de même de faire quelques observations. En premier lieu on constate un lien entre l'actualité internationale et la publication des textes. Les années voyant le plus grand nombre de textes sortir des presses correspondent en effet à des événements importants. En 1862 a lieu l'affaire de l'Aspromonte, 1864 correspond à la convention de septembre, 1866 au rattachement de la Vénétie à l'Italie suite à la guerre austro-prussienne voyant la défaite de l'Autriche rétrocédant la Vénétie à la France qui la confie à l'Italie et 1867 correspondant à l'affaire de Mentana. Paradoxalement, alors que la question romaine est celle qui suscite, comme nous le montrerons, le plus de débat, il faut constater qu'aucun texte sur nos personnages n'est publié lors de la prise de Rome en 1870. Il conviendra de s'interroger sur les raisons de cet état de fait. De plus il faut noter la part relative de chacun des personnages abordés dans ces écrits sur l'ensemble de l'échantillon étudié. Comme lors de la phase précédente, Garibaldi (12 textes sur 26) continue d'être personnage sur lequel l'attention se porte le plus, témoignant par là de l'ancrage de sa figure dans l'espace public français. De manière assez logique, il est suivi par Victor-Emmanuel (8 textes). Cette prépondérance de ces deux figures s'explique facilement puisqu'ils sont au coeur des événements cités ci-dessus. On constate de plus que le troisième des cinq personnages que nous étudions encore en vie durant cette décennie, Mazzini, n'occupe qu'une faible place, puisque seuls 2 des 26 textes que nous étudions lui sont consacrés. Pour comprendre à quelles logiques correspondent ces publications, il faut voir à quelles familles politiques elles se rattachent. C'est ce que donne à lire le graphique suivant, classant ces textes par familles politiques et par personnages évoqués. Ce document suggère plusieurs pistes d'analyses.
| 29,732
|
tel-03682133-5.%20Th%C3%A8se_BAUSSAND.txt_11
|
French-Science-Pile
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Open Science
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Various open science
| 2,022
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"Sécrétions Magnifiques" : une esthétique du trouble. Sang menstruel, sperme et lait dans la littérature vampirique.. Littératures. Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle, 2021. Français. ⟨NNT : ⟩. ⟨tel-03682133⟩
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None
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French
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Spoken
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Le sang est la part la plus fluide de la chair, il est une sorte de chair fluide ; et le lait, à son tour, est la part la plus succulente et la plus subtile du sang. Qu’il s’agisse, en effet, du sang fourni à l’embryon et qui arrive par le cordon ombilical de la matrice, ou qu’il s’agisse du sang menstruel coupé de son cours habituel et qui reçoit l’ordre d’aller par un écoulement naturel jusqu’aux mamelles désormais gonflées — ordre donné par Dieu nourricier et créateur universel — et qui se modifie sous l’effet d’un souffle chaud pour fournir au petit enfant un aliment agréable, de toute façon c’est du sang qui se transforme. [...] Cependant, pour la substance, c’est toujours du sang. [...] Préparé de la sorte lors de la naissance, le lait est fourni au nourrisson : les seins qui jusque-là étaient tout droits, dirigés vers l’homme, s’inclinent maintenant vers le petit enfant [...]. Les seins ne sont pas pleins, comme des sources, d’un lait qui coulerait tout préparé : ils transforment la nourriture en eux, ils fabriquent le lait en euxmêmes, ils le font couler.366 Clément d’Alexandrie se singularise dans ses observations par son insistance à considérer le sang comme « toujours du sang » du point de vue de la substance. Pour lui, il n’existe finalement aucune différence entre les trois fluides, dont les transformations sont de circonstance, et d’ailleurs souvent de nature esthétique (« pour ne pas effrayer le petit enfant »), plutôt que définitive. Selon lui, l’économie des fluides qui s’établit à partir des observations d’Aristote transforme l’acte sexuel, et plus tard la gestation, l’accouchement et l’allaitement, en processus véritablement magiques. Le lait, donc est ce fluide résultant du mélange du sperme et du sang menstruel, un liquide « plus succulent » et « plus subtil » qui établit aussi une hiérarchie entre les degrés de raffinement des fluides au sein du corps en fonction de leur « chaleur » ou de leur « pureté ». En vérité, le lait n’est autre que du sang qui a subi une cuisson parfaite [...] Dans le corps de l’adulte, la forme finale de la nourriture élaborée est le sang, d’où dérivent comme autant de résidus le liquide séminal ainsi que les règles, pendant le flux desquelles les femmes n’ont ni hémorroïdes, ni vomissement de sang, ni saignement de nez, ni autres sécrétions. La femme apporte à la génération la substance qui constitue les menstrues, dont la nature appartient au domaine de la matière primordiale. Le corps féminin est froid par sa nature propre, il ne peut pas suffisamment purifier le sang menstruel pour qu’il devienne fertile. Il faut à ce dernier le concours de la chaleur du principe actif masculin pour devenir suffisamment épais et ensuite former l’embryon. Pendant le coït, le sang fourni par la femme prend corps sous l’action de la liqueur séminale, le principe actif. Le sperme est la force spirituelle qui informe la matière, ainsi le fait-il du sang des menstrues en lui donnant pouvoir de donner forme aux membres et aux organes de l’embryon. L’élément masculin agit telle la présure dans la coagulation
366 Clément D’Alexandrie, Le Pédagogue [c.150-215], trad. Henri-Irinée Marrou et Marguerite Harl, Paris, Sources chrétiennes, 1960, p.203. 167 laitière, c’est-à-dire le suc de figuier, qui lui aussi fait cailler le lait, agissant en tant que principe solidifiant, tout en s’y transformant, mais sans prendre aucune part quantitative de la masse qui se fige.367 Mikuz résume donc ainsi les principes de cette économie des fluides en établissant directement le lien entre « mâle » et « femelle », « homme » et « femme », par des principes de « cuisson » de fluides dont les mouvements internes, toujours mystérieux, diffèrent d’un sexe à l’autre et assurent la qualité de la semence produite. Les substances « mâles » ont un principe de vie quasi divin (il parle de « force spirituelle » élévatrice), tandis que les substances « femelles » assurent la matérialité pratique de la transformation – rien chez la femme donc, qui ne prétendent au transcendantal. C’est que, pour ces penseurs, les femmes ne sont rien moins que des hommes chez qui un « défaut de chaleur vitale de perfection368 » (nous soulignons : le vocabulaire négatif est, toujours, symptomatique) se solde par la rétention à l’intérieur de ce qui chez les hommes est visible à l’extérieur (c’est la fameuse « correspondance » ou complémentarité des organes génitaux, dont l’importance symbolique a aussi été relevée par Laqueur). Autrement dit, on analyse le corps des femmes, non pas en prenant en compte ses particularités propres, mais en le ramenant, toujours, au même prisme d’analyse masculin. Ainsi, dans la mesure où l’homme est le référent, tout ce que la femme a de physiologiquement différent passe pour une anomalie. Si l’homme est la norme, la femme est déjà un dysfonctionnement, une version endommagée, altérée, et, par corrélation, un monstre, ou du moins une altérité fondamentale. Ainsi, il en va de même la valeur des fluides, accordée en fonction de la valeur différentielle des sexes : « Il n’est pas difficile de comprendre cette prédominance de la semence mâle si l’on prend en considération le fait que le corps humain fut imaginé exclusivement d’après le modèle masculin : retournez en dehors les parties génitales de la femme ou tournez et repliez en dedans celles de l’homme, et vous les trouverez toutes semblables les unes aux autres, déclare Galien. Le concept est élaboré dans ses moindres détails pour les deux corps, et il persiste (...)369 », conclut Mikuz. Si l’homme est le modèle par excellence, la référence définitive, la femme est donc perçue, dans ce système, comme le premier Autre, peut-être même le « premier monstre » (or qu’est-ce que le monstre, sinon une altérité radicale, fondamentale). Ceci sème donc un nouvel indice quant à l’intérêt de la présence monstrueuse dans Dracula et le fait que le vampire s’attaque, en particulier, aux femmes. Au-delà des problématiques attachées aux 367 Jure Mikuz, Le Sang et le lait dans l’imaginaire médiéval, op.cit., p.88. Thomas Laqueur, La Fabrique du sexe, op.cit., p.17. 369 Jure Mikuz, op.cit., p.90. 368 168 femmes, qui ne sont finalement que des moindres mâles, les enjeux liés aux fluides (et notamment cette permutation du sang en lait et en sperme), ainsi que leurs valeurs associées (les rôles genrés, sociaux) se trouvent donc profondément perturbés par la présence du vampire, qui menace cet équilibre des représentations. B/ Théorie des humeurs, caractères sexuels et identités sociales
Fondamentalement, certes, « ce qui importe, c’est la perte de sang dans l’équilibre des fluides du corps - non pas le sexe du sujet, ni l’orifice par lequel il se répand », soutient Laqueur370, ce qui prend tout son sens face au roman de Stoker où la perte de sang au gré de diverses attaques vampiriques constitue la source de désordre primordiale. Mais si l’on suit cette étrange logique qui veut qu’en faisant s’écouler les fluides quelque part, on prévient un écoulement ailleurs (l’exemple des femmes menstruées ne pouvant censément pas saigner du nez ni vomir du sang étant, en la matière, l’exemple le plus directement parlant), alors Dracula n’est là que pour rééquilibrer les humeurs selon une logique tout à fait hippocratique : en faisant s’écouler le sang selon ses termes propres, il définit une nouvelle économie des fluides, et c’est bien là le danger de sa présence, ce qu’il menace le plus frontalement. En poussant plus loin encore l’interprétation aristotélicienne des fluides, on pourrait postuler une corrélation, et même une correspondance, entre nos dispositions cognitives, nos facultés intellectuelles, nos opinions (ce qui constituerait l’esprit), et nos organes, nos sens, notre chair. Cette idée de caractériser un tempérament, une personnalité, en se basant sur la complexion physique, et donc déjà d’articuler une identité, fût-elle seulement psychique, à une identité anatomique, permet donc de concevoir l’identité comme un concept continu englobant en un tout cohérent la vie intérieure, mentale, et la vie biologique. Aristote ne manquait pas de noter, tout comme Galien, que le chaud et le sec (manifestations de « puissance ») définissent le corps masculin – ce qui laisse une fois de plus le froid, et l’humide, au corps féminin : Le mâle et la femelle se distinguent par une certaine puissance et un certain manque de puissance (en effet ce qui est capable de réaliser une coction, de faire prendre forme et d’émettre un sperme qui contienne le principe de la forme, c’est le mâle (...), au contraire ce qui sert de réceptacle, mais ne peut donner une forme ni émettre de sperme, est la femelle) ; 370 Op.cit., p.84. 169 comme de plus toute coction agit par le moyen du chaud il est nécessaire aussi que chez les animaux les mâles soient plus chaud que les femelles.371 D’Onofrio remarque à cet égard : De manière surprenante, et avec un glissement sensible des organes reproductifs des deux sexes aux fluides qui leur correspondent [...], Aristote fait de ces oppositions (chaud-froid, droite gauche) et de la cuisson des fluides, le principe moteur de son système [...] La prééminence de la chaleur sur le froid traduit en outre pour Aristote la supériorité du mâle sur la femelle - une supériorité confirmée par l’idée que dans la reproduction, le sperme du mâle, principe formateur chaud, « anime » la matière qui est dans la femelle, c’est-à-dire le flux menstruel, « ce sperme non à l’état pur, mais qui a besoin d’être élaboré372. La chaleur ou puissance est ce qui détermine la transformation des humeurs en l’un ou l’autre, et cette chaleur ou puissance se trouve en quantité différente chez l’homme et la femme. La nature commune des deux fluides semble de plus confirmée par leur apparition au même âge – émissions nocturnes et menstrues frappent à la puberté. La double analogie établie par Aristote entre le sperme et les règles, et entre ces deux fluides et le lait, est ce qui nous permet de nous interroger, « par propriété transitive », sur la relation entre le sperme et le lait, mais, surtout, « la théorie aristotélicienne des humeurs présentée comme susceptible de justifier l’ordre social trouve ainsi sa source dans une différence de nature, dont elle confère que les menstrues constitueraient une forme inachevée du sperme, et le lait serait ce que les femmes produisent au moment où se complète la formation de l’embryon373 ». Les humeurs sexuelles déterminent donc explicitement la fonction sociale des sexes selon cette tradition médicale aristotélicienne. Mais il existe une autre théorie des humeurs, celle venant d’Hippocrate, qui, elle, ne prend pas en compte les caractéristiques sexuelles. Cette théorie est pourtant tout aussi déterminante dans la compréhension de la médecine encore en vigueur à l’époque victorienne concernant l’économie des fluides grâce à laquelle on distinguait quatre tempéraments. À première vue, ces tempéraments ne possèdent pas de caractéristiques genrées, là où Selon Hippocrate, le corps serait constitué des quatre éléments fondamentaux (air, eau, terre, feu), auxquels correspondent quatre humeurs (bile noire, bile jaune, lymphe, sang) possédant chacune quatre qualités qui peuvent se combiner (chaud ou froid, sec ou humide). La présence plus ou moins dominante de ces fluides dans le corps permet de distinguer quatre tempéraments – ainsi, le mélancolique, comme la terre, est froid et sec, et se caractérise par 371 Frédéric D’Onofrio, Les Fluides d’Aristote, op.cit., p.13. Frédéric D’Onofrio, op. cit., p.15. 373 Ibid., p.20. une abondance de bile noire ; le sanguin, comme l’air, est chaud et humide, et a naturellement plus de sang que les autres, etc. À ces tempéraments spécifiques correspondent des protocoles de remédiation stricts : les fluides nourrissent entre eux des rapports mutuellement antagoniques dans le corps, en un équilibre nécessairement précaire, que la médecine doit s’efforcer de maintenir pour que la personne soit en bonne santé. À une époque où l’on ignorait tout des atomes structurant chaque organisme, il n’est guère surprenant que la science se soit tournée vers d’autres mesures pour juger de la constitution des corps, et la croyance en quelques forces élémentales qui en seraient les architectes fait partie d’un socle anthropologique commun de théories. Toute insuffisance, tout déséquilibre, même mineur, entre les éléments, entraînerait donc des « sautes d'humeur », quand toute complication majeure menacerait durablement, suivant cette logique médicale, la santé du sujet – d’où la nécessité de travailler à une harmonie des fluides au sein du corps. Si une humeur figurait en excès, la bonne santé du corps ne pouvait être restaurée que par la saignée, la purge, la transpiration ou l’éjaculation. À l’inverse, une pénurie d’humeur nécessitait des traitements adaptés dont on retrouve des semblances dans le traitement de l’anémie chez Stoker, où la transfusion est un moyen de restaurer l’équilibre, et donc la santé, de lae patient·e, tout en rétablissant son caractère éminemment sexuel. Ainsi, les fluides deviennent non seulement constitutifs d’une identité, mais également vecteur de santé. Ouvrir le corps, on le voit, c’est donc aussi très concrètement répandre des « humeurs »374, ou tout au moins prendre ce risque. En fait de considérations plus modernes, le sexe, en tant que donnée biologique, constitue donc un paramètre supplémentaire. Il s’agit alors de concevoir comment chacune de ces sécrétions aide dans l’élaboration d’une identité, où le biologique le dispute à la construction sociale des caractères. Or, cette nouvelle théorie des humeurs que nous ébauchons trouve précisément son expression dans le roman de Stoker, lequel, sans se référer pour autant à un quelconque essentialisme biologique, met bel et bien en évidence les différences subsistant entre les sexes et les implications sociales qu’elles induisent, par le prisme des fluides. Laqueur considère que ces théories font partie d’une épistémologie médicale qui s’appuie plus sur la « sagesse clinique et populaire » que sur l’observation réelle. Il soutient ainsi que les médecins interprètent les maladies en fonction des humeurs et en particulier des humeurs sexuelles, comme l’exemple de Lucy l’aura 374 On le sait, le mot « humeur » renvoie à la fois aux liquides circulant dans le corps, et aux émotions, affects et impressions, qui agitent la vie mentale. Les fluides semblent donc expressément faire le lien entre la réalité psychique et la réalité anatomique, comme un épicentre de contenu sémantique. 171 démontré par le biais des menstrues, parce que ces croyances arrangent les représentations genrées des rôles sociaux : Une découverte qui aurait pu militer contre l’économie des fluides du corps unisexe — par exemple, le fait déjà connu de Léonard que les vaisseaux qui vont jusqu’à la poitrine n’avaient point pour origine les vaisseaux utérins, et que en conséquence la transformation du sang matriciel en lait et vice versa n’était pas si facile — était sans mal passée sous silence. Un nouveau plan de tuyauterie faisait pâle figure face à la sagesse clinique et populaire qui remontait à Hippocrate [...] N’est-ce pas le même sang qui après avoir été dans la matrice est maintenant dans les seins, blanchi par l’esprit vital à travers sa chaleur naturelle? Bien entendu. tout un chacun croyait savoir que les femmes qui allaitent n’avaient généralement point de règles, et comme le dit Jouvet, les femmes qui avaient des flux menstruels excessifs avaient aussi toutes chances de produire une forte quantité de lait une fois l’écoulement endigué [...] Les médecins continuer à écrire comme si les sentiers vasculaires réels n’avaient guère d’importance [...] La route de la matrice à la mamelle a nettement moins d’importance que la poétique du lait et du sang.375 La « poétique » du lait et du sang est une formulation qui montre bien en quoi ces considérations ne s’appuyaient sur aucune preuve scientifique, et obtenaient donc leur légitimité du fait de l’influence fondamentale qu’elles avaient sur la détermination des caractères genrés, en tant que classes sociales. La réalité médicale de la trajectoire des fluides risquant de ne pas soutenir l’argument de l’infériorité de la femme face à la supériorité de l’homme, fait du choix de la « poétique » un choix avant tout politique, qui conditionne tant notre rapport à la santé, et donc les différences de traitement subsistant entre les corps masculins et féminins, que nos perceptions culturelles et symboliques des humeurs qui déterminent le mieux ces identités sexuées. L’économie des fluides n’est donc pas seulement un enjeu médical dans le roman de Stoker, quoique l’analyse de ces racines prouve déjà suffisamment le contenu politique de telles considérations à la misogynie profonde : elle est aussi un discours sur la place des hommes et des femmes dans un système sociétal donné, que le vampire précarise dangereusement. C/ Fongibilité des fluides et sexualité(s)
Dans son étude The Social Life of Fluids, Law pousse plus loin encore la théorie aristotélicienne, en introduisant le concept de fongibilité des fluides face à celui de coction. Cela lui permet de questionner, au sein de Dracula, la fluidité ou circulation de genre et de sexe (certains personnages masculins adoptant des conduites dites « féminines » et vice 375 Thomas Laqueur, La Fabrique du sexe, op.cit., p.172 172 versa), avec toute la menace identitaire sous-jacente qui remonte à la surface du texte. Ces « hydrauliques obscures du corps »376, comme les qualifie Christopher Craft, qui va également jusqu’à employer le mot de « fantasme » pour décrire ces représentations, confirment la façon dont l’identité associe le genre à la physiologie, ce qui fait des fluides qui nous intéressent un élément essentiel de construction, mais aussi de cohésion sociale. Le lien fondamental qui semble s’établir, avec de plus en plus d’insistance dans le roman, et ce par le biais de la sexualité « draculienne », entre ces différents fluides, joint toujours les enjeux de la violence, de la mort et de la contamination. La fellation forcée de Mina, le viol collectif de Lucy, le candaulisme des transfusions sanguines, ou le « plan à trois » de Jonathan dans le château du comte, sur lequel nous allons maintenant revenir, produisent ce discours qui s’établit donc sur la sexualité dans le roman et qui est sévèrement établi au travers du prisme vampirique, lequel inspire dégoût et peur. Le vampirisme est une souillure de nature sexuelle avant tout – à la fois par ses biais de contact, et par la menace qu’il représente pour les sexes. Le corps est central et forme le point de convergence privilégié de ces fantasmes. Karl Rosenkranz, dans son ouvrage Esthétique du laid377, remarquait déjà que c’est précisément en caractérisant le dégoût par les choses dégoûtantes, qu’il ne caractérise de manière générale que l’organique, et plus particulièrement encore le corps humain. Les fluid occupent une place préoccupante dans ce dégoût générique du corps symptomatique de l’époque victorienne, et le roman de Stoker démontre justement qu’il se rattache en grande partie à la sexualité, et notamment à la possibilité de désinhibition et de dérèglement social que manifeste la rencontre des corps (humains, vampires) dans l’oblation amoureuse. Dans le roman, l’une des angoisses, ou plutôt l’un des maux, qui hante l’écriture de la manière la plus persistante, est précisément le désir sexuel, et la rencontre charnelle. La sexualité offre un nombre important de thèmes du dégoût, de l’angoisse et de la peur de la souillure. Elle incarne en effet une véritable effraction de l’intime, le contact rapproché avec un corps étranger, et l’obscénité qui en découle. Or, le contact avec une substance vivante étrangère occupe une place centrale dans l’acte sexuel (peu importe qu’il soit violence, amour, défouloir, recherche avide de plaisir ou à visée reproductive). Mais c’est là tout aussi vrai des attaques du vampire, qui choquent aussi parce qu’elles vont à l’encontre de toute bienséance sexuelle. 376 « the body’s dark hydraulics », in. Christopher
Craft, Another Kind of Love: Male Homosexual Desire in English Discourse, 1850-1920, Berkeley, University of California Press, 2004, p.75. 377 Karl Rozenkranz, L’esthétique du laid [1853], Paris, Circé, 2004. Il faut se représenter une nouvelle fois ce que peut avoir de bouleversant et de brutal, dans le contexte d’une société aussi répressive, la pleine révélation de ces fluides que l’on cache, et des manifestations ouvertement sexuelles qui leur sont liées. Le vampire y est l’archétype de l’aristocrate aux mœurs dissolues, libertin prédateur qui se sert à loisir et corrompt tout sur son passage tel un Valmont gothique. C’est ainsi précisément en cultivant cette « esthétique du trouble » par la plasticité du sang qui opère différentes transformations humorales (tour à tour sperme, lait, menstrues), faisant écho à la physiologie antique et médiévale, que l’écriture de Stoker manifeste un potentiel fort de fascination, ou, pour reprendre les mots mêmes du roman, « une volupté à la fois émouvante et repoussante » (« a deliberate voluptuousness which was both thrilling and repulsive » - voir extrait ci-dessous). Il faut également ajouter à cela le dégoût général provoqué pour tout ce qui concerne l’intérieur du corps, universel : s’y mêlent l’effroi et l’émoi du corps ouvert, impacté dans son intimité. Le lien entre sexualité et intimité, exploité dans le roman, est ainsi clair : les attaques du monstre sont précisément violentes parce qu’elles mettent en scène l’abolition abrupte des frontières corporelles et sociales, dans une logique de dévoilement, de déchirement au point de choc, de heurt. Mais ce que manifeste prioritairement l’écriture de Stoker, à chaque attaque vampirique, c’est un fantasme très littéral de dévoration/consommation, où la bouche du vampire devient organe sexuel de prédilection, et où le féminin et le masculin se confondent : I was afraid to my eyelids, but looked out and saw perfectly under the lashes. The girl went on her knees, and bent over me, simply gloating. There was a deliberate voluptuousness, which was both thrilling and repulsive, and as she arched her neck she actually licked her lips like an animal, till I could see in the moonlight the moisture shining on the scarlet lips and on the red tongue as it lapped the white sharp teeth378. Je n’osais relever les paupières, mais je continuais néanmoins à regarder à travers mes cils, et je voyais parfaitement la jeune femme, maintenant agenouillée, de plus en plus penchée sur moi, l’air ravi, comblé. Sur ses traits était peinte une volupté à la fois émouvante et repoussante et, tandis qu’elle courbait le cou, elle se pourléchait réellement les babines comme un animal, à tel point que je pus voir à la clarté de la lune la salive scintiller sur les lèvres couleur de rubis et sur la langue rouge qui se promenait sur les dents blanches et pointues379. Dans cet extrait particulièrement parlant, qui constitue par ailleurs le premier acte proprement vampirique du roman (attendu par l’élaboration d’une intrigue et d’une tension que nous avons déjà évoquées), le personnage de Jonathan Harker est la proie de trois femmes, vampires et donc prédatrices, dans le château du comte. La scène est à la fois cauchemardesque et d’une sensualité hyperesthésique — tous les sens y sont mobilisés. Ces 378 379 Bram Stoker, Dracula, op.cit., p.56. Bram Stoker, Dracula, trad. Jacques Finné, op.cit., p.106. 174 techniques narratives seront présentes dans toutes les attaques vampiriques du roman, où le motif d’une fascination méduséenne, qui pétrifie, revient systématiquement. Les personnages sont totalement impuissants et contemplent souvent comme hypnotisés, figés, le drame intime qui se déroule sous leurs yeux à chaque morsure. On remarque là une surabondance de détails signifiants, l’ambiguïté toute évocatrice des « lèvres rouges », et cette « salive qui scintille » connotant la présence de fluides sexuels. Cette surcharge descriptive véhicule une sensation hypnotique, qui communique la transe dans laquelle se trouve Jonathan – lequel semble attendre anxieusement, mais avec un certain plaisir (« le cœur battant »), séduit d’être mordu, percé par des dents. Le sous-texte est presque trop évident : Jonathan serait-il sur le point d’être engagé dans une fellation, acte pour lequel sa (ou ses?) partenaire tirerait presque plus de plaisir que lui? Plus largement, la bouche et les lèvres peuvent également être rapprochées des lèvres vaginales. La vulve est, elle aussi, porteuse d’un grand appétit (sexuel) dans diverses représentations médicales, érotiques et littéraires — un appétit qu’il aura fallu contrôler par le discours notamment médical380 — où le mythe du « vagina dentata » prend ainsi tout son sens. Lower and lower went her head as the lips went below the range of my mouth and chin and seemed to fasten on my throat. Then she paused, and I could hear the churning sound of her tongue as it licked her teeth and lips, and I could feel the hot breath on my neck. Then the skin of my throat began to tingle as one’s flesh does when the hand that is to tickle it approaches nearer, nearer. I could feel the soft, shivering touch of the lips on the super sensitive skin of my throat, and the hard dents of two sharp teeth, just touching and pausing there. I closed my eyes in languorous ecstasy and waited, waited with beating heart381. Sa tête descendait de plus en plus, ses lèvres furent au niveau de ma bouche, puis de mon menton, et j’eus l’impression qu’elles allaient se refermer sur ma gorge. Mais non, elle s’arrêta et j’entendis un bruit, un peu semblable à un clapotis [nous soulignons], que faisait sa langue en léchant encore ses dents et ses lèvres tandis que je sentais le souffle chaud passer sur mon cou. Alors la peau de ma gorge réagit comme si une main approchait de plus en plus pour la chatouiller, et ce que je sentis, ce fut la caresse tremblante des lèvres sur ma gorge et la légère morsure de deux dents pointues. La sensation se prolongeant, je fermai les yeux dans une extase langoureuse. Puis j’attendis — j’attendis, le cœur battant382. « Sucer » ou « lécher » est une implication intime et sensuelle de la bouche comme organe aspirant, voire dévorant, laquelle est lourde de sous-entendus. Quand le monstre se nourrit, c’est un acte sexuel à peine déguisé, mais aussi un acte primitif, bestial, où la faim et le désir se confondent. Le « terrible plaisir » éprouvé par Jonathan Harker met aussi en scène 380 Au-delà de l’hystérie et de son lien avec un appétit sexuel vorace, déplacé chez une femme, il importe de souligner que le diagnostic de la fureur utérine, ou nymphomanie, est tout aussi prégnant à cette époque. 381 Bram Stoker, op.cit. 382 Bram Stoker, ibid. 175 une libération certaine : « après s’être attardée dans l’ombre de la répression, la sexualité émerge à la claire lumière du discours social victorien383 », dont le roman se fait le miroir. Christopher Craft analyse la bouche du vampire comme un leurre d’abord, « un orifice accueillant, promesse d’une douceur rouge, mais délivrant à la place un os perçant ». Il écrit à cet égard que « la bouche de vampire fusionne et confond (...) les catégories sexuelles du pénétrant et du pénétré » (rattachant une nouvelle fois sang/fluides, sexe, et désir sexuel vampirique « queer ») : L’ambivalence, toujours excitée par l’imminence du baiser vampirique, trouve sa représentation la plus sensationnelle dans l’image de la Bouche du Vampire – l’image centrale et récurrente du roman [...] En tant que siège principal de l'expérience érotique dans Dracula, cette bouche équivoque révèle le mensonge de la distinction facile entre le masculin et le féminin. Attirant d'abord avec un orifice accueillant, promesse d’une douceur rouge, mais délivrant à la place un os perçant, la bouche de vampire fusionne et confond ensemble ce que l'ennemi civilisé de Dracula, Van Helsing, et ses Défenseurs de la Lumière, travaille si durement à maintenir séparé - les catégories sexuelles du pénétrant et du pénétré, ou, pour reprendre les mots de Van Helsing, les catégories complémentaires « d'hommes braves » et de « femmes bonnes ». Avec ses lèvres douces barrées d'os durs, son rouge croisé de blanc, cette bouche avale toutes les oppositions et annonce le bouleversement captivant (car phobique) des différences sexuelles, et cela pose des questions inquiétantes. Sommes-nous des hommes, ou sommes-nous des femmes? Avons-nous des organes pénétrants, ou des orifices? Et si les deux, qu'est-ce que cela signifie? Que penser de nos fluides corporels, rouges et blancs? Quelles sont les relations fluides entre le sang et le sperme, le lait et le sang? De plus, cette bouche est la bouche de tous les vampires, hommes comme femmes. Elle — et elles — sont les deux sexes, pourtant, il convient de rappeler que la bouche du vampire est avant tout celle de Dracula.384 Ce que Craft met en évidence ici, c’est l’ambiguïté de nos représentations à l’égard du masculin et du féminin, que le vampire vient bousculer. La bouche du vampire est à la fois un orifice, et un organe pénétrant — ce qui fait des femmes vampires une menace presque 383 Gregory Kershner, « Horror and Eroticism », op.cit. p.27 : « after lingering in the shadows of repression, sexuality emerges in the clear light of Victorian social discourse. 176 masculine, et des vampires masculins des hommes tout à la fois réaffirmés dans leur position dominante, et efféminés — dans tous les cas : des monstres marginaux. Il devient donc nécessaire d’examiner l’organe même qui semble être le point de jonction de ces fantasmes : outre la bouche dévoratrice, ce sont en fait les dents mêmes du vampire, ces « os durs », en tant qu’instrument de circulation et de transfusion (des outils filtrant le fluide et le transmettant au besoin, comme des crochets de serpent), qui sont beaucoup décrites tout au long du roman de Stoker. Cette dentition inhumaine est en effet la source des angoisses et des fantasmes sexuels, car elle rappelle sans cesse, dans le roman, que la peau n’est pas une ligne fermée : à tout moment, le monstre peut transpercer l’enveloppe charnelle pour laisser s’échapper les fluides. Ainsi « canines » pour rappeler l’homme (« sharp white teeth ») ou « crocs » pour rappeler la bête (« canine teeth »), les dents du vampire entretiennent cette indistinction fondamentale du monstre, sa nature hybride essentielle, fluide, qui est précisément ce qui le rend monstrueux. Ces canines, ou crocs, sont ici visiblement rétractables, et ne sortent qu’à propos, sous le coup d’émotions violentes (désir ou excitation puissants, colère intense, faim dévorante, la limite entre chacune étant elle-même fluide, floue, et cette indifférenciation soigneusement cultivée). Qu’en conclure, sinon que les crocs du vampire sont aussi un organe érectile? Deux petits pénis qui pénètrent la chair, et déchirent la peau pour faire couler le sang. C’est ici le mythe de l’hymen et de la virginité cent fois répété dans le roman. Mais si les canines sont un organe effectivement érectile, alors le plaisir de Jonathan Harker témoigne d’un certain désir homosexuel réprimé, ou refoulé – nous y reviendrons. Faut-il donc voir le roman comme une gigantesque métaphore, une sorte de « conte pour adultes », qui se fait l’expression nécessaire, exorcisée, de la « chose qui trouble »? Nous voyons ici se dessiner un circuit des fluides qui met en correspondance les deux sexes par le biais des contacts physiologiques entre les corps. Le pouvoir du vampire est essentiellement construit comme un pouvoir résolument dominant de « pénétrant » qui fait donc de chaque victime des « pénétrées » dominées, et ce indifféremment du sexe des personnages. Dans le domaine scientifique, l’appellation « mécanique des fluides » que nous empruntons ici renvoie à un champ disciplinaire bien spécifique : l’étude du comportement des fluides et des forces internes et externes associées. La science reconnaît comme fluide tout ce qui n’est pas solide, c’est-à-dire, si l’on s’en réfère aux trois états de la matière, les liquides et les gaz. La mécanique des fluides est un domaine particulièrement actif de la recherche scientifique parce qu’il comporte encore de nombreux problèmes non résolus ou résolus de manière seulement partielle, faute de modélisation correcte (sous forme d’équations) de ces phénomènes qui concernent les fluides. Nous constatons donc ici une similitude intéressante : l’approche théorique, conceptuelle des fluides est un terrain trouble tant du point de vue scientifique que du point de vue poétique. Au-delà même de cette similitude, le parallèle avec la discipline scientifique du même nom n’est pas gratuit : en fait de mécanique, nous allons voir que le versant scientifique de l’étude des fluides, par les stratégies concrètes qu’il déploie à l’analyse, offre beaucoup de perspectives d’appréhension sur le plan poïétique et littéraire. La mécanique, en science, désigne l’étude du mouvement. Or, la circulation, la coction et le débordement sont précisément ce que l’on peut comprendre des mouvements internes et externes des fluides corporels. La mécanique s’applique à deux catégories d’objets, les solides et les liquides, et se divise en trois pôles distincts : 1) la statique, qui est l’étude des objets au repos, et donc de leur position 2) la cinématique, qui renvoie à la vitesse de l’objet entre deux positions, peu importe la force d’accélération qui leur est imprimée (ce qui s’exprime en distance/temps) 180 et enfin 3) la dynamique, qui prend en compte l’ensemble du comportement de l’objet en mouvement, ce que l’on pourrait traduire par chaque petite accélération entre deux déplacements de position. Dans le cas particulier des fluides, la mécanique concerne la statique (qui s’en tient pour l’essentiel à l’hydrostatique) et la dynamique. Les fluides dits « non-newtoniens » (comme le sang ou le sperme, mais également les gels, boues, pâtes, suspensions, émulsions, etc.) peuvent en plus avoir des comportements très variés, qui ne sont pas linéaires, ce qui augmente encore la difficulté de leur appréhension. En général, on parle donc de « mécanique des fluides » uniquement à propos des fluides dits « newtoniens », c’est-à-dire caractérisés par un coefficient de viscosité qui dépend de la température et de la pression, avec des réactions proportionnelles à celles-ci. Cette mécanique des fluides, déjà réduite, concerne ainsi essentiellement l’eau et l’air. Ce qui différencie un solide d’un liquide c'est que tous les points du solide, par rapport à eux-mêmes et à l’ensemble qu’ils forment, gardent toujours les mêmes positions relatives : on suppose donc le solide indéformable – une masse ferme. Les fluides, au contraire, et ainsi que nous l’avons déjà discuté, sont « déformables » par le fait même qu’ils sont informes : ils n’ont ainsi pas de forme ni de volume propre, occupent l’espace dans lequel on les place, et prennent les inflexions du mouvement particulier qu’on leur inflige. De cette différence fondamentale découle un constat simple : il est impossible d’analyser les fluides aussi bien que les solides. La mécanique des fluides s’efforce alors de trouver des cas de figure dans lesquels le comportement des fluides est plus facilement compréhensible, et donc modélisable. C’est là qu’entre en jeu la notion d’écoulement. Un écoulement peut être turbulent, ce qui le rend plus difficilement saisissable, ou laminaire, c’est-à-dire caractérisé par plusieurs « couches » qui fonctionnent de la même manière, avec des propriétés semblables. La mécanique des fluides privilégie ce dernier type d’écoulement parce qu’il permet de créer une unité au sein du désordre que l’écoulement même représente. La stratégie d’analyse est donc, lorsqu’on approche un tel système complexe, de le subdiviser en un certain nombre de fragments (les « couches ») correspondant à des systèmes connus. Cette démarche est nécessaire parce que les études sont toujours relatives. En partant de telles ou telles conditions initiales, on cherche à décomposer l’expérience de manière à expliquer le résultat final, obtenu à l’issue de l’étude, aussi a-t-on besoin d’équations fiables pour décrire les phénomènes en présence desquels on se trouve. C’est pour cette raison que la mécanique des fluides préfère étudier l’écoulement laminaire parce qu’il ramène le système complexe en strates que l’on peut comprendre. 181 La mécanique des fluides révèle par conséquent un étrange paradoxe : étant entendu que ce qu’elle s’efforce de modéliser est particulièrement complexe du fait même de l’état de la matière dont elle se préoccupe, elle passe pour une des disciplines les plus difficiles ; mais, en réalité, d’un point de vue pratique, elle s’avère être une des sciences les plus faciles d’accès, car elle est gouvernée par si peu de lois (du fait de la résistance de cette complexité même à l’analyse) que les recherches sont obligées de simplifier tous ses systèmes afin d’en tenter une approche. Or, dans le domaine scientifique, lorsqu’on utilise les principes fondamentaux et les équations pour modéliser un phénomène, plus on simplifie, plus le résultat obtenu sera éloigné de la réalité, quand le but de toute démarche scientifique est de proposer un résultat qui en soit justement le plus proche possible. Les fluides représentent donc un défi interprétatoire auquel même les sciences empiriques se heurtent. Cette approche synthétique, et nécessairement vulgarisée de la mécanique des fluides, soulève néanmoins d’ores et déjà un problème que notre lecteurice n’aura pas manqué de remarquer, puisque nous l’avons déjà rencontré : la difficulté de catégorisation (plastique ou sémantique) des fluides en général, et donc la complexité particulière de leur appréhension. Ils semblent résister à l’analyse et à leur propre modélisation, qu’elle soit de nature empirique, scientifique, artistique, littéraire, créative. Or, les fluides qui nous intéressent plus particulièrement sont difficiles à appréhender, et il est déjà difficile de les nommer. Tour à tour au fil des recherches, nous les avons baptisés « fluides sexués, fluides sexuels, fluides genrés », « fluides sexués, sexuels et genrés », « fluides du sexe », « fluides génitaux » ; pour finalement choisir de nous arrêter sur l’appellation qui nous semble la plus neutre - fluides de la différence sexuelle. Cette appellation est, nous en convenons volontiers, toujours approximative, et un peu laborieuse - mais quelle « bonne » terminologie, concise et efficace, permettrait de réunir enfin ces différents fluides, qui malgré leur cohérence intrinsèque, peinent à trouver désignance? Si l’on choisit de parler de « différence sexuelle », c’est d’abord pour répondre au problème soulevé par Wittig387 quant au sexage. Il s’agit alors de faire référence à la caractérisation purement physique, biologiquement « mâle » et « femelle » (avec tout ce que l’idée a de problématique), de ces sécrétions particulières, parce qu’il est nécessaire de réinvestir ces catégories dominantes et le langage associé — que Wittig nomme « catégories de sexe » — pour espérer en opérer une critique efficace. Les fluides de la différence sexuelle ont ainsi précisément été pensés, et manipulés ontologiquement, comme des démonstrateurs d’une différence « biologique » posée entre « mâle » et « femelle » – en 387 Monique Wittig, La Pensée straight, op.cit. 182 apparence, il s’agirait donc d’apporter de l’eau à ce moulin essentialiste. Mais ce serait oublier la part inhérente de construction, ces fluides ne faisant pas exception – bien au contraire, ce sont même des exemples nodaux en la matière. Les représentations culturelles qu’on y projette sont loin d’être « naturelles » : elles révèlent plutôt très directement la hiérarchie matérialiste des genres, d’où l’intérêt pour nous, à l’instar de Wittig, de parler de différence « sexuelle » et non pas uniquement « genrée ». La science pallie le problème de modélisation (définition) des fluides en approchant ce système complexe par correspondances - d’une manière qui vise à le décomposer en parties simplifiées, rappelant ces modèles familiers qualifiés d’« intimités fractales » par DidiHuberman388. C’est de cette approche que nous allons maintenant nous inspirer. Quelles sont ces « correspondances » qui nous permettraient d’approcher matériellement le phénomène esthétique des fluides? En partant une nouvelle fois du roman fondateur de Stoker, de premières réponses se font jour.
B/ Le rouge et le blanc : correspondance des humeurs, couleurs et formes
Si le XXe siècle se caractérise par la représentation et l’utilisation explicite du lait, des menstrues et du sperme, une tendance qui peut d’ailleurs aller jusqu’à leur utilisation dans certaines œuvres artistiques, pendant longtemps ces fluides ont été des objets « absents », puisqu’« objets-limite ». Pourtant, ils sont omniprésents aussi bien en littérature qu’en art. Comment expliquer ce paradoxe? Par le déplacement de formes et le jeu des couleurs, qui s’apparentent alors à un code à déchiffrer. Certains de ces codes symboliques perdurent même dans les productions contemporaines : ainsi, le poisson et le serpent sont des représentations allégoriques bien connues du sexe masculin, quand les réceptacles de toutes sortes et les fleurs figurent bien souvent le sexe féminin. La peinture classique offre de très nombreux exemples de ces détournements : formes lascives, draperies suggestives, nœuds coulants... sont autant de moyens déployés par l’artiste, qui permettent de suggérer ce que l’on ne peut pas représenter. Dans le tableau Danaé de Jacques Blanchard, issu de l’art baroque et analysé par Frédéric Cousinié dans son ouvrage Esthétique des fluides389, on assiste par exemple à un intéressant déplacement de formes. L’histoire de Danaé est une scène mythologique qui a été déclinée à de nombreuses 388 George Didi-Huberman, Ninfa fluida, op.cit, p. 74. 389 Frédéric Cousiné, Esthétique des fluides, op. cit. 183 reprises en peinture, de Titien à Klimt en passant par Poussin ou Rembrandt : la princesse, future mère du héros Persée (ce qui ne manque pas, là encore, d’un certain à-propos), est fécondée par Zeus sous la forme d’une pluie d’or. Or, cette pluie est déjà une métaphore plutôt explicite du sperme, laquelle ouvre la voie à un certain prétexte sexuel qui justifie donc le traitement érotique de l’ensemble de la scène. Illustration 13 Jacques Blanchard, Danaé, huile sur toile, 93x130cm, Musée des Beaux-Arts de Lyon, 1631-33
Si toutes les formes d’expression baroques cherchent à produire une émotion forte sur lae spectateurice, le tableau ci-dessus produit de plus un effet de spectacle, très théâtral, par une prolifération abondante de formes et une richesse exubérante des coloris. La mise en scène possède un effet décoratif somptueux, obtenu par les couleurs chaudes et les liserés dorés des draperies. Le peintre y privilégie la matière colorée et le mouvement, les jeux d’ombres et de lumières. Jacques Blanchard manifeste aussi dans ce tableau son désir de représenter une certaine forme de beauté féminine, répondant aux canons esthétiques de l’époque. L’évidente sensualité de Danaé est ainsi mise en avant, l’érotisme étant perceptible notamment grâce à la position de son corps avantageusement abandonné et de sa tête ployée en arrière. Sa nudité est mise en valeur par le contraste de son corps pâle avec le choix des 184 tons de rouge des draperies sous lesquelles elle est allongée. Mais c’est un autre détail qui nous intéresse plus particulièrement : le drapé de la pièce de tissu que tend la servante, vraisemblablement pour recueillir les pièces qui tombent du ciel, suggère en effet un phallus veiné dont la semence s’écoule directement sur le corps de Danaé, figurée par la soie légère et laiteuse masquant d’un voile pudique l’intimité nue de la jeune femme. Ce détail, isolé, est d’une extraordinaire crudité, alors même que l’allusion au coït, et plus particulièrement à l’éjaculation, n’est que suggérée par le sujet. Illustration 13 (détail)
En 2006, le parfumeur Antoine Lie crée pour la maison de niche État Libre d’Orange un parfum mixte de la famille des boisés, à l’odeur pointue. Secrétions magnifiques est ainsi un parfum qui se veut semence troublante, immédiatement rangé dans la catégorie « art contemporain » de la parfumerie – et pour cause : il serait précisément inspiré des fluides corporels du sexe. Nous apprécierons au passage le qualificatif de « magnifiques » pour caractériser ces sécrétions, qui n’est pas sans rappeler le lien au sublime que nous avions tenté d’expliciter plus tôt dans notre développement. Le parfum est présenté comme suit par la marque : 185 S comme sang, sueur, sperme, salive. Véritable coït olfactif, Sécrétions Magnifiques nous emporte au faîte de la jouissance, ce moment chaque fois inédit où le désir triomphe de la raison. La tension masculine, toute en notes aigües, libère sa décharge d’adrénaline dans une cascade d’aldéhydes. L’effet fraîcheur est saisissant. Puis le parfum révèle son côté métallique, précis, acéré comme un désir inassouvi. On est sur le fil du rasoir... Les peaux en sueur ont la saveur du musc et du santal. L’effet marin, légèrement salé, excite les papilles et met l’eau à la bouche. Les langues et les sexes se trouvent, le plaisir explose, et tout bascule.
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8.2.1. Présentation des résultats issus du questionnaire de sondage en France
France Avez-vous eu une première expérience en prévention de RPS? De la totalité des réponses obtenues, 23 au total, 47,83% ont répondu : oui 52,17% ont répondu : non Cette première question dans notre approche de l'activité de prévention de RPS avait comme objectif de nous aider à établir un échantillon ad-hoc parmi l'ensemble des répondants au questionnaire sondage, soit un total de 23 IPRP en France. Comme nous le voyons, une moitié de répondants ayant dit ne pas avoir d'expérience en prévention de RPS, nous avons retenu notre échantillon de 10 IPRP parmi la moitié d'IPRP restante auxquels nous avons proposé un entretien d'explicitation. Il est intéressant de constater qu'en France 1 IPRP sur 2 dit ne pas avoir de l'expérience en prévention de RPS. 8.2.2. Présentation des résultats issus du questionnaire de sondage en Espagne Espagne
Avez-vous eu une première expérience en prévention de RPS? 83,33% ont répondu : oui, plusieurs fois 16,67% ont répondu : non Parmi l'ensemble de TP répondants en Espagne, nous voyons que le pourcentage de ceux ayant travaillé dans la prévention de RPS est plus élevé. Nous avons récolté 18 réponses en provenance de l'Espagne, chiffre qui est plus faible que le taux de répondants en France, 161 cependant, le pourcentage d'entre eux qui ont une expérience en prévention de RPS étant plus élevé, nous pouvons nous demander si le fait d'avoir mis une exigence en Espagne de Master avec les trois spécialités ne favorise pas l'entrée dans l'activité, dans l'expérience, et donc dans la construction de la compétence. Nous allons présenter les résultats des entretiens d'explicitation qui nous ont permis d'accéder à l'activité de prévention de RPS au travers de l'actualisation que l'interviewé en fait dans son discours. 8.2.3 Présentation des résultats issus des entretiens d'explicitation en France
Rappelons que la question qui a été posée aux IPRP et aux TP a été la suivante : pouvez-vous nous raconter une activité de prévention de RPS dans laquelle vous êtes intervenu? FRANCE 1-Le premier IPRP interviewé a démarré son activité de prévention de RPS en étroite collaboration avec le médecin « avec le médecin on a réfléchi et on est parti du rapport Lachmann1il nous a bien plu ce rapport et il parlait de dialogue social, de management, de l'implication de la direction, du dialogue, du travail en soi, et il incitait à parler sur le travail» Ensemble, ils ont trouvé un mode d'agir « on a commenté le rapport Lachmann avec les entreprises et avec les chefs d'entrepriseon avait un power point et on expliquait comment on voulait procéderce qui se passait bien ou pas dans l'entreprise » Cette première phase d'adaptation a permis de faire évoluer les pratiques « j'ai testé, et j'ai fait évoluer le PowerPoint et petit à petit j'ai travaillé sur un module de formation pour la prise en compte des RPS » Une motivation d'aide poussait l'I'IPRP à se questionner « je me demandais comment je pouvais les aider » 162 L'arrivée des outils de l'INRS39 a aidé dans un premier temps à consolider des pratiques « l'INRS a mis au point une grille d'évaluation je m'en sers comme trame auprès du groupe de travail et on évalue les thématiques » L'IPRP a pu s'approprier cette grille et elle a commencé à l'appliquer « l'entreprise m'appelle et on applique la méthodologie INRS 24» Pour cette IPRP qui n'a pas de formation de spécialiste, l'évidence est d'avoir recours à d 'autres spécialistes «je ne peux répondre et je propose de travailler en binôme avec une psychologue clinicienne ou une psycho ergonome qui travaille en groupe » 2-Le second IPRP de notre échantillon nous raconte qu'à partir d'une demande du médecin, il peut prendre des rendez-vous avec les entreprises pour faire la fiche d'entreprise par exemple, mais que parfois « je vais sans la demande du médecin » Cet IPRP a développé une stratégie d'approche de l'entreprise et pour ne pas mettre en porteà-faux la personne il met en avant la fiche d'entreprise qui est obligatoire. vision à la charge de travail etc » il dit avoir travaillé avec un autre IPRP psychologue qui pour lui avait un déroulé déjà « orienté » car elle travaillait avec une optique charge de travail qui était limitative ce qui l'a empêché de faire des découvertes ailleurs que dans ce champ Cet IPRP ne veut pas s'arrêter à un diagnostic «après je réunis tout le monde sur les problématiques d'échange, entretiens, restitutions, phase de parole collective j'aime beaucoup car cela modère certains discours» Cet IPRP travaille autant dans les entretiens individuels que dans les collectifs, mais il se prémunit toujours de l'accord du médecin, même si certains ne veulent pas participer. A partir de ces entretiens il propose des pistes d'action et un groupe de travail pour essayer de travailler sur une piste. Pour lui on finit par créer une méthodologie à soi. «il y a beaucoup de créativité, car l'intervenant ne peut se dissocier de sa propre personnalité» 3-Pour la troisième IPRP de notre échantillon ayant un parcours double en psychologie et ergonomie, les choses ne sont pas simples. Elle avait l'impression au départ qu'on lui collait une étiquette « j'avais l'impression, je n'ai pas de titre de psy et on n'arrêtait pas de m'embêter pour faire de la prévention des RPSj'ai eu tous les titres psycho psychosocioergoon me demandait de régler les problèmes mais j'étais au début du métier, je n'étais pas à l'aise. Et il m'a fallu trois ans pour me dire que dans toute situation qu'il n'y avait pas que ça, qu'il fallait interroger les organisationsdepuis les choses ont évolué.» Cette intervenante dit avoir mis trois ans pour comprendre que dans toute situation il fallait aussi interrog er les organisations, « depuis les choses ont évolué quelqu'un qui m'avait rassuré c'était un collègue qui travaillait en prévention de RPS et qui avait intégré la question du travail réel et du travail perçu, et je me disais qu'il fallait ce double cursus car l'ergonomie a quelque chose à dire sur la méthodologie des situations de travail, mais il faut être formé à la psychologie pour comprendre les processus de régulation collectivepour moi la psychologie sociale est prégnante » Cette intervenante sent bien la complémentarité entre les disciplines et elle déplore que l'ergonomie ait attiré de préférence des gens en provenance du milieu Hygiène et Sécurité. Elle croit que les gens en provenance de la psychologie sont plus à l'aise mais elle dit qu'il n'y a pas d'outil verrouillé. Pour son intervention elle analyse la demande « j'interviens soit pour analyser la demande du médecin et orienter une réponse en disant qu'il faut chercher un spécialiste.» soit elle 164 peut faire des entretiens, mais le plus souvent elle fait des accompagnements collectifs soit dans les diagnostics, avec mise en place d'un comité de pilotage40, soit elle fait des observations de terrain pour comprendre l'activité du collectif : comprendre le travail pour mieux le transformer, son but serait de créer un référentiel commun pour construire des outils fédérateurs. Au niveau des outils dans un premier temps cela lui arrivait d'utiliser des outils existants comme la grille INRS. Concernant d'autres outils c'étaient pour elle des outils d'épidémiologie qui n'aidaient pas à comprendre le travail pour le transformer Elle fait aussi, dans le cadre de la prévention de RPS, des accompagnements au changement « on n'est pas moins résistant au changement si on ne comprend pas le changement, s'il n'y a pas un accompagnement, une implication, une prise en compte du facteur humain dans le changement » Dans ces accompagnements, dont on sent bien la culture de l'ergonome, elle s'attèle à accéder au subjectif du travail et au réel du travail. Pour elle son terrain de prédilection est le milieu du travail, l'observable reste « son moyen de travail privilégié » 3-Le quatrième IPRP interviewé fait un doctorat financé par une bourse CIFRE et travaille sur l'étude des relations dysimétriques entre professionnels. Il a organisé une intervention dans une entreprise à la demande du médecin qu'il nous raconte et Il nous dit qu'il ne fait pas d'intervention seul. Il est référent RPS dans le service et il organise les interventions à deux ou trois. Ses collègues ont une formation mixte d'ergonomes et de HSE et interviennent à différents moments. Dans l'intervention qu'il nous raconte avec le médecin, la relation était tendue car « elle était plutôt en ligne de combat, voulait mettre la pression à l'entreprise ». Il leur a fallu négocier avec le médecin qui faisait pression, « on s'est retrouvé avec un médecin qui n'était pas fiable et qui lui-même nous mettait une pression importante pour orienter notre action et on a décidé de calmer le jeu de ne pas répondre tout de suite, de refaire de séries d'observations et d'entretiens » Il a conçu une intervention mixte quantitative et qualitative avec des observations participantes et des entretiens. Il a fait le choix de la méthode quantitative car elle allait permettre d'asseoir sa méthodologie face à une entreprise très rétive « on a décidé de proposer de construire un questionnaireparce qu'on avait en face une direction qui était 40 Co-Pil : Comité de Pilotage mis en place pour mener une action de diagnostic RPS en entreprise 165 extrêmement agressive et a qui il fallait que l'on soit en mesure de présenter des données qu'ils puissent accepter et le volet quantitatif était quelque chose qui permettait d'asseoir la méthodologie et ça nous permettait de répondre et de fermer la discussion à l'autre médecin » Pour lui les relations sont compiquées mais cela constitue l'objet de sa recherche. 5-Le cinquième IPRP interviewé nous raconte une intervention qui a eu lieu au départ sans le médecin du travail car il n'y en avait pas dans le secteur. Il avait été sollicité par un adhérent « c'était la première fois que cela lui arrivait » Il avait reçu une demande d'un adhérent qui lui avait dit « j'aimerais que vous faisiez une intervention de prévention de RPS » et il avait donné son accord. Il était un peu inquiet car dans le secteur il n'y avait pas de médecin. « il allait arriver mais comme je le connaissais par ailleurs je lui ai parlé du projet en off pour qu'il soit au courant et qu'il soit d'accord parce que savais qu'il allait arriver officiellement» Il a proposé de monter un comité de pilotage, ce qui a été fait. Il a ensuite fait un découpage en unités de travail par métiers et « il a pris des porte-parole de différents métiers qui allaient recueillir les données de terrain en fonction de veilles systématiques de l'INRS» Par la suite ils ont monté des réunions de travail avec chaque porte-parole pour aborder 26 thématiques. 166 6-Le sixième IPRP interviewé est arrivé dans le service en 2007. Quelques années après il a eu une collègue psychologue du travail qui est arrivé. Avant cela il faisait les interventions seul. Il nous raconte l'expérience de prévention de RPS réalisée dans une maison de retraite. En premier lieu, tel qu'il le retrouve dans ses souvenirs, ils sont allés à la rencontre de l'entreprise, et après ils procédé à l'analyse de la demande ensemble. « la demande c'était pour aller aider l'encadrement qui était en difficultéil y avait des tensions et des tensions relationnelles dans les équipes et on avait rencontré la directrice » Lorsqu'ils ont rencontré la directrice ils se sont rendu compte que de son côté à elle il y avait des difficultés aussi « elle était débordée, elle n'était pas présenteelle déléguait beaucoup » Pour cet IPRP l'activité de la directrice était à prendre en compte dans l'analyse. Ils ont co-rédigé une proposition avec des méthodologies qui étaient basées sur des entretiens individuels et les comptes rendus à la direction. Cette méthode d'intervention d'avait pas donné les résultats escomptés. Cet IPRP a beaucoup aidé sa collègue débutante Psychologue du travail « Elle me sollicitait parce qu'elle avait besoin d'analyse, elle avait inventé son poste, mais elle n'avait personne avec qui en discuter parce que les médecins, eux, la plupart du temps ça leur passait audessus de la tête » Ils s'étaient rendu compte que leurs approches étaient complémentaires « on se disait que l'on faisait le même métier avec des approches différentes elle passait plus par l'entretien individuel et moi par l'observation et l'analyse de l'activité » Cette complémentarité se manifestait dans l échange : « il y avait beaucoup de situations où ils se disaient qu'il y avaient des RPS mais qu'il fallait rentrer par une autre porte» Au début de leur pratique il se rappelle qu'il faisait beaucoup de diagnostics mais il décrit une pratique qui a évolué «on fait des interventions de soutien, on cherche à accompagner l'entreprise sur des projets en y intégrant la dimension psychosociale et ça change beaucoup de choses » Cet intervenant, formé essentiellement à l'ergonomie parle des interventions qui visent à favoriser des espaces de dialogue sur le travail. Il se donne comme objectif de rendre l'entreprise plus autonome dans la gestion de ses problématiques de prévention. Au début de leur pratique ils étaient très attentifs à ce qui sortait de nouveau et ils se 167 formaient. Cette pratique qui a évolué au fil du temps est décrite par l'IPRP : « au début on remettait le diagnostic à l'entreprise et rien ne changeait. Maintenant on passe moins de temps sur le diagnostic et on accompagne l'entreprise dans l'action dans une approche plus systémique» 7-La septième IPRP interviewée ne fait pas partie d'un SSTI au moment du recueil des données. Elle travaille à son compte pour un cabinet de conseil. Elle nous raconte une intervention qu'elle a faite dans une entreprise de 150 salariés et 100 saisonniers dans l'industrie agroalimentaire. Cette entreprise fait partie d'un groupe en France racheté par un groupe américain qui a sollicité le cabinet pour lequel elle travaille pour inscrire les RPS dans le document unique (DU) Elle a fait évoluer cette demande qui lui paraît trop complexe à traiter et a proposé à l'entreprise de mettre en place une démarche de prévention qui mobilise l'ensemble des acteurs de la prévention internes ou externes. « je propose à l'entreprise de mettre en place une démarche de prévention des risques psychosociaux en mobilisant l'ensemble des acteurs de la prévention et de réfléchir à comment mettre en place et engager une démarche de prévention en matière de RPS au sein de l'entreprise » Cette IPRP parle de ses difficultés à convaincre l'entreprise, « elle était réticente et voulait une réponse technique à une demande technique maison ne peut pas coller à la demande et donc je suis en train d'accompagner l'entreprise à mettre en place une commission de pilotage sur les représentations de chacun autour des RPS » Cette IPRP trouve qu'il y a beaucoup d'idées reçues et elle a décidé « de faire d'abord passer un questionnaire et de travail ensuite sur les petits groupes pour creuser les éléments et amener les collectifs à approfondir les questions qui posent problème » Elle commence par sensibiliser l'ensemble de l'encadrement à la démarche pour promouvoir en même temps un peu la culture des RPS. « ils sont très au point sur le risque physique mais il y a eu deux suicides qui étaient l'élément déclencheur » Ces interventions sont courtes. Le cabinet lui donne entre 7 et 8 jours maximum, ce qui est très peu à son sens. « on accepte la mission parce qu'il faut bosser et qu'il faut gagner le client qui nous fera après intervenir sur un plan organisationnel» 168 Elle n'aime pas faire ses missions sur si peu de temps. Il lui en faudrait davantage « c'est le point faible de mon activité : qu'il est difficile de dire au client ce ne sont pas 7 jours qu'il me faut mais quinze » Dans son cabinet on utilise certains outils comme le karasek 42 ou le siegrist mais elle préfère utiliser les outils de l'INRS. Elle utilise aussi d'autres outils comme un questionnaire canadien qui lui a été présenté mais elle pratique surtout des entretiens individuels et collectifs. Il lui semble que sa méthode a évoluée malgré que l'entretien individuel pour elle ne soit toujours pas facile « c'est difficile à gérer parce qu'il y a une charge émotionnelle parfois qui n'est pas simple et il faut pouvoir l'encaisser » Elle intervient seule mais parfois elle va chercher de l'aide auprès d'autres psychologues du travail. Elle ne peut pas rester sans échanger car pour elle « c'est un sujet délicat, c'est un des seuls risques où quand on intervient on peut en générer encore plus donc il faut vraiment faire attention » 9-Le neuvième IPRP que nous avons interviewé nous a expliqué une première expérience qu'il a eue en prévention de RPS lors de ses stages quand il faisait ses études de psychologie du travail, en cabinet de conseil où il avait été recruté pour s'occuper d'une prestation conduite par un questionnaire le WOOQ43, pour lequel il était parti se former à Liège. Cet IPRP avait toujours aimé traiter les données statistiques, et il avait commencé par une première expérience où l'outil statistique était s important. « du coup je me suis appuyé plutôt sur la méthodologie préconisée par le WOOQ pour développer mes actions parce que de toutes manières il y avait des prémisses qui étaient intéressantesj'avais développé une attirance pour le sujet » Il nous raconte une situation de prévention de RPS sur laquelle il est intervenu et qui s'est déroulée dans une petite structure qui vendait du gaz, et où le médecin du travail avait été alerté. 169 placer une démarche collective, et le médecin a été d'accord. Il a d'abord rencontré la direction « je leur ait dit qu'il fallait un espace de dialogue comme un Comité de Pilotage (copil) ou un groupe de travail sur le sujetet puis que ce soit leur action et pas la miennece copil je lui ai présenté le sujetà la suite j'ai posé ce que c'étaient les rps et je me suis appuyé sur la définition de Gollac qui est plus facile à l'époque de Nasse Légeron sur les RPS on revenait au stress et ça peut être individualisé par l'entreprise, c'est assez gênant alors que dans la définition proposée par Gollac44 on peut poser que l'on va travailler sur les conditions organisationnelles, relationnelles et des conditions de travailet à la suite je leur ai présenté les méthodes qualitatives et quantitatives » L'entreprise a décidé de mettre en place le questionnaire de Karasek 29 « avec peu de variables parce qu'ils étaient peu nombreux » Cet IPRP pense qu'avec le Karasek on est vite prisonnier des postulats théoriques et il préfère redéfinir des variables où définir une méthode plus proche du travail. « ils ont retenu les entretiens individuels et on a fait un échantillonnage aléatoire et j'ai réalisé des entretiens individuels pour identifier des motifs de satisfaction et des pistes d'action et ensuite on a travaillé avec le groupe de travail qui s'est saisi des difficultés rencontrées pour trouver des pistes d'actiontout cela s'est mené sur un empan temporel de 6 mois » Par la suite il a présenté les résultats à l'entreprise « je leur ai dit soit vous pensez avoir suffisamment d'éléments pour arriver à définir des pistes d'action soit on définit une méthode plus proche du travail soit des entretiens collectifs ou de l'analyse de l'activité, et ils ont retenu des entretiens individuels. 170 viennent rarement peut-être dans le lancement de l'action et sur les résultats mais entre les deux ils nous font confiance, mais on leur fait un reporting de comment les choses avancent » Cet IPRP maintenant occupe un poste de responsable et encadre 12 IPRP, mais il peut continuer à faire des sensibilisations auprès des managers ou des salariés, des tables rondes à l'intention des chefs d'entreprise, et aussi des médiations sous certaines conditions « j'en ai eu fait mais je leur ai dit on va intervenir sur les relations et l'organisation sinon je ne viens pas, comme il y a un droit de retrait c'est facile » 10-Le dixième IPRP interviewé a un parcours mixte d'ergonomie et psychologie qui parfois le laisse un peu désemparé « aujourd'hui je ne sais plus qui je suis en fait on se sent plus ergo parce que je tiens beaucoup au fait que psycho c'est un titre ça veut dire que l'on a validé un master de psycho» Cet IPRP nous raconte une première expérience de prévention de RPS qu'il a eue lors d'un de ses stages en fin d'études dans un cabinet de conseil « on m'a fait entrer par la porte du harcèlement moral. Heureusement que ça a duré un an parce que si ça avait duré six mois,j'ai mis six mois à retourner la demande qui s'est transformé en une analyse de l'activité des managers de proximité » Il raconte qu'il s'était aperçu du fait que cette population était très compressée « on leur demandait beaucoup de reporting et ils n'avaient pas la possibilité de manager correctement, on a fait tout un travail d'analyse de l'activité » Il explique comment c'est important pour lui de négocier au départ « j'étais rattaché au DRH et j'ai négocié avec lui les modalités de mes interventionsj'ai fait des entretiens individuels et journées d'observation » Il avait fait quarante entretiens avec des managers sur le contenu de l'activité et des aspects organisationnels du vécu au travail. Pour cet IPRP tout ce travail fait a permis une prise de conscience. Pas de transformations, mais une prise de conscience parce que l'année d'après il a su qu'un cabinet rentrait dans l'entreprise pour faire un module de formation auprès des managers de proximité. 8.2.4. Présentation des résultats issus des entretiens d'explicitation en Espagne. Nous rappelons la question posée : pouvez-vous nous raconter une expérience de prévention de RPS dans laquelle vous ayez participé?
ESPAGNE 1-Le premier TP interviewé travaille dans un service de prévention autonome d'une entreprise et il nous raconte plusieurs activités de prévention de RPS. Par exemple celle d'une banque qui a été réalisée à la demande de l'inspection du travail. Cette banque, dit-il, a pris un questionnaire dont il ne connaît pas le nom, qu'ils ont modifié, et ils ont appelé cette intervention pré diagnostic. D'autres interventions chez les buralistes se font en faisant passer un questionnaire, mais les gens le remplissent ou ne le remplissent pas, cela est égal, « ils se sont couvert face aux syndicats » 172 Il est difficile pour ce TP de rentrer dans le détail des interventions réalisées. Il dit que la méthodologie utilisée est celle de l'Institut d'hygiène et sécurité (IHS)45 à laquelle ils rajoutent où enlèvent des questions. Ce TP explique que en Espagne avec un médecin et une ou un infirmier on peut ouvrir un SPA qui peut travailler sur tout le territoire Les SPA font des contrats d'intervention annuels avec les entreprises, et la visite médicale ne rentre pas dans le prix. Souvent le médecin n'est pas au courant de ce qui se passe dans l'entreprise « nous avons adressé des demandes pour que l'on donne des évaluations de rps aux médecins pour qu'ils sachent à quels risques sont exposés les travaillleursici on ne fait pas de préventionle médecin est limité à la visite seulement » Il nous explique que la méthodologie est toujours la même, ils font passer un questionnaire istas21 « ils ont pris le copsoq 46et ils l'ont traduit, il y a la version courte et la longue, et après notre gouvernement en Catalogne, lui a changé le nom car les syndicats majoritaires Comisiones Obreras (CCOO )47 et Union General de Trabajadores (UGT)48 ont fait pression » L'activité de prévention de RPS de ce TP est décrite comme une simple passation de questionnaires, et de façon ponctuelle des entretiens. Pour lui le TP n'a pas d'autonomie car il n'a pas le temps de faire tout ce qu'il doit faire et de visiter les entreprises. 2-La deuxième TP interviewée travaille dans un service de prévention autonome et elle nous explique une activité de prévention de RPS. Elle fait la différence entre l'évaluation des facteurs et l'évaluation des risques. Elle est intervenue à la demande de l'inspection du travail. Elle a proposé une méthodologie d'intervention en CHSCT. Elle a proposé la méthodologie du questionnaire Copsoq appelée Istas21 en Espagne, car elle trouve qu'il permet une grande participation. « Cette méthodologie exige un compromis entre le 45 IHS : Institut d'Hygiène et Sécurité dans le travail dépendant du Ministère du travail, migrations et Sécurité Social Espagnol 46 COPSOQ : Copenhagen Psychosocial Questionnaire. Questionnaire de mesure des risques psychosociaux composée de 46 items regroupés en 24 échelles et rendant compte de six dimensions. 47 CCOO : Syndicat espagnol Comisiones Obreras 48 UGT : Syndicat espagnol, Union General de Trabajadores 173 comité d'hygiène et la direction et un travail collaboratif avec des représentants de la direction» Elle trouvait cette méthodologie intéressante car tout le monde s'impliquait dans son déroulement et dans la compréhension du concept des risques psychosociaux. « lorsque les gens sont d'accord au début, les mesures que l'on préconise après sont mieux acceptées» Elle a mis beaucoup de temps pour distribuer et collecter les questionnaires car dans un hôpital tout le monde fait un travail posté. Elle avait recueilli 1000 questionnaires qu'elle a dû traiter. Toute la démarche lui a pris 2 ans. Elle avait constitué un groupe de travail qui se réunissait une fois par semaine pour analyser les résultats et proposer des pistes d'actions. Lorsque le rapport final a été élaboré, elle l'a présenté aux syndicats, à la direction et à l'inspection du travail. Elle décrit cette première expérience comme quelque chose de trè stressant où elle a du recourir à des experts de Istas21 pour se faire conseiller. « j'essaie d'avoir un réseau de gens experts en Espagne au niveau de risques psychosociaux » Elle avait choisi cette méthodologie car elle propose des mesures et elle donne des pistes d'action, elle est facile à utiliser. 3-Le troisième TP interviewé travaille dans un service autonome et il est docteur en biologie. 174 les choses correspondaient. Cette deuxième intervention il l'a faite seul, mais il en a réalisé une première où il a été question de modifier le questionnaire Istas en rajoutant des variables pour le burnout où il a accompagné une étudiante de master et depuis il sait le faire seul. Les résultats de son intervention avec la méthodologie Istas étaient assez parlants et cela a permis de proposer et de mettre en place des pistes d'action. Une fois qu'il a fait passer le questionnaire et qu'il a en a analysé les résultats, ce TP sort trois documents de synthèse tels que proposés par la méthodologie Istas, et il les propose à la direction en expliquant quels sont leurs problèmes et quelles sont les actions qu'ils peuvent mettre en place pour parvenir à une solution. Il propose une liste d'actions à la direction et aux représentants du personnel. Qui aura ensuite la charge de communiquer en direction du reste de l'entreprise. Il arrive qu'on lui demande de présenter les résultats aux salariés et là il profite de l'occasion pour faire de la pédagogie. Lorsqu'il se rend compte qu'un service ne fonctionne pas il essaye de ne pas stigmatiser son directeur et de proposer des solutions alternatives comme la mise en formation etc 5-Le cinquième TP que nous avons interviewé est diplômé en relations de travail et il travaille dans un Service de Prévention Propre (SPP) de l'administration publique. Il a été longtemps TP dans un SPA. Dans sa première intervention en entreprise, lorsqu'il travaillait pour un SPA, ce TP s'est contenté de parler avec les syndicats et de passer un questionnaire qui a été traité par la suite sans donner lieu à d'autres interventions. C'était la méthodologie de l'Institut Navarro50. Il pense qu'au-delà de toutes les méthodologies ce qu'il faut c'est expliquer aux gens. « a la fin tu dois expliquer qu'il y a une série de facteurs de risques et qu'il faut répondre de la manière la plus sincère possible au questionnaire si l'on veut qu'il y ait des pistes d'action par la suite » Il n'utilise plus la même méthodologie qu'avant. Maintenant le service pour lequel il travaille a développé une nouvelle méthodologie basée sur le fpsico mais adaptée à l'administration avec des variables pour le personnel enseignant mais aussi pour le personnel sanitaire et le personnel de justice. « il y a toujours un pourcentage de gens qui ne s'adaptent pas parce qu'ils ne comprennent pas les RPS, peut être que nous ne l'expliquons pas bien » Il travaille plus ou moins seul, il parle avec les salariés, il crée un groupe de travail collectif où il explique ce qu'il fait et la méthodologie qu'il va utiliser. Il pense qu'il faut expliquer aux gens pour avoir leur adhésion parce que sinon on n'a pas assez de résultats. « vous pourrez exprimer ainsi toutes vos inquiétudes qu'après, moi, je vais traiter de façon anonyme» A partir de ces résultats il va proposer un ensemble de mesures ou des pistes d'action qui seront adoptées par l'entreprise et mises en application. Il donne le questionnaire directement, ou il le fait passer, ou il leur propose une date où il repassera pour le récupérer. Ces interventions durent en moyenne 5 mois. Au moment de la restitution il ne fait pas d'entretiens collectifs. Il donne le rapport au responsable et si celui-ci l'appelle à ce moment-là il se présente et l'aide éventuellement à la mise en place des pistes d'action Ce TP dit que « parfois les gens ne collaborent pas et parfois ils collaborent » Il explique qu'au-delà de ce type d'intervention il a mis en place une procédure d'intervention dans les cas de harcèlement, où il mobilise ce qu'il dénomme des personnes référentes, qui sont avertis en premier lieu par les personnes qui souffrent de harcèlement. 6-Le sixième TP interviewé est pédagogue de formation et elle travaille dans un SPA. Elle a réalisé des études pour des entreprises, sur la discrimination, des procédures pour prévenir le harcèlement, tout ce qui touche à la gestion des équipes et au leadership en prévention. Elle nous explique une intervention dans laquelle elle a eu à faire un choix de méthodologie qui s'est reporté sur Istas 21 ou sur pfsico. Dans son cas, elle a préparé le questionnaire, a réalisé les entretiens, a mis les données sur informatique, a analysé et rédigé le rapport. Parfois c'est l'entreprise elle-même qui la sollicite, et d'autres fois c'est un membre de leur équipe qui le fait. « ici on est tous spécialisés dans des domaines différents et l'on fait appel les uns aux 176 autres pour traiter des aspects que l'on maîtrise moins » Lorsqu'elle reçoit la demande de l'entreprise elle prend rendez-vous avec celle-ci et elle va proposer une méthodologie d'intervention. Elle fait des entretiens individuels mais pas beaucoup et ponctuellement elle peut faire des entretiens collectifs. «lorsque l'on a rédigé le rapport on le présente au responsable et au responsable du comité d'hygiène et sécurité, j'essaie de faire des groupes de travail et si le groupe est très réduit je présente les mesures ou les pistes d'action à l'ensemble du personnel » Concernant le déroulement de l'intervention cette TP précise qu'on met à disposition de l'entreprise un lien informatique pour la réponse au questionnaire et qu'après avec l'analyse le compte rendu et la visite à l'entreprise, cela peut-être l'affaire de 5 ou 7 jours. Une fois les résultats restitués, elle peut proposer à l'entreprise un accompagnement dans la mise en place de pistes d'action, et si elle ne le souhaite pas, il leur est proposé une contre visite 6 mois plus tard pour voir quel est le résultat après la mise en place des pistes d'action. 7-Le septième TP interviewé est ingénieur chimiste et travaille dans un Service de prévention autonome où sa
mission
consiste
à faire le lien entre le service autonome et le SPA
Il nous explique une intervention de prévention de RPS dans laquelle il est intervenu. Cela s'est déroulé dans son entreprise. Il savait que certains postes d'encadrement subissaient une pression forte et il a eu la possibilité de se mettre en rapport avec la direction qui a accepté de faire un diagnostic de RPS. Il a contacté le SPA qui travaillait avec eux et avec la psychologue qui travaillait dans ce SPA ils ont défini la méthodologie d'intervention. « je n'ai pas voulu le faire seul. Je ne suis pas psychologue donc j'ai demandé l'aide de la psychologue du service » « Avec elle on a décidé que j'allais décrire tous les postes de travail et m'occuper de garantir l'anonymat. Cela était très important » Ce TP a préparé les questionnaires avec la psychologue qui a fait le choix d'utiliser une méthodologie existante, Istas. Ils ont corrigé ensemble les questionnaires et enlevé des questions qui n'étaient pas appropriées. Ils ont pu élaborer trois sortes de questionnaires « Un adapté aux ouvriers, un autre 177 pour l'encadrement et un autre pour le personnel de direction » Après ce TP a fait passer les questionnaires en main propre, qu'il récupérait une heure après. Il les a envoyés à la psychologue qui faisait l'évaluation. Après l'analyse la psychologue leur a dit « qu'ils n'étaient pas si mal » mais qu'il y avait certains points à améliorer. « on n'était pas si mal, on était dans une situation de production qui restait dans des standards corrects mais pas bons et nous avons essayé de faire attention à la pression et au temps de travail qui étaient trop rigides» Ils ont impliqué les membres de la direction avant le diagnostic et après, avec les résultats, en leur expliquant que le personnel d'encadrement avait trop de pression. Pour ce TP il y avait un intérêt à faire intervenir une psychologue qui était de baisser le niveau de méfiance des syndicats à l'égard de ces interventions. « au niveau de l'enquête on peut choisir une méthodologie mais elle a su aller plus loin et interpréter les résultats de manière cohérente » 8-Le huitième TP interviewé est psychologue du travail et travaille actuellement dans un service de prévention propre mais a travaillé auparavant dans un SPA Elle nous explique qu'elle a commencé à travailler dans un SPA où il fallait intervenir dans des entreprises très variées. Elle faisait des évaluations de risques psychosociaux mais au début seulement à la demande de l'inspection du travail car « les entreprises étaient très réticentes, elles ne voulaient pas apprendre de mauvaises nouvelles» Elle faisait plutôt des études de poste et parlait de charge mentale de travail car les entreprises n'étaient pas encore aptes à entendre parler des risques psychosociaux. Au début elle a utilisé comme méthodologie la seule qui était publiée « on utilisait la méthodologie de l'institut catalan d'hygiène et sécurité c'était la seule avant l'arrivée de istas, après on n'a utilisé que la méthodologie de istas mais le problème était qu'il fallait donner les informations aux syndicats après, et cela ne nous plaisait pas » Elle nous explique qu'elle complète cette approche, participative, par la réalisation d'entretiens, et qu'elle a fini par remplacer la méthodologie istas par celle de l'institut, dont l'utilisation est plus simple. Elle passe beaucoup de temps à faire de la pédagogie avec le chef d'entreprise, sur le bien- 178 être au travail. Lorsqu'elle est intervenue dans les TPE51 elle faisait tout : la planification de la prévention et la mise en place du plan de prévention ainsi que sa gestion. Dans les plus grandes entreprises l'intervention se fait à plusieurs. Maintenant elle travaille dans un Service de Prévention Autonome et elle fait beaucoup formation et sensibilisation car le public pour lequel elle travaille est sensible à la question de la santé au travail. Elle s'est formée au « mindfulness52» et elle est devenue aussi formatrice. Elle fait de l'évaluation et du contrôle de ces interventions. 9-Le neuvième TP interviewé est docteur ingénieur industriel et travaille dans un SPA. Il encadre une équipe où il a une psychologue qui travaille sur des questions d'organisation et une autre qui travaille sur des questions émotionnelles. « lorsque tu arrives dans une entreprise, et il y a beaucoup de gens de ce syndicat ils essayent de nous imposer le questionnaire » Lorsqu'ils sont appelés par une entreprise qui veut réellement faire avancer les choses, ils s'allient avec les ressources humaines pour faire évoluer des facteurs de communication, participation etc « nous avons les deux types de clients, ceux avec qui on fait les interventions classiques de questionnaire et les autres » En fait ce TP nous explique comment ils interviennent de façon classique, mais aussi les interventions qu'ils aiment développer, toutes celles qui sont liées aux neurosciences qui vont permettre de changer des comportements dans l'entreprise qui deviennent risqués. Il souhaiterait pouvoir intervenir davantage dans les organisations et ne pas se cantonner à des interventions de questionnaire 10-Le dixième TP interviewé est juriste et travaille dans un SPA. Il avait commencé dans le SPA comme directeur des ressources humaines mais petit à petit il a été amené à intervenir et a fini par diriger le service. Il nous raconte une activité de prévention de risques psychosociaux tout en nous disant que son service n'est pas représentatif de ce qui se fait en Espagne en prévention de risques. En fait ils sont partis d'un SPA classique, et ils ont développé des activités de conseil. Une des activités qu'ils développent en prévention de RPS est une intervention avec le Serious Game de Lego53. Il nous explique qu'ils ont formé des personnes au sein du service que l'on appelle des « facilitateurs » qui sont labélisées par lego et qui interviennent sur des jeux de rôles. L'activité du jeu est très présente chez eux. Ils n'utilisent pas les méthodologies classiques de diagnostic ni les entretiens individuels ni les entretiens collectifs. Ils essayent de former l'entreprise tout en jouant. « ici le psychosocial est sujet tabou alors il faut essayer de les accompagner dans leurs projets » Ce TP nous raconte qu'ils font par prédilection des interventions qui visent à changer les comportements. « Avec la méthodologie du serious game tu joues et tu interprètes. Tu crées un groupe de 53 Lego serious play : Méthodologie mise en place par Lego pour intervenir dans les entreprises sur des problématiques de management. 180 cadres et chaque cadre prend un rôle différent. Tu fais des groupes de 10 ou 12 personnes et tu leur demandes par exemple de construire une tour et en fonction de la manière dont tu la construis on voit quelle est la problématiqueparfois c'est compliqué cela génère des émotions, les gens pleurent» Ce TP nous explique que son SPA veut sortir de l'étiquette intervention en prévention de RPS et que pour cela ils essayent d'apporter des solutions aux entreprises en les aidant à développer leur créativité au maximum. Ils utilisent d'autres techniques comme la PNL54 où ils vendent l'utilisation de serious games pour travailler au niveau émotionnel. La recherche de créativité est présente chez eux qui veulent se démarquer de la concurrence en développant des techniques originales et différentes. Ils sont à la recherche de la méthodologie qui soit la plus appropriée à la demande du client et souvent ils partent à la recherche des méthodologies qui ont fait leurs preuves dans d'autres pays pour la proposer à leurs clients. 8.2.5. Présentation des résultats issus de l'analyse du corpus à l'aide du logiciel Alceste
Rappelons que Alceste nous aide à comprendre comment s'expriment les personnes qui le font. Nous rendons compte ci-dessous des résultats qui évoquent des différences intéressantes entre les deux catégories de professionnels. France 83% des unités textuelles du corpus ont été classées (niveau de pertinence très élevée) et 17% ont été rejetées de l'analyse. Les unités classées sont réparties en 3 groupes que nous appelons classes d'énoncés significatifs ou tout simplement classes. Chaque classe est numérotée et coloriée suivant l'ordre d'apparition dans la classification. La classe 1 est la plus spécifique, détachée dans l'arbre de classification, son vocabulaire est le plus homogène, elle représente 70,95% des unités textuelles classées : ses mots significatifs sont « temps, parler, méthodologie, prendre, entretien, difficulté, outils, aller, important, compte, individu, fois, gens, dire, voir ». Elle est suivie de la classe 2 qui représente 20,68% des unités textuelles classées : ses mots significatifs sont « risque, préventif, psycho, service, intervention, 54 PNL : Programmation neuro linguistique. Méthodologie élaborée dans les années 1970 pour décrire et reproduire des comportements efficaces en faisant évoluer les automatismes et les représentations mentales. 181 santé ». Elle est suivie de la classe 3 qui représente 8,36% des unités textuelles classées : ses mots significatifs sont « master, licence, ergonomie, année, semestre, stagiaire ». Classe II Ris
que,
preventif psycho service interven santé independan t cabinet
asti primaire paire Classe III Master licence ergono mie année semestr e stagiaire laborato ire parcours Classe I
Temps parler methodolo gie
prendre entretien
difficulte outils aller important compte
individu
fois gens dire voir Espagne
Sur 83% des unités textuelles du corpus classées (niveau de pertinence), la classe 1 représente 60,49% des unités textuelles classée et s'articule autour des mots : « cuestionario, medida, informacion, evaluacion, método, resultado ». La classe 2 représente 19,76% des unités textuelles classées autour de : « especialidades, universidad, acab, master, carrera, clinic ». Elle est suivie de la classe 3 qui représente 19,76% des unités textuelles classées : ses mots significatifs sont « catalana, españa, produc, misma, medic, ley ». Classe 2 Especiali dades universid ad acab master carrera clinic tesis francia relacion hacienda profesio naliza academi c acreditac Classe 3 Catalana españa produc misma medic ley oferta euros Sociedad Catalunya foro formol precio sueldo ejemplo Classe 1 Cuestionario medida inform evaluacion metodo resultado direccion algun utilize interven trabajador gent propon metodologia 182 8.2.6.
Analyse
et discussion des résultats
Dans l'ensemble des cas présentés, on retrouve à peu près la même trame d'intervention, et le même désir récurrent, de la part des intervenants, de trouver une méthodologie qui leur permette d'approcher l'entreprise. Selon sa formation initiale, l'IPRP est plus ou moins « envahi » par la question de l'analyse de la demande, mais l'on voit bien qu'elle est centrale pour tous et que c'est à partir de celleci que l'intervenant pourra structurer sa prestation. Nous avons vu dans la partie précédente qu'une des compétences attendues de l'ergonome est bien celle-ci : savoir analyser la demande. En psychologie du travail c'est aussi une des compétences attendues. Cette analyse de la demande peut prendre plus ou moins de temps, mais le but est de clarifier la véritable demande qui se cache derrière celle qui est annoncée par l'entreprise qui sera ce à quoi devra se confronter « in fine » l'IPRP. Analyser une demande signifie donc pouvoir déceler les embûches qui éventuellement peuvent se cacher derrière et qui, tôt ou tard, finiront par surgir dans l'intervention des IPRP. Ceux-ci sont souvent confrontés à « l'angoisse » de ne pas savoir au démarrage, « où ils vont mettre les pieds ». Ils ont été formés à cette analyse de la demande et dans leurs formations initiales on leur a dit qu'il fallait prendre le temps et faire très attention, mais nul IPRP ne peut se prémunir toutes les formes de rencontres de chef d'entreprises qu'il aura à faire. Le champ de la relation humaine, qui représente la toile de fond de l'activité de l'IPRP peut, et s'avère être souvent, un terrain semé d'embûches. La confrontation à l'entreprise, la proposition d'intervention, paraît aussi pour les IPRP, un moment crucial dans la démarche. Comme l'énonce Barlet (2015), il y a autant de médecines du travail que des médecins du travail, et, comme l'expriment les IPRP interviewés, il suffit parfois d'un médecin qui comprenne et qui ait des « appétences » pour les RPS, pour que l'intervention se mette en place, et avec elle la possibilité, pour l'IPRP, d'apprendre par l'expérience. D'autres IPRP auront à s'affirmer et à négocier des parcelles d'intervention avec des médecins pas intéressés ou peu connaisseurs du sujet, ce qui limitera leurs accès à l'expérience de prévention en RPS et à l'apprentissage. En France le législateur a placé le médecin en tant que coordinateur des équipes pluridisciplinaires, ce qui quelque part laisse croire que c'est le médecin qui devrait décider du type de mission de prévention de RPS à mettre en place, mais le médecin est-il formé pour cela? a-t-il envie de coordonner des missions qui parfois ont une grande envergure et qui se déploient sur plusieurs mois avec des interlocuteurs différents et dont les enjeux se négocient sur le terrain au fur et à mesure qu'ils apparaissent? En adoptant cette position le législateur a-t-il facilité la tâche des équipes de santé au travail sur le terrain? où a-t-il plutôt préservé un collectif qui détient une position emblématique en France, où la médecine s'est constituée comme profession à partir du XVIII siècle, où elle a occupé une place de contrôle sur les structures sociales (Foucault, 1963)? Nous reviendrons sur cette question plus loin. Concernant les approches méthodologiques de la prévention des RPS, elles nous paraissent être choisies plutôt sur mesure. On retrouve majoritairement dans les dire s de ces agents, un abandon progressif de questionnaires, au profit de la réalisation des entretiens individuels et des entretiens collectifs avec une même préoccupation pour associer des représentants des salariés à la démarche, et la volonté de mettre en place une démarche aussi participative que possible. Le retour des résultats au chef d'entreprise paraît être un moment important et parfois très délicat, où l'IPRP peut ne pas se sentir à son aise, surtout s'il est intervenu seul. Il semblerait que les IPRP préfèrent majoritairement intervenir à plusieurs, et s'ils ne peuvent le faire, ils recherchent des ressources externes pour les aider dans leur réflexion. La durée de l'intervention semble variable, mais elle est en moyenne de 3 mois. Les IPRP français ne font pas les mêmes activités de travail en prévention de risques psychosociaux que les TP espagnols, et ne les décrivent pas de la même manière. Nous n'avons pas une seule fois entendu parler d'analyse de la demande ni de temps d'intervention de la part des TP espagnols. Nous avons en revanche aussi décelé la même préoccupation pour l'approche méthodologique que les TP espagnols ont résolu en adoptant systématiquement un outil qui est le questionnaire CopSoq, de Copenhague qui n'est pas ou très peu utilisé en France. Ce questionnaire, dont la validation a été financée par un syndicat espagnol, rebaptisé Istas 21, est utilisé par 80% des TP interviewés dans toutes les interventions de prévention de RPS. Les entretiens semblent absents de la méthodologie utilisée en prévention de RPS en Espagne, mais l'approche participative qui est d'ailleurs recommandée par la méthodologie Istas21 est d'actualité. Les TP ont bien intégré que s'ils veulent avoir un maximum de participation il faut que les différentes instances de l'entreprise soient représentées. Une grande différence entre les deux approches réside dans la structure même des services. En France nous avons vu que le législateur a nommé le médecin comme coordinateur des équipes et que de ce fait les interventions des IPRP lui sont subordonnées. Le médecin luimême nous apparaît comme un « instrument » essentiel au service de la construction de la compétence des équipes en prévention de RPS. A l'inverse en Espagne le médecin ne joue pas de rôle spécifique en la matière en dehors de celui de la visite médicale. Il serait là pour traiter exclusivement des thèmes liés à la santé mais pas à l'organisation. De ce fait il nous semble qu'il ne jouerait pas le même rôle en Espagne dans la construction de la compétence en prévention RPS. Au début du chapitre sur la méthodologie, nous avons expliqué notre choix d'utilisation du logiciel de traitement de données Alceste. Ce logiciel, essaye de répondre à la question suivante : comment parlent les personnes lorsqu'elles parlent de la même chose? Il est intéressant de constater que le même pourcentage d'unités textuelles a été retenu par le logiciel dans les deux langues. Nous voyons à la lumière de ces résultats la différence existante dans la manière de parler des IPRP et des TP. Les premiers parlent de leur travail en termes plutôt qualitatifs, faisant état dans leurs discours de leurs préoccupations sur la question du temps à consacrer aux interventions, et aux entretiens et aux approches individuelles. Arrive en classe 2 pour ces mêmes professionnels la question de la prévention et de l'organisation du service. Enfin, ces agents s'expriment en troisième lieu sur leur formation initiale et leur parcours. Les TP s'expriment plutôt sur des interventions quantitatives, apparaissant en premier lieu dans leurs discours des questions de mesure, de méthodologie, de questionnaires et des résultats. Ces agents s'expriment en deuxième lieu sur leur formation initiale, leurs parcours et leur professionnalisation et en troisième lieu sur des questions d'organisation et de société. Nous avions déjà constaté, dans nos résultats précédents, qu'il y avait des différences importantes dans les discours de ces professionnels. Le vérifier à l'aide du logiciel Alceste nous a permis de confirmer nos premiers résultats, qui montrent que la démarche de prévention de RPS est plutôt qualitative en France et quantitative en Espagne. Les IPRP semblent davantage concernés par la problématique individuelle et pour apporter des solutions sur mesure à chaque entreprise rencontrée. Leur parcours universitaire ne semble pas les préoccuper au même point qu'à leurs collègues espagnols qui semblent avoir moins d'autonomie et de temps dans l'exercice de leur mission restant davantage concentrés sur des questions de méthodologie à acquérir pour traiter de cette question, de leurs parcours universitaires ainsi que d'un éventuel choix de société concernant la prévention de RPS. Pour aller plus loin dans la compréhension de la construction de la compétence à partir de l'activité nous proposons d'utiliser, à partir des entretiens d'explicitation, d'autres étapes décrites plus loin et qui nous permettront de passer de l'activité à la compétence. 8.2.7. Comment peut-on comprendre la construction de la compétence à partir de l'activité?
Nous
avon
s
extra
it un certain nombre d'activités de prévention des
RPS
à partir de discours des IPRP et des TP, en France et en Espagne. Les IPRP réalisent des activités de prévention qui consistent essentiellement en formations/sensibilisations auprès des entreprises, interventions dans les organisations à la demande du médecin et/ou de l'entreprise, propositions d'intervention, mise en place de méthodologies participatives, entretiens individuels et collectifs, accompagnements au changement dans les organisations etcIls utilisent très peu les questionnaires et outils existant, préférant des élaborations éventuelles sur mesure, malgré qu'ils disent avoir eu besoin de se servir des outils existants au début de leur exercice. Les TP utilisent de manière homogène le même outil qui est validé par l'Etat espagnol puisqu'il a été traduit et validé par l'un des syndicats le plus représentatifs (UGT). Malgré cela nous avons connaissance d'autres méthodologies existantes avec d'autres questionnaires, mais ils sont moins utilisés. Les TP évoluent très rarement vers l'usage d'autres techniques comme l'entretien, considérant que cela est plus tôt réservé aux psychologues qui sont peu nombreux dans les services. Qu'est-ce que l'on sait de plus sur la construction de la compétence à partir de l'activité de travail? Que peut-on inférer à partir de ces entretiens d'explicitation et de ces analyses de discours? Nous souhaitons partir du travail réel qui nous a été décrit par les professionnels IPRP et TP pour pouvoir inférer des compétences qu'y seraient associées. Pour commencer nous proposons de créer un référentiel de l'activité des IPRP/TP. Figure 11 Paradigmes du professionnel de la santé
Nous empruntons la figure suivante à Parent & Jouquan (2015) Paradigme du diplômé en santé savant
Savoirs Disciplines Objet d'apprentiss age Nature Déterminants Méthodologie de transmission Paradigme du professionnel de la santé compétent Compétences (savoiragir adéquatement) Traduction didactique et transposition pédagogique
Première étape : identifier des contextes et des fonctions
Qu'est-ce qu'une situation professionnelle? C'est la dimension contextualisée des pratiques professionnelles (Parent et Jouquan, 2015) qui suppose de prendre en compte le contexte professionnel que l'on considère comme un contexte d'apprentissage qui va caractériser la pratique professionnelle. C'est ainsi que l'on peut définir une situation professionnelle, en mettant en perspective le contexte où s'exerce l'activité et la fonction ou rôle professionnel qui fonde cette activité. A partir de nos résultats aux entretiens d'explicitation, nous allons proposer l'identification des fonctions et des contextes suivants : 189
Liste des fonctions assurées dans le cadre de divers contextes professionnels par les IPRP et les TP -Fonction d'enseignement et de formation -Fonction de recherche -Fonction de management (M) -Fonction de coordination -Fonction de planification -Fonction de suivi et d'évaluation -Fonction de supervision -Fonction d'encadrement des pairs (EP) -Fonction d'encadrement des mémoires (EM) -Fonction d'encadrement des stages (ES) -Développement d'un réseau professionnel (DRP) -Gestion des données et de l'information (GDI) Liste de contextes professionnels d'exercice de la prévention de RPS par les IPRP et les TP -Entreprise petite, moyenne, grande -Hôpital -Clinique -Maison de retraite -Centre de santé -Cabinet privé -Organisations non gouvernementale -Maisons médicales -Usines -Infirmeries -Ecoles -SSTI/SPA 190
Seconde étape : Identifier les situations professionnelles
A la suite de cette identification de fonctions et de contexte d'exercice de l'activité nous allons procéder au regroupement des deux dans un tableau ci-dessous qui nous aidera à visualiser les situations professionnelles dans lesquelles interviennent les IPRP et les TP
Tableau 18 : Identification des situations professionnelles Fonction Enseignement Recherche M Coord Planif Suivi Supervision EP EM ES DRP GDI Contexte TPE/ME X x x x x x x X Hôpital X x x x x x x X Clinique X x x x x x x X Ehpad X x x x x x x X Centre X x x x x x x X Cabinet X x x x x x x X ONG X x x x x x x X Usine X x x x x x x X Infirmerie X x x x x x x X X x x x x x x x x x x santé Ecole SSTI/SPA x X x X x x x X
Ce tableau nous permet de comprendre que les IPRP et les TP déroulent leur activité dans des contextes variés, dans lesquels ils exercent des fonctions diverses et qui vont de la recherche, à la coordination, planification, suivi des interventions, encadrement de stagiaires, développement des réseaux professionnels et gestion de l'information et de la documentation.
| 50,076
|
02/pastel.archives-ouvertes.fr-pastel-00956223-document.txt_3
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French-Science-Pile
|
Open Science
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Various open science
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None
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French
|
Spoken
| 7,329
| 13,212
|
En rapprochant les équations 4. 7, 4.8 et 4.10 on peut écrire : K = (1/A)n + 1000.(1/(lo.
CDS
))[1270- 56TL](sinv)(TL+3 )/ 33 ( 4.11) Une classification de la nature du ciel selon la valeur de n, déduite de notre expérience, est : a) pour n compris entre 0 et 10 =========> ciel clair, b) 10 < n < 90 ========> ciel partiellement couvert, c) n supérieur à 90 =============> ciel couvert. Pour vérifier la formule empirique obtenue (éq. 4.11), uniquement par ciel clair, nous avons estimé TL à l'aide d'une formulation de Kasten [34] : TL = ln((lo.CDS)/1)[0,9 + 0,94(sin v )0 •83] avec 1 : rayonnement solaire direct reçu au sol. (4.12) - 90 - 1 = (G - Gd)/sinv (4.13) OÙ G : rayonnement solaire global sur plan horizontal au sol, Gd : rayonnement solaire diffus sur plan horizontal au sol. Disposant des mesures de G et Gd pour six stations en 1983 et onze stations en 1984 et 1985, nous avons estimé à l'aide des formules 4.12 et 4.13 le trouble TL pour chacune des stations ceci par heure et par jour sur chacune des années concernées et par ciel clair. Puis nous avons reconstruit le K (K estimé, éq. 4.11) et l'avons comparé au K mesuré. Les résultats obtenus sont les suivants : (i) année 1983 toutes heures toutes stations confondues
: moyenne sur K estimé
:
652
mo.yenne sur K mesuré : 681 nombre de points : 664 biais (Kmes - Kest) : 28 (4% de la moyenne sur K mesuré) écart-type : 67 (10%) erreur quadratique moyenne : 73 ( 11%) (ii) année 1984 toutes heures toutes stations confondues : moyenne sur K estimé : 686 moyenne sur K mesuré : 703 nombre de points : 1442 biais (Kmes - Kest) : 16 (2%) écart-type : 59 (8%) erreur quadratique moyenne : 61 (9%) (iii) année 1985 toutes heures toutes stations confondues : moyenne sur K estimé : 692 moyenne sur K mesuré : 712 nombre de points : 700 biais (Kmes - Kest) : 20 (3%) écart-type : 46 (6%) erreur quadratique moyenne : 51 (7%)
- 91 - L'erreur d'estimation sur K est approximativement de 10% de la valeur mesurée. Cette approche semble bonne, mais le problème est de pouvoir estimer TL à l'aide des images sa telli tai res. Ce problème sera largement discuté dans le chapitre 6. Retenons simplement, de Perrin de Brichambaut [35], que : (i) pour la France, une bonne approximation du facteur de trouble TL par ciel clair peut aller de 2, l'hiver (minimum en janvier février), à 3,3, l'été (maximum en août), (ii) par ciel couvert on peut en première approximation prendre TL#90. Cette approximation peut être améliorée par une analyse des aspects climatologiques et statistiques de la nature du ciel.
Conclusion
Des études des paragraphes 4.2.1 et 4.2.2, sur les relations entre n et K, on constate que : (i) les relations sont linéaires, (ii) qu'elles ne dépendent pas ou très peu de la localisation géographique (du moins sur la France), (iii) qu'elles ne dépendent pas du mois, (iv) qu'elles dépendent de l'heure de la journée. Ces conclusions, identiques à celles obtenues par Diabaté et al. [30] pour l'année 1983, nous ont amenés à retenir un jeu de coefficients de régression A et B par plage horaire. Les coefficients A et B retenus, par plage horaire pour toutes les stations confondues, sont des moyennes de ceux obtenus dans les paragraphes 4.1.1, 4.1.2 et 4.1.3 : Plages
horaires en
heure TU 9-10 12-13
15-16 A -0,13 -0,13
-0,13
B 92
102 90
Les valeurs, ci-dessus, de A et B seront utilisées pour la reconstruction du rayonnement global horaire instantané
. -
93 -
Signalons que
d'autres types de
relations ont été examinés : (i) ln(n) (ii) a cc K + f3 cc n = aK + b ln(n) ln(n) = a 1K + f3 =
=
acTK + f3
cc
par ciel clair par ciel partiellement clair par ciel couvert
Ces relations ont abouti à des résultats (20% d'erreur en moyenne sur les estimations) moins bons que les formulations précédentes, aussi les travaux n'ont pas été poursuivis dans ces voies
.
- 94
- A B coef_corr rms sur K *0, 13 75,74 *0,72 74 *0,15
93,69 *0,75 66 *0, 15 98,06 *0,82 62 *0,15 100,25 *0,84 68 *0, 16 109,23 *0,81 64 *0, 14 97,90 *0,80 65 *0,15 101,18 *0,68 72 *0, 13 92,25 *0,72 59 *0, 14 99,05 *0,76 58 sin v 0,21:0,29 (12°*17°) 0,31:0,38 (18° *22°) 0,39:0,45 (23°*27°) 0,47:0,53 (28° *32°) 0,55:0,60 (33°*37°) 0,62:0,67 (38°*42°) 0,68:0,73 (43° *47°) 0,74:0,79 (48°*52°) 0,80:0,91 (53°*65°)
Tableau
[
J Constantes de régression (A,B), coefficient de corrélation (coef_corr) et l'erreur (rms sur K) de l'ajustement linéaire entre le coefficient de transmission globale (K) et l'indice d•ennuagement(n), pour l'année 1983.
- 95 - A B coef_corr rms sur K *0,15 79,46 *0,69 69 *0,15 94,00 *0,74 68 *0,15 99,95 *0,78 68 *0,15 103,28 *0,79 62 *0,15 105,01 *0,81 64 *0, 14 104,15 *0,80 68 *0,15 107,27 *0,85 62 *0, 14 101,62 *0,86 65 *0, 13 100,19 *0,84 60 sin v 0,21:0,29 (12°*17°) 0,31:0,38 (18°*2t) 0,39:0,45 (23°*27°) 0,47:0,53 (28° *32°) 0,55:0,60 (33° *37°) 0,62:0,67 (38°*42°) 0,68:0,73 (43°*47°) 0,74:0,79 (48°*52°) 0,80:0,91 (53° *6S0) Tableaut4.8J Constantes de régression CA,B), coefficient de corrélation (coef_corr) et l'erreur Crms sur K) de l'ajustement linéaire entre le coefficient de transmission globale (K) et l'indice d'ennuagement(n), pour l'année 1984. 600 TRANSHITTANCE <k> Toutes heu:res toutes stations
Figure 4.14 L'indice d'ennuagement (n) en fonction de la transmittance global
e de l'atmosphère (
K
) pour les hauteurs du soleil comprises entre 12° et 1fD pour l'année 1983. A B NoMb:re de points CoeCCicient de co:r:relation RHS su:r (k) -0.15 93.69 90? -0.?5 66 *~* ~~r~.• :*:' • **~.:* 200 600 TRANSHITTANCE <k> Toutes heu:res toutes stations
Figure 4.15 400 L'indice d'ennuagement (n) en fonction de la
transmittance globale de l'atmosphère (K) pour les hauteurs du soleil comprises entre 18° et 22° pour l'année 1983. - 98 - A B NoMbX'e de points Coe~~icient de COX'X'elation RMS SUX' (k) -0.15 98.06 940 -0.82 62 100 50 200 600 TRANSMITTANCE <k> Toutes heuX'es toutes stations
Figure 4.16 400 L'indice d'ennuagement (n) en fonction de la transmittance globale de l'atmosphère (K) pour les hauteurs du soleil comprises entre 23° et 2~ pour l'année 1983.
INDICE NUAGE (n) A B NoMbX'e de points Coe~~icient de COX'X'elation RMS SUX' (k) -0.15 100.25 864 -0.84 68 100 50 0 •• 600 TRANSMI*TTANCE <k> Toutes heuX'es toutes stations 200 Figure 4.17 400 L'indice d'ennuagement (n) en fonction de la transmittance globale de l'atmosphère (K) pour les hauteurs du soleil comprises entre 28° et 32° pour l'année 1983. - 99 - -9.16 199.23 843 -9.81 64 A B de points CoeCCicient de co~~elation RHS su~ <k> NoMh~e *. *. * *** 299 Toutes Fi gu re 4.18 : *; : ::>;;;., /\:::;:/'\,.:.i).;.~:::. 499 heu~es TRANSHIT
TANCE
<
k>
toutes stations
L'indice d•ennuagement (n) en fonction de la transmittance globale de l'atmosphère (K) pour les hauteurs du soleil comprises entre 33° et 3~ pour l'année 1983. A B de points CoeCCicient de co~~elation RHS su~ <k> NoMh~e -9.14 97.99 1937 -9.89 65 199 59 299 Toutes Figure 4.19 499 heu~es 699 TRANSHITTANCE (k) toutes stations L'indice d'ennuagement (n) en fonction de la transmittance globale de l'atmosphère (K) pour les hauteurs du soleil comprises entre 38° et 42° pour l'année 1983. - 100 - A B NoMbx>e de points Coefficient de cox>x>elation RHS SUX' (k) -0.~5 ~0~.~8 6~7 -0.68 72 ~00 50 TRANSHITTANCE <k> Toutes heux>es toutes stations
Figure 4.20 L'indice d•ennuagement (n) en fonction de la transmittance globale de l'atmosphère (K) pour les hauteurs du soleil comprises entre 43° et 4~ pour l'année 1983.
-9.~3 A B NoMhx>e de points Coefficient de cox>x>elation RHS SUX' (k) 92.25 578 -9.72 59 ~00 *. 59 600 TRANSHITTANCE (k) Toutes heux>es toutes stations 290
Figure 4.21 409 L'indice d'ennuagement (n) en fonction
de la
transmit
tance globale de l'atmosphère (
K
)
pour Les
hauteurs du soleil comprises entre 48° et 52° pour l'année 1983. - lOI - A B NoMbï>e de points CoeCCicient de coï>ï>elation RMS SUï> (k) -0..14 99.05.1.100 -0.76 58 50 400 600 TRANSMITTANCE (k) Toutes heuï>es toutes stations 200
Figure 4.22 L'indice d'ennuagement (n) en fonction de la transmittance globale de l'atmosphère (K) pour les hauteurs du soleil comprises entre 53° et 65° pour l'année 1983. INDICE NU.AGE <n> A B NoMbï>e de points CoeCCicient de COï>ï>elation RMS suï> (k) -0 •.15 79.46.1133 -0.69 69.100 50 0 ** * Toutes Fi gu re 4. 23 400 209 heu~es 609 TRANSMITTANCE (k) toutes stations L'indice d'ennuagement (n) en fonction de la transmittance globale de l'atmosphère (K) pour les hauteurs du soleil comprises entre 12° et 1re pour l'année 1984. - 102 - A B NoMblC'e de points Coefficient de COJC'JC'elation RHS SUJC' (k) -9.l.5 94.99 l.5l.l. -9.74 68 l.99 59 699 TRANSMITTANCE <k> Toutes heulC'es toutes stations 299
Figure 4.24 499 L'indice d'ennuagement
(
n
)
en fonction
de la
transmit
tance globale de l'atmosphère (K) pour les hauteurs du soleil comprises entre 18° et 22° pour l'année 1984. A B NoMblC'e de points Coefficient de COJC'JC'elation RMS SUJC' (k) -9.l.5 99.95 1439 -9.78 68 59 TRANSMITTANCE <k> Toutes heulC'es toutes stations
Figure 4.25 L'indice d'ennuagement (n) en fonction de la transmittance globale de l'atmosphère (K) pour les hauteurs du soleil comprises entre 23° et 2~ pour l'année 1984.
- 103
- INDICE NUAGE (n) A B NoMh:re de points CoeCCicient de co:r:relation RMS su:r (k) 59. *,< -9.15 193.29 1279 -9.79 62 <. :(_,>*:~~-:\**-.>T:~~:;*;;~ ~/_*:_,:...:..,. *:.. *., *., *. *._:; *.:
: ~ :. *:.*, : *:.:*~)>::*:::::;<?;~;~~;~~J*/ :;;_;~~~~~~:~ _;*: :.*.. 299 499 699
TRANSMITTANCE
(k
)
Toutes heu:res toutes stations
Figure 4.26 L'indice d'ennuagement (n) en fonction de la transmittance globale de l'atmosphère (K) pour les hauteurs du soleil comprises entre 28° et 32° pour l'année 1984. A B NoMh:re de points CoeCCicient de co:r:relation RMS su:r (k) -9.15 195.91 1647 -9.81 64 199 59 299 499 699 TRANSMITTANCE (k) Toutes heu:res toutes stations
Figure 4.27 L'indice d'ennuagement (n) en fonction de la transmittance globale de l'atmosphère (K) pour les hauteurs du soleil comprises entre 33° et 3~ pour
l'année
1984
.
-
104 - A B
de
points CoeCCicient de co~~elation J!HS su:r- (k) NoMb~e -0.14 104.15 1793 -0.80 68 100 50 200 400 600 TRANSHITTANCE <k> Toutes heu:r-es toutes stations
Figure 4.28 L'indice d'ennuagement (n) en fonction de la transmittance globale de l'atmosphère (K) pour les hauteurs du soleil comprises entre 38° et 42° pour l'année 1984.
INDICE NUAGE (n) n=A*J( + B A B de points CoeCCicient de co~:r-elation RHS su:r- (k) NoMb~e 400 209 Toutes Figure 4.29 heu~es -0.15 107.27.1:020 -0.85 ~a 600 TRANSHITTANCE <k> toutes stations L'indice d'ennuagement (n) en fonction de la transmittance globale de l'atmosphère (K) pour les hauteurs du soleil comprises entre 43° et 4~ pour l'année 1984. - 105 - A B NoMh:re de points CoeCCicient de co:r:relation RHS su:r Ck) 0 -0.14 101.62 1243 -0.86 65 600 200 TRANSHITTAHCE <k> Toutes heu:res toutes stations
Figure 4.30 L'indice d'ennuagement (n) en fonction de la transmittance globale de l'atmosphère (K) pour les hauteurs du soleil comprises entre 48° et 52° pour l'année 1984. A B NoMh:re de points CoeCCicient de co:r:relation RHS su:r (k) -0.13 100.19 2355 -0.84 60 TRAHSHITTAHCE Ck> Toutes heu:res toutes stations
Figure 4.31 L'indice d'ennuagement (n) en fonction de la transmittance globale de l'atmosphère (K) pour les hauteurs
du soleil
comprises entre 53° et 65
°
pour
l'année 1984. - 106 - -0.14 84.39 493 -0.72 67 A B NoMb~e de points CoeCCicient de co~~elation RMS su~ <k> 100 50 0 * *. - : * :..... Toutes
Figure 4.32 heu~es TRANSMIT
TANCE
(k) tout
es stations L'indice d'ennuagement (n) en fonction de la transmittance globale de l'atmosphère (K) pour les hauteurs du soleil comprises entre 12° et 1ro pour l'année 1985. -0.15 A B 98.96 640 de points CoeCCicient de co~~elation RMS su~ <k> NoMh~e -9.51 73 109 ~- ** ;. 59..*. *. *.* 200 Toutes Figure 4.34 • 0! ••*:. ":.:: 400 heu~es 600 TRANSMITTANCE (k) toutes stations L' indfce d'ennuagement (n) en fonction de la transmittance globale de l'atmosphère (K) pour les hauteurs du soleil comprises entre 18° et 22° pour l'année 1985. - 107 - A B de points CoeCCicient de co~~elation RMS su~ <k> N01"b~e -0,15 103.56 879 -0.78 70 100 50 209 699 Toutes
Figure 4.35 heu~es TRANSMITTANCE (k)
toutes
stations
L'indice d•ennuagement (n) en fonction de la transmittance globale de l'atmosphère (K) pour les hauteurs du soleil comprises entre 23° et 2ro pour l'année 1985. A B de points CoeCCicient de co~~elation RMS su~ (k).NoMb~e -0.14 101.02 803 -9.67 65 109 299 Toutes Figure 4.36 499 heu~es 699 TRANSMITTANCE Ck> toutes stations L'indice d'ennuagement (n) en fonction de la transmittance globale de l'atmosphère (K) pour les hauteurs du soleil comprises entre 28° et 32° pour l'année 1985. - 108 - INDICE NUAGE <n> n = A * ]( + B -0. J.4 J.0J20 A B de points CoeCCicient de co~~elation RMS su~ <k> NoMb~e 50 '.. *.: 400 200 Toutes Figure 4.37 956 -0.64 64 heu~es 600 TRANSMITTANCE (k) toutes stations L'indice d'ennuagement (n) en fonction de la transmittance globale de l'atmosphère (K) pour les hauteurs du soleil comprises entre 33° et 3~ pour l'année 1985. A B NoMb~e de points CoeCCicient de co~~elation RMS su~ <k> J.00 -0. J.4 J.00. 34 J.423 -0.78 64 : "50 200 Toutes Figure 4.38 400 heu~es 600 TRANSMITTANCE (k) toutes stations L'indice d'ennuagement (n) en fonction de la transmittance globale de l'atmosphère (K) pour les hauteurs du soleil comprises entre 38° et 42° pour l'année 1985. - 109 - INDICE NUAGE (n) A B NoMb~e de points Coe~~icient de co~~elation RHS su~ <k> -0. J.4 J.05.4J. 660 -0.70 57 J.00 50 200 Toutes Figure 4.39 400 heu~es 600 TRANSHITTANCE <k> toutes stations L'indice d'ennuagement (n) en fonction de la transmittance globale de l'atmosphère (K) pour les hauteurs du soleil comprises entre 43° et 4~ pour INDICE NUAGE (n) -0.J.3 A B NoMb~e de points Coe~~icient de co~~elation RHS su~ <k> 98.54 955 -0.80 66 J.00.** :: 50 * 299 Toutes Figure 4.40.*•. • •.:,; (::*t' ~>nA. :~*{ '~~'~L**•. 499 heu~es 699 TRANSHITTANCE <k> toutes stations L'indice d'ennuagement (n) en fonction de la transmittance globale de l'atmosphère (K) pour les hauteurs du soleil comprises entre 48° et 52° pour l'année 1985. - 110 - INDICE NUAGE <n> n=A*H + B A -9.~3 B NoMh:r>e de points CoeEEicient de co:r>:r>elation RMS SU:r> (k) Hm 59 ~99. 82 2~98 -9.76 69 *.* - -~* ;~*~?,:**:;;;::~!ft:;:~,.~~rt@~tl~~~"~;,~~ii~i:, *. 299 499 699 TRANSMITTANCE (k) Toutes heu:r>es toutes stations
Figure 4.41 L'indice d'ennuagement (n) en fonction de la transmittance globale de l'atmosphère (K) pour les hauteurs du soleil comprises entre 53° et 65° pour l'année 1985. - 111 -
4.3 Reconstruction du rayonnement solaire global horaire
Dans ce paragraphe, nous envisageons de reconstruire le rayonnement solaire global horaire, ceci à partir des résultats de comparaisons (paragraphe 4.2.3) entre le coefficient de transmission globale et l'indice d'ennuagement sur la base de l'année entière. Cette reconstruction sera faite en horaire instantanée et horaire mensuelle. Les coefficients de régression A et B obtenus par les comparaisons sur la période d'une année par plage horaire (cf. paragraphes 4.1.1, 4.1.2 et 4.1.3) sont presque identiques sur les trois années (1983, 1984 et 1985). En effet pour toutes les stations confondues: (i) de 1983 à 1985 A(Hi, i= 1 à 3) = -0,13, (ii) de 1983 à 1985 B(H2) est constant à 1,5% près de la moyenne de B(H2), B(H3) est constant à 1,6% près de la moyenne de B(H3), B(H1) est constant à 3% près de la moyenne de B(Hl), avec Hl indiquant la plage horaire 9-lOh TU, H2 indiquant la plage horaire 12-13h TU, H3 indiquant la plage horaire 15-16h TU. Les résultats ci-dessus justifient la représentativité des coefficients de régression moyens A et B par plage horaire établis sur la base d'une année entière (cf. 4.2.3). Ces coefficients moyens A et B seront utilisés sur les trois ans pour reconstruire le rayonnement global horaire par heure par station et par mois, et enfin par heure par station et par année. Les paramètres d'appréciation de la reconstitution seront : l'écart-type (ect) sur le rayonnement solaire global estimé, le biais (biais) entre les rayonnements solaires mesuré et estimé, ceci pour chaque station et chaque mois de l'année considérée, et enfin par plage horaire par station pour chacune des trois années. La valeur de la moyenne du rayonnement solaire global mesuré (Ghmes) sera aussi donnée pour chaque cas de comparaison. Le biais et l'écart-type sur le rayonnement solaire global ont été obtenus en multipliant le biais et l'écart-type sur le coefficient de transmission globale (K) par Goh correspondant à la - 112 - période de comparaison considérée. Le tableau [21] (extrait de Diabaté et al. [30]) donne les valeurs de Goh pour un point géographique moyen de 46 N et 5 E : Plag
es horaires en heure TU Mois 9-10 12-13 15-16 janvier 0,360 0,520 0,210 févier 0,535 0,690 0,390 mars 0,830 0,900 0,440 avril 1,020 1,055 0,590 mai 1,080 1,120 0,660 juin 1,140 1,185 0,760 juillet 1,115 1,165 0,755 août 1,020 1,080 0,640 septembre 0,890 0,920 0,460 octobre 0,695 0,720 0,220 novembre 0,520 0,530 0,170 décembre 0,115 0,485 0,115 Tableau[4.21J 2 Valeurs de Goh (en kWhtm > par mois et par plage horaire pour le point géographique * 46 N, 5 E. Pour tous les mois confondus pour *re même point géographique moyen défini ci-dessus, Goh est égal à 0,8, 0,87 et 0,39 kWh/m 2 respectivement pour les plages horaires 9-lOh TU, 1213h TU et 15-16h TU. L'erreur quadratique moyenne de reconstruction est donnée par la racine carrée de la somme des carrés du biais et de l'écart-type (i.e. sqrt(biais 2 + ect 2)).
4.3.1 En horaire instantanée a) Sur le mois
Les résultats obtenus pour l'année 1983 sont récapitulés dans les tableaux [4.10] à [4.20]. - 113 - En janvier (tableau[4.10]), d'une part pour cause de manque de données et d'autre part en raison de la faible hauteur du soleil pour les plages horaires Hl et H3 (l'angle solaire considéré est supérieur ou égal à 12 degrés), les calculs n'ont été faits que sur la plage horaire H2 Le biais est toujours négatif, sauf pour la station 806 (Caen), et il est compris entre -113 Wh/m 2 (station 817, Nice) et 66 Wh/m 2 (station 806, Caen) avec 80% des nombres inférieurs en valeur absolue à 80 Wh/m 2 • Le signe négatif sur le biais signifie une surestimation du coefficient de transmission globale K par la formule préconisée. L'écarttype par contre varie entre 33 Wh/m 2 (station 260, Trappes) et 64 Wh/m 2 (station 206, Clermont-Ferrand). L'erreur quadratique moyenne varie entre 124 Wh/m 2 (station 817, Nice) et 48 Wh/m 2 (station 262, St-Quentin) avec 80% des valeurs inférieures ou égales à 85 Wh/m 2. Les valeurs de Ghmes varient entre 116 Wh/m 2 (station 200, Reims) et 360 Wh/m 2 (station 812, Montpellier). En février (tableau[ 4.11 ]), la situation est identique à celle de janvier, ainsi nous n'avons obtenus des résultats que pour H2. Le biais varie entre -58Wh/m 2 (station 874, Carpentras) et 70 Wh/m 2 (station 206, lermont-Ferrand), on a une situation de sous-estimation (biais positif) sur les stations 207, 817, 206 et 806 (respectivement Dijon, Nice, Clermont-Ferrand, Caen). Les valeurs du biais obtenues sont relativement faibles par rapport à celles du mois de janvier. L'écart-type varie entre 69 Wh/m 2 (station 200, Reims) et 38 Wh/m 2 (station 283, Macon). L'erreur quadratique moyenne varie entre 46 Wh/m 2 (station 207, Dijon) et 90 Wh/m 2 (station 206, Clermont-Ferrand). La valeur du rayonnement global horaire moyen Ghmes varie entre 240 Wh/m 2 (station 237, Nancy-Essey) et 426 Wh/m 2 (station 817, Nice). (ii) sur H2, le biais varie entre -109 Wh/m 2 (station 200, Reims) et 21 Wh/m 2 (station 206, Clermont-Ferrand) avec 81% des valeurs absolues inférieures ou égales à 75 Wh/m 2 • On constate une sous-estimation du rayonnement solaire sur les stations St-Quentin, Clermont-Ferrand et Strasbourg (biais positif). L'écart-type varie entre 143 Wh/m 2 (station 283, Macon) et 55 Wh/m 2 (station 218, Rennes) avec 75% des valeurs inférieures à 100 Wh/m 2 • La valeur de Ghmes varie entre 624 Wh/m2 (station 270, Auxerre) et 798 Wh/m 2 (station 812, Montpellier), (iii) sur H3, le biais varie entre -71 Wh/m 2 (station 237, Nancy-Essey) et 35 Wh/m 2 (station 817, Nice) avec 95% des valeurs inférieures à 40 Wh/m 2en valeur absolue. L'écart-type varie entre 77 Wh/m 2 (station 237, Nancy-Essey) et 27 Wh/m 2 (station 812, Montpellier). Le paramètre Ghmes varie entre 393 Wh/m 2 (station 200, Reims) et 490 Wh/m 2 (station 812, Montpellier). - En juillet (tableau[4.15]) : (i) sur Hl, le biais varie entre -42 Wh/m 2 (station 200, Reims) et 25 Wh/m 2 (station 806, Caen). On constate une sous-estimation sur les stations Tours, Montpellier, ClermontFerrand, Caen et Rennes tandis que sur les autres on a une sur-estimation, sauf sur 207 (Dijon) où le biais est nul. L'écart-type varie entre 103 Wh/m 2 (station 806, Caen) et 46 Wh/m 2 (station 270, Auxerre). La valeur de Ghmes varie entre 731 Wh/m 2 (station , Carpentras) et 526 Wh/m 2 (station 225, Pau). Le biais et l'écart-type en moyenne représentent respectivement 3 et 10% de la valeur de Ghmes, (ii) sur H2, le biais varie entre -117 Wh/m 2 (station 218, Rennes) et -28 Wh/m 2 (station 806, Caen). Sur toutes les stations, le biais est négatif d'où une situation de surestimation. Les valeurs du biais sont en moyenne supérieures à celles obtenues sur le mois de juin en H2. L'écart-type varie entre 102 Wh/m 2 (station 218, Rennes) et 43 Wh/m 2 (station 207, Dijon) avec 70% des valeurs inférieures à 80 Wh/m 2 • La valeur de Ghmes varie entre 664 Wh/m 2 (station 218, Rennes) et 844 Wh/m 2 (station 874, Carpentras), (iii) sur H3, le biais varie entre -97 Wh/m 2 (station 218, Rennes) et 14 Wh/m 2 (station 817, Nice). En août (tableau[4.16]) : (i) sur la plage horaire Hl, le biais varie entre 48 Wh/m 2 (station 874, Carpentras) et -29 Wh/m 2 (station 888, Tours). L'écart-type varie entre 84 Wh/m 2 (station 812, Montpellier) et 46 Wh/m 2 (station 262, St-Quentin). La valeur de Ghmes quant à elle, varie entre 699 Wh/m 2 (station 817, Nice) et 459 Wh/m 2 (station 806, Caen). Le biais et l'écart-type représentent en moyenne respectivement 4 et Il % de la valeur de Ghmes, (ii) sur H2, le biais varie entre -146 Wh/m 2 (station 806, Caen) et 69 Wh/m 2 (station 817, Nice). On constate une sous-estimation sur les stations Dijon et Nice et le phénomène - 116 - contraire sur les autres stations. Signalons que 70% des valeurs absolues du biais sont inférieures à 35 Wh/m 2 • L'écart-type varie entre 118 Wh/m 2 (station 817) et 69 Whjm 2 (station 207, Dijon). Le paramètre Ghmes varie entre 577 Wh/m 2 (station 200, Reims) et 786 Wh/m 2 _(station 874, Carpentras), (iii) sur H3, le biais varie entre -76 Wh/m 2 (station 218, Rennes) et 61 Wh/m 2 (station 817, Nice). Les valeurs du biais sont négatives pour toutes les stations sauf les stations Nice et Clermont-Ferrand. L'écart-type varie entre 71 Whjm 2 (station 874, Carpentras) et 43 Wh/m 2 (stations Carpentras, Reims et Rennes). Les valeurs de Ghmes varient entre 32 Wh/m 2 (station 207, Dijon) et 470 Wh/m 2 (station 812, Montpellier). En septembre (tableau[4.17]) : (i) sur Hl, le biais varie entre -10 Wh/m 2 (station 888, Tours) et 117 Wh/m 2 (station 806, Caen) avec 75% des valeurs inférieures à 25 Whjm 2 en valeur absolue. Une surestimation est constatée seulement sur les stations Tours et Montpellier et la situation est contraire sur les autres stations. L'écart-type varie entre 75 Wh/m 2 (station 207, Dijon) et 30 Wh/m 2 (station 206, Clermont-Ferrand). Le paramètre Ghmes varie entre 562 Wh/m 2 (station 874, Carpentras) et 368 Wh/m 2 (station 806, Caen). Le biais sur 70% des stations est inférieur à 6% de Ghmes, (ii) sur H2, le biais varie entre -18 Whjm 2 (station 888, Tours) et 74 Wh/m 2 (station 262, St-Quentin) avec 75% des stations qui présentent des biais inférieurs à 30 Wh/m 2 (en valeur absolue). L'écart-type varie entre 97 Wh/m 2 (station 219, Strasbourg) et 49 Wh/m 2 (station 260, Trappes). La valeur de Ghmes varie entre 628 Wh/m 2 (station 874, Carpentras) et 419 Wh/m 2 (station 200, Reims), (iii) sur H3, le biais varie entre -17 Wh/m 2 (station 219, Strasbourg) et 84 Wh/m 2 (station Caen) avec 81% des valeurs absolues inférieures à 20 Wh/m 2 • L'écart-type varie entre 59 Wh/m 2 (station Rennes) et 31 Wh/m 2 (station 200, Reims). Le paramètre Ghmes varie entre 210 Wh/m 2 (station 219, Strasbourg) et 381 Wh/m 2 (station 225, Pau). Octobre (tableau[4.18]) : (i) sur Hl, le biais varie entre 127 Wh/m 2 (station 806, Caen) et -52 Wh/m 2 (station 207, Dijon) avec 70% des valeurs absolues inférieures à 35 Wh/m 2 • L'écart-type varie entre - 117 - 128 Wh/m 2 (station 219, Strasbourg) et 48 Wh/m 2 (station 207, Dijon). La valeur de Ghmes varie entre 230 Wh/m 2 (station 237, Nancy-Essey) et 408 Wh/m 2 (station 874, Carpentras), (ii) sur H2, le biais varie entre 63 Wh/m 2 (station 260, Trappes) et -37 Wh/m 2 (station 225, Pau) avec 70% des stations qui présentent des biais inférieurs à 35 Wh/m 2 en valeur absolue. L'écart-type varie entre 112 Wh/m 2 (station 812, Montpellier) et 37 Wh/m 2 (station 874, Carpentras). La valeur de Ghmes varie entre 529 Wh/m 2 (station 874) et 305 Wh/m 2 (station 219, Strasbourg), (iii) sur H3, le biais varie entre -53 Wh/m 2 (station 219, Strasbourg) et 47 Wh/m 2 (station 806, Caen) avec 75% des valeurs inférieures à 35 Wh/m 2 en valeur absolue. Presque toutes les stations présentent des biais négatifs sauf les 812 (Montpellier) et 806 (Caen). L'écart-type varie entre 23 Wh/m 2 (station 270, Auxerre) et 61 Wh/m 2 (station 283, Macon). Le paramètre Ghmes varie entre 110 Whjm 2 (station 806, Caen) et 230 Wh/m 2 (station 812, Montpellier). Novembre (tableau[4.19]) : (i) sur Hl, le biais varie entre -92 Wh/m 2 (station 817, Nice) et -25 Wh/m 2 (station 812, Montpellier). s les stations présentent une sur-estimation du rayonnement global horaire (biais négatif). L'écart-type varie entre 41 Wh/m 2 (station 270, Auxerre) et 84 Wh/m 2 (station 219, Strasbourg). La valeur de Ghmes varie entre 98 Wh/m 2 (station 219) et 250 Wh/m 2 (station 817). (ii) sur H2, le biais varie entre -81 Wh/m 2 (station 207, Dijon) et -3 Wh/m 2 (station 812, Montpellier). On constate une situation de sur-estimation sur le rayonnement global horaire. L'écart-type varie entre 94 Wh/m 2 (station 207) et 45 Wh/m 2 (station 262, StQuentin). La valeur de Ghmes varie entre 322 Wh/m 2 (station 817, Nice) et 177 Wh/m 2 (station 219, Strasbourg), Décembre (tableau[4.20]) : (i) sur Hl, le biais varie entre -90 Wh/m 2 (stations Tours et Reims) et -178 Wh/m 2 (station 806, Caen). Toutes les stations présentent une sur-estimation du rayonnement global horaire (biais négatif) mise à part la 806. L'écart-type varie entre 15 Wh/m 2 - 118 - (station 218, Rennes) et 50 Wh/m 2 (stations Trappes et Montpellier). La valeur de Ghmes varie entre 95 Wh/m 2 (station Reims) et 188 Wh/m 2 (station 806, Caen). (ii) sur H2, le biais varie entre -94 Whjm 2 (station 219, Strasbourg) et -60 Wh/m 2 (station 806, Caen). On constate une situation de sur-estimation sur le rayonnement global horaire pour toutes les stations, mise à part encore la station 806. L'écart-type varie entre 34 Wh/m 2 (station 874, Carpentras) et 81 Whjm 2 (station 206, Clermont-Ferrand). Enfin la valeur de Ghmes varie entre 129 Wh/m 2 (station 206) et 280 Whjm 2 (station 812, Montpellier). Pour les mois de novembre et décembre sur H3, il n'y a pas de résultats à cause de la faible hauteur du soleil pour la plage horaire considérée. Les résultats des années 1984 et 1985 ne sont pas exposés ici car ils sont identiques ceux de l'année 1983. b)
Sur l
'
année
Les résultats obtenus sont représentés dans les tableaux [4.21], [4.22] et [4.23]. Pour l'année 1983 : (i) sur la plage horaire Hl, le biais varie entre -53 Wh/m 2 (station 237, Nancy-Essey) et 69 Wh/m 2 (station 806, Caen). Toutes les valeurs du biais sont négatives sauf pour la station 806. L'écart-type varie entre 46 Wh/m 2 (stations Rennes et Montpellier) et 58 Wh/m 2'(stations Carpentras et Caen). La valeur de Ghmes varie entre 461 Wh/m 2 (station Nice) et 322 Wh/m 2 (station 23 7, Nancy-Essey), (ii) sur H2, le biais varie entre 19 Wh/m 2 (station 806, Caen) et -59 Wh/m 2 (station 219, Strasbourg) et il est négatif sur toutes les stations sauf la station 806. L'écart-type varie entre 66 Wh/m 2 (station 817, Nice) et 46 Wh/m 2 (stations St-Quentin et Strasbourg). La valeur de Ghmes varie entre 501 Wh/m 2 (station 817) et 341 Wh/m 2 (station 200, Reims), - 119 - (iii) sur H3, le biais varie entre -43 Wh/m 2 (station 219, Strasbourg) et 2 Wh/m 2 (station 817, Nice) avec toutes les valeurs négatives sauf pour les stations Nice et Caen. L'écart-type varie entre 27 Wh/m 2 (station 817) et 50 Wh/m 2 (station 260, Trappes). Le paramètre Ghmes varie entre 354 Wh/m 2 (station 812, Montpellier) et 264 Wh/m 2 (stations St-Quentin, Reims et Nancy-Essey). Pour l'année 1984 : (i) sur la plage horaire Hl, le biais varie entre -51 Wh/m 2 (station 867, Paris Montsouris) et 88 Wh/m 2 (station 835, Embrun) avec 75% des valeurs inférieures à 40 Wh/m 2 en valeur absolue. L'écart-type varie entre 105 Wh/m 2 (station 835) et 38 Wh/m 2 (station 812, Montpellier). La valeur de Ghmes varie entre 494 Wh/m 2 (station 835) et 308 Wh/m 2 (station 260, Trappes), (ii) sur H2, le biais varie entre -57 Wh/m 2 (station 226, Ajaccio) et 93 Wh/m 2 (station 835, Embrun) avec 75% des valeurs inférieures à 40 Wh/rn 2 en valeur absolue. L'écart-type varie entre 120 Wh/m 2 (station 835) et 51 Wh/m 2 (station 283, Macon). avec 70% des valeurs inférieures ou égales à 65 Wh/m 2• La valeur de Ghmes varie entre 530 Wh/m 2 (station 231, Marignane) et 330 Wh/m 2 (station 219, Strasbourg), (iii) sur H3, le biais varie entre -36 Wh/m 2 (station 237, Nancy-Essey) et 60 Wh/m 2 (station 806, Caen) avec 70% des valeurs inférieures ou égales à 30 Wh/m 2 en valeur absolue. L'écart-type. varie entre 72 Wh/m 2 (station 835, Embrun) et 30 Wh/m 2 (station 806) avec 76% des valeurs inférieures ou égales à 50 Wh/m 2 • Le paramètre Ghmes varie entre 383 Wh/m 2 (station 803, Biscarosse) et 245 Wh/m 2 (station 237). Pour l'année 1985 : (i) sur la plage horaire Hl, le biais varie entre -19 Wh/m 2 (stations Bordeaux et Paris Montsouris) et 97 Wh/m 2 (station 835, Embrun) avec une sur-estimation sur les stations Bordeaux, Agen, Pau, Trappes et Paris Montsouris contrairement aux autres stations. L'écart-type varie entre 67 Wh/m 2 (station 888, Tours) et 45 Wh/m 2 (station 835, Embrun). La valeur de Ghmes varie entre 545 Wh/m 2 (station 835) et 330 Wh/m 2 (station 867, Paris Montsouris), - 120 - (ii) sur H2, le biais varie entre -43 Wh/m 2 (station 226, Ajaccio) et 119 Wh/m 2 (station 835, Embrun) avec 75% des valeurs inférieures ou égales à 50 Wh/rn 2 2 en valeur 2 absolue. L'écart-type varie entre 86 Whjm (station 262) et 40 Wh/m (station 209, Limoges) avec 70% des valeurs inférieures ou égales à 70 Wh/m 2 • La valeur de Ghmes varie entre 612 Wh/m 2 (station 878, Hyeres Cern-Levant) et 403 Whjm 2 (station 200, Reims), (iii) sur H3, le biais varie entre -23 Wh/m 2 (station 888, Tours) et 83 Whjm 2 (station 806, Caen) avec 70% des valeurs inférieures ou égales à 40 Whjm 2 en valeur absolue. L'écart-type varie entre 54 Wh/m 2 (station 214, Agen) et 29 Wh/m 2 (station 200, Reims). Le paramètre Ghmes varie entre 390 Wh/m 2 (station 824, Rochelle) et 251 Wh/m 2 (station 219, Strasbourg). 4.3.2 En horaire mensuelle
Les résultats obtenus, pour l'année 1983, du rayonnement solaire global en horaire mensuelle pour toutes les stations confondues sont récapitulés dans le tableau [4.24] : (i) sur la plage horaire Hl, hormis le mois d'avril, le biais varie entre -70 Wh/m 2 (novembre) et 6 Wh/m 2 (juin). Pour les mois de juin à octobre et aussi de mars, le biais constitue moins de 5% du rayonnement global horaire mesuré Ghmes. Par contre, pour novembre et décembre, il atteint 50% de Ghmes. L'écart-type varie entre 52 Wh/m 2 (avril) et 16 Wh/m 2 (novembre et décembre), il constitue moins de 5% de Ghmes pour les mois de juin à septembre La valeur de Ghmes varie de 661 Wh/m 2 (juillet) à 135 Wh/m 2 (décembre), (ii) sur H2, le biais varie entre -87 Wh/m 2 (juillet) et 22 Wh/m 2 (mars) exception faite du mois d'avril où il est de -152 Whjm 2. L'écart-type varie entre 38 Wh/m 2 (juin) et 18 Wh/m 2 (janvier, mars et novembre) exception faite du mois d'avril où il est de 61 Wh/m 2• Le paramètre Ghmes varie de 754 Whjm 2 (juillet) à 195 Wh/m 2 (décembre). (iii) sur H3, les résultats sont obtenus seulement pour les mois de mars à octobre, l'angle solaire étant inférieur à 12 degrés pour les autres mois. Le biais varie entre -42 Wh/m 2 (juillet) à 4 Wh/m 2 (septembre). L'écart-type varie entre 31 Wh/m 2 (aoüt) à 24 Wh/m 2 - 121 - (avril, septembre et octobre). La valeur de Ghmes varie entre 472 Wh/m 2 (juillet) et 169 Wh/m 2 (octobre). 4.4 Conclusion
La formulation empirique définie dans le paragraphe 4.2.3, justifiée par les résultats obtenus dans 4.1.1 à 4.1.3 sur la base de comparaison d'une année, reconstruit le rayonnement global horaire instantané au- sol, dans les mêmes conditions, par station avec : (i) un b!ais moyen de -5 Wh/m 2 (toutes stations confondues) et un écart-type de 70 Wh/m 2 pour les années 1984 et 1985 (ii) un biais moyen de -25 Wh/m 2 (toutes stations confondues) et un écart-type fluctuant autour de 55 Wh/m 2 pour l'année 1983. Sur la base de comparaison du mois (i) hormis le mois d'avril, l'écart-type se situe en moyenne entre 40 et 90 Wh/m 2 pour les plages horaires Hl et H2 et entre 25 et 70 Wh/m 2 pour H3, (ii) quant au biais, il est très variable suivant les mois et suivant les stations, il se situe entre -11 et +70 Wh/m 2 en moyenne hormis les heures Hl et H2 du mois d'avril. Si l'écart-type est conforme à notre attente, le biais ne l'est pas et il est surtout aléatoire. Ceci nous conduit à conclure que la formulation empirique dans le paragraphe 4.2.3 permet de donner une évaluation du rayonnement global solaire horaire instantané avec une erreur quadratique moyenne d'environ 25% en valeur relative, lorsque la comparaison est faite sur un mois, et d'environ 10%, lorsqu'elle est faite sur l'année. La diminution de l'erreur quadratique moyenne, en passant de la base de comparaison sur le mois à celle de l'année, vient simplement du fait que l'on s'approche dans le cas de l'année des conditions de l'ajustement ayant permis la détermination des coefficients A et B de régression. Les résultats obtenus peuvent être améliorés en considérant un jeu de coefficients de régression par heure et par saison. Nous n'avons pas eu le temps d'explorer cette voie. En horaire mensuelle, l'erreur quadratique. moyenne de reconstruction est d'environ 10% du rayonnement solaire global mesuré au sol. Ceci est en accord avec les résultats trouvés par Diabaté et al. [30]. - 123 - D'une part des études statistiques sur une plus longue période (10 ans) et d'autre part la considération d'autres paramètres climatologiques (le trouble atmosphérique par exemple) permettront d'atteindre l'objectif fixé avec une meilleure précision sur les résultats (paragraphe 4.2.2).
- 124
- Mois de janvier 1983 N sts H1 biais ect H2 Ghmes H3 biais ect Ghmes Dijon -75 39 171 Auxer. -46 51 172 Tours -61 45 186 St-Que. -37 31 137 Nice -113 51 341 Macon -60 49 215 Montpe. -73 49 360 Carpen. -81 50 327 Cler.F. -84 64 257 Pau -70 53 324 Reims -62 52 116 Nancy-E. -55 43 130 -50 47 131 Caen 66 46 165 Rennes -64 54 180 Tableau[4.10J biais ect Ghmes Le biais et l'écart-type (ect) sur le rayonnement solaire global estimé au sol, le rayonnement sol ai re global mesuré au sol en moyenne mensuelle (Ghmes), en Whtm2, par station (N sts) et par plage horaire (Hi, i=1 à 3) pour le mois de janvier 1983. - 125 - Mois de févier 1983 N sts H1 biais ect H2 Ghmes H3 biais ect Ghmes Di jan 4 46 285 Auxer. *32 51 263 Tours *27 66 300 St *Que. *13 58 284 Nice 5 67 426 Macon *37 38 255 Montpe. *42 49 404 Carpen. *58 55 374 Cler.F. 70 56 335 Pau *35 50 344 Reims *20 69 281 Nancy*E. *15 60 240 Trappes *35 58 273 Strasb. *43 54 252 Caen 57 64 270 Rennes *43 57 326 Tableau[4.11J biais ect Ghmes Le biais et l'écart*type (ect) sur le rayonnement solaire global, le rayonnement solaire global mesuré au sol en moyenne mensuelle (Ghmes), en Whtm2, par station et par plage horaire pour février 1983. - 126 - Mois de mars 1983 N sts H1 H2 H3 biais ect Ghmes biais ect Ghmes biais ect Ghmes Dijon 24 53 335 54 45 446 *41 38 180 Auxer. *11 59 247 28 76 344 *45 52 175 Tours *2 43 267 26 53 390 *37 41 192 St*Oue. 6 48 254 22 76 325 *42 40 129 Nice *28 48 402 13 73 493 *46 37 194 Macon 38 64 351 *5 69 422 *56 48 179 Montpe. 10 48 432 20 67 528 *56 50 273 Carpen. *3 83 466 24 57 552 *39 59 254 Cler*F. 50 89 372 32 50 506 *26 61 211 Pau *10 90 312 9 81 485 *49 58 244 Reims 12 72 292 21 72 353 *48 54 157 Nancy*E. *20 70 254 2 118 367 *55 70 150 Trappes 13 59 299 21 100 366 *55 53 164 Strasb. *4 33 286 *13 57 349 *69 38 145 Caen 87 80 271 55 86 394 57 64 175 Rennes *27 41 292 31 104 377 *33 67 214
Table
au
[
J
Le biais et l'écart-type. (ect) sur le 2 rayonnement global, le rayonnement global mesuré en moyenne mensuelle (Ghmes), en Wh/rn, par station et par plage horaire pour mars 1983. - 127 - Mois d'avril 1983 N sts H1 H2 H3 bi
ais
ect
Ghmes biais ect Ghmes biais ect Ghmes Dijon *211 196 369 *208 238 390 13 84 248 Auxer. *174 221 343 *187 257 500 2 63 298 Tours *105 125 396 *103 183 560 *46 104 270 St*Que. *155 156 367 *219 251 443 4 67 300 Nice *107 205 607 *96 159 658 24 62 305 Macon *195 228 383 *183 268 370 *31 92 254 Montpe. *176 280 476 *239 280 526 5 140 302 Carpen. *140 218 506 *131 200 465 *15 78 286 Cler*F. *200 270 397 *241 242 433 *2 81 327 Pau *98 139 493 *4 225 630 *25 137 371 Reims *169 193 352 *203 218 436 *11 68 235 Nancy*E. *189 207 390 *208 237 409 8 69 235 Trappes *92 141 382 *227 286 450 *72 77 211 Strasb. *257 191 365 *175 263 487 *9 60 207 Caen *83 101 402 *188 198 450 0 95 296 Rennes *75 101 402 *168 172 493 *28 89 313 Tableau[4.13J Le biais et l'écart-type (ect) sur le
rayonnement global
,
le rayonnement global mesuré en moyenne mensuelle
(
Ghmes), en Whtm2, par station et par
plage horaire
pour avril 1983. - 128 - Mois de juin 1983 N sts H1 H2 H3 biais ect Ghmes biais ect Ghmes biais ect Dijon 30 81 701 *19 86 703 *20 37. 454 Aux er. *17 81 655 *73 76 624 *17 74 424 Tours *24 89 545 *90 78 631 *29 62 486 St*Que. 45 63 634 10 104 706 19 70 469 Nice 41 48 705 *36 67 737 35 59 447 Macon *29 84 700 *50 143 781 *39 45 459 Montpe. 14 65 680 *15 66 798 5 27 490 Carpen. 5 50 711 *49 71 795 *17 37 456 Cler*F. 92 58 721 21 113 717 2 68 451 Pau *13 63 611 *71 56 660 *20 55 465 Reims 2 87 590 *109 95 656 *11 52 393 Nancy*E. 9 60 672 *91 108 643 *71 77 394 Trappes *11 64 519 *18 74 655 *8 66 367 Strasb. *6 75 648 2 139 683 *29 58 400 Caen *26 93 455 *75 90 636 22 31 418 Rennes *26 63 517 *69 55 646 4 53 462
Tableau[4.14l'Gh
mes
Le biais et l'écart-type (ect) sur le rayonnement global, le rayonnement global mesuré en moyenne mensuelle (Ghmes), en Whtm2, par station et par plage horaire pour juin 1983
.
- 129 - Mois
de juillet 1983 N sts H1 H2 H3 biais ect Ghmes biais ect Ghmes biais ect Ghmes Dijon 0 72 716 *99 43 786 *52 58 509 Aux er. *1 46 682 *72 69 783 *21 56 493 Tours 12 90 594 *113 85 704 *43 64 505 St*Que. *16 68 652 *109 60 721 *31 58 472 Nice *24 66 712 *79 88 790 14 63 407 Macon *9 48 725 *102 59 807 *55 57 471 Montpe. 13 63 689 *96 73 798 *29 74 513 Carpen. *12 48 731 *60 55 844 *42 58 511 Cler*F. 6 61 723 *75 67 785 *1 37 471 Pau *34 71 526 *101 65 684 *38 53 469 Reims *42 68 669 *79 95 724 *75 35 473 Nancy*E. *14 94 713 *107 77 753 *44 58 462 Trappes *29 74 623 *39 100 708 *45 64 467 Strasb. *25 74 679 *116 53 797 *63 73 436 Caen 25 103 574 *28 73 714 *30 65 448 Rennes 6 70 567 *117 102 664 *97 76 445
Table
au
[
4.15l Le biais et l'écart-type (ect) sur le rayonnement global, le rayonnement global mesuré en moyenne mensuelle (.Ghmes), en Whtm 2, par station et par plage horaire pour juillet 1983. - 130 - Mois de août 1983 N sts H1 HZ H3 biais ect Ghmes biais ect Ghmes biais ect Ghmes Dijon 29 74 549 33 69 673 *71 46 321 Aux er. 33 72 526 *13 89 615 *44 66 407 Tours *29 51 498 *48 90 628 *25 56 408 St*Que. 21 46 508 *2 92 643 *24 49 360 Nice 39 69 699 69 118 747 61 68 373 Macon 4 61 553 *63 87 640 *13 49 352 Montpe. 9 84 631 *22 82 766 *17 43 470 Carpen. 48 73 675 *27 90 786 *35 71 440 Cler*F. 24 66 538 *17 77 61Q 21 70 406 Pau *3 74 504 *20 89 637 *31 47 432 Reims *12 72 540 *83 77 577 *35 43 361 Nancy*E. *13 64 523 *12 109 619 *30 57 355 Trappes *14 47 521 *33 96 684 *37 70 419 Strasb.
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Analyse de la demande et des mesures de promotion françaises du biodiesel à l horizon 2010 Frédérick Bernard THÈSE Pour obtenir
le grade de
DOCTEUR
de L'
Institut
des Sciences et Industries du Vivant et de l'Environnement (Agro Paris Tech) Spécialité : Économie de l'Environnement et des Ressources Naturelles présentée et soutenue publiquement par Frédérick BERNARD le 18 février 2008 ANALYSE
DE LA
DEMANDE
ET DES
MES
URES DE PROMOTION FRANCAIS
ES DU BIODIESEL À L'H
ORIZON 2010
Directeur de thèse : Pierre-Alain JAYET IFP, Division des études économiques, F-92852 Rueil-Malmaison De
vant le
jury
: M. M. M. M. M. M. Christian DE PERTHUIS, Professeur associé, Université Paris-Dauphine, Jacques PERCEBOIS, Professeur agrégé, CREDEN, Ghislain GOSSE, Directeur de recherche, INRA, Étienne POITRAT, Ingénieur, ADEME, Axel PIERRU, Chercheur,IFP, Pierre-Alain JAYET, Directeur de recherche, INRA Rapporteur Rapporteur Suffrageant Suffrageant Suffrageant Directeur de thèse
Les travaux de recherche exposés dans cette thèse de doctorat ont été co-financés par l'Agence de l'Environnement et de la Maı̂trise de l'Énergie (ADEME) et l'Institut Français du Pétrole (IFP) français. Remerciements Merci à Axel Pierru, Stéphane His et Anne Prieur ainsi qu'à mes directeurs de thèse Jean-Claude Sourie et Pierre-Alain Jayet. Leur accompagnement académique et leur encadrement au cours de la thèse m'ont beaucoup apporté. Merci à Isabelle, Nathalie et Alireza pour leurs attentions particulières à ma personne et à mon travail de thèse. Je les remercie chaleureusement pour leur gentillesse. Pour leur bonne humeur, leur soutien et leurs précieux conseils tout au long de la thèse, je tiens à remercier mes "co-thésards" : Bertrand, Stéphane, Claudia, Carla, Elodie, Armelle, François, Carine et Xavier. Je remercie également mes collègues de la division des études économiques de l'IFP qui m'ont accueilli dans leur laboratoire. Merci notamment à Martine, Catherine, Valérie, Frédérique, Nathalie Alazard-Toux, Jean-François Gruson et Denis Babusiaux. Merci également au personnel du laboratoire d'Économie Publique de l'INRA de Grignon pour leur accueil et leur collaboration. Merci Catherine, Loı̈c, Laure, Stéphane, Maria Priscila, David, Olivier Gauchy, Régis Grateau,
Guy
Millet et Florence Jacquet . Je remercie l'école doctorale ABIES pour leur gentillesse et leur attention en ce qui concerne le bon déroulement de la thèse et les bons moments passés en leur compagnie. Merci notamment à Alice, Françoise, Corinne et Claude. REMERCIEMENTS
Je remercie Étienne Poitrat et Ghislain Gosse d'avoir accepté de faire partie de mon jury de thèse et tout particulièrement les rapporteurs Jacques Percebois et Christian de Perthuis pour leur relecture attentive du manuscrit de thèse et leurs commentaires. Enfin merci à tous mes amis et bien sûr à mes parents, Karine, Nathalie et Isabelle sans qui toute cette aventure n'aurait pas été possible. RESUME - ABSTRACT Résumé
Le travail de recherche présenté a pour objet l'évaluation des mesures de promotion du biodiesel envisagées à l'horizon 2010 en France. Cette évaluation repose sur une étude approfondie de la demande de biodiesel française basée sur l'utilisation d'un modèle d'optimisation sous contraintes représentant l'ensemble de l'industrie française du raffinage. La prise en compte des caractéristiques physico-chimiques du biodiesel au moment de la constitution du pool gazole permet au biodiesel d'être incorporé à hauteur de 27% en volume dans le gazole sans problème technique majeur. Une décomposition de la valeur marginale attribuée au biodiesel par les raffineurs en fonction de ses caractéristiques physico-chimiques nous montre que le contenu énergétique du biodiesel est la caractéristique la plus défavorable à l'incorporation de biodiesel et que la densité devient contraignante au-delà de 17% d'incorporation. Le faible contenu en soufre du biodiesel peut néanmoins s'avérer intéressant à l'horizon 2010. A la lumière de cette analyse de la demande, nous procédons à un couplage externe d'un modèle d'offre agro-industriel en biodiesel et du modèle de raffinage français. Ainsi nous étudions l'impact de la réalisation de l'objectif de mise à la consommation du biodiesel pour l'année 2010 sur les surfaces agricoles à mobiliser, la compétitivité du biodiesel, la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la balance commerciale des produits pétroliers. A partir des résultats obtenus, nous proposons une analyse critique des mesures de promotion du biodiesel envisagées à l'horizon 2010. Abstract The researches presented aim at assessing biodiesel promoting measures under consideration in France by 2010. This assessment is based on a deep study of French biodiesel demand. The use of a linear model for optimizing the whole French refining industry costs allow us to take into account the physicochemical characteristics of biodiesel useful for gas oil blending operation. This researches show that biodiesel can be incorporated up to 27% blend in volume to diesel fuel without major technical problem. A decomposition of the value allotted to the biodiesel by French refiners according to its physicochemical characteristics shows that energy content is the most disadvantageous characteristics for biodiesel incorporation and, up to 17%, density become also constraining. However, the low biodiesel sulphur content could become interesting from now to 2010. On the basis of this biodiesel demand analysis, we proceed to an external coupling of an agro-industrial model of biodiesel supply with the French refining model. Thus, we study the impact of the 2010 French biodiesel consumption objective on agricultural surface need, the competitiveness of the biodiesel, the reduction of greenhouse gases emissions and the trade balance of the petroleum products. On this basis, we propose a critical analysis of French biodiesel promoting measures under consideration by 2010. 21 Introduction 23 I 27 Émergence du biodiesel en substitution au gazole 1 Contribution
du gazole
aux
problématiques des transports 28 1.1 Contribution du transport à la consommation énergétique de la France. 28 1.2 Un transport marqué par le développement du carburant gazole. 31 1.3 Contribution de la consommation du gazole à la pollution atmosphérique. 33 1.4 Contribution du gazole à la facture pétrolière de la France. 38 2 Intérêt du biodiesel comme substitut au gazole 41 2.1 Quelles solutions pour le transport routier?. 41 2.2 Le biodiesel : un compromis entre technologie et environnement. 44 2.3 Construction d'une politique en faveur du biodiesel. 48 3 Incertitudes et controverses autour du développement du biodiesel 51 3.1 Quels critères d'évaluation?. 51 3.2 Potentiel, compétitivité et avantage concurrentiel du biodiesel. 52 3.3 Une politique de promotion du biodiesel controversée. 57 page
TABLE DES MATIÈRES
4 Description du marché français du biodiesel
63 4.1 La place prépondérante du biodiesel de colza. 63 4.2 Le biodiesel : une consommation intermédiaire. 65 4.3 Une production monopolisée par des agro-industriels implantés en France. 67 4.4 Les raffineurs : des acteurs incontournables de la demande de biodiesel.
70 II Modélisation de la demande de biodiesel 5 Approche et méthodologie 73 74
5.1 De l'intérêt d'une nouvelle approche. 74 5.2 Analyse de la demande de biodiesel comme base gazole. 78
6 Modèle d'optimisation du raffinage sous contraintes 83
6.1 Modélisation par programmation linéaire. 83 6.2 Composition du programme d'optimisation du raffinage. 88 6.3 Solutions du problème d'optimisation des raffineurs français. 93 6.4 Caractéristiques du modèle mis en oeuvre. 101
7
Calibrage du modèle
:
l'industrie pétrolière française
en 2005
104 7.1 Contribution à la modélisation de la constitution du pool diesel. 105 7.2 Prise en compte des caractéristiques du biodiesel. 108 7.3 Le choix des paramètres du modèle. 121 7.4 Validation du calibr age dans le contexte de l'année 2005. 131 7.5 Influence de l'agrégation nationale sur les résultats. 136
III Analyse de la demande française de biodiesel 8 Aspects technico-économiques de la demande de biodiesel 141 142
8.1 La demande conditionnelle de biodiesel des raffineurs. 142 8.2 Valorisation des caractéristiques physico-chimiques du biodiesel. 154 8.3 Intérêt du biodiesel à moyen terme. 162 8.4 Compilation des valeurs attribuées au biodiesel par les raffineurs français. TABLE DES MATIÈRES
9 Enseignements de la composition du gazole 174 9.1
Incorporation du
biodiesel
et
balance commerciale. 174
9.2 Relation entre le
prix
des bases
gazoles importées et la valorisation marginale du biodiesel. 179 9.3 Sensibilité de la demande de biodiesel au prix du pétrole brut. 181 10 Gaz à effet de serre du raffinage et incorporation de biodiesel 10.1
Les
é
missions de
CO2 des raffineries françaises 184. 184 10.2 Modél
isation
des émissions de CO2 dans le modèle de raffinage. 185 10.3 Biodiesel et émissions des raffineurs français. 186
IV Analyse des mesures de promotion du biodiesel à l'horizon 2010 191
11
Approche et revue de littérature 192 11.1 Revue des études d'évaluation des mesures de promotion du biodiesel. 192 11.2 Analyse du marché du biodiesel en équilibre partiel.
197
11.3 Définition du marché pertinent du biodiesel
. 199
11.4 Les mesures de promotion du biodiesel
mises en place
en
France.
202 12 Disponibilité des surfaces agricoles 212
12.1 Les acteurs des filières de production des biocarburants. 212 12.2 La modélisation de l'offre agro-industrielle de biodiesel de colza.
215
12.3 Disponibilité des surfaces agricoles françaises
à l'horizon 2010.
231 13 Compét
itivité et incitations fiscales du biodiesel
238
13.1 Couplage des modèles agro-industriels et de raffinage. 238 13.2 Compétitivité et modulation de la TIPP du biodiesel en 2010.
244
13.3 Influence du biodiesel sur le commerce extérieur des produits pétroliers.
250 14 Analyse environnementale
de
l'incorporation du biodiesel
en 2010 254
14.1 Une approche intéressante pour les analyses de cycle de vie. 254 14.2 Calcul des surfaces agricoles à mobiliser. 255 14.3 Évolution des émissions de CO2 de la raffinerie. 256 14.4 Données sur les consommations de produits pétroliers importés. 256 14.5 Produits pétroliers, biodiesel et éco-fiscalité. TABLE DES MATIÈRES Conclusion
261
Bibliographie
265 Annexes 275 A Norme NF EN 590 - CSR 1er Mai 2005 (GAZOLE) 276 B Norme NF EN 14214 -Avril 2004 (BIODIESEL) 278 C Article : Bernard et Prieur (2007) "Biofuel market and carbon modeling to analyse french biofuel policy" Energy Policy, 35(12), 5991-6002 page 10
280 Glossaire
ABIES Agriculture alimentation environnement santé ACE Aide aux cultures énergétiques ACEA Association des constructeurs européens d'automobiles ACV ADEME Agence de l'environnement et de la maı̂trise de l'énergie AGRICE Agriculture pour la chimie et l'énergie ALTENER API Alternative energy program - Programme pour les énergies alternatives American petroleum institute - Institut américain du pétrole B10 Mélange de 10% de biodiesel avec 90% de gazole d'origine fossile B30 Mélange de 30% de biodiesel avec 70% de gazole d'origine fossile BtL Biomass to liquid CAFE Clean air for Europe - Air propre pour l'Europe CE CEN CETIOM Centre technique interprofessionnel des oléagineux métropolitains CGAAER CH4 Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux Méthane CCIP Chambre de commerce et d'industrie de Paris CIRC Centre International de Recherche contre le Cancer CITEPA CIVP Comité interministériel pour les véhicules propres CUMA Cm Centre interprofessionnel technique d'étude de la pollution atmosphérique Coopératives d'utilisation de matériel agricole Coût marginal CO CO2 CO2eq Dioxyde de carbone équivalent COP COV Composé organique volatile page 11 GLOSSAIRE COVNM Composé organique volatile non méthanique CONCAWE Conservation of clean air and water in Europe - Conservation d'un air et d'une eau propre en Europe CPDP Comité professionnel du pétrole CRR Compagnie rhénane de raffinage Cu Cuivre DAIE SESP Direction des affaires internationales et des échanges, service économie, statistiques et prospective DI Diester D2I Diester Industrie Internationale DIREM Direction des ressources énergétiques et minérales DGEMP EEHV Direction générale de l'énergie et des matières premières Ester éthylique d'huile végétale EMHA Ester méthylique d'huile animale EMHV Ester méthylique d'huile végétale EPEFE European program on emissions, fuels and engine technologies - Programme européen sur les technologies moteurs, les carburants et les émissions ETBE éthyl-tertio-butyl-éther EUCAR European conuncil for automotive R&D FAPETRO FAPRI FCC Fonds d'Analyse des Produits Pétroliers Food and agricultural policy research institute Fluid catalytic cracking - Craquaga catalytique fluide FOP Fédération française de producteurs d'oléagineux et protégineux GAMS Generalized Algebraic Modeling System GES GMS GPL Gaz de pétrole liquéfié ha HAP HC HDS HDSr HFRR HGO hectare Hydrocarbure aromatique polycyclique Hydrocarbures imbrûlés Hydrodésulfuration Hydrodésulfuration "revampée" ou modernisée Hight frequency reciprocation rig Heavy gas oil - Gas oil lourd HHI Herfindahl-Hirschmann index - Indice de Herfindahl-Hirschmann HVP Huile végétale pure IEA International energy agency - Agence internationale de l'énergie GLOSSAIRE IFP INFORSE-EUROPE International network for sustainable energy - Europe INRA IPCC International panel on climate change ISBL Investissement en limite de batterie ISO International Standard Organisation - Organisation internationale de normalisation JAMA Japanese automobile manufacturers association - Association des constructeurs automobiles japonais JRC Joint research center - Centre de recherche associé KAMA Korean automobile manufacturers association - Association des constructeurs d'automobiles coréens KKVB LP Koninklijke Bunge BV Linear programming - Programmation linéaire MAORIE MEDD Modèle d'offre agricole régional INRA économie Ministère de l'écologie et du développement durable MINEFI MJ Ministère de l'économie, des finances et de l'emploi Méga joule MTBE Méthyl-tertio-butyl-éther Mtep Mega tonne équivalent pétrole N2 O NOx Oxydes d'azote NREL National renewable ecology laboratory of the US department of energy OCDE OGM ONIOL Office national interprofessionnel des céréales OSCAR Optimisation du surplus économique des carburants agricoles renouvelables OURSE Oil is used in refineries to supply energy PAC Pb Politique Agricole Commune Plomb PCI PM Particule matter - particules en suspension PNRB ppm Programme national de recherche sur les bioénergies parties par million PREDIT Programme de recherche et d'Innovation dans les transports terrestres PROLEA Filière française des huiles et protéines végétales PT page 13 GLOSSAIRE RICA RFm S Recette factorielle marginale Soufre SAU SCOP Surface en céréales et oléoprotéagineux SES Service économique et social SO2 SOFIPROTEOL gétales SR Société financière de la filière française des huiles et protéines vé- Straight Run - En direct SRI Southern research institute TIPP Taxe intérieure à la consommation sur les produits pétroliers TGA TGAP RFA UE Page sur les activités polluantes Renewable fuel association - Association des carburants renouvelables Union Européenne URF Union routière de France VUL WEC World energy council page
Liste des tableaux 1.1 Pollutions atmosphériques engendrées par le secteur du transport, du transport routier et des véhicules Diesel. 33 2.1 Comparaison des émissions de polluants réglementées en fonction de différents mélanges de biodiesel dans le gazole à 10ppm de soufre par rapport au gazole pur. 45 3.1 Étapes et rendements en produits et coproduits de la production de l'ester méthylique de colza. 54 4.1 Production du biodiesel par réaction de transestérification. 64 4.2 Caractéristiques physico-chimiques de différents esters méthyliques d'acide gras. 65 4.3 Indices de concentration de la production de biodiesel agrémentée par la France. 68 4.4 Acteurs français du raffinage en 2005. 70 5.1 Valeur du biodiesel considérée par diverses études. 75 5.2 Calendrier européen et français d'incorporation de biodiesel dans le gazole. 79 6.1 Saturation ou non de la contrainte duale de recette factorielle marginale du biodiesel. 100 6.2 Saturation ou non de la contrainte duale de recette factorielle marginale du biodiesel. 100 6.3 Paramètres, variables primales et duales du modèle utilisé. 102 6.4 Détail des contraintes du modèle de l'industrie française de raffinage. 102 7.1 Qualités du gas-oil Russe en fonction des traitements suivis. 108 7.2 Spécifications croisées du gazole et des biodiesels. 110 7.3 Évolution des spécifications soufre des carburants automobiles (ppm). 111
TABLE
AUX
7.4 Spécifications du gazole et qualités de tenue à froid du biodiesel de colza (EMC). 114 7.5 Pouvoir lubrifiant de l'ester de colza en mélange au gazole à 10 ppm de soufre115 7.6 Tableau récapitulatif des caractéristiques du biodiesel et du gazole. 118 7.7 Spécifications du gazole et qualités du biodiesel retenues. 120 7.8 Provenances des pétroles bruts importés par la France. 122 7.9 Caractéristiques des pétroles bruts représentatifs du modèle de raffinage. 122 7.10 Classement par qualités des pétroles bruts produits selon les pays exportant en France. 124 7.11 Table de correspondance entre qualité et appellation. 125 7.12 Structure de l'approvisionnement français
pétrole brut retenu. 125 7.13 Capacités affichées des unités françaises de raffinage. 126 7.14 Unités modélisées dans le modèle de raffinage. 127 7.15 Prix des intrants et déchets retenus
dans
le modèle. 128 7.16 Production
nette, demande et solde
du commerce extérieur de
produits
pétroliers
en France (Mt). 129 7.17 Prix des produits pétroliers à
l'export (FOB) et à l'import (CIF). 130 7.18 Composition du pool gazole à l'optimum (hors gas-oil Russe). 132 7.19 Résultats du calibrage. 134 8.1
Programme primal simplifié du raffinage.
149
8.2 Programme dual simplifié du raffinage. 150 8.3 Qualités du biodiesel et spécifications du gazole pour les critères de qualité considérés. 152 8.4 Relâchement de la contrainte soufre par incorporation de biodiesel. 156 8.5 Demandes et spécifications des produits pétroliers retenues pour le scénario 2010. 163 8.6 Programme primal simplifié de moyen terme du raffinage. 166 8.7 Programme dual simplifié de moyen terme du raffinage. 167 10.1 Émissions de CO2 par raffinerie de métropole française. 185 10.2 Coefficient d'émission de CO2 par type de combustible. 186 11.1 Évaluations des écarts entre coûts de production et valorisations (C/hl). 196 11.2 Production de biodiesel et avantages fiscaux de quelques pays de l'UE-25. 201 11.3 Montants de la TIPP applicable (en C/hl). 206
LISTE DES
TABLE
AUX
11.4 Calendrier d'évolution du taux de la TGAP en énergie et équivalence en volume pour chaque carburant. 207 11.5 Évolution de la défiscalisation accordée au biodiesel (C/hl). 208 11.6 Niveau de défiscalisation de la TIPP à accorder au biodiesel pour rester à iso-budget par rapport à l'année 2005 (156 MC). 209 12.1 Grandes cultures produites en France en 2005. 213 12.2 Étapes et rendements en produits et co-produits de la production de l'ester méthylique de colza. 214 12.3 Données économiques 2005 des cultures et usages de sols agricoles. 220 12.4 Capacité des unités d'estérification agrémentées et implantées en France. 223 12.5 Coûts variables de transformation du colza en biodiesel (C/t, sans valorisation des co-produits).
225 12.6
Coût de production du biodiesel retenu pour la modélisation.
225 12.7 Évaluations des coûts de production du biodiesel. 227 12.8 Capacité des unités d'estérification agrémentées et implant
ées en France
(t/
an).
229 12.9
Évaluations des écarts entre coûts de production et valorisations. 231 13.1 Demandes et évolutions des prix des produits pétroliers et des pétroles brut
($/t) en 2010. 243
13.2
Écart
entre
valorisation
et
coût de production du biodiesel à l'horizon 2010 (en C/hl).
245 13.3 Avantage concurrentiel par le cumul des exonérations de la TIPP et de la TGAP accordées au
biodiesel. 249 13.
4 Influence de
l'
incorporation de 2,7 Mt
de biodiesel sur le commerce extérieur de produits pétroliers en 2010. 252
Table des figures 1.1 Part des consommations énergétiques sectorielles et des modes de transports en France en 2004.
29 1.2 Intensités énergétiques finales (indice base 100 en 1973). 29 1.3 Consommations d'é
nergie du secteur des transports par
mode
en
France
(Mtep
). 30 1.4 Évolution de la consommation des carburants vehicules et du fioul lourd (en Mtep). 32 1.5 Évolution de la réglementation des émissions de véhicules particuliers Diesel 34 1.6 Évolution du taux moyen d'émissions de CO2 en France depuis 1995. 35 1.7 Évolution de la facture énergétique déclinée par type d'énergie (en MC2006) 38 3.1 Déplacements des courbes d'offre et de demande permettant un accroissement de la quantité de bien produite. 57 4.1 Schéma des acteurs de la filière et des mesures de promotions qui leur sont adressées. 66 4.2 Agréments de défiscalisation français accordés aux industries implantées en France et à l'étranger. 67 5.1 Étude du biodiesel comme "additif" au gazole. 75 5.2 Distribution fréquentielle de la densité du gazole correspondant à des contrôles inopinés. 77 5.3 Étude du biodiesel comme base gazole. 78 6.1 Production jointe au niveau d'une unité de traitement produisant deux effluents à partir d'une seule charge. 86 7.1 Schéma du raffinage initial concernant le pool gazole. 105 7.2 Les procédés de traitement du gas-oil d'origine Russe. 107
TABLE DES FIGURES 7.3 Comparaison des courbes de distillation du gazole et du biodiesel. 116 7.4 Schéma du raffinage concernant le pool gazole. 121 7.5
C
oûts
d'
une production
intérieure par rapport aux prix d'imports (CIF) et d'exports (FOB) et destination des productions d'un producteur rationnel. 130 7.6
Influence d'une évolution du prix d'un bien sur la courbe
de
demande agrégée dans le cas de
deux raffineries différentes. 137
7.7 Influence
d'une
évolution du prix d'un bien sur la courbe de demande agrégée dans le
cas
de
deux
raffineries
identiques. 138 8.1 Demande "directe" de biodiesel obtenue par paramétrisation des prix du biodiesel (-1$/t). 144 8.2 Demande inverse de biodiesel obtenue par paramétrisation sur quantités de biodiesel (+0,02Mt). 145 8.3 Phase 1 de la demande inverse de biodiesel. 147 8.4 Courbe de réponse quantité/prix de biodiesel. 153 8.5 Évolution de la valeur du biodiesel attribuée à sa teneur en soufre nulle en fonction de la quantité de biodiesel incorporée. 155 8.6 Recette factorielle marginale des 7 premiers millions de tonnes de biodiesel pour des teneurs en soufre maximum du gazole de 50 à 10ppm. 156 8.7 Évolution de la valeur du biodiesel attribuée au faible contenu énergétique du biodiesel en fonction de la quantité de biodiesel incorporée. 157 8.8 Évolution du coût (valeur négative) du biodiesel attribué à sa densité élevée en fonction de la quantité de biodiesel incorporée. 158 8.9 Évolution du coût d'opportunité du biodiesel en fonction de l'indice de cétane minimum exigé. 159 8.10 Évolution de la valeur du biodiesel liée à l'indice de cétane du gazole et de l'indice de cétane du gazole en fonction de la quantité de biodiesel incorporée au gazole. 160 8.11 Évolution de la valeur du biodiesel attribuée au bon pouvoir lubrifiant du biodiesel en fonction de la quantité de biodiesel incorporée pour un gazole à 50ppm de soufre. 161 8.12 Courbe de demande de biodiesel pour l'année 2010. 165 8.13 Évolution des investissements en capacités d'hydrocraqueur et modernisation d'unité d'HDS en fonction de la quantité de biodiesel incorporée dans le pool gazole. 166 8.14 Corrélations entre les décisions d'investissement des raffineurs et la quantité de biodiesel incorporée. 169 8.15 Valeurs attribuées aux qualités du biodiesel. 170 8.16 Courbe de demande inverse du biodiesel à court terme. 172
TABLE DES FIGURES 8.17 Courbe de demande inverse du biodiesel à moyen terme (2010).
173 9.1 Évolution de la composition du pool gazole en fonction de l'incorporation de biodiesel. 175 9.2 Isoquante de production de gazole entre le gas-oil Russe et le biodiesel. 177 10.1 Influence de la demande de biodiesel incorporé sur les émissions de CO2 de l'industrie française du raffinage. 187 10.2 Évolution de la demande de biodiesel en fonction des prix des permis d'émission de CO2. 188 12.1 Agrégation des offres individuelles pour construire la courbe d'offre de la branche. 219 12.2 Décomposition de l'allure de la courbe d'offre en colza énergétique. 221 12.3 Courbe d'offre en colza énergétique de la branche agricole dans les conditions 2005. 222 12.4 Relation entre taille des unités d
estérification et coût variable d'estérification224 12.5 Courbe d'offre agro-industrielle de biodiesel dans les conditions 2005. 226 12.6 Partage des surplus de production de la filière de biodiesel dans les conditions 2005. 227 12.7 Courbe d'offre en colza énergétique de la branche agricole dans les conditions 2010. 231 12.8 Courbe d'offre du secteur agro-industriel en biodiesel dans les conditions 2010232 12.9 Courbe d'offre agricole de colza énergétique pour 2010. 234 13.1 Détermination de la défiscalisation à attribuer au biodiesel par la méthode de couplage. 241 13.2 Courbe d'offre agro-industrielle et de demande de l'industrie française du raffinage dans les conditions 2005. 242 13.3 Évolution des exonérations fiscales dont bénéficieraient les raffineurs français en 2010. 249
13.4 Avantage concurrentiel par le cumul des exonérations de la TIPP et de la TGAP accordées au biodiesel en 2010 pour un prix du brut de 70$/bl. 250 14.1 Évolution des importations de bruts en fonction de la quantité de biodiesel incorporée.
Introduction
A l'heure actuelle, l'enjeu majeur du secteur des transports est de promouvoir la mobilité des individus et des marchandises tout en réduisant l'impact de ce secteur sur la facture pétrolière, la dépendance énergétique et la pollution atmosphérique. La prédominance du mode de transport routier caractérisé, en France, par une forte diésélisation du parc de véhicules, a naturellement fait émerger l'idée d'un substitut au gazole respectueux de l'environnement. Du fait de sa viabilité technique et de son intérêt environnemental, le biodiesel s'est avéré être la solution la plus facile à mettre en oeuvre. C'est pourquoi, malgré les controverses, ce biocarburant a fait l'objet, en France, d'un plan de développement. Ce plan s'appuie sur des mesures d'incitation à la production des cultures agricoles à l'origine de la production de biodiesel, une certification de contingents de production de biodiesel, des mesures d'exonération fiscale pour inciter l'utilisation du biodiesel ainsi que des objectifs de mise à la consommation du biodiesel. Les mécanismes ainsi que les justifications des mesures de promotion du biodiesel s'appuient généralement sur une approche simplifiée de la demande de biodiesel qui ne prend pas en compte la réalité économique des raffineurs, principaux acteurs de la demande de biodiesel en France. La prise en compte des caractéristiques physico-chimiques du biodiesel susceptibles d'influencer la composition du gazole nous permettra de prendre en compte cette logique en identifiant et en chiffrant les atouts et les limite du biodiesel comme constituant du gazole. Nous évaluerons dans quelle mesure les raffineurs sont susceptibles de valoriser les caractéristiques physico-chimiques du biodiesel (contenu énergétique, densité, indice de cétane, viscosité, pouvoir lubrifiant, teneur en soufre et point de trouble) pour produire un gazole aux normes européennes. Nous effectuerons également un certain nombre d'études de sensibilité de la valeur accordée au biodiesel, aux spécifications du gazole ainsi qu'au prix du pétrole brut. Cette approche nous permettra d'analyser la manière RODUCTION dont évoluent : 1) le fonctionnement des raffineries françaises, 2) la composition du gazole à court terme, 3) les émissions de gaz à effet de serre et 4) les choix d'investissement des raffineurs à moyen terme en fonction la quantité de biodiesel incorporée dans le gazole. Cette approche s'appuiera sur l'utilisation d'un modèle de programmation linéaire représentant l'industrie française du raffinage. Sur la base de cette analyse de la demande de biodiesel, nous procédons au couplage d'un modèle d'offre agro-industriel et du modèle de demande pétrolière en biodiesel afin d'évaluer les mesures de promotion du biodiesel envisagées en France, à l'horizon 2010. Ainsi, nous examinerons l'impact de l'incorporation de biodiesel à hauteur de 7% en énergie dans le gazole à l'horizon 2010 sur 1) l'utilisation des surfaces agricoles, 2) la compétitivité du biodiesel, 3) les émissions de gaz à effet de serre et 4) la balance commerciale des produits pétroliers. Sur cette base nous développons une analyse critique des mesures de promotion du biodiesel envisagées en France en 2010. La première partie a pour objectif de présenter le contexte du développement du biodiesel en France. D'une part, nous présenterons les raisons qui font du biodiesel une solution viable aux problématiques du secteur des transports (pollution et dépendance pétrolière). D'autre part, nous exposerons les controverses relatives aux potentiels du biodiesel. Nous mettrons ainsi en évidence l'importance de consolider les connaissances relatives aux impacts techniques, environnementaux et économiques de la production et de l'utilisation du biodiesel. Enfin, nous présenterons le marché du biodiesel français, ses acteurs et ses caractéristiques. La deuxième partie présente l'approche méthodologique mise en oeuvre afin d'analyser de la demande de biodiesel Après avoir identifié les caractéristiques physicochimiques du biodiesel pertinentes pour la production d'un carburant gazole, nous présentons le modèle de raffinage dans lequel elles sont intégrées. Nous effectuons ensuite le calibrage du modèle de raffinage dans les conditions de l'année 2005 sur lequel sera basée l'analyse de la demande du biodiesel. La troisième partie présente l'analyse de la demande en biodiesel des raffineurs. Elle vise à déterminer les caractéristiques principales de la demande des raffineurs et éva- TION luer la sensibilité de la demande de biodiesel au prix du pétrole brut et l'influence de l'incorporation de biodiesel sur le commerce des produits pétroliers et les émissions de CO2 des raffineries françaises. Première partie Émergence du biodiesel en substitution au gazole Chapitre 1 Contribution du gazole aux problématiques des transports
Dans ce chapitre, nous mettons en évidence la responsabilité majeure du carburant gazole dans les émissions polluantes et la facture pétrolière du secteur des transports, en France, afin de montrer la nécessité de s'intéresser aux alternatives du gazole. 1.1 Contribution du transport à la consommation énergétique de la France
Le secteur des transports est, après le résidentiel-tertiaire, le secteur le plus consommateur d'énergie en France. Il représente à lui seul 33% de la consommation énergétique finale1 en 2004 et consomme, depuis les années 2000, plus de 55% des produits pétroliers utilisés sur le territoire (figure 1.1 ; Boulard, 2007). C'est également un secteur en forte croissance. La part du secteur des transports dans la consommation énergétique finale a gagné 10 points entre 1973 et 2005. C'est aussi le seul secteur à ne pas avoir réduit son intensité énergétique2 depuis 1973 (figure 1.2). 1 La consommation énergétique finale correspond à la consommation totale d'énergie primaire diminuée de la consommation de la "branche énergie" (centrales électriques, raffineries, consommations internes, pertes). 2 L'intensité énergétique sectorielle correspond au rapport de la consommation d'énergie du
Chapitre 1 : Contribution du gazole aux problématiques des transports
Sources : CPDP, Ministère des Transports : DAEI SESP, Observatoire de l'Energie
Figure 1.1 – Part des consommations énergétiques sectorielles et des modes de transports en France en 2004 Figure 1.2 – Intensités énergétiques finales (indice base 100 en 1973) page 29
Chapitre 1 : Contribution du gazole aux problématiques des transports
En effet, les autres secteurs (industrie, tertiaire-résidentiel, agriculture, sidérurgie) ont déjà fortement réduit leur intensité énergétique, ce qui se traduit par des difficultés croissantes de réduction des consommations énergétiques de ces secteurs (cf. pentes convexes des courbes d'intensité énergétique de ces secteurs sur la figure 1.2). Afin d'économiser davantage d'énergie, il devient par conséquent indispensable d'améliorer l'efficacité énergétique des transports et notamment des transports routiers qui représentent 80% la consommation énergétique du secteur depuis le début des années 2000 (cf. figure 1.3). Sources : CPDP, Ministère des transports : DAEI/SESP, Observatoire de l'énergie
Figure 1.3 – Consommations d'énergie du secteur des transports par mode en France (Mtep)
Les faibles variations de l'intensité énergétique des transports ne signifient pas pour autant l'absence de toute amélioration dans l'efficacité énergétique de ce secteur. Néanmoins, cet effet est contrebalancé par le développement en volume des transports. Depuis 10 ans, alors que la circulation totale a augmenté de 14%, la consommation unitaire moyenne des véhicules a été réduite de 9%. Malgré ces évolutions, le transport routier présente un fort potentiel d'économie d'énergie. Il nous faut dorénavant tirer parti de ce potentiel qui jusqu'à aujourd'hui est resté difficile à mettre secteur considéré au produit intérieur brut global. Cet indicateur montre la capacité d'un secteur à limiter sa consommation d'énergie par unité de valeur ajoutée. C'est une mesure de l'efficacité énergétique d'un secteur.
Chapitre 1 : Contribution du gazole aux problématiques des transports
en oeuvre
du
fait de la diversité des usages (transport en commun, individuel, de passagers ou de marchandises), de l'hétérogénéı̈té des motorisations (essence, Diesel, GPL, gaz naturel), de l'atomicité du secteur avec 36 millions de véhicules en circulation en 2005 (poids lourds, véhicules utilitaires et véhicules légers), du manque de substituts techniquement et économiquement viables ou encore de volonté politique. Certaines spécificités du transport routier laissent néanmoins entrevoir des voies d'action. En France, comme en Europe, la caractéristique majeure des transports routiers est la forte diésélisation du parc de véhicules. 1.2 Un transport marqué par le développement du carburant gazole
La développement du carburant gazole3 en France et en Europe date du début du premier choc pétrolier. Alors que dans le reste du monde, l'essence reste le carburant de référence, en Europe l'explosion des transports s'appuie sur le carburant gazole. A partir de son lancement, le carburant gazole ne cessera de voir sa consommation croı̂tre au détriment du fioul lourd puis, à partir des années 1990, de l'essence. Ces années seront marquées par le développement de nouvelles technologies pour moteur Diesel (injection directe et filtres à particules) qui donnèrent une nouvelle impulsion au carburant gazole en France et dans les pays frontaliers : Allemagne, Italie et Espagne (Bensaı̈d, 2004). La diéselisation du parc de véhicules français est également le résultat d'une fiscalité favorable aussi bien à la pompe (taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) avantageuse par rapport à l'essence) qu'à l'achat des véhicules Diesels (carte grise, vignette). Les progrès réalisés et les mesures mises en place contribuèrent, et contribuent toujours, à la prépondérance du carburant gazole en France qui représentait en 2005, 73% de la consommation des carburants routiers (figure 1.4). En France, les poids lourds, les autobus et les véhicules utilitaires légers (VUL) fonctionnent quasi-exclusivement au gazole alors que les véhicules particuliers sont 3 Le gazole est le nom français du Diesel. Il désigne le carburant utilisé dans les moteurs Diesel. Nous distinguerons par la suite le gazole et le gas-oil qui est un constituant du gazole. Chapitre 1 : Contribution du gazole aux problématiques des transports
Source : CPDP, Observatoire de l'énergie
Figure 1.4 – Évolution de la consommation des carburants vehicules et du fioul lourd (en Mtep) équipés à 48% de moteur Diesel (URF, 2006). Pourtant, ramenés au nombre de véhicules, à la consommation et au parcours
moyen
de chaque catégorie, les véhicules particuliers représentent le premier poste de consommation de gazole avec 41% de la consommation totale en 2005, suivis des poids lourds (35%) et des VUL (21%).
Cette tendance à la diéselisation va se poursuivre dans les années à venir car 69% des voitures particulières vendues actuellement sont équipées de moteur Diesel (URF, 2006). Ainsi, le taux de diésélisation des véhicules particuliers, d'une durée de vie maximale de 15 années, pourrait atteindre 51% en 2010 et 67% en 2025 en considérant un écart de TIPP entre l'essence et le gazole équivalent à celui de l'année 2005 (SES, 2005). En résumé, le secteur des transports repose principalement sur le carburant gazole qui représente 56% de la consommation énergétique du secteur qui, de par son expansion, intensifiera encore la consommation du gazole. La substitution du gazole représente par conséquent un levier d'action privilégié pour réduire l'impact du secteur des transports sur l'environnement et la facture pétrolière. Chapitre 1 : Contribution du gazole aux problématiques des transports
Secteur du transport % tot. national ∆ 2004/1990 Transport routier % tot. transport ∆ 2004/1990 Diesel % tot. routier Eutrophisation, acidification, pollution photochimique SO2 (kt) NOx (kt) CO (kt) COVNM (kt) 7 54 34 25 -77 -44 -67 -68 67 89 93 86 -83 -47 -69 -72 85 73 11 21 26 6 18 163 94 98 19 170 71 63 -100 23 0 62 -100 28 0 74 100 73 93 87 88 89 -16 -21 -23 93 97 100 Effet de serre CO2 (Mt) N2 O (kt) Contamination métaux lourds Pb (t) Cu (t) 9 82 Contamination polluants organiques persistants HAP (t) 12 73 Contamination particules en suspension PM10 (kt) PM2.5 (kt) PM1.0 (kt) 13 16 23 -14 -19 -20
Source : CITEPA (2006), p.137
Tableau 1.1 – Pollutions atmosphériques engendrées par le secteur du transport, du transport routier et des véhicules Diesel
1.3 Contribution de la consommation du gazole à la pollution atmosphérique
Les transports contribuent aux émissions de polluants atmosphériques que ce soit par la combustion des carburants ou par l'usure des pneus, des routes, des freins qu'entraı̂nent leur utilisation. Les substances ou particules émises dans l'atmosphère provoquent des pollutions de natures diverses (acidification, eutrophisation, pollution photochimique, effet de serre, contamination par les métaux lourds, par les polluants organiques persistants, ou encore par des particules en suspension, tableau 1.1). Si toutes ces substances ont un effet négatif sur l'environnement et/ou sur l'homme, certaines font l'objet d'une attention particulière du fait de la croissance de leurs concentrations, mais également de la connaissance des effets néfastes qu'elles entraı̂nent. Les polluants les plus préoccupants ont fait l'objet 'une réglementation. Des normes imposent des critères de qualité en termes de composition des carburants ou d'émissions de véhicules garantissant des niveaux d'émissions restreints des polluants visés. C'est grâce à ces normes que, depuis les années 1990, d'importants
Chapitre 1 : Contribution du gazole aux problématiques des transports
progrès ont été effectués pour réduire les émissions de particules en suspension, de plomb (Pb), du monoxyde de carbone (CO), des oxydes d'azote (NOx), des particules en suspension (notées PM en anglais pour Particule Matter), du soufre (S) et des hydrocarbures imbrûlés (HC) dans les transports. Figure 1.5 – Évolution de la réglementation des émissions de véhicules particuliers
Diesel Par ailleurs, les transports sont la première source d'émission de gaz à effet de serre (GES) en France avec 140 millions de tonnes équivalent CO2, soit le quart des émissions nationales. C'est aussi le secteur qui montre la plus forte croissance notamment pour le N2 O qui présente un pouvoir de réchauffement global5 296 fois supérieur au 4 5 EPEFE : European programme on emissions, fuels and engine technologies Le Pouvoir de réchauffement global (PRG) est un indice permettant d'évaluer la contribution
Chapitre 1 : Contribution du gazole aux problématiques des transports
CO2. Malgré l'importance de l'impact du transport sur l'effet de serre, aucune réglementation ne limite les émissions des gaz qui en sont à l'origine. Toutefois, sous l'impulsion de la Commission Européenne, les constructeurs automobiles présents sur le marché européen6 se sont engagés dès 1998 à limiter les émissions de CO2 de leurs véhicules particuliers. En 2005, les constructeurs avaient réduit leurs émissions de CO2 de près de 14%, leurs objectifs étant d'atteindre une émission moyenne de 140 gCO2 /km en 2009 contre 154 gCO2 /km en 2004 (figure 1.6). Source : Catania (2005)
Figure 1.6 – Évolution du taux moyen d'émissions de CO2 en France depuis 1995
Les émissions d'autres polluants sont tout aussi préoccupantes que les émissions de GES du fait de la part croissante des transports dans leurs émissions globales. Évoquons notamment les émissions d'hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), potentiellement cancérigènes7. Le tableau 1.1 montre que les émissions du secteur des transports sont en grande partie générées par le transport routier. Pour ce qui est des gaz à effet de serre, la quasi-totalité sont émis par les transports routiers et notamment par les véhicules Diesel. La part des véhicules Diesel dans les émissions de GES reflète à peu près la part de la consommation de gazole dans les transports (soit 70%, URF, 2006). Notons toutefois que les moteurs Diesel émettent moins de GES que les moteurs essences pour une même distance parcourue. En effet, bien que la combustion d'un relative au réchauffement climatique de l'émission d'1 kg de GES par comparaison avec l'émission d'1 kg de CO2 (PRG=1) pendant une période de 100 ans. 6
Appar
tenant
à 99% à l'Association des Constructeurs Européens d'Automobiles (ACEA), des constructeurs coréens (KAMA) et des constructeurs japonais (JAMA)
7 Fumées classées cancérigènes probables (classe 2A) par le Centre International de Recherche contre le Cancer (CIRC)
Chapitre 1 : Contribution du gazole aux problématiques des transports
litre de gazole se traduise par l'émission de 2,60kg de CO2 contre 2,35kg de CO2 par litre d'essence. En ramenant ces émissions au pouvoir énergétique volumique des carburants et au rendement des moteurs, les moteurs Diesel émettent moins de CO2 par kilomètre parcouru que les moteurs essence (de 15% avec un mot eur à injection indirecte à 24% avec un moteur à injection directe) (URF, 2006). La diésélisation du parc de véhicules est parfois considérée comme un moyen de réduire les émissions de GES du secteur des transports d'un pays. Toutefois, la production de gazole et celle d'essence étant indissociables8, l'accroissement de la consommation de gazole dans un pays induira inévitablement un accroissement de la consommation d'essence dans un autre pays. Par ailleurs, pour favoriser la diésélisation de son parc de véhicules, il faut être en mesure de développer son approvisionnement en carburant gazole. Point qui devient critique en France et en Europe qui limitera tôt ou tard le développement des véhicules Diesel. 8 A technologie donnée, la production d'essence est directement proportionnelle à la production de gazole. C'est ce que l'on désigne par le terme de production jointe
Chapitre 1 : Contribution du gazole aux problématiques des transports Encadré : Technologies moteurs et reformulation carburant pour réduire les émissions de polluants
Les normes EURO ont largement conditionné le développement de technologies innovantes pour véhicules ainsi que le traitement des carburants en raffinerie. Technologies moteurs Les technologies véhicules visent à améliorer les conditions de combustion et traiter les polluants après la combustion à l'aide de filtres. Pour les moteurs à essence les pots catalytiques trifonctionnels permettent depuis 1992 de réduire les émissions de CO, de composés organiques volatiles non méthanique (COVM) et de NOx. Les pots catalytiques d'oxydation des moteurs Diesel permettent quant à eux de réduire les émissions de particules, de COVM ainsi que de CO depuis leur introduction en 1997. De plus, les conditions de combustion ont fortement progressé avec l'apparition de l'injection directe en 1992. Cette technologie a permis d'améliorer la précision du dosage des carburants ainsi que la pulvérisation des carburants permettant ainsi de réduire les émissions de polluants à l'exception des NOx pour les moteurs Diesel (Source : site CCIP). Le développement de l'électronique embarquée a également contribué à optimiser l'injection, l'allumage et l'alimentation en air du moteur. De nouvelles technologies sont aujourd'hui à l'épreuve pour permettre aux moteurs Diesel une combustion plus homogène et aux moteurs à essence une combustion plus complète. Pour les moteurs Diesel la combustion HCCI (Homogeneous Charge Compression Ignition), les systèmes d'injection multiple et la turbo-suralimentation devraient voir le jour d'ici à et pour les moteurs à essence l'injection directe devrait se développer d'ici à 2010 et la combustion par auto-inflammation (CAI) en 2015-2020. Bien que ces technologies permettent des gains en consommation de 25% à 30% par rapport aux moteurs actuels, il est nécessaire de les coupler avec de nouvelles technologies de post-traitement (pièges à NOx, réduction catalytique sélective) afin de répondre aux limites réglementaires d'émissions de polluants envisagées (MINEFI, 2006b). Reformulation carburant D'autres polluants sont directement liés à la composition des carburants. Le meilleur moyen de diminuer les émissions de polluants associées à ces constituants est de réduire leur teneur dans les carburants. De même, la qualité de la combustion peut être améliorée en jouant sur certaines caractéristiques du carburant. Chapitre 1 : Contribution du gazole aux problématiques des transports 1.4 Contribution du gazole à la facture pétrolière de la France
La facture pétrolière de la France s'élevait en 2006 à 37 milliards d'euros, soit 2,6% du PIB. Elle était en augmentation de 16% par rapport à l'année 2005 et se rapproche du niveau qu'elle avait au moment du premier choc pétrolier (cf. figure 1.7). Source : MINEFI, 2006a
Figure 1.7 – Évolution de la facture énergétique déclinée par type d'énergie (en MC2006)
La Commission Européenne estime que, d'ici une vingtaine d'années, l'Union Européenne couvrira ses besoins énergétiques à 70% par des produits importés contre 50% en 2000 (Commission Européenne, 2000). Cette situation devrait accroı̂tre la facture pétrolière de la France et menacer la sécurité d'approvisionnement énergétique de l'Europe étant donné que la grande majorité des importations se font hors Union Européenne. Cette situation de dépendance pétrolière rend l'Union Européenne vulnérable à une rupture d'approvisionnement et ne cesse d'accroı̂tre la facture
Chapitre 1 : Contribution du gazole aux problématiques des transports pétrolière
du fait de l'augmentation des cours du pétrole et de leurs volatilités. Le niveau de la facture pétrolière résulte non seulement d'un effet prix mais aussi d'un effet volume sur 1) les importations et exportations des produits pétroliers9 et 2) les importations de pétroles bruts nécessaires à la fabrication de ces produits pétroliers. Le commerce extérieur des produits pétroliers est faible comparé à celui des pétroles bruts. Il ne compte que pour 10% de la facture pétrolière. L'importance des importations françaises de gazole (6,3 Mds d'euros pour 15,1 Mt) sont faiblement compensées par les exportations d'essence (4,5 Mt pour 1,8 Mds d'euros) et de fioul lourd (8,6 Mt pour 1,5 Mds d'euros). Ce déséquilibre est dû à un outil de raffinage français inadapté à la forte demande en carburant gazole de la France. En effet, les raffineries françaises ont été initialement dotées d'unités de craquage catalytique (FCC) qui favorisent la production d'essence. Depuis 1996, malgré le déséquilibre qui s' installé au rythme de la diésélisation du parc et de la hausse de la demande de carburants, les raffineurs ont peu investi dans des unités de conversion permettant de rétablir l'équilibre en faveur du gazole. L'investissement annuel atteignait 200 à 300 millions d'euros jusqu'en 2002 et a augmenté jusqu'à 900 millions d'euros en 2005 suite à l'investissement de la société TOTAL dans la construction d'une unité d'hydrocraquage10 (MINEFI, 2005). Cette unité de 2,4 millions de tonnes a permis d'accroı̂tre, en 2006, la production de gazole sans soufre de 1,3 millions de tonnes sans augmenter l'approvisionnement en brut (Lavarène, 2004). Ces investissements sont toutefois insuffisants pour répondre à la demande française de gazole et fioul domestique, dont les importations devraient croı̂tre dans les années à venir. Chapitre 1 : Contribution du gazole aux problématiques des transports
tité des raffineries (21 Mt CPDP, 2005). Toutefois, comme la production de gazole s'accompagne obligatoirement de la production d'autres produits pétroliers (productions jointes), il n'est pas possible d'attribuer le quart des coûts de l'importation de pétrole brut à la seule production de gazole. Dans le cadre d'une production jointe, la réduction des importations de pétrole brut aurait pour conséquence de réduire la production de l'ensemble des produits pétroliers issus du raffinage. Par conséquent, les raffineurs préféreront réduire leurs importations de produits finis, sur lesquels ils dégagent une marge plus faible, plutôt que de jouer sur leur approvisionnement en brut. La réduction de la facture pétrolière passera dans un premier temps par la réduction des imports de produits finis et notamment de gazole qui représente le premier poste d'importations et dont la moitié provient de pays situés en dehors de l'Union Européenne. Face aux enjeux environnementaux et économiques que représentent les transports, l'Union Européenne et la France ont cherché à développer les stratégies d'action les plus efficaces permettant de réduire les impacts des transports sans limiter la mobilité des personnes et des marchandises. Dans ce chapitre, nous avons mis en évidence l'enjeu majeur du secteur des transports dans la réduction de la dépendance énergétique pétrolière de l'Union Européenne. Deuxième secteur de consommation énergétique en France, les transports ont un rôle non négligeable dans bon nombre de pollutions atmosphériques à l'échelle nationale. Une intensité énergétique stable depuis près de 30 ans montre que les actions entreprises jusqu'ici ont été justes suffisantes pour ne pas accroı̂tre l'impact des transports. La prépondérance du carburant gazole dont la production est déficitaire en France et en Union Européenne semble toutefois ouvrir une voie d'action privilégiée. Le développement d'un carburant de substitution au gazole produit au sein de l'Union Européenne –pour réduire la dépendance énergétique– et qui présente un impact environnemental réduit représenterait une solution idéale aux problèmes posés par le secteur des transports. Nous allons maintenant voir dans quelle mesure le biodiesel peut répondre aux problématiques des transports.
Chapitre 2 Intérêt du biodiesel comme substitut au gazole
Ce chapitre a pour ambition de montrer quels sont les intérêts techniques, économiques et environnementaux du biodiesel par rapport aux problèmatiques des transports que nous venons de soulever. 2.1 Quelles solutions pour le transport routier?
Développer des solutions pour réduire la consommation énergétique des véhicules ainsi que leurs impacts sur l'environnement est un des enjeux majeurs du transport routier. C'est pourquoi, en 1998, l'Union Européenne préconise un certain nombre de solutions pour répondre à ces deux problématiques (Commission Européenne, 2001) : 1. améliorer l'efficacité énergétique des carburants pétroliers et des moteurs, 2. promouvoir les carburants de substitution, 3. améliorer la fluidité des transports, 4. éduquer et sensibiliser la population, 5. promouvoir les transports en commun et en développer de nouveaux, 6. créer une nouvelle culture de la mobilité. S'il est nécessaire de mener ces actions en parallèle, elles n'ont pas toutes le même potentiel de réduction de la consommation énergétique et des émissions polluantes
Chapitre 2 : Intérêt du biodiesel comme substitut au gazole des transports à court, moyen et long termes. Comme le souligne le Comité interministériel pour les véhicules propres (CIVP), à moyen terme, "les modes alternatifs à l'utilisation du véhicule (points 5,6) ne peuvent répondre à tous les besoins de déplacement, en milieu urbain comme à l'extérieur des agglomérations"(CIVP, 2003). De plus, le développement de nouveaux carburants et de nouvelles technologies véhicules est confronté à six obstacles majeurs (Romm, 2006
)
: 1. premier
s véhicules coûteux
à la
production et
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l
'achat, 2. limites spatiales du
stock
age
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de la nouvelle technologie, 4. coût
s
du carburant élevé, 5. réseau limit
é
de stations services adaptées (dilemme de l'oeuf et de la poule), 6. potentiel de progrès de
cette technologie. Pour se développer et se diffuser, les nouveaux carburants et/ou technologies véhicules doivent non seulement contribuer à réduire la consommation énergétique et les émissions polluantes, mais aussi faire face aux obstacles précédents. Or, rappelons que la mise en place de nouvelles technologies véhicules nécessite environ 8 ans pour pénétrer la moitié du parc automobile français et une quinzaine d'années pour se généraliser (d'après les données du parc automobile français en 2005, URF, 2006). Le développement d'une énergie de substitution qui peut s'utiliser pure ou en mélange dans les moteurs Diesel et/ou essence actuels permettrait de contourner les obstacles évoqués, à l'exception du coût élevé du carburant. Chapitre 2 : Intérêt du biodiesel comme substitut au gazole Encadré : La notion de biocarburants Une définition juridique des biocarburants
En 2003, la Commission européenne propose une définition juridique des biocarburants afin d'établir une politique de promotion des biocarburants en Europe. Elle précisera les notions précédentes dans l'article 2 de la directive européenne 2003/30/CE : "Un biocarburant est un combustible liquide ou gazeux utilisé pour le transport et produit à partir de biomasse. La biomasse est la fraction biodégradable des produits, déchets et résidus provenant de l'agriculture (y compris les substances végétales et animales), de la sylviculture et de ses industries connexes, ainsi que la fraction biodégradable des déchets industriels et municipaux." Elle a cité, de façon non exclusive, dix produits pouvant être considérés comme biocarburants. Il est important d'en connaı̂tre les définitions précises. – "bioéthanol" : éthanol produit à partir de la biomasse et/ou de la fraction biodégradable des déchets et utilisé comme biocarburant ; – "biodiesel" : ester méthylique de qualité diesel produit à partir d'une huile végétale ou animale à utiliser comme biocarburant ; – "biogaz" : gaz combustible produit à partir de la biomasse et/ou de la fraction biodégradable des déchets, purifié jusqu'à obtention d'une qualité équivalente à celle du gaz naturel et utilisé comme biocarburant, ou gaz produit à partir du bois ; – "biométhanol" : méthanol produit à partir de la biomasse, à utiliser comme biocarburants ; – "biodiméthyléther" : diméthyléther produit à partir de la biomasse, à utiliser comme biocarburant ; – "bio-ETBE" (éthyl-tertio-butyl-éther)' : ETBE produit à partir de éthanol. Le pourcentage en volume de biocarburant dans le bio-ETBE est de 47 – "bio-MTBE" (méthyl-tertio-butyl-éther)' : un carburant produit à partir de biométhanol. Le pourcentage en volume de biocarburant dans le bio-MTBE est de 36 – "biocarburants synthétiques" : hydrocarbures synthétiques ou mélanges d'hydrocarbures synthétiques produits à partir de la biomasse ; – "biohydrogène" : hydrogène produit à partir de la biomasse et/ou de la fraction biodégradable des déchets et utilisés comme biocarburant ; – "huile végétale pure" (HVP) : huile produite à partir de plantes oléagineuses par pression, extraction ou procédés comparables, brute ou raffinée, mais sans modification chimique, dans les cas où son utilisation est compatible avec le type de moteur concerné et les exigences correspondantes en matière d'émissions.
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CHAPITRE ii : La pêche à pied, du métier au loisir
Fig. 1 : Schéma de répartition des groupes de pêcheurs à pied sur l'estran de l'ouest de la baie du Mont-Saint-Michel.
Les pêcheurs à pied locaux et du pays sont les seuls acteurs « ubiquistes » de l'estran, c'est-à-dire susceptibles d'être rencontrés absolument partout dans la baie. Ils sont en relation constante avec les autres groupes d'utilisateurs, particulièrement les conchyliculteurs, ce qui confère aux plus âgés d'entre eux un regard aiguisé et intergénérationnel sur l'évolution des milieux, des acteurs et des activités dans la baie. 2.1.1 Les pêcheurs locaux
Les pêcheurs locaux résident dans les communes littorales et infralittorales de la baie, dans une ceinture restreinte d'environ 10 km depuis le rivage, à proximité des lieux de pêche ; ce sont des riverains de la côte et des gens des terres. Les pêcheurs à pied qui entrent dans la catégorie des locaux regroupent une large palette d'acteurs, dont le rapport à la baie s'appuie sur une proximité géographique, une expérience ancienne et une fréquentation assidue de l'estran. Il n'est guère apprécié en ce qui les concerne de parler d'une pêche de loisir, terme trop souvent associé à l'idée de vacances ou de tourisme. Les locaux sont pourtant (à l'instar des autres groupes), majoritairement des plaisanciers aujourd'hui pour qui la pêche à pied n'est pas ou plus essentielle économiquement, comme cela a pu être le cas jusque dans les années 1980, au contraire des pêcheurs professionnels actuels, locaux également, mais qui sont minoritaires. Le nombre de pêcheurs locaux tendrait à diminuer selon les principaux intéressés, alors que les autres groupes voient leur population augmenter. En regroupant les données issues de l'Administration maritime concernant les pêcheurs à pied professionnels (les seules données chiffrées exactes), les témoignages des pêcheurs sur les professionnels non déclarés, le nombre d'adhérents fluctuant des associations de 70 CHAPITRE ii : La pêche à pied, du métier au loisir pêcheurs à pied, et les informations issues des enquêtes et des observations de terrain, la population des pêcheurs locaux peut être estimée à près de 200 pêcheurs réguliers, parmi lesquels il faut compter 30 professionnels déclarés. Les pêcheurs locaux non professionnels sont majoritairement des personnes âgées de de 60 ans. Il s'agit principalement d'une population d'hommes retraités, ayant pour la plupart exercé leur activité professionnelle dans la baie ou aux alentours. Certains n'ont quitté la baie que pour accomplir leurs obligations militaires, dans la Marine bien souvent, avant d'y revenir. Les pêcheurs retraités viennent en pleine semaine alors que les actifs, plutôt en fin de semaine, même si certains s'octroient des jours de congés lors des grandes marées. Le sous-groupe des locaux marins rassemble les pêcheurs à pied professionnels, les anciens pêcheurs à pied professionnels, les marins ou anciens marins, quelques conchyliculteurs, ainsi que les exploitants de pêcheries fixes en bois. 71 CHAPITRE ii : La pêche à pied, du métier au loisir
Les pêcheurs locaux sont les seuls à pêcher de tout, poissons, crustacés, autant que les coquillages. Plusieurs espèces ont cependant leur faveur, par tradition familiale ou locale. Il s'agit d'espèces dont la pêche est difficile parce que leur habitat est situé bas sur l'estran, pêche réservée à ces gens de métier pour qui la crevette grise et l'huître plate, espèces les plus appréciées, symbolisent la tradition de la pêche à pied dans la baie. La longue expérience qu'ils ont, souvent héritée de leurs parents et grands-parents, permet aux pêcheurs locaux de cibler des espèces particulières et de rentabiliser leur présence sur l'estran. Ceux des pêcheurs locaux marins qui ont pratiqué la pêche de manière professionnelle en conservent des savoirs et des outils spécifiques à chaque type d'espèce. --La plate c'est une tradition, un patrimoine. Elle a toujours fait partie de la baie, pas comme d'autres espèces qui sont venues plus tard, comme l'huître creuse. C'est la pêche que faisaient déjà nos parents, nos grands-parents, c'est lié aux habitants de la baie.
Pêcheur à pied
, 2009 Si les pêcheurs locaux non professionnels pêchent quelques palourdes, ce n'est pas l'espèce la plus recherchée. Presque trop facile, ils préfèrent la pêche des praires, moins atteignables, donc plus valorisées. Les outils employés par les locaux sont divers et plusieurs sont spécifiques. Plusieurs sont la copie de ceux qu'utilisaient leurs parents autrefois, tant ceux-ci avaient su les adapter à ce milieu si particulier et les rendre « efficaces ». Les locaux marins sont également les seuls à pêcher poisson à l'aide d'outils qu'ils ont appris à manipuler très jeunes. Fréquentant la baie toute l'année, sans distinction saisonnière, mensuelle ou hebdomadaire, la présence des locaux marins est plus intense que celle des terriens. L'ancienneté de leur pratique de pêche à pied leur permet cependant à tous, locaux marins et terriens, de juger assez finement les changements de milieux, d'espèces ou d'activités qu'ils constatent dans la baie. Les marins pratiquent ou ont pratiqué la pêche professionnelle dans des conditions parfois difficiles et n'hésitent donc pas à sortir par tous les temps. --Pluie, vent, neige, grêle, n'importe quoi, on se disait qu'il ne faisait pas beau, qu'il n'y allait rien y avoir, mais il y avait toujours un sursaut d'énergie qui me poussait à y aller. Souvent il n'y avait rien, mais on y allait quand même des fois qu'il y aurait une belle pièce. Aujourd'hui c'est plus difficile parce que je suis vieux, mais souvent même s'il pleut j'y vais.
Pêcheur à pied, 2008
Les locaux terriens qui ont une connaissance précise de l'estran basée plus sur la fréquentation ancienne qu'ils en ont que par attirance particulière pour ce milieu, vont moins fréquemment que les marins pêcher la crevette au bas de l'eau ou pêcher des huîtres plates en aval du Banc des Hermelles. Certains locaux terriens qui vivent à plusieurs kilomètres dans les terres n'hésitent pas à se rendre en tracteur sur l'estran, même sans autorisation de l'administration, créant parfois des tensions avec les pêcheurs locaux marins. --Je trouve bizarre que les fermiers se permettent de venir comme ça sur la grève. Nous si on allait chez eux piquer des choux-fleurs ou des asperges, je ne pense pas qu'ils seraient 72 CHAPITRE ii : La pêche à pied, du métier au loisir d'accord, parce qu'il faut voir le nombre de fermiers qui débarquent avec les tracteurs! Il n'y aurait que les gens de chez nous, de la côte qui se déplacerait, ça ferait beaucoup moins de monde. Donc beaucoup moins d'engins. Parce que ces gens ont tout le matériel, ils arrivent déjà de chez eux, alors moi aussi je prends mon tracteur et je vais faire mon marché dans leur champ.
Exploitant de pêcherie, 2009
Ce phénomène, conjugué à l'utilisation des tracteurs par les professionnels de la conchyliculture et par les locaux détenteurs d'autorisations amènent à penser que « la grève est devenue l'autoroute de tracteurs de plus en plus puissants, qui la traversent dans tous les sens » (Le Bellec et Henri, 1999 : 87), et dont les impacts sur le milieu et la ressource peuvent s'avérer désastreux. La principale différence entre marins et terriens est que pour les premiers la pêche demeure un métier, qui garde une valeur identitaire certaine, et que le produit de la pêche tient une fonction économique, alors que pour les seconds ces trois caractéristiques sont soit séparées, soit beaucoup moins affirmées. La pêche à pied que pratiquent les terriens n'a pas la même fonction et donc valeur que celle pratiquée par les marins. 73 CHAPITRE ii : La pêche à pied, du métier au loisir à la fin des année
s 1970
.
Avant l'arrivée des palourdes, le dernier gisement exploité professionnellement était celui des moules du Banc des Hermelles, alimenté par la mytiliculture toute proche (Legendre et Schrike, 1998). En 1980, les moules du Banc des Hermelles étaient exploitées par une trentaine de professionnels encore (Legendre, 1980), mais l'appauvrissement progressif des moulières a mis fin à cette exploitation dont le rendement n'était plus que de quelques tonnes entre 1973 et 1988 (Le Mao et Gerla, 1999). Actuellement, les pêcheurs à pied professionnels exploitent de manière presque exclusive les palourdes à l'ouest de la baie. Les professionnels, catégorie la plus contrôlable et la moins étendue de pêcheurs à pied dans la baie, suivent des règles spécifiques d'exploitation et sont conscients de la nécessité de préserver la ressource pour maintenir leur activité. Ils ne se restreignent pas dans leurs déplacements, et exercent leur activité sur tout le littoral français, recherchant l'efficacité avant tout. Jusqu'à présent, aucune tension n'a été observée dans la baie entre professionnels et plaisanciers, contrairement à ce qui a pu se développer autour de la pêche à pied de la palourde dans le golfe du Morbihan (Lesueur et al. 2003). Le nombre de permis de pêche à pied délivrés annuellement par les autorités maritimes d'Ille-et-Vilaine a augmenté de 18 en 2002 à 30 depuis 2006. Les pêcheurs professionnels actuels sont des jeunes, âgés de 25 à 45 ans qui se sont engagés dans cette profession pour des raisons économiques, et qui exercent parfois un autre métier en parallèle. --Moi je me suis mis aux palourdes parce que je ne gagnais pas assez [] Je suis dans le bâtiment, des fois il y a des chantiers, d'autre fois non. Alors quand il y a des crédits, il faut bien rembourser. Avec les palourdes, j'arrive à joindre les deux bouts.
Pêcheur à pied professionnel, 2009
En 2009, le Comité Local des Pêches de Saint-Malo a délivré 29 licences de pêche à pied de palourdes à des professionnels10. Quelques pêcheurs à pied n'ayant pas obtenu de licence de pêche à la palourde estiment être victimes d'une injustice, ce qui n'empêche pas certains d'entre eux de s'acquitter d'un commerce juteux par des circuits parallèles. 74 CHAPITRE ii :
La pêche
à pied
, du métier au loisir pêcheurs professionnels dans la baie12
, soit un rendement moyen de 9,2 tonnes de palourdes par pêcheur et par mois. Il est, par conséquent, tout à fait plausible d'envisager qu'en 2009, entre 350 et 450 tonnes de palourdes aient été ramassées dans la baie, pêche professionnelle et plaisancière confondues. Les mois de juillet et août sont en effet les plus pêchés avec en moyenne 30 tonnes de palourdes, auxquelles il faut ajouter une estimation au moins équivalente pour la pêche des plaisanciers, particulièrement des pêcheurs touristes nombreux à cette époque de l'année. Qu'ils soient administrativement reconnus comme professionnels ou non, les pêcheurs locaux pratiquent une pêche à pied « efficace », et qui reflète le passé de cette activité dans la baie. Aujourd'hui, bien que la pêche à pied soit majoritairement pratiquée dans le cadre d'une activité de plaisance, elle représente bien plus qu'un hobby ou un simple métier. Pour les locaux, il s'agit d'une pratique traditionnelle, qu'ils ont « presque dans les gènes » (Chlous-Ducharme, 2005 : 4). C'est un travail, même pour ceux qui ne l'exercent pas professionnellement ; pour beaucoup, la pêche à pied locale est le dernier témoin de la baie nourricière d'autrefois pour l'ensemble de la population riveraine. --C'est viscéral pour nous. On a besoin d'y aller. Quand on ne peut pas pour x raisons, on est malheureux. Alors quand on y est, on râle, on gueule, on s'énerve parce qu'il faut refaire les filets, parce qu'on est trempé, mais au final on est content d'y être allé.
Pê
cheur
Les pêcheur
locaux terriens ne s'approprient toutefois pas l'estran comme leurs homologues marins qui eux, se créent de vrais territoires de pêche, qu'ils soient professionnels ou non. 2.1.2 Les pêcheurs du pays
Cette appellation désigne les pêcheurs qui résident dans la région, à plus de dix kilomètres du rivage généralement, parfois dans les agglomérations et leurs alentours : Saint-Malo, Coutances, Dinan, Fougères, Combourg, Villedieu-les-Poêles, et même Rennes ou Saint-Lô. Une des principales différences entre ces pêcheurs et ceux du groupe précédent est la fréquentation de la baie, logiquement moins assidue que celle des locaux. Les pêcheurs du pays viennent essentiellement à l'occasion des grandes marées, mais pas uniquement. Certains profitent de jours de congés, des fins de semaine et/ou de conditions météorologiques favorables pour venir passer quelques heures sur la grève. Comme ceux du premier groupe, les pêcheurs du pays sont majoritairement des personnes retraitées, dont l'âge et la santé leur permettent encore de parcourir quelques dizaines de kilomètres, en voiture ou en tracteur pour se rendre sur les grèves de la baie. Les pêcheurs du pays regroupent également de nombreux actifs, généralement compris dans une tranche d'âge évaluée entre 40 et 60 ans, et plus rarement quelques trentenaires. Bien qu'ils n'habitent pas (ou plus) les rivages de la baie, la passion pour cette activité qu'ils ont pratiquée très jeune, mais que leurs
12 Le
stock
de palourdes
pêchées dans la Rance
s'élève
à 20,5 tonn
es
, soit un total moyen
de
256
tonnes de palourdes pêchées à pied dans tout le département d'Ille-et-Vilaine en 2009 (Source : DDAM 35)
75 CHAPITRE ii : La pêche à pied, du métier au loisir obligations professionnelles ou familiales ont poussés à mettre entre parenthèse, est une des principales raisons les amenant à venir pêcher. --Moi j'y v très jeune avec mon grand-père, qui habitait à Roz. Et puis après les études, le boulot, la famille, l'éloignement, tout ça a fait que je n'ai pas pratiqué pendant longtemps, mais j'essayais de venir quand même assez souvent. Maintenant j'ai déménagé, je me suis rapproché, donc c'est beaucoup plus pratique.
Pêcheur à pied, 2009
Les hommes sont également majoritaires parmi les pêcheurs à pied du pays, néanmoins de façon moins importante que pour le premier groupe de pêcheurs. L'éloignement de la baie par rapport au lieu de résidence pourrait avoir un rôle dans ce constat. --Ma femme m'accompagne toujours. Comme on est que tous les deux, elle n'aime pas que je sois seul dans la baie, alors elle vient avec moi. Pêcheur à pied, 2006 --Moi je reste par là et puis lui il descend plus bas. Il cavale comme un lapin, mais je le suis toujours des yeux, on ne sait jamais. Et puis vous savez, comme on a de la route pour rentrer, je préfère qu'on soit deux dans la voiture, plutôt que lui tout seul.
Pêcheuse à pied,
2006
La population des pêcheurs à pied du pays peut s'estimer entre 400 et 800 individus venant plusieurs fois dans la baie pour y pêcher, au regard de l'étendue de la zone considérée comme le pays. Sachant que la population des pêcheurs à pied est très différenciée quant à ses pratiques, ne fréquente jamais la baie au même moment, et que la zone étudiée est très vaste, cette variation nous paraît la plus plausible. Parmi les pêcheurs du pays, les terriens et les marins affichent des différences moindres que dans le premier groupe : elles concernent principalement les zones exploitées et donc la connaissance de la baie. Les marins sont ceux ayant eu, à un moment donné de leur existence, un lien fort avec le milieu maritime (marins de commerce, marins militaires, marins pêcheurs) ou travaillant encore dans ce milieu (ouvriers ostréicoles ou mytilicoles, fonctionnaires dans l'Administration maritime, etc.). Les terriens rassemblent des agriculteurs des bassins versants de la baie, des ouvriers, des enseignants, des employés de bureau. Le temps qu'ils ont à consacrer à leur activité détermine leur position sur la grève : s'ils ne viennent que pour une heure ou deux, après le travail, les pêcheurs du pays marins restent en haut des grèves. À l'inverse, s'ils ont du temps, et que la marée tombe un samedi ou un dimanche, ils descendent bas sur l'estran. Dans ces cas- , leur position sur l'estran se confond aisément avec celle des locaux terriens. La connaissance des lieux des premiers est liée à l'expérience qu'ils ont du milieu marin tandis que celle des seconds découle de leur proximité géographique et leur fréquentation assidue de la baie. Les pêcheurs du pays marins parcourent donc alternativement les différents secteurs des grèves, n'hésitent pas à parcourir plusieurs kilomètres sur l'estran, et pratiquent aussi des pêches faciles, plus accessibles. Les pêcheurs du pays terriens eux, restent la plupart du temps en haut des grèves, peu importe le temps qu'ils consacrent à la pêche, et descendent rarement à plus de trois kilomètres du rivage. La pêche à pied peut encore être salutaire pour des familles du pays en difficultés financières, et dont des parents résident encore dans les communes proches du rivage. Elles acquièrent grâce à cette activité de quoi assurer des fins de mois difficiles. Il ne faut cependant pas confondre ce type d'exploitation nourricière avec les circuits officieux de reventes organisées qui ont toujours existé, mais qui tendent à se structurer davantage dès lors que de nouvelles ressources sont exploitées. Ainsi, comme cela a déjà pu être souligné dans la baie des Veys (Secula, 2005), des pêcheurs qui ne vivent pas sur le rivage, des gens du pays, s'improvisent parfois professionnels pour répondre à des demandes émanant de mareyeurs ou de restaurateurs des terres. --[] malheureusement, il y a ceux qui abusent, il y a ceux qui pêchent pour quelqu'un l'autre jour il y a un gars, il s'en allait avec une petite camionnette, et il tombe en panne. C'était derrière Avranches, je crois. Il s'est trouvé que la gendarmerie passe, et le gars explique que la camionnette est en panne et ne veut plus démarrer. Et les gendarmes lui demande « qu'est ce que vous avez dans le coffre? », et le gars répond qu'il revient de la pêche ils regardent et lui demandent si la pêche est à lui Il avait 350 kg de palourdes. Il s'est fait allumer. Il avait des gars qui grattaient pour lui dans la baie, lui-même il pêchait, et il allait revendre ça, je ne sais pas où, mais c'est sûr qu'il avait de la demande.
Pêcheur à pied, 2008
Les pêcheurs du pays appartiennent en effet à des milieux modestes, et confèrent à la pêche à pied un statut qui se situe entre le loisir et l'activité traditionnelle. Dans tous les cas, la pêche à pied est décrite comme une partie de plaisir. Leur présence dans la baie est suffisante pour percevoir des changements significatifs dans le milieu ou la ressource, d'autant plus que leurs visites espacées rendent ces variations plus perceptibles. Leur pratique se fonde sur une expérience acquise au fil des années auprès de leurs parents ou de pêcheurs locaux. 2.1.3 Les pêcheurs touristes
Les pêcheurs touristes sont ceux qui ne connaissent pas la baie ou n'y viennent qu'une fois par an, au moment des grandes vacances le plus souvent. Pêcheur touriste ne désigne pas forcément des personnes n'ayant aucune connaissance de la pêche à pied, certains d'entre eux pratiquant fréquemment cette activité sur d'autres rivages. L'utilisation de l'appellation touristes par les pêcheurs à pied des deux premiers groupes leur permettent de désigner les populations saisonnières qui pratiquent la pêche à pied à titre de loisir uniquement, et surtout qui ne connaissent pas la baie du Mont-Saint-Michel et encore moins son estran. La pêche à pied a longtemps été réservée aux pêcheurs locaux et du pays, qui connaissent la grève et ses dangers, et la façon de s'y mouvoir et d'y pêcher pour en tirer le meilleur parti. La baie a toujours suscité une grande crainte, relayée par les récits dramatiques de noyades, de sables mouvants, de brouillard soudain et de perte de repères, n'incitant pas les « étrangers » à s'y aventurer. Pendant des décennies et jusqu'à récemment, seules les plages sablonneuses situées au sud de Granville, bien plus accueillantes que les grèves vaseuses bretonnes, attiraient des pêcheurs à 78 CHAPITRE ii : La pêche à pied, du métier au loisir pied touristes. Aujourd'hui, de plus en plus de pêcheurs touristes viennent pêcher des palourdes sur l'estran breton de la baie. Certains vacanciers viennent en villégiature dans la baie uniquement pour pratiquer la pêche à pied (notamment des couples de jeunes retraités) : dans ce cas, ils sont certes perçus comme des touristes par les locaux même s ils n'en sont pas à leur première expérience de pêche à pied. Si les deux groupes précédents regroupaient essentiellement des pêcheurs issus de milieux modestes, toutes les classes sociales sont représentées dans cette troisième catégorie : du cadre à l'ouvrier, de l'actif au retraité, du jeune au vieux. Le spectre des catégories socioprofessionnelles en pêche à pied touristique est très large ; on peut toutefois noter une majorité d'ouvriers, d'employés ou de cadres moyens, les cadres supérieurs étant en revanche plus nombreux à pratiquer la pêche côtière en bateau (Seillier, 1998). La pêche à pied est pratiquée tant par des hommes que par des femmes (Aunis, 2005 ; Secula, 2005). D'une manière générale, les pêcheurs touristes appartiennent à des catégories d'âge moins élevées que les pêcheurs locaux et du pays. Les gisements de coquillage qu'ils exploitent sont très proches de la côte, ce qui engendre un sentiment de sécurité et une fréquentation soutenue qu'il a été possible de constater de visu à de nombreuses reprises, notamment durant l'été 2009. Les pêcheurs à pied étant visibles de la côte, de nombreux touristes estiment qu'il n'y a aucun risque à se rendre sur l'estran et s'improvisent alors pêcheurs, souvent sans grands résultats. Pour la grande majorité des pêcheurs touristes, c'est la première fois qu'ils viennent dans la baie, pour d'autres la première fois qu'ils quittent le Mont-Saint-Michel pour aller découvrir les alentours, et pour certains enfin, la première fois qu'ils pêchent à pied. Les pêcheurs touristes considèrent la pêche comme un passe-temps, un jeu, un moyen d'occuper les enfants, de leur faire découvrir un univers qu'ils ne connaissent pas. La pêche est vécue comme un moment d'évasion, une sortie de plein air dans un environnement peu familier (la grève et/ou la baie du Mont-Saint-Michel) qui sera à ranger dans les souvenirs. De bonnes conditions météorologiques sont indispensables à leur présence sur l'estran : les pêcheurs touristes désertent les grèves si le vent ou la pluie surviennent. La distinction entre les pêcheurs touristes marins et terriens tient au mode de pratique de la pêche à pied : activité de loisir déjà connue et pratiquée pour les uns, simple amusement, moyen de découvrir l'estran, la baie et le milieu marin pour les autres. Les pêcheurs touristes marins sont originaires d'un autre département côtier et y pratiquent déjà la pêche à pied ; ils en connaissent des techniques, souvent celles qui se pratiquent dans leurs régions d'origine. --Je suis vendéen []. Chez moi je pêche à pied oui, de la crevette grise, on pêche ça avec un haveneau, c'est un grand filet. Mais c'est sur du sable, pas comme ici, il y a beaucoup de vase, et puis la mer ne descend pas aussi loin chez nous, tout au plus quelques centaines de mètres. [] Les palourdes on en a aussi oui, mais pas autant qu'ici! Là c'est la pêche miraculeuse!
CHAPITRE ii : La pêche à pied, du métier au loisir
Les terriens regroupent tous les autres pêcheurs touristes, ceux qui viennent au bord de la mer pour les vacances et qui, une fois le Mont-Saint-Michel visité, veulent sortir des sentiers battus. Ils résident loin des côtes et de la mer qui ne sont pas des éléments familiers. Leur expérience de pêcheurs est très récente, voire nulle. Aucun lien familial, culturel ou économique ne les unit à cette activité dont beaucoup n'imaginent pas qu'elle puisse être pratiquée comme profession. --C'est la première fois qu'on vient ici, on était déjà allé au Mont-Saint-Michel il y a très longtemps. Là on s'est dit qu'on allait faire la Bretagne, alors on est venu ici. [] une dame du camping nous a dit qu'il y avait des palourdes, alors on est venu voir et effectivement, c'est le cas! J'ai vu qu'il y en a qui ramènent des sacs énormes remplis, je pense qu'ils doivent avoir une autorisation non?
Pêcheuse à
pied
,
Le nombre de pêcheurs touristes n'est pas quantifiable tant cette population est fluctuante : il n'y a par ailleurs aucune nécessité administrative à les compter, sachant qu'ils exercent sur un espace public accessible à tous gratuitement. Aujourd'hui cependant, il serait sans doute nécessaire d'en avoir au moins une estimation13, notamment pour évaluer la pression sur les gisements de palourdes qui semble s'accroître d'année en année. L'aménagement du temps de travail, le développement d'infrastructures et de moyens de transport rapide (notamment le TGV Paris-SaintMalo depuis 2005) permettent désormais aux touristes de fréquenter la baie de plus en plus souvent, et hors période de congés scolaires. --Sur les gisements de palourdes, il y a un monde dingue. Là pour les palourdes c'est du délire. Autant au Banc des Hermelles ce ne sont pratiquement que des vieux qui vont, autant là c'est n'importe quoi. J'ai l'impression que cela va croissant d'année en année. Professionnel du tourisme, 2009 Les pêcheurs touristes restent en grande majorité sur le haut des grèves, et ne descendent que rarement au-delà de 500 m du rivage, à moins d'y être guidés par un pêcheur local ou du pays qui les aura invités à découvrir la vraie pêche à pied de la baie. Les pêcheurs touristes demeurent ensemble et sont par conséquent facilement reconnaissables sur l'estran, d'autant qu'ils ne fréquentent pas les mêmes zones de pêche que les locaux. --Hirel, on n'y va jamais, il y a en permanence 200 personnes. Voire même le double. Et les gens ne sont pas bêtes, ils suivent les autres en fait, l'esprit moutonnier et grégaire de l'espèce humaine est là. 80 CHAPITRE ii : La pêche à pied, du métier au loisir
l
'ou
est de la baie
:
ils
découvrent
alors un nouveau coin
de
pêche
où
l'activité est tout aussi facile qu'entre Granville et Jullouville. --On est en vacances à Granville, avant on allait pêcher vers Jullou [Jullouville], mais j'ai trouvé qu'il y avait trop de monde aux grandes marées de juillet. Ici c'est la première fois qu'on vient, c'est le poissonnier qui nous a dit qu'il y avait beaucoup de palourdes de ce côté. C'est vrai que vers Granville, il n'y a pas de palourdes comme ça. C'est plus des huîtres qui sont sur les rochers, parfois même des crabes, mais ils sont petits et en plus je ne sais pas les cuisiner. P use à pied Une bonne récolte n'est cependant pas une fin en soi pour les pêcheurs touristes contrairement aux autres catégories de pêcheurs. Ils disent ne pas pratiquer la pêche à pied pour autre chose que le plaisir ; effectivement, aucune nécessité économique ne sous-tend leur pratique de la pêche à pied. Le pêcheur touriste peut bien revenir de l'estran les mains vides, il n'en sera pas moins heureux d'avoir passé un peu de temps sur le fond de la mer et d'avoir été au grand air, phénomène déjà constaté pour d'autres formes de pêche touristiques et d'autres rivages : « Fishermen interviewed [] felt that elements of the natural environment - water quality, natural beauty, and privacy while fishing – were more important to their overall enjoyment of a typical 1-day fishing trip than either the size or the number of fish caught. » (Moeller et Egelken, 1972 : 1256). Une grande place est laissée au hasard dans la pêche à pied touristique : les es terriens ne cherchent pas nécessairement une espèce en particulier, mais divaguent au gré de leur humeur sur l'estran, ils découvrent plus qu'ils ne pêchent. Les touristes marins essaient de pêcher des espèces qu'ils connaissent déjà, huîtres creuses, palourdes voire crevettes grises, mais ne se formalisent pas s'ils ne ramènent rien ou moins que ce qu'ils pensaient. Pêchée sur la côte nord-est de la baie, particulièrement à Champeaux, l'huître creuse est également exploitée par les quelques touristes qui se rendent accompagnés au Banc des Hermelles, ce qui suppose qu'ils aient de la famille ou des amis parmi les pêcheurs locaux. 81 CHAPITRE ii : La pêche à pied, du métier au loisir
--Moi je pêche la crevette en Charente. Ça ressemble un peu à ici d'ailleurs [Jullouville], j'ai emmené le filet avec moi, on a tout dans le camping-car! Pour l'instant je n'ai pas pris grand-chose, mais ça viendra peut-être. J'aime bien pêcher ailleurs que chez moi. Pêcheur à pied, 2008 Plus encore que les locaux ou ceux du pays, les touristes sont une population mouvante, mais dont la présence de plus en plus soutenue, notamment à l'ouest du Couesnon commence, sinon à générer des conflits d'usages, au moins à susciter des interrogations quant au partage de l'estran avec une catégorie d'acteurs jusqu'ici plutôt cantonnée à des points touristiques. --Avant les touristes, ils étaient à Saint-Malo, à Cancale, d'autres venaient d'en dessous de Granville, ils allaient au Mont-Saint-Michel une journée et puis voilà. Ils ne restaient pas dans la baie, ils faisaient que passer. Maintenant tu en voie de plus en plus avec leurs seaux, leurs râteaux, et vas-y que je gratte! Ils vont tous à la palourde. Pêcheur à pied, 2009 Même s'ils sont de plus en plus nombreux à gratter les palourdes à Saint-Benoît-desOndes ou Hirel, ils ne représentent encore qu'une petite part des pêcheurs touristes présents dans toute la baie du Mont-Saint-Michel, et qui pêchent majoritairement dans la Manche. Si cette présence est parfois perçue comme massive ou vécue comme un envahissement par les locaux, la majorité des pêcheurs touristes savent cependant ne pas faire partie de cette baie qu'ils ne connaissent pas, estimant par conséquent qu'ils ne s'approprient pas les lieux puisqu'ils ne restent pas longtemps. 2.2 Une évolution technique restreinte
Les techniques de pêche à pied sont des variantes de techniques de pêche en mer ou de techniques de ramassage, de cueillette. Dans sa classification fonctionnelle des engins de pêche, Théodore Monod insiste sur le fait qu'on ne peut parvenir à les regrouper suivant un ordre logique : « c'est sans doute que nous avons tort de vouloir céder à la tentation de mettre à tout prix de l'ordre où il n'y en a pas toujours de bien évident, là où les distinctions restent trop souvent moins tranchées que nous le souhaiterions [] et qu'une classification rigoureuse s'avère impossible : trop d'exceptions, d'hybrides, d'engins complexes venant presque à chaque pas briser la belle unité d'un plan tenu pour logique, mais qui l'est justement à l'excès. » (Monod, 1973 : 230). Les techniques de pêche peuvent cependant être classées selon la méthode utilisée par André Leroi-Gourhan (2002) en fonction de leurs « principes » de capture. La pêche à pied dans la baie du Mont-Saint-Michel n'est aujourd'hui plus la même que celle pratiquée autrefois par des locaux. D'une grande diversité technique hier encore, les changements économiques, sociaux et techniques de la pêche à pied dans la baie conduisent progressivement à une généralisation de quelques techniques seulement. Aujourd'hui, quelques pêcheurs locaux retraités pratiquent encore une pêche que les touristes ne connaissent pas. Ils emploient des outils qu'ils ont euxmêmes fabriqués parfois. Ces outils leur ont notamment permis de pratiquer autrefois la pêche à pied professionnelle. Chaque pêcheur construisait ou aménageait ses outils disposition, du milieu où il pêchait, mais aussi de ses possibilités physiques, certaines pêches étant plus pénibles que d'autres. --Dans quelque temps, la pêche comme nous on la fait ou comme on l'a connue aura certainement disparu. C'est un truc de vieux. On est de moins en moins à utiliser des filets, des bourraches pour les anguilles et tout ça. Les touristes, tout ce qui les intéresse, c'est la palourde.
Pêcheur à pied, 2009
La description des techniques de pêche à pied permet en effet une « [] partition du monde physique et social » (Akrich, 1987 : 49), qui recoupe la classification des groupes de pêcheurs déterminés plus haut. Nous ne présentons ici (Tab. 83 CHAPITRE i
i
:
La pêche à pied, du métier au loisir du seau sont percés de plusieurs trous afin de laisser échapper l'eau lors du rinçage de la pêche. Un autre récipient couramment utilisé est le panier porté en bandoulière, clairement l'apanage des pêcheurs touristes. Ces paniers en matière plastique (rouge, vert, bleu) ont la même forme que ceux des anciens paniers fabriqués en osier, mais sont de taille nettement inférieure. Sont aussi utilisés les paniers en métal ou en osier, de forme ovale, d'une hauteur variable de 20 à 30 cm environ (Fig. 2). Ces paniers sont aujourd'hui vendus, notamment à Cancale, en tant qu'objets décoratifs, mais restent toujours utilisés par les pêcheurs. Constitué d'une anse centrale, parfois de deux, reliant les deux bords les plus longs, tenus à la main ou posés au sol, leur usage est presque exclusivement destiné à la pêche des coquillages. Ces différentes formes de contenants sont utilisées diversement par toutes les catégories de pêcheurs, mais davantage
Fig. 2 : Paniers de pêche à pied, dont un en-cours de par les nouveaux pratiquants, les fabrication (2006).
pêcheurs touristes. Quelques-uns utilisent parfois des sachets en matière plastique provenant des magasins type grandes surfaces. Les mannes en matière plastique rigide, sortes de cageots d'une hauteur de 20 à 40 cm sont utilisées par les pêcheurs professionnels ; ils les récupèrent dans les ports de pêche ou les achètent dans les coopératives professionnelles. Les pêcheurs locaux ayant une autorisation de déplacement en véhicule à moteur sur l'estran, peuvent utiliser aussi ces mannes qui une fois remplies peuvent peser plus de dix kilogrammes. Elles sont très s posées à plat dans le tracteur ou la remorque, et ont une contenance plus grande que celle des paniers. Les pêcheurs locaux utilisent la hotte pour aller pêcher. Celle-ci est généralement portée sur le dos : une sangle, généralement en cuir, qui passe sur la poitrine ou le haut des épaules permet de la retenir. D'une hauteur comprise entre 40 cm et 80 cm, pouvant aisément contenir 15 à 25 kg de pêche fraîche, les hottes traditionnelles sont fabriquées en bois (saule et orme, parfois de l'osier). Toutefois, n'importe quel matériau peut être utilisé pour fabriquer une hotte, par exemple un bidon d'engrais agricole dont le haut est découpé. La partie de la hotte qui s'appuie sur le dos du pêcheur doit être droite pour que le portage ne soit pas inconfortable (Fig. 3). Elle est constituée d'une plaque de bois légère, sur laquelle le pêcheur inscrit son nom, ses initiales ou une marque quelconque permettant de la reconnaître. Les hottes servent généralement à la pêche des huîtres plates, mais aussi de la crevette, et sont par conséquent plutôt réservées à des pêcheurs expérimentés. Très appréciées, il est rare de trouver aujourd'hui des hottes traditionnelles et seul un pêcheur de Cherrueix en fabrique encore à l'ancienne. Des pêcheurs de la 84 CHAPITRE ii : La pêche à pied, du métier au loisir baie affirment qu'à la façon de porter une hotte il est possible de connaître l'origine de chaque pêcheur (Secula, 2006). Les pêcheurs bretons de la baie utilisent plutôt le portage de la hotte dans le dos, tandis que leurs voisins normands, chez qui l'utilisation de la hotte dorsale est moins répandue, utilisent plus fréquemment un panier de grande contenance porté en bandoulière. Aujourd'hui, l'utilisation de paniers ou de seaux en matière plastique se généralise, uniformisant petit à petit les contenants utilisés sur tous les littoraux. La hotte est un type de contenant spécifique à la baie du Mont-Saint-Michel, et n'est utilisée que par des locaux, et quelques pêcheurs du pays. Tandis que les hottes sont fabriquées pour durer, les autres récipients employés sont couramment remplacés, et peuvent avoir d'autres usages. Alors que les pêcheurs locaux connaissent en général assez bien les tailles autorisées des captures – du moins savent-ils qu'elles existent –, peu de pêcheurs touristes ont un moyen de mesurer leurs coquillages
Fig. 3 : Hotte de pêche à pied (2006).
dont ils ignorent parfois qu'ils doivent avoir une taille minimale. Ceux qui sont au courant que la pêche à pied est soumise à quelques règles administratives, emportent un mètre ruban, d'autres un pied à coulisse ou une réglette. Les pêcheurs locaux préfèrent, dans la majorité des cas inscrire les différentes dimensions (au feutre indélébile, au pyrograveur) dans leur hotte, sur le manche de leur outil ou dans le tracteur. Le tracteur est devenu aujourd'hui un moyen de transport privilégié des pêcheurs à pied locaux, lesquels sont les seuls à obtenir des autorisations administratives de circuler en véhicules motorisés sur l'estran. CHAPITRE ii :
La pêche à pied, du métier au loisir laisse le tracteur agir tout seul, parce qu'autrement si ça secoue, à ce moment ça commence à patiner et c'est foutu.
Pêcheur à pied, 2006
L'utilisation des tracteurs est souvent décriée par les puristes de la pêche à pied, ceux qui ne se déplacent qu'à pied. Utiliser un tracteur pour les locaux est effectivement le moyen de rapporter une hotte pleine sans se fatiguer. Autrefois les sacs de coques étaient chargés sur les charrettes à chevaux pour le chemin du retour. Plus tard, on se rendait sur les lieux de pêche en voiture. Des carcasses de véhicules définitivement enlisés sont encore visibles aujourd'hui sur les zones basses de l'estran. Alors que les pêcheurs locaux ont la possibilité d'utiliser des engins agricoles pour se rendre sur leurs lieux de pêche, au grand dam de certaines associations de défense de l'environnement, les professionnels de la pêche à pied utilisent de plus en plus des engins du type quad à quatre roues motrices, qui leur permettent de sillonner l'estran en dehors des chemins qu'utilisent les conchyliculteurs. La grande majorité des pêcheurs ne se déplace toutefois qu'à pied. 2.2.1 La pêche des coquillages : ça, tout le monde peut le faire
Il s'agit de la pêche pratiquée par le plus grand nombre de personnes, professionnels ou non, locaux ou touristes. Pour pêcher coques et palourdes, un seul principe technique est utile, mais matérialisé sous différentes formes ; il s'agit de creuser le sable avec les doigts de la main, un râteau, un couteau. Après la hotte, le panier ou le seau, le couteau est l'outil le plus fréquemment observé dans l'équipement du pêcheur : il faut pouvoir couper, gratter, piquer, faire levier, notamment pour décrocher les huîtres de leur support. La plupart des pêcheurs emploient un couteau de type Opinel, dont la lame est repliable dans le manche ; d'autres sont également adeptes du couteau suisse multifonctions. Le couteau ne constitue pas un outil de pêche en soi, mais il est considéré comme nécessaire, ne serait-ce que pour ouvrir et déguster quelques coquillages au retour de la pêche, sur le parking. Il présente toutefois un inconvénient : s'il n'est pas nettoyé et séché dès le retour de pêche, il rouille. --J'ai flingué un couteau comme ça il n'y a pas longtemps. Je l'ai laissé mouillé dans le coffre de la voiture, j'ai oublié, et quelques semaines après je retombe dessus. J'arrivais même plus à l'ouvrir. Pêcheur à pied, 2009 D'autres utilisent parfois des outils de bricolage : un tournevis plat fait aussi bien l'affaire d'après les touristes qui font avec ce qu'ils trouvent dans leurs voitures ou leurs camping-cars. Des fourchettes ou cuillères de table, râteaux et pelles en plastique, outils de jardinage peuvent également être utilisés sur les gis de palourdes côté breton, ainsi que les plages normandes de la baie. Il s'agit dans ces cas-là le plus souvent de pêcheurs touristes et novices en pêche à pied, qui en voyant faire les autres depuis la côte s'improvisent pêcheurs à pied avec ce dont ils disposent. D'autres enfin pêchent, ou plutôt grattent le substrat sans aucun outil, à main nue (Quéro et Vayne, 1998). Traditionnellement dans la baie, la pêche des coquillages était faite par les femmes. Les célèbres coquetières de la baie pêchaient les coques tout autour du Mont-Saint
CHAPITRE ii : La pêche à pied, du métier au loisir Michel Elles exerçaient une véritable activité professionnelle, chargeaient des sacs de toile de jute de 80 livres (Lemonnier, 1984), qu'elles allaient revendre à des mareyeurs ou des restaurateurs, de Cancale à Granville. Les « pieds-rouges » (Geistdoerfer, 1991 b : 73) comme on les appelait parfois, eu égard au temps passé pieds nus dans la grève et par tous les temps, étaient connus pour leurs tempéraments. --Toutes les femmes de pêcheurs étaient coquetières. Alors on partait de Saint-Léonard, on prenait le chemin des dunes c'est-à-dire le chemin des douaniers, et arrivées à Genêts, on allait au Bec d'Andaine, à pied bien sûr avec la brouette et des paniers. []Il fallait se tourner, et que le soleil soit devant, il ne fallait pas faire de l'ombre, pour voir les coques et des petits trous. Et quand vous aviez une coquetière qui venait devant vous, alors là ça rouspétait! C'était son terrain, il ne fallait pas y venir! Témoignage , Vains, 2009 La pêche était effectuée à mains nues, à l'aide d'un petit couteau ou d'un râteau, les coques étaient ensuite placées dans un panier puis une fois le panier plein, celui-ci était vidé dans le sac. Les coquetières employaient une technique particulière pour faire remonter les coques à la surface, en tapant du pied sur le sol, ce qui a valu à cette technique d'être baptisée « la danse des coques » (Lemonnier, 1984 : 84). Les coquetières sont devenues un élément permettant aux riverains de la baie de se distinguer des autres pêcheurs, un moyen de légitimer et de « patrimonialiser » une pratique aujourd'hui disparue. --De tout temps, la population de Genêts et de Saint-Léonard a pu manger grâce aux coques qui étaient pêchées dans la baie. On a tous dans nos racines, une coquetière ou des coquetières, qui allaient pêcher 40 à 50 kilos de coques par jour. Maintenant hélas, les coques ont disparu. Elu, 2009 --Moi à 9 ans, de derrière les pêcheries, je ramenais mon sac de 50 kg de coques. Mais on restait 5-6 h à les gratter pieds nus dans l'eau glacée. Et je n'étais pas le seul alors. Tout ça c'est fini aujourd'hui. Pêcheur à pied, 2009 Aujourd'hui, la pêche des coques est anecdotique contrairement à celle des palourdes, qui fait appel aux mêmes outils et à une technique similaire. Le râteau est le principal outil utilisé pour pêcher les coquillages fouisseurs, car le rapport entre l'effort fourni par le pêcheur au râteau et le résultat obtenu est jugé globalement satisfaisant. La coque ne s'enfonce guère profondément dans le sol, il n'est donc pas difficile de la trouver en ratissant plusieurs mètres carrés sur quelques centimètres de profondeur seulement. Certains trouvent cette technique trop destructrice, fatigante, et préfèrent pêcher à la main ou avec un râteau plus petit, moins large et dont le manche n'excède pas 30 cm. Le petit râteau est notamment employé par des pêcheurs expérimentés et professionnels, souvent assez jeunes ; en effet pour travailler avec un petit râteau il faut se mettre à quatre pattes au sol. Le travail est rapide et efficace, le pêcheur n'a pas à se baisser pour trier, et certains ont acquis une telle dextérité qu'ils ratissent d'une main en triant de l'autre. Dans ce cas-là, le pêcheur agit de façon systématique sur des 87 CHAPITRE ii : La pêche à pied, du métier au loisir microgisements qu'il exploite en tournant sur lui-même, ou en avançant par petite zone d'environ d'un mètre carré. Des pêcheurs expérimentés et non professionnels utilisent également la technique des siphons, qui consiste à repérer les trous laissés à la surface du sédiment par les siphons des coquillages enfoncés dans le sable ou la vase. Certains pêcheurs tentent d'apprendre cette technique à des plus jeunes, souvent des grands-parents à leurs petits-enfants. Une fois la méthode acquise et l'oeil aguerri, les enfants ne sont d'ailleurs pas les plus maladroits à cet exercice (CREPAN, 1980). Suivant la nature du sédiment, les trou laissés à la surface du sol trahissent aisément la présence de bivalves enfouis16 à quelques centimètres de profondeur. Les trous laissés par la palourde sont moins réguliers, un des deux est toujours plus petit que l'autre, ce qui permet à des pêcheurs très expérimentés de savoir avant même d'avoir creusé quel type de coquillage se trouve enfoui à cet endroit, lesquels trahissent également leur présence par une tache sombre sur le sol ou une giclée d'eau expulsée pour s'enfoncer plus profondément dès lors qu'un pêcheur pose son pied trop près de l'endroit où ils sont enfouis. Il faut néanmoins pour employer cette technique ne pas rechercher l'efficacité et la rentabilité à tout prix, mais prendre son temps. La technique du râteau est aujourd'hui la plus répandue pour la pêche des 16 Les pêcheurs expérimentés attendent parfois une luminosité adéquate pour repérer le scintillement des siphons à la surface du sol, surtout sur les plages sableuses de l'est de la baie. Le lever ou le coucher du soleil sont les moments privilégiés pour voir les yeux d'or (Secula, 2005). CHAPITRE ii : La pêche à pied, du métier au loisir coquillages fouisseurs, y compris
la
pra
ire
, qui peut, le cas échéant, être pêchée
à
l'aide d'une fourche
, surtout
par des pêcheurs
qui
ne
sont
pas
de la région et qui ont l'habitude
de l'
utilise
r. Des particularités régionales s'observent en effet et s'inscrivent parfois dans la réglementation locale, surtout en ce qui concerne la pêche à pied professionnelle. --[Dans la baie des Veys, N-E Cotentin] on a des petits crocs à trois dents pour pêcher la palourde, et quand on va pêcher la palourde à Lannion par exemple, il y a un arrêté, il faut une fourche à praires. C'est une fourche qu'on achète dans les coopératives maritimes, et c'est marqué sur l'arrêté on est obligé d'avoir ça. Ici c'est le râteau. Ça dépend vraiment d'où on pêche, et il faut toujours se tenir au courant. L'huître creuse, prisée des pêcheurs touristes, se pêche principalement avec un couteau à l'aide duquel le pêcheur peut faire levier entre l'huître et son support pour l'en décrocher. L'huître plate, prisée des pêcheurs locaux, est principalement ramassée, sans aucune forme ou technique particulières. La pratique de cette pêche a pourtant beaucoup évolué. Jusqu'au milieu des années 80, les pêcheurs à pied utilisaient un senniau pour pêcher les plates. Le senniau était un outil constitué de deux perches de bois d'environ 1,5 m de long, croisées aux deux tiers de leur longueur, muni d'un grillage dans le grand triangle ainsi formé, et d'une planche de servant de base (Fig. 5). Le pêcheur poussait l'ensemble devant lui, en décollant les huîtres à l'aide de la planche qui faisait office de drague. Plus aucun pêcheur ne l'utilise aujourd'hui – son utilisation est rigoureusement interdite d'une part – d'autre part la ressource étant en baisse, les pêcheurs n'aiment pas s'encombrer d'un tel outil pour un rendement si faible, alors que la pêche des plates peut parfaitement se faire à la main.
Les Fig. 5 : Schéma d'un senniau (in Lemonnier, 1984 : 82). pê
cheurs locaux, surtout ceux
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. 89 CHAPITRE ii : La pêche à pied, du métier au loisir 2.2.2 La pêche des crustacés : faut déjà s'y connaître
Pêchés à la main à condition de ne pas avoir peur de la plonger dans les rochers, les pêcheurs préfèrent utiliser une gaffe ou un croc, pour extirper un crabe hors de son repaire. Majoritairement pratiquée par des hommes, cette pêche n'attire pas les débutants, et est l'apanage de pêcheurs expérimentés, qui connaissent les trous d'eau. Aujourd'hui, les captures de crabes sont rares dans la baie. Quelques étrilles et crabes verts sont pêchés parfois, ces derniers étant surtout utilisés pour en faire de la soupe. Jusque dans les années1960, des tourteaux étaient pêchés dans les crassiers à l'aide de barre à mine ou d'outils agricoles. --On avait un outil avec eux qu'on prend pour arracher les patates, qu'on appelle le boucard dans la région, et donc on démolissait le crassier jusqu'à ce qu'on tombe sur un crabe ou un congre. Pêcheur
à pied, 2007 La pêche des crevettes reste une des plus appréciées par les pêcheurs locaux et du pays, fervents adeptes de la grise. Plusieurs techniques sont employées pour pêcher la crevette grise, la plus répandue étant l'utilisation d'engins mobiles. Cette pêche s'effectue sur tous les littoraux de la Manche et de l'Atlantique, les outils utilisés sont donc très divers et différents en fonction des régions, mais relèvent tous d'engins de type haveneau. Les pêcheurs de crevettes bretons utilisent principalement le dranet. Selon le même schéma que le senniau, le dranet est constitué de deux perches dont la ur varie entre 2,5 et 3 m, croisées aux quatre cinquièmes de leur longueur environ et fixées par une vis et un écrou. La fixation au croisement des deux perches ne doit pas être trop serrée de façon à ce que l'engin puisse s'ouvrir et se refermer sans peine, comme un ciseau. L'ouverture du dranet est maintenue par un morceau de bois calé au niveau du croisement des perches, appelé l'essuiblais (Lemonnier, 1984) ou l'essublet (Secula, 2006). Un filet (maille étirée de 20 mm) est fixé entre les deux perches formant les côtés du grand triangle et attaché à intervalles réguliers sur chacune d'entre elles. Une ou deux boucles viennent se fixer également sur l'essublet. Aux deux extrémités des perches qui tendent le filet une fois le dranet ouvert, sont fixés des patins ou sabots. Fig. 6 : Dranet en position ouverte (2006). Pour ouvrir son dranet, le pêcheur passe la ou les boucles dans « l'essublet » qu'il cale ensuite entre les deux perches tendant ainsi le filet, après avoir posé les deux patins sur le sol.
CHAPITRE ii : La pêche à pied, du métier au loisir
Il pousse l'engin devant lui, les deux autres extrémités de perches reposant sur ses hanches, la jonction des deux perches se situant au niveau de la ceinture. Il n'est pas nécessaire d'avancer trop loin dans l'eau pour pêcher la crevette, néanmoins les pêcheurs privilégient une hauteur d'eau comprise entre 60 et 90 cm, soit entre micuisse et hanche, rarement au-delà. Muni de sa hotte sur le dos, et d'une épuisette servant à vider le dranet, que les locaux appellent l'épinjouet ou épeingeoir (Lemonnier, 1984 ; Secula, 2006), le pêcheur avance parallèlement au flot en relevant le dranet tous les 35 mètres en moyenne. Le pêcheur parcourt ainsi plusieurs kilomètres au cours d'une marée. Pour relever son filet, le pêcheur se place face au courant pour ne pas laisser ressortir les prises, et tire sur l'essublet en appuyant les parties courtes des perches sur le haut des cuisses (Fig. 7). Une fois la poche hors de l'eau, il la vide à la main ou à l'aide de l'épeingeoir, procède immédiatement au tri et transvase les crevettes directement dans sa hotte, pendant que le dranet est déjà replongé dans l'eau et que le pêcheur continue d'avancer en le poussant des hanches. Les pêcheurs locaux utilisent toujours le dranet, bien que son encombrement une fois ouvert et son poids lors du relevage en fassent une technique de pêche nécessitant beaucoup de force physique
Pêcher la Fig. 7 : Pêcheur de crevette en train de vider son dranet (2009).
crevette avec le dranet n'est pas une pêche pour les touristes. À la fin de la pêche, le pêcheur ôte l'essublet, referme l'engin comme un ciseau en rapprochant les deux perches l'une de l'autre et enroule le filet sur quasiment toute la hauteur des perches. Le dranet breton était décrit au XIXe siècle comme un « filet mobile de 50 pieds de long sur 9 de large (16,2 m x 2,9m) [] que deux perches placées à chaque extrémité permettent à deux personnes de le trainer à marée basse dans 2 à 4 pieds d'eau » (Binet, 1999 : 24). Dans le volume XI de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert (1782), le dranet est décrit comme une « espèce de petit coleret qui se traîne au sol ; c'est un diminutif de la seinne. Le dranet est plus serré, ses mailles n'ont que dix lignes au plus en quarré. [] On tire quelques fois le dranet à la suite du grand coleret pour que le poisson qui s'est échappé à travers les grandes mailles de l'un retombant dans l'autre y soit retenu par ses mailles plus petites » (Ibid. : 532). Le dranet d'autrefois n'est donc plus du tout le même que celui d'aujourd'hui. Pour pêcher les crevettes grises, les pêcheurs normands de la baie utilisent un autre outil, la bichette, qui a longtemps désigné (parfois encore aujourd'hui) le même outil que celui que les pêcheurs bretons nomment aujourd'hui dranet. Audouin et Milne-Edwards (1832) donnent en effet à la bichette, qu'ils nomment aussi havenet, l'exacte définition du dranet actuel : « La bichette ou havenet est ii : La pêche à pied, du métier au loisir composée de deux perches de six à huit pieds de long croisées et tenu une petite barre transversale, à leur extrémité inférieure est attach une corde et autour du triangle ainsi formé est fixé un grand sac en filet tandis que les deux autres bouts des perches servent de manche » (Audouin etMilne-Edwards, 1832 : 36). Un glissement s'est donc opéré entre les différentes appellations, au gré de l'évolution des outils. Le dranet n'existe plus sous sa forme ancienne, toutefois le terme s'est maintenu en étant employé pour désigner ce qu'il était communément d'appeler une bichette auparavant. Aujourd'hui, la bichette a une forme très différente du dranet, mais sa technique d'utilisation est identique. La bichette utilisée sur le versant normand de la baie désigne aujourd'hui un outil dont la forme est courante sur les littoraux. L'ancienneté de la pêche touristique sur les côtes normandes de la baie explique sans doute en partie la disparition progressive de la forme ancienne de la bichette, et que Legendre (1984) décrivait déjà sous sa forme actuelle il y a plus de vingt-cinq ans. Majoritairement utilisée aujourd'hui sur les plages sous Granville, la bichette n'a conservé que le nom d'une forme d'engin quasi absent des rivages normands de la baie. Fig. 8 : Pêcheur et sa bichette (2007).
Contrairement au dranet dont l'utilisation est surtout le fait de pêcheurs locaux en Ille-et-Vilaine, beaucoup de pêcheurs touristes pratiquent la pêche de la crevette grise côté Manche avec une bichette, qu'ils n'appellent pas comme cela d'ailleurs, confirmant en cela le statut « d'activité de loisir estival » (Conseil Général de la Manche, 1994 : 90) depuis longtemps attribué à ce type de pêche sur ce versant de la baie17. 17 Des dépliants à destination des « Pêcheurs en herbe » ont été créés sous la houlette du syndicat de tourisme des Portes de la Baie, à l'intérieur desquels sont expliqués les réglementations de pêche à pied, les zones, et les outils autorisés. Parmi ceux-ci la bichette est désignée comme un « large filet d'un maillage de 16 mm étiré [] monté sur une perche et une lame (max. 200 cm de large) posée à la perpendiculaire de la perche. ». Y compris pour les institutionnels, la bichette n'a donc plus rien à voir
CHAPITRE ii : La pêche à pied, du métier au loisir
Généralement plus jeunes que les locaux qui pêchent au dranet, certains pêcheurs touristes qui pratiquent déjà cette pêche dans d'autres régions, profitent de l'occasion pour apprendre à leurs enfants à pêcher, sur les plages de Jullouville ou de Kairon. Le maniement d'une bichette est en effet plus aisé pour des enfants que celui du dranet, plus lourd. La bichette a cependant l'inconvénient ne pas pouvoir se replier ; elle peut vite s'avérer encombrante pour une famille en vacances. Certains n'hésitent donc pas à s'équiper une fois sur place uniquement, grâce aux nombreuses boutiques de souvenirs et de loisirs de plage qui vendent des engins de ce type, parfois même spécifiquement adaptés aux enfants. Dans les deux cas, dranet et bichette, la pêche à la crevette grise reste majoritairement pratiquée par des hommes : il s'agit d'une pêche physique où il est nécessaire d'avoir une certaine force pour relever le filet et pour laquelle il ne faut pas craindre non plus de se mouiller. --La grise attention, il y peut y avoir l'eau jusqu'à la ceinture, il fait froid, il faut pousser, relever c'est pas tout le monde qui peut le faire. Et puis ça peut être dangereux, parce que moi une fois j'ai eu la combinaison remplie d'eau par une vague, je pouvais plus bouger, j'ai bu la tasse!
Pêcheur à pied, 2009
Le pêcheur suit la marée descendante et pêche jusqu'au début du flot, il peut ainsi passer 3 h à 4 h sur l'estran avec son dranet ou sa bichette, durant la saison de la crevette qui s'étend du printemps à l'automne. L'utilisation du dranet est cependant moins fréquente que celle de la bichette, dont la forme est mieux connue et donc plus utilisée par les pêcheurs. CH
APITRE ii : La pêche à pied, du métier au loisir c'est à dire les unes à côté des autres ; une batterie est normalement constituée de dix tézures (Fig. 9). Chaque filet est fixé à l'aide de trois pieux dans le sol, et c'est l'ensemble filet et pieux qui désigne la tézure et non pas le filet à lui seul. Le filet, de forme cylindrique est composé de plusieurs éléments, lesquels peuvent se regrouper dans deux catégories formant chacune les parties principales de l'engin : la cage ou le sac et le grand mélage ou la voûte. Les tézures sont placées ouverture vers la côte et pointe vers la mer, de façon Fig. 9 : Batterie de tézures dans l'ouest de la baie. (2009) à ce que le jusant permette au filet de filtrer un volume d'eau maximal. La voûte ou grand mélage constitue la nasse d'amont de la tézure, la partie principale de l'engin. La voûte est directement reliée à la cage, à une de ses extrémités, tandis que l'autre forme un rectangle dont chacun des quatre coins est solidement fixé aux deux pieux d'amont. L'ouverture ainsi formée mesure entre 80 cm et 1mètre de hauteur pour une longueur moyenne d'1m50 environ. La longueur totale de l'engin, voûte et sac compris, est comprise entre 1,80 m et 2,2 m. Le maillage du filet de la voûte est compris entre 40 et 50 mm, l'ensemble de l'engin étant fixé aux trois pieux à une hauteur moyenne de 30 cm du sol. La voûte fait office d'entonnoir à l'intérieur de laquelle le flot de marée descendante est drainé et les captures dirigées vers la cage. Les pêcheurs fixent également sur le rectangle é par l'ouverture de la voûte un autre filet, aux mêmes dimensions de mailles, servant à empêcher les débris et algues d'entrer dans la tézure. Ce filet serait appelé la carrée selon Marie-Paule Lemonnier (1984), mais nous ne pouvons confirmer cette appellation. Les filets utilisés aujourd'hui sont en nylon, ce qui nécessite moins d'entretiens que les anciens filets en coton qui se dégradaient très vite. La cage, terme auquel quelques pêcheurs préfèrent parfois celui de pouche (Lemonnier, 1984), constitue la nasse d'aval, celle à l'intérieur de laquelle les prises sont retenues.
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Situations d’apprentissage et activités de conception en baccalauréat technologique « Design et Arts Appliqués » : représentations et instruments. Education. Aix-Marseile Université, 2018. Français. ⟨NNT : ⟩. ⟨tel-03573139⟩
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C’est tout d’abord le bac F12, une formation technique à visée professionnalisante (MEN 1982), puis le bac STIAA, une formation intégrée au curriculum des STI en 1996 qui évolue vers des baccalauréats (MEN, 1997) considérés comme des propédeutiques à des formations professionnelles post-bac (BTS, DUT) et intégrant toutes les disciplines dans son processus de validation curriculaire. Puis, dans le contexte de la réforme des lycées en 2011, cette spécialité qui constituait précédemment un des huit baccalauréats de la série STI, prend son autonomie et devient une série technologique à part entière. En classe de seconde, l’enseignement d’exploration « création et culture design » est quasiment obligatoire pour poursuivre la formation en bac STD2A puis dans les formations professionnalisantes. Le programme publié en 2010 est explicite sur ce point16. 14 MEN. (1981a, b et c). Programme de l'enseignement optionnel technologique spécialisé d'arts appliqués. (Arrêté 5-10-1981). Paris
:
Ministère
de l'éducation nationale. 15 « [...] l’appellation arts appliqués renaît ou ressurgit. (...) elle va devenir le liant et le dénominateur commun à toutes les disciplines de création [...] » (Feertchak 1998, p.91) 16 « Cet enseignement introduit les outils, les méthodes et les savoirs nécessaires en vue d’une préparation aux formations post-baccalauréat qui suivent la Première et la Terminale Design & arts appliqués : diplômes des métiers d’art ou brevets de techniciens supérieurs design puis diplômes supérieurs d’arts appliqués ou bien écoles supérieures d’art et de design, de création industrielle, d’arts décoratifs, d’architecture, de paysage, de scénographie, etc. Ces formations conduisent à une insertion professionnelle en France ou à l’étranger en qualité de designer dans les champs du design graphique et multimédia, du design de produits, du design d’espace, du 117 Pour le futur bachelier, le parcours est tubulaire jusqu’aux études supérieures courtes ou longues. La Figure 15 permet de présenter la singularité et la complexité du système éducatif supérieur français qui place l’enseignement du design sous deux tutelles ministérielles distinctes : - Le ministère de l’enseignement supérieur (licences en 3 ans puis masters en 2 ans ; écoles nationales supérieures, en 5 ans ; BTS en 2 ans puis DSAA en 2 ans). ; - Le ministère de la culture et de la communication (DNA17, en 3 ans puis DNSEP en 2 ans) ;
Figure 15. Les filières en design et métiers d'art MCC/MESR (MEN, 2015, p.43)
Vers une autonomie des acteurs de la formation
Le curriculum DAA, tel qu’il était institué dans la prescription pédagogique du bac STIAA (MEN, 1997), se présentait sous la forme d’un référentiel de certification. L’enseignant pouvait se référer à des « habiletés », à des savoirs ou connaissances ( aires ou techniques), à des « acquis ou des compétence » ; ou à des « capacités à... » identifiés par le référentiel afin d’être évalués. Les pratiques enseignantes en arts appliqués se sont principalement design de mode, de l’artisanat d’art. Ou encore, les élèves plus particulièrement tentés par l’enseignement peuvent rejoindre les classes préparatoires à l’École Normale Supérieure de Cachan, département design. » (
MEN
,
2010, p.1) = Bulletin
officiel spécial n° 4 du 29 avril 2010
17
Le DNA remplace, à partir de2018, le DNAP et le DNAT. 118 développées autour d’activités de production au sein d’espaces spécialisés (travaux pratiques, travaux dirigés, groupe d’atelier). Le curriculum DAA demande désormais aux enseignants d’aborder les apports disciplinaires dans une perspective fonctionnelle, (Bronckart, 2009), notamment formalisés à partir d’un système articulé autour de « pôles » d’enseignement. Les connaissances disciplinaires cloisonnées dans le référentiel du Bac STIAA (Figure 16) disparaissent au profit d’une approche transversale des enseignements des arts appliqués qualifiés de « pôles de connaissance » (démarche créative, pratique en arts visuels, technologies et histoire des arts, techniques et civilisations) (MEN, 2011).
Enseignements Français Philosophie Histoire-géographie Mathématiques Physique-chimie Langues vivantes 1 et 2 Éducation physique et sportive Première 3 Terminale 2 2 3 3 3 2 3 2 3 2 Design et AA Design et AA en anglais 13 1 17 1 Accompagnement personnalisé 2 2 Pôles de connaissance Outils et méthodes Pratiques en arts visuels Démarche créative Technologies Arts, techniques, civilisations Grille horaire des enseignements du Bac STD2A (Arrêté du 8-2-2011) Enseignements Première Terminale Français 2 + (1) (d) Philosophie 1 + (2) (d) Histoire-géographie 2 Mathématiques 1 + (1,5) (a) 1 + (1,5) (a) Physique-chimie 1 + (1,5) (a) 1 + (1,5) (a) Langues vivantes 1 et 2 4 4 Éducation physique et sportive 2 2 Expression plastique fondamentale 0 + (8) (a) et recherche appliquée Expression plastique fondamentale 1 + (6) (a) Recherche appliquée 1 + (6) (a) Représentation conventionnelle 2 + (1) (a) Étude de cas 0 + (3) (c) 2 + (2) (c) Arts, techniques, civilisations 2 + (2) (d) 3 + (2) (d) (a) L’horaire entre parenthèses correspond à des travaux pratiques. (c) L’horaire entre
hèses correspond à des activités technologiques (enseignement par groupe d’atelier). (d) L’horaire entre parenthèses correspond à des travaux dirigés. Grille horaire des enseignements du Bac STIAA (Arrêté du 13-3-1997)
Figure 16. Comparaison des grilles horaires des enseignements du Bac STD2A et du Bac STIAA
Les différentes dimensions de la spécialité tant au niveau artistique qu’au niveau technologique sont approchées dans une vision très intégrée, ce qui se traduit par un enseignement dédié « design et arts appliqués » de 13 heures en classe de première et de 17 heures en classe de terminale. Un autre changement de perspective du nouveau programme est celui de référer les compétences non pas directement aux champs disciplinaires des savoirs, comme c’était le cas auparavant, mais aux champs de pratiques professionnelles dans lesquelles ces savoirs sont censés fonctionner. 119 Les pratiques professionnelles concernées font interagir : - une culture générale, artistique, technologique, ouverte et constamment vivifiée ; - une créativité stimulée par des contraintes techniques, économiques et sociales dans les contextes artisanaux et industriels ; - un dialogue permanent avec des spécialistes d’autres disciplines (ingénieurs, sociologues, économistes, commerciaux, techniciens) ; - une connaissance et une investigation des matériaux, des formes, des techniques, des systèmes, des fonctions, des besoins, du développement durable ; - une maîtrise du dessin et des outils de représentation ; - une recherche permanente de l’innovation ; - un esprit logique et curieux ; - un positionnement citoyen assumé au sein de la société par une connaissance approfondie de ses enjeux (MEN, 2011a, p.2). Ces éléments permettent de souligner les préconisations d’un enseignement qui s’appuie sur la notion d’interdisciplinarité (Lenoir, 2001), pour développer un apprentissage par projet « de manière à réinsérer les savoirs enseignés au sein des pratiques sociales » (p.96). L'organisation didactique du bac STD2A met l'activité de conception au centre du dispositif, ce qui la rapproche des enseignements artistiques (les Arts Plastiques) et de la technologie. À l’instar des enseignements technologiques, les situations d’enseignementapprentissage doivent adopter la logique de l’expert comme élément structurant des processus d’apprentissage (Ginestié, 1999). Son enseignement repose sur les dynamiques propres aux univers du design et des métiers d’art : - il couvre une partie des savoirs historiques, sociologiques et technologiques qui irriguent la recherche en design ; - il expérimente les méthodes qui structurent la résolution de problème en design ; - il sensibilise aux arts visuels et à la pratique de conception ; - il explore les approches plastique et conceptuelle qui construisent la personnalité du futur concepteur ; - il aborde les moyens de représentation qui aident à l’élaboration et à la compréhension des intentions ; - il approche les outils qui permettent de mieux évaluer et communiquer le projet ; - il développe l’expérimentation des outils sémantiques, plastiques, techniques qui aident à édifier les stratégies de conception. (MEN, 2011a, p.4) L’objectif de la prescription du bac STD2A n’est pas de former des designers professionnels mais de donner des éléments de compréhension des activités « propres » au designer. En s’appuyant sur Visser (2009) qui envisage la conception comme une activité cognitive plutôt qu’un statut professionnel, l’activité de l’élève serait a priori une activité d’apprentissage de la conception, une activité de construction de représentations, plutôt qu’une activité de résolution de problèmes. Le projet pédagogique : une mise à l’épreuve de l’apprentissage par projet
A ce niveau de formation, la prescription pédagogique, c’est-à-dire ce qui dans les différents systèmes est défini comme « ce qui doit être enseigné et appris » (Gauthier, 2011) rejoint l’orientation des prescriptions de l’enseignement supérieur en design, toutes fédérées par l’apprentissage par projet, comme le rappelle le dernier rapport institutionnel (MEN, 2015), dans lequel il semblerait qu’il y ait un paradoxe entre une pluralité de stratégies d’enseignement et un apprentissage spécifique du projet en design : Cette démarche de projet peut prendre forme de différentes manières. Elle interroge autant l’espace de vie et de travail à l’école, que la question de la convergence de plusieurs disciplines dans l’élaboration d’une stratégie pédagogique à partir d’un même thème ou d’une même problématique. Le design sait créer les conditions de dialogue entre des univers qui habituellement s’ignorent. C’est une des raisons qui fonde de plus en plus sa présence dans le monde de l’entreprise. L’élaboration d’un projet d’équipe s’inscrit toujours dans une démarche de projet et la nécessité d’engager une réflexion interdisciplinaire. Le processus d’élaboration du projet en design fédère les différences et en cela il innove. Le projet s’appuie sur des méthodes d’analyse, de réflexion et d’investigation qui participent à structurer une méthodologie qui est propre à la démarche design. (IGEN, 2015, p.52-53). Le projet pédagogique, entendu comme une forme d’« ingénierie de projet didactique » (Puren, 2011), dépasse les limites des situations didactiques définies par Brousseau (1986). La situation envisagée est alors à l’échelle d’une équipe d’enseignants inscrite dans un établissement d’enseignement, qui va même fois au-delà des frontières de l’école (environnement socio-économique et culturel, par exemple) et sur une durée qui dépasse celle du cursus d’un élève. La question de l’impact produit par la perspective fonctionnelle des enseignements sur les pratiques des enseignants est posée. Il est question de la cohérence externe du curriculum DAA, c’est à dire par rapport au curriculum du lycée et de sa cohérence interne, c’est à dire par rapport à l’histoire du curriculum DAA. D’un côté, l’orientation « scolaire rationnelle » précédente du curriculum (Jackson, 1992), cloisonnée en disciplines distinctes et leur didactique singulière perdure dans les disciplines d’enseignement général, de l’autre, l’orientation « cognitiviste », dans laquelle le savoir enseigné est instrumental et transférable à des domaines autres que ceux où il a été appris, (idem). En AA, comme dans les autres disciplines, le cloisonnement disciplinaire des savoirs a engendré un rapport identitaire des enseignants à leur discipline. Par exemple, une pratique 121 d’enseignement plus axée sur les savoirs technologiques pour un enseignant d’AA, ou sur les savoirs artistiques pour un autre (Lorillot, 2008) ont façonné leur identité professionnelle.
4.1.2 Les représentations et les outils pour apprendre la conception au lycée
Il s’agit à présent de s’intéresser aux usages des outils et des moyens de représentation que la prescription préconise. « Mais quel que soit le contexte dans lequel il est employé, le design est toujours tributaire des techniques et des technologies tout autant que de l’évolution des outils de conception et de représentation qui permettent de le générer. » (Gauvin, 1999, p. 35). D’une manière ou d’une autre, rien n’est conçu sans être dessiné et le texte officiel du bac STD2A ne dit pas grand-chose à propos de la place des outils infographiques pour les situer par rapport à ceux du dessin18. Le dessin : la première langue des concepteurs
Par des enjeux qu’elle sous-tend en termes d’apprentissage du dessin, l’épistémologie portée par la prescription est ancrée dans la dialectique dessein/dessin. La prescription le considère « comme préalable à toute pratique » (MEN, 2011a, p.4), car il constitue « le socle de base transversal à tous les autres enseignements » (MEN, 2011b, p.29). Le dessin, par les différents modes de traduction et de restitution graphiques, aiguise la perception et l’observation d’une réalité sensible dans sa complexité (forme, matière, lumière, couleur, etc.) ; il renforce l’acquisition d’une sensibilité et d’une maîtrise des moyens graphiques au service d’une pensée visuelle. Plus qu’un outil, le dessin doit être considéré comme un moyen de comprendre les problèmes posés, de véhiculer des concepts, de leur donner forme, d’exprimer des idées et de mettre en œuvre un projet. (MEN, 2011a, p.4) Le dessin est ainsi appréhendé autant dans sa dimension artéfactuelle nécessitant une maîtrise d’utilisation des outils de dessin, que dans sa dimension instrumentale, selon la finalité de l’activité d’apprentissage. Dans les textes prescripteurs (MEN, 2011a ; MEN, 2011b), les outils graphiques sont mobilisés explicitement dans plusieurs cas de figure, à côté 18 Afin de les distinguer des outils infographiques, nous proposons de qualifier les outils de dessin par outils graphiques dans la suite de ce mémoire. 122 des outils infographiques, qu’il s’agisse pour l’élève de se constituer des ressources ou de développer et de communiquer ses hypothèses : - la saisie de l’information ; - les codes et dispositifs de la communication ; - les outils divers et supports de communication ; Les apprentissages liés aux outils graphiques sont développés dans un des pôles d’enseignement, le pôle « Pratiques en Arts Visuels ». Le pôle « Pratique en Arts Visuels » (PAV) est fondé sur la maîtrise des modes de représentation et sur l’étude de leurs potentialités propres à des fins de documentation, de communication et de conception. Il s’agit pour l’élève (a) d’acquérir « une aisance et une mobilité graphiques et plastiques », (b) de construire des « apprentissages théoriques et pratiques des codes descriptifs et des codes perspectifs » et (c) de mettre en relation constante « l’intention (le dessein) et le choix du mode graphique ou d’un autre médium », autrement dit « de comprendre qu’un système de représentation exprime nécessairement une certaine conception du visible » (MEN, 2011b, p.29-30). Les textes institutionnels sont peu explicites sur les objectifs à viser par ces apprentissages et ne donnent pas de guide prescripteur et planificateur, c’est-à-dire sans contrainte sur l’enseignant qui utilise ces indications à sa guise, dans des dispositifs pédagogiques qu’il peut faire varier à l’infini. Le dessin engloberait une grande partie de l’activité inhérente d’un concepteur et irait au-delà d’un savoir-faire manuel toutefois indispensable « permettant à l’élève de réfléchir par le croquis, le schéma et tous les états du dessin » (MEN2, 2011, p. 29). La prescription dresse une typologie des représentations graphiques et distingue quatre fonctions à ces artéfacts. Par dessin, il faut entendre le dessin d’observation (appréhension du réel sensible), le dessin analytique (étude et compréhension de la réalité, le dessin d’intention (représentation), le dessin d’expression (pensée par la forme). (MEN, 2011a, p.4) Les deux premiers types de croquis19 s’appuient selon la prescription sur un « déjà là » et sont considérés comme des instruments pour appréhender et comprendre le réel. Cette activité induit nécessairement une sélection des informations de la part de l’élève qui n’en retient qu’une partie. Pour l’enseignant, les exercices qu’il propose ont pour objectif de développer chez les élèves une appréhension du réel qui prend en compte une « hiérarchisation fonctionnelle de l’information » (Lebahar, 2003). Cette appréhension du réel 19 Nous rappelons qu’un « croquis » est manuel. 123 peut se faire selon différentes approches : la géométrisation des formes observées, une attention sur les couleurs, sur les relations qu’entretiennent les différents éléments, etc. Il peut s’agir aussi dessiner de mémoire, de limiter le temps d’observation pour ne retenir que l’essentiel ou à l’inverse se focaliser sur un détail, une matière et d’en rendre compte de la manière la plus fidèle possible (MEN, 2011b, p.29). Les contenus d’enseignement liés aux apprentissages théoriques et pratiques des codes descriptifs et perspectifs sont encore moins développés que pour les précédents. L’objectif principal visé est de simuler le modèle d’artéfact aux autres sujets « de manière efficace » (MEN2, 2011, p.30). Toutefois, les apports de la recherche révèlent d’autres intérêts, pour le concepteur, à utiliser ce mode de représentation, notamment, résoudre des problèmes techniques (Le , 2003 ; De Vere et al, 2012), évaluer de manière ponctuelle une solution en cours d’élaboration (Bonnardel, 2006). Ces objets de savoir étaient caractérisés de manière plus opérationnelle dans la prescription du Bac STIAA. L’enseignement de cette matière consiste notamment : - à faire acquérir les savoirs fondamentaux relatifs aux codes descriptifs (projections, géométraux, coupes) et aux codes perspectifs (perspective conique, perspective cavalière, perspectives axonométriques) pour qu’ils soient exploitables en fin de classe de première ; - à l’étude de potentialités spécifiques de chaque mode de représentation perspectif ; - à l’évaluation du bien-fondé du choix et de la pertinence de l’emploi des modes de représentation mis en œuvre. (MEN, 1997)
Des outils numériques spécifiques à la conception
Dans la prescription du bac STD2A, les outils numériques sont définis comme « partie intégrante des démarches créatives propres à ces champs disciplinaires » (MEN, 2011a, p.4) et leur apprentissage s’appuie en partie sur l’usage des outils numériques développés et dont la maîtrise est acquise dans le cardre du B2i au collège (idem). Cette approche a pour but de fournir les outils qui permettent l’acquisition et le traitement de données multimédia afin, d’une part, de communiquer les études et projets menés en cours d’arts appliqués, et d’autre part, d’appréhender ces outils au sein de la démarche de recherche en design. La découverte d’outils infographiques spécifiques au design, encouragée dès la seconde, est approfondie en première et en terminale en visant une plus grande autonomie de l’élève dans l’usage de supports numériques au service de son activité de création. (MEN, 2011a, p.4) Cette introduction programmatique des outils numériques apparaît tournée essentiellement vers l’instrumentalisation à des fins d’apprentissage, et s’appuie sur les pratiques de concepteurs et les logiciels qu’ils utilisent ((les logiciels Adobe pour la dimension 124 graphique de la conception et les logiciels de modélisation tridimensionnelle de volumes plus ou moins complexes). Dans le texte prescripteur, l’outil numérique est mobilisé explicitement dans plusieurs cas de figure, à côté de ceux du dessin (MEN, 2011a) : – la saisie de l’information ; – les codes et dispositifs de la communication ; – les outils divers et supports de communication ; – les outils numériques de réalisation de l’image fixe, animée, en mouvement. Ainsi, l’élève utilise l’outil numériques pour traiter des données, communiquer des études et projets et appréhender des outils dans une démarche de conception. Comme pour les enseignement du dessin, le programme ne précise pas de guide prescripteur et planificateur et l’enseignant utilise ces indications à sa guise. Une particularité de la filière « design » est que les enseignants élaborent eux-mêmes les sources de connaissance parce qu’ils ne peuvent pas s’appuyer sur des manuels comme d’autres disciplines. Le texte prescripteur évoque la « découverte des outils infographiques » encouragés et approfondis. Il s’agit encore une fois d’un objet d’apprentissage dont les conditions de transmission sont à l’initiative de l’enseignant. Une autre particularité du bac STD2A est que les enseignements des logiciels libres pour le traitement de l’image ou pour la géométrie dynamique sont proposés dans le programme de Mathématiques de la série (MEN, 2011c). Ce qui apparaît paradoxal puisque dans la prescription ne sont mentionnés que les logiciels professionnels et que ce sont ceux-là qu’utilisant le plus souvent les enseignants d’AA (Tortochot, 2015). Quel instrument cognitif devient l’outil numérique quand il est enseigné par une discipline scientifique autre que celle du design?
4.1.3 Le Projet en Design et Arts Appliqués : les rôles multiples de la tâche prescrite dans l’épreuve certificative
Parmi les composantes de la situation de conception (en situation de formation ou non) la tâche de conception est l’élément indispensable. Sans cette dernière, il ne peut y avoir de situation de conception (Moineau, 2016). Il s’agit à présent de préciser les tâches qui 125 caractérisent l’épreuve certificative PROJET DAA, telle qu’elle est envisagée dans le texte prescripteur (MEN, 2011a) et très précisément définie par les contraintes de la certification dans le référentiel d’examen (MEN, 2012). Une tâche « fictive de conception » La première partie de l’épreuve certificative PROJET DAA, qualifiée de « projet pluridisciplinaire » (MEN, 2011a) est limitée à une durée maximale de 75 heures. Le texte prescripteur (idem) renvoie la conception et l’organisation du dispositif aux enseignant de toutes les disciplines, dans lequel peuvent intervenir des professionnels de la conception. Un projet pluridisciplinaire, participant à la certification, est organisé en terminale. Il peut donner lieu à des regroupements ponctuels des horaires de l’ensemble des disciplines technologiques, scientifiques et générales pendant le temps nécessaire à sa réalisation. La durée du projet ne saurait excéder un total de 75 heures sur l’année. L’encadrement des élèves est assuré par les enseignants de ces disciplines dans le cadre de leurs obligations de service. Des partenaires professionnels peuvent y être associés. Les permutations d’emploi du temps sont vivement conseillées afin d’assurer la continuité des activités de projet. (MEN, 2011a) Le dispositif est conditionné par deux situations d’évaluations prescrites dans le référentiel d’examen (MEN, 2012). Les modalités de certification associent le processus de formation et la certification. L’enseignant est, tantôt « ressource », lorsqu’il prépare ses élèves à ces situations d’évaluation, tantôt « juge », lorsqu’il certifie leurs acquis. Ces derniers sont appréciés quantitativement. Deux situations d'évaluation sont organisées au cours de la réalisation du projet pluridisciplinaire. Dans chacune de ces deux situations d'évaluation, une note sur 20 est attribuée au candidat. La note obtenue par le candidat à la première partie de l'épreuve est la moyenne de ces deux notes. La première situation d'évaluation permet d'évaluer la phase préparatoire et de recherches du projet et de valider l'appropriation de la problématique par l'élève. La seconde situation d'évaluation a lieu au terme du temps imparti pour la réalisation du projet. Elle permet d'évaluer les propositions formulées par l'élève. Les deux évaluations sont conduites par les enseignants de design et arts appliqués qui ont suivi les travaux des élèves. (MEN, 2012) Les deux phases d’élaboration du dispositif doivent permettre à l’élève (1) de définir un « espace problème » (Dorst, 2006) puis, (2) de développer un « espace de solution (Dorst, 2006). Ces situations peuvent être assimilées à des « problèmes » auxquels l’élève est confronté. Vergnaud définit ces problèmes comme « toute situation dans laquelle il faut découvrir des relations, développer des activités d'exploration, d'hypothèses et de vérification, pour produire une solution » (Vergnaud, 1998, p.22). Il s’agit d’une situation dans 126 laquelle « les apports externes ne sont générateurs de développement que dans la mesure où les conflits qu’ils engendrent sont “traitables” par la personne » (Bronckart, 2008, p.240). À l’instar des projets de fin d’études des différentes formations professionnalisantes en design françaises, la prescription du PROJET DAA repose sur une situation artificielle de conception dans laquelle la tâche, fictive, est définie par l’élève, (la première situation d’évaluation, « la phase préparatoire et de recherches du projet ») et pour laquelle il répond en produisant des représentations externes de modèles d’artéfacts (la deuxième situation d’évaluation, « les propositions formulées par l’élève »). Ce qui est, comme le fait remarquer Moineau (2016) : une forme extrême de non-prescription de la tâche de conception, au sein d’une situation de conception très précisément définie par les contraintes de la certification. C’est donc, le plus souvent, à travers une tâche de conception « atypique », autant dans le cadre scolaire que dans le cadre opérationnel, que les étudiants sont certifiés. En un sens, l’étudiant détermine, de façon plus ou moins consciente, ce qu’il va apprendre par la situation qu’il n’a pas instaurée, mais qu’il définit d’une certaine manière par les contours de la tâche de conception (le sujet de son projet de diplôme) (p.99). Ce constat renvoie à la notion d’intégration (Lenoir, 2001) par la présence des dimensions interactives qui relient d’abord les sujets apprenants aux objets d’apprentissage. La conception et l’organisation du dispositif, tel qu’il est conditionné par les contraintes de la prescription, (la durée, les deux situations d’évaluation) confère un double statut à la situation, à la fois situation d’enseignement-apprentissage et situation certificative. Cette première analyse permet de considérer que la prescription demande aux enseignants de concevoir une situation d’enseignement qui s’appuie sur un apprentissage par projet, (Project-based Learning). Dans cette situation, but et moyens ne sont pas prédéterminés mais concernent des questions ou des problèmes qui « poussent » les élèves à rencontrer (et à lutter avec) les concepts et principes fondamentaux d’une discipline. La question des tâches prescrites par l’enseignant mais à valeur certificative et des médiations de ce dernier au rapport « sujet-objet » (Lenoir & Sauvé, 1998) est posée. Une tâche « logique de conception » La deuxième partie de l’épreuve, est qualifiée de « soutenance orale individuelle ». Le dispositif doit permettre à l’élève de réaliser « un rapport de synthèse » permettant de rendre compte de la « démarche » effectuée dans la première partie et de la présenter à l’oral. 127 La deuxième partie de l'épreuve consiste en la soutenance orale individuelle d'un rapport de synthèse. Ce rapport est constitué par le candidat et rend compte de sa démarche de projet pluridisciplinaire. Il est rédigé sous un format papier d'un maximum de 10 pages recto, format A4. Ce rapport est traduit en format numérique en vue de la présentation orale. Le rapport est noté sur 5 points et la présentation orale sur 15 points. La note attribuée au candidat pour la deuxième partie de l'épreuve est la somme de ces deux notes. L'évaluation est assurée par deux enseignants de design et arts appliqués qui n'ont pas accompagné le projet du candidat. Elle porte d'une part sur le rapport de synthèse, et d'autre part sur la présentation orale. (MEN, 2012) Cette démarche semble s’apparenter au concept de la « logique de conception » : un concept répondant au besoin de décrire le chemin parcouru entre l’énoncé d’un problème et le choix d’une solution par l’objectivation des pratiques des concepteurs professionnels (Darse & Visser. P.17). Construire sa logique de conception est une activité de conception en soi (Sauvagnac et al, 2000). Les modalités de certification dissocient le processus de formation et la certification. Les évaluateurs sont aussi des enseignants d’AA qui n’ont pas pris en charge les deux phases d’élaboration du « projet pluridisciplinaire » ni la préparation à la « soutenance orale individuelle ». Les acquis des candidats sont appréciés quantitativement. Dans les deux parties de l’épreuve certificative PROJET DAA, les acquis sont appréciés de manière égale. Pour conclure cette section, la Figure 17 reprend schématiquement le dispositif « idéel » (Albero, 2010) de certification : les différentes tâches et les situations d’évaluation du PROJET DAA, prescrites par l’institution. 128 L’espace de problème, (Dorst, 2010) Première situation d’évaluation « Phase préparatoire et de recherches de projet » [1] L’espace de solution, (Dorst, 2010) Deuxième situation d’évaluation « Propositions formulées par l’élève » Processus de formation et certification associés [2] Rapport de synthèse Troisième situation d’évaluation « Soutenance orale individuelle » Tâche « fictive de conception » Soutenance orale [3] Tâche « logique de conception » Processus de formation et certification dissociés
Figure 17. Le dispositif « idéel » du PROJET DAA (MEN, 2012) Une certification de compétences « scolaires » de conception
L’évaluation des trois compétences « prescriptives » (Jonnaert, 2003) du curriculum DAA (MEN, 2011a) s’appuie sur deux situations certificatives. La compétence « Acquérir une culture design » est évaluée dans le cadre d’un examen écrit. Les compétences « Engager une pratique expérimentale du design » et « Communiquer ses intentions » sont évaluées dans la première partie de la situation certificative PROJET DAA, la tâche fictive de conception. Les modalités de certification associent le processus de formation et la certification. - exploiter des ressources documentaires, sélectionner des références ; - reconnaître les principales étapes de l’histoire des techniques et des évolutions technologiques ; - prendre en compte les contraintes environnementales et économiques d’un contexte donné ; - situer des repères historiques et contemporains de la création artistique ; - analyser des situations, des documents, des objets à des fins de compréhension et d’appropriation ; - construire les bases d’une culture structurante qui articule des savoirs généraux, scientifiques, artistiques et techniques. Engager une pratique expérimentale du design - mettre en œuvre des méthodes d’investigation ; - repérer les étapes qui constituent les démarches de conception et de réalisation d’un produit ou d’une création ; - exploiter ces démarches et en justifier les logiques ; - identifier et distinguer un problème de design : situer un besoin, analyser une demande, synthétiser des informations de différentes natures, explorer des modes d’intervention ; - identifier, expérimenter et exploiter diverses méthodes de créativité adaptées aux problèmes posés ; - proposer des solutions, prévoir une mise en œuvre ; - Identifier les particularités d’un objet fonctionnel, d’un espace de vie, d’une communication et la complexité de leurs systèmes. Communiquer ses intentions - formuler, sélectionner, expliciter, contextualiser, mettre en situation, communiquer des hypothèses et des démarches de création ; - utiliser un ensemble de modes de représentation qui font appel tant aux techniques traditionnelles qu’aux outils informatiques de communication impliquant les médias ; - expérimenter tout moyen plastique, tout médium, tout matériau, tout support nécessaire à l’expression d’intentions de création. Tableau 3. Les compétences « prescriptives » du curriculum DAA (MEN, 2011a, p.2)
Dans le Tableau 3, les compétences « prescriptives » (en noir, celles évaluées dans le cadre de l’épreuve certificative de la première partie du PROJET DAA) renvoient à des cadres d’actions et de ressources (Jonnaert, 2011) qui ne s’appuient pas sur des situations de référence identifiées (Tortochot, 2007b). L’état désiré de compétence « scolaire », à l’issue de la première partie de la situation du PROJET DAA reste difficile à définir (Tortochot & Lebahar, 2008) parce que cet état désiré est porté par « une épistémologie de la pratique implicite dans les processus artistiques et intuitifs que certains praticiens apportent à des situations d’incertitude, d’instabilité, d’unicité et de conflit de valeur », des « situations désordonnées et problématiques » mais aussi parce que cet état désiré est porté par « une épistémologie de la pratique implicite dans les processus artistiques et intuitifs que certains praticiens apportent à des situations d’incertitude, d’instabilité, d’unicité et de conflit de valeur » (Tortochot & Lebahar, 2008). Dans le curriculum DAA, l’état désiré de compétence ne viserait pas les mêmes « exigences » que celui d’une formation professionnalisante (MEN, 2011b). 130 Les compétences visées consolident la culture spécifique d’un individu qui souhaite s’orienter vers les métiers de la conception. En somme, les élèves devront continuer d’acquérir ces compétences dans les formations post-bac, mais elles viseront alors une autre exigence et détermineront un profil professionnel plus précis. Ces préconisations renvoient au cadre situationnel (Jonnaert, 2011) et aux ressources et obstacles fournis par la situation et notamment la tâche que va prescrire l’enseignant d’AA qui accompagne l’élève et qui évalue cet état « désiré » de compétences. Cette évaluation s’appuie en partie sur les artéfacts que l’élève a produit. Deux tâches se présentent, de fait, à l’équipe pédagogoque : construire une situation didactique pertinente (Rogalski, 2004) permettant de développer les compétences « désirées » et analyser la manière dont les élèves vont, à travers cette situation didactique, les mettre en œuvre. Ainsi, si les objectifs sont définis par le curriculum formel, le curriculum réel doit être construit par l’équipe pédagogique : « en s’appuyant sur un principe de liberté́ pédagogique, l’enseignant doit être créatif, inventif avec en ligne de mire le garde-fou que constitue le curriculum formel » (Vince, 2011, p. 3). Cette liberté peut également être envisagée comme une forme de « curriculum oublié » (Soetewey et al., 2011).
131 4.2 Vers un modèle d’analyse de l’activité d’apprentissage de l’élève de bac STD2A
Les constats précédents rendent compte des difficultés à cerner ce qui pourrait être une situation d’enseignement-apprentissage de la conception au lycée. Les contours peuvent en être appréhendés par les différents artéfacts potentiellement présents dans cette situation, les outils et les signes qui permettent aux élèves non seulement de traiter l’information, de construire et de produire leurs représentations mais aussi, de conceptualiser dans l’action. La première section reprend des éléments de l’analyse curriculaire qui permettent de préciser les instruments en jeu dans la situation PROJET DAA. La deuxième section fait émerger les liens entre la situation d’apprentissage en bac STD2A, telle qu’elle est prescrite par l’institution dans le PROJET DAA et celle, telle qu’elle a été observée dans les formations supérieures. Le modèle opératoire d’analyse de l’activité du sujet-concepteur construit par Lebahar (2003) et dans lequel les interactions ont été caractérisées en situation d’apprentissage de conception dans les formations professionnalisantes (Tortochot, 2012) n’a pas encore été éprouvé dans une situation d’apprentissage où l’apprenant n’est pas un étudiant qui apprend à devenir designer. La troisième section en souligne les différences en s’appuyant sur le modèle théorique de la situation d’apprentissage, construit dans le premier chapitre à partir des apports de la théorie de l’activité. L’objectif de la mise en regard des deux modèles est de préciser les différents phénomènes observables dans la situation d’apprentissage du PROJET DAA.
4.2.1 Des instruments de l’activité d’apprentissage de la conception
La prescription du PROJET DAA peut être considérée comme un artéfact. Les enseignants la transforment en instrument pour produire à leur tour un artéfact, à la fois objet et système (Lebahar, 2008). La tâche prescrite par l’enseignant est observable d’une part, par la « consigne » qu’il donne pour accompagner l’élève à définir sa tâche fictive de conception et à produire et communiquer ses représentations d’artéfacts, par exemple, l’utilisation de certains outils (manuels ou numériques) ou d’œuvres de références. D’autre part, elle est observable par la nature et la fré des médiations que l’enseignant entretient avec ses élèves. Les élèves construisent leur représentation de la situation à partir des ressources internes du dispositif que l’enseignant a conçu. Les processus d’instrumentation et d’instrumentalisation sont à leur tour mis en œuvre par les élèves et cette relation bilatérale se déplace des artéfacts qu’ils produisent vers eux-mêmes puis vers l’enseignant et va orienter les actions de ce dernier sur leur activité. Les élèves doivent produire des représentations externes de leurs idées. Ces représentations externes utilisent des systèmes sémiotiques variés, des textes, des dessins par exemple et ont un double statut ; elles proviennent de l’imagerie interne et à partir du moment où elles sont extériorisées, elles deviennent des artéfacts externes, faisant l’objet d’une perception et d’une réappropriation interne. Ces artéfacts seront eux-mêmes modifiés, façonnés et transformés pour réduire les incertitudes du problème mal défini et développer des solutions singulières adaptées. Ces représentations externes intermédiaires sont des constructions de connaissances instrumentées. Le fait d'extérioriser une expérience, une idée aide les représentations mentales à prendre forme et à s'organiser. Ces intermédiaires participent ainsi à la construction sémiotique du sujet. Il paraît évident que la valeur attribuée aux représentations d’artéfacts produites par l’élève, que ce soit du point de vue de ce dernier ou de celui de l’enseignant, n’est pas du même registre que celle attribuée par un designer ou par son commanditaire parce qu’il n’y a pas de similitudes entre les acteurs et les situations de conception. Pour autant, l’élève produit et cet artéfact entre en jeu dans l’activité de l’élève et probablement dans celle de l’enseignant parce que tous deux n’ont a priori aucune représentation de ce qui peut être réalisé. 4.2.2 L’élève en bac STD2A : un sujet concepteur?
Dans le cadre de l’épreuve certificative PROJET DAA, la prescription demande aux enseignants de concevoir une situation d’enseignement qui s’appuie sur un apprentissage par projet. Il est question d’une situation artificielle de conception dans laquelle la tâche « fictive » est définie par l’élève et pour laquelle il répond en produisant des représentations externes de modèles d’artéfacts et ce sont les outils, manuels et numériques, qui lui permettent de les produire et les communiquer à son enseignant. Dans cette situation, l’évaluation est conditionnée par des compétences « prescriptives » (Jonnaert, 2003), « Engager une pratique expérimentale du design » et « Communiquer ses 133 intentions » (MEN, 2011) et s’appuie sur la tâche « fictive » de conception et les représentations externes des modèles d’artéfacts produits par l’élève. Ces compétences sont un repère pour l’enseignant, mais cet état « désiré » de compétences (Lebahar, 2001, 2007), porté par « une épistémologie de la pratique implicite » reste difficile à définir (Tortochot & Lebahar, 2008). Des situations artificielles de conception ont été observées dans certains contextes d'enseignement de la conception architecturale (Lebahar, 2001) et dans les formations supérieures en design et AA (Tortochot, 2012 ; Moineau, 2016). Ces situations placent l’étudiant dans une situation d'exploration et d'initiatives lorsque ce dernier conçoit son propre cahier des charges, par exemple (Lebahar, 2003). Dans ces situations, la faisabilité du modèle d’artéfact qu’il conçoit n’est pas impérative mais plutôt « crédible » (Moineau, 2016). Ce sont les interactions entre les représentations que l’enseignant a de la situation qu’il propose à l’étudiant et celles de l’étudiant lui-même (Tortochot, 2012 ; Moineau 2011) qui incitent ce dernier à agir. Il y a les relations qu’il entretient avec les représentations de ses modèles d’artéfact, à l’instar du designer. Il y a aussi les dialogues qu’il entretient avec son enseignant sur les différents états de ses représentations durant cette situation (Tortochot, 2012).
4.2.3 Le complexe d’interactions centré sur le sujet élève
Nous reprenons à présent les modélisations théoriques de la situation d’apprentissage retenues dans cette étude. Il s’agit d’identifier les similitudes entre les différentes interactions dans l’activité du sujet-élève, d’après Ho (2007) et Hardman (2007) (Figure 4) et celles présentes dans le complexe d’interactions centré sur le SC, tel qu’il a été modélisé par Lebahar (2003) et complété par Tortochot (2012) (Figure 13). Ces interactions définissent simultanément le champ d’action de l’élève observé et analysé, et celui de l’observateuranalyste permettant à ce dernier de préciser l’origine et les directions des phénomènes observables. 134 Instruments 2 Sujet Élève 1 3 Objet 1 SOURCES DE CONNAISSANCES EXTERNES 6 4 5 Communauté Division du travail Règles de classe -Classe : enseignant et élèves Les enseignants enseignent et dirigent Règles sociales, normes culturelles Lycée Les élèves apprennent et étudient Règlement intérieur du lycée Ministère EN 4 Dialogue Émotions Affects état initial de représentation de l’artefact 3 Expérience vécue d’expériences vécues -Mise en oeuvre du curriculum Résultat -Apprentissage des élèves Règles la tâche de conception COMPÉTENCES DU SUJET-CONCEPTEUR Artefacts médiateurs : outils et signes utilisés par l’enseignant et l’élève étudiant sujetconcepteur Explicitation Énonciation 2 Planification 5 Méta-conception Réponse 6 insolente AUTRES SUJETS MOYENS DE REPRÉSENTATION ET DE COMMUNICATION Règles d’évaluation états intermédiaires de représentation de l’artefact état final de représentation de l’artefact 2 (bis) Explicitation Énonciation Dialogue
Figure 18. Les interactions dans le modèle d’apprentissage d’après Ho (2007) et Hardman (2007) et dans la situation d’apprentissage de conception (Tortochot, 2012)
Dans le premier modèle, les instruments (2) pourraient correspondre aux pôles « sources de connaissances externes » (4) et « moyens de représentation et de communication » mais ces derniers ne suffisent pas à caractériser la situation d’apprentissage du PROJET DAA. L’analyse curriculaire a précisé le cadre de la situation certificative PROJET DAA, à charge des enseignants d’organiser le dispositif et de prescrire la tâche pour orienter l’action de l’élève vers les étapes de travail (en bloc ou par sous-tâches successives, des oeuvres de références ou des moyens de représentation et de communication, etc.) et d’évaluation (résultats attendus, du , dates et modalités d’évaluation), du moins dans la première partie du PROJET DAA. Cette remarque souligne l’importance de la tâche prescrite par l’enseignant, en partie caractérisée dans les artéfacts « prescripteurs », dans cette activité. Dans le premier modèle, la « division du travail » (5) renvoie à la dimension dialogique de l’action didactique et à la dimension asymétrique des sous-systèmes didactiques. Ainsi, la nature des interactions dialogiques que l’enseignant entretient avec ses élèves, va participer à la co-construction du milieu (Félix & Joshua, 2002) et contribuer à définir la nature du processus d’enseignement-apprentissage à l’œuvre. Cette remarque souligne que, dans le deuxième modèle, l’enseignant n’est pas un sujet comme les autres. Dans le premier modèle, les « règles » (6) sont caractérisées par les normes, les conventions et les interactions sociales de la classe qui dirigent les actions du sujet. Dans la classe, les règles peuvent être définies de deux manières : les règles liées à l'ordre social que l’on pourrait définir comme les règles des communautés (la classe, le lycée, le ministère de l’éducation nationale) et les règles liées à la tâche. Rien n’est dit dans le texte officiel sur ce qui est attendu comme état final de représentation de l’artéfact. De manière plus générale, rien n’est dit non plus sur les différents états qui conduisent à l’état final de représentation, sinon que les outils manuels et numériques participent à cette construction de l’artéfact. La construction théorique ci-dessous (Figure 19) tente de préciser les différents phénomènes observables dans la situation d’apprentissage du PROJET DAA.
TÂCHE PRESCRITE PAR L’ENSEIGNANT LA PRESCRIPTION PROJET DAA SOURCES DE CONNAISSANCES EXTERNES
7 L’espace de problème, (Dorst, 2010) Tâche « fictive de conception » [1] COMPÉTENCES DU SUJET-CONCEPTEUR 3 4 1 6 5 Métaconnaissances C
Systèmes de valeurs
Imaginaire Habiletés Dispositions Internet Oeuvres de références Manuels et traités Revues spécialisées Anciens projets... EXTERNES MOYENS DE REPRÉSENTATION ET DE COMMUNICATION COMPÉTENCES DU SUJET- CONCEPTEUR
L’espace de solution, (Dorst, 2010) Élève Bac STD2A AUTRES SUJETS Enseignants Élèves Autres membres du lycée 2 (bis) MOYENS DE REPRÉSENTATION ET DE COMMUNICATION Technologies manuelles et informatiques de : - Dessin - Modélisation - Simulation - Communication - Traitement de l’information Processus de formation et certification associés Soutenance orale [3] TÂCHE PRESCRITE PAR L’ENSEIGNANT Sous-tâches : - Moyens de représentation et de communication - Oeuvres de références Règles d’évaluation : - Résultats attendus - Durée, dates et modalités d’évaluation Tâche « logique de conception » Processus de formation et certification dissociés RÈGLES Règles de classe Règles sociales Normes culturelles
Figure 19. La situation d’apprentissage du PROJET DAA
Les pôles, « tâche prescrite par l’enseignant » et « règles » ont été ajoutés au complexe d’interactions centré sur le sujet élève. Le premier est caractérisé par ce qui permet d’orienter l’action de l’élève : les sous-tâches successives (des œuvres de références ou des moyens de représentation et de communication) et les règles d’évaluation (les résultats attendus, durée, dates et modalités d’évaluation). L’enseignant qui prescrit la tâche est mis en exergue dans le pôle « autres sujets ». Dans ce modèle, le pôle est circonscrit aux « communautés » de la classe et du lycée. Le dispositif « idéel » (Albero, 2010) de certification, tel qu’il a été analysé 136 et schématisé (Figure 17) est associé à ce modèle : les différentes ches et les situations d’évaluation du PROJET DAA, prescrites par l’institution. Les productions des élèves, c’est-àdire le résultat dans le premier modèle (Figure 18), peuvent être regardées du point de vue des interactions que l’élève opère avec les différents pôles de la situation d’apprentissage de PROJET DAA, telle qu’elle est proposée. La question du statut de l’artéfact, prescripteur, symbolique, outil, représentation, se pose en termes d’articulation entre la sphère des construits socio-culturels, les savoirs en jeu et celle de l’activité de l’élève. Comment privilégier le registre de traitement de l’information spécifique au sujet en situation d’apprentissage de la conception lui permettant d’élaborer une première représentation du problème de conception qui va ensuite évoluer, se modifier, se préciser? Par quel moyen, l’élève peut-il extraire des informations de son environnement d’apprentissage, environnement qui dépend d’une part de la manière dont la situation a été conçue par l’enseignant et d’autre part de la manière dont il construit cette situation? En quoi tous ces « objets » lui permettent-il de développer une activité de conception? Quelle valeur donner aux représentations d’artéfacts produits par l’élève? C’est parce qu’il expérimente et qu’il est amené à regarder ce qu’il expérimente, à évaluer ou à se faire évaluer sur ce qu’il expérimente (1), que l’élève peut gagner en autonomie, et, ainsi, développer/acquérir une compétence de conception (3). C’est ce que vise le curriculum, et plus particulièrement l’épreuve certificative PROJET DAA. Quelle compétence « effective » (Jonnaert, 2003) construit-il dans la situation d’apprentissage PROJET DAA? Nous avons vu que la source de connaissances externe (4) principalement utilisée par les étudiants est Internet (Tortochot, 2012) et la prescription du bac STD2A le recommande. En est-il de même pour les élèves de Bac STD2A? Les instruments de médiation se précisent en tant qu’intermédiaires entre l’activité du sujet et l’objet de l’ activité, entre lui et les autres sujets, en particulier les enseignants. Les moyens de représentation et de communication (6) permettent à l’élève de produire des représentations externes (2). Ces dernières orientent les actions et les opérations de l’élève parce qu’ils deviennent des instruments lui permettant de développer des états successifs de représentation ou d’en produire d’autres. A leur tour, les artéfacts produits par les élèves deviennent des instruments pour l’enseignant lui permettant d’orienter son action (2bis). La division du travail est un facteur déterminant dans les interactions dialogiques avec les autres sujets et plus particulièrement avec l’enseignant (5), dans une situation définie comme 137 épreuve certificative qui a ses règles, celles de la tâche prescrite (7), celles des communautés de la classe et du lycée (8).
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Master Infectiologie : microbiologie, virologie, immunologie (IMVI). 2018, Université Paris Diderot - Paris 7. ⟨hceres-02029337⟩
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- Sur le point du morcellement, celle-ci n’intervient qu’en M2 et ceci correspond à l’esprit des M2 où les meilleurs
spécialistes de leur sujet interviennent (avec donc un large panorama d’intervenants pour une durée limitée). Ce
n’est pas un écueil pour le Contrôle de l’acquisition des connaissances car il ne repose pas sur une restitution de
connaissances mais sur analyse critique d’un article dont le sujet peut recouvrir plusieurs interventions. Il est élaboré
et corrigé par les responsables de l’UE.
Master
Mention : Ingénierie de la santé, biomatériaux
Observations relatives à l’évaluation par le Haut
conseil de l’évaluation de la recherche et de
l’enseignement supérieur
L’Université Paris Diderot ne formule aucune observation.
Les rapports d’évaluation du Hcéres
sont consultables en ligne : www.hceres.fr
Évaluation des coordinations territoriales
Évaluation des établissements
Évaluation de la recherche
Évaluation des écoles doctorales
Évaluation des formations
Évaluation à l’étranger.
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Les Nuages de Magellan
Un catalogue des deux Nuages a été publié (Cioni et al., 2000b), à partir duquel, une étude de la morphologie des Nuages a déjà été faite par Cioni et al. (2000a). Le projet 2MASS 21 Cioni et al. (2000c) ont trouvé des modules de distance m? M de 18.55 pour le Grand Nuage de Magellan (LMC) et de 18.99 pour le Petit Nuage (SMC). Les étoiles AGB ont des magnitudes bolométriques inférieures à -3.6 (plus de 1700 L ). Les corrections bolométriques de ces objets dépendent de leur couleur (Groenewegen, 1997). Mais avec une limite de 14.0 en Ks, DENIS doit détecter toutes les AGB des Nuages ayant une correction bolométrique mbol? Ks supérieure à 1.4, ce qui représente la quasi-totalité de ces objets (seules les quelques AGB très rouges, obscurcies avec un fort taux de perte de masse ne seront pas visibles). Galaxies et cosmologie
Le relevé DENIS permet de construire un grand catalogue de galaxies en s'affranchissant des problèmes associés à l'extinction interstellaire, qui empêche en particulier de déterminer précisément une magnitude limite. De plus, les couleurs infrarouges sont moins sensibles aux épisodes récents de formation stellaire (Mamon et al., 1997), et permettent donc une meilleure estimation de la masse de la composante stellaire. Vauglin et al. (1999) ont publié un premier catalogue des 20 260 galaxies les plus brillantes détectées dans la bande I dans un quart du ciel sud. Plus de 70% de ces galaxies sont nouvelles. Les données DENIS permettent surtout de détecter de nouvelles galaxies dans la zone d'exclusion (zone of avoidance), à basse latitude galactique. On s'attend à recenser 900 000 galaxies dans la bande I, 500 000 dans la bande J, et 50 000 dans la bande Ks. Un programme (KLUN+) est en cours pour observer l'émission HI (hydrogène neutre) de 8000 galaxies brillantes détectées par DENIS, au radiotélescope de Nancay. 1.3 Le projet 2MASS 2MASS (Skrutskie et al., 1997) est le produit d'une collaboration entre l'Université du Massachusetts (UMASS) et l'IPAC9 (Infrared Processing and Analysis Center, (JPL/Caltech)) pour observer le ciel complet dans trois bandes photométriques dans l'infrarouge proche. 1.3.1 Les observations sont faites à l'aide de deux télescopes de 1.3 m situés respectivement au Mont Hopkins (Arizona) pour l'hémisphère nord, et à Cerro Tololo (Chili) pour le sud. Ces télescopes sont équipés de deux caméras identiques à trois canaux (Fig. 1.9), permettant des observations simultanées dans les bandes J (1.25 μm), H (1.65 μm), et Ks (2.17 μm).
et 2 . Fig. 1.9: Chaque canal est équipé d'un détecteur 256256, permettant une résolution de 2 par pixel pour un champ de 8.5'8.5' (voir Tab. 1.3).
1.3.2 An d'assurer une couverture complète, le ciel a été divisé en 59 650 tuiles de 8.5' de large en ascension droite, et 6en déclinaison. Une tuile est composée de 272 images de 8.5'8.5', avec un recouvrement de 5/6 d'une image à l'autre (Fig. 1.10). On a un tramage (dithering) induit par les recouvrements importants entre deux images successives : l'image nale est une combinaison de 6 images individuelles (Fig. 1.11), chaque point du ciel étant observé 6 fois, en diérents endroits par rapport au centre d'un pixel (le pas en déclinaison induit un déplacement d'une fraction de pixel, et une légère rotation de la caméra provoque des décalages en ascension droite). Cette procédure de tramage présente plusieurs avantages : la PSF est aiguisée : à une dimension, on peut voir cela comme le passage d'une PSF en créneau de 2 de large, en une PSF de même largeur à mi hauteur, mais de forme triangulaire. La qualité d'image est améliorée, ce qui permet une Le projet 2MASS 23 Ascension droite Déclinaison 8.5' 272 images (6 degrés) Stratégie observationnelle pour 2MASS. Chaque tuile de 8.5'6est composée de 272 images de 8.5'8.5', chaque point d'une tuile étant observé six fois.
Fig. 1.10: meilleure séparation des sources très serrées, et une meilleure discrimination étoiles/galaxies ; l'uniformité de la photométrie, de l'astrométrie et des images est améliorée, car les biais dus à l'échantillonnage à l'échelle d'un pixel sont supprimés ; l'astrométr
et la photométrie sont améliorées par le lissage des variations de la réponse sur un pixel. Au cours de l'observation d'une tuile, le télescope balaye le ciel en déclinaison à vitesse constante, pendant que le miroir secondaire tourne en sens inverse an de ger l'image d'une position xe sur le ciel. Une seule exposition de 1.3s 2.0'' / pixel Combinaison de 6 expositions de 1.3s 1.0'' / pixel
Exemple de combinaison de 6 observations individuelles en une seule image. On peut voir le gain important en résolution obtenu entre une observation simple (à gauche) et la combinaison (à droite), ainsi que le gain pour les mauvais pixels (dans l'étoile brillante en bas, par exemple). Fig. 1.11: Il y a entre les tuiles un recouvrement de 0.95' en ascension droite et de 8.5' en déclinaison. L'hémisphère nord est restreint aux déclinaisons supérieures à +12, car le rendement attendu (en nuits de bonne qualité) est supérieur pour le télescope installé au Chili.
Des tuiles de calibration sont observées à des intervalles d'une heure tout au long de chaque nuit. Une tuile de calibration ne fait qu'un degré de long, mais elle est ré-observée 6 fois au cours de la même séance de calibration. Comme chaque point est toujours observé dans 6 images, chaque étoile est donc mesurée 36 fois dans une même séance de calibration. Les observations ont débuté au printemps 1997 dans l'hémisphère nord, et un an plus tard dans le sud. L'ensemble du ciel est couvert depuis n octobre 2000. Le
projet 2MASS 25 1.3.3 Traitement des données
C'est l'IPAC qui est en charge du traitement des quelque 20 TB de données brutes issues des observations. Une chaîne de traitement complète a été mise au point, le 2MASS Production Processing System (2MAPPS10, Cutri (1997)). Cette chaîne eectue l'ensemble des opérations, depuis la réception des données, jusqu'à l'intégration des sources et des images dans une base de données de travail (WSDB, Working Survey Data Base). La gure 1.12 donne un aperçu de l'organigramme du 2MAPPS. Les données venant des télescopes sont acheminées à l'IPAC sur bandes DLT. Les principales étapes du traitement sont : un premier traitement des images, pour calculer les décalages entre les diérentes images, dans chaque bande : correction du champ plat et du biais ; estimation du seeing ; calcul du fond de ciel, du bruit moyen ; extraction sommaire des sources ctuelles. Fig. 1.12: Le projet 2MASS 27 L'accès public aux données est assuré par l'IRSA (InfraRed Science Archive)11, et une copie est disponible au CDS. Une copie des données publiques est également accessible au CDS12, comme on le verra au chapitre 4. Il est également prévu
que
l'atlas du ciel Aladin(Bonnarel et al., 2000) puisse proposer les images 2MASS.
1.3.4 Objectifs scientiques et résultats
Les objectifs scientiques de 2MASS sont assez similaires à ceux du projet DENIS. Les principales diérences entre les deux relevés sont la présence de la bande I dans DENIS, contre la bande H pour 2MASS, et le fait que 2MASS soit un peu plus profond dans la bande Ks que DENIS. Les observations dans l'infrarouge proche, moins sensible à la présence des poussières du milieu interstellaire, permettent d'étudier les structures à grande échelle de la Galaxie. Le catalogue nal de sources étendues sera le premier recensement des galaxies plus brillantes que la magnitude 13.5 en Ks, complet pour tout le ciel, y compris les régions à basse latitude galactique ( zone d'exclusion ). Le catalogue fournira également une base statistique pour la recherche d'objets rares (étoiles de très faible masse, naines brunes, noyaux actifs de galaxies (AGN) très rouges). Étoiles de très faible masse Kirkpatrick et al. (1999) ont trouvé de nouveaux candidats de naines L, cette classe d'objets de faible masse, plus froids que les naines M, dénie par Delfosse à partir des données DENIS. Cette dénition repose sur la découverte dans les données 2MASS de 20 nouveaux objets de type plus tardif que M9.5 (on en connaissait seulement 9 auparavant). Quelques objets très froids, des naines de type T (présentant des bandes d'absorption du méthane dans leur spectre), ont également été détectés (Burgasser et al., 1999). La température eective de ces objets dont on connaît très peu de représentants est de l'ordre de 1300 K. La découverte de ces objets extrêmes, mais aussi de nombreuses étoiles de type tardif, permet d'améliorer notre connaissance de la fonction de luminosité des objets de faible masse (Liebert et al., 2000).
Morphologie des galaxies dans l'infrarouge proche
De nombreuses galaxies nouvelles ont été détectées par 2MASS, en particulier dans les régions obscurcies par le disque de notre propre Galaxie, à basse latitude (Jarrett et al., 2000). A partir d'un échantillon de galaxies, un atlas morphologique 10http://www.ipac.caltech.edu/2mass/data_processing/index.html 11http://irsa.ipac.caltech.edu/ 12http://vizier.u-strasbg.fr/cgi-bin/VizieR?-source=B/2mass Grands catalogues et relevés infrarouges 28 des galaxies dans l'infrarouge proche a été construit, pour présenter la forme des galaxies classées dans la séquence de Hubble, à des longueurs d'onde de 12μm (Jarrett, 2000). AGN rouges
La vision des noyaux actifs de galaxies dans le visibles est fortement sensible à la quantité de poussière présente. Dans l'infrarouge, de nombreux AGN invisibles aux longueurs d'onde optiques peuvent être mis en évidence. Une recherche d'objets rouges dans les données 2MASS permet de sélectionner des AGN très rouges, auparavant inconnus (Nelson et al., 1999).
1.4 Les catalogues de sources ponctuelles
Les autres chapitres de la première partie de cette thèse sont consacrés à l'analyse, à la manipulation et à la mise en ligne des catalogues de sources ponctuelles produits par DENIS et 2MASS. Cette section décrit brièvement la nature de ces données. 1.4.1 Les projets DENIS et 2MASS sont caractéristiques de l'astronomie moderne, qui est devenue une science du tout-numérique. Depuis les capteurs numériques, jusqu'aux catalogues interrogeables en ligne, tout le traitement est informatisé. Le nombre de sources présent dans les catalogues est très grand, mais on a, de plus, énormément de paramètres pour chaque source. Ces paramètres sont le fruit de chaînes de traitement de plus en plus sophistiquées, où l'on veut garder un maximum d'information sur les processus d'extraction, de calibration et de caractérisation des sources. Il faut aussi garder à l'esprit que les techniques modernes de traitement de l'information rendent envisageable la gestion de tels volumes de données.
1.4.2 Le catalogue DENIS
Le catalogue de sources ponctuelles DENIS devrait contenir plus de 100 106 sources. Les données sont traitées et extraites au LDAC strip par strip. En décembre 2000, le nombre de strips traités au LDAC et au PDAC étaient respectivement supérieurs à 1000 et 2000. Un ensemble de 102 strips traités au LDAC constitue le premier tillon de données ouvert au public (un peu plus de 17 millions de sources). Dans chacun des deux catalogues, on peut avoir jusqu'à plus de 70 paramètres pour chaque source. Le catalogue nal sera le produit de la combinaison de tous les strips traités, et imposera donc la gestion de toutes les zones de recouvrement, pour que chaque source n'apparaisse qu'une seule fois.
1.4.3 Le catalogue 2MASS
On a vu que tout le traitement des données 2MASS était eectué par l'IPAC. Il y a eu au cours de ma thèse 3 phases de diusion de données sur les sources ponctuelles, chacune correspondant à un catalogue remplaçant le précédent. 13Dans le catalogue de sources étendues, on a jusqu'à 400 paramètres diérents pour chaque source! 30 Grands catalogues et
relev
és
infrarouges
Chapitre 2 Compression et indexation 2.1 Manipulation de grands volumes de données
2.1.1 Position du problème O n a vu au chapitre précédent que les projets DENIS et 2MASS vont détecter un très grand nombre de sources : les catalogues de sources ponctuelles résultants contiennent des dizaines de paramètres pour des centaines de millions de sources. Nous devons alors faire face à plusieurs problèmes : la taille des catalogues devient énorme. Sous forme de chiers textes, ces catalogues atteignent des volumes de quelques centaines de gigaoctets (Go). Les systèmes classiques de gestion de bases de données sont inadaptés pour traiter de tels volumes. Il est nécessaire de compresser au mieux les catalogues pour pouvoir les manipuler plus facilement ; il est dicile de garder un accès rapide aux données. Il faut optimiser les recherches dans le catalogue de manière à avoir les temps de réponse les plus courts possibles. La compression permet déjà de réduire la durée des opérations d'entrée/sortie (en diminuant les volumes de données à lire), mais on indexe également le catalogue, de manière à pouvoir accéder plus rapidement à l'information désirée ; on doit faire face à des requêtes multicritères. Le nombre de paramètres disponibles pour chaque objet étant très grand, les requêtes peuvent porter simultanément sur plusieurs contraintes (ex : quels sont les objets dans telle région ayant une magnitude inférieure à m, avec une couleur supérieure à c. ). Nous allons voir la façon dont nous avons géré les problèmes de compression et d'indexation pour la gestion des catalogues de sources ponctuelles de DENIS et
Compression et indexation 2.1.2 Techniques mises en ÷uvre
Nous avons choisi d'appliquer aux catalogues de sources ponctuelles une compression sans perte d'information, en les codant sous forme de chiers binaires, en adoptant une indexation sur la position céleste des sources (Derriere et al., 2000)1. Avec une méthode similaire, les 6 Go du catalogue USNO A1.0 (Monet et al., 1997) peuvent être compressés en 3.4 Go (Ochsenbein, 1998). Pourquoi coder en binaire? L'unité d'information élémentaire en informatique est le bit (abréviation de binary digit). Les ordinateurs fonctionnent en base 2, et un bit ne peut prendre que les valeurs 0 ou 1. Un octet est une séquence de 8 bits consécutifs. On parle le plus souvent en octets (ou en bytes ) pour la transmission d'information. En eet, dans la norme ASCII (American Standard Code for Information Interchange), les principaux caractères typographiques (lettres, chires, ponctuation) sont codés sur 7 bits (ce qui donne 27 = 128 caractères). Avec un huitième bit servant de validation ou de signe, chaque caractère de la table ASCII tient sur un octet : l'ASCII peut donc être considéré comme un alphabet machine, chaque lettre occupant un octet. L'octet est donc en pratique l'unité de base pour transmettre de l'information. Pour transmettre en ASCII une chaîne de x caractères, il faut utiliser x octets. Voyons le cas où la chaîne en question est un nombre, par exemple 29. Il faut en ASCII 2 octets (16 bits) pour transmettre cette chaîne (puisqu'on ne considère que le nombre de caractères typographiques utilisés, sans se soucier du sens véhiculé). D'un point de vue numérique, 29 s'écrit en base 2 : 11101. 5 bits susent à coder cette valeur. Puisque les machines échangent ou lisent par défaut des octets, il reste 3 bits inutilisés sur l'octet où l'on a écrit '29'. Ces 3 bits peuvent servir à coder une autre valeur. On voit donc l'intérêt de transformer les données du texte (ASCII) au binaire, pour la compression : dans l'exemple ci-dessus, on a réduit le nombre de bits nécessaires au codage de 16 à 5. Les catalogues de sources contiennent des ensembles de valeurs que l'on va s'eorcer de coder au mieux, en binaire.
Codage binaire
Le codage binaire repose sur le principe suivant : on transform e pour chaque source, chaque paramètre2 p en un entier n, qui peut s'écrire en binaire sur un nombre de bits B. Les blocs de B bits sont ensuite concaténés pour former une chaîne de caractères binaire (Fig. 2.1). i i 1 2 i i Cette communication au colloque ADASS IX se trouve dans l'annexe C.2, p. 206. L'indice i distingue les diérents paramètres présents pour chaque source. Manipulation de grands volumes de données
Parametre p1 (B1 = 2 bits) : Parametre p2 (B2 = 5 bits) : Parametre p3 (B3 = 3 bits) : 33 Parametre p4 (B4 = 2 bits) : Parametre p5 (B5 = 7 bits) : p1 p3 p2 p5 p4
Chaîne Binaire 1er octet 2ème octet 3ème octet
Fig. 2.1: Exemple simple de codage binaire d'un ensemble de paramètres p dans une chaîne de caractères.
i Pour que le codage soit optimal, on doit s'eorcer de choisir les B les plus petits possibles. Les valeurs individuelles3 p de chaque paramètre p sont converties simplement en entiers positifs n par des formules de la forme i i;j i i;j n = p i;j i;j?! " (2.1) i i où! est un seuil (la valeur minimale du paramètre, min (p ), par exemple), et " est le pas élémentaire de variation de p. Sur x bits, le plus grand entier pouvant être codé est 2? 1. On trouve donc simplement le nombre de bits B nécessaire au codage du paramètre p à partir de la valeur maximale prise par n : i j i
i;j i x i i i B = d log 2(max(n ) + 1) e : i j i;j (2.2)
Dans l'équation ci-dessus, la notation dxe représente l'arrondi à la valeur entière supérieure d'un nombre décimal x (fonction ceil(x) en programmation).
Indexation
L'indexation sur les positions célestes facilite les requêtes en coordonnées, qui sont le type d'interrogation le plus courant (pour chercher si une source connue est détectée dans le catalogue, à une certaine position). En pratique, on adopte un découpage hiérarchique de la région du ciel couverte par le catalogue en petites zones. Lors d'une requête autour d'une position, on peut accéder sélectivement aux zones concernées par la requête, et ne lire que les données s'y trouvant. On doit donc conserver, en plus des données de chaque source, un certain nombre d'informations supplémentaires (positionnement des zones, nombre de sources par 3 L'indice j distingue les diérentes sources dans le catalogue. 34 Compression et indexation zone, type de codage, paramètres pour le décodage (!, " ). ). Ces informations peuvent être stockées dans un en-tête, avec les données binaires.
i i 2.1.3 Un exemple simple de codage Supposons que nous devions appliquer notre méthode de codage binaire aux données du tableau 2.1. Ascension droite Déclinaison mag mag f1 f2 134.186270 -57.559999 13.686 0.27 100 0 134.023046 -57.560433 7.420 0.06 99 1 134.262433 -57.560419 13.906 0.31 21 1 134.006997 -57.560934 13.331 0.22 100 0 134.143560 -57.560994 12.443 0.14 45 1 134.093502 -57.561394 14.150 0.36 100 0 134.266528 -57.560572 32.000 9.00 0 1 134.352799 -57.561070 32.000 9.00 0 0 134.048300 -57.562101 13.736 0.28 80 0 134.423419 -57.562048 32.000 9.00 0 1 134.211157 -57.560932 13.249 0.21 87 1 134.155622 -57.561257 10.104 0.10 100 0 134.083204 -57.562583 13.375 0.22 100 0
Tab. 2.1:Exemple simple de données à coder.
Il faut d'abord trouver le format optimal pour le codage, c'est à dire les valeurs des B, pour nos 6 paramètres. Prenons l'ascension droite. Les valeurs extrêmes sont 134.006997 et 134.423419, et la précision de 6 décimales. En adoptant, dans l'équation 2.1,!RA = 134:006997 et "RA = 10?6, on peut convertir toutes les ascensions droites en entiers compris entre 0 et 416 422. D'après l'équation 2.2, il faut donc au minimum BRA = 19 bits pour coder les valeurs de l'ascension droite. Pour f1, qui est un entier compris entre 0 et 100, on obtient simplement avec! 1 = 0 et " 1 = 1, B 1 = 7 bits. En appliquant le même genre de traitement à tous les paramètres de l'exemple, on peut en déduire le codage décrit dans le tableau 2.2. Avec ces règles de codage, on peut convertir chaque valeur p du catalogue de départ en un entier n codé en binaire sur B bits. Pour chaque enregistrement j, la conc aténation des valeurs binaires (comme sur la Fig. 2.1) forme une chaîne de caractères. Dans notre exemple, l'ensemble des B tient sur 64 bits, ce qui fait une chaîne de 8 octets, à comparer à la longueur des chaînes de caractères pour écrire complètement en ASCII les valeurs numériques (environ 40 octets par enregistrement).
i f f f i;j i;j i i Codage des données DENIS 35 Paramètre! " B Ascension droite 134.006997 10?6 19 Déclinaison -57.562583 10?6 12 mag 0 10?3 15 mag 0 10?2 10 f1 0 1 7 f2 0 1 1 Total 64
Tab. 2.2:Exemple de codage binaire pour les données du tableau 2.1. 2.2.1 Catalogues LDAC et PDAC
Les catalogues issus des traitements au LDAC et au PDAC ne sont pas identiques, que ce soit pour la façon de les produire ou pour leur format. LDAC
Le LDAC utilise le logiciel SExtractor (Bertin & Arnouts, 1996) pour eectuer l'extraction des sources ponctuelles. La chaîne de traitement des données a évolué au cours de ma thèse, et le nombre de paramètres pour chaque source a augmenté. Les premières versions des catalogues de strips contenaient les paramètres suivants : la position équatoriale (,), l'incertitude sur la position et un identicateur ; 36 Compression et indexation pour chacune des trois bandes photométriques : deux magnitudes calculées par photométrie d'ouverture (en mesurant le ux dans des cercles centrés sur la source, de rayons 7 et 15), et les erreurs associées ; les paramètres d'une ellipse circonscrite à la source ; un indicateur de stellarité (donné par SExtractor) ; divers ags concernant l'extraction. En mai 1998, une magnitude de type Kron (Kron, 1980) a été ajoutée dans chaque bande, ainsi qu'une indication sur la présence d'autres objets dans le voisinage immédiat de chaque source, et le numéro de l'image d'où est extraite la source. Pour les données réduites en 2000, un quatrième système photométrique a été introduit, utilisant un ajustement de la PSF, et les contreparties optiques (magnitudes B et R de l'USNO A2.0) sont également données, si elles existent. On a nalement 71 paramètres par source, dans la dernière version du traitement LDAC (Fig. 2.2). Il faut noter que les zones de recouvrement entre deux images successives dans un même strip sont traitées au LDAC, de façon à ce qu'il n'apparaisse dans le catalogue nal qu'une seule source. Les deux extractions d'un même objet dans les deux images sont fusionnées en un seul enregistrement dans le catalogue de strip résultan t (en prenant la moyenne des magnitudes, et une moyenne pondérée des coordonnées). PDAC
L'extraction de sources au PDAC utilise les algorithmes développés par Alard & Lupton (1998). Pour chaque source, les magnitudes sont calculées pour chaque bande dans 7 systèmes photométriques, dont l'un utilise un ajustement polynomial de la PSF (Alard, 2000). On a pour chaque source 72 paramètres, qui dièrent en partie de ceux du LDAC, parmi lesquels : la position équatoriale (,), le numéro d'image et de strip, et le jour julien ; pour chacune des trois bandes photométriques : les 7 magnitudes et les erreurs associées ; des indicateurs de la qualité de l'extraction et de la corrélation à la PSF ; les positions en pixel dans l'image ; un ag (pour indiquer si l'objet est saturé, s'il s'agit probablement d'un artéfact... ). les magnitudes B et R, l'époque et la distance à la contrepartie optique (catalogue USNO A2.0). Dans la base de données du PDAC, les zones de recouvrement entre deux images successives dans un même strip ne sont pas traitées. Si on a deux détections d'un Codage des données DENIS 37 même objet présent sur deux images adjacentes, il y aura deux enregistrements distincts dans la base de données. La question de la combinaison des détections multiples pour la production d'un catalogue sera abordée au chapitre 3, avec la validation des données. 2.2.2 Aspects communs pour le codage
Il est évident qu'il y a une grande similitude entre les catalogues produits au LDAC et au PDAC, puisqu'ils utilisent, à la base, les mêmes données. Nous avons choisi de coder, dans les deux cas, les strips individuellement. Les grandes lignes du codage sont donc très semblables. La taille des catalogues dépend de la zone du ciel traversée par le strip. Les étoiles sont en eet localisées en grande majorité dans le plan galactique. Les strips à haute latitude galactique contiennent en général quelques dizaines de milliers de sources, mais ceux traversant le bulbe peuvent contenir plus d'un demi-million d'objets.
Stockage des positions
Un strip correspond à une zone bien déterminée sur le ciel. Les positions (,) dans les catalogues sont données comme des nombres décimaux, avec 6 décimales de précision. Des sources voisines ont des valeurs de la position assez proches : plutôt que de coder la valeur complète des positions, on peut, après avoir stocké des valeurs (, )de référence (les! de la formule 2.1), ne coder les positions que comme des décalages (de petits entiers) par rapport à ces valeurs. Nous avons tout d'abord trié les sources en déclinaison, puis nous les avons regroupées en paquets de 12' (0.2). On stocke une position de référence pour chaque intervalle en déclinaison. Il sut alors de 18 bits par source (0:2=10?6 < 218) pour coder les valeurs des décalages en déclinaison par rapport à la position de référence. La situation est légèrement diérente pour l'ascension droite. En eet, si la zone couverte par un strip fait toujours 0.2 (en distance angulaire sur le ciel), cela correspond à un intervalle d'autant plus grand que l'on se trouve à haute latitude ( = 0:2= cos()). A la limite, au pôle, l'ascension droite peut prendre toutes les valeurs de 0.0 à 360.0 degrés. Pour coder en binaire toutes les valeurs possibles avec 6 décimales de précision, soit 3:6 108 valeurs, il faut 29 bits (on conserve ici toutes les décimales, même si elles n'ont pas un bien grand sens physique). Nous avons introduit la possibilité de coder l'ascension droite sur 29 bits (près du pôle sud) ou 21 bits (un octet de moins), selon le cas. On peut gagner un octet pour les zones situées plus au nord que -84.5, ce qui représente la majorité des données. On stocke, dans un en-tête associé à chaque zone de déclinaison, la façon dont sont codées les données des ascensions droites pour cette zone (21 ou 29 bits).
x x i Compression et indexation 38 POSITION: PMM 1b SeqNr 21b [ 0] ijk 3b [ 1] [ 2] SIGMA 8b [ 3] DELTA 18b [ 4] [ 5] [ 6] ALPHA 21b/29b [ 7] [ 8] [ 9] DONNÉES OPTIQUES: BPMM 16b [ 0] RPMM 16b [ 1] [ 2] NB_FIELD 8b POS_FIELD 8b [ 3] [ 4] [ 5] DONNÉES PHOTOMÉTRIQUES: MAG_APER7 15b [ 0] MAG_APER15 15b [ 1] [ 2] MAG_AUTO 15b [ 7] [ 8] [15] [ 9]
[22] [10] THETA_Ellipse 15b [16] NB_FIELD 7b POS_FIELD 8b [21] ARTI_FLG 3b [ 3] MAG_AUTO_ERR 14b E_Ellipse 14b [14] MAG_APER7_ERR 15b [23] [17] MAG_PSF 15b [24] [ 4] [ 5] A_Ellipse 14b [11] MAG_APER15_ERR 15b [12] [ 6] B_Ellipse 14b [13] SGAL 7b EXTR_FLG 8b IMA_FLG 7b [18] [19] [20] CHI2_PSF 15b [25]
[26]
Schéma du codage en binaire des catalogues DENIS issus du LDAC. On a reporté au dessus des chaînes les noms des paramètres et le nombre de bits nécessaire pour les coder, et en dessous, entre crochets, les numéros des octets dans la chaîne. On notera les trois catégories principales : l'information sur la position, toujours présente, et les informations sur la contrepartie optique (USNO) et les magnitudes (I, J, Ks ), optionnelles. Fig. 2.2: Codage des données DENIS 39
Cas des données manquantes En
raison
des limites de détection diérentes des 3 caméras, mais aussi des couleurs intrinsèques des objets, un objet DENIS n'est pas forcément toujours détecté dans les 3 bandes photométriques. De même, un objet n'a pas forcément de contrepartie optique dans l'USNO. Il est dans ce cas avantageux pour la compression de ne pas inclure du tout, dans le chier binaire, de données pour ces informations absentes (plutôt que d'écrire des séries de 0 inutiles). Encore faut-il pouvoir retrouver, au décodage, les enregistrements où on a codé des données et ceux où on les a ignorées. Nous avons déni trois types de données distinctes, que l'on code chacune sur une chaîne de caractères : chaîne 1 : les données toujours présentes pour un objet (ex : position) ; chaîne 2 (optionnelle) : les données photométriques (ex : magnitudes, erreurs). Structure d'un chier binaire
Le découpage en position adopté se retrouve dans la structure du chier binaire : il est divisé en blocs de données correspondant aux diérentes zones. Le nombre de sources dans chaque bloc n'est bien sûr pas constant, et on vient de voir que la taille des données codées par source peut changer d'une source à l'autre (en fonction du nombre de chaînes optionnelles eectivement écrites). La gure 2.3 schématise l'organisation d'un chier binaire : 40 Compression et indexation en début de strip, on code quelques informations globales (numéro de strip, positions extrêmes, nombre total de sources,... ) ; on a ensuite une série d'en-têtes (un par zone de déclinaison) contenant des informations globales pour chaque zone (valeurs de référence pour la reconstruction des positions, nombre d'objets dans le bloc de données correspondant), ainsi que le nécessaire pour accéder au bloc de données binaires (position du début, longueur) ; enn, on a les blocs de données binaires, composés de la juxtaposition de toutes les chaînes de caractères pour chaque source (le nombre de chaînes stockées varie, comme on peut le voir en bas de la gure 2.3). Fichier binaire pour un strip DENIS
En-tête de strip Informations globales pour l'ensemble du strip. En-tête du bloc 2 En-tête du bloc 1 En-tête du bloc 3 Informations pour accéder aux blocs et pour le En-tête du bloc N décodage Bloc de données 1 Bloc de données 2 Blocs de données de taille variable Bloc de données 3 (nombre de sources différent et chaînes optionnelles) Bloc de données N Exemple de bloc de données : (Enregistrements de longueur variable à cause des chaînes optionnelles) Position Bande I Bande J Position Bande I USNO Position Bande J Bande Ks Position Bande Ks Position Bande I Bande J USNO Bande Ks USNO Structure d'un chier binaire de données pour un strip DENIS. Fig. 2.3:
2.2.
3
Astuces spéciques et performances
Pour les données du PDAC, nous avons utilisé quelques astuces dans le but de réduire encore la taille des données à coder : parmi les paramètres disponibles pour chaque source, on a le numéro de l'image d'où elle est extraite. C'est un entier long (il y a plus d'un million d'images), mais qui ne prend que 180 valeurs diérentes dans un strip. On stocke donc Codage des données 2MASS 41 le numéro de la première image dans l'en-tête du strip, et on ne garde pour chaque source qu'un décalage entre 0 et 179 (sur 8 bits) ; pour les sources ayant une contrepartie optique, on a l'époque de la plaque photographique correspondante. C'est un nombre décimal (par exemple 1979.703). En pratique, le nombre de valeurs diérentes de ce paramètre dans un strip est faible (car il y a un nombre restreint de plaques sur la zone couverte par un strip). On stocke donc directement dans l'en-tête du strip les x valeurs différentes, et on code pour chaque source la valeur par un indice entier entre 0 et x? 1, beaucoup plus court à écrire que la valeur complète. Performances
Pour les strips du LDAC, les chiers binaires sont en moyenne compressés d'un facteur 13 par rapport aux catalogues ASCII. La commande gzip, permet un taux de compression de seulement 6.5, en moyenne, sur ces mêmes chiers ASCII. Notre méthode de compression est donc deux fois plus performante que l'algorithme LZ77 utilisé par la commande gzip, mais surtout nos chiers compressés sont indexés en position, et l'accès aux données à l'intérieur est possible très rapidement, sans avoir besoin de décompresser le chier complet. Les strips traités au LDAC ont été recopiés au CDS et codés en binaire : plus de 500 strips sont disponibles dans une base de données accessible aux membres du consortium DENIS, et 102 strips parmi ceux-ci ont été sélectionnés pour une première distribution publique des données (Epchtein et al., 1999), après validation (voir chapitre 3). Pour les strips du PDAC, le facteur de compression obtenu pour les chiers binaires est de 9.3, à comparer avec un facteur d'environ 6.2 avec la commande gzip. La compression est un peu moins importante en raison d'une présentation plus compacte des chiers ASCII, et d'un nombre de paramètres optionnels moins importants que pour le LDAC. Les données du PDAC sont actuellement en cours de traitement au CDS. Les performances en termes de rapidité d'accès aux données, ainsi que les interfaces pour l'accès sont discutées au chapitre 4. 2.3 Codage des données 2MASS 2.3.1 Introduction
La stratégie de codage pour les catalogues de sources ponctuelles de 2MASS est légèrement diérente. En eet, nous ne recevons pas au CDS les données au fur et à mesure de leur traitement, mais nous recevons les catalogues complets lors des diusions publiques successives (2MASS sampler, Incremental Data Release 1 et 2 (IDR)).
42 C
ompression et index
ation Les catalogues successifs correspondent à un ensemble de tuiles 2MASS dispersées sur le ciel complet (cf. Fig. 2.4). Projection Aito en coordonnées galactiques des zones couvertes par la deuxième grande publication de données 2MASS. La densité de sources est gurée en niveaux de gris. Fig. 2.4: 2.3.2 Découpage du ciel
Puisque les données peuvent être réparties sur l'ensemble du ciel (qui sera complètement couvert, à terme), on doit adopter un mode de découpage en position pour construire la base de données. Les données seront stockées dans des chiers binaires. Le catalogue nal de sources ponctuelles 2MASS devrait contenir plus de 300 millions de sources, ce qui correspond, comme on va le voir, à plus de 20 Go de données compressées. On doit conserver une taille de chiers raisonnable, mais également veiller à ne pas avoir trop de chiers dans un même répertoire, pour des raisons de performance. Nous avons donc adopté le découpage en chiers suivant pour construire la base : des répertoires correspondant à des bandes de 6en déclinaison ; dans chaque répertoire, 72 chiers correspondant à des tranches de 20 minutes en ascension droite. On aura donc en moyenne 150 000 sources par chier, ce qui représente une taille de l'ordre de 10 Mo4. 4 Ceci est une approximation très grossière. En pratique, l'écrasante majorité des sources ponctuelles est localisée dans le plan galactique, et il y aura des diérences de taille importantes d'un chier à l'autre. A l'intérieur d'un chier, on adopte également une indexation en position : nous allons dénir dans chaque chier un certain nombre de zones, avec pour chacune une position de référence, et dans chaque zone les positions seront stockées sous forme d'un écart à la position de référence. Comme on l'a déjà vu pour les catalogues DENIS, un en-tête de données sera associé à chaque zone. Comment optimiser le choix du niveau de sous-découpage en zones dans un chier? Quand on divise par deux la taille des zones en déclinaison, par exemple, on divise également par deux la valeur maximale à coder pour la distance en déclinaison dans une zone. On peut donc écrire cette valeur sur un bit de moins pour toutes les sources. Mais puisqu'il y a deux fois plus de zones, le nombre d'en-têtes à stocker va doubler. Il faut tenter de minimiser le volume total V occupé par le codage des positions (, ) et des en-têtes. On peut remarquer que si les positions sont données avec 6 décimales de précision (comme c'est le cas pour 2MASS), on peut coder toutes les valeurs d'un intervalle de 15' sur 18 bits (015'106 < 218). Si on note b et b les nombres de bits utilisés pour coder l'ascension droite et la déclinaison, NT le nombre total d'objets dans le catalogue, et L la taille d'un en-tête en octets, le volume V (en octets) à minimiser est 18 18 b + b + L 360 2 180 2 V =N T ou bien encore en simpliant V 8 150 2b = NT b +8 b + 2025L 2 150 2b? b +b ) : 27 ( Comme on peut le voir sur la gure 2.5, cette fonction présente bien un minimum qui est la valeur optimale pour le découpage en position dans un chier.
2.3.3 Codage
La méthode employée pour le codage ressemble fortement à celle utilisée pour DENIS. On a regroupé en chaînes de caractères les diérents types de données (position, données photométriques, données optiques, voir gure 2.6). On s'arrange dans chaque cas pour que l'ensemble des valeurs occupe au mieux un nombre entier d'octets. Avec cette contrainte, nous avons adopté pour le découpage en position un codage sur 16 bits de l'ascension droite et de la déclinaison, ce qui correspond à des petites zones de 3'45. Une diérence notable par rapport aux données DENIS est qu'il y a toujours un minimum de données dans chacune des trois bandes 2MASS. En eet, dès qu'une source est détectée dans une des trois bandes 2MASS, une mesure de ux est eectuée dans les autres bandes au même endroit, quitte à ne fournir qu'une limite supérieure sur la magnitude si la détection échoue. La méthode consistant à réserver un bit pour indiquer la présence optionnelle d'un bloc de données est donc pour 2MASS seulement applicable aux données optiques.
44 Compression et indexation 3.0e+09 En−tete domine 2.0e+09 Position domine 1.0e+09 28 30 32 34 36 38 40 42 44 Nombre total de bits pour le codage des positions Recherche du découpage en zones optimal dans les chiers de données 2MASS. Fig. 2.5: Quelques astuces
Pour chaque source 2MASS, la date d'observation est fournie (sous la forme AAMMJJ, par exemple). Plutôt que de coder cette chaîne de caractères (6 octets, soit 48 bits), nous avons converti la date en un nombre de jours, à compter du début des observations 2MASS. On peut ainsi coder la valeur sur 11 bits (ce qui fait 2048 jours possibles, et couvre amplement la durée des observations). Date d'observation : La technique de codage présentée dans la section 2.1.2 est bien adaptée au cas où les valeurs à coder sont réparties de façon à peu près homogène. Il y a un paramètre dans les catalogues 2MASS pour lequel ce n'est pas du tout le cas. Il s'agit du 2 réduit de l'ajustement de la PSF. Dans l'immense majorité des cas, cette valeur est très faible, et on a donc des petits nombres à coder. Mais dans quelques 2PSF : Codage des données 2MASS
45 POSITION: RA 16b [ 0] [ 1] EXTD_FLG 2b [ 2] ERR_MAJ 8b ERR_MIN 8b ERR_ANG 9b [ 3] SCAN 9b DATE 11b [ 7] MP_FLG 1b DEC 16b [ 8] [ 4] [ 5] ID 19b [ 9] [10] [ 6] psfbi 3b [11] [12] HEMIS 1b isopt 1b DONNÉES OPTIQUES: NOPT_MCHS 5b DIST_OPT 9b [ 0] [ 1] PHI_OPT 9b B_M_OPT 12b [ 2] [ 3] R_M_OPT 12b [ 4] [ 5] ID_OPT 1b DONNÉES PHOTOMÉTRIQUES: M 15b [ 0] MSIG 14b [ 1] [ 2] MSIGCOM 7b [ 3] RD_FLG 3b CC_FLG 4b [ 4] NOT USED M_STD 17b [ 7] MSIG_STD 14b [ 8] [
9] NDET_FLG 6b [10] [ 5] [
6]
BL_
FLG
3
b
PS
F
CH
9b/17b
[11]
[12] Schéma du codage en binaire du catalogue 2MASS de l'IDR2. On a reporté au dessus des chaînes les noms des paramètres et le nombre de bits nécessaire pour les coder, et en dessous, entre crochets, les numéros des octets dans la chaîne. Fig. 2.6: 46 Compression et indexation Frequence f (k) rares cas, ce paramètre prend des valeurs très élevées. On a schématisé la situation sur la gure 2.7. k ks km
Exemple de cas où un codage à deux modes peut s'avérer utile. Les valeurs à coder k ne dépassent jamais km. Le plus souvent, k est très petit (et tient donc sur peu de bits). Mais il y a quelques cas où k est très grand, et nécessite un nombre de bits bien plus important pour le codage. Fig. 2.7: Nous avons introduit pour ce paramètre la possibilité d'un codage à deux modes. Soit k la valeur entière à coder, avec 0 <= k <= km. On dénit une valeur seuil ks : si k <= ks, on code le paramètre sur Bs = dlog2(ks + 1)e bits ; si ks < k <= km, on code le paramètre sur Bm = dlog2(km + 1)e bits. Si on se limitait à un codage simple (un seul mode), avec N valeurs à coder, la taille totale occupée (en bits) serait simplement V. 1 = N Bm
Si on nomme f (k) la fréquence relative de la valeur k dans le catalogue, la taille occupée devient 0 ks X 2=@ V k=0 f (k 1 )A B 0 km X s+@ ks +1 f (k 1 )A B m + 1: Le 1 dans l'expression ci-dessus vient du fait qu'il faut réserver ailleurs un bit pour préciser le mode de codage utilisé pour chaque valeur (codage court ou long). Le codage à deux modes apporte un gain si V2 < V1, c'est à dire s'il existe ks tel que ks X k=0 (Bm? B s )f (k ) > 1: Attention, Bs dépend de ks dans cette expression! Pour les données 2MASS, l'utilisation d'un codage à deux modes (Bs = 9 bits, Bm = 17 bits) pour le 2 réduit nous a permis de gagner en moyenne 8 bits par valeur.
2.3.4 Résultats
Nous avons codé au CDS les données 2MASS après chaque diusion publique (les dates et volumes sont donnés page 29). Le volume de données disponibles s'est accru progressivement, chaque diusion incluant (avec quelques modications de format, éventuellement) la diusion précédente. An de garder la même logique, nous avons remplacé l'ensemble de la base 2MASS au CDS par les dernières données disponibles. Sous forme binaire, l'IDR2 occupe un volume de 8.6 Go, soit environ 53 octets par source. La compression des catalogues ASCII avec gzip permet de gagner un facteur 3.3, mais on gagne encore en binaire un facteur 1.6 par rapport à gzip. Mais là encore, les chiers binaires sont indexés, et directement consultables sans qu'il soit nécessaire de les décompresser. On voit le que taux de compression ( 5:4) est plus faible que celu i atteint avec les catalogues de strip DENIS. Cela tient en grande partie au fait que l'on ne peut plus gagner de place avec l'absence de données photométriques comme c'était le cas avec DENIS. Les performances et les méthodes pour l'accès aux données sont discutées au chapitre 4. 48 Compression et indexation
Chapitre 3 Validation des données
D
ENIS
3.1 L Une étape essentielle a validation des données est une étape essentielle dans la production d'un catalogue de qualité. J'ai été conduit à mener un certain nombre de tests sur les sources ponctuelles DENIS extraites par les chaînes de traitement du LDAC et du PDAC. Ce travail de validation est bien sûr déjà en partie eectué par les centres de traitement eux-mêmes. Toutefois, les motivations pour eectuer une validation supplémentaire du contenu des catalogues DENIS sont multiples : on veut s'assurer que les catalogues produits sont de bonne qualité, tant au niveau de la forme (les données respectent bien le format annoncé) qu'au niveau du fond (les valeurs positions, magnitudes sont aussi exactes que possible). Ceci est vrai tant pour les données privées (accessibles seulement aux membres du consortium DENIS), que pour la production des catalogues publics, qui vont être distribués à la communauté astronomique internationale ; les deux centres de traitement utilisent des méthodologies légèrement diérentes. On peut comparer leurs avantages et inconvénients respectifs. La mise en évidence de problèmes dans un catalogue peut éventuellement aboutir à des améliorations de la chaîne de traitement correspondante ; on peut identier des données à retraiter, ou à réobserver (si les problèmes détectés viennent de mauvaises conditions météorologiques lors des observations, par exemple) ; cela nous a également servi pour sélectionner les données utilisées dans la deuxième partie de la thèse, pour l'étude de la structure galactique. Cette validation des données est sensiblement plus facile à faire sur les catalogues, une fois que nous les avons codés en binaire, selon la méthode décrite au chapitre précédent. Tout d'abord, le codage en soi permet de réaliser un certain nombre de tests sur le contenu des catalogues. En eet, la méthode de compression utilisée revient dans un volume minimal. La moindre déviation du contenu des catalogues par rapport au format imposé pour le codage est immédiatement sanctionnée par une erreur. Par exemple, pour un paramètre variant de 0 à 100 (que l'on codera sur 7 bits), toute valeur négative, ou supérieure à 127 (27? 1) sera mise en évidence simplement en testant la concordance avec le format imposé. D'autre part, les données, une fois codées en binaire, sont beaucoup plus aisément manipulables, ce qui facilite grandement l'application de programmes de tests. 3.2 Quelques notions d'astrométrie
L'astrométrie est la branche de l'astronomie consacrée à l'étude de la position des astres et de leurs mouvements. Depuis les mesures de l'Antiquité avec un bâton de Jacob jusqu'aux satellites modernes, des progrès considérables ont été accomplis, mais on a dans tous les cas un système de référence, dans lequel on dénit les positions d'une liste d'objets de référence. 3.2.1 Systèmes de référence : FK5, ICRS
C'est actuellement la division I de l'UAI (Union Astronomique Internationale) qui est en charge de dénir et de faire respecter les systèmes de référence astrométriques. Un changement important a eu lieu le 1er janvier 1998, avec l'adoption d'un nouveau système de référence céleste. Auparavant, les systèmes en vigueur étaient fondés sur l'équateur et un équinoxe (déduits des observations du mouvement des planètes dans le système solaire), pour une certaine époque de référence, avec un ensemble de règles de transformation des positions. Pour les applications pratiques, on utilisait des listes d'étoiles de référence (FK3, FK4, FK5), avec des positions exprimées dans le système ainsi déni. Le FK5 J2000 (Fundamental Katalog No. 5, Fricke et al. (1988)), par exemple, est un catalogue de 1535 étoiles brillantes (jusqu'à la magnitude 7.5, avec une extension de 3117 étoiles jusqu'à la magnitude 9.5). L'incertitude sur les positions est de l'ordre de 30 à 40 millisecondes d'arc (mas) dans le FK51. Depuis 1998, l'UAI a adopté comme système de référence l'ICRS (International Celestial Reference System, Feissel & Mignard (1998)). 1 Les erreurs systématiques y sont cependant plus grandes. Quelques notions d'astrométrie 51 L'ICRS est un ensemble de prescriptions et de conventions, ainsi que la modélisation permettant de dénir à tout moment un système d'axes de référence (trièdre). L'innovation majeure est que le nouveau système n'est plus lié aux mouvements dans le système solaire, puisqu'il est centré sur le barycentre du système solaire et que ses axes sont orientés par rapport aux positions d'un ensemble sources extragalactiques. Ce changement a été motivé par les deux éléments suivants : les techniques d'interférométrie radio à très grande base (VLBI, Very Long Baseline radio Interferometry) permettent d'atteindre des précisions sur les positions de l'ordre d'une milliseconde d'arc ; de plus, les sources radio extragalactiques sont des objets très éloignés (essentiellement des quasars), et leur mouvement propre est trop faible pour être mesuré. Elles constituent donc de meilleures balises que des étoiles de notre Galaxie. Bien qu'il y ait a priori aucune obligation en ce sens, pour des raisons de continuité, les axes de l'ICRS ont été choisis proches de ceux du FK5 J2000.
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Agents de contraste en IRM : approche théorique des mécanismes de relaxation. Médecine Nucléaire - Imagerie Fonctionnelle et Métabolique, 2006, 30 (10), pp. 645-658. ⟨hal-03882726⟩
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Agents de contraste en IRM
Giovanni de Marco, Roch A., Isabel
le
De Peretti, Yves Gossuin, P. Lehmann, C. Menuel, Jean Noël Vallée, R.N. Muller
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Agent
s de contraste en IRM : approche théorique des mécanismes de relaxation.
G.
de Marco1
, A.
Roch2, I. Peretti3, Y. Gossuin2, P. Lehmann4, C. Menuel5, JN Vallée4, RN Muller2. 1 Laboratoire de traitement de l’image médicale – Université de Picardie Jules Verne – CHU NORD – Amiens 2 Laboratoire de RMN, département de chimie organique, Université de Mons-Hainaut, 24 Avenue du Champ de Mars, 7000 Mons, Belgique. 3 Service de médecine nucléaire et de biophysique, APHP hôpital Lariboisière, Université Paris VII, Paris. 4 Service de neuroradiologie, CHU NORD – Amiens 5 Service de neuroradiologie, Hôpital Pitié-salpêtrière - Paris
Cet article reprend les concepts théoriques et résume les modèles mathématiques à partir desquels les mécanismes de relaxation des agents de contraste IRM ont été décrits et mis en lumière depuis près d’un demi-siècle. Dans un premier volet, les propriétés physico-chimiques et les mécanismes relaxométriques de sphère interne et externe des molécules paramagnétiques sont présentés, ainsi que ceux des nanoparticules superparamagnétiques. Les différents modèles de sphère externe, développés jusqu’à ce jour, sont passés en revue et présentés en fonction de la taille des nanoparticules. Ces modèles analytiques permettent de décrire parfaitement ces entités magnétiques quelles que soient leur taille et leur nature. Ainsi, ces travaux fondamentaux permettent de mieux comprendre les mécanismes d’action des agents de contraste in vivo et de poser les bases d'une caractérisation tissulaire en IRM.
agents de contraste / paramagnétisme / superparamagnétisme / modèles / mécanismes relaxométriques
INTRODUCTION Deux classes d’agents de contraste sont classiquement utilisées en IRM : les agents de contraste paramagnétiques et les nanoparticules superparamagnétiques. Il existe deux types d'agents de contraste paramagnétiques, conceptuellement proches, mais comportant des propriétés magnétiques, de taille et de biodistribution différentes. Il s'agit, d'une part, des complexes de gadolinium monoioniques de petite taille hydrodynamique utilisés dans 60% des examens en routine clinique (Di éthylène Triamine Penta Acétique acide gadolinium ou DTPA-Gd3+) et d'autre part, des macromolécules paramagnétiques de taille hydro que plus élevée évaluées principalement chez l'animal en tant qu'agent de contraste vasculaire [1-5]. Ensuite, s’ajoutent les nanoparticules d’oxyde de fer utilisées essentiellement dans le cadre de la pathologie hépatique et ganglionnaire chez l’homme [6-8]. Cette dernière catégorie d’agents de contraste appartient au domaine du superparamagnétisme ; ses propriétés magnétiques, relaxométriques et de biodistribution vont dépendre surtout des propriétés physico-chimiques et de la taille du cristal d’oxyde de fer. En présence d’agents de contraste paramagnétiques, le phénomène majeur de la relaxation longitudinale repose sur l'échange chimique de molécules d'eau entre le centre paramagnétique et la région de solvatation de l'ion, on parle ici de mécanisme de sphère interne. A partir de là, la diffusion des molécules d’eau permet le transfert de la relaxation aux molécules d'eau voisines du centre paramagnétique. Ce mécanisme est dominant, néanmoins il n'est pas le seul processus dynamique qui intervient au cours de la relaxation protonique de l'eau. En effet, le champ magnétique local, induit par les entités paramagnétiques, contribue de façon additionnelle et analogue aux nanoparticules superparamagnétiques à la relaxation des protons de l’eau, cette fois par un mécanisme de sphère externe. Dans ce cas, la diffu- sion soumet les molécules d'eau non liées plus distantes au champ induit par le magnétisme moléculaire. Les théories décrivant la relaxation magnétique du proton par les mécanismes de sphère interne et externe sont maintenant bien connues. Des modèles, développés pour la plupart d'entre eux par des chercheurs américains [9-12], canadiens [13,14], belges [15,16], et français [17,18] ont permis de poser les bases physiques d'une interprétation de la relaxation protonique qui couvre toute une gamme de taille de ces agents de contraste magnétiques. En pratique, ces études de caractérisation, permettant de comprendre l'effet relaxophore des agents de contraste, sont très importantes notamment avec l’essor de l’imagerie moléculaire, des récepteurs cellulaires et de la thérapie génique [19-22]. Cette modalité d’imagerie est envisageable si, au préalable, des modifications du revêtement des agents de contraste sont effectuées afin de transformer ces agents de contraste en de véritables molécules « transporteurs ». Ainsi, dans le cadre d’une vectorisation particulaire, une meilleure connaissance physico-chimique de ces agents de contraste permettra d'augmenter leur sensibilité et leur spécificité. Leur efficacité sera également accrue, notamment en terme de relaxivité, ce qui pourra entraîner une diminution de la dose à injecter et un élargissement du champ d'application des agents de contraste magnétiques en médecine.
LES MOLÉCULES PARAMAGNÉTIQUES
Nous invitons le lecteur à consulter le glossaire dans lequel figurent quelques définitions nécessaires à une meilleure compréhension des notions introduites dans cet article. Propriétés magnétiques, relaxométriques et de biodistribution des molécules paramagnétiques Complexes de chélate de gadolinium constitués d'un seul ion Gd 3+ Les agents de contraste paramagnétiques peuvent contribuer efficace- ment à la relaxation des protons de l'eau puisqu'ils possèdent des électrons célibataires (non appariés). Le moment magnétique de l'entité paramagnétique électronique résulte du spin électronique global. Le champ magnétique local généré par un ion paramagnétique s'étend autour de lui sur un rayon d'action très faible (de l'ordre du nanomètre) et chute rapidement avec la distance [23]. La relaxation longitudinale augmente principalement avec l’augmentation de l’intensité du champ magnétique perturbateur et du temps de rélation, ce dernier définissant l’instant pendant lequel le proton perçoit cette perturbation de champ. La relaxivité longitudinale r1 d'un complexe paramagnétique est proportionnelle au carré du moment magnétique de l'ion paramagnétique, en l'occurrence au carré du nombre d'électrons célibataires accessibles aux molécules d'eau, ainsi qu'au nombre de molécules d'eau présentes dans la sphère interne d'hydratation. L'ion gadolinium libre présente neuf sites libres pour les molécules d'eau, la chélation du Gd3+ par le DTPA réduit à un le nombre de sites de coordination libres [23]. Lauterbur, Mendoca-Dias et Rudin [24] ont été parmi les premiers, dans le cadre d'études destinées à une caractérisation tissulaire, à montrer l’intérêt de tels agents de contraste en IRM. Ces substances sont composées d'un ion gadolinium, représentant la partie magnétiquement active du complexe et d'une molécule organique porteuse (chélate ou ligand) non spécifique, lui conférant ses propriétés de biodistribution et nécessaire pour diminuer la toxicité cellulaire. Ces entités de faible poids moléculaire (environ 600 Daltons) sont classiquement utilisées en IRM comme des agents de contraste à diffusion purement interstitielle ; avec une demi-vie plasmatique d’environ quelques minutes, ces entités diffusent passivement dans le compartiment extracellulaire pour être ensuite éliminées par voie rénale.
Complexes macromoléculaires composés de plusieurs ions Gd 3+
Les complexes macromoléculaires sont composés de plusieurs dizaines de chélates de gadolinium, regroupés au sein d'une même entité et liés de manière covalente à une matrice protéique ou à un polymère de synthèse. Le complexe présente en général un poids moléculaire supérieur à 50 000 Daltons suivant le choix du revêtement (albumine, dextran, polylysine). L'augmentation du po moléculaire du complexe va conditionner sa biodistribution. En effet, l'endothélium capillaire est faiblement perméable à ces agents de contraste de haut poids moléculaire et les macromolécules paramagnétiques diffusent lentement dans le compartiment extravasculaire. Les mesures de relaxivité r1 effectuées sur une large gamme d’intensités de champ magnétique, à partir d’un relaxomètre à champ cyclé [25], montrent que les effets des agents macromoléculaires paramagnétiques sont considérablement majorés lorsque le centre paramagnétique est incorporé dans une matrice polymérique de structure rigide (macromolécule) et pour lequel le mouvement de rotation est imposé. En général, à bas champ (0,01 à 1 MHz), r1 augmente lorsque la taille des ligands complexés à l'ion paramagnétique augmente. Ces agents, malgré leur taille plus élevée, sont éliminés de la circulation sanguine par voie rénale, de la même manière que les complexes paramagnétiques constitués d’un seul ion Gd3+. En raison d'une demi-vie plasmatique évaluée à environ 90 minutes chez l'animal, ce sont des agents essentiellement vasculaires.
Mécanisme de sphère interne impliqué dans les processus de relaxation induite par des molécules paramagnétiques
La contribution de sphère interne d'ions paramagnétiques ou de complexes macromoléculaires à la relaxation des protons de l’eau provient d'un mécanisme d'interaction dipolaire, scalaire (ou de contact au travers de liaisons) et d'échange chimique qui propage l'effet de relaxation à l'ensemble des protons voisins. La contribution à la relaxation longitudinale, à partir d’un mécanisme de sphère interne, proviendrait principalement d'un échange chimique dans la première sphère de coordination de l'ion paramagnétique (ou d'un site d'hydratation proche de l’ion) entre l'ion et l'eau du solvant. Néanmoins, la courte durée de vie de la liaison hydrogène, due aux mouvements d’agitation thermique, tendrait à rompre les liaisons hydrogènes de la molécule d'eau Ainsi, le temps de corrélation correspondant appartiendrait à une échelle de temps de l'ordre de la picoseconde, ce qui tendrait à favoriser une relaxation par diffusion de spins. Cependant, il en ressort que si la durée de vie de la liaison hydrogène au complexe paramagnétique est longue comparée au temps de diffusion par translation alors la théorie de Solomon-Bloembergen (ci-dessous) est applicable [23, 26]: Équation 1 PM représente la fraction molaire de l'ion paramagnétique, q correspond au nombre de molécules d'eau liées par ion paramagnétique, T1M représente le temps de relaxation des protons de l'eau liée et τM le temps de résidence d'une molécule d'eau dans la sphère d'hydratation (ou durée de vie de l'eau liée) et décrit la vitesse d'échange entre l'ion (ou le chélate) et les molécules d'eau libres. T1M dans l'équation de Solomon et Bloembergen, représente la somme des contributions des interactions dipolaire et scalaire. Le terme scalaire décrit une interaction de contact, c'est-à-dire une délocalisation du spin électronique à travers les liaisons de coordination ou les liaisons chimiques créées avec les molécules d'eau. Le champ magnétique local induit par le spin électronique doit fluctuer à une vitesse appropriée pour stimuler la relaxation nucléaire. Dans les mécanismes de relaxation scalaire et dipolaire, les modulations des interactions sont caractérisées par les temps de corrélation τ e et τ c respectivement. Le temps de corrélation d'interaction de contact τe va dépendre essentiellement de la relaxation du spin électronique et de l'échange des molécules d'eau comme le décrit l'équation suivante :
Équation 2
Comme le montre l’équation 2, l'interaction de contact n'est pas modulée par le mouvement rotationnel. En revanche, les mécanismes de relaxation dipolaire sont modulés par τc faisant intervenir à la fois τR et τe: Équation 3 τS correspond au temps de relaxation du spin électronique et τR représente le temps de corrélation de rotation du complexe entier "eau-ion". La vitesse caractéristique de ces fluctuations est toujours dominée par le processus le plus rapide. Dans le cas d’un complexe de Gd-DTPA, les valeurs des différents temps de corrélation sont τM= 142 ns, τR= 53 ps et τS = 82 ps [27]. Néanmoins, il faut savoir que les équations de Solomon-Bloembergen sont inappropriées pour décrire en solution aqueuse la dépendance des vitesses de relaxation longitudinale et transversale des espèces paramagnétiques en fonction du champ magnétique dans le cas où la relaxation électronique est le processus dominant (le plus court) de fluctuation des interactions magnétiques. Pour contourner cette limitation, Bloembergen et Morgan proposent une nouvelle théorie qui introduit la dépendance du temps de relaxation du spin électronique en fonction du champ magnétique. Ces deux auteurs observent que la collision, entre le complexe constitué d'ions (avec un nombre de spins supérieur à 1/2) et la molécule d'eau, reliée au mouvement d'agitation Brownienne des molécules de solvant dans la première sphère de coordination, introduit des distorsions de champ magnétique qui conduisent à une modification des transitions à champ nul (dédoublement transitoire des niveaux électroniques). La relaxation du spin électronique est dépendante de l'intensité du champ magnétique et directement liée à l'environnement chimique du centre paramagnétique. Ainsi, la modification de l'équation originale de Solomon-Bloembergen, en tenant compte de la relaxation du spin électronique, constitue l'équation de Solomon-Bloembergen- : Équation 4 τV représente le temps de corrélation caractéristique des fluctuations associées à la modulation de l'interaction provenant des distorsions de champ. Ces distorsions proviennent de la déformation de la molécule du fait de l’agitation thermique (collisions moléculaires). Ce temps de corrélation apparaît être relativement indépendant de l'ion paramagnétique. −1 τ SO,reliée à l'amplitude de la fluctuation du dédoublement transitoire à champ nul, représente la limite à bas champ de la relaxation électronique. −1 Une augmentation de la constante τ SO conduirait à des valeurs de τ S très courtes et à une diminution des −1 relaxivités. Si le paramètre τ SO reste constant, la relaxation du spin électronique pour les complexes paramagnétiques pourrait être modulée à la fois par τR et τV. ωS représente la pulsation de Larmor électronique. D'après l'équation ci- dessus, la vitesse de relaxation du spin électronique est reliée à un terme de densité spectrale f(τV). La valeur de τV permet de déterminer l'intensité du champ magnétique pour laquelle τ S commence à augmenter. 1/τS se disperse avec le champ de la même façon que la vitesse de relaxation longitudinale des protons. Ce processus génère un maximum caractéristique des systèmes immobilisés, observable sur un profil de dispersion de la relaxation magnétique nucléaire (profil NMRD). La modification de τV en fonction du champ affecte l'amplitude du pic et sa position. En général, une augmentation du temps de corrélation global entraîne non seulement un déplacement des points d'inflexion vers les valeurs de bas champs mais aussi une augmentation de l’amplitude de la courbe NMRD (figure 1).
Figure 1 Cette courbe représente l’évolution de la relaxivité longitudinale en fonction de l’intensité du champ magnétique. Le premier terme de densité spectrale ωS-τC=1 correspond à une composante modulée à la fréquence de l’électron. Le second
terme de densité spectrale ωS-τC=1 correspond à une composante modulée à la fréquence du proton. This curve represents the evolution of the longitudinal relaxivity with the external magnetic field. The first term of the spectral power ωS-τC=1 corresponds to a component modulated at the electron Larmor frequency. The second term of the spectral power ωS-τC=1 corresponds to a component modulated at the proton Larmor frequency. augmenter la relaxivité globale suivant l’équation 5 [28], le premier terme de cette équation représente la relaxation dipolaire et le second la relaxation de contact :
Rôle des différents paramètres intervenant dans le mécanisme de sphère interne
Les paramètres r (distance entre les dipôles nucléaires et électroniques) et q (nombre de sites de coordination) sont importants puisqu'ils gouvernent respectivement les intensités et le nombre d'interactions dipolaires électron noyau. Les paramètres τR, τM et τS déterminent l'échelle de temps des fluctuations du champ magnétique des électrons sur le noyau, ces paramètres sont inclus dans la fonction de densité spectrale des équations de Solomon-Bloembergen (figure 2). Notons que τM est ambivalent puisqu’il module à la fois les densités spectrales et l'échange chimique entre l'eau liée et l'eau libre. En d’autres termes, si τM est plus petit que τR et τS, sa contribution est double : τ M tend à augmenter la vitesse de relaxation de l’eau liée et donc à μ0 représente la perméabilité magnétique du vide, Ac correspond à une constante de couplage hyperfin du noyau d’hydrogène avec l’électron ge, le facteur de Landé, S le spin électronique, r le rayon ionique, γN le rapport gyromagnétique du proton, ωI la pulsation de Larmor protonique, ωS la pulsation de Larmor électronique, h la constante de Planck divisée par 2π. τM tendrait à diminuer la vitesse de relaxation de l’eau liée à cause d’une présence trop longue de la molécule d’eau dans le site de coordination. Il existerait donc une valeur optimale de τM qui rendrait la vitesse de relaxation maximale. Équation 5 est la seule source possible d'augmentation de la relaxivité. Comme évoqué précédemment, si τR devient très grand, τM devient le facteur prédominant dans les processus de relaxation. La théorie de Debye Stockes prédit que pour une molécule sphérique de rayon a, τ R est directement proportionnel à la viscosité η du milieu et à la puissance 3 du rayon, l'équation s'écrit :
Équation 6 Figure 2 Représentation graphique tridimensionnelle de l’évolution de la relaxivité de sphère interne (axe vertical qui s’exprime en unité de relaxivité => s-1mM-1) en fonction du temps de corrélation de rotation τR (axe horizontal gauche qui s’exprime en seconde) et de la vitesse d’échange k=1/re (second axe horizontal qui s’exprime en seconde-1), mesurée à 0,5 T. Le temps de relaxation électronique a été estimé à 2.9x10-8s [29]. 3D graph of the evolution of the inner sphere relaxivity (vertical axis which is expressed in unit of relaxivity => s-1M-1) according to the rotational correlation time (axis horizontal left which is expressed in second) and exchange correlation time k=1/re (second horizontal axis which is expressed in second-1) measured at 0.5T. Electronic relaxation time was estimated at 2.9x10-8s [29].
Nombre de sites de coordination de l'eau
Bien que la chélation d'un ion paramagnétique à un ligand conduise à un complexe nettement moins toxique que l’ion libre, elle entraîne néanmoins une forte diminution de la relaxivité, principalement du fait d’une diminution du nombre de sites de coordination des molécules d'eau. Toutefois, l'accès d'une seule molécule d'eau dans la sphère d'hydratation reste efficace puisqu'elle permet d'atteindre à 37°C, des relaxivités r1 d’environ 10 s-1.mM-1 d’ions paramagnétiques, notamment pour des systèmes composés d'ions Mn(II) ou Gd(III) complexés à des molécules organiques de type DTPA ou DOTA (tétra azacyclo dodécane tétra acétate). Distance entre les
protons
et
les
électr
ons cé
libat
aires
La distance entre les dipôles nucléaires et électroniques affecte l'interaction dipolaire. L'interaction dipolaire, entre le spin I des protons de l'eau liée et le spin S des électrons non appariés de l'ion paramagnétique séparés par une distance r, décroît en 1/ r 6. Afin d’obtenir une relaxation efficace des molécules d'eau, la distance entre le centre paramagnétique et les molécules d'eau doit être faible et les échanges entre les sites doivent être optimaux. La contribution de l’eau dans la première sphère de coordination sera toujours plus importante que celle de la deuxième sphère. Néanmoins, Une nouvelle stratégie pourrait s'orienter vers une augmentation du nombre de liaison hydrogène dans la seconde sphère de coordination (q') pour optimiser la relaxivité des complexes et pour ne pas limiter le mécanisme de relaxation seulement à la nature du ligand [23]. Temps de corrélation rotationnelle
Pour des ions paramagnétiques tels que le Gd(III), le Mn(II) et le Fe(III) qui ont un temps de relaxation électronique relativement long (de l'ordre de la nanoseconde), la diminution du temps de corrélation rotationnelle τR, associée à une augmentation du poids moléculaire de l'agent de contraste, La relaxivité du chélate hydrophile de DTPA-Gd3+, mesurée principalement dans les compartiments sanguins et interstitiels du tissu, apparaît identique à celle observée en solution aqueuse. La nature hydrophile des complexes paramagnétiques de faible poids moléculaire, ainsi que leur localisation extracellulaire dans laquelle les concentrations en protéines sont très faibles par rapport aux environnements intracellulaires, entraîne une mobilité rotationnelle libre et rapide des entités paramagnétiques. Cependant, certaines études réalisées à partir de cellules de mammifères et en présence de sondes paramagnétiques de faible poids moléculaire révèlent une augmentation de τR d'un facteur 10 par rapport au τR calculé en solution aqueuse [26]. La liaison covalente ou non-covalente d'un chélate à une macromolécule biologique (ADN, protéines, anticorps) semble cependant la meilleure voie d'approche pour augmenter efficacement la relaxivité d’un complexe paramagnétique. Eisinger, Shulman et Blumberg [30] ont montré que la liaison d'un ion paramagnétique à une macromolécule d’ADN renforçait efficacement la relaxation des protons de l'eau par un allongement du temps de corrélation rotationnelle de la macromolécule à condition que le temps de relaxation électronique ne soit pas le facteur limitant et que l’intensité du champ magnétique soit faible. Les molécules protéiques peuvent avoir un τ R de l’ordre de la dizaine de nanosecondes. En général, pour des temps τR supérieurs à 10 ns, la relaxivité n'augmente plus avec τR. Dans ces conditions la relaxivité est déterminée à bas champs par la valeur du temps de relaxation du spin électronique τS et à haut champ par la valeur du temps d’échange τM. Temps
de relaxation
du spin
électronique
Le choix des ions Gd(III), Mn(II) et Fe(III) est lié à leur moment magnétique élevé et à l'allongement du temps de relaxation du spin électronique (10-8 à 10-9 s). Avec des couches d ou f stables et à moitié pleines, la relaxation électronique est relativement inefficace comparée à d'autres configurations électroniques. En général, l'accroissement de τS allonge la durée de l’interaction dipolaire proton électron et entraîne une augmentation de la relaxivité, limitée par les valeurs de τM et de τR. Inversement, une diminution du temps de relaxation électronique mène à une faible valeur de τc et dans ce cas conduit à une faible valeur de relaxivité.
Temps de résidence de l'eau dans la sphère d'hydratation
Le facteur "temps de résidence" d'une molécule contribue au temps de corrélation τc par une modulation de l'interaction magnétique causée par l'échange chimique des molécules d'eau dans la première sphère d'hydratation. L'instabilité des liaisons ligand ion dans le complexe raccourcit τM. Si la durée d'échange est trop courte, τM peut être du même ordre de grandeur que τR et τS.Dans ce cas, la relaxivité diminue, notamment à très haut champ pour lequel τS augmente. En général, τM se situe dans une gamme de temps de l'ordre de 1 à 10 ns. D'autre part comme nous l'avons déjà souligné précédemment τM est également le paramètre clef qui détermine le transfert de la relaxation de l'eau liée au e à l'eau de solvatation. Mécanisme de sphère externe des molécules paramagnétiques
Une étude, réalisée avec des complexes paramagnétiques dépourvus de sites de coordination libres aux molécules d'eau, montre qu'une contribution à la relaxation par un mécanisme de sphère externe peut avoir lieu à distance du centre paramagnétique et que cette contribution est dépendante de la vitesse de diffusion des molécules d'eau [23,26]. Une méthode empirique a montré que cette contribution peut être comparable à celle de la sphère interne pour laquelle il existe un seul site de coordination libre, notamment dans le cas où la relaxation électronique est très courte. La dépendance du temps de relaxation du spin électronique de l'ion paramagnétique avec le champ influencera également le mécanisme de sphère externe. La composante de sphère externe est liée à un processus complexe de dynamique de diffusion. La théorie prend en compte le fait qu’aucune interaction chimique ou électrostatique n'apparaît entre l'eau et le complexe paramagnétique. L'interaction dipolaire électron noyau dans ce cas est modulée par la diffusion translationnelle relative des deux espèces. La forme la plus générale de la théorie, pour la contribution à la relaxation par un mécanisme de sphère externe, inclut les effets de fluctuation du champ magnétique dus à la relaxation du spin électronique ainsi que ceux dus à la diffusion translationnelle des molécules d’eau et s'écrit : d représente la distance entre la molécule d'eau et l’ion paramagnétique, ω1 et ωS les pulsations de Larmor protonique et électronique respectivement, τ D représente le temps de diffusion translationnelle des molécules d’eau. τD est donné par l'expression suivante : Équation 8 DI et DS représentent respectivement les coefficients de diffusion de l'eau et du complexe paramagnétique. Les coefficients de diffusion peuvent être estimés à partir de l’équation 9, en prenant en compte le volume de la molécule paramagnétique et en décrivant le mouvement de diffusion des molécules d’eau à partir d’un modèle de sphères rigides dans un milieu de viscosité η : Équation 9 a représente le rayon de la molécule, K la constante de Boltzmann, et T la température absolue. Équation 7 JF, correspond à la partie réelle de l'expression de Freed [18]. Dans le modèle de Freed, la fonction de densité spectrale JF dépendante de ω1, ωS, T1e et τD définit la modulation de l'interaction entre le proton et l’électron causée par le mouvement erratique de diffusion des molécules d’eau. La relaxation électronique est supposée non négligeable. Si le temps de relaxation électronique devient trop long, cette expression devient égale à celle donnée par Ayant qui suppose l’absence de relaxation électronique [17]. C représente une constante, NS correspond au nombre d'ions paramagnétiques par m 3, γ I le rapport gyromagnétique du proton, γSI le rapport gyromagnétique proton électron, S le nombre quantique de spin,
LES NANOPARTICULES SUPERPARAMAGNÉTIQUES
Nombreux sont les travaux qui ont été consacrés à l'étude des mécanismes d'action des particules superparamagnétiques[13,31-38]. Ces études ont été réalisées pour mieux appréhender et quantifier les paramètres physiques qui contribuent efficacement à la relaxation protonique en présence de nanoparticules. Par exemple, Gillis et Koënig [39] ont montré que l’évolution de la vitesse de relaxation longitudinale et transversale dépendait de la concentration en microsphères (magnétite) et que la contribution des composantes de ARCO relaxation diminuait à très haute fréquence de Larmor : 1/T1 tendait rapidement vers zéro alors que 1/T2 tendait vers une valeur constante appelée terme séculaire (figure 3). Des études effectuées à différents champs magnétiques, avec diverses séquences IRM, avec des particules de taille, de concentration et de distribution spatiale (dispersion, agglomérat) différentes ont montré que l'effet des nanoparticules n'était pas le même in vivo et in vitro. Ces résultats supposaient que des mécanismes distincts contribuaient à la relaxation des protons de l’eau [11,13,32,35,40-42]. L'augmentation de la vitesse de relaxation, induite par les particules d'oxyde de fer, semblait ainsi être une combinaison de plusieurs mécanismes complexes. Propriétés magnétiques et anisotropie des nanoparticules
Un couplage important entre deux spins électroniques voisins d’un cristal conduit à l’apparition d’un ordre magnétique. Cet ordre a pour effet d’orienter deux spins voisins suivant une direction parallèle dans le cas d’un couplage ferromagnétique et antiparallèle dans le cas d’un couplage antiferromagnétique. Dans le cas de la magnétite (Fe O Fe 2 O 3), l’ordre est ferrimagnétique, cela signifie que les 2 ions ferriques Fe 2 O 3 sont couplés de manière antiferromagnétique tandis que l’ion ferreux Fe O est couplé de façon ferromagnétique à un des 2 réseaux ferriques. Il en résulte un moment global provenant de l’ensemble des ions ferreux. Un échantillon macroscopique de substances ferromagnétiques ou ferrimagnétiques est le siège de deux contraintes opposées et responsable de l'organisation de son magnétisme. La première consiste à obtenir un alignement parfait de tous les spins électroniques à cause du couplage ferromagnétique ou ferrimagnétique, la seconde est de minimiser l'interaction dipolaire entre 2 régions aimantées. Le résultat est la structuration de cette matière en domaine de Weiss [43], c’est à dire en volume de taille micrométrique dans lequel l’ordre magnétique est parfait. Ces domaines sont orientés de telle façon que le Figure 3 Cette courbe montre la dépendance en fréquence de la relaxation des protons de l’eau diffusant dans un milieu à 37°C contenant des nanoparticules de 10 nm de diamètre. La taille de ces nanoparticules permet au terme séculaire r2 de dominer vers les hautes valeurs de champ magnétique. (Courbes extraites de l’article de Pierre Gillis et Seymour Koenig, MRM, 5, 323-345, 1987). This curve shows the theoretical frequency dependance of water relaxivity for a solution at 37°C containing magnetite nanoparticles of 10 nm diameter. The size of the nanoparticles allows the secular term r2 to dominate for the high values of magnetic field. (Curves extracted from the article of Pierre Gillis and Seymour Koenig, MRM, 5, 323-345, 1987). pôle nord d’un domaine reste adjacent au pôle sud d’un domaine voisin afin de minimiser l’énergie d’interaction dipolaire. Lorsque la taille d’un cristal devient inférieure à celle d’un domaine, son ordre magnétique interne est parfait et il constitue une nanoparticule que l’on appelle particule superparamagnétique. Les nanoparticules superparamagnétiques ont un comportement magnétique comparable à celui des substances paramagnétiques dans le sens où l’aimantation macroscopique d’un ensemble de telles particules s'annule en absence de champ magnétique. Cette absence d'aimantation résulterait d'un basculement rapide du moment magnétique électronique des nanoparticules entre les directions de facile aimantation (ou axes faciles du cristal)[44]. La principale différence entre ces deux types d'agents de contraste, en terme de propriété magnétique, se situe dans la valeur du moment magnétique qui est nettement plus élevée dans le cas des nanoparticules superparamagnétiques. Les particules superparamagnétiques sont caractérisées par un moment magnétique et une valeur d’anisotropie élevés. En effet, l’énergie du moment magnétique de la particule dépend de l’angle que fait celui-ci avec les directions cristallines. Il existe donc des directions pour lesquelles cette énergie est minimale, ces directions sont appelées directions privilégiées ou axes faciles du cristal. La barrière d’énergie nécessaire pour passer d’une direction privilégiée à l’autre s’appelle l’énergie d’anisotropie. Si l’anisotropie est élevée (cas des grosses particules) le moment magnétique du cristal restera bloqué dans les directions faciles d’aimantation, car l’énergie du système est minimale (figure 4). Cependant, le moment magnétique du cristal peut basculer d’une direction privilégiée à l’autre en franchissant une barrière d’énergie par un processus de relaxation appelé relaxation de Néel. Cette relaxation tient compte d’un phénomène cinétique (diffusion) et thermodynamique (activation de type Arrhenius) des nanoparticules. Ainsi, le passage d'une direction de facile aimantation à une autre nécessite le franchissement d'une barrière d'énergie proportionnelle au volume de la particule [45]. La probabilité de passage des spins d'une direction de facile aimantation à une autre augmente pour les petites particules dont la taille du cristal est inférieure à 20 nm. Le vecteur moment magnétique de la particule présente ainsi une probabilité non négligeable de se trouver dans une direction autre que la direction privilégiée d’anisotropie. On observe, dans ce cas, un mouvement de précession de la composante du moment magnétique de la particule superparamagnétique (figure 4). Lorsque la dimension du cristal augmente, l'énergie nécessaire au franchissement de la barrière séparant deux directions de facile aimantation devient nettement supérieure à l'énergie d'agitation thermique, la composante du moment magnétique de la particule effectuant un mouvement de précession disparaît. Le moment magnétique reste bloqué dans la direction facile d’aimantation et le temps de relaxation de Néel s’allonge.
Modèles théoriques de sphère externe des nanoparticules
Les mécanismes de relaxation en présence de petites particules sont expliqués, par des modèles proches de ceux utilisés pour les molécules paramagnétiques, modifiés pour tenir compte des propriét spécifiques du cristal superparamagnétique. Ainsi, les théories concernant les mécanismes de relaxation des particules superparamagnétiques de faible taille (cristal inférieur à 20 nm de rayon) sont bien établies. En effet, la dépendance de la vitesse de relaxation protonique en fonction de la structure et de la taille de ces particules est aujourd’hui bien connue. Pour caractériser des particules de taille de cristal de rayon supérieur à 20 nm, plusieurs études basées sur des simulations numériques ont été réalisées et ont conduit à l’établissement de plusieurs théories phénoménologiques. Remarquons que dans le cas de grosses entités, tous les développements s’intéressent uniquement au terme séculaire de la relaxation transversale.
Figure 4
L’énergie d’anisotropie va dépendre du volume du cristal, et de la constante d’anisotropie K qui dépend elle même de la nature, de la forme, de la surface du cristal, et de la distance entre les cristaux. Ces deux figures représentent l’énergie d’anisotropie mise en jeu pour deux gammes de tailles de cristaux. A gauche, pour des cristaux de grosse taille (diamètre du cristal supérieur à 14 nm), on observe une forte énergie d’anisotropie, la magnétisation reste bloquée le long de l’axe d’anisotropie. A droite, pour des cristaux de petite taille (diamètre du cristal inférieur à 14 nm), on observe une faible énergie d’anisotropie, la magnétisation s’écarte de l’axe facile. The energy of anisotropy depends on the crystal volume, and on the constant of anisotropy (K) which is determined by the nature, the form, the surface of the crystal, and the distance between crystals. These two figures represent the energy of anisotropy brought into play for two ranges of crystal sizes. On the left, for large crystals (more than 14 n ), the energy of anisotropy is important and the magnetization remains blocked along the anisotropy axis. On the right, for smaller crystals (lower than 14 nm), the energy of anisotropy is weak and the magnetization deviates from the easy axis. Il n’existe aucun modèle à l’heure actuelle pour décrire la relaxation longitudinale de ces grosses entités. Nous allons décrire dans un premier temps les modèles de relaxation concernant les particules de petite taille et ensuite nous verrons les différents modèles proposés qui permettent de caractériser les particules de plus grosse taille. Ces modèles ont pour point commun de décrire la relaxation longitudinale et transversale de façon analogue. Il convient donc de distinguer les particules en fonction de leur taille mais en plus de tenir compte de l’anisotropie magnétique des nanoparticules. Modèle séminal valable pour des cristaux de diamètre compris entre 12 et 20 nm. Ce modèle suppose l'aimantation complètement bloquée dans les directions des axes faciles correspondant à une énergie d'anisotropie infinie. En effet, lorsque l'énergie d'anisotropie est largement supérieure à l’énergie thermique, elle empêche tout mouvement de précession du moment magnétique des cristaux superparama- gnétiques. Les fluctuations magnétiques résultent alors de sauts du moment magnétique entre les directions faciles. En outre, une composante moyenne de la magnétisation, alignée suivant la direction du champ magnétique statique (externe) Bo, doit être considérée. Son amplitude augmente avec l'intensité du champ magnétique externe principal suivant une fonction de Langevin. L'évolution de la vitesse de relaxation longitudinale avec le champ fait intervenir une nouvelle composante de relaxation, nommée relaxation de Curie (qui ne sera pas détaillée dans cet article). Cette composante de relaxation est observable sur des profils de dispersion de la relaxation magnétique nucléaire (N M RD) à haut champ (Bo>0.02T). A bas champ, la vitesse de relaxation longitudinale des protons de l’eau est calculée à partir d’une expression adaptée par Freed[18]. Dans cette équation modifiée, nous considérons que la fréquence de précession de Larmor du moment magnétique électronique est égale à zéro car le moment magnétique du cristal est bloqué dans les directions faciles. La fonction de densité spectrale qui exprime cette composante de relaxation est calculée à partir d’une corrélation globale qui dépend du temps de relaxation de Néel τN et du τD. La dispersion de la fonction de densité spectrale se produit pour ωI.τc ⬇ 1 (figure 5). A haut champ, le vecteur magnétisation est bloqué du fait de son très fort couplage avec le champ extérieur. La vitesse de relaxation correspondante est donnée cette fois par le modèle de Ayant qui considère que la position du moment magnétique du cristal est figée ou encore que le temps de relaxation de Néel est infini. La dispersion de cette fonction de densité spectrale se produit lorsque ωI.τD ⬇ 1 (figure 5). Son amplitude reste toujours supérieure à la composante de Freed. A champ intermédiaire, la vitesse de relaxation est une combinaison des contributions à la relaxation obtenue à haut et à bas champ. En effet, l’expression 1/T 1 est calculée à partir d’une pondération de deux composantes de la vitesse de relaxation avec et sans relaxation de Néel, i.e. à bas et à haut champ respectivement. La vitesse de relaxation dépendrait ainsi de la fonction de Langevin reliée elle même à la taille et à l’aimantation de la particule suivant l’équation :
Figure 5
Cette figure représente, dans le modèle simplifié, les différentes contributions à la relaxivité protonique pour des particules de forte anisotropie. Ms représente l’aimantation à saturation exprimée en Am2/kg de ferrite, d représente le diamètre de la particule. This figure represents in the simplified model the various contributions to the proton relaxivity for particles of strong anisotropy. Ms represents the saturation of magnetization expressed in Am2/kg of ferrite, d represents the diameter of the particle. Équation 10 μ SP représente le moment magnétique des cristaux superparamagnétiques, C0 le nombre de moles de cristaux par litre, r le rayon du cristal, γI le rapport gyromagnétique du proton, ωI la pulsation de Larmor protonique, Na le nombre d’Avogadro, D le coefficient de diffusion de l’eau, τD le temps de corrélation de diffusion translationnelle, τ N le temps de relaxation de Néel, JA et JF les fonctions de densité spectrale dépendantes de ωI, τD et τN. 2 Modélisation des particules de petite taille (diamètre inférieur à 12nm)
Ce modèle suppose que l’aimantation n’est pas bloquée dans les directions des axes faciles, ce qui traduit une faible énergie d'anisotropie mise en jeu. La validité de cette hypothèse diminue avec l’augmentation de l'énergie d'anisotropie et de la taille des particules. Pour tenir compte de la diminution du couplage avec le champ d’anisotropie, il faut introduire une théorie plus générale [15]. Cette nouvelle approche fait intervenir en plus du champ magnétique extérieur, l'influence de l'anisotropie sur le mouvement de précession du moment magnétique du cristal. L'énergie d'anisotropie doit donc être introduite comme un nouveau paramètre fixant la forme du profil NMRD. Une approche semi empirique consiste à introduire pour de petites particules une composante de l'aimantation susceptible d'effectuer un mouvement de précession à la fréquence de Larmor de l'électron. La proportion de l'aimantation concernée par ce mouvement de précession est définie par le facteur P. L'équation qui décrit ainsi la vitesse de relaxation longitudinale devient : Équation 11 Le lissage des points expérimentaux (N M RD), à partir de la fonction théorique ci-dessus et d’une méthode d’ajustement linéaire des moindres carrés, va permettre d’extraire du Article DEMARCO modèle un certain nombre de paramètres tels que le rayon moyen, l’aimantation à saturation de la particule, l’énergie d’anisotropie mise en jeu et le temps de relaxation de Néel (figure 6). A haut champ (environ 100MHz), un point d’inflexion est observé sur cette figure correspondant à la condition ωI.τD ⬇ 1 (figure 6). Le calcul de τD permet de connaitre le rayon moyen de la particule. L’aimantation à saturation peut être déterminée approximativement à partir de l’expression de la vitesse de relaxation maximale Rmax. En présence d’une distribution en taille homogène de nanoparticules, le pic de relaxation augmentera avec le carré de l’aimantation MS. Ce modèle reste applicable tant que le champ utilisé reste suffisamment élevé pour que la relaxation protonique dépende uniquement du paramètre τD (figure 6). A bas champ (<1 MHz), l’interprétation de la vitesse de relaxation R 0 repose sur un modèle plus complexe. En effet, R0 dépend de l’énergie d’anisotropie du cristal qui peut modifier l’allure du profil N M RD. Cette modification de l’anisotropie produit un changement du temps de relaxation de Néel et influence par voie de conséquence la vitesse de relaxation protonique. Une faible dispersion est observée à bas champ lorsque les cristaux des particules ont un rayon inférieur à 6,5 nm. Les moments magnétiques peuvent occuper alors avec une certaine probabilité des positions éloignées des axes faciles. A chaque position correspondra une fréquence de précession autour du champ d’anisotropie. La dispersion à bas champ correspond à la condition ωS.τD ⬇ 1 (figure 6).
SYNTHÈSE DES DIFFÉRENTS MODÈLES DE SPHÈRE EXTERNE
Figure 6 Courbe NMRD T1 obtenue à partir d’une solution colloïdale de cristaux de magnémite enrobés de dextran. Voir texte pour le commentaire de cette courbe. T1 NMRD curve obtained for a colloidal suspension of magnetite particules coated with dextran. See text for the comment of this curve.
de la composante z du champ magnétique statique Bo. Ils ont calculé la perte de cohérence de phase que le gradient de champ linéaire induisait sur la phase des spins. Ils en ont déduit que la vitesse de décroissance de l'aimantation transversale augmentait proportionnellement avec le carré de l'amplitude du gradient, prouvant qu'il n'y avait aucun effet de saturation magnétique. En présence d'un gradient de champ linéaire G, d’une constante de diffusion D et de τ traduisant l’intervalle de temps entre les impulsions, la vitesse de relaxation transversale s'écrit : Équation 12 Modèle de Brown (1961) La cinétique de décroissance de l'aimantation transverse en l’absence d’impulsions de refocalisation, c'est à dire la décroissance du signal de précession libre, est donnée par la transformée de Fourier de la courbe décrivant l'évolution de la densité de spin en fonction de la fréquence de précession. Brown démontre que cette dernière fonction est, dans le cas de grosse sphère aimantée, une Lorentzienne. La décroissance du signal de précession libre sera donc une exponentielle dont la constante de temps T2* est donnée par l'expression suivante : Équation 13 Modèle de Carr et Purcell (1954) Carr et Purcell [46] ont été parmi les premiers à analyser les effets de mouvement de spins dans un gradient de champ magnétique. Ils ont supposé dans leur modèle que ces gradients de champ variaient linéairement le long Néanmoins, ce modèle semblait insuffisant et trop approximatif, pour décrire quantitativement les effets de la diffusion dans les tissus dans lesquels les gradients de champ variaient temporellement et spatialement. ∆ω représente la différence en fréquence angulaire du champ local perçu par un proton situé à l'équateur et en position très éloignée de la particule aimantée. Fa représente la
fraction volumique de particule aimantée. Modèle de Gillis et Köenig (1987)
Le modèle de Gillis et Köenig [39] est dérivé du modèle de sphère externe modifié pour les particules superparamagnétiques décrit précédemment. Ces 2 chercheurs ont contribué à établir une relation permettant de calculer la relaxation transversale séculaire. Ce terme séculaire, propre à T2, correspond à haut champ à une relaxation causée par une dynamique lente imposée par les particules aux protons. Ce terme est important car il détermine la vitesse de relaxation obtenue à haut champ, typique de l’imagerie clinique. La contribution séculaire à la relaxation T2 provient de la composante longitudinale du moment magnétique de la particule, parallèle au champ statique, qui induit un déphasage des protons. Le terme séculaire est présent à tous les champs, mais il devient prépondérant à haut champ là où toutes les autres composantes de relaxation sont devenues négligeables. Remarquons que le terme séculaire augmente avec le temps de corrélation et ce quelle que soit la valeur du champ magnétique. Si le temps de corrélation de rotation devient très long, alors les dispersions se retrouvent déplacées vers les bas champs. Donc contrairement au T1, le T2 diminue toujours lorsque le temps de corrélation augmente. Si le champ statique augmente jusqu'à la condition ωI.τ R >> 1, alors le terme séculaire s’écrit : Équation 14 f représente la fraction du volume occupé par les particules, excluant le solvant. Ce modèle reste entièrement valable dans le cas des petites particules de taille inférieure à 20 nm de rayon. Modèle de Majumdar et Gore (1988)
Dans leur modèle, Majumdar et Gore[10,11] supposent une diffusion de spins dans un gradient de champ moyen qui permet d’appliquer l’équation de Carr et Purcell précédente. Ce gradient de champ moyen est équivalent à la variance de la distribution des gradients de champ magnétique. Si les échanges sont rapide, i.e. si le temps d’écho est très court vis à vis du temps de corrélation translationnelle, et si ce dernier est plus petit que l’inverse de la fréquence du champ équatorial, alors le modèle reste valide. En pratique, ce modèle s’applique plutôt pour des grosses particules peu aimantées.
Modèle de Hardy et Henkelman (1989)
L’approche de Hardy et Henkelman [13,14] permet de déterminer également le terme séculaire de la relaxation transversale. Hardy et Henkelman calculent, à partir d’une simulation numérique, le T2 en supposant un cheminement aléatoire des molécules d’eau dans un champ magnétique dipolaire créé par une sphère aimantée. Ce modèle considère un ensemble de spins qui se déplace aléatoirement dans un espace tridimensionnel et ce modèle permet de connaître au cours du temps la phase accumulée par les spins en mouvement. La dispersion de phase entraîne une diminution de l’aimantation. Hardy et Henkelman constatent que la relaxation transversale provient essentiellement de la diffusion des protons au travers des régions d'hétérogénéité de champ. Dans le cas des grosses particules, la vitesse de relaxation transversale dépend fortement de la constante de diffusion D et du temps d'écho τ. En effet, plus la valeur de D (implicitement τ ) augmente, plus la distance parcourue par les molécules d'eau (⬇ 4 μm/ms) ainsi que les variations de champ magnétique subies par les protons, au cours de l'intervalle de temps τ, augmentent. Dans leur modèle théorique, Hardy et Henkelman considèrent seulement le champ magnétique autour de la particule et la dispersion de phase des protons diffusants au voisinage de cette particule. Ils supposent que les gradients de champ induits par les particules ne se recouvrent pas, cette hypothèse est du reste discutable dans le cas de grosses particules.
Modèle complet de la relaxation séculaire de Gillis (2002)
Dans son dernier modèle, Gillis modifie la valeur du terme séculaire pour tenir compte, dans le cas des grosses particules, du fort couplage du moment magnétique de la particule avec le champ externe. Ce terme est ainsi multiplié par trois. Dans ce nouveau modèle, lorsque la condition du moyennage par le mouvement n’est pas remplie, le T* 2 est obtenu par un modèle de déphasage statique établi initialement par RJS Brown [9]. Ce dernier suppose que tout se passe comme si les protons restaient immobiles dans les inhomogénéités de champ magnétique créées par des dipôles magnétiques répartis au hasard. Pour des petites particules, T2 = T*2 et les impulsions de refocalisation de 180° sont sans effet. Dans ce cas, la théorie de sphère externe modifiée est appliquée tant que τD < τSDR, l’abréviation SDR désigne le régime de déphasage statique. Lorsque la taille des particules augmente, cette condition n’est plus remplie, 1/T 2 augmente avec la diminution du TE et de τD [16]. CONC
LUSION
La figure 7 permet de réunir les différents modèles de relaxivité qui ont été développés jusqu’à ce jour. Pour une meilleure compréhension du graphique (figure 7), le lecteur est prié de se référer à l’article [47] dans lequel il trouvera des informations détaillées concernant l’interprétation en IRM des différents régimes de diffusion.
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Le lambeau supra-claviculaire en chirurgie réparatrice cervico-faciale : expérience caennaise et comparaison à une revue de la littérature dans un contexte de reconstruction en cancérologie des voies aéro-digestives supérieures. Médecine humaine et pathologie. 2023. ⟨dumas-04192367⟩
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HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of scientific research documents, whether they are published or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. UNIVERSITÉ de CAEN NORMANDIE ------UFR SANTÉ FACULTÉ de MÉDECINE Année 2022/2023 THÈSE POUR L’OBTENTION DU GRADE DE DOCTEUR EN MÉDECINE Présentée et soutenue publiquement le 20 juin 2023
par
Monsieur
Nicolas
ES
NOU
F Né
le 12
avril 1994
à Paris
(
Ile
de
France)
:
Le
lambeau supra-claviculaire en chirurgie réparatrice cervico-faciale : expérience caennaise et comparaison à une revue de la littérature dans un contexte de reconstruction en cancérologie des voies aéro-digestives supérieures
Président :
Monsieur le Professeur Martin HITIER Membres : Monsieur le Professeur Emmanuel BABIN Monsieur le Docteur Vianney BASTIT Monsieur le Docteur Jérôme BOIS Directeur de thèse : Pr Emmanuel BABIN UNIVERSITÉ DE CAEN · NORMANDIE UFR SANTÉ - FACULTE DE MEDECINE Année Universitaire 2022/2023 Doyen Professeur Emmanuel TOUZÉ Assesseurs Professeur Paul MILLIEZ (pédagogie) Professeur Anne-Sophie VOISIN (recherche) Professeur Lydia GUITTET (recherche)
Professeur
Emmanuel BABIN (3ème cycle)
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rice
administrative
Madame Sarah CHEMTOB PROFESSEURS DES UNIVERSITÉS - PRATICIENS HOSPITALIERS M. AGOSTINI Denis Biophysique et médecine nucléaire M. AIDE Nicolas Biophysique et médecine nucléaire M. ALEXANDRE Joachim Pharmacologie clinique M. ALLOUCHE Stéphane Biochimie et biologie moléculaire M. ALVES Arnaud Chirurgie digestive M. AOUBA Achille Médecine interne M. BABIN Emmanuel Oto-Rhino-Laryngologie M. BÉNATEAU Hervé Chirurgie maxillo-faciale et stomatologie M. BENOIST Guillaume Gynécologie - Obstétrique M. BERGER Ludovic Chirurgie vasculaire M. BERGOT Emmanuel Pneumologie Mme BRAZO Perrine Psychiatrie d’adultes M. BROUARD Jacques (surnombre universitaire) Pédiatrie M. BUI Thanh-Huy Psychiatrie d’adultes M. BUSTANY Pierre Pharmacologie Mme CLIN-GODARD Bénédicte Médecine et santé au travail M. DAMAJ Ghandi Laurent Hématologie M. DAO Manh Thông Hépatologie-Gastro-Entérologie M. DE BOYSSON Hubert Médecine interne M. DELAMILLIEURE Pascal Psychiatrie d’adultes M. DENISE Pierre Physiologie Mme DOLLFUS Sonia Psychiatrie d'adultes Mme DOMPMARTIN-BLANCHÈRE Anne Dermatologie M. DREYFUS Michel Gynécologie - Obstétrique M. DU CHEYRON Damien Réanimation médicale Mme ÉMERY Evelyne Neurochirurgie M. Cardiologie ESMAIL-BEYGUI Farzin Mme FAUVET Raffaèle Gynécologie – Obstétrique Mme FAVRAIS Géraldine Pédiatrie M. FISCHER Marc-Olivier Anesthésiologie et réanimation M. GABEREL Thomas Neurochirurgie M. GUÉNOLÉ Fabian Pédopsychiatrie Mme GUITTET-BAUD Lydia Epidémiologie, économie de la santé et prévention M. Cardiologie HAMON Martial Mme HAMON Michèle Radiologie et imagerie médicale M. HANOUZ Jean-Luc Anesthésie et réa. médecine péri-opératoire M. HITIER Martin Anatomie –ORL Chirurgie Cervico-faciale M. HULET Christophe Chirurgie orthopédique et traumatologique M. ICARD Philippe Chirurgie thoracique et cardio-vasculaire M. JOIN-LAMBERT Olivier Bactériologie - Virologie Mme JOLY-LOBBEDEZ Florence Cancérologie M. JOUBERT Michael Endocrinologie M. LAUNOY Guy Epidémiologie, économie de la santé et prévention M. LE HELLO Simon Bactériologie-Virologie Mme LE MAUFF Brigitte Immunologie Mme LELONG-BOULOUARD Véronique Pharmacologie fondamentale Mme LEVALLET Gwénaëlle Histologie, embryologie et cytogénétique M. LOBBEDEZ Thierry Néphrologie M. LUBRANO Jean Chirurgie viscérale et digestive M. MAHE Marc-André Cancérologie M. MANRIQUE Alain Biophysique et médecine nucléaire M. MARCÉLLI Christian Rhumatologie M. MARTINAUD Olivier Neurologie M. MILLIEZ Paul Cardiologie M. MOREAU Sylvain Anatomie/Oto-Rhino-Laryngologie M. MOUTEL Grégoire Médecine légale et droit de la santé M. NORMAND Hervé Physiologie M. PARIENTI Jean-Jacques Biostatistiques, info. médicale et tech. de communication M. PELAGE Jean-Pierre Radiologie et imagerie médicale Mme PIQUET Marie-Astrid Nutrition M. QUINTYN Jean-Claude Ophtalmologie Mme RAT Anne-Christine Rhumatologie M. REPESSE Yohann Hématologie M. ROD Julien Chirurgie infantile M THARIAT Juliette Radiothérapie M. TILLOU Xavier Urologie M. TOUZÉ Emmanuel Neurologie Mme VABRET Astrid Bactériologie - Virologie M. VERDON Renaud Maladies infectieuses et tropicales M. VIVIEN Denis Biologie cellulaire PROFESSEURS ASSOCIÉS DES UNIVERSITÉS A MI-TEMPS Mme BELLOT Anne Pédiatrie Mme CHATELET Valérie Néphrologie M. GUILLAUME Cyril Médecine palliative M. LABOMBARDA Fabien Cardiologie M. LE BAS François Médecine Générale M. COUETTE Pierre André Médecine Générale M. PIEDNOIR Emmanuel Maladies infectieuses et tropicales M. QUEFFEULOU Guillaume Néphrologie Mme VILLOT Anne Gynécologie-Obstétrique PRCE Mme LELEU Solveig Anglais PROFESSEURS ÉMÉRITES Mme CHAPON Françoise Histologie, embryologie M. DEFER Gilles Neurologie M. DERLON Jean-Michel Neurochirurgie M. GUILLOIS Bernard Pédiatrie M. HURAULT de LIGNY Bruno Néphrologie Mme KOTTLER Marie-Laure Biochimie et biologie moléculaire M. LE COUTOUR Xavier Epidémiologie, économie de la santé et prévention M. LEPORRIER Michel Hématologie M. RAVASSE Philippe Chirurgie infantile M. REZNIK Yves Endocrinologie M. TROUSSARD Xavier Hématologie M. VIADER Fausto Neurologie UNIVERSIT
É
DE CAEN · NORMANDIE
U
FR
SANTÉ
- FACULTE
DE M
EDE
CINE Année Universitaire 2022/2023 Doyen Professeur Emmanuel TOUZÉ Assesseurs Professeur Paul MILLIEZ (pédagogie) Professeur Anne-Sophie VOISIN (recherche) Professeur Lydia GUITTET (recherche) Professeur Emmanuel BABIN (3ème cycle) Directrice administrative Madame Sarah CHEMTOB MAITRES DE CONFERENCES DES UNIVERSITÉS – PRATICIENS HOSPITALIERS Mme BECHADE Clémence Néphrologie M. Physiologie BESNARD Stéphane Mme BONHOMME Julie Parasitologie et mycologie Mme BOULANGER Marion Neurologie M. BROSSIER David Pédiatrie M. COULBAULT Laurent Biochimie et Biologie moléculaire M. CREVEUIL Christian Biostatistiques, info. médicale et tech. de communication Mme DINA Julia Bactériologie – Virologie Mme DUBOIS Fatéméh Histologie, embryologie et cytogénétique Mme DUPONT Claire Pédiatrie M. ÉTARD Olivier Physiologie M. GRUCHY Nicolas Génétique M. HODZIC Amir Physiologie M. ISNARD Christophe Bactériologie Virologie M. JUSTET Aurélien Pneumologie Mme KRIEGER Sophie Pharmacie M. LEGALLOIS Damien Cardiologie M. LE GOUIL Mériadeg Bactériologie-Virologie M MENAHEM Benjamin Chirurgie digestive M. MACREZ Richard Médecine d’urgence M. MITTRE Hervé Biologie cellulaire M. MOLIN Arnaud Génétique M. SAINT-LORANT Guillaume Pharmacie M. TOUTIRAIS Olivier Immunologie M. VEYSSIERE Alexis Chirurgie maxillo-faciale et stomatologie M. VILLAIN Cédric Médecine interne MAITRE DE CONFERENCES DES UNIVERSITÉS DE MÉDECINE GÉNÉRALE M. HUMBERT Xavier MAITRES DE CONFERENCES ASSOCIÉS DES UNIVERSITÉS A MI-TEMPS Mme ARMAND Audrey M. BANSARD Mathieu Mme NOEL DE JAEGHER Sophie M. PITHON Anni M. POULLAIN PIERRE
Médecine générale Médecine générale Médecine générale Médecine générale Médecine générale
MAITRE DE CONFERENCES ÉMÉRITE Mme BENHAÏM Annie Biologie cellulaire
REMERCIEMENTS
Au Professeur Martin Hitier, tu
me
fais
l
’honneur de présider mon jury. Merci
pour
ton enseignement passionné et tes anecdotes chirurgic
ales
à
l’
autre
bout du
globe. Au Professeur
Emmanuel
Babi
n,
vous m’avez fait l’honneur de diriger et de me conseiller dans ce travail. Merci pour votre accompagnement depuis le début de l’internat, merci pour votre savoir et votre humanité. Au Dr Vianney
Bastit
, je te remercie
d’
avoir accepté de juger mon travail. Nous
n’avons pas encore eu
l
’occasion
de
travailler ensemble mais ça
ne saurait
tarder. Au Dr Jé
rôme Bois,
je te remercie
d’avoir
accepté cette place dans mon jury. Tu m’as aidé
à
trouver ma place dans cette équipe d’ORL grâce à tes conseils et tes punchlines. Je suis ravi d’
avoir
découvert
l
’ORL pédiat
rique
lors de ce semestre en binôme (ou bun
-
ôme). À mes
chefs
d’ORL, Maxime, Amaury, Justin et Manu,
vous avez
été là pour
me
guider
et m
’
apprend
re
ce métier
avec la patience nécessaire
.
A
Paulin
e, co-interne
puis
cheffe,
tu as
été d’excellent conseil pendant mes premières galères. Aux co-internes de la team ORL, vous qui permettez de donner de la légèreté et de la détente
durant
cet internat. Agnès, l’asticot breton à l’écoute. Marion, l’énergie positive à l’accent chantant. Baptiste, l’élément placide mais toujours chaud pour une pinte. Benjamin, le fascinant bordelique. Adrien, qui cache bien son jeu derrière son air de premier de la classe. Lisa et Marion, que je ne connais pas encore assez. A Murat et PA, les deux bobeaufs qui ne s’arrêtent jamais de dire ou d’inventer des conneries. Ne changez rien, vous risquerez de rendre les gens tristes. A Cécile, orthophoniste toujours motivée avec qui les discussions rééducation sont très intéressantes et formatrices entre quelques sessions de grimpe. A Sophie, qui avait la chance de devoir supporter tous les internes dans son bureau. C’était toujours un plaisir de discuter avec toi. Aux infirmières et aides-soignantes du service et des consultations, qui nous aident quotidiennement. Au Dr Cauchin, vous m’avez aidé à progresser en consultation et montré une autre facette de notre métier d’ORL. À Laetitia, tu m’as permis de découvrir ce fascinant domaine de la laryngo-phoniatrie. Ton empathie et ton humanité avec les patients sont un exemple pour nous tous. A Audrey et Julien, pour ces moments baclésien, entre une thyroïde et un fuseau. A Cathy, Marina et Séverine pour ces moments passés et futurs lors de ce semestre de maxillo. A toute l’équipe de bloc de Baclesse. Au Professeur Pascal Rousseau, je te remercie de m’avoir accueilli dans ton service pour ces six mois angevins et de m’avoir transmis ta passion de la chirurgie reconstructrice. Un grand merci également à toute l’équipe du service et aux jeunes zinzins dont tu as la charge. Camille, la patronne par intérim. Hajar, en roue libre après deux blocs. Kévin, la fastlife en Toyota. Tristan, la thèse presque en poche. Maxence, ta descente j’aimerais pas la faire à vélo. Clarisse, la plus jeune qui ne se laisse pas rouler sur les pieds. À l’équipe de chirurgie viscérale de Saint-Lô, Dr Petiot, Dr Chautard, Dr Logé et Dr Boullier, pour m’avoir appris les bases de la chirurgie lors de mon premier semestre. Merci à mes co-internes d’autres horizons chirurgicaux, Camille, Morgane, Alexia, Maxime, Ilhèm, Iliasse, éa et Laura. Merci à Sébastien Karman du laboratoire d’anatomie et son aide précieuse pour la dissection A Camilla, première rencontre caennaise aux origines parisiennes. Tu as été le bol d’air dans les instants difficiles de l’internat au décours d’une virée à la plage ou d’un resto. Dorénavant entre Caen et Nantes il n’y a qu’un pas. A Jérémie, du scoutisme à la médecine, on a randonné les mêmes aventures et vécu des histoires d’externat similaires avant de se consacrer à des orifices bien différents. Aux Grecs, présents depuis la 2nde8 et avant, générateurs de 4-7 et d’Amitié. Ulysse et Lucas, les musiciens piliers de Crémieux. Eddy la débrouille. Antoine, l’insoumis. Maxime, l’aventurier bilingue. Léa, la clubbeuse aux bons plans parisiens. Juliette, reine de la finance sud-américaine. Marie et PP, mes Gervais tout frais, vous m’avez écouté et aidé aux bons moments. Notre voyage culinaire et poétique n’est pas terminé. Polie, pétrie, la goutte... Hadrien, de nos aventures à la récré à notre rivalité chirurgien/anesthésiste, il s’est passé 20 ans et une erreur de passeport. Je suis impatient qu’on découvre toutes ces MiniMenthes qu’on ne connait pas encore. Aux Troubadours : Marianne, Mathilde, Laure, Doriane, Juliette, Louise, Anne-clé, Philou. Monsieur Sucre et Claude ne seraient rien sans vous. Chacun des moments passés avec vous en tête à tête ou en groupe est une petite pépite. Du premier WEI à l’arrivée des mini Troubadours, en passant par tous les Hanouël, vous serez toujours présentes avant et après 2042. À Marianne, âce à qui ce voyage normand, au goût fort en pomme, prend une dimension plus apaisée malgré ton envie de casser les genoux à tout va. À Noémie et Tsipora, Fitia et Tsipoy, Trévor et Hermione, vous êtes présentes en quelconque circonstances depuis les premiers cours timides de Médisup. Notre aventure malgache nous a lié pour toujours à l’esprit du zébulon. Aux Moktarons, sans tous ces pouet et tum-tum-chac, ces dernières années n’auraient clairement pas eu le même goût auditif. Avec déguisement et rhum-picon, promis la prochaine fois je joue un morceau. Merci à Aoxi et Noémie pour ces week-ends découverte. À Bastien, Simon et Nath, dignes représentants de l’esprit Keushar. A Josh, Julie, Lucas, Tiffenn, Marc, Julie et Sylvain pour la bonne dégommzz et ces instants de chien fanfaronnade. A Valérie et Joss, merci pour votre aide précieuse lors les dernières corrections. A mes parents, qui m’avez élevé et poussé au meilleur pour devenir médecin. A Marine, Servane et Antoine, j’ai grandi avec et grâce à vous mais rappelez-vous que ce n’est jamais la faute du petit dernier. Et comme on ne se le dit pas assez, je vous l’écris à tous les cinq : je vous aime. A Loan, Morgan, Briac et Arwen, vos têtes d’anges et vos rires sont le meilleur des remèdes après de longues heures de travail. A Mathieu, tu me supportes depuis 6 ans maintenant et tu sais trouver les mots pour m’apaiser quand ça ne va pas. Ton gout de l’aventure (avec un certain confort quand même) et ta passion pour voler au-dessus des nuages dans ton gros avion radar m’ont plu dès le début. Nos voyages nous ont aidé à renforcer nos liens, que ce soit à pister la faune canadienne, au milieu de ton pays corse ou la côte bretonne, nous avons tissé les premiers liens de notre grande aventure. ABREVIATIONS
AOMI : artériopathie oblitérante des membres inférieurs ATCD : antécédents Angio-TDM : angio-tomodensitométrie CBC : carcinome basocellulaire CE : carcinome épidermoïde CLCC : Centre de lutte contre le cancer CLERS : Comité Local d’Éthique de la Recherche en Santé CT : chimiothérapie GPT : greffe de peau totale HTA : hypertension artérielle IDM : infarctus du myocarde PA : paquet-année PDS : perte de substance RT : radiothérapie SCAIF : supra clavicular artery island flap VADS : voies aéro-digestives supérieures VJE : veine jugulaire externe TABLEAUX ET FIGURES Tableau 1 : caractéristiques des patients caennais 24 Tableau 2 : résultats des lambeaux et complications des sites receveur et donneur de la cohorte caennaise 25 Tableau 3 : résultats des lambeaux supra-claviculaire réalisés en cancérologie des VADS retrouvés dans la littérature entre 2010 et 2022. 28
Figure 1 : Frise historique du lambeau supra-claviculaire 2 Figure 2 : Branches artérielles originaires du tronc thyro-cervical 3 Figure 3 : Angiosome de l’artère supra-claviculaire après injection d’encre de Chine 6 Figure 4 : Territoire vasculaire de l’artère supra-claviculaire par acquisition tomodensitométrique après injection de produit de contraste iodé sur préparation anatomique 6 Figure 5 : Classifications topographiques des origines des artères supra-claviculaire et cervicale transverse 7 Figure 6 : Exemple de coupes axiale et coronale d’angio-TDM pour repérage préopératoire du pédicule supra-claviculaire 9 Figure 7 : Repères cutanés préopératoire du lambeau supra-claviculaire 11 Figure 8 : Dissection distale d’un lambeau supra-claviculaire sur préparation anatomique 12 Figure 9 : Artère et nerf du lambeau supra-claviculaire
dissection d’un lambeau supra-claviculaire sur préparation anatomique injectée. 13 Figure 10 : Schémas du lambeau supra-claviculaire tunnelisé en îlot 15 Figure 11 : Schémas du lambeau supra-claviculaire pédiculé avec sevrage secondaire 16 Figure 12 : Schémas du lambeau supra-claviculaire avec technique d’expansion tissulaire 17 Figure 13 : Schémas du lambeau supra-claviculaire à pointe autonomisée 18 Figure 14 : Schémas du lambeau supra-claviculaire désépidermisé pour reconstruction volumique parotidienne 19 Figure 15 : Schémas du lambeau supra-claviculaire avec réinnervation 20 Figure 16 : Diagramme de flux de la revue de littérature 22
SOMMAIRE
INTRODUCTION..................................................................................... 1 I) Histoire du lambeau supra-claviculaire................................................................... 1 II) Anatomie................................................................................................................. 3 1) Vascularisation artérielle..................................................................................... 3 2) Vascularisation veineuse.................................................................................... 7 3) Innervation.......................................................................................................... 8 4) Imagerie.............................................................................................................. 8 III) Technique chirurgicale...................................................................................... 10 1) Technique générale du lambeau supra-claviculaire.......................................... 10 2) Variations.......................................................................................................... 15 (a) Lambeau tunnelisé en îlot.......................................................................... 15 (b) Lambeau pédiculé avec sevrage secondaire............................................. 16 (c) Lambeau avec expanseur.......................................................................... 17 (d) Lambeau à pointe autonomisée................................................................. 18 (e) Lambeau désépidermisé............................................................................ 19 (f) Lambeau avec préservation de l’innervation sensitive ou réinnervation....... 20 MATERIEL ET METHODE.................................................................... 21 I) Cohorte caennaise................................................................................................ 21 II) Revue de la littérature........................................................................................... 21 RESULT
ATS
......................................................................................... 23 I) Résultats issus de la cohorte caennaise de patients reconstruits avec un lambeau supra-claviculaire......................................................................................................... 23 1) Caractéristiques populationnelles..................................................................... 23 2) Résultats des lambeaux.................................................................................... 24 (a) Site receveur.............................................................................................. 24 (b) Site donneur............................................................................................... 25 II) Résultats issus de la revue de la littérature de patients atteints d’un
cancer
des VADS et reconstruits avec
un lambeau supra-claviculaire
.......................................... 26 1) Caractéristiques des études.............................................................................. 26 2) Résultats des lambeaux.................................................................................... 27 (a) Site receveur.............................................................................................. 27 (b) Site donneur...............................................................................................
27 DISCUSSION........................................................................................
29 I) Comparaison des résultats de la cohorte caennaise à la revue de la littérature de cancérologie des VADS............................................................................................... 29 1) Nécrose totale................................................................................................... 29 2) Nécrose partielle............................................................................................... 29 3) Désunion de lambeau....................................................................................... 30 4) Fistule................................................................................................................
31 II) Facteurs de
risque
de com
plication
......
................................
................................
31 1) Complications et localisation lésionnelle........................................................... 31 2) Comorbidités et intégration du lambeau supra-claviculaire.............................. 31 III) Contre-indications du lambeau supra-claviculaire............................................ 32 IV) Comparaison aux lambeaux libres.................................................................... 33 V) Limites...............................................................................................................
34 CONCLUSION....................................................................................... 35 BIBLIOGRAPHIE.................................................................................. En 1997, Pallua réétudie ce lambeau supra-claviculaire qu’il prélève en îlot et le nomme « supraclavicular artery island flap » (SCAIF). Il utilise cette technique chez huit patients atteints de contractures cutanées mento-sternales causées par des brûlures thermiques ou chimiques. (5) En 2000, il publie une étude anatomique détaillée de la région supraclaviculaire et de sa vascularisation où il expose une technique de tunnelisation souscutanée du lambeau en îlot. Cette technique permet d’augmenter la mobilité du lambeau et de limiter la rançon cicatricielle du site donneur par une diminution de la taille des cicatrices. (6) A partir de là, l’utilisation du lambeau supra-claviculaire s’accroit progressivement et de nouvelles indications apparaissent. Successivement il est utilisé en population pédiatrique pour des séquelles de brûlures cervico-faciales (7) puis des reconstructions complexes de la face dans des contextes d’infection du Noma en Afrique (8) Les questionnements de certains auteurs sur des indications en cancérologie des voies aéro-digestives supérieures (VADS) et en onco-dermatologie émergent au milieu des années 2000. Dans ces domaines d’étude, les deux points qui freinent l’utilisation du lambeau sont l’intégrité du pédicule chez les patients opérés d’un curage ganglionnaire cervical et la fiabilité de perfusion du lambeau après radiothérapie (RT). 1 Vers la fin des années 2000, la comparaison de ce lambeau aux lambeaux libres est questionnée afin d’étendre les indications chirurgicales du lambeau aux reconstructions complexes et de limiter les complications post-opératoires liées à la microchirurgie et aux temps opératoires plus importants des lambeaux libres.
(9) Figure 1 : Frise historique du lambeau supra-claviculaire
Les différentes caractéristiques de ce lambeau font de lui un excellent candidat pour des indications variées de reconstructions simples ou complexes de la région co-faciale, des VADS, de la base du crâne ou de la parotide. En effet, les avantages décrits au fur et à mesure des années comme la fine épaisseur, la capacité à le plier, la fiabilité de son pédicule vasculaire et la rapidité de dissection sans nécessité de matériel de microchirurgie ont permis au lambeau supra-claviculaire d’avoir sa place pour les reconstructions cervico-faciales.
2 II) Anatomie 1) Vascularisation artérielle
Les premiers travaux anatomiques qui ont permis la description du lambeau supraclaviculaire ont été réalisés en 1979 et 1983 par Lamberty lors de son étude sur la vascularisation de la région supra-claviculaire. Il décrit les origines des artères cervicales transverse et supra-scapulaire. Des résultats concordants sont obtenus par dissection et par étude au rayon X après injection de produit de contraste sur cadavres. (2) La vascularisation de la région supra-claviculaire a pour origine l’artère sous-clavière de laquelle émerge le tronc thyro-cervical dans sa première moitié dans plus de 95% des cas. (10) Le tronc thyro-cervical donne alors quatre branches qui sont dans l’ordre d’apparition, l’artère supra-scapulaire, l’artère cervicale transverse, l’artère thyroïdienne inférieure et l’artère cervicale ascendante qui est la branche terminale.
(10) Figure 2 : Branches artérielles originaires du tronc thyro-cervical Lamberty et Cormack
concluent que
l’artère supra-claviculaire prend son origine de
l’artère cervicale transverse dans 93% des cas et de l’artère supra-scapulaire dans 7% des cas
.
(3) Des proportions différentes sont retrouvées plusieurs années plus tard par Tayfur et al. qui retrouvent une artère supra-claviculaire prenant son origine de l’artère cervicale 3 transverse dans 62,9% et de l’artère supra scapulaire dans 37,1% des cas après 27 dissections. (11) Dans une série de 24 patients chinois, Chen en 2010 retrouve également des proportions différentes après analyse d’angio-TDM 3D réalisée en préopératoire. L’origine de l’artère cervicale transverse provient à 54.2% du tronc thyro-cervical et à 45.8% de l’artère sousclavière. (12) L’artère supra-claviculaire alors décrite chemine jusqu’à la région acromiale sur un trajet parallèle au bord postérieur de la clavicule et avec un diamètre constant de 1,0 à 1,5 mm. Elle se divise après la jonction acromio-claviculaire et donne plusieurs branches qui se dirigent vers la face latérale du bras. Il existe parfois des anastomoses avec une branche superficielle de l’artère humérale circonflexe postérieure. (2) Lors de son trajet, l’artère supra-claviculaire pénètre le fascia superficiel à 30 mm de son origine et poursuit son cheminement dans le plan supra-fascial avant de croiser la clavicule à sa jonction entre le tiers moyen et le tiers latéral. (10) Les terminaisons et anastomoses terminales ont été décrites par Ross en 2014 lors de son étude anatomique après dissection et imagerie de perfusion. Il décrit la portion distale de l’artère supra-claviculaire avec plusieurs branches de division anastomosées aux branches deltoïdienne et acromiale de l’artère thoraco-acromiale ainsi qu’avec la branche superficielle de l’artère cervicale transverse. En regard du galbe du muscle deltoïde, il existe des anastomoses aux artères humérales circonflexes antérieure et postérieure via les branches perforantes musculo-cutanées. (10) Ces travaux ont été complétés par Pallua et Noah en 2000 lors d’une étude anatomique sur 19 cadavres adultes. Ils décrivent les repères anatomiques superficiels facilitant la recherche du pédicule artériel du lambeau supra-claviculaire, les différentes dimensions des vaisseaux traversant cette région à la base du cou et l’étendue du territoire cutané, angiosome, vascularisé par l’artère supra-claviculaire. L’origine superficielle de l’artère supra-claviculaire est présente dans un triangle formé par le bord postérieur de la clavicule, le bord postérieur du muscle sterno-cléido-mastoïdien et la veine jugulaire externe (VJE). Lors des dissections réalisées à partir de l’artère sous-clavière, ils déc ivent une artère supra-claviculaire prenant son origine à 3-4 cm de l’origine de l’artère cervicale transverse. Cette origine artérielle rapportée sur le plan cutané superficiel se situe 3,0 +/- 0,7 cm au4 dessus du bord postérieur de la clavicule, 8,2 +/- 1,7 cm de la jonction sterno-claviculaire et 2,1 +/- 0,9 cm perpendiculairement au bord postérieur du muscle sterno-cléidomastoïdien. (6) En 2010, Tayfur confirme et affine certaines de ces mesures basées sur 27 dissections d’artères supra-claviculaires. Le point d’origine de l’artère supra claviculaire est mesuré en moyenne à 22.2 mm (7-29 mm) du bord supérieur de la clavicule et à 76,4 mm (5296 mm) de la jonction sterno-claviculaire. (11) La longueur totale de l’artère supra claviculaire est mesurée en moyenne à 70,8 mm (4892 mm) depuis son origine. (11) L’étude du territoire artériel sur cadavre est réalisée par injection d’encre de Chine via l’origine de l’artère supra-claviculaire et permet d’identifier une surface cutanée variant de 10 à 22 cm de largeur pour une longueur de 16 à 30 cm dépassant la jonction acromioclaviculaire jusqu’à la région supérieure du bras et la région deltoïdienne antérieure. (6) Ce territoire artériel est étudié par Chan et al. qui réalisent des angiographies post dissection avec tomodensitométrie statique et dynamique dans les trois plans de l’espace sur 10 lambeaux. Les dimensions de ce territoire vasculaire sont en moyenne de 24,2 cm de longueur et de 8,7 cm de largeur. (13)
5 Figure 3 : Angiosome de l’artère supra-claviculaire après injection d’encre de Chine. D’après Pallua et al.(6)
Figure 4 : Territoire vasculaire de l’artère supra-claviculaire par acquisition tomodensitométrique après injection de produit de contraste iodé sur préparation anatomique.
D’après Chan et al. (13) 6
En 2009, Vinh mène une étude anatomique avec réalisation de 40 dissections vasculaires de la région supra-claviculaire. Il dresse deux classifications topographiques des origines des artères supra-claviculaire et cervicale transverse. D’après ses travaux, l’origine de l’artère supra-claviculaire nait de l’artère cervicale transverse à hauteur du tiers moyen de la clavicule dans 90 % des cas (type I) et du tiers distal dans 10 % (type II). Concernant l’artère cervicale transverse, elle nait du tronc thyro-cervical dans 95 % des cas (type I) et directement de l’artère sous-clavière dans 5 % des cas (type II).
(14) Figure 5 : Classifications topographiques des origines des artères supra-claviculaire (image 1.) et cervicale transverse (image 2.). A : artère sous-clavière, B : tronc thyrocervical, C : artère cervicale transverse, D : artère supra-claviculaire. D’après Vinh et al. (14) Il existe une variation anatomique ethnique concernant l’existence de l’artère supraclaviculaire dans la population japonaise. En 2000, Abe ne retrouve cette artère dans seulement 80 % des cas après 130 dissections. (15)
2) Vascularisation veineuse
La vascularisation veineuse du lambeau supra-claviculaire est décrite pour la première fois par Pallua et Machens lors de leurs premières utilisations cliniques en 1997. Lors de l’étude anatomique de Pallua et Noah réalisée trois ans plus tard, il est alors décrit un pédicule vasculaire possédant deux veines dites supra-claviculaires adjacentes à l’artère du même nom. La première se draine vers la veine cervicale transverse avec un diamètre moyen de 0.22 +/- 0,8 cm et la seconde est une branche de la veine jugulaire externe avec 7 un diamètre moyen de 0,24 +/- 0,07 cm. Il existe cependant une variation anatomique de cette seconde veine pouvant se drainer directement dans la veine sous-clavière. (6)
3) Innervation
En 2012, Sands étudie pour la première fois l’innervation du lambeau supra-claviculaire et les rapports anatomiques entre nerfs et vaisseaux. Il réalise des dissections sur cadavres frais avec identification des nerfs supra-claviculaire lors de la levée du lambeau puis leur trajet jusqu’à leur origine après squelettisation. La racine nerveuse majeure émerge alors sous le muscle sterno-cléido-mastoïdien à son point médian et se divise en deux branches. La branche principale se dirige dans la direction inférieure et postérieure (dans l’axe du lambeau) et croise le pédicule vasculaire 1- 2 cm en antérieur dans 9 cas sur 10. Il décrit une seconde branche nerveuse antérieure qui passe en avant du lambeau. (16) L’innervation sensitive de la région supra-claviculaire provient des nerfs supraclaviculaires originaires des racines C3 et C4. (17) Le nerf supra-claviculaire possède trois à cinq branches depuis le nœud supra-claviculaire pour le cou et l’épaule ainsi qu’une à deux branches du plexus cervical évoluant le long du pédicule supra-claviculaire vers l’épaule. Les branches issues du plexus cervical entrent dans le lambeau via la marge supérieure. (18) 4) Imagerie L’utilisation du doppler portatif est recommandée depuis les premières études afin de repérer l’origine du pédicule vasculaire dans le triangle supra-claviculaire. Ce triangle est matérialisé par le bord postérieur du muscle sterno-cléido-mastoïdien, la veine jugulaire externe et le bord supérieur de la clavicule. Lors de sa revue de littérature reprenant différents points de la technique du lambeau en 2013, Granzow et al. préconisent le repérage au Doppler de l’artère supra-claviculaire au chevet du patient et avant l’incision au bloc opératoire. (19) Afin de s’assurer de la viabilité de la pointe du lambeau, Granzow préconise de ne pas inciser au-delà de 5 cm après le dernier point doppler mesuré. (9) La même année, Kokot et al. recommandent de ne pas tracer de lambeau à plus de 22 cm de longueur depuis le point doppler d’origine du pédicule. (20) 8 En cas d’antécédant de curage cervical, une absence de signal doppler en préopératoire serait une contre-indication à la levée du lambeau. Cependant, une angio-TDM permettrait de lever cette contre-indication. (21) Lors de son étude radio-anatomique, Adams réalise des angio-TDM 3D préopératoire par injection intraveineuse en bolus et avec un produit de contraste iodé. Les acquisitions tomodensitométriques sont réalisées en coupes de 1 mm par intervalles de 0,5 mm puis en reconstruction tridimensionnelle afin de repérer le point d’origine artériel. Pour pouvoir comparer les résultats radiologiques avec la dissection chirurgicale et si la latéralité du prélèvement du lambeau est importante, les patients ont une position avec les bras le long du corps et l’injection de produit de contraste est faite du côté controlatéral. (22) Il conclut à une bonne corrélation radio-chirurgicale avec des images de TDM facilement interprétables ainsi qu’une levée du lambeau facilitée et plus rapide après réalisation d’une angio-TDM. Il recommande donc la réalisation de cet examen pour faciliter la chirurgie, sans que celui-ci soit obligatoire. (22) Certains auteurs réalisent systématiquement des angio-TDM chez les patients avec des antécédents de
rage ganglionnaire cervical ou radiothérapie cervicale. (23)
Figure 6 : Exemple de coupes axiale (gauche) et coronale (droite) d’angio-TDM pour repérage préopératoire du pédicule supra-claviculaire. Sur les deux images, la flèche blanche pointe l’artère supra-claviculaire gauche. D’après Adams et al. (22)
9 III) Technique chirurgicale 1) Technique générale du lambeau supra-claviculaire
La description de cette technique de levée du lambeau supra-claviculaire se base sur les différentes descriptions faites dans la littérature et sur une dissection d’une préparation anatomique injectée au latex coloré réalisée au laboratoire d’anatomie de l’université de Caen Normandie. La chirurgie du lambeau supra-claviculaire décrite pour la première fois par Pallua et al. à la fin des années 1990 est réalisée sur un patient installé en décubitus dorsal avec une surélévation possible du côté choisi jusqu’à obtenir un angle de 45 degrés avec le plan de la table. (6) Avant toute chirurgie, un repérage du pédicule vasculaire est réalisé à l’aide d’un mini doppler portatif. Ce temps technique peut être effectué en préopératoire dans la chambre du patient ou avant l’installation en condition stérile en salle d’intervention. (6,24) En plus des repères anatomiques décrits pour trouver l’origine du pédicule dans le triangle supra-claviculaire formé par le bord postérieur de la clavicule, le bord postérieur du muscle sterno-cléido-mastoïdien et la veine jugulaire externe, l’utilisation du doppler permet de suivre le trajet de l’artère supra-claviculaire et ainsi centrer les dessins du lambeau supraclaviculaire sur ce trajet. (5) Dans ces premières descriptions, le dessin du lambeau est rectangulaire et centré sur le trajet du pédicule vasculaire. Le bord antérieur du lambeau croise alors la clavicule à sa partie médiale. (5)
10 Figure 7 : Repères cutanés préopératoire du lambeau supra-claviculaire. SCM : Sternocléido-mastoïdien, VJE : Veine jugulaire externe. La dissection et la levée du lambeau débutent à l’extrémité distale en emportant l’épaisseur cutanée et sous-cutanée ainsi que le fascia profond tout en restant superficiel sur le plan musculaire. (5) La dissection se fait alors de proche en proche à l’aide d’une lame monopolaire tout en préservant le pédicule vasculaire. 11 Figure 8 : Dissection distale d’un lambeau supra-claviculaire sur préparation anatomique
A l’approche des vaisseaux proximaux, une dissection à la pince bipolaire et aux instruments froids est préférable afin de ne pas léser le pédicule vasculaire. (25) A ce niveau, le pédicule peut être repéré par transillumination afin de faciliter la suite de la dissection à distance de celui-ci. (5) Il est préférable de préserver une épaisseur de fascia graisseux autour du pédicule pour limiter les plaies chirurgicales de ce dernier. (24) L’émergence des vaisseaux dans la région du triangle supra-claviculaire se fait sous ou latéralement par rapport au muscle omo-hyoïdien.
12 Figure 9 : Artère et nerf du lambeau supra-claviculaire après dissection d’un lambeau supra-claviculaire sur préparation anatomique injectée
La dissection du pédicule cervical transverse peut être facilitée par la section du muscle omo-hyoïdien. Cela permet également de gagner en longueur sur le pédicule. (26) Une fois que toute la longueur nécessaire de pédicule a été disséquée, la rotation du lambeau sur son axe vasculaire est réalisée et la montée du lambeau jusqu’à la zone de perte de substance doit être possible sans tension. Le point de pivot du lambeau est alors localisé au niveau de l’artère cervicale transverse et la veine supra-claviculaire médiane. (12) Lors d’une rotation à 180 degrés, il est préférable de confirmer le flux artériel par doppler per-opératoire avant et après la manœuvre. (19) La viabilité du lambeau est testée avant le positionnement définitif et le début des sutures. Elle est alors possible par ponction ou scarification de la pointe distale. Des recoupes distales sont effectuées jusqu’au dernier point de saignement s’il existe un doute ou une hypoperfusion avérée de la pointe. (26) 13 Lors de la fermeture du site donneur, un drain aspiratif peut être mis en place et laissé pour environ deux à trois jours. (27) Les lambeaux avec une largeur inférieure à 10 centimètres sont accessibles à une fermeture cutanée directe sans tension. (6,24,28,29) Cependant, Pallua a décrit la possibilité de réaliser une fermeture du site donneur après levée de lambeau d’une largeur atteignant 16 centimètres.(6) La plupart des auteurs réalisent des greffes de peau totale lorsque la largeur de la prise de lambeau excède les 10 centimètres. (14,30) Une vidéo décrivant la technique de levée du lambeau supra-claviculaire est accessible via le site internet du service d’ORL du CHU de Caen : http://orl-chu-caen.fr/?page_id=1373 ou directement sur : https://www.youtube.com/watch?v=lrBlviDmfb0 14
2) Variations (a) Lambeau tunnelisé en îlot
En 2000, Pallua décrit la réalisation de lambeau supra-claviculaire tunnelisé dont l’objectif est de limiter les cicatrices médiales visibles en zones non couvertes. Lors de la dissection de la partie médiale du lambeau, la peau est incisée en prenant soin de ne pas léser le pédicule supra-claviculaire sous-jacent. La dissection se poursuit alors dans le plan souscutané superficiellement au pédicule ce qui permet de créer un tunnel sous cutané. Puis dans la continuité de la levée du lambeau, la face profonde du pédicule est disséquée de proche en proche jusqu’à son point pivot. (6) La technique de lambeau en îlot permet une rotation de celui ci supérieure à 180 degrés et peut couvrir une perte de substance plus éloignée du point pivot qu’un lambeau cutané pédiculé. (30)
Figure 10 : Schémas du lambeau supra-claviculaire tunnelisé en îlot. Flèches noires (pleine et pointillée) : mouvement du lambeau 15 (
b
)
Lambeau pédiculé avec sevrage secondaire
Cette technique décrite par Pallua et Heitland en 2005 lors de reconstruction faciale après exérèse de Noma nécessite deux interventions. Lors de la première intervention, le lambeau fascio-cutané est levé sur toute sa longueur et positionné sur la perte de substance par une suture en « Omega ». Afin d’éviter toute torsion du pédicule, des fils de suture reliant la joue opérée et l’épaule ipsilatérale sont mis en place et laissés 7 à 14 jours. La seconde intervention est alors réalisée trois à quatre semaines après pour le sevrage du pédicule.
(8) Figure 11 : Schémas du lambeau supra-claviculaire pédiculé avec sevrage secondaire. Flèche noire à une tête : mouvement du lambeau. Flèches noires à deux têtes : incisions lors du sevrage 16 (c)
Lambeau avec expanseur
En 2005, Pallua et Von Heimburg réalisent des reconstructions hémifaciales qui nécessitent de grandes surfaces tissulaires. Pour donner suite aux résultats encourageants de reconstruction par lambeaux avec expansions tissulaires, ils associent cette technique d’expansion au lambeau supra-claviculaire. Lors d’une première intervention chirurgicale, la dissection sous-fasciale du lambeau est réalisée via une incision antérieure et le matériel d’expansion est alors mis en place sous le lambeau qui est suturé dans sa position initiale. (7,31) L’expansion débute 14 jours après l’intervention par des injections bi-hebdomadaires de NaCl pendant une durée de 10 à 16 semaines. (31) D’autres auteurs comme Zhao, débutent la phase d’expansion entre le 10e et le 14e jour post opératoire par des injections de 10 % environ du volume théorique, tous les cinq à six jours pendant 8 à 16 semaines. (32) Une seconde intervention est réalisée deux à quatre semaines après la fin de la phase d’expansion pour la reconstruction cervico-faciale. (32) Le lambeau est alors disséqué dans son intégralité jusqu’au pédicule vasculaire. Lors de la levée du lambeau, les brides cicatricielles de la capsule du matériel sont excisées. Figure 12 : Schémas du lambeau supra-claviculaire avec technique d’expansion tissulaire. Ballon d’expansion représenté en orange. Flèche noire : mouvement du lambeau 17 (d)
Lambeau à pointe autonomisée
En 2011, Sandu décrit une technique en deux temps permettant d’augmenter la longueur du lambeau en diminuant le risque de nécrose partielle distale. Lors d’une première intervention sous anesthésie locale, l’extrémité distale du lambeau est disséquée au niveau deltoïdien jusqu’au plan sous-fascial. Une lame de silastic de 0.005 cm d’épaisseur et mesurant 1 cm de moins que la zone du lambeau disséquée est introduite entre le muscle deltoïde et le fascia. La peau est ensuite suturée après mise en place d’un drain. La zone distale du lambeau est laissée en autonomisation durant 7 à 10 jours puis la seconde intervention est réalisée sous anesthésie générale avec la levée complète du lambeau. La vascularisation de la pointe est faite par les branches perforantes fasciocutanées durant la phase d’autonomisation. Sandu décrit cette technique pour des pertes de substances hautes situées au niveau de la face et en temporal ou alors de l’oropharynx. (25) Figure 13 : Schémas du lambeau supra-claviculaire à pointe autonomisée. Cercle pointillé : zone d’anesthésie locale. Flèches noires : mouvements du lambeau. Lame de silastic représentée en orange 18 (e) Lambeau désépidermisé
En 2011, Epps décrit une technique de lambeau en îlot totalement désépidermisé dans le but de restaurer le volume perdu après parotidectomie superficielle ou totale. Après un repérage classique des limites et du pédicule du lambeau, celui-ci est alors disséqué dans son plan sous-fascial puis il réalise une désépidermisation avant de sculpter les bords aux dimensions de la perte de volume parotidienne. Un tunnel sous cutané est disséqué et rejoignant la partie inférieure de la cicatrice de parotidectomie à la partie médiale de la cicatrice du lambeau. Le lambeau est alors glissé sous le pont cutané et mis en place dans la loge de parotidectomie. Enfin, le lambeau est suturé au muscle sterno-cléido-mastoïdien et au périoste de l’arcade zygomatique.
(33) Figure 14 : Schémas du lambeau supra-claviculaire désépidermisé pour reconstruction volumique parotidienne. Inspiré de Epps et al. Flèches noires (pleine et pointillée) : mouvement du lambeau 19 (f) Lambeau avec préservation de l’innervation sensitive ou réinnervation
En 2014, lors d’une série de reconstructions d’hémilangues après exérèse de tumeurs linguales, Chen a étudié la récupération fonctionnelle de sensibilité des lambeaux supraclaviculaires opérés. Il a alors comparé deux groupes : le premier avec lambeaux dont l’innervation via le plexus cervical était préservée lors de la dissection ; et le second où il réalise des réinnervations du lambeau avec anastomose nerveuse des branches du plexus cervi
du lambeau au nerf lingual. (18) Figure 15 : Schémas du lambeau supra-claviculaire avec réinnervation. Flèches noires (pleine et pointillée) : mouvement du lambeau. Nerfs (lingual et supra-claviculaires) représentés en vert. Flèche verte double tête : incision nerveuse. Fleche verte simple tête : suture nerveuse
20 MATERIEL ET METHODE I) Cohorte caennaise
Nous avons réalisé un recueil de données à partir de dossiers médicaux de patients opérés d’un lambeau supra-claviculaire dans les services d’ORL du Centre François Baclesse et du CHU de Caen. Entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2022, un total de 10 patients opérés par quatre chirurgiens différents a pu être étudié. Nous avons recueilli, pour chaque patient, l’indication de la reconstruction par lambeau supra-claviculaire, la localisation anatomique de la tumeur et les comorbidités. Nous avons ensuite recherché l’apparition de complications après la chirurgie sur les sites receveur et donneur du lambeau. Ces différentes complications sont la nécrose totale ou partielle du lambeau, l’apparition d’une désunion ou d’une fistule. Enfin nous avons regardé s’il avait eu lieu de réaliser une chirurgie de révision.
II) Revue de la littérature
Dans un deuxième temps nous avons réalisé une revue de la littérature à partir de la base de données Pubmed. Une première recherche à partir du mot clé unique : « Supraclavicular flap » a permis de référencer un total de 327 articles internationaux publiés sur la période de 2000 à aujourd’hui. Afin d’affiner notre recherche, seuls les articles en langue anglaise, recensant un minimum de 10 interventions de lambeau supra-claviculaire ont été retenus pour aboutir à un total de 54 articles. Finalement, étant donné que ce travail de thèse se focalise sur les patients de cancérologie des VADS, nous avons sélectionné uniquement les articles qui se rapportaient à cette indication. Ainsi nous avons inclus dans cette revue de littérature un total de 11 articles. A partir de ces 11 études datant de 2010 à 2022, nous avons pu recenser 239 lambeaux supra-claviculaires dans le monde pour une prise en charge en cancérologie des VADS. L’objectif de cette revue de littérature était de faire le point sur les cas de complications du lambeau supra-claviculaire dans les études incluses. Historiquement, plusieurs études catégorisaient les complications en deux types : majeures (nécrose totale ou intervention au bloc opératoire) et mineures (complications avec traitement conservateur). (9,17,26,28,34,35) Nous avons recueilli dans chaque étude, de manière descriptive, les évènements liés aux complications des lambeaux sans les catégoriser tel que mentionné précédemment. Ces différents évènements sont la nécrose totale du lambeau, la nécrose partielle, la désunion et l’apparition d’une fistule ou d’une infection. Nous avons également recueilli les cas où une chirurgie de révision avait été nécessaire. Cette étude a été acceptée après une demande auprès du CLERS.
Figure 16 : Diagramme de flux de la revue de littérature
22 RESULTATS I) Résultats issus de la cohorte caennaise de patients reconstruits avec un lambeau supra-claviculaire
La série de patients ayant bénéficié d’une chirurgie de reconstruction par un lambeau supra-claviculaire se compose de neuf hommes et une femme âgés de 51 à 82 ans (moyenne d’âge de 63,9 ans) au moment de la chirurgie. Ces patients ont été opérés et pris en charge au centre de lutte contre le cancer (CLCC) de Caen (centre François Baclesse) et au CHU de Caen entre avril 2019 et novembre 2022. Sept d’entre eux ont eu leur prise en charge au CLCC et trois au CHU.
1) Caractéristiques populationnelles
L’étude des 10 dossiers de patients a révélé que les indications de reconstruction par lambeau supra-claviculaire entraient dans le cadre d’une prise en charge en carcinologie des VADS pour neuf de ces patients et faisait suite à une chirurgie de carcinologie cutanée dans un cas. Ces indications chirurgicales comprenaient quatre cas de recouvrement de perte de substance après exérèse de tumeur lors de la chirurgie initiale, deux cas de recouvrement de perte de substance suite à des complications de reconstruction par lambeau libre osseux (exposition de plaques d’ostéosynthèse et nécrose cutanée de lambeau libre osseux), trois fermetures de fistule œso-trachéale et un recouvrement de perte de substance suite à une amputation d’oreille pour exérèse d’un volumineux carcinome basocellulaire infiltrant. Les tumeurs étaient localisées dans la cavité buccale pour quatre cas, dans le larynx pour trois cas et pour un patient dans chacune des localisations oropharyngée, hypopharyngée et cutanée. Dans le groupe de carcinologie des VADS, huit patients étaient traités pour un carcinome épidermoïde (CE) de stade T3 ou T4 (classification TNM 8eme édition 2018) et un patient un carcinome verruqueux infiltrant classé T2. Le patient présentant le carcinome cutané avait un CBC infiltrant de type agressif classé T4 (classification TNM). 23 Les principaux facteurs de risque de complication du lambeau retrouvés dans la littérature ont été recensés pour cette série : la consommation tabagique, les comorbidités cardiovasculaires, le diabète, l’état de nutrition et les antécédents de radiothérapie cervicofaciale. Tous les patients avaient un antécédent de tabagisme, dont trois étaient encore actifs, avec une quantification en paquets-années (PA) variant de 20 à 60. Parmi les antécédents médicaux relevés, cinq patients présentaient des comorbidités cardio-vasculaires comme une hypertension artérielle (HTA), un infarctus du myocarde (IDM), une artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI) ou une dyslipidémie et un patient présentait également un diabète de type 2. En , cinq patients avaient reçu un traitement par radiothérapie de la région cervicofaciale au cours de leur prise en charge carcinologique. Les différentes caractéristiques des patients sont résumées dans le tableau 1. Tableau 1 : caractéristiques des patients caennais
Centre Sexe Age Indication Localisation tumeur Histologie TNM Tabagisme IMC comorbidités CHU H 62 PDS cutanée Cutanée CBC infiltrant T4N0 20 PA actif 24 - CHU F 52 PDS tumeur VADS Larynx CE T4N0M0 30 PA sevré 24,82 dyslipidémie CHU H 71 fermeture fistule oeso-trachéale Larynx CE infiltrant T3 35 PA sevré 24,54 IDM, HTA, RT CFB H 51 fermeture fistule oeso-trachéale Larynx CE T4a 27 PA sevré 24,57 AOMI, RT CFB H 54 Reprise complication lambeau Cavité buccale CE T4aN0M0 25 PA actif 28,03 - pT2R0 60 PA sevré 20 ans 29,74 IDM triple pontage, RT CFB H 79 PDS tumeur VADS Cavité buccale Carcinome verruqueux infiltrant CFB H 56 PDS tumeur VADS Cavité buccale CE pT3N3Mx R1 40 PA actif Emb+ Eng+ CFB H 61 Reprise complication lambeau Cavité buccale CE T3 40 PA sevré 5 17,63 RCT pour T4 base de langue ans CFB H 71 fermeture fistule oeso-trachéale Hypopharynx CE T4a 40 PA sevré 15 ans 17,13 RT CFB H 82 PDS tumeur VADS CE T4a 40 PA sevré 30,78 2) Oropharynx 30,96 - diabète, HTA, AOMI, 2e cancer (colon)
Résultats des lambeaux (a) Site receveur
Nous avons recensé six patients pour qui la chirurgie de reconstruction par lambeau supra-claviculaire a retrouvé une bonne intégration des lambeaux réalisés au site receveur à un mois de la chirurgie. Parmi les complications que nous avons recherchées sur le site receveur du lambeau, nous avons retrouvé un cas de nécrose totale. Cet évènement est apparu au troisième 24 jour post-opératoire à la suite de l’exérèse d’une tumeur oropha gée chez un patient de 82 ans avec un terrain cardio-vasculaire altéré. Un cas de nécrose partielle de la palette cutanée a été retrouvé avec geste de nécrosectomie et cicatrisation dirigée permettant une bonne intégration du lambeau à moins d’un mois de la chirurgie. Dans la cohorte de patients étudiés, il y a eu cinq cas de désunion cicatricielle. Deux de ces patients ayant eu une désunion du lambeau avaient une indication de fermeture de fistule œso-trachéale. Le troisième patient était opéré pour une exposition osseuse à la suite d’une première reconstruction de la cavité buccale. Les deux derniers cas de désunion faisaient suite à une exérèse de tumeur de la cavité buccale. Aucune fistule acquise ou infection au niveau du site receveur n’ont été observé parmi les 10 dossiers analysés. (
b
)
Site donneur
Sur le site donneur, nous avons recensé quatre cas de désunion cicatricielle avec deux cas de nécrose de greffe de peau totale (GPT) chez deux patients tabagiques actifs et deux cas de désunion avec cicatrisation après soins locaux. Les résultats des lambeaux réalisés pour chaque patient sont résumés dans le tableau 2.
| 56,345
|
tel-04113423-Th%C3%A8se%20Benhaddad%20L_2014.txt_3
|
French-Science-Pile
|
Open Science
|
Various open science
| 2,023
|
Élaboration et caractérisation de poudres nanostructurées de MnO 2 et de polypyrrole : Application comme matériaux d'électrodes dans des dispositifs de stockage de l'énergie. Chimie. Université Pierre et marie Curie; Université Abderrahmane Mira de Béjaïa, 2014. Français. ⟨NNT : 2014PA066113⟩. ⟨tel-04113423⟩
|
None
|
French
|
Spoken
| 7,998
| 13,839
|
[122] Y. Xiao, Q. Zhang, J. Yan, T. Wei, Z. Fan, F. Wie, J. Electroanal. Chem. 684 (2012) 32. [123] Z. Li, J. Wang, S. Liu, X. Liu, S. Yang; J. Power Sources 196 (19) (2011) 8160. [124] Y. Zhang, G-Y. Li, Y. Lv, L-Z. Wang, A-Q. Zhang, Y-H. Song, B-L. Huang; Int. J. Hydrogen Energy 36 (2011) 11760. [125] J. Yan, T. Wei, J. Cheng, Z. Fan, M. Zhang; Mater. Res. Bull. 45 (2) (2010) 210. [126] L. Chen, Z. Song, G. Liu, J. Qiu, C. Yu, J. Qin, L. Ma, F. Tian, W. Liu; J. Phys. Chem. Solids, In Press 2012. [127] E-H. Liu, W. Li, J. Li, X-Y. Meng, R. Ding, S-T. Tan; Mater. Res. Bull. 44 (5) (2009) 1122. [128] H.E. Becker, Low Voltage Electrolytic Capacitor; United States Patent 2 800 616 (1957). [129] J-C. Lassègues ; Supercondensateurs ; Techniques de l’Ingénieur Référence D3334, 10 mai (2001). [130] G. Wang, L. Zhang, J. Zhang; Chem. Soc. Rev. 41 (2012) 797. [131] R. Kötz and M. Carlen; Electrochim. Acta 45 (2000) 2483. [132] C. Largeot ; Développement de supercondensateurs carbone/carbone : relation entre la taille des ions de l’électrolyte et la taille des pores de la matière active ; Thèse de Doctorat, Université de Toulouse III, France (2009). [133] Y. Zhang, H. Feng, X. Wu, L. Wang, A. Zhang, T. Xia, H. Dong, X. Li, L. Zhang ; A Review; Int. J. Hydrogen Energy 34 (2009) 4889. [134] B.E. Conway, V. Birss, J. Wojtowicz; J. Power Source 66 (1997) 1. [135] C-M. Chuang, C-W. Huang, H. Teng, and J-M. Ting; Energy Fuels 24 (12) (2010) 6476. [136] D. Qu; J. Power Sources 109 (2002) 403. [137] G. Arabale, D. Wagh, M. Kulkarni, I.S. Mulla, S.P. Vernekar, K. Vijayamohanan, A.M. Rao; Chem. Phys. Lett. 376 (2003) 207. [138] Y-Y. Liang, H.L. Li, X-G. Zhang; J. Power Sources 173 (2007) 599. [139] P. Soudan, J. Gaudet, D. Guay, D. Bélanger, R. Schulz; Chem. Mater. 14 (2002) 1210. [140] A.A.F. Grupioni, E. Arashiro, T.A.F. Lassali; Electrochim. Acta 48 (2002) 407. Chapitre I 43 Références Bibliographiques [141] P.A. Nelson and J.R. Owen, J. Electrochem. Soc. 150 (2003) A1313. [142] C. Lin, J.A. Ritter, B.N. Popov; Electrochem. Soc. 145 (12) (1998) 4097. [143] S.W. Zhang and G.Z. Chen; Review Energ. Mater. 3 (3) (2008) 186. [144] O. Ghodbane, J-L. Pascal, F. Favier; ACS Appl. Mater. Interfaces 1 (5) (2009) 1130. [145] S-W. Woo, K. Dokko, K. Kanamura; J. Power Sources 185 (2008) 1589. [146] K.S. Ryu, X. Wu, Y.G. Lee, S.H. Chang, J. Appl. Polym. Sci. 89 (2003) 1300. [147] E. El Brouji ; Prise en compte du vieillissement dans la modélisation des supercondensateurs ; Thèse de Doctorat, Université de Bordeaux I, France (2009). [148] E. Perricone; Mise au point d’électrolytes innovants et performants pour supercondensateurs ; Thèse de Doctorat, Université de Grenoble, France (2011). [149] C. Yang, P. Liu, Y. Zhao; Electrochim. Acta 55 (2010) 6857. [150] N. Bertrand ; Caractérisation électrique, mise en évidence des phénomènes physicochimiques et modélisation fractionnaire des supercondensateurs à électrodes à base de carbone activé ; Thèse de Doctorat, Université de Bordeaux 1, France (2011). [151] M. Galinski, A. Lewandowski, I. Stepniak ; Electrochim. Acta 51 (26) (2006) 5 [152] S. Yamazaki, K. Obata, Y. Okuhama, Y. Matsuda, M. Yamagata, M. Ishikawa; J. Power Sources 195(6) (2010) 1753. Chapitre II 44 Conditions expérimentales et techniques de caractérisation
Avant d’exposer les résultats expérimentaux obtenus, nous présentons dans ce chapitre les méthodes de synthèse de nos poudres ainsi que les conditions expérimentales et les méthodes physiques d’analyse qui ont permis des caractérisations structurales et chimiques de nos poudres. Celles-ci sont indispensables pour interpréter les résultats issus des techniques électrochimiques.
I. Synthèse chimique du MnO 2 et du polypyrrole nanostructurés I.1. Synthèse chimique du MnO2 nanostructuré
Dans le présent travail, nous avons utilisé la méthode chimique pour la synthèse de la poudre de MnO2 nanostructuré par oxydation des ions Mn2+ [1,2]. Le MnO2 a été synthétisé à partir d’une solution contenant MnSO4.H2O (0.53 mol.L-1) et d’un agent oxydant (0.53 mol.L-1) dans 150 mL d’eau dé-ionisée. Après agitation magnétique, cette solution a été portée à une température de synthèse (T) pendant une durée optimale. Le produit obtenu est filtré sous vide et rincé abondamment avec l’eau dé-ionisée, pour éliminer les impuretés, et enfin séché dans l’étuve à 60°C pendant 24 heures. Plusieurs études ont été réalisées pour l’optimisation des conditions de synthèse des différentes variétés cristallographiques de MnO2 [3,4]. Notre objectif est de synthétiser la variété cristallographique γ-MnO2 nanostructuré reconnue comme la variété la plus réactive. Pour cela, nous avons optimisé les paramètres de sa synthèse chimique (température de synthèse, durée de synthèse et l’identité de l’oxydant) en étudiant leur influence sur la morphologie, la structure, la porosité et la réactivité des poudres de MnO2 synthétisées. Les résultats de la c ation physique de ces poudres et l’étude de leurs réactivités électrochimiques dans le milieu de test KOH 1 mol.L-1 sont présentés dans les chapitres III et IV, respectivement. Par la suite, nous avons synthétisé une autre poudre de MnO2 nanostructuré en adoptant la méthode chimique utilisée par Zhang et al. [5]. Cependant, nous avons modifié les concentrations des réactifs utilisés. En effet, la synthèse a eu lieu par réaction entre MnSO4.H2O (0.038 mol.L-1) et KMnO4 (0.025 mol.L-1) dans un volume de 240 mL d’eau déionisée. Après agitation magnétique, la solution a été portée à une température de 160 °C pendant 72 h. Après filtration sous vide et rinçage à l’eau dé-ionisée, la poudre a été séchée à Chapitre II 45 Conditions expérimentales et techniques de caractérisation 60 °C pendant 24 h. La caractérisation physique de cette poudre est présentée dans le chapitre
V. I.2. Synthèse chimique du polypyrrole nanostructuré
Dans le présent travail, nous présentons une méthode chimique simple et efficace pour la synthèse du polypyrrole nanostructuré grâce à l’utilisation d’un template sacrificiel. La synthèse du polypyrrole nanostructuré a été réalisée par voie chimique par ajout du monomère pyrrole d’une concentration de 0.2 mol.L-1 à 100 mL d’une solution acide (H2SO4, 1 mol.L-1) contenant 2 g de la poudre de MnO2 nanostructuré, préalablement synthétisée par voie chimique, utilisée à la fois comme agent oxydant et template nanostructuré sacrificiel. Il a été rapporté dans la littérature que la polymérisation d’un monomère en contact avec un agent oxydant peut être initiée immédiatement [6,7]. En effet, la polymérisation du pyrrole a été initiée dès son ajout au milieu réactionnel montrée par la coloration de la solution de synthèse en noir. Après agitation magnétique à température ambiante pendant 4h, la solution a été filtrée sous vide, ée abondamment avec l’eau dé-ionisée et enfin séchée à 60 °C pendant 24 h. Nous avons procédé à l’optimisation des conditions de synthèse du polypyrrole nanostructuré. Les paramètres étudiés sont la durée de polymérisation, le pH du milieu de synthèse ainsi que la morphologie de la poudre de MnO2 utilisée. Les résultats de la caractérisation physique des poudres synthétisées et leurs utilisation en tant que matériaux d’électrodes des supercondensateurs pour l’amélioration de la capacité spécifique du carbone activé Picactif BP 10 sont présentés dans les chapitres V et VI, respectivement.
I.3. Produits chimiques et électrolytes utilisés
Les réactifs utilisés pour la synthèse chimique des poudres de MnO2 nanostructuré sont le sulfate de manganèse monohydraté (MnSO4.H2O) de marque Prolabo et les agents oxydants persulfate d’ammonium (NH4)2S2O8, persulfate de sodium Na2S2O8 et permanganate de potassium (KMnO4) de marque VWR International. Les réactifs utilisés pour la synthèse des poudres de polypyrrole nanostructuré sont de marques Fluka pour le monomère Pyrrole (pureté 97% et utilisé après distillation) et Prolabo pour l’acide sulfurique et la potasse utilisée pour régler le pH des solutions d’étude. La réactivité électrochimique des poudres de MnO 2 a été étudiée dans le milieu KOH (marque Merck) de concentration égale à 1 mol.L-1. L’étude des performances des matériaux
Chapitre II 46 Conditions expérimentales et techniques de caractérisation d’électrodes dans le supercondensateur a été réalisée en utilisant l’électrolyte NaNO3 (marque Merck) de concentration égale à 1 mol.L-1.
II. Dispositifs utilisés et préparation des électrodes II.1. Microélectrode à cavité [8,9]
Pour étudier la réactivité électrochimique des poudres de MnO2 dans le milieu de test KOH 1 mol.L-1, nous avons utilisé une microélectrode à cavité (MEC) (Figure II.1). La microélectrode à cavité a été décrite et utilisée pour la première fois en 1994 par Cha et al.[10] à l’université de Wuhan en Chine. Son utilisation s’est développée ces dernières années à travers un réseau national du CNRS en France (réseau UMEC). La microélectrode à cavité est de forme cylindrique (60 μm de diamètre et de 25 μm de profondeur) réalisée par ablation laser sur un fil de platine (60 μm diamètre) préalablement scellé dans un capillaire en verre (8 mm de diamètre). Le volume de la cavité est de l’ordre de 50.10-9 cm3. Le contact électrique entre le fil de platine et le fil de cuivre qui est relié au potentiostat est assuré par de la poudre de graphite tassée. Cet outil a pour avantage de permettre l’étude de la réactivité de la poudre de MnO2 sans ajout d’additif. Il permet aussi de travailler sur des quantités de matière de quelques nanogrammes (100 ng environ) ; une fine couche de cette poudre minimise la distribution en profondeur du potentiel et du courant ; et enfin, les faibles dimensions de la MEC minimisent la chute ohmique.
Figure II.1. Schéma de la microélectrode à cavité [11]. II.2. Montage test de type Swagelok pour l’élaboration de supercondensateurs
Chapitre II 47 Conditions expérimentales et techniques de caractérisation
Une cellule de test, en acier inoxydable 316L, de type Swagelok (présentée dans la Figure II.2) a été utilisée en vue d’étudier la performance capacitive des matériaux d’électrodes à base du carbone activé Picactif BP 10 et de la poudre de polypyrrole. La cellule de test est composée de deux collecteurs de courant (pièces 1 et 2 dans la Figure II.2) sous forme de barreaux cylindriques, symétriques (voir repères 3, aire = 0,283 cm2), et qui ont deux diamètres, l’un interne et l’autre externe (voir repères 4 et 5 dans la Figure II.2). Ces collecteurs de courant représentent les électrodes positives et négatives de la cellule. L’électrode de travail représente l’électrode positive. L’électrode négative est connectée au potentiostat en court-circuitant la contre électrode et l’électrode de référence. Ces deux électrodes sont séparées par un assemblage de deux films de matière active, séparés par un séparateur imbibé d’électrolyte qui relie électriquement les deux électrodes pour éviter le court-circuit entre elles tout en permettant le passage des ions, et le tout est placé dans une enceinte cylindrique (voir pièce 6 dans la Figure II.2) présentant également deux diamètres, l’un interne et l’autre externe. L’étanchéité du système est réalisée grâce à deux bagues en (PTFE) (avant et arrière) placées de chaque côté de la pièce 6: La bague avant (voir pièce 7 dans la Figure II.2) crée une étanchéité entre le corps de raccordement et le diamètre externe du collecteur de courant. Lorsque l’écrou est tourné, la bague arrière (voir pièce 8 dans la Figure II.2) fait coulisser la bague avant axialement et applique un serrage radial effectif du tube.
Figure II.2. Cellule de test de type Swagelok utilisée comme supercondensateur.
II.3. Caractérisation du carbone activé Picactif BP 10 Chapitre II Conditions expérimentales et techniques de caractérisation
Le but de la deuxième partie de cette thèse est d’améliorer la capacité spécifique du carbone activé Picactif BP 10 par la poudre de polypyrrole nanostructuré synthétisée. Dans ce qui suit, nous présentons les résultats de sa caractérisation morphologique et structurale par les techniques SEM-FEG et EDS. Pour plus d’informations sur sa texture et la présence des groupements fonctionnels à sa surface, nous présentons son isotherme d’adsorption/désorption d’azote, la distribution de la taille de ses pores, et son analyse thermogravimétrique qui ont été és par S. Vaquero et al. [12]. II.3.1. Caractérisation morphologique et structurale
Nous avons réalisé une observation morphologique par SEM-FEG sur le carbone activé Picactif BP 10 et nous l’avons présentée à la Figure II.3(a). La photo montre une différence de granulométrie au sein du même échantillon dont le diamètre des particules est compris entre 0.25 et 5 μm. La Figure II.3(b) présente l’analyse élémentaire par la technique EDS qui montre la présence en grande proportion de l’élément carbone et d’une proportion négligeable de l’élément oxygène. (b) C O 0,0 0,5
1,0 1,5 2,0 2,5 3,0 Energie
/ ke
V
3,5 4,0 4,5 5,0 Figure II.3. (a) Image SEM-FEG et (b) Spectre EDS du carbone active Picactif BP 10.
II.3.2. Caractérisation texturale
L’analyse texturale du carbone activé Picactif BP 10 réalisée par S. Vaquero et al. [12], à savoir, l’isotherme d’adsorption/désorption de l’azote et la distribution de la taille des pores sont présentés à la Figure II.4(a) et (b), respectivement. D’après ces auteurs, l’isotherme d’adsorption/désorption de l’azote relatif au Picactif BP 10 présente une combinaison des types I et IV correspondant à un matériau microporeux [12,13]. La surface spécifique, calculée par la méthode BET, est d’une valeur de 2410 m2.g-1. Le volume total de pores et le volume de micropores sont de valeurs égales à 1.634 et 0.648 Chapitre Conditions expérimentales et techniques de caractérisation cm3.g-1, respectivement, ce qui donne un pourcentage de 40% de micropores dans la poudre du Picactif BP 10.
II.3.3. Caractérisation des groupements fonctionnels
Dans le but d’étudier la présence de groupements fonctionnels à la surface du Picactif BP 10, S. Vaquero et al. [12] ont utilisé l’analyse thermogravimétrique ATG) couplée à la spectrométrie de masse, et l’analyse par infrarouge. Le résultat de l’analyse thermogravimétrique est présenté à la Figure II.4(c). Dans le cas des carbones activés, les courbes ATG présentent trois régions distinctes [12]: (1) au dessous de 100-150 °C, une perte de masse due à la déshydratation des matériaux ; (2) une perte de masse faible entre 150 et 600 °C qui peut être interprétée comme la décomposition des groupements oxygénés à la surface du matériau ; (3) pour des températures supérieures à 600 °C, la carbonisation du matériau commence. D’après S. Vaquero et al. [12], la courbe ATG du Picactif BP 10 montre une perte de masse inférieure à 1%. Le spectre de masse des gaz libérés montre la nature chimique des groupements fonctionnels. Les auteurs ont constaté la présence de groupements fonctionnels oxygénés à la surface mais avec un taux faible, résultat corroboré par l’analyse Infrarouge [12].
1000 800 600 400 200 0 0,0 (a) 0,2 0,4 0,6 0,8 0,7 Volume de pores / cm3.nm-1.g-1 Volume adsorbé / cm3.g-1 1200 0,6 0,5 0,4 0,3 0,2 (b) 0,1 0,0 1,0 0 1 P/P0 2 3 4 5 6 7 8 Taille de pore / nm 100 Poids initial / % 98 96 94 92 90 88 (c) 86 0 100 200 300 400 500 600 700 800 Température
/ °C Figure II.4. (a) Isotherme d’adsorption/désorption d’azote, (b) Distribution de la taille des pores, et (c) ATG du carbone activé Picactif BP 10 [12].
Chapitre II 50 Conditions expérimentales et techniques de caractérisation II.4. Préparation des électrodes
Les électrodes à étudier sont composées du carbone activé Picactif BP 10 de la compagnie PICA, de la poudre de polypyrrole nanostructuré, utilisée dans le but d’améliorer la performance capacitive du Picactif BP 10, et du liant PTFE. Le liant polymérique polytétrafluoroéthylène (PTFE) est un fluoropolymère liant isolant issu du tétrafluoroéthlyène. Ses propriétés mécaniques, sa résistance thermique et sa stabilité chimique permettent un bon maintient des films composites en supercondensateurs électrochimiques sans trop isoler les particules actives du matériau étudié. C'est pourquoi il est le principal liant utilisé dans ce type de technologie. La préparation des électrodes (pastilles) est réalisée à partir d’un mélange homogène constitué du carbone activé Picactif BP 10 (noté PICA), de la matière active (polypyrrole) et du liant (PTFE) destiné à améliorer la tenue mécanique de la pastille à préparer. Chacun des constituants a été soigneusement pesé et le mélange homogénéisé et mélangé dans de l’éthanol. Après malaxage et évaporation du solvant, nous avons bien étalé le film avec un rouleau et ensuite nous l’avons mis dans l’étuve à une température de 120 °C pendant 24 h. Après, nous avons étalé ce film pour une deuxième fois et nous avons découpé des disques de surface égale à 0.283 cm2. Avant chaque manipulation, les disques sont pesés afin d’avoir des couples de pastilles de même masse.
III. Techniques de caractérisation physique
Pour la caractérisation physique de nos produits, nous avons utilisé la Microscopie Electronique à Balayage (MEB) couplée à la Spectroscopie Dispersive en Energie (EDS), et la microscopie électronique à balayage avec canon à émission de champ (SEM-FEG en anglais) qui permet une bonne résolution des images. La Microscopie Electronique en Transmission (MET) et la Diffraction des Rayons X (DRX) ont été aussi utilisées. La surface spécifique (BET) et la distribution des pores (BJH) ont été déterminées à l aide des isothermes d’adsorption/désorption du diazote à 77 K. III.1. Microscopie Electronique à Balayage (SEM) et (SEM-FEG)
[14]
La microscopie électronique à balayage (MEB ou « Scanning Electron Microscopy » SEM) est une technique d’observation bien adaptée de la topographie des surfaces. Elle est fondée Chap
itre II 51 Conditions
expérimentales et techniques de c
aractérisation
principalement sur la détection des électrons secondaires émergents de la surface sous l’impact d’un très fin faisceau d’électrons primaires qui balaye la surface observée et permet d’obtenir des images avec un pouvoir séparateur souvent inférieur à 5 nm et une grande profondeur de champ. - Appareillage Comme schématisé sur la Figure II.5(a), un microscope électronique à balayage est constitué d’une colonne maintenue sous un vide suffisant (secondaire et éventuellement ionique au niveau du canon), d’une source d’électrons, d’un dispositif de haute tension, d’un accélérateur d’électrons, d’un ensemble de lentilles électroniques (les condenseurs) destiné à former un faisceau fin et intense, d’un condenseur final (appelé généralement « objectif ») et d’un diaphragme de petit diamètre qui permet de focaliser sur la surface à examiner un fin pinceau d’électrons presque parallèle ; d’un dispositif de déflexion piloté par un générateur de balayage ; d’une platine porte-objet mobile ; d’un détecteur d’électrons (principalement secondaires) et d’un dispositif d’amplification du signal, rapide et à faible bruit ; un système de visualisation d’image couplé de manière synchrone au même générateur de balayage. On y adjoint souvent un détecteur d’électrons rétrodiffusés et un détecteur de rayons X, plus rarement un détecteur d’électrons absorbés et un détecteur de photons de cathodoluminescence.
Figure II.5a. Sch
de principe d’un microscope électronique à balayage (MEB) [14]. L’utilisation de sources dites à « émission de champ » (Field Emission Gun ou FEG pour les Anglo-Saxons) (Figure II.5(b)) permet, par rapport aux sources thermoélectroniques, Chapitre II 52 Conditions expérimentales et techniques de caractérisation d’améliorer considérablement la brillance d’un facteur cent à mille. Elles procèdent par extraction directe ou amplification de l’extraction des électrons par l’application d’un champ électrique très intense en pointe de cathode qui abaisse la barrière de potentiel. Elles sont cependant plus coûteuses et nécessitent un vide encore plus poussé (< 10–7 Pa).
Figure II.5b. Vue en coupe de colonne électronique d’un microscope électronique à balayage avec canon à émission de champ [14].
Dans cette étude, nous avons utilisé deux types de microscopes électroniques à balayage, disponibles au laboratoire LISE (UPR 15 du CNRS), à savoir le microscope de modèle LEICA Stereoscan 440 piloté par le logiciel LEO (SEM) et le microscope de modèle ULTRA 55 Zeiss (SEM-FEG).
III.2. Spectroscopie Dispersive en Energie (EDS)
Le microscope électronique à balayage est généralement couplé avec la spectroscopie dispersive en énergie (EDS). Par le biais de cette méthode, nous pouvons acquérir l'image de la topographie de la surface de l'échantillon analysé et la répartition simultanée des différents éléments individuels qui constituent cet échantillon. Les échantillons peuvent être massifs ou minces à condition qu’ils supportent le vide et le faisceau d'électrons. L'impact des électrons produit un spectre d'émission X caractéristique des éléments chimiques présents dans l’échantillon.
III.3. Microscopie Electronique en Transmission (MET) [15] Chapitre II 53 Conditions expérimentales et techniques de caractérisation
La microscop électronique en transmission a été inventée par Knoll et Ruska en 1931. Depuis cette date, cette technique a considérablement évolué et est devenue indispensable pour l'étude des matériaux à l'échelle nanométrique et donc des nanomatériaux. Il existe deux types de microscopes électroniques en transmission, le microscope en transmission qui donne de l'objet mince une image globale (MET – microscope électronique en transmission), et le mode en balayage, où une petite sonde explore l'objet (STEM – scanning transmission electron microscope). Les microscopes modernes ont de plus en plus tendance à permettre ces deux modes d'utilisation. - Appareillage Le MET donne d'un objet mince, traversé par des électrons rapides, une image globale. La colonne (Figure II.6) est constituée d'un canon à électrons, de l'accélérateur, de lentilles magnétiques (2 ou 3) qui forment l'ensemble condenseur, d'une lentille objectif, d'une ou deux lentilles intermédiaires, d'une lentille de projection (projecteur) et d’une chambre d'observation et d'enregistrement de l’image ou du diagramme de diffraction. L'intérieur de la colonne est sous un vide d'environ 10–3 à 10–5 Pa. Un vide plus propre et poussé est nécessaire autour du canon et aux alentours de l'échantillon qui s'insère au milieu de la colonne, entre les pièces polaires de la lentille objectif.
Figure II.6. Schéma de la colonne d’un microscope électronique en transmission (MET) [15]. Pour pouvoir être examiné, l’échantillon doit être stable sous vide et suffisamment mince pour transmettre les électrons. Quelques types d’échantillons (poudres, fibres de carbone...)
Conditions expérimentales et techniques de
c
aractéris
ation peuvent être examinés immédiatement, mais la plupart nécessite une série d’étapes de préparation.
III.4. Diffraction des Rayons X (DRX) III.4.1. Description d’un cristal
[16] Un cristal est un solide caractérisé par la répétition périodique d’un motif composé d’atomes dans les trois directions de l'espace x, y et z Les seules données de la brique élémentaire appelée maille élémentaire et du motif de base (c’est-à-dire la position et la nature des atomes dans cette maille) suffisent à définir le cristal tout entier. III.4.1.1. Espace direct et espace réciproque
L’analyse physique ou espace réel est appelé espace direct. Le réseau direct, qui traduit la périodicité du cristal, est défini par l’ensemble des points n ua vb wc, où u, v et w sont des nombres entiers et a, b et c les trois vecteurs de base définissant la maille élémentaire. Les angles entre ces vecteurs sont (b, c ), (a, c ) et (a, b ). Le réseau réciproque est la transformée de Fourier du réseau direct. C’est l’espace de la diffraction. Les vecteurs unitaires du réseau réciproques sont notés a*, b* et c*, formant les angles (b, c), (c, a) et (a, b).
III.4.1.2. Les indices de Miller – plans réticulaires
Les plans réticulaires, passant par trois nœuds non colinéaires du réseau direct sont définis par l’équation hx ky lz t et coupent les trois axes a, b et c en x t h, y t k et z t l, respectivement, où h, k et l sont trois nombres entiers premiers entre eux appelés indices de Miller. III.4.2. Principe de la Diffraction des rayons X
[17] Historiquement, après la découverte des rayons X par Röntgen en 1895, ce n’est qu’en 1912 que Laue eut l’idée d’utiliser un cristal comme réseau de diffraction. La longueur d’onde des rayons X étant du même ordre de grandeur que les distances entre atomes dans la matière, de l’ordre de l’angström (0,1 nm), des figures ou taches de diffraction ont ainsi été observées, confirmant la structure périodique des milieux cristallisés. Les premières structures cristallines simples ont été déterminées par W.H. et W.L. Bragg en 1913. L’analyse non Chapitre II Conditions expérimentales et techniques de caractérisation destructive d’échantillons cristallisés par diffraction des rayons X est une méthode puissante pour résoudre de nombreux problèmes industriels et technologiques. Au début, cette technique était surtout utilisée pour déterminer, à partir d’échantillons monocristallins, les structures des cristaux. Par la suite, d’autres applications concernant la caractérisation des matériaux polycristallins ont été développées. Parmi les appareils utilisés actuellement, le diffractomètre pour poudres est certainement le plus courant dans les laboratoires industriels et universitaires.
III.4.2.1. Théorie de la diffraction des rayons X
L’interaction d’un faisceau de rayons X avec la matière donne naissance à une émission dans toutes les directions d’un rayonnement de même longueur d’onde et de phase cohérente. Ce phénomène de diffusion conduit à des ondes d’amplitude très faible dans le cas de la diffusion par un électron ou un atome. En revanche, la diffusion par la matière, c’est-à-dire un ensemble d’atomes, entraîne une interférence des ondes cohérentes diffusées par chaque atome. Cette onde, dite diffract , dépend de la structure atomique de la matière. Les directions pour lesquelles les ondes émises sont en phase sont régies par les conditions de Laue. III.4.2.2. Direction du faisceau diffracté
Dans le cas d’échantillons en poudres constitués de très petits cristaux orientés aléatoirement, la direction du faisceau diffracté est donnée par la loi de Bragg (équation 1). Celle-ci peut être déduite des conditions de Laue, mais également être vérifiée par analogie à la réflexion en considérant une famille de plans inter-réticulaires (Figure 7(a)), désignés par les indices de Miller (h, k, l).
n. 2d sin
Eq. 1
Avec
: d : distance inter-
réti
culaire
séparant
deux
plans de
même
famille (h, k, l). λ : longueur d’onde du rayonnement diffracté.
n
: l’ordre de diffraction (nombre entier). Les directions
des fa
isceaux diffractés
dépendent des
dimensions
du réseau cristal
lin.
Chapitre II 56 Conditions expérimentales et techniques de caractérisation
Figure II.7a. Schéma expliquant la loi de Bragg [17]. - Appareillage
L’appareil actuellement le plus utilisé est le diffractomètre de poudres à focalisation BraggBrentano. Il permet d’obtenir des raies de diffraction très fines et de récupérer une intensité diffractée importante. Un diffractomètre conventionnel est composé d’un tube à rayons X, d’un goniomètre, d’un système de fentes, d’un détecteur et de l’échantillon (Figure II. 7(b)).
Figure II.7b. Schéma d’un diffractomètre [17]. Le faisceau divergent, issu du tube à rayons X, est focalisé par l’échantillon s’il existe des plans inter-réticulaires d’espacement d correspondant à l’angle θ formé par le faisceau incident et l’échantillon. Ce rayonnement diffracté converge en un point situé sur le cercle de focalisation. Un balayage de l’angle de dif
est obtenu à l’aide d’un goniomètre nommé θ-2θ où l’échantillon plan effectue une rotation avec un mouvement uniforme de vitesse angulaire θ, tandis que le détecteur avec sa fente réceptrice placée sur le point de focalisation tourne autour de l’échantillon avec une vitesse 2θ. Chapitre II 57 Conditions expérimentales et techniques de caractérisation
L’enregistrement de l’intensité diffractée en fonction de l’angle d’incidence, appelé diffractogramme X, se présente sous la forme d’une série de maxima pour les positions angulaires 2θ (Figure II.8). Ces positions sont reliées à des distances caractéristiques dans le cristal, selon la loi de Bragg.
Figure II.8. Diffractogramme des rayons X sur une
poudre
.
La première étape du déchiffrage est l’identification de ces réflexions, appelée « indexation » des raies de diffraction à l’aide des indices de Miller hkl. Elle consiste à associer une raie de diffraction avec une famille de plan du cristal. Pour un cristal défini par une maille abc, ces plans d’indices hkl, distants les uns des autres de d(hkl), coupent les axes a, b et c en x=1/h, y=1/k et z=1/l, respectivement. La
Figure
II.9
illustre
,
à titre
d
’
exemple, les plans 201 et 020 définis dans une maille orthorhombique abc. Figure II.9. Définition des familles de plans (hkl), correspondant aux réflexions de diffraction de mêmes indices hkl.
III.5. Adsorption/désorption de l’azote III.5.1. Matériaux pulvér
ulent
s : poudre
[18] D’une façon générale, nous dirons qu’une poudre est un matériau sec composé d’un grand nombre de petites particules distinctes, plus ou moins indépendantes, dont la plus grande dimension n’excède pas 1 mm. Lorsque cette dimension n’est plus que 1μm, on parle de poudre fine. Chapitre II 58 Conditions expérimentales et techniques de caractérisation
La surface de séparation entre le matériau et la phase avec laquelle il est en contact est appelée interface. Dans le cas où l’une des phases est un liquide ou gaz, on parle plus simplement de la surface d’un solide. L’étendue de cette surface, appelée généralement « aire », est habituellement rapportée à un gramme de solide, notée « a » et exprimée habituellement en m2.g-1. D’après les normes françaises, il s’agit de l’aire massique. Le mot « spécifique » est utilisé internationalement à la place du mot massique et il est courant de traduire l’expression anglaise « specific surface area » par surface spécifique ou encore par aire spécifique ; il faut savoir que toutes ces expressions sont strictement équivalentes. Les matériaux poreux possèdent des cavités ou des canaux, appelés pores, dont les parois sont responsables d’une augmentation de l’aire spécifique. Par définition, un pore est une cavité plus profonde que large qui existe dans un grain de matière : on parle aussi de pore intragranulaire. La Figure II.10(a) schématise un grain poreux : Les irrégularités se trouvant à la surface du grain (a) sont caractéristiques de sa rugosité ; Les pores ouverts qui débouchent à la surface du grain (b,c,d, et e) ou fermés (f) ; dans ce dernier cas sont inaccessibles aux fluides mais décelables par diffraction des rayons X aux petits angles ; Les pores borgnes, c'est-à-dire ouverts à une seule extrémité (b et e) ; Les pores en intracommunication (c et d) Notons que, dans tous les cas, l’accessibilité des pores ouverts à un fluide (gazeux ou liquide) dépend du rapport
la taille de la molécule à l’ouverture de celui-ci (Figure II. 10(b)). L’étendue de l’interface existant entre un solide poreux et une phase fluide doit tenir compte de l’aire latérale de tous les pores ; celle-ci est appelée surface interne par opposition à la surface externe qui est, par définition, l’enveloppe des particules. La somme de ces deux surfaces est la surface totale. Un solide poreux peut être caractérisé à partir du volume de substance adsorbée, supposée liquide, nécessaire pour saturer tous les pores ouverts d’un gramme de ce solide. Il est habituellement exprimé en cm3 par gramme de solide. Ce volume poreux n’est donc caractéristique que de la porosité ouverte.
Chapitre II 59 Conditions expérimentales et techniques de caractérisation
Les propriétés d’un solide poreux dépendent essentiellement de la géométrie et de la taille des pores ainsi que de leur distribution. On distingue trois types de pores : Les macropores dont la largeur est supérieure à 50 nm ; Les mésopores dont la largeur est comprise entre 2 et 50 nm ; Les micropores dont la largeur est inférieure à 2 nm. a)
b) Figure II.10. a) Schéma d’un grain poreux. b) Distinction de deux catégories de micropores à partir du rapport w/d.
III.5.2. Adsorption d’un gaz par un solide [18] III.5.2.1. Phénomène d’adsorption
L’adsorption est un phénomène tout à fait général qui se produit chaque fois qu’un gaz ou un liquide est en contact avec un solide ; celui-ci est retenu par des atomes superficiels du solide et se concentre à sa surface. Le mot adsorption indique qu’il s’agit d’un phénomène de surface et ne doit pas être confondu avec le mot absorption qui indiquerait que le fluide a pénétré dans la masse du Le solide est alors appelé adsorbant et le fluide susceptible d’être retenu à la surface du solide est l’adsorbable. La désorption est la libération des gaz ou vapeurs retenues par adsorption à la surface d’un solide. Deux types de forces sont responsables des interactions qui peuvent s’établir entre le solide adsorbant et le fluide adsorbable et conduisent traditionnellement à distinguer deux types d’adsorption : l’adsorption physique (ou physisorption) et l’adsorption chimique (ou chimisorption). L’adsorption chimique qui met en jeu un échange d’électrons entre la surface du solide et les molécules adsorbées – comme dans le cas d’une réaction chimique – modifie les propriétés du solide et ne peut donc pas être utilisée pour caractériser la texture des matériaux divisés et et de poreux. Dans cette étude, nous parlerons uniquement i) de l’adsorption physique qui ne met en jeu que les forces responsables des interactions entre les molécules des gaz réels et ii) de la condensation des vapeurs qui ne change donc pas les propriétés du matériau étudié. En pratique, la caractérisation de la texture des matériaux divisés repose essentiellement sur l’adsorption du diazote à sa température normale de liquéfaction (77 K). L’expérience montre que la quantité de gaz retenue à la surface d’un adsorbant (quantité adsorbée) dépend de l’étendue de l’interface, de la pression de gaz et de la température. Par analogie avec l’équilibre qui s’établit entre un liquide et sa vapeur, on peut dire que la substance adsorbable est en équilibre entre la phase gazeuse et la phase adsorbée. A une température donnée, l’ensemble des états d’équilibre correspondant à pressions comprises entre 0 et la pression de vapeur saturante de la substance adsorbable est appelé isotherme d’adsorption. L’isotherme d’adsorption obtenue expérimentalement est habituellement représentée sous une forme graphique en reportant la quantité adsorbée par gramme d’adsorbant en fonction du rapport de la pression d’équilibre du gaz adsorbable, et de la pression de vapeur saturante, à la température considérée. Le rapport entre ces deux pressions, noté P/P 0, est appelé pression relative d’équilibre.
III.5.2.2. Classification des isothermes d’adsorption
L’allure des isothermes d’adsorption physique est le meilleur révélateur des caractéristiques texturales du matériau étudié car elle permet de tirer des conclusions qualitatives sur les interactions entre les adsorbats et l’adsorbant. L’analyse peut en être faite à l’aide de la classification des isothermes d’adsorption physique en six types distincts, présentés à la Figure II.11, décrite initialement par Brunauer, Deming, et Teller et qui a été reprise par l’IUPAC « International Union of Pure and Applied Chemistry » en 1985.
Figure II.11. Classification des isothermes d’adsorption physique donnée par l’IUPAC [18].
L’isotherme d’adsorption du type I est caractérisée par l’existence d’une horizontale traduisant une saturation de l’adsorbant, malgré l’augmentation de la pression. Cette isotherme est obtenue avec des adsorbants ayant uniquement des micropores qui se remplissent à des pressions d’autant plus basses que leur largeur est plus faible. L’isotherme d’adsorption du type II est caractérisée par une augmentation très progressive de la quantité adsorbée en fonction de la pression relative d’équilibre. Cette isotherme est obtenue avec des adsorbants non poreux ou macroporeux à la surface desquels la couche adsorbée s’é sit progressivement et est caractéristique d’une adsorption multimoléculaire. L’isotherme du type IV a la même allure que l’isotherme d’adsorption du type II pour les pressions relatives les plus basses (inférieures à 0,42 dans le cas de l’adsorption du diazote à 77 K). Pour les pressions relatives les plus élevées, elle est caractérisée par un palier de saturation dont la longueur est très variable (parfois réduit à un point d’inflexion). Cette isotherme d’adsorption est obtenue avec des adsorbants mésoporeux dans lesquels se produit une condensation capillaire. La désorption du diazote condensé par capillarité dans les mésopores n’est pas réversible. Nous observons une hystérésis de la désorption par rapport à l’adsorption.
ation
Les isothermes d’adsorption du type III et V sont beaucoup plus rares. Elles diffèrent des isothermes du type II et IV aux pressions les plus faibles. Ce changement de courbure du début de l’isotherme d’adsorption, interprété par le fait que les interactions adsorbant/adsorbable sont faibles, est observé dans le cas de l’adsorption de vapeur d’eau par une surface hydrophobe. L’isotherme d’adsorption à marches, du type VI, a été observée dans le cas de l’adsorption par des surfaces énergétiquement homogènes sur lesquelles les couches adsorbées se forment l’une après l’autre.
III.5.2.3. Théories de l’adsorption III.5.2.3.a. Théorie de Brunauer, Emmett et Teller (B.E.T.) [18]
En 1937, Emmett et Brunauer ont constaté que l’isotherme d’adsorption du diazote à 77 K sur un catalyseur contenant du fer supporté par de l’alumine présentait une partie quasi linéaire (Figure II.12) à du point B correspondant à la fin du recouvrement de la surface de l’adsorbant par une couche monomoléculaire.
Figure II.12. Adsorption du diazote à 77K sur un oxyde de fer déposé sur
de
l
’
alumine
. En 1938, Brunauer, Emmett et Teller s’appuyèrent sur la théorie de Langmuir pour tenter de décrire quantitativement les isothermes d’adsorption physique du type II, caractéristiques de l’adsorption multimoléculaire. Ils considèrent que, en présence d’une substance adsorbable, la surface A de l’adsorbant peut être représentée par un ensemble de surfaces s0, s1, s2, s3, etc. (Figure II.13), sur lesquelles sont adsorbées respectivement 0, 1, 2, 3, etc. couches de molécules.
Chapitre II 63 Conditions expérimentales et techniques de caractérisation
Les molécules adsorbées dans une couche sont supposées constituer des sites d’adsorption pour une nouvelle couche, ce qui permet de considérer l’existence d’un très grand nombre de couches adsorbées, et conduit à une notion statistique de la couche monomoléculaire.
Figure II.13. Représentation schématique d’un film adsorbé à la surface d’un solide.
Brunauer, Emmett et Teller admettent les hypothèses de base de Langmuir (un seul type de site d’adsorption indépendant ; absence d’interactions entre les molécules adsorbées). Ils considèrent que, pour chaque pression d’équilibre p, la théorie de Langmuir s’applique entre la fraction de surface non recouverte s0/A et la fraction de surface recouverte s1/A, entre la fraction s1/A et la fraction s2/A, etc. Enfin, ils supposent que, à partir de la seconde couche, l’énergie d’adsorption E2 est égale à l’énergie de liquéfaction El ; ils établissent ainsi une équation liant la quantité adsorbée na à la pression relative d’équilibre x P P0. Cette équation, plus souvent utilisée sous une forme linéaire est appelée équation transformée BET:
C 1 P P 1 Va ( P0 P ) Vm.C Vm.C P0 Eq. 2
Avec : P : La pression à l’équilibre ; Po : La pression de saturation ; Va : Quantité de gaz adsorbée ; Vm : Quantité de substance adsorbable nécessaire pour recouvrir la surface du solide d’une couche mono-moléculaire ; C : Constante et indicateur de l’affinité de la molécule adsorbée pour le solide. Elle est liée à l’énergie d’adsorption de la première couche E1, à l’énergie de liquéfaction de l’adsorbable El, à la température T de l’adsorption et à la constante molaire des gaz R selon la relation suivante :
E
El
C
exp
1
RT
Eq. 3
Chapitre II Conditions expérimentales et techniques de caractérisation
L’équation (3) est en général valable dans la partie linéaire de l’isotherme. Les paramètres C et Vm peuvent se déduire en traçant P /(Va.( P0 P)) f ( P P0 ). La surface spécifique est calculée suivant l’équation (4) : V
.N S BET . m VM
Eq. 4
Avec : σ
:
Surface occup
ée par une molécule de va
peur
;
N
:
Nombre d’
A
vogadro
(
6,025.1023mol
-1) ;
VM
:
Volume molaire
(2
2,4 L
.
mol-1 pour les gaz parfaits
).
Si
le gaz
utilisé
est
le diazote
, à 77 K, σ =
16,2
Å2 et VM = 22 414 cm3.mol-1. III.5.2.3.b. Loi de Kelvin : condensation capillaire
Le modèle proposé afin d'expliquer le phénomène de condensation capillaire considère que les pores sont une série d'éléments cylindriques ouverts où les multicouches de gaz adsorbé peuvent se former sur leurs parois jusqu'à ce que le film adsorbé développe une tension superficielle. Celle-ci est le résultat d'un plus grand nombre d'interactions de Van der Waals entre les molécules de phase vapeur à l'intérieur de l'espace restreint d'un capillaire. Ce phénomène se produit habituellement dans les mésopores qui ont le diamètre approprié pour laisser entrer la molécule de gaz. L'équation de Kelvin peut être employée pour décrire le phénomène de la condensation capillaire. Dans un tube capillaire contenant un liquide en présence de sa vapeur, les forces dues à la tension interfaciale existant entre les différentes interfaces (solide/liquide, solide/gaz, liquide/gaz) ont une résultante non nulle : il s’ensuit la formation d’un ménisque de part et d’autre duquel il existe une différence de pression. Lorsque le liquide mouille les parois du capillaire, c’est-à-dire lorsque l’angle de contact θ formé entre le liquide et le solide, est inférieur à 90, un gaz se condense à une pression de vapeur P inférieure à sa pression de vapeur saturante P0 : c’est le phénomène de condensation capillaire (figure II. 14). La loi de Kelvin (équation 5) donne la relation permettant de calculer la valeur de cette pression de vapeur p en fonction du rayon de courbure du ménisque liquide, noté rk : P
2.
.
Vl
ln P0 rk.R.T
Avec : Eq. 5
Chapitre II 65 Conditions expérimentales et techniques de caractérisation et Vl, respectivement, tension superficielle et volume molaire de l’adsorbable liquide, à la température d’adsorption T. Dans le cas où le mouillage du tube capillaire par le liquide est parfait (θ = 0), le rayon du ménisque rk est égal au rayon r du tube capillaire supposé cylindrique. C’est cette relation qui permet de calculer la distribution de taille des mésopores. Figure II.14. Equilibre gaz/liquide dans un tube capillaire.
III.5.2.4. Distribution de la taille des mésopores
[18]
Les isothermes d’adsorption du diazote à 77 K de type IV, caractérisées par l’existence d’un palier de saturation, sont obtenues avec des adsorbants mésoporeux. Ce palier de saturation se produit à des pressions relatives d’autant plus élevées que les mésopores sont plus larges et peut être simplement réduit à un point d’inflexion. Il est fréquent d’observer une hystérésis de la courbe de désorption par rapport à la courbe d’adsorption. Les différentes formes de la boucle d’hystérésis ont été schématisées et classées par l’IUPAC (Figure II. 15).
Figure II.15. Classification par l’IUPAC des différentes boucles d’hystérésis observées pour une isotherme d’adsorption du diazote à 77 K de type IV. Les deux boucles d’hystérésis notées H1 et H2 apparaissent sur des isothermes du type IV, caractérisées par un palier de saturation et sont vraiment représentatives des adsorbants mésoporeux.
Chapitre II 66 Conditions expérimentales et techniques de caractérisation
La boucle d’hystérésis H1 présente des branches d’adsorption et de désorption parallèles et presque verticales et elle est observée dans le cas d’adsorbants ayant une distribution très étroite de mésopores. La boucle d’hystérésis H2 est observée dans le cas d’adsorbants ayant des mésopores en intercommunication. Les deux boucles d’hystérésis notées H3 et H4 apparaissent sur des isothermes de type II qui ne présente pas de palier de saturation. Dans ces conditions, la branche de désorption n’est pas toujours reproductible et dépend souvent de la valeur maximale de la quantité adsorbée aux pressions relatives voisines de 1. La boucle d’hystérésis H3, observée dans le cas où l’adsorbant forme des agrégats, peut être attribuée à une condensation capillaire s’effectuant dans une texture non rigide et n’est pas caractéristique d’une mésoporosité définie. La boucle d’hystérésis H4 est souvent observée avec des adsorbants microporeux ayant des feuillets liés entre eux de façon plus ou moins rigide et entre lesquels peut se produire une condensation capillaire. La méthode la plus utilisée pour estimer la distribution de taille des mésopores est la méthode de Barrett, Joyner et Halenda, souvent appelée méthode BJH. Cette méthode consiste à analyser pas à pas les isothermes d’adsorption-désorption de type IV du diazote à 77 K dont le palier de saturation est caractéristique d’un adsorbant mésoporeux présentant une boucle d’hystérésis. L’isotherme définit le volume de gaz adsorbé par le solide à chaque pression P. Ainsi, on peut obtenir une relation entre le volume adsorbé à la pression P et le rayon des pores. Cette relation, donne le volume de gaz qui est nécessaire afin de pouvoir remplir l’ensemble des pores de rayon inférieur à rp et permet d’accéder à la distribution poreuse du matériau. Dans le présent travail, les isothermes d’adsorption/désorption du diazote, les surfaces spécifiques et la distribution des pores ont été déterminés à l’aide d’un appareil de type Coulter modèle 3100 SA au Laboratoire. Avant chaque analyse, les molécules d’eau et des gaz contenues dans la structure poreuse de la poudre sont éliminées par dégazage sous vide à 80 °C dans une enceinte fermée. Le gaz d’adsorption utilisé est le diazote et les mesures sont effectuées à 77 K, c'est-à-dire à la température de l’azote liquide. À cette température, les interactions entre l’adsorbant et l’adsorbat sont dues exclusivement à des forces de ales et techniques de caractérisation physisorption. L’isotherme d’adsorption est obtenue par l’introduction séquentielle dans la poudre de quantités connues de diazote à la température 77 K et sous pression atmosphérique. L’adsorption devient importante seulement pour des températures situées près du point d’ébullition de l’adsorbat. A chaque étape, l’adsorption du diazote par l’échantillon se produit et la pression dans le volume isolé chute jusqu’à ce que l’adsorbat et le gaz restant soient en équilibre. Plusieurs pressions sont imposées, permettant de tracer l’isotherme d’adsorption par la présentation de la quantité de gaz adsorbé en fonction de la pression d’équilibre.
III.6. Spectroscopie Raman [19,20]
En spectrométrie Raman, l’analyse se fait par excitation du matériau. Porté à un niveau énergétique virtuel par une puissante source lumineuse monochromatique de type laser, il réémet ensuite une radiation qui est collectée puis analysée par un détecteur adéquat. Cette radiation comporte deux types de signaux. Le premier très majoritaire correspond à la diffusion Rayleigh : La radiation incidente est diffusée élastiquement sans changement d’énergie donc de longueur d’onde. Toutefois, des photons dans un nombre très limité de cas peuvent interagir avec la matière. Celle-ci absorbe (ou cède) de l’énergie aux photons incidents produisant ainsi les radiations Stokes (ou anti-Stokes). La variation d’énergie observée sur le photon nous renseigne alors sur les niveaux énergétiques de rotation et de vibration de la molécule concernée. Les domaines d’applications de la spectrométrie Raman n’ont cessé de se multiplier au fil des années. De même, la durée d’enregistrement des spectres, de l’ordre de l’heure il y a vingt ans, est maintenant de l’ordre de quelques minutes à quelques secondes, pour les installations de spectroscopie ultrarapide. La spectrométrie Raman est particulièrement bien adaptée à l’étude des polymères organiques. En effet, les bandes Raman correspondant aux liaisons –C–C–, –C=C– et –C=O, qui forment l’essentiel des chaînes polymériques, sont très sensibles aux modifications de conformation, de cristallinité et de stéréorégularité de celles-ci à l’intérieur du polymère.
Chapitre II 68 Conditions expérimentales et techniques de caractérisation
Figure II.16. Informations qualitatives et quantitatives fournies par une raie Raman.
Dans cette étude, nous avons utilisé un appareil de marque LABRAM disponible au Laboratoire LISE du CNRS. III.7. Spectroscopie UV-Visible [21]
La spectrophotométrie d’absorption dans l’ultraviolet et le visible (UV-Vis) est une technique très utilisée dans les laboratoires et dans l’industrie. Le principe de la spectrophotométrie d’absorption dans l’ultraviolet et le visible repose sur l’absorption du rayonnement par les molécules dans le domaine allant de 190 à 800 nm, ce qui correspond à l’ultraviolet (190400 nm) et au visible (400-800 nm). Certains spectrophotomètres couvrent aussi le proche infrarouge jusqu’à 2 500 nm par exemple. Ce domaine est illustré dans la Figure II.17.
Figure II.17. Domaine spectral du rayonnement électromagnétique. Lois de l’absorption, analyse quantitative
L’absorption du rayonnement UV-Vis par les molécules permet de mesurer le nombre (ou plutôt la concentration) des molécules présentes dans le trajet du rayonnement. On ne mesure Chap expérimentales et techniques de caractérisation pas directement ce nombre, mais on procède à un étalonnage en utilisant des mélanges étalons de concentration connue des molécules que l’on veut doser. Ces étalons sont placés dans des cellules d’absorption traversées par le rayonnement UV-Vis. La quantité de rayonnement absorbée dans les zones d’absorption spécifiques des molécules à doser est déterminée par le spectrophotomètre. À une longueur d’onde où la molécule absorbe, il existe une loi simple entre la quantité de rayonnement transmis par le milieu et la concentration des molécules qui absorbent (on suppose que seule l’espèce à doser absorbe à cette longueur d’onde).
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2018REN1B015_2
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French-Science-Pile
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Open Science
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Various open science
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Effets d’une co-exposition chronique au benzo[a]pyrène et à l’éthanol sur l’évolution de la NAFLD dans un modèle in vitro
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La β-oxydation assure des coupures successives de la chaîne des acides gras en molécule à deux carbones : l’acétyl-CoA. Cette dégradation séquentielle nécessite quatre étapes enzymatiques qui se déroulent dans la matrice mitochondriale. La dégradation complète de l’acide gras se poursuit jusqu’à ce que la chaîne carbonée soit entièrement découpée en molécules d’acétyl-CoA : il s’agit de l’hélice de Lynen (Figure 9B). Chaque tour de l’hélice raccourcit l’acyl-CoA de deux atomes de carbone et libère une molécule d’acétyl-CoA, une molécule de FADH2 et une molécule de NADH. Cette dégradation intervient par oxydations sur les carbones β successifs, d’où le terme de « β-oxydation ». Le sort de l’acétyl-CoA générée par la β-oxydation dépend de l’état nutritionnel de l’individu. En période postprandiale, il est oxydé en H2O et CO2 par le cycle de Krebs, tandis qu’au cours du jeûne, il se condense en corps cétoniques. Une fois excrétés par le foie, ces corps cétoniques sont utilisés par certains tissus extrahépatiques tels que le cœur, les muscles, le cerveau et les reins comme source importante d’énergie. En effet, dans ces tissus, les corps cétoniques sont convertis à nouveau en acétylCoA, puis oxydés par le cycle de Krebs (Fromenty and Pessayre, 1995).
35
INTRODUCTION I. LA FONCTION HÉPATIQUE
Figure 9 : β-oxydation mitochondriale des acides gras A. Représentation schématique générale de la β-oxydation mitochondriale des acides gras. B. Hélice de lynen : les quatre étapes (i à iv) de β
oxydation mitochondriale des acides gras. Adapté de Houten et al., 2016.
Pour un acide gras activé en acyl-CoA, il existe principalement deux destinées possibles : la β-oxydation si la cellule à besoin d’énergie (au cours du jeûne), ou la synthèse des triglycérides de réserve si la cellule est déjà abondante en énergie (en période postprandiale). (2) Régulation énergétique de la β-oxydation
L’activité des enzymes de la β-oxydation des acides gras est affectée par le niveau des produits de leur réaction (Schulz, 1994). Chacune des enzymes de la β-oxydation est inhibée par l’intermédiaire de l’acyl-CoA spécifiquement produit. La β-oxydation peut également être régulée de façon allostérique par les rapports NADH/NAD+ et acétyl-CoA/CoA. Une augmentation de ces rapports entraîne une inhibition de la β-oxydation des acides gras. La régulation est aussi modulée par la malonyl-CoA (impliquée dans la biosynthèse des acides gras), qui inhibe la CPT1 (Eaton, 2002). Il est à noter que la β-oxydation est également régulée par des mécanismes transcriptionnels et posttranscriptionnels. On pourra citer les récepteurs nucléaires PPAR 36 INTRODUCTION I. LA FONCTION HÉPATIQUE (pour peroxisome proliferator-activated receptors) ou le coactivateur de transcription PGC-1α (pour peroxisome proliferator-activated receptor gamma coactivator 1-alpha) par exemple (Huss and Kelly, 2004).
2. Rôles de la mitochondrie dans la génération d’espèces réactives de l’oxygène et dans la voie apoptotique a) Espèces réactives de l’oxygène
La mitochondrie est la principale source intracellulaire d’espèces réactives de l’oxygène (ROS, pour reactive oxygen species). En conditions physiologiques, l’oxydation des coenzymes réduits au niveau de la CRM s’accompagne d’une fuite d’électrons entre les complexes I et III, au niveau de l’ubiquinone. Cette fuite d’électrons est néanmoins limitée et représente moins de 3 % de la « production » électronique. Toutefois, compte tenu de l’intense activité de la chaîne respiratoire dans les organismes aérobies, la fuite d’électrons d’origine mitochondriale semble être la source majoritaire de ROS dans la cellule (Nohl et al., 2005). Dans la matrice mitochondriale, les électrons s’échappant de la CRM peuvent alors se fixer sur l’O2 de façon singulet et former l’anion superoxyde O2•-, un radical libre hautement réactif. L’anion superoxyde subit, dans la matrice, l’action d’une superoxyde dismutase mitochondriale à manganèse (SOD) (codée par le gène SOD2) ou sort dans le cytosol et y subit l’action d’une superoxyde dismutase cytosolique à cuivre-zinc (Cu-Zn-SOD) (codée par le gène SOD1) ; il y a alors formation de peroxyde d’hydrogène H2O2. Le peroxyde d’hydrogène est plus stable que l’anion superoxyde et peut diffuser librement à travers les membranes vers le cytosol et le noyau, provoquant des dommages oxydatifs en vers différents compartiments cellulaires. Il subit l’action de la glutathion peroxydase (GPx) dans le cytosol ou les mitochondries, ou de la catalase dans les peroxysomes ; il y a alors formation d’O2 (Figure 10). De plus, en présence d’ions métalliques tels que ceux des centres fer-soufre des complexes I et II, le peroxyde d’hydrogène peut former le radical hydroxyle OH•par la réaction de Fenton (Andreyev et al., 2005). La production mitochondriale de ROS peut être augmentée lorsque le transfert des électrons est ralenti ou bloqué au niveau de la chaîne respiratoire. Dans ces conditions, certains
37 INTRODUCTION
I
. LA FONCTION HÉPATIQUE
constituants proximaux de la chaîne respiratoire vont
être anormalement réduits essentiellement au niveau des complexes I et III, entraînant une augmentation de la formation de l’anion superoxyde. Une hausse de la production de ROS par les mitochondries est ainsi observée en présence de certains inhibiteurs de la chaîne respiratoire, tels que la roténone (inhibiteur du complexe I), l’antimycine A (inhibiteur du complexe III), ou au cours de certaines cytopathies mitochondriales liées à un déficit génétique ou acquis du complexe I (Pitkanen and Robinson, 1996). L’O2•est relargué à la fois dans la matrice mitochondriale et dans l’espace intermembranaire riche en protons. Dans cet espace, l’O2•peut se combiner avec des protons et générer le radical hydroperoxyle HO2• (Liu, 1999). Les effets biologiques de ces ROS mitochondriaux, bénéfiques ou délétères, sont multiples (Zorov et al., 2005). D’une part, les ROS constituent un signal impliqué dans la régulation du métabolisme énergétique, pour le développement et la croissance ou encore l’adaptation. En effet, les ROS sont capables de modifier l’activité de protéines de stress telles que JNK (c-Jun N-terminal kinase), p38-MAPK (P38-mitogen-activated protein kinases) ou NF-κB (nuclear factor kappa-light-chain-enhancer of activated B cells). À l’inverse, lorsque la quantité de ROS devient trop importante — par exemple, lorsque la CRM est altérée de façon chronique — un stress oxydant apparaît et les fonctions cellulaires peuvent être altérées par dommages aux constituantes cellulaires (protéines, lipides, acides nucléiques et notamment l’ADNmt du fait de sa proximité avec la CRM), défauts de signalisation, et à un dysfonctionnement mitochondrial. Enfin, un surplus de ROS peut initier la mort cellulaire par apoptose. Ces ROS peuvent alors être considérés comme contributeurs potentiels ou facteurs associés à certaines pathologies comme les maladies neurodégénératives et le diabète ou encore à l’apparition de cancers. L’accumulation au cours de la vie des cellules, de dommages liés aux ROS, est également souvent perçue comme l’une des causes majeures du vieillissement cellulaire.
38
INTRODUCTION I. LA FONCTION HÉPATIQUE
Figure 10 : Système de défense antioxydants mitochondriaux Adapté de Bhargava and Schnellmann, 2017. b) L’apoptose
En plus de leur rôle vital pour la cellule dans la production d’énergie, les mitochondries sont également impliquées dans la mort cellulaire programmée de type 1, ou apoptose. On distingue deux voies d’activation apoptotique, la voie extrinsèque et la voie intrinsèque. La voie extrinsèque est activée par un signal extérieur à la cellule et implique l’activation de récepteurs transmembranaires. La voie intrinsèque, qui initie l’apoptose, est induite par un ensemble varié de stimuli, indépendants des récepteurs membranaires, produisant des signaux intracellulaires agissant directement sur les cibles dans la cellule. Les stimuli qui initient la voie intrinsèque produisent des signaux intracellulaires proou anti-apoptotiques. C’est donc l’abondance des uns ou la diminution des autres qui permettra l’activation de la voie apoptotique. Parmi les 39
INTRODUCTION I. LA FONCTION HÉPATIQUE
stimuli pro-apoptotiques on pourra citer de manière non exhaustive, les radiations, les toxines, l’hypoxie, l’hyperthermie, les infections virales et les radicaux libres. Durant le processus apoptotique, la perméabilisation de la membrane externe de la mitochondrie libère le cytochrome c et les facteurs pro-apoptotiques qui initient le programme de mort cellulaire (Figure 11). Ainsi, en cas de stress cellulaire trop important, la mitochondrie sera au cœur du processus de mort cellulaire pouvant être à l’origine de pathologies hépatiques (Alkhouri et al., 2011). Figure 11 : Principales étapes de la voie de signalisation apoptotique
Voie intrinsèque : le stress cellulaire active la protéine p53. P53 initie la voie intrinsèque en régulant positivement Puma et Noxa, qui activent à leur tour Bax et Bak. En revanche, Akt qui 40 INTRODUCTION I. LA FONCTION HÉPATIQUE agit en aval de nombreux facteurs de croissance, inhibe la voie intrinsèque en phosphorylant Bad. Bax et Bak induisent la perméabilisation de la membrane mitochondriale externe, entraînant le relargage du cytochrome c, qui se lie ensuite à la protéine adaptatrice Apaf-1. Ce complexe cytochrome c /Apaf-1 recrute alors la pro-caspase 9 initiatrice, formant le complexe de signalisation appelé apoptosome. Au sein de ce complexe, la caspase-9 est activée, puis clive et active les caspases effectrices 3, 6 et 7 dans le but de déclencher l’apoptose. De plus, la protéine mitochondriale Smac/DIABLO augmente l’apoptose en se liant à l’inhibiteur des protéines de l’apoptose (IAP) libérant alors les caspases effectrices 3, 6 et 7. Voie extrinsèque : l’activation de cette voie est initiée par des cellules immunitaires cytotoxiques qui produisent des ligands pro-apoptotiques tels que Apo2L/TRAIL. Ces ligands se lient aux récepteurs pro-apoptotiques DR4 et/ou DR5 à la surface d’une cellule cible. Cette interaction ligand/récepteur induit le regroupement des récepteurs et le recrutement de la protéine adaptatrice Fas-associated death domain (FADD) et des pro-caspases initiatrices 8 et 10. Le complexe ainsi formé est appelé DISC (pour death-inducing signaling complex) et initie l’apoptose par activation des cas es 8 et 10. Ces caspases, une fois libérées dans le cytoplasme, activent à leur tour les caspases effectrices 3, 6 et 7. La formation du complexe DISC est modulée par plusieurs mécanismes inhibiteurs. En effet, la protéine c-FLIP peut d’associer au complexe DISC en interagissant avec FADD afin de bloquer l’activation des caspases initiatrices. Interférence entre les voies : bien que les voies extrinsèques et intrinsèques puissent fonctionner séparément, elles interagissent souvent. P53 stimule principalement la voie intrinsèque, mais régule également certains des récepteurs pro-apoptotiques tels que DR5 et augmente la signalisation extrinsèque. L’activation de la voie extrinsèque conduit à l’activation de Bid par la caspase 8. Bid activé induit ensuite Bax et Bak et les engage dans la voie intrinsèque. Les caspases effectrices 3, 6 et 7 peuvent également induire la caspase 8. Abréviations : Bax, Bcl-2-associated X protein ; Bak, Bcl-2 homologous antagonist killer ; Akt, protein kinase B ; Apaf-1, apoptotic protease activating factor 1 ; Smac/DIABLO, second mitochondria-derived activator of caspase / diablo IAP-binding mitochondrial protein ; Apo2L/TRAIL, TNF-related apoptosis-inducing ligand ; DR4 / DR5, death receptor 4 / 5. Adapté de Ashkenazi, 2008. Ainsi, les mitochondries hépatiques et plus généralement le foie assurent l’homéostasie glucidique et lipidique, mais ces fonctions sont étroitement couplées à sa deuxième grande fonction, le métabolisme des xénobiotiques.
41
INTRODUCTION I. LA FONCTION HÉPATIQUE D. Toxicocinétique et métabolisme hépatique des xénobiotiques
Le foie assure une grande partie du métabolisme des xénobiotiques. En effet, c’est l’organe principal de métabolisation des médicaments ou des toxiques auxquels nous sommes exposés et ce, dans le but de faciliter leur élimination. De par sa vascularisation abondante, sa situation dans la circulation sanguine juste en aval de l’absorption intestinale et sa capacité de métabolisation, le foie est un organe capital dans la détoxification, mais cette position en fait également une cible pour les composés toxiques. De ce fait, le foie est un organe très étudié pour appréhender les effets toxiques des médicaments ou des xénobiotiques. Pour ce faire, il est indispensable de prendre en compte non seulement la dose, mais également la toxicocinétique des molécules, c’est-à-dire la manière dont chaque composé va être absorbé et distribué dans l’organisme, ainsi que la manière dont il va être métabolisé. En effet, même si l’étape de métabolisation a pour but d’augmenter la solubilité d’un composé pour en faciliter son élimination, il n’est pas rare que cette modification conduise à un composé plus toxique. Enfin, l’élimination des xénobiotiques et de leurs métabolites doit également être étudiée.
1. Absorption et distribution
En fonction des propriétés physicochimiques des xénobiotiques telles que la masse molaire, la solubilité ou le degré d’ionisation, ainsi que des voies d’exposition pouvant être orale, pulmonaire ou cutanée, les xénobiotiques sont absorbés et distribués de différentes manières. La distribution peut être passive ou active en fonction de la barrière à franchir, à savoir la paroi intestinale, les poumons ou encore la peau. Les molécules de petite taille ainsi que les composés lipophiles peuvent généralement franchir facilement les membranes. Au contraire, des molécules ionisées les passeront plus difficilement. Il est important de noter que lorsqu’un xénobiotique est ingéré, il passe directement au niveau hépatique par l’intermédiaire du système porte, avant d’être distribué dans le reste de l’organisme. On parle alors de premier passage hépatique. Si la voie d’exposition est pulmonaire, le xénobiotique sera distribué dans l’ensemble le corps avant d’atteindre le foie pour être pris en charge par les enzymes du métabolisme. La distribution d’une molécule dépend donc également de l’origine de l’exposition (Fan and de Lannoy, 2014; Roberts and Hall, 2013).
42
INTRODUCTION I. LA FONCTION HÉPATIQUE 2. Le métabolisme des xénobiotiques
Un xénobiotique peut pénétrer dans une cellule soit par diffusion simple, soit par l’intermédiaire qu’un transporteur membranaire d’import, c’est la phase 0 (Figure 12). Le xénobiotique peut ensuite être pris en charge soit par les enzymes du métabolisme des xénobiotiques (EMX) de phases I et II, soit par des transporteurs membranaires de sortie qui sont des pompes d’efflux permettant d’exporter la molécule directement à l’extérieur de la cellule. C’est la phase IIIb. Lors des phases I et II, les EMX vont généralement modifier le composé de façon à le rendre moins actif et exportable hors de la cellule. Cette phase I consiste en une activation métabolique conduisant relativement souvent à la formation d’intermédiaires électrophiles hautement réactifs. Ces derniers seront alors pris en charge par les enzymes de la phase II, capables d’y greffer des résidus hydrophiles et de les transformer en composés inactifs facilement excrétables par la cellule. Cette excrétion à l’extérieur de la cellule implique des protéines de transport ou d’efflux. C’est les phases IIIa et IIIb (Figure 12) (Croom, 2012). 43 INTRODUCTION I. LA FONCTION HÉPATIQUE
Figure 12 : Différentes phases du métabolisme des xénobiotiques a) La phase 0
Elle est caractérisée par l’entrée des xénobiotiques dans l’hépatocyte au niveau du pôle baso-latéral depuis la circulation sanguine. Cette entrée peut être passive, facilitée ou active, par le biais de transporteurs membranaires. Ces transporteurs d’influx sont de type solute carrier (SLC) et assurent l’entrée par diffusion facilitée ou le transport actif secondaire dans l’hépatocyte (Döring and Petzinger, 2014). Ils correspondent à plusieurs types de transporteurs se différenciant notamment par la nature des xénobiotiques transportés. Ainsi, la protéine NTCP (Na+-taurocholate cotransporting polypeptide) assure le transport sodium-dépendant des
44
INTRODUCTION I. LA FONCTION HÉPATIQUE
acides biliaires et de certains médicaments (tels que la fluvastatine par exemple). La famille des protéines OATP (organic anion transporting polypeptides) assure le transport d’anions organiques de poids moléculaire élevé (> 350 g/mol) (tels que les statines) et de certains cations (tels que la digoxine). OAT2 (organic anion transporter 2) assure quant à lui le transport d’anions organiques (salicylés) d’un poids moléculaire plus faible que celui des substrats des OATP. Enfin, OCT1 (organic cation transporter 1) assure le transport de cations (comme la metformine ou la cimétidine). b) La phase I
Elle correspond en général à des oxydations, sous l’action d’enzymes de phase I. Cette phase comprend des monooxygénases à cytochrome P450 (CYP), des monooxygénases flavine-dépendantes, des monoamines-oxydases, des cyclooxygénases, des dihydrodiol deshydrogénases, des aldo-kéto réductase (AKR), des époxyde hydrolases (EPH), des NAD(P)H quinone oxydoréductase (NQO), des alcool deshydrogénases (ADH), et des aldéhyde deshydrogénases (ALDH) (Evans and Relling, 1999). Les xénobiotiques peuvent également être hydrolysés, réduits, désaminés, ou subir des réactions de soustraction (désalkylation, déshalogénation). Ces EMX représentent un système complexe essentiel à la protection de l’organisme puisqu’elles possèdent un rôle clé dans le métabolisme et l’élimination de composés potentiellement toxiques. Ainsi, toute altération de leur régulation, expression ou de leur activité peut engendrer des conséquences néfastes à l’échelle de l’organisme. Cette première étape ou phase de fonctionnalisation met souvent en jeu les CYP, notamment ceux appartenant aux familles 1, 2 et 3 (Guengerich, 2008). Les CYP, monooxygénases avec un hème-thiolate ayant un poids moléculaire de 50 à 60 kD, sont les enzymes du métabolisme oxydatif des xénobiotiques avec la plus grande spécificité de substrat pour les substances exogènes. Les CYP sont des protéines membranaires intrinsèques situées dans le RE, générant des intermédiaires réactifs tels que les époxydes (Munro et al., 2013). Afin de catalyser la réaction de monooxygénation, les CYP ont besoin d’un cofacteur donneur d’électrons, le NADPH. La oxygénation est essentielle à la métabolisation de nombreux xénobiotiques. Cependant, dans certains cas, les CYP peuvent générer des intermédiaires plus toxiques que le substrat d’origine et ainsi nécessiter une prise en charge par des enzymes de phase II. Si ce processus est inefficace, les métabolites réactifs 45
INTRODUCTION I. LA FONCTION HÉPATIQUE peuvent se lier aux protéines ou à l’ADN, entraînant
alors
une cytotoxicité et/ou des mutations. Tous les CYP ne sont pas concernés, mais le polymorphisme est une caractéristique importante de cette famille multigénique (Zanger and Schwab, 2013). Les polymorphismes peuvent affecter la réactivité thérapeutique et influencer les conséquences de l’exposition professionnelle, accidentelle ou environnementale à des xénobiotiques. Les mammifères ont de nombreuses familles de CYP contenant chacune de nombreux gènes. Cependant, les enzymes appartenant aux familles des CYP1, CYP2, CYP3 et CYP4 sont responsables du métabolisme de la plupart des médicaments et des xénobiotiques en général (Figure 13) (Zanger and Schwab, 2013).
Figure 13 : Principales enzymes du métabolisme de phase I La proportion attribuée pour chaque enzyme est proportionnelle à son importance relative dans le métabolisme de phase I. Adapté de Evans and Relling, 1999. (1)
La famille des CYP1
La famille des CYP1 est codée par trois gènes fonctionnels organisés en deux sousfamilles, la sous-famille CYP1A hautement conservée et la sous-famille CYP1B plus éloignée. De nombreux hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) sont de puissants cancérigènes qui peuvent être activés ou détoxifiés par le CYP1A1. La régulation de l’expression du gène CYP1A1 est donc importante pour déterminer la susceptibilité à la cancérogenèse 46
INT
RODUC
TION I. LA
FONCTION
H
ÉPATIQUE
chimique
.
Cette
rég
ulation
a été l’objet de recherches intens
es depuis que
l’on
a découvert que les HAP régulaient positivement leur propre métabolisme (Conney et al., 1956). En plus du CYP1A1, les CYP1A2 et 1B1 sont également inductibles par les HAP. Cette induction est réalisée par l’activation du récepteur AhR (aryl hydrocarbon receptor).
Pe
u de
ligands
endogènes d’AhR sont connus, mais on peut tout de même citer le tryptophane et le 2-(1HIndol-3-ylcarbonyl)-4-thiazolecarboxylic acid methyl ester (ITE) (Julliard et al., 2014; Nugent et al., 2013). Enfin, la mesure de l’activité de ces trois CYP se fait généralement grâce à leur substrat de référence : la 7-éthoxyrésorufine. (2) La famille des CYP2
Parmi les nombreuses sous-familles des CYP2, la sous-famille CYP2B contient des gènes hautement inductibles par les barbituriques, tandis que d’autres (CYP2A et CYP2C) ont une expression constitutive plus élevée, mais ne sont que marginalement inductibles. Beaucoup des gènes CYP2 sont importants sur un plan pharmacologique. Enfin, le principal CYP inductible par l’éthanol est le CYP2E1, dont le gène est situé sur le chromosome 10. Le CYP2E1 est le seul membre de la sous-famille CYP2E. Il est non seulement induit par l’éthanol, mais aussi par d’autres petites molécules organiques comme le benzène (González-Jasso et al., 2003), par l’intermédiaire de mécanismes complexes impliquant des régulations transcriptionnelles, traductionnelles et post-traductionnelles. Le CYP2E1 peut également être modulé par des pathologies comme le diabète ou la stéatose hépatique (dans laquelle l’activité de ce CYP jouerait un rôle physiopathologique) (Abdelmegeed et al., 2012; Cederbaum, 2003). Le CYP2E1 possède des substrats de poids moléculaire faible comme des produits chimiques industriels, des toxiques environnementaux, des procarcinogènes, des anesthésiques et des médicaments (tels que le paracétamol) (Michaut et al., 2014). (3) La famille des CYP3A
La sous-famille des CYP3 humains, dont le gène est situé sur le chromosome 7, comprend quatre membres que sont les CYP3A4, CYP3A5, CYP3A7 et CYP3A43 (Lamba et al., 2002). Ces derniers sont inductibles notamment par les glucocorticoïdes par l’intermédiaire
47 INTRODUCTION I. LA FONCTION HÉPATIQUE
du récepteur nucléaire PXR (pregnane-X-receptor), qui, à l’instar de beaucoup d’autres récepteurs nucléaires, se lie plutôt à une large gamme de ligands avec une affinité relativement faible au lieu de lier une gamme étroite de ligands avec une très grande affinité. Ce modèle de réactivité aux ligands, qui présente des différences interespèces marquées entre les humains et les rongeurs, peut avoir évolué dans le but de prendre en charge un plus grand nombre de produits chimiques exogènes auxquels l’organisme est exposé (Timsit and Negishi, 2007). L’isoforme prédominante dans le foie humain est le CYP3A4, pouvant représenter jusqu’à 50 % des CYP hépatiques totaux et prenant en charge un très grand nombre de médicaments. Il est également impliqué dans le catabolisme stéroïdien endogène tel que celui de la testostérone. L’expression de CYP3A4 est très variable entre les individus, mais la question de savoir si cette différence est due à des antécédents d’exposition à des agents inducteurs ou à la régulation génétique reste encore aujourd’hui non résolue. Le CYP3A5 quant à lui est généralement moins exprimé, mais pourrait malgré tout contribuer de manière significative au métabolisme des xénobiotiques. Enfin, l’isoforme CYP3A7 est particulièrement exprimée dans le foie fœtal (
a et al., 2002). (4) Les alcool
deshydrogénases (ADH) Les ADH forment un groupe d’enzymes deshydrogénases d’interconversion entre les alcools et les aldéhydes ou les cétones, avec la réduction du NAD+ en NADH. Chez l’Homme, elles servent principalement à décomposer les alcools qui sont hautement toxiques, mais sont également nécessaires à la biosynthèse de divers métabolites comme l’acide rétinoïque. Les ADH existent sous plusieurs formes dimériques et sont codées par au moins 7 gènes différents. Il existe 5 classes d’ADH, mais la forme hépatique retrouvée principalement chez l’Homme est la classe 1. La classe des ADH1 est constituée de sous-unités α, β et γ codées par les gènes ADH1A, ADH1B et ADH1C (Sultatos et al., 2004). L’ADH1 est présente à des niveaux élevés dans le foie et la muqueuse de l’estomac où elle y catalyse l’oxydation de l’éthanol en acétaldéhyde (Farrés et al., 1994). 48
INTRODUCTION I. LA FONCTION HÉPATIQUE
(5) Les aldéhyde deshydrogénases (ALDH) Les ALDH forment un groupe d’enzymes qui catalysent l’oxydation des aldéhydes, comme l’acétaldéhyde, le produit intermédiaire de métabolisation de l’alcool (Marchitti et al., 2008). Ce sont des enzymes tétramèriques composées de sous-unités de 54 kDa. Ces enzymes se trouvent dans de nombreux tissus, mais sont plus fortement exprimées dans le foie (Crabb et al., 2004). Malgré leur nom de « deshydrogénase », leur mode d’oxydation consiste en l’ajout d’oxygène plutôt qu’en l’élimination de l’hydrogène — c’est-à-dire qu’elles convertissent les aldéhydes en acides carboxyliques. À ce jour, 19 gènes codant pour des ALDH ont été identifiés dans le génome humain. Il existe trois classes différentes de ces enzymes chez les mammifères : classe 1 (faible Km, cytosolique), classe 2 (faible Km, mitochondriale) et classe 3 (haut Km, telles que celles exprimées dans les tumeurs, l’estomac et la cornée). Dans les trois classes, des formes constitutives et inductibles existent. Ces enzymes participent à une grande variété de processus biologiques tels que la détoxification d’aldéhydes générés de manière exogène et endogène. De plus, les ALDH1 et ALDH2 sont les enzymes les plus importantes pour l’oxydation de l’acétaldéhyde (Marchitti et al., 2008). (6) Les époxyde hydrolases (EPH) Les époxydes dérivés des xénobiotiques sont formés par la monooxygénation de doubles liaisons carbone-carbone dans des cycles aromatiques des HAP notamment. Ces espèces très réactives sont converties en dihydrodiols par des EPH. Ce sont des es de 49 kDa qui protègent donc les cellules contre la formation d’adduits aux protéines et à l’ADN, dus à la formation de ces époxydes. L’hydrolyse d’un époxyde entraîne généralement l’augmentation de sa solubilité dans l’eau et l’élimination de son potentiel toxique. Cependant, les EPH peuvent également participer à l’activation métabolique, telle que celle du benzo[a]pyrène (B[a]P) (cf. partie toxicité du B[a]P). L’EPH microsomale (mEPH ou EPHX1) et l’EPH cytosolique (ou soluble) (sEPH ou EPHX2) sont les isoformes les plus importantes impliquées dans le métabolisme des xénobiotiques (Decker et al., 2009; Morisseau and Hammock, 2013). D’autres isoformes existent également, mais elles ne métabolisent en général pas les xénobiotiques.
49
INTRODUCTION I. LA FONCTION HÉPATIQUE
c) La phase II Appelée également conjugaison, la phase II correspond à des modifications chimiques permettant en général, d’augmenter la solubilité de ces molécules, dans le but de faciliter leur excrétion. Il s’agit de réactions de conjugaison à des substrats hydrophiles tels que l’acide glucuronique le plus souvent (par action des uridine-diphosphate-glucuronosyl transférases [UGT]), le sulfate (par action des sulfotransférases [SULT]), l’acide acétique ou bien encore des acides aminés tels que la glycine ou la glutamine, et enfin au glutathion (GSH) (par action des glutathion-S-transférases [GST]) (Figure 14) (Roberts and Hall, 2013).
Figure 14 : Principales enzymes du métabolisme de phase II
La proportion attribuée pour chaque enzyme est proportionnelle à son importance relative dans le métabolisme de phase II. Adapté de Evans and Relling, 1999. (1) Les glutathion S-transférases (GST) De nombreuses molécules électrophiles réactives forment des conjugués avec le GSH
. Ce tripeptide (le γ-L-Glutamyl-L-cystéinylglycine) est présent dans les cellules à des concentrations allant jusqu’à 10 mM. Les réactions de conjugaison au GSH sont catalysées le plus souvent par les GST cytosoliques, retrouvées principalement dans le foie, les poumons et les reins ; bien que de puissants électrophiles puissent également réagir de manière non enzymatique avec le GSH. Les conjugués formés sont alors dégradés en thioéthers de cystéine
50
INTRODUCTION I. LA FONCTION HÉPATIQUE
N-acétylés (acides mercapturiques), puis excrétés. Il existe une grande diversité de GST du fait de l’existence d’homoou d’hétérodimères de 25 sous-unités de 27 kDa, créant ainsi un large éventail de spécificités. Le substrat modèle générique des GST est le 1-chloro-2,4dinitrobenzène. Ces GST métabolisent également des xénobiotiques cancérogènes, des médicaments anticancéreux ou encore des insecticides organophosphorés. L’activité peroxydase dont les GST sont également pourvues aide à protéger les cellules contre le stress oxydant. Cependant, les GST peuvent aussi induire l’activation métabolique de certains composés (par exemple celle de l’hexachlorobutadiène), conduisant alors à une éventuelle toxicité. Bien que les GST cytosoliques aient été à l’origine désignées à l’aide symboles grecs α, μ, o, π, σ, τ et ζ, elles sont maintenant classées à l’aide d’une nomenclature différente. Cette nomenclature de la superfamille GST correspond à la lettre de notre alphabet correspondante à la lettre grecque originale, c’est-à-dire GSTA (1 à 5), GSTM (1 à 5), GSTO (1 et 2), GSTP1, G 1, GSTT (1 et 2) et GSTZ1 (Board and Menon, 2013). Les GST microsomales (MGST1, MGST2 et MGST3) sont différentes des formes cytosoliques avec lesquelles elles ont une faible homologie de séquence. (2) Les UDP-Glucuronosyltransférases
(
UGT)
Les UGT sont des isoenzymes de 50 à 56 kDa liées à la membrane du RE. Elles catalysent le transfert de l’acide D-glucuronique à partir de l’acide uridine 5’-diphospho (UDP)glucuronique aux alcools aliphatiques et aromatiques, aux acides carboxyliques, aux amines, aux hydroxylamines, ainsi qu’aux amides et aux thiols. Elles forment ainsi des composés O-, N-, Set C-glucuronides, en créant une liaison β-glycosidique entre le xénobiotique et l’acide glucuronique. De plus, elles sont essentielles à l’homéostasie de processus physiologiques tels que la glucuronidation de la bilirubine, des stéroïdes ou encore de l’hormone thyroïdienne. Les xénobiotiques substrats des UGT sont principalement les phénols, les anthraquinones, les métabolites cancérogènes et les stéroïdes synthétiques (Owens et al., 2005). Les UGT métabolisant les xénobiotiques comprennent deux sous-familles : la famille UGT1, contenant un seul gène, et la famille UGT2, une famille multigénique. Ces deux sous-familles illustrent différentes façons de générer de la diversité. En effet, dans le cas de l’UGT2, la diversité (10 isoformes) est permise grâce à l’existence de plusieurs gènes 51 INTRODUCTION
I.
LA
FON
CTION HÉPA
TIQUE
individuels, alors que la diversité de la famille UGT1 est due quant à elle, à un épissage alternatif de l’ARNm d’un seul gène donnant ainsi 9 isoformes différentes (Hu et al
., 2016
). (3) Les sulfotransférases (SULT)
Le génome humain contient 4 familles de gènes SULT (SULT1, SULT2, SULT4 et SULT6) avec 14 membres codant pour des enzymes cytosoliques de 32 à 36 kDa, utilisant le 3’-phosphoadénosine-5’-phosphosulfate comme donneur de sulfate (Gamage et al., 2006). Les grands sites hydrophobes de liaison au substrat des SULT peuvent contenir jusqu’à trois cycles aromatiques, ce qui leur confère une large spécificité au substrat. Cela permet également une certaine diversité de métabolisation des xénobiotiques. Les produits des SULT, les sulfonates, ont tendance à être ionisés à pH physiologique, augmentant leur solubilité dans l’eau. Les conjugués sont alors excrétés dans le sang, les rendant ainsi disponibles pour la clairance rénale. Les SULT métabolisent fréquemment les mêmes substrats que les UGT et peuvent coopérer dans le but de détoxifier. Néanmoins, des exceptions existent puisque les SULT peuvent induire l’activation métabolique de certains mutagènes et procarginogènes (Banoglu, 2000).
(4) Les N-acétyltransférases (NAT)
L’Homme possède deux gènes NAT fonctionnels (NAT1 et NAT2, codant pour les enzymes du même nom), ainsi que le pseudogène NATp, situé sur le chromosome 8 (Sim et al., 2014). Ces enzymes cytosoliques de 31 kDa permettent la détoxification par N-acétylation (par exemple des amines aromatiques) et l’activation métabolique par O-acétylation (par exemple des hydroxylamines). La NAT1 métabolise des médicaments comme l’acide p-aminobenzoïque ou l’acide 4-aminosalicylique, ainsi que des substrats endogènes tels que le p-aminobenzoyl glutamate. La NAT2 est une enzyme métabolisant principalement des xénobiotiques et est exprimée essentiellement dans le foie et l’intestin grêle. Ses substrats comprennent la sulfaméthazine, l’isoniazide, la caféine et le 2-aminofluorène. De manière intéressante, l’Homme peut être qualifié « d’acétylateur rapide » ou « lent » selon leur phénotype de la NAT2 (certaines études identifient également un groupe intermédiaire). Cela permet de moduler significativement
52 INTRODUCTION I.
LA
FONCTION HÉPATIQUE l’élimination de xénobiotiques substrats de cette enzyme comme l’isoniazide (AugustynowiczKopeć and Zwolska, 2002).
d) La phase III
La phase III correspond à la phase d’excrétion, permettant la sortie de la cellule des métabolites ou des xénobiotiques sous forme inchangée par l’intermédiaire de transporteurs membranaires, le plus souvent de type ATP-binding cassette (ABC). Elle comprend l’excrétion canaliculaire (phase IIIa) et l’excrétion baso-latérale (phase IIIb) (Figure 12) (Raisonnier, 2004). Les transporteurs d’efflux de la phase IIIa sont des transporteurs canaliculaires assurant la sécrétion de xénobiotiques ou de leurs métabolites dans la bile, pour une élimination digestive (Kock and Brouwer, 2012). Ces transporteurs sont principalement des pompes ABC ATPdépendantes telles que la P-glycoprotéine (P-gp) transportant des cations hydrophobes amphiphiles notamment des médicaments anticancéreux ; MRP2 (multidrug resistanceassociated protein) prenant en charge notamment des composés anioniques et des conjugués au glutathion ; BCRP (breast cancer resistance protein) assurant notamment le transport de médicaments anticancéreux et de statines ; ainsi que de composés hormonaux (estrone-3sulfate) ; et enfin B (bile salt export pump) assurant l’efflux dans la bile des acides biliaires. Les transporteurs d’efflux de la phase IIIb sont des pompes de type ABC et assurent l’excrétion baso-latérale des hépatocytes, permettant le retour vers le sang par transport actif primaire de composés ou de leurs métabolites, pour une élimination secondaire au niveau rénal (Kock and Brouwer, 2012). Ils appartiennent à la famille des MRP (MRP1, MRP3, MRP4 et MRP6) et prennent en charge des composés anioniques ou conjugués au GSH.
3. Régulation de l’expression des enzymes du métabolisme par les xénobiotiques
Des xénobiotiques de différentes classes sont connus pour leur capacité à induire la transcription de gènes codant pour des enzymes de biotransformation et des transporteurs de 53 INTRODUCTION I. LA FONCTION HÉPATIQUE xénobiotiques. Plusieurs récepteurs ou facteurs de transcription sont maintenant reconnus comme étant des régulateurs clés du processus de biotransformation, permettant de réguler les 4 phases de biotransformation (Köhle and Bock, 2009). Ces récepteurs aux xénobiotiques incluent des membres de la superfamille des récepteurs nucléaires comme les récepteurs d’hormones stéroïdiennes tels que les récepteurs aux œstrogènes et aux androgènes, et les récepteurs non stéroïdiens tels que CAR (constitutive androstane receptor), PXR ou les PPAR (Chambon, 2005). Le récepteur AhR permet également de réguler une batterie de gènes codant pour des enzymes impliquées dans la fonction de biotransformation (Figure 15). Les xénobiotiques, en tant que ligands de ces différents activateurs transcriptionnels, pourront ainsi modifier leur propre métabolisme, pouvant amener à une activation métabolique. Cependant, ils peuvent aussi interférer avec des voies connexes plus impliquées dans le métabolisme ou la signalisation de molécules endogène comme le métabolisme des lipides par les récepteurs PPAR (Grygiel-Górniak, 2014), ou bien la signalisation hormonale par exemple par le récepteur aux œstrogènes (Xu et al., 2014) (Figure 15). Figure 15 : Interactions xénobiotiques/activateurs transcriptionnels et leurs conséquences Abréviations : ER, estrogen receptor ; AR, androgen receptor ; AhR, aryl hydrocarbon receptor ; PXR, pergan X receptor ; CAR, constitutive androstane receptor ; PPAR, peroxisome proliferator-activated receptor.
54
INTRODUCTION I. LA FONCTION HÉPATIQUE a) Les récepteurs nucléaires
En ce qui concerne les récepteurs nucléaires pouvant être activés par des xénobiotiques (CAR, PXR, PPAR), leur structure et leur mécanisme d’action sont assez similaires. D’un point de vue structural, ils sont composés de 3 domaines fonctionnels : (1) un domaine de liaison au ligand permettant également une dimérisation, (2) un domaine de liaison à l’ADN permettant également une dimérisation et (3) des domaines de transactivations : AF-1 et AF-2 (AF pour activation function) (Kumar and Thompson, 1999). Le domaine de liaison au ligand à l’extrémité C-terminale du récepteur est celui où les ligands endogènes ou les xénobiotiques se lient, entraînant ainsi un changement de conformation du récepteur (Figure 16). De nombreux récepteurs nucléaires nécessitent une hétérodimérisation avec le récepteur RXR (retinoïd X receptor) (Mangelsdorf and Evans, 1995) pour se lier à l’ADN. Le domaine de liaison à l’ADN du récepteur est quant à lui responsable de la reconnaissance d’un élément de réponse spécifique, correspondant à une séquence de nucléotides dans la région promotrice du gène cible appelée séquence XRE (xenobiotic response element). Les deux domaines de transactivation AF-1 et AF-2 diffèrent puisqu’AF-1 est indépendant du ligand alors que AF-2 l’est. Ces domaines servent d’interface protéine protéine, permettant ensuite le recrutement de corégulateurs transcriptionnels au niveau du gène cible (Glass and Rosenfeld, 2000). Figure 16 : Structure générale d’un récepteur nucléaire
Les récepteurs nucléaires comportent 3 domaines : le facteur d’activation 1 ligand indépendant (AF-1), le domaine de liaison à l’ADN (DBD pour DNA biding domain) et le facteur d’activation 2 (AF-2) appelé également domaine de liaison au ligand (LBD pour ligand biding domain). À titre d’exemple, le bisphénol A peut lier et activer le récepteur aux œstrogènes, la rifampicine lie PXR et induit ainsi l’expression du CYP3A4, le phénobarbital lie le récepteur CAR et active l’expression des CYP2C, et la rosiglitazone est capable de se lier au récepteur 55
INTRODUCTION I. LA FONCTION HÉPATIQUE
PPARg. Il est à noter qu’il existe d’autres récepteurs nucléaires comme LXR (liver X receptor), FXR (farnesoid X receptor) ou Nrf2 (pour nuclear factor-erythroid 2-related) qui interviennent également dans l’expression des EMX (Timsit and Negishi, 2007). De plus, des régulations croisées (cross-talk) ont été mises en évidence entre ces différents récepteurs. Par exemple, l’activation d’AhR diminuera l’activité transactivatrice de PXR, même en présence d’un ligand de ce dernier (Mackowiak and Wang, 2016; Rasmussen et al., 2017). b) Le récepteur AhR Malgré un mode d’action similaire, le récepteur AhR n’est pas un membre de la superfamille des récepteurs nucléaires du fait de sa structure. Il s’agit d’un récepteur à domaine Per-Sim-ARNT (PAS) (Hankinson, 1995). Il est doté d’un motif hélice-boucle-hélice basique (bHLH pour basic Helix-Loop-Helix) localisé à l’extrémité N-terminale du récepteur. Cette région est impliquée à la fois dans la liaison de l’ADN et dans les interactions protéine-protéine du récepteur (Figure 17). Le récepteur AhR possède deux domaines PAS (PAS-A et PAS-B), qui sont des segments de 200-350 acides aminés présentant une homologie de séquence élevée avec les domaines protéiques qui ont, à l’origine, été trouvés dans des gènes de drosophile Per et Sim ainsi que dans le partenaire de dimérisation d’AhR : l’aryl hydrocarbon receptor nuclear translocator (ARNT). Les domaines PAS permettent des interactions secondaires spécifiques avec d’autres protéines contenant des domaines PAS, comme avec AhR lui-même ou avec l’ARNT, de sorte que des complexes de type homodimère et hétérodimère puissent se former. Le site de liaison du ligand d’AhR est présent dans le domaine PAS-B (Coumailleau et al., 1995) et contient plusieurs résidus conservés critiques pour la liaison au ligand (Goryo et al., 2007). Enfin, un domaine riche en glutamine situé dans la région C-terminale de la protéine, est impliqué dans le recrutement de protéines nucléaires corégulatrices (Kumar and Perdew, 1999). 56
INTRODUCTION I. LA FONCTION HÉPATIQUE
Figure 17 : Structure générale du récepteur AhR
Le récepteur AhR possède domaines fonctionnels : bHLH (basic Helix-Loop-Helix), le domaine de liaison à l’ADN ; PAS-A (Per-Sim-ARNT-A) et PAS-B (Per-Sim-ARNT-B), les domaines de dimérisation et de liaison au ligand et un domaine de transactivation riche en glutamine. AhR est le récepteur prototypique de la dioxine (encore appelée TCDD pour 2,3,7,8tétrachlorodibenzo-p-dioxine) et de HAP comme le benzo[a]pyrène (B[a]P) (Barouki et al., 2012). L’activation d’AhR par ses ligands mène à une cascade d’évènements (Figure 18) : tout d’abord, la translocation nucléaire du complexe AhR/HSP90/XAP2 (HSP90 et XAP2 étant des protéines chaperonnes, respectivement heat shock protein 90 et X-associated protein 2), puis la formation du dimère AhR/ARNT, afin de finalement permettre la fixation sur les éléments de réponse spécifiques DRE (dioxin response element) (ou XRE) des promoteurs de gènes cibles et l’activation de leur transcription. L’expression de nombreuses EMX est alors induite, telles que celle des CYP1A1, 1A2, 1B1, l’ALDH3, l’UGT1A1, la NQO1 ou MDR1 (Beischlag et al., 2008), permettant pour un certain nombre d’entre elles (les CYP1A1, 1A2 et 1B1), la métabolisation du B[a]P lui-même.
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INTRODUCTION I. LA FONCTION HÉPATIQUE
Figure 18 : Cascade d’activation du récepteur AhR
Le récepteur AhR forme un complexe cytosolique avec des protéines chaperonnes HSP90 et XAP2. Il contient à la fois une séquence signal de localisation nucléaire et une séquence signal d’exportation nucléaire, permettant d’aller du compartiment cytosolique au compartiment nucléaire et inversement. Lors de la liaison d’un agoniste (comme le B[a]P représenté sur ce schéma) (1), le complexe AhR est transloqué au noyau (2) et l’ARNT permet le déplacement d’HSP90, conduisant à la formation de l’hétérodimère Ah /ARNT (3). Cet hétérodimère reconnaît ensuite les éléments de réponse DRE (également appelés XRE) situés sur les gènes cibles (4). La transcription de ces gènes est activée permettant en partie l’expression des CYP1A1, 1A2 et 1B1 (5) et (6). Ces CYP permettront ensuite la métabolisation du B[a]P (7). Abreviations : AhR, aryl hydrocarbon receptor ; ARNT, aryl hydrocarbon receptor nuclear translocator ; HSP90, heat shock protein 90 ; XAP2, X-associated protein 2 ; DRE, dioxin receptor element ; ARNpol, ARN polymérase. Adapté de Murray et al., 2014. Ainsi, le foie met en jeu des régulations complexes afin de faire face à l’exposition à divers xénobiotiques. Malheureusement, il peut arriver que ces voies de régulations interfèrent avec le métabolisme de molécules endogènes, pouvant ainsi perturber sa fonction. De plus, la
58 INTRODUCTION I. LA FONCTION HÉPATIQUE
métabolisation des xénobiotiques par le foie en fait un organe cible de métabolites potentiellement toxiques qu’il devra par la suite éliminer
. 4. Activation métabolique et ROS liés à la métabolisation des xénobiotiques
Comme évoqué précédemment, lors de la métabolisation des xénobiotiques, il n’est pas rare que des métabolites réactifs soient formés à l’issue de l’activation métabolique réalisée principalement par les enzymes de phase I. Ces molécules activées pouvant notamment former des adduits aux protéines ou à l’ADN sont une cause importante de stress pour le foie et peuvent être à l’origine de pathologies hépatiques (Figure 19) (Leung et al., 2012). Ainsi, en inactivant ces métabolites réactifs, les enzymes de phase II ont une importance capitale. De même, la balance entre les enzymes de phase I et les enzymes de phase II est primordiale dans le but d’une élimination optimale des xénobiotiques (Sheweita, 2000). Une autre source de stress cellulaire est la formation de ROS. Pour s’en défendre, la cellule doit parvenir à maintenir l’homéostasie redo , entre production et élimination de ROS. Le système redox est essentiel au maintien de l’homéostasie cellulaire. En conditions physiologiques, les cellules maintiennent l’équilibre redox en produisant et en éliminant les ROS et les espèces réactives de l’azote (RNS, pour reactive nitrogen species). Les ROS comprennent des espèces radicalaires telles que l’anion superoxyde (O2.-) et le radical hydroxyle (HO•-), ainsi que des espèces non radicalaires telles que le peroxyde d’hydrogène (H2O2). Les RNS comprennent l’oxyde nitrique (NO•) et le peroxynitrite (ONOO-) (Kamata and Hirata, 1999). L’anion superoxyde peut être rapidement dismuté par la superoxyde dismutase (SOD), produisant de l’H2O2 et de l’O2•En présence de métaux de transition réduits, l’H2O2 peut être transformé en radical hydroxyle hautement réactif HO•(Dröge, 2002).
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DOR : Dossier d'orientation ; DOC : Dossier de choix ; DLR : Dossier de lancement de la réalisation ; DLU : Dossier de lancement et d'utilisation ; DRS : Dossier de retrait de service ; DC : Dossier de clôture ; EOTO : Etudes Opérationnelles et Technico-Opérationnelles. 70 Evoqué dans la détermination du coût global d'un projet, conjointement avec les coûts liés à l'Entretien Programmé des Matériels (EPM). 72
Figure 30 - Processus d'une opération d'armement au moment de l'étude (Source : IM 1618)
73 Nous déclinons la méthode d'évaluation par l'exemple de l'étude des coûts du programme HIL au travers de la figure 31.
Figure 31 - Structure d'une estimation de coûts, exemple du HIL (Source : DGA)
La méthode de modélisation des coûts se fait de manière paramétrique, en fonction des données d'entrée disponibles dans la construction du modèle. Les deux entretiens réalisés avec la DGA montrent un séquencement en trois étapes : (1) recherche et exploitation des données d'entrées71, (2) structuration des coûts de soutien en matrice en fonction du type de modèle utilisé et, dans le domaine aéronautique, (3) utilisation d'un modèle de coûts paramétrique sous la forme suivante : A + B x Parc + C x HdV Ce modèle intègre l'ensemble des coûts fixes, les coûts variables liés au nombre d'aéronefs du par cet, enfin, les coûts variables d'utilisation du parc, à l'heure de vol. 71 Fiches de caractéristiques militaires (FCM) ; Etudes technico-opérationnelles (ETO) ; Coûts d'autres marchés existant dans le ministère ou en dehors (exemple d'apprentissage organisationnel) ; données sur les coûts moyens du personnel. Ce modèle doit également être affiné par d'autres inducteurs de coûts, à la base d'un affinement des coûts par l'intégration d'éléments difficilement quantifiables au début du projet, à l'instar de la fiabilité de l'aéronef ou des coûts réels liés à l'utilisation de la maind'oeuvre de maintenance. Un exemple de classification de coûts (figure 32) a été fourni par suite de l'entretien avec une estimatrice de coûts de la DGA. Figure 32 - Exemple de classification de coûts selon la méthode utilisée par la DGA
L'évaluation des coûts de soutien initial renvoie également énormément à la notion d'apprentissage organisationnel. En effet, l'expérience et les coûts observés au cours de précédentes externalisations sont très pris en compte (selon un entretien avec l'estimatrice de coûts DGA) et ce, lors des études de levée de risques (ELR). Les informations et les documents glanés lors de notre passage à la DGA montrent les données d'entrée suivantes : FCM (Fiches de Caractéristiques Militaires) ; ETO (Etude Technico-Opérative) ; SOFHI ; Marchés de soutien existants (autres flottes) ; Stratégie de soutien ; Memento des coûts moyens du personnel ; etc. L'évaluation des coûts et de la rentabilité d'une opération d'externalisation n'est pas aisée à réaliser, et la définition d'un seuil de rentabilité l'est encore moins. Voisin (2002) évoque par 75 exemple le cas américain en parlant « des économies difficiles à réaliser ». Celui-ci montre ainsi (p.183) : « Un bon exemple de ces difficultés est donné par le General Accounting Office (GAO) américain, dans son analyse de la Directive A-76. Ce texte décrit une méthode de comparaison des coûts internes et des coûts d'externalisation (Most efficient organization, MEO), à partir de la meilleure offre réalisée par le secteur commercial. L'externalisation y est recommandée lorsque l'économie attendue représente plus de 10% du coût de la fonction ou plus de 10 millions de dollars. Le GAO estime que ces seuils n'ont guère de signification : ils seraient selon lui du même ordre de grandeur que la marge d'erreur entachant le calcul du c public ». La rentabilité d'une opération d'externalisation, comme définie dans les méthodes d'analyse par les coûts, ne peut être le seul critère de décision. La difficulté relevée dans les entretiens est double : comment mesurer efficacement les gains en termes de RCS, et ainsi déterminer avec efficacité les coûts propres à la réalisation de l'activité pour l'industriel, pour savoir « jusqu'où négocier »? Ces questions, associées au caractère confidentiel des rapports de coûts pour le chercheur, induisent plutôt une approche par les coûts de transaction issus notamment des coûts liés à la contractualisation, et à la conduite du contrat, à la phase de transition. Ces coûts de transaction sont à ajouter aux gains attendus en termes de coûts directs dans le cadre d'un projet d'externalisation. Figure 33 -
Fonction
de c
oûts par
rapport
au
de
gré
de vertical
isation
d'une flotte
Ce modèle visant à « globaliser plus pour payer moins » s'appliquant théoriquement assez bien aux flottes génériques non projetées (type FENNEC Terre), le danger - de l'explosion des coûts de transactions liés à l'incertitude et des coûts directs liés aux risques pris par un éventuel prestataire - vient à remettre en cause ce modèle. La verticalisation s'inscrit en tant que trade-off entre réduction de coûts souhaitée et délégation de savoir-faire à un tiers. Ce concept peut s'illustrer de la manière suivante (EMAT - BMCO) : « On parle de verticalisation et on lâche ce mot, ça y est on est « in ». Mais la verticalisation, où elle commence et où elle s'arrête? Donc justement, on y va, et quel est mon besoin opérationnel? J'ai besoin de conserver un savoir-faire, de maitriser des compétences et de les mettre en oeuvre et donc de mettre en oeuvre une capacité de maintenance sur hélicoptère, au plus près, et de combiner cette capacité à la manoeuvre globale parce que ça c'est ce qui nous différencie (). Ça, c'est mon besoin. Donc, comment j'y réponds? J'y réponds en exigeant de conserver un soutien opérationnel. Qu'est-ce que c'est mon soutien opérationnel? C'est l'ensemble des actes de maintenance qui me permettent de réaliser les interventions 77 nécessaires à ce maintien de capacité ». La verticalisation et l'externalisation sont deux thèmes liés, et l'on peut rappeler l'assertion reçue lors de la DMAé : « moi, je considère que l'externalisation, c'est de la verticalisation un peu poussée à l'extrême ». Nous montrons dans cette thèse comment caractériser ce phénomène de manière dynamique. Annexe 4 - Le processus de création capacitaire L'acronyme DORESE
La création capacitaire est un processus central que nous pouvons illustrer en citant Barrera (2016) : « Dialectique, collective et convaincue, la « démarche capacitaire Terre » vise donc à gagner les engagements d'aujourd'hui tout en façonnant les victoires de demain. Rétrospective, perspective et prospective permettent ce voyage dans le temps, depuis les choix qui ont abouti au modèle actuel jusqu'à ceux qui construiront les forces terrestres du futur ». Ainsi, savoir définir ses capacités, c'est savoir gagner. Dans les forces armées, toute création de capacité obéit à un canevas analytique au travers de six dimensions, que l'on désigne par l'acronyme DORESE, décrit dans la figure 34. Figure 34 - La création capacitaire : la méthode DORESE Doctrine Equipements Organisation Soutien Entraînement
79 Annexe 5 - description développée des cas. Cas HELIDAX (H120) Le cas HELIDAX : un gouvernant hybride pour une externalisation efficace
Contrat de partenariat étatique (CPE) et premier partenariat public-privé du ministère de la Défense datant du 31 janvier 2008 (entré en vigueur le 17 avril 2008, pour une fin le 30 avril 2030), l'achat d'heures de vol par l'Etat auprès d'HELIDAX SAS s'est tout d'abord fait avec les deux sociétés Défense Conseil International (DCI) et Proteus Hélicoptères. Créé en 2004 par l'ordonnance 2004-559 du 17 juin 2004, un contrat de partenariat se définit comme : « un contrat administratif par lequel l'Etat ou un établissement public de l'Etat confie à un tiers, pour une période déterminée en fonction de la durée d'amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues, une mission globale ayant pour objet la construction ou la transformation, l'entretien, la maintenance, l'exploitation ou la gestion d'ouvrages, d'équipements ou de biens immatériels nécessaires au service public, ainsi que tout ou partie de leur financement à l'exception de toute participation au capital. Il peut également avoir pour objet tout ou partie de la conception de ces ouvrages, équipements ou biens immatériels ainsi que des prestations de services concourant à l'exercice, par la personne publique, de la mission de service public dont elle est chargée » 72. Dès l'origine piloté par la DGA (paiement des factures, gestion des aspects contractuels et de l'évolution du contrat), ce contrat repose sur une très solide notion de partenariat entre le prestataire et l'école de l'ALAT de Dax. Dans l'étude des externalisations du MCO ALAT, HELIDAX fait de « cas d'école » qu'il convient maintenant d'étudier. Le contrat précurseur : HELIDAX et la BEGN Fréquemment décrit comme un total succès, l'externalisation réalisée par HELIDAX au profit de l'EALAT est régulièrement considérée comme l'exemple d'une externalisation « saine ». Portant sur une flotte et un emploi des aéronefs de type « école », le contrat semble fonctionner de manière nominale dans son périmètre, du fait d'une relation de partenariat à la source d'une réduction des coûts indirects (perspective TCT) et d'un emploi ne correspondant pas à la cardicité de l'ALAT (approche basée sur les compétences et ressources). 80 (et l'efficience à iso-efficacité en résultant) de ce contrat est également à expliquer par la structure de gouvernance et par les particularismes historiques, culturels et organisationnels de la société HELIDAX, objet de la sous-partie suivante. Présentation d'HELIDAX : une société particulière
Fréquemment évoqué dans cette thèse, le cas du partenariat public-privé avec HELIDAX est particulièrement intéressant. Si la rentabilité et le retour économique du contrat ne sont pas complètement représentatifs, les dispositions contractuelles et la structure de gouvernance du contrat sont largement plus intéressantes. Le cas HELIDAX est un « bon » exemple dans le sens où le retour d'expérience des Armées (et plus particulièrement de l'ALAT) est très positif. HELIDAX est plus qu'un précurseur dans le domaine des externalisations : il est « l'amorce » des grands projets d'externalisation dans les forces. La durée du contrat et le positionnement temporel de cette étude de cas (10 ans de contrat) permettent de tirer un premier bilan pertinent, la phase de mise sur pied du projet étant terminée. Dans une dimension allant au-delà de la vocation initiale du contrat, le flux de formation en pilotes ayant baissé et la disponibilité des aéronefs de nouvelle génération étant en deçà des taux initialement prévus, les hélicoptères d'HELIDAX permettent via les « vols de substitution » d'assurer une partie de l'entraînement des pilotes dans les unités opérationnelles. Le cadre de l'action d'HELIDAX dépasse ainsi largement le spectre unique de la formation initiale des pilotes des trois Armées. Le fondement de ce contrat correspond à de la fourniture d'heures de vol par un contrat sur objectifs et ce, sur des machines neuves dont le prestataire assure l'entière gestion du cycle de vie. Ce point mêle à la fois l'approche relative aux « outcome-based contracts » et une forme de servicisation73, dans la mesure où l'aéronef est fourni avec addition de services et que l'Etat peut s'approprier les H120, sous certaines conditions. abordons maintenant l'organisation très spécifique d'HELIDAX. HELIDAX est une PME disposant d'un solide actionnariat, qui lui donne un poids capitalistique influent. La structure capitalistique d'HELIDAX est très particulière. La société est principalement détenue par DCI et PROTEUS Hélicoptères au moment de la conclusion du contrat. Par la suite, 50% de l'entreprise étant détenue par Défense Conseil International (DCI), les 50% restant étaient - au départ - détenus par INAER, puis cette part a été transférée 73 HELIDAX n'est néanmoins pas le fabricant de l'EC 120, l'aspect en termes de servicisation n'est donc pas complet. 81 à Babcock France. Aujourd'hui, par suite de la vente des actions Babcock France et à leur rachat complet par DCI, cette dernière est aujourd'hui l'élément unique et central de la gouvernance d'HELIDAX. DCI est par sa nature actionnariale une société dont la gouvernance est fortement étatisée, avec 49,9% de ses parts allouées à l'Etat français. Cette structure organisationnelle et capitalistique se décrit assez aisément dans la figure 35.
Figure 35 - Structure de capitalisation de DCI74
Après exploitation de ce graphique, on constate donc que 60% de l'entreprise est détenue soit par l'Etat français (actionnaire majoritaire), soit par DCI elle-même. Egalement, 30% de la société sont détenus par SOFEMA, société de fourniture en matériel de terrain pour des missions dans le cadre militaire ou civil. La capitalisation particulière de SOFEMA permet d'établir des liens avec un tissu très divers en termes d'industrie de défense à des fins de polyvalence, comme le montre la figure 3675. 74 75 Site internet de DCI (données 2018) : https://www.groupedci.fr/key-figures, consulté le 02/07/2018. Voir site SOFEMA : http://www.sofema-international.com/fr/propos/les-actionnaires, consulté le 02/07/2018. Figure 36 - Structure de capitalisation
de SOFEMA EUROTRADIA International est une société spécialisée dans le conseil et dans l'accompagnement en matière de développement international dans les secteurs de l'aéronautique, de la défense, de l'énergie, des matières premières, de l'eau, de l'environnement, ainsi que des infrastructures et équipements associés76.
En matière d'actionnariat, six sociétés sont parties prenantes : Airbus, Thales, Total, MBDA, Dassault et Safran. Même si elle est aujourd'hui désengagée dans la capitalisation d'HELIDAX, il semble nécessaire d'aborder la nature capitalistique de Babcock pour montrer l'assise dont dispose HELIDAX durant les premières phases du contrat. Babcock est une entreprise britannique spécialisée dans la prestation de services de soutien, notamment au service des forces britanniques dans le cadre de la vague d'externalisations lancée par ce pays depuis quelques années. Babcock est impliqué dans différents secteurs d'activités77: – ingénierie et production / intégration de systèmes navals et terrestres ; – MCO naval, gestion de sites et d'infrastructures ; – soutien logistique ; – formation ; – entretien et gestion de la flotte. 76 Voir site internet Eurotradia International actionnriat/#s2, consulté le 02/07/2018. 77 : http://www.eurotradia.fr/qui-sommes-nous/presentation- Source : DGA. 83
La capitalisation de l'entreprise Babcock se définit de la façon suivante (en 2016) :
– Standard Life Plc : 12,31%; – Capital Group Co. Inc. : 11,12% ; – Invesco Ltd : 10,03%; – Woodford Asset Management LLP : 5,04% ; – Cantillon Capital Management LLC : 4,97% ; – autres : 56,53%. Ainsi, on remarque que la part de l'Etat français ou de DCI est très importante dans le cas de la société HELIDAX. Ce point laisse à penser une forte influence étatique dans la gouvernance de la société, donc au préalable dans l'établissement du contrat initial. Nous nous intéressons maintenant, en tant qu'objet de la sous-partie suivante, à la nature du contrat initial : l'externalisation de la formation initiale en vol des pilotes d'hélicoptère des forces armées (et de l'ALAT).
L'externalisation de la formation des pilotes de l'EALAT DAX : le PPP précurseur
Le contrat de partenariat étatique avec HELIDAX fait suite à l'étude initiale relative au remplacement des 54 gazelles « école » arrivant en fin de vie, et dont les nuisances sonores occasionnées pour les riverains de Dax devaient également être réduites (entretien BE 6è RHC). Cette externalisation a également été une source de restructuration visant à la « réinjection » de personnel dans les unités opérationnelles de l'ALAT. Ainsi, au début du projet, on note un effectif total de 175 personnes (7 officiers, 124 sous-officiers et 44 civils, dont 39 ouvriers d'Etat) au sein de l'escadrille de maintenance d'hélicoptères GAZELLE. Au vu du coût et du contexte budgétaire (RGPP) de l'étude de ce remplacement, un cahier des charges relatif aux besoins devant être remplis par le contrat donne les éléments suivants (source BE 6è RHC) : cette nouvelle flotte devait être « peu bruyante, à faible coût d'exploitation ; à double vocation civile-militaire et dont l'Etat n'est pas propriétaire mais dispose d'un droit de préemption ». Présentation du contrat Etudiée en 2006, la possibilité d'externaliser la formation initiale des pilotes d'hélicoptères des armées s'est rapidement avérée comme une alternative intéressante. La base de 22 000 heures de vol est élaborée après étude des besoins futurs en flux de formation. A l'époque, cette prise en compte est difficile car la conjoncture économique des 84 forces nécessite une déflation des effectifs, donc une possible déflation des flux de formation. Cette incertitude pèse donc du côté de la « personne publique » : l'option des vols de substitution permettant ainsi de réduire et d'amortir cette incertitude. La flexibilité offerte par le prestataire, associée à sa grande compréhension des besoins de son client militaire, permet donc de signer un contrat basé sur une obligation de résultat (OBR) dont les vecteurs d'utilisation sont définis de manière très souple. Les enjeux financiers du contrat portant sur un volume de 470 millions d'euros, la confiance entre les deux parties prenantes est nécessaire. La personne publique (l'Etat) ayant la particularité d'être à la fois un client et une institution, la confiance du prestataire quant au respect du contrat par son client est ainsi facilement établie et préservée. A la suite d'un avis d'appel à candidatures publié au JOUE le 14 janvier 2006 sous le numéro 2006/S 9-010200 et au BOAMP 010B le 14 janvier 2006 sous le numéro 202, le contrat est signé le 17/04/2008 pour une durée de 22 ans78. Le « découpage » des périodes contractuelles permet une réadaptation optimale des objectifs fixés par la personne publique. Ainsi, le Contrat de Partenariat Etatique soumis à l'ordonnance no. 2004-559 du 17 juin 2004 relatif à l'achat d'heures de vol d'hélicoptères sans équipage au profit de la base-école de l'ALAT Dax (Landes) définit que le CPE dispose d'une période de référence permettant d'établir et de « lancer » la relation contractuelle sur une base éprouvée correspondant à cette période de référence que l'on peut définir ainsi : « Désigne la période s'achevant le 31 décembre 2015 (première de 5 années) puis ensuite toute période triennale dont la première commence à courir le 1er janvier 2016 et la dernière s'achève à la date d'expiration du contrat ». Par ailleurs, la personne publique doit réassigner les objectifs assignés à HELIDAX avec un nombre d'heures de vol minimal à fournir (après la période de référence) 18 mois avant la fin de chaque période de référence. Le contrat de partenariat arrive à échéance le 17/04/2019. Source : BEGN.
Tableau 3 - Objectifs en termes d'heures de vol prévues par le CPE (source : BGEN)
L'enquête permet également d'apprendre que l'atteinte du seuil en termes de nombre d'heures minimum entraîne l'obtention d'un bonus financier. La personne publique a donc intérêt à calculer son besoin au plus juste et à se tenir à ses objectifs. Cette disposition permet au prestataire d'augmenter sa confiance potentielle envers son donneur d'ordres. L'adéquation entre ces minimums et les montants à payer sont définis par un « tableau flexibilité » permettant ainsi une utilisation souple du CPE et une réciprocité des intérêts. Les objectifs du contrat de partenariat étatique sont quadruples et sont les suivants80 : 1) la mise en place des lots AH120 ; 2) la qualification de type des primo-formateurs ; 3) la mise à disposition des aéronefs (y compris leur dépannage); 4) la maintenance des aéronefs. La mise en place du contrat suit un synoptique de décroissance des parcs HAG et de montée en puissance du Nouvel Hélicoptère Ecole (NHE) en trois parties : (1) dialogue (en trois phases), (2) décroissance HAG et construction des NHE (associée à la formation progressive des moniteurs - qui restent militaires - sur ce type d'aéronef), (3) montée en puissance des NHE croisée et autonomie. Ces phases sont décrites dans la figure 37. 80 Source : BEGN. Figure 37 - Synoptique de la mise en place du NHE (Cour des comptes, 2009, p.106)
Une autre dimension à prendre en compte est celle de la propriété des aéronefs qui, dans le cadre de ce contrat, n'est pas celle de l'Etat. La propriété de la flotte utilisée n'est pas non plus celle d'HELIDAX : elle est celle d'un bailleur/propriétaire tiers, la société CATHY LEASE SAS dans le contrat initial. Les entretiens réalisés à la BE 6è RHC (cellule externalisation) révèlent les engagements pour chacune des parties prenantes du contrat au travers des figures 38 et 39.
Figure 38 - Engagements du partenaire (source : BE 6è RHC) 87 Figure 39 - Engagements de la personne publique (Source : BEGN)
De plus, le contrat stipule que : « la Formation Initiale sera assurée au moyen des NHE mis à la disposition de la Personne Publique par le Partenaire sous la responsabilité exclusive de celle-ci. Ainsi, la définition des programmes d'enseignement théorique et pratique, le contenu des modules, l'organisation des examens, la certification des Elèves Pilotes par les autorités compétentes et d'une manière générale l'organisation de la Formation Initiale et la Programmation relèveront de la seule responsabilité de la Personne Publique ». La commande ponctuelle de la personne publique envers son prestataire suit une logique de demandes échelonnées et de comparaisons entre ce qui est demandé (la commande) et ce qui est fourni. On distingue plusieurs types d'échelonnement calendaire dans la demande faite par la personne publique : la DMA (demande de moyens annuelle), la DMM (mensuelle), la DMS (hebdomadaire), la DMJ (journalière). Après enquête de terrain, les retours de la personne publique sur la satisfaction de ces demandes sont excellents, et montrent une grande fiabilité de la relation entre le prestataire et le donneur d'ordres étatique. Le système établi permet également une excellente répartition de l'allocation d'heures de vol entre les différents exploitants étatiques. Egalement, la flexibilité du contrat avec HELIDAX permet la réalisation de « vols de substitution » qui représentent un moyen pour les unités des forces de pouvoir s'entraîner sans entacher le potentiel des aéronefs tactiques, dont la disponibilité technique (DT) est un élément très délicat. Cette dernière disposition est rendue possible par l'avenant n°2 au CPE, du fait d'un article afférent au détachement d'aéronefs hors du site de DAX et « rejoint » par des conventions tripartites. Les vols de substitution semblent évoquer une première limite à l'externalisation dans le cas HELIDAX, du fait de la difficulté de déplacer du personnel loin de Dax et du nombre réduit de pilotes « vols techniques » appartenant à HELIDAX. Si les vols de 88 substitution permettent une planification optimale de l'entraînement aéronautique (RH militaire faiblement disponible le week-end), cette activité se fait entièrement sous la responsabilité d'HELIDAX, car hors du périmètre défini par le contrat. L'enquête auprès de la BE 6è RHC montre l'exemple suivant (figure 40) en termes d'objectifs de ré en heures de vol, concernant l'année 2018 : Figure 40 - Aperçu des objectifs de réalisation au profit des armées (Source : BE 6è RHC) Deux indicateurs de performance existent dans l'exécution de ce contrat : les points de performance (positifs ou négatifs) et la mesure de « rendez-vous sur objectif », prenant en compte les objectifs fixés par le partenaire étatique et ce qui est réalisé par le prestataire. Ces points de performances sont continuellement additionnés afin d'obtenir un différentiel positif (favorable) ou négatif (défavorable) pour le prestataire. Les dimensions explorées sont : la disponibilité, la qualité du service, la ponctualité. Figure 41 - Physionomie de contrôle et du pilotage du projet HELIDAX (source : BE 6è RHC)
L'étude de ce cas montre également une action du prestataire inscrite dans un paysage normatif et réglementaire complexe : HELIDAX doit se conformer à la règlementation de navigabilité étatique, mais également (comme prescrit par le marché) aux normes plus « processuelles » telles que l'ISO 9001 et 14001. HELIDAX, en maîtrisant les enjeux de la navigabilité étatique, porte la responsabilité de la gestion et du maintien de la navigabilité de sa flotte, ainsi que la pleine responsabilité de ses flux logistiques. Ainsi, hormis dans le cadre de l'emploi des aéronefs (par exemple : une casse par mauvaise utilisation), la responsabilité afférente à la disponibilité technique des aéronefs incombe seulement à HELIDAX, conférant ainsi à ce contrat des moyens pour le titulaire de disposer de réelles possibilités de contrôle et de coordination du prestataire. Le mode de partage des gains : une manière unique de réduire les risques d'opportunisme et l'incertitude au sujet du prestataire
Le contrat de partenariat étatique (CPE) comprend une clause originale entre la personne publique et le prestataire : il s'agit du partage des gains entre les agents. Cette façon de procéder permet ainsi de garantir un retour sur investissement dénué d'incertitude par l'intermédiaire des revenus tiers et du partage des gains (particulièrement significatifs en cas de sous-emploi contractuel). Les revenus d'HELIDAX proviennent ainsi de deux grands types d'activités : (1) la maintenance et les heures de vol réalisées (activités « défense »), (2) les activités de « revenu tiers » que l'on définit sous deux formes : les prestations de maintenance au profit d'un exploitant tiers et la fourniture d'heures de vol à un tiers. Concernant le partage des gains, il existe une règle de partage définissant la part des revenus supplémentaires d'HELIDAX dont peut profiter la personne publique en tant que pouvoir adjudicateur de ce contrat (la DGA). Ce calcul est simple et est défini par la formule suivante :
Si RÉSULTAT D'EXPLOITATION > 19 % CHIFFRES D'AFFAIRES S
Alors 50% du résultat d'exploitation supérieur dans sa part supérieure à 19% sont reversés à la DGA. Un élément intéressant de ce dispositif est que l'une des raisons de ce reversement est la possibilité pour la DGA de réutiliser ce surplus, dans le but de financer d'éventuelles évolutions du parc d'aéronefs. Ainsi, le prochain partage des gains sera déterminé lors de l'année 2019, à l'issue de la deuxième période de référence (2016 – 2018). Durant l'exploitation des aéronefs, le contrat prévoit également une pén pour HELIDAX en cas de non-atteinte des objectifs (ce qui n'est jamais arrivé, d'après le directeur technique HDX). Cette pénalité, suffisamment dimensionnée pour être incitative, permet à l'Etat d'avoir un levier dans l'attente et l'atteinte des objectifs fixés au prestataire. Enfin, le CPE prévoit un « plan de progrès » dont une seule version a été écrite en 2014. Si elle semble apporter de nombreux bienfaits, nous abordons maintenant les risques inhérents à cette externalisation. 91 Les risques de l'externalisation avec HELIDAX
Parmi ces déterminants, nous posons la question de la défaillance éventuelle du prestataire. Le CPE contient des dispositifs d'atténuation des effets de ces risques et donne l'obligation au prestataire d'informer la personne publique et, le cas échéant, de fournir toutes les informations nécessaires quant au profil d'un repreneur éventuel connu du prestataire. Pour l'Etat, il n'y a pas de réelle perte de compétence opérationnelle, les moniteurs restant militaires. Le directeur technique d'HELIDAX montre que le « retour en arrière » de l'Etat n'aurait pas lieu, car l'Etat n'a jamais exploité d'EC 120 et n'a donc perdu aucune compétence au sens propre du terme. La fourniture de l'hélicoptère H 120 est garantie auprès du constructeur ou d'un autre fournisseur, et le maintien en navigabilité ainsi que les éventuelles modifications à apporter aux aéronefs restent à la charge d'HELIDAX. La mise en place du CPE a également nécessité d'établir les compétences nécessaires et requises quant aux missions devant être assurées par le prestataire. Ainsi, l'utilisation des aéronefs fournis par HELIDAX ne peut se faire hors du cadre strict des vols d'école. Du côté des risques couverts au profit du prestataire, le contrat couvre HELIDAX du risque « école » et d'erreurs de pilotages (par définition « non prévisibles ») en attribuant les frais de dépannage, à partir d'un certain montant, complètement à la personne publique. Les dispositions de « changement de loi », également présentes dans le contrat, permettent de réduire les incertitudes liées à des changements juridiques, chose particulièrement importante dans le cas de contrats se déroulant sur très longue durée. Une autre limite est montrée dans les différences de fonctionnement budgétaires entre l'Etat et le prestataire. L'Etat est un partenaire montrant, du fait de sa structure organisationnelle, une plus grande inertie décisionnelle et des délais de paiement parfois difficiles à supporter pour des petites ou moyennes entreprises. Un point fort de ce contrat, côté Etat, réside dans l'emploi des aéronefs par l'école de l'ALAT : la typologie de ce parc se définit comme « mono-mission », planifiée, et permettant un « lissage » des budgets (par l'Etat, mais surtout par le prestataire). Pour HELIDAX, un contrat sur le long terme de 22 ans permet de limiter le « risque » au sens économique, comme énoncé par le Commandant de la Base Ecole 6è RHC durant l'un des entretiens. Figure 42 - Comparaison de coûts des scénarii 1 et 3 (Source : Cour des comptes, 2009, p.96)
L'étude de ce document permet de conclure que la rentabilité du troisième scénario semble acquise dans tous les cas pour la part « Etat » des coûts, donc dans une perspective sur le long terme, et ce, même si le scénario 3 semble apporter des coûts supplémentaires - en euros constants - pour la partie ministère. L'externalisation de la maintenance sur le nouvel 93 hélicoptère-école à Dax semble donc, à la conclusion de la décision, un projet viable et rentable pour l'Etat français. Si ces coûts (et l'autre analyse qui suit) concernent la partie préliminaire du contrat, l'appréciation des coûts réels doit être faite durant la phase de « mi-vie » du contrat pour avoir une information exacte. A la vue de l'ancienneté de ce contrat, ce fait est possible. Relevant d'un autre point de vue de la rentabilité financière du partenariat avec HELIDAX, les travaux d'Ayel (2006) montrent, à l'époque de cette étude, une comparaison de la performance économique des différentes options par l'analyse différentielle des VAN des différents scenarii. Cette analyse, est décrite dans la figure 43 et décrit la vision des conditions d'étude initiale de la rentabilité du projet :
Figure 43 - Analyse différentielle des VAN des différents scenarii concernant HELIDAX (Ayel, 2006, p.35)
Il faut noter que cette approche prend également en compte le financement lié à chaque scénario afférent aux différentiels de VAN comparés au scénario classique. Nous pouvons donc en conclure que, dans l'étude par les différentiels de VAN, le projet HELIDAX est le plus rentable. Néanmoins, le différentiel de VAN ne semble pas être le seul point déterminant de ce type de projet. En effet, ce reste « normalement » profitable et favorable à un recours au PPP. Depuis la mise en place du projet HELIDAX et du fait des résultats acquis depuis 10 ans, différentes études concernant une évaluation des résultats ont été menées. Celles-ci montrent une rentabilité défavorable pour le ministère en termes de VAN et sur des paramètres uniquement financiers, notamment si l'on prend en compte le montant des pensions à payer à la suite de cette externalisation. Résultats et perspectives
Lors des entretiens réalisés, le directeur technique d'HELIDAX définit cette expérience comme l'origine d'un « brand » HELIDAX. On peut analyser cette assertion comme l'inscription d'une expérience, d'un modèle, à l'origine d'une évolution de la vision de l'externalisation dans les forces. HELIDAX se place, comme l'indique un intervenant spécialisé « aéronefs » du COMALAT, comme un « îlot » de maintenance avec un parc spécifique et des missions spécifiques permettant des facilités d'externalisation. Concernant le transfert de personnel, on peut se baser sur le rapport de la Cour des comptes afférent de 2009 (p.51) pour montrer que le personnel militaire a pu être reclassé en majorité et qu'il n'y a pas eu de « fuite » significative du personnel militaire vers le prestataire, le tout pour des coûts maîtrisés : « l'externalisation de la maintenance aéronautique touche 175 personnels (dont 35 civils). 43 personnels (un quart) sont reclassés localement dans d'autres services de la base de Dax, dont 9 pour travailler dans « l'interface » avec l'entreprise retenue. S'agissant des 132 autres personnels concernés, 68 sont mutés sur d'autres bases (39%). Les autres (46 sous-officiers, 1 fonctionnaire, 7 ouvriers d'Etat), soit 31%, sont placés en retraite. Treize d'entre eux ont été repris à ce jour par la société adjudicataire bien qu'elle ait refusé une obligation de reprise. Le coût de l'accompagnement des personnels civils prévu dans les analyses préalables était compris entre 1,7 et 2,6 M€ ». Par ailleurs, le contrat de partenariat prévoit - théoriquement - un droit de préemption de la personne publique dans le rachat des EC 120 d'HELIDAX, avec une réversibilité et une trans abilité encore - très théoriquement - possible à moyen terme : les difficultés d'allocation de personnel technico-logistique associées à la nécessité de former ces derniers sur EC120 (en cas de rachat des aéronefs par l'Etat) et de gagner en expérience sur ce type d'aéronef induisent une dépendance « douce » envers le prestataire. L'Etat semble donc n'avoir aucun intérêt à ré-internaliser l'activité, du fait de l'efficacité du prestataire (mesurée au travers des points de performance cumulés et des coûts de transition qui seraient liés à une « ré-internalisation »). Nous pouvons d'ailleurs citer, en complément des entretiens réalisés, le rapport afférent de la Cour des comptes de 2009 (p.49) : « La ré-internalisation, même provisoire, de la maintenance, parait peu probable (le type d'appareil utilisé n'est pas en service dans les armées ; il y a une forte tension sur les effectifs de mécaniciens) et il est donc vraisemblable que l'activité de l'école serait fortement perturbée pendant plusieurs mois ». Par ailleurs, rappelons le caractère capitalistique d'HELIDAX (par DCI et son lien particulier envers l'Etat français et le ministère des Armées), la culture d'emploi et l'excellent relationnel entre les partenaires, ainsi que la possibilité contractuelle pour l'Etat d'exercer une contrainte financière sur son prestataire dont l'existence est rendue possible par le PPP, et qui s'avère donc « particulièrement sensible » à l'impact financier d'une contrainte étatique. HELIDAX, en devenant un « brand », est devenue une référence comme en atteste un des intervenants : « Aujourd'hui, on est même une vitrine, ce sont les gens qui viennent nous voir, que ce soit au niveau étatique français, voire étatique étranger. Bah oui, on reste un modèle ici, de bon fonctionnement. Ensuite, FOMEDEC aujourd'hui a forcément pris des renseignements sur notre fonctionnement parce que c'est Babcock. Donc oui, Babcock a à la disposition quand même un modèle qui fonctionne » (Responsable contrats HELIDAX).
96 Cas HELIDAX (BE 2è RHC – FENNEC)
Le cas de la maintenance des FENNEC de la base-école 2è RHC est représentatif de la période actuelle, empreinte d'une tendance vers une verticalisation des contrats et son corollaire « le plus extrême », l'externalisation. débutons avec la genèse de ce cas. Génèse du contrat
Dans son discours de voeux aux armées du 21 janvier 2019, Mme Florence Parly exprime une nouvelle fois la préséance du MCO aéronautique avec la création de la DMAé et la nécessité de « verticaliser les contrats » en adoptant un type de MCO aéronautique « newlook » permettant, au moins dans un premier temps, de réduire conséquemment les coûts de maintenance aéronautique81. L'externalisation de la maintenance des hélicoptères AS355N FENNEC de l'EALAT s'inscrit dans ce cadre. A l'issue d'une procédure passée et regroupant divers offreurs concurrents, c'est la société HELIDAX qui remporte le marché. Ce contrat démontre la maturité acquise par HELIDAX et une solide expérience réciproque (entre HELIDAX et l'Etat) permettant la réalisation de contrats de manière beaucoup plus aisée. Nous pouvons par exemple lire dans la presse de l'époque : « Pour la direction de l'entreprise, qui a fêté ses 10 ans le 13 décembre dernier et dont Jean-Jacques Chesneau, directeur général adjoint, est le patron opérationnel, ce contrat remporté sur un appel d'offres auquel participaient de nombreux concurrents chevronnés du secteur aéronautique est un succès historique. Un événement qui démontre que la PME landaise a désormais atteint un seuil de maturité qui lui a permis de relever un ambitieux défi technique et commercial »82. Ainsi, en dépit d'un respect strict des procédures afférentes aux marchés publics, l'expérience acquise semble avoir permis le choix d'HELIDAX, ladite société ayant été en mesure de produire l'offre la plus adaptée aux besoins de son client. L'avis n°1877860 fait état d'une flotte, en 2017, de 18 aéronefs pour un besoin de 3 000 à 3 500 heures vol ; la durée prévue du contrat est fixée à 10 ans. Par ailleurs, ce contrat (2018 92 0035) qui a été notifié le 21 janvier 2019, porte sur la maintenance du type d'aéronef, ne concerne 81 Parly, F. (2019) Voeux aux Armées, le 21 janvier 2019, Paris. elicopters SHE). La mesure de la performance du prestataire et du contrat se fait au moyen de trois grands indicateurs : (1) le nombre d'appareils alignés chaque jour, (2) le nombre de sorties et (3) l'activité aérienne annuelle. Outre l'aspect de la disponibilité des aéronefs, ce contrat obéit à une forte logique de verticalisation du soutien. En effet, le modèle de soutien préalable était représenté par une dizaine de marchés « transverses » (marchés non spécifiques à la flotte de la BE 2è RHC) au sein desquels l'évaluation des performances était liée à des tâches « isolées », comme des prestations logistiques (en termes de satisfaction en pièces de rechange) ou de maintenance avec la réalisation de visites de maintenance, ou encore la réparation d'éléments d'aéronef. Au sein de cet ensemble de contrats, la maîtrise d'ouvrage était alors assurée par l'Etat, qui en supportait les coûts de transaction, cette structure contractuelle entraînant de nombreux coûts de coordination pour des résultats décrits comme « fragiles ». Ce contrat d'externalisation de la maintenance FENNEC de la BE 2èRHC est fréquemment représenté comme un des exemples les plus parlants la politique de verticalisation du ministère des Armées, portée par la création et la mise en place de la DMAé, et donnant ainsi un élan d'implantation rapide pour ce contrat, dimension étudiée dans la sous-partie suivante. Une volonté d'implantation rapide
Lors des enquêtes réalisées sur le terrain, il a été constaté que ce projet semble avoir été réalisé sur de très courts délais, correspondant à la volonté d'évolution et de verticalisation des contrats imprimés par un élan ministériel. La physionomie du contrat FENNEC est par ailleurs très différente du contrat EC120. En effet, ce contrat induit un défi supplémentaire pour HELIDAX, en cela que l'entreprise prestataire doit assurer la maintenance d'un aéronef « ancien » dont l'Etat reste propriétaire. Un intervenant militaire parle d'HELIDAX comme d'une « vitrine » pour les forces, ayant placé le projet FENNEC « dans l'air du temps ». Néanmoins, la vitrine existante (HELIDAX – BE 6è RHC) ne peut s'appliquer à tous les parcs. Lors de l'entretien avec le responsable du contrat du côté du prestataire, ce dernier expose les différentes motivations à l'origine de ce contrat : la recherche d'une meilleure disponibilité technique, une baisse des coûts de maintenance (notamment du fait d'une optimisation logistique du côté du prestataire), le tout permettant une meilleure formation des pilotes et de concentrer la ressource humaine militaire sur l'opérationnel au sein des unités projetées. Selon ce même intervenant, le projet 98 FENNEC s'inscrit dans « une continuité » de ce qui s'est fait avec HELIDAX sur le site de la BE 6è RHC, dont la structure et l'action montrent une grande maturité. Selon un intervenant militaire, d'autres facteurs sont à ajouter : la transformation de la SIMMAD en DMAé et l'inscription de la maintenance de l'ALAT dans une dynamique de verticalisation des contrats du fait d'une grande énergie politique. La rentabilité de cette externalisation est soulevée par l'ensemble des intervenants et est rapportée le cabinet de la ministre elle-même : « Ce premier contrat est le fruit de travaux et de négociations intenses conduits par la DMAé au profit des Armées. Il permet d'abaisser substantiellement le coût à l'heure de vol, de près de 3 500 euros à 1 800 euros, attestant par là même du bien-fondé de la nouvelle stratégie du MCO aéronautique voulue par la ministre des Armées »83. A iso-performance (du fait du transfert de responsabilité de la DTO sur HELIDAX), la rentabilité de l'externalisation semble être le point central, parallèlement à la réallocation de ressources humaines militaires. L'objectif de mise en place de contrat se traduit par une autonomie complète d'HELIDAX, prévue pour le 30 octobre 2019. Dans le cas du prestataire, la contrainte la plus exprimée est celle des délais de mise en place du « rendez-vous » donné par le partenaire étatique. Le prestataire interrogé évoque ce calendrier comme très soutenu, tout en précisant qu'HELIDAX « sera au rendez-vous ». Cette notion est emblématique de cette externalisation, dont l'efficience de mise en place est fortement portée par une dynamique politique et dont l'innovation (externalisation de la maintenance d'une flotte dont l'Etat reste propriétaire) induit un « oeil critique » de la part du client étatique. Ainsi, un responsable côté Etat exprime l'idée que « nous (le partenaire étatique) irons au résultat ». Côté HELIDAX, une grande sérénité semble accompagner cette mise en place soutenue : l'expérience menée à Dax permet au prestataire d'avoir une assise technique et une expérience de ce type de projets, malgré de nombreuses inconnues inhérentes aux différences du contrat FENNEC avec le CPE de DAX. De plus, les deux parties évoquent une incertitude quant au résultat du transfert de responsabilité et de la prise d'expérience d'HELIDAX sur FENNEC « qui devra être rapide » (BE 2è RHC), cet aéronef disposant d'une maintenance complexe et d'un savoir-faire très particulier côté étatique. Du côté de l'Etat, la thématique est plus dans « l'acceptation sociale » du projet (cette notion reprenant les « coûts sociaux » de Coase) : l'acceptation sociale du prestataire et la réallocation de personnel sont parmi les défis les plus importants de cette mise en place ; une mise en place réussie comportera donc nécessairement une phase de transition RH (réallocation des effectifs efficiente et n'entraînant aucun conflit social) et une phase d'acceptation du prestataire. Pour celle-ci, 'expérience d'HELIDAX à la BE 6è RHC semble également être un facteur facilitant, notamment grâce à la grande imbrication organisationnelle entre les échelons centraux et de soutien (situés à Dax) et la partie « production » située au Cannet (figure 45), montrant ainsi une fongibilité des expériences. Figure 45 - Structure organisationnelle d'HELIDAX (BE 2è RHC) (Source : DMAé)
Mise en oeuvre et risques du contrat
Les dispositions d'emploi de la ressource humaine par HELIDAX intègrent une utilisation extrêmement souple des techniciens avec une équipe permanente dans le nord-est de la France (pour les vols de substitution). La répartition des équipes de maintenance se fait par bordées, avec un ajustement en fonction de l'heure de la tombée de la nuit aéronautique et, donc, de la saison. L'utilisation d'une bordée de nuit permet, dans le cas où des vols de nuit ne sont pas réalisés, d'observer une permanence de la maintenance et une diminution des délais de prise en main, associée à un pilotage des besoins logistiques bien plus fin : ces éléments sont décrits succinctement dans la figure 46. Le prestataire nous expose un niveau de compétences homogène entre piste et atelier, permettant ainsi d'éviter une rupture de compétences.
Figure 46 - Le travail par bordées selon les saisons (Source : DMAé/ BE 2ème RHC)
Hiver : Eté : Concernant une éventuelle réversibilité / transférabilité du contrat, une tranche optionnelle (TOpt) d'une durée d'un an existe afin de permettre à l'Etat de reprendre le soutien et la maintenance de cette flotte. Comme le précise le contrat et ses documents associés, cette tranche optionnelle est activée « à la discrétion de l'Etat ». Le manuel de la DMAé relatif à la mise en oeuvre de ce contrat prévoit deux périodes bien distinctes : la première de 7 à 8 mois, relative à la mise en place du prestataire, et la seconde, de 9 ans, afférente à l'exécution du contrat. Ces deux périodes (et le détail de la période de transition) sont décrites dans la figure 47. Figure 47 - Mise en place de l'externalisation sur la BE 2è RHC (Source : DMAé)
La mise en place d'HELIDAX sur le site de la BE 2è RHC se décompose en trois temps : (1) la montée en puissance (du 5 au 20 mai 2019), (2) la phase de consolidation (du 21 mai au 1er septembre 2019) et (3) la phase d'autonomisation (du 02 septembre au 30 octobre 2019). Ce déroulement est décrit en figure 48.
102 Figure 48 - Détail du déroulement de la période de transition (Source : BE 2è RHC)
Chaque « poste » correspond à un poste budgétaire bien distinct et six grands groupes de postes existent : (1) les postes afférents à la mise en place (période transitoire, coûts de transition), (2) les postes afférents à l'exploitation du contrat, (3) les postes afférents à des provisions, (4) à des prestations sur bon de commande et (5) les postes relatifs à la transférabilité ou (6) à la réversibilité du contrat. Ceux-ci sont exhaustifs et prévoient une transférabilité du contrat comme décrit dans la figure 49.
Figure 49 - Intitulé des postes de dépense (Source : DMAé)
Poste Poste 1 Poste
2.1 Intitulé Explications
Installation des moyens de soutien et des ateliers du Titulaire sur la BEGL, mise en place de sa capacité à soutenir les aéronefs. A la présentation aux opérations de vérification du Mise en place - Travaux d'installation poste, le Titulaire doit être en mesure de délivrer de la capacité de soutien l'engagement de performance nominal en « pleine capacité ». Cette date marque la fin de la Période Transitoire. Soutien "Période Transitoire"
Ce poste concerne l'activité aérienne générée par le Titulaire pendant la Période Transitoire. Il s'agit d'un poste « à l'heure de vol », avec une partie fixe et une partie variable à l'heure de vol.
Postes 2.2 à 2.10 Soutien "Période d'Exploitation" (par an)
Postes annuels correspondant au soutien annuel en régime établi à pleine capacité. On parle de Période d'Exploitation. Ce sont des postes « à l'heure de vol », avec une partie fixe et une partie variable à l'heure de vol.
Poste 100 Provision pour aléas. Poste provision 103 Poste 200 Poste à bon de commande sur Poste permettant de réaliser des commandes sur catalogue. catalogue Poste 300 Fourniture des éléments permettant Prestations correspondant à la fourniture des informations une remise en concurrence des techniques et logistiques nécessaires à la remise en compétition du marché. prestations (Transférabilité) Poste 1000 Fourniture des éléments permettant Prestations correspondant cette fois à l'ensemble des une reprise étatique de soutien prestations et fournitures, permettant à l'Etat de reprendre en
(Réversibilité
)
interne étatique le soutien de la flotte. L'externalisation de la maintenance
FENNEC au sein de la base école général Legeay inclut donc des dispositions relatives à la transférabilité du marché (remise en concurrence de la prestation) ou à sa réversibilité (« insourcing » de la prestation). Ces éléments apparaissent comme une garantie supplémentaire dans le risque de perte en connaissances et en compétences lié à cette externalisation. Néanmoins, la suppression des ressources propres, liée à l'arrêt des formations sur FENNEC et au départ de certains membres du personnel militaire vers le prestataire, risque d'accentuer la perte de compétences et l'irréversibilité du contrat à court et moyen termes. Ce point, évoqué lors des entretiens avec le personnel militaire encadrant ce contrat et avec le prestataire HELIDAX, semble communément admis : le seul « recours » réside dans une prise de connaissance rapide d'HELIDAX et à des départs « concertés » pour le personnel militaire entre la BE 2è RHC et HELIDAX. Comme expliqué par les deux intervenants militaires sur le site de la BEGN, le reclassement de personnel est caractérisé par le fait qu'il induit diverses dispositions et sensibilités inscrites au sein d'un plan d'action, avec des perspectives à la fois organisationnelles et sociales. A ce risque s'ajoute celui de la défaillance du prestataire. En effet, un responsable en maintenance côté Etat nous explique que, si HELIDAX dispose d'une solide expérience sur H120 (un aéronef aisé à maintenir en condition et récent), le FENNEC est une machine complexe, dont la maintenance demande une expérience de haut niveau et comporte de nombreux risques exogènes. D'un point de vue organisationnel, la mise en place d'HELIDAX sur le site du Luc en Provence conduit ainsi au fusionnement de la 1ère escadrille de maintenance hélicoptères (EMH1) et de la 2 escadrille de maintenance hélicoptères (EMH2), mutualisant ainsi la maintenance du SA330 PUMA et de la SA342 GAZELLE. Le plan d'action étudié montre également que cette externalisation concerne aussi le personnel étatique dévolu à l'environnement et à la logistique du parc FENNEC. Cette dimension montre ainsi le caractère social de cette externalisation, qui ne concerne pas les seuls techniciens : d'autres 104 unités telles le Bureau Maintenance-Logistique ou l'Escadrille d'Approvisionnements sont concernées, de même que le personnel d'environnement de l'EMH2. D'un point de vue plus général concernant l'emploi de ressources humaines et le reclassement du personnel technique de l'EMH2, deux perspectives (externe et interne) existent.
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Faut-il évaluer les programmes des candidats à l’élection présidentielle ? : Introduction. Le rôle des économistes (et de l’OFCE) dans le débat politique. Revue de l'OFCE, 2022, D’un quinquennat à l’autre : une contribution au débat, Hors-série, pp.5-10. ⟨hal-03697377⟩
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Faut-il évaluer les programmes des candidats élection
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Introduction Faut-il évaluer les programmes des candidats à l’élection présidentielle? Le rôle des économistes (et de l’OFCE) dans le débat politique
Xavier Ragot Président de l’OFCE
Les élections présidentielles sont toujours un moment d’accélération du débat économique en France. C’est le moment des diagnostics, des bilans et de tous les projets. Des institutions comme l’OFCE se posent de manière régulière la question de l’évaluation de la politique économique mais aussi celle des programmes économiques des candidats. À la différence de l’élection de 2017, l’OFCE a choisi en 2022 de ne pas évaluer les programmes mais d'apporter des éclairages sur des questions importantes pour le débat de politique économique comme la question environnementale, les inégalités ou encore les enjeux européens, l’état du tissu productif, entre autres. Pour comprendre cette décision de fournir des contributions thématiques spécifiques au débat plutôt que d’évaluer des programmes, il faut mettre en perspective la question de l’évaluation des programmes. Avant de parler de la situation française, décentrons le débat pour regarder ce qui se fait dans les autres pays. Le pays dans lequel l’évaluation économique des programmes des candidats est la plus développée est les Pays-Bas. Le CPB (Centraal Plan Bureau), qui est un organisme indépendant pour l’analyse économique, évalue le programme des candidats depuis 1986 de manière systématique. Dans ce pays, le CPB joue un rôle singulier. Le CPB a été créé en 1945 et son premier directeur était Jan Tinbergen. Ce dernier est l’un des principaux fondateurs des modèles macroéconomiques de prévision et d’évaluation. Cet économiste avait une vision très claire de la répartition des rôles entre économie et politique : aux hommes et femmes politiques d’affirmer les préférences sociales et aux économistes de contribuer aux moyens les plus efficaces de les atteindre. Cette expérience d’évaluation systématique a permis aux économistes néerlandais Revue de l’OFCE, Hors-série (2022) 6 Xavier Ragot d’affiner leur vision des avantages et inconvénients de l’évaluation des programmes économiques des candidats et d’avoir une approche nuancée de leur contribution1.
Heurs et malheurs de l’évaluation économique
Commençons par les avantages d’une évaluation des programmes en résumant les leçons hollandaises. Tout d’abord, et bien entendu, l’évaluation économique ne consiste pas à donner un critère unique (que ce soit chômage, croissance, inégalités, écologie) ni à déterminer le meilleur programme. Elle consiste à faire une évaluation « multicritères » et proposer des évaluations sur chacun ’eux, avec une méthode commune pour les différents programmes. De ce fait, le gain premier de l’évaluation des programmes est de révéler les priorités contenues dans chaque programme qui peuvent parfois différer des discours politiques. Un parti peut préférer la réduction de la dette (et possiblement des moyens budgétaires à long terme) à la croissance de court terme, d’autres la réduction des émissions de CO2 à l’équilibre des comptes sociaux, etc. Dans les deux cas il s’agit d’un rapport différent au temps et aux risques. L’évaluation comparative permet donc de révéler des préférences sociales entre lesquelles les électeurs peuvent choisir suivant leur propre préférence politique. Quelle différence d’une évaluation de think tanks qui identifient le meilleur programme et donc le meilleur candidat! Cet autre exercice est bien sûr utile pour le débat politique, mais il est différent. Le think tank affirme et défend des préférences sociales. Son rôle n’est pas tant d’évaluer que de plaider une cause ou une vision du monde. L’OFCE est un centre de recherche. Son rôle est d’éclairer le débat public autour des questions économiques que l’on juge importantes. Le deuxième intérêt de l’évaluation des programmes, selon le CPB, est d’éclairer le lecteur sur l’évolution de la situation économique si un programme est mis en œuvre. Il s’agit donc de contribuer à la prévision : quelle serait la dynamique du chômage, de l’inflation, des inégalités, etc. Dans une période de forte incertitude (sanitaire au premier chef), identifier les futurs possibles est une contribution utile tant les discours catastrophistes peuvent inquiéter (et assurer une forte visibilité politique).
1. Pour une présentation détaillée de l’environnent institutionnel aux Pays-Bas, et de la méthode du CPB pour évaluer les programmes, voir Graafland et Ross (2003). Faut-il évaluer les programmes des
candidats à l’élection présidentielle
? Le troisième intérêt de l’évaluation économique peut sembler anecdotique mais il s’avère important. L’évaluation des programmes ne consiste pas seulement à faire de l’analyse économique sur les documents publics. Il consiste à aller voir les équipes de campagne pour préciser les mesures, les dispositifs et les causalités supposées. Ce travail d’évaluation, dont le premier est l’évaluation des effets au premier ordre sur le budget public, permet aux candidats de préciser les dispositifs et les implications des propositions. Le travail d’évaluation fournit ainsi un service aux équipes de campagne en leur permettant d’interagir avec des équipes d’économistes. Il n’a pas échappé aux lecteurs que le degré de précision des programmes est hétérogène. Une faible précision peut être un choix politique assumé mais aussi, parfois, le résultat d’équipes de campagne peu spécialisées sur certains sujets économiques. Face à de tels arguments, il pourrait sembler que l’évaluation des programmes par un centre de recherche en économie comme l’OFCE est d’une utilité évidente pour le débat public. En fait, il n’en est rien pour ces élections de 2022 : les inconvénients de l’évaluation sont les miroirs des avantages discutés plus haut. L’évaluation des programmes et des mesures peut donner l’illusion de la certitude alors que ces évaluations ex ante sont fondées sur des modèles pas toujours adaptés aux mesures évaluées. Les résultats de l’évaluation de chaque mesure sont donc empreints d’incertitudes qui se cumulent dans l’évaluation des programmes. Cela n’est pas un argument pour ne pas évaluer des programmes, mais il faut reconnaître qu’une grande pédagogie est nécessaire dans la présentation des limites des résultats. Ensuite, les déclarations des partis, candidats ou candidates ne sont pas toujours évaluables car trop floues. Ces derniers jouent avec ce flou pour affirmer des valeurs sans s’engager sur des montants ou des réformes. Prenons par exemple le débat actuel sur la hausse des salaires nécessaire après la crise Covid. Différentes mesures sont possibles qu’il faut alors financer. Les économies peuvent être chiffrées, mais l’effet économique dépend d’un ensemble précis de contreparties financières qui peuvent permettre d’apprécier l’effet sur le chômage, la croissance et les inégalités. Enfin, la difficulté d’évaluer les programmes peut pénaliser les programmes qui se prêtent à l’exercice face à des programmes inévaluables! Ces inconvénients avaient été identifiés par l’OFCE lors de l’élection de 2007 (voir Fitoussi et Timbeau, 2017 et la description des débats par Lemoine, 2007).
Le dispositif de l’OFCE en 2017
Les évaluations peuvent être utiles lorsque les programmes sont évaluables et lorsque les précautions de présentation sont utilisées. De ce fait, l’OFCE en 2017 s’est livré à un exercice d’évaluation plutôt qualitative des programmes. Le résultat public est un tableau multicritères qualitatif (OFCE, 2017). Ce travail prospectif avait été rendu possible par une situation singulière de la campagne de 2017, qui a été l’organisation des primaires pour les candidats de droite et du parti socialiste. Ensuite, le candidat de la France Insoumise avait fourni des éléments économiques quantitatifs alors que la candidate du Front National proposait la sortie de la zone euro, qui est une politique économique inévaluable mais dont on peut discuter les implications économiques (Blot et al., 2017). Le rôle du débat économique était important en 2017 : le président François Hollande avait transformé un moment économique en symbole politique, « l’inversion de la courbe du chômage », le débat européen était vif autour du thème de « l’austérité ». L’OFCE a donc fourni en 2017 un tableau qualitatif comparatif de différents programmes. L’intérêt de l’exercice était le choix des critères d’évaluation : ils doivent être assez nombreux pour permettre l’analyse fine au sein d’un espace politique complexe mais limités pour que les comparaisons soient compréhensibles. Nous avions choisi quatre thèmes : finances publiques, ménages, entreprises et environnement, avec dix sous-thèmes. La situation en 2022
La situation en 2022 est bien différente. Premièrement, sur le plan économique les séquelles économiques de la crise Covid sont encore en cours d’évaluation. Quelle sera la dynamique du chômage après la fin des mesures de soutien de l’économie? Comment la croissance sera-t-elle affectée à moyen terme par le recours accru au télétravail? Ces discussions ont lieu dans un environnement sanitaire encore incertain et conditionneront l’orientation des mesures de politique économique. Par ailleurs, la guerre en Ukraine (Ragot, 2022), outre ses conséquences tragiques pour la population qui en est victime, soulève de nombreuses interrogations sur l’évolution de l’économie mondiale et, plus particulièrement, sur celle du prix de l’énergie et des matières premières avec l’émergence d’une inflation d’une ampleur inédite depuis les années 1980. Deuxièmement, la gestion de la crise de la Covid a été bien différente en France, en Europe et dans le monde de la gestion de la crise des subprime de 2010 à 2011. Les États ont pris à leur charge, sous la forme d’une dette publique accrue, une grande partie des pertes de revenus des agents. Cela Faut-il évaluer les programmes des candidats à l’élection présidentielle? permet une reprise forte de l’activité après crise, avec un État certes plus endetté. Cette gestion est presque consensuelle parmi les économistes et les acteurs politiques. Il n’y a pas, du moins à ce stade, de contestation politique de la gestion économique de la crise Covid. Les débats des grandes options de politique économique sont bien moindres qu’en 2017. Troisièmement, des positions économiques radicales, comme la sortie de la France de la zone euro, ne sont plus proposées par des partis susceptibles d’aller au second tour des élections. Quant aux autres formations politiques portant un projet de type Frexit, elles ont un poids marginal dans le débat politique français. Cette inflexion du débat économique sur l’Europe est le signe d’un changement d’appréciation de la politique européenne. Cette dernière serait devenue moins clivante. La mise en place dans la crise d’un plan de relance européen ambitieux, d’une capacité d’endettement commune, de projets d’une fiscalité carbone aux frontières de l’Union européenne pour éviter le dumping environnemental, tous ces éléments récents font que la critique de l’Union européenne (sur le plan économique) porte moins. Par rapport à 2017, le débat en 2022 est donc apparu comme moins porteur de rupture économique radicale, même si les grandes questions économiques et sociales sont restées au cœur du débat, comme celle sur le pouvoir d’achat, au fond assez traditionnelle. Les élections présidentielles doivent être le moment d’identifier les enjeux importants du débat de politique économique des prochaines années, voire de la prochaine décennie, en laissant la place au diagnostic, aux options pertinentes, à la discussion de différentes mesures possibles. De ce fait, l’OFCE a choisi de contribuer en proposant des analyses sur une série de thèmes, à la fois importants pour le débat économique et au sein de l’observatoire : l’évolution du pouvoir d’achat des ménages, les performances du marché du travail, la réforme du système de retraite, les conséquences macroéconomiques induites par le retour de l’inflation, la résilience du tissu productif, le rôle de l’Europe, l’évolution de la dette et le besoin de soutenir une croissance à long terme respectueuse de l’environnement. Ces études ont été publiées entre septembre 2021 et mars 2022 dans une série de Policy briefs spécifiquement dédiés aux élections2. Ce numéro Horssérie de la Revue de l’OFCE intitulé « D’un quinquennat à l’autre : une contribution au débat » réunit l’ensemble de ces travaux. 2. Voir sur le site de l’OFCE : https://www.ofce.sciences-po.fr/ofce2022/
Xavier Ragot
Le débat économique est une composante à la fois partielle et essentielle dans le débat politique. En ce début de quinquennat qui va s’appuyer sur une nouvelle majorité élue au parlement, il faut espérer que ce recueil de travaux de l’OFCE puisse permettre d’éviter les faux débats économiques pour se concentrer sur les vrais enjeux politiques.
Références Blot Christophe, Jérôme Creel, Bruno Ducoudré, Paul Hubert, Xavier Ragot, Raul Sampognaro, Francesco Saraceno, et Xavier Timbeau, 2017, « Sortir de l’euro », Blog OFCE, 23 avril. Fitoussi Jean-Paul et Timbeau Xavier, 2007, « Pourquoi nous ne chiffrerons pas les programmes présidentiels : manifeste contre une déontologie en rase campagne », Blog OFCE, 23 février. Graafland Johan J., Ros Arie P. (Eds.), 2003, « Economic Assessment of Election Programmes: Does it make sense? », Boston, Kluwer Academic Publishers. Lemoine Benjamin, 2008, « Chiffrer les programmes politiques lors de la campagne présidentielle 2007 : Heurs et malheurs d’un instrument », Revue française de science politique, Vol. 58, n° 3, juin, pp. 403-431. OFCE, 2017, « Quelles propositions économiques des candidats à l’élection présidentielle? », OFCE Policy brief, n° 16, M. Plane et X. Ragot, coordinateurs, 25 pages. Ragot Xavier , « Guerre en Ukraine : quels effets à court terme sur l’économie française? », Blog OFCE, 12 mars 2022.
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La guerre cognitive au prisme de la boucle OODA
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La guerre cognitive au prisme de la boucle OODA
Cognitive warfare through the lens of the OODA loop
Nicolas Moinet1
1
Université de Poitiers, CEREGE (UR 13564), Poitiers & EGE (CR451), Paris, France – [email protected]
RÉSUMÉ. Alors que la guerre de l’information va consister à modifier une action de manière limitée, la guerre cognitive
va tenter de modeler la cible pour contrôler ses intentions en lui fournissant des grilles de lecture adéquates. La
génétique, l’expérience et la culture mise en exergue dans la phase d’orientation de la boucle OODA sont dès lors autant
de terrains où il va s’agir d’encercler cognitivement l’adversaire de manière profonde et durable.
ABSTRACT. Whereas information warfare consists in modifying an action in a limited way, cognitive warfare attempts to
shape the target in order to control its intentions, by providing it with adequate reading grids. The genetics, experience
and culture highlighted in the orientation phase of the OODA loop are all areas in which the aim is to encircle the
adversary cognitively in a deep and lasting way.
MOTS-CLÉS. Guerre cognitive, Boucle OODA, Image mentale, Agilité, paralysie.
KEYWORDS. Cognitive warfare, OODA loop, Mental image, Agility, Paralysis.
Introduction
La guerre est un choc des volontés visant à annihiler les capacités de l’adversaire mais également, et
avant tout, ses intentions. D’où l’idée de pouvoir « gagner la guerre avant la guerre » en désarmant
cognitivement la partie adverse. D’où l’importance de modeler les perceptions de l’ennemi pour
paralyser ou du moins ralentir et fragiliser son processus de décision stratégique. D’où la nécessité
d’un cadre de référence pour comprendre les processus de guerre cognitive [HAR 02] qui vont pouvoir
s’exercer sur le camp adverse ou dont son propre camp peut également être victime. Tel est, selon
nous, l’intérêt de la boucle OODA théorisée par le militaire américain John Boyd [BOY 76].
1. Observation – Orientation – Décision – Action
La boucle OODA est un cadre de référence inventé par un pilote de chasse américain, John Boyd
(1927-1997), qui, après la guerre de Corée, modélise la capacité de gagner des combats par l’itération
rapide de quatre processus : l’Observation, l’Orientation, la Décision et l’Action. Dans un combat
aérien, la formalisation et la maîtrise de cette boucle consiste à obtenir un avantage relatif en
raccourcissant sa boucle et en augmentant celle de l’adversaire. En d’autres termes, l’idée est ici
d’identifier les bonnes décisions permettant la mise en déroute de l’adversaire associées aux initiatives
permettant de paralyser ou écarter les attaques adverses. Loin d’être restée confinée à la stratégie
aérienne dont elle est issue, la boucle OODA a ensuite été adaptée et diffusée dans la culture
stratégique d’entreprises américaines et notamment dans les enseignements de Competitive Intelligence
[UND 13]. Mais de quoi s’agit-il exactement ?
John Boyd va faire évoluer son concept tactique de la manœuvre aérienne en une théorie plus
générale dans laquelle il présente une forme d’agilité mentale à travers la dialectique de la
déstructuration et de la création [FAD 98]. Un processus qui, pour une situation donnée, prend en
compte de nombreuses hypothèses et points de vue, les décompose (analyse), qui recherche parmi les
éléments ainsi séparés ceux qui naturellement se trouvent connectés selon un ordre de degré supérieur
à l’ordre précèdent, c’est-à-dire, un niveau de synthèse plus élevé dans la connaissance de la situation
initiale.
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Figure 1. La boucle OODA selon J.Boyd [FAD 98]
2. La phase d’Orientation, clé de voute de l’agilité… ou de la paralysie
Dans un monde conflictuel, complexe et en permanente évolution, la capacité d’orientation, qui allie
rapidité et efficacité, est essentielle. Il va s’agir de développer rapidement et précisément des images
mentales nous aidant à comprendre la situation et à se préparer à un large éventail d’événements
menaçants. Nous sommes alors en face d’un double processus de déstructuration (analyse) et de
création (synthèse). Ce ne sont donc pas les informations qui sont essentielles mais bien plutôt les
images mentales qui sont façonnées par notre expérience personnelle, notre héritage génétique et les
traditions culturelles. Ces images influencent alors nos décisions, nos actions et nos observations. Un
schéma valable tant au niveau individuel que collectif. C’est pourquoi Boyd prétend que l’orientation
est la partie la plus importante de la boucle OODA. Si la paralysie stratégique peut trouver son origine
dans une action adverse (dans le monde des affaires par le débauchage de personnes clés, l’attaque en
justice, ou une déstabilisation médiatique…) elle peut naître également d’une décision déconnectée de
toute vision stratégique du problème. Dès lors, la quatrième phase de la boucle, est perturbée (Action) :
désorientée (Orientation), aveuglée (Observation), confuse (Décision). Toute la question est donc de
mettre en œuvre un dispositif intelligent susceptible de réduire la cécité (Observation), d’offrir des
repères (Orientation) pour la prise de Décision et de favoriser la concentration des efforts (Action).
Mais s’il manque d’intelligence stratégique, ce même dispositif peut réduire le champ de vision
(Observation), stériliser l’initiative (Décision) par l’effet de la dissonance cognitive (Orientation) et
réduire d’autant la liberté d'action (A) et donc l’efficacité du système.
Pour John Boyd, être capable de maîtriser le cycle OODA chez soi tout en attaquant le même cycle
chez l’adversaire permet d’atteindre la victoire. Par exemple, si on réussit à pénétrer la boucle OODA
de l’adversaire à travers la précision des frappes sur ses centres de communication (observation) et sur
ses centres de commandements (orientation et décision) on neutralise sa capacité d’action, on obtient
sa paralysie. Par contre, l’analyse stratégique de sa propre boucle OODA en termes de temps et
d’espace conduit à chercher à gagner du temps, ce qui permet une plus grande liberté d’action et une
plus large marge de manœuvre, autrement dit une plus grande agilité.
Pour Boyd, le succès dans un conflit s’obtient donc en se glissant à l’intérieur de la boucle OODA
adverse. Deux moyens complémentaires doivent alors être réunis par le stratège :
– Minimiser les frictions à l’intérieur de son propre camp par l’initiative et l’harmonie de la
réponse ;
– Maximiser la friction chez son adversaire grâce à l’emploi de réponses diversifiées et rapides.
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Figure 2. Relativité des boucles OODA
3. La guerre cognitive et la phase d’orientation
La guerre cognitive va travailler sur la phase d’orientation puisque la boucle OODA montre que ce
n’est pas l’information qui entraîne mécaniquement telle ou telle décision mais bien plutôt la
construction d’une image mentale, dans le cadre d’un double processus déjà mentionné.
Figure 3. Phase d’orientation de la boucle OODA
S’il n’existe d’information que pour ceux qui en ont usage, besoin, envie, il n’y a de connaissance
que pour ceux qui savent l’utiliser, ceux qui sont capables de lui donner un sens en fonction d’un
projet. Cela fait apparaître deux niveaux caractéristiques distincts, qui nous font dissocier la phonétique
du mot en deux écritures [MAS 21] :
– Co-naissance : niveau relationnel et contextuel qui fait référence au passé et au présent ;
– Connaît-sens : niveau dynamique qui fait référence au futur, au projet.
La « Co-naissance » est une dimension collective. Il s’agit bien de transformation des expériences
individuelles (les compétences), de leur multiplication et non seulement de leur addition. Cette
transformation exige une dynamique d’apprentissage de la part de ceux qui y participent.
Le « Connaît-sens » est une dimension finalisée, celle du projet. Comme le sens est rarement
accessible immédiatement, la compréhension n’est pas instantanée. Cela implique une dimension
méthodologique et collaborative pour organiser le connaît-sens, le structurer, le partager, l’utiliser.
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Le savoir-utiliser est un renseignement : un enseignement « sur » un objectif, « pour » une action. Il
n’y a pas de vent favorable pour qui ne sait pas où il veut aller, disait Sénèque. L’utilisation est
fonction du projet, donc le sens est inhérent à celui-ci.
De ce point de vue, l’encerclement cognitif [HAR 20] mis en œuvre par les GAMAM (Google,
Apple, Meta, Amazon, Microsoft (ex GAFAM)) tant pour le contenant que pour le contenu est un
modèle du genre. La technologie modèle l’expérience, oriente la pensée et donc les actes. Elle est un
élément central d’une guerre cognitive globale que seuls les Etats-Unis sont en capacité de mener
depuis la fin de la seconde guerre mondiale : prééminence de l’usage de l’anglais fruit d’une politique
offensive, accréditations internationales pour la formation des élites académiques, fondations et
programmes visant à repérer et formater les futurs dirigeants politiques et économiques, programmes
d’ « Entertainment » permettant de véhiculer les valeurs de la société de consommation américaine ou
l’invincibilité de leur armée, ouvrages de prospective largement diffusés sur la vision du monde dans
les décennies à venir [MOI 22].
Pour illustrer le couple agilité/paralysie prenons l’exemple de l’extraterritorialité du droit américain.
Alors que le FCPA (Foreign Corrupt Pratices Act) date du milieu des années 1970, il faut attendre le
début des années 2000 pour que cette loi fédérale pour la lutte anti-corruption s’applique de manière
extraterritoriale à des entreprises européennes. Entre-temps a en effet été signée en 1997 une
convention au sein de l’OCDE qui lie les pays de ces entreprises et légitime la répression à venir du
Département de la Justice Américain (DOJ). Mais le terrain avait été préparé cognitivement grâce à
l’action d’une fondation d’origine allemande : Transparency International. Celle-ci propose en
particulier un classement des États en fonction d’un indice de perception de la corruption. La
fondation, créée à Berlin en 1993, va préparer le terrain de l’extraterritorialité du droit américain en
embarquant cognitivement les principales puissances économiques sur un chemin qu’elles pouvaient
difficilement rejeter. La signature de la convention OCDE ne sera alors qu’une simple formalité.
Conclusion
Alors que la guerre de l’information consister à modifier une action de manière limitée, la guerre
cognitive va tenter de modeler la cible pour contrôler ses intentions en lui fournissant des grilles de
lecture adéquates. La génétique, l’expérience et la culture mise en exergue dans la phase d’orientation
de la boucle OODA sont dès lors autant de terrains où il va s’agir d’encercler cognitivement
l’adversaire de manière profonde et durable. Le Storry Telling comme mode de domination n’est certes
pas nouveau mais son insertion dans une guerre devenue globale et permanente avec des niveaux
d’intensité très larges est inédite. Et la guerre cognitive apparait bien comme la clé de voute des
dispositifs qui s’affrontent.
Présentation de l’auteur
Nicolas Moinet est spécialiste des sciences de l’information et de la communication, professeur des
universités – Université de Poitiers – Institut d’Administration des Entreprises – Potiers, chercheur de
l’unité de recherche universitaire « Centre de Recherche en Gestion » (CEREGE - UR-13564),
chercheur associé au centre de recherche CR451 de l’École de Guerre Économique (EGE) – Paris.
Les propos tenus dans cet article et les thèses qui y sont soutenues sont publiés sous la seule
responsabilité de l'auteur, et n'engagent ni son institution d'appartenance, ni la revue qui les publie.
Bibliographie
[BOY 76] BOYD J., Destruction and Creation, Fort Leavenworth (KS, USA): U.S. Army Command and General Staff
College, 1976.
[FAD 98] FADOK D.-S., La paralysie stratégique par la puissance aérienne. Paris (FR): Éditions Economica, 1998.
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[HAR 02] HARBULOT C., LUCAS D., La guerre cognitive, l’arme de la connaissance. Paris (FR): Éditions Lavauzelle,
2002.
[HAR 20] HARBULOT C., “ La guerre économique systémique ”, Cahiers de la guerre économique, n°1, pp.26-51, 2020.
[MAS 21] MASSE G., MOINET N., Petit bréviaire contre l’intelligence superficielle. Versailles (FR): VA Éditions, 2021.
[MOI 22] MOINET N., “L’influence américaine en France ou l’art de cacher dans la lumière”, Diplomatie, n°116, pp.7276, 2022.
[UND 13] UNDERWOOD J., Competitive Intelligence for Dummies. Hoboken (NJ, USA): John Wiley and Sons, 2013.
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Fonctionnalité et conservation des communautés riveraines du Rhône : approche comparative pluriannuelle. ENS de Lyon; CNRS; IRSTEA. 2019, pp.1-4. ⟨hal-04551022⟩
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Fonctionnalité et conservation des communautés riveraines du Rhône : approche comparative pluriannuelle
L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés.
Vallée du Rhône Perspectives : Fonctionnalité et conservation des communautés riveraines du Rhône : approche comparative pluriannuelle
Les principales pers pectives son t de po ursuivre le suivi te mporel des bancs stabilisés du lit du Rh ône pour : Evaluer le rôle joué p ar les peti tes, moyennes et éven tuellement g rosses crues sur la dynamique de ces milieux rive rains et les communautés v égétales associées ; Préciser l’influence d es modalités de ges ti on des bancs, du g ra dient climatique, de la position des sites dans le g radient lo ngitudinal amont-aval mais aussi dans les diffé rents RCC. Ce travail a bénéficié d’une aide de l’Etat gérée par l’Agence Nationale de la Recherche au titre du LabEx DRIIHM, programme « Investissements d’avenir » portant la référence ANR-11-LABX-0010 » Plus-value pour le territoire : Prioriser la con serva tion des bancs encore fonctionnels, c’est-à-dire cons titués de sédiments à gro s g rains (galets /gra viers) e t/ou p résentant des gradien ts environnementaux co ntras tés permettant l’expression de communautés dive rsifiés ; Restaurer les p roces sus hyd ro-géomorpho logiques et écologiques en aval des barrages, en réac tiva nt le transpo rt solide (remobilisation des s édiments grossiers via des recharges sé dimentaires et limitant de fait l’exhaussement pa r de s fines) e t en re -natu ralisant la variabilité du régime des écoulements ; Favoriser la rep résen tativi té des sédiments alluviaux grossiers sur les surfaces restau rées, e t des p rofils à niveau bas e t à faible pente lors des opéra tions de démantèlement et de repro filage des marges. Au final, ce s mesure s de ges tion/restau ration dev raient pe rmettre d'accro ître la diversité taxonomique e t fon ctionnelle des communautés riverai nes e t de garan tir le maintien des communautés pionnière s des bancs de gale ts à vi f. OHM Vallée du
D’un point de vue op érationnel, en étudia nt l'in fluence relative d'un ensemble de facteu rs topog raphiq ues, pédologiques, hydrologiques e t climatiques sur les communautés riveraines, il a é té possibl e de les hiéra rchiser et de montrer que l’atterrissement des bancs par les sé diments fins compromet fo rtement la fonctionnalité et l'inté grité écologique des bancs de gravie rs/gal ets. Pour évi ter une homogénéisation biotique des communautés riveraines, dominées par quelques espèces compétitives à fo rt tau x de c rois sance (par exemple Carex acuti formis, Phalaris arundinacea ou Phragmite s aus tralis) et formant des p euplements denses quasi mono-spécifiqu es, il appa raît néces saire de mettre en pl ace des ac tions de gestion e t de res tauration empêchant les dépôts de sédiments fins su r les bancs encore fonc tionnels. Cela pourrai t passe r pa r la mise en plac e de trois mesures complémentaires : Résumé : Sur le Rhône, les aménagements hydroélectriques ont altéré la dynamique du fleuve et sa biodiversité. Da ns le lit du fleuve, les bancs sédimentaires plus o u moins figés, con sti tuent aujourd’hui les seuls habitats riverains dis ponibles pour l’établi ssement d’une végé tation pionnière. Pour comprendre comment les communautés vég étales établies sur ce s ba ncs se struc turen t d ans l’espace et le temps, plusieurs sites on t é té comparés en 2017 et 2019 le long du co rridor rhodanien. Objectifs du projet et mise en contexte : Le long du Rhône, les travaux de rec tifica ti on (épis e t casie rs Girardon), menés de la fin du 19 è m e si ècle au début du 20 è m e siècle, puis de dé rivation lors de l'aménagement du fle uve pa r la Compagnie Nationale du Rhône au milieu du 20 è m e siècle, ont con sidérablement modifié la dynamique fluviale et les milieux riverains. Au-delà de segmenter le fleuve en plusieurs tronçons (Rhône cou rtcircuité), ces travaux ont eu pou r conséqu ence de fige r les hab itats riverains des marges mais aus si de faire émerger de s parties du lit, aujourd’hui exposées à la colonisa tion p ar la végé tation ri veraine. Ces habi ta ts, cons titués d’accumulations de sédiments fins et/ou g rossiers, au tre fois ino ndés la majeure partie de l’année, re présenten t aujou rd’hui les seuls milieux disponibles à la colonisation pa r les espèces ripicole. Ils abriten t parfois une biodiversité très importante e t représe ntent en ce sens un enjeu de conserva tio n à l’échelle du fleuve. Afin de développer u ne gestion cohé ren te et équilibrée des marges du Rhône et en pa rticuliers de ces bancs de g raviers/galets, une connais sance fine des facteu rs struc turan t les communautés végé tales rivera ines appara ît fondamentale. Dans ce cadre, il importe de comprendre pl us finement la dynamique de ces milieux et les conditions particulières qui favo risent des hau ts niveaux de biodiversi té. Au-delà de documenter la s truc tu re e t la dynamique de ces milieux, ces co nnaissances son t e ssentielles pour po sitionner l’é tat écologique des milieux restau rés, suite au démantèlement des ouv rages Girardon. Dans ce c adre, ce tte fiche p ré sente une analyse d es dynamiques spatio-temporelle des communautés végétales rive raines des bancs du lit du Rhône conduite en 20 17 et répliquée en 20 19. Contacts
:
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E N, P os t- D oc t or a nt, I NR A E – U R L E S SE M ph i l i pp e.j a ns s e n @ i nr a e. fr Dr A ndr é EV E TT E, C h er c h e ur & I n gé n i eur, I NR A E – U R L E S SE M an dr e. ev et te @ i nr ae.fr Dr Her v é P I EG A Y, D ir ec t e ur de r ec h er c h e, CN RS – UM R 5 60 0 EV S her v e.p i e gay @ e ns - ly o n. fr
Méthodologies : La zone d’étude cou vre un linéaire de 25 0 km du Rhône franç ais, en tre Lyon e t Av ignon. Durant les é tés 2017 et 2019, la végé tatio n de 8 site s a été éc hantillonnée à l’identi que en suivant un pro tocole standardisé (Cf. Fich e OHM VR n°34). De même, plusieurs pa ra mètres environnementaux on t é té remesurés : rele vés topog raphiques (hauteur rela tive e t distance à l’eau), épaisseur d es sédiments fins et prélèvements d’écha ntillons de sol (propo rtion de sédiments fins ). Enfi n, les condi tions hyd rologiques, durée et i ntensité des inondati ons, e t climatiques, température moyenne et somme des p récipitation s au cours de la sai son de végétation, on t été e xtrai tes respec tivement du modèle hydrod ynamique 1D développé par INRAE Lyon (RiverLy ) e t du modèle climatique SAFRAN (Météo France). Les analyses on t po rté d’une pa rt, sur les varia tions des conditions envi ronnementa les et d’autre pa rt, su r les v ariations de dive rsité taxonomique et foncti onnelle entre années, entre bancs e t au sein des bancs. Pour l’approch e taxonomique, trois niveaux de richesse – totale, annuelle et exotique – ont é té étudiés. Pour l’approche fonctionne lle la dispersion des v aleurs de trois traits – surfa ce spécifique foliaire (SLA), taille des plan tes à matu rité e t mas se des graines – a é té étudi ée. Principaux résultats : Concernant les varia tions des conditions environnementales e ntre années, à l’éch elle du fleuve, seules l'inte nsité des inonda tions, la température moyenne et la somme des précipitations diminuent. En revanche, tou tes les va riables vari ent en tre les bancs, révélant la diversité des cond itions d’habita t et la contribu tion singulière de chacun des si te s à la diversité du fleuve. E nfin, au sein des ban cs, les pa ramètres to pographiques ne vari ent pas entre les année s, alors que la propo rtion de sédiments fins diminue légèrement sur GB 3 mais augmente sur GB8, q ue la durée d'inonda ti on diminue sur GB3 e t GB7 et que l'intensi té des inondations diminue également sur GB7 e t GB8. Concernant les va ria tions de diversité entre années, à l’échelle du fleuve, la richesse en espèces diminue, ta ndis que la diversité fonc tionnelle res te stable. De plus, tou tes les mesures de diversi té, à l'excep tion de la hauteur des plante s, varien t fo rtement en tre les bancs. Des comparai sons par paire s montrent que la richesse est plus faible sur le s bancs du nord de la zone d 'étude, gé rés par b ro yage, comparativement aux bancs du sud, gérés par charruage. Aussi, la dispersion des traits pour la surface spécifique foliaire (S LA) es t plus élevée sur GB1 que su r de nombreux bancs, tandis que la dispersion des trai ts pour la masse des graines e st plus faible su r GB 2, GB3 et GB4 que sur p resque tous les autres bancs. En fin, au sein des bancs, la richess e en espèces sur GB 1, GB2, GB5 et GB8 diminue significativement en tre 2017 et 2019, alors que les mesures d e diversi té fonc tionn elle ne varient pas. Des analyses à l'éch elle des communautés ont révélé que les variations de riches s e entre années ne son t pa s généralisées à l’ens emble des bancs mais concernen t des se cteurs partagean t les mêmes conditions envi ro nnementales. Ainsi, il est mis en éviden ce une influence néga tive forte des dépô ts de sédiments fins su r l a diversi té taxonomique et fonctionnelle. Pour l es mesures de riche sse, cet e ffe t change entre années, révélant une grande variation du nombre d’espèces e ntre 2017 e t 2019 s ur les su rfaces cons tituées majoritairement de ga lets/g raviers. Aussi, l’ effe t néga tif de la distance à l’eau sur la ric hesse change entre les ann ées, ré vélant une g ra nde variation su r les surfaces les plus pro ches de l'eau, plus fréquemment e t plus in tensément inondées. Ces résulta ts permettent de mettre en évid ence la relative stabili té su r un pas de temp s court des milieux riverains e t de s communautés associées su r le R hône. Aussi, il a é té mis en évidence que les vari ations spa tio-temporelles concernent des si tes spéci fiques, vulnérables aux changements : surfaces fréquemment inondées e t peu touchées par les dé pôts de sédiments fins. Les c ommunautés des ban cs de galets à vi fs ap paraissent donc comme étant les plus sensibles au x modifications dans l’intensité des g radients environnementau x, mais aussi comme étan t l es plus riches, d’un poin t de vue taxon omique et fonctionn el. Nos résulta ts soulignen t a insi l’intérêt majeur d e ces sites en termes de conse rva tion à l’échelle du corridor rhodanien. Méthodologies : La zone d’étude cou vre un linéaire de 25 0 km du Rhône franç ais, en tre Lyon e t Av ignon. Durant les é tés 2017 et 2019, la végé tatio n de 8 site s a été éc hantillonnée à l’identi que en suivant un pro tocole standardisé (Cf. Fich e OHM VR n°34). De même, plusieurs pa ra mètres environnementaux on t é té remesurés : rele vés topog raphiques (hauteur rela tive e t distance à l’eau), épaisseur d es sédiments fins et prélèvements d’écha ntillons de sol (propo rtion de sédiments fins ). Enfi n, les condi tions hyd rologiques, durée et i ntensité des inondati ons, e t climatiques, température moyenne et somme des p récipitation s au cours de la sai son de végétation, on t été e xtrai tes respec tivement du modèle hydrod ynamique 1D développé par INRAE Lyon (RiverLy ) e t du modèle climatique SAFRAN (Météo France). Les analyses on t po rté d’une pa rt, sur les varia tions des conditions envi ronnementa les et d’autre pa rt, su r les v ariations de dive rsité taxonomique et foncti onnelle entre années, entre bancs e t au sein des bancs. Pour l’approch e taxonomique, trois niveaux de richesse – totale, annuelle et exotique – ont é té étudiés. Pour l’approche fonctionne lle la dispersion des v aleurs de trois traits – surfa ce spécifique foliaire (SLA), taille des plan tes à matu rité e t mas se des graines – a é té étudi ée. Principaux résultats : Concernant les varia tions des conditions environnementales e ntre années, à l’éch elle du fleuve, seules l'inte nsité des inonda tions, la température moyenne et la somme des précipitations diminuent. En revanche, tou tes les va riables vari ent en tre les bancs, révélant la diversité des cond itions d’habita t et la contribu tion singulière de chacun des si te s à la diversité du fleuve. E nfin, au sein des ban cs, les pa ramètres to pographiques ne vari ent pas entre les année s, alors que la propo rtion de sédiments fins diminue légèrement sur GB 3 mais augmente sur GB8, q ue la durée d'inonda ti on diminue sur GB3 e t GB7 et que l'intensi té des inondations diminue également sur GB7 e t GB8. Concernant les va ria tions de diversité entre années, à l’échelle du fleuve, la richesse en espèces diminue, ta ndis que la diversité fonc tionnelle res te stable. De plus, tou tes les mesures de diversi té, à l'excep tion de la hauteur des plante s, varien t fo rtement en tre les bancs. Des comparai sons par paire s montrent que la richesse est plus faible sur le s bancs du nord de la zone d 'étude, gé rés par b ro yage, comparativement aux bancs du sud, gérés par charruage. Aussi, la dispersion des traits pour la surface spécifique foliaire (S LA) es t plus élevée sur GB1 que su r de nombreux bancs, tandis que la dispersion des trai ts pour la masse des graines e st plus faible su r GB 2, GB3 et GB4 que sur p resque tous les autres bancs. En fin, au sein des bancs, la richess e en espèces sur GB 1, GB2, GB5 et GB8 diminue significativement en tre 2017 et 2019, alors que les mesures d e diversi té fonc tionn elle ne varient pas. Des analyses à l'éch elle des communautés ont révélé que les variations de riches s e entre années ne son t pa s généralisées à l’ens emble des bancs mais concernen t des se cteurs partagean t les mêmes conditions envi ro nnementales. Ainsi, il est mis en éviden ce une influence néga tive forte des dépô ts de sédiments fins su r l a diversi té taxonomique et fonctionnelle. Pour l es mesures de riche sse, cet e ffe t change entre années, révélant une grande variation du nombre d’espèces e ntre 2017 e t 2019 s ur les su rfaces cons tituées majoritairement de ga lets/g raviers. Aussi, l’ effe t néga tif de la distance à l’eau sur la ric hesse change entre les ann ées, ré vélant une g ra nde variation su r les surfaces les plus pro ches de l'eau, plus fréquemment e t plus in tensément inondées. Ces résulta ts permettent de mettre en évid ence la relative stabili té su r un pas de temp s court des milieux riverains e t de s communautés associées su r le R hône. Aussi, il a é té mis en évidence que les vari ations spa tio-temporelles concernent des si tes spéci fiques, vulnérables aux changements : surfaces fréquemment inondées e t peu touchées par les dé pôts de sédiments fins. Les c ommunautés des ban cs de galets à vi fs ap paraissent donc comme étant les plus sensibles au x modifications dans l’intensité des g radients environnementau x, mais aussi comme étan t l es plus riches, d’un poin t de vue taxon omique et fonctionn el. Nos résulta ts soulignen t a insi l’intérêt majeur d e ces sites en termes de conse rva tion à l’échelle du corridor rhodanien.
LabEx DRIIHM - OHM Vallée du Rhône Perspectives : Fonctionnalité et conservation des communautés riveraines du Rhône : approche comparative pluriannuelle
Les principales pers pectives son t de po ursuivre le suivi te mporel des bancs stabilisés du lit du Rh ône pour : Evaluer le rôle joué p ar les peti tes, moyennes et éven tuellement g rosses crues sur la dynamique de ces milieux rive rains et les communautés v égétales associées ; Préciser l’influence d es modalités de ges ti on des bancs, du g ra dient climatique, de la position des sites dans le g radient lo ngitudinal amont-aval mais aussi dans les diffé rents RCC. Ce travail a bénéficié d’une aide de l’Etat gérée par l’Agence Nationale de la Recherche au titre du LabEx DRIIHM, programme « Investissements d’avenir » portant la référence ANR-11-LABX-0010 » Plus-value pour le territoire : Prioriser la con serva tion des bancs encore fonctionnels, c’est-à-dire cons titués de sédiments à gro s g rains (galets /gra viers) e t/ou p résentant des gradien ts environnementaux co ntras tés permettant l’expression de communautés dive rsifiés ; Restaurer les p roces sus hyd ro-géomorpho logiques et écologiques en aval des barrages, en réac tiva nt le transpo rt solide (remobilisation des s édiments grossiers via des recharges sé dimentaires et limitant de fait l’exhaussement pa r de s fines) e t en re -natu ralisant la variabilité du régime des écoulements ; Favoriser la rep résen tativi té des sédiments alluviaux grossiers sur les surfaces restau rées, e t des p rofils à niveau bas e t à faible pente lors des opéra tions de démantèlement et de repro filage des marges. Au final, ce s mesure s de ges tion/restau ration dev raient pe rmettre d'accro ître la diversité taxonomique e t fon ctionnelle des communautés riverai nes e t de garan tir le maintien des communautés pionnière s des bancs de gale ts à vi f. OHM Vallée du
D’un point de vue op érationnel, en étudia nt l'in fluence relative d'un ensemble de facteu rs topog raphiq ues, pédologiques, hydrologiques e t climatiques sur les communautés riveraines, il a é té possibl e de les hiéra rchiser et de montrer que l’atterrissement des bancs par les sé diments fins compromet fo rtement la fonctionnalité et l'inté grité écologique des bancs de gravie rs/gal ets. Pour évi ter une homogénéisation biotique des communautés riveraines, dominées par quelques espèces compétitives à fo rt tau x de c rois sance (par exemple Carex acuti formis, Phalaris arundinacea ou Phragmite s aus tralis) et formant des p euplements denses quasi mono-spécifiqu es, il appa raît néces saire de mettre en pl ace des ac tions de gestion e t de res tauration empêchant les dépôts de sédiments fins su r les bancs encore fonc tionnels. Cela pourrai t passe r pa r la mise en plac e de trois mesures complémentaires : Résumé : Sur le Rhône, les aménagements hydroélectriques ont altéré la dynamique du fleuve et sa biodiversité. Da ns le lit du fleuve, les bancs sédimentaires plus o u moins figés, con sti tuent aujourd’hui les seuls habitats riverains dis ponibles pour l’établi ssement d’une végé tation pionnière. Pour comprendre comment les communautés vég étales établies sur ce s ba ncs se struc turen t d ans l’espace et le temps, plusieurs sites on t é té comparés en 2017 et 2019 le long du co rridor rhodanien. Objectifs du projet et mise en contexte : Le long du Rhône, les travaux de rec tifica ti on (épis e t casie rs Girardon), menés de la fin du 19 è m e si ècle au début du 20 è m e siècle, puis de dé rivation lors de l'aménagement du fle uve pa r la Compagnie Nationale du Rhône au milieu du 20 è m e siècle, ont con sidérablement modifié la dynamique fluviale et les milieux riverains. Au-delà de segmenter le fleuve en plusieurs tronçons (Rhône cou rtcircuité), ces travaux ont eu pou r conséqu ence de fige r les hab itats riverains des marges mais aus si de faire émerger de s parties du lit, aujourd’hui exposées à la colonisa tion p ar la végé tation ri veraine. Ces habi ta ts, cons titués d’accumulations de sédiments fins et/ou g rossiers, au tre fois ino ndés la majeure partie de l’année, re présenten t aujou rd’hui les seuls milieux disponibles à la colonisation pa r les espèces ripicole. Ils abriten t parfois une biodiversité très importante e t représe ntent en ce sens un enjeu de conserva tio n à l’échelle du fleuve. Afin de développer u ne gestion cohé ren te et équilibrée des marges du Rhône et en pa rticuliers de ces bancs de g raviers/galets, une connais sance fine des facteu rs struc turan t les communautés végé tales rivera ines appara ît fondamentale. Dans ce cadre, il importe de comprendre pl us finement la dynamique de ces milieux et les conditions particulières qui favo risent des hau ts niveaux de biodiversi té. Au-delà de documenter la s truc tu re e t la dynamique de ces milieux, ces co nnaissances son t e ssentielles pour po sitionner l’é tat écologique des milieux restau rés, suite au démantèlement des ouv rages Girardon. Dans ce c adre, ce tte fiche p ré sente une analyse d es dynamiques spatio-temporelle des communautés végétales rive raines des bancs du lit du Rhône conduite en 20 17 et répliquée en 20 19.
Contacts : Dr P h il i p pe J AN S S E N, P os t- D oc t or a nt, I NR A E – U R L E S SE M ph i l i pp e.j a ns s e n @ i nr a e. fr Dr A ndr é EV E TT E, C h er c h e ur & I n gé n i eur, I NR A E – U R L E S SE M an dr e. ev et te @ i nr ae.fr Dr Her v é P I EG A Y, D ir ec t e ur de r ec h er c h e, CN RS – UM R 5 60 0 EV S her v e.p i e gay @ e ns - ly o n. fr.
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[288] étude à part au sein de cette recherche, il était toutefois capital de la citer ici tant son impact dans l'Histoire moderne des robots de fiction est important. A partir des années 50, les robots commencent à proliférer au cinéma. Deux exemples hollywoodiens marquent tout particulièrement les esprits des spectateurs de l'époque : Gort, le garde du corps androïde de l'extraterrestre Klaatu, dans The Day the Earth Stood Still490, réalisé en 1951 par Robert Wise, suivi cinq ans plus tard de Robby le Robot dans le film Forbidden Planet, réalisé par Fred McLeod Wilcox. Dans ces quatre exemples cinématographiques, qui s'étendent sur plus d'un demi-siècle et dont la liste n'est en rien exhaustive, il convient de noter que la caractéristique métallique des êtres-machines se pérennise. Qu'il s'agisse de créations humaines plus ou moins technologiques comme de réalisations provenant d'autres planètes et dont les origines demeurent souvent mystérieuses, les robots sont toujours faits de métaux. Leurs enveloppes extérieures brillent, leurs mouvements sont bruyants et leurs carapaces, aux teintes souvent ferreuses, sont dans l'ensemble présentées comme plus résistantes et plus durables que la peau des êtres de chair et de sang avec lesquels ils interagissent. Le matériau dont est fait Gort dans The Day the Earth Stood Still est par exemple décrit par un expert métallurgiste américain à son supérieur hiérarchique comme étant « the toughest material I ever saw, General. For hardness and strength, it's out of this world491 ». Grâce à son matériau de base, dont il profite de toutes les propriétés matérielles et naturelles, l'automate de métal surpasse l'Homme en tous points. Les policiers-robots du film THX 1138, réalis par George Lucas en 1971, aux faces chromées, aux voix mécanisées et exemptes des « Trois lois de la robotique » d'Asimov, illustrent à la perfection ce sentiment de supériorité universelle de la machine sur l'Homme : tout comme la créature de Frankenstein entre en conflit contre son créateur dans le récit de Mary Shelley, l'imaginaire du robot est lui aussi souvent constitué d'histoires de rébellions, d'antagonisme et de belligérance à l'égard de l'humanité. Fondamentalement dystopique, cette constatation, qui adopte des allures cauchemardesques sous la plume de nombreux auteurs de science-fiction, témoigne de l'angoisse que les êtres robotiques projettent dans l'esprit de leurs créateurs et de ceux qui y sont confrontés. Dans cette recherche, toutes les références au film The Day the Earth Stood Still seront tirées du film de 1951 par Robert Wise. Il ne sera jamais question de son adaptation éponyme, datée de 2008 et réalisée par David Scarpa. 491 Robert Wise, The Day the Earth Stood Still, Etats-Unis, prod. 20th Century Fox, 1951, 17min28. Traduction personnelle : (C'est) le matériau le plus dur que je n'ai jamais vu, général. Sa dureté et sa résistance ne peuvent que provenir d'un autre monde. 490 [289]
c) L'ambivalence d'une rêverie artistique, entre attraction et répulsion
En moins d'un demi-siècle, l'entité robotique est élevée au rang de figure incontournable de la science-fiction et trouve une place durable dans l'imaginaire collectif. « La machine. Golem de fer, esclave de métal ou démiurge d'acier, peu importe. Les robots sont là492 », écrivent à ce sujet les animateurs et vulgarisateurs scientifiques Igor et Grichka Bogdanoff. Malgré cette implantation durable et profonde dans la culture moderne, une dissonance subsiste quant au rapport qu'entretient l'être de métal automatisé avec l'humain. Comme nous l'avons déjà vu à plusieurs reprises, ces deux groupes sont fréquemment dépeints comme étant fondamentalement en désaccord, voire en guerre l'un contre l'autre dans certains cas extrêmes. La croisade de l'Homme face à la machine constitue par exemple le coeur du scénario de la trilogie Matrix, réalisée par les frères Wachowski entre 1999 et 2003. Dans cette série de films futuristes, le dernier bastion de l'humanité tente de survivre face aux assauts répétés des machines, qui leur imposent une domination complète et qui les forcent à vivre cachés depuis plusieurs décennies493. Pour pallier ce genre de situation conflictuelle, certain auteurs comme Isaac Asimov, qui a imposé les « Trois lois de la robotique » aux créations mécaniques dont il narre les aventures, cherchent à réguler et à légiférer les rapports entre ces deux communautés. C'est aussi le cas des replicants494 de Blade Runner, un film réalisé par Ridley Scott en 1982 dans lequel les clones robotiques sont supposés servir et obéir aux Humains. Les machines contrevenantes s'exposent d'ailleurs à la mise au rebut forcée, comme l'explique dans le script l'agent Rick Deckard, incarné par Harrison Ford, chargé de ce contrôle : « Replicants are like any other machine. They can be a benefit or a hazard. If it's a benefit, it's not my problem495 ». A l'inverse, d'autres fictions prennent le parti d'imaginer un futur où la paix règne et au sein duquel ces tensions sont soit apaisées, soit inexistantes. C'est par exemple le cas des robots de la trilogie originale Star Wars, appelés « droïdes » dans cet univers imaginé par George Lucas et présenté pour la première fois au cinéma en 1977. Dans cette fresque galactique, où de nombreuses races intelligentes se côtoient quotidiennement, les droïdes accompagnent les êtres vivants, les guident, les secondent, entre autres interactions. Ils Igor et Grichka Bogdanoff, dans : Collectif, Robots Sculptures, les machines sentimentales, Op.cit., p.33. L'origine de ces hostilités est développée dans le court-métrage La Seconde Renaissance, écrit par les frères Wachowski et réalisé par Mahiro Maeda en 2003 pour la série de films animés Animatrix. 494 Les replicants de Blade Runner, dont l'orthographe d'origine a ici été volontairement conservée, sont semblables aux robots de R.U.R. en cela qu'ils ne sont pas faits de métal mais qu'ils obéissent malgré tout à des règles de confection industrielle. 495 Ridley Scott, Blade Runner : Final cut, Etats-Unis, prod. Warner Bros – The Ladd Company, 2007, 16min50. Traduction personnelle
:
Les
replica
nts
sont
comme les autres
machines. Ils peuvent être fiques ou S ils sont ce probl
, des égards, considérés comme leurs égaux. L'appréciation de ces différentes visions du rapport entre l'humain et l'être mécanisé permet d'en souligner l'importante dualité : la figure du robot oscille immuablement entre une attraction puissante, qui pousse les auteurs et les réalisateurs de science-fiction à vouloir mettre en scène dans leurs récits, et une répulsion intime, liée à la peur de l'assujettissement qu'ils représentent. « Leur stock d'imagination et d'inquiétude nous est légué depuis des temps reculés. Leur fascination aussi496 », écrit à ce propos l'historienne de l'art Laurence Bertrand Dorléac dans son article « Pourquoi avoir peur des robots? », présenté en ouverture de catalogue de l'exposition Artistes et robots. C'est d'ailleurs en menaçant la Terre de destruction que Klaatu, l'extraterrestre du film de de Robert Wise, clôture son discours final à l'égard de l'humanité : « For our policemen, we created a race of robots. Their function is to patrol the planets in spaceships like this one and preserve the peace. In matters of aggression, we have given them absolute power over us.497 » Dans le monde des arts plastiques, la coexistence de ces deux songeries nourrit la création moderne et contemporaine depuis des décennies. Elle sert de moteur aux artistes, qui y trouvent un foyer d'inspirations et de références pour leurs oeuvres. De par son omniprésence dans les récits du XXe siècle, le robot constitue une source inépuisable de formes et d'idées. Evoquée dans les « Repères » historiques et fictionnels présentés par Serge Tribouillois au début du catalogue Robots Sculptures : les machines sentimentales, la retranscription plastique de cette mixité de rêveries est décrite ainsi : « Les reflets des sentiments intenses et contradictoires qui traversent les sculpteurs : peur/adoration, rejet/fascination lorsqu'ils abordent le thème des rapports HommeMachine.498 » La complexité des émotions éprouvées à l'égard des figures robotiques se retrouve par exemple dans les sculptures métalliques de Hans Rudolf Giger. D'origine suisse, cet artiste aux pratiques multiples est principalement connu du grand public pour sa participation aux décors et aux personnages du film Alien, réalisé par Ridley Scott et sorti en 1979. C'est notamment lui qui est à l'origine de la forme et de la silhouette de la créature extra-terrestre qui traque l'équipage du vaisseau spatial dans lequel se déroule l'intrigue. Avec sa sculpture Bioméchanoïde (voir « Pourquoi avoir peur des robots? », Laurence Bertrand Dorléac, dans : Artistes et robots, Op.cit., p.21. Robert Wise, The Day the Earth Stood Still, Op.cit., 88min58. Traduction personnelle : Pour nos forces de l'ordre, nous avons créé une race de robots. Leur fonction est de patrouiller entre les planètes à bord de vaisseaux comme celui-ci et de maintenir la paix. En cas d'agression, nous leur avons donné le pouvoir absolu.
498
Serge Tribouillois, «
Repères
», dans
:
Collectif
,
Robots Sculptures
,
les
machines sentimentales, Op.
cit
.,
p.10. 496
497 [291] illustration page suivante), dont la version étudiée ici a été produite en 2002, H.R. Giger reprend l'esthétique visuelle d'Alien et l'insuffle dans le corps d'une créature aux traits féminins. Réalisé à l'échelle 1, ce buste en aluminium de près d'un mètre de haut s'arrête au niveau du bassin et ne comporte pas de bras. Comme l'indique son titre, l'oeuvre Bioméchanoïde représente un être hybride dans lequel des fragments mécaniques se mêlent à des parcelles de peau métallique, notamment au niveau du ventre, qui donnent la sensation d'être d'origine humaine. 499 Richard Wagner, Siegfried, Op.cit., p.273. [292] Illustration non disponible Hans Rudolf Giger, Bioméchanoïde, 2002 Aluminium, 180 cm. de hauteur (avec le socle) [293]
Le robot n'ayant, de par son essence métallique et manufacturée, pas de sexe réel, mais uniquement la représentation de certains attributs corporels, l'attraction ou le rejet ne peuvent pas être seulement imputés à cette donnée anatomique. L'exemple de la sculpture Kode 51 (voir illustration page suivante), produite par le plasticien toulousain Jimmy Ruiz en 2009, vient soutenir cette théorie. Artiste majeure de la scène gothique et underground de sa région 500, il m'explique, lors d'un échange, ses premiers pas dans le monde de l'art : « Au début, j'ai acheté un poste à souder pour essayer. J'ai acheté [] un casque, de vieux outils de grange récupérés auprès de paysans, avec des formes de malade, et je me suis lancé dans la sculpture en métal. [] J'essaye, je tronçonne, je martèle, je meule, je soude J'essaye. Je fais mes premières oeuvres avec de la récupération. 501». Malgré ce parcours non-académique, il réalise des productions à la forme et à l'esthétique remarquables qui s'intègrent parfaitement dans la recherche actuelle. Sculpté à partir de morceaux d'acier brut déjà usagés, le buste de Kode 51 est, au même titre que celui de Bioméchanoïde, réalisé à l'échelle humaine. A l'inverse de la production de Giger, cependant, Kode 51 est fondamentalement versé dans l'imaginaire de la robotique dystopique et terrifiante. En effet, cette sculpture, qui reprend les codes du squelette et de l'anatomie humaine interne, est une référence directe aux « Ecorché de Fragonard502 », un ensemble de pièces anatomiques disséquées, mises en scène et rendues pérennes par le chirurgien Honoré Fragonard, au milieu du XVIIIe siècle, à l'aide d'un procédé scientifique qui lui est propre. Les différents morceaux métalliques jouent ainsi le rôle de crâne, de cage thoracique, de veines ou encore de nerfs décharnés et exposés à vif, appuyant de ce fait la vision d'un être sinistre et inquiétant. Malgré le rapprochement intuitif entre entité métallique et robot, fruit de l'onirisme qui gravite autour de ces derniers ainsi que des multiples caractéristiques matérielles de l'acier qui sont exploitées dans cette oeuvre, Jimmy Ruiz ne propose volontairement aucune lecture sémantique de sa création. « Je ne fais pas ça pour dire quelque chose. C'est aux gens de raconter des histoires503 », précise-t-il lors de notre discussion. Traiter de cet artiste dans ma recherche est un choix personnel important. En effet, c'est à la suite de la découverte de ses oeuvres sculpturales, lors d'une exposition qu'il réalisa en 2006 au centre-ville de Toulouse, que le désir de travailler le métal, et donc de l'étudier aujourd'hui, m'est venu. 501 Extrait d'un échange direct avec Jimmy Ruiz, daté du 21/02/18. 502 Ces pièces anatomiques sont aujourd'hui exposées au Musée Fragonard, au sein de l'Ecole Nationale Vétérinaire d'Alfort, à proximité de Paris. Disponible sur : https://www.vet-alfort.fr/domaine-d-alfort/musee-fragonard/les-collections/les-ecorches-defragonard (dernière consultation le 26/02/18). 503 Extrait d'un échange direct avec Jimmy Ruiz, Op.cit. 500 [294]
Illustration non disponible Jimmy Ruiz,
Kode 51,
2009 Acier, 80cm. de hauteur environ [295]
Au sein de cette étude, l'assimilation de Kode 51 à une figure automatisée se fait principalement par le biais des pièces mécaniques employées sur les côtés et l'arrière de sa tête, qui évoquent d'emblée la forme d'un engrenage, d'une roue métallisée et, par extension, de la machine dans sa plus large acception. A mi-chemin entre l'humain et le mécanique, ni tout à fait organique ni vraiment robotique, la sculpture de Jimmy Ruiz est ainsi à percevoir comme un être hybride qui n'a de place dans aucun de ces deux univers. La souffrance qui émane de l'expression de son visage accentue d'ailleurs la vision cauchemardesque qu'il propage : à l'image d'une représentation sculpturale classique de la souffrance sublimée, telle que vécue par le Christ sur la croix par exemple, l'oeuvre sculpteur toulousain, bien que concrètement inanimée, cristallise dans le métal toute l'angoisse que la machine vivante peut projeter dans nos imaginaires contemporains.
2. Matérialité robotique et représentation sculpturale. a) L'union d'une matière et d'un imaginaire
Dans l'onirisme collectif de notre époque aussi bien que dans les récits issus de contes et légendes plus anciennes, la figure du robot est intrinsèquement liée à la matière métallique. Les différents exemples qui ont déjà été employés dans cette recherche, qu'ils soient tirés de fictions comme de productions plastiques, en témoignent. Les premières machines animées de l'Histoire, tout autant que les premiers automates de la littérature et les pionniers robotiques au cinéma, étaient effectivement tous constitués de métaux. Seules quelques exceptions se retrouvent occasionnellement dans le genre de la science-fiction, comme les robots de la pièce de théâtre de Karel Čapek ou les replicants synthétiques de Blade runner, décrits dans le texte d'introduction de la version de 2007 du film de Ridley Scott de la façon suivante : « Early in the 21st Century, the Tyrell Corporation advanced Robot evolution into the Nexus phase – a being virtually identical to a human – known as a Replicant. The Nexus 6 Replicants were superior in strength and agility, and at least equal in intelligence, to the genetic engineers who created them.504 » « Texte d'introduction de la version Final Cut de Blade Runner», dans : Ridley Scott, Blade Runner : Final cut, Op.cit., 2min02. Traduction personnelle : Au début du XXIe siècle, la Tyrell Corporation a fait progresser l'évolution des robots à la phase Nexus – des êtres quasiment identiques aux humains – connus sous le nom de replicants. Les replicants Nexus 6 étaient supérieurs aux ingénieurs génétiques qui les ont créés en force et en agilité, et au moins égaux en intelligence. 504 [296] Malgré ces spécifications, il est intéressant de constater que même dans ces quelques cas exceptionnels, pour lesquels l'absence de substance métallique est littéralement précisée, l'association du terme « robot » à celui de « métal » demeure irrémédiablement ancrée dans les rêveries collectives. En témoigne l'affiche d'une représentation New-Yorkaise de R.U.R. au Marionette Theatre, datée de 1939 : Affiche d'une représentation de R.U.R., 1939 Marionette Theatre, New-York [297] Dans l'introduction de la partie « Some metallic robots », qui regroupe au sein du recueil de nouvelles The complete robot l'ensemble des histoires qui se rapportent aux robots métalliques, Isaac Asimov explique que « the traditional science-fiction robot is metallic. Why not? Most machines are built out of metal, and, as a matter of fact, real-life industrial robots are metal, too505 ». En revenant sur leurs origines industrielles et, naturellement, sur le fait qu'ils sont produits par la main de l'Homme, l'auteur réintègre le robot dans la tradition métallurgique qui l'avait vu naître il y a plusieurs millénaires. Bien que certains automates de science-fiction parviennent à s'extraire de cet héritage, en omettant de préciser leurs provenances ou en étant produits par d'autres machines automatisées, la majorité d'entre eux demeurent malgré tout fortement attachés à leurs racines sidérurgiques, la plupart des robots étant constitués de fer ou d'alliages ferreux. Cette accointance se retrouve par exemple dans la nouvelle « Robbie » d'Isaac Asimov, lorsque le père de Gloria, une petite fille d'une dizaine d'années qui tient le rôle principal de l'histoire, décrit Robbie, l'ancien robot de compagnie de la famille : « "The whole trouble with Gloria is that she thinks of Robbie as a person and not as a machine. [] Now if we managed to convince her that Robbie was nothing more than a mess of steel and copper in the form of sheets and wires with electricity its juice of life, how long would her longings last?"506 » Dans cet extrait, George, le père de Gloria, tente de réduire Robbie à son plus simple appareil pour rassurer sa compagne. En le restreignant à une simple accumulation de morceaux de métaux animés par un courant électrique, il essaie de faire oublier à son interlocuteur l'ensemble des rêveries d'agressivité, de conflit ou de domination qui gravitent autour du robot. En agissant ainsi, il parvient à faire resurgir les origines métallurgiques de l'automate tout en effaçant les innovations apportées par la science-fiction. L'être robotique redevient une simple construction en métal automatisée par une technologie humaine. Cette réduction du robot à une essence métallique primordiale se retrouve à la conclusion de la nouvelle, lorsque la femme de George revient sur sa décision et annonce «"I guess he can stay with us until he rusts" ». A ce sujet, il est intéressant de relever que la question de la rouille revient à plusieurs reprises dans les Isaac Asimov, « Introduction: Some metallic robots », dans : Isaac Asimov, The complete robot, Op.cit., p.75. Traduction personnelle : Le robot traditionnel de la science-fiction est métallique. Pourquoi pas? La plupart des machines sont construites en métal et, en réalité, les véritables robots industriels sont aussi faits de métal. 506 Isaac Asimov, « Robbie », dans : Isaac Asimov, The complete robot, Op.cit., p.183. Traduction personnelle : « Le coeur du problème avec Gloria est qu'elle considère Robbie comme une personne et non pas comme une machine. Mais si nous arrivons à la convaincre que Robbie n'est rien d'autre qu'un amas d'acier et de cuivre, sous forme de plaques et de fils, avec de l'électricité pour lui donner vie, combien de temps dureraient ses regrets? » 507 Ibid., p.187. Traduction personnelle : « Je suppose qu'il peut rester avec nous jusqu'à ce qu'il rouille. » 505 [298] dialogues fictifs entre l'humain et l'automate, du fait que cette mort programmée et inéluctable des métaux entraine nécessairement la décomposition du robot qu'ils matérialisent. Dans le film Forbidden Planet, par exemple, Robby le Robot explique à John Adams, à propos de l'oxygène qui constitue l'atmosphère de sa planète, « I rarely use it myself, sir. It promotes rust508 ». L'entité-machine, au même titre que n'importe quelle autre production issue des arts des métaux, est originaire de techniques métallurgiques spécifiques, est constituée d'un assemblage de métaux divers et, naturellement, est condamnée à disparaitre sous l'effet d'un certain type de corrosion. En considérant la caractéristique métallique du robot comme une de ses propriétés fondamentale et primitive, la compréhension que nous avons de celui-ci s'agrémente d'un grand nombre de données nouvelles. En effet, cette primauté du matériau lui permet, avant toute chose, de réemployer les multiples imaginaires des métaux usuellement destinés aux domaines métallurgiques plus classiques tels que l'artisanat, l'architecture ou la sculpture. Les rêveries des matières métalliques liées à la forge, aux quatre éléments naturels ou encore à l'industrie, parmi de nombreux autres exemples, se révèlent ainsi aisément adaptables aux êtres robotiques. Dans sa leçon inaugurale au Collège de France, datée de Janvier 2012 et intitulée « La robotique : une récidive d'Héphaïstos », le roboticien Jean-Paul Laumond revient sur l'un de ces imaginaires primordiaux : « C'est en préparant cette leçon que j'ai découvert que les roboticiens avaient un dieu. Il s'agit d'Héphaïstos. Dans la mythologie grecque, Héphaïstos est un artisan de talent. Ingénieux, il fabrique des armes remarquables et il est connu pour cela. Mais il fabrique aussi des chaises roulantes qui se déplacent toutes seules (en clair, des robots mobiles), des servantes en or qui l'aident à se déplacer (en clair, des robots d'assistance), [].509 » Dans cet aparté, Jean-Paul Laumond expose la filiation qui existe entre le dieu forgeron grec, figure tutélaire originelle du travail des métaux, et les robots. En le présentant comme la divinité des automates, en complément de son rôle pour lequel il est déjà usuellement réputé, le chercheur instaure une nouvelle concordance entre les deux domaines et permet aux êtres robotiques de prendre encore plus racine dans les traditions métallurgistes millénaires. Ce rapport, décelable dans de nombreuses oeuvres plastiques, est particulièrement manifeste dans Fred McLeod Wilcox, Forbidden Planet, Etats-Unis, prod. MGM, 1956, 13min35.
Traduction personnelle : Pour ma part, je ne l'utilise que très rare
ment, monsieur
. Il favorise la rouille. Extrait de la leçon inaugurale au Coll de « La robot une récid d » prono
la sculpture Hephaestus (voir illustration page suivante) de Matthew Monahan. Datée de 2013, cette création en bronze et en acier de trois mètres et demi de haut se présente comme un portrait d'Héphaïstos, dont elle emprunte le nom anglicisé pour sa propre dénomination. Posé sur une armature hexagonale rudimentaire réalisée en tiges métalliques, le haut du corps du dieu grec, composé naturellement d'un torse, d'une tête et de deux bras, est recouvert d'un simulacre de vêtement lui aussi sculpté dans de fines plaques d'acier percées de motifs floraux. Malgré cet accoutrement, l'anatomie interne d'Hephaestus demeure visible, notamment au niveau de sa cage thoracique, et cette transparence en dévoile la structure profonde : les barres du socle ne se limitent pas au rôle de support mais se ramifient dans l intégralité de son organisme métallique. Du fait de cette architecture intérieure volontairement laissée en évidence, l'oeuvre de Matthew Monahan s'apparente ainsi à la représentation d'un automate forgé à l'effigie d'Héphaïstos. En réalisant une sculpture du dieu des robots dont l'apparence semble mécanisée, le plasticien d'origine californienne s'amuse avec les imaginaires primitifs des métallurgistes merveilleux, dont il semble posséder de solides connaissances. Ce détournement, qui pourrait s'apparenter au premier abord à un geste sacrilège, est en réalité à prendre comme un acte de déférence de la part de Matthew Monahan à l'égard des contes et légendes qui mettent en scène la figure du forgeron, comme si celui-ci souhaitait afficher ouvertement son vif intérêt pour les sources mythologiques des rêveries qu'il exploite. Dans les mythes antiques, le dieu de la forge n'est pas seulement à l'origine de machines animées. Extrait de la leçon inaugurale au Collège de France « La robotique : une récidive d'Héphaïstos » prononcée par Jean-Paul Laumond, Op.cit. 511 Cette réflexion fait
suite
à la remarque de Jean-Paul Laumond, qui explique que « Héphaïstos
[]
n
'est
ni
Athéna
ni
Ge
petto
:
il ne
donnera jamais
une
quelconque humanité
à
l'
argile ou
au
bois
». Dans : Ibid. 510 [300]
Illustration non disponible Matthew Monahan, Hephaestus, 2013 Bronze patiné, acier, acier inoxydable, 366 x 210 x 290 cm. [301] En complément des songeries mythiques, l'automate de métal jouit aussi des différents onirismes techniques et historiques qui siègent dans le creuset des imaginaires des matières métalliques. L'étude des qualités physiques du matériau, comme sa brillance ou sa résistance, illustrait déjà cette possibilité dans l'examen de la sculpture Bioméchanoïde de Hans Rudolf Giger. Elle est aussi ostensible dans l'oeuvre Torso in metal (voir illustration page suivante), produite par Jacob Epstein entre 1913 et 1914. D'une taille modeste, ce torse en bronze est issu d'une production plus imposante, intitulée The rock drill, que l'artiste a finalement choisi de scinder en deux pour n'en garder que la partie anthropomorphe. Au premier abord, ce buste semble représenter celui d'un guerrier en armure, la tête recouverte d'un casque et le corps protégé par un imposant plastron. Cependant, une observation plus détaillée de l'oeuvre fait progressivement disparaitre l'idée de la présence d'un être humain sous les plaques de bronze au profit de celle d'un automate intégralement métallisé. L'absence de mains à l'extrémité des bras, le cou bien trop allongé et le ventre déformé par une substance indéterminée sont autant d'arguments qui accréditent cette seconde lecture. Selon Jacob Epstein, pour qui le Torso in metal appartient bien à une création d'inspiration robotique, sa sculpture représente « a machine-like robot, visored, menacing (). Here is the armed, sinister figure of today and tomorrow. No humanity, only the terrible Frankenstein's monster we have made ourselves into512 ». La réalisation métallique proposée par le sculpteur américain est donc à comprendre comme une oeuvre fondamentalement pessimiste qui offre au spectateur une représentation de ce qui, si l'on s'en tient aux mots du ien, pourrait mener le monde à sa perte. La réflexion de Jacob Epstein à l'égard des robots se veut ainsi particulièrement alarmiste, comme si ces derniers représentaient un avenir néfaste pour l'humanité. Bien que son discours soit très certainement porté par la crainte de l'arrivée imminente de la Première Guerre Mondiale et des nouvelles technologiques militaires qui l'accompagnent, il ne constitue pas un cas isolé puisqu'il s'inscrit dans la lignée des penseurs qui voient en l'arrivée massive des machines animées une menace certaine pour la civilisation. Au commencement de son article « Repères », Serge Tribouillois se demandait justement « comment les artistes réagissent-ils à cette nouvelle provocation de la matière qui, aujourd'hui, est en passe de devenir "intelligente"?513 ». Jacob Epstein, à propos de Torso in metal, disponible sur : http://www.tate.org.uk/art/artworks/epstein-torsoin-metal-from-the-rock-drill-t00340 (dernière consultation le 20/10/17). Traduction personnelle : Un robot semblable à une machine, menaçant sous sa visière []. Il est la figure armée et sinistre d'aujourd'hui et de demain. Aucune humanité, seulement la terrifiante créature de Frankenstein que nous sommes devenus. 513 Serge Tribouillois, « Repères », dans : Collectif, Robots Sculptures, les machines sentimentales, Op.cit., p.10. 512 [302] Illustration non disponible Jacob Epstein, Torso in metal, 1913-1914 Bronze, 70,5 x 58,4 x 44,5 cm. [303] En dépit de ce parti pris sémantique bien prononcé, le sculpteur participe malgré tout à l'inclusion de la figure du robot dans l'Histoire de la métallurgie. Plusieurs éléments de l'oeuvre contribuent en effet à ce rapprochement. Le choix du bronze, tout d'abord, lui permet de perpétrer les rites des artistes métallurgistes de l'Antiquité. Cet hommage est d'ailleurs accentué par le travail du buste, exercice sculptural classique par excellence, ainsi que par l'installation de la réalisation finale sur un socle. Enfin, le traitement du métal est lui aussi fortement marqué par une filiation métallurgique indéniable : le moulage ne comporte aucune trace résiduelle, le bronze est patiné à la perfection et les formes sont elles aussi exécutées avec un savoir-faire remarquable. Concernant ces formes anguleuses qui habillent le corps de cette représentation d'automate, il est d'ailleurs intéressant de constater qu'elles rappellent un imaginaire ancestral du travail des métaux bien déterminé : celui de l'armure, de la chair recouverte de métal pour la protection ou la parade. Cette rêverie renvoie à la vision des « Achéens vêtus de bronze514 » de l'Iliade, prêts à lancer l'assaut sur la cité de Troie, mais aussi à celle des guerriers qui sortent de terre en Colchide durant la quête de la Toison d'or menée par Jason, fils d'Eson, roi d'Iolcos. Déjà armés et belliqueux à l'égard des héros grecs qu'ils rencontrent, ces soldats sont notamment présentés par Jean-Pierre Vernant : « Les Gegéneis, jaillissant de la terre, se présentent, non comme de petits enfants qui viennent de naître et auront à grandir, mais comme des adultes, déjà tout formés, tout ar , prêts au combat [].515 » Malgré son aversion profonde pour la robotique, l'enracinement de Jacob Epstein et de son oeuvre Torso in metal dans l'Histoire de la métallurgie et dans celle de la sculpture en métal à travers les âges ne symbolise pas tant, au final, un avertissement de l'artiste à l'encontre des robots qu'une invitation à destination de ces derniers à s'inscrire durablement dans cette historicité et ses traditions millénaires.
b) Le robot de métal, une entité intermatérielle
L'appréciation des métaux qui composent un être robotique, en tant que donnée principale de celui-ci, permet aux analyses qui traitent de ce sujet de s'ouvrir à de nombreux angles d'approches inédits. Ils peuvent être d'ordre fictionnels, historiques ou techniques, mais peuvent aussi, de par cette mise en exergue de la matière, être rattachés à une étude Homère, Iliade, Op.cit., p.136. Jean-Pierre Vernant, « Le mythe hésiodique des races. Essai d'analyse structurale », 1960, Revue de l'histoire des religions, Tome 157 n°1, pp. 21-54, p.48. 514 515 [304] intermatérielle. Le métal automatisé, au même titre que celui qui façonne les sculptures ou les créations artisanales, semble effectivement pouvoir être appréhendé en tant que lié au creuset des imaginaires métalliques, en tant qu'élément sensible ainsi qu'en tant que support inscriptif. Ses caractéristiques indiquent qu'il pourrait aussi être à l'origine d'un milieu intermatériel ou qu'il pourrait tout du moins participer au développement d'un milieu déjà institué, comme n'importe quelle production métallique précédemment évoquée au sein de cette recherche. Afin de mettre en image ces différentes potentialités et de valider les hypothèses qu'elles soulèvent, il convient à présent de les appliquer à l'analyse d'une oeuvre artistique. Pour ce faire, la sculpture Large standing Figure (voir illustration page suivante) de Thomas Houseago, réalisée en 2010 et exposée l'année suivante lors du festival d'art Le Printemps de Septembre à Toulouse, offre de nombreux atouts intéressants. D'une hauteur de près de cinq mètres, pour une largeur qui se rapproche de deux mètres, ce colosse de bronze réemploie un certain nombre de codes généralement appliqués aux entités robotiques. Ses dimensions, premièrement, surpassent largement celles de l'humain et placent ce dernier dans une position d'infériorité. En cela, Large standing Figure s'inscrit dans la tradition des oeuvres s'attachent à représenter des robots titanesques, produits à l'image de Talos, gardien de l'île de Crète ou, dans une référence plus actuelle, du géant de fer du dessin-animé Le Roi et l'Oiseau, réalisé par le poète Paul Grimault en 1980, qui reprend d'ailleurs certains traits comportementaux de son homologue mythologique. La structure composite de Large standing Figure, au sein de laquelle les différents membres semblent pouvoir se dissocier les uns des autres sans en affecter l'agencement général, accentue également l'association de l'oeuvre à une possible création machinée. Dans une interview donnée à l'auteur et critique d'art Michael Stanley, Thomas Houseago revenait sur les racines des imaginaires qui peuplent ses créations. [306] Pour réaliser ses oeuvres, le sculpteur d'origine anglo-saxonne manipule des fictions aux origines variées pouvant provenir à la fois de mythes antiques mais aussi de récits résolument plus modernes, comme ceux issus de comics par exemple. Grâce à cette grande diversité de sources référentielles, Thomas Houseago expose ses connaissances en matière de songeries robotiques et signale dans un même temps qu'il en connaît à la fois certaines origines, avec l'épopée des Argonautes, mais aussi les différentes ramifications contemporaines. En ne considérant que cette première étape de l'examen de la sculpture, il est d'ores et déjà possible de valider le premier postulat concernant l'intermatérialité : le robot est effectivement lié au même creuset des rêveries métalliques que l'ensemble des autres productions métallurgiques auxquelles les axiomes intermatérialistes ont été appliqués auparavant. Cependant, Large standing Figure n'est pas uniquement une ode à l'Histoire ancestrale des robots. Elle constitue aussi un hommage aux coutumes métallurgiques et aux techniques sculpturales traditionnelles. En effet, le traitement appliqué au métal dans cette oeuvre suit le même processus créatif que celui employé par des artistes plus classiques tels qu'Auguste Rodin : la fonte du bronze à la cire perdue517. Afin d'amorcer la production de sa sculpture, Thomas Houseago en a tout d'abord réalisé les différents fragments à partir de petits blocs d'argile, qu'il a modelés manuellement afin de leur donner la forme désirée. A ce sujet, il est intéressant de noter que l'artiste a volontairement laissé des traces du passage de sa main à certains endroits de l'oeuvre, notamment sur les pieds de son géant, afin d'attester de sa réalisation fondamentalement industrialisée518, allant d'ailleurs de ce fait à l'encontre des modes de création de la plupart des véritables robots. Une fois façonnée, la silhouette d'argile a été moulée en négatif puis remplacée par du bronze liquide au sein de ce même moule, pour finalement obtenir, au terme de ce long procédé, la forme positive et définitive des différents membres de Large standing Figure. Toujours dans un souci de refus du travail machiné, certains résidus de l'assemblage final sont d'ailleurs encore visibles dans la sculpture, aujourd'hui exposée à proximité du Jardin des plantes de Toulouse, comme par exemple les cales de bois qui soutiennent le buste du colosse de bronze. En choisissant la fonte du bronze à la cire perdue, Thomas Houseago revendique son appartenance à la généalogique des métallurgistes antiques et permet synchroniquement à sa création d'être elle aussi empreinte de cette postérité. Cette analyse du processus créatif et du traitement du métal, qui exclut volontairement de considérer en détail la Pour rappel, cette technique était expliquée plus en détail p. 47. Cette position stricte a été revendiquée à plusieurs reprises par l'artiste lors d'une rencontre informelle en marge de l'édition 2011 du Printemps de Septembre. Selon lui, elle constitue l'une des principales lignes directrices de son processus créatif ainsi qu'une clef pour aborder avec justesse les thématiques dont il traite. 517 518 [307] silhouette humanoïde de l'oeuvre, permet à une seconde hypothèse intermatérielle de trouver confirmation : les métaux qui constituent les représentations sculpturales de robots peuvent être perçus et traités en tant qu'éléments sensibles. Cependant, une hypothèse demeure : les authentiques robots peuvent-ils eux aussi être perçus comme des éléments sensibles, et, par extension, comme des entités intermatérielles? Bien que cette partie de la recherche s'attache principalement à l'étude de représentations artistiques de figures robotiques, aux origines et aux formes diversifiées, et non pas de réels automates tels que l'industrie peut en produire ou que la science-fiction peut en inventer, il convient toutefois de s'arrêter quelques instants sur une véritable oeuvre métallique animée afin de valider intégralement le postulat qui nous occupe actuellement. En effet, il ne serait pas envisageable de considérer le robot comme un possible objet intermatériel en se basant uniquement sur des reproductions sculpturales ou des visions lyriques et mythologiques de celui-ci.
Spécialisé
dans les machines et dans la mécanique au sens large, l'artiste italien Arcangelo Sassolino réalise de nombreuses installations cinétiques qui questionnent les propriétés physiques de la force. Adepte des matériaux industriels, il utilise l'acier de manière récurrente dans son travail, comme par exemple avec son oeuvre B. (voir illustration page suivante), réalisée en 2012. Au premier abord, la silhouette de B., tout comme son titre d'ailleurs, n'évoque rien de spécifique. Cependant, cette forme au demeurant abstraite prend du sens dès lors que la machine est mise en mouvement519. Actionnée par un procédé mécanique et électronique, l'oeuvre d'Arcangelo Sassolino représente en réalité une mâchoire à l'allure animale ayant la possibilité de se fermer avec force et vitesse. Formellement, cette oeuvre évoque ainsi le crâne métallique d'un prédateur robotique, dénué d'oeil ou de naseaux mais pourvu d'un maxillaire inférieur mobile et puissant. De par sa silhouette animale, elle rappelle les chiens qu'Héphaïstos avait sculptés pour le roi Alkinoos dans L'Odyssée d'Homère ou, dans une référence plus récente, les robots quadrupèdes présentés dans l'épisode Metalhead de la série télévisée Black Mirror. Spontanément ancrée dans la lignée mythique des êtres métalliques animés, B. atteste de la possibilité qu'ont les véritables robots d'être rattachés au creuset des imaginaires des métaux. Qu'en est-il cependant de sa qualité d'élément sensible? Autrement dit, la matière qui constitue l'installation d'Arcangelo Sassolino peut-elle est examinée en soi, sans considération formelle ni étude du cinétisme de l'oeuvre? A ce sujet, voir la vidéo sur le site officiel de l'artiste : http://www.arcangelosassolino.it/sculpture/b-2012/ (dernière consultation le 22/07/18).
Illustration non disponible Arcangelo Sassolino, B., 2012
Acier
, moteur et matériel électronique (dimensions
in
connues)
[309] Grâce au traitement intégralement industriel appliqué à l'acier, aux antipodes de celui appliqué par Thomas Houseago au bronze de Large standing Figure, B. ne possède aucune trace résiduelle. Il n'existe, a sa surface, aucune marque de soudure ou d'assemblage quelconque. Le métal est exempt d'aspérité et son lissage parfait lui octroie un éclat et une brillance qu'aucun travail manuel ne pourrait égaler. Malgré la dangerosité que sa forme évoque, accentuée par le bruit violent qui accompagne la fermeture mécanisée de la mâchoire, d'ailleurs, l'acier attire le regard et donne envie au regardeur de venir effleurer de ses doigts la surface du métal aux reflets lumineux. En ne considérant que la matérialité de l'oeuvre, l'installation d'Arcangelo Sassolino propose déjà, en essence, de nombreuses lectures, parmi lesquelles l'exploitation des propriétés naturelles du fer au profit d'une attraction visuelle incomparable ou encore, entre autres exemples, la mise en scène d'une métallurgie industrielle admirable et sans la moindre imperfection. Ainsi perçu, l'acier de B. atteste de sa capacité à être examiné en tant qu'élément sensible et permet finalement à la figure du robot réel, et non plus simplement sculpturalement représenté, de finalement s'inscrire dans le cadre d'une étude intermatérielle. A la suite des analyses successives des oeuvres de Thomas Houseago et d'Arcangelo Sassolino, basées sur leurs sémantiques et leurs matérialités respectives, seules les formes qu'elles adoptent restent à être étudiées dans le détail. Avec Large standing Figure, le plasticien s'inscrit dans un cadre qui lui est coutumier. Traditionnellement, en effet, l'imaginaire du robot moderne de la science-fiction présente une allure anthropomorphique. Visible dès les origines de l'Histoire des machines animées, cette habitude se retrouve dans la grande majorité des exemples qui ont été traités jusqu'à présent, qu'ils soient tirés de la littérature, du cinéma ou des arts plastiques. Le choix formel de l'androïde est d'ailleurs aujourd'hui largement ancré dans l'inconscient collectif, et ce jusqu'à son acception la plus large : parler de robot au XXIe siècle, c'est parler de la recherche d'une forme humaine. Les principaux traitements plastiques de ces derniers, tout comme les grandes avancées technologiques et scientifiques contemporaines de la robotique, en témoignent. En s'essayant à la reproduction d'une forme humanoïde, les artistes tentent de répondre à l'un des désirs immémoriaux de notre civilisation : modeler un être à partir d'une substance inanimée et lui donner la vie. Cette tentation se retrouve par exemple dans le récit mythique de Pandore, travaillée à partir d'argile par Héphaïstos, dans le mythe judéo-chrétien du Golem, lui aussi formé de terre, ou encore dans l'histoire classique des Aventures de Pinocchio, où la marionnette animée est sculptée à partir d'un morceau de bois. Dans son article « Ghost and Machines : The technological body », publié dans l'ouvrage collectif Liquid metal : the science fiction film reader sous la direction de Sean Redmond, Susan [310] J. Napier expose une autre vision, plus moderne, de la transformation d'une matière inanimée en une forme anthropomorphique aux multiples significations : « Usually huge, with rippling metallic "muscles", [] the mecha body clearly s to a wish-fulfilling fantasy of power, authority, and technological competence.520 » Bien que non-exhaustive, cette courte liste possède malgré tout l'intérêt d'illustrer la recherche millénaire de reproduction d'une silhouette humaine par un autre humain. En définitive, l'androïde artistique satisfait la même appétence que celle présentée dans ces différentes fictions, avec quelques légères variations concernant les matériaux employés : dans les reproductions sculpturales du robot, la glaise fait souvent place à l'acier et le bronze peut aisément remplacer le bois. Pour en revenir à l'examen de la sculpture de Thomas Houseago, il convient de remarquer que Large standing Figure ne déroge pas à cette règle. Susan J. Napier, « Ghosts and Machines : The technological body », dans : Sean Redmond, Liquid metal : the science fiction film reader, Londres, éd. Wallflower Press, 2004, p.205. Traduction personnelle : Habituellement é
norme
, avec des « muscles » métalliques
saillants
, [] le corps mécanique joue clairement d'un fantasme de pouvoir, d'autorité et de compétence technologique. 520 [311]
Au terme de cette analyse portée à la fois sur l'anthropomorphisme canonique du robot, mais aussi sur la dangereuse attraction que peut exercer le métal automatisé sur l'être humain, il est désormais possible de valider l'application du troisième axe de l'intermatérialité à la matière des êtres-machines métalliques, qu'ils soient réels ou qu'il ne s'agisse que de représentation de ceux-ci : le métal robotique peut être appréhendé comme un support inscriptif, ou, autrement dit, comme un substrat capable d'adopter une forme et d'ouvrir celle-ci à une étude précise et orientée. En conclusion, et à l'aide des examens successifs de Large standing Figure et de B. qui viennent d'être réalisés, les trois principaux outils permettant de justifier de l'efficience d'une recherche intermatérielle (pour rappel, le métal perçu en tant que lié à un creuset d'imaginaires, le métal compris en tant qu'élément sensible et le métal examiné en tant que support inscriptif) ont successivement été envisagés, questionnés en détail et finalement validés comme pouvant être appliqués aux matières métalliques qui constituent les automates.
c) Androïde et plasticité
En parallèle de l'attraction puissante que l'Homme éprouve à l'attention du robot à forme et corpulence humaine, qui l'encourage parfois à pousser la ressemblance ses androïdes ultra-contemporains dans ses retranchements les plus angoissants521, les qualités intrinsèques du métal lui permettent aussi d'envisager d'autres entités aux aspects plus variés. De nombreux exemples, fictionnels comme réels, attestent de cette plasticité inégalée des êtres robotiques de fer et d'acier. Les dimensions variables qu'eux et leurs déclinaisons artistiques adoptent, tout d'abord, constituent une première illustration de ces variations. En effet, les représentations de l'automate au cinéma le dépeignent tantôt comme une création métallique de petite taille, à l'image du droïde RD2D dans la série de films Star Wars, tantôt comme un mastodonte d'acier, à l'instar des colosses dans les dessins-animés Le Roi et l'Oiseau et The Iron giant. Lorsque les déformations du robot ne concernent pas leurs proportions, elles peuvent impacter la forme générale de leurs structures. Dans certains récits, les robots sont parfois être dénués de bras, de tête, peuvent se déplacer sur des chenilles au lieu de jambes, etc. Il est d'ailleurs intéressant de constater que ces différentes modifications corporelles font écho aux innombrables potentialités plastiques offertes par les métaux, tels que de multiples teintes et textures, des résistances pouvant varier, un riche travail de fonte et de modelage, entre autres A ce sujet, voir la série de clichés photographiques « Androïd and Humanoïd Photography », réalisée par l'artiste Max Aguilera-Hellweg. Site officiel de l'artiste : http://aguilerahellweg.com/ (dernière consultation le 23/07/18). 521 [312] possibilités. La nouvelle « Victory Unintentional » d'Isaac Asimov relève et illustre cette problématique : « The ZZ robots were the first robots ever turned out by the United States Robots and Mechanical Men Corporation that were not even faintly human in appearance. [] They had six legs apiece, stumpy and thick, designed to lift tons against two and a half times normal Earth gravity. [] They were composed of a beryllium-iridium-bronze alloy that was proof against any know corrosive agent.522 » Enfin, des cas plus extrêmes vont jusqu'à proposer des androïdes pour lesquels l'armature et le squelette interne sont directement transformés, voire inexistants. Dans le film Terminator II : Judgement day, produit par James Cameron en 1991, le robot T-1000 possède la capacité de se liquéfier intégralement et de se restructurer à l'infini. Empruntée aux caractéristiques de fusibilité et de malléabilité que les métaux possèdent à l'état naturel, cette aptitude est retranscrite par Mary Ann Doane dans son article « Technophilia : Technology, Representation and the Feminine », publié au sein de l'ouvrage de Sean Red : « In contrast, the LMM523, "devouring all forms", has no anatomy, no organization []. A part broken from his hand is reabsorbed into his foot. His head is several times blown apart without loss of command.524 » Ces différentes altérations apportées au schéma originel du robot, qui demeure malgré tout le même que celui de l'Homme, ne cherchent pas tant à le renier dans son ensemble qu'à en explorer les possibles limites et extensions. En hybridant les caractéristiques des métaux avec les différents codes formels de l'être humain, la figure canonique de Talos se métamorphose. L'automate d'aujourd'hui jouit de l'ensemble des attributs des matières métalliques dont il est constitué, offrant une constellation d'opportunités structurelles à son créateur. Isaac Asimov, « Victory Unintentional », dans : Isaac Asimov, The complete robot, Op.cit., p.98.
Traduction personnelle : Les robots ZZ étaient les premiers robots à avoir été créés par la Corporation des Robots et des Hommes Mécaniques des Etats Unis qui ne feignaient pas une apparence humaine. Ils avaient six jambes chacun, trapues et épaisses, pensées pour soulever des poids avec une gravité deux fois et demi supérieure à celle sur Terre. [] Ils étaient composés d'un alliage de béryllium, d'iridium et de bronze qui pouvait résister à tous les agents corrosifs connus. 523 Avec ces initiales, l'auteure de l'article évoque le « Liquid Metal Man », l'autre nom donné au robot T-1000 dans le film Terminator II : Judgement day. 524 Mary Ann Doane, « Technophilia
: Technology, Representation and the Feminine », dans : Sean
Red
mond, Liquid metal
: the science fiction film reader
, Op.cit., p.195
.
Traduction personnelle : En contraste, l'Homme de Métal Liquide, « qui dévore toute les formes », n'a pas d'anatomie ni d'organisation []. Un morceau brisé de sa main est réabsorbée dans son pied. Sa tête est détruite à plusieurs reprises sans perte apparente de contrôle. 522 [313] Les représentations artistiques du robot sont sujettes aux mêmes libertés que celles dont jouissent leurs homologues fictionnels. De ce fait, dès le moment où ces derniers commencent à s'affranchir des règles anthropomorphiques strictes auxquelles ils devaient répondre jusqu'alors, l'androïde sculptural s'octroie les mêmes droits. Dans son oeuvre Circe head (voir illustration page suivante), produite entre 1952 et 1953, le sculpteur Reg Butler présente au spectateur la d'une tête difforme et maltraitée. Sa surface de bronze, dont la texture s'apparente à de la chair portée à vif, est transpercée par de petites barres métalliques qui pénètrent et s'extraient de ce simulacre de matière organique. La description de la sculpture proposée par la Tate Britain est la suivante : « This sculpture is titled after Circe, the sorceress of Greek mythology who turned Odysseus's men into pigs. The misshapen head looks like a joint of meat with wires and nails protruding from it525 ». En dépit des précisions offertes par ce court texte explicatif, la silhouette qu'adopte Circe head ne rappelle en rien une quelconque forme tirée de l'anatomie d'un être humain. Disponible sur http://www.tate.org.uk/art/artworks/butler-circe-head-t03867 (dernière consultation le 30/10/17). Traduction personnelle : Cette sculpture est intitulée d'après Circée, la sorcière de la mythologie grecque qui transforma les hommes d'Ulysse en cochons. Sa tête difforme ressemble à un amas de viande percé de câbles et avec des clous saillants. 526 Ollivier Dyens, Chair et métal, Op.cit., p.137. 527 Parmi les cyborgs les plus célèbres de la science-fiction, il convient de citer Alex Murphy, héros du film RoboCop réalisé par Paul Verhoeven en 1987. En parallèle, dans l'univers des comics américains, le personnage de Cyborg, créé par Marv Wolfman et George Pérez, fait aussi figure d'incontournable. 525 [314]
Illustration non disponible Reg Butler, Circe Head, 1952-1953 Bronze, 43 x 23,5 x 21,5 cm. Avec la sculpture Circe head, Reg Butler propose la vision d'une sorte d'embryon de cyborg, une créature de chair et d'acier en devenir dont l'évolution demeure incertaine. Du fait de l'utilisation de textures plus organiques qu'industrielles, cet être hybride est ici fondamentalement laid et repoussant. Le traitement du bronze accentue cette impression, tant par le modelage de la chair, qui rivalise avec celui de certaines matières synthétiques produites par les sciences modernes, que par sa patine noire, qui offre à l'ensemble un derme au réalisme angoissant. Par cette approche quasi chirurgicale de la métallurgie, Circe head se met volontairement à l'écart des principales rêveries métalliques liées au cyborg. Dans cette oeuvre, seule une infime partie du travail de la matière est orienté en direction de l'usiné et du mécanique, faisant ainsi la part belle au traitement anatomique du métal et des formes qu'il adopte. L'imaginaire de la révolution industrielle disparait, comme celui du forgeron merveilleux ou du métal alchimique vivant, entre autres exemples, au profit d'une réactualisation de celui de l'armure, qui ne se contente ici plus de protéger le corps mais qui se mêle à lui. Le métal exploite ses caractéristiques de solidité et de fermeté pour améliorer, mais aussi pour dénaturer, l'organe auquel il se greffe. Cet organe, indéfinissable dans la sculpture de Reg Butler, profite des attributs intrinsèques de la matière qu'il assimile pour s'optimiser et se transformer, comme peuvent le faire certaines parties de l'anatomie humaine à l'aide des progrès de la médecine de notre époque. Dans son essai, Ollivier Dyens en arrive à la conclusion que « nous devenons des cyborgs ». En comparant cette hypothèse avec l'aspect repoussant et profondément inhumain de Circe head, la tournure cauchemardesque de l'être métallique refait surface : si l'avenir de l'hybridation entre l'organique et le technologique dirige l'humanité vers des êtres semblables à celui sculpté par Reg Butler, le robot n'est-il pas plus une dystopie qu'une utopie? Le travail plastique d'une seule partie d'un corps-machine est une chose récurrente dans les créations sculpturales qui exploitent les figures robotiques en tout genre, à l'instar du cyborg par exemple. En plus de mettre en avant la thématique d'un être constructible et déconstructible à souhait, ce choix permet de mettre en exergue certaines caractéristiques spécifiques de tel ou tel fragment de l'entité mécanisée. [316] réalisé par Ridley Scott en 2012, illustre bien ce phénomène : bien que dénué de corps, le personnage est toujours en état de communiquer et de réfléchir, démontrant par-là que le reste de son anatomie n'est destinée qu'à satisfaire les désirs démiurgiques de son créateur. « I was designed like this because you people are more comfortable interacting with your own kind529 », explique d'ailleurs David à un autre membre de l'équipage lors de l'arrivée sur la planète LV223. Parmi les oeuvres artistiques qui s'attachent à questionner la tête robotique en tant qu'objet indépendant, il en est une qui, par ses dimensions et le travail nécessaire à sa réalisation, se présente comme le chef d'oeuvre de la carrière de son créateur, le plasticien Jean Tinguely. Il s'agit du Cyclop (voir illustrations pages suivantes), une immense tête de béton de vingt-deux mètres de haut, intégralement recouverte de miroirs et qui cache une imposante machinerie derrière elle. Réalisée avec l'aide de Niki de Saint Phalle et de nombreux autres artistes majeurs du mouvement du nouveau-réalisme, la confection de celle-ci s'étala sur trente ans, jusqu'à la mort de l'artiste machiniste suisse, en 1991, qui marqua l'aboutissement de ce projet titanesque. Sur le site officiel de l'oeuvre, Le Cyclop est décrit de la façon suivante : « L'immense tête sans corps, étincelante de miroirs, avec un oeil unique, une bouche d'où ruisselle de l'eau sur une langue toboggan, une oreille qui pèse une tonne, abrite en son centre un univers surprenant où le spectateur est invité à suivre un parcours labyrinthique pour découvrir des oeuvres variées et complémentaires, des sculptures sonores, un petit théâtre automatique et à l' du cerveau, une machinerie formidable aux engrenages de ferraille aussi fascinants qu'hétéroclites.530 » Bien qu'elle ne constitue qu'une portion de l'ensemble sculptural gigantesque regroupé autour de la tête du Cyclop, cette partie mécanique de l'oeuvre est celle qui se révèle être la plus intéressante, formellement comme sémantiquement, pour notre recherche. Son rôle est décisif, dans un premier temps, puisqu'elle rappelle l'attraction de Jean Tinguely pour les engrenages, les roues et les courroies. « Les machines de Tinguely sont plus des anti-machines que des machines. Ce que l'on recherche d'ordinaire dans une machine, ce sont la régularité et la précision. Tinguely, lui, traque le désordre mécanique531 », rappelle à ce sujet l'historien de l'art Pontus Hulten. Tra
duction personnelle
: J'ai été conçu ainsi parce-que vous, les humains, êtes plus à l'aise lorsque vous interagissez avec ceux de votre
espèce
. 530 Description du
Cyclo
p sur le site officiel de l'oeuvre, Disponible sur : http://lecyclop.com/Le-Cyclop-Cyclop (dernière consultation : 12/08/17). 531 Collectif, Robots Sculptures, les machines sentimentales, Op.cit., p.90. 529 [317] Illustration non disponible Jean Tinguely (avec Niki de Saint Phalle, Daniel Spoerri, Arman, et autres), Le Cyclop, 1964 - 1994 Métaux divers, béton, miroirs, autres éléments, hauteur : 2250 cm. [318] Illustrations non disponibles Jean Tinguely, Le Cyclop Détails [319]
Le visiteur de l'oeuvre erre dans la confusion de ce décor inusuel, au sein duquel différentes créations artistiques de tailles plus modestes prennent place, comme s'il lui était donné la possibilité de pénétrer dans les entrailles d'un robot à la taille phénoménale et de visiter les moindres recoins de son anatomie de fer et d'acier. A l'image de Charlie Chaplin dans la scène culte du film Modern times532, lorsque le protagoniste est englouti par une lourde machinerie industrielle, l'usager de Cyclop n'a d'autre choix que de se frayer un chemin dans le dédale de ponts et d'engrenages métalliques. En proposant cette expérience, Jean Tinguely dédiabolise la figure de l'automate. Malgré sa face vomissante et en dépit des dimensions colossales qu'il adopte ici, la déstructuration de son crâne et l'exposition de ce qu'il contient de plus profond permet au spectateur de réaliser ce qu'un robot est réellement, en essence, à ses origines : un simple assemblage d'éléments métalliques en mouvement, savamment soudés et rivetés, qui ne possède d'un être humain que les formes qu'il copie. A l'inverse de certains imaginaires reliés à la robotique contemporaine, qui désirent mêler les androïdes au reste de l'humanité en poussant la ressemblance jusqu'aux limites de l'inquiétant, Cyclop propose un retour à la quintessence de l'automate mythologique. Dans cette structure, le métal est largement apparent, présenté à l'air libre suite à la dissection du crâne de béton, le processus permettant son dynamisme est laissé en évidence et l'absence d'autonomie du robot, et donc de conscience ou d'intelligence artificielle, est flagrante. Le choi de la figure du cyclope, créature forgeronne des récits légendaires gréco-romains, permet d'ailleurs de guider la lecture de la sculpture dans cette direction mythique, rappelant qu'à leurs origines les machines animées n'étaient rien d'autre que des « engins [] fabriqués selon des techniques, des savoir-faire. Ils ne sont pas des êtres surnaturels533 », comme l'exprime Solange Thierry. Bien que l'intérêt principal du Cyclop réside dans son architecture métallique interne, l'oeuvre dans sa globalité comporte de nombreux autres matériaux : l'avant du crâne est en béton, la peau du visage est en miroirs, de l'eau coule en continu de sa bouche, etc. A l'aide de cette multitude de substances, et tout particulièrement du couple acier / béton qui domine l'ensemble, la sculpture de Jean Tinguely s'ouvre à une étude intermatérielle. Parmi l'ensemble des axes de recherche que ce concept permet, la notion de coprésence est ici convoquée en priorité, du fait du dialogue que le métal entretient avec le ciment aggloméré. Cet échange entre les matières met en exergue une réflexion largement orientée en direction de l'architecture Charlie Chaplin, Modern times, Etats-Unis, prod. Chaplin - United Artists, 1936, 14min25. Solange Thierry, « Robots et machines "véhicules des esprits" en Asie du Sud-Est », dans : Collectif, La Forge et le Forgeron II : Le merveilleux métallurgique, Op.cit., p.73. 532 533 [320] moderne, un domaine dans lequel ces deux matériaux sont très souvent juxtaposés et envisagés conjointement. L'illustration la plus significative de cette thématique est l'usage récurrent du béton armé dans le bâtiment, une substance hybride qui exploite la résistance d'une structure en métal pour consolider de l'intérieur une masse de béton. La présence d'une armature au coeur de la matière évoque à son tour la composition de l'anatomie humaine, pour laquelle le ciment remplacerait la chair et le fer pourrait se substituer aux organes ou à l'ossature. Avec Le Cyclop, cette analogie entre architecture et morphologie humaine se vérifie. L'usage qui est fait de chaque matériau dans la sculpture anthropomorphique rappelle en effet celui effectif dans le bâtiment : le béton, moulé selon les caractéristiques d'un crâne, incorpore le métal, qui fait office de machine cérébrale, pour solidifier et unifier l'ensemble. Le rapport entre les substances employées par Jean Tinguely, le rôle qu'elles jouent dans l'oeuvre et les thématiques architecturales qu'elles invoquent instaurent toutes trois un dialogue durable, situé dans l'entredeux des matières et propre à l'étude la notion de coprésence, qui rapproche le robot gigantesque des buildings que l'on peut voir dans les grandes villes et avec lesquels il rivalise dans certains films de science-fiction. En considérant les notions d'urbanisme, d'automate gigantesque et de coprésence matérielle, d'autres oeuvres peuvent se rapprocher du Cyclop. C'est par exemple le cas du Géant (voir illustrations pages suivantes), produit par la troupe de théâtre du Royal de Luxe en 1993. Principalement constituée d'acier et de bois sculpté, cette marionnette colossale de quatorze mètres de haut, qui nécessite la présence de trente-deux manipulateurs et de deux semi-remorques pour se mouvoir, a été mise en scène dans de nombreux scénarios, en France comme à l'étranger. [322] disponible Royal de Luxe, Le Géant Détails
[323] Elle reprend le mythe cosmogonique des géants, qui se retrouve dans les récits fondateurs scandinaves. « Les témoins beaucoup plus récents s'accordent tous [] sur la présence, aux origines, de géants535 », écrit à ce sujet Régis Boyer dans son ouvrage Yggdrasill, la religion des anciens scandinaves. Représenté sous les traits d'un automate anthropomorphe, Le Géant du Royal de Luxe serait ainsi l'incarnation mécanique d'une célèbre figure démiurgique du panthéon nordique, chargée, selon les légendes, de modeler les terres de l'Islande pour les rendre plus hospitalières. Concernant la plasticité de cet être mécanisé, qui se rapproche plus d'une machine contrôlée manuellement, telles qu'elles pouvaient l'être lors des premières révolutions industrielles, que d'une machine strictement animée, il convient de relever, dans un second temps, qu'elle diffère de celles des androïdes métalliques classiques du cinéma ou de la littérature. Bien que les codes de l'anatomie humaine soient ici exploités avec justesse et soucis du détail, le métal n'est que très peu visible. Il constitue en réalité le squelette du Géant, son armature interne chargée de supporter et d'ordonner la structure externe faite de bois sculpté et de vêtements divers. Comme pour Le Cyclop, le fer et l'acier jouent un rôle primordial dans l'oeuvre mais ne s'exposent pas au grand jour. La machinerie métallique est cachée, dissimulée pour essayer de se faire oublier et ainsi offrir un semblant d'autonomie à cette marionnette géante. Malgré cette tentative, les nombreux manipulateurs qui s'affairent autour de la sculpture animée ancrent définitivement Le Géant dans la catégorie des roïdes soumis aux désirs de l'humain. Il n'est qu'un pantin aux mains de ses concepteurs, qui gardent ainsi le contrôle sur leur création titanesque. « Le "règne des robots" – dont les hommes deviendraient esclaves – ne semble pas promis pour demain : le sculpteur en déconstruit par avance les pièces536 », écrit Dominique Dalemont dans son livre Les sculpteurs du métal. A l'image des divinités métallurgistes, les plasticiens du Royal de Luxe supervisent la conception et l'animation de l'automate, bridant ainsi son indépendance, l'obligeant à respecter à la lettre les « Trois lois de la robotique » et permettant finalement à l'onirisme de la machine de se maintenir cette fois-ci du côté de l'utopie, loin de la hantise d'une entité robotique néfaste et fondamentalement dystopique.
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Apports des méthodes photon-in/photon-out à la compréhension des systèmes catalytiques complexes. Catalyse. Université de Lille, 2018. Français. ⟨NNT : 2018LILUR013⟩. ⟨tel-04206713⟩
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La comparaison de l’orbitale Co 2p du CoEn/-Al2O3 à celle enregistrée pour le composé Co3O4 [4] (voir Figure 4-2.d), montre que notre échantillon ne contient pas majoritairement l’espèce Co3O4 (les pics satellites sont de faible intensité pour le composé Co3O4 et très intenses pour le composé CoEn/-Al2O3). L’enveloppe expérimentale du spectre XPS du cobalt 2p du CoEn/-Al2O3 correspond plus à celle d’une espèce contenant du Co2+ en symétrie octaédrique, comme l’hexahydrate du nitrate du cobalt (Co(H2O)6(NO3)2), qui possède des pics satellites intenses [5] (voir Figure 42b). Aux vues de ces observations et des résultats obtenus plus haut par spectroscopie Raman, nous avons décomposé le spectre XPS de l’orbitale Co 2p en utilisant les paramètres relatifs aux composés Co3O4 [4], CoAl2O4 [6] et (Co(H2O)6(NO3)2) [5]. Lors de ces décompositions, l’ajustement du spectre expérimental en utilisant uniquement les paramètres de Co3O4 et 175 CoAl2O4 n’a pas été concluant et l’enveloppe expérimentale du spectre XPS n’a pu être reproduite. Seul l’ajustement en utilisant les enveloppes expérimentales des spectres des composés (Co(H2O)6(NO3)2) et CoAl2O4 a pu reproduire correctement l’enveloppe XPS (voir Figure 4-2a). Comme résultat final nous obtenons 66% pour l’espèce Co2+ en symétrie octaédrique et de 34% d’espèce Co2+ en symétrie tétraédrique. Ce résultat XPS n’est pas forcément en contradiction avec les résultats Raman. En effet, étant donné que ce dernier n’est pas quantitatif, l’observation de raies Co 3O4 n’implique pas forcément sa présence majoritaire, tout comme la présence d’espèces Co2+ octaédriques à la surface de catalyseurs non détectés par spectroscopie Raman n’implique pas leur présence minoritaire dans l’échantillon. En conclusion, en s’appuyant sur les deux spectroscopies Raman et XPS, l’échantillon synthétisé est hétérogène et présente différentes spéciations du l’ion cobalt : Co2+ en symétrie octaédrique, Co2+ en symétrie tétraédrique (CoAl2O4) et Co3O4. Figure 4-2 : a) Décomposition spectrale du spectre XPS du cobalt 2p (3/2) de l’échantillon CoEn oxyde, b) Spectre XPS du cobalt 2p de CoAl2O4, c) Spectre XPS du cobalt 2p du nitrate de cobalt, d) Spectre XPS du cobalt 2p de Co3O4. 176
3.2 Catalyseur CoMoEn_0v4/-Al2O3
La Figure 4-3 montre le spectre Raman du catalyseur CoMoEn_0v4/-Al2O3. Il est composé d’une raie principale à 967 cm-1 suivie d’un épaulement large vers 844 cm-1. Cette signature spectrale est caractéristique d’une espèce polymolybadte [7] [8]. Aucune raie caractéristique de l’oxyde CoMoO4 (raie à 820 cm-1, doublet à 945 et 952 cm-1 [7]) et de l’oxyde MoO3 (raies fines à 819 et 995 cm-1 [8]) n’est observée sur le spectre. Les deux autres raies situées respectivement à 375 et 1100 cm-1 sont les signatures RAMAN du porte échantillon en verre [9] sur lequel a été déposé le catalyseur durant l’analyse.
Figure 4-3 : Spectre Raman du catalyseur oxyde CoMoEn_0v4.
La Figure 4-4 présente le spectre XPS du cobalt 2p du catalyseur CoMoEn_0v4 sous forme oxyde. Il présente une structure composée d’un pic principal à 781,9 eV suivi de pics satellites. Comme pour l’échantillon CoEn, l’enveloppe expérimentale du spectre XPS du cobalt 2p du CoMoEn_0v4 correspond plus à celle d’une espèce contenant du Co2+ en symétrie octaédrique, comme l’hexahydrate du nitrate du cobalt (Co(H2O)6(NO3)2), en raison de la présence des pics satellites intenses. Nous avons réalisé plusieurs décompositions en incluant les paramètres de CoAl2O4 [6] et de CoMoO4 [10] [11] (espèce observée dans les travaux de Pascal Blanchard [1]). Or, l’ajustement du spectre expérimental n’a pas été concluant avec le spectre de ces références et l’enveloppe expérimentale du spectre XPS n’a pu être reproduite. La 177 décomposition spectrale du spectre XPS du cobalt 2p du catalyseur a donc été réalisée à partir du spectre de référence du nitrate de cobalt, en prenant en compte les contraintes du composé Co(OH)2 décrites dans la littérature [12] [13], pour la demi orbitale Co 2p3/2. Les contraintes d’aires, de position et de largeur à mi-hauteur sont résumées dans le Tableau 12. Nous sommes donc en présence de cobalt II en coordinence octaédrique.
Figure 4-4 : a) Décomposition spectrale du spectre XPS du cobalt 2p (3/2) du catalyseur CoMoEn_0v4 oxyde, b) Spectre XPS du cobalt 2p du nitrate de cobalt, c) Spectre XPS du cobalt 2p de CoMoO 4.
Contribution CoMo
En Pic principal CoMoEn Pic 1 CoMoEn Pic 2 CoMoEn Pic 3 Energie de liaison (eV) Aire 781,7 (A) 394,5 (A) 2,46 (A) A + 1,8 A x 0,66 A x 1,30 A + 5,6 A x 1,05 A x 2,19 A + 9,8 A x 0, A x 1,004
Largeur
à
mihauteur (eV) Tableau 12 : Contraintes d’aires, de position et de largeur à mi-hauteur utilisées pour la décomposition du spectre XPS du cobalt 2p (3/2) du catalyseur CoMoEn_0v4 oxyde. 178 4. Sulfuration in situ de catalyseurs HDS
De nombreuses études par spectroscopie XAS in situ ont été réalisées pour identifier les différents intermédiaires qui se forment au cours de la sulfuration de catalyseurs HDS [14] [15] [16]. Ainsi, en plus de la formation de l’espèce active dite « CoMoS », d’autres espèces comme le sulfure de cobalt Co9S8 ou l’aluminate de cobalt peuvent se former au cours de la sulfuration des catalyseurs HDS [17] [18]. Cependant, avec un spectre XAS « classique », le signal obtenu est une somme pondérée des différentes spéciations du cobalt. Il n’est donc pas possible d’obtenir un spectre pur correspondant à une spéciation donnée du Cobalt. Nous allons voir dans cette étude que grâce à la spectroscopie HERPFD-XAS par détection de la raie d’émission Kβ1,3 au seuil K du cobalt, il est possible d’obtenir les spectres purs des différentes phases sulfures et oxydes.
4.1 Protocole expérimental
Les sulfurations in situ du catalyseur CoMoEn_0v4 et de l’échantillon CoEn ont été suivies par spectroscopie HERPFD-XAS au seuil K du cobalt par détection de la raie d’émission Kβ1,3. Les échantillons ont été sulfurés avec un mélange H2/H2S (proportions 90/10 avec un débit de 15 mL/min) avec une rampe en température de 1°C/min allant jusqu’à 400°C, s’ensuit ensuite un plateau 1 heure à 400°C sous flux de H2/H2S. Comme présenté au cours du chapitre 2, les raies d’émission Kβ1,3 du cobalt sont sensibles au degré d’oxydation et l’état de spin. Nous allons montrer ici qu’elles le sont également à la nature du ligand (ligand soufre vs ligand oxygéné). La sensibilité des raies de fluorescence Kβ1,3 à la nature des ligands a été reporté dans la littérature par Glatzel et al [19] où la structure des raies d’émission Kβ1,3 du fer des composés Fe2O3 et K4Fe(CN)6 sont différentes selon le ligand oxygène ou cyanure. Pour le composé K4Fe(CN)6, un décalage de la raie Kβ1,3 du fer vers les basses énergies à 7057 eV a été observé par les auteurs, alors que la position de la raie Kβ1,3 du fer du composé Fe2O3 se trouve à 7059 eV. La structure de la Kβ’du composé K4Fe(CN)6 est également modifiée par rapport à celle de Fe2O3 (voir Figure 4-5).
179 Figure 4-5 : Spectres d’émission issus des raies Kβ du bleu de Prusse (Fe4[Fe(CN)6]3) avec les deux composés de références (Fe2O3 et K4Fe(CN)6). D’après la référence [19]. La Figure 4-6 montre les raies d'émission Kβ1,3 du catalyseur CoMoEn_0v4 enregistrées à température ambiante sous flux d'air et sous flux H2 / H2S à 400 ° C. Après la sulfuration, le pic Kβ1,3 du CoMoEn_0v4 sulfuré à 400°C ° est décalé de 1 eV vers les plus hautes énergies. On note également une diminution de l’intensité du pic K'à 7639 eV. Par conséquent, il est possible d'obtenir des spectres XAS sélectifs aux ligands oxygène et soufre et donc, de distinguer les espèces oxydes des espèces sulfures formées lors de la sulfuration du catalyseur CoMoEn_0v4. Cependant, l’obtention de ces spectres « purs » des espèces oxydes et sulfures ne peut pas être réalisée en mesurant directement les spectres d’absorption X à une énergie de détection donnée, vu que les raies d’émission Kβ1,3 du cobalt se recouvrent (voir Figure 4-6).
Figure 4-6 : Sélectivité des raies d’émission Kβ1,3 du cobalt : choix de l’énergie d’acquisition des spectres HERPFDXAS au seuil K du cobalt. Noir : échantillon CoMoEn_0v4 oxyde, rouge : échantillon CoMoEn_0v4 sulfuré à 400°C sous H2/H2S. Ainsi, pour obtenir des spectres purs et atteindre une sélectivité « totale », une déconvolution des spectres expérimentaux enregistrés pour deux énergies de détection du spectromètre est nécessaire. Pour cela, le spectromètre est aligné à deux énergies, soit 7651,1 eV, avec un rapport d'intensité Kβ1,3 (Co-O) / (Co-S) égal à 2, et 7649,3 eV avec Kβ1,3 (Co -O) / (Co-S) égal à 0,85 (voir Figure 4-6). Les spectres HERPFD-XAS enregistrés pour chacune de ces deux énergies du spectromètre (S@7649,3 et S@7651,1) sont une combinaison linéaire des spectres de l’espèce oxyde pure (Sox) et de la phase sulfure pure (Ssul), ce qui donne lieu à un système de deux équations (équations 1 et 2) à deux inconnues (Sox et Ssul). ox et sul sont respectivement les fractions de la phase oxyde et de la phase sulfure observées à une énergie donnée du spectromètre.
S@7649,3eV
= γox@7649,3 eV. Sox + γsul@7649,3
eV. SS
ulf Eq. 1 S@7651,1eV = γox@7651,1 eV. Sox + γsul@7651,1 eV. SSulf Eq. 2
Ainsi, nous avons donc enregistré des spectres HERPFD-XAS in situ au seuil K du cobalt au cours de la sulfuration de l’échantillon CoMoEn_0v4, à la fois à une valeur d’énergie de 7649,3 eV (qui est décrite comme l’énergie du sulfure dans la suite du manuscrit) et à une valeur d’énergie de 7651,1 eV (qui est décrite comme l’énergie de l’oxyde dans la suite du manuscrit). Nous avons également procédé à la sulfuration in situ de l’échantillon CoEn à deux énergies du spectromètre : l’énergie de l’oxyde à 7651,6 eV et à l’énergie du sulfure à 7649,3 eV (voir Figure 4-7). Le rapport d’intensité (espèce oxyde/espèce sulfure) est de 0,95 à l’énergie du sulfure. A l’énergie de l’oxyde (7651,6 eV), le rapport d’intensité (espèce oxyde/espèce sulfure) vaut 1,45. Avant l’enregistrement des spectres XANES, la sulfuration des deux échantillons a d’abord été étudiée en enregistrant les spectres d’émission de la raie Kβ1,3 du cobalt tout au long de la montée en température et du plateau.
181 Figure 4-7 : Sélectivité des raies d’émission Kβ1,3 du cobalt : choix de l’énergie d’acquisition des spectres HERPFDXAS au seuil K du cobalt. Noir : échantillon CoEn oxyde, rouge : échantillon CoEn sulfuré à 400°C sous H2/H2S.
4.2 Suivie de la sulfuration par spectroscopie XES (Raie d’émission Kβ1,3 du cobalt)
L’évolution des raies d’émission Kβ1,3 du cobalt au cours de la sulfuration des échantillons CoMoEn_0v4 et CoEn est présentée dans la Figure 4-8. Les spectres d’émission ont été normalisés.
Figure 4-8 : Raies d’émission Kβ1,3 du cobalt enregistrées au cours de la sulfuration des catalyseurs : a) CoMoEn_0v4 et b) CoEn. Noir : espèce oxyde, rouge : espèce sulfurée à 400°C sous H2/H2S. L’allure globale des spectres d’émission du CoMoEn_0v4 et CoEn sont similaires. Elles sont composées d’un pic principal situé vers 7650 eV pour l’échantillon CoEn et 7650,3 eV pour le catalyseur CoMoEn_0v4. La raie Kβ’ est située autour de 7637,5 eV pour les deux composés. Des changements très fins sont observés sur les spectres au cours de la sulfuration. On observe un décalage du pic principal de la raie d’émission vers les basses énergies quand on est sous 182 flux de H2/H2S, ainsi qu’une diminution de l’intensité de la Kβ’ à 7637,5 eV. Notons que très rapidement (T=50°C, sous flux de H2/H2S) la position des raies d’émission ne varie plus et seule une diminution progressive de l’intensité de la Kβ’ est observée pour le catalyseur CoMoEn_0v4, alors que pour l’échantillon CoEn, l’intensité de la Kβ’ à 7637,5 eV reste inchangée après les premières minutes de la sulfuration. Ceci nous laisse penser que la majorité des espèces oxydes de cobalt présentes à la surface du catalyseur sont converties en espèces sulfures dès les premières minutes de sulfuration à basse température, et que par conséquent, le ratio oxyde/sulfure, aussi bien pour le catalyseur CoMoEn_0v4 que pour l’échantillon de référence CoEn, devient constant au bout de quelques minutes de sulfuration. L’évolution plus progressive de la raie Kβ’ à 7637,5 eV pour le catalyseur CoMoEn_0v4 montre néanmoins que le processus de sulfuration est différent de celui du CoEn, mais à ce stade aucune conclusion ne peut être faite. Nous discuterons plus tard dans le manuscrit l’origine de la diminution de l’intensité de la Kβ’ à la lumière d’autres techniques spectroscopiques (RIXS 1s2p et XPS) et des calculs DFT qui vont nous permettre de comprendre la nature électronique exacte des différents intermédiaires de la sulfuration et de la phase active. Nous allons nous intéresser pour le moment aux spectres HERPFD XAS enregistrés aux deux énergies du spectromètre pour le catalyseur CoMoEn_0v4 et l’échantillon de référence CoEn. 4.3. Identification des intermédiaires de la sulfuration par HERPFD-XAS au seuil K du Co sélective au Ligand 4.3.1 Procédure de déconvolution des spectres HERPFD-XAS au seuil K du cobalt
La Figure 4-9 montre les spectres d’absorption issus de la rampe de sulfuration pour les catalyseur CoMoEn_0v4 et l’échantillon de référence CoEn pour les deux énergies de détection. Pour les deux échantillons, nous observons une diminution très rapide de l’intensité de la raie blanche et un déplacement des seuils d’absorption vers les basses énergies, montrant que les échantillons ont subi des changements de structures géométriques et électroniques majeurs. Notons qu’à l’énergie du sulfure (voir Figure 4-6 et Figure 4-7), ces changements sont beaucoup plus rapides qu’à l’énergie de l’oxyde. Rappelons qu’à l’énergie du sulfure, le rapport d’intensité pour les raies d’émission avant et après sulfuration est proche de un (0,95 pour le CoEn et 0,85 pour le CoMoEn_0v4) ou autrement dit, à cette énergie de sulfure, on ne sélectionne pas l’espèce sulfure au déterminent de l’oxyde ou inversement, et que donc l’évolution très rapide des spectres d’absorption vers une espèce sulfure est bien réelle et n’est pas due à l’énergie de détection utilisée. Par contre, à l’énergie de l’oxyde, le rapport d’intensité 183 des raies d’émission avant et après sulfuration est de 2 pour le catalyseur CoMoEn_0v4 et de 1,45 pour l’échantillon de référence CoEn (voir Figure 4-6 et Figure 4-7). Donc à cette énergie, nous sélectionnons bien l’espèce oxyde par rapport à l’espèce sulfure et ceci se traduit clairement sur les spectres XAS où on voit que la diminution de de la raie blanche est moins rapide. Pour les spectres de l’échantillon monométallique CoEn (Figure 4-9 a et b), on remarque que les spectres de départ (spectres bleus) enregistrés aux deux énergies du spectromètre sont différents. Ceci est dû à la présence d’espèces oxydes différentes (Co3O4, CoAl2O4 et Co en coordinence octaédrique observés par XPS et Raman, voir paragraphe 3.1) montrant des valences et des symétries différentes et donnant lieu donc à des spectres XAS différents selon l’énergie de détection utilisée. Les spectres XAS de départ du CoMoEn_0v4 sont similaires pour les deux énergies de détection laissant penser la présence majoritaire d’espèces oxydes ayant la même valence et la même symétrie (CoII en coordinence octaédrique). L’allure globale des spectres obtenus à la fin de la rampe (Figure 4-9.c, spectres verts) est assez similaire témoignant de la présence majoritaire d’espèces sulfures pour les deux échantillons. Notons toutefois la présence de structures autour de 7725 eV pour le CoEn à l’énergie de l’oxyde (voir 184 Figure 4-9.b). Ces structures sont présentes pour le spectre du CoMoEn_0v4 (voir Figure 49.d) mais ont une intensité beaucoup plus faible.
Figure 4-9 : Spectres HERPFD-XAS expérimentaux au seuil K du cobalt enregistrés à l’énergie du sulfure (a) et à l’énergie de l’oxyde (b) au cours de la sulfuration de l’échantillon CoEn. Spectres HERPFD-XAS expérimentaux au seuil K du cobalt enregistrés à l’énergie du sulfure (c) et à l’énergie de l’oxyde (d) au cours de la sulfuration du catalyseur CoMo _0v4. Bleu : spectre du catalyseur oxyde à température ambiante, rouge : spectre du catalyseur sous H2/H2S à température ambiante, vert : spectre du catalyseur sous H2/H2S à 400°C. Pour aller plus loin dans l’interprétation, nous avons procédé à l’extraction des spectres purs des phases sulfures et oxydes pour les différentes températures de la rampe de sulfuration. Pour augmenter le rapport signal/bruit, nous avons sommé les spectres (après normalisation) lorsqu’ils présentaient une structure identique, puis nous avons déconvolué ces spectres en se basant sur les équations (1) et (2) (paragraphe 4.1). L’étape de déconvolution des spectres des catalyseurs supportés s’est avéré être beaucoup plus délicate que celle du composé de référence Co3O4 (cf. chapitre 3 paragraphe 5.1) où uniquement deux cobalt de valences différentes coexistent. En effet, nous avons montré au paragraphe 3.1, la présence possible de l’aluminate de cobalt (CoII, Td), du CoII en symétrie octaédrique et du Co3O4 (CoII/Td et CoIII/Oh) pour l’échantillon de référence CoEn. Ainsi le spectre d’émission de départ de ce dernier va correspondre à la somme pondérée des spectres d’émission de ces différentes phases oxydes. Au cours de l’activation du catalyseur, la 185 sulfuration de ces différentes espèces oxydes ne va pas se produire de manière similaire : e.g il n’est possible de sulfurer les espèces aluminate de cobalt et cette dernière va demeurer à l’état oxyde [18]. Autrement dit les espèces oxydes de départ (aluminate de cobalt, CoII en symétrie octaédrique et Co3O4) ne vont pas se trouver dans les mêmes proportions au départ et à la fin de la rampe de sulfuration. Comme les spectres d’émission de ces différentes phases oxydes montrent des allures différentes et des positions différentes (voir Figure 4-10), il n’est plus possible de considérer le spectre d’émission de départ (avant sulfuration enregistré à T ambiante sous flux d’air) et le spectre d’émission final (plateau 400°C, sous flux de H2/H2S) pour calculer le ratio CoII-S/CoII-O pour les différentes températures de la rampe de sulfuration et extraire donc les différents spectres HERPFD-XAS. Pour contourner cette difficulté, nous nous sommes basés sur les conclusions obtenues lors de l’analyse des spectres d’émission et d’absorption (cf. paragraphe 4.2) : la conversion de la majorité de l’espèce oxyde en sulfure se faisant lors des premières minutes de la rampe, on peut donc émettre comme hypothèse de travail, que l’oxyde restant à plus haute température de la rampe de sulfuration est majoritairement de l’aluminate de cobalt, qui est connu pour être réfractaire à la sulfuration. Nous utiliserons donc le spectre d’émission du CoAl2O4 pour calculer le ratio CoII-S/CoII-O nécessaire pour la déconvolution des spectres. Les premiers spectres enregistrés avant la stabilisation de la quantité de l’oxyde ne seront pas déconvolués et exploités dans le cadre de cette étude.
Figure 4-10 : Comparaison des raies d’émission Kβ1,3 du cobalt de CoAl2O4 (noir) comparée avec l’échantillon CoEn oxyde (vert) et Co3O4 (rouge). Les Figure 4-11 et 4-12 récapitule les rapports d’intensités des raies d’émission pour les deux énergies du spectromètre et pour les deux échantillons CoEn et CoMoEn_0v4 en considérant l’oxyde de départ ou le composé CoAl2O4 pour le calcul du rapport CoII-O/CoII-S : 186
• Le rapport d’intensité (espèce oxyde/espèce sulfure) entre la raie d’émission de CoAl2O4 et la raie d’émission de l’échantillon CoEn sulfuré à 400°C sous H2/H2S (voir Figure 4-11.a) est 0,95 à l’énergie du sulfure et de 0,6/0,39 soit 1,55 à l
’énergie
de
l’oxyde (7651,6 eV).
Ces rapport
s
sont très similaires aux rapports d’intensité entre la raie d’émission de l’oxyde de départ et la raie d’émission de l’échantillon CoEn sulfuré à 400°C sous H2/H2S (voir Figure 4-11.b). • Le rapport d’intensité entre la raie d’émission du catalyseur CoMoEn_0v4 oxyde et la raie d’émission du catalyseur CoMoEn_0v4 sulfuré à 400°C sous H2/H2S (voir Figure 4-12.a) est de 0,85/1 à l’énergie du sulfure (7649,3 eV) et est égale 0,8/0,4 soit 2 à l’énergie de l’oxyde (7651,1 eV). • Le rapport d’intensité entre la raie d’émission de CoAl2O4 et la raie d’émission du catalyseur CoMoEn_0v4 sulfuré à 400°C sous H2/H2S (voir Figure 4-12.b) est de 0,95/1 à l’énergie du sulfure et de 0,8/0,5 soit 1,6 à l’énergie de l’oxyde (7651,1 eV)
Figure 4-11 : a) Raies d’émission Kβ1,3 du cobalt pour déterminer le rapport d’intensité (espèce oxyde/espèce sulfure), noir : CoAl2O4, rouge : échantillon CoEn sulfuré à 400°C sous H2/H2S, b) Raies d’émission Kβ1,3 du cobalt pour déterminer le rapport d’intensité (espèce oxyde/espèce sulfure), noir : CoEn oxyde rouge : échantillon CoEn sulfuré à 400°C sous H2/H2S. 187 Figure 4-12 : a) Raies Kβ1,3 du cobalt pour déterminer le rapport d’intensité (espèce oxyde/espèce sulfure), noir : CoMoEn_0v4 oxyde, rouge : catalyseur CoMoEn_0v4 sulfuré à 400°C sous H2/H2S. b) Même chose avec les raies d’émission de CoAl2O4 (noir) et du catalyseur CoMoEn_0v4 sulfuré à 400°C sous H2/H2S.
rouge). Les Tableaux 13 et 14 regroupent les valeurs de γsulfure pour les deux énergies du spectromètre en considérant, soit le spectre d’émission de CoAl2O4 soit celui du CoEn (ou CoMoEn_0v4) comme référence pour la détermination du ratio CoII-S/CoII-O. Notons que les équivalents γox peuvent se déduire de ces tableaux puisque la somme γox + γsulf =1. Les deux premières colonnes du tableau correspondant à des pourcentages théoriques d’oxyde et de sulfure qui pourraient être observés au cours de la sulfuration. Ces pourcentages sont ensuite corrigés par le ratio CoII-S/CoII-O pour obtenir les valeurs des γsulf et γox qui seront utilisés dans les équations 1 et 2 pour obtenir les spectres HERPFD XAS purs. Ce tableau montre, comme attendu, qu’en utilisant des ratios CoII-S/CoII-O différents nous obtenons des valeurs de γsulf différentes ce qui va donc impacter l’allure du spectre extrait. Comme les rapports d’intensité (espèce oxyde/espèce sulfure) entre la raie d’émission de CoAl2O4 et la raie d’émission de l’échantillon CoEn sulfuré à 400°C et, entre la raie d’émission de CoEn oxyde et la raie d’émission de l’échantillon CoEn sulfuré à 400°C sous H2/H2S sont similaires, les valeurs de γsulf sont similaires et donc les spectres extraits en considérant la raie d’émission oxyde du CoEn oxyde ou celle du CoAl2O4 seront les mêmes. Notons finalement qu’il n’a pas été possible de déterminer la quantité d’oxyde et de sulfure présents au cours de la sulfuration de l’échantillon CoEn et du catalyseur CoMoEn_0v4 via l’ajustement des raies d’émission Kβ1,3 du cobalt, comme nous avons procédé pour le composé Co3O4 (cf. chapitre 3 section 5.2). Ceci est dû au fait qu’il nous n’a pas été possible d’enregistrer un composé de référence de sulfure « pur » pendant le temps de faisceau synchrotron alloué. Puisque les quantités de phases sulfures et oxydes sont constantes après les premières minutes de sulfuration, nous avons utilisé les proportions de phases oxydes et sulfures déterminés lors 188 de la quantification par spectroscopie XPS de l’échantillon CoEn et du catalyseur CoMoEn_0v4 sulfurés à 400°C, autrement dit 75% de phase sulfure et 25% de phases oxyde. Ce pourcentage a été ensuite corrigé par le ratio CoII-S/CoII-O pour tenir compte de l’énergie du spectromètre. L’ajustement des spectres XPS du catalyseur et du composé de référence CoEn sera discuté lors de la section 4.7.1 du ce chapitre. Dans ce qui suit, nous allons utiliser ce pourcentage pour déconvoluer nos spectres expérimentaux. Raies d’émission avec CoAl2O4 comparée à CoEn sulfuré à 400°C % oxyde % sulfure γsul@7651,6 eV γsul@7649,3 eV 0,1 0,9 0,79 0,91 0,15 0,85 0,70 0,86 0,2 0,8 0,62 0,81 0,25 0,75 0,55 0,76 0,3 0,7 0,49 0,71 0,35 0,65 0,43 0,66 0,4 0,6 0,38 0,61 0,5 0,5 0,29 0,51 0,6 0,4 0,21 0,41 0,7 0,3 0,15 0,31 0,8 0,2 0,09 0,21 0,9 0,1 0,04 0,10 Raies d’émission avec CoEn oxyde comparée à CoEn sulfuré à 400°C % oxyde % sulfure γsul@7651,6 eV γsul@7649,3 eV 0,1 0,9 0,81 0,91 0,15 0,85 0,73 0,86 0,2 0,8 0,65 0,81 0,25 0,75 0,59 0,76 0,3 0,7 0,53 0,71 0,35 0,65 0,47 0,66 0,4 0,6 0,42 0,61 0,5 0,5 0,32 0,51 0,6 0,4 0,24 0,41 0,7 0,3 0,17 0,31 0,8 0,2 0,11 0,21 0,9 0,1 0,05 0,10 Tableau 13 : Valeurs de γsulfure respectivement à l’énergie du sulfure et à l’énergie de l’oxyde en fonction des rapports d’intensité (espèce oxyde/espèce sulfure) sur les raies d’émission Kβ1,3 du cobalt de CoAl2O4, comparée à celle de l’échantillon CoEn sulfuré à 400°C et de l’échantillon CoEn oxyde comparée à celle de l’échantillon CoEn sulfuré à 400°C 189 Raies d’émission avec CoAl2O4 comparée à CoMoEn_0v4 sulfuré à 400°C % oxyde % sulfure γsul@7651,1 eV γsul@7649,3 eV 0,1 0,9 0,78 0,90 0,15 0,85 0,69 0,86 0,2 0,8 0,61 0,81 0,25 0,75 0,54 0,76 0,3 0,7 0,48 0,71 0,35 0,65 0,42 0,66 0,4 0,6 0,37 0,61 0,5 0,5 0,28 0,5 0,6 0,4 0,21 0,41 0,7 0,3 0,14 0,31 0,8 0,2 0,09 0,21 0,9 0,1 0,04 0,10 Raies d’émission avec CoMoEn_0v4 oxyde comparée à CoMoEn_0v4 sulfuré à 400°C % oxyde % sulfure γsul@7651,1 eV γsul@7649,3 eV 0,1 0,9 0,69 0,91 0,15 0,85 0,59 0,87 0,2 0,8 0,5 0,82 0,25 0,75 0,42 0,78 0,3 0,7 0,37 0,73 0,35 0,65 0,31 0,69 0,4 0,6 0,27 0,63 0,5 0,5 0,2 0,54 0,6 0,4 0,14 0,44 0,7 0,3 0,09 0,33 0,8 0,2 0,05 0,22 0,9 0,1 0,02 0,11 Tableau 14 : Valeurs de γsulfure respectivement à l’énergie du sulfure et à l’énergie de l’oxyde en fonction des rapports d’intensité (espèce oxyde/espèce sulfure) sur les raies d’émission Kβ1,3 du cobalt de CoAl2O4, comparée à celle du catalyseur CoMoEn_0v4 sulfuré à 400°C et du catalyseur CoMoEn_0v4 oxyde comparée à celle du catalyseur CoMoEn_0v4 sulfuré à 400°C. 4.3.2 Spectres HERPFD-XAS sélectifs au Ligand
Dans ce qui suit, nous allons comparer les spectres extraits aux spectres des composés de référence tels que CoS2, CoAl2O4 et Co9S8. Le spectre expérimental de CoS2 (Co en coordinence octaédrique) a été mesuré sur la ligne GALAXIES par détection de la raie d’émission Kβ1,3. Le spectre expérimental de CoAl2O4 (CoII, coordinence tétraédrique) a été mesuré sur GALAXIES en spectroscopie HERPFD-XAS par détection de la raie d’émission Ka1,2 du cobalt. Quant au spectre de Co9S8 (8 Co en coordinence tétraédrique, 1 Co en coordinence octaédrique) au seuil K du cobalt, il a été calculé avec le logiciel FDMNES en 190 différences finies. Pour valider notre calcul, nous avons également procédé au calcul du spectre XANES de CoS2 (voir Figure 4-13 montrant les spectres calculés de CoS2 et de Co9S8 ainsi que le spectre expérimentale de CoS2). Le calcul reproduit assez bien les tendances du spectre expérimental du composé CoS2 nous laissant penser qu’on peut utiliser le spectre Co9S8 calculé pour la comparaison aux données expérimentales.
Figure 4-13 : a) Spectre expérimental de CoS2 et b) Comparaison entre les spectres calculés au seuil K du cobalt en différences finies de CoS2 (rouge) et de Co9S8 (noir). Rayon de l’agrégat pour le calcul : 6Å. 4.3.3 Spectres HERPFD XAS sélectives au Ligand obtenus lors de la sulfuration in situ de l’échantillon de référence CoEn
Pour l’échantillon CoEn, le résultat de la déconvolution des spectres HERPFD XAS obtenues entre 40°C et 160°C, est représenté sur la Figure 4-14.(a) espèce sulfure et b) espèce oxyde) avec les spectres HERPFD XAS non convolués enregistrés aux deux énergies du spectromètre (voir Figure 4-14.c). Le spectre extrait de la phase sulfure indique la formation du sulfure de cobalt CoS2. Quant au spectre oxyde il montre la formation de l’aluminate de cobalt (voir Figure 4-14.b). 191
Figure 4-14 : a) Spectre sulfure (noir) extrait de la somme des spectres expérimentaux du CoEn entre 40°C et 160°C sous H2/H2S comparé avec CoS2 (vert), b) Spectre de la phase oxyde (rouge) extrait de la somme des spectres expérimentaux du CoEn entre 40°C et 160°C sous H2/H2S comparé avec l’aluminate de cobalt (bleu), en considérant les valeurs de γ obtenues via la raie d’émission du CoEn oxyde, c) spectres sommés expérimentaux à l’energie du sulfure (bleu) et à
l’é
nergie de l
’oxyde
(vert).
Entre 160°C et 290°C les
spectres
n’ont pas pu être sommés puisqu’ils continuaient à évoluer dans cette gamme de température, l’extraction de spectres non sommés donne un rapport signal/bruit élevé rendant leur interprétation difficile. A partir d’une température de 290°C, les spectres expérimentaux enregistrés aux deux énergies du spectromètre ne présentent plus d’évolution et ont donc pu être sommés. Le spectre de la phase sulfure extrait dique la formation du sulfure de cobalt Co9S8 (voir Figure 4-15). A ces mêmes températures, le spectre oxyde extrait montre des signatures spectrales typique d’un aluminate de cobalt. Figure 4-15 : a) Spectre sulfure extrait (noir) de la somme des spectres expérimentaux du CoEn entre 290°C et 400°C sous H2/H2S à l’énergie du comparé avec Co9S8 (violet) calculé en différences finies avec FDMNES (rayon de la sphère de coordination 6Å), b) Spectre oxyde (rouge) de la somme des spectres expérimentaux du CoEn entre 290°C et 400°C sous H2/H2S à l’énergie de comparé avec l’aluminate de cobalt (bleu), c) spectres sommés expérimentaux à l’énergie du sulfure (bleu) et à l’énergie de l’oxyde (vert).
L’obtention de spectres HERPFD XAS sélective au ligand à partir de spectres enregistrés à deux énergies du spectromètre, nous a montré que la sulfuration des espèces oxydes de cobalt supportés sur alumine- passe par un intermédiaire CoS2 qui est ensuite converti en Co9S8. Quant au spectre de l’espèce oxyde, il correspond à celui d’un aluminate de cobalt. Les spectres oxydes extraits entre 40°C et 160°C et 290°C et 400°C, bien que montrant tous les deux les résonances typiques d’un aluminate de cobalt, ne sont pas superposables. En effet le spectre extrait entre 40°C et 160°C montre un résidu de l’oxyde de départ alors que le spectre extrait entre 290°C et 400°C est celui d’un aluminate de cobalt « CoAl2O4 ». Ces deux spectres oxydes extraits présentent une absorption négative dans la région du préseuil. Deux explications peuvent être avancées. La première est que les valeurs de utilisées pour les extractions ne sont pas correctes. En effet comme nous l’avons discuté au début de cette partie, la détermination de ces valeurs est rendue délicate par le mélange de différentes espèces oxydes empêchant l’utilisation de la raie d’émission initiale pour le calcul du ratio CoII-O/CoII-S. Notons néanmoins que l’utilisation d’un autre pourcentage pour le calcul des valeurs de autre que celui de 75% de phase sulfure et 25% de phases oxyde, déterminé par XPS ne résout pas le problème et on observe toujours un « préseuil négatif » pour des valeurs de pourcentage 193 avoisinant ceux obtenus par XPS (dans la gamme 60-90% de phase sulfure et 40-10% de phase oxyde) accompagné de légères déformation de spectres. Pour des valeurs de pourcentages ou on considère que la phase oxyde est égale ou majoritaire à la phase sulfure nous obtenons des spectres XAS aberrants. La deuxième cause qui peut expliquer cette « absorption négative » est la non validité des équations 1 et 2 utilisés pour l’extraction spectres dans la gamme d’énergie de la région du préseuil. En effet un spectre enregistré à une énergie donnée de spectromètre correspond à une coupe CIE (Constant Incident Energy) dans la carte RIXS (carte RIXS en énergie émise). Ainsi pour chaque CIE, l’intensité et la forme du préseuil changent en fonction de l’énergie de détection, ainsi Sox (spectre espèce oxyde pure) et Ssul (spectre de la phase sulfure pure) pour l’équation (1) est différent de Sox et Ssul de l’équation (2) et donc l’extraction de signature de « préseuil » en utilisant deux énergies du spectromètre n’est pas possible. Etant donné le bon accord observé entre les spectres extraits et les spectres de référence (CoS2, Co9S8 et CoAl2O4) dans la région XANES, cette absorption négative est plus dû à la non validité des équations (1) et (2) dans la région du préseuil qu’à un problème d’estimation des valeurs de Ainsi dans notre cas ici et de manière générale il ne faut pas utiliser la région préseuils des spectres HERPFD XAS et encore moins s’il s’agit de spectre extrait.
4.3.4 Spectres HERPFD XAS sélectives au Ligands obtenus lors de la sulfuration in situ du catalyseur CoMoEn_0v4
Le résultat de l’extraction pour le catalyseur CoMoEn_0v4 entre 40 et 80°C est présenté sur la Figure 4-16. Comme pour l’échantillon CoEn, nous observons également la formation de CoS2 entre 40°C et 80 °C. Le spectre extrait pour la phase oxyde indique la présence de l’oxyde initial. 194
Figure 4-16 : a) Spectre sulfure (noir) extrait de la somme des spectres expérimentaux du CoMoEn_0v4 entre 40°C et 80°C sous H2/H2S comparé avec CoS2 (vert), b) Spectre de la phase oxyde (rouge) de la somme des spectres expérimentaux du CoMoEn_0v4 entre 40°C et 80°C comparé au spectre du catalyseur CoMoEn_0v4 oxyde de départ (bleu), c) spectres sommés expérimentaux à l’énergie du sulfure (bleu) et à l’énergie de l’oxyde (vert). Entre 80°C et 190°C, les spectres expérimentaux à l’énergie du sulfure et à l’énergie de l’oxyde du catalyseur CoMoEn_0v4 ont pu être sommés. Par comparaison avec les spectres expérimentaux des composés de référence, nous avons identifié la présence de CoS 2 pour la phase sulfure (voir Figure 4-17). Notons que le spectre extrait pour la phase oxyde montre une intensité de la raie blanche beaucoup plus faible que l’oxyde de départ. Ceci est dû au fait que cet oxyde n’est pas pur mais contient à la fois l’oxyde initial et l’aluminate de cobalt.
Figure 4-17 : a) Spectre de la phase sulfure (noir) extrait de la somme des spectres expérimentaux du CoMoEn_0v4 entre 80°C et 190°C sous H2/H2S comparé avec CoS2 (vert), valeur de γSulfure à 0,80, b) Spectre de la phase oxyde (rouge)extrait de la somme des spectres expérimentaux du CoMoEn_0v4 entre 80°C et 190°C comparé au spectre du catalyseur CoMoEn_0v4 oxyde de départ (bleu), c) spectres sommés expérimentaux à l’énergie du sulfure (bleu) et à l’énergie de l’oxyde (vert). A partir de 190°C et jusqu’à 400°C, le spectre sulfure extrait montre de
nouvelles caractéristiques spectrales, qui sont très légèrement différentes de celles du spectre Co9S8 massique et qui pourraient être donc être dues à la genèse de la phase CoMoS. A ces mêmes températures, le spectre extrait pour la phase oxyde montre la présence de l’aluminate de cobalt (voir Figure 4-18). La Figure 4-19 montre la comparaison des spectres HERPFD-XAS des espèces sulfures obtenues à la fin des rampes de sulfuration des échantillons CoEn et CoMoEn_0v4. Ces deux spectres sont très similaires suggérant que la symétrie adoptée par les atomes cobalt en fin de sulfuration pour les deux échantillons CoEn et CoMoEn_0v4 est la même. Ce dernier point sera discuté dans le paragraphe suivant en se basant sur le calcul DFT des phases CoMoS et la modélisation théorique des spectres XANES. 196
Figure 4-18 : haut : spectres sommés expérimentaux à l’énergie du sulfure (rose) et à l’énergie de l’oxyde (noir), bas : Spectres extraits de la somme des spectres expérimentaux du CoMoEn_0v4 entre 190°C et 400°C sous H2/H2S à l’énergie du sulfure (vert) et à l’énergie de l’oxyde (bleu). Figure 4-19 : Comparaison entre les spectres extraits à l’énergie du sulfure pour les espèces finales du CoEn (noir) et du CoMoEn_0v4 (rouge). 4.3.5 Modélisation des spectres XANES et comparaison aux modèles théoriques
Nous avons utilisé pour la première fois la spectroscopie HERPFD-XAS sélective au ligand appliqué en mode in situ au seuil K du Co pour l’étude de l’étape d’activation des catalyseurs HDS, ce qui nous a permis de discriminer les phases oxydes (CoII-O) des phases sulfures (CoII197 S) formées lors de la sulfuration des catalyseurs HDS. Cette approche innovante nous a permis d'identifier une nouvelle espèce sulfure intermédiaire : le CoS2 formé en amont de la genèse de la phase « CoMoS». A notre connaissance, la formation de CoS2 en tant qu'intermédiaire d'activation du catalyseur HDS n'a jamais été reportée dans la littérature. Seule la présence d’une faible quantité (~ 10%) de Co9S8 a été observée par XPS pour les catalyseurs HDS activés. Le catalyseur monométallique (sans Mo) préparé avec le même protocole de synthèse que le catalyseur HDS et présentant la même quantité de Co montre la formation de CoS2 suivie de Co9S8 à 160°C. La formation de CoS2 est donc commune aux deux systèmes. Pour le catalyseur monométallique, le CoS2 est transformé en Co9S8, alors que pour le catalyseur HDS, l’intermédiaire CoS2 est transformé en une nouvelle phase sulfure qu’on suppose être la phase active du catalyseur, « la phase CoMoS ». Un examen du spectre XAS extrait de ce dernier montre des caractéristiques spectrales plus résolues en comparaison aux spectres XANES obtenus en fin de sulfuration des catalyseurs HDS précédemment publiés dans la littérature mais aussi obtenus dans le cadre de ce travail par Quick AS (paragraphe 4.4). Cette haute résolution est due à la détection par fluorescence pareille de la raie d'émission K comme expliqué dans le chapitre 2, ainsi qu’à l'élimination de l'aluminate de cobalt du signal global. Il serait donc pertinent de comparer ce spectre hautement résolu aux spectres XANES au seuil K du Cobalt calculés à partir des géométries des modèles CoMoS proposés dans la littérature et d’essayer de voir s’il est possible de remonter à la localisation exacte du Cobalt dans la phase CoMoS. Comme nous l’avons présenté au cours du chapitre bibliographique de ce manuscrit, le modèle le plus populaire proposé pour la localisation du promoteur est le modèle dit de décoration, où le cobalt est supposé être situé aux bords des feuillets de MoS2. La Figure 4-20 présente la structure CoMoS obtenue par calcul DFT réalisé dans le cadre de ce travail, où les atomes de Co sont substitués aux bords S et M des feuillets MoS2. Pour le bord S, on a 100% de substitution de Co et ce dernier présente une structure tétraédrique. Pour le bord M, on a 50% de substitution de cobalt et ce dernier adopte une symétrie plan-carré. Cette structure a été choisie pour modéliser les spectres XANES théoriques, étant donné que ceux sont les deux configurations les plus thermodynamiquement favorables en conditions HDS comme nous l’avons montré dans le chapitre 1 sur la base d’étude de la littérature théorique (cf. paragraphe 3.1.2). Néanmoins les mesures STM ont montré uniquement la substitution des bords S (symétrie tétraédrique) pour les catalyseurs CoMoS supportés sur or.
Figure 4-20 : Modèle de la phase CoMoS calculée par DFT : bleu clair, atomes de Mo, bleu foncé atomes de Co, jaune, atomes de S. Les spectres XANES théoriques au seul K du Co pour les bords M et S sont présentés sur la Figure 4-21. Figure 4-21 : a) Spectre expérimental de la phase CoMoS, b) calcul du spectre XANES du site tétraédrique du cobalt dans la phase CoMoS, c) calcul du spectre XANES du site plan carré du cobalt dans la phase CoMoS, d) Comparaison des spectres calculés non convolués du site plan carré (noir) et du site tétraédrique (rouge). En examinant la forme globale des spectres théoriques et en les comparant aux spectre expérimentale HERPFD XAS, il est clair que l’on peut exclure la symétrie plan carrée. En effet dans le cas d’une symétrie plan carré les orbitales p du cobalt sont de symétrie A2u et Eu. Pour 199 les orbitales p de symétrie Eu elle se recouvrent avec les orbitales p du soufre de même symétrie, alors que les orbitales p de symétrie A2u demeurent non liantes puisque les orbitales p du soufre ne présentent pas de symétrie A2u. Ainsi dans le cas d’une symétrie plan carrée, le spectre XANES au seuil K du cobalt va présenter deux transitions une vers l’orbitale p non liante de symétrie A2u (épaulement à 7715 eV) et une vers l’orbitale antiliante p de symétrie Eu. Dans le cas d’une symétrie tétraédrique, les orbitales p du cobalt sont dégénérées et une seule transition sera observée dans le spectre expérimental. Pour le spectre expérimental cette transition n’est pas visible à 7715 eV ce qui exclut la symétrie plan carrée et donc la promotion du cobalt sur les bords M des feuillets MoS2. Inversement, le spectre expérimental présente des caractéristiques similaires au spectre théorique du cobalt en symétrie tétraédrique. Ceci indique que la promotion du Cobalt se produit, du moins principalement, aux bords S des feuillets MoS2. Ce résultat, et même s’il ne constitue pas la preuve définitive que la localisation exacte du cobalt se fait sur le bord S de la structure CoMoS (puisqu’il ne constitue pas une preuve en soi de la présence de phase de CoMoS), il nous permet néanmoins, d’exclure la symétrie plan carrée et déterminer que la symétrie du cobalt dans la phase active HDS est tétraédrique. Ce résultat démontre également le potentiel de cette technique pour l’obtention de spectres hautement résolu nous permettant l’affinement de notre interprétation via une comparaison plus pertinente des spectres théoriques aux spectres expérimentaux. Dans le modèle CoMoS, la localisation de Cobalt est prédite par le calcul de morphologies d'équilibre de Gibbs Curie Wulff obtenu par calcul DFT de l'énergie du bord M et du bord S et du potentiel chimique du soufre. Ce dernier est lié aux conditions de la réaction de sulfuration (P (H2) / P (H2S), T). Il serait donc intéressant pour des prochaines études de faire varier les paramètres des conditions de réaction de sulfuration (P H2 / P H2S) afin de se placer dans les conditions thermodynamiques favorables à l’obtention de la symétrie plan carrée. Toutefois, même si on a pu exclure la substitution du cobalt sur les bords M de la phase CoMoS en symétrie plan carrée et privilégier la substitution du promoteur sur le bord S en symétrie tétraédrique, une incertitude demeure. Le bord S montre une symétrie tétraédrique similaire à celle du composé Co9S8, ce qui pourrait expliquer que les spectres obtenus en fin de sulfuration pour le composé de référence CoEn et du catalyseur CoMoEn_0v4 sont très similaires. Néanmoins, il est possible que cette similitude des deux spectres soit due à une présence majoritaire de la phase Co9S8 dans le catalyseur CoMoEn_0v4 qu’on ne peut pas détecter. En effet, la spectroscopie HERPFD-XAS sélective au ligand appliqué dans le cadre de cette étude ne peut pas discriminer des composés, dont le métal de transition présente des ligands similaires et des valences similaires. Pour essayer de répondre cette question, nous 200 allons tenter une autre approche consistant à l’utilisation de la spectroscopie XAS résolue en temps, ce qui va engendrer un nombre très important de spectres qu’on traitera ensuite par des méthodes chimiométriques, afin d’extraire les spectres purs des différentes phases sulfure et oxyde. Nous espérons qu’en utilisant cette méthode il sera possible de séparer la phase « CoMoS » de la phase « Co9S8 », si cette dernière se forme bien lors de la sulfuration du catalyseur CoMoEn_0v4.
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Contribution à l’étude de l’évolution des paramphistomidés. <i>Paramphistomum cervi</i> et cercaire de <i>Planorbis exustus</i>
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CONTRIBUTION A L’ÉTUDE DE L’ÉVOLUTION
DES PARAMPHISTOMIDÉS. PARAMPHISTOMUM CERVI
ET CERCAIRE DE PLANORBIS EXUSTUS
Par E. BRUMPT
La famille des paramphistomidés était constituée, en novembre
1934, d’après l’importante monographie de Travassos, par 118 espè
ces, réparties en 57 genres, parasites de divers groupes de verté
brés : mammifères, oiseaux, reptiles, batraciens et poissons. D’après
Neveu-Lemaire (1936), il a été décrit chez l’homme et les mammifè
res (1) 29 espèces appartenant à ce groupe qui présente une grande
importance en pathologie vétérinaire.
A l’occasion de recherches que j ’avais effectuées en 1929 sur
l’évolution des cercaires d’amphistomidés, j ’avais été frappé du
petit nombre d’expériences qui avait été faites sur le cycle complet
de ces trématodes. Comme ces rares expériences se trouvent
publiées dans des ouvrages parfois peu accessibles, je crois utile
d’en donner un court aperçu. Je dirai, dès maintenant, que le cycle
complet a été obtenu dans le cas de deux parasites de grenouilles
et d’un seul parasite de mammifère. Dans ce présent travail, je
compléterai les travaux de Looss (1896) et de Takahashi (1928),
qui ont décrit la première partie du cycle de Paramphistomum cervi,
en indiquant les résultats que j ’ai obtenus en infectant divers mam
mifères avec des métacercaires de ce parasite enkystées au labora
toire. C’est à Looss (1892) que l’on doit les premières recherches sur
l’évolution des paramphistomidés, car il a décrit complètement,
d’œuf à œuf, le cycle du Diplodiscus subclavatus (2), parasite du rec
tum de divers batraciens, de la grenouille verte en particulier. Cet
auteur a suivi l’évolution chez divers Planorbis (P. contortus, P.
(1) Une seule espèce, le Zygocotyle lunatum (Diesing, 1836), présente la par
ticularité de se rencontrer dans les cæcums intestinaux de divers mammifères
(bœuf, cerf) et dans ceux de divers oiseaux domestiques et sauvages (oie,
canard, poulet, oiseaux aquatiques).
(2) Voici les hôtes du Diplodiscus subclavatus d’après Travassos (1934) : Rana
esculenta, R. temporaria, Bombinator igneus, Bufo regularis, Bufo vulgaris,
Bufo viridis (= variabilis), Hyla arborea, Molge vulgaris, Molge alpestris.
Annales DE Parasitologie, t. XIV, n° 6 . — l er novembre 1936, p. 552-563.
Article available at http://www.parasite-journal.org or https://doi.org/10.1051/parasite/1936146552
EVOLUTION DES PARAMPHISTOMIDES
553
nitidus, P. rotundatus, P. spirorbis, P. vortex), puis, en partant des
kystes formés dans le milieu extérieur, il a infecté des grenouilles.
Ce même auteur a établi, en 1896, que la Cercaria pigmentata,
Fig. 1. — 1, extrémité de la masse viscérale d’un Bullinus contortus montrant
des cercaires à tous les stades, accumulées sous la membrane d’enveloppe ;
2 et 3, même aspect observé chez d’autres exemplaires et dessiné à un plus
fort grossissement. (D’après E. Brumpt, 1929).
découverte en 1892 par P. Sonsino chez le Bullinus contortus
(= Physa alexandrina) et le Bullinus forskali (= Physa micropleura) est la forme larvaire du Paramphistomum cervi, en réussis
sant l’infection des mollusques précités par des miracidiums éclos
des œufs du trématode.
554
E. BRUMPT
Encouragé par ces premiers résultats, Looss (1896) a tenté
d’obtenir l’infection de Bullinus contortus et de B. forskali avec des
œufs embryonnés de Gastrothylax gregarius, mais ses efforts n’ont
pas été couronnés de succès. Il a également échoué en essayant
d’infecter divers prosobranches (Cleopatra bulimoides, C. cyclostoma) avec les œufs d’un parasite habituel des équidés, le Gastro-
F ig. 2. — 1 à 11, jeunes cercaires libres dans le tissu de l’hépato-pancréas et
sous les téguments limitant la masse viscérale ; en 10 et 11 on peut déjà
distinguer nettement l’acetabulum. (D’après E. Brumpt, 1929).
discus ægyptiacus, mais il admet néanmoins que les formes larvai
res qu’il a rencontrées chez ce mollusque, dans la nature, appartien
nent au cycle de ce trématode.
Grobbelaar (1922) a réussi à infecter le Bullinus (Isidora) tro
pica avec les miracidiums provenant des œufs de Paramphistomum explanatum ( = P. calicophorum) et a obtenu une cercaire
probablement identique à la Cercaria frondosa que Cawston (1918)
avait trouvée au Transvaal dans la nature, chez le Bullinus (Isidora)
schakoi.
EVOLUTION DES PARAMPHISTOMIDES
555
F ig. 3. — Croquis destiné à donner les dimensions relatives des éléments lar
vaires du Paramphistomum cervi : 1, jeune rédie ; 2 et 3, rédies ayant atteint
leur taille maxima, les striations cuticulaires qui couvrent la surface du
tégument n’ont été représentées qu’en face du chiffre 2 sur la rédie 2 ; 4 et 5,
cercaires jeunes et libres dans lesquelles on voit apparaître l’anastomose
transversale de l’appareil excréteur ; 6, cercaire adulte ; 7, papilles buccales
d’une cercaire ; 8, bâtonnets des cellules cystogènes. Fig. 1, 2, 3, 4, 5, 6,
échelle A ; figures 7 et 8, échelle B. (D’après E. Brumpt, 1929).
556
E. BRUMPT
Le Roux (1930), en Afrique du Sud, a observé, chez une espèce
de Bullinus qui est probablement le B. schakoi, très abondante
dans les abreuvoirs de fermes où les moutons succombaient dans
une proportion de 30 à 50 p. cent d’infection vermineuse due au
Cotylophoron cotylophorum, une cercaire qu’il rapporte également
à Cercaria frondosa et qu’il croit être la forme larvaire de l’amphistome pathogène. Cet auteur n’a fait aucune expérience d’infesta
tion, mais il semble résulter, des autopsies qu’il a pratiquées, que
les parasites se développent d’abord pendant six à huit semaines
dans la caillette et le duodénum et se rendent ensuite dans la
panse, où ils deviendraient adultes huit semaines plus tard.
Le cycle complet du Cotylophoron cotylophorum fut établi expé
rimentalement, peu de temps après les recherches de Le Roux, par
Krull (1932-1933). En utilisant des œufs et des adultes de vers pro
venant de Porto-Rico, cet auteur a réussi à infecter, aux Etats-Unis,
des Limnées Galba humilis ( = Fossaria modicella) de l’Utah
(U.S.A.). Les mollusques éliminent déjà des cercaires 32 jours après
la pénétration des miracidiums. Les cercaires s’enkystent sur les
parois des récipients et sur les végétaux qui s’y trouvent et les métacercaires de 180 à 210 µ de diamètre peuvent conserver leur vitalité
au moins cinq mois. Des veaux, ayant ingéré ces cercaires enkys
tées, ont présenté des œufs de Cotylophoron dans leurs selles quatre
mois plus tard. Les œufs éclosent en quatre semaines, à la tempé
rature du laboratoire, alors que ceux de Fasciola hepatica se déve
loppent en trois semaines dans les mêmes conditions. Le cycle
complet demande donc environ six mois d’œuf à œuf.
Le cycle complet du Diplodiscus temperatus, parasite de batra
ciens, a été également élucidé par Krull en collaboration avec
Price (1932). Ces auteurs ont montré que les cercaires qui évoluent
chez le mollusque Planorbis (Helisoma) trivolvis s’enkystent sur
la peau des batraciens qui s’infestent ensuite en avalant leurs
mues. Des têtards de diverses espèces peuvent se parasiter facile
ment par ingestion de métacercaires.
Tels sont les documents bibliographiques qu’il m’a été possible
de réunir, documents qui, je l’espère, faciliteront les recherches
de ceux qui s’intéressent à l’étude de l’évolution complète de si
intéressants trématodes et surtout à leur destruction par des pro
cédés biologiques, quand il s’agit d’espèces pathogènes au sujet
desquelles nos connaissances sont encore bien rudimentaires.
Recherches personnelles. — Dans mon travail sur l’évolution de
Schistosoma bovis (1930), j ’avais signalé la fréquence de la cercaire
EVOLUTION DES PARAMPHISTOMIDES
557
de Paramphistomum cervi chez le Bullinus contortus, dont 20 à 70
pour cent des spécimens étaient parfois parasités dans certaines
localités de la Corse. En faisant enkyster les cercaires sur des
brins d’herbe (fig. 7), ou sur la cellophane, j ’ai essayé d’obtenir les
vers adultes chez un chevreau femelle, une jeune brebis et un
jeune cobaye.
La chèvre (940, XX), autopsiée un an plus tard, a présenté deux
F ig. 4. — Vache corse de la région de Monacia, âgée de 4 ou 5 ans, montrant un
œdème intermaxillaire (« bouteille ») très accentué. Cet animal présentait de
nombreux œufs de Paramphistomum cervi dans ses selles. (D’après E. Brumpt,
1929).
colonies de Paramphistomum cervi, l’une de 70 exemplaires, située
près du cardia, l’autre de plus de 100 exemplaires, située au fond
de la panse, ainsi qu’un certain nombre de vers isolés fixés en
divers points de ce même organe.
Une brebis (171, XXI), qui avait ingéré une centaine de métacercaires enkystées sur de la cellophane, ne présentait pas d’œufs
dans ses déjections 69 jours plus tard, mais, autopsiée le 76e jour,
un examen attentif de la panse permit d’y recueillir quatorze vers
adultes renfermant des œufs en petit nombre, comme c’est égale-
558
E. BRUMPT
ment le cas chez les exemplaires âgés. Ces paramphistomes furent
broyés afin d’obtenir une culture d’œufs destinés à provoquer l’in
festation expérimentale simultanée de Bullinus contortus ser
vant de témoin, et de Planorbis exustus, afin d’établir le rôle éven
tuel de ce dernier mollusque.
La présence de vers adultes le 76e jour me permet, en tenant
Fig. 5. — Veau femelle de 10 à 12 mois, déjà atteint de cachexie et montrant de
l’œdème intermaxillaire. Ses selles renfermaient des œufs de Paramphistomum cervi. (D’après E. Brumpt, 1929).
compte des recherches de Looss sur la première partie du cycle
évolutif de P. cervi, de constater que ce ver évolue un peu plus
rapidement que le Cotylophoron cotylophorum signalé ci-dessus. En
effet, malgré le manque de précisions des publications de Looss sur
ce point, on peut admettre, d’après cet auteur, que le miracidium
se forme dans l’œuf en 12 à 14 jours à 22° C., et que les cercaires
quittent le mollusque infecté vers le 70e jour. Si nous ajoutons à
ces chiffres la durée de l’évolution chez le mouton, soit 76 jours au
maximum, nous constatons que l’évolution d’œuf à œuf demande
un peu moins de 160 jours.
EVOLUTION DES PARAMPHISTOMIDES
559
Un cobaye (777, XX), sacrifié 21 jours après avoir ingéré un bon
nombre de métacercaires, ne présentait aucun ver dans les diverses
parties de son tube digestif. Cette expérience serait à refaire, car
il y avait peut-être des parasites jeunes dans la cavité abdominale,
comme cela a été observé chez le mouton par Nöller et Schmidt
F ig. 6. — Troupeau de Monacia s’abreuvant dans les mares à Bullinus ; trois
vaches et un veau présentaient un fort œdème intermaxillaire et une grande
maigreur, malgré l’excellente qualité et l’abondance des pâturages. (D’après
E. Brumpt, 1929).
(1927), qui ont étudié une épizootie déterminée par le Paramphistomum cervi en Allemagne.
Dans sa monographie des paramphistomidés, Travassos indique
le Planorbis exustus comme hôte de Paramphistomum cervi.
Cependant, à ma connaissance, aucun auteur n’a établi ce fait par
l’expérimentation ou par une étude morphologique approfondie.
560
E. BRUMPT
F ig. 7. — Paramphistomum cervi. Les cercaires noires de ce trématode se fixent
sur les herbes, aussi près que possible de la surface de l’eau. Cette particula
rité facilite l’infestation des herbivores qui sont les hôtes définitifs de ce
parasite. Même grossissement que les figures 8 et 9.
F ig. 8. — Les cercaires d’un paramphistomidé, qui infestaient 10 p. 100 des
Planorbis exustus de la région d’Angkor à la fin de décembre 1935, s’enkystent
rapidement sur les végétaux et moins volontiers sur les parois de verre et les
feuilles de cellophane. Les kystes aplatis renfermant les métacercaires sont
un peu plus volumineux que ceux de Paramphistomum cervi : à droite,
kystes sur des racines de Pistia ; à gauche, sur un fragment de feuille de
salade. Même grossissement que les figures 7 et 9.
e v o l u t io n
des
p a r a m p h is t o m id e s
561
Ce planorbe est très souvent infecté par des cercaires de paramphistomidés aux Indes et en Indochine. Dans la région d’Angkor,
par exemple, j ’ai trouvé, en décembre 1935, 10 pour cent de ces
mollusques hébergeant des cercaires dont j ’ai obtenu facilement
l’enkystement sur des végétaux ainsi que sur des lames de verre
et des feuilles de cellophane (1). Les kystes obtenus (fig. 8 et 9) sont
légèrement plus grands que ceux de Paramphistomum cervi (2).
J ’avais apporté à Paris de nombreuses métacercaires fixées sur
F ig. 9. — Mêmes métacercaires que dans la figure précédente, enkystées sur de
la cellophane. Même grossissement que les ligures 7 et 8.
des feuilles de cellophane (2) (fig. 9), suivant la précieuse technique
de Nagano, mais par suite de circonstances diverses, je n’ai pu
tenter l’infestation de ruminants. Des expériences en cours me
permettront peut-être de provoquer le parasitisme de Planorbis
exustus, dont je possède un grand élevage, par les miracidiums de
P. cervi, car ce trématode existe aussi aux Indes et en Indochine.
Comme, d’autre part, il se rencontre dans les pays où les mollus
ques hôtes intermédiaires actuellement connus n’existent pas, il est
certain qu’il est susceptible d’évoluer chez les mollusques de genres
et d’espèces variés.
(1) Certaines cellophanes du commerce étant très toxiques pour les mollus
ques, il est nécessaire de faire des essais avec des spécimens de diverses mar
ques avant de s’en servir comme support pour l’enkystement des cercaires de
trématodes.
(2) Les métacercaires de P. cervi mesurent de 200 à 250 µ, alors que celles
provenant des Planorbis exustus d’Angkor mesurent de 250 à 300
Annales de P arasitologie, t. XIV, n° 6. — 1er novembre 1936.
36.
562
E. BRUMPT
R ésumé
Après avoir signalé que, parmi les 29 espèces de paramphistomidés des mammifères, le cycle évolutif complet, d’œuf à œuf, est
connu dans une seule espèce, je donne les résultats de mes expé
riences sur trois animaux : chèvre, cobaye, brebis, avec les métacercaires de Paramphistomum cervi, qui permettent de terminer
le cycle dont la première partie avait été établie par Looss.
La chèvre, autopsiée un an après avoir ingéré des métacercaires,
présentait plus de deux cents parasites dans la panse.
La brebis, autopsiée 11 semaines après l’infestation, ne présen
tait pas d’œufs dans les selles, mais l’autopsie permit de récolter
quatorze vers adultes.
Le cobaye, sacrifié le 21e jour, ne montrait aucun parasite dans
le tube digestif.
Les cercaires, observées chez 10 pour cent des Planorbis exustus
de la région d’Angkor (Indochine), semblent différentes de celles
de Paramphistomum cervi.
En tenant compte des recherches de Looss et des miennes, on peut
admettre que le cycle complet, d’œuf à œuf, de ce trématode, s’effec
tue en un peu moins de 160 jours, plus rapidement par conséquent
que celui du Cotylophoron cotylophorum qui, d’après Krull,
demande six mois.
B ib lio g ra ph ie
Brumpt (E.). — Particularités évolutives peu connues des cercaires d’amphistornidés. Ann. Parasit. Hum. et Comp., VII, 1929, p. 262.
—
Cycle évolutif complet de Schistosoma bovis. Infection naturelle en Corse
et infection expérimentale de Bullinus confortus. Ann. Parasit. Hum.
et Comp., VIII, 1930, p. 17.
—
Schistosoma bovis et Schistosoma monsoni ne sont pas transmis par Pla
norbis (Indoplanorbis) exustus. Observations biologiques concernant
ce planorbe (auto-fécondations, érosion de la coquille, élevage, etc.).
Ann. Parasit. Hum. et Comp., XIV, 1936, p. 467.
Grobbelaar (C.-S.). — On south african paramphistomidæ. Trans. Soc. of South
Africa, X, 1922, p. 781.
Krull (W.-H.). — Studies on the life history of Cotylophoron cotylophorum
(note préliminaire). Journ. Parasit. Urbana, XIX, 1932-1933, p. 166.
—
Life history studies on Cotylophoron cotylophorum (Fischœder, 1901).
Journ. Parasit. Urbana, XX, 1934, p. 173.
Krull (W.-H.) et Price (H.-F.). — Studies on the life history of Diplodiscus
temperatus from the frog. Occ. pap. Mus. Xool. Ann. Arbor. Mich., 1932,
n° 237. Analyse : Biological abstracts, VII, I, 1933, p. 722, n° 7040.
EVOLUTION DES PARAMPHISTOMIDES
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V, p. 1.
Institut de Parasitologie de la Faculté de médecine de Paris et Station
expérimentale de Richelieu (Indre-et-Loire) (Directeur : Professeur
E. Brum pt).
Note additionnelle. — Ce travail était mis en pages quand nous
avons reçu la très importante monographie de H.-G. Bennett, dans
laquelle cet auteur confirme et complète les recherches entreprises
par W.-H. Krull.
Bennett (H.-G.). — The life history of Cotylophoron cotylophoron, a trematode
from ruminants. Univ. Illinois Bull., XXXIV, 1936, 9. Illinois Biol.
Monogr., XIV, 4.
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Dérivées asymptotiques associées à un système dynamique aléatoire Sophie Lemaire Spécialité : Mathématique par Sophie Lemaire Sujet : DERIVEES ASYMPTOTIQUES ASSOCIEES A UN SYSTEME DYNAMIQUE ALEATOIRE
Rapport
eurs : M. IMKELLER Peter M. LEDRAPPIER François
Soutenu
e
le 7 Janvier 1999 devant le jury composé de :
M. BOUGEROL Philippe Mme DUFLO Marie M. LEDRAPPIER François M. LE JAN Yves M. ROUAULT Alain M. THIEULLEN Philippe
Remerciements
Le travail présenté dans le cadre de cette thèse a été effectué au laboratoire de modélisation stochastique et statistique de l'Université Paris-Sud, sous la direction de Monsieur Yves Le Jan. Je lui suis très reconnaissante d'avoir guidé mes pas dans ce vaste domaine que sont les systèmes dynamiques aléatoires ; je le remercie pour sa disponibilité et son soutien durant ces années de thèse. Je remercie Messieurs Peter Imkeller et François Ledrappier d'avoir accepté de juger mon travail. Qu'ils trouvent ici l'expression de ma gratitude et de mon profond respect. J'adresse mes remerciements à Madame Marie Duflo et Messieurs Philippe Bougerol, Alain Rouault et Philippe Thieullen qui m'ont fait l'honneur d'être membres du jury. Je tiens à remercier Olivier Raimond qui m'a permis notamment, par sa relecture critique, d'améliorer la rédaction du quatrième chapitre de cette thèse. Merci à Jean Coursol, Patrick Jakubowicz et Yves Misiti que j'ai maintes fois dérangés pour des problèmes informatiques. Enfin, mes remerciements vont à tous les membres du laboratoire et du bureau 110 avec qui c'est un plaisir de travailler. Qu'ils soient assurés de ma sincère reconnaissance. Abstract We study the asymptotic behavior of the intrinsic derivatives of a curve under the effect of a smooth random dynamical system. A curve c through a point m on a Riemannian manifold can be lifted, by the exponential map, to the tangent space at m. By "intrinsic derivatives of the curve c at m", we mean the derivatives at the origin of the lifted curve parametrized by arc length. Les systèmes dynamiques aléatoires généralisent les systèmes dynamiques en permettant à la dynamique du système de dépendre d'un aléa qui peut évoluer dans le temps. ≪ Traditionally ergodic theory has been the qualitative study of iterates of an indivi- dual transformation, of one-parameter flow of transformations (such as that obtained from the solutions of an autonomous ordinary differential equation) and more generally of a group of transformations of some state space. Usually ergodic theory denotes that part of the theory obtained by considering a measure on the state space which is invariant or quasi-invariant under the group of transformations. However in 1945 Ulam and Von Neumann pointed out the need to consider a more general situation when one applies in turn different transformations chosen at random from some space of transformations. Considerations along these lines have applications in the theory of products of random matrices, random Schrödinger operators, stochastic flows on manifolds, and differentiable dynamical systems. ≫ P. Walter [43] ≪ L'aléa ≫ est introduit comme un flot de transformations (θt )t∈T (T = IN, IR+, ZZ ou IR), sur un espace de probabilité (Ω, A, IP) qui préserve la mesure : - ∀ t ∈ T, θt : Ω → Ω est mesurable et préserve IP (i.e. ∀A ∈ A, IP(θt−1 A) = IP(A)), - ∀ t, s ∈ T, θt+s = θt ◦ θs. 3 ≪ Un système dynamique aléatoire ≫(en abrégé, SDA) sur un espace mesurable (M, B), associé à l'aléa (Ω, A, IP, (θt )t∈T ), est alors une famille d'applications {φt (ω), t ∈ T, ω ∈ Ω} de M dans M, telle que pour tout ω ∈ Ω : - (t, ω, x) → φt (ω)(x) soit mesurable - φ0 (ω) = IdM, - (φt ) vérifie la propriété de cocycle suivante : ∀ s, t ∈ T, φt+s (ω) = φt (θs ω) ◦ φs (ω). Lorsque T = IN ou ZZ, le SDA est dit à temps discret. Lorsque T = IR+ ou IR, le SDA est dit à temps continu. Il est dit réversible si T = ZZ ou IR. Remarques. 1. Si T = ZZ ou IR, alors la propriété de cocycle entraı̂ne que les applications φt (ω) sont des C ∞ difféomorphismes avec comme inverses φt (ω)−1 = φ−t (θt (ω)). 2. La propriété de cocycle entraı̂ne que les transformations Θt sur Ω × M définies par : Θt (ω, x) = (θt (ω), φt (ω)(x)) pour tout (ω, x) ∈ Ω × M sont telles que Θt+s = Θt ◦ Θs pour tout t, s ∈ T. De nombreux processus aléatoires entrent dans le cadre des SDA. Parmi eux, les marches aléatoires sur un groupe de transformations [24], certains flots solutions d'une équation différentielle stochastique... Les systèmes dynamiques déterministes peuvent être vus comme des SDA en prenant un ensemble Ω réduit à un point. Une étude détaillée des SDA a été présentée par L. Arnold [1, 2] et L. Arnold et H. Crauel [3]. Nous allons introduire les deux classes de SDA que nous rencontrerons.
Les SDA à temps discret
Tout SDA à temps discret (T = IN ou ZZ) est le ≪ produit ≫d'une suite stationnaire d'applications aléatoires. En effet, si (φn )n∈T est un SDA dont l'aléa est défini par le flot (Ω, A, IP, (θn )n∈T ) alors, une application répétée de la propriété de cocycle permet d'exprimer φn comme : φ(θn−1 ω) ◦... ◦ φ(ω) φn (ω) = IdM si n ≥ 1 si n = 0 avec θ = θ1 et φ = φ1. Si T = ZZ, alors φn, pour les temps négatifs, vérifie : φn (ω) = φ(θn ω)−1 ◦... ◦ φ(θ−1 ω)−1 pour tout n ≤ −1. Réciproquement, si θ est une transformation sur un espace de probabilité (Ω, A, IP) qui 4 préserve IP et si {φ(ω), ω ∈ Ω} est une famille mesurable d'applications de M sur M, alors les égalités précédentes définissent un SDA à temps discret, T = IN. Si de plus, les applications θ et φ(ω) pour tout ω ∈ Ω sont bijectives, et si les applications θ−1 et (ω, x) 7→ φ(ω)(x) sont mesurables, alors nous construisons un SDA pour T = ZZ, en définissant φn = φ(θn ω)−1 ◦... ◦ φ(θ−1 ω)−1 pour n ≤ −1.
Les flots browniens
Soit M une variété et F un processus gaussien à valeurs dans les champs de vecteurs X (M). H. Kunita [26] a montré que, sous certaines hypothèses de régularité sur F, l'équation de Stratonovich basée sur F génère un flot (φs,t )s≤t : φs,t (ω)(x) = x + Z t s F (φs,u (ω)(x), ◦du) Si φt = φ0,t est définie pour tout t ∈ IR+, alors (φt )t∈IR+ forme un SDA associé à l'aléa (Ω, F, IP, (θt )t∈IR+ ) où - Ω = {ω ∈ C(IR+, X (M)) tel que ω(0) = 0}, - F est la tribu borélienne de Ω, - IP est la loi de F, - θt : ω 7→ ω(. + t) − ω(t). (φt ) est appelé un flot brownien car il a les propriétés suivantes : −1 - si 0 ≤ t1 <... < tp, alors φt2 ◦ φ−1 t1,..., φtp ◦ φtp−1 sont indépendants. - (φt ) est un processus continu. Nous nous intéresserons ici aux propriétés des SDA réguliers, ergodiques et inversibles : - M sera une variété riemannienne C ∞ de dimension finie, munie de sa tribu borélienne. - les applications θt seront IP-ergodiques, ce qui signifie qu'un ensemble mesurable A ∈ B qui est invariant par θt (i.e. θt (A) = A) est de probabilité zéro ou un. - les applications φt (ω) seront des difféomorphismes de M de classe C ∞. Nous supposerons que pour un tel SDA, il existe une mesure μ sur (Ω × M, A ⊗ B) telle que : (i) IP est la projection de μ sur Ω. (ii) Les transformations Θt préservent la mesure μ. (iii) Les transformations Θt sont μ-ergodiques. Une mesure qui vérifie les propriétés (i) et (ii) est dite invariante par le SDA.
5
Re
marques.
1.
Un SDA
n'
est
pas
muni
naturellement d'une
mesure
in
variante
. L'existence d'une telle mesure a été démontrée dans certains cas : par exemple, lorsque (φt ) est un SDA sur un espace métrique compact M. Une telle mesure est un produit de deux mesures ρ ⊗ IP seulement si les applications φt (ω) sont toutes ergodiques pour la mesure ρ [13, 14]. 2. En différentiant l'égalité : φt+s (ω) = φt (θs (ω)) ◦ φs (ω), nous obtenons Tx φt+s (ω) = Tφs (ω) φt (θs (ω))Tx φs (ω). La famille d'applications {Tx φt (ω), t ∈ T, (ω, x) ∈ Ω × M} forme donc un SDA sur le fibré tangent, T M associé à l'aléa (Ω × M, A ⊗ B, μ, (Θt )t ), où μ est une mesure invariante par le SDA (φt ). Ce SDA est appelé une linéarisation du SDA (φt ). Théorème d'Oseledets
Un théorème clé pour étudier les SDA réguliers est le théorème ergodique multiplicatif d'Oseledets [33]. Ce théorème décrit le comportement asymptotique d'un produit de matrices aléatoires. Utilisé dans le cadre des SDA réguliers, il permet d'obtenir des informations sur le comportement asymptotique du SDA linéarisé. Depuis l'article d'Oseledets, de nombreuses preuves de ce théorème ont été publiées ; par exemple, F. Ledrappier [27] a présenté un exposé du théorème d'Oseledets pour les produits de matrices aléatoires et L. Arnold et H. Crauel [3] ont proposé une adaptation de ce théorème pour obtenir des informations sur la linéarisation d'un SDA. Pour un SDA régulier et ergodique, le théorème d'Oseledets s'énonce de la façon suivante :
Théorème. (V. I. Oseledets, 1968) Soit (φt )t∈T, un SDA régulier et ergodique et μ une mesure invariante par le SDA, telle que les transformations Θt soient μ-ergodiques. Supposons que supt∈[0,1]∩T Log+ kTx φt (ω)k ∈ L1 (Ω × M, μ).
Il existe – un ensemble Ω̃ ⊂ Ω × M, tel que pour tout t ∈ T, Θt (Ω̃) ⊂ Ω̃ et μ(Ω̃) = 1, – une filtration mesurable de Tx M en sous-espaces vectoriels distincts, {0} = Vr+1 ⊂ Vr (ω, x) ⊂... ⊂ V1 (ω, x) = Tx M, – des réels λ1 >... > λr, – des entiers strictement positifs d1,..., dr, 6 vérifiant les propriétés suivantes, pour tout (ω, x
) ∈ Ω̃ et i ∈ {1,..., r} : – ∀ t ∈ T, Tx φt (ω)(Vi (ω, x)) = Vi (Θt (ω, x)), – di = dim(Vi (ω, x)) − dim(Vi+1 (ω, x)), 1 – ∀ v ∈ Vi (ω, x) \ Vi+1 (ω, x), lim LogkTx φt (ω)vk = λi. t→+∞ t
De plus, pour tout sous-espace vectoriel F ⊂ Vi (ω, x) tel que F ∩ Vi+1 (ω, x) = {0}, la convergence a lieu uniformément sur l'ensemble {v ∈ F, kvk = 1}. Remarques. 1. Pour i ∈ {1,..., r}, le réel λi est appelé le i-ième exposant de Lyapounov du SDA et l'entier di, la multiplicité de l'exposant λi. 2. Lorsque T = ZZ ou IR, l'application du théorème précédent aux SDA (φt )t≥0 et (φ−t )t≥0 permet d'obtenir la version suivante du théorème : Soit (φt )t∈T un SDA régulier, ergodique et réversible, et μ une mesure invariante par le SDA telle que les transformations Θt soient μ-ergodiques. Supposons que supt∈[0,1]∩T Log+ kT φt (ω, x)±1k ∈ L1 (Ω × M, μ). Il existe – un ensemble Ω̃ ⊂ Ω × M, Θ-invariant et de mesure totale, – une décomposition mesurable de Tx M en une somme directe de sousespaces vectoriels : Tx M = E1 (ω, x) ⊕... ⊕ Er (ω, x), – des réels λ1 >... > λr, – des entiers strictement positifs d1,..., dr, vérifiant les propriétés suivantes, pour tout (ω, x) ∈ Ω̃ et i ∈ {1,..., r} : – ∀ t ∈ T, Tx φt (ω)(Ei (ω, x)) = Ei (Θt (ω, x)), – di = dim(Ei (ω, x)), kTx φt (ω)vk 1 converge vers λi uniformément sur Ei (ω, x) \ {0} Log – t kvk lorsque t tend vers + ∞ et − ∞. Extensions non linéaires du théorème d'Oseledets Variétés stables et instables
Le théorème d'Oseledets montre l'existence pour presque tout (ω, x) ∈ Ω × M, de sousespaces vectoriels Vr (ω, x) ⊂... ⊂ V1 (ω, x) = Tx M tels que 1 si u ∈ Vi (ω, x), alors lim LogkTx φt (ω)uk ≤ λi t→∞ t 7 Des analogues non linéaires à ces espaces Vi (ω, x) peuvent être définis pour les exposants de Lyapounov négatifs : Pour λ < 0 et β(ω, x) > α(ω, x) > 0, posons V s,λ (ω, x, α) = {y ∈ B̄(x, α(ω, x)), ∀t ≥ 0 d(φt (ω)(x), φt (ω)(y)) ≤ β(ω, x)eλt }. Si (φt )t est un SDA régulier et réversible, vérifiant les hypothèses du théorème d'Oseledets, alors pour λ < 0 vérifiant λi < λ < λi−1 et pour α suffisamment petit : - V s,λ (ω, x, α) est une sous-variété tangente à Vi (ω, x) au point x, appelée une sousvariété stable locale. s,λ - W s,i (ω, x) = ∪φ−1 (Θt (ω, x), α)) est l'image de Vi (ω, x) par une immersion t (ω)(V t injective tangente à l'identité au point x. W s,i (ω, x) est aussi l'ensemble des points y ∈ M, tels que lim 1t Logd(φt (ω)(x), φt (ω)(y)) ≤ λ i. W i,s (ω, x) est appelée la t→∞ variété stable globale associée à λi au point x. Des ensembles similaires peuvent être introduits pour les exposants de Lyapounov strictement positifs en considérant le SDA dans les temps négatifs : pour λ > 0 tel que λi+1 < λ < λi, α > 0 suffisamment petit et β > α : - V u,λ (ω, x, α) = {y ∈ B̄(x, α(ω, x)), ∀t ≥ 0 d(φ−t (ω)(x), φ−t(ω)(y)) ≤ β(ω, x)e−λt } est appelée une variété locale instable au point x. - W u,i (ω, x) = {y ∈ M, lim 1t Logd(φ−t (ω)(x), φ−t (ω)(y)) ≤ −λi } est appelé la t→∞ variété instable globale associée à λi au point x
L'étude des variétés stables et instables constitue une partie de la théorie de Pesin, appelée ainsi en l'honneur de Y. Pesin qui, le premier, a étudié ces ensembles, dans le cas d'un système dynamique déterministe formé de C 2 difféomorphismes sur une variété riemannienne compacte [35, 36]. L'étude des variétés stables et instables a depuis été effectuée pour des classes plus générales de SDA : - pour des systèmes dynamiques déterministes de classe C k, k ≥ 2, citons entre autres les travaux de D. Ruelle [40], A. Fathi, M. R. Herman et J.C. Yoccoz [18], et de C. Pugh et M. Shub [37], - pour des systèmes dynamiques déterministes avec des singularités [23], - pour certains flots solutions d'une équation stochastique [10] - pour des produits de difféomorphismes aléatoires [9, 15, 32].
Une autre forme d'extension du théorème d'Oseledets
Le théorème d'Oseledets donne aussi des informations sur le comportement asymptotique de l'approximation au premier ordre d'un ensemble de points par un SDA régulier. En 8 effet, considérons un SDA, (φn )n∈ZZ, régulier et ergodique sur IRd dont les exposants de Lyapounov sont tous de multiplicité un. Si E est un sous-espace vectoriel de dimension p, tel que E ∩ Vp+1 = {0} μ-presque sûrement, alors le théorème d'Oseledets implique que les espaces tangents au point x, des variétés Mn = φn (θ−n )(φ−n (ω)(x) + E), convergent en probabilité vers V p = ⊕j≤p Ej lorsque n tend vers +∞. Il est naturel de s'interroger sur le comportement asymptotique d'approximations d'ordres supérieurs des variétés Mn. M. Cranston et Y. Le Jan [11] ont étudié le comportement asymptotique au second ordre des variétés (Mn ). Ils ont obtenu le résultat suivant : Soit (φn )n∈ZZ un SDA régulier, ergodique, réversible sur IRd et μ une mesure de probabilité invariante par le SDA, telle que les transformations Θt soient μ-ergodiques. Z Supposons que : – Log+ kDx φ1 (ω)±1kdμ(ω, x) < ∞, d ZΩ×IR – Log+ kDx2 φ1 (ω)kdμ(ω, x) < ∞, Ω×IRd – les exposants de Lyapounov λ1 >... > λd sont de multiplicité un. Considérons un sous-espace vectoriel E de dimension p ≥ 1 tel que E ∩ Vp+1(ω, x) = {0} μ-presque sûrement. Si λp+1 − 2λp < 0, alors la deuxième forme fondamentale, au point x, des variétés Mn (ω, x) = φn (θ−n ω)(φ−n(ω)(x)+E) converge en probabilité vers une limite indépendante du choix de E qui s'écrit : +∞ X k=0 (I − Π)Dφk (Θ−k )D 2 φ1 (Θ−(k+1) )(Dφ−(k+1) Π, Dφ−(k+1) Π). où Π est la projection orthogonale sur V p. Il est important de remarquer que la condition sur les exposants de Lyapounov, λp+1 − 2λp < 0, peut être vérifiée même lorsque λ1 < 0 ; par exemple, les exposants de Lyapounov des flots browniens isotropes sur IRd vérifient la condition pour p = 1 [5 , 6, 16, 28, 29]. Cette approche donne donc des informations sur la façon dont un SDA stable (i.e. de premier exposant de Lyapounov strictement négatif) se contracte. Nous allons présenter dans ce travail une extension du résultat de M. Cranston et Y. Le Jan, pour les approximations d'ordres supérieurs. Nous considérerons un SDA, (φn )n∈ZZ, régulier et ergordique sur une variété riemannienne C ∞, M, vérifiant les hypothèses du théorème d'Oseledets. Nous étudierons le comportement asymptotique des variétés Mn dans le cas où l'ensemble initial E est une courbe aléatoire sur M. Quant aux exposants de Lyapounov, nous supposerons seulement que le premier exposant est de multiplicité un. Les approximations des courbes Mn (ω, x) au voisinage de x seront décrites à l'aide des ≪ dérivées intrinsèques au point x des courbes Mn (ω, x) ≫ ; nous appelons ainsi les dérivées au point x d'une paramétrisation normale orientée des courbes Mn (ω, x). Les deux premières dérivées intrinsèques sont respectivement le vecteur tangent unitaire et la courbure de la courbe. Sous des hypothèses similaires à celles posées par M. Cranston et Y. Le Jan, nous montrerons que les premières dérivées intrinsèques ≪ convergent ≫vers des limites qui sont indépendantes du choix de la courbe initiale. Une expression de ces limites peut être déterminée récursivement ; le procédé de calcul que nous proposerons, repose sur une méthode de développement en diagrammes des dérivées intrinsèques. Dans le premier chapitre, nous commençons par rappeler les résultats pour les approximations au premier et au deuxième ordre, en les adaptant au cadre particulier choisi : le cas où l'ensemble initial, E, est une courbe aléatoire. Puis, nous présentons les résultats que nous avons établis pour les approximations d'ordres supérieurs. Comme pour les deux premières approximations, les résultats portent sur la convergence des dérivées intrinsèques et l'expression des limites. A partir de l'approximation d'ordre trois, lorsque λ1 est négatif ou nul, se manifestent des difficultés qui n'apparaissent pas dans le traitement de l'approximation d'ordre deux. C'est pourquoi, nous terminons ce premier chapitre en établissant la preuve des résultats pour l'approximation d'ordre trois, afin d'exposer les procédés sur lesquels reposeront la démonstration du cas général. Les deux chapitres suivants sont consacrés à la démonstration des résultats pour une approximation d'ordre quelconque ; dans le deuxième chapitre, nous traitons le cas où λ1 > 0 et nous faisons le lien avec la théorie de Pesin. Dans le troisième chapitre, nous détaillons la preuve des résultats obtenus lorsque λ1 ≤ 0. Dans un quatrième chapitre, nous étudions une classe particulière de SDA, les flots browniens isotropes sur la sphère S d−1. L'étude de l'approximation au second ordre pour les flots browniens isotropes sur IRd, effectuée par Y. Le Jan [28, 29], a montré que la norme au carré de la courbure de l'image d'une courbe γ par un tel flot, est une diffusion 10 récurrente positive. Nous réalisons la même étude pour les flots browniens isotropes sur la sphère S d−1 qui, contrairement aux flots browniens isotropes sur IRd, ont des exposants de Lyapounov qui ne vérifient pas toujours la condition λ2 − 2λ1 < 0 [38, 39]. Cette étude a pour but de montrer l'optimalité de la condition sur les exposants de Lyapounov ≪ λ2 −2λ1 < 0 ≫, condition qui assure la convergence en loi de la courbure. Nous terminons en présentant des simulations de l'évolution d'une courbe par un flot brownien isotrope sur S 2. Nous nous donnons un système dynamique aléatoire (φn )n∈ZZ, de classe C ∞ sur M et ergodique. Cela revient à considérer un espace de probabilité (Ω, A, IP), une transformation θ : Ω → Ω qui préserve la mesure IP, est inversible et ergodique, et un C ∞ difféomorphisme φ de M dans lui-même, et à poser : φn = φ(θn−1 ) ◦... ◦ φ φ0 = Id φn =
φ−1
(θn ) ◦... ◦ φ−1 (
θ−1
) Nous ferons les hypothèses suivantes : si n ≥ 1 si n ≤ −1 - il existe une mesure de probabilité μ sur Ω × M de marginale IP sur Ω, telle que Ω×M → Ω×M préserve la mesure μ et soit la transformation Θ : (ω, x) 7→ (θ(ω), φ(ω)(x)) ergodique. R R - les intégrales Ω×M Log+ kTx φ(ω)kxdμ(ω, x) et Ω×M Log+ kTx φ(ω)k−1 x dμ(ω, x) sont finies. Ces hypothèses permettent d'appliquer le théorème d'Oseledets au système dynamique linéarisé. Théorème 1.1. (V. I. Oseledets) Il existe un ensemble Ω̃ ⊂ Ω × M, Θ-invariant de μ-mesure totale, des réels λ1 >... > λr et des entiers strictement positifs d1,..., dr, tels que pour tout (ω, x) ∈ Ω̃, il y ait une décomposition mesurable de Tx M en Tx M = E1 (ω, x) ⊕... ⊕ Er (ω, x) 14 vérifiant, pour tout i ∈ {1,..., r}, les propriétés suivantes : − dim(Ei (ω, x)) = di − Tx φ(ω)Ei (ω, x) = Ei (Θ(ω, x)) kTx φn (ω)vk 1 converge vers λi uniformément sur Ei (ω, x) \ {0} Log − n kvk lorsque n tend vers + ∞ et − ∞ Nous supposerons que E1 est de dimension 1. Soit SM le fibré tangent unitaire de M. Nous notons τ1 : Ω × M 7→ SM une application mesurable, telle que pour tout (ω, x) ∈ Ω̃, τ1 (ω, x) soit un vecteur unitaire de E1 (ω, x) et nous posons π1, la projection sur E1, parallèlement à E 2 = E2 ⊕... ⊕ Er. 1.2 La suite de courbes aléatoires (γn)n≥0 Ajoutons à M, un point ∆ n'appartenant pas à M.
Nous désignons par C, l'ensemble des applications γ : IR → M ∪ ∆, telles que l'ensemble Iγ := {t ∈ IR, γ(t) ∈ M} soit un ouvert de IR contenant zéro, et par C ∞, l'ensemble des éléments γ de C qui sont de classe C ∞ sur Iγ. Nous munissons C de la tribu, T, engendrée par les fonctions coordonnées : γ 7→ γ(t), pour tout t ∈ IR. Nous considérons enfin une application mesurable, γ : Ω × M → C ∞, telle pour tout (ω, x) ∈ Ω × M, γ(ω, x)(0) = x. Une telle application sera appelée une courbe aléatoire C ∞ sur M. Nous supposerons que pour tout (ω, x) ∈ Ω × M, γ ′ (ω, x)(0) 6= 0. Exemple. Soit X : Ω → T M, un champ de vecteurs aléatoire qui ne s'annule pas. Si pour tout (ω, x) ∈ Ω × M, γ(ω, x) est définie au voisinage de zéro comme la géodésique issue du point x dont le vecteur tangent au point x est le vecteur X(ω)(x), alors l'application γ est une courbe aléatoire C ∞ dont la dérivée en zéro ne s'annule pas. Remarque. Il n'est pas nécessaire de supposer que la dérivée de la courbe γ ne s'annule pas. L'hypothèse est faite pour ne pas alourdir les preuves. Les résultats de convergence qui seront énoncés sont vrais si la dérivée de γ s'annule avec probabilité zéro ; les expressions, qui seront établies, seront alors définies presque sûrement. Nous allons nous intéresser au comportement asymptotique des approximations, à tous 15 les ordres, de la suite des courbes orientées : φn (θ−n ω) ◦ γ(θ−n ω, φ−n (ω)(x)) au voisinage du point x.
1.2.1 Orientation des courbes
L'orientation de chaque courbe est choisie de sorte que, si un (ω, x) est son vecteur tangent unitaire au point x, alors hπ1 (un ), τ1 i ≥ 0. Nous pouvons, par exemple, introduire une fonction mesurable, ηn, sur Ω × M à valeurs dans {−1, 1} telle que : si Tφ−n (ω)(x) φn (θ−n ω)γ ′(Θ−n )(0) ∈ E 2 (ω, x) 1 ηn (ω, x) = hπ1 (Tφ−n (ω)(x) φn (θ−n ω)γ ′(Θ−n )(0)), τ1 i sinon. kπ1 (Tφ−n (ω)(x) φn (θ−n ω)γ ′(Θ−n )(0))k Plus précisément, nous allons étudier la convergence des dérivées intrinsèques de ces courbes orientées.
1.2.2 Dérivées intrinsèques d'une courbe
Définissons d'abord, ce que nous entendons par ≪ dérivées intrinsèques ≫. Lorsque M est un espace euclidien, les dérivées intrinsèques au point x d'une courbe orientée υ sont simplement les dérivées, en ce point, d'une paramétrisation normale de la courbe. Dans le cas général, au voisinage d'un point x ∈ M, une courbe orientée υ, de classe C ∞ passant par x, est difféomorphe, via l'application exponentielle Expx, à une courbe υ̃ définie sur l'espace euclidien (Tx M, h, ix ). La dérivée intrinsèque d'ordre k de la courbe υ au point x est définie comme la k-ième dérivée à l'origine d'une paramétrisation normale de la courbe orientée υ̃. Remarques. - La première dérivée intrinsèque de la courbe υ au point x est son vecteur vitesse unitaire. - Si Υ est une paramétrisation normale de la courbe υ telle que Υ(0) = x, alors la seconde dérivée intrinsèque de la courbe υ au point x est la dérivée covariante au point x du champ de vecteurs Υ′ le long de la courbe Υ. 16 Preuve : Nous nous plaçons dans un système de coordonnées normales (x1,., xd ) au point x associé à une base orthonormale de l'espace tangent Tx M. Si ∂, ∂xi pour i ∈ {1,., d} désignent les champs de vecteurs coordonnées et si ∇ désigne la connexion riemannienne, alors ∇ ∂ ∂xi ∂ = 0 pour tout i, j ∈ {1,., d} (voir [19]).
∂xj x
La dérivée covariante de Υ′ le long de de la courbe Υ a pour expression : d
d d XX X ∂ ∇Υ′ ∂ ∇ ∂ (Υi )′′ (t) + (t) = (Υj )′ (t )(Υk )′ (t) ∂xj ∂x dt ∂x Υ(t) i k j=1 k=1 i=1
Donc, en t = 0 : d X ∇Υ′ ∂ (0) = (Υi )′′ (0) dt ∂xi i=1 En fait, nous allons transporter les courbes sur le plan tangent Tx M, via l'application Expx. Comme pour tout (ω, x) ∈ Ω × M, γ ′ (ω, x)(0) 6= 0, il existe une fonction mesurable δ, strictement positive, telle que la courbe γ(ω, x) soit de classe C ∞ sur ]−δ(ω, x), δ(ω, x) [, sans points stationnaires et à valeurs dans B(x, δx ). Nous désignerons alors par Γ(ω, x) une paramétrisation normale C ∞ de la courbe Exp−1 x (γ(ω, x)), telle que Γ(ω, x)(0) = 0. En effet, le module de continuité de φ(ω) au point x, w(a, x, φ(ω)) = sup{d(φ(ω)(x), φ(ω)(y)), tel que d(x, y) < a}, est mesurable par rapport à (a, x, ω) et continu par rapport à a, donc la fonction définie sur Ω × M par δ1 (ω, x) = sup{a > 0, w(a, x, φ(ω)) < δ(x)} convient. Par conséquent, pour tout n ∈ IN, il existe une fonction mesurable (ω, x) 7→ δn (ω, x) et strictement positive, telle que l'application Φn (ω, x) = Φ(Θn−1 (ω, x)) ◦... ◦ Φ(ω, x) = Exp−1 φn (ω)(x) ◦ φn (ω) ◦ Expx soit bien définie sur Bx (0, δn (ω, x)). Soit In (ω, x) un intervalle ouvert, centré sur 0, tel que la courbe Γ(ω, x)(In (ω, x)) 17 soit incluse dans Bx (0, δn (ω, x)). Nous notons γn (ω, x), l'image de la courbe orientée φn (ω)(θ−n ω) ◦ γ(Θ−n (ω, x)) sur Tφn (ω)(x) M : γn (ω, x)(t) = Φn (Θ−n (ω, x)) ◦ Γ(Θ−n (ω, x))(tηn (ω, x)) ∀ t ∈ In (ω, x). et nous notons Γn la paramétrisation normale de γn telle que Γn (0) = 0. Nous allons donc étudier la convergence des dérivées à l'origine des courbes Γn.
1.2.3 Notations
Pour alléger les notations, nous poserons pour (ω, x) ∈ Ω × M : - A(ω, x), l' application linéaire D0 Φ(ω, x) ∈ L(Tx M, Tφ(ω)(x) M). - B (k) (ω, x), l'application k-multilinéaire D0k Φ(ω, x) ∈ Lk (Tx M, Tφ(ω)(x) M), pour k ≥ 2. - An (ω, x) := D0 Φn (ω, x), pour tout n ∈ ZZ. La suite (An )n∈ZZ vérifie :
An = A(Θn−1 )... A A0 = Id An = A−1 (Θn )... A−1 (Θ−1 ) = A−n (Θn )−1 si n ≥ 1 si n
≤ −1
- un (ω, x) = An (Θ−n )Γ′ (Θ−n )(0)ηn kAn (Θ−n )Γ′ (Θ−n )(0)k−1, le vecteur unitaire tangent à la courbe orientée Γn à l'origine. - Πn (ω, x), la projection orthogonale de Tx M sur le sous-espace IRun (ω, x). Les notations, en lien avec les espaces Ei définies dans le théorème d'Oseledets, sont : - E 2, l'espace E 2 = E2 ⊕... ⊕ Er. - πi, la projection sur Ei parallèlement à ⊕j6=i Ej. - π 2, la projection sur E 2 parallèlement à E1. - Π, la projection orthogonale sur E1. - τ1, un vecteur unitaire de E1.
1.3 Convergence de la première dérivée intrinsèque : le vecteur tangent unitaire
Une conséquence immédiate du théorème d'Oseledets et du choix de l'orientation des courbes est la ≪ convergence ≫ de la suite des vecteurs tangents unitaires un vers le vecteur τ1. Plus précisément, nous avons le résultat suivant : 18 Proposition 1.2. Soit ǫ > 0. 1. Si μ-presque sûrement Γ′ (0) 6∈ E 2, alors (e−n(λ2 −λ1 +ǫ) kun − τ1 k)n≥0 converge en probabilité vers zéro. 2. Si Log+ kπ1 (Γ′ (0))k−1 ∈ L1 (Ω × M, μ ), alors (e−n(λ2 −λ1 +ǫ) kun − τ1 k)n≥0 converge μ-presque sûrement vers zéro. Comme Θ préserve la mesure μ, nous pouvons en déduire une convergence en loi : Corollaire 1.3. Si μ-presque sûrement γ ′ (0) 6∈ E 2, alors les vecteurs tangents unitaires des courbes φn (ω) ◦ γ(ω, x) au point x convergent en loi, lorsque n tend vers +∞. Remarques. Notons X l'ensemble des champs de vecteurs, X : M → SM, mesurables. Munissons X de sa tribu borélienne et d'une mesure de probabilité ν telle que, pour tout x ∈ M, la marginale, νx, de ν sur Sx M soit absolument continue par rapport à la mesure de Lebesgue sur Tx M. Alors, 1. La propriété ≪ μ {(ω, x) ∈ Ω × M, X(x) ∈ E 2 (ω, x)} = 0 ≫ est vérifiée pour ν-presque tout X ∈ X. 2. De plus, si la densité de νx par rapport à la mesure de Lebesgue sur Tx M est uniformément majorée en x, alors pour ν-presque tout champ de vecteurs X ∈ X, Log+ kπ1 (ω, x)(X(x))k−1 ∈ L1 (Ω × M, μ). Preuve : D'après le théorème d'Oseledets, (ω, x) 7→ π1 (ω, x) est mesurable, donc l'application (ω, x, X) 7→ kπ1 (ω, x)(X(x))k−1 est mesurable par rapport à la mesure produit sur Ω × M × X. D'après le théorème de Fubini, il suffit de montrer que Log+ (kπ1 (ω, x)(X(x))k−1 ) ∈ L1 (Ω × M × X, μ ⊗ ν). Posons I(ω,x) = Z + −1 Log (kπ1 (ω, x)(X(x))k )dν
(X) = X Z Log+ (kπ1 (ω, x)(v)k−1)dνx (v). S
x M
Soit fx la densité de la mesure νx par rapport à la mesure de Lebesgue renormalisée sur Sx M et (e1 (ω, x),..., ed (ω, x)) une base orthonormale de Tx M, telle que E 2 (ω, x) = Vect(e2 (ω, x),..., ed (ω, x)). d d P P vi ei, π1 (v) = Comme τ1 6∈ E 2, e1 = hτ11,e1 i (τ1 − hτ1, ei iei ). Donc, pour v = v1 τ. hτ1,e1 i 1 i=2 Réécrivons I(ω,x) en utilisant les coordonnées sphériques, v1 = sin(θ1 ) v2 = cos(θ1 ) sin(θ2 ).
vd−1 = cos(θ1 ) cos(θ2 )... cos(θd−2 ) sin(θd−1 ) v = cos(θ ) cos(θ )... cos(θ ) cos(θ ) d 1 2 d−2 d−1 19 i=1 pour −π/2 < θi < π/2 si i ∈ {1,..., d − 2} et 0 < θd−1 < π. Z π/2 1 + I(ω,x) ≤ C dθ1 Log sin(θ1 ) −π/2 avec, C = sup kfx k∞ x∈M L'intégrale, R π/2 −π/2 Z π/2 −π/2 Z π 0 | cosd−3 (θ2 )... cos(θd−2 )|dθd−1... dθ2. 1 )dθ, étant finie, I(ω,x) est majorée par une constante Log+ ( sin(θ) indépendan
te de (ω, x). Donc Log+ (kπ1 (ω, x)(X(x))k−1) ∈ L1 (Ω × M × X, μ ⊗ ν), ce qui termine la preuve de la deuxième remarque. Nous proposons maintenant une démonstration de la proposition 1.2 qui suit la preuve donnée par Y. Le Jan [30]. La convergence s'établit en majorant la différence entre le vecteur tangent unitaire, un, à la courbe γn et le vecteur τ1.
1.3.1 Majoration de kun − τ1k
Soit (ω, x) ∈ Ω̃, tel que Γ′ (ω, x)(0) 6∈ E 2 (pour alléger les formules, nous n'écrirons pas (ω, x)). Par définition de un, nous avons : π1 (un ) = τ1 kπ1 (un )k Donc,
kun − π1 (un )k 1 + |1 − |kun k kπ1 (un )k kπ1 (un )k kπ 2 (un )k ≤ 2 kπ1 (un )k kπ 2 An (Θ−n )(Γ′ (Θ−n )(0)) k ≤ 2 kπ1 An (Θ−n )(Γ′ (Θ−n )(0)) k kun − τ1 k
≤ Comme Ei = An (Θ−n )(Ei (Θ−n )), pour i ∈ {1,..., r}, nous avons : πi (An (Θ−n )Γ′ (Θ−n )(0)) = An
(Θ−n
)πi (Θ−n )(Γ′ (Θ−n )(0))
Donc,
kAn (Θ−n )π 2 (Θ−n )(Γ′ (Θ−n )(0))k kun − τ1 k ≤ 2 kAn (Θ−n )π1 (Θ−n )(Γ′ (Θ−n )(0))k
D'après le théorème d'Oseledets, pour i ∈ {1,..., r}, la suite ( n1 LogkAn|Ei k) converge presque sûrement vers λi. Il en est de même pour les suites ( n1 LogkAn (Θ−n )|Ei (Θ
−n ) k) : 20
Lemme 1.4. Pour tout i ∈ {1,..., r}, la suite ( n1 LogkAn (Θ−n )|Ei(Θ−n ) k
)n
≥0 converge μ-presque sûrement vers λi. Preuve : Soit i ∈ {1,..., r}. La suite (LogkAn (Θ−n )|Ei (Θ−n ) k)n>0 est sous-additive. En effet, pour n, m ≥ 0, LogkAn+m (Θ−(n+m) )|Ei(Θ−n−m ) k ≤ LogkAm (Θ−n−m )|Ei (Θ−n−m ) k + Log sup{kAn
(Θ −
n Am (
Θ
−
(n
+m
)
)v
k
,
v ∈ Ei (Θ−n−m )
− {
0}} ) −(n+m) kAm (Θ )vk Comme Am (Θ−n−m )Ei (Θ−n−m ) = Ei (Θ−n ), LogkAn+m (Θ−n−m )|Ei(Θ−n−m ) k ≤ LogkAm (Θ−n−m )|Ei (Θ−n−m ) k+LogkAn (Θ−n )|Ei(Θ−n ) k. Donc, nous pouvons appliquer le théorème ergodique sous-additif de J. F. Kingman [25] : Théorème 1.5 (J. F. Kingman, 1968). Soit (X, A, m) un espace de probabilité, T : X → X, une transfomation mesurable qui préserve la mesure m et (fn )n≥1, une suite de fonctions mesurables telles que : - pour tout n ∈ IN∗, fn : X → IR ∪ {−∞}, - f1+ ∈ L1 (X, A, m), - ∀n, m ≥ 1, fn+m ≤ fn + fm (T n ), Alors, il existe une fonction mesurable, f : X → IR∪{−∞}, T -invariante telle que : - f + ∈ L1 (X, m), - - lim 1 fn = f m-presque sûrement, n→+∞
n R R lim n1 fn (x)dm(x) = inf n n1 fn (x)dm(x) n→+∞ = R f (x)dm(x). La suite ( n1 LogkAn (Θ−n )|Ei(Θ−n ) k)n>0 converge donc presque sûrement. Comme Θ préserve la mesure μ, sa limite est presque sûrement égale à la limite presque sûre de la suite ( n1 LogkAn|Ei k), c'est-à-dire λi. Donc, pour tout ǫ > 0, il existe une variable aléatoire Dǫ, μ-presque sûrement finie, telle que pour tout n ∈ IN : kAn (Θ−n )π 2 (
Θ−n )(Γ′ (Θ−n )(0))k ≤ Dǫ en(λ2 +ǫ/4) kπ 2 (Θ−n )(Γ′ (Θ−n )(0))k kAn (Θ−n )π1 (Θ−n )(Γ′ (Θ−n )(0))k−1 ≤ Dǫ en(−λ1 +ǫ/4) kπ1 (Θ−n )(Γ′ (Θ−n )(0))k−1
Remarque. Dans la seconde majoration, l'hypothèse, 21 ≪ dim(E1 ) = 1 ≫ a été utilisée. Nous obtenons l'inégalité suivante :
kun − τ1 k ≤ 2 1.3.2 kπ 2 (Θ−n )(Γ′ (Θ−n )(0))k 2 n(λ2 −λ1 +ǫ/2) D e kπ1 (Θ−n )(Γ′ (Θ−n )(0))k ǫ (1.1)
Convergence
de (
un)
vers τ
1
De la majoration (1.1) de kun − τ1 k, nous déduisons directement la convergence en probabilité annoncée, puisque lorsque μ-presque sûrement, γ ′ (0) 6∈ E 2, variable aléatoire μ-presque sûrement finie. kπ 2 (Γ′ (0))k kπ1 (Γ′ (0))k est une Montrons maintenant la convergence presque sûre de (un )n≥0 vers τ1. kπ 2 (Θ−n )(Γ′ (Θ−n )(0))k Nous allons étudier séparément les termes de la fraction.
kπ1 (Θ−n )(Γ′ (Θ−n )(0))k
Pour le numérateur, nous utiliserons le fait que l'angle entre les espaces vectoriels Ei et ⊕j6=i E j ne décroı̂t pas exponentiellement vite vers zéro. Ce résultat fait partie des propriétés décrites par Oseledets [33]. Nous en donnons une démonstration dans le lemme suivant : Lemme 1.6. Pour tout i ∈ {1,..., r}, 1 Logkπi (Θ−n )k = 0 μ − p.s. n→+∞ n 1 lim Logkπ 2 (Θ−n )k = 0 μ − p.s. n→+∞ n lim Preuve : Comme pour i ∈ {1,..., r}, kπi k ≥ 1 et 0 ≤ kπ 2 k ≤ kπ2 k +... + kπr k, il suffit de montrer que, pour tout i ∈ {1,..., r}, 1 lim Logkπi (Θ−n )k ≤ 0 μ − p.s. n Fixons i ∈ {1,..., r}. Posons F =⊕j6=i E j et m = dim(F ). Désignons respectivement par (e1,..., edi ) et (ǫ1,..., ǫm ), des bases de Ei et de F constituées de vecteurs unitaires. Enfin, notons e = e1 ∧... ∧ edi et
ǫ = ǫ1 ∧... ∧ ǫm. La norme de πi est majorée par : kπi k ≤ kek ke ∧ ǫk En effet, pour tout v ∈ IRd, v ∧ ǫ = πi (v) ∧ ǫ. Donc, si v n'appartient pas à F, kπi (v)k = kv ∧ ǫk ∧ ǫk k kππii (v) (v)k 22 ≤ 1 ∧ ǫk k kππii(v) (v)k D'où une première majoration : kπi k ≤ (inf{kv ∧ ǫk, v ∈ Ei et kvk = 1})−1 D'autre part, soit v ∈ Ei de norme 1. Désignons par pi et pv les projections orthogonales sur respectivement Ei et IRv.
kǫ ∧ vk = k ∧m (I − pv )ǫ ∧ vk = k ∧m (I − pv )ǫk ≥ k ∧m (I − pi )ǫk = kǫ ∧ ek k ∧m (I − pi )ǫ ∧ ek = kek kek
Supposons maintenant que les vecteurs ǫl pour l ∈ {1,..., m} appartiennent chacun à un des espaces Ej, j 6= i. Comme Ei (Θ−n ) = A−n Ei, pour tout i ∈ {1,..., r}, A e A−n edi A−n ǫ1 A−n ǫm −n 1 et,,,, kA−n e1 k kA−n edi k kA−n ǫ1 k kA−n ǫm k sont des bases de respectivement Ei (Θ−n ) et F (Θ−n ). A l'aide de ces bases, la majoration pour kπi (Θ−n )k s'écrit : kπi (Θ−n )k ≤ k ∧di A−n ekkA−n ǫ1 k..
. kA−n ǫm k k ∧d A−n (e ∧ ǫ)k
Or, d'après le théorème d'Oseledets, r X 1
d
λ
j d j lim
Log
k ∧ A−n (e ∧ ǫ
)
k = − n→+∞ n
j
=1
μ
−
p.s. 1 Logk ∧di A−n ek = −di λi μ − p.s. n→+∞ n X 1 lim Log(kA−n ǫ1 k... kA−n ǫm k) = − λj d j n→+∞ n j6=i lim Donc, μ − p.s. 1 lim Logkπi (Θ−n )k ≤ 0 μ − p.s. n
Pour le dénominateur, nous allons utiliser le lemme suivant : Lemme 1.7. Soit Y une variable aléatoire positive sur un espace de probabilité (Ω, A, IP) et T une transformation sur Ω qui préserve la mesure IP. Si Log+ (Y ) est IP-intégrable alors, pour tout ǫ > 0, supn≥0 {Y (T n )e−nǫ } est IP-presque sûrement fini. 23 Preuve : Comme Log+ (Y ) ∈ L1 (IP) et comme T préserve la mesure IP, X IP({Log+ (Y (T n )) > nǫ}) = n∈IN X n∈IN IP({Log+ (Y ) > nǫ}) < ∞ Donc, d'après le lemme de Borel-Cantelli, avec probabilité un, il n'existe qu'un nombre fini d'entiers n tels que Log+ (Y (T n )) > nǫ. Nous pouvons maintenant achever la démonstration de la convergence presque sûre de la suite (un ) lorsque Log+ (kπ1 (Γ′ (0))k−1 ) ∈ L1 (μ). Soit ǫ > 0. Rappelons que nous avons l'inégalité kun − τ1 k ≤ 2 kπ 2 (Θ−n )(Γ′ (Θ−n )(0))k Dǫ en(λ2 −λ1 +ǫ/4) kπ1 (Θ−n )(Γ′ (Θ−n )(0))k μ − p.s. où Dǫ est une variable aléatoire μ-pres que sûrement finie. D'après les lemmes 1.6 et 1.7, il existe une variable aléatoire presque sûrement finie Cǫ, telle que pour tout n ∈ IN, kπ 2 (Θ−n )(Γ′ (Θ−n )(0))k ≤ Cǫ enǫ/4 et kπ1 (Θ−n )(Γ′ (Θ−n )(0))k−1 ≤ Cǫ enǫ/4 Donc, la suite (e−n(λ2 −λ1 +ǫ) kun − τ1 k)n≥0 converge μ-presque sûrement vers zéro. 1.4 Description de la deuxième dérivée intrinsèque : la courbure
Nous allons maintenant nous intéresser à la deuxième dérivée intrinsèque, c'est-à-dire à la courbure au point x des courbes γn (ω, x). Une simple adaptation de la preuve proposée par M. Cranston et Y. Le Jan [12] permet d'établir la proposition suivante : Proposition 1.8. Supposons que
Log+ kD02 Φk
∈
L1
(
Ω × M, μ)
et que
λ2 − 2λ1
< 0. 1. Soit Υn une paramétrisation normale de la courbe υn définie par υn
(ω
,
x)(t) = Φn
(
Θ−n (ω, x))(tD0Φ−n (ω, x)τ1 (ω, x)),
telle
que Υn (ω, x)(0) = 0. (2)
Alors,
la
suite
(Υn (0))n≥0 converge μ-presque sûrement vers la variable alé
atoire
S (2) := +
∞
X k=0 (I − Π)Ak (Θ−k )
B (2) (
Θ−(k+1)
)(A
−
(k+1) τ1, A−(k+1) τ1 ). 24 (2) 2. Si μ-presque sûrement Γ′ (0) 6∈ E 2, alors la suite (Γn (0))n≥0 converge en probabilité vers S (2). 3. Si Log+ (kπ1 (Γ′ (0))k−1 ) ∈ L1 (Ω×M, μ) et si Log+ (kΓ(2) (0)k) ∈ L1 (Ω×M, μ), alors (2) la suite (Γn (0))n≥0 converge μ-presque sûrement vers S (2). Corollaire 1.9. Si μ-presque sûrement γ ′ (0) 6∈ E 2 et si λ2 − 2λ1 < 0, alors la courbure de φn (ω) ◦ γ(ω, x) au point φn (ω)(x) converge en loi lorsque n tend vers +∞ . La démonstration de la proposition 1.8 comporte trois étapes : (2) (2) - Trouver une expression de Υn (0) et de Γn (0). (2) - Lorsque λ2 −2λ1 < 0, montrer la convergence presque sûre de la suite (Υn (0))n∈IN. - Lorsque λ2 − 2λ1 (2) (Γn (0) − < 0, montrer la convergence vers zéro de la suite (2) Υn (0))n∈IN.
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Président : Monsieur le Professeur Christophe HULET Membres : Monsieur le Professeur Thomas BAUER Monsieur le Professeur Jean-Luc HANOUZ Monsieur le Docteur Matthieu FERON Directeur de thèse : Monsieur le Docteur Valentin CHAPUS UNIVERSITÉ DE CAEN * NORMANDIE UFR santÉ - FACULTE DE MEDECINE M. AGOSTINI
Denis M. AIDE Nicolas M. M. ALVES Arnaud M. AOUBA Achille M. BABIN Emmanuel M. BÉNATEAU Hervé M. M. BERGER Ludovic M. Pneumologie M. M. Pédiatrie M. BUSTANY Pierre Pharmacologie M. Hématologie M. DAO Manh Thông M. DEFER Gilles Neurologie M. M. DENISE Pierre Physiologie M. DREYFUS Michel M. Cardiologie M. M. M. Pédiatrie M. M. HAMON Martial Cardiologie M. M. M. ICARD Philippe M. Cancérologie M. Endocrinologie M. LAUNOY Guy M. LE HELLO Simon Immunologie M. Néphrologie M. LUBRANO Jean M. Cancérologie M. MANRIQUE Alain M. Rhumatologie M. Neurolog M. MAUREL Jean M. MILLIEZ Paul Cardiologie M. MOREAU Sylvain M. M. NORMAND Hervé Physiologie M. M. Nutrition M. Ophtalmologie Rhumatologie M. M. REPESSE Yohann Hématologie M. REZNIK Yves ROD Julien M. ROUPIE Eric Radiothérapie M. TILLOU Xavier Urologie M. TOUZÉ Emmanuel Neurologie M. Hématologie M. Mme M. PRCE Anglais Néphrologie M. M. Hématologie M. VIADER Fausto UFR santÉ - FACULTE DE MEDECINE M. M. Physiologie M. Néphrologie M. M. M. Mme DINA Julia Pédiatrie M. ÉTARD Olivier Physiologie M. GABEREL Thomas Neurochirurgie M. GRUCHY Nicolas Génétique M. GUÉNOLÉ Fabian M. HITIER Martin M. M. Pneumologie Pharmacie M. Cardiologie Mme M. MITTRE Hervé M. SESBOÜÉ Bruno Physiologie M. Immunologie M. Hématologie Génétique Remerciements
Merci Monsieur le Professeur Hulet pour votre accueil dans votre service et pour tout ce que vous avez pu m'enseigner durant ces semestres au CHU. Merci de m'avoir soutenu dans mes différents projets et enfin merci de me faire l'honneur de présider mon jury de thèse. Merci Messieurs les Professeurs Bauer et Hanouz d'avoir accepté et de me faire l'honneur de faire partie de mon jury. Merci au Docteur Valentin Chapus d'avoir accepté de diriger ce travail. Merci pour toute l'aide que tu m'as apportée dans sa réalisation et merci pour tout ce que tu as pu m'apprendre au fil de ces semestres passés dans le service. Merci au Docteur Matthieu Feron d'avoir accepté de faire partie de mon jury. Merci pour ton humour ainsi que pour toutes les connaissances que tu m'as apportées au long de mon cursus et notamment durant mon semestre au bloc DATU. Merci à Monsieur le Professeur Clavert d'avoir accepté que je passe un semestre dans son service. Merci pour tout ce que vous avez pu m'inculquer en chirurgie de l'épaule. Merci au Docteur Bellemère d'avoir accepté que je passe un semestre dans son service. Merci pour votre envie d'enseigner, pour ce que vous m'avez déjà appris et allez continuer à m'apprendre pendant ce stage. Merci à tous les séniors du CHU de Caen, actuels et passés, pour votre sympathie, votre rigueur et tout le savoir que vous m'avez transmis. Je vous dois ma formation et vous en suis reconnaissant. Merci aux Docteurs Julien Dunet, Goulven Rochcongar, Valentin Chapus, Mélanie Malherbe, Matthieu Feron et Aude Lombard. Merci à mes anciens chefs, les Docteurs Nathalie Hanouz, Sylvie Collon, Etienne Salle de Chou, Cédric Lepetit, Michel Azar et Victorien Bégot. Merci à mes chefs actuels qui étaient
mes co-internes, les Docteurs Matthieu Hannebicque, Flore-Anne Lecoq, Jonathan Curado, Daniel Canoville, Clément Laborie, César Praz, Baptiste Picart et Matthieu Ligeard. Merci à l'équipe d'infectiologues et en particulier au Docteur Jocelyn Michon qui a accepté de m'aider et de me guider dans certains projets. Merci à toute l'équipe Strasbourgeoise du service du membre supérieur (les Docteurs Florent Baldairon, Xavier Nicolau et Vincent Gisonni ainsi que Nicolas et Maurise) et tout particulièrement merci au Docteur Maxime Antoni pour tout ce qu'il m'a appris au bloc opératoire et en consultation et qui m'a été d'une grande aide dans les différents travaux universitaires qu'il m'a confiés. Merci à mes parents, pour leur soutien indéfectible et leur amour, pour les sacrifices qu'ils ont faits et sans qui rien de tout cela n'aurait été possible. Mon seul regret étant que vous ne puissiez assister tous deux à la fin de mon parcours. Merci à ma soeur Julie et mon frère Rémi, pour tous ces moments de détente partagés et tous ceux à venir, et pour avoir supporté mes humeurs durant ces longues études. Merci à mes beaux-parents Marie-Gilles et Thierry qui sont toujours de bons conseils et grâce à qui j'ai pu découvrir la chirurgie de la main. Merci à mes beaux-frères Thibault et Timothée pour leur sympathie et leur humour. Et enfin un énorme merci à Agathe. Merci pour ton amour, ta gentillesse, ta fantaisie, ta patience, merci pour tous les moments formidables que l'on a partagés ensemble depuis maintenant presque 7 ans et pour tous ceux qu'il nous reste à découvrir. J'ai toujours pu compter sur ton soutien et sans toi à mes côtés rien n'aurait été faisable.
Abréviations ABD: Abduction BIO-RSA: Bony Increased Offset – Reversed Shoulder Arthroplasty EAA : Elévation Antérieure Active PSI: Patient Specific Instrumentation RE1a: Rotation Externe coude au corps RI: Rotation Interne SSV: Subjective Shoulder Value
Tableaux et figures
Tableau 1. Modifications radiologiques à 2 ans Tableau 2. Comparaison des résultats cliniques à 2 ans en fonction de l'ostéolyse tubérositaire Tableau 3. Gains pour les scores fonctionnels et les mobilités au dernier recu
l Figure 1. Concept de prothèse inversée de Grammont Figure 2. Aspect des implants Figure 3. Comparaison du design de l'Ascend Flex avec celui de la prothèse de Grammont (1) Figure 4. Comparaison du design de l'A
cend Flex avec celui de la prothèse de Grammont (2)
Figure 5. Différents paramètres influencés par le design prothétique Graphique 1. Evolution des mobilités Graphique 2. Evolution des scores fonctionnels Graphique 3. Evolution des items du score de Constant Annexe 1. Score de Constant Annexe 2. Evolution des résultats post-opératoires Annexe 3. II / Matériels et méthodes 1) Population étudiée
Les patients chez lesquels a été réalisée une arthroplastie totale d'épaule par prothèse inversée à tige courte non cimentée Ascend Flex (Tornier/Wright, Memphis, Tennessee, USA) au CHU de Caen entre 01/2017 et 04/2018 ont été inclus rétrospectivement dans cette étude. L'indication chirurgicale était portée chez les patients présentant une rupture de coiffe des rotateurs symptomatique non réparable et chez les patients présentant une omarthrose évoluée centrée ou excentrée. Les critères d'inclusion étaient la réalisation d'une arthroplastie totale d'épaule par prothèse inversée tige courte impactée et un recul de 2 ans minimum. Les critères d'exclusion étaient l'absence de donnée consignée dans le dossier médical. Les variables évaluées en pré-opératoire étaient l'âge, le sexe, le côté dominant, les mobilités, le score de Constant, le score de Constant pondéré et le Subjective Score value (SSV). Les variables évaluées en post-opératoire étaient les mobilités, le score de Constant et le score de Constant pondéré, le SSV, l'évolution radiologique des composants huméraux et glénoïdiens à 3 mois, 6 mois, 1 an et 2 ans et la survenue ou non de complications (luxation, sepsis, ). Pour évaluer l'incidence de la raideur pré-opératoire, les patients ont été répartis en 2 groupes selon que l'item mobilité du score de Constant était inférieur ou égal à 10 ou supérieur à 10. 2) Données démographiques 34 patients ont été inclus dans cette étude. L'âge moyen au moment de la chirurgie était de 71.91 ans (49-86). 13 des patients étudiés étaient des hommes (38.2%) et 21 des femmes (61.8%). Les mobilités pré-opératoires moyennes étaient de 91° en élévation antérieure active (EAA), 71° en abduction (ABD), 13° en rotation externe active coude au corps (RE1a) et de 3.6 en rotation interne (RI). Le score de Constant moyen était de 24.62 et le Constant pondéré moyen était de 33.85. Le SSV moyen était de 23.85. 2 3)
Technique chirurgicale et suites post-opératoires
La technique chirurgicale est identique pour tous les patients. La tête humérale et la glène étaient exposées par voie delto-pectorale. La coupe humérale était réalisée à main levée. Des râpes de tailles croissantes étaient passées dans l'humérus, la forme de celles-ci permettant de tasser et densifier l'os spongieux. Une tenue métaphysaire satisfaisante était recherchée. La glène était ensuite fraisée jusqu'en os sous chondral avec un débord inférieur de 2mm et un tilt inférieur de 10°. Une fois l'humérus et la glène préparés, un essai était réalisé, puis les implants définitifs étaient mis en place. Le subscapulaire, quand il était encore présent était ensuite suturé, puis la fermeture était réalisée plan par plan. Les patients étaient immobilisés dans un coussin d'abduction en rotation neutre à visée antalgique pendant 3 semaines maximum. La mobilisation passive était autorisée d'emblée. La récupération des amplitudes en actif était débutée à la 3ème semaine. La rotation externe était limitée pendant 6 semaines en fonction des constatations -opératoires du subscapulaire afin d'éviter une mise en tension excessive si ce dernier avait été suturé. Le travail de récupération de la force était interdit pendant 6 semaines. 4) Conception de l'implant et bénéfices théoriques a) Implant huméral
La partie humérale est composée d'une tige courte de 66 à 98mm de long et de 3 angulations différentes (127.5°, 132.5°, 137.5°). La tige est en titane avec une partie proximale en titane projeté en spray permettant une pose en press-fit. Cette tige a une tenue métaphysaire. Elle est conçue de sorte à pouvoir réaliser une arthroplastie totale anatomique ou une arthroplastie totale inversée (système convertible). Pour la réalisation d'une prothèse inversée, celle-ci accueille un insert en polyéthylène, lui aussi disponible en plusieurs angulation (7.5°, 12.5°, 17.5°) permettant ainsi une angulation totale du composant huméral de 135°, 140° ou 145°. Classiquement, une inclinaison totale de 145° est choisie (tige type B et insert d'angulation 12.5°). [7,8]
3 b) Implant glénoïdien
L'implant glénoïdien est composé d'une platine avec plot (court ou long) de 25 ou de 29mm de diamètre, impactée puis vissée à la glène par deux vis à compression et deux vis verrouillées ainsi que d'une glénosphère fixée à la platine par un système de cône morse et de vis. Cet implant doit être posé en bord inférieur de glène (débord inférieur de 2mm) avec un tilt d'environ 10° afin d'éviter les phénomènes de conflit entre composant huméral et scapula. Figure 2 : Aspect des implants Source: Ascend Flex Tornier / Wright surgical technique
5) Analyse clinique et radiographique
Tous les patients étaient évalués en pré-opératoire et en post-opératoire à 3 mois, 6 mois, 1 an et 2 ans. L'évaluation des patients comportait le recueil des données démographiques, l'étude des mobilités dans les différents secteurs (élévation antérieure active, abduction, rotation externe et rotation interne), le score de Constant et le score de Constant pondéré selon l'âge et le sexe (Annexe 1), le score SSV, l'analyse des radiographies et la recherche de complications post-opératoires. Les 4 mobilités en élévation antérieure, abduction et rotation externe étaient chiffrées en degrés, la rotation interne était côtée en niveaux selon le niveau que le patient arrivait à atteindre avec sa main (grand trochanter = 0, fesse = 2, sacrum = 4 ; L3 = 6 ; T12 = 8 ; T7 = 10). Les radiographies pré et post-opératoires ont été analysées indépendamment par un chirurgien sénior et un interne. Des radiographies conventionnelles de face et de profil étaient réalisées en préopératoire et en post-opératoire à J0, 3 mois, 6 mois, 1 an et 2 ans. Les radiographies recherchaient notamment un stress-shielding huméral et des signes de mobilisation des composants huméraux et glénoïdiens.
6) Statistiques
Les mesures des mobilités en EAA, ABD, RE1a et RI, le score de Constant et les différents items le composant, le score de Constant pondérée et le SSV ont été analysées à l'aide du test t de Student. Pour tous les tests, une valeur de p<0.05 était considérée comme statistiquement significative. Les analyses statistiques ont été réalisées grâce au logiciel XLSTAT. III / Résultats 1) Complications
Deux infections de prothèses sont à déplorer soit un taux d'infection de 5.88%. Un patient a présenté un épisode de luxation prothétique (2.94%). Aucune complication vasculo-nerveuse n'a été observée. De même aucune fracture périprothétique n'a été retrouvée. 2) Résultats cliniques : mobilités, score de Constant et SSV (Annexe 2, Graphique 1, Graphique 2, Graphique 3) A 3 mois post-opératoire : Une différence statistiquement significative est observée sur les mobilités en EAA (p=0.000004) avec un gain à 3 mois de 38°. 5 Egalement, une différence statistiquement significative est constatée sur les mobilités en ABD (p=0.0000001) avec un gain à 3 mois de 29°. Aucune différence significative n'a été mise en évidence pour les rotations (p>0.05). Une différence statistiquement significative est retrouvée pour le score de Constant avec un gain de 25.11 points. Une différence statistiquement significative est aussi remarquée pour le score de Constant pondéré avec un gain de 34.92 points. Une différence statistiquement significative pour le SSV est également observée avec un gain de 10.81 points. Tous les items du score de Constant (douleur, activité, mobilités et force) étaient augmentés de manière statistiquement significative. A 6 mois post-opératoire : En comparant les résultats cliniques à 3 mois avec ceux à 6 mois, il est constaté à 6 mois un gain statistiquement significatif (p=0.00006) en RI (+2 niveaux). Aucune différence significative n'a été retrouvée pour l'EAA, l'ABD et la RE1a. Un gain significatif de 9.86 points a été montré pour le score de Constant (p=0.0009) ainsi que de 14.67 points pour le Constant pondéré (p=0.001). Tous les items du score de Constant étaient augmentés de manière statistiquement significative, à l'exception de l'item douleur (p=0.08). Le SSV était lui aussi significativement augmenté (p=0.005) avec un gain de 10.81 points. A 1 an post-opératoire : En comparant les résultats cliniques à 6 mois avec ceux à 1 an, aucune différence statistiquement significative ni pour les mobilités ni pour les scores de Constant et de Constant pondéré ni pour le SSV n'a été constatée. A 2 ans post-opératoire : A 2 ans, le score de Constant moyen est de 65.85 points, le score de Constant pondéré moyen de 90.78 points et le SSV de 80.70 points. En comparant les résultats à 1 an avec ceux à 2 ans, aucune différence statistiquement e ni pour les mobilités ni pour les scores de Constant et de Constant pondéré ni pour le SSV n'a été observée. Seul l'item douleur isolé du score de Constant est très légèrement augmenté de manière statistiquement significative (+1.12 points avec un p=0.03). 6 Enfin en comparant les résultats cliniques à 2 ans avec les scores et mobilités pré-opératoires, il est observé une différence statistiquement significative pour les mobilités en EAA (p<0.05) avec un gain à 2 ans de 46° Il est aussi constaté une différence statistiquement significative pour les mobilités en ABD (p<0.05) avec un gain à 2 ans de 35°. Aucune différence significative n'a été montrée pour la RE1a et la RI (p=0.32 et p=0.15) Les scores de Constant et de Constant pondéré sont eux aussi significativement améliorés à 2 ans (p<0.05) avec des gains respectifs de 41.23 points et de 56.93 points et une amélioration significative constatée pour tous les items de ce score. Le SSV est aussi significativement augmenté à 2 ans (p<0.05) avec un gain retrouvé de 56.85 points. En comparant les résultats post-opératoires des patients ayant en préopératoire un item mobilité du score de Constant inférieur ou égal à 10 (groupe 1) avec ceux ayant un item mobilité supérieur à 10 (groupe 2) (Tab 3), les mobilités en EAA sont moins bonnes à 3 mois chez les patients les plus raides en pré-opératoire (différence de 26° avec p=0.02), les mobilités en EAA sont aussi moins bonnes à 6 mois chez ces mêmes patients (différence de 31° avec p=0.008), les mobilités en ABD à 1 an sont moins bonnes chez ces patients (différence de 18° avec p=0.04) et les mobilités en EAA et ABD sont également moins bonnes dans ce groupe de patients à 2 ans (différences respectives de 18° et 20° avec respectivement p=0.02 et p=0.01). Aucune différence entre les 2 groupes n'a été retrouvée pour les scores de Constant et de Constant pondéré, le SSV et les autres secteurs de mobilité.
Graphique 1. Evolution des mobilités 7 Graphique 2. Evolution des scores fonctionnels Graphique 3. Evolution des
3) Résultats radiographiques et influence clinique
Des modifications radiologiques ont été observées chez 19 des patients revus à 2 ans soit 67.86% des patients (Tableau 1). Ces modifications, associées ou non les unes aux autres, sont un stress shielding huméral (3.57%), la présence d'un liseré de condensation (25%), une ostéolyse du tubercule majeur (42.86%), des ossifications sous-glénoïdiennes (7.14%) et une ostéocondensation sous la platine glénoïdienne (10.71%). Aucun phénomène de notching scapulaire n'a été constaté. Aucune mobilisation d'implant n'a été observée au recul moyen de 2 ans.
Tableau
1. Modifications radiologiques à 2 ans Humérus Scapula Autre Modifications radiologiques Nombre Stress shielding 1 (3.57%) Ostéolyse du tubercule majeur 12 (42.86%) Liseré de condensation sous la platine 7 (25%) Ossifications sous glénoïdienne 2 (7.14%) Ostéocondensation sous la platine 3 (10.71%) Notching 0 (0%) Mobilisation d'implant 0 (0%)
Parmi ces modifications radiologiques, seul le groupe « ostéolyse du tubercule majeur » montre des différences statistiquement significatives à 2 ans (Tableau 2). En effet il est constaté chez les patients avec ostéolyse du tubercule majeur un score de Constant diminué de manière statistiquement significative (p=0.01) avec une perte de 9.21 points en comparaison aux autres patients (différence cliniquement significative). Cette différence porte sur les items niveau d'activité (p=0.02), mobilité (p=0.03) et force (p=0.04). Le score de Constant pondéré est lui aussi diminué (p=0.01) avec une différence retrouvée de 13.4 points. L'analyse des mobilités retrouve chez ces patients des mobilités en EAA, ABD, RE1a et RI en moyenne moins bonnes (respectivement une différence de 7°, 4°, 2° et 1 niveau). Toutefois les différences retrouvées pour l'analyse de ces mobilités isolées ne sont pas statistiquement significatives (p>0.3). Enfin aucune différence n'a été observée chez ces patients pour le SSV (p=0.25).
Tableau 2. Comparaison des résultats cliniques à 2 ans en fonction de l'ostéolyse tubérositaire
Mobilités - EAA - ABD - RE1a - RI Constant - Douleur - Activité - Mobilité - Force Constant pondéré SSV Patients avec ostéolyse du tubercule majeur Patients sans ostéolyse du tubercule majeur Différence p retrouvée chez les patients avec ostéolyse 133.33° 103.33° 14.58° 4.17 0.17 14.17 16.08 23.5 6.75 83.33 140° 107.81° 17.19° 5.07 69.38 14.8 18.4 27.73 9.47 96.73 + 6.67° + 4.48° + 2.61° + 0.9° + 9.21 + 0.63 + 2.32 + 4.23 + 2.72 + 13.4 0.37 0.53 0.5 0.39 0.01 0.2 0.02 0.03 0.04 0.01 77.5 83.27 + 5.77 0.25
IV / Discussion 1) Résultats cliniques en comparaison à la littérature
Cette étude retrouve des résultats très satisfaisants pour cet implant. Il est en effet observé une nette augmentation des mobilités avec à 2 ans de recul un gain de 46° en EAA et de 35° en ABD. Aucune amélioration n'a été retrouvée ici pour les mobilités en rotation externe et interne. Ce gain de mobilité est constaté dès le 3ème mois post-opératoire, et ce gain est conservé à 2 ans de suivi. Tout comme cette étude, la littérature retrouve des résultats cliniques très satisfaisants avec l'utilisation d'implants huméraux à tiges courtes pour l'arthroplastie totale inversée[7,11,12]. Il est tout d'abord constaté une nette diminution de la douleur après chirurgie. Giuseffi[11] avec un recul de 27 mois retrouve une douleur nulle à faible chez 97,7% des patients opérés, tout comme Levy[12] qui retrouve ce résultat chez 96,9% des patients avec une EVA passant de 12 à 2 points en moyenne. Il est également observé une augmentation de l'arc de mobilité avec selon les études[7,11,12] un gain d'amplitude allant de 82° à 88° pour l'élévation antérieure active, de 31° à 41° pour la rotation externe coude au corps active et de 44° pour la rotation interne active. Le score de Constant et le score de Constant pondéré sont eux aussi nettement améliorés après chirurgie. Levy[12] avec un recul moyen de 50 mois retrouve un score de Constant augmenté de 45 points et un Constant pondéré augmenté de 65 points après chirurgie. Les scores d'évaluation subjective comme le SSV sont eux aussi augmentés (+77 points), montrant ainsi une bonne satisfaction des patients opérés[12] (Tableau 3). Tableau 3. Gains pour les scores fonctionnels et les mobilités au dernier recul Constant Gius
effi
et
al. Levy et al. Schnetzke et al. (Ascend Flex anatomic) Cette étude 45 Constant pondéré 65 SSV EAA ABD RE1a RI 77 88° 82° - 31° 41° 44° 43.6 53.7 46.1 - - - - 41.23 56.93 56.85 46.08° 35.28° 2.89° 1.04 2)
Ré
sultats cliniques en fonction de
la raideur pré-
opéra
toire (Annexe 3) La raideur pré-opératoire influe négativement sur les mobilités post-opératoires. Cette étude retrouve en effet, chez les patients les plus raides en pré-opératoire, des mobilités en EAA plus faibles à 3 mois, 6 mois et 2 ans et des mobilités en ABD plus faibles à 1 et 2 ans. Cependant ces différences de mobilités n'influaient pas sur le score fonctionnel global de l'épaule, les scores de Constant et Constant pondéré n'étant pas différents entre les deux groupes. De même la satisfaction post-opératoire des patients raides en pré-opératoire était la même quelles qu'aient été les mobilités pré-opératoires. Aucune influence de la raideur pré-opératoire n'a été retrouvée pour les mobilités en RE1a et RI. 11 3) Evolution radiologique
L'évolution radiologique dans notre série est globalement satisfaisante, la plupart des modifications radiologiques n'ayant aucune conséquence clinique apparente au plus grand recul et aucune de ces modifications ne majorant le risque de mobilisation d'implants ; aucune mobilisation n'ayant été retrouvée. Il est fréquemment retrouvé une ostéolyse du tubercule majeur. Il est retrouvé dans ce groupe de patient un score de Constant moins élevé avec notamment une diminution de la force et du niveau d'activité. Toutefois, cette étude ne peut conclure à une relation de cause à effet, les résultats cliniques post-opératoires étant multi-factoriels. Le phénomène de notching scapulaire, fréquemment rapporté dans la littérature, n'a pas été retrouvé dans notre étude, celui-ci pouvant être prévenu par un positionnement bas et un tilt de l'implant glénoïdien. Toutefois ces résultats satisfaisants sont à pondérer en raison du recul de seulement 2 ans de cette étude. Les résultats radiologiques sont satisfaisants dans la littérature et sont globalement en accord avec cette étude. La principale crainte liée à l'utilisation des implants à tiges courtes est le risque de non-intégration et de migration prothétique. Les différentes publications[7,11–14], avec un recul allant de 2 à 5 ans, ne rapportent pas de risque majoré de mobilisation en lien avec l'utilisation de ces implants, que ce soit pour une arthroplastie inversée ou une arthroplastie anatomique. Il est en effet retrouvé selon les auteurs des taux de migrations aseptiques variant entre 0 et 2.7%, le plus haut taux de migration étant retrouvé dans une étude[13] évaluant les implants Ascend Flex de 1ère génération qui ne comportaient pas de revêtement poreux au niveau de la tige. Le taux de stress shielding n'est pas non plus majoré par ces implants, celui-ci variant de 0 à 8,8% selon les études[7,12]. De plus même lorsque le stress shielding était retrouvé, celui-ci n'engendrait cliniquement aucune différence significative[7]. Parmi les différentes anomalies radiologiques, il est à noter l'apparition d'ossifications hétérotopiques en regard du bord inférieur de glène dans 41 à 46% des cas [11,12] (sans incidence clinique), un remodelage de l'humérus proximal[11–14] (incluant la résorption des tubérosités) dans 0 à 29,5% des cas (sans incidence sur le risque de migration et sans influence clinique) et l'apparition d'un liseré radiotransparent autour de la tige ne correspondant pas à un descellement[7,13] dans 6,8 à 71% des cas (là encore le pourcentage le plus élevé est retrouvé dans l'étude portant sur les implants de 1ère génération, et ces modifications radiologiques n'avaient aucune incidence clinique). Enfin un notching scapulaire[11,12] est retrouvé dans 6.8 à 21.4% des cas et témoigne probablement plus d'un mauvais positionnement de l'implant glénoidien (positionnement trop haut et/ou pas assez tilté) que d'un défaut de conception de la prothèse.
4) Complications
Les complications des prothèses d'épaules sont bien connues et la littérature abondante à ce sujet. Qu'en est-il de celles spécifiques à l'utilisation des implants à tige courte non cimentée? Dans cette série, 2 infections de prothèses ont été retrouvées (5,88%). L'une survenue à 3 semaines post-opératoire a été prise en charge par un lavage avec changement de l'insert en polyéthylène, l'autre survenue à 8 mois post-opératoire a été traitée par une reprise en un temps. Les suites après la seconde chirurgie ont été satisfaisantes chez ces 2 patients. La bactérie en cause dans ces infections était dans les 2 cas un Cutibacterium acnes. Un patient a présenté un épisode de luxation proth étique (2.94%) survenu à 4 mois postopératoire. Une réduction par manoeuvres externes a été réalisée puis le patient a été immobilisé pendant 10 jours dans un gilet type Dujarier avant de reprendre la rééducation, les suites ont été simples. Aucune complication vasculo-nerveuse n'est à déplorer dans cette série. De même aucune fracture périprothétique n'a été observée. Dans la littérature, parmi les complications les plus fréquentes, les infections étaient observées selon les séries[7,11–13] chez 0 à 9.5% des patients, ce qui est en accord avec notre étude. Venaient ensuite les luxations[7,11,12] qui, comme dans cette série, étaient retrouvées dans 1 à 2% des cas et étaient traitées par réduction soit fermée sous anesthésie soit à ciel ouvert. 13 5) Limites
Cette étude comporte plusieurs limites. Il s'agit en effet d'une étude monocentrique rétrospective. De plus les effectifs sont faibles d'où un manque de puissance. Cet implant s'inscrit dans la tendance actuelle, qui est à l'utilisation des prothèses sans ciment et s'oriente vers une miniaturisation des composants. Il convient donc d'évaluer la légitimité de l'usage du sans ciment dans la chirurgie prothétique de l'épaule et de s'intéresser à l'effet biomécanique du design prothétique et tout particulièrement celui de la tige. 6) Comparaison ciment / sans ciment
Cette étude retrouve de bons résultats pour les prothèses sans ciment avec des résultats cliniques satisfaisants, une absence de modification radiologique au recul de 2 ans et l'absence d'augmentation du risque de complications post-opératoires. La littérature est assez unanime sur les bons résultats des implants huméraux non cimentés [15– 19]. Avec un recul de 2 à 10 ans selon les publications, il n'est pas observé de différence statistiquement significative entre tiges cimentées et tiges non cimentées sur les résultats cliniques avec une amélioration du score de Constant, une diminution de la douleur et une amélioration de l'arc de mobilité [15–19]. Comme cette étude, aucune différence significative sur les résultats radiographiques n'a été retrouvée avec notamment l'absence de majoration du taux de descellement dans les prothèses non cimentées [15– 19]. En plus de permettre des résultats fonctionnels et radiographiques similaires, l'utilisation des implants non cimentés aurait aussi plusieurs avantages. En premier lieu l'absence de complications liées au ciments (emboles,)[15]. Dans sa méta-analyse, Phadnis met en évidence un taux significativement plus élevé d'infections et d'évènements thromboemboliques dans le groupe tige cimentée [16]. Egalement, Wiater constate une simplification de la chirurgie dans le groupe sans ciment avec une diminution du temps opératoire[15]. Youn avec un recul de 3 ans retrouve lui aussi des résultats cliniques et radiologiques similaires sans augmentation du taux de descellement pour les tiges non cimentées dans les arthroplasties totales inversées d'épaule dans le cadre du traitement des fractures humérales proximales[17]. 14 7) Influence du design huméral de l'Ascend Flex
L'arthroplastie inversée d'épaule avec un implant classique de Grammont permet d'améliorer la fonction chez les patients souffrant d'une rupture massive de coiffe des rotateurs ou d'une omarthrose. Toutefois avec ce design, un notching scapulaire est très fréquemment rencontré. De plus bien qu'améliorant les mobilités en élévation antérieure active et abduction, les mobilités actives en rotation interne et externe ne sont pas satisfaisantes. C'est pour ces raisons que le design d'implant à tige courte incurvée onlay (type Ascend Flex) a été proposé en alternative. Toutefois peu d'études s'intéressent à l'impact biomécanique de ce design huméral, indépendamment de l'effet de l'implant glénoidien. Ladermann propose une étude de l'effet de ce design[8] en utilisant un modèle informatique 3D. D'après cette étude, le design de cet implant, en modifiant la forme de la tige (incurvée et onlay), l'inclinaison et l'excentration du plateau permet de jouer sur l'offset huméral et la distance acromiohumérale. Ces variations conduisent, en comparaison avec un implant de Grammont classique, à une élévation antérieure inchangée, une diminution faible de l'abduction mais surtout à une amélioration importante des mobilités actives en adduction et rotation externe, l'inclinaison du composant huméral à 145° (augmentation de l'offset tout en conservant une distance acromio-humérale proche de la prothèse de Grammont) permettant le meilleur compromis sur l'arc de mobilité. Le design de la prothèse humérale Ascend Flex semble donc permettre des mobilités supérieures à celles permises par une prothèse de Grammont classique. Toutefois, cette étude ne rapportant que les résultats d'une étude informatique ne tenant compte que des éléments osseux et prothétiques, il serait intéressant de rechercher l'influence de ce design sur la tension musculo-tendineuse et sur l'arc de mobilité réel chez des patients opérés. Figures 3 et 4. Comparaison du design de l'Ascend Flex (b) avec celui de la prothèse de Grammont (a) Source: L
ädermann A
,
Denard PJ
,
Boileau P, et al. Effect of humeral stem design on humeral position and range of motion in
reverse
shoulder
arthroplasty. Int Orthop. 2015;39(11):2205-2213 15 Source: Ascend Flex Tornier / Wright surgical technique
Figure 5. Différents paramètres influencés par le design prothétique Source: Lädermann A, Denard PJ, Boileau P, et al. Effect of humeral stem design on humeral position and range of motion in reverse shoulder arthroplasty. Int Orthop. 2015;39(11):2205-2213 16 V
/ Conclusion Dans cette série, la prothèse Ascend Flex à tige courte non cimentée est une prothèse qui donne de bons résultats cliniques. Les résultats radiologiques sont eux aussi encourageants, toutefois un recul plus important est nécessaire pour les confirmer. De par son design, elle permet de meilleures mobilités que la prothèse de Grammont classique, et s'inscrit dans la tendance actuelle qui est à l'utilisation de prothèses non cimentées et à la miniaturisation des implants. Il sera important de surveiller à plus long terme l'évolution radiologique, notamment en ce qui concerne l'ostéolyse des tubérosités et leur incidence clinique. [1] Salesky MA, Grace TR, Feeley BT, Ma CB, Zhang AL. Effects of cemented versus press-fit primary humeral stem fixation in the setting of revision shoulder arthroplasty. J Shoulder Elbow Surg 2018;27:801–7. [2] Keener JD, Chalmers PN, Yamaguchi K. The Humeral Implant in Shoulder Arthroplasty. J Am Acad Orthop Surg 2017;25:427–38. [3] Ernstbrunner L, Andronic O, Grubhofer F, Camenzind RS, Wieser K, Gerber C. Long-term results of reverse total shoulder arthroplasty for rotator cuff dysfunction: a systematic review of longitudinal outcomes. J Shoulder Elbow Surg 2019;28:774–81. [4] Bacle G, Nové-Josserand L, Garaud P, Walch G. Long-Term Outcomes of Reverse Total Shoulder Arthroplasty: A Follow-up of a Previous Study. J Bone Joint Surg Am 2017;99:454–61. [5] Brunner U, Rückl K, Fruth M. [Cuff tear arthropathy – long-term results of reverse total shoulder arthroplasty]. Orthopade 2013;42:522–30. [6] Ek ETH, Neukom L, Catanzaro S, Gerber C. Reverse total shoulder arthroplasty for massive irreparable rotator cuff tears in patients younger than 65 years old: results after five to fifteen years. J Shoulder Elbow Surg 2013;22:1199–208. [7] Schnetzke M, Coda S, Walch G, Loew M. Clinical and radiological results of a cementless short stem shoulder prosthesis at minimum follow-up of two years. Int Orthop 2015;39:1351–7. [8] Lädermann A, Denard PJ, Boileau P, Farron A, Deransart P, Terrier A, et al. Effect of humeral stem design on humeral position and range of motion in reverse shoulder arthroplasty. International Orthopaedics (SICOT) 2015;39:2205–13. [9] Xu S, Chen JY, Lie HME, Hao Y, Lie DTT. Minimal Clinically Important Difference of Oxford, Constant, and UCLA shoulder score for arthroscopic rotator cuff repair. J Orthop 2020;19:21–7. [10] Dabija DI, Jain NB. Minimal Clinically Important Difference of Shoulder Outcome Measures and Diagnoses: A Systematic Review. Am J Phys Med Rehabil 2019;98:671–6. [11] Giuseffi SA, Streubel P, Sperling J, Sanchez-Sotelo J. Short-stem uncemented primary reverse shoulder arthroplasty: clinical and radiological outcomes. Bone Joint J 2014;96-B:526–9. [12] Levy O, Narvani A, Hous N, Abraham R, Relwani J, Pradhan R, et al. Reverse shoulder arthroplasty with a cementless short metaphyseal humeral implant without a stem: clinical and radiologic outcomes in prospective 2- to 7-year follow-up study. J Shoulder Elbow Surg 2016;25:1362–70. [13] Casagrande DJ, Parks DL, Torngren T, Schrumpf MA, Harmsen SM, Norris TR, et al. Radiographic evaluation of short-stem press-fit total shoulder arthroplasty: short-term follow-up. J Shoulder Elbow Surg 2016;25:1163–9. [14] Spormann C, Durchholz H, Audigé L, Flury M, Schwyzer H-K, Simmen BR, et al. Patterns of proximal humeral bone resorption after total shoulder arthroplasty with an uncemented rectangular stem. J Shoulder Elbow Surg 2014;23:1028–35. [15] Wiater JM, Moravek JE, Budge MD, Koueiter DM, Marcantonio D, Wiater BP. Clinical and radiographic results of cementless reverse total shoulder arthroplasty: a comparative study with 2 to 5 years of follow-up. J Shoulder Elbow Surg 2014;23:1208–14. [16] Phadnis J, Huang T, Watts A, Krishnan J, Bain GI. Cemented or cementless humeral fixation in reverse total shoulder arthroplasty? a systematic review. Bone Joint J 2016;98-B:65–74. [17] Youn S-M, Deo S, Poon PC. Functional and radiologic outcomes of uncemented reverse shoulder arthroplasty in proximal humeral fractures: cementing the humeral component is not necessary. J Shoulder Elbow Surg 2016;25:e83-89. [18] Verborgt O, El-Abiad R, Gazielly DF. Long-term results of uncemented humeral components in shoulder arthroplasty. J Shoulder Elbow Surg 2007;16:S13-18. [19] King JJ, Farmer KW, Struk AM, Wright TW. Uncemented versus cemented humeral stem fixation in reverse shoulder arthroplasty. Int Orthop 2015;39:291–8.
Annexes Annexe 1. Score de Constant
Score de Constant D'après Constant CR, Murley AHG. A clinical method of functional assessment of the shoulder. Clin Orthop Relat Res 1987;(214):160-4. Traduction de M. Dougados, avec son aimable autorisation.
► Fiche de recueil des résultats
Nom : Prénom : Date de naissance : Date : Médecin traitant : Médecin prescripteur : Date Douleur (total sur 15 points) Niveau d'activités quotidiennes (total sur 10 points) Niveau travail avec la main (total sur 10 points) Début Abduction (total / 10) Rotation latérale (total / 10) (total sur 40 points) Rotation médiale (total / 10) Force musculaire (total sur 25 points) Total (total sur 100 points) Fin A. Échelle verbale 0 = intolérable 5 = moyenne 10 = modérée 15 = aucune B. Échelle algométrique Soustraire le chiffre obtenu du nombre 15 0______________________________________________________________15 Absence de douleur douleur sévère Total A + B / 2 (/15) Activités professionnelles/ travail impossible ou non repris 0 point occupationnelles gêne importante 1 point gêne moyenne 2 points gêne modérée 3 points aucune gêne 4 points Activités de loisirs impossible 0 point ; gêne modérée 3 points gêne importante 1 point ; aucune gêne 4 points gêne moyenne 2 points Gêne dans le sommeil douleurs insomniantes 0 point exemple : aux changements de gêne modérée 1 point position aucune gêne 2 points À quelle hauteur le patient peut-il taille 2 points ; cou 6 points utiliser sa main sans douleur et xiphoïde 4 points ; tête 8 points avec une force suffisante? au dessus de la tête 10 points Antépulsion (total / 10) Mobilité Milieu Abduction isométrique (élévation antéro-latérale de 90° dans le plan de l'omoplate) 0°-30° 0 point 91°-120° 31°-60° 2 points 121°-150° 61°-90° 4 points >150° 0°-30° 0 point 91°-120° 31°-60° 2 points 121°-150° 61°-90° 4 points < 150° main derrière la tête, coude en avant main derrière la tête, coude en arrière main sur la tête, coude en avant main sur la tête, coude en arrière 6 points 8 points 10 points 6 points 8 points 10 points 2 points 4 points 6 points 8 points élévation complète depuis le sommet de la tête 10 points dos de la main niveau fesse 2 points dos de la main niveau sacrum 4 points dos de la main niveau L3 6 points dos de la main niveau T12 8 points dos de la main niveau T7-T8 10 points si 90° n'est pas atteint en actif si maintien de 5 s, par 500g 0 point 1 point Valeur absolue (en points/100) Valeur pondérée (%) Tableau 1 : Valeur fonctionnelle normale de l
'épaule selon l'indice de Constant en fonction de l'âge et du sexe. Âge
21/30 31/40 41/50 51/60 61/70 71/80 81/90 91/100 Droit 97 97 86 94 83 76 70 60 Hommes Gauche 99 90 96 87 83 73 61 54 Moyenne 98 93 92 90 83 75 66 56 Droit 98 90 85 75 70 71 65 58 20 Femmes Gauche 96 91 78 71 61 64 64 50 Moyenne 97 90 80 73 70 69 64 52
Annexe 2. Evolution des résultats post-opératoires
Mobilités - EAA - ABD - RE1a - RI Constant - Douleur - Activité - Mobilité - Force Constant pondéré SSV Mobilités - EAA - ABD - RE1a - RI Constant - Douleur - Activité - Mobilité - Force Constant pondéré SSV Moyenne en pré-opératoire Pré-opératoire VS 3 mois Moyenne à 3 Différence à 3 p mois mois 91.06° 70.61° 13.18° 3.63 24.62 3.35 6.42 14.85 0 33.85 129.39° 100° 15° 2.79 49.73 11.87 13.9 21.73 2.23 68.77 23.85 68.33 + 38.33° + 29.39° + 1.82° - 0.84 + 25.11 + 8.52 + 7.48 + 6.88 + 2.23 + 34.92 3.64E-6 1.13E-7 0.52 0.13 1.58E-14 1.36E-16 9.58E-15 1.84E-5 4.86E-8 5.62E-14 6.07E-18 Moyenne à 3 mois + 44.48 3 mois VS 6 mois Moyenne à 6 Différence à 6 mois mois 129.39° 100° 15° 2.79 49.73 11.87 13.9 21.73 2.23 140.32° 110° 15.97° 4.9 59.59 13.17 16 26.34 4.07 + 10.93° + 10° + 0.97° + 2.11 + 9.86 + 1.3 + 2.1 + 4.61 + 1.84 0.10 0.06 0.72 5.85E-5 68.77 83.45 + 14.68 0.001 68.33 79.14 p 0.0009 0.08 0.004 0.004 0.01 0.005 Moyenne à 6 mois + 10.81 6 mois VS 1 an Moyenne à 1 an Différence à 1 an Mobilités - EAA - ABD - RE1a - RI 140.32° 110° 15.97° 4.9 137.92° 103.75° 17.08° 4.42 - 2.4° - 6.25° + 1.11° - 0.48 0.73 0.29 0.71 0.44 Constant - Douleur - Activité - Mobilité - Force 59.59 13.17 16 26.34 4.07 61.86 13.4 16.3 25.8 6.4 + 2.27 + 0.23 + 0.3 - 0.54 + 2.33 0.5 0.75 0.68 0.76 0.07 Constant pondéré SSV 83.45 86.48 + 3.03 0.57 9.14 79.9 + 0.76 1 an VS 2 ans 21 p 0.84 Mobilités - EAA - ABD - RE1a - RI Constant - Douleur - Activité - Mobilité - Force Constant pondéré SSV Mobilités - EAA - ABD - RE1a - RI Constant - Douleur - Activité - Mobilité - Force Constant pondéré SSV Moyenne à 1 an Moyenne à 2 ans Différence à 2 ans p 137.92° 103.75° 17.08° 4.42 61.86 13.4 16.3 25.8 6.4 86.48 137.14° 105.89° 16.07° 4.67° 65.85 14.52 17.37 25.85 8.26 90.78 - 0.78° + 2.14° - 1.01° + 0.25 + 3.99 + 1.12 + 1.07 + 0.05 0.9 0.69 0.73 0.72 + 4.3 0.36 79.9 80.7 0.19 0.03 0.14 0.97 0.16 0.83 Moyenne en pré-opératoire + 0.8 Pré-opératoire VS 2 ans Moyenne à 2 Différence à 2 ans ans 91.06° 70.61° 13.18° 3.63 24.62 3.35 6.42 14.85 0 33.85 137.14° 105.89° 16.07° 4.67° 65.85 14.52 17.37 25.85 8.26 90.78 + 46.08° + 35.28° + 2.89° + 1.04 + 41.23 + 11.17 + 10.95 + 11 + 8.26 + 56.93 4.03E-8 3.49E-9 0.32 0.15 23.85 80.7 + 56.85 7.44E-24 22 p 2.04E-21 1.5E-27 1.26E-20 8.38E-10 2.44E-16 2.35E-21
Annexe 3.
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Open Science
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Various open science
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Appareil pour la prise d'échantillons de limons lacustres
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None
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Spoken
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Appareil pour la prise d'6chantillons de
limons lacustres
par Emile Andr~ (Gen~ve)
(avec 2 figures dans le texte)
Pour l'6tude de la faune profonde des lacs, les dragues, quel
qu'en soft le type, se montrent insuffisantes dans beaucoup de
cas. Elles ont le d6savantage de ramener le limon compl6tement
m61ang6; la stratification e n e s t d6truite et la couche superficieUe, qui est la seule habit6e par certains organismes, les Protistes en particulier, est perdue totalement dans les couches plus
profondes; la drague ne permet donc pas d'6tudier la r6partition
des organismes dans la profondeur du limon. De plus, comme il
n'est pas possible d'6valuer, m~me approximativement, la surface de sol explor6e par la drague, cet instrument ne peut 6tre
d'aucune utilit6 pour les recherches quantitatives. Certains appareils, tout particuli6rement ceux d'Eckmann et de BirgeEckmann, sont lib6r6s de ces inconv6nients; cependant le syst6me de fermeture doit emp6cher la p6n6tration b, une profondeur suffisante et entrainer aussi une certaine perturbation dans
le limon.
I1 s'agissait pour nous d'6tablir un appareil dont le syst6me
de fermeture fit absolument corps avec le recipient destin6 ~ recueillir le limon et agit d'une fa~on douce et parfaitement pr6cise afin que le limon ne subit aucun d6placement; de plus il
6taft n6cessaire que la fermeture ffit sensiblement herm6tique,
pour que la couche d'eau sus-jacente au limon pfit ~tre recueillie.
Comme syst~me de fermeture, nous nous 6tions d'abord
propos6 l'emploi d'une sorte de diaphragme-iris, plac6 h la partie inf6rieure d'un r6cipient cylindriclue; mais nous y avons renonc6, en pr6voyant que les particules limoneuses qui s'introduiraient entre les lames de l'iris en emp~cheraientlefonctionnement. Nous nous sommes arr~t6 ensuite ~t un r6cipient de la
forme de celui qui est figur6 ci-dessous, dont la fermeture serait
effectu6e par deux lames m6talliques souples, glissant dans une
coulisse, et venant h la rencontre l'une de l'autre. Le constructeur-m6canicien qui s'est charg6 de l'ex6cution de rapparefl,
M. O. Eichenberger,* a remplac6 les lames m6talliques souples
* Rue du Temple 5, ~ Gen~ve.
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189
--
par deux rideaux, form6es de lattes emboit~es les unes dans les
autres, qui sont certainement d'un fonctionnement beaucoup plus
parfait. C'est d'ailleurs ce technicien qui a 6tabli le plan d6finitif
de l'instrument et qui a combin6, de far
b. la fois ing6nieuse et
tr6s simple, le sys6me de d6clanchement.
Fig. 1. Coupe de l'appareil (dessin du Dr. Portmann).
Dans la fig. 1, les parties indiqu6es par des h~chures sont
dans un plan situ6 en arri6re de celles qui sont laiss6es en blanc;
pour ne pas surcharger ce dessin, on n'a pas repr6sent6 les
pi6ces de suspension, dont on peut voir alors, sur la photographie de l'appareil (fig. 2), le crochet 19 et la pince 18. Dans
cette figure, les contre-poids ont 6t6 supprim6s. L'appareil a
48 cm de hauteur et son poids total est de 14,850 kg, les
contre-poids pesant ensemble 4 kg; le r6cipient servant fi la
prise du limon, la boite, est de 16 cm de haut, les autres dimensions 6rant 10,5 et 9,5 cm. La surface du limon explor6e est
donc de 100 cm carr6s (exactement 99,75). Sauf les rideaux clui
sont en laiton, tout l'instrument est en bronze.
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190
--
La boite est form~ de deux parois 12, "h contour arrondi dans
leur pattie inf6rieure; ces parois sont creus~es sur leurs bords
lat~raux et inf6rieur d'une coulisse IL dont on voit la battue en
9 et darts laquelle glissent les rideaux 10 et 10'. Les deux autres
Fig. 2. Photographie de l'appareil ouvert.
parois de la bofte, 13 et 13", sont rectangutaires et plus courtes
que les parois 12. A sa partie sup~rieure la b o r e est ferm6e p a r
un couvercle 14, qui est fi glissi6re et qui peut ~tre maintenu en
place par un petit verron, non repr6sent6 sur la figure. Le couvercle est perc6 en centre d'un orifice, ferm6 par une soupape ~t
biUe 15, qui permet 5. Fair, puis 5, l'eau, de s'fichapper lots de la
descente de l'appareil. C'est ~ l'ext6rieur des parois 13 et I3" que
glissent les deux rideaux I0 et I0" destin6s h fermer la b o r e
apr~s qu'elle a p6nftr6 dans [e limon; ceux-ci sont form6s de
petites lattes qui, 6tant convexes sur leur face sup6rieure et con-
191
caves sur la face oppos6e, s'emboitent les unes darts les autres;
cette disposition permet aux rideaux de se courber pour franchir
l'angle arrondi des coulisses au point IL La boite est suspendue
par un 6trier dont on volt une des branches en !; les deux branches sont r6unies par la tige i', formant aussi pi6ce de but6e pour
les bras 3 et 3" et par la barre a, servant 6galement d'axe pour
les pi6ces 2 et 2'.
L'abaissement des rideaux est effectu6 par les bielles 8 et 8';
il y e n a deux de chaque c6t6 et elles sont articulges ~ la piece
sup6rieure des rideaux par les axes d et d'. Les vis qui se
trouvent au-dessus de ces axes servent ~ fixer ceux-ci aux
rideaux. L'extr6mit6 sup6rieure des billes s'articule par les
axes c et c" aux bras 2 et 2", mobiles autour de l'axe a. Les pi6ces
2 et 2" sont doubles de chaque c6t6; elles sont r6unies par une
tige b e t b', sur laquelle sont fix6s les bras coud6s 3 et 3". La
branche ext6rieure de ceux-ci porte des contre-poids 3"" que l'on
peut fixer plus ou moins loin des points b et b'. Quant aux b r a n ches int6rieures, eUes sont dissemblables; l'une 3 porte un crochet
mobile 4, dont la partie sup6rieure sert au d6clanchement,
tandis que la partie inf6rieure vient se rabattre sur le bouton 7,
lorsqu'on veut maintenir les rideaux lev6s; les deux branches
int6rieures des bras 3 et 3" viennent alors buter contre la barre 1".
Le crochet 4 porte une pattie en saillie 4" qui, lorsque la tige de
d6clanchement 5 s'abaisse, peut passer dans l'encoche 5".
Lorsque la tige 5 est maintenue dans sa position de repos par
le ressort ~ boudin 5"", la portion en saillie 5' s'oppose au d6clanchement de l'appareil. En 16 se trouve un crochet, fix6 par
le ressort 17 dans la position qu'il occupe dans la figure, que l'on
peut rabattre sur le bouton 6, lorsqu'on veut maintenir l'appareil
ouvert sans risque de le voir se fermer brusquement par
l'abaissement involontaire de la tige de d6clanchement 5.
P o u r faire fonctionner l'apparail, on rel6ve les rideaux en
rapprochant l'un de l'autre les bras 3 et 3"; on les immobilise en
rabattant le crochet 4 sur le bouton 7, apr6s avoir soulev6, puis
abaiss6, la tige 5, de fa~on h ce que les pi6ces 4 et 5 occupent
la position qu'elles montrent dans la figure. L'appareil est alors
descendu sur le fond; on le laisse s'enfoncer dans le limon, puis
on fait descendre le long du cfible un poids, dit messager, qui
vient trapper la tige 5 et la fait s'abaisser suffisamment pour
flue la pattie en saillie 4" puisse passer par l'encoche 5"'. Le
crochet 4 abandonne alors le bouton 7 et les contre-poids 3" font
alors descendre les bielles 8 et 8" portant les rideaux. L'appareil
est ensuite remont6; en en levant le couvercle, on peut alors
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192
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avec une longue pipette, aspirer 'la couche superficielle du limon
et l'eau qui la recouvre. Pour recueillir le limon, on place la
b o r e de l'appareil dans un rdcipient la contenant exactement et
on soul,re les rideanx en rapprochant Fun de l'autre les bras
3 et 3'. La fermeture par les rideaux est suffisamment ~tanche
pour qu'il soit possible de recneillir, sans pr6cipitation, l'eau contenue dans la bore. Le fait que les contre-poids sont mobiles le
long des bras est aussi avantageux e n ce sens que l'on peut, en
les fixant plus ou moins loin de l'extr6mit6 des bras, faire varier
la force de pdndtration des rideaux darts le limon, cela suivant
sa consistance. Pour le limon mou de la r6gion profonde, il faut
placer les contre-poids ~ la partie basale des bras.
L'appareil que nous venons de ddcrire n'explore le limon que
sur une 6paisseur d'une dizaine de centim6tres; il peut etre
int6ressant, darts certains cas, de connaRre la composition chimique ou morph'ologique du limon sur une 6paisseur sup6rieure
dix centim6tres, pour cela nous avons fait construire, par hotre
aide-prdparateur, M. A. Francoual, un instrument, qui n'est pas
nouveau, puisqu'il pr6sente beaucoup d'analogie avec ceux qui
ont 6te d6crits ou utilis6s par Sigsbee, Naumann, Kolwitz, etc.,
mais qui s'en distingue par son tube. Gelui-ci est en laiton et est
divis6 darts sa longueur en deux moiti6s 6gales, r6unies par trois
charni6res; ia fermeture est assur6e par trois languettes ~ charni6res se rabattant sur une cheville. Ce dispositif pr6sente un
grand avantage; en effet, le tube, qui a 6t6 enfonc6 dans le limon,
est ensure ouvert sur toute sa longueur, de sorte que l'on peut en
extraire le cylindre de limon, la ,<carotte>> pour employer l'expression consacr~e, dans toute sou int6grit6; eela permet aussi
de diviser la carotte en un certain hombre de tron~ons que l'on
peut 6tudier successivement. L e s charni6res et les languettes
ne doivent faire qu'une faible saillie. I1 est ~ recommander de
graisser legerement l!int6rieur du tube avec de la vaseline, laquelle emp6che le limon d'adh6rer au mdtal et permet d'extraire
la carotte sans difficult6. Le tube a une longueur de 80 cm, sur
un diametre de 2 cm; il est coup6 obliquement ~ sa partie inf6rieure pour faciliter sa p6n6tration d a n s le limon. Gomme
dans certains appareils similaires, le tube est ferm6 ~ sa p a r t i e
sup6rieure par un court tuyau d e Caoutchouc muni d'une soupape a bille. Les carottes que nous avons obtenues mesuraient
]usqu'~ une quarantaine de centim6tres; on pourrait en pr61ever
de plus longues en augmentant le poids de l'appareil; le notre
p6se 13 kilogrammes.
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Chap. 2. Distinction entre narration et discours
On n'a fait ici qu'aborder quelques pistes d'analyse narrative de Jr 1, mais elles sont suffisantes pour atteindre le but poursuivi. On s'interrogeait en effet sur le caractère narratif de ce chapitre, malgré l'absence de nombreux éléments habituels des récits : l'épisode de vocation n'a pas de datation ni de cadre géographique déterminé ; les actions représentées sont presque absentes. On a vu pourtant combien les éléments du texte s'offraient bien volontiers aux questionnements de l'analyse narrative. On peut en conclure qu'un lecteur, qui lirait ce chapitre en ouverture d'une lecture continue de tout Jr, mettrait spontanément en oeuvre des stratégies de lecture préalablement développées en lisant des récits. Cela ne peut qu'inviter l'exégète à pratiquer l'analyse narrative sur ce chapitre. On comprend ainsi que la question importante n'est pas de savoir si Jr 1 est, oui ou non, un récit, mais de réfléchir à la nature des effets du texte sur le lecteur, et aux mécanismes de lecture qu'il appelle. Dans ce cadre, on voit que l'analyse narrative a toute sa place pour rendre compte de ce chapitre et des effets qu'il continue à développer lors de la lecture de la suite du livre.
2.4.4. Hypothèses sur la forme globale de Jr
Plusieurs hypothèses sont possibles quant à la forme globale de Jr. On va en présenter quelques-unes, en signalant des analogies avec la production littéraire moderne. Jr pourrait être considéré comme recueil de textes variés, certains étant des récits et d'autres des oracles. L'intention d'ensemble qui se manifesterait dans le texte final serait celle de conserver l'ensemble des textes relatifs au prophète, d'une manière relativ ordonnée, mais sans créer par le fait de ce rassemblement un sens lié à cette mise en ordre. On peut ici prendre l'analogie des volumes de la « Bibliothèque de la Pléiade » aux éditions Gallimard : un volume peut présenter les oeuvres complètes d'un auteur, associant des poèmes de jeunesse, quelques pièces de théâtre, une dizaine de nouvelles et trois romans. Si, d'un point de vue diachronique, les éditeurs ont manifesté un désir de donner à lire tout ce qu'a écrit l'auteur, et l'ont classé de manière chronologique ou thématique, ils se sont placés volontairement en retrait par rapport à l'auteur et à l'individualité de chacune de ses oeuvres. Un lecteur pourrait ne pas le savoir et aborder le volume en faisant l'hypothèse d'un récit global ; il lirait ainsi de la première à la dernière page en cherchant le sens de l'unité ainsi construite. Cette expérience le conduirait probablement à remettre en cause son hypothèse. Il s'apercevrait en effet que chacune des pièces rassemblées dans le volume se lit très bien de manière autonome, et que les différences entre chaque pièce l'emportent sur l'unité. Jr pourrait être considéré comme recueil de récits. Des récits – parmi lesquels des oracles « narrativisés » d'une manière à préciser – se suivraient sans avoir beaucoup de liens entre eux. On aurait ainsi le récit de la vocation, puis un certain nombre d'oracles à comprendre d'une manière narrative (qui resterait à définir), puis des récits de Jérémie au temps de Sédécias (chap. 21–24), d'autres au temps de Yoyaqim (chap. 109 Chap. 2. Distinction entre narration et discours 25–26), puis de nouveau au temps de Sédécias (chap. 27–34), etc. Chaque récit aurait sa cohérence, son intrigue, sa manière de raconter, mais il n'y aurait pas à chercher de cohérence narrative à l'ensemble du recueil ; il ne devrait son unité qu'à la présence des personnages principaux Yhwh et Jérémie. Pour prendre une analogie moderne, on peut penser au cycle des Rougon-Maquart d'É mile Zola : vingt romans ayant des liens entre eux, notamment par la généalogie des personnages et par l'intention commune d'écrire une « histoire naturelle et sociale d'une famille sous le Second Empire ». Là aussi, le lecteur qui lirait toute la série en faisant l'hypothèse d' récit global serait rapidement déçu en constatant la faiblesse des liens narratifs entre chaque roman. Jr pourrait, enfin, être considéré comme un récit global. Bien qu'une interrogation de type diachronique fasse découvrir que le livre est l'assemblage de pièces aux styles divers, cette hypothèse de lecture permettrait de découvrir un effet narratif global. On peut ici rappeler que cette hypothèse n'a pas besoin de supposer une intention consciente chez les derniers rédacteurs ayant produit la forme finale du texte : c'est d'un effet de lecture que l'on traite. Cette hypothèse d'une narration globale est audacieuse, mais on peut dès à présent signaler deux analogies qui laissent espérer sa fécondité. Premièrement, on trouve dans Jr des récits courts, dont le caractère narratif ne fait pas débat, qui incorporent des oracles comme éléments narratifs. Chap. 2. Distinction entre narration et discours oracles
;
le récit du destin du livre des oracles à Babylone est placé après tous les oracles (fin du chap. 51). Cela crée un encadrement narratif cohérent avec l'ensemble du livre : les oracles n'ont pu survenir que parce que Jérémie était prophète, donc après sa vocation ; symétriquement, le déplacement à la fin du chapitre 51 (vv. 59-64) d'un épisode daté de la quatrième année de Sédécias permet de passer le relais à la population exilée à Babylone. Ces deux chapitres manifestent donc une prétention de la narration d'encadrer l'ensemble du livre, ce que souligne l'inclusion sur la formule rare « paroles de Jérémie »284. L'effet serait bien moindre si les chapitres du livre étaient disposés autrement285, par exemple avec d'abord plusieurs chapitres d'oracles, puis une partie narrative qui comprendrait vocation, récits du temps de Yoyaqim et Sédécias, chute de Jérusalem et déportation, et enfin une nouvelle série de chapitres d'oracles. Précisons que le chapitre 52, presque identique à 2 R 24,18–25,30, est un chapitre qui présente de nombreux traits narratifs comme la représentation d'une suite d'actions par des verbes au wayyiqtol, les indications temporelles et géographiques, même s'il n'est pas évident d'en définir l'intrigue. Bien que l'absence du personnage de Jérémie soit surprenante, on retrouve le contexte géographique, temporel, géopolitique, du reste du livre ; ce chapitre n'est donc pas à même de remettre en cause l'hypothèse de lecture. On peut ensuite remarquer que les deux personnages du premier chapitre se retrouvent tout au long du livre : même lorsque le texte suit pas l'ordre chronologique, il traite toujours d'une histoire où Yhwh et Jérémie sont au premier plan286. C'est particulièrement manifeste lorsqu'on passe du règne de Sédécias à celui de Yoyaqim et vice-versa : alors que depuis le chapitre 21, on était sous le règne de Sédécias, 25,1 commence par mentionner une « parole » et « Jérémie » avant de nommer le roi Yoyaqim. Au début du chapitre 27, on retourne au règne de Sédécias287, mais dès le premier verset sont mentionnés une « parole », Jérémie, et Yhwh. À partir du chapitre 35, on retourne pour deux chapitres au temps de Yoyaqim, mais là aussi le premier verset mentionne Yhwh, sa parole, et Jérémie. 111 Chap. 2. Distinction entre narration et discours d'ensemble d'un livre qui,
du début
à la fin, traite des aventures de la parole de Yhwh et de son prophète. Les chapitres 40–41 peuvent sembler faire exception : à partir de 40,7, l'histoire se déroule en l'absence du prophète et de toute référence à Yhwh. Toutefois, l'épisode est introduit par la mention – certes énigmatique – d'une parole de Yhwh (40,1), qui ne sera jamais vraiment explicitée ; de plus, l'épisode conduit à une demande d'oracle à Jérémie au début du chapitre 42 (vv. 1-3), et cette demande est faite en référence aux événements des deux chapitres précédents ; ce fait sera encore souligné, en 43,6, par la mention des personnes confiées à Guedalias par Nebouzaradân. Entre les chapitres 40 et 43, il y a donc une certaine cohérence, marquée à son début et à sa fin par la présence de Yhwh et de Jérémie ; leur absence dans la partie centrale ne suffit pas à rompre cette impression d'unité. On peut alors en venir à des effets narratifs qui, pour un lecteur lisant Jr du début jusqu'à la fin, se manifestent tout au long du livre, même dans des passages qui, lus isolément, paraîtraient peu narratifs. C'est particulièrement le cas des nombreux oracles privés d'introduction narrative : la distinction établie entre narration et discours entraîne que, lus isolément, ils n'ont pas le caractère de récit. Mais, placés tels qu'ils le sont dans Jr, ils se retrouvent en quelque sorte « narrativisés », pourvu qu'on appuie cette affirmation sur l'expérience du lecteur et en particulier sur sa mémoire. Il est utile ici de rappeler la ion entre énonciateur et locuteur : l'énonciateur est une figure qui se manifeste dans le discours, comme support des points de vue exprimés288 ; le locuteur est le personnage que le récit présente comme prononçant ce discours. Un récit peut jouer sur la différence entre locuteur et énonciateur : en Gn 27,19 se trouve le discours représenté « Je suis Esaü ton fils », dont l'énonciateur est Esaü, mais le locuteur Jacob. Ainsi, certains oracles de Jr, lus isolément, n'offrent aucune information au lecteur sur les conditions de leur énonciation : les éventuels référents déictiques tels que « ici », « maintenant », « je », ne renvoient à rien d'autre qu'à ce qui peut être écrit dans ces oracles. 112 Chap. 2. Distinction entre narration et discours de l'écouter, mais le lecteur
se
sou
viendra
que le prophète
,
au
moins,
a écouté
. Les circonstances des oracles mentionnées en 1,2-3 resteront aussi
présent
es à
la
mé
moire
du
lecteur
: elles fournissent un cadre géographique et historique à ce qui suivra, et orientent la lecture dans la perspective de la chute de Jérusalem et de l'Exil à Babylone. Cela n'interdit pas, bien sûr, que les oracles déplacent cette précompréhension, mais cela sera explicitement perçu comme déplacement par le lecteur. C'est sur fond de la précompréhension construite à partir du premier chapitre que d'autres compréhensions seront bâties, par écarts et par différences289. Cet effet narratif global ne se limite pas aux oracles mais concerne aussi les récits courts du livre, tels que les péripéties des arrestations et libérations de Jérémie ou les récits de combats et de fuites. En effet, le lecteur ne les abordera pas sans avoir certaines attentes, qui pourront ensuite être confirmées ou bien détrompées. Il s'attendra à voir se réaliser ce qui était construit à partir du premier chapitre, notamment une association entre l'attaque chaldéenne et la persécution du prophète ; il s'attendra aussi à ce que le prophète survive aux épreuves mais que la ville, elle, tombe. Cet effet de contextualisation narrative sera aussi important pour la lecture de l'épisode de Miçpa après la chute de Jérusalem (à partir de 40,7), dans lequel Jérémie n'est pas mentionné pendant de très nombreux versets. S'il le considérait isolément, le lecteur n'aurait pas à s'interroger sur l'absence de Jérémie. Mais tel n'est pas le cas dans une lecture de l'ensemble : n'est pas possible d'y lire seulement l'histoire de ce qui arrive aux Judéens restés aux environs de Miçpa. Une remarque de Todorov peut éclairer cela ; elle provient d'un article dans lequel il reprend la distinction classique entre récit et histoire, puis approfondit en distinguant histoire et événements : « Il ne faut pas croire que l'histoire corresponde à un ordre chronologique idéal. Il suffit qu'il y ait plus d'un personnage pour que cet ordre idéal devienne extrêmement éloigné de l'histoire "naturelle". La raison en est que, pour sauvegarder cet ordre, nous devrions sauter à chaque phrase d'un personnage à un autre pour dire ce que ce second personnage faisait "pendant ce temps-là". [] L'histoire est donc une convention, elle n'existe pas au niveau des événements eux-mêmes. Chap. 2. Distinction entre narration et discours
absence criante ; elle crée un grand effet de suspense pour le lecteur qui pourrait aller jusqu'à craindre que le prophète soit mort291. On peut donc conclure que l'hypothèse de lire l'ensemble de Jr comme récit global est une hypothèse à la fois raisonnable et féconde, en ce qu'elle permet d'observer le déploiement de nombreux effets narratifs. Avant de poursuivre dans l'étude de Jr grâce à cette hypothèse désormais renforcée, il importe de préciser la portée de cette affirmation en reprenant le parcours qui y a mené. Il est essentiel de noter qu'on n'est pas parti d'une définition maximaliste du récit, de laquelle on aurait tiré une liste de critères, qu'on aurait ensuite pu vérifier sur le texte jérémien. On n'a notamment pas posé d'hypothèse sur l'intrigue globale qui structurerait l'ensemble du livre. On a préféré, s'inspirant de nombreux ouvrages de théorie narrative, partir d'une observation de la langue et de sa syntaxe, pour analyser les effets produits par sa lecture. Le lecteur, on l'a vu, rencontre soit des phrases de discours représenté, qui produisent en lui la représentation d'une parole, soit des phrases de narration, qui produisent en lui la représentation d'une action. On a montré aussi des phénomènes d'enchâssement : la narration peut inclure des discours, mais l'inverse n'est pas possible. Malgré toutes les difficultés du texte de Jr, et tout ce qui l'en écarte d'un récit à la forme classique, un bref parcours de quelques oeuvres contemporaines a rappelé la diversité des formes narratives. C'est alors du côté du lecteur que l'on a pu re : même s'il est difficile de dire précisément en quoi le texte est un récit, il est indéniable que sa lecture provoque, chez le lecteur qui tenterait l'aventure de le lire comme récit global, des effets narratifs forts. Ces effets se poursuivent du début jusqu'à la fin du livre et colorent la lecture de chaque partie, soit pour constituer une précompréhension de l'issue des péripéties, soit pour ajouter un locuteur à des discours qui, isolés, ne manifesteraient que leur énonciateur. Si l'expérience de lecture de Jr est celle de lire un récit global, il est alors légitime d'aborder dans le chapitre suivant la question des personnages, même lorsque leur apparition s'étale sur plusieurs chapitres et dans plusieurs formes littéraires, même si, du point de vue diachronique, ces différentes pièces proviennent d'une diversité d'origines. 291 Confié à Guedalias par Nebouzaradân, Jérémie pourrait fartie de ces « Judéens qui se trouvaient avec Guedalias » assassinés par Yishmaël (41,3). Chapitre 3. Personnages
Un survol des personnages de Jr éveille de nombreuses questions, parmi lesquelles il importe de distinguer les promesses d'une exégèse féconde des fausses pistes et des impasses. Ainsi, qu'est-ce qui motive l'hostilité de Pashehour fils d'Immer envers Jérémie (20,2)? Pourquoi Sédécias ne tient-il jamais compte des oracles du prophète concernant la ville alors qu'il est sensible à sa supplication pour son propre sort (37,2021)? En quoi consiste le fait qu'Eved-Mélek redoute le pouvoir de certains hommes (39,17)? Qu'est-ce qui justifie les différences de comportement de Yohanân et de Yishmaël (chap. 40–41)? Bien d'autres exemples seraient possibles. Parmi toutes ces questions, il en est auxquelles le texte veut répondre, et d'autres qui sont étrangères à ses intentions. Certaines d'entre elles se posent parce que le texte veut conduire son lecteur à s'interroger et à tenter d'y répondre ; d'autres au contraire sont sans réponse : le texte, poursuivant d'autres intérêts, comporte des blancs qui ne doivent pas être surinterprétés. Remarquons que cette réflexion est spécifique à une analyse synchronique. En perspective diachronique, en effet, il est supposé par hypothèse que le monde du texte est identique au monde réel dans lequel vivent tant le lecteur que l'exégète. Cela rend légitime de considérer le texte comme trace du réel, et de combler ses blancs pour reconstruire la réalité historique qui existait avant l'acte d'écriture. En perspective synchronique, au contraire, on s'intéresse au monde du texte, qui ne ressemble au monde réel que de manière analogique. Une réflexion théorique s'impose donc, pour réfléchir à ce qu'est un personnage de récit ; de même qu'on a constaté précédemment la multiplicité des théories narratives et la nécessité de trouver un modèle adapté à la narration de Jr, on devra maintenant proposer une théorie des personnages adéquate au projet de cette recherche. Ceci est d'autant plus nécessaire que, selon Dionne292, ce questionnement est rarement approfondi dans les études bibliques : alors que les théoriciens de la littérature débattent, 292 C. Dionne, « Le point sur les théories de la gestion des personnages », Et vous, qui dites-vous que je suis? La gestion des personnages dans les récits bibliques (éd. P. Létourneau – M. Talbot) (Sciences bibliques. É tudes 16 ; Montréal 2006) pp. 11-51. Chap. 3. Personnages s'opposent, alimentant ainsi l'avancée d'un débat scientifique, les biblistes se contenteraient d'une certaine approximation, tant dans leurs productions scientifiques que dans les ouvrages de vulgarisation narrative, qui tentent d'harmoniser différentes théories sans vraiment résoudre leurs tensions. Ce chapitre comportera quatre parties. Les deux premières permettront d'établir un status quaestionis : on montrera le débat qui anime les théoriciens à propos du rapport entre personne et personnage, puis on en viendra à l'apport à ce débat de la problématique du lecteur. On pourra alors dans une troisième partie proposer une vue d'ensemble des caractéristiques des personnages jérémiens. La dernière partie aura valeur d'application : les catégories précédemment établies seront mises en oeuvre dans l'analyse inaugurale de Pashehour fils d'Immer, premier personnage à apparaître dans le récit après Jérémie et Yhwh (20,1-6). 3.1. Le rapport entre personne et personnage
Si le débat est vif quant à la question théorique des personnages apparaissant dans les récits, c'est parce qu'ils ressemblent aux personnes réelles que chacun rencontre dans la vie, en dehors de l'expérience de la lecture et des autres formes narratives (théâtre, cinéma, etc.). Toute la difficulté est de penser cette ressemblance qui n'est ni identité – un personnage fictionnel n'existe pas à la manière d'une personne réelle – ni radicale différence, sans quoi aucun récit ne parviendrait à créer l'illusion de faire rencontrer des personnes réelles. Or les racines de ce débat se trouvent jusque dans l'étymologie des langues dans lesquelles il est pensé. Dans la langue latine, le terme persona a d'abord été lié au monde du théâtre – et donc à ce qu'on appelle ici « personnage » – avant de désigner la notion d'individu. Il semblerait toutefois, si l'on suit Françoise Létoublon293, qu'il n'en était pas ainsi en grec : avant de désigner le masque porté par les acteurs au théâtre, πρόσωπον désignait la personne physique, avec une étymologie remontant à « ce qui est devant les yeux ». Ajoutons, pour signaler toutes les dimensions linguistiques de la question, que deux autres acceptions294 ont dérivé du latin persona : celle de personne grammaticale, lorsqu'on dit par exemple qu'un verbe est conjugué « à la troisième personne », et l'emploi particulier dans certaines langues comme le français du mot « personne » pour indiquer non une présence mais l'absence de tout individu, et cela même quand manque la particule de négation « ne » : « Y a-t-il quelqu'un dans cette 293 F. Létoublon, « La personne et ses masques : re
sur le développement de la notion de personne et sur son étymologie dans l'histoire de la langue grecque », Faits de langues 3 (1994) pp. 714. 294 Cf. B. Colombat, « Remarques sur le développement de la notion de personne dans l'histoire de la linguistique », Faits de langue 3 (1994) pp. 15-27. Chap. 3. Personnages pièce? –
Personne!
». Ainsi, la langue dans laquelle s'exprime l'analyse des personnages est déjà prise dans l'objet qu'elle étudie295. L'ancienneté et l'influence de la Poétique296 d'Aristote interdisent de la négliger ; on doit toutefois faire quelques remarques préalables pour en déterminer le champ d'application. La Poétique, en effet, ne traite que de formes littéraires conçues en vue d'une forme de représentation orale, que ce soit par la simple récitation ou par la représentation scénique : la fable, la comédie, la tragédie. Cela les distingue des oeuvres littéraires destinées à la lecture personnelle, que ce soit à voix haute dans l'Antiquité ou silencieusement comme nous le faisons aujourd'hui, car ces dernières rejoignent leur public sans l'intermédiaire d'un aède ou d'un acteur, donc sans la mise en oeuvre de moyens expressifs comme la voix, les mouvements du corps, le rythme et la vitesse de récitation. Rappelons d'ailleurs que l'opposition, habituelle dans les analyses littéraires, entre récit et discours, remonte justement à la Poétique297. Kawashima a aussi mis en lumière la nouveauté littéraire, par rapport aux oeuvres de l'Antiquité grecque destinées à l'oralité, des récits bibliques faits pour être lus par leurs destinataires298. On doit aussi prendre la précaution de remarquer que le projet aristotélicien n'est pas de réfléchir au fonctionnement phénoménologique ou esthétique du texte mais de traiter des manières de bien composer les différents types d'oeuvres : c'est le bon goût, plutôt qu'une impossibilité théorique, qui interdit de faire autrement. Ces précautions prises, relevons ce qui articule l'analyse des personnages à l 'expérience que l'on fait face à des personnes réelles. Aristote insiste sur la subordination, dans la tragédie, des personnages à l'intrigue : « ἡ γὰρ τραγῳδία μίμησίς ἐστιν οὐκ ἀνθρώπων ἀλλὰ πράξεων καὶ βίου [] » « Car la tragédie est imitation non des hommes mais des actions et de la vie [] »299 On sera ainsi invité, même en lisant d'autres oeuvres que les tragédies antiques, à ne pas analyser les personnages sans tenir compte du projet d'ensemble du livre, qui n'a pas nécessairement pour objectif premier d'imiter des personnes réelles. Quelques autres remarques aident à comprendre le rôle des personnages dans l'oeuvre. Aristote s'oppose à une imitation trop réaliste de personnes réelles : comme le bon portraitiste, le tragédien doit « embellir » ses personnages (καλλιόω300). Chap. 3. Personnages « inégal
» (ἀ
ν
ώμα
λος301
),
changeant d'une
scène à la suivante. Enfin, Aristote présente une réflexion sur leurs noms : le tragédien peut employer soit des noms de personnes réelles, qui « ont existé » (γίγνομαι au participe aoriste moyen) ou qui sont « connues » (γνώριμος), soit des noms « inventés » (ποίεω au participe parfait moyen-passif302). Il n'est pas possible, après ce fondement antique, de parcourir tous les théoriciens jusqu'à aujourd'hui. Évoquer Aristote a permis de montrer l'ancienneté d'un débat. On en vient alors directement aux auteurs majeurs du xxe siècle. L'étude de Vladimir Propp303 demeure incontournable ; en employant l'analyse structurale, il a ouvert le champ d'une étude purement littéraire des personnages, indépendamment de leur aspect humain. Sa base de travail était un vaste corpus de contes russes. Alors que les classifications précédentes, organisées par thèmes, se révélaient insatisfaisantes, il est parvenu à proposer un schéma structurel dans lequel tous les contes du corpus pouvaient s'inscrire304. Ces récits proches les uns des autres mais présentant des variations lui ont permis de comprendre que les personnages y étaient présents uniquement pour remplir certaines fonctions, dans une structure invariable ; cela explique que, si dans un conte donné, une action est accomplie par un personnage, elle peut l'être dans un autre, presque similaire, par un objet, sans que le sens global change. Il donne ainsi l'exemple de deux contes dans lesquels c'est pour l'un un tapis volant et pour l'autre un cheval qui permettent au héros de rentrer chez lui ; il conclut alors que « les objets agissent comme des êtres vivants »305 l'objet « tapis volant » étant équivalent à l'être vivant « cheval ». De même, dans un certain conte le héros devient riche en recevant un cheval qui défèque de l'or, alors que dans un autre il devient riche en recevant la capacité de cracher lui-même de l'or, ce qui montre « une qualité [qui] fonctionne comme un être vivant »306, c'est-à-dire que la qualité de cracher de l'or fonctionne comme le cheval, être vivant. L'auteur ne commet pas l'erreur d'une généralisation excessive : la pertinence de ses conclusions est limitée à l'analyse d'un corpus précis de contes qui se déroulent toujours de la même manière, au point de disqualifier comme provenant d'un conteur maladroit les exemples s'éloignant de cette structure. 301 Ibid., 1454a, XV. 302 Ibid., 1451b, IX. 303 V. Propp, Morphologie du conte (trad. M. Derrida) (Poétique ; Paris 1965) (trad. de Morfologija skazki, Leningrad 1928). 304 Cf. Propp, op. cit., p. 130. 305 Propp, op. cit., p. 100. 306 Id. Chap. 3. Personnages
En reprenant le schéma de Propp et en le simplifiant, Algirdas Julien Greimas parvient à un « modèle actantiel »307 réduit à six actants : destinateur, objet, destinataire, adjuvant, sujet et opposant. Ne serait-ce que par le vocabulaire d'« actant », Greimas veut centrer l'analyse des personnages sur leur fonction dans la structure du récit, en fermant la porte à une analyse trop psychologique qui les confondrait avec des personnes réelles. Si son schéma est célèbre, il vaut toutefois la peine de citer la phrase par laquelle il en délimite la validité, et qui interdit de l'appliquer à n'importe quel texte sans vérifier la légitimité de l'analyse : « Induit à partir des inventaires, qui restent, malgré tout, sujets à caution, construit en tenant compte de la structure syntaxique des langues naturelles, ce modèle semble posséder, en raison de sa simplicité, et pour l'analyse des manifestations mythiques seulement, une certaine valeur opérationnelle. »308 Cette remarque est capitale : elle laisse entrevoir qu'une théorie générale des personnages court le risque d'être insatisfaisante, différents types de littérature appelant différentes conceptualisations. Cela a été magistralement mis en lumière par Erich Auerbach dans son parcours de la littérature occidentale309, depuis Homère et l'Ancien Testament, jusqu'à Virginia Woolf et Proust. Il y montre que chaque genre d'écrit, à chaque époque, a sa manière propre de faire intervenir et de construire des personnages. 119 Chap. 3. Personnages
une étude sur André Malraux, il distingue chez cet auteur deux types de romans, l'un créant « un univers à intention réaliste constitué d'êtres, imaginaires sans doute mais individuels et vivants » et l'autre présentant « des histoires fantastiques et allégoriques »311. On en retiendra la question du réalisme de ce qui est représenté, particulièrement pour les personnages. D'autre part, pour appuyer l'idée selon laquelle « Balzac et Stendhal ont analysé la psychologie du personnage et, par cela même, généralisé et rendu banale sa connaissance »312, il cite une conférence de Nathalie Sarraute313 qui montre l'influence forte de certains romanciers, au départ innovants, et désormais tellement entrés dans la culture que leur intérêt psychologique est devenu banal ; cela rappelle à quel point ces auteurs ont été novateurs, et combien on ne doit pas attendre la même logique dans des textes beaucoup plus anciens comme les textes bibliques. Suivant la direction indiquée par Goldmann, on peut reprendre cette conférence de Sarraute, qui présente l'intérêt d'exposer les raisons de l'évolution de la forme du roman, notamment en ce qui concerne les personnages. On comprendra mieux pourquoi les récits qui nous paraissent racontés de manière naturelle sont en fait une étape d'un processus qui avait commencé avant eux et s'est poursuivi par la suite. « Il s'est produit dans le premier quart de ce [xxe] siècle une véritable révolution dans la littérature [] par Proust, Joyce, Virginia Woolf, Kafka. Ces écrivains ont déplacé le centre de gravité du roman [qui] était le personnage [] modelé au moyen de l'intrigue. [] On dit [ces personnages] vivants parce qu'ils agissent, pensent, parlent conformément à la façon dont nous voyons ou croyons voir, agir, penser, parler ces types humains facilement reconnaissables dont nous sommes entourés []. Cette vielà, qui est une vie imitée, une vie de pure convention []. [À propos du courant américain du « behaviorisme »] C'était là courir un très grand risque. [] [Q]ue s'est-il passé le plus souvent? Ces personnages en train d'agir, dont le lecteur ne percevait qu'une image schématique, le lecteur s'efforçait de remplir leur vide [] avec les moyens donc il dispose [] : bric-à-brac psychologique, fait de lieuxcommuns, de sentiments convenus []. 120 Chap. 3. Personnages représentation ressemblante d'êtres humains, on aura à évaluer ce qui la construit sans négliger ce qui la limite
. On se souviendra que certains récits revendiquent cette limitation ; Paul Valéry écrivait ainsi à propos de son personnage Monsieur Teste que, du fait de son étrange psychologie, son existence « ne pourrait se prolonger dans le réel pendant plus de quelques quarts d'heure. »315
3.2. Le lecteur confronté à ce rapport
Le chapitre précédent a montré l'avancée que constituent les théories poétiques de la narration ; on a souligné qu'elles prennent en compte la médiation du lecteur, parcourant le texte de ses yeux et se représentant l'histoire par l'imagination. Cela conduit à s'intéresser aux théories qui articulent le rapport entre personne réelle et personnage littéraire avec l'expérience du lecteur. On peut espérer y trouver des concepts qui se prêteront bien à l'analyse de Jr.
3.2.1. Une expérience variée selon les types de récits
De nombreux commentateurs ont remarqué que, selon les types de littératures, le lecteur faisait des expériences très variées en se représentant les personnages. Dans Roman des origines et origines du roman316, Marthe Robert s'appuie sur l'expérience d'Oscar Wilde en tant que lecteur pour montrer la spécificité du personnage de roman (avec un exemple tiré de Balzac) par rapport à ceux des autres genres narratifs : « Lorsque Oscar Wilde s'écrie que le plus grand chagrin de sa vie est la mort de Lucien de Rubempré dans Splendeur et misère des courtisanes, personne ne s'offusque de l'absurdité de son propos, qui serait criante s'il s'agissait de Phèdre ou d'OEdipe. C'est que le héros traditionnel obéit à de toutes autres lois, sa vérité ne se con pas avec sa véridicité, son temps n'est jamais celui de l'horloge, il n'est pas fait pour suggérer une existence complète et détaillée, mais pour rappeler la distance infranchissable qui sépare la représentation de la vie. Alors que le héros de roman se voit reconnaître unanimement le droit de confondre sans cesse le vivant et l'écrit, comme s'il pouvait sortir du papier. »317 On doit remarquer dans cette citation l'expression de « distance » dans la représentation, se souvenant que la traduction française habituelle de la Verfremdung brechtienne est « distanciation » : on y reviendra plus loin. 121 Chap. 3. Personnages
Il ne s'agit pas ici de trancher entre les opinions de Proust et Wilde, mais de comprendre ce qui, dans le roman, donne au lecteur l'impression, ou pas, d'être face à une personne réelle. Marthe Robert a proposé d'analyser le fonctionnement intime de la littérature romanesque, dont elle voit les origines dans Don Quichotte et Robinson Crusoé, en fonction d'une structure psychologique. Le petit enfant, ainsi, s'invente deux versions successives du « roman familial », se considérant enfant trouvé puis bâtard, ce qui engendre deux types de littératures romanesques et de personnages. Mais ces deux types ont un point commun, qui distingue leurs personnages de ceux des autres genres littéraires : « Contrairement à tous les genres constitués en vue d'une figuration, en effet, le roman ne se contente jamais de représenter, il entend bien plutôt donner de toutes choses un "rapport complet et véridique", comme s'il ressortissait non pas à la littérature, mais, en vertu d'on ne sait quel privilège ou de quelle magie, directement à la réalité. Ainsi il donne spontanément ses personnages pour des personnes, ses mots pour du temps réel et ses images pour la substance même des faits, ce qui va à l'encontre non seulement d'une saine doctrine de l'art – où la représentation se signale ellemême à l'intérieur d'un temps et d'un espace convenus : scène et décors d'un théâtre, vers d'un poème, cadre d'un tableau, etc. –, mais de l'invitation au rêve et à l'évasion dont le roman fait d'autre part sa spécialité. »319 Alors que les théories narratologiques classiques sont nées en analysant des romans, on mesure donc l'importance d'avoir avec elles un rapport critique lorsqu'on veut traiter des nages d'une littérature si différente, comme celle que représente Jr. Dans la même ligne, le voyage au Japon320 de Roland Barthes peut aussi être éclairant : cette culture si différente de la nôtre peut nous déshabituer des références occidentales modernes, ce qui facilitera, le moment venu, une entrée plus adéquate dans le monde sémitique antique. Il relate une expérience similaire à celle rapportée par Robert : tant dans la rencontre de la langue japonaise que dans une forme théâtrale traditionnelle, il a éprouvé une représentation des personnages radicalement différente de ce que l'on connaît en Occident. Chap. 3. Personnages
or les personnages fictifs qui sont introduits dans une histoire (du genre : il était une fois un roi) sont affectés de la marque de l'inanimé ; alors que tout notre art s'essouffle à décréter la "vie", la "réalité" des êtres romanesques, la structure même du japonais ramène ou retient ces êtres dans leur qualité de produits, de signes coupés de l'alibi référentiel par excellence : celui de la chose vivante. »321 En suivant Robert et Barthes, on pourrait donc conclure que, loin d'être une règle générale valable pour toute littérature, ce n'est qu'à titre d'exception que les personnages des romans occidentaux donnent l'impression d'avoir toutes les caractéristiques d'une personne humaine. Il faudra en tirer des conséquences précises pour l'étude de Jr, livre qui n'a pas grand-chose à voir avec un roman moderne. Mais on doit prendre en compte une objection provenant des réflexions de Pierre Bayard. Pour cet auteur, les personnages ont une vie propre, en dehors du livre, comme des personnes réelles. Il met en oeuvre une méthode qualifiée de « critique policière », appuyée sur une réflexion théorique, pour rouvrir les dossiers de Hamlet, du Chien des Baskerville, et du Meurtre de Roger Ackroyd322. Il propose une interprétation qui frappe par sa finesse et qui parvient à convaincre que, dans ces trois oeuvres, les meurtriers ne sont pas ceux que l'on croyait. Mais sa méthode est-elle applicable à tout genre littéraire? Trois remarques permettent de mieux comprendre sa manière de procéder. Tout d'abord, l'usage de la psychanalyse est chez Bayard d'une grande précision : il ne pratique pas une psychologie de comptoir, qui interprèterait sans rigueur les confli ts d'enfance des personnages ou de l'écrivain. Sa pratique de la psychanalyse l'aide plutôt à faire attention à ce qui se cache dans des discours qui prétendent dire la vérité. Deuxièmement, il propose une analyse fine de l'expérience psychologique de la lecture, pour montrer comment, pour le lecteur, l'expérience des personnages se confond avec celle de la rencontre de personnes réelles : la différence, considérée du point de vue de l'inconscient, est moins grande que l'on pourrait croire. Mais, troisièmement, on peut remarquer que sa méthode, parfaitement adaptée au genre du roman policier, n'est pas généralisable à d'autres littératures. 123 Chap. 3. Personnages ailleurs.
L'auteur ne propose pas d'imaginer une vie des personnages de manière indépendante à ce qui est rapporté, mais uniquement d'interpréter autrement les tranches de vie produites par le texte ; les moments non racontés qu'il imagine sont conçus strictement comme une projection à partir de ce qui est écrit. Il n'ajoute pas de pièce nouvelle au puzzle, mais se contente de les assembler autrement, comme l'ont déjà fait plusieurs personnages (typiquement, le policier idiot et le détective génial). Il reste donc à l'intérieur du programme fixé par le livre, pour lequel il y a à identifier le coupable d'un meurtre. La démarche est parfaitement adaptée à ce genre d'intrigue, mais n'appelle sans doute pas à être généralisée. Ainsi, rien n'assure a priori qu'il soit légitime de supposer que les personnages de Jérémie continuent à exister dans tous les moments où la narration ne les appelle pas sur scène.
3.2.2. Le personnage comme effet
Les débats théoriques sur la question du personnage ne sont pas restés enfermés dans la question de savoir s'ils sont immanents au texte ou dotés d'une vie humaine propre ; un article de Philippe Hamon en 1977323 a permis de déplacer le problème en introduisant la notion de l'effet du personnage sur le lecteur. Il voulait ainsi analyser les personnages avec rigueur, s'opposant à ceux qui « abdiquent toute rigueur pour recourir au psychologisme le plus banal »324. Il peut ainsi associer le fait qu'ils sont une pure création du livre de fiction, sans cette dimension d'existence autonome qui caractérise les personnes réelles325, avec le fait que, pour le lecteur, ils paraissent bien réels. Ainsi, le personnage « est autant une reconstruction du lecteur qu'une du texte (l'effetpersonnage n'est peut-être qu'un cas particulier de l'activité de lecture). »326 D'autre part, sa perspective fortement marquée par le structuralisme – on aura remarqué les citations de Lévi-Strauss – invite aussi à repérer dans un livre les oppositions entre personnages davantage que leurs valeurs individuelles ; Hamon cite ici une remarque de Todorov327 sur les oppositions entre personnages, et introduit la notion de « qualification différentielle » : « le personnage sert de support à un certain nombre de qualifications que ne possèdent pas, ou que possèdent à un degré moindre, les autres personnages de l'oeuvre. »328 323 P. Hamon, « Pour un statut sémiologique du personnage », Poétique du récit (R. Chap. 3. Personnages
On en retiendra, pour Jr, l'intérêt d'étudier les rapports des personnages entre eux, notamment les rapports d'association et d'opposition. Par mesure de précision, remarquons qu'il reprend à Barthes329 l'expression d' « effet de réel » 330, mais que pour l'un comme pour l'autre, il ne faut pas la confondre avec le fait qu'un personnage fictionnel donne l'impression d'être réel. L' « effet de réel » est produit par des petits détails concrets et matériels du récit, sans signification notable pour l'intrigue. Ces détails sont caractérisés par « la carence même du signifié au profit du seul référent [qui] devient le signifiant même du réalisme »331. On peut sans doute ranger dans cette catégorie la mention dans Jr de la « ruelle des boulangers » (37,21). Si certains personnages participent à cet effet, ce ne sont pas les personnages principaux du récit mais ces personnages historiques, mythologiques, allégoriques ou sociaux, qui constituent le décor sur le fond duquel se déroule l'action. Wolfgang Iser est célèbre pour avoir introduit, dans une perspective phénoménologique, la catégorie de « lecteur implicite »332, dans une étude quasiment contemporaine de celle de Hamon. Réfléchissant à l'acte de lecture333, il s'interroge sur la manière dont le lecteur imagine le personnage à partir des indices textuels. Il propose une comparaison éclairante entre l'expérience du spectateur au cinéma et celle du lecteur, en réfléchissant à partir de la déception fréquente de celui qui voit un film adapté d'un roman connu : « En effet, nos images mentales [à distinguer des perceptions optiques produites par le cinéma] ne visent pas à créer, à faire vivre physiquement sous nos yeux les personnages du roman ; leur pauvreté optique se traduit du reste par le fait qu'elles ne font pas apparaître le personnage comme objet, mais bien comme porteur d'une signification. »334 Il réfléchit plus loin à la différence entre vie humaine et personnage littéraire : « il faudrait dire que les aspects schématisés qui composent un personnage se complètent mutuellement de sorte à donner l'illusion d'une présentation intégrale. [] Même lorsque le personnage est conçu pour donner l'illusion de la réalité, celle-ci n'est pas un but en soi, mais bien un simple signe. 125 Chap. 3. Personnages
l'avancée de l'intrigue déplace son attention au point de ne pas remarquer ces insuffisances de la représentation. Mais le commentateur critique du livre ne doit pas, lui, combler inconsciemment ces blancs. Comment traduire le titre de l'article de James Garvey, « Characterization in Narrative? »336? Peut-être par « caractérisation en récit », mais on perd ainsi la connotation de l'anglais pour qui character signifie « personnage », et l'on risque de laisser entendre erronément une proximité avec la pratique ancienne de l'étude des « caractères »337. Garvey aborde les personnages d'une manière éloignée de ce qui semble pertinent pour l'étude de Jr : en reprenant à Chatman la définition des « traits », il part de personnages qui existent à l'extérieur du roman lui-même338. Son analyse est aussi ancrée dans la théorie communicationnelle de la narration, écartée de cette recherche. Un point de son analyse est toutefois à retenir : il distingue de manière éclairante entre des attributs « directs » et « indirects » : « An attribute may arise in a character either directly (through the explicit statements of the narrator or other character) or indirectly ("dramatically") through his own statements or those of the narrator, or of a fellow-character ; also through the character's acts, clothing, name. »339 On devra donc prendre en compte tous les procédés par lesquels Jr construit les personnages : ce qu'en dit explicitement la narration, ce qui se manifeste par leur nom, leurs actions, leurs paroles, ainsi que ce qu'en disent les oracles, qui peut confirmer les autres attributs ou se situer en tension par rapport à eux. Les analyses de Vincent Jouve et de Michel Erman, enfin, tirent elles aussi profit du déplacement de la question du personnage grâce à la prise en compte de la catégorie de lecteur. Jouve340 ne s'intéresse qu'au roman, qu'il définit par l'association de son caractère fictionnel avec son intérêt central pour « la représentation de la vie intérieure »341. Dans la lignée d'Iser et de Jauss342, il veut dépasser tant l'illusion d'être face à des personnes réelles qu'une analyse purement formelle de leur fonction. Il procède à une répartition entre texte et lecteur : la réalité du personnage se trouve dans l'imagination du lecteur, alors que son aspect fictif se trouve dans le texte écrit : 336 J. Garvey, « Characterization in Narrative », Poetics 7/1 (1978) pp. Chap. 3. Personnages
« L'illusion de personne, aussi efficace soit-elle, n'en demeure pas moins une construction du texte. »343 Erman va dans le même sens lorsqu'il affirme que : « Le lecteur reconnaît donc à un "être de papier" une existence comme s'il était un être vivant – et c'est dans ce "comme si" que réside sans nul doute le plaisir de la fiction – à la condition qu'il suscite un effet de présence, lequel se manifeste de façon expressive dans différents signes anthropomorphiques [] »344 Soulignons dans cette citation l'expression « comme si » : le lecteur se prend donc au jeu de croire que les personnages du récit imitent des personnes réelles, sans jamais perdre de vue qu'il ne s'agit que d'un jeu. Cette affirmation est limitée au cadre du roman, dont Erman propose que ses personnages soient « fondés sur le sujet cartésien ». Il note une différence avec les récits du Moyen Âge, dont les personnages « ne sont que très imparfaitement des imitations de personnes ». Il découvre même dans certains textes des protagonistes « dépersonnalisés »345.
3.2.3. Retour sur la notion de Verfremdungseffekt
Il est donc clair que les personnages des récits, s'ils produisent sur le lecteur l'effet de se trouver face à des personnes réelles, n'en réalisent jamais qu'une représentation partielle. Selon les types de littératures, cette représentation peut être plus ou moins complète. Si le lecteur tente souvent inconsciemment de combler un certain nombre de blancs, ce n'est pas nécessairement possible pour tous les récits. Certains d'entre eux, typiquement les romans classiques, font tout pour rendre invisibles les techniques de la représentation, pour produire l'illusion parfaite d'une personne réelle. coup d'autres littératures, au contraire, assument de ne produire que des représentations imparfaites et le rendent manifeste pour le lecteur. Pour nous qui vivons après l'âge du roman classique, le passage par les innovations déroutantes du xxe siècle est une bonne manière de relativiser le modèle classique, et d'aborder de manière plus juste les littératures qui l'ont précédé. Les remarques de Robbe-Grillet, malgré leur ton volontiers polémique, résument bien cette situation : « Nous en a-t-on assez parlé, du "personnage"! Et ça ne semble, hélas, pas près de finir. 127 Chap. 3. Personnages arpenteur.
[]
Le roman de personnages appartient bel et bien au passé, il caractérise une époque : celle qui marqua l'apogée de l'individu. »346 Si les références citées par Robbe-Grillet pourraient passer pour une littérature élitiste, on peut remarquer des phénomènes du même genre dans la littérature indubitablement populaire qu'est la bande dessinée. Jean Rime a remarqué dans les Aventures de Tintin une progression au cours de la série, avec une technique de « médiation métaphorisée [qui] permet à Hergé de dénoncer l'artifice de l'illusion référentielle tout en s'y infiltrant incognito et en la parasitant »347. Cette évolution trouve son accomplissement dans l'album inachevé L'alph-art : « Significativement, la figure du reporter et celle du médium se rejoignent dans l'album inachevé d'Hergé, L'alph-art, le récit des simulacres où toutes les facettes de la médiation sont dévoilées dans la révélation de l'illusion artistique. »348 La question est donc ouverte de savoir de quelle manière sont construits les personnages de Jr et quel type d'illusion de personne réelle ils produisent. Donnent-ils l'impression d'une personne absolument réelle, autorisant ainsi le lecteur à combler tous les blancs en y projetant ce qu'il sait de la vie des personnes réelles? Ou bien Jr emploie-t-il des moyens littéraires pour restreindre cet effet-personnage, pour le « soustraire à la contagion métonymique »349 en rendant le lecteur conscient de son artificialité? Si c'était le cas, on se retrouverait, en ce qui concerne les personnages, avec ce que l'on avait décrit dans le chapitre précédent à propos du récit : cet effet pratiqué et théorisé par Brecht sous le nom de Verfremdungseffekt. Si le théâtre brechtien produit cet effet notamment en associant sur scène différentes représentations incompatibles entre elles, un tel effet pourrait naître d'un texte à l'histoire rédactionnelle longue, écrit à plusieurs mains au long de plusieurs siècles. Cela conduit le lecteur, on l'a déjà remarqué, à s'intéresser aux personnages non pas d'abord pour y retrouver des personnes réelles350, mais pour le sens qui se révèle à partir de leur représentation. 3.3. Les personnages de Jr 3.3.1. Moyens rendant efficace l'effet-personnage
Le champ conceptuel est désormais suffisamment dégagé pour qu'on puisse en venir à Jr, et commencer par repérer une série de moyens littéraires qui rendent efficace 346 A. Robbe-Grillet, « Sur quelques notions périmées. 1957 », Pour un nouveau roman (Paris 1963) pp. 25-43, p. 26 et 28. Les citation proviennent de la section « Le personnage » de cet article. 347 Rime, « Hergé est un personnage », p. 36. 348 Ibid., p. 45. 349 Cf. Barthes, L'empire des signes, p. 75. 350 N.B. : Par « personnes réelles », on ne veut pas signifier ici des personnes « historiques », « ayant réellement existé », mais « réalisant complètement l'impression d'imiter des personnes réelles ». Chap. 3. Personnages
l'effet-personnage. Il s'agit principalement de l'emploi des noms propres, des oracles personnels, du caractère unique de certaines personnalités, de la normalité de leur humanité, et de leur liberté d'action. Les noms propres sont très fréquents dans Jr, souvent associés au nom du père voire du grand-père351. Il est d'ailleurs remarquable que la narration ne présente jamais d'individu anonyme ; les seuls personnages anonymes sont collectifs : les prêtres, tout le peuple352, les ministres353, les quatre-vingts hommes arrivant de Sichem, Silo et Samarie (41,5), voire les Rékabites (dont seuls le chef de clan Yaazanya et l'ancêtre Yonadav sont nommés ; cf. chap. 35), etc. Au contraire, on ne rencontre jamais de phrase telle que « un homme vint voir Jérémie » ou « tel personnage nommé s'adressa à une femme qui passait par là ». Il n'y a jamais d'intrigue de révélation reposant sur l'identification d'un personnage inconnu des autres. L'emploi abondant de noms associés au nom du père permet même de reconstituer quatre arbres généalogiques pour les descendants de Josias, Shafân, Hananya et Nériya, qui sont représentés cidessous. Sur ces arbres généalogiques sont indiqués en bas à droite de chaque case les chapitres dans lesquels apparaissent les personnages ; un tiret entre parenthèses signale ceux qui, absents de la narration, sont mentionnés uniquement comme père d'un autre personnage. Pour le cas particulier des descendants de Josias, les règnes successifs sont disposés selon un axe vertical. 351 Par ex. « Pashehour fils d'Immer » (20,1), « Yiriya fils de Shèlèmya, fils de Hana
» (37,13). 352 Par ex. « les prêtres, les prophètes et tout le peuple » (26,7). 353 Par ex. 26,21 ; 38,4
. 129 Chap. 3. Personnages 130 Chap. 3. Personnages
Ces personnages n'apparaissent pas comme des individus isolés ; au contraire, le lecteur a l'impression d'être plongé dans des logiques familiales et dynastiques, où les liens du sang peuvent participer à l'intrigue354. À l'emploi des noms propres à fin d'individualisation, on doit tout de même apporter une précision : certains personnages sont nommés au long du récit par plusieurs versions du même nom. Nom long ou apocopé355 (la finale de nombreux noms alterne entre absence et présence d'un ּו: Jérémie יִּ ְר ְמיָ ה/ ( יִּ ְר ְמיָ הּוcomparer 27,1 à 1,1), Sédécias ִּצ ְד ִּקיָ ה/ ( ִּצ ְד ִּקיָ הּוcomparer 27,12 à 1,3), de même pour Guedalias, Shemaya, Cefanya) ; variations orthographiques (Youkal יּוכל ַ 38,1 / Yehoukal הּוכל ַ ְ י37,3 ; absence du יfinal pour Yoyaqim יְ הֹויָ ִּקיםen 27,1) ; voire même pluralité de noms pour un même personnage (Yoyakîn / Konyahou). Contrairement à 2 R qui montre parfois un souverain étranger changer le nom d'un roi de Juda356, Jr ne semble pas tirer profit narrativement de ces variations. Si l' « encyclopédie »357 du lecteur est limitée aux connaissances nécessaires pour lire uniquement Jr, l'emploi des noms propres participe déjà fortement à l'effet-personnage pour donner l'impression de personnes réelles. Mais cet effet est encore plus fort si l'on considère une encyclopédie élargie : un grand nombre de personnages présents 354 À titre d'exemple, on peut citer Yiriya, l'opposant à Jérémie en 37,13 : la narration précise qu'il est le petit-fils de Hananya, le faux prophète du chap. 28. Son frère Yehoukal faisait partie de l'ambassade envoyée par le roi quelques versets plus haut (37,3) : en l'absence d'hostilité envers le prophète, la narration n'indiquait pas cette ascendance. J'ai développé cet argument dans Chauty, « Réduit au silence dans une citerne (Jr 37,1-16) ». 355
Pour une étude générale des différentes formes des noms de personne dans la Bible hébraïque, voir Z. Zevit, « A Chapter in the History of Israelite Personal Names », Bulletin of the American Schools of Oriental Research 250 (1983) pp. 1-16, et M. Jastrow Jr., « Hebrew Proper Names compounded with יהand » יהו, JBL 13 (1894) pp. 101-127. 131 Chap. 3. Personnages
dans Jr peuvent être connus par d'autres sources. À l'échelon biblique, certains personnages se retrouvent dans 1–2 R et 1–2 Ch ; à l'échelon archéologique, la découverte récente de « bulles » d'argile, dans des fouilles à la Cité de David entre 1978 et 1982, sur lesquelles ont été imprimés les sceaux de nombreux officiels nommés dans Jr358, atteste de leur existence historique. Alors que notre connaissance historique de l'époque n'est que parcellaire, cela montre que le livre est écrit sur la base d'une documentation conséquente. Cette donnée historique a longtemps été inaccessible aux lecteurs concrets de Jr, et elle faisait peut-être déjà défaut lors de la finalisation du TM, sans doute plusieurs siècles après les faits racontés359. Elle offre toutefois, par la voie diachronique, une rare confirmation au fait synchronique de l'efficacité de l'effetpersonnage : pour l'historien comme pour le lecteur implicite, le texte semble mettre en scène des personnages qui ne sont pas créés de toutes pièces. Les oracles personnels viennent renforcer cette impression de personnes réelles : plusieurs personnages sont nommés dans des oracles, que ce soit pour une condamnation (Pashehour en 20,4-6, Sédécias notamment en 21,7, Yoyaqim en 36,30-31, etc.) ou pour une très exceptionnelle360 promesse de délivrance (Eved-Mélek en 39,16-18, Baruch en 45,5, et dans une moindre mesure le clan des Rékabites assuré de survivre en tant que clan, cf. 35,19). Par ces oracles, le récit montre que Yhwh s'intéresse particulièrement à eux et que leur destinée sera individualisée ; ils ne seront pas traités comme n'importe lesquels de leurs semblables. Si les personnages de Jr uvent se regrouper en un certain nombre de catégories (rois, officiels, amis de Jérémie, etc.), on doit remarquer qu'il demeure des différences individualisantes au sein de chaque catégorie. Ainsi, bien que tous les rois agissent contre Jérémie et qu'il leur soit annoncé un destin malheureux, Sédécias et Yoyaqim se distinguent l'un de l'autre : Yoyaqim s'oppose systématiquement à Jérémie361 alors que Sédécias s'intéresse à ses oracles (cf. 37,17 et 38,14) ; d'ailleurs, bien que Sédécias reçoive des oracles de condamnation, le prophète lui annonce tout de même une mort 358 Notamment de Guemaryahou (cf. 36,12), Yehoukal fils de Shèlèmyahou (cf. 37,3), Yerahméel (cf. 36,26), mais aussi, avec un degré de certitude plus faible, de neuf autres personnages de Jr ; l'authenticité des deux exemplaires de la bulle de Baruch étant quant à elle douteuse. 132 Chap. 3. Personnages paisible : on entonnera pour lui l'élégie « Quel malheur, mon maître » (34,5)362, dont Yoyaqim sera privé (22,18). De même, si Baruch et Eved-Mélek sont des personnages qui s'associent positivement à la mission prophétique de Jérémie, c'est de manière différente : Baruch est intéressé au texte même des oracles, dont il est appelé plusieurs fois à assurer la permanence grâce à l'écriture (Cf. 32,13 et tout le chap. 36), alors qu'Eved-Mélek, s'il prend soin du sort corporel du prophète (38,7-13), n'est jamais montré comme écoutant les oracles363. Il est donc clair que, si les personnages de Jr peuvent être analysés selon leur « fonction », comme dans les contes russes analysés par Propp, ou comme « actants », « adjuvants » ou « opposants » de Jérémie, d'après le schéma actantiel de Greimas, ils ne se réduisent pas à cela. Une telle réduction serait peut-être possible pour certains écrits sapientiels, dont les personnages ne sont que des types illustrant une vertu ou une forme de caractère, tel Qohéleth, roi philosophe idéalisé (cf. Qo 1,12-18), ou Tobit, tenant un discours religieux (cf. Tb 4) d'une exigence et d'une pureté que seul un conte peut réaliser. Par l'effet de tous ces traits individualisants, les personnages de Jr produisent sur le lecteur l'effet de personnes réelles. Par comparaison avec d'autres livres bibliques, on peut distinguer une caractéristique commune aux personnages jérémiens : ils n'ont pas de traits qui diminueraient leur réalisme. Ainsi, aucun n'a une durée de vie plus longue que la normale, que ce soit par rapport à l' ité ou à l'époque moderne : personne dans Jr ne meurt à 127 ans comme Sara (Gn 23,1) ou 175 ans comme Abraham (Gn 25,7) ; personne n'a la force surhumaine de Samson qui déchire des lions à mains nues (Jg 14,5-6) ; personne n'échappe à la mort comme Élie sur son char (2 R 2,11). Même l'expérience prophétique de Jérémie est d'une certaine banalité : la parole de Yhwh le rejoint sans être accompagnée de signes théophaniques extraordinaires ; les visions de sa vocation se limitent à un amandier et à un chaudron (1,11-13), ce que chacun peut voir dans son jardin et sa cuisine, bien loin des séraphins et de la fumée d'Isaïe (Is 6,1-4) ou des quatre vivants d'É zéchiel (Ez 1,4-14). 133 Chap. 3. Personnages silencieux, au point qu'il faudra attendre dix jours pour qu'un oracle survienne à la demande de Yohanân (cf. 42,7), le récit progresse au rythme des actions de trois personnages : Guedalias, nommé par les Chaldéens (40,7-16), Yishmaël, qui l'abattra (41,1-10), et Yohanân, qui délivrera le peuple puis le conduira en Égypte (41,11–43,7). Dans cette séquence, il apparaît clairement que ce sont leurs actions qui conduisent le progrès de l'intrigue, et pas l'influence de facteurs extérieurs. Il y a là une différence par rapport aux chapitres précédents où c'étaient les allées et venues des armées babyloniennes et égyptiennes qui changeaient les conditions de vie de Jérusalem, ou bien la survenue des oracles qui orientait le récit. Chacun de ces trois personnages est ici en mesure d'infléchir le cours des événements lorsqu'il décide de le faire : Guedalias commande une récolte, qui s'avère abondante (40,9-12) ; Yishmaël parvient aisément à assassiner Guedalias, puis tous les Judéens qui l'entourent, et enfin soixante-dix hommes arrivant de Sichem, Silo et Samarie (41,1-7) ; Yohanân enfin, lorsqu'il part à la recherche de la population déportée par Yishmaël, parvient sans combat à les reprendre avec lui (41,11-15). Voici donc trois personnages forts et qui, chacun pour un temps, guident les événements à leur guise. Cela dénote, au moins pour cette séquence, une certaine liberté d'action des personnages, qui ne sont pas présentés par le récit comme des pantins dans les mains de forces supérieures. Bien que moins clairement, on peut repérer une telle liberté chez d'autres personnages de Jr, par exemple dans les tergiversations Sédécias (38,14-28) ou l'initiative d'Eved-Mélek (38,7-13). Ainsi, même si Jr est marqué dès l'incipit du premier chapitre par la connaissance de la chute de Jérusalem, l'histoire n'est pas racontée comme si tout était joué d'avance : il reste une tension provenant de la liberté des personnages, à qui des issues favorables sont offertes par d'autres humains ou par Yhwh.
3.3.2. Effet de la dénomination des personnages
Pour permettre au lecteur d'identifier et de reconnaître un personnage, le récit dispose de différents moyens, que l'on regroupe sous la catégorie de « dénomination » (pour traduire l'anglais naming). Le personnage peut être simplement sous-entendu par la conjugaison d'un verbe : l'impératif sous-entend un destinataire ; un verbe conjugué même sans sujet explicite sous-entend un sujet (ce que permet l'hébreu, comme l'italien, contrairement au français ou à l'anglais). Le personnage peut être explicité par l'usage d'un pronom, soit un pronom sujet (הּוא, « lui »), soit un pronom objet (אֹּתֹו, « lui »), soit un suffixe pronominal complétant un nom, un infinitif construit, ou une particule : (36,17) « tu as écrit de sa bouche » ִּמ ִּפיו ָכ ַת ְב ָת (45,1) « alors qu'il écrivait » ְב ָכ ְתבֹו (39,9) « les déportés qui s'étaient rendus à lui » ָע ָליו 134
Chap. 3. Personnages
Comme on l'a déjà signalé, un personnage peut être désigné par son nom, associé ou non aux noms de son père et de son grand père. Cela fournit d'abord une information généalogique, si le père ou le grand-père sont connus par d'autres sources, ou bien si un lien est créé avec d'autres descendants364. Mais ce n'est pas le seul effet possible. Il arrive notamment que la mention de l'ascendance d'un personnage vienne interroger la transmission d'un trait de caractère. Cela apparaît dans l'épisode de l'arrestation de Jérémie en 37,11-15 : Yiriya, le factionnaire qui arrête le prophète est présenté par son nom et celui de son grand-père (37,13), alors que quelques versets plus haut le frère de Yiriya, Yehoukal, avait été introduit en ne mentionnant que le nom de son père (37,3). Ce passage se donne donc à lire sur le fond d'un débat d'interprétation entre vraie et fausse prophétie, puisque le grand-père de Yiriya est le faux prophète Hananya que Jérémie a affronté au chapitre 28365. De même, en lisant que Jérémie est confié à « Guedalias fils d'Ahiqam » (39,14 et 40,5), on pourra se demander dans quelle me le prophète est aussi bien protégé par le fils qu'il ne l'avait été par le père (cf. 26,24). Un effet plus subtil se manifeste lorsque le récit indique le nom du père d'un personnage, alors que ce père est inconnu et que la mention de ce nom ne crée pas de rapport de parenté entre personnages. Cela peut servir simplement à distinguer deux personnages de même nom : ainsi le « Pashehour fils d'Immer » de 20,1 n'est pas le « Pashehour fils de Malkiya » de 21,1. Mais il arrive que la mention du nom du père n'ait même pas cet effet diacritique. On découvre ainsi en 38,1 un certain « Shefatya fils de Mattân » : ni lui ni son père ne sont nommés ailleurs.
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NABU n'en est pas à sa première fête d'anniversaire ! [note 144]. Nouvelles Assyriologiques Brèves et Utilitaires, 2022, 2022 (4), pp.288-289. ⟨hal-04368195⟩
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Je ne sais pas quelle explication donner à ce phénomène de déséquilibre persistant. Est-ce que le format d'une petite note de NABU ne trouve pas vraiment grâce auprès des assyriologues femmes? Moimême, je n'ai pas rédigé beaucoup de notes (cf. la liste p. 398) et je ne jette donc pas la moindre pierre. Il est possible que mes consœurs préfèrent rassembler leurs recherches dans des écrits plus développés que l'espace qu'offre la note brève. C'est probablement l'explication... mais combien de « petites » découvertes restent alors dans les tiroirs des bureaux d'assyriologues femmes, là où leurs collègues hommes décident d'envoyer un texte, de « balancer l'info », de débattre dans un va et vient d'arguments... Je salue à cet endroit les efforts de Jeanette Fincke qui, avec 35 titres, est l'autrice la plus prolifique de notre revue et qui a publié dans nos pages des manuscrits nombreux et prestigieux. Merci Jeanette! Et sachez, chères collègues, que nous vous attendons dans les années qui viennent! Vive Tašmetum! Vive l'Assyriologie! Antoine JACQUET <[email protected]> Nele ZIEGLER <[email protected]> 143) Comment citer les notes de NABU — Vers la fin du deuxième fascicule de NABU, F. Joannès et B. Lafont ont signé ensemble la note de NABU 1987/58 dans laquelle ils proposaient ceci aux assyriologues : « Il nous a semblé plus commode de réaliser une numérotation des notes brèves en continu, sur une même année. Nous proposons donc que les informations données dans N.A.B. U. soient citées par “année + numéro d'ordre”. Ainsi, par exemple, la présente information pourra être mentionnée comme étant la note “N.A.B.U. ”. » Cette façon de faire nous semble toujours la meilleure et nous n'acceptons que ces renvois à l'intérieur de notre revue, même si la taille augmentée des notes pourrait inciter à ajouter parfois un renvoi à une page précise. Que vous le fassiez avec ou sans points reste votre choix. ) NABU n'en est pas à sa première fête d'anniversaire! — Dans la note NABU 1996/138, la rédaction a eu le plaisir d'annoncer ceci : « Le 1er Janvier 1997, NABU a fêté ses dix années d'existence. Au cours de ces dix ans, 1015 pages et 1208 notes brèves scientifiques ou utilitaires ont été éditées en quatre fascicules annuels. La Rédaction de NABU remercie pour leur fidélité ses lecteurs, ses contributeurs, et ses collaborateurs. Pour certains de nos lecteurs qui se sont abonnés en cours de route, il n'est pas toujours facile d'avoir accès aux anciens fascicules de NABU. Aussi nous proposons nous de rééditer un certain nombre de notes brèves sous forme de fascicules thématiques : notes concernant Mari, notes concernant Sumer, notes concernant la Babylonie tardive...etc. Nous songeons également à éditer l'index cumulé (...) » La rédaction de l'époque avait proposé à la communauté des lecteurs de faire des suggestions concernant d'autres fascicules thématiques « par lettre, fax, ou E-mail ». Finalement, un tel travail, trop lourd, n'a jamais été réalisé. Seul le site Achemenet a regroupé les notes de NABU concernant l'époque néobabylonienne et tardive sur son site (http://www.achemenet.com/en Le problème de l'accès aux fascicules anciens est résolu depuis que tous les numéros sont accessibles en ligne sur le site de la SEPOA (https://sepoa.fr/nabu/). Le rêve un peu fou d'accéder à l'ensemble des notes de NABU traitant d'une thématique particulière est en train de se réaliser : une surprise vous est réservée ci-dessous, dans la note 2022/149! Nele ZIEGLER <[email protected]> 145) Les notes « ping pong » — NABU veut publier vite et permettre l'échange rapide des idées et des informations. Cette mission semble absolument accomplie. Les notes, réponses, réactions ou compléments d'information entre savants, sont nombreux et se poursuivent parfois sur plusieurs fascicules. Ils ont donné lieu à des vrais débats écrits et argumentés, et – à mon avis – toujours intéressants. Si je ne me trompe pas, le premier qui ait pris ce chemin fut Wilfred G. Lambert dans la 100e note parue dans NABU 1987! Il y répondait à la note NABU 1987/70 de Hermann L. J. Vanstiphout. W. G. Lambert commence avec les mots « Making joins is both fun and beneficial to scholarship, so the two in K fragments of Enuma eliš made by H.L.J. Vanstiphout (N.A.B.U. 87/70) are to be welcomed. However (...) » Je ne vais pas publier la liste de toutes ces notes se répondant les unes aux autres, mais on peut, à titre d'exemple, mentionner l'année 1991, où les notes 23, 45, 50, 53, 57, 72, 75, 84, 101, 103, 110 et 117 étaient écrites en réaction à une note de NABU parue antérieurement. Nele ZIEGLER < [email protected]>
146) Notes brèves
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— NABU est l'acronyme de Nouvelles Assyriologiques Brèves et Utilitaires, mais il faut bien avouer qu'entre le premier fascicule où parfois 4, 5 notes se succédaient sur une page et aujourd'hui, une évolution vers des articles de plus en plus longs, accompagnés souvent de véritables bibliographies est la tendance. J.-M. Durand me le reproche parfois... et pas totalement à tort : depuis 2019 la moyenne de pages par note a encore augmenté, alors que le nombre de notes proposées et publiées est resté relativement stable. Il se situe ces dernières années autour de 120-130 notes. On trouvera dans les deux graphiques page suivante un aperçu de cette évolution des origines à aujourd'hui... Or, en même temps les tarifs postaux augmentent à un rythme rapide... On remercie les auteurs futurs pour leurs efforts de concision!
Antoine JACQUET <[email protected]> Nele ZIEGLER <[email protected]>
147) L'organisation des fascicules
— Au début, les fascicules de NABU étaient organisées selon l'arrivée des notes sur le bureau de la rédaction. Généralement, les dates sont présentées sans charme à côte de la signature (15-06-94). Quelquefois un brin de fantaisie s'y mêle : ainsi, Jack Sasson date-t-il sa note de NABU 1992/72 du « Bastille Day-92 ». Depuis plusieurs années J.-M. Durand avait décidé de regrouper les notes par contenu arrangé plus ou moins chronologiquement et j'ai poursuivi cette façon d'organiser les fascicules. Ils permettent aux lecteurs de trouver les thèmes regroupés. Les fascicules débutent avec des notes qui traitent du IIIe millénaire et terminent avec les époques les plus récentes. En dernières pages on trouve les notes des « addenda et corrigenda » et celles relevant de la « Vie d'Assyriologie ». NABU n'a jamais publié de table de matière. C'est ce que nous entreprenons aujourd'hui avec ce fascicule. Mais, durant les premières décennies, NABU se dotait d'index assez exhaustifs, plus restreints ensuite, avant qu'ils ne soient abandonnés avec la mise en ligne de pdfs.
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30 EHPAD dès lors qu‟elles accueillent un public pouvant être reconnu comme dépendant.
Encadré 2 Les 6 groupes Iso-Ressources Groupe Définition des Groupes Iso Ressource (GIR) : Benaim, Froger, Compan, & Pélissier, 2005, p. 339
GIR 1 Correspond au degré de dépendance le plus élevé, c‟est-à-dire les personnes âgées ayant perdu leur autonomie mentale, corporelle, locomotrice et sociale, qui nécessitent une présence indispensable et continue d‟intervenants. GIR 2 Sont classées dans ce groupe deux catégories de personnes âgées : 1) celles dont les fonctions mentales sont altérées mais qui ont conservé leurs capacités de se déplacer ; 2) celles qui sont confinées au lit ou au fauteuil, dont les fonctions intellectuelles ne sont pas totalement altérées et dont l‟état exige une prise en charge pour la plupart des activités de la vie courante. GIR 3 Ce groupe réunit les personnes âgées ayant conservé leur autonomie mentale, partiellement leur autonomie locomotrice, mais qui ont besoin quotidiennement et plusieurs fois par jour d‟être aidées pour leur autonomie corporelle. GIR 4 Sont intégrées les personnes âgées n‟assumant pas seules leurs transferts mais qui, une fois levées, peuvent se déplacer à l‟intérieur de leur logement. Elles doivent parfois être aidées pour la toilette et l‟habillage. Ce groupe s‟adresse également aux personnes âgées n‟ayant pas de problèmes locomoteurs mais devant être aidées pour les activités corporelles et pour les repas. GIR 5 Ce groupe comporte des personnes âgées ayant seulement besoin d‟une aide ponctuelle pour la toilette, la préparation des repas et le ménage. GIR 6 Ce groupe réunit les personnes âgées n‟ayant pas perdu leur autonomi pour les actes essentiels de la vie courante. L‟optionalité des services proposés et le libre choix du recours aux prestations de service semblent également constituer une valeur commune à ces formules d‟habitat. Grunspan et Dormagen (2001), dans leur rapport sur les logements-foyers, proposent de considérer l‟optionalité des prestations comme un critère distinctif des établissements (cf. encadré 1). Ces auteurs distinguent ainsi tout d‟abord les résidents et les hébergés qui disposent d‟une possibilité de choix dans leur vie quotidienne (même limitée par les atteintes du vieillissement) des pensionnaires qui n'en disposent pas. La notion de service à la carte rend également compte de cette dimension en présageant de la possibilité, pour l‟usager, de ne payer que le service consommé grâce à des partenariats avec des prestataires de services locaux sur le territoire. Les formules intermédiaires qui proposent cet usage à la carte des prestations sont à concevoir en opposition aux établissements où le résident paye l‟ensemble des prestations (Chapon, Werner, & Olivry, 2011). Il reste néanmoins que l‟importance du réseau de service sur le territoire détermine pleinement la viabilité de la formule d‟habitat 31 (Mahé, 2006).
2.3.4. Continuum de l'aide et innovation
La réflexion impulsée par les habitats intermédiaires émane essentiellement de l‟intérêt récent porté à ces projets pour développer et soutenir une offre diversifiée de logement à l‟attention des personnes âgées. Cet enjeu se traduit par un intérêt croissant des politiques sur la diversité de l‟offre d‟équipement et la promotion, par des actions d‟appui (e.g. Fondation de France, Caisse Nationale de Solidarité pour l‟Autonomie), d‟expériences innovantes. Sous cet éclairage, il est possible d‟envisager les formules d‟habitat selon leur potentiel d‟innovation. Ainsi, Charl et Guffens (2006 ; 2008) offrent une illustration du caractère multiple du cadrage théorique des lieux de vie par la figure de l‟éventail (cf. Figure 1). Les auteurs focalisent notamment sur le caractère innovant et différencié des lieux de vie. Les quatre branches qui constituent la figure de l‟éventail sont le domicile en ménage privé au sens du lieu privatif originel, l‟offre institutionnelle classique, l‟innovation dans l‟offre institutionnelle et l‟offre innovante de cadre de vie. Figure 1 : l'éventail de lieux de vie (Charlot & Guffens, 2006)
En considérant le potentiel innovant de l‟offre d‟accueil des personnes âgées et la logique formelle ou informelle de l‟aide apportée, Djellal, Gallouj et Gallouj (2004) distinguent quant à eux quatre entités, ou pôles, sur un axe qui oppose les institutions traditionnelles (maisons de retraite et hôpitaux) aux formules centrées sur le domicile (cf. Figure 2). Les situations intermédiaires, à l‟instar des foyers-logements, des résidences-services, sont quant à elles à l‟intersection de ces pôles.
Figure 2 : Topographie générale des formules d'accueil des personnes âgées et trajectoires d'innovation (Djellal et al., 2004)
Cette conception de l‟aide formelle et informelle sur un continuum se démarque de la dichotomie souvent radicale entre le domicile et l‟hébergement collectif. Elle est partagée par plusieurs auteurs (Djellal, Gallouj, & Gallouj, 2004 ; Gallouj, Gallouj, & Gallouj, 2008 ; Horgas & Abowd, 2004 ; Lawton, 1985 ; Rinehart, 2003) qui l‟ouvrent à la dimension de l‟environnement. Ainsi, ces chercheurs (Horgas & Abowd, 2004 ; Lawton, 1985), distinguent trois types d‟environnements qui définissent le lieu de résidence des personnes âgées : les environnements de vie indépendants, independent living, les logements assistés ou aidés, assisted living et enfin l‟offre institutionnelle ou nursing homes. Ces trois environnements sont eux aussi envisagés selon un continuum de services et de soins représenté par l‟aide informelle apportée au sujet âgé dans le cadre de son maintien à domicile ou l‟aide formelle apportée par les professionnels (Tang & Pickard, 2008). 2.4. Spécificités des résidences-services
Devant la difficulté de topographier les différentes formules, Argoud présente cinq idéaux d‟habitat intermédiaire pouvant constituer une typologie : l‟habitat adapté, l‟habitat-services, l‟habitat intergénérationnel, l‟habitat partagé, l‟habitat autogéré7. En envisageant cette 7 Dans la classification proposée par Argoud, l‟habitat intergénérationnel désigne une forme d‟immeuble conçue pour accueillir des ménages d‟âges différents; l‟habitat partagé prend pour sa part appui sur l‟accueil, par des particuliers, à leur domicile, de personnes âgées ou handicapées adultes ; et enfin l‟habitat autogéré qui traduit l‟aspiration des personnes vieillissantes à inventer un lieu, un mode de vie et surtout à en garder la maîtrise (Argoud, 2011). 33 classification, les recherches sur l‟habitat intermédiaire positionnent le projet de MEDeTIC suivant deux formules. Pour Argoud, le projet de MEDeTIC s‟inscrit dans celui de l‟habitat adapté (Argoud, 2011, p. 18) tandis que Chapon et ses collaborateurs l‟inscrivent dans celui de l‟habitat-services (Chapon et al., 2011, p. 247). Nous détaillerons à présent ces deux idéaux d‟habitat intermédiaire.
2.4.1. L'habitat adapté
Dans les propos d‟Argoud, les projets d‟habitat adapté s‟articulent suivant deux axes qui concernent d‟une part, l‟accessibilité et l‟adaptabilité du cadre bâti et d‟autre part, le recours aux nouvelles technologies. Dans la première assertion qui fait mention de l‟adaptation des locaux au niveau architectural, les caractéristiques mises en avant sont liées à la conception et à la qualité des espaces relevant de l‟accessibilité physique. Dans la seconde, la notion d‟adaptabilité ou d‟évolutivité véhicule quant à elle l‟idée d‟un lieu de vie adaptable à chaque cycle, qui suit l‟évolution des besoins et de l‟état de santé de l‟individu. Dans cette configuration d‟habitat, l‟individu vit au gré de son indépendance, suivant ses maladies et la limite de son autonomie (Clément et al., 2007 ; Vercauteren et al., 2000). Le second axe de l‟habitat adapté, fondé sur l‟utilisation de nouvelles technologies, est généralement associé au concept de « maison intelligente ». Ce concept est adossé à celui de la domotique qui regroupe l‟ensemble des nouvelles technologies au service de l‟habitat et donc de l‟habitant (Mokhtari, 2002). Issu du latin « domus » et du suffixe "tique" qui a trait à l'informatique, l‟électronique et l‟automatique, la domotique associe l‟ensemble nouvelles technologies présentes au sein de l‟habitat (Barbel & Tachon, 2009). L‟essor de la domotique dans les domaines d‟application de la santé et du maintien à domicile s‟entend moins par son potentiel technique que par l‟apport de nouveaux services qui sont susceptibles d‟être développés dans une optique d‟assistance de compensation ou de palliation des handicaps rencontrés par les personnes dépendantes. Dans ce contexte, l‟habitat intelligent vise ainsi à supporter la qualité de vie et permettre une vie autonome, dans leur domicile, à des personnes souffrant de diverses pathologies et handicaps (Demiris & Hensel, 2009 ; Noury, Virone, Ye, V. Rialle, & Demongeot, 2003). Dans les conceptions récentes, l‟intitulé « maison intelligente » fait place à la notion d‟espace ou d‟environnement intelligent, particulièrement étudiés au laboratoire Handicom (Feki, 2007 ; Ghorbel, 2008 ; Hariz, 2009 ; Kadouche, 2007 ; Renouard, 2007) où c‟est la convergence des différents objets intelligents (e.g. ordinateur, 34 téléphone, etc.) ou non intelligents (e.g. porte, éclairage, etc.) et l‟interconnexion de ces différents sous ensemble techniques au sein d‟un espace, qui devient porteuse de services (Barbel & Tachon, 2009). De nombreux espoirs se fondent ainsi sur l‟apport des nouvelles technologies et des services qui permettent de faciliter le maintien à domicile (Kerhuel, 2001).
2.4.2. L'habitat-services
Dans la littérature américaine, canadienne et européenne, les logements dans lesquels les personnes âgées vivent en l‟absence de leurs proches et en bénéficiant d‟une panoplie de service font référence aux termes suivants : « congregate housing », « group residence », « congregate residence ». Ils sont associés au concept de résidences-services. Les termes de « shelter housing », « sheltered settings » font référence quant à eux aux appartements protégés et aux foyers-logements (Mahé, 2006 ; Maltais, 1997 ; Moos & Lemke, 1994). Dans cet idéal type d‟habitat, Argoud distingue les habitats-services relevant du secteur privé et ceux qui concernent des initiatives de l‟habitat social. En faisant abstraction du caractère lucratif, ces différents types d‟établissements se caractérisent par quatre points : le régime en copropriété ou en location, l‟encadrement prescrit des services, l‟absence du caractère obligatoire des prestations de soins personnels (se laver, s‟habiller) et de services santé (soins infirmiers et médicaux), et enfin l‟attention portée aux profils de ces personnes âgées, à savoir des personnes autonomes ou semi-autonomes. Premièrement, les résidences-services apparaissent de prime abord comme des produits immobiliers (Le Bouler, 2006 ; Kerhuel, 2001 ; Villez, 2007). En cela, deux mécanismes, de famille fiscale d‟appartenance différente prévalent en matière d‟investissement, c'est-à-dire en terme d‟acquisition de ces logements : le dispositif Scellier et le dispositif Bouvard/LMNP (Location Meublée Non Professionnelle ; Boulc‟h, 2010). La résidence avec services allie en fait deux concepts : la résidence en copropriété et la résidence locative (Kerhuel, 2001). Sous le régime de la copropriété, les personnes qui peuvent acheter, pour occuper ou louer ces logements, bénéficient d‟une défiscalisation au titre de la location nue (dispositif Scellier) ou meublée (dispositif Bouvard/LMNP). 3. Modèles psycho-environnementaux en gérontologie
C‟est dans un contexte de désinstitutionalisation porté par les pays anglo-saxons et d‟Europe du Nord, (Le Bihan, 2002 ; Boulmier, 2009 ; Mahé, 2006) que s‟institue progressivement un modèle résidentiel centré sur la personne, son maintien à domicile dans un habitat adapté au sein d‟un environnement entièrement accessible. De nombreuses publications émanant des gouvernements, des professionnels et de chercheurs soulignent la nécessité d‟envisager l‟habitat intégré dans son environnement. Pour beaucoup, ces considérations émanent d‟une vision politique impulsée par la CIF qui intègre l‟habitat comme un facteur environnemental pouvant avoir une incidence sur la santé des individus (Cunin, 2008 ; Ennuyer, 2004). Ce facteur désigne, selon la terminologie de l‟Organisation Mondiale de la Santé, « l‟environnement physique et social dans lequel les gens vivent et mènent leur vie » (Mahé, 2006, p. 69). L‟étude des facteurs environnementaux s‟inscrit dans 36 un courant de recherche gérontologique inspiré de la psychologie environnementale. Cette dernière « étudie l‟individu dans son contexte physique et social en vue de dégager la logique des interrelations entre l‟individu et son environnement en mettant en évidence les perceptions, attitudes, évaluations et représentations environnementales d‟une part, et les comportements et conduites environnementales qui les accompagnent d‟autre part » (Moser & Dorbaire, 1994, p. 19). Ce sont particulièrement les travaux de Lawton qui ont marqué cette discipline (Scheidt & Windley, 2006) en considérant l‟interdépendance des relations entre le sujet âgé et son environnement et en reconnaissant que les interprétations subjectives de l‟individu influencent son comportement (Lawton, 1982). Le modèle de Lawton s‟attache particulièrement à é comment l‟environnement physique et social influence les réponses comportementales des individus et postule que les contraintes environnementales ou environmental press déterminent les conséquences de l‟interaction des occupants avec leur environnement. Dans ce paradigme, l'individu et l'environnement sont des entités interdépendantes et l'adaptation des personnes âgées est sous la dépendance d‟un équilibre entre les capacités cognitives, physiques et sociales des individus et les caractéristiques de l'environnement. L‟équilibre ainsi envisagé en termes d‟adaptation résulterait d‟un processus d‟interaction entre la personne et les caractéristiques de son environnement (Castonguay & Ferron, 1999 ; Rioux, 2003, 2008). Dans la droite lignée de ce modèle, il est considéré que certains types d‟environnements sont plus ou moins favorables aux personnes âgées dans ce processus d‟adaptation et les caractéristiques organisationnelles des établissements sont ainsi étudiées pour rendre compte des processus adaptatifs de la personne âgée au regard de l‟environnement de vie dans laquelle elle évolue. Deux modèles ont majoritairement contribué à l‟émergence des recherches sur l‟influence des caractéristiques organisationnelles sur les comportements et attitudes des personnes âgées : le modèle de compétence environnementale de Lawton et Nahemow (Lawton & Nahemow, 1973) et le modèle de la congruence environnementale (Kahana, 1975 ; Kahana & Kahana, 1970). Dans son modèle, Lawton stipule qu‟un environnement trop riche ou trop pauvre en contraintes pourra occasionner des comportements et des effets négatifs. Les caractéristiques environnementales ou contextuelles sont identifiées comme pouvant modifier les compétences des personnes âgées : Lawton stipule ainsi l‟hypothèse d‟une docilité environnementale où plus le niveau de compétence de l‟individu est restreint, plus le niveau de contrainte formalisé par l‟environnement aurait une influence sur l‟adaptation du sujet âgé. Dans le modèle de Kahana, par contre, l‟auteur postule 37 que c‟est la congruence entre les préférences et besoins du sujet âgé et les caractéristiques de l‟environnement qui conditionneraient le bien-être des personnes âgées. C‟est dans ce contexte que Moos et Lemke (1994), ont proposé un paradigme d‟évaluation intégratif des différentes caractéristiques sociales, environnementales, physiques et organisationnelles des résidences pour personnes âgées. En matière de caractéristiques organisationnelles, ces auteurs ont étudié les règlements institués dans l‟environnement résidentiel ainsi que les ressources, termes de services, mises à disposition des résidents. Moos et Lemke ont ainsi examiné les relations pouvant exister entre la politique exercée dans l‟établissement (i.e. liberté d‟accès aux services) sur l‟état de santé et l‟adaptation des personnes âgées. Ils ont ainsi mis en évidence que les résidences permettant une prise de décision facilitaient l‟adaptation des personnes âgées à leur environnement. Ils ont également montré que les règlements restrictifs en matière de liberté de choix étaient associés à un déclin de l‟autonomie fonctionnelle des sujets âgés. Par la suite, Maltais (Maltais, 1997, 1999a, 1999b ; Maltais & Delisle, 2004), s‟est attaché à étudier les liens entre les compétences des individus, leurs besoins personnels ainsi que les caractéristiques des environnements dans lesquels les aînés ont décidé d'habiter. Synthèse
Dans ce premier chapitre, nous avons montré que l‟offre d‟hébergement à l‟attention des personnes âgées est composée de structures organisationnelles différentes. L‟offre de logement actuelle ne couvre donc pas suffisamment les besoins identifiés. L‟association MEDeTIC souhaite démontrer qu‟il est possible de créer des logements mieux adaptés au grand âge grâce à une formule de logement intermédiaire entre le domicile et la maison de retraite. Dans ce domaine, nous avons identifié un certain nombre d‟éléments d‟organisation qui caractérisent ce secteur. Les formules intermédiaires se distinguent tout d‟abord par leur rejet de l‟institutionnalisation en faisant la promotion de la liberté de choix individuel en matière de prestations de service. Ces formules intermédiaires divergent en outre des établissements du secteur médico-social du fait qu‟elles n‟offrent pas de services de nature sanitaire. Ensuite, l‟optionalité des prestations de service est un critère déterminant de l‟organisation de ces formules, différenciant les résidents qui peuvent choisir leurs prestations des hébergés qui ont une moindre latitude dans leurs choix. Au regard de la nature des prestations offertes, l‟optionalité des services est un critère supplémentaire qui différencie les résidents accueillis dans ces formules des résidents d‟établissements traditionnels. Enfin, du point de vue des trajectoires d‟innovation, ces formules alternatives se distinguent du domicile et des institutions traditionnelles par l‟aide formelle ou informelle apportée au sujet âgé. Dans ce champ très large d‟offres intermédiaires, les résidences-services proposées par MEDeTIC se distinguent en outre par une dimension d‟habitat adapté centrée sur l‟accessibilité physique et le recours aux nouvelles technologies. De surcroît, les résidences-services de MEDeTIC se caractérisent par une dimension service déterminée par le statut de copropriété de location, le caractère prescrit des services, l‟absence d‟offre de soins et une cible orientée vers des individus autonomes ou semi-autonomes. Dans le cas du logement adapté, il est notamment fait mention du potentiel technique apporté par les nouvelles technologies intégrées à l‟habitat tandis que dans le logement-service, l‟attention est plus particulièrement portée sur le caractère de liberté de choix des prestations. En juxtaposant ces formules de logement intermédiaires au cadre d‟analyse des modèles conceptuels en psychologie environnementale, la littérature nous fournit des pistes d‟investigation intéressantes, particulièrement en ce qui concerne les caractéristiques organisationnelles et notamment le caractère facultatif ou obligatoire des prestations de services. Ce qu'il faut retenir
Il n‟y a pas de réponse unilatérale et systématique à la question du « où bien vieillir » mais une diversité de réponses qui devront correspondre à la pluralité des demandes et besoins individuels. Dans le cadre de ce premier chapitre, nous avons clarifié certaines notions relatives aux formules de logement intermédiaire. Particulièrement, nous avons abordé l‟émergence d‟une forme spécifique de logement intermédiaire que constituent les résidencesservices proposées par l‟association MEDeTIC. Dans cette configuration particulière d‟habitat, nous avons identifié un enjeu d‟innovation qui se formalise par l‟équipement et l‟évolutivité du logement (habitat adapté) ainsi qu‟un enjeu relatif aux prestations de services (habitat-services). Ces clarifications relatives au contexte d‟organisation et d‟implantation des résidences nous ont aidées à comprendre l‟importance de positionner l‟habitat comme une donnée de l‟environnement de l‟individu âgé. De plus, en nous appuyant sur les modèles de la psychologie environnementale, nous proposons que les caractéristiques organisationnelles des établissements d‟accueil pour personnes âgées, dans leur configuration d‟offre de service contrainte ou libre, sont susceptibles d‟influencer l‟adaptation des individus. En accord avec Grunspan et Dormagen (2001), nous considérons que la possibilité de recours aux services, permet aux résidents une participation sociale propice à l‟autonomie. Nous nous demandons dès lors si les contraintes organisationnelles se manifestent dans la relation de service? En particulier, il nous semble important d‟examiner dans quelle mesure l‟organisation des établissements d‟accueil pour personnes âgées affecte la réception du service. Ces questions feront l‟objet d‟une analyse dans les chapitres suivants en nous appuyant d‟une part sur les services et d‟autre part sur les théories psychologiques du vieillissement CHAPITRE 2. LES SERVICES AUX PERSONNES AGEES
L‟économie du quaternaire est définie par Debonneuil (2007 ; 2008) comme une alliance de l‟économie secondaire (fondée sur les produits de l‟industrie) et de l‟économie tertiaire (basée sur les services fournis par les personnes) permettant la mise à disposition de biens et de personnes, et promulguant de nouvelles solutions de vie. Au coeur de l‟économie du quaternaire, les Services A la Personne (SAP) sont perçus comme les principaux vecteurs d‟une nouvelle phase de l‟évolution économique où les seniors, en tant que consommateurs, devraient jouer un rôle de premier plan (Gallouj, 2010a). Dénommés antérieurement « services de proximité » (Caudron et al., 2007), ils désignent « un ensemble de services dans et autour de l‟habitation, destinés à pallier le relâchement des solidarités de voisinage ou bien encore accompagnent la vente des biens aux consommateurs » (Dussuet, 2002, p.143). Selon l‟enquête Ipsos-Pleine Vie-Sénioriale réalisée en janvier 2009 (IPSOS-Pleine Vie-Sénioriale, 2009) ces services arrivent en seconde position des demandes des seniors après l‟adaptation des logements (Boulmier, 2011). Ce champ est en phase de croissance continue et conséquemment, de nouvelles structurations apparaissent où on observe une augmentation significative de l‟activité concurrentielle. De nombreuses entreprises, notamment des PME (petites et moyennes entreprises) se positionnent sur ce marché, faisant apparaître de nouveaux acteurs face aux acteurs associatifs historiquement positionnés. Toutes ces structures sont confrontées des enjeux d‟innovation, tant dans les évolutions structurelles et organisationnelles que dans une perspective de préservation du marché actuel et d‟anticipation de nouveaux marchés (Dumalin, 2008). Or, le vieillissement de la population exerce une pression croissante sur le système de santé et sur les services d‟aide dans la totalité des pays industrialisés vieillissants (Henrard & Caris, 2002). La forte augmentation des personnes très âgées laisse à penser que dans les années à venir le nombre d‟aidants naturels sera insuffisant pour couvrir la demande d‟aide (Bontout, Colin, & Kerjosse, 2002 ; Kerjosse, 2003). Plusieurs analyses laissent ainsi présager d‟une « pénurie de main-d‟oeuvre » (Gimbert, 2009) qu‟il s‟agira de combler par le recours à des plans de recrutement et de formation adaptés à ce secteur (Godet & Mousli, 2006). 1. Les prestations de services aux personnes âgées 1.1. Le périmètre des services d'aide et de soins aux personnes âgées dans
le secteur des services à la personne (SAP) Henrard définit le système d‟aide et de soins aux personnes âgées comme « l‟ensemble des moyens et activités mis en oeuvre en vue du maintien de leur santé et de leur autonomie » (Henrard, 2002, p. 74). Selon l‟auteur, la spécificité de ce système, comparativement aux autres pays (Henrard, 1992), est qu‟il est segmenté en trois composantes : les prestations d‟aide et de soins, les organismes chargés de leur organisation et de leur financement et enfin les personnes âgées. Dans ce système, on distingue habituellement les services de soutien à domicile et les établissements d‟hébergement collectif et de soins de longue durée (Henrard & Ankri, 2003). Les principaux types de service de soutien à domicile recouvrent les services d'aide à domicile et les services de soins à domicile. Ces champs de l‟ordre du sanitaire et du médico-social font appel à des organisations différentes bien que tournées vers un même objet, la personne âgée. D‟un côté, les services de soins, qui sont des institutions médicosociales au même titre que les établissements d‟hébergement, sont financées par l'assurancemaladie et concernent les actes infirmiers au domicile des personnes âgées, les soins d'hygiène générale ainsi que l‟aide aux actes essentiels de la vie (Caudron et al., 2007 ; 42 Durand-Zaleski, Campion, & Teisseire, 2007 ; Henrard & Ankri, 2003). Ces prestations de santé sont assurées par une multitude d‟organismes (les Services de Soins Infirmiers A Domicile-SSIAD ; les infirmiers libéraux ; les Services valents d‟Aide et de Soins à Domicile-SPASAD, etc.) qui sont soumis à une autorisation préfectorale d‟ouverture, à des procédures strictes de contrôle (Caudron et al., 2007) et sont gérées par des organismes privés à but non lucratif, des hôpitaux ou des CCAS (Le Bouler, 2006). De l‟autre, le secteur social et médico-social de l‟aide à domicile, recouvre une panoplie d‟aides très large prenant en compte pour une part, les tâches ménagères et, pour l‟autre, l‟aide pour les actes de la vie quotidienne. Ces services d‟aide et d‟accompagnement à domicile sont organisés à l‟échelle communale, voire infra-communale en milieu urbain, ou intercommunale en milieu rural. Ils sont gérés par les centres communaux d‟action sociale (CCAS) ou par des associations (Caudron et al., 2007). 1.2. Organisation du secteur des services à la personne 1.2.1. Définition du périmètre du secteur des services à la personne
La notion de « services à la personne » est entendue de manière restrictive du fait de son contour juridique institué à la faveur du plan Borloo8 où cette dénomination s‟impose. Le champ des Services A la Personne est défini par la loi du 26 juillet 2005 et précisé par le décret N° 2005-1968 du 29 décembre fixant la liste des 21 activités mentionnées à l‟article L. 129-1 du Code du travail (Hermel & Louyat, 2006). Les services à la personne se distinguent dès lors d‟acceptions plus larges telles que « les services de proximité », « les services aux particuliers », « les services à domicile » et « les emplois familiaux » qui ont pu faire l‟objet d‟une attention particulière par le passé (Bentoglio, 2005). Pour permettre le développement et la structuration de ce secteur, c‟est le prisme de l‟emploi qui a été choisi par les politiques publiques pour dessiner les contours de métiers, de statuts et de modes d‟activités parfois très variés. Dans le cadre de la «loi Borloo», les services à la personne se voient affectés à un périmètre qui exclut les soins réalisés chez les particuliers par les professionnels de santé et recouvrent ainsi « les activités de services à la personne à domicile relatifs à la garde des enfants, à l‟assistance aux personnes âgées, aux personnes handicapées ou aux autres personnes qui ont besoin d‟une aide personnelle à leur domicile ou d‟une aide à la mobilité dans l‟environnement de proximité favorisant leur maintien à domicile et aux tâches ménagères et familiales, au titre desquelles les associations et les entreprises sont agréées » (Caisse d‟Epargne, 2006). La dénomination de « services à la personne » recouvre l‟ensemble des services contribuant au mieux-être des concitoyens sur leurs lieux de vie, qu‟il s‟agisse de leur domicile, de leur lieu de travail ou de loisirs » (Dispositif Local d‟Accompagnement, 2007). Dans ce champ, l‟ANSP (Agence Nationale des Services à la Personne) distingue trois grandes familles de service : les services à la famille (e.g. garde d‟enfants, accompagnement des enfants dans leurs déplacements, soutien scolaire, etc.), les services de la vie quotidienne (e.g. travaux ménagers, collecte et livraison de linge repassé, etc.) et enfin les services aux personnes dépendantes (e.g. 1.2.2. Les enjeux du secteur
Plusieurs enjeux traversent la question des services à la personne, le premier d‟entre eux est celui du développement économique (Gallouj, 2008). En effet, le plan édicté par Borloo (Service A la Personne, 2005) s‟articule notamment sur l‟accroissement de la demande de services et l‟accroissement de l‟offre de services. Mais les enjeux sont aussi ceux des évolutions sociales et sociétales étant donné les orientations affirmées en matière d‟amélioration et de valorisation des conditions de travail des professionnels du secteur qui participent des axes stratégiques énoncés par le plan Borloo (Service A la Personne, 2005). L‟ANSP, dans son rôle d‟instance institutionnelle de développement et de régulation de l‟offre de services à la personne, soutien la création d‟enseignes sur ce marché (Gallouj, 2008). Dans le but de remédier à l‟émiettement des opérateurs, cette institution promeut également la création d‟enseignes dont le rôle d‟intégrateur se décline en trois volets qui consistent à structurer l‟offre, développer la professionnalisation et garantir des prestations de qualité (ANSP, 2006). Ces trois principaux axes sous-tendent, pour partie, le soutien de l‟Etat dans le secteur des services aux personnes (Bentoglio, 2005 ; Le Bouler, 2006 ; Aldhegi & Loones, 2010). Pour MEDeTIC, ces trois volets constituent également des axes de développement importants sur lesquels elle s‟appuie. 1.3. Caractéristiques du marché des services à la personne dans le domaine de l'aide et l'accompagnement aux personnes âgées 1.3.1. Mode d'organisation des services de maintien à domicile
Il existe trois grands types de modalités d‟intervention pour une personne souhaitant se faire aider à domicile et ces dernières dépendent du type de relation contractée entre un usager, désigné comme client, bénéficiaire ou utilisateur et une organisation ou structure qualifiée de gestionnaire de l‟offre. Ces modalités d‟intervention, qui régissent le secteur des services à la personne, sont celles des relations dites de gré à gré, communément appelées d‟emploi direct, et des relations intermédiées par le biais d‟une organisation mandataire ou prestataire (Bentoglio, 2005) En mode de gré à gré, on se situe dans une rencontre directe entre l‟offre de travail (l‟intervenant) et la demande (l‟utilisateur), il n‟y a pas de structure intermédiaire et la personne aidée embauche directement l‟aide à domicile. La personne qui bénéficie du service est l‟employeur direct du personnel en contact. 45 En mode prestataire, la personne âgée est cliente et paie directement un organisme, employeur direct de l‟aide à domicile, qui a la charge de réaliser la prestation de service. Les intervenants à domicile sont salariés et missionnés par le service suite à une évaluation individuelle des besoins (Le Bouler, 2006 ; Caudron et al., 2007 ; Gallouj, 2008). Le mode mandataire renvoie donc à une situation où l‟entreprise ou l‟association « place » des travailleurs auprès d‟un particulier employeur. Sous statut mandataire, le particulier est donc juridiquement l‟employeur de l‟aide à domicile et la structure d‟aide à domicile sert quant à elle d‟intermédiaire entre les offres de prestations et les demandes émanant de particuliers (Le Bouler, 2006 ; Caudron et al., 2007 ; Gallouj, 2008). Du point de vue des acteurs de cette relation, on désigne par le qualificatif de « gestionnaire » le représentant légal qui gère les prestations au profit des bénéficiaires quel que soit le mode d‟exercice (prestataire, mandataire, intérim), le terme de « bénéficiaire » renvoie pour sa part à la personne physique qui bénéficie du service mis en place et enfin l‟appellation d‟ « intervenants » caractérise les salariés du gestionnaire ou les salariés mis à disposition du bénéficiaire par le gestionnaire (Caudron et al., 2007). L‟Etat, dans cette triangulation, codifie les règles du jeu et se pose comme instance gestionnaire du maintien à domicile. Autorisation, agrément qualité et agrément simple
Dans le secteur des services à la personne, la loi du 26 juillet 2005 impose aux associations et entreprises de services aux particuliers d‟obtenir un agrément pour exercer leur activité. L‟agrément se définit comme une autorisation qui permet à un organisme d‟exercer une ou plusieurs activités de services à la personne au domicile des particuliers. Deux régimes, celui de l‟agrément préfectoral et celui de l‟autorisation, définissent le champ de l‟activité de l‟aide à domicile et régissent le fonctionnement des organisations (cf. Encadré 3, page suivante). Encadré 3 Agrément et autorisation dans les SAP
On dénombre en France trois grandes procédures permettant d‟exercer une activité dans le champ des SAP (tout en faisant bénéficier les utilisateurs des exonérations fiscales prévues par la loi) : l‟agrément simple, l‟agrément qualité et l‟autorisation. L'agrément simple concerne la plupart des activités de SAP, à l‟exception de celles qui sont destinées à un public fragile. Il s‟appuie sur le contrôle, a priori et uniquement déclaratif, du fait que les entreprises concernées remplissent les conditions administratives (exclusivité principalement) permettant à leurs clients de bénéficier d‟exonérations fiscales. L‟agrément simple est valable sur tout le territoire national. La procédure d‟agrément qualité concerne quant à elle les prestations intervenant auprès des publics fragiles. Elle est beaucoup plus contraignante. L‟agrément qualité suppose en effet le respect d‟un cahier des charges spécifique (qualité d‟accueil, existence de documents écrits, tarifs affichés, locaux adaptés, compétence des salariés, etc). L‟agrément est délivré pour 5 ans par le préfet et est limité géographiquement. Il est reconductible après une évaluation externe de la qualité. L‟autorisation concerne l‟ensemble des établissements et des services sociaux et médicosociaux qui exercent des missions d‟intérêt général et d‟utilité sociale. Elle est délivrée par le président du conseil général et est valable 15 ans. Aujourd‟hui, les organismes prestataires peuvent choisir entre les procédures d‟agrément qualité et d‟autorisation. La procédure d‟autorisation, malgré ses avantages (en particulier de durée), reste cependant plus complexe et plus longue à obtenir, ce qui fait que l‟arbitrage est souvent difficile.
Source : Gallouj (2008, p. 92-93) Les procédures d‟agrément qualité (déliv
pour cinq ans) et d‟autorisation (délivrée pour quinze ans) assurent les conditions de la qualité des services des organisations prestataires à domicile. Les exigences pour les deux régimes, celui de l‟agrément qualité et de l‟autorisation, sont équivalentes et depuis la loi du 26 juillet 2005, ils peuvent être obtenus auprès du préfet de Département. Il existe par ailleurs deux types d‟agrément9, l‟agrément simple (cf. Encadré 4, page suivante) et l‟agrément qualité (cf. arrêté du 24 novembre 2005 fixant le cahier des charges relatif à l‟agrément qualité, en Annexe). Le régime de l‟agrément qualité conditionne l‟ouverture des résidences-services de MEDeTIC. Sans ce précieux sésame, il n‟est légalement pas possible pour l‟association d‟y accueillir du public. 9 Pour l‟agrément simple, la liste des activités est fixée par décret tandis que pour l‟agrément qualité, la liste est fixée par arrêté
Encadré 4 Liste des activités de service soumise à l'agrément simple
Les activités de services à la personne soumises à titre facultatif à la déclaration prévue à l‟article L. 7232-1-1 sont, outre celles mentionnées au I du présent article, les activités suivantes : « 1o Entretien de la maison et travaux ménagers ; « 2o Petits travaux de jardinage, y compris les travaux de débroussaillage ; « 3o Travaux de petit bricolage dits "homme toutes mains" ; « 4o Garde d‟enfants à domicile au-dessus d‟un âge fixé par arrêté conjoint du ministre chargé des services et du ministre chargé de la famille ; « 5o Soutien scolaire à domicile ou cours à domicile ; « 6o Soins d‟esthétique à domicile pour les personnes dépendantes ; « 7o Préparation de repas à domicile, y compris le temps passé aux commissions ; « 8o Livraison de repas à domicile ; « 9o Collecte et livraison à domicile de linge repassé ; « 10o Livraison de courses à domicile ; « 11o Assistance informatique et internet à domicile ; « 12o Soins et promenades d‟animaux de compagnie, à l‟exception des soins vétérinaires et du toilettage, pour les personnes dépendantes ; « 13o Maintenance, entretien et vigilance temporaires, à domicile, de la résidence principale et secondaire ; « 14o Assistance administrative à domicile ; « 15o Accompagnement des enfants de plus de trois ans dans leurs déplacements en dehors de leur domicile (promenades, transport, actes de la vie courante) ; « 16o Activités qui concourent directement et exclusivement à coor et délivrer les services mentionnés au présent article. Source : Décret n°2011-1133 du 20 septembre 2011 modifiant certaines dispositions du code du travail relatives au chèque emploi-service universel et aux services à la personne, Journal Officiel de la République Française, 22 septembre 2011 Dans le rapport de l‟IGAS (Inspection des Affaires Sociales ; Roussille et al., 2009), les exigences de qualité formulées sont entendues comme des prescriptions juridiques formulées par les pouvoirs publics. Elles consistent, au niveau de l‟ouverture des établissements, en un ensemble de préconisations plus ou moins concrètes, centrées sur la qualification des intervenants, du personnel d‟encadrement et du gestionnaire et sur le respect de l‟usager. Dans le marché très concurrencé des services à la personne, il semble que la qualité soit l‟élément qui marque la différence entre les différentes offres de services, la concurrence ne pouvant s‟effectuer sur les prix qui sont réglementés (Bentoglio, 2005). La démarche qualité est donc une démarche encouragée par les pouvoirs publics dans le but de réglementer ce secteur (Roussille et al., 2009). Dans le champ des services dédiés aux personnes âgées, cette démarche est d‟abord une réflexion puis une mise en actes visant à l‟amélioration de la relation de service dans le but de favoriser l‟autonomie des personnes âgées (Serge Clément, Christine Rolland, et al., 2007). Cette démarche est également considérée comme un outil (Amyot & Mollier, 2007, p. 981) qui vise à améliorer la qualité ou à maintenir l‟assurance d‟un certain seuil de qualité. Enfin, cette démarche relève d‟un engagement stratégique et professionnel qui traduit un certain type d‟organisation (Pelletier, 2005). Plusieurs démarches qualité existent. Elles ont pour point commun d‟être fondées sur la participation active et permanente des salariés, sur la conformité à un référentiel institué, sur l‟amélioration continue des prestations et enfin sur une évaluation par un organisme externe. Ainsi, les démarches certificatives de type ISO 9000 articulent leur démarche qualité sur la réponse à apporter aux besoins du client et sur sa satisfaction. L‟International Organization for Standardization (ISO) définit la qualité « comme l‟aptitude d‟un ensemble de caractéristiques intrinsèques d‟un produit, d‟un système ou d‟un processus à satisfaire les exigences des clients et autres parties intéressées »10. Dans le champ des services aux personnes à domicile, deux types de référentiels existent (Roussille et al., 2009) : celui de l‟Agence Française Normalisation (AFNOR) avec la norme N° X50-05611 qui est devenue le document de référence (Amyot, Agaësse, Argoud, Ennuyer, 2007 ; Detolle, 2001 ; Ennuyer, 2007a ; Pelletier, 2005). Cette norme s‟applique aux modes d‟intervention prestataire, mandataire et de prêt de main-d‟oeuvre (Detolle, 2001). Le second référentiel, nommé Qualicert est un référentiel de certification déposé par la société SGS qui a été élaboré pour les établissements privés commerciaux. Selon l‟Inspection Générale des Affaires Sociales (Roussille et al., 2009) ces démarches permettent de valoriser l‟image de leur structure. Selon plusieurs auteurs, les objectifs 10 Définition extraites de l‟ISO/DIS 9000 de novembre 1999 (Jambart, 2001, p. 9) 11 Services aux personnes à domicile, Norme française NF X50-056, Paris, AFNOR, 2000 50 poursuivis sont de deux ordres. Les emplois du secteur de l‟aide et de l‟accompagnement
Différentes filières professionnelles déterminent les contours des métiers et des activités tournées vers l‟aide et l‟accompagnement à domicile. Suivant Loones et Aldhegi (2010), le périmètre de l‟emploi des services d‟aide au domicile est affilié à plusieurs nomenclatures selon que l‟on considère une entrée par secteur d‟activité, une entrée par catégorie socioprofessionnelle ou encore une entrée par catégorie d‟emploi. En termes de secteur d‟activité, ces auteurs indiquent que l‟aide à domicile aux personnes âgées recouvre majoritairement les activités centrées sur les services auxquels un ménage peut avoir recours en tant qu‟employeur. Toutefois, l‟aide à domicile à proprement parler, qui regroupe une série d‟activités comme par exemple la livraison de courses, n‟est pas forcément l‟activité principale. Le croisement effectué par ces auteurs avec la catégorie socioprofessionnelle permet de distinguer, en autre, deux rubriques pour repérer les intervenants : tout d‟abord celle des aides à domicile, aides ménagères et travailleuses familiales et ensuite celle des employés de maison et personnels de ménage chez les particuliers. Enfin, l‟approche par l‟emploi permet de fournir une indication d‟ensemble sur les principaux professionnels qui 51 interviennent à domicile. Ainsi, bien que d‟autres professionnels interviennent dans les services aux personnes âgées (e.g. l‟aide médico-psychologique, l‟aide soignante, l‟infirmier), nous retiendrons suivant les travaux de Loones et Aldhegi (2010) et ceux de Caudron, Giroux et Munier-Juliard (2007) les principaux métiers suivants: L‟aide à domicile, dont l‟appellation recouvre également celles d‟agent à domicile ou d‟employé à domicile. Ce personnel d‟intervention réalise et aide à l‟accomplissement des activités domestiques et administratives. Leurs principales activités sont tournées vers les travaux courants d‟entretien de la maison et la réalisation d‟activités administratives simples. Cet emploi peut s‟exercer sans diplôme pour l‟agent à domicile (niveau 1) mais requiert un diplôme (de niveau 2) pour l‟accès au titre d‟employé à domicile dont les activités sont davantage orientées auprès de personnes rencontrant, éventuellement temporairement, des limitations d‟autonomie. L‟auxiliaire de vie sociale effectue un accompagnement social et prodigue un soutien auprès de publics fragiles, notamment pour la réalisation des activités quotidiennes. Elle possède un diplôme d‟Etat d‟Auxiliaire de Vie Sociale (AVS, de niveau 3) Le technicien de l‟intervention sociale et familiale (TISF), quant à lui, intervient auprès des personnes et des familles fragilisées. Enjeux sociétaux
Selon Kerjosse (2003), les projections réalisées à l‟horizon 2040 montrent que le nombre de personnes âgées dépendantes va augmenter davantage que les aidants potentiels. La majorité de la population âgée dépendante vit au domicile et son maintien dans ces lieux est souvent permis grâce à l'implication forte des familles. Ce sont particulièrement les femmes âgées de 50 à 79 ans, qui constituent plus de la moitié des aidants informels tandis que les hommes en représentent environ un quart. Or, ce potentiel d‟aidant, par l‟accroissement de l‟activité féminine, les mobilités professionnelles, les modifications sociétales liées au divorce, pourrait être plus réduit dans les années à venir. Il serait, à l‟horizon 2030, sept à huit fois moindre que l‟effectif du nombre de personnes âgées dépendantes (Godet et Mousli, 2006). Dès lors, avec la montée en âge et la survenue de la dépendance, la prise en charge et la planification des services nécessitent progressivement une intervention conjointe de l‟aide informelle et de l‟aide formelle constituée des professionnels (Kerjosse & Weber, 2003). En 2005, selon les recherches de Godet et Mousli (2006), un ménage sur cinq, dont la personne de référence avait plus de 65 ans, avait recours à une aide professionnelle extérieure. Ces éléments pointent directement les enjeux de nature sociétale auxquels notre société doit faire face en termes de conditions de travail des aidants professionnels. Partant d‟une certaine carence, tant quantitative que qualitative de l‟offre professionnelle dans le secteur des services à la personne, le plan Borloo (Service A la Personne, 2005) s‟est attaché à promouvoir la professionnalisation du domaine de l‟accompagnement et de l‟aide à domicile en favor l‟émergence de formes de production de services diversifiés et qualifiants. Les besoins identifiés en matière de recrutement et de formation des métiers du grand âge sont considérables. Caudron et ses collaborateurs (2007) évaluent ces besoins à 40 000 professionnels par an dans les différentes filières, c'est-à-dire depuis l‟aide à domicile jusqu‟au directeur d‟établissement (Caudron et al., 2007). Cependant, le secteur des services à la personne se caractérise par une forte précarité des statuts des salariés, généralement des femmes sans qualification (Bentoglio, 2005) pour des métiers qui souffrent de leur caractère peu attractif (Centre d‟Analyse Stratégique, 2007) et souvent multitâches. 2. Relation de service, innovation et conduite du changement dans les services d'aide et d'accompagnement au domicile des personnes âgées
L‟affirmation d‟une logique de service est l‟un des principaux moteurs des cadres législatifs précédemment décrits (Loubat, 2007). Nous avons vu que cette logique de service se déploie dans un cadre institutionnel réglementé qui accorde à la qualité une place importante, si ce n‟est dominante. Les prescriptions émanant de ces instances institutionnelles conditionnent l‟exercice des acteurs des services à la personne. Dans ce cadre, confiance et réputation formalisent les enjeux des gestionnaires des services d‟aide et d‟accompagnement au domicile des personnes âgées. Cette logique de service est également en partie paramétrée par les intervenants professionnels qui l‟initient. Or, malgré l‟inscription de notre économie dans une activité à dominante tertiaire, et malgré les effets d‟annonce sur l‟imminence d‟une catastrophe sanitaire et sociale liée à l‟accroissement du nombre de personnes âgées, peu de travaux se sont développés relativement à l‟activité de service dans le champ de l‟aide et de l‟accompagnement à domicile. De plus, lorsque la qualité des services et la qualité des prestations sont médiatisées de manière plus ou moins tangible par les TIC (Bouillon & Omrane, 2005), il y a lieu de réfléchir sur les modifications induites par leur introduction dans la relation de service entre le professionnel et l‟usager âgé. Cette question, envisagée sous l‟éclairage des activités de service et des besoins des personnes âgées en la matière a été relativement occultée (Gallouj, 2010b). Pourtant, de récents travaux en ergonomie ont marqué l‟intérêt pour cette thématique. 54 Leur plus-value est de porter un regard sur la relation de service et d‟en extraire les éléments caractéristiques. 2.1. La relation de service
A notre connaissance, peu de travaux se sont intéressés à la relation de service dans le secteur de l‟aide et de l‟accompagnement à domicile des personnes âgées. Des réflexions récentes ont cependant porté un regard sur cette thématique. Ainsi Vallery et Leduc (2010) soulignent que la relation de service déployée dans le cadre de l‟activité de l‟aide à domicile repose sur un double principe d‟interaction et de coproduction en mobilisant des compétences sociales particulières. Selon les auteurs, la mise en oeuvre opérationnelle de la relation de service ne peut en effet s‟effectuer sans une communication et une interaction entre les protagonistes que sont l‟intervenant et le bénéficiaire. Concernant cette interactivité, Gadrey (1994) identifie des interactions de deux types entre l‟agent et le client : des interactions opérationnelles et des interactions à visée de contrôle et de régulation. Les premières mettent en commun les savoirs et matériels partagés par les protagonistes pour résoudre le problème pour lequel le client s‟est adressé au prestataire tandis que les secondes sont des réajustements de la relation engagés à la suite de négociations portant sur les règles ou le contrat liant les deux parties (Bobillier-Chaumon, Dubois & Retour, 2010). Vallery et Leduc (2005) précisent également que la relation de service se fonde également sur un processus de coproduction où l‟activité auprès du client ne peut se réaliser qu‟avec sa participation active dans le processus de production. Ainsi, le produit de la transaction entre les acteurs est élaboré et construit au cours de leurs divers échanges. De surcroît, la relation de service dans le secteur de l‟aide à domicile met en oeuvre des compétences sociales spécifiques (liées aux activités ménagères, à la préparation des repas, aux activités de soins et d‟hygiène, à qualité de la relation engagée, au bien-être et à l‟environnement de la personne âgée) qui ne se réduisent pas aux savoir-faire ménagers mais qui mobilisent une forte composante socio-relationnelle. Enfin, cette relation de service, inscrite dans le réseau d‟échange entre le bénéficiaire et l‟intervenant, est également à considérer en lien avec les contraintes organisationnelles fixées par le cadre institutionnel dans lequel cette relation se déploie. Selon Mayen (2005) une part de la relation de service est aussi déterminée par les finalités institutionnelles, ensembles de règles, de normes et de prescriptions qui prédéfinissent le cadre de la transaction engagée entre le client et le prestataire. Certains courants de recherche de l‟économie et de la gestion se sont également intéressés aux activités de services relevant du secteur de l‟aide à domicile en concentrant leur analyse sur les processus d‟innovation dans les services. Ces approches, qualifiées de « servicielles », ont pour point de départ « qu‟il peut y avoir de l‟innovation là où le regard technologiste ne distingue rien » (Gallouj & Gallouj, 1996, p. 33). Dans ce registre, l‟idée défendue est que l‟innovation technologique, si elle est centrale dans les services, ne peut à elle seule rendre compte de l‟ensemble des phénomènes d‟innovation. 2.2. L'innovation dans la relation de service aux personnes âgées
Plusieurs dynamiques d‟innovation ont été mises à jour dans le secteur des services à la personne. Selon Dumalin (2008) il est ainsi généralement distingué les innovations de produit (e.g. de nouveaux services à envisager) et les innovations de process (e.g. mise en place de secteur, réorganisation par métier, etc). Les travaux de Gadrey sur la relation de service (Gadrey, 1994 ; 2003) ont été l‟occasion pour plusieurs chercheurs de s‟intéresser à la dynamique de l‟innovation dans le secteur des services aux personnes âgées (Djellal & Gallouj, 2006 ; Djellal,Gallouj, & Gallouj, 2004 ; Gallouj, Gallouj, & Gallouj, 2008). Ces auteurs ont ainsi apporté une lecture du cadre de déploiement des innovations à partir de la relation de service entre l‟usager et le prestataire. Ils ont synthétisé l‟ensemble des caractéristiques qui ont une part d‟influence dans la trajectoire de l‟innovation (cf. Figure 3, page suivante). A partir d‟une représentation schématique en triangle de la relation de service (cf. Gadrey, 1994 ; en pointillés sur la figure), ces auteurs ont souhaité élargir le cadre de lecture du déroulement de la prestation de service. Schématiquement, cette relation de service est de prime abord définie comme « un ensemble d‟opérations de traitement réalisées par le prestataire (nommé P) sur un support (nommé S), entretenant des liens divers avec le client (nommé C) sans pour autant que soit élaborée une marchandise susceptible de circuler économiquement indépendamment de ce support. Ces opérations de traitement visent à transformer de différentes manières l‟état du support» (Gallouj, 2008, p. 15). Dans le cas spécifique des services de soins aux personnes âgées, Djellal, Gallouj et Gallouj (2004) définissent le support de prestation comme l‟individu lui-même dans ses caractéristiques physiques, intellectuelles ou de mobilité. A partir de cette triangulation instituée par Gadrey, les auteurs substituent au triangle initial des services un polygone qui reprend les différentes parties prenantes : le système de régulation (nommé R) soit les instances qui, par agrément, autorisation, exercent des fonctions d‟évaluation, de normalisation et de certification des prestations ou des prestataires ; la famille de la personne âgée (nommée P') au sens de parent 56 ou proche et qui peuvent apporter une aide informelle ; les intermédiaires (nommés I) et enfin les organisations prestataires du service (nommés O), que celles-ci relèvent du mode prestataire ou mandataire. Figure 3 : Du triangle des services (en pointillé) au polygone des services de soins aux personnes âgées (Djellal, Gallouj et Gallouj, 2004)
L‟illustration par le polygone des services met en relief, selon les auteurs, diverses formes d‟innovation qu‟il est possible de rencontrer dans les services de soins aux personnes âgées12. Ces cibles concernent les technologies, les formules d‟accueil des personnes âgées, les services fournis à la personne âgée, la famille de la personne âgée, le personnel soignant, et l‟environnement institutionnel (cf. Figure 4, page suivante). 12 Dans leur article, Gallouj, Gallouj et Gallouj (2008) associent la notion de soins à celle de « care » qui renvoie à la fois aux soins de santé mais également aux soins et services hors champ médical. Figure 4 : Les cibles de l'innovation dans les SSPA (Djellal, Gallouj et Gallouj, 2004)
Dans cette configuration, les auteurs distinguent ainsi les innovations technologiques selon leur caractère médical, c‟est-à-dire les technologies « ayant un objet médical au sens strict » et les technologies « ayant un objet non médical ». Cette distinction nous parait intéressante d‟une part parce qu‟elle se fait l‟écho de plusieurs rapports et recherches récents qui distinguent, dans le champ des gérontechnologies, les technologies médicales des technologies pour l‟autonomie (Cornet & Carré, 2008 ; Poulain, Piovan, De Varax, & Letellier, 2007). D‟autre part cette distinction retranscrit également une réalité réglementaire. En effet, la sécurité sociale ne rembourse que les technologies qui font l‟objet d‟une prescription médicale dès lors qu‟elles sont assimilées à des dispositifs médicaux et qu‟elles figurent sur la Liste des Produits et prestations Remboursables (LPPR). Les autres technologies sont quant à elles soumises à l‟appréciation des équipes médico-sociales (Oustric, Ruge-Sawicki, & Charlier, 2009). Par ailleurs, notons que certains services technologiques font aujourd‟hui l‟objet de procédure d‟agrément par l‟ANSP ; il s‟agit de la téléassistance et de la visioassistance (Lesellier, 2007, p. 79). Le premier, la téléassistance, est défini comme l‟assistance à distance au bénéfice de personnes fragiles dont l‟état de santé nécessite une vigilance et des procédures d‟alerte à effet rapide. Le second, la visioassistance est vu comme un prolongement de la téléassistance et est défini comme l‟assistance à distance intégrant les technologies de l‟image sur écran. Enfin, depuis 2010, les actes médicaux utilisant les technologies de l‟information et de la communication définis comme des actes relevant de la télémédecine, sont intégrés à notre législation (cf. Encadré 5, page suivante). Encadré 5 Définition de la Télémédecine
Art. 1er. − Après le chapitre V du titre Ier du livre III de la sixième partie du code de la santé publique est ajouté un chapitre VI ainsi rédigé : « CHAPITRE VI « Télémédecine « Section 1 « Définition « Art. R. 6316-1. − Relèvent de la télémédecine définie à l‟article L. 6316-1 les actes médicaux, réalisés à distance, au moyen d‟un dispositif utilisant les technologies de l‟information et de la communication. Constituent des actes de télémédecine : « 1o La téléconsultation, qui a pour objet de permettre à un professionnel médical de donner une consultation à distance à un patient. Un professionnel de santé peut être présent auprès du patient et, le cas échéant, assister le professionnel médical au cours de la téléconsultation. Les psychologues mentionnés à l‟article 44 de la loi no 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d‟ordre social peuvent également être présents auprès du patient ; « 2o La téléexpertise, qui a pour objet de permettre à un professionnel médical de solliciter à distance l‟avis d‟un ou de plusieurs professionnels médicaux en raison de leurs formations ou de leurs compétences particulières, sur la base des informations médicales liées à la prise en charge d‟un patient ; « 3o La télésurveillance médicale, qui a pour objet de permettre à un professionnel médical d‟interpréter à distance les données nécessaires au suivi médical d‟un patient et, le cas échéant, de prendre des décisions relatives à la prise en charge de ce patient. L‟enregistrement et la transmission des données peuvent être automatisés ou réalisés par le patient lui-même ou par un professionnel de santé ; « 4o La téléassistance médicale, qui a pour objet de permettre à un professionnel médical d‟assister à distance un autre professionnel de santé au cours de la réalisation d un acte ; « 5o La réponse médicale qui est apportée dans le cadre de la régulation médicale mentionnée à l‟article L. 6311-2 et au troisième alinéa de l‟article L. 6314-1. Source : Décret n°2010-1229 du 19 octobre 2010 relatif à la télémédecine, Journal Officiel de la République Française, 21 octobre 2010. Au-delà de cette approche technologiste, les innovations concernent également les types de formules d‟accueil des personnes âgées (telles que nous avons pu les présenter préalablement, cf. Le concept d‟habitat), les innovations de services, l‟environnement humain (i.e. aidants formels ou informels) et enfin l‟environnement institutionnel avec des innovations relatives à l‟offre (i.e. innovations visant, par la qualité, à faciliter l‟émergence d‟offres structurées et professionnalisées ; cf. procédure d‟agrément, normalisation, de certification) et des innovations relatives à la demande (i.e. innovations portant sur la solvabilisation de la demande par des mesures fiscales incitatives, à l‟exemple des dispositifs Scellier et Bouvard). 59 Ces multiples innovations formalisent le cadre de déploiement des résidences-services conçues par l‟association MEDeTIC. En effet, bien qu‟essentiellement tournée vers les innovations technologiques, cette dernière doit également tenir compte des autres paramètres de la relation de service aux personnes âgées.
2.2.1. Conduite du changement
Nous l‟avons vu, le développement du secteur des services à la personne est sous-tendu à la fois par des enjeux structurels liés aux modes d‟organisation permettant la prestation de service, mais également par des enjeux liés aux prescriptions de qualité qui viennent réguler l‟offre et fonctionnent comme des barrières à l‟entrée vis-à-vis de nouveaux acteurs qui souhaitent se positionner sur le secteur. Nous avons également identifié des enjeux de professionnalisation qui in fine sont liés à la valorisation des compétences des acteurs qui initient, déploient et mobilisent une forte composante socio-relationnelle dans la relation d‟aide et d‟accompagnement auprès de la personne âgée. Dans le contexte qui vient d‟être décrit, les acteurs historiquement implantés dans le secteur se doivent de faire évoluer l‟organisation de la production des services et du travail tandis que les nouveaux entrants sur ce marché, telle que l‟association MEDeTIC, sont plus sensibles au volet technologique de l‟innovation (Dumalin, 2008). Néanmoins, tous sont confrontés à des enjeux d‟évolution face à l‟accroissement de l‟intensité concurrentielle. Ceci fait également le jeu des pouvoirs publics qui cherchent, par la promotion de ces innovations, à diversifier les modes de réponse à apporter au problème posé par l‟accroissement du nombre de personnes âgées. Pour synthétiser ces informations, nous pourrions avancer, à l‟instar de Gallouj (2008) que le marché des services à la personne, et spécifiquement celui de l‟aide et de l‟accompagnement aux personnes âgées, se caractérise par des changements et une dynamique de l‟innovation particulière.
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Extraction et exploitation de modèles réduits dans les solveurs de Krylov. Neuvième colloque national en calcul des structures, May 2009, Giens (Var), France. pp.111-116. ⟨hal-00437248⟩
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Extraction et exploitation de modèles réduits dans les solveurs de Krylov Pierre Gosselet, Christian Rey, Julien Pebrel
Nous nous intéressons à la résolution d’une succession de problèmes linéaires définis positifs symétriques (à matrices non constantes) par un gradient conjugué. Nous montrons comment il est possible de déduire à faible coût puis d’automatiquement enrichir à l’issue de chaque résolution un modèle réduit dont l’utilisation permet de diminuer fortement le nombre d’itérations à venir. Mots clés — solveur itératif de Krylov, multirésolution, réduction de modèle 1 Introduction
La résolution d’un unique système linéaire est rarement suffisante pour répondre à un problème mécanique. En général, une suite de systèmes linéaires doit être résolue, soit parce que la technique de résolution s’appuie sur la décomposition du problème originel en plusieurs systèmes linéaires (ce qui est par exemple le cas de la majorité des méthodes traitant la non-linéarité ou la dépendance en temps), soit parce que la question posée implique en soi de résoudre plusieurs systèmes (comme dans le cas de l’exploration d’un plan d’expérience). Il semble donc du plus grand intérêt de conserver à la fin d’une résolution une information numérique permettant d’accélérer les résolutions suivantes. Dans cette optique les solveurs directs montrent rapidement leurs limites puisqu’ils ne sont adaptés qu’au cas où la matrice est constante (en conservant la matrice sous forme factorisée) ou de rang très faiblement variant (en utilisant la formule de Sherman-Morisson). Les solveurs itératifs de Krylov [12], qui reposent sur une recherche de la solution en projection sur un sous-espace de dimension croissante, permettent eux aussi (à condition de stocker une base des sous-espaces introduits) de traiter le cas d’une succession de seconds membres variables (algorithmes pour multiple right-hand sides [11, 4]). Ils permettent également d’apporter des réponses intéressantes au cas des matrices variables [7, 15]. En effet les solveurs de Krylov s’appuient sur la vérification de conditions de Petrov-Galerkin et entrent naturellement dans l’esprit des techniques de réduction de modèle. A la fin de chaque système on obtient une base de l’espace de recherche et une expression d’une « inverse réduite » sur cette base. Ces informations peuvent être réutilisées sur les systèmes s par des techniques de préconditionnement, de correction de préconditionneur [8, 10] ou d’augmentation [9]. Dans les cas où le sous-espace stocké est de dimension importante, les calculs associés à cette réutilisation peuvent devenir coûteux. Il est alors nécessaire de définir des critères, relativement objectifs, permettant de condenser l’information. Dans [5], un première étude avait été conduite sur le sujet, une procédure de sélection de l’information basée sur une analyse spectrale de Ritz [3] était proposée, l’algorithme résultant est nommé SRKS pour Selective Reuse of Krylov Subspaces par opposition à l’approche sans sélection nommée TRKS pour Total Reuse of Krylov Subspaces. Nous prolongeons ici ces travaux en améliorant les critères de choix de la base réduite. La suite du papier est organisée de la façon suivante : dans la section 2, l’algorithme de base est rappelé ainsi que les propriétés fondamentales qui seront utilisées par la suite, la technique d’analyse spectrale fait l’objet de la section 3 alors que la section 4 présente quelques résultats. On cherche à résoudre le système Ax = b, avec A un opérateur symétrique défini positif. On note xi la ieme approximation (donc x0 l’initialisation), et ri = b−Axi = A(x−xi ) le résidu associé. L’algorithme du gradient conjugué est extrêmement classique ([1, 12] pour des détails théoriques et pratiques), il consiste à rechercher xi sous la forme : xi ∈ x0 + Ki (A, r0 ) (1) avec Ki (A, r0 ) = Vect r0, Ar0,..., Ai
−1 r0 ri
⊥ Ki
(
A, r
0 ) Cet algorithme est extrèmement sensible au spectre de l’opérateur, caractérisé en première approximation par le conditionnement. Le préconditionnement par un opérateur symétrique défini positif M permet d’améliorer les propriétés spectrales en essayant de « tasser » le spectre. L’augmentation (ou de manière équivalente la déflation [6, 14]) permet de capter dès l’initialisation une partie de la solution appartenant à un sous-espace Im(C), et de trouver itérativement le reste de la solution dans un sous-espace supplémentaire. En particulier l’augmentation par des sous-espaces stables permet d’éliminer des bandes spectrales. L’élimination de parties extrêmes du spectre permettant schématiquement de redéfinir un conditionnement plus faible. L’algorithme 1 présente un gradient conjugué précondionné augmenté dont l’augmentation est assurée par une projection. Algorithm 1: APCG(A, M, C, b) −1 T Calculer AC, factoriser (C T AC)−1 ; poser P = Id − C C T AC C A x0 = C(C T AC)−1 C T b r0 = b − Ax0 = P T b z0 = P M −1 r0, w0 = z0 for j = 1,..., i do x j = x j−1 + α j−1 w j−1 r j = r j−1 − α j−1 Aw j−1 ; α j−1 = (r j−1, z j−1 )/(Aw j−1, w j−1 ) z j = P M −1 r j+1 w j = z j − β j w j−1 ; β j = (Aw j−1, z j )/(w j−1, Aw j−1 ) end
On note en majuscules les matrices formées par des collections de vecteurs, par exemple Ri = (r0,..., ri−1 ). L’algorithme du gradient conjugué repose sur la construction d’un certain nombre de bases de l’espace de Krylov, notamment la base M -orthogonale des résidus préconditionnés Zi et la base A-orthogonale des directions de descente Wi. Les conditions de Petrov-Galerkin se traduisent par la formule suivante : xi = x0 +Wi WiT AWi −1 WiT r0 (2) −1 où l’on voit que Wi WiT AWi Wi constitue une « inverse en projection » sur Ki (A, b) de A, et donc que le couple Wi,WiT AWi permet de déduire un modèle réduit du système (en particulier ici, ce modèle est diagonal). Le principe de la multirésolution par augmentation consiste après une première résolution à réutiliser une base de Ki (A, b) comme matrice d’augmentation C du nouveau système. Dans le cas particulier où l’opérateur est invariant, le choix de Wi permet de grandement simplifier les calculs, on se retrouve à résoudre le nouveau système exactement comme si les i premières itérations avaient permis de construire la base Wi. En particulier si le second membre appartient toujours à Ki (A, b) alors l’initialisation permet de converger immédiatement. Dans le cas où l’opérateur change (on note le nouveau système avec des tildes : Ãx̃ = b̃), il est toujours possible de se resservir d’une base de Ki (A, b) comme matrice de contrainte C̃. On peut alors espérer une convergence rapide si « l’essentiel » de la solution x̃ appartient à Ki (A, b). Néanmoins les bonnes propriétés de conjugaison entre Wi et à étant perdues, la mise en place du modèle réduit WiT ÃWi nécessite le calcul puis la factorisation d’une matrice dense, opérations qui peuvent s’avérer coûteuses. L’objectifs de nos travaux est donc de déduire un meilleur modèle réduit que celui construit automatiquement à partir de la base de Krylov.
Construction du modèle réduit
On suppose que le premier système Ax = b a convergé au bout de i itérations. L’utilisation d’un préconditionneur symétrique défini positif, donc factorisable sous la forme M = LLT, permet de raisonner sur le système symétrique L−1 AL−T équivalent au système préconditionné à gauche. 3.1 Sous-espace pertinent – analyse spectrale de Ritz
L’extraction d’un sous-espace de Ki (A, b) est guidé par l’analyse suivante. Soit Vi une base T orthonormale de Ki, on appelle matrice de Rayleigh la matrice Vi AVi dont on note θij et j i i t j les valeurs propres et vecteur propres orthonormés. Les θ j sont appelées les valeurs de Ritz j et les vecteurs Vi t ij sont les vecteurs de Ritz. Les éléments de Ritz convergent vers les éléments propres de la matrice A et la convergence du gradient conjugué est liée à celle des valeurs de Ritz, par la relation suivante [3] : x − xi
= πi (A)(x − x0 ) i avec πi (ξ)
= ∏
j=1 θij − ξ θij
(3) En particulier la convergence du gradient conjugué est obtenue quand un certain nombre de valeurs de Ritz approchent suffisamment bien des valeurs propres critiques [3] (en particulier les valeurs extrémales du spectre). En conséquence, une base réduite particulièrement pertinente peut être obtenue en ne conservant que des vecteurs de Ritz associés à des valeurs convergées. Si les vecteurs propres du nouvel opérateur sont suffisament proches de ceux de l’ancien, on a alors un certain nombre de valeurs de Ritz du nouveau système qui sont immédiatement convergées.
3.2 Sélection
La convergence des valeurs de Ritz est évaluée par un critère en stagnation : après convergence à l’itération i, on calcule les valeurs de Ritz pour les itérations i et i−1, on compare ces valeurs dont on sait qu’une partie converge vers le haut et l’autre vers le bas. Si les valeurs sont suffisamment proches, on suppose qu’il y a convergence. En
résumé : θij − θi−1 j h j = 1... i − 1 si δ = ε, ou i θij alors on conserve Vi t ij (4) i − θi−1 θ j j−1 b si δi = ε j = 2... i θij
Figure 1 – Critères de convergence hal-00437248, 1
2009
3.3 Le critère de
sélection ε
doit faire l’objet d’une
étude
préalable. Cependant il est important de noter qu’en général pour un système préconditionné, les valeurs de Ritz ont une convergence franche et que la distinction entre une valeur en cours de convergence et une valeur convergée est relativement objective. On pourra se référer à la figure 1 où on représente les deux critères pour le spectre d’un opérateur issu d’un problème de mécanique classique (complément de Schur primal d’un comportement tangent hyperléastique).
Calcul pratique
Il est à noter qu’il est possible de connecter la méthode du gradient conjugué à une procédure d’Arnoldi sur le système symétrique équivalent en posant : p p β j−1 1 βj zj β j−1 j v j = (−1) q, +, ) (5) et Hi = tridiag( α j−1 α j α j−1 α j rT z j j La matrice d’Hessemberg Hi est la matrice de Rayleigh associée à la base Vi, elle est tridiagonale symétrique et son l’analyse spectrale peut être efficacement conduite via des routines Lapack.
3.4 Enchainement de résolutions
Ainsi le second système est augmenté par les vecteurs de Ritz réputés convergés du premier. En fonction de la stabilité des sous-espaces de Krylov [2] l’accélération résultante peut être très significative ; il est à noter que dans tous les cas l’augmentation ne peut pas dégrader les performances du solveur. Après la convergence du second système, l’espace de Krylov K̃ est, par construction, M̃ -orthogonal à C. On peut alors envisager au choix de faire une analyse de Ritz sur le sous-espace C ⊕ K̃ [13] pour obtenir une base optimisée de vecteurs de Ritz, ou bien de simplement calculer les meilleurs vecteurs de Ritz sur K̃ et les concaténer aux contraintes précédentes. Si on suppose que l’évolution de l’opérateur est peu prévisible, il n’y a pas de raisons de préférer un opérateur à un autre, aussi nous retenons le second choix qui peut cependant conduire à un accroissement trop rapide du nombre des contraintes, on propose alors d’y adjoindre un second critère basé sur l’activité des vecteurs de Ritz : si le second membre est pratiquement orthogonal à un vecteur de Ritz, celui-ci est n’est pas utilisé pour l’augmentation. 4 Validation
On propose de valider la stratégie introduite en s’intéressant à la résolution d’un ensemble de problèmes d’élasticité linéaire. On considère un carré encastré sur son coté gauche et soumis à un effort ponctuel au coin haut droit et on fait varier le coefficient de poisson du matériau entre 0.15 et 0.44 par pas de 0.01. Les performances de la stratégie en terme de gain en itérations (instantanné et moyenné sur le nombre de systèmes) sont résumés sur la figure 2 ainsi que la comparaison en terme de gain moyen avec l’approche sans sélection. Afin de valider la pertinence du processus de sélection de l’information, on s’intéresse à la taille de l’espace d’augmentation représenté sur la
Figure
2
– Nombre d’itérations (a) Performances de SRKS – (b) Comparaison avec TRKS hal-00437248, version 1 - 30 Nov 2009 figure 3. On constate que le choix d’une information pertinente permet de conserver un gain très important en nombre d’itérations et ce pour un espace d’augmentation de taille assez limitée. 45
Taille de C : SRKS Taille de C : TRKS 40 35 30 25 20 15 0 5 10 15 20 25 30
Figure 3 – Taille de l’espace d’augmentation – comparaison avec TRKS
L’analyse de convergence du gradient conjugué à l’aide du conditionnement est basée sur une hypothèse de répartition uniforme des valeurs propres dans le spectre qui n’est pas respectée dans la pratique et en particulier pour les systèmes préconditionnés. Une étude plus évoluée des mécanismes de convergence est possible et mène à une prise en compte du rôle des extrémités du spectre qui permet de définir des critères de choix de l’information plus pertinents que ceux présentés ici. Ces extensions sont en développement actuellement. Figure 4 – Spectre des opérateurs 5
Conclusion Dans ce papier, nous avons présenté une technique de réutilisation des sous-espaces de Krylov pour accélérer la résolution d’une séquence de systèmes linéaires. Elle est basée sur une technique d’augmentation par un sous-espace pertinent au sens de l’analyse de convergence de Ritz. Les résultats pratiques sont tout à fait satisfaisants mais dépendent fortement de la variation des sous-espaces stables des opérateurs considérés. Les travaux à venir concerneront l’appréciation de l’évolution de ces propriétés spectrales, avec des techniques de sélection a priori des bases de contrainte pertinentes, et la ré-optimisation des sous-espaces au cours des résolutions.
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L Institut Dumont alides L'Institut International de Coopération Intellectuelle et le Brésil (1924-1946) Le pari de la diplomatie culturelle Juliette Dumont CREDAL
Éditions de
l'IHEAL, collection « Chrysalides » IHEAL (Institut des Hautes Études de l'Amérique latine), Université Paris III – Sorbonne nouvelle • Directeur : Georges COUFFIGNAL CREDAL (Centre de Recherche et de Documentation sur l'Amérique latine), UMR 7169 (CNRS/Université Paris III – Sorbonne nouvelle) • Directrice : María Eugenia COSÍO ZAVALA IHEAL-CREDAL 28, rue Saint-Guillaume 75007 Paris Tél. : (33) (1) 44 39 86 60 Courriel : [email protected] • Responsable des éditions : Olivier COMPAGNON [email protected] • Assistantes d'édition : Vanessa CAPIEU et Joëlle CHASSIN • Directeur de la collection : Christian GROS, assisté de Sandrine REVET Diffusion La Documentation française 29, quai Voltaire 75344 Paris CEDEX 07 Tél. : (33) (1) 40 15 70 00 www.ladocumentationfrançaise.fr
graphique LA SOURIS, www .org
Photo de couverture Juliette Dumont 5 À Jean-Marc Delaunay, pour m'avoir encouragée et aidée à renouer avec la recherche. À Hugo Rogélio Suppo, pour son chaleureux accueil, ses précieux conseils et son enthousiasme communicatif. À Mahmoud Ghander et Jens Boel, archivistes à l'UNESCO, pour leur aide et leur attention bienveillantes. Aux archivistes de l'Arquivo Histórico de l'Itamaraty pour leur diligence, leur gentillesse et pour m'avoir crue brésilienne. À mes parents et à Benoît. Aux amis du Brésil. Chrysalides Sommaire Pré
face. 11 Introduction. 15 1 Les acteurs brésiliens de l'Institut.
35 CHAPITRE Le retrait du Brésil de la SDN : une question de « dignité nationale ».
35 Les acteurs institutionnels. 40 La Commission brésilienne de coopération intellectuelle. 40 Le ministère des Relations extérieures : évolution(s) du service de coopération intellectuelle. 46 Le délégué brésilien auprès de l'IICI. 51 Le Brésil dans le concert des nations : deux visions différentes. 55 Portrait de l'intellectuel brésilien en bâtisseur de l'identité nationale. 56 Élysée Montarroyos, diplomate, délégué auprès de l'IICI de 1925 à 1940. 60 Ildefonso Falcão, écrivain, chef du Service de coopération intellectuelle de l'Itamaraty. 66 Évaluations de l'action brésilienne au sein de l'IICI. 71 Chrysalides
7 L'Institut International de Coopération Intellectuelle et le Brésil (1924-1946) « Le Brésil, grand inconnu du monde moderne » : un discours récurrent. 71 « Ce que n'est pas encore mais doit être le Service de coopération intellectuelle ». 74 De la nécessaire adaptation de la propagande brésilienne au public visé. 76 2 Le Brésil, le contexte américain et l'IICI
:
« l'équidistance pragmatique
».
79 CHAPITRE Le Brésil et les États-Unis. 81 Le Brésil et l'Amérique latine. 83 8 Des relations ambivalentes
.
83 La rivalité avec l'Argentine. 86 Le Brésil, l'Amérique latine et les États-Unis : l'Union panaméricaine. 88 L'Institut et l'Union panaméricaine : des relations ambiguës. 91 La place des États-Unis, acteur à ménager. 91 L
'Institut
et
l'Union panaméricaine
,
entre rivalité et complémentarité. 93 Le B
résil
, trait
'union entre l'Institut international de coopération intellectuelle et l'Union panaméricaine?. 100 3 L'Amérique latine dans l'IICI et l'IICI en Amérique latine : une présence grandissante. 105
CHAPITRE
Présence de plus en plus importante des pays latino-américains au sein de la CICI. 108 Une motivation tardive. 108 Les modalités diverses d'une présence grandissante. 110 La Conférence générale des Commissions nationales de coopération intellectuelle de 1937 : l'heure latino-américaine. 116 L'Institut à l'origine d'un rapprochement des pays latino-américains?. 119 Une coopération renforcée?. 120 Vers une régionalisation de la coopération intellectuelle?. 125 L'Amérique latine, futur de l'IICI?. 134 La ratification de l'Acte international de coopération intellectuelle, enjeu d'avant-guerre. 135 L'IICI pendant la guerre. 137 1945-1946 : éphémère renaissance de l'Institut. 143
Conclusion
.
147 Sources. 157 Bibliographie. Chrysalides 11 L'Institut International de Coopération Intellectuelle et le Brésil (1924-1946) 12
tion de l'insertion internationale du sous-continent à celle de ses relations avec les États-Unis – pensées en termes d'impérialisme et de néo-colonialisme. Sitôt abordées sous l'angle culturel, les choses apparaissent pourtant infiniment plus complexes comme l'ont montré, notamment pour le cas du Brésil, de récents travaux4. C'est dans cette perspective d'une histoire des relations culturelles internationales que se situe la recherche de Juliette Dumont, prélude d'une thèse de doctorat en cours depuis septembre 2007. Consacré au rôle que joua le Brésil au sein de l'Institut International de Coopération Intellectuelle (IICI), l'ancêtre de l'Unesco né sous les auspices de la Société des Nations (SDN) au lendemain de la Grande Guerre, cet ouvrage constitue un apport essentiel à deux égards au moins. D'une part, il donne à voir avec précision des aspects méconnus de l'histoire de l'IICI sur laquelle peu d'études sérieuses s'étaient jusque-là arrêtées5. Dans le contexte particulier d'un entre-deux-guerres nourri d'utopies pacifistes et de rêves de paix perpétuelle, la coopération intellectuelle apparaît en effet comme l'un des moyens possibles pour prévenir les conflits, mais aussi pour intégrer au concert des nations certains espaces qui, à l'instar de l'Amérique latine, en étaient demeurés en marge depuis le Congrès de Vienne. D'autre part et surtout, ce livre décrypte les nouvelles stratégies internationales du Brésil qui, bien qu'ayant claqué la porte d'une SDN jugée trop européocentrée dès 1926, n'en fait pas moins le choix pionnier de la diplomatie culturelle pour cesser d'être le grand inconnu du monde moderne » et exister enfin sur la scène internationale. L'IICI apparaît alors comme l'un des lieux privilégiés pour la définition et le déploiement de cette nouvelle ambition : non seulement la coopération intellectuelle permet de réfracter en Europe l'image d'une 4.
Cf
.
notamment
Antônio Pedro Tota,
O
Imperialismo sedutor
.
A americanização do Brasil
na
época da Segunda Guerra, São Paulo, Companhia das Letras
, 2000.
5. À l'exception notable de la thèse de Jean-Jacques Renoliet, soutenue en 1995 à l'Université de Paris 1 et publiée sous le titre L'Unesco oubliée. La Société des Nations et
la coopération intellectuelle (191
9-1946), Paris,
Publications
de la Sorbonne, 1999. nation civilisée, mais elle sert également les ambitions hégémoniques du Brésil à l'échelle latino-américaine en lui conférant de nouvelles formes de légitimité. Cela étant posé, l'intérêt de la recherche de Juliette Dumont – fondée sur le dépouillement des archives de l'IICI à Paris et de celles du ministère des Relations extérieures brésilien à Rio de Janeiro – réside aussi dans le fait de replacer son objet dans un contexte plus général, autrement dit de ne pas sacraliser la place de l'IICI dans la politique extérieure d'Itamaraty. Ce serait en effet faire peu de cas des États-Unis vers lesquels le Brésil s'est tourné dès les premières années du XXe siècle, à l'époque où le baron Rio Branco dirigeait la diplomatie. Bien que n'étant pas membres de la SDN, ceux-ci n'en constituent pas moins un destinataire privilégié de la diplomatie culturelle, comme en témoigne le fait que le Brésil soit également partie prenante de l'Institut Interaméricain de Coopération Intellectuelle, organisation concurrente de l'IICI créée à l'initiative de Washington en 1928. Aussi le Brésil apparaît-il durant toute la période considérée comme une sorte de passerelle entre l'Europe et les Amériques, dans une sorte d'équidistance lui permettant de ne s'aliéner aucun partenaire à la différence notable de l'Argentine – dont le désir de leadership régional apparaît difficilement compatible avec l'hostilité systématique que Buenos Aires manifeste à l'égard des États-Unis. Aussi, si l'on considère avec Alain Rouquié que le Brésil est «l'un des rares États du sous-continent qui se sont dotés d'une véritable politique étrangère, et non simplement de relations extérieures protocolaires et normatives6 », le travail de ette Dumont éclaire utilement l'émergence de cette tradition diplomatique. Olivier Compagnon Maître de conférences en histoire, directeur de la recherche novembre 2008 6. Alain Rouquié, Le Brésil au 2006, p. 327. XXIe siècle. Naissance d'un nouveau grand, Paris, Fayard, Chrysalides 13 Introduction
« Un des aspects fondamentaux de la construction d'une nation réside dans la définition de la place qu'elle prétend occuper sur la scène internationale. » Alex Fortes1 « La puissance militaire ou économique d'une nation tend à intimider, la culture, elle, séduit. » Edgard Telles Ribeiro2 Georges Dumas, universitaire et artisan de la politique culturelle française de l'entre-deux-guerres à destination de l'Amérique latine, et du Brésil en particulier, disait de ce pays : c'est « un bon pays que j'aime bien ». Sympathique, exotique, exubérant, chaleureux autant d'adjectifs qui résument l'image du Brésil en France, et sans doute ailleurs. Sympathique et « pas sérieux », selon les mots du général De Gaulle. Comment dès lors imaginer que le Brésil veuille occuper une place de choix dans les relations internationales? C'est pour1. Alex Fortes,
préface à Paulo Fagundes Vizentini, Relações internacionais do Brasil : de Vargas a Lula, S
ão
Paulo, Ed. Fundação Perseu Abramo, 2003, p. 3. 2. Edgard Telles Ribeiro, Diplomacia cultural : seu papel na política exterior brasileira, 1989, p. 26. Chrysalides 15 L'Institut International de Coopération Intellectuelle et le Brésil (1924-1946) 16
tant bien son ambition : le président Lula ne ménage pas ses efforts en ce sens, et son pays commence à recueillir les fruits d'une politique extérieure volontariste. Le désir brésilien de jouer un rôle de premier plan, en dépit de son passé d'ex-colonie, de puissance subalterne, ne date cependant pas de l'élection de Lula ; beaucoup plus ancienne, elle remonte au début des années 1920. Cette affirmation peut sembler paradoxale : la période de l'entredeux-guerres est plutôt dominée par la scène européenne, et correspond pour le Brésil à un moment où, se détachant de la forte influence européenne – anglaise et française notamment –, il rejoint l'orbite des États-Unis, dont le statut de puissance s'affirme avec force à l'issue de la Première Guerre mondiale. C'est pourtant une réalité, et l'objet de ce travail. Il n'est pas question de faire l'histoire du Brésil dans les relations internationales de l'entre-deux-guerres. C'est à un aspect particulier des relations internationales et de la politique extérieure brésilienne que nous nous intéresserons ici, à savoir leur dimension culturelle. Il s'agit de montrer comment la culture et la coopération intellectuelle ont été utilisées comme « arme diplomatique » dans les relations internationales après la Première Guerre mondiale, notamment par le Brésil, dans un cadre particulier qui est celui de l'Institut International de Coopération Intellectuelle (IICI), organisme dépendant de la Société des Nations, ancêtre de l'UNESCO. Une telle perspective requiert plusieurs précisions conceptuelles. Longtemps à la marge de l'historiographie, l'étude des relations internationales sous l'angle de la culture est devenue incontournable. En France le colloque organisé par Pierre Milza sur le thème « Culture et Relations internationales », dont les contributions avaient nourri les n° 24 et 25 de la revue Relations internationales, était pionnier en la matière, même si d'autres études existaient déjà sur le sujet. À cette occasion, Pierre Milza avait donné une définition de ce que l'on peut entendre par le terme « culture » : « La culture, comprise dans son sens le plus large, à savoir la production, la diffusion et la consommation des objets symboliques créés par une société, constitue en premier lieu un agent ou un facteur des relations internationales dans la mesure où elle façonne les mentalités et oriente le sentiment public. ment sur la politique étrangère5. » C'est là qu'intervient la distinction opérée par J. M. Mitchell dans son ouvrage International Cultural Relations6 entre « relations culturelles » et « diplomatie culturelle ». Les relations culturelles sont, d'après cet auteur, « conduites à l'initiative d'institutions aussi bien publiques que privées », leur but n'est pas « la recherche d'un intérêt unilatéral », mais celle de la « compréhension et de la coopération entre différentes sociétés nationales dans une optique de profit mutuel ». La diplomatie culturelle, elle, a une « portée plus restreinte car elle est essentiellement l'affaire de gouvernements » ; elle présente deux niveaux d'action : celui qui a trait aux « accords, qu'ils soient bilatéraux ou multilatéraux, qui sont passés entre des gouvernements pour permettre, faciliter ou inciter des échanges culturels », et celui, plus ténu, moins évident, qui a pour but d'« impressionner, de présenter une image favorable, de sorte que les opérations diplomatiques dans leur ensemble soient facilitées ». Diplomatie culturelle et relations culturelles internationales sont intrinsèquement liées, même s'il faut opérer une distinction entre les deux. Nous suivons en cela Edgard Telles Ribeiro quand il affirme que « les relations culturelles internationales ont pour objectif le développement, sur le temps long, d'une plus grande compréhension et approximation entre les peuples et les institutions dans une perspective de profit mutuel », et que « la diplomatie culturelle serait alors [] l'utilisation spécifique de ces relations culturelles pour la réalisation d'objectifs non seulement culturels mais aussi politiques, commerciaux ou économiques7 ». Il ajoute : « Bien que quasiment intangible au niveau des résultats immédiats, la diplomatie culturelle toujours enracinée dans des considérations et des priorités assez concrètes
.
»
5. Carl Doka, Les Relations
culturelles sur le
plan
international
,
Neufchâtel
-Suisse, Éd. de La Baconnière, 1959, p. 14. 6. J.M. Mitchell, International Cultural Relations, Londres, Allen & Unwin/British Council, 1986. 7. Edgard Telles Ribeiro, op. cit., p. 23. Dans ce travail, c'est surtout la diplomatie culturelle brésilienne, c'est-à-dire les stratégies et les outils mis en place par le ministère brésilien des Relations extérieures, ainsi que l'action de ses fonctionnaires, qui retiendra notre attention. Ce qui relève des relations culturelles internationales n'est cependant pas écarté. La politique culturelle brésilienne s'appuie, comme les autres, sur les relations culturelles internationales et les liens spontanément créés. Cela est d'autant plus vrai que l'IICI est au départ un instrument destiné à renforcer ces liens et à favoriser ces relations, mais qu'il a été instrumentalisé, par le Brésil – mais pas seulement par lui –, qui poursuit des objectifs « culturels mais aussi politiques, commerciaux ou économiques ». Quelles que soient la définition donnée, les distinctions opérées, l'origine ou l'époque des auteurs considérés, on remarque qu'il est toujours question d'agir sur des systèmes de représentations. Robert Frank développe cette perspective dans un article intitulé « Images et imaginaires dans les relations internationales depuis 19388 ». L'auteur y rappelle la pertinence du concept, désormais classique dans l'étude des relations culturelles internationales, de « forces profondes », développé par Pierre Renouvin. Il revient sur le poids de l'image de soi à l'étranger et de l'image de l'autre chez soi, sur l'importance de la psychologie collective, des mythes et des stéréotypes dans les phénomènes d'opinion face au monde extérieur. Pour Robert Frank la question est de savoir « comment ces images, idéelles ou figurées [], agissent sur l'événement », « comment elles induisent l'action ». L'auteur, se référant aux travaux de Jean-Jacques Becker, répond d'abord en opérant une restriction : « L'opinion publique est rarement cause de décision en politique étrangère, même si une politique étrangère ne peut se faire sans
8. Robert Frank, « Images et imaginaires dans les relations internationales depuis 1938 », in Robert Frank, avec la collaboration de Maryvonne Le Puloch, Cahiers de l'IHTP, n° 28, juin 1994, p. 5-11. Chrys
a
lides
19 L'Institut International de Coopération Intellectuelle et le Brésil (1924-1946) opinion publique. Si, au contraire, on choisit comme référentiel plus large celui du système de représentations, le lien de causalité devient plus évident, ne serait-ce que parce que les décideurs sont eux-mêmes conditionnés par l'imaginaire collectif. » 20 C'est à l'aune de ce constat que ce travail privilégiera la vision que les acteurs de la diplomatie culturelle brésilienne ont de leur mission : quelle image souhaitent-ils donner de leur pays? Quelle image ont-ils des destinataires de leur discours et de leur stratégie? L'image de soi, l'image de l'Autre, est donc le pivot autour duquel s'articuleront nos analyses ; cette image dont Robert Frank rappelle les multiples fonctions : « réduire et simplifier pour faciliter la communication » ; « forger des mythes pour construire des identités » ; « légitimer des causes et des actions » ; « exorciser des peurs et des fantasmes ». Il a jusqu'ici été question de l'historiographie européenne et nord-américaine des relations culturelles internationales ; le grand absent est l'objet même de la présente étude, le Brésil. Dans son ouvrage Diplomacia cultural : seu papel na política exterior brasileira9, Edgard Telles Ribeiro met en avant la pauvreté de la bibliographie brésilienne lorsqu'il s'agit de la relation entre diplomatie et culture. Amado Cervo remarque que les chercheurs brésiliens n'ont jamais conféré à l'« élément psychosocial ou culturel » l'importance nécessaire. Ceux-ci privilégient toujours des approches plus classiques concernant un pays du « tiers-monde », telles que « les relations existant entre la politique internationale et la domination », ou entre « la politique internationale et les différentes étapes du développement10 ».
L'étude
des frontières, la politique extérieure de la Vieille République, le rôle des élites et du Parlement
,
les relations
économiques
avec
l'extérieur ou la dimension internationale de
la ques9. Edgard Telles Ribeiro, op. cit. 10. Hugo Rogelio Suppo, Mônica Leite Lessa, article cité, p. 156. tion amazonienne tels furent les principaux thèmes des recherches sur le Brésil dans les relations internationales. À la fin des années 1980, l'ouvrage d'Edgard Telles Ribeiro, et avant lui, un article de Mônica Herz intitulé « A dimensão cultural das relações internacionais : proposta téorica-metodológica11 », amorcent le mouvement vers une plus grande prise en compte de la dimension culturelle. On peut citer notamment Tio Sam chega ao Brasil. A penetração cultural americana, de Gerson Moura, paru en 1993, ou le mémoire de Mônica Herz sur l'action de la Fondation Ford au Brésil12. Dans les deux cas, le Brésil est l'objet d'une politique culturelle. Le travail d'Edgard Telles Ribeiro, qui date de 1989, représente donc un renversement des perspectives, mais, comme les prédécesseurs de Pierre Milza, c'est lui-même un acteur de la politique extérieure brésilienne. En outre, son ouvrage est plus un plaidoyer pour que soit accru le rôle de la diplomatie culturelle brésilienne qu'un véritable travail de recherche. L'article de Mônica Leite Lessa, « A política cultural brasileira e a Sociedade das Nações », publié en 2002, constitue dès lors un premier jalon dans l'élaboration de ce champ d'investigation historique. Notre travail peut être vu comme le développement et l'amplification des pistes données par Mônica Leite Lessa dans cet article. Avant de s'intéresser au contexte brésilien, il faut restituer le cadre qui voit la culture devenir un outil de politique étrangère. Alain Lombard, qui étudie plus spécifiquement la politique culturelle française, revient sur la genèse de ce mouvement : « Historiquement, l'intervention des États dans les relations culturelles internationales à des fins d'influence s'est particulièrement développée [] pendant des périodes de forte compéti- 11. Mônica Herz, « A dimensão cultural das relações internacionais : proposta
óricometodológica », in Contexto internacional, n° 6, Julho/Dezembro 1987, p. 61-76. 12. Mônica Herz, Política cultural externa e atores transnacionais. O caso da Fundação Ford no Brasil, Defensa de Maestría presentada en IUPERJ, Rio de Janeiro, 1989. 22 La liaison qui s'est établie entre les notions de politique et de culture est un phénomène nouveau, même s'« il est vrai que, sans que le mot fût prononcé, la politique culturelle avait été connue et pratiquée de tout temps. La volonté consciemment ordonnatrice et orientée vers un but – la politique, autrement dit – s'est toujours attachée à organiser la vie culturelle en vue de certains objectifs bien définis14 ». La période de l'entre-deux-guerres marque, pour les relations internationales, de profondes transformations, décisives du point de vue de la diplomatie culturelle. D'une part parce que les gouvernements, conscients des possibilités offertes par les organes chargés de la propagande, décident souvent de les conserver une fois le conflit terminé, même s'il est nécessaire de les adapter au temps de paix. D'autre part, l'application des principes wilsoniens introduit une nouvelle donne par la proclamation, au moins formelle, d'une « diplomatie ouverte », caractérisée par la création d'organes supranationaux et par le rôle donné à l'opinion publique internationale ; une nouvelle diplomatie qui, « au lieu de ne tenir compte que des cours et des gouvernements étrangers, devra suivre avec la plus grande attention tous les mouvements de l'opinion publique et découvrir tous les grands courants de l'instinct populaire et du sentiment national15 ». Cela entraîne la réorganisation des organismes centraux chargés de la politique extérieure : les services de propagande
13. Alain Lombard, Politique culturelle internationale. Le modèle français face à la mondialisation, Paris, Babel/Maison des cultures du monde, 2003, p. 44. 14. Carl Doka, op. cit., p. 9. 15. Maurice Vaïsse, cité par Denis Rolland, Gonzalez Calleja et al., L'Espagne, la France et l'Amérique latine. Politiques culturelles, propagandes et relations internationales, XX siècle : hommage à Andrée Bachoud, España, Francia y América latina : políticas culturales, propagandas y relaciones internacionales, siglo XX, Paris, L'Harmattan, 2001, p. 26. politique à l'étranger sont transformés en services d'information et d'expansion culturelle. La guerre avait montré que la propagande ouvertement politique provoquait des réactions de défiance, alors que les efforts menés dans le domaine culturel permettaient de créer des courants de sympathie durables ainsi qu'un sentiment de solidarité basé sur la parenté intellectuelle. La « propagande intellectuelle16 » était ainsi entendue par la France comme l'exportation d'une culture d'élite, destinée à un public cultivé dont le but est d'améliorer l'image du pays et de capter la sympathie des classes dirigeantes. « Avant les guerres mondiales de notre siècle, la culture n'était point mise à profit comme un élément constitutif de la politique étrangère de l'État, comme une matière pouvant faire l'objet de conventions, d'accords et d'organisations internationales. [] Ce n'est point un hasard si, en des temps où ils étaient impliqués dans les guerres et en subissaient les lourdes conséquences, où leur prestige dans le monde et sur le terrain de la puissance nationale commençait à chanceler, les pays d'Europe éprouvèrent le besoin de répandre leur culture à l'étranger17. » C'est en effet l'Europe, en particulier la France, qui développa le rôle de la culture dans l'élaboration d'une politique étrangère. La France apparaît pionnière en la matière : tous les 16. Il convient ici de revenir sur le terme « propagande ». De fait, depuis le Troisième Reich le mot « propagande » est associé à une arme qui doit servir à influencer les peuples étrangers jusqu'au nivellement et à la sujétion ; comme l'écrit Carl Doka, dans un contexte totalitaire la propagande « fait du cerveau sa chose qu'elle manoeuvre à son gré » (Carl Doka,
. cit., p. 21).
Dans la mesure où il n'y a pas abus de moyens légitimes pour des buts contestables, la propagande se transforme en une action d'influence. Si le terme est fréquemment employé par les acteurs brésiliens de notre étude, on remarque qu'il l'est beaucoup moins du côté européen, et en particulier français ; on lui préfère les expressions « expansion culturelle », « politique d'information », « rayonnement culturel » Nous emploierons le plus souvent celles de politique culturelle ou de diplomatie culturelle, mais, parce qu'il fait partie du vocabulaire utilisé dans les sources brésiliennes, le mot propagande ne sera pas absent de ce travail.
17. Carl Doka, op. cit., p. 42. Chrysalides 23
L'Institut International de Coopération Intellectuelle et le Brésil (1924-1946) 24 ouvrages sur les relations culturelles internationales insistent sur cette primauté, et de nombreuses études ont été menées pour analyser la politique culturelle française. On citera notamment la thèse d'Hugo Rogélio Suppo sur la politique culturelle française au Brésil des années 1920 aux années 195018, et l'ouvrage de Gilles Matthieu, Une ambition sud-américaine. Politique culturelle de la France (1914-1940)19. Ce qui nous intéresse ici, c'est le renversement de perspective qui fait du Brésil non plus l'objet mais le sujet d'une diplomatie culturelle. Le choix de l'Institut, organisme créé à l'instigation de la France pour renforcer son influence dans le monde nous a, à ce titre, paru doublement pertinent. L'insertion du Brésil dans les relations internationales se fait donc au moment où celles-ci connaissent une reconfiguration majeure, mais aussi dans un contexte national profondément perturbé, où se mêlent difficultés économiques, disputes politiques et dissensions internes. Les années 1920 sont marquées par la montée en puissance des contestations de ce que Bartolomé Bennassar et Richard Marin ont nommé la « République des fazendeiros20 ». Ces contestations aboutissent à la « Révolution » de 1930 qui porte Getúlio Vargas au pouvoir. C'est également une période où les questions sociales prennent de plus en plus d'importance, où un mouvement ouvrier prend forme et aboutit à la création du Parti communiste brésilien. Enfin, on assiste à une croissante intervention de l'armée dans la vie politique brésilienne. Quant à la politique extérieure brésilienne de ces années 192021, Eugênio Vargas Garcia en rappelle les grands traits dans son ouvrage O Brasil e a Liga das Nações (1919-1926) : aligne18. Hugo Rogélio Suppo,
. cit. 19. Gilles Matthieu, Une ambition sud-américaine. Politique culturelle de la France (1914-1940), Paris, L'Harmattan, 1991. 20. Bartolomé Bennassar, Richard Marin, Histoire du Brésil, 1500-2000, Paris, Fayard, 2000, p. 277. 21. Eugênio Vargas Garcia, O Brasil e a Liga das Nações (1919-1926), Porto Alegre, Editora da Universidade, 2000, p. 50. ment sur les États-Unis et tentative d'établir avec eux une relation spéciale ; recherche d'une reconnaissance internationale ; utilisation de la diplomatie multilatérale comme instrument pour affirmer le prestige du pays sur la scène internationale ; continuité du modèle économique de valorisation du café et de stimulation à l'exportation ; et résistance aux propositions de désarmement, thème récurrent dans l'agenda mondial de ces années 1920. Cette résistance s'expliquant par un sentiment de vulnérabilité du Brésil dû à son isolement diplomatique au sein de l'Amérique du Sud. Cette donnée est essentielle pour comprendre l'empressement du Brésil à participer aux travaux de la SDN, puis, suite à son retrait de l'organisation, à ceux de l'IICI. La révolution de 1930 n'altère pas en profondeur ces grandes orientations ; dans son article « A Revolução de 1930 e a política exterior brasileira : ruptura ou continuidade?22 », Gerson Moura préfère parler de « redéfinition ». Le gouvernement provisoire de 1930 a été très vite reconnu à l'extérieur ; il a en effet rempli tous ses engagements internationaux. Par ailleurs, la nomination comme ministre des Relations extérieures d'Afrânio de Melo Franco, diplomate chevronné qui reste en poste jusqu'en 1933, marque cette continuité. Le seul changement réside dans la place croissante occupée par les relations commerciales. Comme l'écrit Paulo Fagundes Vizentini, « il revient à Vargas et aux gouvernements populistes des années 50 [] d'avoir établi un lien stratégique entre la politique extérieure et les nécessités du processus de développement, phénomène qu'Amado Cervo a nommé "politique extérieure pour le développement23" ». Si l'on suit les analyses de Gerson Moura, c'est un « État de compromis » qui se met en place
avec Getúlio Vargas. Compromis entre les anciens acteurs politiques, les oligarchies régiona22. Gerson Moura, « A Revolução de 1930 e a política exterior brasileira : ruptura ou continuidade? », in A Revolução de 1930, Seminário internacional, Ed. Universidade de Brasilia, 1983, p. 573-596. 23. Paulo Fagundes Vizentini, op. cit., p. 11. Chrysalides 25
L'Institut International de Coopération Intellectuelle et le Brésil (1924-1946) les qui dominaient la République des Fazendeiros, comme les nouveaux, les groupes d'intérêt liés à l'industrialisation et les bénéficiaires de l'urbanisation et de la croissance de l'État. Compromis également entre les deux pôles de la politique extérieure brésilienne : l'Amérique et l'Europe. Ces deux pôles font euxmêmes l'objet d'une subdivision : l'Amérique compte d'un côté les États-Unis, de l'autre le reste de l'Amérique latine ; l'Europe se divisant quant à elle, à partir de 1933, entre le camp des démocraties et celui de l'Allemagne nazie et de l'Italie fasciste. En résumé, « le gouvernement Vargas explorait les possibilités offertes par chacun des centres, sans s'aligner sur aucun d'eux ». Gerson Moura ajoute : « Il ne s'agissait pas d'une trajectoire rectiligne, mais bien plus d'un mouvement d'approximations alternées ou simultanées vers l'un ou l'autre centre, mouvement qui avait comme résultat quelques gains significatifs sur le plan du commerce extérieur et une augmentation considérable du pouvoir de négociation24 du gouvernement brésilien [] ». 26 Il faut avoir à l'esprit, ainsi que le conseille Paulo Roberto de Almeida, que les relations internationales ont une « structure hiérarchique, dans laquelle sont confrontées des nations toujours inégales en termes de ressources et de pouvoir25 ». De fait, cette perspective asymétrique est « essentielle pour étudier les relations internationales d'un pays souvent caractérisé comme dépendant ou périphérique ». L'« ère nationale », ouverte par la Révolution de 1930 et confirmée par la proclamation de l'Estado Novo en 1937, introduit, selon Paulo Roberto de Almeida, un « changement de 24. C'est en jouant sur la concurrence entre les États-Unis et l'Allemagne que Getúlio Vargas obtient des premiers qu'ils financent le complexe sidérurgique de Volta Redonda, dans l'État de Rio de Janeiro.
25. Paulo Roberto Almeida de, Relações internacionais e política exterior do Brasil : história e sociologia da diplomacia brasileira, Porto Alegre, Ed. da UFRGS, 2004, p. 23. paradigme ». Si, comme l'avait affirmé Gerson Moura, il n'y a pas de rupture brutale en 1930, on observe néanmoins le passage d'une « posture plus ou moins passive en relation au système international » à une tentative d'insertion active dans les cadres de l'ordre mondial en construction. Une des voies de cette insertion est l'IICI, dont il nous faut maintenant retracer brièvement la genèse et expliquer le fonctionnement. « [] Plus on tend aujourd'hui à amplifier l'importance de l'oeuvre de l'UNESCO et à lui accorder la plus grande confiance possible, plus on a tendance à ignorer l'existence et l'oeuvre de l'organisation qui l'a précédée : l'Organisation de Coopération Intellectuelle. Certains affirment même que l'UNESCO est une organisation complètement nouvelle26. [] » Jean-Jacques Renoliet, auteur du seul ouvrage d'importance consacré à l'Institut, ne dit pas autre chose lorsqu'il l'intitule L'UNESCO oubliée 27. Bien que le Pacte de la SDN n'ait pas prévu la création d'un organisme technique chargé de la coopération intellectuelle, la Commission Internationale de Coopération Intellectuelle (CICI) est créée par la SDN en 1921, et se réunit pour la première fois à Genève en août 1922. Ses débuts modestes sont marqués par l'influence de la France, et la méfiance, en retour, de la GrandeBretagne. Proposé par la France en 1924 pour conforter son influence et pour permettre à la CICI de poursuivre ses travaux, l'Institut International de Coopération Intellectuelle (IICI) est inauguré à Paris en 1926. La CICI fonctionne d'abord, conformément à la résolution de l'assemblée de la SDN, comme une commission consultative à caractère provisoire. La fondation par le gouvernement fran26.
Pham Thi
-Tu
, La Coopération
intellectuelle sous la SDN, Genève, Droz, 1962, avantpropos. 27. Jean-Jacques Renoliet, L'UNESCO oubliée. La Société des Nations et la Coopération intellectuelle (1919-1946), Paris, Publications de la Sorbonne, 1999. Chrysalides 27
L'Institut International de Coopération Intellectuelle et le Brésil (1924-1946) çais de l'IICI offre à la Commission un organe exécutif efficace et rend son existence moins précaire. Enfin, suite aux recommandations de la CICI, des commissions nationales de coopération intellectuelle se sont constituées dans la plupart des pays pour servir d'intermédiaires entre les organes de la vie intellectuelle de chaque État et la Commission. Ce n'est qu'en 1931 que cette nouvelle branche d'activité reçut sa constitution définitive. En effet, c'est à ce moment qu'est reconnue l'existence de « l'Organisation de coopération intellectuelle [OCI] comprenant : la CICI, organe consultatif de la SDN28, les commissions et comités qui en relèvent, l'IICI, son organe exécutif, et l'IICE [Institut International du cinéma éducatif ], instituts mis à la disposition de la SDN dans les conditions établies par leurs statuts respectifs, les commissions nationales de coopération intellectuelle dont les représentants peuvent être appelés à se réunir occasionnellement en conférence sur l'initiative de la CICI []29 ». 28 Cette Assemblée de la SDN est aussi l'occasion de proposer une définition de la coopération intellectuelle : « [Elle] a pour objet la collaboration internationale afin d'assurer le progrès de la civilisation générale et les connaissances humaines, notamment le développement et la diffusion des sciences, des lettres et des arts. Elle a pour but de créer un état d'esprit favorable à la solution pacifique des problèmes internationaux. Son cadre est celui de la SDN 30 ». La proposition française de créer l'Institut se situe dans un contexte politique particulier – celui de l'arrivée au pouvoir du 28. « La CICI est l'organe supérieur de la Coopération intellectuelle, dont elle dirige le travail et contrôle l'activité. [] Ses membres sont élus par le Conseil de la SDN ». Cité par Mayoux Jean-Jacques (dir.), L'Institut international de coopération intellectuelle, 19251946, Paris, IICI, 1947, p. 53. 29. Cité par Pham Thi-Tu, op. cit., p. 76. 30. Cité par Jean-Jacques Mayoux (dir.), op. cit., p. 45. Cartel des gauches – et représente une rupture dans l'attitude française envers la SDN et la CICI. Alors qu'Aristide Briand et le Quai d'Orsay étaient réticents à engager la France dans une politique de coopération intellectuelle jugée trop internationaliste, le nouveau gouvernement « [] qui sait que la France a besoin d'une forte influence morale dans le monde et qui recherche légitimement à accroître cette influence, a renoncé de rechercher la poursuite de cet avantage dans une forte organisation de propagande : il croit qu'il se la procurera beaucoup plus aisément, en collaborant loyalement à l'établissement d'une solide entente entre les peuples et en prenant, toutes les fois qu'il en aura l'occasion, l'initiative des moyens de réaliser cette entente. Tel est l'avantage moral que le Gouvernement français a cherché, en offrant la création de l'IICI 31 ». Le but poursuivi est d'imprimer un autre visage à la diplomatie française, loin de celui, militariste et impérialiste, donné par l'occupation de la Ruhr en 192332. Il s'agit d'attirer à Paris une bonne partie des activités de la CICI : la capitale française, et avec elle le reste du pays, en retirerait un prestige moral incontestable33. D'autant que le gouvernement français mettrait gracieusement un local à la disposition du nouvel organisme, et subviendrait à la quasi-totalité de ses dépenses. On est bien dans le cadre de la diplomatie culturelle, mais dans une formulation inédite, comme le montre Carl Doka : 31. Note de Luchaire, haut fonctionnaire du ministère de l'Instruction publique à l'origine du projet d'Institut, citée par Jean-Jacques Renoliet, op. cit., p. 45. 32. Jean-Jacques Renoliet, op. cit., p. 46 : « la France troque sa panoplie militaire et financière contre son habit culturel, confirmant ainsi que la culture est devenue une des armes de sa diplomatie ». 33. « Pour garder la place à laquelle nous croyons avoir droit, nous devons moins chercher à imposer directement notre influence qu'à prendre l'initiative et le mérite d'une grande oeuvre d'organisation intellectuelle internationale ». Luchaire, cité par Renoliet Jean-Jacques, op. cit., p. 58. Chrysalides 29 L'Institut International de Coopération Intellectuelle et le Brésil (1924-1946)
« Dans l'histoire de cette "politique étrangère culturelle" – où allaient de pair la propagande culturelle des États, une authentique internationalisation de la vie scientifique et culturelle et, par voie de conséquence, une connaissance plus largement diffusée de la culture des différents peuples – ce fut un instant mémorable que celui où l'Institut international de coopération intellectuelle ouvrit ses portes à Paris, au mois de janvier 1926. [] L'événement était important surtout parce que c'était la première fois que l'on tentait, en s'appuyant sur une organisation d'États – la SDN – de régler et coordonner la collaboration internationale dans les différents domaines des sciences naturelles, philosophiques, psychologiques et sociales, ainsi que de la littérature, du théâtre, de la muséographie, etc.34 » 30 Si le projet suscite la méfiance de certains pays, dont l'Angleterre, il est accepté par l'Assemblée de la SDN lors de sa session de septembre 1924. L'Accord qui établit la création de l'Institut lui laisse une grande autonomie : mis à la disposition de la SDN, il n'en fait pas formellement partie ; il fonctionne simplement sous ses auspices. C'est ce que met en évidence Pham Thi-Thu lorsqu'il écrit : « Les deux institutions étaient liées par d'étroites relations, mais il est indéniable que l'IICI pouvait subsister sans l'aide de la SDN, tout en gardant son caractère international. La SDN n'était pas une condition sine qua non de son existence et de son bon fonctionnement, parce que la Société n'exerçait qu'un droit de contrôle et de gestion sur son travail35. » Ce qui explique sans doute que des États non-membres de la SDN comme le Brésil après 1926 ent, qu'ils subventionnent même l'oeuvre de l'Institut. 34. Carl Doka, op. cit., p. 11. 35. Pham Thi-Thu, op. cit., p. 88. Lors de la Ve session de la CICI à Paris en mai 1925, le plan de fonctionnement de l'IICI est mis en place36 et la France obtient que le président du conseil d'administration soit toujours français. « Ce ne furent pas les tâches qui manquèrent à cet institut [], elles correspondaient à ce moment particulier de l'évolution culturelle où plus personne ne peut demeurer isolé, où le monde se rétrécit et où le rapprochement est nécessaire. Étant donné la nature même de la SDN et des attributions de l'Institut international de coopération intellectuelle, il était tout naturel que les petites nations fussent représentées aux côtés des grandes, soit dans les organes directeurs ou consultatifs, soit dans les cadres du personnel de la nouvelle institution ; la hiérarchie ne découlait plus ici de la politique mais du patrimoine culturel et de l'activité culturelle et scientifique dont les différents pays pouvaient se prévaloir37. » D'où la difficulté, pour un pays comme le Brésil, de jouer un rôle de premier plan dans une organisation comme celle-ci. C'est pourtant ce qu'il va tenter de faire, pour asseoir sa place sur la scène internationale. De fait, si la hiérarchie, à l'intérieur de l'Institut, ne découle pas de la politique, les motivations des États qui y prennent part en dépendent clairement. Les bornes chronologiques de notre étude seront celles de l'Institut, officiellement créé en 1924 et fermé en décembre 1946. 36. En ce qui concerne les structures, l'Institut étant le prolongement naturel de la CICI, leur organisation doit être parallèle. L'Institut doit comporter six sections et des services : les sections sont conçues comme des divisions stables (relations universitaires, bibliographie et relations scientifiques, affaires générales, relations littéraires et artistiques, information) dirigées par des fonctionnaires permanents ; les services sont consacrés à des objets plus restreints, sont conçus comme temporaires et donc confiés à des experts engagés à temps partiel. 37.
Carl
Doka, op. cit.,
p
.
11-12
. Chrysalides 31 L'Institut International de Coopération Intellectuelle et le Brésil (1924-1946) 32
La France, pionnière en matière de diplomatie culturelle, tout comme les autres grandes puissances, n'en a donc pas gardé longtemps le monopole. Un pays comme le Brésil, secondaire sur l'échiquier international de l'entre-deux-guerres, développe dès les années 1920 une politique culturelle au service de sa politique extérieure, et ce par l'intermédiaire de l'Institut international de coopération intellectuelle. Ce choix confirme les analyses de Gerson Moura quand il parle de pragmatisme, et plus particulièrement, d'« équidistance pragmatique ». Si c'est la Seconde Guerre mondiale qui constitue l'objet d'étude de cet auteur, il nous semble que le concept d'« équidistance pragmatique » peut également, et avec profit, s'appliquer à l'entre-deux-guerres. De fait, en choisissant d'agir au sein de cet Institut, tout en étant partie prenante de l'Union panaméricaine, le Brésil se place au centre d'un triangle dont les trois extrémités sont l'Europe, les États-Unis et le reste de l'Amérique latine, se rapprochant parfois plus particulièrement d'un de ces trois pôles, mais sans jamais rompre cet équilibre. On peut resituer la dynamique brésilienne dans une perspective plus large, résumée par Pierre Milza : « Face à l'action conquérante des puissances dominantes, de quels moyens les pays dominés disposent-ils pour préserver leur identité culturelle?38 » L'exemple du Brésil, et plus globalement de l'Amérique latine, lui semble particulièrement pertinent car il «nous montre comment, dans une situation de forte dépendance à l'égard des grandes puissances du moment, les États latino-américains, ou plus précisément les bourgeoisies créoles qui les dirigent, fondent leur identité culturelle sur les concepts de latinité et de pan-latinisme et jouent dans cette perspective les impérialismes faibles que sont, dans cette région du monde, ceux de l'Italie et de la France contre les impérialismes forts et en particulier contre celui, tout proche, du grand voisin nord-américain».
38. Pierre Milza, article cité. C'est en l'occurrence l'IICI que l'Amérique latine dans son ensemble, et plus particulièrement le Brésil, utilise pour créer un équilibre où les États-Unis ne seraient pas hégémoniques. Le cas brésilien est spécifique dans la mesure où il apparaît souvent à la marge du mouvement panaméricain : ses relations ambivalentes avec les États-Unis tout comme son attachement à l'Institut – et à travers ce dernier, son attachement à l'Europe – sont en grande partie dus à son isolement diplomatique au sein du continent sud-américain. C'est pourquoi nous nous attarderons souvent sur ce contexte américain, si complexe et si riche. La dimension culturelle, le « soft power », semble ainsi, finalement, aller de soi dans la politique extérieure mise en oeuvre par le Brésil pendant l'entre-deux-guerres. Ce travail s'attachera à voir comment une puissance secondaire comme le Brésil utilise un organisme culturel international pour exister sur la scène mondiale, et pour poursuivre son objectif de développement économique ; comment il concurrence les grandes puissances sur un terrain où le Nouveau Monde n'est pas toujours pris au sérieux, notamment par la Vieille Europe. Pour ce faire, nous nous sommes attachés tout d'abord à identifier les acteurs institutionnels de cette diplomatie culturelle en lien avec l'Institut, en mettant en valeur les hommes et leurs motivations. Autant qu'une mise au point technique, il s'agit de cerner les desseins de ces acteurs et de rendre compte du système de représentation qui était celui des hommes impliqués dans cette politique. Ce système de représentation s'inscrit, nous l'avons vu, dans un cadre particulier où le Brésil joue une partition complexe, tentant de ménager tout à la fois les États-Unis, l'Europe et le de l'Amérique latine. L'Institut représenterait alors un trait d'union entre les différents pôles autour desquels s'articule la politique extérieure brésilienne. Enfin, nous avons élargi notre étude à l'ensemble des pays latino-américains, dans la mesure où ils sont de plus en plus présents dans l'Organisation de coopération intellectuelle, pour les mêmes raisons que le Brésil. Nous Chrysalides 33 L'Institut International de Coopération Intellectuelle et le Brésil (1924-1946) 34 continuerons cependant à privilégier le rôle et le point de vue de ce pays. Pour mener à bien ce travail, nous avons utilisé les archives de l'IICI, conservées à l'UNESCO. Jusqu'à présent, cette organisation n'a été étudiée, comme nous l'avons fait remarquer, que par Jean-Jacques Renoliet, dont la thèse retrace l'histoire et le fonctionnement de l'Institut. Chrysalides CHAPITRE 1 Les acteurs brésiliens de l'Institut 35
« L'important pour une Nation comme la nôtre, c'est d'être vue, de participer, de mettre en lumière son haut degré de culture. » Joaquim Nabuco1 Le retrait du Brésil de la SDN : une question de « dignité nationale » En 1926, suite à une Assemblée extraordinaire de la SDN, le Brésil quitte avec fracas l'organisation genevoise, alors qu'il en avait été un membre actif depuis sa création. Seul pays d'Amérique latine à avoir participé au conflit (il entre en guerre contre l'Allemagne en octobre 1917) le Brésil est en effet présent à la Conférence de Paix de Paris en 1919, et sa délégation fait partie de la commission chargée d'élaborer le projet d'organisation de la SDN. Durant les travaux de cette commission, il se bat pour faire 1. Cité par Stanley Hilton dans « Latin America and Western Europe, 1880-1945 : the political dimension », in Wolf Grabendorff, Roett Riordan (Org.), Latin America, Western Europe and the United States, Reevaluating the Atlantic Triangle, New York, Hoover Institution Press, Praeger Publishers, 1985, p. 25. 36 entendre sa voix, pour que les « puissances mineures » ne soient pas cantonnées à un second rôle et que la future organisation ne se réduise pas à un « club de grandes puissances ». En 1919, le Brésil a gagné en visibilité sur la scène internationale, et ses relations avec les grandes puissances sont bonnes. Celles-ci entérinent cette nouvelle position en élevant leurs représentations diplomatiques à Rio de Janeiro au rang d'ambassades : il en est ainsi de la GrandeBretagne, de l'Italie, de la France notamment. Cette apparente intégration du Brésil dans le monde des nations « civilisées », suscite chez les élites brésiliennes une grande fierté nationale, et l'illusion de pouvoir jouer désormais dans la cour des grands, mais, comme le met en avant Stanley Hilton, « sans le pouvoir militaire nécessaire » qu'une telle position requiert. 22.2. Cela conduit le gouvernement brésilien à postuler en 1923 à un siège permanent au Conseil de la SDN. Jusqu'à cette date, le Brésil y siégeait en tant que membre temporaire, poste auquel il fut toujours réélu. Le caractère vague de l'article qui définissait le mode de désignation des membres temporaires permettait de fait au Brésil, dont l'action au sein de la SDN était unanimement reconnue3, de conserver ce siège. Cependant, la concurrence grandissante de pays qui, eux aussi, désiraient faire partie du Conseil, défendant pour cela le principe du roulement pour les sièges temporaires, menaçait de plus en plus sérieusement la position brésilienne. C'est ainsi que naquit l'idée de briguer un siège permanent ; idée qui devint la ligne directrice de la politique extérieure brésilienne à partir de 1922. Cette ambition doit être également considérée à l'aune du contexte politique brésilien : Bernardes venait d'être difficilement élu président, et cherchait à asseoir son autorité à l'intérieur du pays en consolidant son rayonnement extérieur. Dès 2. Stanley Hilton, cité par Eugênio Vargas Garcia, op. cit., p. 54. 3. On peut prendre comme exemple le rôle de Raúl Fernandes dans l'organisation de la Cour permanente de justice internationale. Lorsque cette institution fut créée, un autre Brésilien illustre, Rui Barbosa, y fut élu avec 38 votes sur 40 par le Conseil de la SDN. lors, les événements internationaux ne furent plus considérés que dans une perspective nationale. En faisant du siège permanent son cheval de bataille, Artur Bernardes tentait de montrer sur la scène internationale une cohésion interne qui n'existait pas et qu'il essayait de créer de la sorte. Cette ambition se heurtait à deux obstacles : l'absence de soutien de la part des pays latino-américains que le Brésil comptait représenter au Conseil, et, malgré ses efforts, sa condition subalterne sur la scène internationale. À cela s'ajouta le poids du contexte européen. La signature des Accords de Locarno, en 1925, changeait en effet la donne en réintégrant l'Allemagne dans le concert des nations. Celle-ci, dans la voie ouverte par ces accords, postula également à un siège permanent. D'autres pays s'engouffrèrent dans cette brèche, et les candidatures se multiplièrent – la Chine, la Belgique ou la Pologne par exemple –, rendant de plus en plus improbable la réussite du Brésil. C'est à ce moment-là que le président brésilien formula la ligne de conduite à suivre lors de l'Assemblée extraordinaire de mars 1926 : « vaincre ou ne pas perdre », faisant de l'obtention d'un siège permanent une question de dignité nationale. Cette intransigeance aboutit à une décision extrême, qui fut le veto brésilien à l'entrée de l'Allemagne dans la SDN. Devant le tollé suscité par la décision brésilienne et la certitude que ses prétentions ne seraient pas satisfaites, Artur Bernardes décide du retrait du Brésil d'une « Ligue des grandes puissances, quasi exclusivement européennes ». Se manifestent alors les réticences de ceux qui avaient toujours vu la SDN comme un organisme européocentré, où l'Amérique n'avait pas de place. Le retrait brésilien est notifié le juin 1926 par Afrânio de Melo Franco, chef de la délégation brésilienne auprès de la SDN, lors d'une réunion du Conseil.
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Pour une métrique de Lorentz g fixée, il n'existe pas en général de chronologie sur Ω. On peut définir des chronologies locales sur des ouverts connexes de Ω, on note dom T cet ouvert. On dit que la chronologie T est maximale si on ne peut pas étendre dom T, c'est-à-dire qu'il n'existe pas de chronologie S telle que dom T $ dom S avec T = S sur dom T. Proposition 15. Pour tous les champs
chronologiques
T et
S, il
existe
un changement local
de
coordonnées
. Proof. On prend un ouvert U sur lequel T Ω est trivialisable, on se donne quatre champs A, B, C et D linéairementindépendants. On peut construire 3 champs ⊥ X 1, Y 1 et Z 1 tels que Vect X 1, Y 1, Z 1 = (RT ), par le procédé d'orthogonalisation de Graam-Schmit, on peut construire 3 champs X1, Y1, Z1 formant une base or⊥ thonormale de (RT ) pour la métrique riemannienne gR qui est la restriction de g ⊥ à (RT ). On note θ1, l'application qui envoie X1 sur A, Y1 sur B, Z1 sur C et T sur D. De façon identique, on construit θ2 l'application qui envoie X2 sur A, Y2 sur B, Z2 sur C et S sur D, alors l'application θ = θ2−1 ◦ θ1 répond à la question car les procédés de construction sont C ∞. L'ensemble des champs sur l'univers Ω est noté Γ (Ω), les champs espaces, c'est-àdire, les champs X qui vérifient X (ω) ∈ Eω, sont notés ΓE (Ω). On a une bijection naturelle τ : Γ (Ω) → ΓE (Ω) × C ∞ (Ω). Sur ΓE (Ω), on peut définir la notion de produit vectoriel. Si XE et YE sont dans ΓE (Ω), on pose XE ∧ YE ∈ ΓE (Ω) avec, XE ∧ YE (ω) = XE (ω) ∧ YE (ω), le produit vectoriel sur Eω muni du produit scalaire défini positif g (ω) |Eω. On peut définir une loi de composition interne sur ΓE (Ω) × C ∞ (Ω) définie par (XE, λ) ∗ (YE, μ) = (XE ∧ YE, λμ). Soient deux cartes φ et ψ deux cartes telles que φ R4 ∩ψ R4 6= ∅, l'application de changement de cartes est stable le long des feuilles si λ : φ−1 φ R4 ∩ ψ R4 → ψ −1 φ R4 ∩ ψ R4, avec λ (x, y, z, t) = (x′, y ′, z ′, t′ ) est de la forme X ′ = α (X, t) et t′ = β (t), avec X = (x, y, z), X ′ = (x′, y ′, z ′ ), α est une C ∞ -application de φ−1 φ R4 ∩ ψ R4 ⊂ R4 dans R3 et β est une application C ∞, d'un ouvert de R, non nécessairement connexe, à valeurs dans R. On dit que les cartes sont stables pour le feuilletage de Minkowski. L'idée du feuilletage consiste à dire que si l'on passe d'une carte φ à une carte compatible ψ, on passe d'une feuille espace de φ à une feuille espace de ψ avec un temps qui ne dépend que du temps relativement à φ de cette feuille. On peut écrire, Ftφ ∩ φ R4 ∩ ψ R4 = Fsψ ∩ φ R4 ∩ ψ R4 est équivalent à s = β (t). (X, t) ∈ φ−1 φ R4 ∩ ψ R4 λ → (X ′, t′ ) ∈ ψ −1 φ R4 ∩ ψ R4 φց ւψ φ R4 ∩ ψ R4
On a λ ((X, t)) = (X ′, t′ ), pour l'observateur attaché à la carte φ si son présent est t, le présent de l'observateur attaché à la carte ψ est t′ = β (t) qui ne dépend pas de la position d'espace des observateurs choisis si les cartes sont compatibles. On a λ−1 (λ ((X, t))) = λ−1 ((α (X, t), β (t))) = (α1 ((α (X, t), β (t))), β1 (β (t))) = (X, t) et on en déduit β1 = β −1 et α1 ((α (X, t), β (t))) = X, en particulier, ∂ α1 ((α (X, t), β (t))) = oR3. Par permutation de α1 avec α et β1 avec β, on a α ((α1 (X, t), β1 (t))) = X et β (β1 (t)) = t, l'application α1 est entièrement définie par la relation fonctionnelle α α1 (X, t), β −1 (t) = X. La partie espace de l'espace tangent est EΩ = ∪ω∈Ω {ω} × Eω et la partie temps est T Ω = ∪ω∈Ω {ω} × Tω. Le triplet (T Ω, πT, Ω) est un fibré vectoriel trivial car, T Ω = ∪ω∈Ω {ω} × Tω → Ω × R, Φ (ω, μT (ω)) = (ω, μ) est un is omorphisme de fibré. TΩ EΩ ↓ πT est le fibré trivial. De plus, T Ω ↓ πE est un fibré et Ω Ω est la somme de Whitney de ces deux fibrés, T Ω = EΩ ⊕ T Ω Lemma 4. Remarquons que sur le fibré espace EΩ ↓ πE, Ω on a sur chaque fibre Eω la restriction de g (ω) est une forme définie positive. Pour le feuilletage chronologique, il existe une famille maximale de submersions (Ui, αi ), i ∈ I où les Ui sont des ouverts de Ω et les αi : Ui → R3 sont des submersions pour lesquelles, 1) ∪i∈I Ui = Ω, 2) si Ui ∩ Uj 6= ∅, il existe un difféomorphisme αij de R3, vérifiant: αi = αij ◦ αj. Les (Ui, αi ) sont les cartes distinguées de T, les αij sont les changement de cartes et pour Ui ∩ Uj ∩ Uk 6= ∅ alors αij ◦ αjk ◦ αki = Id. On peut définir le fibré associé à l'aide des applications de transition ω ∈ Ui ∩ Uj ⊂ Ω → Dαij (ω) ∈ Gl R3. −1 On a Dαii (ω) = IdR3, Dαji (ω) = (Dαij ) (ω) et Dαik (ω) = Dαij (ω) ◦ Dαjk (ω). Le fibré obtenu est noté, TΩ ↓ πT. Ω C'est un fibré vectoriel de fibre R3 et dont les feuilles sont R ou S1. On opère de façon identique avec le feuilletage espace E. Les cartes distinguées sont (Vj, βj ), j ∈ J avec les βj : Vj → R sont des submersions pour lesquelles, 1) ∪i∈J Vj = Ω, 2) si Vi ∩ Vj 6= ∅, il existe un difféomorphisme βij : βj (Vi ∩ Vj ) ⊂ R → βi (Vi ∩ Vj ), vérifiant βi = βij ◦ βj, avec la relation des cocycles: βij ◦ βjk ◦ βki = Id. Les applications de transition pour ce fibré vectoriel sont ω ∈ Vi ∩ Vj ⊂ Ω → Dβij (ω) ∈ R∗+ ⊂ Gl (R), on le note EΩ ↓ πE. Ω Les feuilles sont des sous-variétés de dimension 3 et la fibre du fibré est R. On donne une autre représentation du fibré espace et du fibré chronologique. 17. Si T est stable sur Ω alors le système de Pfaff ω → τ (ω) = Eω est complètement intégrable, pour chaque ω ∈ Ω, la composante connexe de l'intégrale associée à ce sytème est une variété connexe appelée l'espace associée au point ω et noté F = Eω. Proof. On utilise le principe de sommation d'Einstein. Soit φ : U → R4, une carte de Ω, on a: dφ T U → T R4 = R4 × R4 ↓ ↓ φ U → R4 et si x = x1, x2, x3, x4 = xi ei est le système canonique de coordonnées, le champ ∂ ∂ 4 4 → R4 × R4 est défini par: ∂x standard ∂x i : R i (x) = (x, ei ) pour tout x ∈ R, 4 où {e1, e2, e3, e4 } est la base canonique de R. Localement dans la carte (U, φ), on ∂ définit les champs ∂u i : U ⊂ Ω → T U, −1 ∂ −1 ∂ (u) = (d φ) ((φ (u), ei )), c'est-à-dire, u ∂ui ∂xi (φ (u)) = (du φ) TU ∂ ↑ ∂u i U ∂ ∂xi dφ → T R4 = R4 × R4 ∂, ↑ ∂x i φ 4 → R ∂ ∂ ◦ φ = dφ ◦ ∂u i. On pose ∂i = ∂ui, localement si ∞ X ∈ Γ (T Ω) alors en coordonnées locales X = ai ∂i ∈ Tu Ω, où ai : U → R est une C ∞ -application. Si Y = bi ∂i alors [X, Y ] = ci ∂i avec, ci = aj ∂j bi − bj ∂j ai. On note T = ti ∂i, le champ chronologique. Il faut vérifier que si g (X, T ) = 0 et g (Y, T ) = 0 sur U, alors g ([X, Y ], T ) = 0 sur U. On a g (X, T ) = ai tj gij = 0, de même bi tj gij = 0 avec, g (∂i, ∂j ) = gij. Ensuite, on calcule g ([X, Y ], T ) = ci tj gij = ak ∂k bj − bk ∂k aj tj gij = ak tj gij ∂k bj − bk tj gij ∂k aj, les conditions ai tj gij = 0 et bi tj gij = 0 impliquent ∂k ai tj gij = 0 et ∂k bi tj gij = 0. Donc, τ est complètement intégrable. Si Eω est la composante connexe de l'intégrale de τ contenant ω, Eω est une sous-variété de dimension 3 de Ω. De plus, ∪ω∈Ω Eω = Ω. Si on admet l'existence d'un champ chronologique stable sur l'espace-temps Ω alors deux feuilletages cohabitent, le premier est de codimension 1, c'est le feuilletage espace E et l'autre est de codimension 3, c'est le feuilletage chronologique T. Proposition 16. Si T est stable les deux représentations des fibrés espaces et chronologiques sont équivalentes, c'est-à-dire, Definition 32. Deux points ω et ̟ de l'univers Ω sont dans le même espace si et seulement si Eω = E̟. La sous-variété Eω est la feuille d'espace contenant ω. 61 Sur l'univers Ω, on note Eω la feuille contenant ω de l'intégrale du système de Pfaff ω → τ (ω) = Eω ⊂ Tω Ω. Ce système de Pfaff définit un feuilletage de l'univers Ω, noté E. De façon analogue le système de Pfaff ς : ω → Tω = RT (ω) est complètement intégrale. On construit un feuilletage T dont la feuille contenant ω est notée Tω. En chaque point ω de Ω, les feuilles Eω et Tω sont transversales. Chaque feuille de T est une section transversale du feuilletage E et réciproquement. Chaque feuille espace est une variété riemannienne pour g |(RT )⊥. Proposition 17. Si FT et FE deux feuilles de T et E, telles que FT ∩ FE 6= ∅, l'une des conditions suivantes est vérifiée 1) FT ∩ FE est discret, 2) L'adhérence de FT ∩ FE dans FT ou dans FE, contient un ensemble ouvert, on dit que FT et FE sont respectivement localement denses, 3) Adh (FT ∩ FE ) est un ensemble parfait d'intérieur vide, on dit que FT et FE sont des feuilles exceptionnelles. Remark 36. Dans notre situation la transversalité des feuilles exclut les situations 2) et 3). De plus, si FT est S1 alors FT ∩ FE est fini. Definition 33. Un point ω ∈ Ω est dit 1) discret si Eω ∩ Tω est discret, 2) dense si l'adhérence de Eω ∩ Tω dans Eω ou dans T ω est localement dense, en précisant qu'il est dense "espace" ou "en temps" dans le premier et second cas, ou simplement dense si on a les deux situations. 3) exceptionnel si Adh (Eω ∩ Tω ) est un ensemble parfait d'intérieur vide. Corollary 2. Les points de l'univers Ω sont toujours discrets fini ou infini. Definition 34. Un point ω est à temps cyclique si Tω = S1, non cyclique si Tω = R. Dorénavant, on met sur Ω la structure de variété analytique définie par Whitney. Les feuilletages E et T deviennent analytiques.
Theorem 18. 5.2. Un premier modèle d'espace-temps. Soit Λ une variété fermée, connexe, de dimension 4 et V une sous-variété compacte, sans bord, non nécessairement connexe, de codimension > 2. La variété Ω = Λ r V est une variété connexe qui représente notre univers. La variété V est dite variété à l'infini et est notée V = Ω∞. La variété Ω∞ est une variété compacte, sans bord, de dimension 0, 1 ou 2. La dimension 0, permet de représenter Ω comme une variété fermée privée de k points. Si k = 1, Λ est le compactifié d'Alexandroff de Ω. Pour la dimension 1, on retire à Λ, un nombre fini k de lacets simples plongés dans Λ deux à deux disjoints. Si la dimension est 2, on retire un nombre fini k de surfaces fermées de genres g1, g2, * * *, gk. On peut généraliser en supposant que Ω∞ est une réunion finie de variétés fermées, deux à deux disjointes, de codimension > 2. On note dans cette situation codim Ω∞, la plus petite codimension de chaque composante connexe de Ω∞. Theorem 19. 1) Si codim Ω∞ > 3, alors l'inclusion in : Ω → Λ induit un isomorphisme in∗ : π1 (Ω, ω) → π1 (Λ, ω) pour tout ω ∈ Ω. 2) Si codim Ω∞ = 2, in∗ : π1 (Ω, ω) → π1 (Λ, ω) est surjectif pour tout ω ∈ Ω. Proof. C'est un théorème de Godbillon[9]. Re
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37. Le goupe de Poincaré de l'univers est isomorphe au groupe fondamental d'une variété fermée sous l'hypothèse que sa structure à l'infini est formée d'un nombre fini de points. On suppose l'existence d'un champ chronologique stable sur Ω. Ω est une variété à deux feuilletages transversaux, notés T et E avec codim T = 3 et codim E = 1. Il y a deux types de feuilles pour ces feuilletages, les feuilles F pour lesquelles AdhΛ F = F qui sont les feuilles compactes et les feuilles pour lesquelles AdhΛ F 6= F. On se place dans la situation où Ω∞ = {∞1, ∞2, * * *, ∞k } alors AdhΛ F = F ∪ {∞j, j ∈ J} = FJ où J est un sous-ensemble de {1, 2, * * *, k}. Les points ∞1, ∞2, * * *, ∞k sont les points de contact des feuilles à l'infini. On note pour tout J ∈ P ({1, 2, * * *, k}), ΩJ = ∪AdhΛ F =FJ F. La famille {ΩJ : J ∈ P ({1, 2, * * *, k})} forment une partition de l'univers Ω. Si le système de Pfaff τ : ω → τ (ω) = Eω, est prolongeable à l'infini, c'est-à-dire, si limω→∞j τ (ω) = Ej alors toute feuille FE telle que Adh FE = FE ∪ {∞j, j ∈ J} = FE,J, Λ est une sous-variété et T∞j FE,J = Ej. On a pincé les feuilles-espace aux points à l'infini. On définit ainsi, un feuilletage pincé en un nombre fini de points. Si le système de Pfaff ς : ω → Tω est prolongeable à l'infini, c'est-à-dire, limω→∞j ς (ω) = Tj alors toute feuille FT telle que Adh FT = FT ∪ {∞j, j ∈ J} = FT,J Λ est une sous-variété homéomorphe à S1 ou à [0, 1] avec, T∞j FT,J = Tj. Les lacets simples FT,J se coupent tangentiellement aux points ∞j pour j ∈ J. Sans l'hypothèse de prolongement par continuité à l'infini des systèmes de Pfaff, on a un théorème de fibration de l'univers si les feuilles-espace sont compactes. Theorem 20. Si Ω = Ω∅ et Ω 6= Λ alors Ω est l'espace total d'un fibré de base R. Si Ω est compacte, Ω est l'espace total d'un fibré de base S1. Proof. C'est un théorème de [19] et [20], il suffit de remarquer que toutes les feuilles espace sont compactes et que, sous cette hypothèse, Ω est l'espace total d'un fibré de base S1 ou R suivant la compacité de Ω. Si ∞ ∈ AdhΛ FE, un chemin γ de Λ, tel que γ (0) = ∞ pour un point à l'infini ∞ ∈ Ω∞ et γ (t) ∈ FE pour t 6= 0, est un FE -chemin. On note T∞ FE, l'ensemble des vecteurs γ ′ (0), lorsque γ parcourt l'ensemble des FE -chemins. En général, T∞ FE n'est pas un sous-espace vectoriel de T∞ Λ. C'est un cône de sommet l'origine o∞ de T∞ Λ. Ce n'est pas un cône de lumière en général car il n'y a pas de prolongement QUANTIQUE 63 de la métrique de Lorentz aux points à l'infini. Dans le cas où Ω∞ est formé de sous-variétés de dimension 0, 1 et 2 en nombre fini, on dit que le feuilletage est stable à l'infini si pour ∞ ∈ V, où V est une composante connexe de Ω∞, on a T∞ FE = T∞ V. Si V = {∞}, il n'y a plus d'espace en ce point, si V = S1 alors l'espace est à une dimension au plus sur les lacets à l'infini. Si V = Tg, une surface de genre g > 0, l'espace est de dimension au plus 2. A l'extérieur des points à l'infini, les feuilles-espace sont de dimension 3. Pour le feuilletage temps, si V = {∞} il n'y a plus de temps en ce point, si V = S1 ou Tg alors le temps est à une dimension au plus. On peut imaginer une structure à l'infini ayant des sous-variétés de dimension n = 3 ou n = 4. Si n = 3, on se restreint à la partie connexe de Ω, privée des sousvariétés de dimension 3 à l'infini, où vit le champ chronologique de notre univers. Notre univers est l'intérieur d'une variété compacte à bord, dont le bord est une variété à l'infini. Si n = 4, notre univers est le bord à l'infini, d'un univers de dimension 5 qui peut être lui-même le bordd'un univers de dimension 6 et ainsi de suite. On a une construction en "gigogne" d'une succession d'univers de dimensions supérieures. Lorsque l'on impose que les dimensions de Ω∞ sont de dimensions inférieures ou égales à 2, cette construction en "gigogne" reste vraie sans que l'on soit dans l'obligation d'augmenter la dimension 4 des univers que l'on recolle par somme connexe sur les différentes structures à l'infini. 5.3.
Modélisation par chirurgie.
On suppose que le compactifié d'Alexandroff de l'univers Ω, Ω∪{∞} est une C ∞ -variété fermée. Dans cette situation, on dit que l'univers est stable à l'infini. On peut généraliser cette notion de stabilité en prenant une compactification à plusieurs points ou tout autre type de compactification décrite précédemment. On se donne une fonction C ∞, Φ : Ω → R, qui mesure un état physique de l'univers Ω, cette fonction peut être une entropie ou une mesure physique réelle. Definition 35. Deux événements p et q sont dans le même état si Φ (p) = Φ (q). On dit que les événements sont dans le même présent pour la fonction d'état Φ. L'événement p est dans le passé de l'événement q et q est dans le futur de p si Φ (p) < Φ (q) pour la fonction d'état Φ. Si s est une valeur régulière de l'état Φ alors Φ−1 (s) est une hypersurface de Ω. Pour définir un événement de l'univers, il faut définir exactement un nombre n = dim Ω d'états Φ1, * * *, Φn, deux à deux transversaux, Φi Φj et i 6= j. Si s1, * * *, sn sont des valeurs régulières pour les états Φ1, * * *, Φn alors le sous-espace ∩i Φi−1 (si ) est une sous-variété de Ω de dimension 0, c'est-à-dire, une suite de points de Ω sans point d'accumulation dans Ω, les points d'accumulation possibles dans le compactifié sont les points à l'infini. L'événement ω n'est pas entièrement localisé mais peut se situer en chaque point de ∩i Φ−1 i (si ). C'est un "principe d'incertitude de localisation" pour un événement décrit par n = dim Ω états transversaux deux à deux. On peut approcher une fonction d'état par une fonction de Morse. Remark 39. On rappelle la construction des chirurgies de type (λ, n − λ). Si N est une variété de dimension n, de bord non vide ∂N 6= ∅ et φ est un plongement n de S λ−1 × Dn−λ dans ∂N, on pose χ (N, φ) = N ∪D ∼, ∪ est l'union disjointe de N n et D et ∼ représente la relation d'équivalence suivante x ∈ ∂N ∼ y ∈ ∂Dn = S λ−1 × Dn−λ ∪ Dλ × S n−λ−1 si et seulement si φ (x) = y. L'espace χ (N, φ) est une C ∞ -variété obtenue par chirurgie de type (λ, n − λ) à partir de la variété à bord N [14]. On peut construire des états de Morse pour lesquels chaque présent ne contient au plus qu'un événement singulier. Ainsi, pour étudier la géométrie de l'univers, par rapport à cet état, il suffit d'analyser la géométrie du passé et reconstruire par chirurgie, à partir de ce passé, le futur local de notre univers. Si on veut décrire de façon déterministe chaque événement, on peut plonger Ω dans Rp avec n 6 p 6 2n + 1, c'est le théorème de plongement de Withney. Il suffit de décrire au plus 9 états {Φj } tels que Φ = (Φ1, Φ2, * * *, Φ9 ) soit un plongement. Pour un déterminisme local, il suffit d'immerger l'univers dans Rp, les théorèmes de Gromov-Smale [10] de la théorie des immersions permettent de limiter le nombre d'états suivant la nature topologique de l'univers Ω. Dans l'hypothèse non déterministe, il y a donc, un principe d'incertitude sur la localisation d'un événement. 5.4. L'univers Ω comme G, R4 -variété. Soient φ, ψ : R4 → Ω, deux cartes de Ω telles que φ R4 ∩ ψ R4 6= ∅, le changement de carte est donné par λ : φ−1 φ R4 ∩ ψ R4 ⊂ R4 → ψ −1 φ R4 ∩ ψ R4 ⊂ R4 où λ = ψ −1 ◦φ |φ−1 (φ(R4 )∩ψ(R4 )). Sur un C ∞ -variété Ω, l'unique structure analytique 4 induite par la C ∞ -structure, permet de choisir des cartes analytiques φ:R → Ω. Le changement de carte λ est analytique sur l'ouvert φ−1 φ R4 ∩ ψ R4. Definition 36. Les cartes φ et ψ sont "analytiquement compatibles" si et seulement si le changement de carte λ est la trace d'un difféomorphisme analytique Λ de R4. QUAN Remark 40. Ce prolongement analytique est unique d'après le théorème d'unicité analytique [11]. Un m-uplet de cartes (φ1, φ2, * * *, φm ) est stable si φj et φj+1 sont "analytiquement compatibles" pour tout j = 1, * * *, m − 1. Soit 4 φj = φ−1 → R4, j : Uj = φj R pour j = 1, * * *, m et −1 λj = φj ◦ φ−1 j+1 = φj ◦ φj+1 : φj+1 (Uj ∩ Uj+1 ) → φj (Uj ∩ Uj+1 ) alors l'ajustement de carte φ1 est donné par Λ1 ◦ Λ2 ◦ * * * ◦ Λm−1 ◦ φm où Λj est l'unique extension analytique de λj. Si on pose Λ = Λ1 ◦ Λ2 ◦ * * * ◦ Λm−1, alors l'ajustement de carte dans φ1 est Λ ◦ φm et l'ajustement dans φm est Λ−1 ◦ φ1. Dans ce qui suit on suppose que tous les changements de cartes analytiques sont les traces des éléments d'un sous-groupe G du groupe des isométries analytiques de l'univers de Minkowski, c'est-à-dire, Ω est une G, R4 -variété. Les sous-groupes G du groupe des isométries analytiques de l'univers de Minkowski, à savoir R4, muni de la métrique ds2 = −dt2 + dx2 + dy 2 + dz 2 ( on normalise en prenant c = 1 ), qui opèrent transitivement sur R4 permettent de construire l'application développante pour un événement fixé ω ∈ Ω et une carte ψ de la G, R4 -variété Ω avec, ψ (o) = ω, ∽ o ∈ R4. Cette application est notée D : Ω → R4, D est un difféomorphisme si et seulement si la métrique induite sur l'univers Ω par la métrique de Minkowski fait de Ω un espace métrique complet. Dans cette situation, l'univers Ω est entièrement décrit par son groupe d'holonomie Γ ⊂ G, qui est isomorphe à π1 (Ω). Theorem 23. Avec les hypothèses précédentes, le revêtement universel de Ω est difféomorphe à R4 et Ω est difféomorphe à Γ\R4. Proof. G opère analytiquement et transitivement, avec stabilisateur compacte en chaque point de R4 muni de la métrique de Minkowski. Avec ces hypothèses, Ω est G, R4 -complète. Le revêtement universel de Ω est R4. On a le difféomorphisme de Ω sur Γ\R4. Le choix du groupe G est entièrement décrit par la nature ondulatoire de l'univers. A chaque changement de cartes de φ à ψ, on définit un élément Λ du groupe structurel G. Une onde Ψ sur l'univers ΩRest une application Ψ : Ω → C qui vérifie 2 2 pour toute carte φ : R4 → Ω la propriété R4 |Ψ ◦ φ| dxdt < +∞, on note kΨ ◦ φk cette intégrale. Soit ΦΛ : L2 R4 → L2 R4, l'application définie par ΦΛ (α) = α ◦ Λ, où Λ est l'unique extension du changement de carte de φ à ψ. Si on prend une onde Ψ de l'univers Ω, on a ΦΛ (Ψ ◦ ψ) = Ψ ◦ φ. L'application est une bijection de L2 R4, l'hypothèse que l'on fait est la suivante, qui est une hypothèse naturelle si on se réfère aux principes quantiques, ΦΛ est une transformation de Wigner, c'est-à-dire, |hΦΛ α, ΦΛ βi| = |hα, βi| pour tout α et β dans L R. Theorem 24. Il existe une application θ : L2 R4 → S1 et une application L : L 2 R4 → L 2 R4 2 4 66 telles que, ΦΛ (α) = θ (α) L (α), avec L est unitaire ou L est antiunitaire. Proof. C'est le théorème de Wigner[26]. G est un groupe, donc G = Λ : ΦΛ = θ × L, |θ| = 1 et L ∈ U L2 R4. L ne peut pas être antiunitaire. Les applications de G sont les isométries de l'espace de Minkowski pour lesquelles l'opérateur ΦΛ conserve le produit hermitique de L2 R4. Il faut vérifier que ce groupe G opère transitivement sur R4. Le groupe de Poincaré propre L0 R4 est contenu dans le groupe G et L0 R4 opère transitivement sur R4. Pour une isométrie Λ ∈ SO (3, 1) R4, Z 2 2 |α ◦ Λ (x, t)| dxdt, kΦΛ αk = R4 → le Jacobien est JΛ (x, t) = det Λ (x, t) = 1. En particulier, kΦΛ αk2 = Z R4 |α ◦ Λ (x, t)|2 JΛ (x, t) dxdt = Z R4 |α (x, t)|2 dxdt = kαk2, par changement de variable. On rappelle que le produit semi-direct est décrit par (Λ, x) (Λ′, x′ ) = (ΛΛ′, x + Λx′ ) et L0 correspond à la composante connexe de SO (3, 1), contenant I4. Remark 41. L'univers de Poincaré-Minkowski-Einstein (PME)
est obten
u pour le groupe de Poincaré G
=
SO (3, 1)
R4
. 5.5. Une généralisation de la G, R4 -structure de Ω. G désigne toujours un sous-groupe de difféomorphismes analytiques de R4. On note A, l'atlas des cartes analytiques de l'univers Ω. Une sous-famille F de A a la propriété de G-extension sur R4, si pour tout couple de cartes (φ, ψ) ∈ F 2, tel que φ R4 ∩ ψ R4 6= ∅, le changement de carte λ a une extension sur R4 appartenant à G. Dans tout ce qui suit F est une famille de cartes ayant la propriété de G-extension sur R4, on pose ΩF = ∪φ∈F φ R4, alors ΩF est un ouvert de Ω, non nécessairement connexe, qui a 4 la structure de G, R -variété pour l'atlas engendré par F. La famille {ΩF } où F parcourt l'ensemble des parties A, ayant la propriété de G-extension sur R4, forme un recouvrement d'ouverts de Ω. Les familles réduites à une carte, ont la propriété de G-extension sur R4, c'est le cas trivial. Theorem 26. Si H est un sous-groupe d'isomorphismes de Lorentz et ΩF est complet pour la métrique héritée de la métrique de Minkowski, alors ΩF est isomorphe à Γ\R4. Proof. C'est un théorème de Thurston [23]. On peut représenter l'univers Ω, comme une union de sous-univers difféomorphes à Γ\R4, ayant même point à l'infini dans leur compactification d'Alexandroff. Dans cette représentation l'univers est entièrement décrit par une famille de sous-groupes du groupe des isométries de l'univers de Minkowski. Cette représentation est mathématiquement intéressante mais physiquement pas satisfaisante car si on se situe dans une partie de l'univers de la forme Γ\R4, on ne peut pas accéder analytiquement à une autre partie de l'univers dont le groupe d'holonomie est différent de Γ.
6. Complexification des dimensions en physique
6.1. Complexification des fibrés hilbertiens réels. On veut complexifié les fibrés hilbertiens réels. Un fibré hilbertien réel est un fibré ζ = (E, π, Ω, H) dont la fibre H est espace de hilbert réel et la base est l'univers Ω. Chaque fibre Eω (ζ) est muni d'un produit scalaire pour lequel l'application h• | •iω ω → hs (ω) | t (ω)iω est C pour toutes sections s et t de Γ (ζ). Le complexifié de ζ ζ ⊗ C ≈ ζ × ζ ≈ ζ + iζ où le produit par un complexe est défini par ∞ (λ + iμ) (x, t) = (λx − μt, λt + μx) pour toutes sections x et t de Γ (ζ) et toutes C ∞ -applications λ, μ : Ω → R. L'opération de conjugaison est une section de Hom (ζ ⊗ C) définie par (x, t) = (x, −t), x et t ∈ Γ (ζ) et l'endomorphisme de fibré définissant la structure complexe est J (x, t) = (−
t
,
x
) . On pose s = x + it, où x et t sont des sections de Γ (ζ) par l'identification x = (x, o) et t = (o, t) où o représente la section nulle de ζ. Definition 37. Une section s = x + it de Γ (ζ ⊗ C) est un complexification de la section réelle x. 68 Definition 38. Une section complexe s ∈ Γ (ζ ⊗ C) est une φ-section sur O si φ ⊗ t = x sur O. Cela revient à dire qu'il existe une section locale φ de Hom (ζ) définie sur O telle que pour tout ω ∈ O φ (ω) : Eω (ζ) → Eω (ζ), φ (ω) (t (ω)) = x (ω). L'application est un paramétrage qui donne la variation de la section espace x par rapport à la section temps t. On peut comparer cet opérateur au paramétrage d'une courbe. Une section d-dimensionnelle sur O ⊂ Ω est une section locale (s1, s2, * * *, sd ) de Γ (ζ ⊗ C)d, telle que {s1 (ω), s2 (ω), * * *, sd (ω)} est une famille libre de Eω (ζ) ⊗ C, pour tout ω appartenant à un ouvert O. Si s ∈ Vect {s1, s2, * * *, sd } alors s = z μ sμ, z μ ∈ C que l'on peut écrire sous la forme s = x + it avec x = Re (z μ ) R (sμ ) − Im (z μ ) I (sμ ), est une section espace et t = Im (z μ ) R (sμ ) + Re (z μ ) I (sμ ) est une section temps où sμ = R (sμ ) + iI (sμ ). Definition 39. Soit s′ une autre section de Vect {s1, s2, * * *, sd } s′ = x′ + it′, un {φ, ψ}-déplacement sur O de s′ par rapport à s est la donnée de deux sections locales φ et ψ sur O de Hom (ζ) telles que la condition suivante est réalisée x′ = o =⇒ x = φ ⊗ t et x = o =⇒ x′ = ψ ⊗ t′ où o est la section nulle et. (φ ⊗ t) (ω) = φ (ω) (t (ω)), ∀ω ∈ O. On dit que les sections s′ et s sont en déplacement uniforme sur O, l'une par rapport à l'autre, s'il existe un {φ, ψ}-déplacement sur un ouvert O de Ω, de s′ par rapport à s tel que ψ = −φ, où φ est une section locale de GL (ζ) définies sur l'ouvert O, c'est-à-dire que sur chaque fibre Eω (ζ), φ (ω) ∈ GL (Eω (ζ)). Remark 43. φ est la vitesse de s′ par rapport à s. Dans tout cette partie, on impose une condition d'analycité des déplacements uniformes, dans le sens suivant, toutes les tranformations considérées sont analytiques par rapport à la vitesse φ. 27. Si s et s′ sont en déplacement uniforme dans un fibré ζ qui vérifie les principes de relativité sur chaque fibre de ζ, alors ( − 1 x′ = 1 − c−2 φ2 2 (x − φt), − 1 t′ = 1 − c−2 φ2 2 t − c−1 φx où c est la norme maximale des vitesses φ et 1 est la section identique de Hom (ζ). Proof. Si on prend une famille libre de sections {s1, s2, * * *, sd } sur un ouvert O de trivialisation de ζ, une section s = x + it de ζ ⊗ C s'écrit x = xμ sμ et t = tμ sμ on pose x =Tr x1, x2, * * *, xd et t =Tr t1, t2, * * *, td. On veut calculer x′ et t′ en fonction de x et t, on impose que les propriétés de l'espace-temps d'Einstein s'étendent aux fibres complexifiées du fibré ζ ⊗ C. On note encore, φ et ψ les matrices des endomorphismes φ et ψ dans {s1, s2, * * *, sd }. Si l'homogénéité de l'espace-temps reste vraie sur le complexifié de ζ, cela permet d'écrire
′ x x a11 a12 =, t′ t a21 a22 avec aij ∈ Md (R) et −1 ′ x x a11 a12 =. t t′ a21 a22
La première condition implique que
aij ∈ GL Rd et −1 a11 a12 a21 a22! −1 −1 −1 −1 a11 − a12 a−1 a − a − a a a a a 21 11 12 21 12 22 22. = −1 22 −1 a21 a−1 a22 − a21 a−1 − a22 − a21 a−1 11 11 a12 11 a12
La relation permet décrire, si
x′ = o x′ = a11 x + a12 t. t′ = a21 x + a22 t x = φt et (a11 φ + a12 ) t = o pour tout t ∈ Md,1 (R). a12 = −a11 φ et x′ = a11 (x − φt). Si x = o alors x′ = ψt′ et x′ = −a11 φt, t′ = a22 t. On en déduit que pour tout t ∈ Md,1 (R) et On a −a11 φt = ψa22 t −a11 φ = ψa22. −ψ −1 a11 φ = a22. En particulier si φ commute avec a11, on a −ψ −1 φa11 = a22 (6.1) 70 et a11 = a22. L'hypothèse, "φ commute avec a11 " est vraie car la matrice a11 ne dépend que de φ et donc, en utilisant le caractère analytique des déplacements, il existe une fonction f de classe C ∞, que l'on peut supposer P+∞ développable en série entière, de rayon de convergence R > 0, notée f (x) = n=0 an xn, pour laquelle si kφk < R, a11 = f (φ) = +∞ X an φn. n=0 −1
On pose, a = a11 et b = −a a12. Le système 6.1 s'écrit
′ x = a (x − φt). t′ = a (t − bx)
Si on prend trois sections s, s′ et s′′ en déplacement uniforme de matrices vitesse φ de s′ par rapport à s, φ′ de s′′ par rapport à s′ et φ′′ de s′′ par rapport à s alors, ′ ′′ x = a (x − φt) x = a′ (x′ − φ′ t′ ), ′ t = a (t − bx) t′′ = a′ (t′ − b′ x′ ) et en combinant x′′ = a′′ (x − φ′′ t), t′′ = a′′ (t − b′′ x)
′ x′′ = a′ (a (x − φt) bx)) − φ a (t −−1 −1 ′ = a a Id + a φ ab x − φ + a φ′ b t. t′′ = a′ (a (t − bx) − b′ a (x − φt)) =
a′ a Id + a−1 b′
aφ
t −
b
+
a−1
b
′
a
x
′ Si a−1 φ′ ab < 1 et a−1 b′ aφ < 1, on peut inverser Id + a−1 φ′ ab et Id + a−1 b′ aφ, alors
x′′ = a′ a Id + a−1 φ′ ab x − Id + a−1 φ′ ab −1 φ + a−1 φ′ b t. t′′ = a′ a Id + a−1 b′ aφ t − Id + a−1 b′ aφ −1 b + a−1 b′ a x
Le principe de relativité implique que Id + a−1 φ′ ab = Id + a−1 b′ aφ, c'est-à-dire, φ′ ab = b′ aφ. Si ab = ba alors φ′ b = b′ φ. Les matrices a et b sont des matrices fonctions développables en série entière de φ, elles commutent. On −1 pose k = b′ (φ′ ) = b−1 φ, cette matrice est indépendante du choix des matrices ′ vitesse φ et φ. On peut écrire
−1 φ′′ = Id + a−1 φ′ ab φ + a−1 φ′ b, −1 b′′ = Id + a−1 b′ aφ b + a−1 b′ a et a′′
=
a′
a
Id
+ a−1 φ′ ab = a′ a Id + a−1 b′ aφ QUANTIQUE 71 et avec b = kφ, b′ = kφ′ et b′′ = kφ′′. ′ x = a+ (x − φt), t′ = a+ (t − kφx) où a+ = a (φ). La section s a pour matrice vitesse −φ par rapport à s′, on en déduit x = a− (x′ + φt′ ), t = a− t′ + kφx′ avec a− = a (−φ). Si le postulat d'isotropie reste vrai cela implique que a+ = a− = a. x = a (x′ + φt′ ) = a (a (x − φt) + φa (t − kφx))
= a2 Id
−
a−1 φakφ x.
′ ′ t = a t + kφx = a (a (t − kφx) + kφa (x − φt)) = a2 Id − a−1 kφaφ t − kφ − a−1 kφa x
On
a
a2 Id − a−1 φakφ = Id, kφ − a−1 kφa = Od et
a2 Id − a−1 k
φ
a
φ
=
Id
.
Donc, −1 −1 a2 = (Id − φk
φ
) = Id
−
k
φ
2
et
k
φ =
φk quelque soit φ
∈
Gl Rd, elle est donc de la forme
k
=
λ
Id
, −1
a2 = Id
−
λφ
2. Pour que Id − λφ2 soit inversible, il faut et il suffit que kφk <
√
1. |λ| Si m est une matrice quelconque, on appelle racine carrée de m, une matrice n 1 si elle existe qui vérifie n2 = m et on pose n = m 2. On en déduit
−
1
a = ± Id − kφ2 2, − 1
or si
φ = Od,
a = Id
alors
a = Id − kφ2 2. − 12 (s − iφs). La quantité de mouvement de la section s peut être définie par la section p = φ⊗s, où. p (ω) = (φ⊗s) (ω) = φ (ω) (s (ω)), ω ∈ Ω.
Remark
44. 1)Par analogie à la relativité restreinte classique, la section E correspondant à l'énergie d'une section s par rapport à la section s0 s'écrit E = c2 s, − 1 où s = 1 − c−2 φ2 2 s0 − ic−1 φ (x0 − ict0 ) et c est la norme maximale des vitesses φ. 2)On suppose que le fibré ζ hilbertien réel est un fibré relativiste, dans le sens suivant, la propriété d'homogénéité, le principe de relativité et le postulat d'isotropie sur chaque fibre réelle Eω (ζ) sont vérifiés et qu'ils s'étendent à la fibre complexifiée Eω (ζ) ⊗ C. 3)Si φ définit une structure ±-presque complexe sur ζ, c'est-à-dire φ2 = ±1, φ2 = 1 la structure est dite presque réelle et φ2 = −1 la structure est dite presque complexe, alors tous les changements de coordonnées analytiques dans le repère {s1, s2, * * *, sd } de ζ, de s à s′ en déplacement uniforme et de vitesse φ sont de la forme ( − 1 x′ = 1 c−2 2 (x − φt) − 1 t′ = 1 c−2 2 t − c−1 φx et − 1 s′ = 1 c−2 2 s − ic−1 φ (x − ict), QUANTIQUE 73 si c est normalisé à 1, dans le cas presque complexe on a 1 s′ = √ (s − iφs) 2 où s est le conjugué de s. 6.2. Les champs en corde du complexifié du fibré tangent. Dans ce qui suit, on munit l'univers Ω d'une métrique riemanienne g. Le fibré ζ = T Ω, π, Ω, R4 muni de la métrique g est un fibré hermitien réel, les sections sont les champs de Ω. Si X + iT et X ′ + iT ′ sont en déplacement uniforme de vitesse V, alors ( − 1 X ′ = I − c−2 V 2 2 (X − V T ) − 1 T ′ = I − c−2 V 2 2 T − c−1 V X où I est la section identique de GL (ζ) et V est une section de GL (ζ). La quantité de mouvement d'un champ complexe Z = X + iT est P =Vm où m est une section de ζ, dite section de masse. La quantité p g (m, m) représente la masse du champ complexe Z. Le champ Z ′ en déplacement uniforme de vitesse V est − 1 Z ′
= I − c−2 V 2 2 Z − ic−1 V (X − icT ) − 1 (1 − c) Z + (1 + c) Z. = I − c−2 V 2 2 Z − iV 2c
Un champ en corde est un champ complexe local Z = X + iT pour lequel Vect {X, T } = 2 et ∞ LT (X) = αX + βT pour deux C -applications α et β définies localement. On cherche à déterminer les champs X tels que ∞ LT (X) = [T, X] = αX + βT, où α et β sont des C -applications définies sur un ouvert V et T est un champ fixé non nul sur V. Localement, on a T μ (∂μ X ν ) − X μ (∂μ T ν ) = αδμν X μ + βδμν T μ, (6.2) pour tout ν = 0, 1, 2, 3. Si {∂ν } est le "local frame" associé à la carte V, les champs X = X ν ∂ν pour lesquels X + i∂σ est un champ en corde sont les champs qui vérifient le système d'équations différentielles αδσν + βX ν + ∂σ X ν = 0, ν = 0, 1, 2, 3. Pour un champ T, le théorème de redressement permet de construire une carte φ pour laquelle le "local frame" associé vérifie ∂ T = ∂0 et T φ (∂0 ) =. ∂t Un champ local X s'écrit dans cette carte X = X μ ∂μ, le champ complexe X + iT est un champ en corde si et seulement si il existe deux C ∞ -applications α et β définies sur la carte φ telles que αδ0ν + βX ν + ∂0 X ν = 0, ν = 0, 1, 2, 3. On peut écrire ce système sous la forme βX 0 + ∂T X 0 + α = 0 QUANTIQUE 75 βX ν + ∂T X ν = 0, ν = 1, 2, 3 avec X = X 0 T + X ν ∂ν. L'existence de solution s'obtient en transportant ce système dans R4 par l'isomorphisme de carte T φ : T V → T R4, ce système s'écrit ∂Xν + βφ Xν + αφ δ0ν = 0 ∂t avec βφ = β ◦ φ−1, αφ = α ◦ φ−1 et Xν = X ν ◦ φ−1. On a Z Xν = kν exp − βφ dt avec kν = −δ0ν Z Z αφ exp − βφ dt dt + Cν où Cν est une fonction indépendante de t, elle ne dépend que de x, y, z. On en déduit le théorème suivant. Ce théorème permet de déterminer le champ en corde à partir de sa fonction d'onde. Theorem 28. Les champs X pour lesquels X + iT est un champ en corde pour T 6= o dans une carte φ : V → R4 dont le "local frame" associé {∂ν, ν = 0, 1, 2, 3} vérifie T = ∂0 avec T φ ⊗ ∂0 = ∂ ∂t et dont la fonction d'onde associée sur V est θ = α + iβ, sont de la forme X ν ∂ν où X ν = Xν ◦ φ et Z Xν = kν exp − βφ dt avec kν = −δ0ν et Z Z αφ exp − βφ dt dt + Cν, Cν = Cν (x, y, z), αφ = α ◦ φ−1, βφ = β ◦ φ−1. 76 Supposons que sur l'univers Ω existe une structure ±-presque complexe J, si le champ complexe X + iT est en déplacement uniforme par rapport à X0 + iT0 alors on a ( − 1 X = 1 c−2 2 (X0 − JT0 ). − 1 T = 1 c−2 2 T0 − c−1 JX0 Proposition 18. Avec les hypothèses précédentes, si X0 + iJT0 est un champ en corde alors X + iJT est un champ en corde. Proof. On a et dim (Vect {X, JT })
=
dim (Vect
{
X0,
JT
0 })
=
2 [X, JT ] = 1 c
−2
= 1
c−2 = 1 c−2 = 1 c−2 − 21 − 12 − 21 − 21 X0 − JT0, JT0 + c−1 X0 1 + c−1 [X0, JT0 ] 1 + c−1 (αX0 + βJT0 ) − 1 1 + c−1 (α + β) X + 1 ± c−2 2 1 + c−1 β − c−1 α JT. Remark 46. Le triplet (x, y, z) représente les dimensions spatiales et t la dimension temps, avec le plongement précédent on en déduit que x, y et z sont les parties réelles de dimensions complexes et t est la partie imaginaire d'une dimension complexe. Supposons que la variété Λ soit munie d'une structure presque réelle J, c'est-à-dire, d'une section de Hom (ζ) telle que J2 = 1 où ζ = (T Λ, π, Λ) est le fibré tangent à Λ, l'espace total T Λ se scinde en deux sous-fibrés T Λ = T +Λ ⊕ T − Λ où T + Λ est le sous-fibré propre associé à la valeur propre 1 et T − Λ est le sousfibré propre associé à la valeur propre −1. Les champs de Λ à valeurs dans T + Λ, respectivement T − Λ, sont les champs espace, respectivement les champs temps de Λ. On a dim T + Λ = dim T − Λ = n. Tout champ X de Λ se décompose de façon unique sous la forme X = X+ + X− où X+ = 1 (X + JX) 2 est un champ espace et 1 (X − JX) 2 est un champ temps. Si J est intégrable, on peut feuilleter Λ en deux feuilletages d'espace et de temps, notés respectivement X− = F + et F −, chaque feuille F+ ∈ F + et F− ∈ F − ont pour espace tangent en λ ∈ F+ ∩ F−, respectivement, Tλ+ Λ et Tλ− Λ munis de leur structure d'espace vectorielle réelle. Ces feuilles sont transversales. On munit Λ d'une métrique riemannienne g. Cette métrique riemannienne g induit une métrique pseudo-riemannienne h ayant pour forme quadratique Qh X + + X − = Qg X + − Qg X −, pour tout X + ∈ Γ∞ (T + Λ) et X − ∈ Γ∞ (T − Λ). Si on munit Λ d'une métrique riemannienne g pour laquelle ∞ J ∈ SO (T Λ, g), g (J ⊗ X, J ⊗ Y ) = g (X, Y ) alors Γ (T Λ) et T ∈ Γ∞ (T − Λ) sont orthogonaux pour la métrique g. Pour la pseudo-métrique h, un champ espace X vérifie Qh (X) > 0 et un champ temps Qh (T ) 6 0. Si ζ ± = (∪ω∈Ω Tω± Ω, π, Ω) sont des sous-fibrés de ζ = (T Ω, π, Ω) alors ils sont complètement intégrables. Les champs X ± et Y ± de Γ∞ (ζ ± ) vérifient ± ± X,Y ∈ Γ∞ ζ ± grâce à l'intégrabilité de la structure presque réelle J. Chaque événement ω appartient à une feuille espace et une feuille temps de Ω, une feuille espace est une sous variété F+ ⊂ Ω telle que T (F+ ) ⊂T + Λ et une feuille temps F− ⊂ Ω est une sous-variété de Ω vérifiant T (F− ) ⊂ T − Λ. On peut feuilleter en espace et en temps le voisinage d'un événement avec dim F+ + dim F− = 4. Lorsque dim (F+ ) = 3 et dim (F− ) = 1, on est dans l'espace relativiste d'Einstein, dans cette situation on a un champ chronologique stable T. Definition 40. Une structure presque complexe K sur Λ est instable pour J si K T + Λ ⊂ T − Λ et K T + Λ ⊂ T − Λ, si le crochet de Poisson vérifie {K, J} = o alors K est instable pour J. On dit que K est stable si [K, J] = o alors K T + Λ ⊂ T + Λ et K T − Λ ⊂ T − Λ. Pour une structure presque complexe K, une condition nécessaire et suffisante pour que K induise une structure complexe sur Λ est que le tenseur de Nijenhuis N (X, Y ) = [X, Y ] + K [KX, Y ] + K [X, KY ] − [KX, KY ] soit identiquement nul, c'est le théorème de Newlander-Nirenberg [15]. On pose pour un champ X, X = X+ + X− X + ∈ T + Λ et X − ∈ T − Λ, pour une structure presque complexe K vérifiant K X + = −X −, K X − = X +, K définit une structure presque complexe instable sur Λ. On peut calculer le tenseur de Nijenhuis, N X +, Y
+ = X +, Y + − K X −, Y + − K X +, Y − − X −, Y − N X −, Y − = X −, Y − + K X +, Y − + K X +, Y − − X +, Y + + − N X +, Y − = X +, Y − − X −, Y − − X +, Y + + X −, Y + = X +, Y − + X −, Y + QUANTIQUE et 79 − + N X −, Y + = X −, Y + − X +, Y + − X −, Y − + X +, Y − = X −, Y + + X +, Y − car J est intégrable, en sommant N (X, Y ) = 2 + − − + + X,Y X,Y
que
l'on peut écrire en posant 1 1 X + = (X + JX) et X − = (X − JX) 2 2 1 N (X, Y ) = ([X, Y ] − [JX, JY ]). 2 Si K est intégrable on a [JX, JY ] = [X, Y ].
Theorem 29.
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Greta masi La mise en art des territoires ruraux et protégés Une clé de lecture des dynamiques socio-environnementales AUTEURES Marie MÉTÉNIER, Greta TOMMASI RÉSUMÉ
Dans le cadre de campagnes gentrifiées ou en cours de gentrification en Angleterre et en France, le prisme de l'art nous a permis d'observer sous un jour nouveau les dynamiques des territoires : les interrelations entre ces deux éléments conduisent à renouveler l'analyse des recompositions sociales et des formes d'attractivité territoriale. De plus, le double parcours que nous avons présenté prend finalement la forme d'une boucle qui, partant du territoire en tant que source d'inspiration artistique, peut conduire les artistes à modifier leur art et à s'installer dans ces espaces ruraux et/ou protégés qui se trouvent parfois à la marge des dynamiques culturelles et artistiques dominantes. Une fois sur place, par leurs oeuvres ou leurs engagements, ils contribuent à changer les représentations territoriales, en valorisant les atouts environnementaux et renforçant ainsi l'attractivité. Ainsi, à leur tour ils contribuent à rendre le territoire attractif et source d'inspiration d'autres populations et d'autres artistes.
MOTS CLÉS
Art, territoires ruraux, espaces protégés, esthétique environnementale, représentations, réflexivité
ABSTRACT In the context of
gentrified gentrifying countryside in England and France, we have been questioning new dynamics of rural and/or protected territories through art. For this presentation, we focused on the relationship between these two elements. Finally the twofold process we have shown can be represented as a loop. It begins from the territory as an artistic inspiration for artists who are then brought to modify their art and to settle in rural and/or protected areas sometimes located on the edge of the prevailing artistic dynamics. Once they are settled, artists help to change territories' representations through their works and their personal commitments, which in several cases are related especially when artists express their commitments through their arts. By doing so, they enhance environmental and/or cultural amenities and sustain territories' appeals for other populations and other artists. 1. LIEN ENTRE ART ET TERRITOIRE
Quel rôle jouent l'art et les artistes dans les espaces ruraux? Les recherches menées montrent que la présence d'artistes ou de centres d'art a généralement des impacts positifs dans des espaces ruraux et/ou protégés. En effet, ils peuvent contribuer au dynamisme social et économique de ces espaces et participent à leur attractivité (Markusen & Gadwa, 2010), permettant par ailleurs la création de liens entre les échelles locales et nationales, voire internationales (Marontate, 2002). Ces thématiques ont été explorées dans le cadre de l'ANR Irgent dans le département de la Dordogne ainsi qu'en Angleterre, plus précisément dans les parcs nationaux de Dartmoor et de Peak District. Désignés parmi les premiers parcs nationaux en Angleterre en 1951, ces deux parcs présentent néanmoins des configurations géographiques très variées, ce qui illustre la richesse des différentes dynamiques socio-spatiales dans des espaces ruraux devenus espaces protégés. Si Peak District est un parc national accessible en moins d'une heure pour près d'1/3 de la population britannique (compte tenu de son enclavement entre des villes comme Manchester ou Sheffield), ce n'est pas le cas du parc national de Dartmoor qui se situe au le Sud-Ouest de l'Angleterre dans le comté du Devon. Contrairement à Peak District dans lequel la pression anthropique liée à l'afflux touristique en fait un terrain privilégié pour les pratiques de nature, Dartmoor est souvent reconnu pour être la dernière wilderness du pays. Les deux parcs sont emblématiques d'un ensemble d'aménités naturelles et culturelles qu'ils offrent aux visiteurs et nouveaux habitants. Cependant, Dartmoor se singularise aussi pour sa proximité avec des villes en transition comme Totness, qui suscite de nombreuses initiatives alternatives favorables au d éveloppement local au sein du parc. Ces nombreuses différences entre deux espaces protégés auxquels une même législation s'applique se retrouvent également en matière artistique : les artistes de Peak District ne sont pas ceux de Dartmoor et inversement, ainsi la lecture des dynamiques socio-spatiales au prisme de l'art s'en trouve enrichie. En Dordogne, le terrain d'étude se situe dans le Périgord Noir, entre les vallées de la Dordogne et de la Vézère. La mise en valeur des aménités environnementales (vallées, falaises), culturelles (préhistoire, châteaux, gastronomie) est passée par un processus de « requalification patrimoniale » (Banos & Candau, 2014 : 88) qui a accompagné la transformation de ce territoire de campagne pauvre et périphérique en un « paradis inventé » (ibid. : 83). Ainsi, ce territoire est la destination de flux touristiques nombreux et variés (tourisme patrimonial, de nature, historique), mais est également investi par des migrations résidentielles, qui ont contribué, depuis les années 90, à le façonner. Des Français et des étrangers, principalement Représenter les territoires // Representing territories des Britanniques, ont en effet choisi de résider dans le Périgord Noir en raison du cadre environnemental et culturel. Parmi eux, les artistes nous semblent bien représentés : installés dans les centres plus touristiques comme Sarlat, ainsi que dans des communes ou hameaux plus périphériques, ils participent aux dynamiques sociales et économiques, et en sont en même temps bénéficiaires. Ces terrains d'étude relèvent de contextes nationaux différents et ne présentent pas les mêmes dynamiques socio-spatiales. En conséquence, notre objectif n'est pas de procéder à une analyse comparative, mais de souligner comment l'art et l'action des artistes peuvent être, dans ces deux territoires valorisés et convoités, une clé de lecture pertinente des dynamiques territoriales. Comment deux géographes en sont-elles amenées à réfléchir à l'art en tant qu'objet géographique? Notre démarche réflexive nous a permis d'explorer les hybridations entre art et géographie. En effet, d'abord l'art est devenu question de nos recherches grâce à la géographie : en travaillant sur la gentrification rurale, nous avons remarqué que le rôle de l'art et des artistes restait un angle mort dans l'étude de ce processus, alors que son importance est reconnue dans la gentrification urbaine. C'est alors en tant que géographes que nous sommes allées vers l'art, par des enquêtes de terrain en Angleterre (dans le cadre d'un contrat doctoral) et en Dordogne (dans le cadre d'un post-doctorat). Nous avons réalisé des entretiens semi-directifs avec des artistes (20 en Angleterre, 11 en Dordogne, dans la période 2015-2017) et recueilli du matériel iconographique (photos, documentation). Nous avons questionné les artistes sur la relation entre leur territoire d'installation et leur démarche artistique, sur les relations avec les acteurs locaux (habitants, touristes, institutions), sur leurs parcours et leurs réseaux. Les éléments issus des entretiens sont recueillis dans une base de données commune, où l'analyse des différents indicateurs nous permet de développer un regard partagé. 2. L'ALLER, DU TERRITOIRE VERS L'ART
Le premier aspect de cette dynamique permet d'interroger les liens partant du territoire vers l'art. En effet, nos terrains de recherche constituent une source d'inspiration pour les artistes allant jusqu'à les influencer. Cette démarche artistique se matérialise non seulement dans les oeuvres inspirées de l'environnement, comme l'attestent les artistes adoptant des pratiques de 261 CIST2018 proceedings Représenter les territoires // Representing territories peinture en plein air ou réalisant du land art. Cela se manifeste également dans l'attractivité du territoire, qui impulse des mobilités résidentielles de la part des artistes : point commun des entretiens récoltés dans les deux contextes géographiques, les artistes interrogés ont choisi de s'installer dans le Périgord Noir et dans les parcs nationaux anglais consécutivement à un certain nombre de représentations qu'ils s'étaient eux-mêmes forgés du territoire. Suite à leur installation, vivre dans ces nouveaux cadres de vie leur permet de confronter leurs représentations à la réalité d'un quotidien qu'ils transcrivent dans leur art : certaines des productions artistiques se servent alors du territoire et de l'environnement comme matériau à part entière de leur production. Dans un usage quotidien, la majorité des artistes rencontrés explique entretenir une relation de contemplation avec leur territoire et associe leur cadre de vie à la notion de privilège. Pour certains d'entre eux, l'idée de privilège évolue vers une quête de prestige dès lors que leur atelier se situe à proximité d'un haut lieu artistique, environnemental ou patrimonial (Meyrals en Dordogne, Chatsworth dans Peak District), alimentant ainsi leur capital symbolique. De plus, les artistes n'hésitent pas à réintégrer leurs oeuvres directement dans l'espace public, leur donnant ainsi une portée collective. Parfois, sans forcément le signaler, ils laissent les promeneurs découvrir, au détour d'une rivière, une oeuvre de land art qui selon la volonté de l'artiste se végétalise au fil du temps. Du territoire à l'art, de l'art au territoire, les oeuvres de Peter Randall Page constituent par exemple une illustration d'un objet-lieu d'art (Volvey, 2012). Les artistes, après leur installation, entretiennent également un rapport d'usage au territoire et à l'environnement. Pour beaucoup, c'est souvent la fonction économique du territoire qui influence leurs stratégies d'installation : que ce soit en Dordogne ou dans les parcs nationaux anglais, ces trois espaces bénéficient d'un afflux touristique considérable de manière saisonnière. 3. LE RETOUR, DE L'ART AU TERRITOIRE
Si l'art et les artistes sont influencés par les territoires, ces derniers peuvent également être modifiés par l'art, dans la mesure où de nombreux exemples illustrent le rôle des artistes dans les mises en art et/ou en tourisme. En effet, les productions artistiques produites par les artistes sur un territoire contribuent à modifier ou à interroger les représentations. Pour les cas britannique, les territoires enquêtés sont des espaces ruraux auxquels une fonction de nature a été attribuée par leur désignation en tant que parc national. Les relations entre artistes et espaces protégés sont ambivalentes : s'il est fréquent que les gestionnaires des espaces naturels protégés fassent appel aux artistes pour valoriser leur image et dynamiser la fréquentation (Guyot, 2015), d'autres initiatives impulsées par les artistes à travers l'art in situ viennent réinterroger la légitimité de la protection conférée à un espace naturel. Ce faisant, de nouveaux conflits d'usages peuvent apparaître non seulement entre l'artiste et les 262 CIST Représenter les territoires // Representing territories gestionnaires mais également avec différentes catégories de la population. Dans cet exemple, si l'art a pu être source de conflits d'usage, il peut néanmoins être envisagé comme ayant participé au développement touristique et, ce faisant, ayant été sur une temporalité donnée un outil de développement local. D'autres exemples moins conflictuels ont pu également être relevés, permettant d'illustrer comment l'art renforce l'attractivité territoriale. Dans le Périgord Noir, les artistes mettent l'environnement et le territoire au coeur de leur démarche artistique : la nature est sublimée par la représentation des paysages, la ruralité est idéalisée par la représentation de la campagne, le territoire est valorisé par le cours à des matériaux locaux. Ces formes d'expression mettent en avant l'expérience sensible de l'environnement et du territoire : cela participe à un « partage du sensible » (Blanc, 2008b) qui véhicule une image valorisante du territoire auprès des touristes, ainsi qu'auprès des habitants qui, par la médiation esthétique, assimilent de nouvelles valeurs associées à leur lieu de vie. L'exemple d'une petite commune proche de Sarlat, regroupant deux galeries et plusieurs ateliers d'artistes, est à ce titre riche d'enseignements. Les artistes, pour la plupart étrangers ou originaires d'autres régions françaises, sont un élément visible du village : ateliers ouverts, panneaux de signalisation, plaquette de présentation partagée. CONCLUSION
Se pencher sur les influences réciproques entre art et territoire nous a conduit à réfléchir sur la plupart des liens sensibles qui unissent les artistes et les habitants à leur lieu de vie : pratiques, regards, liens affectifs sont autant d'éléments qui nourrissent cette relation et que l'art peut exprimer. En ce sens, l'art est un outil de médiation utile au géographe, mais il s'agit en même temps d'un objet livré à la subjectivité du chercheur qui, par ses ressentis, ses goûts, ses impressions, en donne une lecture personnelle. Si la subjectivité est un élément indissociable de la recherche, elle émerge de manière puissante quand l'analyse géographique passe par l'art, interrogeant ainsi la dimension humaine et éphémère du travail du chercheur.
RÉFÉRENCES
Banos V., Candau J., 2014, Sociabilités rurales à l'épreuve de la diversité sociale, Versailles, Quae. Blanc N., 2008a, Vers une esthétique environnementale, Versailles, Quae. Blanc N., 2008b, « Éthique et esthétique de l'environnement », EspacesTemps.net [en ligne : espacestemps.net/document4102.html]. Guyot S., 2015, Lignes de front : l'art et la manière de protéger la nature, HDR de géographie, Université de Limoges. Guyot S., 2017, « La mise en art des espaces montagnards : acteurs, processus et transformations territoriales », Revue de géographie alpine, n° 105-2 [en ligne : rga.revues.org/3658 consulté le 10/09/17]. Représenter les territoires // Representing territories Guyot S., Saumon G., 2017, « La mise en art de la Blackfoot Valley (Montana, USA) ou comment (ré) concilier le front minier et le front écologique? », Revue de géographie alpine, n° 105-2 [en ligne : rga. revues.org/3690 consulté le 07/09/17]. Markusen A., Gadwa A., 2010, « Arts and Culture in Urban or Regional Planning: A review and Research Agenda », Journal of Planning Education and Research, n° 29, p. 379-391. Marontate J., 2002, « Les rapports d'appartenance aux lieux de création et l'art contemporain en région périphérique : le cas de la Nouvelle-Écosse (1992-2002) », Sociologie et sociétés, 34(2), p. 139-161. Volvey A., 2012, Transitionnelles géographies : sur le terrain de la créativité artistique et scientifique, HDR, Université de Lyon..
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La genèse ambigue de l'élite kenyane Origines, formations et integration de 1945 a l'indépendance Liste des abréviations
AAC Anglo African Committee AAMO African Assistant Medical Officers AASF African American Students Foundation ACEC Advisory Committee on Native Education in Tropical Africa ACOA American Council on African Education ADC African District Council AEMO African Elected Members Organization AHS Alliance High School AIM African Inland Mission ANK Archives nationales du Kenya BA Bachelor ofArts BC BIS British Information Service CDWA Colonial Development and Welfare Act CDWS Colonial Development and Welfare Scheme CERC Church of England Record Center CMS Church Missionary Society CNC Chief Native Commissioner CO Colonial Office CSM Church of Scotland Mission CUGAC Colonial University Grants Advisory Committee DC District Commissioner EAA East African Association GAOB Government African Overseas Bursaries GMC General Medical Council IMS International Missionary society IUC Inter- University Council KA Kikuyu Association KAU Kenya African Union KADU Kenya African Democratic Union KANU Kenya African National Union 1 KCA Kikuyu Central Association KISA Kikuyu Independent School Association KKEA Kikuyu Karing 'a Education Association KNA Kenya National Archives KPA Kenya Provincial Association KSU Kenya Student's Unit LegCo Legislative Council LIE London Institute of Education LNC Local Native Council LSE London School of Economics NPCP Nairobi People's Convention Party PC Provincial Commissioner PRO Public Recoord Office PSF Phelps Stokes Fund RTC Royal Technical College SOAS School of Oriental and African Studies TTC Teachers Training College UDC The Union of Democratic Control UK United Kingdom WASU West African Students Union WEA Worker 'is' Educational Association YKA Young Kikuyu Association YMCA Young Men Christian association YWCA Young Women Christian association
2 Carte 1: Provinces et villes principales du Kenya en 1957 Carte administrative du Kenya en 1957.• SOUDAN Lc Rodoiphe ETJTIOP1E OUGANDA Marsabit Northern :SOMALLE : ITALIENNE
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Carte 2: Principales écoles du Kenya
Principales écoles du Kenya SOUDAN LacRodo/phe ••• ETUIOP[ OUGANDA Mo,::E1got I Lac! >&_ - Victona 0 - - urn 0 GAS Kabrnnga Kisii TANGANYIKA :SOMALLE :ITALIENNE \ 0
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( Kaamega Kaimosio Yala. Le role central de I'éducation comme mode de revendication et de réappropriation de l'espace politique et social dans Ia colonie nous est apparu au cours de nos recherches antérieures. Notre premier travail de recherche sur le Kenya dans le cadre de Ia preparation d'une maltrise d'histoire (Introduction au système éducatif du Kenya, Paris 7, 1994) avait mis en Iumière le role structurant de l'éducation dans Ia société kenyane. C'est a partir de cc constat que nous avons décidé de consacrer notre DEA aux initiatives éducatives africaines a l'intérieur de Ia colonie (Le désir d'école, les initiatives africaines dans 1 'education au Kenya de 1945 a 1978). Cette étude souligne Ia dimension sociale Ct politique de l'éducation dans cc territoire. Le Kenya n'est pas une colonie comme les autres. La prépondérance d'une communauté immigrée blanche dans les domaines économiques, politiques et sociaux confère a ce territoire les caractéristiques d'une petite colonie de peuplement. Pendant toute la période coloniale, l'affirmation des intérêts de cette communauté et Ia defense de ses privileges par l'administration se fait au detriment des Africains. Or la politique officielle de la GrandeBretagne affirme la defense des populations autochtones de l'Empire britannique dans le cadre du double mandat; c'est sa <<mission civilisatrice >>. Les Africains de la colonie n'hésitent pas, dans cc contexte, a s'adresser directement aux responsables du Colonial Office pour affirmer leurs intérêts. L'histoire de Ia colonie du Kenya est le produit de l'interaction de ces trois forces: les intérêts des colons européens défendus par l'administration coloniale, la politique métropolitaine et les pressions africaines. Elles sont déterminantes dans la structuration de l'élite kenyane. La présente étude privilégie et explore les initiatives africaines en matière d'éducation supérieure qui répondent précisément aux ambiguités de la politique coloniale du Kenya. Cette approche implique un parti pris méthodologique qui mérite d'être explicité. Le cadre methodologique 1/ Le cadre geographique ettemporel
Le cadre de cette recherche est constitué par la colonie britannique du Kenya dont les frontières sont identiques a a celles de l'actuelle Republique du Kenya. Mais l'objet de l'étude, savoir la formation des étudiants, ne touche pas l'ensemble du territoire de la même manière. Les regions qui disposent d'une bonne infrastructure scolaire envoient un plus grand nombre d'étudiants a l'etranger. Dans le cas du Kenya, ii s'agit des provinces du Nyanza et du Centre. Ce sont également les provinces les plus peuplées: elles abritaient 70 % de la population africaine de la colonie en 1948. Les principales populations du Nyanza sont les Luo et Luyha, tandis que la province centrale est majoritairement habitée par des Kikuyu. Ii y a bien sür des étudiants Masal, Kalenjin ou originaires de la côte mais, dans ces regions, les questions éducatives ne mobilisent pas autant la population que dans les deux principales regions de la colonie. La três grande sensibilité du Nyanza et de la provinces centrale du Kenya aux questions éducatives s'explique par une implantation missionnaire précoce. Pendant toute la période coloniale, l'éducation est avant tout le fait des missions. Celles-ci se sont concentrées le long de la voie ferrée reliant Mombasa au lac Victoria et qui irrigue précisément le Nyanza et la province centrale. Les enjeux éducatifs sont toutefois différents dans chacune de ces provinces. La province centrale est aussi Ia province des Highlands, c'est-à-dire de l'occupation européenne. C'est dans cette region que les bouleversements lies a l'implantation europeenne ont été les plus perceptibles mais aussi les plus violents. Dans cette province, l'école a souvent été un lieu de conflits et de dications sociales que l'on ne retrouve pas dans les autres regions de la colonie. Pour les populations de cette province, majoritairement des Kikuyu, la scolarisation, et a fortiori les etudes supérieures, ont très tot été considérées comme un moyen de se reapproprier l'espace social et politique confisqué par les Européens. Ce role nouveau assigné a l'éducation explique alors les experiences originales comme les écoles indépendantes. La mobilisation des populations en faveur de l'éducation supérieure des jeunes gens de la region participe de la même dynamique. C'est la raison pour laquelle les Kikuyu sont les plus nombreux a étudier a l'etranger de manière indépendante. La situation du Nyanza est fort différente. Cette province n'a pas subi l'occupation et l'aliénation de ses terres par les Européens. Elle a plutôt servi de laboratoire l'épanouissement d'une agriculture africaine moderne et a a l'emergence d'une bourgeoisie africaine eduquee. Les assemblées locales de cette province jouent un role politique et social majeur dans ce processus. Dans cet espace, l'éducation, qui reste un instrument essentiel de promotion sociale, semble avoir davantage été intégrée dans un schema global de développement politique et économique. Les revendications scolaires pour étendre, notamment, des opportunités jugées trop réduites passent par les assemblées locales qui n'hésitent pas a développer leurs propres projets. Si les moyens mis en ceuvre pour acquérir une education supérieure varient, les populations de l'ouest et du centre du Kenya se caractérisent par leur bon niveau d'éducation. La présente étude porte sur Ia période qui s'étend de Ia fin de la Deuxième Guerre mondiale, en 1945, a l'indépendance du Kenya en 1963. Le choix de ces bornes chronologiques répond au souci d'inscrire cette recherche dans une période historique globale. Dans l'ensemble du monde colonial, Ia période qui s'ouvre au lendemain de la guerre et qui aboutit a I'indépendance des pays concernés est une période d'effervescence et de maturation politique et sociale. La guerre génère de nouveaux équilibres qui scellent notamnient le recul de l'Europe au profit d'une polarisation américano-soviétique. Ce nouveau contexte international dicte Ia mise en place de réformes politiques, économiques et sociales dans le monde colonial, qui débouchent précisément sur les indépendances. Si ces réformes épousent des formes variées dans ces territoires différents, le mouvement de décolonisation, qui répond aux pressions s et extemes exercées sur les puissances a coloniales, eat effectivement lance partir de 1945. A l'intérieur de cc cadre general, Le Kenya et plus particulièrement Ia formation des étudiants kenyans, suivent leur propre chronologie. On distingue, en effet, trois moments de l'émergence de l'élite: les origines avant 1946, La période de formation entre 1946 et 1957 et enfin l'intégration entre 1957 et 1963. Ces deux césures chronologiques correspondent moments des du processus qui conduit a des a l'émergence d'une elite africaine dans la coLonie. C'est en 1946 que le premier étudiant africain de la colonie recoit une bourse de la part du gouvernement colonial pour La Grande-Bretagne. C'est egalement a cette date que le Colonial Development Bursary Scheme est mis en place pour permettre aux ressortissants des colonies de venir etudier en Grande-Bretagne. Enfin, 1 'Inter-University Council effectue sa premiere visite a Makerere en 1946. La venue de cette delegation en Afrique de L'Est lance le processus qui doit transformer l'établissement en college universitaire. C'est a partir de 1946 que la politique de formation superieure des Africains devient une réalité au Kenya. Le Kenya devient independant en 1963 a La suite d'un processus amorce en 1957. C'est, en effet, a cette date que les Africains du Kenya elisent, pour La premiere fois, leurs huit représentants au Conseil législatif. Ces elections, qui interviennent quelques mois après l'ecrasement de Ia révolte des Mau-Mau par les forces britanniques (1952-56), constituent un tournant majeur dans L'histoire de la colonie. Elles marquent le debut de l'occupation de l'espace poLitique par les Africains. Ces premiers élus africains organisent immédiatement la résistance constitutionnelle au multiraciaLisme. Leur combat donne une dimension véritablement africaine a l'indépendance du Kenya en 1963. La premiere generation d'Africains eduqués joue un role central lors de ces elections, comme électeurs (ii ne s'agit pas d'une election au suffrage universel), mais aussi comme candidats. Ces pionniers, qui se sont formés au debut des années 1950 et rentrent dans La coLonie au milieu de la décennie, constituent un groupe coherent. Par ailleurs, La nature des formations supérieures change après 1957. Le Colonial Development and Welfare Bursary, qui avait été mis en place pour dix ans, s'achève cette annee-la (les demiers étudiants sont partis en 1956). Or la fin de cc programme signifie la fin de l'engagement métropolitain dans les programmes de formation, au profit d'une initiative coloniale. L'étude proposée s'intéresse plus particulièrement a la période 1946-1957. Elle s'efforce d'analyser l'évolution des différents programmes de fonnation et les parcours des étudiants kenyans entre ces deux dates. La période qui précède est celle de Ia gestation des formations supérieures. Elle permet de mettre en perspective les questions éducatives et la nature du pouvoir colonial au Kenya. Enfin les années 1957 a 1963 sont celles de l'intégration des étudiants. a l'etranger entre a partir des informations éparses recueillies dans nos différentes sources d'archives. Ii a ainsi été possible d'identifier 225 étudiants. C'est sur ce panel, fourth en annexe (p. 416), que nous avons travaillé pour explorer la question de la formation des étudiants a l'etranger et son impact sur la société coloniale entre 1946 et 1963. Le principe de cette liste est d'individualiser autant que possible une information essentiellement statistique pour en dégager la signification humaine. Une telle démarche a ses limites, cue ne pretend pas a 1' exhaustivité. Les informations recueillies sur ces étudiants sont, en effet, de nature très diverses. Elles tiennent aux aléas des correspondances conservées et retrouvées, mais aussi aux parcours mêmes de ces étudiants. Ceux qui se sont fait remarquer pendant leurs etudes a l'étranger ont genéralement suscité une abondante correspondance de la part des autorités coloniales. Mais les plus discrets n'ont pas laissé de trace dans les archives. Lorsque celles-ci étaient disponibles, les correspondances des étudiants avec des responsables de la colonie ou des amis restés en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis ont été exploitées au maximum, certains de ces documents sont fourths en annexe (p.444). Cette documentation, rare mais riche, nous a notamment permis d'apprécier la réalité de ces formations vécues par les étudiants, afin de dégager notamment leurs motivations, leurs ambitions et aussi, parfois, leurs deceptions. Les témoignages oraux d'anciens étudiants et d'acteurs institutionnels se sont également révélés très précieux pour apprécier ce phénomène, bien que les souvenirs aient parfois été estompés par le temps. Au cours de ces entretiens semi-guides, nous avons laissé nos interlocuteurs er leur propre récit.
b/ Les Iieux de la recherche
Compte tenu de la diversité des parcours de ces étudiants, ii aurait pratiquement fallu se rendre dans tous les lieux oU us ont pu laisser des traces de leur formation. Bien entendu, une telle démarche n'était pas envisageable. La recherche s'est done concentrée en trois principaux lieux : Nairobi, Londres et New York. Nous avons effectué trois séj ours au Kenya: le premier d'octobre 1997 a janvier 1998 (financement de L'Institut français de recherche en Afrique - IFRA - de Nairobi), le deuxième de janvier a février 1999 (bourse de mobilité du ministère de l'éducation nationale), et enfin le troisième et dernier en janvier 2001 (bourse de doctorant de l'université Paris 7). Cette étude nous a frequemment conduit en Grande-Bretagne pour des séjours d'une a un mois. Les principaux ont été effectué aux printemps 1997 et 1998, puis en juin 1998. Un séjour d'un mois a Oxford, en juin 1999, nous a également durée variant de 15 jours permis d'exploiter les ressources documentaires de ce lieu et plus particulièrement les collections privées abritées par La Rhodes House Library. Enfin, nous nous sommes de nouveau rendue en Grande-Bretagne en novembre 1999. Ces séj ours ont principalement été consacrés a l'exploitation de la documentation disponible aux archives nationales de Londres (Public Record Office). Toutefois d'autres centres de recherches londoniens et, notamment, la SOAS (School of Oriental and African Studies)2 les archives de La L.S.E (London School of, Economics), qui abritent les collections personnelles d'Alexandre Carr-Saunders, celles du London Institute of Education et enfin les archives de l'église anglicane (Church of England Ressources Center) nous ont egalement pourvues en informations. Enfin, les différentes visites au professeur John Lonsdale a l'université de Cambridge ont été très précieuses dans l'élaboration de cette recherche. Grace a une bourse Fuibright accordée par La commission franco-américaine, ii a été possible de séjoumer un mois et demi aux Etats-Unis, du 20 aoüt au 5 octobre 2001, principalement a New York. Ce dernier séj our nous a permis d'explorer la dimension américaine de la formation des jeunes kenyans. Les archives disponibles au Teachers' College de Columbia, a l'université de Columbia (qui dispose notamment des archives de Ia Carnegie Corporation) ou encore celles du Schomburg Center de New York (archives privées), se sont avérées utiles pour notre recherche. Les archives de Lincoln University en Pennsylvanie, oü a étudié un petit groupe de Kenyans dans les années 1950, ont egalement fourth des informations originales. Ce séjour nous par ailleurs amenées a participer aux stimulants séminaires organisés par le professeur Marcia Wright, du département d'histoire de Columbia University. La frequentation de ces divers Lieux de recherche et centres de formations nous a donné L'opportunité d'entretenir un dialogue fructueux avec des équipes de recherche très variées. La diversité géographique de cette étude a également élargi notre vision du sujet. La confrontation des méthodes et des approches américaines, britanniques et francaises sur un tine année complete passée a Londres de septembre 1995 àjuin 1996, pour effectuer un DEA dans le cadre de l'echange Erasmus avec La SOAS nous a permis de nous familiariser avec ce centre. La participation aux séminaires de recherche nous avait alors permis de dialoguer avec un certain nombre d'universitaires, ces contacts ont étd maintenus et prolongds au cours de nos sdjours ultérieurs. Le regard et l'aide d'Andrew Roberts ont particulierement été appreclés. sujet qui n'a pas la même portée dans chacune de ces aires géographiques et culturelles ont été, en effet, une source permanente de questionnement et d'enrichissement. Mais La réalisation de cette étude s'est également heurtée a problèmes. La principale difficulté reside précisément dans le morcellement de l'information. Faute de pouvoir effectuer des recherches dans les différents lieux d'études des étudiants kenyans, ii a fallu effectuer des choix au niveau des terrains de recherche. Les Etats-Unis ont joué un role determinant dans la formulation d'une politique educative coloniale et dans la formation des étudiants africains des les années 1930. L'implication grandissante des EtatsUnis dans la formation des étudiants africains et notamment kenyans, au cours de la période étudiée, met en relief Les 'enjeux internationaux de ces questions. Dans ces conditions, ii nous a semblé plus pertinent de retenir ce troisième terrain (en plus du Kenya et de La GrandeBretagne incontoumables) pour étayer notre recherche. L'exploitation de la documentation indienne et sud-africaine aurait sans aucun doute été des plus enrichissantes. Mais ii ne nous était pas possible de multiplier ainsi les terrains. a 2000, puis d'un ATER a l'université Paris 7 et dans l'enseignement secondaire a partir de 2001, Les charges d'enseignement, (dans le cadre d'un AMN de 1997 de 2000-a 2001) ainsi que les obligations familiales ont directement pesé dans l'organisation des recherches de terrain. La durée limitée des séjours au Kenya, souvent séparés par de longues périodes, n'a pas facilité les recherches. L'organisation des entretiens qui demande du temps pour identifier et localiser les interlocuteurs a été entravée par ces conditions particulières de recherche. Leur nombre restreint (12 au total ne permet pas de tirer des informations systématiques. a partir des parcours et de l'expérience des étudiants eux-mêmes, avec ses limites et ses contraintes, donne a notre Au total, la manière dont nous avons choisi d'aborder cette étude, matière l'aspect d'un prisme qui éclaire sous des angles différents un phénomène global. Notre parti pris méthodologique rattache cette étude a une histoire sociale qui fait des Africains les propres acteurs de leur histoire.
3/ Le cadre historiographique
Le principal écueil que nous avons essayé d'éviter tout au long de cette recherche était de faire une histoire coloniale et institutionnelle des formations supérieures au Kenya avant l'indépendance. Une telle approche opar le haut> ne permet pas de rendre compte de la réalité sociale et historique du Kenya. Les formations organisées, notamment en métropole, ne représentent qu'une partie du processus de formation des étudiants africains. Au Kenya, ce sont les étudiants eux-mêmes qui ont souvent déterminé les modalités de leurs etudes. Dans la 12 mesure oü nous avons choisi d'aborder la question de l'appropriation des outils de la domination et plus particulièrement des savoirs, les acteurs de cette appropriation occupent une place centrale dans notre démarche. Dans le cas du Kenya, le mouvement d'éducation supérieure, même s'il répond métropolitaine, se structure a un cadre institutionnel mis en place par la puissance a l'intérieur des sociétés coloniales. Cette histoire <<par le bas >> peut paraItre paradoxale dans la mesure ot ii s'agit des elites. Précisément, la spécificité de l'é]ite kenyane reside dans le fait qu'elle n'est pas exciusivement un produit du pouvoir, mais qu'elle s'est aussi structurée contre cc pouvoir. C'est ce double mouvement qu'il a été tenté de mettre en lumière. Cette lecture des dynamiques sociales internes place notre analyse dans le courant de la recherche africaine qui s'efforce de restituer a l'histoire africaine son historicité propre. Dans cette nouvelle perspective, les Africains sont a Ia fois les acteurs et les produits de leur histoire. Elle s'inscrit dans la démarche empruntée par Basil Davidson, John Iliffe en Grande-Bretagne et Catherine Coquery-Vidrovitch en France. Ces trois historiens majeurs de l'Afrique insistent sur les dimensions sociales et proprement africaines de l'histoire du continent qui se déploient dans la longue durée. Dans le cadre de notre sujet, la tentation est grande de lire l'émergence d'une elite africaine comme la projection, sur les sociétés africaines, d'un cadre culturel occidental, a un moment clé des relations entre les continents européen et africain. Une réflexion sur la longue durée et une approche qui se base sur les acteurs africains permettent d'éviter ce travers. Ces formations supérieures apparaissent comme la mise en ocuvre de strategies d'adaptation particulières des sociétés africaines a un environnement nouveau; elles se développent d'ailleurs parfois sur plusieurs générations. Celles-ci ne sont ni uniques ni inédites, elles attestent de la vitalité et de I' inventivité de ces sociétés. L'objet de la présente étude se rattache Cgalement Deux ouvrages récents sur le Kenya ont contribué a un courant de recherche plus vaste. renouveler les problématiques de recherche sur ce pays en mettant en lumière les dynamiques internes des sociétés africaines. Decolonization and Independence in Kenya, 1940-1993 (Londres, James Currey, 1995), dirigé par B. Ogot et W. R. Ochieng', place les Africains au centre de la question de la décolonisation du Kenya. L'ouvrage s'intéresse particulièrement aux initiatives politiques africaines dans le processus d'indépendance du Kenya. Les theses développées par Bruce Berman et John Lonsdale dans Unhappy Valley: Conflict in Kenya and Africa (Londres, James Currey 1992) s'inscrivent également dans ce courant historiographique. La question de Ia formation d'une société de classe au Kenya est, en effet, abordée du point de vue des réponses apportées par la société africaine a l'instauration du pouvoir colonial. L'analyse 13 proposée par ces auteurs de l'état colonial au Kenya offre un cadre stimulant pour comprendre les mécanismes de domination et de contrôle social dont l'école et l'éducation sont un pole. Enfin, les etudes sur les formations supérieures dans les sociétés coloniales et leur signification politique connaissent un certain développement depuis environ cinq ans. Une place importante avait été accordée aux elites africaines dans la littérature scientifique des années 1960. Cette approche souvent sociologique abordait principalement La question de l'adaptation et de l'intégration de cette elite dans les sociétés africaines. Elles s'inscrivaient alors dans le courant des travaux sur le développement et La dépendance des Etats nouvellement ind6pendants 3. Mais aujourd'hui la réflexion sur les elites africaines s'inscrit dans une démarche radicalement différente puisqu'il s'agit de comprendre leur emergence a partir des dynamiques internes des sociétés africaines. C'est, en effet, La démarche abordée par Nicolas Bancel (1999) et Katya Leney (1998) pour l'Afrique de l'Ouest francophone; Charles Tshimanga (2001) pour le Congo ou encore Yann Lebeau (1997) pour une approche plus sociologique, dans leurs theses respectives. L'ouvrage du Nigerian Appolo S. Nwauwa a renouveler Ia réflexion sur les elites africaines. Nous espérons que La présente étude apportera sa modeste contribution a (1997), s'inscrit également dans ce courant de recherche qui tend la connaissance globale de ce processus de formation des elites africaines avant l'indépendance. Les axes de recherche Le processus de formation des Africains qui se structure après la Deuxième Guerre mondiale repose essentiellement sur des strategies sociales africaines. Celles-ci répondent aux contraintes et aux contradictions de la domination coloniale au Kenya. L'éducation et, plus particulièrement l'éducation supérieure, apparaIt comme un lieu essentiel des recompositions sociales issues de la colonisation. Les formations permettent aux Africains de se réapproprier un espace politique et social con±'isqué par le pouvoir européen. Ces strategies s'inscrivent dans la longue durée. En effet, la colonisation européenne, loin de faire table rase de l'ordre ancien, redistribue les cartes en élargissant le champ d'intervention des différents acteurs sociaux. La formation occidentale est l'une de ces nouvelles mediations qui permet d'articuler les forces anciennes avec des forces nouvelles flees de la situation coloniale. Ces initiatives originales jouent alors un role determinant dans la marche vers l'indépendance de la colonie. Parmi les travaux fondateurs on peut citer: Southall A., Social changes in Modern Africa, Oxford, OUP 1961 Ashby E. 14 L'analyse du processus de formation des étudiants africains éduques depuis 1945, comme élément central de l'histoire de cette période, s'articule autour de trois questions majeures : la structuration de ces formations, leur nature et enfin leur impact. La notion de genèse fait directement référence a La manière dont se structurent ces formations. Celles-ci s'enracinent dans les nouvelles dynamiques sociaLes issues des cadres de ía colonisation. Or le contexte du Kenya est de ce point de vue particulier. En effet, les structures économiques sociales et poLitiques de la colonie sont dominées par les colons européens. Mais le Kenya s'inscrit dans un système plus vaste qu'est l'Empire colonial britannique. L'histoire de La colonie du Kenya se structure autour de l'articulation problematique entre le pouvoir métropolitain et le pouvoir colonial, en partie confisqué par les colons. Le difficile equilibre mis en place pendant I'entre deux guerres vole en éclats après 1945. La nécessité de reformer 1 'Empire afin de le réhabiliter implique une reprise en main de Ia gestion de ces espaces par le pouvoir métropolitain. Mais le processus de réforme engage alors en vue de la modernisation et de La démocratisation des espaces coloniaux se heurte, au Kenya, a La résistance des milieux européens qui ne veulent pas perdre leurs privileges. La formation des Africains de la colonie s'enracine et se nourrit de ce cadre paradoxal. Les projets coloniaux et métropolitains se révèLent, en effet, radicalement différents. Pour les premiers, l'éducation est concue comme un outil de conservation sociale qui entérine la domination blanche sur Ia colonie. Mais le pouvoir métropolitain envisage, au debut des années 1940, l'éducation des Africains, et notamment leur education supérieure, comme un outil de Ia modernisation qui doit permettre une plus grande integration de cette population a la vie politique et économique des territoires coloniaux dans la perspective du gouvemement autonome. C'est précisément dans les interstices de ce projet colonial de formation que se structurent les initiatives africaines. Elles repondent, des les années 1930, aux blocages d'une société coloniale verrouillée par La domination européenne et s'engouffrent, a partir de 1945, dans la brèche ouverte par la nouvelle politique métropolitaine. Les formations supérieures sont alors percues comme un moyen de s'approprier les outils de Ia domination jusque-la confisqués par les Européens. L'éducation supérieure concentre alors les espoirs de promotion sociale des Africains de la colonie. 15 Cependant, La nature des formations qui président a l'emergence d'une elite africaine se révèle ambigue. Ce sont les réformes métropolitaines de l'apres-guerre qui inaugurent les formations supérieures pour les ressortissants des colonies. Cela passe notamment par la creation d'universités coloniales et la mise en place de bourses d'études en métropole pour completer les cursus beaux. Mais ces programmes de formations s'inscrivent dans un projet plus vaste de modernisation et de démocratisation progressive des espaces coloniaux. En projetant sur les sociétés coloniales des modèles métropolitains, ces formations assurent l'acculturation des futures elites africaines, dies permettent de resserrer les liens entre Ia métropole et les colonies. Du point de vue des Africains toutefois, les formations supérieures sont envisagées comme une réponse urgente a une domination coloniale de plus en plus oppressante. Le caractère sélectif et progressif des programmes métropolitains ne répond done pas a leurs attentes. C'est dans cette perspective que des initiatives originales sont dépboyées par les Africains afin d'elargir ces opportunités de formation jugées trop restrictives. Et ces nouveaux projets sont appuyés et encourages par des acteurs étrangers, notamment indiens et américains. Ces initiatives autonomes de formation apparaissent alors comme des contremodèles qui bouleversent les strategies métropolitaines de modernisation coloniale et échappent a leur projet politico-culturel. Avec la diversification des programmes, le rythme de Ia formation des étudiants s'accélère. Par ailleurs, le modèle culturel et academique britannique n'a plus le monopole de la structuration de l'élite africaine dans La colonie. Les responsables coloniaux sont abors contraints d'intégrer ces mutations quantitatives et qualitatives dans le processus de fabrication de l élite africaine qui tend de plus en plus a leur échapper. Dans le contexte de l'après-guerre, la formation supérieure des Africains devient un enjeu politique international. C'est done en dehors de La colonie que se joue sa modernisation. La diversification des modèles de formation pose alors La question de la nature de l'élite africaine qui emerge de ce processus. a partir du moment oü ils rentrent dans Ia colonie. Les postes et les responsabilités qu'ils sont alors susceptibles d'assumer confèrent a Les étudiants africains se constituent en elite cc groupe un statut social nouveau faisant de lui une elite. Le dénominateur commun de ce groupe est le bagage universitaire de ses membres, bien qu' ii n' ait pas la même signification suivant les lieux de formation de ces étudiants. Or l'emergence de cette elite africaine ne peut pas avoir lieu. En effet, la place est occupée par des Européens venus plus nombreux depuis La fin de la Deuxième Guerre mondiale pour mettre en ceuvre les programmes de modernisation coloniale. Cette seconde occupation coboniale bloque les perspectives de réintégration des 16 étudiants africains au debut des années 1950. Le conflit d'intérêt entre la nouvelle politique métropolitaine, qui envisage l'intégration de l'élite africaine et la politique coloniale qui s'efforce de preserver les privileges des Européens de la colonie, devient alors evident. La crispation du pouvoir colonial, qui refuse toute concession et toute evolution, aboutit declaration de l'état d'urgence et a la a la révolte des Mau-Mau en 1952. Le denouement de cette crise violente, qui exprime l'exaspération d'une partie de la population africaine de la colonie, met un terme aux rêves hégemoniques des colons. La reconstruction de la colonie, orchestrée par le pouvoir métropolitain, cherche alors a s'appuyer sur les elites africaines dans le cadre de la politique multiraciale. Mais cette politique arrive trop tard: les anciens étudiants, qui rentrent plus nombreux après 1955, n'envisagent plus de partager leurs prerogatives avec les autres populations. Les actions qu'ils engagent, a partir de 1957, forcent les cadres la société coloniale pour leur permettre de trouver leur place. L'emergence de l'élite africaine apparaIt alors comme un mouvement inteme qui se structure précisément en reaction contre une société coloniale fermée. L'irruption des ces étudiants africains sur la scene politique donne alors un formidable coup d'accélérateur au processus politique qui conduit la colonie 17 a l'indépendance en 1963.
PREMIERE PARTIE: L'impossible modernisation d'une colome de peuplement
L'explicitation des enjeux scolaires comme question sociale et politique majeure de la premiere partie du )Q(eme siècle permet de comprendre la nature des mutations qui s'opèrent au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. La politique coloniale évolue avec notamment la reprise en main de ces espaces par le pouvoir métropolitain. La question de la modemisation de l'Empire colonial britannique est posée dans les bureaux du Colonial Office a la fin des années 1930. L'enquete menée par Lord Hailey au cours de cette décennie et publiée en 1938 sous le titre an African Survey, peut-être considérée comme le point de depart de cette réflexion. Les responsables métropolitains 19 prennent acte des changements sociaux qui affectent les colonies et dont les principaux acteurs sont les Africains. Ces nouvelles réaljtés rendent caduc le mode de domination colonial instauré au debut du siècle qui pariait précisément sur la perennité et l'immuabilité des sociétés africaines. L'éducation occidentale est identifiée comme un facteur fondamental de changement des sociétés coloniales. C'est un moyen pour les populations dominées de s'intégrer dans les nouvelles structures sociales coloniales. La modernisation des colonies concerne alors aussi leur structure educative. Cette réflexion d'abord sociale devient politique dans le contexte de l'après-guerre. La notion de modernisation est alors associée projet colonial de manière a celle de démocratisation. Ii s'agit de réhabiliter le a l'adapter au nouveau cadre international. Or l'apprentissage de la démocratie, qui doit progressivement conduire les territoires coloniaux vers l'indépendance, passe par l'éducation des populations coloniales. C'est a cette fin que de nouvelles structures de formation sont mise en place dans les colonies. Mais si Ia question de la modernisation est abordée de manière globale, la réalité coloniale est extrêmement variée. Les structures sociales et politiques mises en place dans chacun de ces territoires déterminent, en effet, le cadre particulier dans lequel peuvent s'opérer ces mutations. La réalité sociale et politique de la colonie du Kenya, dominée par les colons, rend problematique Ia réalisation de cette modernisation dans la sure ot l'intégration des Africains risque de menacer la predominance du colonat. Les strategies mises en cuvre par les populations africaines, notamment dans le domaine éducatif, ont précisément pour but de se réapproprier un espace social et politique confisqué par les colons. La question de la modernisation des structures coloniales du Kenya met en relief les conflits d'intérêt qui opposent les Africains aux colons et le pouvoir colonial au pouvoir métropolitain. 11 s'agit donc, dans un premier temps, de préciser les spécificités coloniales pour comprendre les enjeux et les difficultés de la modernisation du Kenya. Le Kenya est une colonie de peuplement (chapitre 1). Cette caractéristique influence fortement la nature de la domination coloniale. L'administration du Kenya doit, en effet, prendre en consideration les besoins de ce groupe de population d'origine européenne. Dans ce contexte social particulier, les grandes lignes de la politique coloniale métropolitaine, qui doivent en principe servir de base a l'ensemble de l'Empire, sont souvent difficiles a appliquer. Ces limites sont particulièrement sensibles dans le domaine de l'éducation (chapitre 2). Les objectifs assignés a l'éducation des Africains varient suivant les acteurs de la colonisation. Les enjeux et les attentes ne sont pas les mêmes pour un colon qui a besoin 20 d'une main-d'uvre docile et efficace, pour le missionnaire en quête de fidèles ou encore pour l'administrateur colonial tiraillements donnent a a la recherche d'appuis dans La société africaine. Ces l'éducation un poids particulier. Elle devient un instrument de promotion sociale pour les Africains qui jouent de ces differences d'appréciation. Cependant I'Empire britannique connalt des mutations importantes des la fin des années 1930, qui s' accélèrent après la Seconde Guerre mondiale (chapitre 3). Les réformes engagées par le Colonial Office ont pour but de réhabiliter l'idée coloniale auprès des populations dominées mais également auprès des aLlies britanniques, grace a une politique de modernisation et de démocratisation. L'éducation est la pierre angulaire de ce programme de réformes C'est dans ce cadre que Ic principe de l'ouverture d'universités dans les colonies, notamment en Afrique de l'Est, est adopté. Cependant, dans le contexte social et politique particulier du Kenya, l'application de ces réformes s'avère problematique (chapitre 4). La lecture des responsables coloniaux atténue considérablement la portée du programme métropolitain. Les hierarchies qui structurent la société coloniale sont préservées dans le cadre du partenariat multiracial. Les colons confisquent ainsi la modernisation. Cefte situation attise la frustration de la population africaine de la colonie et accentue le clivage entre le pouvoir métropolitain et le pouvoir colonial. 21 Chapitre 1. Les paradoxes de la politique colomale britanmque dans une colonie de peuplement
La formation scolaire et intellectuelle des Africains est un élément essentiel de l'évolution de la colonie du Kenya. Les choix éducatifs opérés par les responsables coloniaux ainsi que les modalités de ce développement scolaire résultent de l'application des politiques coloniales décidées a Londres et de l'adaptation aux réalités sociales nouvelles créées par la colonisation. En effet, la conquête puis l'instauration du régime colonial ont redéfini le champ social en introduisant de nouveaux acteurs. L'administration coloniale, qui soutient les activités des fermiers européens, leur donne une place inédite, conférant ainsi au Kenya les caractéristiques d'une colonie de peuplement. Ce sont alors les exigences de ces acteurs économiques étrangers qui fixent la nature des relations sociales et limitent 1 'application de la politique coloniale impériale dans ce territoire. Les relations complexes tissées entre les missionnaires, les fonctionnaires et les colons définissent le cadre propre au territoire du Kenya. Or ce nouvel espace économique et politique a profondément modiflé les structures de la société africaine. Des recompositions sociales s'opèrent autour des différentes sources de pouvoir incarnées par ces nouveaux acteurs. Ii convient, dans un premier temps, de préciser la nature des transformations issues de la conquête coloniale. Le nouveau cadre territorial, économique et social instauré confère aux colons une place de premier plan. Or l'engagement de l'administration en faveur de ce groupe 22 se fait au detriment de l'intérêt des populations africaines de la colonie. Le Colonial Office est alors contraint d'intervenir, en 1923, pour rappeler la responsabilité des gouvemements coloniaux a l'égard des populations africaines.
II La definition d'une nouvelle territorialité N
L'Afrique de
l
'Est a Ia fin du
lXeme siècle 1/ Les milieux naturels
Les milieux naturels et humains qui s'étirent sur 582 600 km2 (soit environ la superficie de Ia France) de l'océan Indien au lac Victoria présentent une grande variété. Le Kenya peut schematiquement être divisé en hautes et basses terres. La premiere zone de hautes terres s'élève a 1 000 m d'altitude et s'étend de part et d'autre de la Rift Valley; elle est abondamment arrosée (plus de 1 000 mm de pluie chaque année). Ces hauts plateaux sont très fertiles, grace notamment aux dépôts volcaniques dont us sont constitués. Le potentiel agricole de cette region est done important; une grande variété de plantes peut y être acclimatée. 23 Kenya). A La difference de leurs voisins de la Rift Valley, les pasteurs masal, ce sont principalement des agriculteurs2. De l'autre côté de la Rift Valley, les Kalenjin speaking people (Nandi, Kipsigi et Tugen) occupent a Ia fois Les collines et les plaines; us pratiquent une économie mixte. Les hautes terres de l'ouest ont un peuplement dual avec, d'une part, d'autres groupes bantous (les Luyha et les Gisii) et, d'autre part, des populations d'origine nilotique, comme les Luo, dont l'activité est en partie tournée vers les ressources du lac Victoria. Ii existe encore d'autres groupes de population numériquement moms importants coimne les peuples nomades du nord du Kenya (Boran, Turkana ). Enfin, les populations de la côte swahili, tournées vers l'Ile de Zanzibar et l'océan Indien appartiennent a un champ économique, politique et culture! different3. Tous ces groupes humains ont leur propre organisation sociale. On ne trouve cependant nulle part dans cet espace l'équivalent des chefferies du Tanganyika ou des royaumes du Buganda. Le pouvoir repose principalement sur les lignages (Luo, Luhya) ou sur les classes d'ages (Kikuyu). La complémentarité de leurs ressources stimule les échanges et favorise la fluidité des relations entre les populations. Les MasaY, qui sont les principaux éleveurs de cet espace, sont les banquiers de la region pour les autres populations; la possession de bétail a, en effet, une valeur économique et socia!e essentie!1e 4. La region a touj ours connu des influences extérieures du fait, notamment, du rayonnement économique de I'océan Indien 5. C'est cependant au cours du xIxeme siècle que I'activité de cette zone devient plus importante avec l'insta!Lation permanente du sultan Seyyid Said, a Zanzibar, en 1840. Ii fait de l'Ile un intermédiaire actif entre I'Europe et 1'Afrique. Les caravanes, qui pénètrent depuis les côtes vers l'intérieur des terres a la recherche d'ivoire, d'esclaves, de bétail ou encore de tissus, sont a!ors plus nombreuses. Ce commerce de grande distance a intégré les réseaux et les intermédiaires régionaux locaux. Les populations Kamba, qui echangeaient traditionne!lement avec les populations du mont Kenya, sont ainsi devenues les intermédiaires privilegies du commerce entre!a côte et le lac Victoria6. 2 Grignon F., Prunier G. (dirs.), Le Kenya contemporain, Paris, Karthala, 1998, p. 56. 'Voir carte p. 25. Berman B., Lonsdale J., Unhappy Valley, Londres, James Currey, 1992, pp. 19-20.
Cette zone de contact a suscité des echanges précoces. Au Moyen-Age, les Arabes ont été des acteurs commerciaux importants; les Portugais Se sont ensuite intéressés a Ia region, a partir du xvemc siècle, bientôt imités par les autres puissances européennes, qui s'implantent de maniêre definitive au xIx2mc siècle
. Maxon R. M., O
chieng
' W. R. (eds.), op. cii., pp. 43-45. 24
Carte 3: Populations du Kenya
Populations du Kenya SOUDAN c Rolphe ETHLOP FIRKANA ••• OUGANDA S\MFII R ON £Igo/'BORAN SOMALI 7 SOMALIE :ITALIENNE Lac - - Victoria - KISU 31 om\$ TANGANYIKA. Les Européens, lorsqu'ils s'implantent dans la region a la fin du XIXeme siècle, héritent de ces routes commerciales. Leur installation durable intensifie les échanges mais précipite la degradation des équilibres politiques existants.
3/ L'installation des Britanniques en Afrique de l'Est a la fin du XIXeme siècle
L'Afrique de l'Est ne représente pas initialement un enjeu stratégique dans l'édification de 1 'Empire britannique. Ce sont les événements extérieurs qui poussent La Grande-Bretagne a intervenir dans cette region. Dans les années 1880, et notamment après la conference de Berlin en 1885, les rivalités entre puissances européennes deviennent plus âpres. En Afrique de l'Est, les tensions entre Britanniques et Allemands sont apaisées en 1886 avec la signature d'un traité qui donne a l'Allemagne la partie sud (le futur Tanganyika) et a la Grande- Bretagne la partie nord. L'exploitation de cefte region (qui couvre les territoires actuels du Kenya et de l'Ouganda) est confiée, en 1888, a l'Imperial British East African Company7. Mais La compagnie est au bord de la faillite des le debut des années 1890, au moment oü les rivalités germano-britanniques culminent de nouveau. L'occupation durable de l'Egypte par les Britanniques confère a la region un intérêt stratégique nouveau dont l'enjeu est le contrôle des sources du Nil. La Couronne britannique decide done de racheter 1'Jmperial British East African Company et instaure, en 1895, le protectorat d'Afrique de l'Est. La Grande-Bretagne se lance alors dans la conquête de ce territoire. Or l'appropriation physique de cet espace intervient juste après une série de cataclysmes naturels qui ont considérablement affaibli les equilibres sociaux et politiques existants 8. Par deux fois au cours de la décennie 1890, la sécheresse et les invasions de sauterelles ont frappé la region du Kenya actuel qui est également soumise a deux episodes de peste bovine en 1890 et en 1898 9. La famine s'installe et la variole fait des ravages notaminent chez les peuples pasteurs qui sont les plus touches. Cette série de catastrophe a un impact différencié suivant les regions. Les zones les plus basses sont les plus exposées, et le plus souvent les épidémies se diffusent suivant les axes cornmerciaux. Les sociétés tournées vers une activité unique, comme l'élevage, subissent plus violemment ces crises. Les Masal, qui cumulent le double handicap de la mono activité et de leur localisation géographique, sont fortement touches, L'Jmperial British East Africa Company reçoit une charte en 1888. ElIe remplace l'ancienne East African Association. MaxonR. M., Ochieng' W. R.(eds.), op. cit., p. 61. La premiere peste bovine, en 1890, aurait eté importee de Russie via les rations alimentaires des troupes italiennes en Erythrée. La seconde, en 1898, serait venue de l'Inde. 26 mais les Kainba et les Kikuyu doivent également faire face a de graves difficultés. A l'ouest, c'est une épidémie de maladie du sommeil qui ravage la region. Ii est difficile de mesurer l'impact demographique de ces fléaux successifs. En revanche, leurs consequences sociales sont partout perceptibles. Les guerres de succession qui agitaient les sociétés masal depuis le debut du siècle, sont réactivées, tandis que les Kikuyu migrent vers le sud pour fuir La variole. Dans ces moments de crise, les groupes sociaux fortement déstabilisés se rassemblent autour de nouvelles figures dominantes. Ce contexte favorise l'implantation des Européens dans la region. us peuvent précisément offrir de nouveaux gages a des sociétés fortement ébranlées par ces catastrophes en série' °. Les Britanniques cherchent, en priorité, a contrôler l'axe Mombasa - lac Victoria, qui est de protection et de pouvoir l'articulation commerciale et stratégique de ce nouvel espace. Afin de relier le siege du pouvoir politique, situé a Mombasa, aux sources du Nil, les Anglais se lancent, en 1895, dans la construction d'une voie ferrée qui est achevée en 1901. Elle est le point d'appui de La conquête et c'est elle qui forge l'identité politique, sociale et économique de la future colonie.
B/ Conquete coloniale et nouvelle territorialité
L'appropriation violente de l'espace est-africain par les Britanniques impose aux sociétés africaines une nouvelle territorialité. La conquête coloniale fixe également les caractéristiques principales et durables du Kenya. Le recours a La force, pour imposer cette territorialité exogène, déstabilise les équilibres existants et suscite des alliances inédites organisees autour du nouveau pouvoir dominant qui est a la fois politique, moral et économique. 1/ Un nouvel espace social et politique
La construction de la voie ferrée reliant Mombasa au lac Victoria nécessite La stabilisation et la protection des regions qu'elle traverse1 l• Cette double operation de conquête puis de pacification modifie durablement les equilibres sociaux et politiques préexistants. Le développement des activités des différents acteurs européens de La colonisation suscite de nouvelles polarisations et dynamiques sociales au sein des sociétés africaines. C'est sur cette base que se développe l'administration europeenne. Berman B., Lonsdale J., op. cit p. 25. Les limites du protectorat d 'Afrique de I 'Est sont définitivement fixes en 1902 avec I 'achèvement du chemin de fec. Sa frontiêre occidentale est abcs be lac Victoria. 27 a! Conquête et pacification
Pour mener a bien leur entreprise, les Britanniques bénéficient de l'appui de différentes forces africaines en quête d'une nouvelle legitimite après les troubles et les catastrophes des dernières décenthes du xlxeme siècle. La collaboration de certains acteurs africains introduit done des ruptures dans les équilibres politiques fragilises de ces sociétés. Le recrutement direct de troupes africaines pour les besoins de la conquête est limité. En effet, l'East African Rffies est, comme dans le cas des Tirailleurs sénégalais, une denomination trompeuse, puisque cette force est essentiellement constituée d'lndiens, dTEgyptiens et de Soudanais: des aventuriers qui ont perdu leur place dans les sociétés déstabilisées par l'avancée européenne en Afrique. Les quelque 1 100 soldats presents en Afrique de l'Est en 1897 sont tous étrangers aux populations qu'ils combattent 12. En revanche, la progression de ces troupes ainsi que leur ravitaillement ont été facilités par la cooperation active des populations locales. Les groupes les plus déstabilisés par la répétition des catastrophes naturelles se sont plus facilement allies a cette nouvelle force. La a la conquête leur permet d'obtenir des ressources nouvelles dans le sillage des Britanniques. En se placant sous la protection des nouveaux venus, us s'assurent une place collaboration dominante au sein des sociétés africaines. Les alliances avec les Européens ont permis de renforcer certains groupes sociaux au detriment de leurs voisins en renversant parfois les équilibres anciens. Cette dynamique fait écrire a John Lonsdale: ((Cefut une conquête plus africaine qu 'impériale 13 Ces alliances locales ont permis aux Britarmiques d'imposer de manière durable leur domination. La pacification se caractérise, au Kenya, par une très grande violence. Les Britanniques interviennent plusieurs fois, entre 1895 et 1908, pour soumettre les Nandi. La a Ia rebellion qui est sévèrement réprimée. Le bétail est confisqué, les villages sont rasés et leurs habitants soumis a des amendes. Ces operations capture du chef, en 1908, met un terme punitives définissent un nouvel ordre social qui oppose nettement les ennemis aux amis de la Couronne britaimique. Les prises de guerre, sous la forme de bétail et de terres, permettent de rétribuer les allies, tout en déclassant les vaincus. Les fidèles obtiennent egalement une place 2 Berman B., Lonsdale J., op. cit., p. 17.
° Berman B.
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Lon
sdale
J.
, op.
cit.
,
p. 16. Texte original: "It was largely an African rather than an imperial conquest".
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Des enfants venus de loin : Histoire de l'adoption internationale en France. Armand Colin, 408 p., 2011. ⟨halshs-00623750⟩
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A - La « Tribu Arc-en-ciel » de Joséphine Baker
L’artiste adopta douze enfants de nationalités, cultures et religions variées : sa « Tribu Arc-en-ciel », comme elle la nommait elle-même. L’artiste, dont les engagements dans la Résistance et pour les droits civiques des noirs américains sont par ailleurs trop peu connus, médiatisa largement l’adoption puis la vie familiale de ses enfants. Elle y vit un moyen de faire reconnaître son idéal, de faire évoluer la législation sur l’adoption puis, les années passant, d’assurer la pérennité financière de son « Village de la fraternité ». Une famille composée au gré des tournées de l’artiste... Née en 1906 dans une famille pauvre de Saint-Louis (États-Unis), Joséphine Baker devint en France la « Vénus d’ébène » adulée avec la « Revue Nègre » de 1925. Après avoir servi la résistance, elle se maria avec le chef d’orchestre Jo Bouillon et en 1947 ils achetèrent en Dordogne le château des Mirandes (qu’elle rebaptisa Milandes) 97. N’ayant pas d’enfant à plus de quarante ans, Joséphine Baker forme alors le projet de constituer une famille de toutes les couleurs : un enfant jaune, un blanc, un noir et un rouge, et de les élever dans la fraternité et l’universalisme. Jo Bouillon est bien sûr d’accord avec ce projet, mais le nombre d’adoptions va vite dépasser celui de quatre initialement prévu... En 1954, lors d’une tournée au Japon, elle découvre la situation dramatique des enfants nés de pères soldats américains et abandonnés par leurs mères. De la visite d’un orphelinat, Joséphine Baker ramène non pas un mais deux de ces enfants de pères soldats américains que l’on nomme là-bas konketsuji : Teruya (qui deviendra ot en France) et Akio, dont la mère est Coréenne. Puis c’est le tour de Jari ramené d’Helsinki, Luis, un enfant noir de Colombie, JeanClaude, un petit Français de l’assistance publique et Moïse de religion juive. En 1955, la famille compte déjà six enfants. Les Milandes accueillent en 1956 deux enfants trouvés dans la campagne algérienne en guerre : Brahim (Brian) nés de parents berbères et Marianne, née de parents pieds-noirs (la première fille). De sa tournée en Afrique Noire en 1957, elle ramène Koffi, un bébé ivoirien. En 1959, après Mara, amérindien du Venezuela qui complète l’échantillonnage de couleurs voulu, le couple Bouillon adopte Noël baptisé ainsi car trouvé dans un couffin dans une rue de Paris en fin d’année. Enfin, cinq années plus tard, Stellina, franco-marocaine née à Paris, sera la deuxième fille et la douzième enfant de la tribu adoptée (légitimation adoptive) par M. et Mme Bouillon. De Belgique, Joséphine Baker a en plus ramené une petite Rama d’origine Hindoue pour sa sœur Margaret qui vit également aux Milandes. ...et spécialement pour elle Grâce à sa notoriété, Joséphine Baker trouve aisément des intermédiaires pour lui faciliter la tâche. Au Japon, Miki Sawada (1901-1980), l’épouse d’un diplomate japonais, lui sert de guide dans le home qu’elle a créé pour les enfants amérasiens abandonnés98. Dans sa tournée scandinave un journaliste danois se met à son service pour l’aider à trouver un enfant. En Colombie c’est un avocat qui l’aide et alors qu’elle poursuit sa tournée en Amérique du Nord, c’est une secrétaire du consulat de France à Québec, rentrant en métropole, qui se charge de ramener le petit Colombien baptisé du prénom de son parrain : Luis Mariano. Robert Lacoste, député de Dordogne et ministre résident en Algérie, lui confie Brahim et Marianne. Le parrain de Koffi est Félix Houphouët-Boigny, ministre de la République, qui a facilité la procédure auprès du grand-père de l’enfant. Dans les tournées à l’étranger de Joséphine Baker, les bénéfices de certains galas sont versés à des œuvres s’occupant d’orphelins. Partout sa générosité et ses moyens financiers sont mis à contribution. Sans doute en abuse-t-on parfois, ce qui complique les choses. Les parents du petit Colombien se plaignent de ne pas avoir de nouvelles de l’enfant et réclament la somme d’argent promise par Joséphine Baker (2 000 pesos)... mais elle l’a déjà versée à l’avocat intermédiaire... qui l’a gardée pour lui. L’affaire traîne pendant deux ans, avec l’intervention du personnel consulaire français en Colombie et de plusieurs avocats. La correspondance qu’elle suscite est fournie et tout cela coûte finalement très cher mais c’est le prix à payer ne pas ternir l’image de la France ni l’idéal de l’artiste99. La détermination de Joséphine Baker se heurte néanmoins parfois aux États et aux populations locales. En Colombie, la police lui interdit d’emmener un premier enfant qu’elle est allée chercher dans un bidonville car un attroupement s’est constitué devant son hôtel alimenté, si l’on en croit Joséphine Baker, par la rumeur que les blancs guérissent la peste avec du sang chaud d’enfant noir... Un type de rumeurs appelé à faire florès dans les décennies suivantes. « Malgré les plus hautes interventions », Israël n’accepte pas de voir partir un de ses enfants au motif que l’artiste veut adopter un petit juif : qu’elle le trouve en France, ce qu’elle fera avec Moïse. Elle doit attendre plusieurs années pour pouvoir ramener un petit amérindien car plusieurs États refusent, notamment le Mexique. Au Venezuela, la médiatisation de son projet d’adoption lui vaut bien des déboires. Elle s’occupe d’un petit Indien pendant plusieurs jours mais sa tribu d’origine le lui reprend... avant qu’un autre chef lui en propose un qu’elle pourra emmener...100 Toute la famille vit aux Milandes que le couple Bouillon-Baker a décidé de transformer en un centre touristique à la gloire de la fraternité de l’humanité en comptant sur la renommée de Joséphine. Sur les routes de Dordogne on peut lire des affichages publicitaires invitant à visiter le « village du monde », « capitale de la fraternité ». Tous les enfants y sont élevés dans le respect de leurs origines et de leurs religions (Janot est shintoïste, Jari protestant, Moïse juif, etc.). Pour ce faire Joséphine Baker engage plusieurs précepteurs capables de leurs enseigner leurs cultures respectives, et de suppléer à ses nombreuses absences, car l’entretien d’une telle famille et du domaine coûtent fort cher et elle doit beaucoup se produire. Elle tient également à faire découvrir aux enfants leurs pays d’origine, à l’occasion de ses tournées ou grâce à ses relations ou à celles des parrains. Elle emmène Jari en Finlande dès cinq ans, Mara au Venezuela à 14 ans, Koffi est chez le Président Houphouët-Boigny en 1962, etc. La médiatisation d’un idéal
La carrière de Joséphine Baker ne peut plus désormais être distinguée de sa vie familiale. « Dans mon village », chanson sentimentale mise en musique par Francis Lopez, est un énorme succès qui pousse des milliers de touristes vers le château. Elle y évoque ses « petits enfants » (dont le nombre qui est précisé dans les paroles croît au fil des enregistrements successifs), « orphelins de ci delà qui s’ennuyaient, sales ici-bas » et pour qui elle a « voulu qu’ils soient choyés dans un foyer » ; « et comme moi je sais qu’un jour ils chanteront "j’ai deux amours" : mon beau village et puis celui de leurs pays ». En 1956, alors qu’elle annonce ses adieux Ŕ maintes fois réitérés et à chaque fois suivis de retours triomphants Ŕ elle profite de l’émission « Vous êtes formidable » sur Europe n°1 pour réclamer une réforme facilitant la procédure d’adoption en France. L’audience est au rendez-vous ainsi que plusieurs centaines de milliers de signatures soutenant son action101. Joséphine Baker apporte ainsi sa contribution au débat autour des problèmes de l’adoption qui font l’objet au milieu des années 1950 d’un certain nombre de projets de lois, de discussions et de propositions notamment de la part de l’Union Nationale des Associations Familiales (UNAF)102. A plusieurs reprises elle agira encore dans ce sens. La parution d’un livre pour enfants intitulé La Tribu Arc-en-ciel (1957) dont elle a signé les textes avec Jo Bouillon, toujours très présent auprès des enfants, est une ode à la tolérance, à l’ouverture à l’autre. C’est l’histoire de Kott-Kott, une poule qui a perdu un œil et qui le cherche à travers le monde. Sa quête s’achève quand elle trouve un refuge où plus personne ne se moque d’elle. Dans la préface, Joséphine Baker écrit à l’attention des petits lecteurs : « nous formons une famille de toutes sortes de races, de toutes sortes de couleurs, et c’est pourquoi j’ai appelé mes petits chéris : “La Tribu Arc-en-ciel” [...]. Ils prouvent que toutes les races peuvent vivre ensemble dans une harmonie parfaite. Nous sommes ravis d’avoir Kott-Kott parmi nous, et fiers de ce qu’elle a trouvé le bonheur auprès des enfants Arc-enciel si heureux et si gais, comme vous le lirez vous-même dans ce livre ». Chaque nouvelle arrivée d’enfants est suivie par les médias qui raffolent de la « Maman du monde ». En janvier 1961, l’ORTF diffuse un reportage intitulé « Le Père Noël chez Joséphine » qui montre le bonheur familial et l’harmonie fraternelle qui règnent aux Milandes. A chaque interview par des médias français ou étrangers, l’artiste évoque sa famille, ses enfants, son idéal. Même si le couple Baker-Bouillon n’y fait pas référence, on ne peut s’empêcher de penser au message de fraternité interraciale porté par Pearl Buck. Invitée de l’émission « Carrefour » sur la TSR (octobre 1961), Joséphine parle volontiers des Milandes, de ses 11 enfants, du budget néce pour tenir une telle maisonnée. Les années 1960 sont marquées par des problèmes financiers à répétition. Les fréquentes séparations du couple Baker-Bouillon compromettent chaque fois davantage l’avenir. Joséphine est contrainte de multiplier les sollicitations en mettant en avant le projet de création d’un « collège de la fraternité » où se rencontreraient des jeunes du monde entier. Fidel Castro comme Hassan II et plusieurs têtes couronnées d’Europe la soutiennent. A diverses reprises, le domaine des Milandes manque de peu d’être vendu. Pour le sauver, elle joue sur son image et la popularité de sa famille. Cependant, elle refuse catégoriquement l’idée de faire un film sur ses enfants. Ils « sont là pour représenter un idéal et non pour être transformés en singes savants », même si Ernst Marischka promet un succès aussi grand que pour Sissi. Car Joséphine Baker est également connue à l’étranger comme « Maman du monde », en témoigne la sortie d’un disque en RFA (1963) intitulé « Die Regenbogenkinder » (les enfants arc-en-ciel). La fraternité et l’universalité sont aussi portées par d’autres artistes : Enrico Macias chante « Enfants de tous pays ». En 1964, aussi bien les Français moyens que les élites intellectuelles (François Mauriac) ou politiques (Antoine Pinay) et bien sûr des artistes (autour de Bruno Coquatrix) répondent à un appel lancé par Brigitte Bardot à la fin d’un journal télévisé pour aider Joséphine Baker et sa famille103. En 1969, Salvatore Adamo abandonne à l’artiste tous les droits d’une chanson attendrissante intitulée « Noël aux Milandes » qu’il a composé pour elle. Cette mobilisation autour de l’élan humaniste suscité par Joséphine Baker ne sauvera pas le domaine d’où elle se fait expulser cette même année. Grâce à la Princesse de Monaco, la Tribu Arc-en-ciel trouve refuge sur la Côte d’Azur. C’est le moment où les relations entre la mère et ses douze enfants arrivés à l’adolescence deviennent plus problématiques. Les difficultés scolaires, les mises en pension, les dérapages des uns ou des autres et la double difficulté d’être venu d’ailleurs et enfant de star compliquent les relations familiales. Certains des enfants se heurtent à l’autorité maternelle. L’aîné, Akio, part pour l’Argentine où Jo Bouillon vit désormais. Koffi se sent mieux en Afrique Noire, Moïse en Israël. La Tribu Arc-en-ciel a dû faire face à des troubles de l’identité et à des difficultés d’intégration aujourd’hui bien identifiées par les spécialistes de l’adoption. Difficultés que Joséphine Baker ne cache pas, notamment dans sa correspondance privée, et qui ne semblent pas avoir mis en cause la fraternité et la solidarité créées entre les enfants. A la disparition de Joséphine Baker en 1975, les aînés ont dépassé l’âge de vingt ans, Stellina, qui est la seule à vivre encore en permanence avec sa mère, en a seulement onze. L’influence d’une expérience unique
En médiatisant sa vie familiale, Joséphine Baker espérait que son exemple serait suivi et que des tribus Arc-en-ciel se multiplieraient avec des enfants de couleurs, religions et origines différentes. Cela ne se produisit pas mais il est indéniable que l’idéal de sortir des enfants de la misère là-bas et d’en faire ses enfants ici a fait son chemin. L’artiste reçut beaucoup de lettres de Français désirant comme elle adopter des enfants étrangers mais se heurtant aux difficultés pratiques et réglementaires. S’il est très difficile de mesurer l’influence de la Tribu Arc-en-ciel sur les candidats à l’adoption internationale, une psychologue a identifié un « syndrome de Joséphine Baker » chez certains d’entre eux. Des personnes sans enfant ont pu être tentées de l’imiter, soit pour se rapprocher de leur idole, soit pour accéder à une espèce de célébrité qu’ils pensaient liée à ces adoptions interraciales très médiatisées. Ce syndrome aurait donc été « le désir de se faire remarquer, de se mettre en scène en train de sauver des enfants ». Joséphine Baker elle-même n’en était pas atteinte puisqu’elle était célèbre avant d’adopter les enfants et que son idéalisme ne fait pas de doute104. L’aventure de la « Tribu Arc-en-ciel » illustre toutes les grandes questions que pose déjà l’adoption internationale. Les conditions dans lesquelles ont été ramenés en France les enfants sont évidemment très exceptionnelles. En même temps, elles sont tout à fait caractéristiques des prodromes de l’adoption internationale et du flou de la réglementation : l’adoptabilité des enfants, les procédures d’abandon, le consentement à l’adoption par les parents naturels, la question de savoir ce qui est le mieux pour l’enfant. S’il fallait ne retenir qu’une spécificité de l’aventure de la « Tribu Arc-en-ciel » ce serait sûrement la volonté de respecter totalement les origines identitaires (culturelles et religieuses) des enfants, puis le choix qu’il leur a été offert de découvrir puis de retourner dans leur pays d’origine s’ils le souhaitaient. Dans les années 1950, peu nombreux étaient celles et ceux qui disposaient d’une ouverture d’esprit et de moyens suffisants pour l’envisager. Aujourd’hui, que reste-t-il de la famille Arc-en-ciel? Le Château des Milandes, haut lieu touristique de Dordogne, s’appuie sur le souvenir de l’artiste et de son aventure humaniste. Une statue la représentant avec l’un de ses enfants y a été dévoilée en 2006 à l’occasion du centenaire de sa naissance. Devenus adultes, les enfants Arc-en-ciel ont témoigné des plus belles années de la tribu, que ce soit dans les médias ou en écrivant des livres105. En 1990 dans l’émission « Racines » animée par Michel Polac, après la diffusion d’un documentaire intitulé Ces tout-petits venus d’ailleurs, Brian Bouillon-Baker, 33 ans, raconte l’histoire de la « Tribu Arc-en-Ciel » de Joséphine Baker et indique ce que sont devenus ses frères et sœurs106. Demeurés unis, ils ont constitué avec de nombreuses personnalités de tous horizons l’association « Tous enfants de Joséphine Baker ». Elle encourage et soutient toutes initiatives ou manifestations « qui œuvrent de par le monde, pour servir les valeurs morales, intellectuelles, philosophiques, humanistes, altruistes et artistiques qui caractérisaient Joséphine Baker »107.
B - Des pratiques pionnières difficiles à saisir
Les sources existantes, notamment statistiques, sont très insuffisantes pour cerner avec précision les pratiques. Avant 1979, le ministère des Affaires étrangères ne compte pas les visas d’établissement en vue d’adoption qu’il délivre pour l’entrée des enfants étrangers en France. Heureusement, les archives diplomatiques et consulaires gardent les traces de nombreux cas particuliers survenus dans de nombreux pays du monde. Les témoignages constituent également une source d’information essentielle. Pourquoi trouver un enfant à l’étranger?
Dans les années 1950, des Suédois partis travailler à l’étranger adoptent sur place des enfants grecs, yougoslaves, coréens, indiens, etc. On compte 240 de ces enfants ramenés ainsi en Suède entre 1950 et le milieu des années 1960108. Des expatriés français ont certainement fait la même chose, mais dans quelle proportion? En 1952, le ministère de la Justice interroge le Quai d’Orsay sur les modalités de l’homologation des actes d’adoption d’enfants étrangers lorsque les adoptants français sont domiciliés à l’étranger109. En 1958, un couple de Français résidant dans le Ghana tout juste indépendant, désirant adopter un enfant alors que la législation ne prévoit pas l’adoption trouve un stratagème. Le mari reconnaît l’enfant d’une Ghanéenne qui lui abandonne tous les droits sur cet enfant dont l’état civil indique le père français. Mais cet enfant étant adultérin, l’ambassade de France ne peut transcrire son acte de naissance. Après conciliabule, il est conseillé au couple de rentrer en France avec l’enfant pour faire régulariser la situation110. En 1964, l’ambassadeur de France en Equateur se demande s’il peut dresser un acte pour l’adoption d’une enfant équatorienne par un couple de Français demeurant à Quito. Paris indique que depuis l’ordonnance du 23 décembre 1958 qui a supprimé l’adoption contractuelle, l’adoption ne peut résulter que d’une décision de justice, soit équatorienne, soit française. Et de préciser : « notre éventuelle intervention dans cette procédure ne saurait consister qu’en l’établissement des divers actes de consentement », à la condition que l’adoption soit prononcée par une juridiction française111. En 1960, le SSAE note que « étant donné les facilités de déplacements d’un pays à l’autre, les personnes qui désirent adopter un enfant et n’en trouvent pas dans leur propre pays ont de plus en plus tendance à aller le cherche ailleurs ». Il est vrai qu’avec le développement du transport aérien, les communications entre pays riches et pays du Tiersmonde sont très raccourcies. Le nombre d’enfants français adoptables diminue alors que « des enfants abandonnés ou totalement orphelins peuvent être trouvés plus facilement dans certains pays (lois différentes, préjugés contre certaines hérédités, etc. »112. L’absence de règles et de procédure définies a favorisé sans aucun doute des pratiques à la limite de la légalité, qui existent également dans les cas d’adoptions d’enfants français. Un ouvrage paru en 1965 évoque les « recueils directs » et « les adoptions clandestines » : les démarches de couples auprès de mères en difficultés, les dédommagements en argent, les fausses déclarations à l’état civil, etc. D’ailleurs, une loi de 1958 prévoit des sanctions sévères contre ceux qui agissent ainsi, mais comme ils ne le font pas au grand jour, les punir est quasiment impossible113. Les candidats à l’adoption sont sensibilisés par les premiers reportages et documentaires télévisuels sur l’adoption internationale. Ces échos ajoutent à la médiatisation des difficultés de Joséphine Baker. En octobre 1967, l’ORTF diffuse dans le cadre de Cinq Colonnes à la Une, un documentaire intitulé « Corée : les enfants invisibles » qui évoque la situation dramatique des enfants de mères coréennes et de pères américains que la société coréenne rejette114. En février 1969, une équipe de l’ORTF tourne au Viêtnam un reportage sur les enfants adoptés par des Français. En effet, en 1968 le consulat général de France à Saigon a délivré 92 visas à des fins d’adoption. Cette publicité émeut les autorités vietnamiennes qui souhaitent contrôler davantage les départs d’enfants 115. La diffusion du reportage « Mon enfant du Viêtnam » provoque trois mille demandes d’adoption! Mais la grande majorité d’entre elles fait long feu. Dans le département des Yvelines, sur 84 demandes, au bout de 18 mois, il n’en reste que 6, qui débouchent vraiment sur l’accueil d’un enfant en France116. Cet exemple en dit long sur les effets des images montrées, l’influence des médias, l’empathie réactive de la population. Mais adopter un enfant est un projet de vie qui implique bien d’autres dimensions. Une juriste spécialiste de l’adoption, estime en 1972 que l’adoption d’un enfant de couleur est « assortie de telles particularités, qu’il devient malaisé de la confondre avec la conception commune » de l’adoption. Par exemple l’adoption d’un enfant de couleur « procède à des degrés divers d’une idéologie collective et relève alors d’une conception davantage politisée ». Et de décliner plusieurs motivations : forme d’aide au pays du Tiersmonde, moyen de réparer les dommages des guerres, mouvements de solidarité déclenchés par les catastrophes naturelles, forme de protestation contre le racisme ou un régime politique, etc. Certes « l’adoption de l’enfant de race ne revêt pas, nécessairement une signification plus ou moins politisée. Il est seulement permis de mentionner la valeur sociale de symbole qu’elle représente pour certains qui, certes agissent dans l’intérêt de l’enfant, mais plus encore peut-être dans l’intérêt d’une cause à défendre »117. Par sa philosophie, son caractère interracial et certaines de ses modalités le mouvement d’adoption d’enfants réunionnais en France s’apparente à l’adoption internationale. Aux candidats à l’adoption qui se désespèrent des délais d’attente de plusieurs années pour obtenir un pupille de l’État, les DASS proposent parfois des enfants de couleur de la Réunion. A la fin des années 1960 et au début des années 1970, la DASS du département d’outre-mer est capable de placer un enfant en moins d’un an. Célibataires et couples âgés trouvent là des possibilités qui leur sont refusées ailleurs. Attendus, espérés, les très jeunes pupilles de l’Etat réunionnais adoptés dans ces conditions ont un sort plus heureux que leurs aînés transférés notamment en Creuse ou en Lozère dans le cadre du programme de migration voulu par Michel Debré, député de l’île, à des fins démographiques et économiques. Les adoptions constituent un volet de cette politique migratoire. Michel Debré parle d’un « admirable mouvement d’adoptions que nous n’arrivons pas toujours à satisfaire ». En effet, le nombre d’enfants adoptables diminue rapidement, la DASS de la Réunion privilégie leur placement dans des familles de l’île et le flux vers la métropole se restreint presque complètement au début des années 1980118.
Organisation des adoptants et pressions sur les politiques
Très tôt, les adoptants, s’organisent en association afin de pouvoir se faire entendre. L’Association Familiale Nationale des Foyers Adoptifs (AFNFA) est créée en 1953 par un groupe de parents souhaitant partager leurs expériences. Son organisation est de type fédéral avec des associations dans environ une trentaine de départements au début des années 1960. Elle organise des conférences, des cycles d’étude sur divers aspects de l’adoption : juridiques, sociaux, éducatifs, etc., auxquels les candidats à l’adoption peuvent participer119. L’association accueille aussi bien des célibataires que des couples. Les familles de l’AFNFA sont surtout concernées par l’adoption d’enfants français, mais en 1954, l’association lance une enquête sur l’adoption des enfants de couleur et son assemblée générale évoque ce thème en 1964120. A plusieurs reprises (1968 et 1969 notamment), via sa délégation départementale de Maine-et-Loire, l’AFNFA attire l’attention de Jean Foyer, député de ce département, sur les modalités d’application de la loi de 1966 qu’en tant que ministre de la Justice il a porté121. En 1969, l’AFNFA devient la Fédération Nationale des associations de Foyers Adoptifs (FNFA) qui regroupe alors 45 associations départementales. Elle est membre du Comité d’Entente international des Associations de Foyers adoptifs. La fédération publie un bulletin interne nommé Accueil. En 1971, un numéro traite de l’adoption d’enfants de couleur. L’année suivante, la FNFA entame une campagne pour que « l’adoption des enfants étrangers soit traitée avec le même sérieux que celle de ceux de notre pays ». Les adoptants se plaignent de la procédure mise en œuvre. En effet certains tribunaux français valident les adoptions prononcées à l’étranger par un jugement d’exequatur qui ne va pas toujours jusqu’à la rupture des liens avec la famille d’origine qui ne peut résulter que de l’adoption plénière. En effet, les législations étrangères ne comportent souvent aucune disposition correspondant à l’adoption plénière. La seule façon de pallier à cette situation est que les adoptants demandent un nouveau jugement d’adoption plénière, ce qui entraîne forcément des frais de justice qu’ils considèrent comme injustifiés122. Conscients de leur particularité, les adoptants d’enfants étrangers fondent en 1968 le Club des Familles d’Accueil qui se définit comme « une association de familles adoptives dont les enfants viennent de l’étranger ». Très vite, l’association compte des centaines de familles (750 en 1975) : « la plupart ont déjà accueilli ou adopté un ou plusieurs enfants originaires de l’étranger, les autres sont sur le point de le faire ». Les pays sources d’où viennent leurs enfants sont très variés : Bangladesh, Belgique, Canada, Chili, Colombie, Corée, Haïti, Inde, Laos, Liban, Pologne, Viêtnam... L’association demande régulièrement que l’adoption d’enfants étrangers soit facilitée sur les plans réglementaires et sociaux. Le Club des Familles d’Accueil deviendra Foyers Adoptifs Internationaux en novembre 1976 et se rapprochera de la FNFA. Les deux associations fusionneront en 1980 pour créer Enfance et Famille d’Adoption123. Organisés ou non, les candidats à l’adoption font pression sur les politiques. Ce mouvement est souvent relayé auprès du ministère des Affaires étrangères par des députés saisis par des concitoyens de leur circonscription. En janvier 1968, un député de l’Ardèche demande à Maurice Couve de Murville, si le gouvernement français ne peut pas prendre en charge les frais de transport de deux enfants orphelines de Corée du Sud, âgées de 3 et 10 ans. Elles ont été promises à deux « modestes familles très honorablement connues » par l’intermédiaire du père Leversier qui exerce en Corée du Sud. On est aux premiers balbutiements de l’adoption d’enfants coréens en France, alors qu’elle est déjà largement développée aux États-Unis depuis la fin des années 1950. Ne voyant pas venir de réponse du ministre Ŕ malgré l’envoi d’une seconde lettre Ŕ, le député s’adresse à son ami André Bettencourt, secrétaire d’État aux Affaires étrangères. En avril, le Quai d’Orsay peut indiquer que c’est le Catholic Relief Service Ŕ qui a proposé ces enfants aux familles françaises Ŕ qui assurera les frais de transport. Mais avant de délivrer les visas pour les deux fillettes, le Quai d’Orsay s’assurera auprès du ministère des Affaires sociales « que la procédure d’adoption a été régulièrement suivie au regard de notre législation »124. Démarches individuelles et congrégations religieuses
Dans le flou juridique qui régnait alors, des couples de Français ont demandé à des congrégations religieuses implantées à l’étranger ou à des associations qui prennent l’habitude de servir d’intermédiaire de leur « trouver un enfant ». D’autres « pionniers de l’adoption internationale »125 sont partis vers des pays du Tiers-monde Ŕ souvent en guerre Ŕ pour tenter de « ramener un enfant ». Ils comptent régulariser la situation a posteriori, une fois rentrés en France. Parmi les nombreux témoignages d’adoptants publiés, très peu portent sur la première période de l’adoption entre pays et il est assez difficile de cerner les pratiques mises en œuvre. Sylvie Servan Schreiber raconte comment elle adopte une petite fille en 1974, après avoir demandé à un ami Taïwanais - car son mari est originaire de l’île - de lui trouver un enfant. Un coup de téléphone lui apprend qu’une famille pauvre de paysans de Taïwan veut faire adopter sa dernière fille par des étrangers. Le temps de faire les formalités, dont une attestation de la DASS, et trois mois plus tard l’adoptante est à Taïwan. Au bout d’un mois de formalités diverses, elle peut emmener l’enfant qui a un passeport, mais « il fallait s’arrêter à Hong Kong demander un visa pour que Clémentine entre en France, Taïwan n’ayant pas de relations diplomatiques avec notre pays, ni à l’époque de représentation consulaire ». Le visa est obtenu immédiatement126. Les congrégations religieuses qui gèrent les orphelinats dans les pays du Tiers-monde jouent un rôle tout à fait déterminant. Au début des années 1960, en marge des discussions au sein des organisations internationales, des réflexions sur l’adoption sont menées par Caritas Catholica à Bruxelles en mai 1960 et lors d’un congrès du Bureau International Catholique de l’Enfance (BICE) à Luxembourg en novembre 1963. Il en ressort que l’Église voit l’adoption comme « un acte de solidarité humaine, qui se fait à travers les races, les nations, les classes sociales et qu’elle n’a aucune prévention contre l’adoption des enfants de couleur ». Le BICE considère « comme d’une extrême importance le respect par les organismes d’adoption de l’appartenance de l’enfant à une communauté spirituelle », comprendre celle de sa naissance. Ce qui rappelle la position de l’Église définie par Pie XII en 1958 : « il faut demander que les enfants de catholiques soient pris en charge par des parents adoptifs catholiques »127. Le BICE indique également : « la volonté librement exprimée par la mère de voir son enfant élevé dans sa propre religion constitue un impératif moral à respecter par toutes les instances »128. Ce qui n’est pas toujours le cas! Les sœurs de l’hospice de Saint-Vincent-de-Paul à Jérusalem sont connues pour recueillir des enfants arabes abandonnés par leur mère, les baptiser puis les envoyer en France pour adoption. Ce qui n’est pas sans poser problème au procureur de Quimper qui refusent de prendre en considération six adoptions de ce type en raison de dossiers erronés et confus : deux noms apparaissent pour chaque enfant : nom d’origine et nom de baptême129. Il est sûrement hasardeux de déduire de l’attitude des sœ urs une volonté de prosélytisme ou d’amener à la religion chrétienne des enfants qui sont nés dans d’autres communautés, mais la question peut être posée. Les congrégations chrétiennes doivent faire très attention au contexte religieux dans lequel elles sont implantées. En 1968, la Mère supérieure du couvent Saint-Laurent des Franciscaines Missionnaires de Marie à Karachi accepte de confier une petite Pakistanaise à un fonctionnaire du ministère français de l’Intérieur. Le consul général de France met à contribution la valise diplomatique pour l’échange de la correspondance entre la France et le Pakistan. Mais à titre personnel il exprime sa désapprobation. Tout en rendant hommage à la « charité » du fonctionnaire, il lui semblerait « plus normal que nos compatriotes adoptent de petits français orphelins ». Et d’insister sur la couleur de peau de l’enfant, « toute question de racisme mise à part » : « quelles seront, dans quinze ans, les réactions de la jeune fille, typiquement sindi (sic)? » Davantage dans son rôle, le consul évoque les réticences pakistanaises à l’adoption d’enfants musulmans par des non musulmans, et l’existence d’un « commerce d’enfants » dont le but est l’esclavage. En conclusion, il estime « nécessaire de bien mettre M. [X] en face de ses responsabilités futures ». Le Quai d’Orsay « partage entièrement » l’opinion de son représentant, mais ajoute : « il ne vous appartient pas de faire obstacle à ce genre d’adoption, ni de refuser votre concours, sur le plan administratif, s’il vous est demandé. Par contre vous ne devez en aucune manière encourager ces adoptions qui risquent de soulever de nombreux problèmes notamment d’ordre religieux ». A la fin de 1970 et au printemps 1971, Paris demande des informations sur « la possibilité offerte à des familles françaises d’adopter des enfants pakistanais », car « de nombreuses demandes de ce genre sont en instance ». En juin 1971, la diplomatie pakistanaise fait sa voir qu’il n’est plus possible d’envisager l’adoption de petits orphelins par des familles françaises... pour des raisons administratives130. Pour les congrégations françaises, très nombreuses de par le monde à s’occuper d’orphelinats, l’adoption en France et dans d’autres pays riches, devient un moyen, non pas de vider leurs établissements, mais de les soulager un peu et de susciter des donc et des aides. A Pondichéry, les Sœurs des Saint-Joseph de Cluny placent des enfants indiens en France mais aussi en Belgique et en Suisse. Au Cambodge, une institution religieuse catholique française dénommée La Providence est connue pour recueillir des orphelins et en placer quelques-uns dans les ménages français. A Saigon, les Sœurs de Saint-Vincent-de-Paul qui tiennent un orphelinat font de même. Les sœurs du Bon Pasteur d’Angers dirigent des orphelinats au Sri Lanka et envoient quelques enfants en France131. Quelques histoires personnelles permettent de saisir comment les choses s’organisent. Mariés en 1964, les époux M., catholiques pratiquants, ne peuvent avoir d’enfant mais veulent néanmoins fonder une grande famille et rendre des enfants heureux. En 1967, Madame M., assistante sociale à la DASS, s’adresse à ses supérieurs qui lui indiquent qu’elle ne peut espérer avoir plus d’un enfant français, le nombre habituel dans le département. Elle écrit à plusieurs orphelinats à l’étranger et obtient peu de réponses. De Jérusalem, les religieuses de Saint-Vincent-de-Paul envoient la photo d’une petite fille de six ans et demi, devenue adoptable à la suite de la guerre des Six Jours (juin 1967). Les époux M. acceptent, même s’ils auraient préféré un enfant en bas âge. En mai 1968 l’enfant arrive. A Orly, les deux sœurs qui accompagnent la fillette lui font un sermon sur la chance qu’elle a d’être adoptée en France et présentent la note pour le billet d’avion de la petite et les allers retours des deux accompagnantes qui amenaient deux enfants, signe qui montre qu’un mouvement existait de cet orphelinat vers la France. Ayant peur de tout et de tout le monde, l’adaptation de la petite fille sera lente132. Pendant l’attente hypothétique de l’enfant de Jérusalem car rien n’était jamais acquis jusqu’à son arrivée, Mme M. profite d’un contact avec une Indienne pour lui demander si l’adoption est possible en Inde. Celle-ci lui promet de poser la question à sa sœur qui tient un orphelinat au nord de Bombay. En septembre 1968, M et Mme M. reçoivent un courrier de la responsable de l’orphelinat qui après avoir sondé la maison mère française, les Sœurs de la Croix de Chavanod à Annecy, leur indique que le cas ne s’est jamais présenté mais que la Supérieure de la congrégation n’y est pas opposée. Cependant, il n’est pas question d’envoyer des enfants trop petits, ceux-ci n’étant pas très solides, c’est-à-dire malnutris. A la question du nombre d’enfants désirés, M et Mme M. répondent qu’ils prendraient volontiers trois filles. Peu après, ils reçoivent la photo de trois fillettes de 2 à 4 ans. Une religieuse s’étant enquis auprès du tribunal local dans quelles conditions l’orphelinat pourrait confier des enfants à des Français, elle s’entend répondre que ceux-ci doivent se présenter. Contrairement à la première adoption, il fallait donc aller chercher en Inde les enfants. Sans savoir quel type de procédure l’attendrait, Mme M. constitue un « dossier » sur le modèle de ce qui est demandé en France. En congé sans solde pour deux mois elle part làbas, atterrit à Bombay puis part en train pour Amravati à 600 kilomètres de là où l’attendent une religieuse française et les trois fillettes : « parées de robes carnavalesques ». Une vieille religieuse se dit heureuse de faire la connaissance d’une Française qui accepte d’adopter des Intouchables. Dès l’après-midi, le tribunal règle la question, sans trop savoir quels papiers demander... Cependant, le départ ne peut intervenir qu’après publication dans la presse locale afin de s’assurer que personne ne réclame ces trois enfants. Pendant deux mois Mme M. doit demeurer à l’orphelinat et s’occupe des trois enfants et de bien d’autres. Les 30 000 francs emportés passent dans de multiples provisions réclamées par l’avocat, ce qui fait que c’est un de ses frères qui doit lui avancer le prix des billets de retour. A Bombay, elle a des difficultés pour obtenir des passeports pour les enfants, doit donner tout ce qui lui reste pour finalement les obtenir dans la journée, les visas français suivent sans problème. Mme M. raconte que dans l’avion les hôtesses d’Air France ne sont pas bien disposées à l’égard des enfants. Á Paris, le chauffeur de taxi non plus... Avant l’arrivée à la maison le 24 décembre 1968. En six mois, les époux M. sont donc devenus parents de quatre filles. Ensuite, dans les années 1970 deux garçons arriveront également d’Amravati ; les six enfants seront adoptés ensemble. Les trois petites Indiennes suscitent l’envie de couples et de célibataires, dont la sœur de Mme M., en mal d’enfants qui en accueillera deux. Mme M., en tant que pionnière de l’adoption internationale et assistante sociale, aide ainsi à la constitution de 30 à 40 dossiers de demandes d’enfants. Á Amravati, les religieuses s’attachent les services d’un avocat efficace auprès du tribunal. Les adoptants n’auront même plus besoin de se rendre sur place, leur enfant arrive à Orly. Quand une religieuse française revenait en France, elle logeait chez M. et Mme M. et faisait la tournée des familles adoptives de la région. Ainsi s’est créé un mouvement d’adoption dont nous suivrons l’évolution133. D’autres congrégations établies en Inde participent au développement de l’adoption internationale. En 1971, les époux S. se tournent vers une œuvre belge dont ils ont eu l’adresse par un couple ayant fait savoir dans les petites annonces du Figaro qu’il venait d’adopter une petite indienne. Le Père Mercier, aumônier du Home Sainte-Catherine à Bombay lui répond que deux petites jumelles sont prêtes à partir pour la France 134. Ailleurs dans le monde, le même scénario se reproduit. Á partir de 1975, une sœur française qui dirige l’Œuvre de Saint-Raphaël, qu’elle a créée à Bogotá en 1947 pour prendre en charge des mères célibataires, reçoit la demande d’un couple via un chanoine dont la famille est établie depuis longtemps en Colombie. Après l’adoption d’un petit garçon, les parents participent à des réunions de l’association La Famille Adoptive Chrétienne ce qui encourage d’autres candidats à s’adresser à la sœur, toujours par l’intermédiaire d’ecclésiastiques français. En deux ans, 6 enfants colombiens arrivent en France135. Outre les congrégations religieuses qui tiennent les orphelinats, les œuvres d’adoption sont souvent d’inspiration chrétienne et dirigées par des personnes croyantes. A la fin des années 1950 et au début des années 1960, c’est la foi de René Péchard (1912-1985) en Dieu comme dans les hommes, qui le pousse à s’intéresser aux enfants du Cambodge et à en envoyer en France. Dans les années 1960, Jacqueline Barouillet, après avoir été infirmière et pilote d’avion Croix-Rouge et journaliste de l’AFP en Afrique, obtient son agrément comme intermédiaire de placement d’enfants. Elle travaille avec les congrégations religieuses et ne fait pas mystère de sa foi catholique, mais également de sa foi dans l’homme. Lucette et Jean Alingrin qui créent une œuvre pour soulager l’enfance handicapée vivent leur engagement comme un sacerdoce et se réfère souvent aux Evangiles136. L’intervention d’œuvres d’adoption bien établies Pearl Buck dénonce dans les années 1950 et 1960 le marché noir ou le marché gris de l’adoption. Elle réclame que toutes les procédures soient confiées à des œuvres contrôlées par les Etats afin que toute déviance soit écartée137. En France, en 1957, un comité d’entente des Œuvres privées d’adoption est mis sur pied afin d’établir des relations entre elles, de faire entendre leur voix auprès des pouvoirs publics. Le comité permet une entraide lors d’un placement difficile, de se mettre mutuellement en garde contre des candidats à l’adoption qui ne feraient pas de bons adoptants, etc. Le comité d’entente est présidé par M. Crétin, fondateur et directeur de La Famille Adoptive Française138. Plusieurs textes officiels datés de 1959 et 1963 précisent les conditions d’agrément des œuvres de placement et leur contrôle par l’Etat mais il n’y a aucune mention spécifique sur l’adoption entre pays139. L’intervention des œuvres dans l’adoption d’enfants étrangers entraîne le développement de véritables flux qui se distinguent, par un minimum d’organisation et un nombre plus important d’enfants concernés, des filières liées à des personnes. Un premier mouvement s’organise du Liban vers France après des contacts noués au sein du BICE entre les Filles de la Charité qui tiennent la Crèche de Saint-Vincent-de-Paul à Beyrouth et La Famille Adoptive Française140. Au printemps 1963, M. et Mme Crétin sont au Liban, les sœurs leur demandent de prendre en charge des enfants. Après l’accord de l’ambassade de France, une trentaine d’enfants est placée dans des familles françaises en 1963141. Le mouvement se poursuit l’année suivante et le ministère de la Santé publique et de la Population s’enquiert des conditions d’adoption concernant « un mouvement non négligeable d’enfants en bas âge provenant du Liban » : 38 au cours de l’année 1964. Chaque demande d’adoption est accompagnée de trois attestations de moralité sur les futurs parents adoptifs, d’extraits du casier judiciaire et de certificats médicaux, ainsi que les résultats de l’enquête effectuée par la FAF. Les enfants arrivent à Orly avec un passeport libanais, un visa français et un jugement d’adoption d’un tribunal ecclésiastique latin libanais. La légitimation adoptive est ensuite prononcée par un tribunal français. Il faut noter que si à l’aéroport les parents adoptifs refusent l’enfant, il est renvoyé au Liban et le jugement d’adoption est annulé à Beyrouth142.
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De même, si le point de vue choisi initialement est obstrué par des éléments de paysage non anticipés comme la pousse de végétation, la photographie à 360° degrés peut aider à réorienter l'axe de prise de vue. - montrer le contexte paysager lors de l'activation du corpus iconographique auprès des acteurs du territoire pour une meilleure compréhension de la série photographique. Ceci permet alors d'analyser des représentations sociales plus en lien avec la réalité paysagère dans l'optique d'amender les documents territoriaux. En termes d'évaluation des Observatoires, des photographies à 360° degrés peuvent être conçues lorsque le cadrage semble non satisfaisant dans la compréhension du contenu visuel comme nous l'avons exposé dans le chapitre 9. Le choix du point de vue est souvent par défaut considéré comme immuable, l'évaluation du contenu visuel au regard du cadrage permet de réorienter l'échelle paysagère photographiée en fonction des dynamiques suivies volontairement ou involontairement. L'anticipation dont fait preuve le comité de pilotage lors de la constitution d'un OPP reste au stade de suppositions puisque les paysages peuvent être perturbés par des facteurs non prévus nécessitant alors une nouvelle vision du point de vue. La pseudo-immuabilité assignée aux OPP est également envisagée dans le maintien de l'ensemble des séries photographiques pourtant certains suivis ne sont plus opérationnels sur le moyen terme et d'autres nécessiteraient des intervalles de reconduction plus importants. Par exemple, l'évaluation concernant des aménagements de petites envergures comme l'aménagement d'un rond-point, l'enfouissement d'un réseau aérien électrique, le réaménagement d'un centre-bourg, etc., qui se résume à la réalisation de photographies avant, 497 Guittet, Caroline.
Pour une meilleure
intégr
ation
des Observatoires
du Paysage dans la gouvernance territoriale (exemple de la région Bretagne - 2016 Partie 4. Perspectives pendant et après le projet
peut être remise en question une fois l'aménagement finalisé. La série photographique de la sortie du Pont-de-Puis-lès-Quimerc'h de l'OPP du PNRA (cf. Figure 108) met en lumière les différentes étapes de l'aménagement de l'entrée de la commune de 2000 à 2009 (alignement d'arbres, marquage au sol, implantation de panneaux de signalisation, gestion des différents usages). Cette série photographique semble arriver à son épuisement. Les rephotographies donneront certainement à voir des changements non significatifs (cycle végétal) en matière d'analyse des entrées de bourg, axe thématique de celle-ci. Chapitre 11. L'OPP, un outil d'évaluation de la gouvernance territoriale
La dimension paysagère - Les thématiques photographiées sont-elles toujours en adéquation avec les attentes de la structure porteuse? - Y-a-t-il des problématiques ou thématiques paysagères émergeantes sur le territoire non traitées dans l'observatoire? - Des changements ont-ils eu lieu dans le hors-champ des séries photographiques? - Certaines séries ont-elles un contenu visuel obstrué par un ou des éléments de paysage non prévus? - Certaines séries sont-elles arrivées à épuisement ou à ralentissement? La dimension sociale - Des photographies contextuelles à 360 degrés sont-elles nécessaire pour faciliter la lecture des séries photographiques lors des enquêtes sociales? - Quelles sont les préoccupations paysagères des acteurs du territoire pouvant faire l'objet de séries photographiques? La dimension technique des séries photographiques OPP - Le cadrage est-il en adéquation avec les dynamiques paysagères suivies? - Les intervalles de reconduction sont-ils adaptés aux séries photographiques? - Le matériel photographique est-il adapté aux besoins? - Le nombre de points de vue est-il adapté aux moyens matériels, humains et financiers de la structure porteuse?
Encadré 6 : Questions à traiter par le comité de pilotage lors de l'évaluation d'un Observatoire Photographique du Paysage 11.3.3. Mise en scène des séries photographiques OPP dans les documents de planification et de connaissance
Une fois la constitution suffisante de photographies dans les séries, les porteurs OPP doivent être en mesure de valoriser le corpus par sa monstration et son analyse dans les documents de planification ou de c onnaissance. À partir des différentes expérimentations présentées au cours de la recherche et d'autres études effectuées dans les structures porteuses, nous présentons ici la mise en scène de trois séries photographiques à titre d'exemplarité. Chaque proposition offre une analyse spécifique en fonction du contenu visuel du corpus iconographique. 500 Guittet, Caroline. Pour une meilleure intégration des Observatoires Photographiques du Paysage dans la gouvernance territoriale (exemple de la région Bretagne - 2016 Chapitre 11. L'OPP, un outil d'évaluation de la gouvernance territoriale 501 Guittet, Caroline. Pour une meilleure intégration des Observatoires Photographiques du Paysage dans la gouvernance territoriale (exemple de la région Bretagne - 2016
Partie 4. Perspectives
Figure 106 : Proposition n°1 / Mise en scène des dynamiques paysagères à partir de la série photographique de la plage du Vieux-Bourg à Fréhel-Pléhérel
La documentation a pour objet de contextualiser les différents changements visibles au sein de la série photographique. Ces changements sont également discutés via les extraits d'entretiens réalisés auprès des acteurs du territoire. Cette proposition peut s'intégrer dans un document territorial.
502 Guittet, Caroline. Pour une meilleure intégration des Observatoires Photographiques du Paysage dans la gouvernance territoriale (exemple de la région Bretagne - 2016 Chapitre 11. L'OPP
,
un outil d
'évaluation de la gouvernance territoriale La série photographique 86 de la rue de Saint-Guillaume à Saint-Brieuc de l'OPP du Syndicat mixte du pays de Saint-Brieuc La série historique de la rue Saint-Guillaume à Saint-Brieuc est tout d'abord présentée ainsi que le cône de visibilité. Le contenu visuel du couple photographique est ensuite relaté à partir des extraits de discours habitants issus des entretiens semi-directifs réalisés dans le cadre de la thèse. La pluralité des lectures paysagères habitantes est exposée via l'effacement des éléments de paysage non discuté durant deux entretiens. Il s'agit ici de mettre en perspective les représentations sociales face aux changements observables au sein du couple diachronique (cf. Figure 107). Partie 4. Perspectives
Figure 107 : Proposition n°2 / Mise en scène des représentations sociales à partir de la série photographique de la rue de Saint-Guillaume à Saint-Brieuc
Cette proposition a pour objectif de restituer les événements qui se sont déroulés entre la photographie du e début du XX siècle et celle de 2012 à partir des souvenirs des habitants. Aussi, il s'agit également de montrer les différents niveaux de lecture des images lors des enquêtes sociales. 504 Guittet, Caroline. Pour une meilleure intégration des Observatoires Photographiques du Paysage dans la gouvernance territoriale (exemple de la région Bretagne - 2016 Chapitre 11. L'OPP, un outil d'évaluation de la gouvernance territoriale
La série contemporaine de la sortie du Pont-de-Puis-lès-Quimerc'h de l'OPP du PNR d'Armorique
Cette proposition expose la série photographique de la sortie du Pont-de-Puis-lès-Quimerc'h et son cône de visibilité ainsi qu'une synthèse quantitative des différents changements visibles. Les dynamiques paysagères ayant causé ces changements sont contextualisées par une analyse effectuée dans le cadre de la Charte du paysage et de l'architecture du Parc (PNR d'Armorique, 2013 ; PNR d'Armorique, 2014). La réussite de l'aménagement de l'entrée de bourg est ensuite évaluée par les habitants du Pont-de-Puis-lès-Quimerc'h et par ceux vivant à proximité de la commune. Ces données sont issues d'entretiens semi-directifs menés par Simon Monthulé dans le cadre d'un stage au Parc (Monthulé, 2013). Au final, l'objectif de cette mise en scène est d'éavluer l'aménagement réalisé dans le Parc (cf. Figure 108)
505 Guittet, Caroline. Pour une meilleure intégration des Observatoires Photographiques du Paysage dans la gouvernance territoriale (exemple de la région Bretagne - 2016 Partie 4. Perspectives 506 Guittet, Caroline. Pour une meilleure intégration des Observatoires Photographiques du Paysage dans la gouvernance territoriale (exemple de la région Bretagne - 2016 Chapitre 11. L'OPP, un outil d'évaluation de la gouvernance territoriale
Figure 108 : Proposition n°3 / Analyse des changements paysagers et évaluation de l'entrée de la commune par les habitants à partir de la série photographique de la sortie
Pont-de-Puis-lèsQuimerc'h
La documentation permet de contextualiser et d'analyser les différents changements observés dans la série photographique et notamment l'aménagement de l'entrée de Pont-de-Puis-lès-Quimerc'h. Ensuite, les entretiens semi-directifs réalisés par Simon Monthulé ont permis de mettre en lumière les différents jugements des habitants concernant la réussite de cette opération. Partie 4. Perspectives Conclusion. Adaptabilité des OPP à la gouvernance territoriale
- Ce chapitre a des visées opérationnelles qui sont à
destination
des
porteurs
d'OPP actuels et futurs. Il s'est agi à partir de cas concrets d'interroger la démarche des Observatoires Photographiques du Paysage au regard des besoins de la gouvernance territoriale. Ce travail a permis de mettre en lumière des préconisations méthodologiques dans l'optique de développer ou réorienter l'outil selon les attentes des institutions et selon les préoccupations paysagères du territoire. Souvent minoré, le comité de pilotage participe pleinement à la démarche OPP, par l'engagement de discussions sur le paysage et surtout parce qu'il joue différents rôles tant dans la création de l'outil que dans ses évaluations régulières. De plus, les membres y participant peuvent devenir des relais pour exploiter et valoriser les séries photographiques. En définitive, le comité de pilotage assure la pérennité des Observatoires par l'implication de plusieurs institutions et autres acteurs du territoire (habitants, membres d'association, professionnels du paysage, etc.). Par ailleurs, l'adaptabilité des OPP aux documents de planification et de connaissance est possible par la traduction visuelle des orientations et/ou enjeux énoncés. Ceci permet d'élaborer des séries photographiques au plus près de la réalité matérielle, des enjeux paysagers et des décisions et actions publiques. Les images ainsi réalisées deviennent également des indicateurs considérables pour évaluer les politiques publiques et réviser les documents territoriaux tels les Atlas de paysages, les SCoT, les PLU, etc. Une fois exploité via des analyses qualitative et/ou quantitative changements visibles et/ou des enquêtes sociales, le corpus iconographique peut amender les documents de planification et de connaissance à partir d'une mise en abyme des dynamiques paysagères pour communiquer et sensibiliser les acteurs du territoire à la question paysagère. In fine, l'opérationnalité des Observatoires dépend avant tout du dynamisme de l'institution porteuse, les séries photographiques sont une base archivistique qui nécessite des révisions régulières avec éventuellement des réorientations de certains points de vue afin de faire évoluer le corpus au même titre que les évolutions paysagères. Aussi, la constitution de la base en rapport avec les problématiques territoriales n'est qu'une étape dans la démarche OPP puisque les séries photographiques doivent être ensuite activées. L'exploitation et la valorisation du 508 Guittet, Caroline. Chap
itre 12.
L'
OPP, un support
d'
interactions sociales - Ce chapitre vise à proposer des méthodes adéquates pour susciter des interactions sociales dans l'optique de répondre aux enjeux paysagers contemporains.
Une interaction sociale est une « relation interpersonnelle entre deux individus au moins, par laquelle les comportements de ces individus sont soumis à une influence réciproque, chaque individu modifiant son comportement en fonction des réactions de l'autre » (Grand dictionnaire de la psychologie, 1991, p. 393). Quatre enjeux actuels ont été identifiés comme nécessitant des interactions sociales afin d'aboutir aux objectifs fixés : - la fabrique de la connaissance paysagère à partir de l'analyse des dynamiques paysagères et ses représentations sociales (12.1) ; - la définition des objectifs de qualité paysagère (12.2) ; - le projet de paysage (12.3) ; - la co-construction de projet de territoire (12.4). Il s'agit de discuter des apports et des limites des séries photographiques OPP et/ou de la démarche OPP pour chacun de ces enjeux précités214. Plus spécifiquement, il est préconisé, pour chacun d'eux, les mises en situation les plus adaptées pour provoquer les formes d'interaction voulues : avec ou sans la série photographique / in situ ou ex situ / entretien individuel ou entretien en groupe. Chaque enjeu est traité à partir de trois questions clefs : Pourquoi? Par et pour qui? Comment? Le travail s'achève sur des propositions de rétroaction – « processus circulaire dans lequel la ré action du récepteur d'un message (ou d'une action) revient en direction de l'émetteur et agit à son tour comme un stimulus et une influence sur lui au sein d'une série d'échanges. » (Marc & Picard, 2002, p. 189) – permettant des interactions entre acteurs en continu à partir des paysages. Bien entendu, d'autres outils peuvent être des supports facilitateurs d'interactions sociales (cartes, photographies aériennes, etc.) mais ils ne sont pas abordés car ne faisant pas l'objet du travail doctoral.
Partie 4. Perspectives
Ce chapitre prend pour base les résultats de l'ensemble des entretiens individuels et de groupe menés durant la thèse mais aussi de la recherche-action axant sur la participation des habitants qui s'est déroulée courant 2013-2015 à Érgué-Gabéric. Certains résultats exposés dans le chapitre 10 sont synthétisés ci-dessous et peuvent paraître redondants toutefois l'approche est différente puisqu'à destination des porteurs OPP et se voulant opérationnelle.
12.1. Les OPP dans la fabrique de la connaissance paysagère
Ce point explicite l'intérêt de provoquer des interactions sociales dans la fabrique de la connaissance paysagère tant sur le plan scientifique qu'opérationnel. Il expose de manière détaillée différentes méthodes mettant en scène des situations paysagères expérimentées durant la thèse. D'un point de vue scientifique, ces méthodes doivent être encore testées car elles ont été réalisées auprès d'un faible échantillon, néanmoins les premiers résultats permettent d'ores et déjà de dégager des pistes de réflexion en matière de typologie de connaissance paysagère apportée. 12.1.1. La connaissance paysagère à partir des interactions sociales : Pourquoi? Par et pour qui?
L'élaboration de la connaissance sur les paysages et plus spécifiquement des dynamiques paysagères nécessite des interactions sociales pour : - prendre en compte les représentations individuelles et sociales des populations afin d'appréhender la complexité des paysages étudiés ; - apporter des savoirs spécifiques en lien avec les paysages étudiés et leurs évolutions. En effet, l'analyse des dynamiques paysagères consiste à comprendre les processus de transformation des paysages causant des changements matériels et/ou immatériels, visibles et/ou invisibles. Les interactions sociales à partir de l'objet paysage permettent alors de mettre en évidence ces changements souvent complexes à analyser surtout à partir de séries photographiques qui ne retiennent qu'une partie des changements matériels visibles sur une temporalité spécifique. Sur le plan scientifique, ce travail informe sur les paysages et leurs fonctionnements mais aussi sur les visions sociétales contemporaines des paysages. Il comble l'amnésie paysagère (Diamond, 2006). Au niveau opérationnel, il s'agit de nourrir ou réviser les Atlas de paysages sur les dynamiques paysagères − comme le préconise la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages − et d'alimenter les diagnostics paysagers dans les documents de planification (Charte et plan de paysage, SCoT, etc.) ; tâche préliminaire à toute prise de décision publique. les le es ). les ères 12.1.2. Récolter la connaissance paysagère : comment?
Durant la recherche, différentes situations paysagères ont été expérimentées comme présentées dans le chapitre 7. En raison du faible nombre de certaines situations, seuls les entretiens individuels avec comme base le catalogue photo ont été analysés assidûment dans les chapitres 9 et 10 mais surtout parce que cette situation paysagère permettait de mettre en lumière les potentialités des séries photographiques dans l'émergence des discours des acteurs du territoire ; point central de la problématique de thèse. Les autres configurations d'interactions sociales (cf. Annexe 10) sont mises en confrontation avec les résultats obtenus dans le cadre des 39 entretiens individuels de visu et ex situ afin d'expliciter leurs apports et limites dans la connaissance paysagère au regard des représentations sociales face aux dynamiques. Comme le témoignent les graphiques représentés au sein de la Figure 109, 12 entretiens individuels ont été réalisés sans visu et ex situ faisant référence à la mémoire à long terme c'est-àdire sans accès physique au paysage que ce soit par la photographie ou le terrain. Ce type de situation paysagère a été mené essentiellement auprès des habitants et élus locaux. Quatre visites de terrain suivies d'entretiens individuels basés sur les séries photographiques illustrant les sites parcourus ont eu lieu avec des habitants. Un biais, dans ce cas de figure, est à souligner car sur quatre habitants, trois sont investis dans la commune soit de par leur profession (journaliste par exemple) ou de par leur activité extra-professionnelle (membres d'association), leur donnant alors le statut d'habitants « avertis ». Enfin, quatre entretiens de groupe ont été réalisés (cf. Annexe 12) : un auprès d'un groupe d'habitants, trois auprès de deux institutions porteuses d'OPP − la DREAL Bretagne et le PNR d'Armorique − et un auprès d'un groupe pluridisciplinaire de chercheurs affiliés au laboratoire ESO-Rennes (géographie rurale, psychologie environnementale, aménagement, géographie urbaine et géographie environnementale)215. En somme, les situations paysagères les plus diversifiées concernent le public habitant. Nous allons maintenant nous intéresser à comparer les différentes situations en matière de typologie de connaissance paysagère émise par les acteurs du territoire. Partie 4. Perspectives
Figure 109 : Diversité des situations paysagères expérimentées auprès des acteurs du territoire (en effectif)
Les graphiques ci-dessus exposent le nombre de situations paysagères expérimentées durant la recherche doctorale. Les situations les plus diversifiées ont été réalisées auprès des habitants, public davantage disponible en comparaison avec les élus locaux et les professionnels du paysage. Il peut être souligné aussi l'importance des entretiens de groupe menés auprès des professionnels du paysage. Le face à face ex situ avec une photographie et une série photographique
Comme expliquées dans la partie 3, les interactions sociales pour développer la connaissance paysagère peuvent s'effectuer à partir d'entretiens semi-directifs individuels. Ces derniers auront pour base des séries photographiques représentant le paysage quotidien des « justes » habitants, habitants « avertis » et élus locaux afin de faire émerger le bas niveau de construit. Le récolteur a pour fonction de guider la personne vers les questions d'évolutions paysagères et de la réorienter si besoin. Dans le cadre d'un Atlas de paysages ou d'un diagnostic paysager, cette forme de situation paysagère permettra : - d'identifier, de caractériser et de qualifier des éléments de paysage dits ponctuels, visibles ou non dans le corpus iconographique. Ces éléments communs à la plupart des paysages ne possédant pas de caractéristiques paysagères spécifiques participent à l'élaboration d'un Guittet Caroline. Pour une meilleure intégration des Observatoires Photographiques du Paysage dans la gouvernance territoriale (exemple de la région Bretagne - 2016 Chapitre 12. L'OPP, un support d'interactions sociales vocabulaire sur les paysages ordinaires. Il s'agit de faire émerger les marqueurs et les motifs paysagers. - d'identifier, de caractériser et de qualifier les structures paysagères à partir de la convocation du hors-champ lointain mais aussi de les qualifier par les histoires locales et les pratiques. Ces deux premiers points peuvent être traités à partir d'une seule photographie de paysage quotidien. L'intérêt de la série photographique, même si nous savons que selon les individus le contenu visuel des séries OPP présentées sera peu ou prou analysé, est d'évoquer la notion de changement. Dans ce sens, les personnes sollicitées vont expliciter les changements pays gers visibles ou non sur les séries et les contextualiser. Aussi, les élus locaux problématiseront les changements en termes de gouvernance et en termes d'acteurs du territoire impliqués dans les transformations. Le récolteur formulera des « relances » afin d'obtenir des précisions sur ces changements ainsi exposés. Comparons maintenant cette mise en situation avec celles sans série photographique, de situ ou ex situ, individuellement ou en groupe. Le face à face ex situ sans série photographique
Les douze enquêtés qui ont fait l'exercice de commenter des paysages à partir de leur mémoire à long terme, s'attachent tout d'abord à relater l'histoire du lieu lorsqu'ils la connaissent pour ensuite exprimer les différents usages ou fréquentations du lieu abordé : « Ah la promenade de la digue alors, on dit la digue-promenade ici qui est devenue une euh, qui a été une euh réalisée au cours du temps. On voit sur les photos au début, sur les cartes postales, c'est vraiment un sommet de dune. Petit à petit le syndicat des copropriétaires, c'étaient eux qui décident, qui dirigeaient le Val André, le syndicat des copropriétaires a commencé à réaliser une digue pour protéger cette promenade et puis ça a été nivelé avec des garde-corps. C'est vraiment l'axe, le point central du Val André, pas tant pour les habitants de Pléneuf. Les habitants de Pléneuf descendent rarement au Val André. La digue c'est surtout pour les gens, les habitants permanents, secondaires du Val André. Pour Pléneuf, si les populations plus jeunes vont sur la digue se promener, faire des footings, des trucs comme ça. Mais les habitants historiques de Pléneuf descendent peu. Et par conte c'est un lieu de promenade pour les gens du coin, les Briochins, les choses comme ça, ils vont soit aux Rosaires, soit ici. Donc ils vont jusqu'au bout de la digue et ils reviennent. Alors ça le weekend ou les jours fériés, on mange bien et on va se promener en famille. » [H9, Jean-Christophe, sans support visuel, série photographique 93 de Pléneuf-Val-André] « Alors la rue de Saint-Guillaume, c'est vraiment la rue où il y a toutes les boutiques, c'est une rue piétonne donc il y a pas mal de boutiques dans cette rue. C'est vraiment l'artère par excellence, la rue piétonne la plus connue c'est la rue saint-Guillaume. » [H13, Corentin, sans support visuel, série photographique 86 de la rue de Saint-Guillaume à Saint-Brieuc] En termes d'analyse paysagère, cette situation permet de souligner les éléments symbolisant le paysage discuté comme la digue concernant la promenade de la Grève à Pléneuf-Val-André ou les boutiques dans la rue de Saint-Guillaume à Saint-Brieuc. Les individus expriment une impression générale et explicitent la fonction sociale du paysage. Avec les séries OPP, les 515 Guittet, Caroline. Pour une meilleure intégration des Observatoires Photographiques du Paysage dans la gouvernance territoriale (exemple de la région Bretagne - 2016 Partie 4. Perspectives enquêtés exposent davantage des faits sur la matérialité paysagère observée comme l'évolution de certains éléments apportant des détails précis sur les changements. Les élus locaux, quant à eux sont prolixes dans les situations ex situ et sans visu. Ils contextualisent le paysage en question et arguent des différentes évolutions qu'il a subies, et ce dans un périmètre spatial et temporel élargi par rapport au point de vue photographié. Pour exemple, l'élu local d'Erquy, à propos de la série photographique 69 de Saint-Michel à Erquy, relate : « [] Déjà vous avez le long du camping une petite route qui rejoint l'accès entre les hôpitaux donc de l'autre côté de la route c'était le camping. Ça a dû être fermé il y a une vingtaine d'années au moment où on a vraiment commencé à s'occuper de la protection du littoral. Donc avant c'était juste les pieds dans l'eau voilà. Ça a été fermé donc la nature reprend ses droits, il y a eu un peu de requalification pour permettre à un paysage dunaire pour permettre à certaines plantes, à certaines variétés de s'implanter. Mais ce qui caractérise Saint-Michel, c'est quand vous arrivez, c'est effectivement des îlots, la petite chapelle qui a été rénovée. Il y a peu de temps, elle était en ruine. Elle a été rénovée il y a une quinzaine d'années. Ce qui caractérise Saint Michel c'est vraiment l'îlot avec la chapelle dessus avec la mer derrière et les cordons de galets et les rochers qui affle
. Un paysage complètement changeant si vous êtes en haute mer, à marée haute ou à marée basse. » [E12, Élu local d'Erquy, sans support visuel, série photographique 69 de SaintMichel à Erquy
] La description et les différentes phases d'évolution du paysage en question sont plus détaillées chez les élus locaux que chez les habitants. Les changements paysagers sont davantage ancrés dans leur mémoire à long terme du fait de leur implication au quotidien dans la commune. À la vue de la série photographique, l'élu réginéen problématise le paysage notamment sur la notion d'accessibilité en s'appuyant des éléments observés dans les images : « Il y a effectivement des soucis de bordure et de protection de limite. Ça, c'est pour empêcher que les gens se mettent n'importe où, n'importe comment. C'est fait au moins avec du matériau local, sur la photo c'est pas génial, c'est l'utilisation de la matière locale. [] Il y a une route qui marque bien qu'il y a de l'activité, du passage, il y a une volonté d'imitation. Effectivement, il y a des éléments artificiels dans le paysage, toujours pareil la bordure en pierre mais pas du même type pour éviter les zones de circulation. [] ». [E12, Élu local d'Erquy, de visu, série photographique 69 de Saint-Michel à Erquy] Au final, les acteurs du territoire, par leur mémoire à long, terme vont faire référence aux évolutions marquantes qu'a connues le paysage discuté et exprimer les éléments qui en sont caractéristiques. Les séries photographiques, quant à elles, activent cette mémoire à long terme en faisant surgir des éléments de paysage ponctuels et des changements voire des dynamiques non symptomatiques du paysage observé. Ces éléments, changements ou dynamiques se déployant dans un périmètre spatial ou temporel plus élargi que celui de la série photographique. Attardons-nous sur la visite de terrain. Le face à face in situ sans série photographique Comme nous l'avons déjà explicité, les visites de terrain avec les habitants sont quelque peu biaisées puisque les interviewés sont largement engagés dans la commune comme par exemple Marie qui a écrit un ouvrage sur sa commune. Elle maîtrise les changements du centre-bourg de 516 Guittet, Caroline. Pour une meilleure intégration des Observatoires Photographiques du Paysage dans la gouvernance territoriale (exemple de la région Bretagne - 2016 Chapitre 12. L'OPP, un support d'interactions sociales Gausson toutefois la discussion est moins a in situ que de visu car les différentes modifications laissent peu ou prou des traces dans le paysage. Dans ce sens, cette situation paysagère convoque également la mémoire à long terme. Le rôle du récolteur est donc de poser un certain nombre de questions sur le site pour faciliter le dialogue et implicitement l'analyse paysagère : Marie : « Le monument aux morts avant il était pas là, il était ici. Je pourrais vous trouver une carte postale enfin une photo de la carte postale, on voit le monument aux morts ici. Il était entouré d'une grille, il
y
a été fait dans les année
s
, je crois 1922 ou 1923, je ne sais plus après la
première guerre mondiale. » Caroline G. : « Et pourquoi il a changé de place? » Marie : « Je ne sais plus pourquoi ils ont changé de place. Parce qu'ils ont aménagé le bourg, ça n'existait pas il y avait le monument, du goudron tout autour et des places de parking sans doute. Ça c'est dans les années 2000, ça je ne sais plus exactement. Il y a eu tout ce terre-plein aménagé. » Caroline G. : « Et c'est qui? » Marie : « Oui, tout ce qui est aménagement du bourg, c'est la mairie qui s'occupe de ça. Ils ont fait des lampadaires anglais [rire] quand ils l'ont fait. J'ai dit, c'est rouge en général maintenant on s'est habitué. » [] Caroline G. : « Où étaient les cafés du coup? » Marie : « Alors, il y en avait un ici, ici, là c'était un marchand de toile, il en avait un ici. Là, c'était la boulangerie autrefois et là-bas il y avait la charcuterie, là-bas il devait avoir deux cafés en bas qui faisaient forge en même temps. Ils y en avaient d'autres. » Caroline G. : « Et l'église elle date de quand? » Marie : « La première, on la date de 1700 si je me souviens bien, elle a été rénovée en 1905 et le clocher a été rénové en 1955. C'était un clocher en bois qui s'effondrait, on a une carte postale où on voit le clocher qui penche et qui risquait de tomber sur les gens. Ça a été retapé en 1955, je croyais que c'était un clocher en granit mais en fait en béton. C'est du béton ça, ça rappelle les pierres. Mais en fait c'est du faux. Voilà donc tout ça
a été aménagé, les parterres de fleurs, il n'y a pas longtemps, il y a 10 ans. Donc c'est agréable comme petit bourg. [] ». [H10, Marie, in situ, série photographique 42 de la place du bourg à Gausson] Marie retrace donc la chronologie de certains éléments comme l'église et exprime les différents usages passés et présents (commerces, office religieuse). Les causes de certains changements comme le déplacement du monument aux morts sont méconnues, constat déjà formulé dans la cadre des entretiens individuels de visu et ex situ. Après la visite de terrain, au regard de la série photographique, l'enquêté notera la plantation des arbres et l'enfouissement du réseau aérien. Tout comme la situation paysagère à partir de la mémoire à long terme, ces changements paysagers ne sont pas considérés comme étant symptomatique du paysage : soit ils ne sont pas évoqués ou soit ils sont tout simplement oubliés par la personne. Nous l'avons déjà vu, la lecture des séries photographiques nécessite un apprentissage : l'appréhension d'une photographie de paysage et plus encore d'une série demande une certaine expérience. La lecture in situ requière également une initiation, comme en témoigne l'extrait ci-dessous : 517 Guittet, Caroline. Pour une meilleure intégration des Observatoires Photographiques du Paysage dans la gouvernance territoriale (exemple de la région Bretagne - 2016
Partie 4. Perspectives
Caroline G.
: « Peux
-
tu décrire du coup le boulevard? Corentin : « C'est une rue surtout destinée à la circulation automobile. On voit des voitures, beaucoup de bus qui viennent de la gare ou de l'ouest de la ville ou du centre. C'est moins une rue pour les piétons même s'il y en a qui viennent pour prendre un bus, pour aller la gare. C'est toujours une grande artère de SaintBrieuc comme Saint-Guillaume mais c'est plus pour la circulation automobile cette fois-ci. » Caroline G. : « Au niveau architecture, végétation? » Corentin : « En fait on a euh plus de végétation qui a été plantée là artificiellement. On a des arbres. Euh, architecture, c'est plus une architecture mêlée je dirais. On a par exemple le bar ici qui a une architecture plus ancienne. Plus loin on a genre un immeuble avec un balcon plus moderne. Après la taille des
immeubles changent un peu. D'ailleurs on peut apercevoir très facilement la façade d'un immeuble là. Dans voilà, les couleurs sont pas les mêmes, les tailles changent, les époques aussi. [] » Caroline G. : « Et tu penses que c'était comment avant? » Corentin : « Euh comment, avec la présence de la gare à côté, je dirais pareil euh sauf que c'était les façades des immeubles euh étaient toutes anciennes. Je ne sais pas, soit ça a été rénové depuis, soit ça a été détruit puis reconstruit par-dessus. du paysage. L'analyse des méthodes montre que par la mémoire à long terme sans support visuel (ex situ ou in situ), les enquêtés s'attachent à exprimer les changements symptomatiques du paysage étudié alors qu'avec les séries photographiques, ils formulent aussi des changements qui ne contribuent pas forcément à l'identité du paysage. Le face à face ou le groupe : quelles interactions sociales pour la mise en connaissance des paysages? Nous nous intéressons ici uniquement à deux expériences : un entretien de groupe réalisé auprès de 7 jeunes briochins âgés de 19 à 27 ans et une exposition dite « sauvage » qui n'est pas comptabilisée dans la Figure 109 puisqu'il ne s'agit pas d'un entretien à proprement parler. Les deux expérimentations seront mises en résonnance avec les entretiens individuels. Les trois entretiens de groupe réalisés auprès des professionnels de paysage ne sont pas abordés car les séries photographiques commentées représentent majoritairement des paysages non connus pour les enquêtés, images non adaptées à l'apport de connaissance dans les diagnostics paysagers relatifs à des paysages localisés. Nous allons résumer les traits saillants de l'entretien de groupe effectué auprès des jeunes. La méthode déployée (cf. Chapitre 7) est pensée comme une initiation à la lecture paysagère par les séries photographiques et par la visite de terrain (cf. Annexe 7). Cette expérimentation met en lumière avant tout ce que les séries photographiques ne permettent pas d'observer et ce que l'in situ apporte en termes d'analyse des dynamiques paysagères. Tout d'abord, le groupe était invité à discuter de l'évolution de la rue de Saint-Guillaume à Saint-Brieuc (cf. Série photographique OPP 86) en convoquant leur mémoire à long terme. Le groupe s'est focalisé au départ sur la disparition d'un élément emblématique de la rue, une statue, puis sur l'évolution de l'ambiance urbaine : Caroline G. : « Que pouvez-vous me dire de l'évolution de la rue Saint-Guillaume? » Amélie : « Ça a pas changé! » Marion : « Déjà les magasins, ça change tout le temps! » Amélie : « Ouais c'est vrai, les magasins changent tout le temps! » Benjamin : « C'est économique, il y a du mouvement. » Marion : « Le plus triste, c'est que avant, il y a, je ne sais pas, il y a quinze ans dans la rue Saint-Guillaume, il y avait un petit truc en triangle à côté de SFR et tout, il y avait un monsieur, une espèce de statue » Amélie : « Ah ouais, il était trop bien! » Marion : « Il avait un cerceau qui passait autour de lui, et c'était une trop belle statue! » 519 Guittet, Caroline. Pour une meilleure intégration des Observatoires Photographiques du Paysage dans la gouvernance territoriale (exemple de la région Bretagne - 2016
Partie 4. Perspectives
Amélie : « Il n'y avait pas une boule? » Benoit : « ouais! » Marion : « Si, il avait une boule! » Benoit : « C'était mystique, c'était bien! » Marion : « Et il avait un cerceau qui passait autour de lui, c'est magnifique! » Benjamin « C'est triste de voir que les seuls magasins qui restent c'est Jenny pouffe et » Marion : « Ils l'ont enlevé, je ne sais pas pourquoi, tout ça pour mettre le sapin de Noël ou je ne sais pas, j'étais tellement malheureuse quand je suis revenue et qu'il n'était plus là! » Benjamin : « Moi, je la trouve moins glauque qu'avant quand même! » Amélie : « Il y a aussi le
Super U qui a changé, ils ont aménagé l'entrée par derrière alors qu'avant c'était trop glauque. » Benjamin : « Voilà, la rue Saint-Guillaume est beaucoup moins glauque comparée à il y a 15 ans. » Benoit : « C'est vrai! » Benjamin : « C'était glauque! » Marion : « Ah non c'était pas glauque! » Flora : « Ah si, c'était quand même la rue Saint-Guillaume, c'était la grande rue piétonne, on a qu'une seule rue piétonne, mais elle était plus glauque que maintenant. » Marion : « Moi, je trouve que ça ne va pas en s'améliorant le fait que la rue soit glauque, elle est glauque! » Amélie : « Après moi je trouve que les fréquentations sont toujours les mêmes dans cette rue, on retrouve les mêmes personnages, il y a des personnages mythiques dans cette rue. Ils passent dans cette rue parce qu'il y a le plus de passage quoi après qu'est-ce que je voulais dire Si c'est bien parce qu'il y a toutes catégories socioprofessionnelles, c'est autant des magasins, il y a Jenny pouffe mais il y a aussi des magasins comme sport lux. » Marion : « Ouais c'est ça! » Amélie : « C'est un peu plus bas, c'est plus cher! » Benjamin : « Il y a beaucoup plus de monde le samedi tout ça qu'il y a quinze ans. » Benoit : « Je ne sais pas! » Marion : « Pas sûr! » Benoit : « Non parce qu'entre temps, le centre de Saint-Brieuc est un peu mort. » Marion : « Ah bah oui! » Amélie : « Oui, c'est un peu mort! » [GH] Les éléments dits ponctuels, les changements matériels ou les dynamiques paysagères ne sont pas abordés. Les interactions sociales ont pour but ici de qualifier l'ambiance urbaine de la rue. Le groupe partage donc de manière sous-jacente leurs expériences vécues et tente de s'accorder 520 Guittet, Caroline. Pour une meilleure intégration des Observatoires Photographiques du Paysage dans la gouvernance territoriale (exemple de la région Bretagne - 2016 Chapitre 12. L'OPP, un support d'interactions sociales sur la qualification de cette ambiance urbaine, certains réajustent leur point de vue comme Marion pour faire consensus. Par la suite
, une description de la série photographique est réalisée individuellement par le biais de post-it. Cet exercice permet à chaque enquêté d'analyser scrupuleusement les images. Mais ce que nous souhaitons mettre en évidence est la comparaison entre ce travail sur photographies et celui sur le terrain. En effet, la troisième phase consistait à répondre aux questions du cahier de paysage présenté dans l'Annexe 7 à partir de l'observation in situ. Les résultats soulignent un certain nombre de limites relatives à l'intervalle de reconduction. Les personnes interviewées, durant la sortie, identifient les dynamiques de temps rond comme le contraste en termes de fréquentation le jour et la nuit, les enseignes lumineuses (plus spécifiquement des pharmacies), l'entretien régulier de la rue. Les dynamiques sociales sont aussi évoquées : « des gens se sont arrêtés pour discuter. » [GH1, Adrien] ; « il y a des jeunes, des gens qui discutent au milieu de la rue » [GH5, Jeanne]. Les limites du médium font surface. Le groupe convoque la sonorité : le bruit de la rue, la musique diffusée dans l'espace public. Lors de la visite du second lieu, le boulevard Charner de Saint-Brieuc (dans ce cadre, le groupe n'a pas visualisé cette série photographique 88), ces éléments sont confirmés : ils notent en matière de changement cyclique la fréquentation de la population, l'activité ferroviaire, le vent, la luminosité. Le bruit et l'odeur (odeur de pots d'échappement) sont également évoqués. Les questions du cahier de paysage accompagnent les individus dans l'observation en proposant une méthode de lecture paysagère. Grâce à cette méthode, les habitants examinent le paysage durant un certain temps (20 minutes environ) ce qui leur permet d'analyser ces dynamiques à court terme, comparé aux entretiens individuels in situ où l'interviewé est en permanence dans le dialogue et donc moins à même de les analyser. Les séries photographiques, dans ce contexte, permettent de pointer les éléments ponctuels qui sont devenus tellement communs qu'ils ne sont pas repérés lors de la visite de terrain : les antennes paraboliques, les panneaux de signalisation, les fleurs et les arbres. Les enquêtés, à ce propos, explicitent : « on s'arrête plus sur les détails avec photos » [GH2, Marion]. Les évolutions à moyen et à long termes sont essentiellement appréhendées lors de l'interprétation des séries photographiques. Cette expérience composée d'une succession de situations paysagères n'a pas tant permise de révéler la diversité des représentations sociales face aux dynamiques paysagères comme ce qui était attendu au départ lors de sa conception de la méthode. Ceci est dû en partie à la variété des tâches à accomplir durant un temps limité (quatre heures) qui laisse tout compte fait peu de place à la discussion et donc peu adapté à l'analyse de la dynamique de groupe. Toutefois, les résultats confirment la complémentarité entre les discussions à partir de la mémoire à long terme, les séries photographiques et les visites de terrain pour nourrir en connaissance un paysage donné (ambiance, éléments paysagers emblématiques, ponctuels, visibles et non visibles, dynamiques à court, moyen et long termes, acteurs impliqués). Aussi, du fait de traiter 521 Guittet, Caroline. Pour une meilleure intégration des Observatoires Photographiques du Paysage dans la gouvernance territoriale (exemple de la région Bretagne - 2016 Partie 4. Perspectives de la question paysagère en groupe, la culture individuelle et les histoires de vie sont peu exprimées. Nous allons mettre en parallèle l'exposition de la série photographique 68 de la plage du Vieux Bourg à Fréhel-Pléhérel à même le site, exposition dite « sauvage216. » car sans autorisation préalable auprès de la municipalité. L'objectif est de savoir si les usagers présents au sein du paysage interagissent à la vue de l'installation (ensemble de la série photographique posé sur une table et trépied surmonté d'un appareil photo placé sur le lieu de prise de vue de la série pour illustrer la démarche OPP) et d'appréhender les apports et les limites de ce type de situation paysagère. Le choix des images n'est pas anodin puisqu'elles représentent un paysage littoral touristique où bon nombre de personnes se rendent pour se promener. De même, le choix de la date et du moment de la journée est stratégique afin que les habitants de la commune soient présents (le samedi 07 septembre 2013). Aucune question n'est prévue à l'avance. Durant les quatre heures d'exposition, une trentaine de personnes sont venues échanger c'est-àdire une grande majorité des personnes qui étaient de passage ce jour -là. Tout d'abord, certains habitants se sont attachés à décrire les différents éléments de paysage et dynamiques paysagères (rochers, courants, marées, plage, etc.) en s'appuyant de la série photographique puis du terrain comme le montre la photographie qui suit (cf. Photographie 1) : « On voit bien l'arbre qui a poussé. C'est intéressant. J'ai des photos bien plus vieilles quand il n'y avait pas le parking. Ça a poussé, je pense que les dunes ont été retenues. Grâce à dieu! [] Le parking en bas va être refait pour un meilleur accès pour les bateaux et pour les handicapés. Ils ont refait la cale, ils ont peu défoncé le parking. Ces deux photographies illustrent l'exposition dite « sauvage ». La photographie à gauche donne à voir un habitant « averti » qui décrit les éléments de paysage en les pointant par des gestes de la main. La photographie à droite montre les interactions sociales qui se sont créées de manière spontanée. Des promeneurs profitent de cette occasion pour écouter les explications de l'habitant concernant les changements passés et à venir du site (et Photographie 2). Les usagers observent la série photographique et explicitent des changements passés ou à venir sur la plage du Vieux Bourg, comme la rénovation de la cale, et plus largement au sein de la commune (aménagement d'un sentier). Tout comme les entretiens individuels ex situ et de visu, les séries photographiques suggèrent la notion de changement, les personnes sortent du cadre des images pour formuler l'ensemble des changements qu'ils connaissaient. Ils s'appuient de la situation in situ pour les localiser par des gestes. Ces premières observations montrent qu'il y a peu de distinction entre les deux configurations en termes de typologie de connaissance paysagère. Les cultures individuelles sont également relatées lorsque les usagers sont en situation de face à face : « J'ai connu ça étant jeune. On sautait dans les dunes, c'était vachement abrupt. Quand il y avait beaucoup de soleil, le sable était brulant. Il y avait les dunes, les falaises, des cabanes de pêcheurs, des crêpes et des galettes. [Pause]. Mon père allait à la pêche avec son bateau à la rame vers Erquy, il passait entre les dents. Il y avait beaucoup plus de poissons que maintenant. [En regardant la série photographique] On voit avec les photos que ça évolue tous les ans. Je vais à la plage depuis quelques années, elle est plus méchante, la mer monte. » [Un usager de la plage du Vieux-Bourg, in situ et de visu, série photographique 68 de la plage du Vieux Bourg à Fréhel-Pléhérel] En fin d'après-midi, un petit groupe de six fréhelois s'est formé. Après leur avoir expliqué la marche OPP, le groupe a regardé la série photographique (cf. Photographie 3) et s'est attaché à rendre compte des possibles améliorations du site ( et Photographie 4) : Usager 1 : « Je connaissais avant, ce n'était pas construit ici, il y avait pas le parking. » Usager 2 : « Ce qui me gêne, c'est les campings cars et les éoliennes. J'aime pas tellement les éoliennes. On ne les verra pas mais enfin je sais pas. » Usager 3 : « Aussi, il faudrait supprimer la partie du camping qui est sur le littoral. C'est bien pour eux mais c'est moche pour nous. Partie 4. Perspectives
Lors de cette deuxième partie de l'après-midi, la série photographique a joué un rôle secondaire. En effet, les habitants ont peu commenté les images cependant ces dernières ont été un prétexte pour aborder des questions relatives à l'aménagement du territoire. Les photographies de paysage deviennent alors un support d'interactions sociales facilitant les discussions sur l'objet paysage et plus largement sur les enjeux territoriaux, les usages, la gestion, etc.
Photographie 3 et Photographie 4 : D'une lecture paysagère in situ à une discussion collective sur le devenir de la commune de Fréhel
Les usagers observent la série photographique et la commentent de manière partielle [photographie à gauche]. Les images sont un point d'appui pour discuter des enjeux d'aménagement de la commune de Fréhel [photographie de droite]. En matière de connaissance paysagère, cette situation paysagère permet : - une description fine des éléments de paysage et des dynamiques paysagères à partir de la série photographique et de l'observation in situ ; - l'identification, caractérisation et la qualification des changements paysagers dans le hors cadre et dans le hors du temps de la série photographique et dans le hors temps et dans le hors-champ du point d'observation in situ ; - l'expression des différentes aspirations pour le devenir du site et la formulation de points de vue quant aux prises de décision publique sur l'ensemble de la commune ; - la formulation de la culture individuelle lorsque l'usager est en face à face avec le récolteur. Ici, le rôle du récolteur a consisté à mettre en scène l'exposition et à prendre en note les interactions sociales en cours en prenant part le moins possible aux discussions. À la différence de l'expérience précédente, les interactions sociales sont plus libres et moins contraintes. Les aspirations vis-à-vis des usages du site sont exprimées mais l'interprétation des changements et dynamiques paysagères y est plus partielle. Dans les deux cas, la dynamique de groupe permet de cumuler les connaissances sur le paysage. Aussi, l'écoute des uns et des autres participe à une forme d'apprentissage via l'élaboration d'une culture commune en faveur des paysages quotidiens. Les séries photographiques semblent donc être un support favorable pour développer des actions de médiation sur la question paysagère. Précisons que ces deux expérimentations ne peuvent être considérées comme telles puisque la médiation a pour finalité de rechercher un accord unanime entre les différentes parties y participant. Toutefois, quelques limites sont à souligner par rapport aux entretiens individuels : le groupe dévie assez rapidement de la question paysagère, la culture individuelle contribuant au bas niveau de construit paysager est peu formulée en raison de l'influence du groupe et enfin les modalités en termes d'organisation217 (expérience 1), de maîtrise de l'échantillon (expérience 2) et d'analyse sont plus complexes. Le rôle du récolteur varie selon la situation paysagère avec un engagement plus ou moins important dans les interactions sociales en matière de prise de parole (cf. Tableau 20). Le récolteur peut avoir une autre fonction par la suite, celle de restituer les résultats auprès des personnes qui se sont investies dans les différentes formes de situations paysagères.
Tableau 20 : Niveau d'engagement du récolteur selon la situation paysagère
Suivant la situation paysagère, le récolteur est plus ou moins engagé dans les interactions sociales. Les situations paysagères sont classées selon le niveau d'engagement du récolteur : du plus faible au plus important. 12.1.3. « Écouter les paysages » : rétroaction sur les connaissances paysagères récoltées
La connaissance paysagère ainsi accumulée par la création d'interactions sociales doit être partageable et partagée. Le récolteur − dans notre cadre, le chercheur − peut s'engager à restituer les résultats auprès des personnes interrogées. Il s'agit d'une démarche de don-contredon, terminologie usitée en sociologie et héritée de Marcel Mauss (1923-1924 / réédition 2007) pour expliquer le système de don : donner, recevoir et rendre. Les informations transmises par les interviewés sont analysées par le chercheur puis « rendues » auprès de ce même public et plus largement à toute personne intéressée. Deux formes de retours sont mises en place prétendant répondre à plusieurs finalités : 217 À ce propos, se référer au chapitre 7. Partie 4. Perspectives
- valoriser l'implication des acteurs du territoire qui ont participé à l'enquête sociale ; - valoriser l'analyse des séries OPP par les acteurs du territoire auprès des porteurs OPP bretons ; - communiquer la démarche et les séries OPP ; - faire circuler la connaissance sur les dynamiques paysagères et sur la diversité de leurs représentations sociales. La première forme de rétroaction est une exposition intitulée « Écoute voir : des paysages racontés ». Cette dernière s'est déroulée du 04 juin au 31 juillet 2015 au CAUE des Côtes d'Armor, porteur de l'Observatoire qui a été la base pour l'essentiel des entretiens. Elle était composée de deux volets, un sur la présentation générale de l'OPP et un autre sur l'interprétation des séries photographiques par les personnes interviewées. D'une part, sur la façade extérieure du CAUE, était projetée l'ensemble des huit cent photographies constitutives de l'OPP. Les 18 photographies de chaque série sont ainsi exposées successivement. Elles sont visibles depuis la rue pour attirer le public. Des captations sonores enregistrées aux alentours de chaque point de vue étaient également prévues pour la diffusion extérieure. Faute de temps, cet aspect n'a pas pu être développé. D'autre part, au sein de la salle d'exposition, trois vidéoprojecteurs présentaient chacun trois séries photographiques tour à tour. Chaque série était accompagnée de trois extraits audio d'entretiens semi-directifs réalisés auprès des habitants, élus locaux et professionnels du paysage (cf. Annexe numérique 7). Au gré de 'écoute, l'auditeur repère des éléments paysagers, des changements et dynamiques paysagères à partir du discours des acteurs (cf. Photographie 5). Il entend des histoires de vie, des histoires locales en lien avec les paysages photographiés. Aucune indication concernant le profil de l'acteur n'est précisée afin de laisser plus de place à l'interprétation personnelle. L'auditeur va donc s'approprier les paysages des autres, se crée un nouvel imaginaire inattendu. Les paysages photographiés seront alors bien différents de ceux qu'il avait regardés au premier abord en y projetant sa propre interprétation mêlée aux interprétations des élus, habitants et professionnels bretons. Cette installation pallie au mutisme des séries photographiques argué lors des chapitres précédents et souligne la dimension sociale des paysages tout en dépassant le caractère souvent illustratif des expositions sur les Observatoires (Dérioz et al., 2010).
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Open Science
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L’évolution en Europe du profil des ménages propriétaires pendant la crise. Revue d'économie financière, 2014, 3 (115), pp.87 - 108. ⟨10.3917/ecofi.115.0087⟩. ⟨hal-03460246⟩
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Depuis que l’enquête 2011 a été menée, l’approfondissement de la crise de la zone euro s’est traduit par la poursuite de la baisse des transactions et des prix immobiliers en Italie et en Espagne. La baisse du revenu réel des ménages s’est accentuée et les conditions de crédit s’y sont durcies, avec une nette baisse du LTV en Italie (59,1 % en moyenne entre 2012 et 2013, contre 70,7 % entre 2009 et 2011) et de la durée d’emprunt en Espagne (vingt-deux ans et demi en 2013, contre vingt-cinq ans en 2011). Au Royaume-Uni et en France, la baisse des prix immobiliers est restée limitée et ces derniers restent déconnectés des fondamentaux. En France, malgré la baisse récente des prix (2012) (en lien avec la baisse du revenu réel des ménages), les conditions de crédit toujours relativement favorables (augmentation du LTV à 78,5 % en 2012 et stabilité de la durée d’emprunt) limitent l’ajustement du marché immobilier. Au Royaume-Uni, les prix de l’immobilier et les ventes sont repartis légèrement à la hausse en 2012-2013, faisant craindre l’apparition d’une nouvelle bulle immobilière, dans un contexte de baisse du taux de chômage et de mesures gouvernementales de soutien à l’accession à la propriété. Enfin, en Allemagne, l’attrait pour l’achat n’a jamais été aussi vif (avec un rebond de la demande de crédit depuis 2012). Dans un contexte macroéconomique favorable, l’immobilier y apparaît plus que jamais comme une valeur refuge, laissant présager une poursuite du rebond du marché immobilier. Il sera intéressant de voir, à l’aide des prochaines enquêtes, dans quelle mesure les évolutions de taux d’intérêt, de prix de l’immobilier, de revenu et de chômage influeront sur le profil des acquéreurs récents. Les récentes restrictions de crédit seront-elles durables ou temporaires, le temps que le bilan des agents privés s’assainisse et que les perspectives macroéconomiques s’améliorent? Avec des prix immobiliers qui restent élevés malgré la correction récente et des revenus en baisse, la question de la solvabilité des ménages reste entière, malgré la faiblesse actuelle des taux d’intérêt. De plus, la quête de la propriété à n’importe quel prix peut être remise en cause : l’engrenage hausse de la demande/emballement des prix immobiliers/assouplissement des crédits peut être particulièrement nocif en cas de taux variables, de LTV et de taux d’effort très élevés pour les ménages les plus fragiles ou en cas de chômage. C’est ce que montre le cas espagnol avec plusieurs centaines de milliers de saisies immobilières depuis 2008. NOTES 1. Ces données nous ont été fournies par Eurostat. 2. Les acquéreurs récents sont les ménages qui ont acheté leur résidence principale dans les cinq dernières années au moment de l’enquête, c’est-à-dire entre 2002 et 2006 pour l’enquête 2006 et entre 2007 et 2011 pour l’enquête 2011. 3. Pour la France, les transactions dans l ’ancien représentent environ 90 % des transactions totales. En Espagne, la part des transactions dans l’ancien est de 56 % en moyenne entre 2004 et 2011, avec des variations importantes selon les années. 4. Ils sont repartis à la hausse depuis lors. 5. La part des LTV inférieurs à 75 % est passée de 48,6 % en 2007 à 73,4 % en 2009, avant de baisser à nouveau à 65,5 % en 2013. Dans le même temps, la part des LTV compris entre 75 % et 90 % a baissé de 13 points de pourcentage entre 2007 et 2009, avant de remonter de près de 8 points de pourcentage. 6. Pour l’Allemagne, la banque centrale ne fournit pas de données continues sur les LTV et la durée d’emprunt. C’est pourquoi nous utilisons l’enquête BLS qui ne fournit pas d’informations précises, mais les grandes tendances. 7. Voir, par exemple, Mora-Sanguinetti (2013) dans le cas espagnol et Vorms (2009) pour la France. 8. La variable renseignant le niveau d’éducation est ici une version restreinte de la variable présente dans l’enquête EU-SILC et décrite dans EU-SILC Description Target Variables. Elle comporte trois items : « peu », « moyennement » et « très éduqué ». Pour la France, ces niveaux correspondent respectivement à un niveau d’éducation inférieur au brevet, inférieur au baccalauréat et supérieur au baccalauréat. 9. Le niveau de vie d’un ménage est défini comme l’ensemble de ses revenus divisé par le nombre d’unités de consommation du ménage. 10. L’Espagne se démarque, puisque les ménages ayant un niveau de vie autour de la médiane (entre le 1er quartile et le 3e quartile) ne connaissent pas de différences significatives, toutes choses égales par ailleurs, dans leurs probabilités d’acquisition et que seuls les ménages aux revenus les plus bas (inférieurs au 1er quartile) ont une chance d’achat réduite de moitié par rapport au profil de référence en 2006. 11. Les donations financières reçues par des acquéreurs récents ont été particulièrement nombreuses au milieu des années 2000 (Le
on et al., 2013). 12. Les différentes réformes des retraites durant la décennie 2000 ne sont sans doute pas étrangères à cet attrait pour la propriété.
BCE (Banque centrale européenne) (2003), Structural Factors in the EU Housing Markets, mars. Document 19 12h25. © Association d'économie financière BCE (2009), Housing Finance in the Euro Area, mars. BOSVIEUX J. (2005), « Accession à la propriété : des acquéreurs plus nombreux mais prudents », Économie et Statistique, n° 381-382, pp. 41-61. LAFERRÈRE A. (2012), « Housing Wealth as Self-Insurance for Long-Term Care », in Financing LongTerm Care in Europe: Institutions, Markets and Models, Palgrave MacMillan, pp. 73-90. LE BAYON S., LEVASSEUR S. et MADEC P. (2013), « Achat de la résidence principale : le profil des ménages français dans les années 2000 », Revue de l’OFCE, n° 128, avril. MORA-SANGUINETTI J. (2013), « L’atonie du marché locatif espagnol », Revue de l’OFCE, n° 128, avril. TAFFIN C. (1991), « Pourquoi l’on devient propriétaire », Insee Première, n° 124, mars. VORMS B. (2009), « Les politiques d’aide à l’accession à la propriété à l’épreuve de la crise », Informations sociales, n° 155, pp. 120-130. VORMS B. (2014), « Vers un monde de propriétaires? Politique du logement et statuts d’occupation en France et à l’étranger », Revue d’économie financière, n° 115, septembre. ZUMBRO T. (2014), « The Relationship between Homeownership and Life Satisfaction in Germany », Housing Studies, vol. 29, n° 3, pp. 319-338.
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Projections du blé : Production et échanges
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Les marchés de la volaille, de la viande bovine et d’autres produits animaux ont été ébranlés
par des épizooties par le passé et le phénomène pourrait se reproduire au cours de la
décennie à venir. La production animalière est actuellement touchée par une épidémie de
peste porcine africaine, fatale pour les porcs et sangliers, bien qu’elle ne se transmette pas
à l’être humain. En août 2018, la Chine a annoncé l’apparition d’un foyer de peste porcine
africaine, le premier du pays. Depuis, le virus a également été décelé dans d’autres pays
d’Asie et d’Europe. L’impact de cette maladie sur la production mondiale de viande de
PERSPECTIVES AGRICOLES DE L'OCDE ET DE LA FAO 2019-2028 © OCDE/FAO 2019
6. VIANDE
porc est incertain à moyen terme. D’après les projections, les mesures prises pour contenir
l’épidémie devraient la réduire quelque peu à court terme. Leur succès étant incertain,
l’impact de cette infection à moyen terme peut être bien plus sévère que prévu actuellement.
L’évolution des préférences des consommateurs jouera aussi, comme le développement du
végétarisme et du véganisme, les préoccupations sociales à l’égard notamment des
dommages causés par la production de viande à l’environnement et divers autres aspects
socio-culturels liés par exemple à la religion ou aux normes culturelles. L’attention
croissante portée par les consommateurs au traitement des animaux et aux modes de
production de la viande (la préférence allant de plus en plus aux produits provenant
d’animaux élevés en liberté et sans antibiotiques), est une tendance relativement nouvelle
et difficile à évaluer. Si elle rallie une part croissante de la population, elle pourrait avoir
une incidence sur les marchés mondiaux de la viande, mais il est difficile de déterminer
dans quelle mesure les consommateurs accepteraient et pourraient se permettre de payer
plus cher pour ces produits.
Notes
1
(2017) Commission européenne. « Box 4.1 Insights on development in EU member states », EU
Agricultural Outlook for markets and income 2017-2030.
2
La croissance des importations devrait globalement être plus rapide qu’on ne l’escomptait
précédemment en raison de la ratification du PTPGP. Cet accord de libre-échange devrait également
avoir des répercussions sur le rythme de croissance de la production et de la consommation
intérieures.
3
(2018) Commission européenne. « What about the UK? », p. 69, EU Agricultural Outlook for
markets and income 2018-2030.
PERSPECTIVES AGRICOLES DE L'OCDE ET DE LA FAO 2019-2028 © OCDE/FAO 2019
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196 │ 7. LAIT ET PRODUITS LAITIERS
Lait et produits laitiers
Ce chapitre décrit la situation des marchés et présente les projections à moyen terme
relatives aux marchés mondiaux des produits laitiers sur la période 2019-28. Il passe en
revue les évolutions prévues en termes de prix, de production, de consommation et
d’échanges pour le lait, les produits laitiers frais, le beurre, le fromage, le lait écrémé en
poudre et le lait entier en poudre, et examine en conclusion les principaux risques et
incertitudes susceptibles d’avoir une incidence sur les marchés mondiaux des produits
laitiers dans les dix années à venir
PERSPECTIVES AGRICOLES DE L'OCDE ET DE LA FAO 2019-2028 © OCDE/FAO 2019
7. LAIT ET PRODUITS LAITIERS
7.1. Situation du marché
La production mondiale de lait (lait de vache : 81 %, lait de bufflonne : 15 %, autres types
de lait (chèvre, brebis et chamelle) : 4 %) a augmenté de 1.6 % en 2018 pour s’établir à
838 Mt environ. En Inde, premier producteur mondial, elle a crû de 3.0 % pour atteindre
174 Mt. Toutefois, cette progression n’a eu que des retombées modestes sur le marché
laitier mondial, car l’Inde ne participe que de façon marginale aux échanges de lait et de
produits laitiers.
En 2018, les trois principaux exportateurs de lait et de produits laitiers — l’Union
européenne, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis — ont vu leur production augmenter
respectivement de 0.8 %, 3.2 % et 1.1 %. Cette hausse est presque uniquement due à une
amélioration des rendements par vache. En Nouvelle-Zélande, des conditions favorables à
l’herbe ont également joué un rôle. Par conséquent, la disponibilité de produits laitiers frais1
et transformés pour l’exportation a également augmenté. Dans la République populaire de
Chine (ci-après la « Chine »), premier importateur mondial de produits laitiers, la
production de lait a augmenté pour la première fois en quatre ans (+1.1 % en 2018) ; fin
2018, les statistiques officielles de la production ont été révisées à la baisse de 15 % pour
les dix dernières années.
Les cours laitiers mondiaux désignent les cours des produits laitiers, le lait cru n’étant
pratiquement jamais échangé. Le beurre sert de référence pour la matière grasse du lait et
le lait écrémé en poudre pour les autres constituants solides du lait. La matière grasse et les
autres constituants solides représentent environ 13 % du poids du lait, le reste étant
constitué d’eau. En 2018, les prix du beurre ont baissé par rapport à leur niveau record de
2017, tout en opérant un redressement important vers le milieu de l’année. La bonne tenue
des prix de la matière grasse du lait (beurre) par rapport à ceux des autres constituants
solides (lait écrémé en poudre) s’est confirmée en 2018, en raison d’une demande
vigoureuse de crème, de beurre et d’autres produits laitiers entiers en Amérique du Nord et
en Europe. Les prix du lait écrémé en poudre ont commencé à se redresser vers la fin de
2018, l’Union européenne ayant écoulé une bonne partie de son stock d’intervention,
constitué principalement en 2016 lorsque les prix étaient tombés sous le seuil fixé à
1 698 EUR par tonne.
7.2. Principaux éléments des projections
La production mondiale de lait devrait croître de 1.7 % par an ces dix prochaines années
(atteignant 981 Mt en 2028), plus vite que la plupart des autres produits agricoles.
Contrairement à ce qu’il s’est passé ces dix dernières années, la croissance prévue des
cheptels (1.2 % par an) est supérieure à celle de la moyenne des rendements (0.4 %), les
cheptels de vaches laitières étant appelés à augmenter plus rapidement dans les pays où les
rendements sont bas. Ainsi, l’Inde et le Pakistan, deux grands producteurs de lait,
compteront pour plus de la moitié de la croissance de la production mondiale ces dix
prochaines années et pour plus de 30 % de la production mondiale en 2028. La production
de l’Union européenne, deuxième producteur mondial, devrait croître plus lentement que
la moyenne mondiale, parce qu'elle est peu exportée et que la demande intérieure
n’augmente que légèrement.
Le lait est un produit très périssable, qui doit être transformé rapidement après sa collecte.
Il ne peut être stocké que quelques jours. Ainsi, l’essentiel de la production laitière est
consommée sous forme de produits frais, qui ne sont pas ou presque pas transformés. La
part de ces produits dans la consommation mondiale devrait croître au cours des dix
PERSPECTIVES AGRICOLES DE L'OCDE ET DE LA FAO 2019-2028 © OCDE/FAO 2019
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198 │ 7. LAIT ET PRODUITS LAITIERS
prochaines années, en raison d’une forte demande portée par la hausse des revenus et la
croissance de la population dans les pays en développement. D'après les projections, la
consommation mondiale par habitant de produits laitiers frais augmentera de 1.0 % par an
ces dix prochaines années, soit un peu plus vite qu'au cours des dix précédentes, sous l'effet
de la hausse des revenus par habitant, en particulier en Inde. En Europe et en Amérique du
Nord, la demande globale de produits laitiers frais par habitant recule, mais se réoriente
depuis quelques années vers les matières grasses du lait. C’est dans ces deux régions que
l'on consomme l’essentiel du fromage, deuxième produit laitier par ordre d’importance sur
la base de l’extrait sec, et cette consommation devrait encore augmenter.
Graphique 7.1. Consommation par habitant de produits laitiers frais et transformés,
en extrait sec de lait
Produits laitiers transformés
Produits laitiers frais
kg/personne/an
60
50
40
30
20
10
0
2016-18
2028
Union européenne
2016-18
2028
États-Unis
2016-18
2028
Inde
2016-18
2028
Pakistan
2016-18
2028
Chine
2016-18
2028
Afrique subsah.
2016-18
2028
Amérique latine
Note : l'extrait sec du lait est calculé en additionnant la quantité de matière grasse et de matière sèche non grasse
contenue dans chaque produit. Les produits transformés comprennent le beurre, le fromage, le lait écrémé en
poudre et le lait entier en poudre.
Source : OCDE/FAO (2019), « Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO », Statistiques agricoles de
l’OCDE (base de données), http://dx.doi.org/10.1787/agr-outl-data-fr.
StatLink 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933965326
Les échanges mondiaux de lait portent principalement sur les produits transformés. La
Chine en consomme de petites quantités par habitant, mais elle n'en est pas moins le premier
importateur de produits laitiers, en particulier de lait entier en poudre. Le Japon, la
Fédération de Russie, le Mexique, et la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord
sont d’autres grands importateurs nets de produits laitiers. Les accords commerciaux
internationaux (PTPGP, AECG et accord préférentiel entre le Japon et l’Union européenne)
contiennent des dispositions précises sur les produits laitiers (comme les contingents
tarifaires) qui favorisent les échanges commerciaux.
Depuis 2015, le prix du beurre dépasse largement celui du lait écrémé en poudre. Cette
évolution reflète celle de la demande internationale, plus forte pour les matières grasses du
lait que pour ses autres constituants solides, et l'on suppose qu'elle constituera une
caractéristique structurelle du secteur au cours des dix prochaines années.
L'évolution de l’environnement commercial pourrait entraîner une modification sensible
des échanges de produits laitiers. Le Brexit, par exemple, pourrait avoir une incidence sur
les quantités importantes de fromage et d’autres produits laitiers qui s'échangent
actuellement entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, tandis que l’Accord Canada-
PERSPECTIVES AGRICOLES DE L'OCDE ET DE LA FAO 2019-2028 © OCDE/FAO 2019
7. LAIT ET PRODUITS LAITIERS
États-Unis-Mexique (ACEUM) devrait se répercuter sur les flux d’échanges en Amérique
du Nord. À ce jour, les grands pays consommateurs que sont l’Inde et le Pakistan sont peu
présents dans le commerce mondial. S'ils participaient davantage aux échanges, cela
pourrait avoir d’importantes retombées sur les marchés internationaux.
7.3. Prix
Les prix internationaux de référence correspondent aux prix des produits transformés des
principaux exportateurs d’Océanie et d’Europe. Les deux principaux prix de référence sont
celui du beurre et celui du lait écrémé en poudre. Depuis 2015, les cours du beurre ont
augmenté bien davantage que ceux du lait écrémé en poudre en raison principalement d’une
demande internationale accrue de matières grasses du lait par rapport à d’autres constituants
solides. Cette tendance devrait se poursuivre ces dix prochaines années (graphique 7.2).
Actuellement, le prix du lait écrémé en poudre est relativement bas et devrait augmenter en
valeur réelle durant la période de projection. La constitution d’importants stocks
d’intervention dans l’Union européenne a mis un frein à la hausse, mais ces stocks ont été
presque entièrement écoulés au second semestre 2018 et début 2019. Le prix annuel du
beurre a atteint un niveau record en 2017 avant de redescendre. Il devrait se replier encore
légèrement, en valeur réelle, comme les prix de la plupart des autres produits agricoles,
pendant la période de projection. Les prix mondiaux du lait entier en poudre et du fromage
devraient épouser la tendance du beurre et du lait écrémé en poudre, selon leur teneur
respective en matière grasse et en autres matières solides.
Graphique 7.2. Prix des produits laitiers
Beurre
Fromage
Lait écrémé en poudre
Lait entier en poudre
USD/t
6000
5000
4000
3000
2000
1000
0
Prix nominal
Prix réel
Note : beurre, prix à l'exportation FAB, 82 % de matières grasses, Océanie ; lait écrémé en poudre, prix à
l'exportation FAB, lait dégraissé en poudre, 1.25 % de matières grasses, Océanie ; lait entier en poudre, prix à
l'exportation FAB, 26 % de matières grasses, Océanie ; fromage, prix à l'exportation FAB, cheddar, 39 %
d'humidité, Océanie. Les prix réels sont les prix nominaux corrigés du déflateur du PIB des États-Unis
(2010=1).
Source : OCDE/FAO (2019), « Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO », Statistiques agricoles de
l’OCDE (base de données), http://dx.doi.org/10.1787/agr-outl-data-fr.
StatLink 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933965345
PERSPECTIVES AGRICOLES DE L'OCDE ET DE LA FAO 2019-2028 © OCDE/FAO 2019
│ 199
200 │ 7. LAIT ET PRODUITS LAITIERS
La forte volatilité des cours internationaux des produits laitiers s’explique par la faible part
de ces produits dans le commerce mondial (environ 8 % de la production mondiale de lait),
par la prédominance de quelques pays exportateurs et importateurs, et par des politiques
commerciales restrictives. La plupart des marchés domestiques sont assez déconnectés de
ces prix, puisque l'on y consomme surtout des produits laitiers frais et que seule une part
réduite du lait est transformée.
7.4. Production
La production mondiale de lait devrait croître de 1.7 % par an ces dix prochaines années
(atteignant 981 Mt en 2028), soit plus vite que celle de la plupart des produits agricoles.
Dans presque toutes les régions du monde, cette augmentation devrait provenir davantage
de l'amélioration des rendements que de l'accroissement des cheptels (graphique 7.3). Si
les moyennes mondiales semblent contredire cette projection, puisque la croissance des
effectifs (1.2 % par an) est plus forte que la hausse des rendements (0.4 %), c'est parce que
les cheptels augmentent plus vite dans les pays où les rendements sont relativement bas.
L’Inde et le Pakistan sont des producteurs de lait particulièrement prolifiques. Ils devraient
compter pour plus de la moitié de la hausse de la production mondiale au cours des dix
prochaines années et assurer plus de 30 % de cette production en 2028, essentiellement
avec des troupeaux de quelques vaches ou de quelques bufflonnes. On prévoit que les
rendements continueront d'augmenter rapidement et qu'ils contribuent davantage à la
croissance de la production. Dans ces deux pays, la grande majorité de la production sera
consommée sur place, car les produits laitiers frais sont rarement exportés.
Dans l’Union européenne, second producteur mondial de lait, la production devrait croître
moins vite que la moyenne mondiale. À moyen terme, cette croissance résultera d'une
modeste augmentation de la demande intérieure (fromage, beurre, crème et autres produits),
mais aussi de la hausse de la demande mondiale de produits laitiers. L’accroissement de la
production passera par une amélioration des rendements, estimée à 1.1 % par an ces dix
prochaines années. Les cheptels laitiers devraient de nouveau s’orienter à la baisse (-0.5 %
par an) après une augmentation au début de la période de projection, suite à la suppression
des quotas laitiers. La production européenne est assurée par des animaux nourris à l’herbe
ou avec d’autres aliments. En outre, une part croissante du lait produit devrait être d’origine
biologique : les élevages biologiques regroupent à l’heure actuelle plus de 10 % des vaches
laitières en Autriche, en Suède, en Lettonie, en Grèce et au Danemark. Environ 3 % de la
production de lait de l’Union européenne proviennent d’exploitations biologiques, dont les
rendements sont relativement faibles, mais qui bénéficient d’une majoration de prix
considérable.
C’est en Amérique du Nord, où la production à l'herbe est limitée et l’alimentation du bétail
axée sur les rendements, que la production moyenne par vache devrait être la plus élevée
(graphique 7.4). Aux États-Unis et au Canada, les cheptels resteront globalement inchangés
et la croissance de la production sera tirée par de nouvelles hausses de rendements qui sont
déjà élevés. Alors que les marchés intérieurs sont saturés et que la demande de matières
grasses du lait continue à s’accroître, les États-Unis exporteront principalement du lait
écrémé en poudre.
PERSPECTIVES AGRICOLES DE L'OCDE ET DE LA FAO 2019-2028 © OCDE/FAO 2019
7. LAIT ET PRODUITS LAITIERS
Graphique 7.3. Variation annuelle des effectifs du cheptel laitier et des rendements
entre 2019 et 2028
% variation du rendement
2.5
Inde
2.0
Union européenne
Pakistan
1.5
Amérique latine
Chine
Russie
1.0
Afrique
Nouvelle-Zélande
Australie
0.5
États-Unis
0.0
- 1.5
- 1.0
- 0.5
0.0
0.5
1.0
1.5
2.0
% variation des inventaires
Note : la taille des bulles correspond à la production totale de lait durant la période de référence (2016-18).
Source : OCDE/FAO (2019), « Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO », Statistiques agricoles de
l’OCDE (base de données), http://dx.doi.org/10.1787/agr-outl-data-fr.
StatLink 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933965364
Graphique 7.4. Production et rendements laitiers dans un certain nombre de pays
et de régions
2016-18
2028
Rendement 2016-18 (t/animal)
Mt
250
t/animal
12.5
200
10.0
150
7.5
100
5.0
50
2.5
0
0.0
Note : le rendement est calculé par animal de traite (vaches principalement, mais aussi bufflonnes, chamelles,
brebis et chèvres).
Source : OCDE/FAO (2019), « Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO », Statistiques agricoles de
l’OCDE (base de données), http://dx.doi.org/10.1787/agr-outl-data-fr.
StatLink 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933965383
PERSPECTIVES AGRICOLES DE L'OCDE ET DE LA FAO 2019-2028 © OCDE/FAO 2019
│ 201
202 │ 7. LAIT ET PRODUITS LAITIERS
La Nouvelle-Zélande est le pays où la production de lait, qui a fortement augmenté
récemment, est la plus axée sur les exportations. Le système repose essentiellement sur
l'herbe et les rendements sont beaucoup plus bas qu’en Amérique du Nord et en Europe.
Une gestion efficace des prairies et le pâturage toute l’année permettent toutefois à la
Nouvelle-Zélande d’être compétitive. Le manque de terres disponibles et les restrictions
croissantes en matière d’environnement sont les deux principaux obstacles à la croissance.
Une réorientation du système de production vers une plus grande utilisation d’autres
aliments que l’herbe n’est toutefois pas prévue.
En Afrique, la production laitière devrait croître à un rythme soutenu, principalement du
fait de l’expansion des cheptels. Les rendements sont généralement bas, mais le lait est
surtout du lait de chèvre et de brebis. La plupart des vaches, des chèvres et des brebis
pâturent et sont aussi élevées pour la production de viande et la traction, ou utilisées comme
instruments d’épargne. Au cours de la période considérée, environ un tiers du cheptel
mondial devrait se trouver sur le continent africain et fournir environ 5 % de la production
totale.
Moins de 30 % de la production de lait sont transformés en beurre, fromage, lait écrémé ou
entier en poudre, ou poudre de lactosérum. La demande directe de beurre et de fromage
– surtout de fromage — est considérable. Ces deux produits représentent actuellement une
large part de la consommation d’extrait sec de lait en Europe et en Amérique du Nord. Les
échanges de lait écrémé et de lait entier en poudre sont florissants, et cette production est
surtout destinée à l’exportation. Ces deux produits sont utilisés dans le secteur
agroalimentaire, notamment dans la confiserie, les laits infantiles et les produits de
boulangerie.
D’après les projections, seule la production de beurre progressera à un rythme plus rapide
(1.9 % par an) que la production mondiale de lait. La production de lait écrémé en poudre
devrait croître de 1.3 % par an, tandis que le fromage et le lait entier en poudre
enregistreront une hausse de 1.2 % par an. Dans le cas du fromage, le ralentissement reflète
celui des marchés alimentaires d’Europe et d’Amérique du Nord, sur lesquels il trouve ses
principaux débouchés.
7.5. Consommation
L’essentiel du lait produit est consommé sous forme de produits frais. La part de ces
produits dans la consommation mondiale devrait augmenter ces dix prochaines années,
sous l’effet de l’accélération de la demande en Inde et au Pakistan en particulier, elle-même
portée par la croissance des revenus et de la population. Ainsi, la consommation mondiale
par habitant de produits laitiers frais devrait croître de 1.0 % par an sur la prochaine
décennie, c’est-à-dire un peu plus vite que ces dix dernières années, du fait d’une
amélioration rapide des revenus.
En termes d’extrait sec, la consommation de lait par habitant est très variable dans le monde
(graphique 7.1). Cela tient en partie aux différences de revenus, mais il ne faut pas sousestimer l’importance des préférences régionales. Ainsi, la consommation par habitant
devrait être élevée en Inde et au Pakistan, mais faible en Chine. Quoi qu’il en soit, dans
tous les pays, la part des produits laitiers transformés dans la consommation globale
d’extrait sec de lait devrait être étroitement liée au niveau des revenus.
En Europe et en Amérique du Nord, la demande de produits laitiers frais par habitant
décline, mais sa composition se modifie depuis quelques années au profit des matières
grasses du lait, en l’occurrence le lait entier et la crème. Les études récentes qui ont mis en
PERSPECTIVES AGRICOLES DE L'OCDE ET DE LA FAO 2019-2028 © OCDE/FAO 2019
7. LAIT ET PRODUITS LAITIERS
lumière les bienfaits des matières grasses laitières pour la santé, et les préférences
croissantes des consommateurs pour des aliments plus goûteux et moins transformés
expliquent en grande partie cette évolution.
Le fromage, deuxième produit laitier par ordre d’importance en termes d’extrait sec, est
surtout consommé en Europe, en Amérique du Nord et en Océanie, où la consommation
par habitant devrait continuer d’augmenter. En ce qui concerne le lait écrémé et le lait entier
en poudre, l’industrie restera leur principal débouché, notamment pour la confiserie, les
laits infantiles et les produits de boulangerie.
Si certains pays sont autosuffisants, comme l’Inde et le Pakistan, dans d’autres régions du
monde, telles que l’Afrique, l’Asie du Sud-Est et le Moyen-Orient, la consommation
devrait augmenter plus vite que la production, ce qui favorisera les importations. Le lait
liquide étant plus coûteux à importer et à exporter, ce sont les laits en poudre, auxquels on
ajoute de l'eau pour la consommation finale ou la transformation, qui absorberont la
demande supplémentaire.
7.6. Échanges
Environ 8 % de la production mondiale de lait font l’objet d’échanges internationaux. Cette
faible proportion s’explique avant tout par la nature périssable du lait et par sa teneur élevée
en eau (plus de 85 %). Quoi qu’il en soit, ces dernières années, la Chine a considérablement
augmenté ses importations de lait en provenance de l’Union européenne et de la NouvelleZélande. Plus de 40 % de la production mondiale de lait entier et de lait écrémé en poudre
sont échangés sur les marchés. Toutefois, ces poudres sont souvent produites dans le seul
but de pouvoir stocker et négocier le produit sur de longues périodes.
Les quatre principaux pays exportateurs de produits laitiers de la période de référence sont
la Nouvelle-Zélande, l’Union européenne, les États-Unis et l’Australie. Ensemble, ils
devraient réaliser 75 % des exportations de fromage, 78 % de celles de lait entier en poudre,
79 % de celles de beurre et 81 % de celles de lait écrémé en poudre (graphique 7.5).
L’Argentine est aussi un exportateur important de lait entier en poudre ; elle devrait
compter pour 5 % des exportations mondiales en 2028. Ces dernières années, le Bélarus est
également devenu un acteur important sur les marchés d’exportation, particulièrement sur
le marché russe.
La Nouvelle-Zélande restera le premier fournisseur international de beurre et de lait entier
en poudre, avec 39 % et 53 % respectivement de parts de marché attendues d’ici 2028.
Étant donné que la Chine, qui est un grand importateur de lait entier en poudre, a réduit ses
achats de façon spectaculaire, la Nouvelle-Zélande devrait voir sa production croître plus
lentement, au rythme de 0.3 % par an ces dix prochaines années, contre 6.9 % les dix
précédentes. La Nouvelle-Zélande devrait également diversifier et accroître légèrement sa
production de fromage sur la période considérée.
L’Union européenne restera le principal exportateur mondial de fromage, suivie des ÉtatsUnis et de la Nouvelle-Zélande. Elle produira 48 % du fromage consommé dans le monde
en 2028, cette performance étant soutenue par une hausse de ses exportations vers le
Canada dans le cadre de l’accord AECG et vers le Japon suite à la ratification de l’accord
commercial bilatéral en 2019.
Les importations de produits laitiers sont plus largement réparties entre les pays, mais leurs
principales destinations sont le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord (MENA), les pays
développés, l'Asie du Sud-Est, et la Chine (graphique 7.6). Le Moyen-Orient et l’Afrique
PERSPECTIVES AGRICOLES DE L'OCDE ET DE LA FAO 2019-2028 © OCDE/FAO 2019
│ 203
204 │ 7. LAIT ET PRODUITS LAITIERS
du Nord s’approvisionneront principalement auprès de l’Union européenne, tandis que les
États-Unis et l’Océanie devraient être les principaux fournisseurs de lait en poudre de
l’Asie du Sud-Est.
Graphique 7.5. Exportations de produits laitiers par région
Reste du monde
Argentine
Australie
Union européenne
Nouvelle-Zélande
États-Unis
Mt
4.0
3.5
3.0
2.5
2.0
1.5
1.0
0.5
0.0
2016-18
2028
2016-18
Beurre
2028
Fromage
2016-18
2028
Lait écrémé en poudre
2016-18
2028
Lait entier en poudre
Source : OCDE/FAO (2019), « Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO », Statistiques agricoles de
l’OCDE (base de données), http://dx.doi.org/10.1787/agr-outl-data-fr.
StatLink 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933965402
Graphique 7.6. Importations de produits laitiers par région
Reste du monde
MENA
Asie du Sud-Est
Chine
Développés
Mt
4.0
3.5
3.0
2.5
2.0
1.5
1.0
0.5
0.0
2016-18
2028
Beurre
2016-18
2028
Fromage
2016-18
2028
Lait écrémé en poudre
2016-18
2028
Lait entier en poudre
Note : MENA = Moyen-Orient et Afrique du Nord ; l’Asie du Sud-Est comprend l’Indonésie, la Malaisie, les
Philippines, la Thaïlande et le Viet Nam.
Source : OCDE/FAO (2019), « Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO », Statistiques agricoles de
l’OCDE (base de données), http://dx.doi.org/10.1787/agr-outl-data-fr.
StatLink 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933965421
La Chine devrait rester le premier importateur de produits laitiers, en particulier de lait
entier en poudre, qu'elle se procure pour l’essentiel auprès des pays d’Océanie. Ces
dernières années, toutefois, elle a accru ses achats de beurre et de lait écrémé en poudre
auprès de l’Union européenne. La Chine importe aussi beaucoup de produits laitiers frais :
PERSPECTIVES AGRICOLES DE L'OCDE ET DE LA FAO 2019-2028 © OCDE/FAO 2019
7. LAIT ET PRODUITS LAITIERS
ses importations nettes s’élevaient à 0.7 Mt environ sur la période de référence et elles
devraient augmenter de 2.7 % par an au cours des dix prochaines années.
Les pays développés importent un volume important de fromage et de beurre : environ
55 % et 39 % respectivement des importations mondiales en 2016-18. Ces pourcentages
devraient être identiques en 2028. Le Royaume-Uni, la Fédération de Russie, le Japon,
l’Union européenne et la Chine devraient être les cinq premiers importateurs de fromage
en 2028. Le classement pourrait changer, mais les principaux pays importateurs de fromage
seront des pays développés. Ces pays étant aussi souvent des exportateurs, leur
participation aux échanges commerciaux se traduira par un choix plus vaste pour le
consommateur.
7.7. Principales questions et incertitudes
La production mondiale pourrait pâtir d’événements météorologiques imprévus qui se
répercuteraient sur la production de lait à l'herbe, système actuellement le plus répandu au
monde. En effet, le changement climatique accroît le risque de sécheresse, d’inondation et
de maladies qui peuvent nuire de différentes façons au secteur de l’élevage (volatilité des
prix, rendement des vaches laitières et ajustement des cheptels).
Le caractère saisonnier de la production laitière en système pâturant entraîne une variation
des cours internationaux selon les saisons, avec des pointes vers le milieu de l’année civile,
surtout pour le beurre. La forte hausse du prix du beurre, ces dernières années, a mis en
lumière ce phénomène.
La législation sur la protection de l’environnement conditionne dans une large mesure
l’évolution de la production laitière. Dans certains pays, les activités du secteur laitier
produisent une part considérable des émissions de gaz à effet de serre (Nouvelle-Zélande,
Irlande). Toute réforme à cet égard pourrait avoir des répercussions sur la production de
lait. Les pratiques durables en matière d’accès à l’eau et de gestion des effluents d’élevage
sont un autre domaine où des changements d’orientation pourraient avoir un impact.
Dans l’Union européenne, la suppression des quotas laitiers en avril 2015 a relancé la
spécialisation et la relocalisation de la production de lait. Dans plusieurs pays – Pays-Bas,
Allemagne, Danemark, France et Italie –, les préoccupations liées à l’environnement
pourraient faire obstacle à de futures hausses de la production de lait. Dans l’Union
européenne, la nécessité de réduire les bilans minéraux au niveau de l’exploitation pourra
créer des contraintes sur la production laitière, en particulier pour la production spécialisée
basée sur d’autres aliments que l’herbe.
Les maladies du bétail peuvent avoir des répercussions considérables sur la production
laitière. La mammite est l’infection la plus courante chez les bovins laitiers dans les
exploitations du monde entier, quelle que soit leur taille. Il s’agit aussi de la pathologie la
plus préjudiciable du point de vue économique, avec des retombées considérables sur les
rendements et la qualité du lait. Les évolutions futures en matière de sensibilisation, mais
aussi de diagnostic et de traitement, pourraient augmenter considérablement la production
laitière par une diminution des pertes.
La lutte contre de nombreuses maladies, dont la mammite, passe le plus souvent par des
traitements antibiotiques. Or, cette pratique suscite des inquiétudes concernant le
développement de résistances bactériennes dû à une utilisation excessive, lesquelles
risquent de réduire l’efficacité des traitements existants et de nécessiter l’élaboration de
PERSPECTIVES AGRICOLES DE L'OCDE ET DE LA FAO 2019-2028 © OCDE/FAO 2019
│ 205
206 │ 7. LAIT ET PRODUITS LAITIERS
nouveaux médicaments. L'évolution de cette situation demeure une incertitude pour les dix
années à venir.
Le prix relativement élevé des matières grasses du lait pourrait favoriser leur remplacement
par des matières grasses végétales (poudres de lait réengraissées et autres produits laitiers)
pour certaines utilisations et destinations. Cela crée des incertitudes supplémentaires
concernant la valorisation relative de la matière grasse et de l’extrait sec dégraissé du lait à
longue échéance.
Ces dernières années, les substituts d’origine végétale (boissons à base de soja, d’amande,
de riz ou d’avoine) gagnent en importance dans la consommation de lait liquide de
nombreuses régions du monde, notamment l'Amérique du Nord, l'Europe et l'Asie de l’Est.
Cet engouement s’explique par une intolérance au lactose mais aussi par des interrogations
sur les conséquences pour la santé et l’environnement de la consommation de lait et de
produits laitiers. Les produits de substitution d’origine végétale connaissent une forte
croissance, même si leur point de départ est bas, mais eux aussi suscitent un débat
concernant leur impact sur l’environnement et leurs bienfaits pour la santé. Par conséquent,
l’incertitude reste de mise quant à l'incidence à long terme de cette évolution sur la demande
laitière.
L’évolution des politiques nationales constitue un autre motif d’incertitude. Au Canada, les
projections concernant les exportations de lait écrémé en poudre sont difficiles à établir du
fait de la réorganisation de la filière laitière nationale après la Décision de Nairobi adoptée
par l’Organisation mondiale du commerce, qui supprime les subventions à l’exportation
dans l’agriculture à compter de 2020. Dans l’Union européenne, les achats d’intervention
de lait écrémé en poudre et de beurre à des prix déterminés, qui ont eu des répercussions
importantes sur les cours du lait écrémé en poudre ces dernières années, restent une
éventualité.
Les flux d’échanges laitiers pourraient être profondément modifiés par les transformations
de l’environnement commercial. À ce jour, les plus grands pays consommateurs de produits
laitiers, à savoir l’Inde et le Pakistan, ne sont pas présents sur le marché international, car
leur production nationale est absorbée par une demande intérieure en plein essor.
La modification ou la mise en place d’accords commerciaux pourrait se répercuter sur la
demande et les flux d’échanges de produits laitiers. Ainsi, l’Union européenne et le
Royaume-Uni échangent des quantités importantes de fromage et d’autres produits laitiers,
mais cela pourrait changer avec le Brexit, tandis que l’Accord Canada-États-Unis-Mexique
(ACEUM) devrait se répercuter sur les flux d’échanges en Amérique du Nord. Quant à la
Fédération de Russie, l’embargo qu'elle a imposé sur plusieurs produits laitiers en
provenance de grands pays exportateurs devrait être levé en 2019 et ses importations
devraient donc augmenter légèrement, mais il est peu probable qu'elles reviennent à leur
niveau antérieur.
Note
1
Les produits laitiers frais comprennent tous les produits laitiers et le lait qui ne sont pas inclus dans
les produits transformés (beurre, fromage, lait écrémé en poudre, lait entier en poudre et, dans
certains cas, caséine et lactosérum). Les quantités sont exprimées en équivalent lait de vache.
PERSPECTIVES AGRICOLES DE L'OCDE ET DE LA FAO 2019-2028 © OCDE/FAO 2019
8. PRODUITS HALIEUTIQUES ET AQUACOLES
Produits halieutiques et aquacoles
Ce chapitre décrit la situation des marchés et présente les projections à moyen terme
relatives aux marchés mondiaux des produits halieutiques et aquacoles sur la période
2019-28. Il passe en revue les évolutions prévues en termes de prix, de production, de
consommation et d’échanges pour le poisson et les produits de la pêche et de l’aquaculture,
et examine en conclusion les principaux risques et incertitudes susceptibles d’avoir une
incidence sur les marchés mondiaux des produits halieutiques et aquacoles dans les dix
années à venir
PERSPECTIVES AGRICOLES DE L'OCDE ET DE LA FAO 2019-2028 © OCDE/FAO 2019
│ 207
208 │ 8. PRODUITS HALIEUTIQUES ET AQUACOLES
8.1. Situation du marché
La croissance des secteurs de la pêche et de l’aquaculture s’est globalement poursuivie
en 2018, comme l’illustrent les records atteints par la production, les échanges et la
consommation. La production doit son développement à l’augmentation des captures
(d’anchois en Amérique du Sud surtout) et à la montée en puissance ininterrompue de
l’aquaculture, au rythme de 3 à 4 % par an.
Le poisson1 a vu ses prix augmenter sur la première partie de 2018, sous l’effet d’une
progression plus rapide de la demande que de l’offre pour certaines grandes espèces, avant
de se déprécier sur le restant de l’année, l’offre se montrant plus abondante et les
consommateurs moins demandeurs aux États-Unis et sur certains marchés européens.
L’indice agrégé des prix du poisson de la FAO2 a atteint un sommet en mars 2018 (165,
pour une base 100 en 2002-04), avant d’amorcer un léger repli. Les prix de la plupart des
espèces et produits sont toutefois restés supérieurs aux niveaux de 2017. Cette appréciation,
alliée à des volumes d’échanges toujours importants, a hissé la valeur des échanges totaux
de poisson frais et transformé à 166 milliards USD en 2018, soit une hausse de plus de 7 %
par rapport à l’année précédente.
8.2. Principaux éléments des projections
Les prix du poisson resteront tous relativement stationnaires en valeur réelle sur la période
de projection, les contraintes de production excluant toute dépréciation du même ordre que
celle escomptée du côté des viandes de substitution comme la volaille. Dans tous les cas,
les prix devraient évoluer dans une fourchette de +/-1 % par an, avec une légère
dépréciation des espèces issues de la pêche, du prix mondial du poisson échangé et de la
farine de poisson, et une légère appréciation des espèces aquacoles et de l’huile de poisson.
Par rapport à la décennie passée (2009-18), les prix devraient tous ralentir leur rythme de
croissance annuelle ou rester orientés à la baisse. Dans la lignée des sommets atteints par
de nombreux produits agricoles au cours des dix années passées, les prix de la farine et de
l’huile de poisson en particulier sont plus élevés que jamais et devraient le rester aussi loin
que l’on puisse prévoir. Le prix moyen réel pondéré des espèces aquacoles augmente plus
rapidement que celui des aliments pour animaux faiblement protéinés comme le maïs. Cette
tendance pourrait être de bon augure pour la rentabilité car ces aliments sont l’un des
principaux intrants de la production de nombreuses espèces aquacoles. En valeur nominale,
les prix de tous les types de poissons devraient suivre une courbe légèrement haussière.
La quantité de poisson produite à l’échelle mondiale devrait continuer de croître (1.1 % par
an), tout en ralentissant le pas par rapport à la décennie précédente (2.4 % par an). Ce coup
de frein est dû notamment au 13e plan quinquennal chinois (2016-2020)3, qui touchera la
production halieutique aussi bien qu’aquacole, ainsi qu’à la révision à la baisse des chiffres
de la production chinoise depuis 20094. L’aquaculture devrait rester une filière de premier
plan et continuer de monter en puissance (graphique 8.1). Sur la période de projection, sa
croissance moyenne (2.0 % par an) devrait constituer le principal moteur de la production
totale de poisson à l’échelle mondiale. D’ici 2028, la production aquacole devrait dépasser
de loin les captures (8.0 Mt). La gouvernance inadéquate et l’épuisement des stocks dont
pâtissent certaines pêches dans le monde devraient rester problématiques, mais les
projections tablent sur une légère augmentation du volume des captures (0.2 % par an),
notamment parce que l’amélioration des conditions de gestion dans plusieurs régions
devrait continuer de porter ses fruits.
PERSPECTIVES AGRICOLES DE L'OCDE ET DE LA FAO 2019-2028 © OCDE/FAO 2019
8. PRODUITS HALIEUTIQUES ET AQUACOLES
Selon les projections, la production de poisson servira essentiellement à l’alimentation
humaine (178 Mt en 2028), les usages non alimentaires restant limités à 9.4 % (farine et
huile de poisson principalement). L’aquaculture devrait fournir une part croissante du
poisson destiné à la consommation humaine, de 52 % en moyenne en 2016-18 à 58 % en
2028. La production mondiale de poisson devant croître à un rythme moins soutenu, la
consommation mondiale de poisson destiné à l’alimentation humaine ne devrait augmenter
que de 1.3 % par an, soit bien moins que les 2.7 % annuels observés lors de la décennie
précédente. À l’échelle mondiale, la consommation humaine apparente5 de poisson devrait
atteindre 21.3 kg par habitant en 2028, contre 20.3 kg en 2016-18. La consommation par
habitant devrait légèrement diminuer en Afrique subsaharienne et rester stationnaire sur
l’ensemble du continent africain, mais elle devrait afficher les taux de croissance les plus
élevés en Amérique latine et en Europe.
Graphique 8.1. Contribution de l’aquaculture à la production régionale
de produits halieutiques et aquacoles
2008
2018
2028
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
Afrique
Amériques
Asie excl. Chine
Chine
Europe
Océanie
Monde
Source : OCDE/FAO (2019), « Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO », Statistiques agricoles de
l’OCDE (base de données), http://dx.doi.org/10.1787/agr-outl-data-fr.
StatLink 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933965440
Le poisson frais et transformé (poisson destiné à la consommation humaine et farine de
poisson) figure parmi les denrées les plus échangées dans le monde. D’ici 2028, les
volumes d’exportation de ces produits devraient représenter environ 36 % de la production
totale (31 % si l’on exclut les échanges intra-UE). Les échanges mondiaux de poisson
destiné à la consommation humaine devraient continuer de s’intensifier sur les dix
prochaines années (+1.1 % par an), mais moins rapidement qu’au cours de la décennie
écoulée (+1.9 % par an), étant donné le ralentissement de croissance de la production. La
tendance à long terme imprimée par les pays d’Asie, qui occupent une part de plus en plus
importante dans ces échanges, devrait se maintenir puisqu’ils devraient représenter 52 %
des exportations mondiales en 2028, contre 49 % en 2016-18. Après leur contraction lors
de la décennie passée, les échanges mondiaux de farine de poisson devraient repartir à la
hausse sur la période de projection, dopés par la production plus abondante ; en effet, la
transformation des déchets de poisson permet de récupérer davantage de farine et les
captures sont en légère hausse.
PERSPECTIVES AGRICOLES DE L'OCDE ET DE LA FAO 2019-2028 © OCDE/FAO 2019
│ 209
210 │ 8. PRODUITS HALIEUTIQUES ET AQUACOLES
Ces projections constituent le scénario le plus probablement appelé à se produire, sous
réserve de certaines hypothèses relatives à l’économie et à l’action publique. De multiples
incertitudes planent sur les perspectives des secteurs de la pêche et de l’aquaculture
s’agissant de l’évolution des conditions environnementales, de la gouvernance dans le
secteur de la pêche et des politiques commerciales, ainsi que de l’accès aux marchés. Les
conséquences de ces évolutions dépendront à la fois de la mesure dans laquelle elles
s’écartent de l’hypothèse retenue et de la capacité du secteur d’y faire face.
8.3. Prix
Les prix du poisson devraient rester relativement stables sur la période de projection en
valeur réelle, avec un léger recul attendu dans la plupart des cas en 2028 par rapport à la
période de référence. C’est la production halieutique qui devrait connaître la baisse la plus
importante (-6.5 %), suivie par la farine de poisson (-4.0 %), le poisson transformé échangé
(-3.0 %) et enfin l’aquaculture (-2.2 %), tandis que le prix de l’huile de poisson devrait
s’inscrire en légère hausse (+1.8 %) (graphique 8.2).
Graphique 8.2. Prix mondiaux des produits halieutiques et aquacoles
Prix nominal
Prix réel
USD/t
4 000
3 500
3 000
2 500
2 000
1 500
1 000
500
Poisson commercialisé
Aquaculture
Pêche
Huile de poisson
2028
2023
2018
2013
2008
2003
2028
2023
2018
2013
2008
2003
2028
2023
2018
2013
2008
2003
2028
2023
2018
2013
2008
2003
2028
2023
2018
2013
2008
2003
0
Farine de poisson
Note : poisson échangé (alimentation humaine) : valeur unitaire mondiale des échanges (somme des
importations et des exportations) de produits halieutiques et aquacoles destinés à l’alimentation humaine.
Aquaculture : valeur unitaire mondiale de la production aquacole (poids vif), selon la FAO. Pêche : valeur des
débarquements à l’échelle mondiale estimée par la FAO, hors pêches minotières. Farine de poisson : protéine
64-65 %, Hambourg, Allemagne. Huile de poisson : Europe du Nord-Ouest Prix réel : déflateur du PIB des
États-Unis ; année de référence = 2018
Source : OCDE/FAO (2019), « Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO », Statistiques agricoles de
l’OCDE (base de données), http://dx.doi.org/10.1787/agr-outl-data-fr.
Source : OCDE/FAO (2019), « Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO », Statistiques agricoles de
l’OCDE (base de données), http://dx.doi.org/10.1787/agr-outl-data-fr.
StatLink 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933965459
Les hypothèses les plus déterminantes sur lesquelles reposent les présentes Perspectives
concernant la pêche et l’aquaculture sont, comme en 2018, celles relatives aux
conséquences les plus probables qu’aura le 13e plan quinquennal chinois (2016-2020). Ces
conjectures, alliées au fait que les chiffres de la production chinoise depuis 2009 ont été
PERSPECTIVES AGRICOLES DE L'OCDE ET DE LA FAO 2019-2028 © OCDE/FAO 2019
8. PRODUITS HALIEUTIQUES ET AQUACOLES
révisés à la baisse après le recensement, ont entraîné une nette réduction de la production
halieutique et aquacole. Celle-ci se traduit par une augmentation des prix chinois d’autant
plus marquée que l’épizootie de peste porcine qui sévit actuellement réduit la production
de porc et accroît la demande de poisson. La Chine assure 59 % de la production aquacole
dans le monde (moyenne des années 2016-18). L’importance relative de sa contribution,
alliée au fait que la croissance démographique et des revenus nourrit une demande soutenue
de poisson à l’échelle planétaire, limite la chute à venir des prix mondiaux.
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Figure 15 : Structure de l'insuline humaine (A) et B
Chapitre 1 : Analyse empirique des interactions contenant-contenu 5. Analyse empirique des interactions contenant-contenu
Du point de vue expérimental, l'analyse qualitative et quantitative des solutions médicamenteuses permet d'évaluer ces phénomènes. Parallèlement, l'analyse physicochimique et mécanique des matériaux constitue une approche expérimentale complémentaire dans l'étude de ces phénomènes. Ce chapitre abordera les deux types d'approches dans l'analyse des interactions entre médicament et matériau.
5.1. Analyse du principe actif
Il existe deux types d'approches lors de l'étude des phénomènes de sorption par l'analyse des solutions qui dépendent de la présence d'un état d'équilibre ou non. Le dosage du composé d'intérêt doit être réalisé de manière spécifique, ainsi, lorsque celui-ci est seul en solution, il est possible d'utiliser des techniques non séparatives telle que la spectrométrie UV. Cependant, dans le cas des médicaments, le principe actif est en mélange avec des excipients. Il est alors nécessaire d'employer une technique séparative afin de quantifier spécifiquement chaque substance. C'est pourquoi la chromatographie en phase liquide (CPL) ou en phase gazeuse, couplée ou non à la spectrométrie de masse, est alors recommandée. 5.1.1. Approche cinétique
Jusqu'à l'obtention de l'état d'équilibre, il est possible de suivre la variation de la concentration dans la solution en fonction du temps. Cette approche est particulièrement intéressante dans le cadre des études sur les dispositifs de perfusion. En effet, la perfusion a lieu sur une plage de temps restreinte, souvent inférieure au temps nécessaire pour atteindre l'équilibre. Des tentatives de modélisation de cette cinétique lors de la sorption de médicaments sur des microplastiques (69) ou bien lors de la perfusion d'insuline (7,70) ont été effectuées.
5.1.2. Approche thermodynamique
Lorsque le système a atteint un état d'équilibre, il est alors possible de définir un certain nombre de paramètres permettant de le caractériser. Dans cet état d'équilibre, il est possible de mesurer des isothermes d'adsorption en étudiant la quantité adsorbée en fonction de la concentration de la solution. Suivant la forme de l'isotherme obtenue, il est possible de définir une constante d'équilibre et d'estimer une capacité maximale de sorption. La forme de l'isotherme permet d'apporter des informations sur les mécanismes mis en jeu. Ainsi Giles et al. (71,72) ont défini quatre classes d'isothermes d'adsorption en phase liquide, telles que représentées Figure 16 : - type S, se déroule en deux temps. Les molécules s'adsorbent rapidement sur la surface, puis dans un second temps la vitesse ralentit et les molécules s'adsorbent sur les molécules déjà fixées ; - type C : « Constant partition », aussi dit linéaire ; - type L : Langmuir. Adapté de l'isotherme de Langmuir défini pour l'adsorption de gaz (73) ; - type H : High affinity ». Le plateau est atteint très rapidement. Figure 16 : Représentation des quatre classes d'isothermes de sorption en milieu solide-liquide Guo et al.(42) ont montré que l'isotherme de Langmuir n'était pas la plus adaptée pour décrire la capacité de sorption maximale du sulfamethoxazole sur des microplastiques.
5.2. Analyse de surface des matériaux
Les techniques permettant l'analyse des matériaux sont très nombreuses. Le paragraphe suivant ne décriera que certaines pouvant présenter un intérêt dans l'étude des interactions entre médicaments et matériaux.
Chapitre 1 : Analyse empirique des interactions contenant-contenu 5.2.1. FTIR
La spectroscopie Infrarouge à transformée de Fourier en mode réflectance totale atténuée (ATR-FTIR) permet l'analyse de la composition qualitative de la couche de surface sur une épaisseur de quelques micromètres. Maintenir un bon contact entre le cristal d'ATR et le matériau à analyser est un paramètre critique lors des analyses par spectroscopie FTIR en mode ATR. Les propriétés mécaniques des matériaux polymères permettent généralement un bon contact. La seule préparation préalable à effectuer sur l'échantillon est une étape de séchage afin d'éliminer toute trace d'eau pouvant interférer avec le spectre. Cette technique analytique permet de mettre en évidence les composés présents dans le matériau (plastifiants par exemple), mais elle ne permet pas d'analyser les composés absorbés à la surface après contact entre un médicament et le matériau. Qu'il s'agisse de la migration de constituants du matériau vers le fluide médicamenteux ou d'absorption de celui-ci par le matériau, les temps d'échange sont trop faibles pour engendrer des variations de concentrations observables par infrarouge. 5.2.2. Spectroscopie photoélectronique X (XPS)
La spectrométrie XPS (29,74) permet l'analyse énergétique des électrons émis par une surface irradiée par un rayonnement électromagnétique X. L'énergie de chaque électron émis est spécifique à un atome donné, donc l'analyse du spectre XPS permet de définir la composition de la surface de l'échantillon. Cette technique permet également d'apporter des informations sur l'environnement des atomes, et donc sur les liaisons qu'ils ont pu établir. L'analyse par XPS est cependant limitée à l'extrême surface du matériau (entre 0,5 et 10 nm). Même si son utilisation est fréquente pour caractériser la surface des polymères, elle reste marginale dans l'étude des phénomènes de sorption. Afin de révéler un phénomène d'adsorption, cette technique suppose de mettre en évidence des atomes non initialement présents dans la composition du matériau et appartenant spécifiquement au principe actif adsorbé. Wagner et al. (75) ont mis en évidence l'adsorption de protéines sur des surfaces en PTFE et silicone grâce à cette technique
5.2.3. Analyse dispersive en énergie (EDS)
L'EDS est une analyse de surface couplée à de la microscopie électronique (à balayage ou en transmission). L'impact du faisceau électronique sur la surface analysée va entrainer l'émission de rayons X d'un niveau d'énergie caractéristique d'un atome. Par conséquent, il est possible de fournir une analyse qualitative de la surface étudiée. L'avantage de cette technique provient du couplage avec une technique de microscopie, qui permet une très grande précision sur la zone étudiée. De ce fait, il est en théorie possible d'étudier la section d'une tubulure et ainsi de suivre la migration d'un composé l'épaisseur du matériau. Cependant, comme pour la XPS, elle nécessite qu'au moins un atome du principe actif soit différent de ceux du matériau.
5.2.4. Microscopie à force atomique (AFM)
La microscopie à force atomique (AFM) est une technique analytique de surface basée sur la détection des interactions de van der Waals entre une pointe et la surface de l'échantillon (76). Les positions de la pointe sont détectées à l'aide d'un laser et d'un photodétecteur, et permettent, lors du balayage de la surface de l'échantillon, de mesurer la topographie de la surface (résolution latérale < 30 Å et résolution verticale < 1 Å) (77). L'AFM permet également de mesurer la force d'interaction à l'échelle du nanonewton (nN) (76). Figure 17 : Principe de fonctionnement d'un microscope à force atomique (77)
Chapitre 1 : Analyse empirique des interactions contenant-contenu 5.2.5. Potentiel zêta
Au contact d'une solution aqueuse, la surface des matériaux est plus ou moins électriquement chargée en fonction du pH de la solution. La mesure de potentiel zêta (ou potentiel électrocinétique) permet l'estimation de cette charge de surface et apporte des informations sur la manière dont les molécules en solution vont pouvoir interagir avec cette surface. La charge de surface à l'interface entre une surface solide et une solution contenant des électrolytes peut provenir d'une réaction acido-basique de groupements fonctionnels de la surface ou bien de l'adsorption d'électrolytes. Dans le second cas, un potentiel électrique est créé à la suite de l'interaction entre les ions et la surface entrainant la formation d'une double couche électrique. D'après le modèle de Stern (1924), qui se base sur les précédents modèles de Helmholtz et Gouy-Chapman (Figure 18), la double couche électrique est composée d'une couche avec une densité importante d'ions adsorbés et d'une couche diffuse. La couche dense, également appelée couche de Helmholtz ou couche de Stern, représente une couche d'ions adsorbés à la surface du matériau de manière uniforme qui génère un potentiel de surface. Dans la couche diffuse, aussi appelée couche de Gouy-Chapman, le potentiel de surface décroit de façon exponentielle en raison de la présence de contre-ions de la solution.
Figure 18 : Modèles classiques de représentation de la double couche électrique, adapté de Gongadze et al.(81). La mesure du potentiel zêta correspond au potentiel au niveau de la couche diffuse, et donc à la différence de potentiel entre la couche de Stern et la solution. Dans le cas de particules de taille importante (>25μm) ou des surfaces, la mesure du potentiel zêta se base sur le potentiel électrique créé par le mouvement de la solution lorsqu'on applique une Chapitre 1 : Analyse empirique des interactions contenant-contenu 29 pression. Le potentiel zêta peut alors être obtenu grâce à l'équation de Helmholtz et Von Smoluchowski (Équation 2).
Équation 2 : Calcul du potentiel zêta par l'équation de Helmholtz - Smoluchowski ζ= dIstr
η L × × dΔp ε × ε0 A ζ : potentiel zêta dU/dp : intensité du courant η : viscosité ε : coefficient diélectrique de l'électrolyte ε0 : permittivité L : longueur du tube de diffusion A : section du tube de diffusion
Cette technique permet donc de mesurer la charge de surface au pH d'administration des médicaments. Elle permet également de suivre l'évolution du potentiel zêta dans le temps au contact d'une solution et ainsi d'accéder à des informations sur la cinétique de sorption. Cependant, en raison des contraintes liées à l'utilisation de l'appareil, il n'est pas possible de mesurer le potentiel zêta avec des solutions identiques à celles utilisées en perfusion (force ionique trop élevée).
5.2.6. Angle de contact
La mouillabilité du matériau est estimée par la mesure de l'angle de contact d'une goutte d'eau déposée en surface du matériau, comme schématisé en Figure 19. Figure 19 : Représentation schématique de la mesure de l'angle de contact
Cette caractéristique permet ainsi d'évaluer l'affinité de la surface pour l'eau. Plus la surface est hydrophile, plus la goutte s'étale sur le matériau et donc plus l'angle de contact sera faible. Au contraire, une valeur d'angle de contact élevée est caractéristique d'un matériau hydrophobe.
Chapitre 1 : Modélisation par dynamique moléculaire 6. Modélisation par dynamique moléculaire
Ce paragraphe présente les principes de bases de la méthode de simulation moléculaire ayant servie à modéliser des systèmes polymères/PA/eau. Les principes généraux ainsi que le calcul de la force de l'interaction entre le PA et le polymère (évaluée par le calcul du potentiel de force moyenne) seront brièvement décrits.
6.1. Généralités
La simulation moléculaire permet de modéliser des systèmes afin de mieux comprendre leur structure et leurs propriétés. Cette approche permet l'étude de systèmes allant de l'échelle atomique à l'échelle macroscopique et permet d'apporter des données difficilement accessibles par l'expérience, notamment le déplacement des molécules à l'interface PA/polymère ou sur le niveau énergétique de l'interaction. Parmi les différentes techniques de simulation moléculaire, la dynamique moléculaire (82,83) est une méthode déterministe qui utilise l'intégration des équations classiques du mouvement (équations de Newton) pour un ensemble de molécules (83,84). La puissance de calcul informatique actuelle permet la simulation de systèmes composés de plusieurs milliers d'atomes sur une période de temps relativement importante à cette échelle (allant jusqu'à la μs). Les propriétés thermodynamiques et dynamiques moyennes du système sont calculées sur l'ensemble de la oire (56). La modélisation du système se traduit par la création d'une boîte de simulation dont la première étape consiste à définir un système composé d'un nombre donné de particules. Chaque particule dans la boîte représente un atome dans le cas d'un modèle tout atome ou bien un groupement de plusieurs atomes dans le cas d'un modèle atome unifié.
Chapitre 1 : Modélisation par dynamique moléculaire 31 6.2. Conditions périodiques aux limites
La simulation d'un système complet à l'échelle moléculaire engendrerait un coût de calcul total bien trop important. Le système est donc modélisé dans une boite de simulation de petite taille par rapport à l'échelle réelle. Cette boîte est ensuite répétée périodiquement dans les trois dimensions de l'espace, comme représenté dans la Figure 20, afin de simuler un système infini. Figure 20 : Représentation schématique des conditions périodiques dans deux dimensions de l'espace (cercle rouge = rayon de coupure)
De plus, toujours dans le but d'optimiser le temps de calcul, les interactions non liées longue distance sont coupées au sein du système. Il s'agit du rayon de coupure (représenté dans la Figure 20). Cependant, le rayon de coupure doit être inférieur à la demi-taille de boîte afin d'éviter qu'une molécule interagisse avec plus d'une seule image de chaque molécule et ne puisse pas interagir avec une image d'elle-même. C'est la convention d'image minimum.
6.3. Champs de forces
Afin de décrire l'état de chaque type d'atome et le potentiel d'interactions entre chacune des particules du système, un champ de force est défini. Le potentiel d'interactions se décompose en deux niveaux : interactions intramoléculaires, interactions intermoléculaires. De très nombreux champs de force ont été décrits, dans le cas des travaux présentés ici, nous avons choisi d'utiliser le champ de forces General Amber Force Field (85) pour les principes actifs, TIP4P2005 (86) pour les molécules d'eau, Polymer Consistent Force Field pour le PVC et un champ de force atome unifié pour le PE développé par Karayiannis (87).
Chapitre 1 : Modélisation par dynamique moléculaire 6.3.1. Interactions intramoléculaires
Le potentiel d'interaction intramoléculaire (88) est défini par la somme des interactions présentée dans l'Équation 3.
Équation 3 : Potentiel d'interactions intramoléculaire Vintramoléculaire
=
∑ Vliaison + ∑ Vangle + ∑ Vtorsion + ∑ Vnon−lié
Vliaison : potentiel de liaison entre deux atomes Vangle : potentiel de flexion entre 3 atomes successifs Vtorsion : potentiel de torsion entre 4 atomes successifs Vnon-li
: potentiel d'interaction entre atomes séparés de plus de 3 liaisons - Liaisons
Le potentiel de liaison de liaison est généralement une fonction harmonique (Équation 4), où kr représente la constante de force et r0 la distance d'équilibre.
Équation 4 : Potentiel de liaison Vliaison = - 1 k (r − r0 )2 2 r Angle
Le terme harmonique pour la fonction d'angle est décrit par l'Équation 5, où kΘ représente la constante de force de l'angle et Θ0 l'angle d'équilibre (énergie minimum).
Équation 5 : Potentiel de flexion Vangle = - 1 2 kΘ (Θijk − Θ0 ) 2 Dièdre
Le potentiel de dièdre peut être décrit par l'Équation 6, où kd représente la constante de force du dièdre, n la périodicité et Φ l'angle entre deux plans successifs. Sa formule est présentée dans l'Équation 7, le terme d'ordre 6 correspond aux forces de dispersion (longue distance) et le terme d'ordre 12 aux répulsions à courte distance. σij représente la distance minimale entre deux atomes i et j et εij l'énergie lorsque ceuxci sont à la distance d'équilibre.
Équation 7 : Potentiel de Lennard-Jones
σij 12 σij 6 VLJ = 4εij [( ) − ( ) ] r r
Il existe cependant d'autres formes pour décrire ce potentiel avec un couple d'exposants 9 et 6. - Potentiel
électrostatique
Le potentiel électrostatique est décrit par l'Équation 8, où C est une constante de conversion énergétique, qi qj sont les charges des particules i et j, ε0 la constante diélectrique du vide et r la distance entre les particules i et j.
Équation 8 : Potentiel électrostatique Ve = Cqi qj ε0 r
6.3.3. Interactions aux longues distances
L'erreur engendrée par l'approximation du rayon de coupure est rectifiée en appliquant une correction aux longues distances. Les deux méthodes les plus couramment utilisées pour la correction du potentiel électrostatique aux longues distances sont les méthodes particleparticle-particle-mesh (PPPM) (89) et ewald (90,91). Une correction peut également être apportée au niveau des potentiels de Lennard-Jones aux longues distances (92).
Chapitre 1 : Modélisation par dynamique moléculaire 6.4. Ensembles statistiques
Un système est donc composé de particules pour lesquelles des coordonnées et un moment cinétique sont définis. La physique statistique permet de faire le lien entre le comportement des particules à l'état microscopique et les valeurs macroscopiques du système (volume, pression, température). Ainsi, la notion d'ensemble statistique a été introduite par Willard Gibbs en 1902 ( et permet de définir un certain nombre d'ensembles statistiques. Les ensembles les plus couramment utilisés en simulation numérique sont présentés ci-dessous.
6.4.1. Micro-canonique (NVE)
Dans cet ensemble statistique, le nombre de particules, le volume et l'énergie du système sont conservés. On parle de système isolé. 6.4.2. Canonique (NVT) Dans l'ensemble canonique, l'énergie du système peut varier mais le nombre de particules, le volume et la température du système sont maintenus constant. Le système n'échange pas de travail ni de matière avec l'extérieur. 6.4.3. Isotherme-Isobare (NPT) Dans l'ensemble isotherme-isobare, la température et la pression du système sont constantes. Ainsi le volume et l'énergie du système peuvent fluctuer. 6.4.4. Grand-canonique (μVT) Dans l'ensemble grand canonique, le potentiel chimique μ, le volume et la température sont constants. Un échange d'énergie et de matière peut avoir lieu entre le système et un réservoir.
Chapitre 1 : Modélisation par dynamique moléculaire 35 6.5. Potentiels de force moyenne (PMF)
Le potentiel de force moyenne (PMF) correspond à l'évolution de l'énergie libre en fonction d'une coordonnée de réaction (94) et peut être déterminé notamment par des méthodes de dynamique moléculaire. À partir du PMF, il est possible d'obtenir des grandeurs thermodynamiques du système (95).Il existe de nombreuses méthodes de calcul des PMF utilisées pour des systèmes chimiques et biologiques : - Free Energy perturbation (96,97) ; Thermodynamic integration (98,99) ; Umbrella sampling US (100,101) ; Adaptive Biasing Force (ABF) (102,103). Dans le domaine pharmaceutique, Feenstra et al. (104,105) ont étudié la migration de plastifiant et ont pu estimer le logP à partir de PMF obtenus en dynamique moléculaire, en étudiant le profil d'énergie libre en fonction de la distance entre la surface de polymère et le composé adsorbant.
Chapitre 2 : Étude empirique des interactions contenant-contenu Sommaire
1. Introduction 37 2.
M
atériel
s
et méthodes 38
2.1. Matériels 38 2.1.1. Dispositifs médicaux 38 2.1.2. Principes actifs 39 2.2. Méthodes 39 2.2.1. Étude de sorption avec des dispositifs médicaux isolés 39 2.2.2. Étude de sorption avec des montages de perfusion 46 3.
Ré
sultats 49 3.1. Étude de sorption avec des dispositifs médicaux isol 49 3.1.1. Seringues 49 3.1.2. Prolong
ateurs
53 3.1.3.
Cathéters
60
3.1.4. Synthèse des résultats 65 3.2. Étude de sorption avec des montages de perfusion 65
3.2.1.
Choix des montages 66 3.2.2. Dynamique –
1 mL
/
h 67 3.2.3. Dynamique – 10 mL/h 68 3.2.4. Comparaison des montages 69
4. Discussion 72 ~ 36 ~ Chapitre 2 : Introduction 37 1. Introduction
Dans notre étude, l'évaluation des phénomènes de sorption se base sur une approche cinétique et sur la caractérisation de surface des matériaux constitutifs des DM. Dans un premier temps, les interactions entre seringues, prolongateurs ou cathéters et chacune des trois molécules sélectionnées et présentées dans le Chapitre 1 (Choix des principes actifs), ont été étudiées de manière indépendante. La perte par sorption a été évaluée grâce à la quantification du principe actif en solution par CPL. De plus, la surface des matériaux au contact avec le médicament a été caractérisée par spectroscopie infrarouge et par mesure du potentiel zêta afin d'obtenir des informations sur la composition qualitative de la surface et sur la charge électrique de surface présente au pH d'administration. Cette caractérisation de surface vise à étudier l'impact des interactions électrostatiques à l'interface entre le médicament et le matériau. Dans un second temps, des études dynamiques de sorption ont été réalisées sur des montages complets de perfusion incluant des DM ayant présenté une forte tendance à la sorption ou au contraire des DM avec une faible tendance à la sorption afin d'évaluer une éventuelle l'additivité des phénomènes de sorption lorsque plusieurs DM sont utilisés en montage. Dans le but de rendre les résultats comparables, le même protocole expérimental a été utilisé lors des études de DM isolés ou de montages complets.
2. Matériels et méthodes 2.1. Matériels 2.1.1. Dispositifs médicaux
La perte de principe actif par sorption a été étudiée sur une seringue, quatre cathéters et six prolongateurs différents. Les caractéristiques des dispositifs médicaux étudiés sont présentées dans le Tableau 2.
Tableau 2 : Caractéristiques des dispositifs médicaux étudiés Fournisseur Référence Tubulure coextrudée (composition de la couche interne) Matériaux Longueur (cm) Non Corps : 13,3 Corps : 26,46 Seringue Plastipak®, Becton-Dickinson (France) 300865 Corps : polypropylène Piston : polypropylène Joint de piston : isoprène synthétique Cathéter Blue FlexTip®, Teleflex Medical (France) Power Picc®, BARD Medical (France) Turbo-Flo®, COOK Medical (France) Lifecath®, VYGON (France) CV-04301 Polyuréthane Non 20,0 1,29 6175118 Polyuréthane Non 40,0 0,94 G12987 Polyuréthane Non 40,0 1,22 2191.50 Silicone Non 40,0 0,95 200,0 2,50 Prolongateur CAIR LGL (France) PN10318-1 CAIR LGL (France) RPB5320 Polyéthylène 200,0 2,50 CAIR LGL (France) PY2301NCM Polyuréthane 10,0 2,50 CAIR LGL (France) PT050117 Styrène-EthylèneButadiène Styrène 150,0 2,50 PR13816 Styrène-EthylèneButadiène - Styrène Non 200,0 2,50 PR13997 Oléfine thermoplastique Non 200,0 2,50 Cawiton®, Wittenburg BV* (Pays–Bas) Cawiton®, Wittenburg BV* (Pays–Bas)
* tubulures de qualité médicale ne provenant pas de dispositifs médicaux commercialisés
Six prolongateurs différents ont été étudiés : une tubulure monocouche en PVC, trois tubulures coextrudées (en PE, PU ou SEBS) avec une couche externe en PVC et deux tubulures monocouches en SEBS et TPO (prototypes en cours de développement et non disponibles sur le marché). Quatre cathéters ont également été étudiés : deux cathéters centraux à insertion périphérique (PICC) en PU ; PowerPicc® et Turbo-Flo® ; un cathéter central en PU (Blue Chapitre 2 : Matériels et méthodes 39 FlexTip®) ; un cathéter central tunnelisé de type Broviac en silicone (Lifecath®). Tous les cathéters choisis sont des cathéters monolumières ayant des diamètres internes proches.
2.1.2. Principes actifs
L'étude des principes actifs a été réalisée à partir des spécialités pharmaceutiques suivantes : – Diazépam ; VALIUM® 10 mg/2mL (Roche, Rosny-sous-Bois, France) Dilué à 0,2 mg/mL dans une solution de glucose à 5% (B. Braun, Allemagne) ; – Insuline asparte ; NOVORAPID® 100 UI/mL (Novo Nordisk, Courbevoie, France) Dilué à 0,1 UI/mL dans une solution de chlorure de sodium à 0,9% (Versylene®, Fresenius Kabi, France) ; – Paracétamol ; Paracétamol B BRAUN® 10 mg/mL (B. Braun, Saint Cloud, France) Dilué à 1 mg/mL dans une solution de chlorure de sodium 0,9% (Versylene®, Fresenius Kabi, France). Dans la suite de ce manuscrit, l'insuline asparte sera plus simplement identifiée sous le nom d'insuline. La concentration en insuline est usuellement exprimée en unités d'insuline (UI). Une solution de 100 UI équivaut à 3,5 mg d'insuline. Les dilutions de chacune des spécialités pharmaceutiques ont été choisies afin de correspondre à des concentrations utilisées en clinique.
2.2. Méthodes 2.2.1. Étude de sorption avec des dispositifs médicaux isolés a) Étude statique
Le contact statique entre DM et médicament a été réalisé afin de simuler une condition de contact maximal et é, sans renouvellement de la solution administrée. Les études statiques permettent ainsi de se rapprocher d'un état d'équilibre entre le matériau et la solution. Chaque médicament a été mis en contact statique avec les différents DM pendant 96 heures. La concentration en principe actif a été évaluée avant contact avec les DM (Ti), à T0 après une purge du DM (volume de purge = volume mort du DM, débit de purge = 1200 mL/h), et après 24 et 96 h de contact (T24 et T96). Afin de réaliser l'expérience en triplicata (n=3), un total de 9 DM a été nécessaire : 3 DM par temps d'analyse. Figure 21 : Photographie d'un montage expérimental pour l'étude isolée d'un prolongateur (A : pousseseringue électrique ; B : seringue ; C : prolongateur ; D : site de prélèvement) Chaque médicament a été perfusé, via les DM testés, pendant 8h à l'aide d'une seringue à deux débits distincts réglés à l'aide d'un pousse-seringue électrique : 1 mL/h et 10 mL/h. La concentration en principe actif a été estimée par CPL à la sortie de la seringue avant contact avec les tubulures (Ti), à T0 après une purge de la tubulure, au bout de la tubulure à 1h (T1), 2h (T2), 4h (T4) et 8h (T8).
Ainsi, le pourcentage de perte calculé inclut à la fois la perte due à la seringue et à la tubulure étudiée (prolongateur ou cathéter). Pour l'analyse du contenu des seringues, les prélèvements ont été réalisés à la sortie de la seringue. Le prélèvement a été effectué dans des tubes à hémolyse en verre borosilicaté dont l'absence d'interactions avec les médicaments a été préalablement vérifiée. Lors de chaque prélèvement un volume de 150 μL a été recueilli. La durée du prélèvement était dépendante du débit d'administration, environ 1 min à 10 mL/h et 10 min à 1 mL/h.
Chapitre 2 : Matériels et méthodes 41 c) Dosage du principe actif
Chaque prélèvement issu des études statique et dynamique a fait l'objet d'un dosage spécifique du principe actif après séparation par CPL (conditions analytiques décrites dans le Tableau 3) afin de déterminer l'évolution de la concentration en principe actif dans la solution lors du contact avec le DM. La stabilité des solutions médicamenteuses ayant préalablement été validée, une diminution de la concentration en principe actif a été imputée à la perte par sorption au contact du DM. Cependant cette technique ne permet pas à elle seule de déterminer le mécanisme (absorption ou adsorption) du phénomène.
Tableau 3
: Méthodes
chromatographiques utilisées pour le dosage du paracétamol, diazépam et insuline. (TFA = acide trifluoroacétique) Principe actif Phase mobile Paracétamol Gemini C18, 3μm, 150x4,6mm (Phenomenex, France) Pré-colonne : Gemini C18, 5μm, 0,04x0,03cm Phase A : eau ajustée à pH 2,75 avec acide formique 98% Phase B : ACN Diazépam Nucleodur C18 HTEC, 5μm, 125x4,6mm (Macherey-Nagel, France) Insuline Nucleodur C18 ec 5 μm, 250 x 4,6 mm (Macherey Nagel, France) ACN : 22% Méthanol 34% Tampon phosphate 3,4 g/L ajusté à pH5 44% (v/v/v) Phase A: TFA/water 0,1% (v/v) Phase B: TFA/acetonitrile 0,08% (v/v) Mode Débit de la phase mobile (mL/min) (°C) Longueur d'onde de détection (nm) Gradient : (% Phase A) - 0 à 7min : 90% - 7 à 7,01 min : 40% - 7,01 à 10 min : 90% 1,3 40 243 10 1 30 254 20 1,3 25 280 20 Isocratique Gradient (% Phase A): 0-15 min: 80% to 35% 15-17 min: 35% 17-20 min: 35% to 80%
Chapitre 2 : Matériels et méthodes 43 d) Expression des résultats
La perte de principe actif par sorption a été estimée par le calcul du pourcentage de principe actif restant en solution par rapport à la concentration initiale à Ti (Équation 9 et Équation 10). Équation 9 : Calcul du pourcentage restant de la concentration initiale en principe actif
% restant = Cf × 100 Ci Cf = Concentration à un temps donné Ci = Concentration initiale avant per
fusion Équation 10 : Calcul du pourcentage de perte en principe actif par rapport à la concentration initiale % perte = 100 − %restant
En mode statique, l'adsorption du PA intervient de manière homogène sur l'ensemble de la tubulure. Le pourcentage de perte dépend du ratio surface/volume. En effet, pour un volume de solution donné, plus la surface sera importante et plus le nombre de sites d'adsorption sera important. Tous les prolongateurs présentent un même ratio de 16,0 cm2/cm3, les pourcentages de perte de PA sont donc directement comparables. Pour les cathéters, les ratios varient de 31,0 à 42,6 cm2/cm3 et sont présentés dans le Tableau 4.
Tableau 4 : Surface interne de contact, volume et ratio Surface/Volume pour chacun des cathéters étudiés Surface (cm2) Volume (cm3) Ratio Surface / Volume Fournisseur Matériaux Blue FlexTip®, Teleflex Medical (France) Polyuréthane 8,11 0,261 31,0 Power Picc®, BARD Medical (France) Polyuréthane 11,8 0,278 42,6 Turbo-Flo®, COOK Medical (France) Polyuréthane 15,3 0,468 32,8 Lifecath®, VYGON (France) Silicone 11,9 0,284 42,1
Les longueurs des différents dispositifs médicaux étudiés étant différentes, la sorption a ensuite été calculée grâce à l'Équation 11 et exprimée en pourcentage (%) de perte/cm2 de matériau en contact afin de rendre les résultats comparables.
Chapitre 2 : Matériels et méthodes
Équation 11 : Calcul du pourcentage de perte par rapport à la surface interne de contact (cm2) %Sorption
= %
perte
× 1 S S =
Surface interne de contact (cm2)
Ce calcul ne peut pas être utilisé pour comparer les tubulures en mode statique. En effet la sorption telle que définie ci-dessus ne pourrait être calculée que si l'on était sûr que le nombre de molécules de PA présentes dans la solution était supérieur ou égal au nombre de sites d'adsorption. Dans le cas contraire, lorsque l'équilibre, correspondant au maximum d'adsorption, est atteint, la valeur obtenue n'est pas proportionnelle à la surface. Par exemple, un pourcentage de perte de 100% mesuré pour une tubulure de 157 cm2 (200 x 0,25 cm) donne un taux sorption de maximal de 0,64%/cm2. Si cette tubulure avait été plus courte, il est vraisemblable qu'elle aurait pu également adsorber 100% du PA, mais dans ce cas, le taux de sorption calculé aurait été plus élevé (la tubulure en PVC/PU de 7,85 cm 2 (10 x 0,25 cm) correspond à un taux sorption de maximal de 12,7 %/cm2). En mode dynamique, le débit permet d'assurer un apport continu en PA. Le nombre de molécules de PA n'est plus a priori un facteur limitant. Il conviendra cependant de tenir compte de la surface de la tubulure dans la comparaison entre les durées de sorption. En partant de l'hypothèse que les sites d'adsorption à l'entrée de la tubulure vont se saturer plus rapidement que ceux qui en sont plus éloignés, la répartition de l'adsorption n'est pas homogène tout le long de la tubulure, en particulier pour les faibles débits. Aussi, une tubulure courte sera plus vite saturée qu'une tubulure plus longue.
Calcul de la taille d'effet
L'analyse statistique a été faite par le calcul de la taille d'effet g de Hedge (23) (Équation 12) et de l'intervalle de confiance à 95%. Le calcul de la taille d'effet a été réalisée à partir des valeurs de perte/cm2 au temps d'analyse T8 entre un DM de référence et les DM alternatifs.
Équation 12 : Calcul de la taille d'effet par le coefficient g de Hedge
g
=
m1 − m2 = SDpooled m1 − m2 √ (n1 − 1)s12 + (n2 − 1)s22
n1 + n2 − 2 m1 et m2 ∶ moyenne à T8h des tubulures de référence (m1) et tubulures alternatives (m2) n1 et n2 : taille des échantillons
s1 et
2 : écart-types SDpooled : écart-types cumulés
Le calcul de la taille d'effet a permis de définir si la différence de sorption observée entre le matériau de référence et les autres matériaux est significative ou non. Usuellement, le test de Student est utilisé pour comparer les valeurs moyennes de deux groupes et permet d'évaluer la significativité de la différence. Le calcul de la taille d'effet permet de connaitre l'amplitude de la différence et ainsi de comparer les tailles d'effets entre elles, alors qu'il n'est pas possible de comparer les p d'un test de Student. Les prolongateurs et cathéters ont été sectionnés dans la longueur et la surface interne a été caractérisée. -
Mesure du potentiel zêta
Le potentiel zêta de la surface interne de chacune des tubulures (prolongateurs et cathéters) a été évalué par mesure du potentiel électrocinétique à l'aide d'un Surpass3 (Anton Paar, France) équipé d'une cellule d'analyse pour tubulures. La mesure du potentiel zêta a été réalisée avec une solution de chlorure de potassium (KCl) à 1 mmol/L dont le pH était ajusté à pH = 5 avant chaque analyse, soit un pH proche de celui retrouvé lors de l'administration des principes actifs. La mesure du potentiel zêta a été réalisée en effectuant une rampe de pression allant de 550 mBar à 200 mBar. La pression exercée sur la tubulure est ajustée au cours d'un cycle de minimum 5 rinçages successifs, jusqu'à obtenir une valeur de résistance statique inférieure à 4000 kOhm pour les prolongateurs et 10 000 kOhm pour les cathéters. Avant chaque mesure, la solution d'électrolytes ayant servi pour l'ajustement de la pression est jetée, puis deux nouveaux rinçages ont été réalisés avec une solution de KCl neuve.
2.2.2. Étude de sorption avec des montages de perfusion
En situation clinique, une perfusion nécessite l'utilisation d'un enchainement de plusieurs dispositifs médicaux. Des montages simples intégrant une seringue, un prolongateur et un cathéter ont donc été réalisés.
a) Critère de choix des dispositifs médicaux
Deux montages de perfusion ont été réalisés : un montage à haut risque d'interactions et un montage moins à risque. Le choix des dispositifs médicaux étudiés en montage complet a été orienté par les ré des études dynamiques de sorption sur les DM isolés mais également par l'utilisation des dispositifs médicaux en condition clinique. Un classement des dispositifs médicaux à intégrer dans le montage complet a ainsi été réalisé. Les DM de chaque type (prolongateur et cathéter) ont été classés les uns par rapport aux autres en fonction du pourcentage de perte / cm2 calculé pour tous les temps d'analyse avec chaque principe actif étudié. Le barème utilisé est présenté dans le Tableau 5. Une sorption de 0,05%/cm2 correspond à une perte de 7,9 % de la concentration initiale pour une tubulure de 2m et de diamètre interne 2,5 mm. Figure 22 : Photographie d'un montage expérimental pour l'étude d'un montage complet (A : pousseseringue électrique ; B : seringue ; C : prolongateur ; D : cathéter ; E : site de prélèvement)
Chapitre 2 : Matériels et méthodes c) Expression des résultats
Comme pour les dispositifs médicaux isolés, les phénomènes de sorption ont été évalués par estimation du pourcentage restant de la concentration initiale en principe actif après perfusion à travers un montage complet. La perte due à chaque DM individuellement ayant été préalablement évaluée lors de l'étude DM isolés, le dosage n'a été réalisé qu'en sortie de montage. La perte provoquée par chaque DM au sein du montage a été extrapolée à partir des données issues de l'étude sur les DM isolés. La position du prolongateur était la même en montage isolé et en montage complet (juste après la seringue), donc l'hypothèse a été faite que la perte provoquée spécifiquement par le prolongateur était identique dans les deux montages. En revanche la position du cathéter était différente (celui-ci étant positionné après le prolongateur en montage complet). Ainsi, la perte imputable spécifiquement au cathéter en montage (DM terminal du montage) a été estimée par l'Équation 13, tenant compte de l'impact du prolongateur, afin de pouvoir la comparer à la perte du cathéter isolé. Équation 13 : estimation de la perte imputable au cathéter uniquement dans un montage complet %pertecathéter = 100 − %perte_prol
−
%restant_montage %pertecathéter = Pourcentage de perte imputable au cathéter uniquement %restantmontage= Pourcentage restant à la sortie du montage %perteprol= Pourcentage de perte dû au prolongateur isolé et à la seringue
Chapitre 2 : Résultats 49 3. Résultats 3.1. Étude de sorption avec des dispositifs médicaux isolés 3.1.1. Seringues a) Statique
L'évolution de la concentration en principe actif lors du contact statique avec les seringues est présentée en Figure 23. Aucune perte de principe actif n'a été observée lors du contact avec le paracétamol et une faible perte a été notée avec l'insuline. En revanche, une perte de diazépam de 43,9 ± 0,5% a été observée après 96 heures de contact.
Figure 23 : Évolution de la concentration en paracétamol, diazépam et insuline par rapport à la concentration initiale après contact statique avec des seringues (corps en polypropylène et joint de piston en polyisoprène) (n = 3, moyenne ± erreur standard de la moyenne). En condition statique, le médicament est en contact à la fois avec le corps de la seringue et avec le joint de piston. Une étude complémentaire a donc été réalisée afin de déterminer quels éléments de la seringue étaient impliqués dans la perte de principe actif observée. Le protocole réalisé lors de cette étude est semblable à celui des études statiques. Des seringues contenant 15 ou 25 mL de solution de diazépam et 25 mL d'insuline étaient stockées en position verticale comme présenté en Figure 24 pendant 96h à l'obscurité dans une enceinte climatique. Le piston de la seringue était au contact de la solution, ou au contraire relevé, afin de supprimer le contact entre le joint de piston et le médicament.
50 Figure 24 : Photographie du montage expérimental de l'étude statique des seringues. a : Piston relevé, absence de contact entre le joint et le médicament ; b : joint de piston en contact avec le médicament Les
résultats de cette étude com
plémentaire
sont présentés sur la Figure 25.
Figure 25 : Évolution de la concentration en diazépam (A) et insuline (B) par rapport à la concentration initiale après contact statique avec des seringues (corps en polypropylène uniquement ou corps en polypropylène + joint de piston en polyisoprène) (n = 3, moyenne ± erreur standard de la moyenne). La concentration en diazépam a subi une perte de 58,8 ± 0,8% à T96 au contact du joint de piston avec un volume de remplissage de 15 mL (Figure 25-A). La diminution de la concentration était moins importante pour un volume de remplissage de 25 mL (43,9 ± 0,5% à T96). Cependant, lorsque les médicaments n'étaient pas au contact du joint de piston, la concentration en diazépam est restée proche de la concentration initiale (pas de variation de plus de 3%). Les variations de la concentration en insuline observées en contact ou non avec le joint de piston étaient similaires (Figure 25-B).
Chapitre 2 : Résultats 51 b) Dynamique
Lors de la simulation d'une perfusion à l'aide d'un pousse-seringue électrique, la concentration en paracétamol n'était pas différente de la concentration initiale tout au long de la perfusion et pour les deux débits étudiés (Figure 26). Une diminution de la concentration en diazépam a été observée pour les deux débits étudiés. Mais cette perte était moins importante avec un débit élevé (à T8 : perte de 39,2 ± 2,3% à 1 mL/h et 11,7 ± 1,0% à 10 mL/h). Lors du contact avec la solution d'insuline une perte de l'ordre de 20% a été observée dès T0, mais la concentration est ensuite restée stable pour les deux débits étudiés. Figure 26 : Évolution de la concentration en paracétamol, diazépam et insuline par rapport à la concentration initiale après contact dynamique à 1 mL/h (A) et 10 mL/h (B) avec des seringues (corps en polypropylène et joint de piston en polyisoprène) (n = 3, moyenne ± erreur standard de la moyenne).
52 Chapitre 2 : Résultats c) Caractérisation des matériaux - Spectroscopie infrarouge
Le spectre infrarouge de la surface interne des seringues (Figure 27-A) a permis de mettre en évidence des bandes de vibration d'élongation des liaisons C – H (2837, 2867, 2917 et 2950 cm-1) et des bandes de vibration de déformation des liaisons C – H (1376 et 1413 cm-1) pouvant être attribuées au polypropylène. Les autres bandes présentes sur le spectre infrarouge de la seringue ont, quant à elles, pu être attribuées à des bandes également présentes dans le spectre de référence d'une huile de silicone (Figure 27-C, provenant de la bibliothèque de spectres « Aldrich Condensed Phased Sample Library »). L'huile de silicone est utilisée comme lubrifiant pour le piston de la seringue, ce qui explique sa présence sur la surface interne du corps de la seringue. Après contact avec les différents médicaments étudiés, aucune variation des spectres FTIR n'a été observée, probablement en raison de la faible sensibilité de la technique.
Figure 27 : Spectre infrarouge de la surface interne des seringues (A), de référence du polypropylène (B) et de référence d'une huile de silicone (C)
Chapitre 2 : Résultats 53 3.1.2. Prolongateurs a) Statique
La Figure 28 représente le pourcentage restant de la concentration initiale en principe actif après contact statique avec chacune des tubulures. Figure 28 : Évolution de la concentration en paracétamol (A), diazépam (B) et insuline (C) par rapport à la concentration initiale après contact statique (n = 3, moyenne ± erreur standard de la moyenne).
PVC : polychlorure de vinyle ; PE : polyéthylène ; PU : polyuréthane ; SEBS : styrène-ethylènebutadiène-styrène ; TPO : oléfine thermoplastique. Aucune perte de paracétamol (Figure 28-A) de plus de 5 % n'a été observée quel que soit le temps d'analyse, sauf pour les tubulures en PVC-PU pour lesquelles une perte de 18,4 ± 0,6 % a été retrouvée à T24 et confirmée à T96. Le contact avec chacune des tubulures a entrainé une perte plus ou moins importante de diazépam. Une perte plus importante a été observée après 96h de contact qu'après 24h (Figure 28-B). Les tubulures en PVC/PE et SEBS monocouche sont celles ayant présenté la perte par sorption la plus faible (respectivement 52,5 ± 1,5 % et 50,1 ± 0,1 % à T96). Par ailleurs, une sorption plus importante a été observée pour les tubulures coextrudées PVC/SEBS que pour les tubulures en SEBS monocouche. Enfin, les prolongateurs PVC/PU ont présenté un pourcentage de perte moins important que les tubulures en PVC à T24 (97,8 ± 0,1 % pour les tubulures en PVC contre 86,6 ± 2,4 % pour les tubulures PVC/PU).
Chapitre 2 : Résultats
En contact statique, toutes les tubulures, sauf celles en PVC/PU, ont présenté un profil similaire au contact de solutions d'insuline. Une perte de l'ordre de 50% de la concentration initiale a été observée à T24 et maintenue approximativement à T96. Pour les prolongateurs en PVC/PU, la concentration aux différents temps d'analyse a faiblement diminué par rapport à la concentration initiale.
Chapitre 2 : Résultats 55 b) Dynamique 1 mL/h
La Figure 29 présente l'évolution du pourcentage restant de principe actif lors de la simulation d'une perfusion au débit de 1 mL/h pendant 8h. Lors de la perfusion de paracétamol la diminution la plus importante a été observée avec les prolongateurs en PVC/PU, qui ont présenté une perte maximale de 4,2 ± 0,7% à T (Figure 29-A). Comme pour la condition statique, les prolongateurs en PVC/PE et SEBS monocouche ont présenté la perte de diazépam la plus faible (respectivement 14,4 ± 0,5% et 14,5 ± 0,2% à T8). En tenant compte de la longueur des tubulures (Annexes : Figure A), les prolongateurs en PVC/PU sont ceux ayant présenté la sorption la plus importante (9,8 ± 0,2 %/cm2 à T8 contre 0,6 ± 0,1 %/cm2 avec les prolongateurs PVC). Enfin lors de la perfusion d'insuline, les prolongateurs en PVC sont ceux ayant présenté la perte de principe actif la plus faible (Figure 29 – C). Figure 29 : Évolution de la concentration en paracétamol (A), diazépam (B) et insuline (C) par rapport à la concentration initiale en condition dynamique à 1 mL/h (n = 3, moyenne ± erreur standard de la moyenne). PVC : polychlorure de vinyle ; PE : polyéthylène ; PU : polyuréthane ; SEBS : styrène-ethylènebutadiène-styrène ; TPO : oléfine thermoplastique.
Chapitre 2 : Résultats c) Dynamique 10 mL/h
L'étude de la concentration en principe actif lors de la perfusion au débit de 10 mL/h a permis globalement de mettre en évidence des pourcentages de perte par sorption plus faibles que lors de la perfusion à 1 mL/h. La concentration en paracétamol est restée proche de la concentration initiale pour chacun des temps d'analyse et pour chacune des tubulures étudiées (variations < 5%). Les concentrations en diazépam pour l'ensemble des tubulures étaient comprises entre 77% et 97%, sauf pour les prolongateurs en PVC où la concentration a atteint un minimum de 17,4 ± 0,2% à T1. Lors de la perfusion d'insuline, deux profils de comportement ont été observés. D'un côté les prolongateurs en PVC, PVC/PE, PVC/SEBS et TPO qui ont présenté une perte d'insuline à T1, mais dont la concentration est retournée à des valeurs proches de 100% de la concentration initiale de T2 à T8. De l'autre côté, au contact des prolongateurs en PVC/PU et SEBS, une perte de l'ordre de 20% de la concentration initiale a été observée de T1 à T8. Figure 30 : Évolution de la concentration en paracétamol (A), diazépam (B) et insuline (C) par rapport à la concentration initiale en condition dynamique à 10 mL/h (n = 3, moyenne ± erreur standard de la moyenne).
PVC : polychlorure de vinyle ; PE : polyéthylène ; PU : polyuréthane ; SEBS : styrène-ethylènebutadiène-styrène ; TPO : oléfine thermoplastique. Le PVC est le polymère le plus utilisé dans la fabrication des dispositifs médicaux de la perfusion. Le prolongateur en PVC a donc été choisi comme tubulure de référence pour le calcul de la taille d'effet (g). Toutes les autres tubulures ont été comparées à cette référence Chapitre 2 : Résultats 57 au temps d'analyse final (T8). La comparaison des tailles est présentée Figure 31. Une taille d'effet positive sera interprétée comme une perte par sorption significativement plus faible qu'avec une tubulure en PVC au même temps d'analyse. Au contraire, une taille d'effet négative sera interprétée comme une perte significativement plus importante qu'avec une tubulure en PVC. Pour toutes les molécules, la valeur absolue de la taille d'effet a été diminuée lorsque le débit était augmenté. Lors du contact avec les solutions de paracétamol seules les tubulures en PVC/PU au débit de 1mL/h était significativement différentes de 0 (g = [-6,8 ; - 1,0]), donc différentes des tubulures en PVC. Pour la perfusion de diazépam, seules les tubulures en PVC/PU ont présenté une taille d'effet négative (à 1mL/h et 10 mL/h). Une taille d'effet comprise entre 0,4 et 4,6 a été observée pour les tubulures en PVC/SEBS, ce qui était significativement plus élevé que le PVC mais aussi significativement inférieur au PVC/PE, SEBS et TPO monocouche. Ces trois dernières tubulures ont présenté une taille d'effet positive (moins de sorption) mais n'était pas significativement différentes les unes des autres. Lors de la perfusion d'insuline à 1 mL/h, une taille d'effet négative et significativement différente du PVC a été observée pour toutes les tubulures (indiquant une tendance à la sorption plus forte). Figure 31 : Taille d'effet de la comparaison entre les prolongateurs en polychlorure de vinyle (PVC) et chacun des autres prolongateurs étudiés après une perfusion de paracétamol (A), diazépam (B) et insuline (C) pendant 8h à 1 mL/h et 10 mL/h, (moyenne ± intervalle de confiance à 95%, n=3). PE : polyéthylène ; PU : polyuréthane ; SEBS : styrène-ethylènebutadiène-styrène ; TPO : oléfine thermoplastique.
Chapitre 2 : Résultats d) Caractérisation des matériaux - Spectroscopie infrarouge à Transformée de Fourier
La surface interne de chaque prolongateur a été analysée par spectroscopie FTIR. La Figure 32 présente les spectres des prolongateurs en SEBS monocouche et PVC/SEBS. Comme attendu, les spectres des SEBS des tubulures monocouches et des tubulures coextrudées ont présenté de nombreuses similitudes, en faveur d'une composition chimique qualitative proche. Cependant, des bandes supplémentaires ont été observées sur le SEBS des tubulures coextrudées (1730, 1304, 1282, 1233 et 1114 cm-1). Ces bandes pourraient être attribuées au Tris(2-ethylhexyl) Trimellitate (TOTM) qui est un plastifiant présent dans la couche externe en PVC. Le spectre de référence du TOTM est présenté Figure 32-C. Ce résultat est en faveur de la présence de TOTM à la surface des tubulures analysées. La présence de TOTM a pu modifier la façon dont le matériau a interagi avec les solutions médicamenteuses, expliquant ainsi les différences de comportement observées entre les tubulures en SEBS monocouche et les tubulures en SEBS coextrudé avec du PVC.
Figure 32 : Comparaison des spectres infrarouges de la surface interne de contact des prolongateurs en SEBS (Bleu) et PVC/SEBS (Rouge) avec le spectre du Tris
-Ethylhexyl) Trimellitate (noir). PVC : polychlorure de vinyle SEBS : styrène-ethylènebutadiène-styrène. Les spectres des tubulures en PVC, PVC/PU, PVC/PE et TPO sont présentés en annexe (Figure C) et étaient conformes aux spectres de référence. L'analyse de surface de tubulures post-exposition au principe actif n'a pas mis évidence de modification du spectre FTIR. Par ailleurs, des essais complémentaires ont été réalisés en mettant en contact statique et du diazépam à 5mg/mL avec des tubulures en PVC afin de se Chapitre 2 sultats placer dans les conditions favorisant l'absorption potentielle de la plus grande quantité de diazépam. Aucune modification du spectre obtenu par FTIR en mode ATR n'a été observée dans ces conditions
. - Potentiel zêta
La charge électrique de surface de chacun des prolongateurs a été estimée par la mesure du potentiel zêta de surface (Tableau 6). Seules les tubulures en PVC/PU ont présenté une charge de surface différente des autres tubulures (-9,5 mV). Le potentiel zêta des cinq autres tubulures était compris entre -27,4 mV (PVC) et -39,6 mV (PVC/SEBS).
Tableau 6 : Potentiel zêta (mV) à pH = 5 de la surface interne de contact de chacune des tubulures étudiées. PVC : polychlorure de vinyle ; PE : polyéthylène ; PU : polyuréthane ; SEBS : styrène-ethylènebutadiène-styrène ; TPO : oléfine thermoplastique. PVC PVC/PE PVC/PU PVC/SEBS SEBS TPO Classe Élastomère thermoplastique Élastomère thermoplastique Élastomère thermoplastique pH Potentiel zêta (mV) 5,1 5,0 5,1 5,0 5,0 5,0 -27,4 -37,0 -9,5 -39,6 -33,1 -30,1 60
3.1.3. Cathéters a) Statique
En condition statique, la concentration en principe actif a diminué par rapport à la concentration e à T24 et T96 avec tous les cathéters et pour les trois médicaments étudiés (Figure 33). Des pertes similaires en paracétamol ont été observées pour les trois cathéters en PU, alors que la concentration est revenue proche de sa valeur initiale à T96 après une perte à T24 pour les cathéters en silicone (Lifecath®). Avec les 3 cathéters en PU, la perte du diazépam est quasi-totale (comme pour le prolongateur en PVC/PU). Il en va de même avec le cathéter en silicone. Avec l'insuline, le pourcentage de perte est supérieur à 50% à T24 pour les 4 cathéters puis devient moins important à T96 pour toutes les tubulures sauf Turbo Flo®. Figure 33 : Évolution de la concentration en paracétamol (A), diazépam (B) et insuline (C) par rapport à la concentration initiale après contact statique avec des cathéters en polyuréthane (Blue FlexTip®, PowerPicc® et Turbo-Flo®) et en silicone (Lifecath®), (n = 3, moyenne ± erreur standard de la moyenne).
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Si l'on se tourne à présent vers le recueil des Légendes allemandes (Deutsche Sagen) des frères Grimm, on se rend compte que, là aussi, les montagnes sont loin d'être désertes : de nombreux récits attestent des croyances similaires à celles que nous rencontrons dans les contes. Comme les contes, où les nains sont plutôt bienveillants (à l'exception de celui du KHM 161), les Légendes allemandes font apparaître leur caractère ambivalent. Citons, à titre d'exemples, « L'esprit de la montagne » (DS 2) et « Le moine de la montagne dans le massif du Harz » (DS 3), qui évoquent un esprit appelé « Maître Hämmerling » ou « le moine de la montagne » et vivant à l'intérieur de celles-ci1039. Le conte « Mont Simeli » (KHM 142) nous servira de transition vers le deuxième groupe de textes où l'intérieur de la montagne est un lieu d'emprisonnement et de châtiment. Dans ce texte, qui est une version allemande du célèbre conte « Ali-Baba et les quarante voleurs », que l'Occident a découvert dans le recueil des Mille et une nuits1040, la croyance associant les montagnes aux richesses est considérablement affaiblie. La montagne n'y a plus rien d'un lieu merveilleux où les richesses s'autogénèrent : elle sert uniquement d'entrepôt aux voleurs qui y cachent leur butin. Si le caractère merveilleux est reporté sur le mécanisme permettant d'ouvrir et de refermer le passage vers l'intérieur de la montagne, cette croyance reste néanmoins présente en arrière-plan. Il était une fois deux frères, l'un était riche et l'autre pauvre. Mais le frère riche ne donnait rien au pauvre, et celui- devait subvenir péniblement à ses besoins en vendant son blé. Ses affaires étaient souvent si mauvaises qu'il n'avait pas de quoi nourrir sa femme et ses enfants. Un jour qu'il traversait la forêt avec sa charrette, il aperçut sur le côté une haute montagne chauve et, comme il ne l'avait jamais vue auparavant, il s'arrêta et la regarda, étonné. Alors qu'il était arrêté ainsi, il vit arriver douze hommes imposants et rustres. Pensant que c'étaient des voleurs, l'homme poussa sa charrette dans les fourrés, grimpa dans un arbre et attendit de voir ce qui allait se passer. 325 et, une fois qu'ils furent tous à l'intérieur, il se referma. Un peu plus tard, il s'ouvrit à nouveau et les hommes en ressortirent, portant de lourds sacs sur le dos. Lorsqu'ils furent tous à l'extérieur, ils dirent : « Mont Semsi, mont Semsi, ferme-toi. » Le mont se referma alors, si bien qu'il n'y avait plus moyen de distinguer l'entrée, et les douze hommes repartirent1041. Curieux de voir ce que renferme la montagne, l'homme se place devant elle et prononce à son tour la formule magique : et la montagne s'ouvrit devant lui aussi. Il y entra et vit que toute la montagne était une caverne pleine d'or et d'argent, et qu'au fond se trouvaient des monceaux de perles et de pierres précieuses qui scintillaient, comme du grain qu'on aurait entassé. 1042 La suite du conte est bien connue : l'homme charge sa charrette de pièces d'or et se construit une nouvelle maison. Lorsque tout l'argent est dépensé, il retourne à la montagne et emprunte le boisseau de son frère riche. Celui-ci, jaloux, enduit le boisseau de poix afin de savoir ce que son frère peut bien avoir besoin de mesurer. Ayant percé à jour le secret de son frère et appris comment entrer dans la montagne et en ressortir, le riche se rend sur place, mais il connaît un sort tout autre : subjugué par la vue des richesses, il oublie la formule permettant d'ouvrir la montagne (en appelant celle-ci « Mont Simeli » au lieu de « Mont Semsi ») et se retrouve pris au piège. La montagne le retient donc prisonnier jusqu'au retour des brigands. b. Un lieu d'emprisonnement et de châtiment
Dans quatre textes de notre corpus, l'intérieur de la montagne, séparé du reste du monde par ses parois solides, est un lieu de réclusion pour le héros ou pour un autre personnage. Notons qu'aucun texte n'évoque la question de l'éclairage de l'intérieur de ces montagnes creuses, à la différence des contes mettant en scène un monde souterrain1043 : l'absence d'indications à ce sujet, ainsi que la description de ce que le héros découvre semblent signifier qu'il n'est nullement surpris par la présence de lumière dans ce lieu clos. Le conte se distingue donc, en cela, des textes médiévaux mettant en scène des montagnes creuses, comme le souligne Danièle James-Raoul, et qui posent la question de leur éclairage, témoignant par là d'efforts de rationalisation1044. Dans le conte de Grimm « Les six serviteurs » (KHM 134), une sorcière a promis la main de sa fille à celui des prétendants qui saurait surmonter les trois épreuves qu'elle lui 1041 KHM, t. 2, p. 248-249. KHM,
t. 2, p. 249. 1043
Voir
le
chap
itre 1 de
cette troisième
partie. 1044 D. James-Raoul, « Monts et merveilles romanesques », dans La montagne dans le texte médiéval. Entre mythe et réalité, C. Thomasset et alii (éd.), Paris, PUPS, 2000, p. 255-283, ici p. 263. 1042 326
imposera. Après avoir triomphé des deux premières (retrouver un anneau jeté au fond de la mer Rouge, puis manger trois cents boeufs et vider trois cents tonneaux de vin) grâce à ses serviteurs doués de facultés extraordinaires, le héros doit affronter la dernière épreuve, en apparence la plus simple mais en réalité la plus redoutable : il doit réussir à garder sa promise dans ses bras pendant une nuit entière. Or la sorcière jette un sort au héros et à ses serviteurs qui s'endorment tous, et pendant ce temps-là, elle enlève sa fille et l'enferme « à l'intérieur d'une falaise située à trois cents lieues » de là. Finalement, un des auxiliaires magiques du héros, doué d'un regard perçant au point de faire voler en éclats l'objet sur lequel il se pose, parvient à ouvrir la montagne en la faisant éclater et à en libérer la jeune fille. La montagne est donc ici non seulement un obstacle infranchissable mais une prison dont la simple force humaine ne saurait venir à bout. 327 de la forêt, et lui tire une balle de son fusil, le touchant au ventre1046. Le lešij s'enfonce alors dans la forêt, suivi du chasseur et de son chien. [Le chasseur] marcha, marcha et arriva jusqu'à un tertre. Dans ce tertre, il y avait une crevasse, et dans cette crevasse se trouvait une petite maisonnette. Il entra dans la maisonnette et y vit le sylvain gisant sur un banc avec près de lui une jeune fille qui sanglotait amèrement : « A présent, qui va s'occuper de moi et me nourrir? » Le chasseur ne parvient pas à lui faire dire d'où elle vient. Mais il l'emmène avec lui : « Je vais te ramener dans la Sainte Russie ». Il avançait tout en posant des repères partout sur les arbres. Quant à cette jeune fille, elle avait été enlevée par le sylvain et avait passé trois années entières chez lui. Ses vêtements étaient tombés en lambeaux, si bien qu'elle était toute nue! Et cependant, le sentiment de honte lui était étranger. Une fois au village, le chasseur demanda si personne n'avait perdu une fille. Le pope se manifesta alors : « C'est ma fille », dit-il! Sa femme accourut : « Ma chère petite enfant! Où étais-tu passée pendant tout ce temps? Moi qui ne pensais plus te revoir! » La fille, elle, les regardait en clignant des yeux, sans rien comprendre. Mais après, elle revint à elle petit à petit Le pope et sa femme la donnèrent en mariage à ce chasseur et lui offrirent beaucoup de biens en récompense. Un jour, ils entreprirent de chercher la maisonnette où la jeune fille avait vécu chez le sylvain. Ils errèrent longtemps à travers la forêt, mais ils ne la trouv èrent point1047. Notons qu'ici aussi, le tertre est associé à la forêt, celle-ci constituant une séparation d'avec le monde des hommes. Dans ce conte, c'est en suivant le lešij blessé que le chasseur parvient jusqu'à la maison de celui-ci, où il retrouve la jeune fille. Le narrateur prend bien soin de préciser que le chasseur marque les arbres pour pouvoir retrouver l'habitat de cet être surnaturel et prouver la véracité de ses dires, mais la maison semble avoir disparu en même temps que son occupant. Cette localisation de l'habitat du lešij dans un lieu qui est doublement à l'écart du monde des hommes – dans la forêt et à l'intérieur du tertre – est un synonyme de bannissement de cet être placé du côté du diable. Pour la jeune fille, ce tertre est un lieu d'emprisonnement où elle a passé trois ans1048. Comme le rapporte l'ethnologue russe D. Zelenin, on croyait en effet que les personnes disparues avaient été enlevées par l'esprit impur1049. 1046 Notons qu'ici, contrairement à d'autres textes présentant une situation similaire où un homme se retrouve face à un démon, ce conte n'utilise pas le motif des balles d'argent (ou des balles bénies) qui seules peuvent venir à bout de cet adversaire surnaturel. Il s'agit alors du motif du Erbknopf – littéralement « bouton hérité », par exemple dans le conte KHM 60 « Les deux frères ». Sur ce point, voir : C. Lecouteux, Dictionnaire de mythologie germanique, Paris, Imago, 2005, p. 242-243 ;
C
. Lecouteux, Elle courait
le garou. Lycanthropes, hommes-ours, hommes-tigres. Une anthologie, Paris, Editions José Corti, 2008, p. 130 ; K. Müllenhoff, Sagen, Märchen und Lieder der Herzogtümer Schleswig, Holstein und Lauenburg, Schleswig, 1921, p. 248. 1047 NRS, t. 3, p. 146.
1048 Contrairement à d'autres textes (notamment le KHM 39 (2) cité plus haut), ce récit ne donne que la durée de l'absence de la jeune fille en temps humain. Il semble que l'écoulement du temps soit ici le même dans les deux mondes. 1049 Voir D. Zelenin, Očerki russkoj mifologii: umeršie neestestvennoj smert'ju i russalki, op. cit. supra, p. 469. 328 Figure 12 : Maria V. Jakuničkova-Weber, « La petite fille et le génie de la forêt1050 » (18
Le conte des frères Grimm « Le cercueil de verre » (KHM 163) est certainement celui où l'enfermement à l'intérieur de la montagne atteint son paroxysme. Un tailleur, guidé par un cerf blanc1051, pénètre à l'intérieur d'une « falaise » – c'est-à-dire d'une montagne – où il trouve une première salle ainsi qu'un passage permettant de descendre à un « étage » inférieur – le tailleur se trouve alors non seulement à l'intérieur de la montagne, mais aussi sous terre. Il y découvre deux caisses de verre, l'une contenant une jeune fille endormie, l'autre un château en miniature. La jeune fille se réveille, lui apprend comment la délivrer, et lui raconte son histoire dans une longue analepse, chose rare dans le conte. Ensuite, les deux jeunes gens transportent ensemble à l'air libre l'autre caisse de verre, et le château de la jeune fille reprend ses dimensions d'origine. Grâce à une sorte de mise en abîme, la montagne est donc ici le lieu
1050 M. V. Jakuničkova-Weber, « La petite fille et le génie de la forêt » (lin, coton, tissus appliqués et rebrodés au coton », collection particulière, dans M. Pochard et alii (éd.), L'art russe dans la seconte moitié du XIXème siècle : en quête d'identité, (catalogue de l'exposition du Musée d'Orsay, Paris, 19 septembre 2005-8 janvier 2006), Editions de la Réunion des musées nationaux, Paris, 2005, p. 323. 1051 Nous avons vu le rôle de cet animal conducteur dans la deuxième partie de cette 329 d'un double, voire d'un triple enfermement : la jeune fille est enfermée dans un cercueil qui se trouve lui-même à l'intérieur d'une montagne, et qui est protégé par un mécanisme qu'une voix mystérieuse dévoile au héros1052. Dans « Les trois princesses noires » (KHM 137), le héros parvient à échapper aux ennemis qui l'ont enlevé alors qu'il se trouvait en mer. Sa rencontre avec l'autre monde a lieu lorsqu'il se trouve dans un ailleurs indéterminé. [Il] arriva au sommet d'une haute montagne qui se trouvait dans une grande forêt. La montagne s'ouvrit et il entra dans un grand château ensorcelé, où les chaises, les tables et les bancs étaient tous recouverts de tissu noir. Trois princesses vinrent à sa rencontre ; elles étaient tout de noir vêtues, et seul leur visage était encore blanc par endroits. Elles lui dirent de ne pas avoir peur : elles ne lui feraient aucun mal, mais lui, il pouvait les délivrer. Il leur répondit que oui, il le ferait volontiers si seulement il savait ce qu'il devait faire pour cela. Elles lui dirent qu'il ne devrait pas leur parler ni les regarder pendant toute une année ; quand il voudrait quelque chose, il n'aurait qu'à le dire, et, quand elles auraient le droit de lui répondre, elles le feraient1053. Comme souvent, la couleur noire est signe de la malédiction qui pèse sur ces personnages. Ce château semble être un monde provisoire, car il disparaît lorsque le héros, une fois revenu dans l'autre monde après une visite chez ses parents, suit le conseil donné par sa mère et fait couler sur le visage des princesses ensorcelées de la cire d'un cierge béni. elles devinrent toutes blanches jusqu'à mi-corps. Les trois princesses bondirent alors hors de leurs lits et s'écrièrent : « Chien maudit que tu es! Notre sang doit crier vengeance : à présent, il n'y a plus aucun homme sur terre qui puisse nous délivrer, et il n'en naîtra plus jamais aucun! Nous avons encore trois frères qui sont enchaînés avec sept chaînes, et ils te mettront en pièces! » Le château tout entier résonna alors de cris terribles, et le jeune homme parvint tout juste à prendre la fuite en sautant par la fenêtre. Il se cassa une jambe, quant au château, il s'enfonça de nouveau dans le sol. La montagne s'était refermée, et personne ne savait plus où cela s'était passé1054. Citons au passage, malgré son absence dans notre corpus, une autre occurrence de montagnes comme lieu de bannissement : les volcans, montagnes crachant du feu et à l'intérieur desquelles l'imagination populaire situait les enfers, y bannissant de cette façon les démons et les damnés. Cette représentation se rencontre notamment dans le Lucidarius1055. Dans nos contes, cette absence s'explique aisément par la loi des écotypes, les volcans étant absents de l'aire géographique germanique et slave. 1052 Le motif de la descente dans un monde souterrain à partir d'une porte dans la falaise se retrouve dans « Ivan de-la-chienne et le Sylvain Blanc » (NRS 139), étudié dans le premier chapitre de cette partie. On peut considérer que ce type de textes constitue une variante du monde souterrain. 1053 KHM, t. 2, p. 243. 1054 KHM, t. 2, p. 244. 1055 D. Gottschall et alii (éd.), Der deutsche Lucidarius, op. cit. supra. Nous reviendrons sur cette représentation un peu plus loin, lorsque sera étudié le purgatoire. 330 c. Un lieu de refuge à l'écart du monde des hommes et de sa temporalité
Bien que cette catégorie ne concerne que deux textes de notre corpus, le conte russe « Va je ne sais où, rapporte je ne sais quoi » (NRS 212) et la légende pour les enfants intitulée « Les douze apôtres » (KL 2) des frères Grimm, elle n'en est pas moins d'une importance capitale dans la mesure où elle nous permet de nous arrêter plus longuement, grâce au second texte, sur le motif de l'écoulement du temps dans l'autre monde. Dans le conte « Va je ne sais où, rapporte je ne sais quoi » (NRS 212), le héros doit se rendre dans un lieu dont le nom, « je ne sais où », reflète le caractère totalement inconnu. Ses pas le mènent chez une vieille femme, une maîtresse des animaux qui se révèle être la mère de son épouse. De tous les animaux qu'elle convoque, nul ne sait où se trouve le lieu que cherche le héros. Seule une très vieille grenouille lui apprend qu'il doit se rendre extrêmement loin, au bout du monde1056, et elle le guidera ensuite vers son but1057. Près ou loin, long ou court – il arriva à une rivière de feu. De l'autre côté de cette rivière se dresse une montagne, dans laquelle on voit une porte. « Croâ, croâ, dit la grenouille, laisse-moi sortir du bocal, nous devons traverser la rivière. » L'archer sortit la grenouille du bocal et la posa par terre. « Allez, vaillant jeune homme, monte sur mon dos, mais ne t'inquiète pas : tu ne m'écraseras pas! » L'archer monta donc sur le dos de la grenouille et la plaqua contre le sol : soudain, la voilà qui se met à gonfler, gonfler, gonfler et qui devient aussi grande qu'une meule de foin. L'archer n'avait qu'une idée en tête : essayer de ne pas tomber : « Si je tombe, je mourrai sur le coup! » La grenouille gonfla encore puis elle fit un bond – et elle se retrouva de l'autre côté de la rivière de feu et redevint à nouveau toute petite. « A présent, brave jeune homme, entre par cette porte, quant à moi, je t'attendrai ici. Tu entreras dans une grotte et tu te trouveras une bonne cachette. Dans un petit moment, deux vieillards y entreront ; fais bien attention à ce qu'ils diront et à ce qu'ils feront. Puis, quand ils seront repartis, tu diras et tu feras la même chose qu'eux1058. » La montagne joue dans ce conte avant tout un rôle d'abri où les deux vieillards peuvent profiter des dons de leur serviteur surnaturel loin des regards et de la convoitise des autres hommes, même s'il est vrai que ce lieu est déjà séparé du reste du monde par plusieurs obstacles. En effet, le texte du conte accumule les éléments matérialisant une frontière : à la simple évocation de la distance s'ajoutent la rivière de feu puis les parois de la montagne1059. Mais c'est surtout dans « Les douze apôtres » (KL 2) que la montagne joue un rôle central comme lieu de refuge, dans la mesure où l'action de cette « légende pour les enfants » 1056 Le caractère lointain de ce royaume a été évoqué dans le troisième chapitre de cette partie. Nous avons vu dans la deuxième partie de cette étude que le héros porte la grenouille dans un bocal rempli de lait. 1058 NRS, t. 2, p. 141. 1059 La rivière de feu est, comme nous l'avons vu, un signal lexical marquant l'arrivée du héros au bout du monde, à l'ultime limite du monde des hommes. 1057 331 (Kinderlegende) est doublée d'une dimension eschatologique. La brièveté de ce récit nous autorise à le citer en entier. C'était trois cents ans avant la naissance de notre Seigneur Jésus-Christ. Il y avait alors une mère qui avait douze fils, mais elle était si pauvre et si miséreuse qu'elle ne savait pas comment maintenir ses enfants en vie plus longtemps. Elle priait Die tous les jours de faire en sorte que tous ses fils se retrouvent ensemble sur terre avec le Sauveur dont la venue était promise. Lorsque sa misère se fit de plus en plus grande, elle les envoya de par le monde, l'un après l'autre, afin qu'ils gagnent leur pain. L'aîné s'appelait Pierre, il partit et avait déjà fait beaucoup de chemin, une journée entière de marche, quand il se retrouva dans une grande forêt. Il chercha une sortie mais il n'en trouva point, et il s'égara de plus en plus. Et il avait si faim qu'il pouvait à peine tenir debout. Le motif du sommeil pendant l'attente d'un temps nouveau permet de rapprocher cette légende du groupe de récits des Légendes allemandes qui évoquent les empereurs Frédéric Barberousse ou Charlemagne endormis à l'intérieur d'une montagne, et où celle-ci est le lieu d'une promesse en attente : « quand [l'empereur] en sortira, il suspendra son bouclier à un arbre sec, et celui-ci reverdira et un temps meilleur viendra1061. » Dans la légende KL 2, lorsqu'ils trouvent refuge à l'intérieur de la montagne, les enfants échappent non seulement à la misère et à la faim, mais aussi à la mort, c'est-à-dire à l'écoulement du temps humain. Leur séjour à l'intérieur de la montagne s'apparente à un ravissement dans un monde autre où le temps s'écoule différemment : soustraits au temps des hommes, ils vivent dans un temps divin qui est celui de l'éternité. S'il rappelle d'autres textes où les personnages trouvent refuge à l'intérieur d'une grotte isolée (ou, comme c'est souvent le cas dans le recueil des frères Grimm, dans un arbre creux), ce conte religieux a tout d'un récit de miracle : le merveilleux est ici clairement chrétien. 1060 KHM, t. 2, p. 434-435. « Frédéric Barberousse dans le Mont de Kyffhausen » (DS 23), Deutsche Sagen, op. cit. supra, p. 65. Voir également les textes : « Le roi ensorcelé à Schildheiss » (DS 25), « La sortie de l'empereur Charlemagne » (DS 26), « L'empereur Charlemagne dans le mont Untersberg » (DS 28).
1061
332
Cette « légende pour les enfants » est directement inspirée de la légende des sept dormants d'Ephèse1062 (AaTh 766 ; Tubach 4440 ; Mot. V 232 et V 292) et met en scène, elle aussi, un ravissement collectif. Le motif sur lequel s'ouvre la légende des sept dormants d'Ephèse, la persécution des chrétiens par l'empereur Decius, est considérablement adouci dans le texte des frères Grimm, qui la remplacent par la seule misère matérielle qui met en péril la survie de la famille. Néanmoins, le motif du ravissement (Entrückung), qui constitue le coeur du récit, est le même, à quelques détails près : tout d'abord, les douze frères de la légende des Grimm s'endorment l'un après l'autre, aussitôt qu'ils sont couchés dans leurs petits berceaux d'or, alors que les sept chrétiens d'Ephèse – qui sont frères par leur foi chrétienne, mais nullement par des liens du sang – s'endorment tous en même temps1063. La durée du sommeil diffère également d'un récit à l'autre, le texte de Jacques de Voragine étant plus précis. Cependant, dans les deux cas, le temps que les personnages passent hors du monde dépasse très largement la durée de la vie humaine. Le calcul qui clôt le récit de La légende dorée et où l'aspiration du narrateur à un maximum de précision est aisément perceptible a pour but de renforcer la crédibilité du récit : La légende veut que les sept saints aient dormi pendant 372 ans ; mais la chose est douteuse, car c'est en l'an 448 qu'ils ressuscitèrent, et Décius régna en l'an 252 : de sorte que, plus vraisemblablement, leur sommeil miraculeux ne dura que 196 ans1064. La manière dont le ravissement est vécu par les personnages diffère aussi considérablement d'un texte à l'autre : dans le texte des frères Grimm, clairement destiné à un public enfantin, la réaction des douze frères à leur réveil n'est pas évoquée. La légende des sept dormants, en revanche, insiste sur le temps écoulé et les changements intervenus dans la ville : à la persécution des chrétiens s'oppose la croix chrétienne qui orne désormais toutes les portes de la ville d'Ephèse, l'argent avec lequel un des jeunes gens veut payer son pain est pris pour un trésor très ancien, le visage de la ville elle-même a changé et plus personne ne connaît ces jeunes gens. En outre, les sept chrétiens d'Ephèse, à leur réveil, reprennent leur discussion là où le sommeil l'avait interrompue, « comme s'ils n'avaient dormi qu'une nuit1065 », dit le texte, tant les persécutions dont ils sont victimes les inquiètent. Cette légende met également l'accent sur la manière dont ce temps passé hors du monde est vécu par les personnages : à l'incompréhension succède peu à peu la certitude qu'il ne peut s'agir que d'un miracle. 1062 J. de Voragine, La légende dorée,
Paris
, Seuil, 1998,
coll
. Points, p. 366-370. « Et tandis qu'ils étaient à table, causant entre eux avec des larmes, Dieu voulut que soudain, ils s'endormissent tous les sept », ibid.
, p
.
366.
1064 ibid., p. 370. 1065 ibid., p. 367. 1063 333
On peut rapprocher la légende des douze apôtres de deux autres textes des frères Grimm dont le motif central aussi l'écoulement surnaturel du temps. La légende sur laquelle s'ouvre le recueil des Légendes allemandes, « Les trois mineurs du mont Kuttenberg » (DS 1) raconte comment trois mineurs très pieux sont ensevelis dans la galerie où ils travaillent ; ils ont seulement avec eux du pain pour une journée et, dans leur lampe, de l'huile pour une journée, mais bien que croyant leur mort proche, ils continuent à travailler et à prier. Il arriva alors que leur lumière brûla pendant sept ans, et que leur petit peu de pain, dont ils mangeaient chaque jour, ne diminua pas; au contraire, il resta toujours aussi grand, si bien qu'ils crurent que ces sept ans n'étaient qu'une seule journée. Mais comme ils ne pouvaient ni se couper les cheveux, ni se tailler la barbe, ceux-ci avaient poussé et étaient devenus très longs1066. Leur emprisonnement dans la montagne prend fin lorsqu'ils font le voeu, un jour, le premier de mourir s'il pouvait revoir la lumière du jour, le second s'il pouvait manger une fois chez lui avec sa femme, et le troisième s'il pouvait vivre encore une année heureux avec sa femme. Dès qu'ils prononcent ces mots, la montagne se met à craquer et s'ouvre, après quoi leurs désirs se réalisent : « Dieu avait donc exaucé leurs voeux en raison de leur piété1067. » Quant au motif du sommeil qui protège les personnages de la mort, il se rencontre dans le conte « Les enfants pendant la famine » (KHM 143 a), publié dans la première édition des Kinder- und Hausmärchen et supprimé par les frères Grimm dès la deuxième édition du recueil (1819), probablement en raison de sa proximité avec le genre de la légende et de son caractère violent1068. Dans ce récit, une mère qui a deux filles est si pauvre qu'elle veut tuer ces dernières pour ne pas mourir de faim. Les fillettes lui répondent donc ceci : Chère mère, nous allons nous coucher et dormir, et nous ne nous lèverons pas avant que le jour du Jugement Dernier arrive. Sur ces mots, elles s'allongèrent et s'endormirent d'un sommeil profond d'où personne ne pouvait les tirer. Quant à leur mère, elle a disparu, et nul ne sait où elle est allée1069. Ces différents récits, qui situent une partie de l'action à l'intérieur d'une montagne, ont en commun le motif de l'écoulement surnaturel du temps : le temps de l'autre monde semble ralenti. Dans ces textes, qui portent tous clairement la marque de la christianisation et qui
1066 Brüder Grimm, Deutsche Sagen, Munich, Goldmann Verlag, 1998, p. 45. ibi
d.,
p
. 46. 1068 Ernest Tonnelat explique la suppression de ce récit comme suit : il s'agit plutôt d'un « fait-divers que [d'] un conte populaire, et l'on conçoit que les frères Grimm n'aient pas voulu laisser subsister parmi des récits d'imagination pure l'histoire, d'ailleurs pauvrement contée, d'une misère trop véritable. » Par ailleurs, les autres versions de ce récit comportant une localisation précise de l'action, il voit dans ce texte plutôt une légende (Sage) qu'un conte ; dans Les Contes des frères Grimm
. Etude sur la composition et le style
, Paris, Armand Colin,
1912
, p. 46. 1069 KHM, t. 2,
p
.
515
. 1067 334 s'apparentent à des récits de miracles, ce temps surnaturel est le temps divin, celui de l'éternité, qui s'oppose au temps humain et que le psaume 90 évoque ainsi : Car mille ans sont à tes yeux Comme le jour d'hier qui passe, Comme une veille dans la nuit1070. Le conte d'Afanassiev intitulé « La montagne de cristal » (NRS 162) met également en scène un monde situé en partie à l'intérieur d'une montagne, ou plutôt partiellement « englouti » par une montagne. Il sera étudié dans la partie de ce chapitre consacrée au motif de la montagne de verre.
2. Les mondes situés en haut d'une montagne ou dans une région montagneuse
Dans un autre groupe de textes, l'autre monde dans lequel parvient le héros ne se trouve pas à l'intérieur d'une montagne, mais au sommet de celle-ci. Nous allons à présent examiner les différentes fonctions des sommets, situés entre ciel et terre. a. Le sommet, une localisation privilégiée de la merveille
Comme pour les mondes situés à l'intérieur des montagnes, les sommets de montagnes sont souvent synonymes de merveille. Cette affinité se retrouve d'ailleurs dans un certain nombre de langues européennes, comme l'attestent les locutions : ainsi le français « promettre monts et merveilles », l'allemand goldene Berge versprechen, l'anglais to promise mountains of gold1071, ou encore le russe « promettre des montagnes d'or » (sulit' zolotyje gory1072). Selon Danièle James-Raoul, ces expressions seraient une allusion aux « capitaines qui, pour donner du courage à leurs hommes, leur promettaient dans les expéditions de leur faire 1070 Psaumes 90, 4, dans La Bible de Jérusalem, Paris, Cerf-Desclée de Brouwer, 1979, p. 883. Concernant la temporalité propre à l'autre monde, nous renvoyons aux travaux de Felix Karlinger : F. Karlinger,
Zauberschlaf
und
Entrückung. Zur Problematik des Motivs der Jenseitszeit in der Volkserzählung, Selbstverlag des österreichischen Museums für Volkskunde
,
Wien
,
1986
;
F
.
Karlinger, « Vom Stillstand der Zeit in der Volkserzählung », dans U. Heindrichs et alii (éd.), Die Zeit im Märchen, Kassel, Röth, 1989 (Veröffentlichungen der Europäischen Märchengesellschaft, Bd. 13
),
p
.
141
-
147
. 1071 Danièle James-Raoul observe que, dans certaines langues, le second élément de l'expression « monts et merveilles » - la merveille, donc – varie : on a ainsi, en italien promettere mari e monti (promettre des mers et des montagnes), et en espagnol prometer el oro y el moro (promettre l'or et le Maure). Voir D. James-Raoul, art. cit. supra, p. 255-256. 1072
Dal', Dictionnaire raisonné de la langue grand-russe vivante, op. cit. supra, t. 1, p. 375. 335 franchir des montagnes et de conquérir des terres merveilleuses qui les récompenseraient amplement des efforts fournis »1073. Les occurrences de montagnes liées, d'une manière ou d'une autre, à la merveille abondent dans notre corpus. On rencontre tout d'abord des montagnes qui sont, à elles seules, des merveilles de la nature, dans la mesure où elles sont faites d'or ou d'argent, ou encore de pierres précieuses. Dans le conte de Grimm « L'âne aux deux salades » (KHM 122), la fille de la sorcière chez qui le héros arrive, se languit de ne pouvoir se rendre sur la montagne de grenat qui se trouve au loin, en face du château : « Là-bas, en face, se dresse la montagne de grenat où poussent ces pierres magnifiques. [] mais qui pourrait aller les chercher? Seuls les oiseaux, qui volent, peuvent s'y rendre, mais pour un homme, c'est une chose impossible1074. » Le héros, un chasseur, éperdument amoureux de la demoiselle, trouve aussitôt le moyen de satisfaire le désir de celle-ci grâce au manteau magique qu'il possède : il la prit sous son manteau et fit le voeu d'être transporté en face, sur la montagne de grenat, et en un clin d'oeil, ils furent là-bas tous les deux. Les pierres somptueuses étincelaient de tous côtés et leur réjouissaient les yeux, et les deux jeunes gens ramassèrent les plus belles et les plus précieuses qu'ils purent trouver1075. Mais, un peu plus tard, sous l'effet d'un sort jeté par la sorcière, le chasseur s'endort au sommet de la montagne ; la jeune fille lui dérobe son manteau et l'abandonne. Quand le chasseur eut dormi son content et qu'il se réveilla, il vit que sa bien-aimée l'avait trompé et qu'elle l'avait abandonné, seul, sur la montagne désolée. « Oh, comme l'infidélité est grande en ce monde! » s'écria-t-il. Il resta là, en proie au chagrin et aux soucis, et ne sachant que faire. Cependant, cette montagne appartenait à des géants sauvages et monstrueux, qui y avaient élu domicile. Le chasseur n'était pas là depuis longtemps qu'il en aperçut trois qui venaient dans sa direction. Il s'allongea alors sur le sol, faisant semblant d'être profondément endormi. Les géants arrivèrent à sa hauteur et le premier le poussa du pied en disant : « Qu'est-ce donc que ce vermisseau qui est étendu là, à regarder à l'intérieur de la montagne? – Écrase-le! dit le deuxième. Mais le troisième dit, d'un air méprisant : « Il ne manquerait plus que l'on se donne du mal pour cela! Épargnez-le : il ne peut pas rester ici, et s'il monte plus haut, jusqu'au sommet, les nuages l'emporteront1076. » Cet extrait nous permet de faire quatre observations. Premièrement, la montagne est peuplée de créatures surnaturelles qui semblent hostiles à l'homme ou, plus exactement, qui
1073 D. James-Raoul, art. cit. supra, p. 255-256. Voir également : J. Tournemille
, «
Montagne et mont dans les locutions
»,
dans Vie et langage
,
126 , septembre 1962, Paris, Larousse, p. 495. 1074 KHM, t. 2, p. 175.
Notons au passage que le début de cet extrait, en particulier l'utilisation du verbe wachsen, « croître », reflète la croyance médiévale selon laquelle les pierres sont des êtres vivants comme les autres.
Voir notamment Thomas de Cant
impré
: « Est
autem questio, quomodo fiunt in visceribus terre
. Et
repon
demus ex
dix
tis philolophorum, quod ex vaporibus fiunt, qui de inferrioribus partibus terre consurgunt et intercluduntur, sortiuturque formam secundum locum quem vacuum in terra reperiunt
», dans De natura rerum, livre XIV, chap. 1, éd. H. Boese, Berlin, De Gruyter, 1973, p. 355. 1075 KHM, t. 2, p. 175. 1076 KHM, t. 2, p.175-176. 336 voient d'un mauvais oeil l'intrusion d'un humain dans leur domaine : le verbe „appartenir" identifie clairement la montagne de grenats comme le domaine des géants, qui semblent en être les gardiens, et l'homme y est par conséquent un étranger et un intrus. Deuxièmement, les paroles des géants lorsqu'ils aperçoivent le chasseur étendu sur la montagne – « Qu'est-ce donc que ce vermisseau qui est étendu là, à regarder à l'intérieur (en allemand : und beschaut sich inwendig)? » – nous laissent supposer que cette montagne est non seulement creuse, mais aussi transparente ou, du moins, translucide : ainsi, le chasseur, allongé sur la montagne, pourrait voir ce qui se passe à l'intérieur de celle-ci en collant son oeil au sol1077. Nous rejoignons donc ici les représentations évoquées au début de ce chapitre, et selon lesquelles les montagnes étaient creuses et habitées. Troisièmement, les géants révèlent involontairement au héros le moyen de quitter la montagne, en se laissant emporter par les nuages. Apparemment, il est impossible d'en descendre, à moins de posséder un objet magique, comme le manteau utilisé plus haut par le soldat. Nous verrons dans les pages qui vont suivre que l'ascension des montagnes ne peut se faire sans objet ou sans auxiliaire magique. Enfin, la montagne de grenat, dont le sommet disparaît dans les nuages, renvoie au motif universellement répandu de la montagne cosmique qui relie le ciel à la terre et forme un axis mundi – un thème sur lequel nous reviendrons à la fin de ce chapitre1078. Dans ce conte, la montagne est donc à la fois l'habitat de créatures surnaturelles ou de démons (au sens du grec daimon), et un lieu de concentration de richesses. Hormis cette montagne de grenat, nous rencontrons également dans notre corpus trois occurrences de montagnes d'or. Le conte des frères Grimm « Le roi de la montagne d'or » (KHM 92) s'ouvre sur le motif de l'enfant promis au diable. Le garçon parvient cependant à se soustraire au pacte conclu par son père avec le Malin et, après une navigation à bord d'un petit esquif qui chavire peu après son départ, il arrive « sur un rivage inconnu » où s'élève « un beau château ». La suite du conte semble rattraper une ellipse probablement due à un oubli du narrateur : après avoir délivré une princesse métamorphosée en serpent du sortilège qui pesait sur elle, le héros l'épouse et devient « roi de la Montagne d'or » (en italiques dans le texte), alors que cette montagne n'a pas été mentionnée auparavant dans le récit. La logique le texte du conte est équivoque : on peut également comprendre, à travers les propos des géants, qu'ils interprètent le sommeil du héros comme une activité introspective. 1078 Nous avons déjà rencontré le motif de la montagne qui touche le ciel dans le conte « Les gens avisés » (KHM 104), où il était traité sur un mode parodique. 337 du conte voudrait que cette montagne d'or soit celle où s'élève le château, ce que confirme la suite du conte. Il s'agit donc vraisemblablement d'une incohérence du récit. Comme dans « L'âne aux deux salades » (KHM 122), cette montagne ne peut être escaladée sans aide surnaturelle : le héros y parvient grâce à des bottes magiques qui ont la propriété de transporter celui qui les a aux pieds là où il souhaite se rendre. La montagne d'or se distingue également par le fait qu'on y trouve l'Eau de la Vie, capable de ressusciter les morts. En effet, lors de la première rencontre du héros avec la princesse ensorcelée, celle-ci lui explique qu'il doit subir trois nuits d'épreuves pour la délivrer du sort qui pèse sur elle : « [] Cette nuit, il viendra douze hommes noirs, chargés de chaînes. Ils te demanderont ce que tu fais ici, mais ne dis rien, ne leur réponds pas et laisse-les faire de toi ce qu'ils veulent : ils te tourmenteront, te battront et te piqueront, mais laisse-les faire et ne dis rien ; à minuit, ils devront repartir. Et la deuxième nuit, il en viendra douze autres, et la troisième nuit, vingt-quatre autres qui te trancheront la tête ; mais à minuit, ils n'auront plus aucun pouvoir, et si tu as tenu bon sans prononcer le moindre mot, je serai délivrée. Je viendrai te retrouver et j'aurai de l'Eau de la Vie dans un flacon ; je t'en enduirai, et tu retrouveras la vie et tu seras aussi bien portant qu'avant1079. » Le héros rencontre généralement ce genre de montagnes faites de mes ou de métaux précieux dans des lieux isolés 1080. Ainsi, dans la situation initiale du conte « Le sac, le chapeau et le cor » (KHM 54), trois frères partent en quête du bonheur et trouvent, au milieu d'une forêt, une montagne d'argent puis, un peu plus loin une montagne d'or. Les frères aînés remplissent leurs poches et rentrent chez eux, alors que le troisième poursuit sa route, bien décidé à rencontrer d'autres merveilles encore1081. Toutes ces montagnes d'or, d'argent ou de grenat étonnent donc même dans l'univers du conte, pourtant pétri de merveilleux1082. 1079 KHM t. 2, p. 46-47. Tel est le cas, notamment, dans le conte d'Afanassiev intitulé « La montagne d'or » (NRS 243), où la montagne en question est située sur une île. Ce conte sera étudié au chapitre suivant. 1081 Voir KHM, t. 1, p. 278-279. 1082 On peut rapprocher de ces textes la deuxième version donnée par Afanassiev du conte « Les trois royaumes : le royaume de cuivre, le royaume d'argent et le royaume d'or » (NRS 129), où ces royaumes se situent non pas sous terre, comme dans les deux autres versions (NRS 128 et 130), mais au sommet de montagnes que le héros escalade à l'aide de griffes. Signalons dès à présent que ces trois métaux recouvrent un schéma indo-européen. 1080 338 Ainsi, dans le conte « La princesse ensorcelée » (NRS 272), le héros dérobe ses bottes magiques à trois diables qui se disputent leur héritage au pied d'une montagne située sur une île lointaine. Une fois de plus, l'association de ce lieu et de ces créatures surnaturelles est signifiante. Ailleurs, dans le conte russe « La montagne d'or » (NRS 243), c'est également sur une île montagneuse que le héros reçoit le briquet et la pierre à feu magiques qui lui permettront ensuite de redescendre de la montagne d'or. A la différence des objets magiques, que le héros reçoit de personnages qu'il rencontre sur son chemin, l'intérêt des objets extraordinaires ne réside pas dans leurs propriétés magiques : il s'agit d'objets qui suscitent l'émerveillement, l'étonnement et la convoitise. Ils sont en général à l'origine d'une quête que le héros accomplit soit de son propre , soit sur ordre d'un tiers1083. Les objets extraordinaires semblent se rencontrer surtout dans le recueil d'Afanassiev, alors que dans les Contes de l'enfance et du foyer prédominent les objets magiques. Dans les textes de notre corpus, les objets extraordinaires le plus souvent associés à la montagne sont la plume de l'oiseau de feu et l'Eau de la Vie, ce dernier motif étant commun aux deux recueils ; on rencontre également l'oiseau parlant. La plume de l'oiseau de feu est sans aucun doute l'exemple le plus éloquent. 1083 Il s'agit de la fonction désignée par Vladimir Propp comme « le Manque » (VIIIa) ; voir V. Propp, Morphologie du conte, Paris, Seuil, 1965 et 1970, p. 46-47. 1084 NRS, t. 1, p. 427. 339
La situation initiale est identique dans les deux versions : le tsar surprend la conversation de trois soeurs, occupées à filer, qui disent respectivement vouloir épouser le boulanger du tsar, le serviteur du tsar, et le tsar lui-même1085. La troisième soeur promet de donner au tsar deux fils et une fille. Peu après, le tsar épouse cette jeune fille, et donne ses soeurs en mariage respectivement à son boulanger et à son serviteur. La tsarine met au monde, l'un après l'autre, trois enfants – deux garçons puis une fille – auxquels ses soeurs, jalouses, substituent des petits d'animaux. Quant aux nouveaux-nés, elles les déposent dans une boîte qu'elles jettent dans la mare du jardin royal. L'un après l'autre, les enfants sont recueillis par le jardinier qui les élève, puis qui leur construit une maison hors de la ville. Un jour, une vieille femme qui passe par là dit qu'il manque trois choses à leur maison pour que celle-ci soit parfaite : un oiseau parleur, un arbre qui chante et de l'Eau de la Vie. Le frère aîné part donc en quête de ces objets merveilleux. Dans la forêt qu'il traverse, il rencontre un vieil homme assis dans les branches d'un arbre, qui lui demande où il va et lui donne un petit oeuf (katoček1086) qu'il doit faire rouler devant lui et qui lui indiquera le chemin. Le jeune homme suit l'oeuf qui roule et parvient au pied d'une montagne haute et escarpée. Le fils du tsar monta jusqu'à la moitié de montagne et, soudain, il disparut1087. Le deuxième frère connaît le même sort, puis, la soeur part à la recherche des trois objets merveilleux et de ses frères. Comme ses frères, elle rencontre le vieil homme juché dans les branches d'un arbre, qui tente cependant de la faire renoncer à son entreprise : « Grand-père, dis-moi où je puis trouver l'oiseau parleur, l'arbre qui chante et l'Eau de la Vie? » Le petit vieux lui répondit : « D'autres, plus malins, ont tenté la chose avant toi, et ils ont disparu sans laisser de trace1088. » Cette tentative de dissuasion a une portée double : tout d'abord, elle laisse transparaître une idée propre aux sociétés patriarcales et selon laquelle le voyage est une expérience réservée aux hommes. Dans le contexte du conte, toutefois, ces paroles ont une fonction bien précise : il s'agit d'une épreuve implicite pour l'héroïne. La jeune fille demande alors une nouvelle fois au vieil homme : « Dis-le moi, s'il te plaît », à la suite de quoi il lui remet 1085 Cette ouverture évoque immanquablement, pour le lecteur russophone, le début du conte en vers de Pouchkine « Le conte du tsar Saltan » - preuve, si besoin en était, du caractère populaire de ce qui est pourtant, par sa nature, un conte éminemment littéraire, et de la circulation de la matière des contes entre oralité et écriture
. Voir à
ce
sujet
:
J
.-
L
. Backès, « Pouchkine dans le sillage des Grimm
»,
Europe, 1994, n° 787/788, p. 119-125.
1086 Il
s'agit ici d'une variante de la pelote de fil que l'on rencontre habituellement
.
1087
NRS
, t. 2, p. 390. 1088 NRS, t. 2, p. 391. 340 finalement une petite pelote qui la conduit, comme ses frères auparavant, au pied de la montagne. La pelote roula longtemps ou non, je l'ignore, et elle arriva au pied d'une haute montagne escarpée. La jeune fille commença à l'escalader, et elle entendit des voix qui lui criaient : « Où vas-tu? Nous te tuerons! Nous te mangerons! » Mais la jeune fille poursuivait son ascension. Elle parvint au sommet, et elle y trouva l'oiseau parleur1089. La jeune fille demande ensuite à l'oiseau parlant où trouver l'Eau de la Vie et l'arbre qui chante. L'oiseau lui répond : « Là-bas » ; malgré l'imprécision de cette indication, nous pouvons en conclure que cet arbre pousse lui aussi au sommet de la montagne. La jeune fille en casse une branche, se rend ensuite à l'endroit où jaillit l'Eau de la Vie1090, en remplit une petite cruche et reprend le chemin de chez elle. Comme la jeune fille redescendait de la montagne, un peu d'Eau de la Vie gicla de sa cruche. Soudain, ses frères apparurent d'un seul coup et lui dirent : « Ah, très chère soeur, comme nous avons dormi longtemps! – Oui, mes frères. Sans moi, vous auriez dormi ici toute une éternité! » Puis la soeur leur dit : « Voilà, mes frères, j'ai réussi à trouver l'oiseau parlant, l'arbre qui chante et l'Eau de la Vie1091. » Dans la seconde version de ce conte (NRS 289), la rencontre avec le vieil homme n'a pas lieu dans la forêt mais directement au pied de la montagne. [Le premier frère] chevaucha longtemps, longtemps, et arriva au pied d'une montagne près de laquelle poussait un énorme chêne. Sous ce chêne était assis un vieillard dont les cheveux, les sourcils et la barbe étaient si longs qu'ils avaient pris racine dans le sol. «
Bonjour, petit vieux! – Bienvenue à toi, répondit
celui-
ci. – Dis-moi, est-il possible
de trouver de l'Eau de la Vie et de l'Eau de la Mort, et l'Oiseau parlant?
–
C'est possible
, mais
la tâche n'est pas simple. Bien des gens viennent les chercher, mais rares sont ceux qui reviennent vivants. » Après avoir pris congé du petit vieux, le premier frère se dirigea vers la montagne. Il commença à grimper et entendit des cris derrière lui : « Tenez-le, attrapez-le, tuez-le! ». A peine eut-il tourné la tête qu'il fut aussitôt changé en pierre. Sa soeur regarda le petit couteau qu'il lui avait laissé et sut que son frère aîné n'était plus en vie1092. Comme dans la première version, le vieil homme est associé à un arbre, ici, par le biais de la forêt. Ce personnage a cependant une fonction légèrement différente : au lieu d'être un simple guide, il est ici le gardien de la montagne, qui fait le tri, en quelque sorte, parmi les candidats à l'ascension. Une nouvelle fois, le deuxième frère connaît le même sort que le premier. Lorsqu'elle arrive au pied de la montagne, elle coupe les cheveux et les sourcils du vieillard, après quoi celui-ci l'interroge sur la destination de son voyage et lui enseigne ce qu'elle doit faire en escaladant la montagne1093.
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9bc9704a50b9f088c8f368848bf2b3f8_2
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French-Science-Pile
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Open Science
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Various open science
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Qui défend nos salariés ? Typologie des profils des représentants des salariés au Maroc entre 2009 et 2021. African Scientific Journal, 2022, ⟨10.5281/zenodo.6824706⟩. ⟨hal-03723876⟩
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None
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French
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Spoken
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Evolution des proportions par sexe des délégués dans les élections de 2009 à 2021
90,00% 79,39% 82,57% 74,35% 80,00% 70,00% 60,00% 50,00% 40,00% 30,00% 20,00% 10,00% 17,43% 20,61% 25,65% 0,00% 2009 2015 hommes 2021 femmes
Source : Résultats des élections des délégués des salariés en 2021, autorités gouvernementales chargée du travail (Ministère du travail et de l’insertion
professionnelle)
Cela étant, en regardant les résultats des autres opérations électorales, on remarque une augmentation, certes assez timide, d’environ quatre points par opération, mais tout compte fait, on retiendra que cette augmentation est constante et que de 17,43% à 25.65% les femmes ont réussi à avoir un rythme de progression plutôt bien depuis 2009 jusqu’au 2021. Un autre composant est important dans l’analyse des profils des délégués des salariés titulaires, il s’agit du niveau d’instruction. En effet, un niveau d’instruction plus élevé permet, non seulement, de s’acquitter des prérogatives assignées par le code du travail, il permet aussi de se hisser dans une position plus confortable lors des négociations avec l’employeur. www
Fig 8 : Configuration des délégués élus en 2021, répartition par niveau d’instruction. Sans instruction 1426 3,68% Niveau primaire 5755 14,85% Niveau superieur 13875 35,79% Nombre total des délegués titulaires 38763 Répartition par niveau d'instruction des délégués élus, éléctions professionnelle de 2021 Niveau secondaire 12051 31,09% Avec Bac 5656 14,59%
Source : Résultats des élections des délégués des salariés en 2021,
autorit
és
gouvernement
ales
chargée du travail (Ministère du travail et de l’insertion professionnelle)
De l’analyse de ce graphique, ce sont les délégués qui ont réussi à dépasser le niveau du baccalauréat, lors de leurs études, qui constituent la majorité avec un peu plus de la moitié de l’ensemble des délégués élus (50.83%), ce qui constitue un avantage indéniable pour les deux parties prenantes qui nous intéressent à savoir les employeurs et les salariés, en fait, les employeurs auront devant eux des délégués qui sont à même de pouvoir exercer leurs rôles conformément aux dispositions légales dans la matière, une simple formation va permettre l’appropriation facile des rôles qu’ils lui sont assignés, ça va permettre aussi de vite dissiper les ambigüités par apport aux différentes interprétations que peut induire l’exercice de leurs fonctions. Pour les salariés, un délégué bien instruit, c’est d’abord un bon négociateur, quelqu’un qui va savoir rapidement les conteurs des droits dont peuvent jouir les salariés.
Fig 9 : Evolution des proportions, par niveau d’instruction, des délégués dans les élections de 2009 à 2021. Evolution des proportions par niveau d'instruction des délégués de 2009
à 2021
50,00% 45,00% 45,68% 43,67% 42,45% 40,00% 35,79% 35,00% 30,98% 30,00% 25,00% 27,94% 20,00% 15,00% 10,00% 5,00% 14,34% 17,23% 11,15% 14,85% 3,68% 12,22% 0,00% 2009 Sans instruction 2015 Niveau primaire Niveau secondaire / Bac 2021 Niveau superieur
Source
: Résultats des élections des
d
élégués
des salariés
en 2021
, autorités
gouvernementales chargée du travail
(
Ministère du travail et de l’in
sertion
professionnelle
) Il est clair que la confiance des salariés va de plus en plus vers les candidats, au poste de délégués, qui jouissent d’un bon niveau d’éducation. De la lecture des tendances entre 2009 et 2021, on remarque que les délégués du niveau d’instruction intermédiaire, arrivent à maintenir leurs positions de catégorie la plus sollicitée par les salariés, vient ensuite la catégorie des délégués bien instruits ( avec un bac et plus), ce qui est intéressant, c’est que cette catégorie a pu drainer plus de voix durant les différentes opérations électorales, elle passe ainsi de 27.94% à 35.79%, ce qui fait d’elle la catégorie avec la plus forte progression, ceci est au détriment des candidats sans niveau d’instruction qui voient leur position chutée de 11.15% à 3.68%. Ces chiffres montrent la variation importante dans la configuration des délégués des salariés, mais aussi montre une prise de conscience importante des rôles de délégués des salariés et donc une plus grande tendance à choisir ceux qui vont pouvoir exercer leurs prérogatives d’une manière plus rigoureuse. Ça montre aussi, une sorte de technocratisation du rôle des délégués des salariés, ce qui va poser, avec acuité, la transformation de l’image traditionnelle du délégué celui d’un « col bleu » souvent « embrigadé » par les syndicats mais qui reste d’un niveau d’éducation généralement moyen. Fig 10 : Configuration des délégués élus en 2021, répartition par catégorie professionnelle
ouvriers 5755 22% Operateurs 15351 57% Nombre total des délegués titulaires 38763 Répartition par catégorie professionnelle des délégués élus, en 2021 cadre sup 5723 21%
Source
: Ré
sultats
des
élections des délégués des salariés en 2021
,
autorités gouvernementales chargée du travail (Ministère du travail et de l’insertion professionnelle)
Fini l’époque où les ouvriers constituent la plus grande catégorie dont sont issus les délégués, en effet 78% des délégués représentent une autre catégorie professionnelle que celle des ouvriers, cette dernière ne compte que 22% des délégués élus.
Fig 11 : Evolution des proportions, par catégorie professionnelle, des délégués dans les élections de 2009 à 2021. Evolution des proportions par niveau d'instruction des délégués de 2009 à 2021 57,00% 60,00% 50,00% 40,00% 44,10% 44,53% 40,24% 41,53% 30,00% 20,00% 22,00% 15,23% 14,37% 21,00% 10,00% 0,00% 2009 Ouvriers 2015 Operateurs 2021 Cade sup
Source : Résultats des élections des délégués des salariés en 2021, autorités gouvernementales chargée du travail (Ministère du travail et de l’insertion professionnelle) www.africanscientificjournal.com
Ce sont les opérateurs et les techniciens qui raflent le plus grand nombre des délégués dans les entreprises au Maroc, cette tendance s’accentue au détriment du fléchissement du nombre des délégués qui représentent les ouvriers, en effet cette population s’est vu son niveau de représentation se devise en deux entre 2009 et 2021 passant de 44.53% à 22%. Les cadres s’intéressent, de plus en plus, à ce genre d’exercice, réputé proche du top management et donc des employeurs, ils ne réussissaient pas à drainer beaucoup de soutien pour se faire élire, cette catégorie avait un niveau de représentation qui avoisine les 15% en 2009, ce niveau a progressé pour fleureter avec les 21%. Si on compare avec le taux d’encadrement dans les entreprises du Maroc qui est de 25% selon l’enquête nationale auprès des entreprises en 2019 du hautcommissariat au plan (HCP), on remarque que le niveau de représentation reste un peu faible dans cette catégorie. Pour conclure, on peut constater que la population des délégués des salariés a connu, certes, une évolution, mais sans de grands bouleversements du schéma global de la représentation salariale, ce qui nous pousse à s’interroger sur l’évolution de la représentation syndicale dans le même laps de temps.
IV.3. Le nouveau visage de
représentation syndicale, développement des profils des RS entre 2009 et 2021. Lors des dernières élections professionnelles, on a assisté à la recomposition du paysage syndical au Maroc, en effet, les positions ont changé pour la plupart des syndicats, désormais, seules trois centrales syndicales ont réussi à avoir le nombre suffisant des délégués leur permettant de se positionner au rang de syndicat le plus représentatif, pour y parvenir les syndicats devaient réussir à avoir plus des 6% du nombre total des délégués « syndiqués » élus. Pour rappels, le code du travail marocain permet aux délégués de se présenter aux élections en adoptant une couleur syndicale déterminée, c’est le nombre des délégués « syndiqués » qui ont réussi qui permet d’identifier le syndicat le plus représentatif au niveau de l’entreprise (35% du nombre) et au niveau national (6%) du nombre total. Aux dernières élections, les résultats se présentent comme suit : www
Tableau N° 4 : Résultats des élections professionnelles de 2021
Syndicats Nombre de DT Pourcentage Sans appartenance syndicale 24429 51.35% Union marocaine du travail (UMT) 7362 15.48% Union générale des travailleurs du Maroc (UGTM) 5977 12.56% Confédération démocratique du travail (CDT) 3423 7.2% Union nationale du travail au Maroc (UNTM) 2680 5.63%
Source : Résultats des élections des délégués des salariés de 2021
présent
és
par le ministère du
travail et
de l’insertion
professionnelle
Fig 12 : Evolution des pourcentages de représentativités des syndicats les plus représentatifs entre 2009 et 2021. Evolution des pourcentages de représentativités CDT UNTM UGTM 7,5% 7,26% 7,20% 2009 % 2021 % 3,7% 7,30% 5,63% 5,8% 7,50% 12,56% 13,5% 15,31% 15,48% UMT Sans appartencance 0,00% 2015 % 51,35% 10,00% 20,00% 30,00% 40,00% 50,00% 57,12% 60,00% 64,7% 70,00%
Source : Résultats des élections des délégués des salariés de 2021, 2015 et 2009, autorités gouvernementales chargée du travail
Les syndicats ont réussi à avoir plus de sièges durant les dernières opérations électorales, certes les sièges sont repartis, d’une manière non équilibrée entre les syndicats, d’un exercice à un www.africanscientificjournal.com autre, mais si on se refaire à la part des sans appartenance, il se trouve que cette population a perdu 13 points de 2009 à 2021, bien entendu, ces sièges ont été récupérés par les syndicats.
Fig 12 : Evolution des niveaux de la représentativité syndicale féminine entre 2009 et 2021. Evolutions du nombre des délégués syndiqués de sexe feminin chez les syndicats les plus representatifs entre 2009 et 2021
7 000 6 450 6 000 5 000 4 000 3 725 3 121 3 000 2 000 1 000 0 1 194 321 142 133 137 2009 Sans appartenance 531 294 399 967 611 317 195 2015 UNTM CDT femme UMT 2021 UGTM
Source : Résultats des élections des délégués des salariés de 2021, 2015 et 2009, autorités gouvernementales chargée du travail
Si la proportion des femmes dans le nombre des délégués élus a augmenté durant ces dernières années, il est à noter que la tendance reste plus forte chez certains syndicats que dans d’autres, en effet, si entre 2009 et 2021 le nombre des femmes, sans appartenance, a plus que doubler, on remarque une augmentation spectaculaire chez certaines centrales syndicales, la proportion des femmes qui ont une appartenance syndicale UGTM a fait un bon remarquable passant de 142 en 2009 à 1194 en 2021, on notera que cette progression est plus forte de 2015 à 2021 puisqu’elle doublé en 2015 pour culminer à 1194 en 2021 en multipliant les effectifs par presque 9 fois. Les autres syndicats vont connaitre la même progression avec des niveaux contrastés, mais on notera que les effectifs des femmes syndiquées à, au moins, triplé entre 2009 et 2021. Cette remarque nous enseigne sur les niveaux de la pénétration de l’approche genre dans l’action syndicale. www
Fig 12 : Evolution des niveaux de la représentativité syndicale par apport au profil formation entre 2009 et 2021. Sans formation 1 400 1 200 1 175 1 120 1 000 800 643 600 400 200 404 420 312 235 248 228 96 197 130 103 76 231 0 2009 Sans appartenance 2015 UNTM 2021 CDT UMT UGTM
Source : Résultats des élections des délégués des salariés de 2021, 2015 et 2009, autorités gouvernementales
charg
ée
du travail
Nous aborderons, dans ce qui suit, un élément important dans notre analyse, il s’agit de se pencher sur le développement des profils des délégués des salaries sous le prisme de niveau de formation, c’est un élément qui nous intéresse grandement, car, il s’agit de la capacité de cette population à se hisser comme défendeur et connaisseur des droits des parties qu’elles défendent, c’est ce qui va permettre de s’ériger en partie prenantes capables d’agir sur l’atteinte des objectifs de la firme. De retour à nos données, il se trouve que la catégorie des sans formation, parmi les délégués des salariés, a nettement démuni, cette tendance de baisse est observée chez toutes les tendances, et elle a la même cadence, en effet, cette population des sans formation a régressé de moitié chez pratiquement toutes les tendances. Ce constat laisse entendre un repositionnement des délégués des salariés, elle suppose aussi une prise de conscience des rôles de cette institution parmi les salariés qui votent désormais pour des personnes de plus en plus formées. Chez les syndicats, il est clair que les centrales syndicales investissent plus dans des salariés qui ont un niveau d’instruction qui va permettre de jouer le rôle d’encadrant, le rôle de mobilisateur, de ce fait, il est clair que le stéréotype de syndicaliste ouvrier analphabète simple à enrôler tend à disparaitre des nouvelles tendances de jeu syndical. Figure 12 : Evolution des niveaux de la représentativité syndicale par apport au profil formation entre 2009 et 2021.
Primaire 3 000 2 844 2 500 2 221 2 000 1 500 1 265 1 000 500 0 941 789 458 528 273 234 128 293 2009 370 263 259 2015 Sans appartenance UNTM 376 2021 CDT UMT UGTM
Source : Résultats des élections des délégués des salariés de 2021, 2015 et 2009, autorités gouvernementales chargée du travail
Il paraît que les niveaux d’instructions des délégués des salariés à généralement augmenter entre 2009 et 2021, les délégués analphabètes ont cédé la place à d’autres qui ont un niveau d’instruction plus avancé.
scondaire 7 000 6 000 6 358 5 949 5 000 4 000 3 950 3 000 2 000 1 000 0 2 208 1 593 827 716 893 701 552 276 1 315 771 545 2009 Sans appartenance www .com 629
Fig 12 : Evolution des niveaux de la représentativité syndicale par apport au profil formation entre 2009 et 2021. Etudes superieurs 14 000 12 413 12 000 10 000 8 000 6 000 4 331 4 000 2 000 0 -2 000 309 581 272 198 2009 Sans appartenance 3 254 2 451 1 795 1 093 964 2021 604 403 UNTM 218 2015 CDT 480 UMT UGTM
Source : Résultats des élections des délégués des salariés de 2021, 2015 et 2009, autorités gouvernementales chargée du travail
Arrêtons-nous sur le développement de la catégorie des délégués des salariés avec un niveau d’instruction supérieur, il est a remarquer que cette population a accru d’une manière plus rapide que les autres, ce qui montre que cette fonction arrive à drainer les salariés qui sont capables de jouer pleinement le rôle de défendeur tout en puisant dans leur niveau d’instruction et leur capacités intrinsèque pour avoir la confiance des votants. Si chez les sans appartenance syndicale le nombre des délégués avec un niveau de bac et plus a triplé entre 2009 et 2021, il est à noter que cette tendance est encore plus prononcée chez les délégués avec une casquette syndicale, nous remarquerons que cette population a été multiplié par 3 chez la CDT, multiplié par presque 8 chez l’UGTM, presque 5 chez l’UMT et 4 chez l’UNTM. Nous remarquerons aussi que la CDT demeure la centrale syndicale qui connait le plus de développement du type « péjoratif » dans l’ensemble des catégories étudiées, en effet, sur les nombres de délégués, elle fait un score modeste, sur la qualité de ses délégués, on remarque que c’est elle qui arrive a moins promouvoir ses délégués, elle est la centrale syndicale ou la proportion des sans instruction demeure la plus forte, c’est la centrale syndicale ou les délégués avec un niveau d’instruction élevé a le moins progressé durant les opérations électorale. Ce constat nous pousse à examiner le développement des profils des délégués des salariés sous le prisme de l’âge, l’objectif étant de voir si les centrales syndicales arrivent à renouveler cette catégorie de défendeurs des salariés, nous allons zoomer sur le développement des populations en bas âge, ce qui montre, à notre sens, la capacité des centrales à drainer de . nouveaux salariés, et ensuite nous analyserons le développement de la population âgé de plus que 50 ans, nous donnons de l’intérêt à ce point puisqu’il s’agit pour nous de voir si ces centrales arrivent à assurer de la pérennité de son action, si elles arrivent à assurer une transition une relève de l’action syndicale dans les entreprises. Fig 12 : Evolution des niveaux de la représentativité syndicale par apport au profil professionnel entre 2009 et 2021. Ouvriers 9 000 8 000 7 852 7 000 6 000 5 744 4 847 5 000 4 000 3 000 2 008 1 000 0 2 541 2 110 1 370 2 000 1 113 934 782 633 283 1 007 946 886 2009 Sans appartenance 2015 UNTM 2021 CDT UMT UGTM
Source : Résultats des élections des délégués des salariés de 2021, 2015 et 2009, autorités gouvernementales
chargée du travail
A l’exception de l’UGTM ou l’évolution de la catégorie des ouvriers est multipliés par quatre, toutes les autres sensibilités ont vu la cadence de l’évolution de la catégorie des ouvriers ralentis, chez les sans appartenance, cette catégorie c’est développée en double, ce qui est remarquable, c’est ce qui se passe chez les syndicats les plus ancrés dans l’histoire de l’action syndicale au Maroc, en effet chez l’UMT et la CDT, on remarque une tendance plutôt faible à celle des autres sensibilités, chez la CDT le nombre des ouvriers est passé de 782 à 946, chez l’UMT il était de 1370en 2009 il arrive à 2110 en 2021, ce qui laisse entendre que l’action syndicale, même chez les syndicats les anciennes a tendance à changer de visage, il est désormais plus porter par les opérateurs et autres, ce qui pose la question de la sociologie de l’entreprise marocaine, de la spécialisation de cette dernière, sommes-nous en train de vivre un bouleversement de modes de production au sein de l’entreprise où il y a une remise en cause de la notion de l’ouvrier qui apporte sa contribution physique à la chaine de valeur, il faut noter aussi que ces statistiques englobent le secteur primaire, ou la présence syndicale est forte et où 3, Numéro 12, Juin 2022 il y a une prédominance de l’effort physique du salariat, ce qui nous amène à poser la question de l’évolution des profils des délégués des salariés par branches d’activité. Fig 12 : Evolution des niveaux de la représentativité syndicale par apport au profil professionnel entre 2009 et 2021.
Cadres 4 400 4 000 3 600 3 200 2 800 2 400 2 000 1 600 1 200 800 400 0 3 924 2 471 2 336 474 378 709 398 202 124 2009 2015 Sans appartenance 2021 UNTM CDT UMT
UGTM
Source : Résultats des élections des délégués des salariés de 2021, 2015 et 2009, autorités gouvernementales chargée du travail
Il est claire que l’encadrement est intéressé par les rôles que peuvent jouer les délégués du personnel, on atteste le développement important de la proportion durant ces opérations, ce qui est important c’est de remarquer que les syndicats ont drainé plus de cadre que les sans appartenance, si le nombre des délégués cadre à progresser un peu moins du double, l’ensemble des formations syndicales ont réussi à doubler les effectifs des délégués cadre si ce n’est plus, on notera une tendance remarquable de l’UGTM qui a triplé ces effectifs entre 2009 et 2021.
Fig 12 : Evolution des niveaux de la représentativité syndicale par âge entre 2009 et 2021. Développement des proportions DP, les moins de 30 ans
3 000 2 796 2 500 2 000 1 651 1 633 1 500 1 000 500 0 1 061 264 158 132 88 83 187 106 2015 2009 Sans appartenance UNTM CDT 391 330 167 333 2021 UMT UGTM
Source : Résultats des élections des délégués des salariés de 2021, 2015 et 2009, autorités gouvernementales chargée du travail www.africanscientificjournal.com
L’UGTM est la centrale syndicale qui arrive à rajeunir le plus ses représentants des salariés, en effet entre 2009 et 2021, elle a multiplié par 8 la proportion des moins de 30 ans dans ces délégués élus, ce qui laisse entendre un grand travail de drainage de nouveaux candidats parmi les jeunes, ce point montre aussi le positionnement de cette centrale comme une centrale qui va jouer des rôles prépondérant les années à venir, puisque ce sont les jeunes qui vont constituer l’essentiel de ses effectifs. Dans l’autre rive en trouve la CDT, qui entre 2009 et 2021 moins de 100 délégués de moins de 30 ans ont pu rejoindre ses équipes. Une autre centrale syndicale investit dans les jeunes, il s’agit de l’UNTM, les jeunes de moins de 30 ans ont été multiplié presque par 4. L’UMT qui est la centrale syndicale qui arrive en premier parmi les centrales les plus représentatifs, quant à elle, a vu la population des moins de 30 ans se multiplier par 2.5. Ces analyses prennent plus de poids quand on les compare avec la population de plus de 50 ans.
Fig 12 : Evolution des niveaux de la représentativité syndicale par âge entre 2009 et 2021. Développement des proportions DP, age entre 30 ans et 40 ans 9 000 8 000 7 695 7 000 6 000 5 000 4 904 4 494 4 000 3 000 1 653 2 000 1 000 0 1 072 405 295 253 671 572 500 2009 Sans appartenance 1 550 749 602 469 2015 UNTM 2021 CDT UMT UGTM
Source : Résultats des élections des délégués des salariés de 2021, 2015 et 2009, autorités gouvernementales chargée du travail
Le même constat se répète pour la catégorie des 30-40 ans, avec une cadence plus élevée chez les sans appartenance, si on exclut l’UGTM, qui a multiplié par plus de 5 ces effectifs dans cette catégorie, les autres centrales ont enregistré des cadences respectables, on note une tendance faible chez la CDT qui se démarque de cette tendance. www
Fig 12 : Evolution des niveaux de la représentativité syndicale par âge entre 2009 et 2021. Développement des proportions DP, age entre 40 ans et 50 ans 8 000 7 417 7 000 6 000 5 000 4 273 4 451 4 000 3 000 2 000 1 000 0 1 024 1 231 639 573 534 368 260 Sans appartenance 812 443 2015 2009 UNTM 1 492 842 835 2021 CDT UMT UGTM
Source : Résultats des élections des délégués des salariés de 2021, 2015 et 2009, autorités gouvernementales chargée du travail
Les mêmes remarques se font la aussi pour les seigneurs de 40 à 50ans, ceci étant, il est important d’analyser les scores des centrales syndicales « historiques » la CDT et l’UMT, qui, contrairement aux autres tendances, il y a des résultats qui interpellent, en effet quand les autres tendances ont plus que doublé ses effectifs, l’UMT a vu ses effectifs de 40 à 50 ans régresser passant ainsi de 1024 en 2009 à 812 en 2021
Fig 12 : Evolution des niveaux de la représentativité syndicale par âge entre 2009 et 2021. Développement des proportions DP d'âge superieur à 50 ans 5 000 4 500 4 349 4 680 4 000 3 500 3 000 2 866 2 500 2 000 1 388 1 500 975 1 000 500 0 417 685 509 1276 865 529 470 738 500 171 2009 Sans appartenance 2015 UNTM 2021 CDT UMT UGTM
Source : Résultats des élections des délégués des salariés de 2021, 2015 et 2009, autorités gouvernementales chargée du travail www.africanscientificjournal.com
On s’arrête ici, sur une population critique dans l’exercice syndical, il s’agit des personnes qui ont la mémoire de l’exercice, une analyse plus poussée consiste à voir la configuration de ces « seniors » en terme de catégories socioprofessionnelles et de la longitude de l’exercice syndicale en comparaison avec la date du recrutement, pour voir quand ces personnes ont été convaincu de faire partie de l’exercice syndicale, cette analyse ne peut que enrichir le jugement qu’on portera sur le développement des profils des syndicalistes dans l’entreprise, mais on choisit de s’arrêter juste sur l’analyse des nombres par apport aux scores obtenus par chaque centrale durant ces dernières opérations des élections des délégués des salariés. A première réflexion, on est tenté d’avancer que cette catégorie des salariés, en fin de carrière, est plutôt non soucieuse des dynamiques de l’action revendicative au sein de l’entreprise, et que, en raison de sa fragilité liée a l’obstacle d’âge pour pouvoir pénétrer à nouveau au marché de travail, choisira de ne pas se hisser, comme composante d’une partie prenante dans les décisions de l’entreprise. Or, les statistiques qu’on a, démontrent le contraire. La croissance du nombre des délégués des salariés non syndiqués peut trouver une explication dans le fait que les salariés préfèrent donner leurs voix à des personnes âgés, mûrs, avec plus de retenue et moins « d’enthousiasme » permettant ainsi une relance fluide du dialogue social au sein de l’entreprise, est ce qu’on peut extrapoler cette logique sur les délégués syndiqués? la réponse est vraisemblablement non, car si toutes les autres catégories d’âge ont progressé durant les trois dernières opérations, la population des 50 ans et plus syndiquée a fait la moins bonne progression durant ces opérations électorales, ce qui pose le questionnement de la pérennité de l’action syndical au sein de l’entreprise au cas du départ à la retraite de ces délégués. A l’exception de l’UGTM, toutes les autres centrales ont des tendances baissières depuis l’exercice de 2015. Conclusion Au terme de ce travail, il nous parait que le délégué des salariés est désormais une institution qui se hisse au rang de partie prenante, en témoignent les tendances favorables des quantités et de la qualité de ces délégués, dès lors on peut confirmer que notre première hypothèse est vér Sur un plan d’analyse plus qualitatif, et si on questionne le schéma de la représentation à la lumière de la représentation syndicale, on notera que certaines centrales syndicales ont réussi à faire de cette institution un véritable canal de positionnement dans les instances de dialogue social dans l’entreprise, tandis que d’autres peuvent s’attendre à des moments difficiles dans les prochaines échéances électorales du fait que l’essentiel de leurs membres est composé de salariés en fin de carrière et qu’elles n’ont pas fait assez d’efforts pour drainer plus de jeunes capables de porter le flambeau de l’action syndicale. De ce fait, nous nous pouvons que s’en réjouir de la vérification de notre deuxième hypothèse abstraction fait de la typologie ou la tendance que suit les résultats de la représentation syndicale par profil socioprofessionnelle. Nous restons conscients que ce travail ne peut être de porter global que si on rapproche ses analyses à la configuration sociale des entreprises qui ont participé aux élections, nous entendons par cela l’étude du trend a la fois des populations étudiées (les délégués des salariés) mais on les comparant avec les modifications des configurations de l’ensemble des salariés des entreprises et surtout en faisant un focus sur les aspects du climat social de ses entreprises, nous voyons que ce perspectif permet de mettre en valeur la qualité des profils des délégués des salariés en comparant le produit de leur action à savoir le niveau de la paix sociale dans l’entreprise. Bibliographie Blanc, F-Paul. Blanc, F-Pierre. (2016), « Aux origines du Dahir formant Code des obligations et des contrats du 12 août 1913 » in Le Livre jubilaire. Centenaire du Dahir formant Code des Obligations et Contrats, sous-direction de Fouzi Rherrousse, Editions de l'Université d’Oujda. Bouharou, A. (2011), Le Système d'Administration du Travail au Maroc de 1919 à 2011, Almaarif Jadida. Blair, M. (1995). Ownership and Control: Rethinking Corporate Governance for the Twenty-First Century. Brookings. Catusse M. « Les réinventions du social dans le Maroc “ajusté” », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, 105-106 | 2005, 175-198. Clarkson, M. B. E. 1995. “A stakeholder framework for analyzing andevaluating corporate social performance.” Academy of ManagementReview20:65 – 9 Donaldson, T., & Preston, L. E. (1995). The Stakeholder Theory of the Corporation: Concepts, Evidence, and Implications. The Academy of Management Review, 20(1), 65–91. https://doi.org/10.2307/258887 El Abboubi, M. & Cornet, A. (2010). 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RÉSUMÉ
La composition de services est une tâche primordiale dans le développement de systèmes orientés service. L'orchestration se présente comme un ensemble de mécanismes pour la composition d'un nouveau service web formé d'un ensemble de services atteignables. Afin de valider une telle composition, deux classes de propriétés non fonctionnelles doivent être prises en considération à savoir les propriétés génériques et les propriétés spécifiques. Les propriétés génériques peuvent être vérifiées pour tous les services web invoqués dans une orchestration. Les propriétés spécifiques constituent les relations d'interdépendance entre les différentes activités au sein d'un processus d'orchestration. Ces propriétés ne peuvent pas être vérifiées directement sur le processus, l'utilisation donc d'une technique formelle s'avère intéressante. Pour se faire, nous présenterons dans cet article notre approche formelle pour la validation d'une orchestration de services web. L'approche adopte BPEL 2.0 (Business Process Execution Language) langage d'orchestration de services web et utilise le model-checker SPIN pour la vérification. La spécification BPEL est traduite en code Promela, le langage de spécification de SPIN, afin de vérifier aussi bien les propriétés génériques que les propriétés spécifiques exprimées en LTL (Linear Temporal Logic). L'outil de transformation de BPEL en Promela est développé en utilisant ANTLR (ANother Tool for Language Recognition). Ce travail a été couronné par le développement de l'outil BpelVT (BPEL Verification Tool) afin de consolider l'approche proposée. ABSTRACT Web services are a building block in the sense that they can be composed to form higher level services or applications to achieve business goals. They're called composite when their executions involve interactions with other web services. The web service composition specifies what services need to be invoked, in what order and how to handle exceptional conditions. This composition can be described from both a local or a global perspective by respectively orchestration or choreography. cation of web services orchestration must take into account both generic and specific properties. The generic properties can be checked for any invoked web services when the specific properties are different interdependence relationships between activities within an orchestration process. Since these properties can't be directly verified on the process, so, the use of formal techniques is interesting. Doing so, we will present in this paper our formal approach to validate a web services orchestration. The paper adopts BPEL 2.0 (Business Process Execution Language) as the language to describe the web service orchestration, and uses the SPIN model-checker for the verification engine. The BPEL specification is translated into Promela code, the input language for SPIN model-checker, to verify generic and specific properties expressed with LTL (Linear Temporal Logic). The transformation tool of BPEL to Promela is achieved using ANTLR (ANother Tool for Language Recognition). A tool named BpelVT (BPEL Verification Tool) is developed to support the proposed approach. It provides the BPEL manager, the automated process translation of BPEL to Promela code and model-checking views. 1. INTRODUCTION
Les architectures logicielles font le pont entre la stratégie et le développement des systèmes d'informations [3]. En effet, elles ont toujours constitué un élément de réponse aux exigences de l'évolution des systèmes d'information. Elles sont une réponse efficace aux problématiques que rencontrent les entreprises en terme de réutilisation, d'interopérabilité et de réduction de couplage entre les différents systèmes qui implémentent leurs systèmes d'information. Une architecture orientée services (SOA pour Services Oriented Architecture) est une architecture logicielle s'appuyant sur un ensemble de services (composants logiciels). Elle a été introduite afin de rendre la conception de logiciels une tâche plus facile, et afin d'assurer la réutilisation de services et d'augmenter l'interopérabilité à grande échelle. En effet, les systèmes d'information sont composés d'un ensemble de fonctions dont chacune est appelée service qui peut interagir avec son environnement à travers l'échange de messages. Cependant, avec l'évolution successive des exigences des entreprises, la valeur réelle d'un service deviendra insatisfaisante, d'où la nécessité d'une nouvelle approche pour la composition de services afin d'apporter une valeur ajoutée. Un service composé assemble divers services et coordonne les interactions au cours de leurs exécutions en vue d'utiliser leurs fonctions et réaliser des tâches plus complexes. Avec l'avènement de la technologie web, l'intégration des ap- plications sur internet est devenue une nécessité pour offrir plus de coopération inter-entreprises et plus d'opportunités de collaboration mondiale par l'échange de services. Lorsque ces services sont déployés sur le web, nous parlons alors de services web. Un service web est une technologie modulaire, réutilisable, autonome et indépendante des langages de programmation et de plates-formes. Il permet à des applications de dialoguer à distance via avec d'autres applications hétérogènes dans des environnements distribués d'une manière faiblement couplée. Cette composition peut être décrite à partir d'un point de vue local (resp. global), le modèle engendré est appelé orchestration (resp. chorégraphie). Dans l'orchestration, les services web invoqués sont sous le contrôle d'un seul processus central (orchestrateur). Ce processus coordonne l'exécution des différentes opérations sur les services web impliqués dans la composition. Tandis que la chorégraphie désigne un type de composition décentralisée où chaque service est indépendant des autres services. Cependant, certains conflits peuvent être générés au sein de l'orchestration de services web. Pour surmonter ces problèmes, nous suggérons, pour la validation d'une telle composition, la vérification de deux classes de propriétés nonfonctionnelles : les propriétés génériques et les propriétés spécifiques. La première classe de propriétés est composée des propriétés génériques telles que la vivacité, la sécurité ou la disponibilité. Ces propriétés sont considérées ici comme génériques, puisqu'elles sont vérifiées sur les services invoqués indépendamment des activités qui les composent. La deuxième classe de propriétés qui doit être prise en considération est formée des propriétés relatives aux activités d'un processus de composition. Elles sont considérées ici comme des propriétés spécifiques. À titre d'exemple, nous pouvons considérer le cas d'un processus de paiement en ligne, les deux activités de cryptage, cryptage long et cryptage court, assurent toutes les deux la confidentialité, mais combinées, leur effet serait un message crypté à deux reprises, ce qui génère de graves erreurs au moment du décryptage. Ces deux activités sont reliées par une relation d'interdépendance "choix" et elles ne devraient pas être choisies pour un même processus. Pour le contrôle d'accès aux applications, par exemple, l'activité d'autorisation doit précéder l'activité d'authentification pour décider si l'utilisateur a déjà des droits d'accès ou non. Ces deux activités sont reliées par une relation d'inter-dépendance "précédence". Dans ce contexte, plusieurs solutions ont été proposées [1, 10, 9, 4]. Ces solutions se sont essentiellement intéressées à la vérification des propriétés génériques. À notre connaissance, nous notons qu'aucune des approches présentées précédemment ne s'est intéressée spécifiquement à la vérification des propriétés spécifiques. Dans ce travail, nous avons surmonté ces difficultés en proposant une approche formelle pour la validation de l'orchestration des services web par la vérification des propriétés génériques et spécifiques. Divers langages ont été proposés pour spécifier l'orchestration de services web parmi lesquels nous vons citer le langage BPEL. Ce langage est le plus connu et le plus utilisé dans l'orchestration de services web. Un processus BPEL est composé d'un ensemble d'activités qui définit l'ordre d'invocation des services. Cet ordre peut être séquentiel ou parallèle. Nous proposons d'utiliser le model-checker SPIN pour le processus de vérification. SPIN est un outil de vérification générique qui supporte à la fois la conception et la vérifica- tion des systèmes de processus asynchrones. Une autre contribution importante dans ce travail est le processus de transformation de BPEL vers Promela que nous avons développé en utilisant l'outil ANTLR. La suite de cet article est organisée comme suit : dans la section suivante, nous introduisons quelques concepts préliminaires tels que le concept d'orchestration, SPIN/Promela et le langage BPEL. 2. PRÉLIMINAIRES 2.1 Composition des services web
Les services web sont une technologie clé pour supporter et réaliser des processus métiers. Leur composition peut être étudiée selon deux points de vue complémentaires : (i) un point de vue global dans lequel des partenaires entrants dans la composition sont considérés ; nous parlerons alors de la chorégraphie, (ii) un point de vue local dans lequel seul le processus interne des services est modélisé ; nous parlerons alors de l'orchestration. Dans ce travail, nous traiterons le cas de l'orchestration. La chorégraphie a été introduite comme une nouvelle vue sur l'interaction des services. C'est une description abstraite des protocoles tout en offrant une coordination collaborative décentralisée. La chorégraphie qui est de nature descriptive décrit le contrat d'interaction entre deux ou plusieurs services. Ce modèle permet de décrire le comportement des services dans la composition. A ce niveau la littérature distingue deux types de chorégraphies à savoir une chorégraphie locale qui décrit le flux d'un point de vue des partenaires participants et une chorégraphie globale qui définit, à partir d'un point de vue neutre, le processus inter-organisationnels. Contrairement à la chorégraphie, l'orchestration désigne un type de composition centralisé où un seul processus central (orchestrateur) détient la coordination et le contrôle de tous les services web participant à la composition. En effet, les services web invoqués ne savent pas s'ils participent ou non dans une composition [8], seul le coordinateur possède l'information sur l'enchaı̂nement d'exécution du processus métier. Afin de composer des services web, divers langages ont été définis dont le plus célèbre est BPEL4WS. En effet, BPEL4WS (ou BPEL tout court) est un langage d'orchestration de services web créé en 2003 par l'association industrielle entre Microsoft, Sun, IBM et BEA [12]. BPEL est pour décrire la logique de contrôle requis pour coordonner des services web participant à un flux de processus. En outre, il est créé par la fusion de deux langages qui sont le langage XLANG de Microsoft et le langage WSFL de IBM pour offrir un vocabulaire riche pour la description des processus métiers. 2.2 Le langage BPEL
BPEL a connu historiquement plusieurs versions telles que processus. Les processus métiers abstraits sont généralement définis pour décrire le comportement externe du processus métier avec son environnement (partenaires).
2.3 SPIN/Promela
Figure 1: Activités de base [2].
SPIN [7] est un environnement de spécification et de vérification formelle des systèmes distribués. Il a été développé au début des années 80, aux laboratoires Bell. Cet outil accepte en entrée un programme spécifié avec le langage Promela qui décrit le comportement des différents modules du système (leurs fonctionnements et leurs interactions). Le model-checker SPIN contient un interprétateur permettant de réaliser des simulations aléatoires de l'exécution du système et d'effectuer une vérification exhaustive des propriétés exprimées en LTL. Durant la vérification et la simulation, SPIN vérifie l'absence d'inter-blocages et les terminaisons anormales du code. Promela est un langage de spécification de SPIN servant à décrire les systèmes distribués tels que les protocoles de communication, les systèmes d'exploitation, les algorithmes concurrents, etc. Ce langage est conçu pour faciliter la construction de modèles de systèmes distribués en soutenant la spécification des structures de contrôle non-déterministe, la création et la communication entre les processus. SPIN permet d'exprimer des propriétés en termes de logique temporelle linéaire (LTL) et de vérifier si le programme satisfait ou non ces propriétés. Une autre caractéristique de SPIN est la simulation visuelle des interactions suivant un chemin d'exécution possible par le système et en présentant la trace d'exécution résultant pour l'utilisateur. Figure 2: Activités structurées [2]. la version 1.0 en Août 2002, la version 1.1 en Mars 2003 et la version 2.0 standardisée en 2007 par OASIS. C'est un langage utilisé pour décrire l'exécution du processus métier d'une façon synchrone ou asynchrone et de partager les informations communes avec les services web partenaires.
Le but principal de BPEL est de standardiser le processus d'automatisation de la composition des services web au sein des entreprises à travers la définition des activités de base (Figure 1) à savoir invoke, receive et reply et des activités structurées (Figure 2) tels que flow, repeat until et while ainsi que des activités de gestion d'erreurs tels que throw et compensate. Avec BPEL, il est possible de décrire les processus métiers de deux manières distinctes : • Les processus métiers exécutables : ce sont des processus qui composent un ensemble de services web existants et précisent l'algorithme exact d'exécution des activités. En effet, les processus exécutables sont importants, car ils présentent les détails exacts du fonctionnement, de remplir l'écart entre les spécifications du processus métier et le code responsable de leur exécution et il présente une solution directe au problème de l'automatisation des processus métiers. • Les processus métiers abstraits : ce sont des processus qui décrivent l'échange de messages publics entre le processus métier et son environnement (services invoqués) sans spécifier les détails techniques des flux de 3.
TRAVAUX CONNEXES
La vérification des compositions de services web est devenu actuellement un champ à part entière. En effet, de nos jours, plusieurs travaux de recherches accordant une grande importance à la vérification de l'orchestration à travers la définition de différentes propriétés pour mener à une fiable composition de services web. Dans la première partie de cette section, nous revenons sur les travaux existants qui ont abordé la vérification des propriétés non fonctionnelles La deuxième partie sera dédiée à la présentation de quelques outils de transformation de BPEL vers Promela. La vérification des propriétés non fonctionnelles est le sujet de quelques travaux de recherche qui ont utilisé différentes techniques d'abstraction et outils de vérification formelle. En effet Hegedus et al. [6] présentent une approche pour la validation de la composition de services web. Pour cela, ils utilisent le model-checker SAL pour la vérification des propriétés de blocage et d'autres propriétés comme les variables non utilisées, la lecture des variables non initialisées et les traces d'exécution. Abousaid et al. [1] proposent une approche basée sur la transformation du processus BPEL en algèbre de processus BP-calcul pour vérifier, par la suite, des propriétés de vivacité, d'équité, de fiabilité, de disponibilité et de sûreté en utilisant le model-checker HAL-Toolkit. Kovacs et al. [10] présentent un framework pour vérifier le processus BPEL. Ce framework traduit ces processus vers un réseau de flux de données. Ensuite, ils traduisent le modèle généré en code Promela afin de vérifier des propriétés telles que le blocage, l'accessibilité et la lecture des variables noninitialisées en utilisant SPIN. Dans [13], les auteurs intègrent un algorithme dans l'outil ActiveBPEL pour traduire le processus BPEL vers un modèle d'automate temporisé. Le modèle généré est chargé en entrée par le model-checker UPPAAL pour vérifier les propriétés de blocage, d'accessibilité et aussi des propriétés temporelles. Kazhamiakin et al. [9] fournissent une approche de vérification des propriétés temporelles pour le processus BPEL. Ils transforment le processus vers un formalisme WSTTS (Web Service Timed State Transition Systems). Ils utilisent ensuite le model-checker NuSMV pour vérifier les comportements temporels. Dekdouk et al.[4] présentent une approche de vérification formelle, qui utilise la technique de model-checking et la simulation. Pour ce faire, ils utilisent le langage BPEL pour orchestrer les services web et le model-checker SPIN afin de vérifier la propriété de vivacité. En vue d'interroger le model-checker SPIN, la transformation de BPEL vers la spécification formelle Promela s'avère une tâche primordiale pour vérifier formellement les propriétés désirées. Cette transformation est le sujet de quelques travaux de recherche. Quyet et al. [14] définissent un outil de transformation pour traduire le processus BPEL en un graphe LCFG (Labeled Control Flow Graph Le modèle généré est traduit, ensuite, vers un code Promela. Dans [15, 4], les auteurs développent un outil de transformation pour traduire directement le processus BPEL en Promela. L'outil présenté dans [11] est composé de deux phases : la première phase, consiste à transformer le processus BPEL vers un automate fini étendu comme modèle intermédiaire. La deuxième phase consiste à traduire cet automate en Promela. La même approche a été adoptée par Fu et al. [5] en transformant dans la première phase le processus BPEL en automata gardé qui sera traduit dans la deuxième phase en Promela. À travers ce recueil de l'état de l'art, nous remarquons que les travaux qui ont traité la vérification de l'orchestration des services web se sont concentrés uniquement sur la vérification des propriétés génériques telles que la vivacité, la sécurité et l'échange de messages. À notre connaissance, aucun travail de vérification n'a traité le cas des propriétés spécifiques. En effet, ces propriétés visent à étendre la composition de services web en permettant aux utilisateurs de sélectionner le mode d'interaction le plus approprié pour leurs besoins actuels et le cadre dans lequel une interaction spécifique peut se produire ou non. Notre solution surmonte ces lacunes en permettant la vérification des propriétés génériques et spécifiques. Par ailleurs, nous remarquons que les traducteurs présentés dans [5, 4, 11, 15] ne supportent pas le langage standard BPEL 2.0, mais uniquement BPEL 1.1. Seul le travail de Quyet et al [14] a traduit le processus BPEL 2.0 en Promela. Cependant, ce travail n'est pas robuste du fait qu'il a proposé des règles de transformation ad-hoc qui ne traitent pas toutes les activités présentées dans BPEL 2.0. Par rapport à ce travail, notre outil de transformation peut être considéré comme un outil complet car il traite toutes les activités BPEL, sans passer par un modèle intermédiaire. Les contributions présentées dans cet article sont de deux volets. Premièrement, nous proposons une approche de vérification, qui prend en compte à la fois les propriétés génériques et spécifiques. Deuxièmement, nous présentons un outil de transformation de BPEL en Promela à l'aide de l'outil ANTLR. Une transformation des deux d'activités BPEL (Partner Link et Repeat Until) est détaillée dans ce travail.
1 4. APPROCHE PROPOSÉE
L'approche de validation d'orchestration de services web que nous proposons dans cet article est composée principalement de deux phases voir Figure 3) : • Génération du code Promela (Phase 1): Au niveau de cette étape, seul le processus BPEL est pris en considération afin de générer le code Promela correspondant sans tenir compte des propriétés non-fonctionnelles à vérifier. La transformation de BPEL en Promela est développée à l'aide de l'outil BTP (BPEL To Promela) que nous le détaillerons dans la section 5. • Vérification des propriétés (Phase 2): les propriétés non-fonctionnelles sélectionnées par le concepteur seront prises en considération par le model-checker SPIN afin de s'assurer si la spécification Promela satisfait ces propriétés ou non. 4.1 Propriétés génériques
Les propriétés génériques sont relatives aux services web invoqués sans tenir compte des activités qui les composent. Parmi ces propriétés, nous pouvons citer la vivacité, la sureté ou la disponibilité : Vivacité Elle signifie qu'un comportement souhaitable peut se produire dans l'avenir. Sureté Elle signifie qu'un comportement indésirable ne se produira jamais. Disponibilité Plusieurs travaux de recherche ont abordé le concept de la disponibilité sous différentes définitions. Dans le domaine de l'embarqué, un système est disponible signifie que ses fonctions sont accessibles aux utilisateurs dans des délais prévus. Dans le cadre des systèmes d'information, la disponibilité consiste à garantir que les ressources et les services du système sont disponibles aux utilisateurs autorisés. Selon [1], la disponibilité est la capacité d'un service web à être disponible à tout moment. La définition que nous adoptons dans ce travail est la suivante : la disponibilité d'un service est sa capacité à achever une tâche suite à une invocation. En effet, cette définition combine les propriétés de vivacité et de réactivité pour assurer une terminaison réussie d'un service web composé et garantir une requête de réponse pour chaque invocation. 4.2 Propriétés spécifiques
Les propriétés spécifiques ou d'interdépendances sont des propriétés qui peuvent être vérifiées au niveau des activités d'un service web composé. Elles désignent le type de relations entre ces activités. Elles permettent aux utilisateurs de sélectionner dynamiquement le mode d'interaction le plus approprié pour leurs besoins actuels et le cadre dans lequel une interaction spécifique peut se produire ou non. Ces propriétés peuvent être classées en trois sous-classes : 1 La transformation des autres activités est disponible à l'adresse : http://www.redcad.org/software.html "!
Figure 3: Approche formelle de vérification.
1. Propriétés d'exclusion
Étant donné deux activités, les propriétés d'exclusion désignent qu'une activité ne doit pas être exécutée si une autre a eu lieu. "Choice", "mutex" et "conflict" sont trois alternatives des propriétés d'exclusion. • Choice La propriété d'interdépendance "choice" entre deux activités signifie que les deux activités réalisent essentiellement les mêmes actions. Ainsi, elles ne devraient pas être exécutées ensemble parce qu'elles vont provoquer des problèmes d'exécution. • Mutex La propriété d'interdépendance "mutex" signifie que si une activité a été exécutée, alors l'exécution de l'autre activité ne doit pas avoir lieu sinon elles vont engendrer des erreurs. Cette propriété diffère de la propriété "choice" du fait que les activités n'assurent pas les mêmes actions. • Conflict Cette propriété d'interdépendance entre deux activités données peuvent avoir lieu lorsque l'une affecte une activité d'une manière positive et l'autre affecte la même activité d'une manière négative.
2. Propriétés d'inclusion
Les propriétés d'inclusion sont des relations entre les activités dans lesquelles l'exécution d'une activité nécessite l'exécution de l'autre activité pour avoir plus de valeur ajoutée. "Requirement" et "assistance" sont deux exemples de propriétés d'inclusion.
• Requirement
La propriété "requirement" entre deux activités signifie que l'utilisation de l'une nécessite l'utilisation de l'autre. (indépendamment de l'ordre d'exécution). • Assistance Cette propriété d'interdépendance entre deux activités signifie qu'une activité peut assister une autre activité, si et seulement si elle a un impact positif sur ses fonctionnalités. 3. Propriété de précédence
La propriété d'interdépendance"précédence"entre deux activités est un cas particulier de la propriété "requirement" puisqu'elle tient compte de l'ordre d'exécution des activités.
5. MISE EN OE UVRE DE LA TRANSFORMATION
Dans cette section, nous présentons notre outil BTP (BPEL To Promela). C'est un traducteur à base de grammaire développé à l'aide de l'outil ANTLR. Cet outil ANTLR permet de générer un reconnaisseur du langage défini par une grammaire à travers la lecture des flux d'entrée et la génération des erreurs si un flux d'entrée n'est pas conforme à la syntaxe spécifiée par la grammaire. Afin de réaliser une analyse lexicale et syntaxique, ANTLR répartit la grammaire en deux parties principales qui sont Lexer et Parser. • Lexer : c'est l'ensemble des règles de la grammaire qui permet d'analyser la structure des caractères du fichier d'entrée (stream of caracters) et les convertir en des jetons (stream of tokens) pour être analysés plus tard par le parseur. Les lexers sont souvent décrits en majuscule. • Parser : c'est l'ensemble des règles formées par les jetons produits par les lexers afin de construire un arbre AST (Abstract Syntax Tree) de toute la grammaire. Les parsers sont souvent décrits en minuscule. Afin d'expliquer les différentes phases de l'outil, deux exemples sont mis en jeu à savoir Partner Link and Repeat Until. 5.1 L'analyse lexicale
Cette étape consiste à déterminer la grammaire du langage BPEL dans un format défini par l'outil ANTLR dans lequel chaque activité BPEL est transformée en un attribut dans la règle correspondante.
Partner Link
Les partner links désignent les services web qui communiquent avec le processus BPEL. Le "Partner Link Type" précise le type de partenaire invoqué, le champ "PartnerRole" précise le rôle du web service sollicité et le champ "MyRole" qui est spécifié uniquement dans le cas d'un appel asynchrone permet de préciser le rôle du BPEL appelant.
<bpel : partnerLin k name=" name_Link " p a r t n e r L i n k T y p e= " name_PLT " myRole=" name_MR " partnerRol e = " name_PR "> </bpel : partnerLink
> La règle de grammaire correspondante est la suivante : B E G I N _ p
a
r t
n
e r L
i n k
name part
link ty p
(
my
Role )? ( partnerRol e )? END_partnerLink "PartnerRole" et "MyRole" sont définis comme des attributs optionnels à l'aide de l'opérateur "?" qui indique que ces attributs peuvent être répétés zéro ou plusieurs fois. Repeat Until C'est une activité structurée qui permet d'exécuter plusieurs fois de suite une même séquence d'actions. La condition est évaluée après chaque itération.
<bpel : RepeatUnti l name=" repun "> activitie s <bpel : condition> <! [ CDATA [ Expr_cond ] ] > </bpel : condition> </bpel : repeatUntil
> La règle de grammaire de
l
'activité
Repe
at
Until est la suivante : BEGIN_
repeat
Until
name
(
activities
)+
condition
END
_repeat
Until
L'opérateur "+" est utilisé
pour indiquer que le bloc "activities" peut être exécuté zéro ou plusieurs fois. 5.2 L'analyse syntaxique
cette étape consiste à compléter la grammaire par des règles de réécriture (rewrite rules). En effet, elle se base sur la définition d'un jeton et sur une règle de réécriture pour chaque règle de la grammaire afin de construire l'arbre AST (Abstract Syntax Tree). Afin de structurer l'arbre AST, chaque règle de réécriture se définit par un noeud racine et des noeuds fils.
Partner Link
Pour l'activité partner link, la règle de réécriture est la suivante : partnerl in k : −>ˆ(PARTTOKEN name partlink ty p ( myrole )? ( partnerRo l e )? ) ; Repeat Until La règle de réécriture de l'activité structurée Repeat Until est la suivante : repeatun ti l : −>ˆ(REPTOKEN name ( Activities )+ condition ) ; Le jeton PARTTOKEN (resp. REPTOKEN) de l'activité Partner Link (resp. Repeat Until) est inséré dans l'ensemble des jetons Tokens : Tokens { PARTTOKEN ; REPTOKEN } 5.3
Génération de code
Cette étape consiste à définir le TreeWalker dans laquelle nous définissons le code sortie correspondant à chaque règle de réécriture de la grammaire. Partner Link
Le code Promela correspondant à l'activité Partner Link est le suivant : partnerli n k :−>ˆ( PARTTOKEN name partlinkt y p ( myrole )? ( partnerRo le )? ) { chan n a m e _ L i n k _ I N = [ 0 ] of { mtype, type_var } ; chan n a m e _ L i n k _ O U T = [ 0 ] of { mtype, type_var } ; } ; En Promela, la communication est assurée à travers des canaux de communication. Pour cela, nous avons défini pour chaque "Partner link" deux canaux : un canal de type OUT pour la communication entre le processus BPEL et le service web invoqué et un canal de type IN qui permet aux services web invoqués de communiquer avec le processus BPEL. Repe
at
Until Pour l'activité Repeat Until, le code Promela correspondant est le suivant : if−statement :−>ˆ( REPTOKEN name ( activits )+ condition ) { do : : activitie s ; : : Expr_Cond−> break ; od ; } ; En Promela, elle garde la même structure utilisée en BPEL en la traduisant en une boucle "do". Lorsque la condition est vérifiée, nous définissons l'instruction "break" pour arrêter l'exécution et quitter la boucle. 6. IMPLÉMENTATION ET VALIDATION
Pour mettre en oeuvre notre approche de vérification formelle dans un contexte pratique, nous proposons un outil de vérification BpelVT (BPEL Verification Tool)2 afin de valider l'orchestration de services web. Cet outil est composé de trois modules 4 : Gestionnaire BPEL L'outil prend en entrée une spécification BPEL encodée en XML. Ensuite, ce fichier est analysé pour extraire toutes les activités. Génération de code Une fois la spécification BPEL est chargée, le code Promela sera généré à l'aide de BTP (BPEL To Promela) développé en utilisant l'outil ANTLR et détaillé dans la section 5.
Processus de vérification
A ce niveau, un ensemble de propriétés génériques, spécifiques et composées sont à la disposition de l'utilisateur afin de déclencher le processus de vérification. Deux types de vérification sont possibles : • Vérification simple : dans ce cas un message s'affiche contenant le résultat de la vérification des propriétés sélectionnées. 2 Cet outil est disponible http://www.redcad.org/software.html à l'adresse : Figure 4: L'outil BpelVT. • Vérification complexe : une fenêtre SPIN s'affiche pour chaque propriété sélectionnée contenant la propriété exprimée en LTL, le résultat de la vérification, le nombre d'états accessibles et l'espace mémoire utilisé. 6.1 Expérimentation
Comme illustration de notre approche de vérification de l'orchestration des services web, nous prenons comme étude de cas la bourse des valeurs (voir Figure 5) qui est un service web composé permettant aux clients de réaliser la vente en ligne des actions de bourse. Invocation du
service
L'exécution du processus "Bourse des valeurs" au sein d'un marché financier est initialisée par la réception d'une demande de la part du client contenant le libellé de l'action, le nombre d'actions à vendre, le prix de vente unitaire ainsi que la période de vente. Dès qu'il reçoit le message, l'orchestrateur invoque le service web du portefeuille du client "SW Portefeuilles" pour vérifier le nombre d'actions à vendre. Si le nombre est supérieur à celui demandé, le processus envoie un message de vérification au client. Dans le cas inverse, le processus invoque le service web "SW Ordre de vente" afin d'enregistrer cet offre. Une fois le processus enregistre la transaction de vente, il sollicite le service web de gestion d'achat "SW Gestion d'achats", pour consulter les demandes d'achats des actions dans lesquelles le nombre d'actions à acheter est inférieur ou égale au nombre à vendre. Deux cas se présentent : si le service de gestion d'achats ne retourne aucune demande d'achats, le processus reste en attente d'une demande pendant la période de vente jusqu'à l'annulation de la transaction de vente pour informer le client qu'aucune demande d'achat n'est reçue pendant la période donnée. Sinon, le service web de gestion d'achat envoie ensuite au processus une demande d'achat. Règlement Afin de procéder au payement, le processus crypte le montant de vente afin d'effectuer un règlement sécurisé. Si le montant de la facture est inférieur à 10 000 $, le processus invoque le service web de cryptage "Cryptage court SW". Sinon, il invoque le service web de cryptage long "Cryptage long SW" pour crypter les données. Ensuite il sollicite le service web de liquidité "Liquidité SW" afin de régler la transaction en ligne. Lorsque le règlement est terminé, le processus invoque en parallèle deux services web: le premier est "Porte feuilles SW" pour débiter les actions du client, et le deuxième est "Ordre de vente SW" pour valider la transaction de vente. Finalement, le processus retourne les détails de vente au client. 6.2 Vérification des propriétés génériques
Dans cette section, trois propriétés sont considérées à savoir la vivacité, la sûreté et la disponibilité. Vivacité Il s'agit de vérifier que le processus BPEL termine éventuellement son exécution avec sucées. La formule LTL est la suivante : # define p a c t i v
i
t
y
−1==
true # define q a c t i v i t y −2==true [ ] ( p −> <>q ) activity-1 et activity-2 sont respectivement la première et la dernière activité du processus.
!!"!!"
Figure 5: Processus BPEL pour la vente d'actions Sû
reté Chaque processus BPEL dispose toujours au moins d'une activité d'invocation de service web. La formule LTL est la suivante : vérifiées. Ces exigences sont résumées dans les propriétés suivantes : # define p i n v o k e −a c t i v i t y==true L'activité de confirmation d'achat ("Reply-AV") et celle d'annulation ("Reply-CL") ne doivent pas avoir lieu toutes les deux dans un processus BPEL. La formule LTL correspondante est la suivante : [ ] (p) Disponibilité Toujours, chaque processus BPEL termine son exécution avec succès en garantissant qu'une réception d'un message est suivi, éventuellement, par une réponse. La formule LTL est la suivante : #
define # define # define # define [] p q x y activity activity activity activity −1 −2 −3 −4 == == == == false true false
true ( ( p −> <>q )
&& (
x
−>
<>y
)
) activity-1 et activity-2 sont respectivement la première et la dernière activité tandis que activity-3 et activity-4 sont respectivement invoke et reply. 6.3 Vérification des propriétés spécifiques
Afin que le processus BPEL relatif à notre étude de cas fonctionne à merveille, un ensemble d'exigences doivent être 6.3.1 Propriété d'exclusion : Mutex # define p Reply
−
AV
== true # define q Reply−CL == true []! ( p && q
) L'exécution de l'activité d'annulation signifie que l'action d'achat n'a pas eu lieu pour une raison ou une autre. 6.3.2 Propriété d'inclusion : Requirement
L'activité de confirmation d'achat (" invoke-OV3") ne doit avoir lieu que si l'action de payement (" invoke-L") est achevée avec succès. La formule LTL correspondante est la suivante: #
define
p i
n v o k
e −OV3 == true # define q
i
n
v
o
k e −L == true <>(p && q ) ) | | <> ( p
)
6.3.3 Propriété de précédence
Une fois l'action d'achat (" invoke"-GA) est achevée avec succès, un message de confirmation (" Reply-DE") doit être soumis au consommateur. La formule LTL correspondante est la suivante : # define p i n v o k e −GA == true # define q Reply−DE == true!p W q
6.4 Composition de propriétés spécifiques
La composition de propriétés se réfère à la création d'une nouvelle propriété composée en rassemblant les propriétés spécifiques. En effet, la vérification d'une seule propriété est parfois insatisfaisante pour s'assurer de la bonne évolution globale du service web composé. Une composition de propriétés spécifiques est donc nécessaire pour construire de nouvelles propriétés avec de nouvelles fonctionnalités par leurs exécutions dans un ordre bien défini afin de satisfaire un besoin bien déterminé. Nous pouvons, par exemple, définir la propriété composée comme suit: une relation de disjonction entre la propriété de Précédence (entre les activités "invoke-GA" et "Reply-DE") et la conjonction de deux propriétés Mutex (entre les activités "Reply-AV" et "Reply-CL") et Assistance (entre les activités "Invoke-SE" et "Invoke-L"). P r e r e q u i s i t e | | ( Mutex && Assistance ) Cette propriété composée fournit d'autres scénarios consistants pour la vérification formelle en fournissant plus de flexibilité et d'expressivité en terme de combinaison de propriétés spécifiques à l'aide des opérateurs logiques. 6.5 Évaluation
Les résultats qui découlent de la vérification des propriétés génériques, spécifiques et composées sont récapitulés dans le tableau 1. Pour chaque propriété, nous donnons le résultat
Table 1: Résultat de la vérification Propriété Résultat Etat Mémoire accessibles (Mb) Vivacité Vrai 5238 7.176 Sûreté Vrai 6892 8.836 Disponibilité Vrai 10563 12.352 Mutex Vrai 5238 7.176 Requirement Vrai 5302 7.273 Précédence Vrai 490 2.195 Propriété Vrai 6571 8.641 composée de la vérification, le nombre d'états explorés et la taille de la mémoire utilisée pour
la vérification. Pour les propriétés génériques, SPIN explore entre 5000 et 10000 états accessibles en utilisant entre 7.000 et 12.000 Mb de mémoire. Pour vérifier des propriétés spécifiques, SPIN explore entre 400 et 6000 états accessibles en utilisant entre 2.000 et 8.000 Mb de mémoire. En passant d'un type de propriété à un autre, la taille de la mémoire ainsi que le nombre d'états explorés varient. 7. CONCLUSION ET PERSPECTIVES
Dans cet article, nous avons présenté notre approche pour la validation d'une orchestration de services web par la vérification des propriétés non-fonctionnelles. Comparée aux autres approches, l'originalité de notre proposition est de permettre la prise en compte de deux types de propriétés non-fonctionnelles au moment de la validation à savoir les propriétés génériques et les propriétés spécifiques. Les propriétés génériques peuvent être vérifiées sur les services qui participent à une orchestration. Les propriétés spécifiques sont les relations d'interdépendance entre les activités d'un processus BPEL. Une composition de nouvelles propriétés est possible à partir des propriétés spécifiques. La vérification de ces propriétés est assurée à l'aide du model-chercker SPIN pour cela nous étions amener à développer un outil de transformation du BPEL vers Promela, le langage de modélisation de SPIN. C'est un outil à base de grammaire et développé à l'aide de l'outil ANTLR. Ce travail ouvre plusieurs perspectives. Nous envisageons, dans un premier temps, d'intégrer le retour en arrière (backtracking) du code Promela au modèle BPEL après une étape de raffinement ce qui permet d'aider à la localisation des erreurs en cas de violation d'une (ou plusieurs) propriété(s). Ensuite, nous étendons notre approche pour qu'elle supporte d'autres langages de spécification et ne se limite pas à BPEL comme langage d'orchestration et à SPIN/Promela comme model-checker. A moyen terme, nous souhaitons étudier l'intérêt de notre approche pour permettre la validation de la chorégraphie. Nous envisageons également d'étendre les propriétés non-fonctionnelles en ajoutant d'autres propriétés spécifiques à ce type de composition. Enfin, il serait nécessaire d'étudier la composition de services dans could computing pour voir la possibilité de bénéficier de notre approche..
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French
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La figure III. 9a. sur laquelle on trouve un agrandissement de la courbe 5 citée h ci-dessus, met en évidence une discontinuité au passage de
la
résonance
séculaire (
l
:-3). Cette discontinuité est certainement la marque de la destruction de tores invariants voisins de la zone de résonance, voire même de la présence de phénomènes chaotiques. Quoique il en soit, à la vue de la régularité de la torsion, on peut d'ores et déjà conclure que si des phénomènes chaotiques existent au sein de l'espace des phases, ils ne peuvent être que de faibles ampleurs et surtout très localisés. Pour aller plus loin, intéressons-nous à la figure III. 9.b. Cette dernière représente le taux de diffusion en fonction du rapport des fréquences fonda mentales. Il s'agit plus précisément du logarithme de la différence du rapport des fréquences fondamentales calculé sur deux tranches consécutives de 67 millions d'années. Comme à l'habitude, le logarithme décimal de la précision de la détermination des fréquences est représenté par des points. Ce graphique indique que la majeure partie de l'espace des phases est encore peuplée de régions où la dynamique est quasi-périodique (la diffusion est de l'ordre de 10"10 avec quelques brèves excursions aux alentours de 10"8). Notons que cette diffusion correspond à des variations des fréquences fondamentales n'excédant pas 2 10"10 /an par million d'années à 2 10"8 /an par million d'années). Seules qua tre régions se détachent : celles correspondant aux résonances (2:-l), (ll:-3) et (4:-l) et surtout la région voisine de la résonance (3:-l). Les trois premières régions, assez étroites, ont un taux de diffusion qui ne dépasse jamais 10"6 en 67 millions d'années. De plus, la précision étant du même ordre de grandeur, ce taux n'est pas significatif. Cette dernière remarque nous pousse à conclure que l'étendue de la diffusion en ces lieux est sans doute due à l'erreur interne de la méthode. Nous ne sommes donc pas forcément en présence de chaos. Ces trois régions ont chacune subi une étude approfondie (nous allons la détailler plus bas) qui n'a fait que confirmer la présence de points fixes, ou plutôt le franchissement des séparatrices associées, sans apporter d'autre information. On peut donc conclure que ces régions de résonances sont, une fois de plus, de taille totalement négligeable et qu'elles n'ont aucun effet sur la dynamique du problème. En revanche, le cas de la résonance (3:-l) paraît beaucoup plus intéressant. En effet, le taux de diffusion atteint ici 10"2'5 en 67 mil lions d'années (ce qui engendre une variation des fréquences fondamentales ne dépassant pas 1" en 300 millions d'années) et garde toute sa signification puisque la précision, bien qu'étant mauvaise, reste encore inférieure à la variation des fréquences. Ce phénomène, mis en parallèle avec la singularité que montrait la courbe 5 de la figure IV.4 est, sinon la trace d'un comportement chaotique, du moins l'indice d'une destruction de tores. Nous allons ainsi consacrer la dernière partie de cet exposé à l'étude déta du voisinage de la résonance séculaire (3:-l). Débutons cette étude par une section de Poincaré. La figure III. 10. a représente un détail de l'intersection des trajectoires avec la surface d'équation B2 = 0. Il s'agit de 50 orbites 112 de l'application de premier retour pour lesquelles les points initiaux ont été choisis voisins de Ai = 0.045 et avec A2 = A\ = B2 = 0. Cette figure met en évidence l'existence de trois îles de libration ainsi que les trois points hyperboliques associés (sur la figure, lieux où s'accumulent les orbites). Les figures III. 10.b et III.lO.c montrent un agrandissement de ces deux types de point d'équilibre (traces des orbites périodiques résonantes sur la surface de section). Notons toujours la totale régularité des trajectoires, en particulier des séparatrices (figure III.lO.c) qui n'ont pas l'air de s'entrelacer. Mais cette étude ne pouvant donner que des résultats qualitatifs, nous allons une nouvelle fois recourir à l'emploi de l'analyse en fréquence. La figure III. 11. a montre l'analyse fine de la singularité de la courbe III. 9. a. Cette courbe a la forme typique du passage du point hyperbolique du pendule simple (cf paragraphe III. 1.2 et figure III.La). Le comportement du système est ici plus complexe que celui du pendule simple, on retrouve bien la discontinuité, marquée par une droite presque verticale au passage du point hyper bolique, mais en avant et en arrière de ce point, la torsion n'est pas monotone. Quoiqu'il en soit, cette analyse ne nous fournit aucune trace de chaos. Lme région chaotique existe certainement au voisinage du point hyperbolique (marqué par la singularité de la figure III. 1 La), mais en comparant notre courbe fréquence à celles construites par J.Laskar pour le standard mapping [LaFrCe], il semble claire qu'aucune de nos conditions initiales ne se trouvent dans cette zone chaotique. La figure III. 11.b, correspondant aux résultats d'une étude semblable centrée sur le point elliptique, va nous donner une information supplémentaire sur cette zone.
sur ce
graphique
le
palier typ
ique de la rencontre de la région de libration. On reconnaît Notons que sur les bords de cette île, la courbe de fréquence possède plusieurs discontinuités dont l'interprétation est très délicate. Peut-être sont-elles dues à la présences de résonances secondaires? Malgré cette difficulté, la présence marquée de l'île de libration va nous per mettre d'accéder à une information importante. D'après une estimation de Chirikov [Chi], si la largeur de l'île de libration est A, dans notre cas, A = 2.2 10~4, la taille de la région chaotique au voisinage du point hyperbolique (due à l'entrelacement des séparatrices) est d'ordre exp( - 1/a/A), ce qui correspond dans notre situation à une largeur d'environ 10~40. Une si faible taille rend impossible le discernement d'une telle région par quelque méthode que ce soit. En revanche, l'analyse de la régularité de l'application fréquence nous a permis de mettre en évidence sa présence probable. Revenons brièvement sur les résonances (2:-4) et (l:-4). Pour ces dernières, l'étude des sur faces de section n'a rien montré, même les îles de libration sont restées invisibles. L'analyse en fréquence fine de ces régions n'a pas permis, elle non plus, de discerner le palier de li bration, ce dernier devant être très inférieur à 10"4, distance séparant deux conditions initiales successives.
113 Figures III.9 f2/fi Figures III.9 : Espace séculaire d'ordre deux pour a = 0.5439 III. 9. a :.4.1 en fonction du rapport des
fréquences fondamentales. Il s'agit, de la courbe 5 de la fi.gure III. S. a (où abscisses et ordonnés ont été inversés), mais la dilatation de l'échelle du rapport des fréquences met ici en évidence la discontinuité pour (>/f\ - 3.
III. 9.b : Diffusion en fonction du ra.pport des fréquences. de diffusion excepté au voisinage de f>/f\ = 2.3.11/3.4. 114 On constate le très faible taux Figures 111.10 At, 0.01 0.02 P (b) L (c) 0.005 0.01 0 0.01 U 0 i- -0.005 - r 0.02 -0.049 -0.01 -0.048 -0.047 -0.046 -0.045 -0.044 0.043 0.0435 0.044 0.0445 0.045 0.0455 At, Atj Figure
s III. 10 : Surface de section au voisinage de la résonance séculaire (3:-l). III. 10. a : On remarque les zones vides correspondant aux régions de librations. III. 10.b : Détail de la section au voisinage du point elliptique. III. 10. c : Détail de la section au voisinage du point, hyperbolique.
115
Figures III.11 3.01 h (b) i f- f - r ; 2.99 -0.0486 -0.0484 -0.0482 -0.048 Atx Figures III. 11 : Aspect de la torsion au voisinage de la résonance (3:-l). III. 11.a : Discontinuité à la rencontre du point hyperbolique. III. 11. b : Rencontre de File de libration.
116 III.4.6) Stabilité globale des problèmes séculaires.
Les études que nous venons de mener nous montrent que, sur une durée de cent millions d'années, les problèmes séculaires considérés sont parfaitement stables et ce, indépendamment de la proximité de la résonance en moyen-mouvement (2:-5). Le seul effet marquant mis à jour par cette dernière étude est l'augmentation de la torsion avec la diminution de la distance à la résonance précédente qui ît le nombre de résonances séculaires accessi bles. Malgré la présence de ces dernières, aucun phénomène chaotique n'a pu être mis en évidence. Il semble qu'un très grand nombre de tores invariants du problème non perturbé soit con servé dans le problème séculaire troublé. En effet, les analyses en fréquence ont mis en évidence la présence quasi-permanente de trajectoires toujours très proches de celles ren contrées pour un mouvement quasi-périodique, sauf peut-être au voisinage des résonances séculaires d'ordre faible ( (l:-2), (l:-3) et (l:-4) ). Mais ces régions où peuvent naître des phénomènes chaotiques sont totalement isolées les unes des autres. Ainsi, en l'absence de leur recouvrement, on ne peut rencontrer dans le pire des cas qu'un chaos modéré et surtout localisé (confiné par les tores invariants). Toutes ces raisons font que le résultat de stabilité que nous venons d'obtenir sur une durée d'environ cent millions d'années, peut sans doute être prolongé à des périodes de plusieurs milliards d'années. CONCLUSION
Grâce à l'utilisation du manipulateur algébrique TRIP, et en employant le formalisme héliocentrique canonique et les méthodes de développement de la fonction perturbatrice planétaire élaborées par J.Laskar, nous avons pu obtenir les expressions nécessaires à l'application de la théorie KAM dans le problème planétaire spatial des trois-corps. Ces expressions ont été calculées de manière totalement analytique, et sont valables pour toute valeur du rapport des demi-grands axes planétaires. Ainsi, nous avons pu généraliser le résultat d'Arnold portant sur le problème plan des deux planètes et montrer que la plupart des conditions initiales du problème planétaire spatial des trois corps conduisent à des trajectoires quasi-périodiques, à condition que les masses et excentricités planétaires soient extrêmement faibles et que l'inclinaison mutuelle soit inférieure à une valeur Jo- Une estimation numérique des termes négligés lors de la construction de la forme normale nécessaire à l'obtention du résultat a permis de montrer qu'une borne inférieure de J0 était égale à un degré. Notons que si les seuils de validité du théorème fondamental d'Arnold dont découle cette application étaient améliorés, ce résultat de stabilité serait encore valable sans modification. Les estimations d'Arnold n'étant pas optimales, il y a bon espoir de voir ces seuils aug menter. On sait par exemple que Moser établit en 1962 l'existence de tores invariants (dans un problème non-dégénéré) pour des valeurs du paramètre perturbateur pouvant atteindre 1CT48 [Hé66]. De même A. Celletti réussit à confiner certaines orbites périodiques entre deux tores ne se détruisant pas avant que la taille de la perturbation n'atteigne 10-3 dans le meilleur des cas. D'un autre point de vue les résultats du type Nekhoroshev semblent eux aussi pouvoir porter leurs fruits. Mais pour un système planétaire (problème con tenant une dégénérescence propre) seules les actions rapides (associées aux demi-grands axes) peuvent être confinées sur un temps exponentiellement long. Dans sa thèse, L. Nie- derman [Ni] montre que l'on peut effectivement appliquer le théorème de Nekhoroshev au problème planétaire des n-corps. De plus, par une application directe d'un théorème de Nekhoroshev au hamiltonien du problème planétaire des trois corps, il réussit à borner les variations des demi-grands axes planétaires sur un temps de l'ordre de l'age du système solaire, pour des niasses avoisinant 10"12 fois celle du corps primaire. En ajoutant à ces résultats la très grande régularité du problème séculaire associé au couple Jupiter-Saturne, fait que nous avons établi à l'aide de l'analyse en fréquence, il semble qu'il soit possible, par la construction d'une forme normale à un degré suffisamment élevé et en estimant la taille de chaque transformation nécessaire à sa construction, d'obtenir une démonstration parfaitement rigoureuse de la stabilité de certains problèmes à deux planètes réalistes sur une durée sinon infinie, au moins équivalente à celle de l'age du système solaire. On peut espérer pouvoir obtenir un résultat de 1a. sorte pour un problème comportant quatre planètes, le système formé de nos quatre planètes géantes étant très stable. En revanche, cela est sûrement impossible pour le système solaire complet dont les planètes 11S telluriques se comportent de manière chaotique [La90]. Le mouvement chaotique des planètes intérieures est du essentiellement à la présence de résonances séculaires. Il était donc important de comprendre, en étudiant le modèle sim plifié du problème à deux planètes, si de telles instabilités pouvaient apparaître dans le système séculaire. Plus particulièrement, il convenait de savoir si pour un système proche d'une résonance en moyen-mouvement, une déstabilisation provenant de phénomènes séculaires pouvait se manifester avant celle due à la résonance orbitale [Qu]. L'étude menée au chapitre III a permis de répondre au moins partiellement à cette inter rogation. En appliquant la méthode d'analyse en fréquence au système séculaire associé au couple Jupiter-Saturne (système voisin de la résonance en moyen-mouvement (2 :-5)), nous avons pu obtenir une description globale sa dynamique. Nous avons ainsi montré que contrairement à la situation rencontrée dans le système solaire intérieur, les résonances séculaires n'ont pas d'effet déstabilisateur. Les régions de libration associées aux résonances principales sont en effet isolées et séparées par des tores invariants, il ne peut donc pas se produire de phénomène de recouvrement des résonances (générateur de phénomènes chaotiques de grande ampleur). On comprend alors, que si des mouvements chaotiques existent au voisinage des surfaces séparatrices associées aux résonances, ils ne peuvent être que de faible ampleur et très localisés. Cette description de l'espace des phases nous a donc permis de conclure à la stabilité du problème étudié sur une durée voisine de celle de Page du système solaire. Les conclusions précédentes restent certainement valables pour des systèmes séculaires con struit suffisamment loin des zones de résonances orbitales principales. Dans ces conditions, si on peut établir la stabilité à court terme du problème complet, elle reste alors valable à long terme. On comprend ainsi l'importance de l'étude de la répartition des résonances en moyenmouvement dans l'espace des phases, et surtout de leur recouvrement. Il semble que, pour les valeurs des masses de Jupiter et Saturne, ce recouvrement n'occupe qu'un faible volume de l'espace des phases. En revanche, en faisant augmenter les masses des planètes, les résonances orbitales risquent de se chevaucher dans une grande partie de l'espace. Une telle situation engendrera des instabilités à court terme. Il est sans doute possible de fournir ainsi des bornes supérieures aux masses planétaires conduisant à un système stable.
119 i Références bibliographiques [Ar63a] Arnold V.: 1963, "Proof of Kolmogorov's theorem on the préservation of quasi-periodic motions under small perturbations of the hamiltonien", Rus. Math. Surv volume 18, N6, 9-36 [Ar63b] Arnold V.: 1963, "Small denominators", Rus. Math. Surv volume 18, N6, 85-192 [Ar64] Arnold V.: 1964, "Instability of dynamical Systems with several degrees of freedom.", Sov. Math. Do kl 5, 581-585 [Ar88] Arnold V.: 1988, "Encyclopaedia of Mathemetical Sciences : Dymamical Sysytems", Springer-Verlag. Vol 3 [Be] Benettin G., Galgani L., Giorgilli A., Strelcyn J.M.: 1984, "A proof of Kolmogorov's theorem on invariant tori using canonical transformations defined by Lie method.", Il Nuovo Cimento. 79B,N2, 201-223 [Br] Bretagnon P.: 1982, "Théorie de mouvement de l'ensemble des planètes. Solution VSSOP82 ", Astron. Astrophys 114 278-288 [BrCl] Brouwer D., Clemence G.: 1961, "Methods of celestial mechanics", Academie Press. 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ANNEXE I TABLE DES NOTATIONS
On retrouvera dans ce qui suit la plupart des notations utilisées dans les pages précédentes. Le numéro de la page où la notation est utilisée pour la première fois est rapporté en premier colonne. On trouve ensuite le symbole ou la notation, et en troisième colonne un éventuel commentaire. 5 mo, mi, m2 : masses du Soleil et des deux planètes, mi pour la planète intérieure 6 _ Pj ~ : masses réduites utilisées dans le problème de Kepler mQmj mo + rrij 6 Pj = G(m0 + rrij) : où G est la constante de la gravitation universelle 13 : petit paramètre perturbateur de l'ordre du rapport des masses planétaires 59 à celle du Soleil U0,U1,U2 : vecteurs position barycentrique du Soleil et des planètes 5 üo,üi,ü2 : moments conjugués des variables ci-dessus 5 ro,ri,r2 : variables de positions héliocentriques 5 fo,ri,f2 : moments conjugués des variables ci-dessus 10 ri,r2 : distances héliocentriques 6 A =|| ri - r2 || 5 i'i : distance mutuelle • r2 10 cos S = 6 F, Fq, Fi : hamiltonien en variables héliocentriques, partie d'ordre 0 et 1 des masses 10 Ti : partie complémentaire du hamiltonien en variables héliocentriques 10 Fc : partie complémentaire normalisée (sans unité) 6 a, e, i, M, v,ui,Q : éléments osculateurs : demi-grand axe, excentricité, inclinaison, anomalie rq r2 moyenne, anomalie vraie, argument du périhélie, argument du noeud ascendant. On ajoutera un indice pour différentier la planète intérieure (indice 1) et extérieure (indice 2) : rapport des demi-grands axes a2 24 kj - e cos(ujj +
Qj
)
24 24 qj = sin(ij /2) cos Qj 24 pj = sin(ij/2) sin Qj 8 Lj, Gj, Qj, lj, yj, 0j 8 Lj = y/pjâj 8 Gj = LjJl-e] 8 Qj = Gj cos ij 8 lj = Mj hj = esin(o;j + Qj) 8 (jj = ujj 8 6j = Qj 8 C = i'i A ri + r2 A r2 9 C= || C || 10 J 10 Cj = 1 - cos J :
variables canoniques de Delaunay : moment cinétique : inclinaison mutuelle 6 (Xj,Aj.xj.-ixj) variables canoniques complexes de Poincaré 6 Xj - h + "
j
longitude moyenne
6 Aj -
ft
j \JPj aj 11 Xj 11 Xj 11 Tlj = \Jpj ( Lj - Gj /~2~ V 11
moyen
-
mouvement de
la je planète P = - ü r2 12 Vi = cos(Ai - À2) 12 v2 12 K := 19 Uj = - Vi = (-)2-i a 2a Vi + a2 VA r2 12 A = l + 2a cos(Ài - A2) d~ a* 12 b(sk\a)
coefficients de Laplace
13
k=^- = hJà 13 Z32=(Al±Ml C2 Ai A2 14 Fs, xs : quantités séculaires utilisées lors de l'application de la • • méthode de Lindstedt-Poincaré 15 5,51,52 fonctions génératrices de la méthode precedente dF0 16 : vecteur fréquence du hamiltonien non-perturbé Uo ~ dA 20 Lj = exp (iXj ) 20
à
{
q) : entier compris entre - q et q de la parité de q 31 : partie quadratique du hamiltonien d'ordre 1 31 h[2) c;2) 31 Pl,P2 : coefficients de Hj2' 31 Ai, A2 : valeurs propres de la matrice symétrique réelle associée à la forme : partie quadratique du moment cinétique quadratique définie par la partie de degré 2 du hamiltonien d'ordre 1 ou 2 des masses. Le programme suivant a pour objet le calcul du développement du hamiltonien séculaire d'ordre un des masses de manière totalement analytique. Ce calcul à été présenté dans tous ses détails au chapitre I. L'utilisation des coefficients de Laplace en rend l'expression exacte (pour un degré fixé des excentricités et inclinaisons) pour toute valeur de a comprise entre zéro et un. Dans ce qui suit, nous avons adopté les notations : X =
yl-ej exp(zuq) yjl - e-2 exp(z'cj2) Xp = Xb = X, Xpb = Xo, alp = a L = exp(zÀi) Lp = exp(z'À2) et PHI = LLp = expz(Ai - À2)
Décrivons brièvement les différentes procédures utilisées dans ce programme (cf programme page suivante) : -init : nX est ici le degré total maximal (en excentricité et inclinaison) auquel on calcule le hamiltonien. Le hamiltonien séculaire ne possédant que des termes de degré pair, si nX est impair on le remplace par nX-1. La suite de ce sous-programme est consacré à la création des troncatures et des tableaux de séries et de variables. Toute déclaration étant globale, ces tableaux et troncatures seront connus dans toute la suite de l'exécution. -chgpoinc et chgpoincp : effectuent, dans la série "nom", la substitution des éléments oscillateurs par les variables de Poincaré. -CosS, calc_ ro et calc_ V : sont destinés à construire la série V. Le point de départ de cette construction est le développement des quantités r/a, a/r, sin(u) et cos(u), en puissance des excentricités planétaires. Il s'agit d'une fonction élémentaire de TRIP. -calc_ U : calcul des séries Uj. Comme on ne s'intéresse ici qu'au hamiltonien séculaire, nous utilisons la troncature "tsec" ayant pour objet de ne conserver que les inégalités (p, -p), ce qui réduit notablement la taille des séries et par la même la place mémoire utilisée. -Lapbase : a pour objet d'exprimer les 6s°^(a) et bi°\oi) de s = so à Si en fonction de bi^Ça), b[\\a),a et A2 = (1 - a2)-1 -coefLap : expression de tous les coefficients de Laplace utilisés dans la procédure suivante en fonction de 6^(a) et &i^(a) avec s\ = nX + 1/2. 126 -Laplace : développement des A~9. Afin de réduire au maximum le nombre de calculs, on calcul différemment ces séries pour s > nX + 1/2 et pour 6 < nX + 1/2. Dans le premier cas, on utilise la formule (1.5.4) où les coefficients de Laplace ont déjà été exprimés en fonction de 6^( a) et Dans le deuxième cas, on applique simplement la relation : +-(*-!) = (1 + aPHI)( 1 + aPHI-^A-3. -ham : calcule de la partie séculaire du hamiltonien, on utilise la troncature "tsesec" permettant de n'obtenir que les termes L\L\. -simplifham : l'expression du hamiltonien calculé par "ham" contient encore la variable A2. Mais, comme nous l'avons vu en 1.5.3, le choix des deux coefficients de Laplace utilisés est tel qu'il doit apparaître une simplification de la série "ham*'. Cette procédure a pour objet d'effectuer cette simplification et d'éliminer ainsi la variable A2. -introD : substitution de l'inclinaison mutuelle par une expression faisant intervenir le paramètre D2.
Programme
"
ham
sec
trip" /* Calcul de la partie séculaire du hamiltonien en effectuant la réduction du moment cinétique. Développement au degré total nX des variables X,Xb,Xp,Xpb,C]. V macro init /* Initialisation des troncatures, constantes et table
. */ { /* nX doit ici être pair */
t=pi*nX$ if (cos(t)<=-l) then {nX=nX-l;}
fi; /* le test == ne fonctionne pas
! */ tl=({(X,Xb),nX}); tpl=({(Xp,Xpb),nX}); t2=({e,nX+l}); t3=({(X,Xp,Xb,Xpb),nX}); tsec=({L,U}); tsecsec=({PHI,0}); t4=({(X,Xp,Xb,Xpb,CJ),nX}); tD=({(XXp,Xb,Xpb,D),nX}); kO=nX/2S sm=2*nX+15 kmax=3*nX/2S dim A[0:nX]; dim b[l:sm,0:kmax]; dimvar bb[l:sm,0:kmax]; tabvar(bb); dim U[0:nX]; }; macro chgpoinc[nom] /* Passage des éléments oscul
ateurs aux variables de Poincaré. */ { usetronc(tl); aux=Bin(XX,0.5,nX)S aux=subst(aux,XX,-X*Xb/4)S z=aux*X S zb=aux*Xb S poinc=substpow(nom,OM,l,z*e*M,l)S poinc=substpo w( poinc,OM,-l,zb*e**-l,1 )$ poinc=substpow(poinc,e,2,z*zb,0)$ efftronc; macro chgpoincpfnoml usetronc(tpl); aux=Bin(X,0.5,nX)S aux=subst(aux,X,-Xp*Xpb/4)S zp=aux*Xp S zpb=aux*Xpb S poincp=substpo w( nom,OM p, 1,zp*ep*M,1 )$ poincp=substpow(poincp/OMp,-l,zpb*cp*M,l)S poincp=substpow(poincp,ep,2,zp*zpb,0)S efftronc; 12S macro CosS {
/* Développement de CosS en fonction des variables de Poincaré et de l'inclinaison mutuelle.
*/ L=expi(l,l,0)$ Lp=expi
(
lp
,1,0)
5 var
conj((X,Xb),(Xp,Xpb)); Sinv(nX+l); Cosv(nX+l); TE=(_Cosv+i*_Sinv)/XS TE=subst(TE,X/L*OM*M )S %chgpoinc[TE]$ TE=poincS TEb=conj(TE)$ TEp=substvar(TE,(X,Xp),(Xb,Xpb),(L,Lp))$ TEpb=conj(TEp)$ usetronc(t4); cl=(TE*TEpb*L*Lp*M +TEb*TEp*L*M*Lp)/2$ c2=(TE^Ep*L*Lp+TEb*TEpb*L -l*
Lp**-f)/2 S CosS=0-cl+CJ**Z*(cl-c2)
/2
$ efftronc; }; macro calc ro /*
Calcul de ro=(a/r)*(r'/a') en variables de Poincaré au degré : nX */ usetronc(t
2); R
s
A
(
n
X+l
); AsR(nX+l); rSa=subst(_RsA,X,L*OM**-l
)S
a
Srp=subst(_AsR,X,Lp*OMp*M )$ aSrp=substvar(aSrp,(e,ep))S %chgpoincp[aSrp]S aSrp=poincpS %chgpoincfrSa]$ rSa=poincS U[0]=aSrpS efftrmon; usetronc(t3
);
ro = rSa*aSrpS
macro calc
_
V { usetronc(t4);
CosLLp = (L*Lp**-l + L*M*Lp)/2 S V = -2*alp*(CosLLp + ro * CosS) +alp**2*(
ro
**2
-1) S 129
macro calc_UT { usetronc(t4); for n=0 to (nX-1) { U[n+l]=V*U[n]$ usetrmon(tsec); U[n]=<subst(U[n],Lp,L*PHrM),l>$ efftrmon; }; /* on ne garde que les inégalités du type usetrmon(tsec); U[nX]=<subst(U[nX],Lp,L*PHI*M),l>S efftronc; efftrmon; macro Lapbase[sO,sl] /* Expression des coefficients de
Laplace
b[s0/2,
0]
et
b
[
s0/2
,
l
] en fonction des
b
[sl/2,0] et b[s
l
/2,
l
]
A2=(l-alp**2)**-l V { b[sl,0]=bb[sl,0]; b[sl,l]=bb[s
l ]; pm=(s0-sl)/2-l; for p=0 to pm s=sl+2*p; b[s+2,0]=2*A2**2/s*(s/2*(l+alp**2)*b[s,0]+(s-2)ifalp*b[s,l])S b[s+2,l]=2*A2**2/s*(s*alp*b[s,0]+(s/2-l)*(l+alp*Jf2)*b[s,l])S };
macro coefLap /* Expression de tous les coefficients de Laplace utilisés en fonction des b[sl/2,0] et b[sl/2,l] avec sl=(2
*
n
X+l
)
/2
V
for nk=kO to nX { s=2*nk+l$ for p=0 to kO+nk-2 { b[s,p-t-2]=((p+l)*(alp+alp*M) *b[s,p+l ]-(p+s/2)*b[s,pf)/(p-s/2+2); };' }; 130
macro Laplace /* Développement des expressions A-(s/2) en série de Fourier */
for nk=kO to nX { c=2*nk+l A[nk]=l/2*b[s,0]$ for p=l to kO+nk { A[nk]=A[nkl+(-l)Ap*b[s,p]*(PHIAp+PHIA(-p))/2S )/ }; for nk=l to kO { p=kO-nkS A[p]=(l+alp*PHI)*(l+alp*PHrM)*A[p+l]$ }/ }; macro ham /*
Construction de la partie séculaire. */ { usetrmon(tsecsec); HAM=0$ coef=l$ for nk=0 to nX ( HAM=HAM+<U[nk],A[nk]*coef>$ coef=-(2*nk+l ) / (2*nk+2)*coef$ ); efftrmon; ); macro simplifham { q=puismin(HAM,alp)S if (q<0)
then {
HAM
=
alp
**(
-q
)*
HAMS
} fi; HAM=
subst
pow(HAM,alp,2,l-A2*M/0)S HAM=substpow(HAM,A2,-l,l-alp**2,l)S if (q<0) then { HAM=
alp**
q
*HAMS}
fi
; macro introD /Substitution de l'inclinaison mutuelle par son expression en fonction des variables de Poincaré et du paramètre D2 V usetronc(tD); T=k*X*Xb + Xp*XpbS CJ2=0.5*( D**2 - (H-k*M)*T + 0.25*k**-l!T*
''
2 ) S aux=Bin(XX,-l,nX)S aux=subst(aux,XX,-X*Xb/2); CJ2=CJ2*auxS aux=substvar(aux,(X,Xp),(Xb,Xpb))S CJ2=CJ2*auxS HAM=substpow(HAM,CJ,2,CJ2,l)S HAM=substpow(HAM,D,2,D2,l)*lS efftronc; }; 131 macro main { X+Xb+Xp+Xpb+CJ+D2+alp; _affc=7; _affdist=2; /* Troncature au degré total 4 **/ nX=4; %init; %Lapbase[2*nX+l,nX+l]; %coefLap; %Laplace; %CosS; %calc_ro; %calc_V; %calc_UT; %ham; %simplifham; %introD; }; %main;
ANNEXE III EXPRESSION DU HAMILTONIEN SECULAIRE
La partie complémentaire Fc ne comportant aucun terme culaire, seule la distance mutuelle contribue au hamiltonien séculaire d'ordre un des masses. Ce dernier s'écrit alors : „ VWïMl m2 a2 *1 ~ Tï A2 U' m\ A où A représente la distance mutuelle, dj les demi-grands axes et a leur rapport. Les masses,. \ moirij sont notées m\ et m2, et si pj = y(m0 + mj) et [ij =. - on définit Aj = pjy/pjdj. TYIq -|- TTX j Les deux expressions suivantes donnent une formulation polynomiale du hamiltonien séculaire d'ordre un des masses à l'aide, dans un premier temps des variables (Xi,X\,X2,X2,Cj) avec Xj = y2 - 2y/l - e2 exp(iuij) et Cj = 1 - cos J (ej et lüj sont les excentricités et les arguments des périhélies et J l'inclinaison mutuelle). Le hamiltonien est ensuite exprimé à l'aide de (X1,X1,X2,X2, D) où D2 = D2 = ((Ai + A2)2 - C2)/^^), C étant la norme du moment cinétique total. I.Hamiltonien séculaire d'ordre un des masses en fonction de Cj do C2
- - - =Ci - -^(AhX2 + X1X2) c +- c +(x1x1 x2x2 - 2 -j-(x,xix2 + XiX2XZ) - -(X1XlX2 + XIXX2) - y (XtX2 + XiX^Cj + y (-Ÿ1-Ÿ2 + XiXifâ + y (A'I + Xl)C2j + Ai(-Yixî + XZxi) + Xxlx2 4 4 + c14<4 + -mi + --(Xl + XI)C2J + --{XiX^XiXi - 2(.Y,Ÿ'i + -Y2.Ÿ2)C;j) 133 O
ù les Ck sont definis à
l
'
aide
des
coefficients de Laplace par
: -b(0) Ci H ~ 9°l/2 c2(o0 - 4a63/2 ~ (g + 2ft2^V2 _ "4 &3/2 - -6(1) 4 3/2 15 15 3\»(0),3 9 9 3 j iii C5(«) = (~-a + -o3)^ + (- - -a2 - -o4)& 5/2 1 16 16 16 Ce(a) - (~a ~ -a3)bi°/2 + ("£ " 16 16 15 Cj(a) - ( 15 9 15 lo 3X7(o) / 3 -|--o )6_,„ + (- 8 7 5/2 v 4 15 8 16 9 9 8 2 0" + àa4)65/2 3 4 4N.(i) o )6 7 '5/2 9 C8(a) 2*,(D = - aJb 5/2 16 15 C9(a) 3 = --a2bi°)2 4- (-a H 00 5/2 V 1R 32 45 Cio(a) - ^a2&5/2 +( 32 C13 ( CV ) = -o26(r°/9 -
f (V 90 5/2 9 16 1R Ï6 9 9 aH 1R 16 21 Ci4(n) 3 16 a3)b^)9 > 5/2 3.3nl(1) - -o?b{*\ + (--o - -o3)6!:/9 32 5/2 15 16 16 ) 5/2 16 n3)6 o/2 9 Cn(a) = -+ (-cv H 5/2 32 Cl 8 (û) n3)^V2 7 5/2 « ~ TT«3)^5/2 16 16 3 32 9 16 3\l(1) 2 7,(0) =
-oc2 b 5/2
II.Ham
iltonien séculaire d'ordre un des masses
en
fonction de
Z)2 -f- = Hb + D2Ho + A 134 avec : Hq -E\ + E') X i X i + E3X2X2 + Ea ( Xi A 2 + A i À 2 ) H2 -E^ -f EqDo + E'j{X\X2 + XxX2) -fi E%X\Xi -fi EgX2X2 -fi E10(X21 -fi X2) + EU(X2 -fi X2) + ^(AAE + X1X2) et H4 =Eu(X^Xi + XiXf) + E^X^Xi -fi A1A1X2 ) + E\ 5 ( A { A'2 X 2 -fi X2 X2X2) A E1QÇX2X2 -fi A 9 A2 ) + E17(X2X1X2 + X1XIX2) -fi £'i8(Â1A2Â22 + AVA22Â2) -fi E\9( A1 A"^A2 -fi X1X1X2) A E20(A" 1 A"9 A"2 -fi A1A2Â9 ) A E21A1 Â\ A2X2 -fi E22X2X2 -fi E2z(X2X2 -fi A2A9 ) -fi E24X0À9 où les coefficients E{ sont défini
s comme suit :
Ei(k) = Ci Et(k) = -(2 + k) E3(k) = E2(k~1) Ei(k) = - A Ee(k) = Es(k) = -<f E7(k) = -A X E9(k) = Eslk-1) En(k)=ïf = -1 El2(k) = Ç En(k) = E\.\(k) = --(1 + k) EMk) = En(k-') = Eu(k) Eu Eig(k} = --(1 + k Eoo{ k) = - ( 1 + k 1) - (1 + k) En(k) = --(1 + k) -- E\g(k) = -(1 + k) 1 ) E23(k)= ^ - 135 C Es(k) = %(! + *)-% 4 C118 Cia ^22(^') = 4 Cl 8 -^24 ( & ) = et 1 + 1 + fc) C18(fc-1 + 3 + fc) + -+ 2 + fc) + Eii(fc) = 4 (1 + *) + ^i(i +1')2 + % + (k~' + 1) + 4 01 2 02 k) k-1 + l)2 + Ç(2 + fc- ') k = - 136
ANNEXE IV Ce dernier paragraphe regroupe différents articles écrits au cours de
cette thèse
. Ces travaux montrèrent que l'axe de rotation des planètes telluriques a été ou est encore actuellement animé de forts mouvements chao tiques. Mercure et Venus, actuellement stabilisées par les effets de marée solaire ont prob ablement traversé dans leurs passés une large zone chaotique. La Terre est aujourd'hui stabilisée par la Lune, mais en l'absence de cette dernière, l'obliquité pourrait aller de 0 à 85 degrés. Enfin, Mars évolue encore dans une grande région chaotique. En revanche, l'obliquité des planètes géantes se comporte et s'est sans doute toujours comportée de manière extrêmement régulière, ce qui sous-entend que leurs obliquités peuvent être con sidérées comme primordiales. Ce travail illustre l'importance que peut avoir la compréhension de la dynamique globale d'un système physique. Une telle étude nous permet en effet de prévoir les différents scénarios d'évolution en fonction de chaque condition initiale. Dans cette étude de l'obliquité des planètes, l'analyse en fréquence a permis une description fine de ce système comportant 1 + 15 degrés de liberté. En revanche, le cas du mouvement planétaire semble plus difficile, car ici, tous les degrés de liberté sont couplés. Mais c'est vers une telle compréhension de la dynamique que nous espérons nous diriger. THE STABILITY OF THE PLANETARY THREE-BODY PROBLEM : INFLUENCE OF THE SECULAR RESONANCES PHILIPPE
ROBUTEL Astronomie et Systèmes Dynamiques. Bureau des Longitudes, 77 Avenue Denfert-Rochereau, 75014 Paris, France
Key words: Planetary Theory -
K
.
A
.
M.
Theory -
Réson
ances -
Stability
- Fre- quency Analysis
At first sight, K.A.M. theory seems to be very useful for obtaining results of global stability in planetary problems. In fact, it describes the topology of nondegenerate quasi-integrable elliptical problems and provides resuit of stability for ail time. In 1963 Arnold (Arnold, 1963) dcmonstrates a theorem of conservation of invariant tori in degenerated problems, that he apply to the planar planetary threebody problem to prove its stability. This resuit of stability was extended in 1992 to the spatial case (Robutel, 1992). But the proof of these results is only valid for very smail values of the planetary masses, eccentricities and inclinations, which are largely inferior to these met in our solar System. In order to overcome this difficulty, we are going to use Laskar's numerical method of frequency analysis (Laskar, 1992a) which enable us to hâve a global vision of the secular phase space for two pianets in the neighbouring conditions of those of Jupiter and Satum. The study of such a problem, which is more realistic than those based upon the K.A.M. theory, will lead us to give results of stability available in fmite but very long time. To compute the hamiltonian of the problem, we chose canonical heliocentric formalism ( Laskar, 1992b) which enable us to make the réduction of the cerner of mass. This réduction leads to the study of the motion of two pianets around a fixed sun. As the angular momentum is a constant of the motion, we can eliminate both the longitude of the asccnding nodes and inclination. These two consecutive réduction lead to a more simple problem with only four dcgrces of freedom. In order to compute the secular hamiltonian, wc expand it in Taylor sériés up to order six in Poincaré variables. Then, the Lindstedt-Poincarc normalization méthode is applied up to order two in the planetary masses, duc to the existence of smail denominators bccausc of the vicinity of the (2:-5) mean motion résonance. This provides us with a quasi-integrable hamiltonian System with two dcgrces of freedom. A last transformation consists in the diagonalization of the quadratic part of the secular hamiltonian. We linallv obtain the following expression of the hamiltonian :
Il(x.a) = t'i(a)|.ri |" 4- /^>(fv)|.r2|2 -f IIa{x. x: a ) -f!h{x. x\ a) whcrc a is the ratio of the semi-major axis, x, and x, arc the images of the mean Poincaré canonical variables bv the previous lincarmap. If, arc homogcncous polvnomials of dcgrcc j in (x.x) which coefficients dépend on n, and the purcly Celes liai Mecluîmes and Dynanucal Astronomx 57: 97-98. 1993. 4 1993 Kluwer Academie Publishers. Pnnted in die Neiherlands. 98
imaginary quantities vj are thc two eigenfrequencies of the linearized secular problem. Because of the denominators, the quantities IU and especially, He tend to infinity when a reaches the value ac which corresponds to the separatrix of the (2:5) mean motion résonance. This reflect the fact that the process of normalization is not convergent in the libration area of the 2Ai - 5A2 allument. On the contrary, if the System stays in the circulation area, the secular hamiltonian of order two provides a good approximation of the real average motion. Thus, if a stays in the interval defined by its actual value aa and a maximal value am lower than ac, the quantities H4 and Hs increase as a approaches ctm, which increases the width of the chaotic areas existing in the neighbourhood of the secular résonances. For these reasons, several phase space hâve been studied for different values of the parameter a, from the actual value of a to its maximal one am. The frequencv analysis reveals that ail the trajectories appcar as really regular, at least over a time span of 40 Mya, except perhaps for a = am in the neighbourhood of the (l:-3) secular résonance where the méthode frcquency analysis indicates the destruction of ton. Indeed, the phase space contains here the alternation of hyperoolic points and very small islands of libration around clliptic points. But the width of these islands is so small Oower than 10-4) that the expected chaotic regio neighbouring hyperbolic points is of negligible size, an then hâve no significant dynamical effect. Therefore, even if the K.A.M. theory is not directly applicable to this problem, its stability is insure for very long time span in almost ail the phase space. Then, we can conclude that, the secular résonances are not generators of unstability in the secular problem of two planets like Jupiter and Satum.
References Arnold, V.: 1963, 'Small denominators'. Rus. Math. Surv. 18, 85-118. Laskar, J.: 1992a, 'Analvtical framework in Poincaré variables for thc motion of the solar system'. Long-termdynamic behaviour of natural and artificial N-body Systems A.Roy (ed), Kluwer Publ. 93-114. Laskar. J. 1992b, 'Frequencv Analysis for Multi-Dimensional Systems. Global Dynamics and Dif fusion', submilled to Physica D. Robutel,
P
.: 1992, In préparation. AN APPLICATION OF KAM THEORY TO THE PLANETARY THREE BODY PROBLEM
PHILIPPE ROBUTEL Bureau des Longitudes, Equipe Astronomie et Systèmes Dynamiques, 77 Avenue Denfert-Rochereau, 75014 Paris, France
In 1963 Arnold proved a theorem of conservation of invariant ton, in degenerate quasi-integrabie hamiltonian Systems (Arnold, 1963). Then, he applied this theorem to the planetary problem ; he used Leverier's tables and asymptotic expansions of the perturbative function in the semi-major axes. He obtained a resuit of stability in the planar problem of two planets, in the asymptotic case, when the ratio of the semi-major axes goes to zéro. In Arnold's paper, a statement is made about the general case, but the computation does not appear in the paper. Following the general framework of the proof, I propose, thanks to a new planetary analytical expansion in canonical heliocentric variables, to demonstrate the stability of the two planets spatial problem, for ail values of the semi-major axes and for a set of large measure of initial conditions with small inclinations, eccentricities, and planetary mass. In order to obtain this result, we must apply Amold's theorem, which is brieflv summarized as follows : Let H be an analytical hamiltonian function depending on the canonical vari ables (q,p) = (çoiÇitPOiPi) in a domain of T770 x Rni x R710 x Rni and p a small parameter (in our problem the ratio of planet's mass over sun's mass). In these coordinates, H is of the following form :
H = Hq(pq) + pH\(q, p) = Hoipo) + pH](q\,po,p\) + pH\{q,p) where H\ is the short period part, Lhat is / H\{q,p)dqo = 0, and the
cularpart of order one Hi is a normal form of degree six in (çj, p\ ) (that is a polynomial of third degree in r2 - pj -f •). plus a remainder. Many other conditions must be fulfilled, but the only one which is not immedi- ately satisfied is that the application "secular frequency" r dH\/dr must be a diffeomorphism in a neighbourhood of zéro. The conclusion of this theorem can be summarized by the existence, in a domain of the phase space which corresponds to a small neighbourhood of zéro for secular variables (eccentricitcs and inclinations in our problem), of a set of large measure consisting of invariant n-dimcnsional analytic tori filled with quasi-periodic orbits. To apply this theorem, we must first get an expression of the secular part of the hamiltonian, and then rcducc it to a normal form up to order six (in inclinations and ecccntricites). In canonical heliocentric variables (Laskar, 1992), the hamiltonian of the plan etary problem takes a simple form, and allows us to make the réduction of the cerner of mass. With the framework developed by J.Laskar, it is possible to obtain Celésliai Méchantes and Dynamical Astronomy 56: 197-199. 1993. Kluwer s an expansion, in compact form, of the main paît of the perturbative function valid for ail values of the semi-major axes (only two Laplace coefficients : by2 and by2, are necessary). Then, we can reduce our problem. Indeed, if we use osculating variables defined with respect to the invariable plane (perpendicular to the angular momentum), it is possible to eliminate both inclinations and longitudes of ascending nodes. Obviously the modulus of the angular momentum C must be kept as a parameter. Rather than C, it is better to use the small parameter D2, namely the différence between the square of the angular momentum in a planar circular motion and the square of the actual value of the angular momentum (this quantity tends to zéro with the square of eccentricities and inclinations). In this way, we obtain a four degrees of freedom problem, with the small parameter D2 which includes the inclinations. Expanded in Poincaré variables, the secular part of the hamiltonian is the sum of homogeneous polynomials of even degrees which coefficients depending on the semi-major axis ratio and the angular momentum. The last transformation we must perforai, in the process of reducing the secular part to a normal form, is a Birkhoff transformation. But, above everything else, it is essential to diagonalize the quadratic part. The knowledge of the eigenvectors of the linear part of the hamiltonian System, provides us with a symplectic base in which the unperturbed hamiltonian is the sum of two harmonie oscillators of eigen frequencies lj\ and urç • Because we manage to get explicit formulas for these two frequencies, it is easy to show that. at least for D2 < 0.01 (Jupiter-Satum case), the following inequality is satisfied : 1 < o^(a, D2)/u>i(a, D2) < 2 for every value of the ratio of semi-major axes a. This relation excludes low order secular résonances, and enables us to perforai a Birkhoff transformation up to order six (the first secular résonance occurs at degree eight ).
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4.2 Mécanisme dégénéré et considérations générales
L'addition radicalaire par transfert de xanthate sur une oléfine est développée depuis une trentaine d'années au laboratoire. Dans la suite de ce manuscrit, le xanthate de O-éthyle sera utilisé pour plus de clarté. En effet, le sel de xanthate correspondant étant industriel et bon marché ($1300 – 1800/tonne),60 c'est celui qui est le plus utilisé dans ce type de réactions. Depuis la première observation, les subtilités du mécanisme ont peu à peu été découvertes. Le bilan global de la réaction est décrit ci-dessous (Schéma I.13). On peut tout d'abord remarquer que tous les atomes des substrats se retrouvent dans le produit final, ce qui correspond à une économie atomique de 100% comme définie par Trost.61 En outre, en plus de la liaison CC désirée, une liaison CS est également créée au cours de ce processus. Le produit est en effet également un xanthate qui donne accès à la chimie très riche du soufre.
59 D. H. R. Barton, D. Crich, A. Löbberding, S. Z. Zard, Tetrahedron 1986, 42, 2329. www.alibaba.com (consulté le 19/07/2016) 61 B. Trost, Science 1991, 254, 1471. 60 29
Chapitre I Schéma I.13 − Schéma général de la réaction radicalaire par transfert de xanthate sur une oléfine
Le mécanisme radicalaire de cette réaction met en jeu des équilibres qui peuvent être séparés en deux grandes parties : le mécanisme en chaîne, correspondant formellement au mécanisme du processus de Kharasch et une partie correspondant à la présence d'un « réservoir » de radicaux qui repose sur la réversibilité de l'addition d'un radical sur le dithiocarbonate précédemment décrite (Schéma I.14). Schéma I.14 − Mécanisme général de l'addition radicalaire des xanthates sur une oléfine
Une première étape d'initiation chimique ou photochimique génère le radical R •. Dans la plupart des expériences réalisées au laboratoire, l'initiation se fait par ajout d'un peroxyde, le peroxyde de dilauroyle (DLP), très bon marché (environ $150/kg),62 qui fournit un radical primaire C11H23• s'additionnant sur le xanthate de départ. Le radical R• est alors formé par fragmentation du radical tertiaire adduit I.13 (Schéma I.15).
Schéma I.15 − Initiation de la réaction radicalaire avec le DLP 62 www.molbase.com (consulté le 19/07/2016). Prix de référence, le prix étant nettement moins élevé à la tonne. 30 Xanthates et Radicaux − Généralités
Une fois formé, le radical R• peut réagir suivant deux voies : soit par addition sur une autre molécule de xanthate, le thiocarbonyle étant particulièrement radicophile pour former le radical I.14; soit par addition sur l'oléfine selon le mécanisme de Kharasch pour donner le radical I.15. En réalité, la réaction sur le thiocarbonyle est favorisée et cette réaction est celle qui se fait le plus vite. Le radical R•, à peine formé, réagit donc immédiatement pour former le radical tertiaire I.14. Celui-ci est la clé de l'efficacité de la réaction. En effet, le radical I.14, tertiaire et stabilisé par trois hétéroatomes, est généralement beaucoup plus stable que R• (voir § 2.3). De plus, à cause de l'encombrement stérique, il ne peut pas dimériser facilement et l'absence d'atomes d'hydrogène idéalement positionnés fait que le radical ne peut pas dismuter comme le font habituellement les radicaux tertiaires. Ce radical ne réagit donc que relativement lentement avec les autres radicaux. Cependant, s'il acquiert suffisamment d'énergie, lors de chocs par exemple, il peut fragmenter par -scission. Le radical Et• étant trop haut en énergie et la liaison C−O solide, la fragmentation se fera uniquement du côté du soufre pour redonner le radical R• et le xanthate de départ. Cette étape est donc dégénérée. Le radical I.14 agit donc comme un « réservoir » de radicaux, délivrant peu à peu le radical R• et régulant ainsi la concentration de ce dernier. En première approximation, la vitesse de relargage du radical dépend alors uniquement de sa stabilité thermodynamique. Cette technologie permet de limiter les réactions parasites de terminaison fortement dépendantes de la concentration comme la dimérisation des ux R• (voir § 3.2). La réaction d'addition sur l'oléfine, bien que moins rapide, est alors favorisée par rapport aux réactions entre deux radicaux, car ceux-ci sont présents en très faible concentration. Quand elle a lieu, le radical adduit I.15 va lui aussi réagir rapidement avec un dithiocarbonate. A nouveau, le radical semi˗persistant formé I.16 ne peut évoluer que par fragmentation. Il fournit alors le produit adduit désiré et le radical R•, qui entre à nouveau dans le mécanisme en chaîne. Il est ici important de noter que la fragmentation dans la bonne direction n'est favorisée que si le radical de départ R• est plus stable que le radical adduit I.15, ce qui prévient également l'oligomérisation. 63 (a) P. Corpart, D. Charmot, T. Biadatti, S. Zard, D. Michelet, WO 9858974, 1998. (b) T. P. Le, G. Moad, E. Rizzardo, S. H. Thang, Int. Patent 9801478, 1998. 64 (a) M. Destarac, C. Bonnet-Gonnet, A. Cadix, WO 03/076529, 2003. (b) M. Destarac, C. Bonnet-Gonnet, A. Cadix, WO 03/076531, 2003. (c) Pour un aperçu général du procédé MADIX, voir : D. Taton, M. Destarac, S. Z. Zard, In Handbook of RAFT Polymerization, Wiley-VCH Verlag GmbH & Co. KGaA, 2008, 373. 65 (a) W. C. Zeise, J. Chem. Phys. 1822, 35, 173. (b) W. C. Zeise, J. Chem. Phys. 1822, 36, 1. (c) U. Kraatz, In Methoden der organischen Chemie: Erweiterungs-und Folgebände zur vierten Auflage., (Ed. Hagemann), Georg Thieme Verlag, Stuttgart - New-york, 1983, E4, 425. 32
Xanthates et Radicaux − Généralités Cependant, d'autres méthodes, ioniques ou radicalaires, ont été développées pour synthétiser ces composés. Nous décrirons ci-dessous les principales synthèses de xanthates dérivés d'un alcoolate simple (comme l'éthyle ou le neo−pentyle) qui nous intéresseront tout particulièrement (Schéma I.16). La voie la plus utilisée au laboratoire est celle mettant en jeu le sel de potassium du xanthate de O−éthyle, un composé commercial peu onéreux. Il réagit avec les dérivés halogénés ou sulfonylés par substitution nucléophile pour donner le dithiocarbonate correspondant (Schéma I.16, voie a). Cependant, cette voie ne peut être mise en oeuvre pour la synthèse de dérivés terti aires, la réaction de SN2 étant essentiellement inefficace. Nous avons également vu au paragraphe précédent que le transfert radicalaire d'un xanthate sur une oléfine produit un nouveau xanthate qui peut lui-même réagir avec une nouvelle oléfine par voie radicalaire mais uniquement sous certaines conditions (Schéma I.16, voie b). Schéma I.16 − Synthèses de xanthates, ioniques et radicalaires, les plus couramment utilisées
La décarboxylation de dérivés S-alkoxycarbonyles66 ou la décarbonylation de composés S-acyles,67 toutes deux radicalaires, donnent également accès à des xanthates (Schéma I.16, 66 J. E. Forbes, S. Z. Zard, J. Am. Chem. Soc. 1990, 112, 2034. (a) P. Delduc, C. Tailhan, S. Z. Zard, J. Chem. Soc., Chem. Commun. 1988, 308. (b) D. H. R. Barton, M. V. George, M. Tomoeda, J. Chem. Soc. 1962, 1967. 67 33 Chapitre I voies c et d). Par exemple, les xanthates S-trifluorométhylé68 ou S-chlorodifluorométhylé69 ont été synthétisés suivant cette méthode. Les xanthates peuvent aussi être préparés par substitution nucléophile70 sur le bisxanthate (Schéma I.16, voie e). Cependant, cette réaction peut poser des problèmes de régiosélectivité. Le bis-xanthate a également été utilisé dans des additions radicalaires, pour la synthèse de xanthates tertiaires comme pour le xanthate d'isobutyronitrile à partir d'AIBN (Schéma I.16, voie f).71 Enfin, d'autres synthèses, non représentées ci-avant, comme l'addition 1,4 du sel de xanthate sur un accepteur de Michael peuvent être envisagées. Cette voie permet aussi la synthèse de xanthates tertiaires.72
4.4 Les réactions radicalaires des xanthates
La chimie radicalaire par transfert de xanthate est particulièrement riche et seule une partie de ses applications a été explorée. Grâce à sa tolérance pour nombre de groupements fonctionnels et en particulier pour les groupements polaires, elle permet de créer des liaisons carbone-carbone de manière efficace et sélective sur composés polyfonctionnalisés, sans devoir recourir à l'utilisation de groupements protecteurs. Les xanthates trouvent leurs applications dans la majeure partie des réactions radicalaires classiques décrites précédemment (Figure I.14), bien que la facilité avec laquelle ils réalisent les réactions d'addition intermoléculaire soit leur plus grand avantage sur les autres systèmes. Nous nous attacherons à décrire ici les réactions principales de ces composés en utilisant des exemples récents. 4.4.1 Les additions radicalaires intermoléculaires
Depuis sa découverte à la fin des années 80, la chimie radicalaire par transfert de xanthates a prouvé son utilité, sa puissance et sa versatilité pour créer des liaisons carbonecarbone à partir d'oléfines non activées.57 68 F. Bertrand, V. Pevere, B. Quiclet-Sire, S. Z. Zard, Org. Lett. 2001, 3, 1069. P. Salomon, S. Z. Zard, Org. Lett. 2014, 16, 2926. 70 F. Gagosz, S. Z. Zard, Synlett 2003, 2003, 0387. 71 G. Bouhadir, N. Legrand, B. Quiclet-Sire, S. Z. Zard, Tetrahedron Lett. 1999, 40, 277. 72 (a) Kreutzkamp, Peschel, Die Pharmazie 1970, 25, 322. (b)
G
. Binot, B. Quiclet-Sire, T. Saleh, S. Z. Zard, Synlett 2003, 2003, 0382. 69 34
Xanthates et Radicaux − Général
ités Elle permet par exemple d'accéder à des dérivés d'acides aminés optiquement purs par addition sur la vinylglycine I.17,73 ou bien d'obtenir des esters boroniques substitués comme le composé I.18,74 dans des conditions de réactions simples à mettre en oeuvre, douces et neutres (Schéma I.17).
Schéma I.17 − Exemples d'addition de xanthates sur des oléfines
Avec la demande croissante de composés fluorés de l'industrie agrochimie et de l'industrie pharmaceutique,75 il est apparu également important de développer l'application de la chimie radicalaire des xanthates à la synthèse de composés fluorés. 76 Ainsi, récemment, des composés tels que le xanthate de 1-chloro-2,2,2-trifluoroéthyle I.1977 ou celui présentant un noyau oxadiazole trifluorométhylé I.2078 ont été synthétisés et utilisés dans des réactions d'addition radicalaire (Schéma I.18). Schéma I.18 − Examples de xanthates fluorés récents 73
S.
-
G. Li, F. Portela-Cubillo, S. Z. Zard, Org. Lett. 2016, 18, 1888. B. Quiclet-Sire, S. Z. Zard, J. Am. Chem. Soc. 2015, 137, 6762. 75 Revues choisies : (a) K. Müller, C. Faeh, F. Diederich, Science 2007, 317, 1881. (b) D. O'Hagan, J. Fluorine Chem. 2010, 131, 1071. (c) T. Fujiwara, D. O'Hagan, J. Fluorine Chem. 2014, 167, 16. (d) W. Zhu, J. Wang, S. Wang, Z. Gu, J. L. Aceña, K. Izawa, H. Liu, V. A. Soloshonok, J. Fluorine Chem. 2014, 167, 37. 76 Pour une revue récente sur les xanthates pour la synthèse de composes organofluorés, voir : S. Z. Zard, Org. Biomol. Chem 2016, 14, 6891. 77 P. Salomon, W. Kosnik, S. Z. Zard, Tetrahedron 2015, 71, 7144. 78 L. Qin, S. Z. Zard, Org. Lett. 2015, 17, 1577. 74 35
Chap
itre I
Ces exemples montrent la compatibilité des additions avec de nombreuses fonctions chimiques comme les esters boroniques, les phosphonates, les dérivés azotés,79 les cétones ou les nitriles. Les atomes de chlore ou les hétérocycles sont de même tolérés. Des additions intermoléculaires de xanthates sur des composés hétéroaromatiques ont également été réalisées par le groupe de Miranda, en particulier sur les pyrroles, et plus tôt par Minisci.80 Au laboratoire, la volonté est d'étendre le champ d'application de cette réaction pour l'appliquer à la synthèse d'indoles,81 de pyridines ou de pyrazines substituées, études qui donnent pour le moment des résultats encourageants.82 La différence avec le système cidessus réside dans le fait que le noyau aromatique doit être réaromatisé via une étape d'oxydation-élimination d'un proton après l'addition. Dans ce cas, le DLP est utilisé en quantité stoechiométrique car il joue à la fois le rôle d'initiateur radicalaire et d'oxydant (Schéma I.19). Schéma I.19 − Exemple d'addition intermoléculaire sur une pyridine 81
4.4.2 Les additions radicalaires intramoléculaires
La chimie radicalaire des xanthates permet aussi de réaliser des additions intramoléculaires, c'est-à-dire des cyclisations sur des systèmes insaturés comme des oléfines ou des noyaux aromatiques. Les cyclisations 5-exo-trig sont classiques en chimie radicalaire et de loin les cyclisations les plus nombreuses. L'un des exemples flagrants est celui de la synthèse radicalaire de l'hirsutène I.7 (I.7) (Schéma I.10). Cette popularité est due à la rapidité de la réaction (k ~ 105 s-1 pour le radical 5-hexènyle) qui lui permet d'être compétitive vis-à-vis de la réduction par l'hydrure de tributylétain, dans le cas où la concentration du mélange réactionnel est diminué, par exemple (voir § 3.4).83 Contrairement à la chimie de
l'étain
, 79 B.
Quiclet-Sire
, S. Z. Zard, Synlett 2016, 27, 680. (a) Y. M. Osornio, R. Cruz-Almanza, V. Jimenez-Montano, L. D. Miranda, Chem. Commun. 2003, 2316. (b) O. Guadarrama-Morales, F. Méndez, L. D. Miranda, Tetrahedron Lett. 2007, 48, 4515. (c) F. Coppa, F. Fontaria, F. Minisci, G. Pianese, P. Tortoreto, L. Zhao, Tetrahedron Lett. 1992, 33, 687. 81 L. Qin. Thèse, Ecole Polytechnique, 2015. 82 (a) Q. Huang. Résultats non publiés. (b) V. Revil-Baudard. Résultats non publiés. 83 S. Z. Zard, Radical reactions in organic synthesis. Oxford University Press, USA, 2003. 80 36 Xan
that
es et
Radicaux
− Généralités
l
'
utilisation
des xanth
ates
comme
précurseurs
de
radica
ux
permet de réaliser facil
d'autres cyclisationscomme celles pour former des cycles à 4, 6, 7 ou 8 chaînons (Schéma I.20), bien qu'elles soient moins favorables cinétiquement.57 Cette réaction ne se limite pas qu'aux radicaux carbonés, même si les études présentées dans ce manuscrit pourraient le suggérer. On peut mentionner par exemple que des radicaux amidyles peuvent être engendrés et cycliser de manière 5-exo sur une oléfine endocyclique, résultant en l'obtention de structures bicycliques complexes comme le composé I.21, en passant par la formation et la capture d'un radical azoté.84 La synthèse de -lactames a également été décrite, bien que peu optimisée.85 En effet, la réaction de fragmentation retour est favorisée pour les cycles tendus comme les cycles à 4 chaînons (k < 103). L'acétate d'allyle est alors introduit en large excès pour piéger le radical tertiaire intermédiaire. Dans ce cas, le -lactame I.22 est néanmoins obtenu avec des rendements faibles, essentiellement à cause de l'oligomérisation. Schéma I.20 − Exemples de cyclisation radicalaire pour la formation de cycles à 4 ou 5 chaînons utilisant la chimie des xanthates
Les xanthates peuvent aussi être utilisés pour obtenir des cycles de taille moyenne, typiquement 7 et 8 chaînons, plus lentes mais possibles grâce à ces conditions qui allongent le temps de vie relatif des radicaux dans le milieu réactionnel, tout en éliminant des réactions parasites comme l'abstraction d'atomes d'hydrogène. Cette approche a par exemple permis la synthèse de composés bicycliques (Schéma I.21).86
84 F. Gagosz, C. Moutrille, S. Z. Zard, Org. Lett. 2002, 4, 2707. L. Boiteau, J. Boivin, B. Quiclet-Sire, J.-B. Saunier, S. Z. Zard, Tetrahedron 1998, 54, 2087. 86 R. Heng. Thèse, Ecole Polytechnique, 2010. 85 37
Chapitre I
Schéma I.21 − Synthèse par voie radicalaire de structrures polycycliques contenant des cycles moyens (7 et 8 chaînons)
Sur
le même
principe
,
une cyclisation conduisant à un cycle à 8 chaînons, une des étapes clés de la synthèse du squelette de la pleuromutiline pour former l'intermédiaire I.23, a été réalisée
au laboratoire (Schéma I.22).
87
Schéma I.22 − Etape clé radicalaire de la synthèse du squelette tricyclique de la pleuromutiline
La cyclisation sur des noyaux aromatiques est également possible et a été largement étudiée, contrairement à l'addition intermoléculaire précédemment décrite (cf §4.4.1).88 A nouveau, le peroxyde sert dans la majeure partie des cas à la fois d'initiateur et d'oxydant pour réaromatiser le produit. Il est donc utilisé en quantité stoechiométrique (Schéma I.23). Cette technologie permet la synthèse de structures complexes comme l' indoline substituée I.24, obtenue par formation d'un cycle à 5 chaînons sur une pyridine.89 La structure tétracyclique du composé I.25 contenant un cycle à 7 chaînons est de même accessible avec un bon rendement.90 87 E. Bacqué, F. Pautrat, S. Z. Zard, Org. Lett. 2003, 5, 325. Pour une revue récente, voir : M. El Qacemi, L. Petit, B. Quiclet-Sire, S. Z. Zard, Org. Biomol. Chem 2012, 10, 5707. 89 E. Bacque, M. El Qacemi, S. Z. Zard,
Org
.
Lett. 2004
, 6,
3671. 90 T
. Kaoudi,
B. Quiclet‐Sire, S. Segu
in, S. Z. Zard, Angew.
Chem
. Int.
Ed. 2000
, 39,
731
. Schéma I.24 − Synthèse deu squelette de la mersicarpine (I.26) - Etape clé de cyclisation radicalaire
Il est cependant important de noter que les réactions de cyclisation sur des composés aromatiques requièrent souvent des températures plus élevées pour être efficaces. Le chlorobenzène est alors utilisé, son point d'ébullition étant de 131 °C à pression atmosphérique, en lieu et place des solvants traditionnels comme l'acétate d'éthyle ou le 1,2˗dichloroéthane de points d'ébullition de l'ordre de 80 °C. Les cyclisations radicalaires des xanthates permettent donc d'accéder à des structures variées, hautement fonctionnalisées, rapidement et de manière efficace. 91 A. Biechy, S. Z. Zard, Org. Lett. 2009, 11, 2800. 39
Chapitre I 4.4.3 Les réactions de fragmentation radicalaire : allylations et vinylations
Les réactions de -fragmentation radicalaire représentent un autre domaine très riche. En effet, elles permettent d'introduire des insaturations, et en particulier des groupements allyles ou vinyles dans des structures complexes.92 Longtemps dominée par la chimie des organostannanes, cette chimie a récemment connu une véritable avancée avec la découverte de la fragmentation de la liaison CO d'alcools allyliques dérivés de fluoropyridines.93 Cependant, avant cette découverte, d'autres solutions avaient été trouvées pour se débarrasser de l'étain. En effet, les aryles et alkyles sulfones sont susceptibles de réagir selon une réaction de -fragmentation radicalaire (Schéma I.25), comme l'intermédiaire I.28 dans la réaction de vinylation.94 Dans ce cas, le radical éthylsulfonyle expulse une molécule de dioxyde de soufre et le radical éthyle ainsi engendré participe à la propagation de la chaîne radicalaire. Schéma I.25 − Réactions de type vinylation ou allylation via une -fragmentation radicalaire de sulfones
92 I. J. Rosenstein, In Radicals in Organic Synthesis, (Eds. Renaud, Sibi), Wiley-VCH Verlag GmbH, Weinheim, Germany, 2008, 50. 93 Pour une revue sur les allylations radicalaires et plus d'exemples d'applications voir : L. Debien, B. QuicletSire, S. Z. Zard, Acc. Chem. Res. 2015, 48, 1237. 94 F. Bertrand, B. Quiclet-Sire, S. Z. Zard, Angew. Chem. Int. Ed. 1999, 38, 1943. 40
Xanthat
es et Radicaux − Généralités
Cette propriété a donné lieu au développement de réactions radicalaires de vinylation et d'allylation, permettant par exemple d'introduire un groupement allyle en position anomérique d'un sucre comme pour le composé I.2995 ou bien la synthèse monotope de pyrroles à partir du xanthate I.30 et d'une enamine I.31.96 Cette chimie sera étudiée plus en détail au Chapitre V de ce manuscrit. Peu après, la fragmentation de radicaux pyridinoxyles a été découverte au laboratoire (Schéma I.26). Cette technologie permet en particulier d'utiliser des allyles hautement substitués, comme le composé I.32.97 Synthétisés facilement par substitution nucléophile aromatique d'un alcoolate sur la 2,6-difluoropyridine, ces composés ont depuis lors donné accès à de nombreuses applications,93 comme la synthèse d'alcènes trifluorométhylés fonctionnalisés I.33.98 Une synthèse de sulfone vinylique de géométrie E contrôlée comme pour le dérivé I.34 a également été réalisée.99 Malgré la puissance de ce système, certaines limites existent. Ces réactions requièrent en effet une quantité stoechiométrique d'initiateur, contrairement à la chimie des allyles sulfones, car le radical idinoxyle ne peut pas propager la chaîne. De plus, les substitutions en position γ sont peu tolérées car elles gênent l'étape d'addition. Schéma I.26 − Allylations radicalaires par fragmentation d'un radical pyridoxyle
95 B. Quiclet-Sire, S. Seguin, S. Z. Zard, Angew. Chem. Int. Ed. 1998, 37, 2864. B. Quiclet-Sire, F. Wendeborn, S. Z. Zard, Chem. Commun. 2002, 2214. 97 N. Charrier, B. Quiclet-Sire, S. Z. Zard, J. Am. Chem. Soc. 2008, 130, 8898. 98 L. Debien, B. Quiclet-Sire, S. S. Zard, Org. Lett. 2012, 14, 5118. 99 M.-G. Braun, B. Quiclet-Sire, S. Z. Zard, J. Am. Chem. Soc. 2011, 133, 15954. 96 41
Chapitre
I
La chimie radicalaire des xanthates peut donc être associée à des fragmentations radicalaires, déjà connues ou développées en parallèle, pour obtenir des oléfines plus ou moins sophistiquées dans des conditions simples, avec une grande tolérance pour les groupements polaires ou les structures complexes comme les sucres ou les stéroïdes. Cette stratégie a été appliquée pour piéger les -lactames après cyclisation (Schéma I.27) et donne de meilleurs résultats que l'acétate d'allyle présenté précédemment (Schéma I.20).85
Schéma I.27 − Synthèse de -lactames avec piégeage par un mécanisme de -fragmentation d'un radical thiophénol
Grâce à leur simplicité de mise en oeuvre et les conditions douces qui leur sont associées, les réactions radicalaires des xanthates offrent ainsi une large palette de structures accessibles, que ce soit pour bâtir des squelettes de produits naturels ou pour accéder facilement à des structures difficiles à obtenir par des approches plus classiques. Depuis la découverte de cette réaction, le mécanisme a été peu à peu découvert puis éprouvé dans de nombreux cas. La chimie des xanthates a également été associée à des réactions déjà connues et a permis d'en découvrir de nouvelles. La puissance de cette transformation n'est pourtant pas encore totalement reconnue et ses limites et de nombreuses applications restent à explorer. 5 Une réaction radicalaire, mais après?
La réaction radicalaire des xanthates donne accès à une large variété de composés. Ceux-ci ne sont néanmoins que rarement des molécules d'intérêt. Dans la plupart des cas, la fonction xanthate est en effet absente des structures cibles et peu présente dans la nature.100 Des stratégies ont donc été développées pour réduire le dithiocarbonate, mais également pour 100 Y. Venkateswarlu, M. V. Rami Reddy, M. A. F. Biabani, J. V. Rao, K. R. Kumar, Tetrahedron Lett. 1993, 34, 3633. 42 Xanthates et Radicaux − Généralités le valoriser car en créant une nouvelle liaison C–S, la chimie extrêmement prolifique du soufre devient accessible. 5.1 Des transformations radicalaires
La première force de la réaction radicalaire des xanthates est de produire un nouveau xanthate. On peut donc envisager une deuxième réaction radicalaire avec une oléfine, une cyclisation sur une oléfine ou sur un noyau aromatique ou bien une réaction d'addition/fragmentation comme décrit au paragraphe précédent, pour peu que les conditions de réaction intrinsèques au système soient respectées (cf § 4.2). La fonction dithiocarbonate peut également être réduite en conditions radicalaires. Différents systèmes ont été conçus pour réaliser cette transformation dont les plus utilisés seront listés ici (Schéma I.28). L'acide hypophosphoreux de Barton permet une réaction rapide et efficace,101 mais n'est pas toujours compatible avec les groupes polaires. L'isopropanol, utilisé avec une quantité stoechiométrique de peroxyde de dilauroyle, permet également de réaliser cette transformation, plus lentement mais avec une meilleure tolérance pour les groupements fonctionnels.102 Enfin, le tris(trimethylsilyl)silane combine la rapidité et la compatibilité avec les groupes fonctionnels mais son coût bien plus élevé en fait souvent un candidat de second choix.103 101 (a) D. H. R. Barton, D. Ok Jang, J. C. Jaszberenyi, Tetrahedron Lett. 1992, 33, 5709.
(b) J. Boivin, R. Jrad, S. Juge, V. T. Nguyen, Org. Lett. 2003, 5, 1645. 102 A. Liard, B. Quiclet-Sire, S. Z. Zard, Tetrahedron Lett. 1996, 37, 5877. 103 C. Chatgilialoglu, Chem. Rev. 1995, 95, 1229. 43 Chapitre I Schéma I.28 − Réductions radicalaires des xanthates, avec l'acide hypophosphoreux, 101b le couple isopropanol/DLP102 ou le tris(trimethylsilyl)silane appliqué à un dixanthate silylé104 En outre, le xanthate peut être remplacé par un autre groupement que l'hydrogène. Un atome de brome est par exemple introduit en présence de 2-bromo-2-ethylpropanoate d'éthyle et de dicumylperoxyde (Schéma I.29a).74, 105 D'autres transformations radicalaires peuvent également être envisagées comme les échanges xanthate-azoture (Schéma I.29b)106 ou xanthate-sulfure (Schéma I.29c).107 104 B. Quiclet-Sire, Y. Yanagisawa, S. Z. Zard, Chem. Commun. 2014, 50, 2324. F. Barbier, F. Pautrat, B. Quiclet-Sire, S. Z. Zard, Synlett 2002, 2002, 0811. 106 C. Ollivier,
P
. Renaud, J. Am. Chem. Soc. 2000, 122, 6496. 107 M. Corbet, Z. Ferjancic, B. Quiclet-Sire, S. Z. Zard, Org. Lett. 2008, 10, 3579. 105 44 Xanthates et Radicaux − Généralités
Schéma I.29 − E
change
xanthate
-
brome (a), xanthate-azoture (b), xanthate-sulfure (c)
en conditions radicalaires 5.2 Du xanthate au thiol
La création simultanée d'une liaison CC et CS peut également être mise à profit. En effet, le dithiocarbonate n'est autre qu'un thiol masqué. L'élimination de Chugaev, décrite à la fin du XIXème siècle,108 utilisée tout d'abord pour former des oléfines à partir d'alcools, a aussi été employée pour synthétiser le thiol par pyrolyse des adduits obtenus
(
Schéma
I.
.109 Schéma I.30 − Mécanisme de la réaction de Chugaev - Synthèse d'une oléfine et d'un thiol à partir du xanthate
L'hydrolyse basique et l'aminolyse du xanthate permettent également d'obtenir le thiol. L'aminolyse par l'éthylènediamine, décrite par Nakamura,110 est maintenant régulièrement 108 (a) L. Tschugaeff, Ber. Dtsch. Chem. Ges. 1899, 32, 3332. (b) H. R. Nace, Organic Reactions 1962, 12, 57. Pour des exemples récents d'utilisation, voir : (a) K. K. K. Goh, S. Kim, S. Z. Zard, J. Org. Chem. 2013, 78, 12274. (b) S. Z. Zard, B. Quiclet-Sire, Chem. Commun. 2014, 5990. 110 K. Mori, Y. Nakamura, J. Org. Chem. 1969, 34, 4170. 109 45 Chapitre I employée au laboratoire. La synthèse de dihydrothiophènes111 ou de sulfures -silylés109b a été par exemple réalisée à l'aide de cette méthode. *** La chimie radicalaire par transfert de xanthates permet d'accéder, facilement et rapidement, à des structures complexes et variées, touchant à tous les domaines de la chimie organique et dont la synthèse pourrait nécessiter plusieurs étapes en chimie ionique classique. De même que la généralisation de la chimie radicalaire, l'utilisation de ces produits obtenus est au coeur de la recherche du laboratoire. De nombreuses applications, comme la synthèse d'hétérocycles, d'oléfines, de cycloalcanes ou la synthèse totale de molécules ont été développées.112 Cette thèse s'inscrit pleinement dans la stratégie qui vient d'être décrite. Une première partie s'est attachée essentiellement à élargir le spectre d'application de la chimie radicalaire à l'alkylation formelle et sélective de cétones à partir d'oléfines non activées. La deuxième partie de ce manuscrit est, quant à elle, consacrée au développement de réactions en cascade pour la synthèse d'oléfines dont les produits de départ sont facilement accessibles par la chimie des xanthates. Chapitre II Les Xanthates et les Cétones Chapitre II – Les Xanthates et les Cétones
L'alkylation des cétones est une réaction traditionnellement étudiée dans les premières années universitaires. Par déprotonation avec une base en position vis-à-vis de la cétone, suivie d'une substitution nucléophile sur un composé halogéné ou contenant un groupe partant, cette réaction donne accès, du moins théoriquement, à un grand nombre de structures. Cependant, de nombreuses limites existent. En pratique, cette réaction est souvent difficile à mettre en oeuvre à cause du manque de compatibilité avec d'autres groupements fonctionnels, des problèmes de régiosélectivité mais aussi du manque d'efficacité de la réaction sur des électrophiles moins réactifs que l'iodure de méthyle ou le bromure d'allyle. En effet, les réactions parasites comme les réactions d'élimination ou de décomposition, peuvent également rapidement devenir prépondérantes.1 Ce chapitre a pour but de décrire le contexte global de la problématique traitée ici. Il permet de mieux appréhender les questions inhérentes à cette partie et l'intérêt que représentent projets qui ont été conduits
.2 1 L'alkylation : une transformation pas si triviale
La question du contrôle de l'alkylation devient essentielle si nous considérons les transformations suivantes (Schéma II.1). Lors de l'alkylation de la simple acétone (Schéma II.1, équation a), un certain nombre de problèmes se posent déjà. En effet, la discrimination entre la C ou la Oalkylation peut parfois être difficile à réaliser. En outre, la polyalkylation ou les réactions d'aldolisation réduisent également l'efficacité de la réaction. La question de la régiosélectivité devient plus cruciale encore lorsqu'il s'agit de réaliser la dialkylation non symétrique de l'acétone (Schéma II.1, équation b) ou lors de l'alkylation d'un substrat non symétrique (Schéma II.1, équations c et d). De plus, les conditions réactionnelles utilisées doivent dans ce cas être compatibles avec les groupements fonctionnels déjà présents sur la molécule. 1 (a) F. Zaragoza Dörwald, In Side Reactions in Organic Synthesis, Wiley-VCH Verlag GmbH & Co., Weinheim, 2005, 59. (b) M. B. Smith, J. March, In March's Advanced Organic Chemistry, John Wiley & Sons, Inc., 2006, 425. 2
La lecture de
ce
chapitre n'est toutefois pas nécessaire à la compréhension globale du manuscrit.
Chapitre II Enfin dans le cas où le substituant est un atome de chlore, la fragilité en conditions basiques de la fonction α˗chloroacétone soulève de nouveaux problèmes (Schéma II.1, équation e).
Schéma II.1 − Fonctionnalisation de diverses cétones par alkylation
Des méthodes ont cependant été développées pour essayer de contrôler au maximum ces réactions. Nous discuterons ici les plus utilisées. Nombre d'entre elles ont également été adaptées à la synthèse asymétrique, mais ce domaine s'éloigne de notre propos et ne sera donc pas traité plus en détails ici.
1.1 Une méthode traditionnelle : les énolates de lithium3
Lorsqu'il est question d'alkylation des cétones, la méthode traditionnellement employée repose sur des énolates métalliques, en particulier ceux dérivés des alcalins (Li, Na, K). L'utilisation des énolates de lithium est considérablement répandue. Ceux-ci sont généralement formés par déprotonation avec des bases amidures, fortes et encombrées comme le diisopropylamidure de lithium (LDA)4 ou l'héxaméthyldisilazane de lithium (LiHMDS)5 (Schéma II.2).
3 (a) H. B. Mekelburger, C. S. Wilcox, In Comprehensive Organic Synthesis, (Eds. Trost, Fleming), Pergamon, Oxford, 1991, 99. (b) B. M. Stoltz, N. B. Bennett, D. C. Duquette, A. . G. Goldberg, Y. Liu, M. B. Loewinger, C. M. Reeves, In Comprehensive Organic Synthesis II (Second Edition), (Eds. Knochel, Molander), Elsevier, Amsterdam, 2014, 3, 1. 4 G. Wittig, In Preparative Organic Chemistry, Springer, Berlin, Heidelberg, 1976, 1. Les Xanthates et les Cétones
Schéma II.2 − Formation d'un énolate de lithium par déprotonation avec le LDA
Il a été déterminé que ces énolates réagissent essentiellement dans les réactions d'alkylation par un mécanisme de type SN2. L'efficacité dépend donc drastiquement de l'électrophile. Les composés halogénés de type R−X réagissent plus ou moins facilement selon la nature du nucléofuge. Un iodure d'alkyle (X = I) réagira plus vite qu'un bromure (X = Br) ou qu'un chlorure (X = Cl), la vitesse chutant énormément dans ce dernier cas. L'encombrement stérique influe également sur l'efficacité de la réaction, les substitutions en position α et β du composé halogéné réduisant considérablement la vitesse de la réaction. Les électrophiles tertiaires, quant à eux, réagissent essentiellement via un mécanisme d'élimination. Ces réactions sont donc limitées à l'utilisation de bons électrophiles comme les iodures d'alkyles, les halogénures benzyliques ou allyliques et les substrats primaires. Dans le cas des cétones qui ne contiennent qu'un seul site acide, cette méthode peut néanmoins être envisagée en premier lieu car les réactions secondaires restent limitées. En outre, l'utilisation quasi-récurrente de basses températures et de solvants polaires aprotiques comme le THF aide également à réduire les réactions secondaires.7 D'autre part, les polyalkylations représentent un inconvénient certain de cette méthode, bien que de nombreuses stratégies aient été développées pour réduire ces problèmes, en particulier par l'emploi d'additifs. Par exemple, l'utilisation de l'héxaméthylphosphoramide (HMPA) en tant que co˗solvant chélateur de métaux, permet de duire la polyalkylation comme dans le cas de la cyclopentanone (Schéma II.3).6,7 5 M. W. Rathke, J. Am. Chem. Soc. 1970, 92, 3222.
Y. Morita
,
M
.
Suzuki
,
R
. Noyori
, J
. Org. Chem.
1989
, 54,
1785
.
7
Pour une meilleure compréhension de ce phénomène, voir :
D.
Seebach
,
Angew. Chem. Int. Ed. Engl.
1988,
27, 1624. 6 51
Chapitre II Schéma II.3 − Influence de l'héxaméthylphosphoramide sur la polyalkylation
Cette méthode reste néanmoins souvent limitée aux cétones symétriques comme la cyclopentanone ci-dessus ou aux cétones n'ayant qu'un seul site acide comme les acétophénones. En parallèle de cette approche directe, d'autres procédés se sont avérés efficaces pour effectuer l'alkylation des cétones. 1.2 L'utilisation des éthers d'énols silylés
Parmi toutes les tactiques développées, celle utilisant des éthers d'énols silylés dérivés de cétones est une des plus courantes. Leur synthèse a été largement étudiée mais ne sera pas détaillée dans ce chapitre.3,8 Il est cependant intéressant de noter qu'ils sont souvent stables en absence d'eau et qu'ils peuvent être purifiés, essentiellement par distillation fractionnée. Les éthers d'énols silylés ont essentiellement été utilisés comme précurseurs d'énolates, comme dans la réaction d'aldolisation de Mukaiyama.9 Dans le cas des réactions d'alkylation, ils présentent une réactivité complémentaire de celle des énolates de lithium, car ils réagissent avec les électrophiles selon un mécanisme SN1.10 En particulier, les composés tertiaires
8 Pour une revue récente, voir : S. Kobayashi, K. Manabe, H. Ishitani, J. I. Matsuo, Science of Synthesis. Thieme Chemistry, 2002, 4. 9 T. Mukaiyama, K. Narasaka, K. Banno, Chem. Lett. 1973, 2, 1011. 10 (a) P. Brownbridge, Synthesis 1983, 1983, 1. (b) P. Brownbridge, Synthesis 1983, 1983, 85. 52
Les Xanthates et les Cétones comme le bromure d'adamantyle réagissent et donnent de bons rendements en présence d'un acide de Lewis, ici le tétrachlorure de titane (Schéma II.4).11
Schéma II.4 – Exemple d'alkylation avec un électrophile tertiaire grâce à l'utilisation d'éther d'énol silylé Cependant, l'utilisation d'un acide de Lewis fort dans ces conditions peut également limiter le domaine d'application de cette réaction aux composés simples et peu sensibles. 1.3 La synthèse acétoacétique
Une autre solution envisageable pour effectuer la dialkylation de cétones est d'utiliser des β-cétoesters. En effet, dans ce cas, la différence d'acidité des protons en position α de part et d'autre de la cétone permet de discriminer les deux positions (Schéma II.5).12
Schéma II.5 − Différence d'acidité des protons d'un cétoester
La position 2 (pKa = 11 pour l'acétoacétate d'éthyle) peut être déprotonée par une base relativement faible comme le carbonate de potassium et, dans ce cas, l'alkylation a lieu en cette position.13 Par l'utilisation de deux équivalents d'une base forte comme le LDA ou le butyllithium, le dianion peut quant à lui être formé.14 La position 4, la plus basique (pKa ~ 25) et donc la plus réactive sera alors alkylée en premier, selon les règles édictées par Hauser 15,16 et étudiées 11 M. T. Reetz, W. F. Maier, K. Schwellnus, I. Chatziiosifidis, Angew. Chem. Int. Ed. Engl. 1979, 18, 72. A. Facchetti,
A
.
Streitwieser, J. Org. Chem. 2004, 69, 8345. 13
M. Fedorynski, K. Wojciechowski, Z. Matacz, M. Makosza, J. Org. Chem. 1978, 43, 4682. 14 Pour une selection de revues sur le sujet, voir : (a) T. M. Harris, C. M. Harris, In Organic Reactions, John Wiley & Sons, Inc., 1969, 17, 155. (b) E. M. Kaiser, J. D. Petty, P. L. A. Knutson, Synthesis 1977, 1977, 509. (c) C. M. Thompson, D. L. C. Green, Tetrahedron 1991, 47, 4223. 15 (a) C. R. Hauser, T. M. Harris, J. Am. Chem. Soc. 1958, 80, 360. (b) J. F. Wolfe, T. M. Harris, C. R. Hauser, J. Org. Chem. 1964, 29, 3249. 16 Pour des revues sur le sujet, voir : (a) S. Benetti, R. Romagnoli, C. De Risi, G. Spalluto, V. Zanirato, Chem. Rev. 1995, 95, 1065. (b) C. M. Thompson, D. L. C. Green, Tetrahedron 1991, 47, 4223. (c) E. M. Kaiser, J. D. 12 53 Chapitre II plus en détails par Weiler.17
Mises à part de rares exceptions,18 ces conditions permettent
donc
de
réaliser une
alkyl
ation
sélective. La seconde alkylation suit alors les mêmes règles. La cétone dialkylée est ensuite récupérée après hydrolyse suivie
d'
une décarboxylation
(
Schéma II.6). Schéma II.6 − Alkylation de cétones non symétriques par l'utilisation de la synthèse acétoacétique
Cette méthode a été particulièrement employée pour l'alkylation de l'acétone à partir de l'acétoacétate d'éthyle (R = H). Le groupement ester agit donc ici comme un auxiliaire directeur pour la réaction. Il peut également être remplacé par un autre groupe électroattracteur. L'exemple ci-après correspond à l'application de cette réaction à la synthèse de la structure centrale bicyclique des alcaloïdes Stemona (Schéma II.7). L'addition du dianion sur le composé iodé donne accès au produit C4-alkylé II.1. Cette étape est suivie par une deuxième alkylation, cette-fois-ci en position 2. Cependant, il ne s'agit pas d'une SN2 mais d'une addition de Michael, la 1-chloro-4-méthylpentan-3-one étant transformée en accepteur de Michael en présence d'une base (Schéma II.7, encadré). La décarboxylation, immédiatement suivie par une cyclisation, donne finalement le précurseur
II.2.19 Petty, P. L. A. Knutson, Synthesis 1977, 509. (d) T. M. Harris, C. M. Harris, In Organic Reactions, John Wiley & Sons, Inc., 1969, 17, 155. 17 S. N. Huckin, L. Weiler, J. Am. Chem. Soc. 1974, 96, 1082. 18 G. B. Trimitsis, J. M. Hinkley, R. TenBrink, A. L. Faburada, R. Anderson, M. Poli, B. Christian, G. Gustafson, J. Erdman, D. Rop, J. Org. Chem. 1983, 48, 2957. 19 M. M. Hinman, C. H. Heathcock, J. Org. Chem. 2001, 66, 7751. 54 Les Xanthates et les Cétones
Schéma II.7 − Application de la synthèse acétoac
étique
à
la
synthèse
de la
structure
centrale
bicyclique des alcaloïdes Stemona 1.4 Des dérivés azotés
La réactivité d'équivalents azotés d'énols a également été étudiée dans la réaction d'alkylation des cétones. Les énamines20 sont principalement employées pour l'alkylation des aldéhydes car elles limitent leur auto-condensation. Leur mise en oeuvre pour l'alkylation des cétones est plus rare, bien que dans ce cas elles apportent une solution pour limiter les polyalkylations. Cette réaction, connue sous le nom de réaction de Stork,21 permet en effet de favoriser la monoalkylation grâce à la plus faible réactivité du sel d'iminium intermédiaire créé. En outre, l'alkylation ne nécessite pas l'emploi d'une base, ce qui augmente son champ d'application. Typiquement, la synthèse de l'énamine est effectuée par condensation sur la cétone d'intérêt d'une amine secondaire comme la pyrrolidine ou la pipéridine. Après la réaction, la cétone est récupérée par hydrolyse acide de l'iminium formé (Schéma II.8).
Schéma II.8 − Exemple d'alkylation avec une énamine20b
20 Pour des revues, voir : (a) G. Stork, A. Brizzolara, H. Landesman, J. Szmuszkovicz, R. Terrell, J. Am. Chem. Soc. 1963, 85, 207. (b) P. W. Hickmott, Tetrahedron 1982, 38, 1975. 21 (a) G. Stork, R. Terrell, J. Szmuszkovicz, J. Am. Chem. Soc. 1954, 76, 2029. (b) G. Stork, H. K. Landesman, J. Am. Chem. Soc. 1956, 78, 5128. Chapitre II Cependant, les énamines sont par essence des nucléophiles peu réactifs et réagissent uniquement avec des électrophiles activés comme les halogénures allyliques, benzyliques ou propargyliques, les rendements diminuant drastiquement avec les halogénures secondaires. De plus, il s'agit de nucléophiles ambidents car ils peuvent réagir par C− ou N−alkylation et la chimiosélectivité n'est pas toujours évidente à contrôler. D'autres dérivés azotés tels que les N,N−dialkylhydrazones22 sont utilisés pour effectuer cette réaction. Décrit par Corey et Enders23 puis développé par Enders, ce procédé est plus largement employé que celui des énamines grâce à la plus grande réactivité des substrats. Cette stratégie a été appliquée, par exemple, pour la synthèse totale de la lycodine (II.3).24 La diméthylhydrazone dérivée de l'acétone permet de réaliser dans ce cas la monoalkylation, ce qui serait impossible avec l'acétone elle-même (Schéma II.9a). De même, une dialkylation monotope et non symétrique de l'acétone est possible (Schéma II.9b).25 Ces transformations s'avèrent possible avec l'hydrazone contrairement à l'acétone car les réactions d'aldolisation et de O-alkylation sont supprimées. En outre, il a été constaté que ces composés réagissent régiosélectivement sur le carbone le moins encombré et les polyalkylations ne sont pas observées. Schéma II.9 − Alkylation de l'hydrazone dérivée de l'acétone pour la synthèse de la lycodine
Ce procédé apporte entre autres une réponse à la question initialement posée de l'alkylation non symétrique des cétones symétriques (Schéma II.1, équation b). Des versions
22 Pour
des
revues sur le sujet, voir : (
a
) A. Job, C. F. Janeck, W. Bettray, R. Peters, D. Enders, Tetrahedron 2002,
58,
2253. (b) R. Lazny, A. Nodzewska, Chem. Rev. 2010, 110, 1386. 23 (a) E. J. Corey, D. Enders, Tetrahedron Lett. 1976, 17, 3. (b) E. J. Corey, D. Enders, Tetrahedron Lett. 1976, 17, 11. (c) E. J. Corey, D. Enders, Chem. Ber. 1978, 111, 1337. (d) E. J. Corey, D. Enders, Chem. Ber. 1978, 111, 1362. 24 E. Kleinman, C. H. Heathcock, Tetrahedron Lett. 1979, 20, 4125. 25 M. Yamashita, K. Matsumiya, M. Tanabe, R. Suemitsu, Bull. Chem. Soc. Jpn. 1985, 58, 407. 56
Les Xanthates et les Cétones asymétriques ont également été développées et permettent d'obtenir de manière efficace les produits d'alkylation énantiomériquement purs.26 Cependant, il est important de constater que ces méthodes utilisent une amine ou une hydrazine comme auxiliaires, souvent en quantité stoechiométrique. De plus, des conditions acides sont nécessaires pour récupérer la cétone formellement alkylée. Ces deux paramètres, ainsi que l'inefficacité de l'alkylation vis-à-vis d'un grand nombre d'électrophiles, limitent malheureusement le champ d'application de cette réaction.
1.5 De nouveaux agents alkylants
Des alternatives, plus récentes, ont été développées pour palli les difficultés rencontrées. En particulier, l'intérêt s'est porté sur de nouveaux agents alkylants pour remplacer les composés halogénés et leurs analogues, ces méthodes reposant le lus souvent sur des systèmes catalytiques métalliques. 1.5.1 Les alcools comme agents alkylants
L'une de ces stratégies a recourt aux alcools comme agents alkylants, en présence d'un métal de transition.27 Cette technologie dite par auto-transfert d'hydrogène ou « emprunt » d'hydrogène appartient à la famille de ce qu'on appelle aujourd'hui la catalyse « redox ». Elle repose sur l'oxydation par le catalyseur de l'alcool primaire II.4 en aldéhyde II.5 qui se condense avec la cétone II.6 et l'énone résultante II.7 est ensuite réduite par ce même catalyseur, bouclant ainsi le cycle catalytique (Schéma II.10a). Les métaux les plus couramment utilisés sont l'iridium et le ruthénium. La cétone formellement alkylée II.8 a ainsi pu être obtenue avec de bons rendements (Schéma II.10b). 26
Pour des revues récentes sur le sujet, voir : (a) pour les réactions catalytiques des énamines : S. Mukherjee, J. W. Yang, S. Hoffmann, B. List, Chem. Rev. 2007, 107, 5471.(b) pour les hydrazones : A. Job, C. F. Janeck, W. Bettray, R. Peters, D. Enders, Tetrahedron 2002, 58, 2253. 27 Pour des revues sur le sujet, voir : (a) F. Alonso, F. Foubelo, J. C. Gonzalez-Gomez, R. Martinez, D. J. Ramon, P. Riente, M. Yus, Mol. Diversity 2010, 14, 411. (b) G. E. Dobereiner, R. H. Crabtree, Chem. Rev. 2010, 110, 681. (c) C. Gunanathan, D. Milstein, Science 2013, 341, 1229712. (d) S. Pan, T. Shibata, ACS Catal. 2013, 3, 704. (e) Y. Obora, ACS Catal. 2014, Chapitre II Schéma II.10 − Alkylation formelle de cétones en présence d'alcools comme agents alkylants : (a) mécanisme (b) exemples récents28k
Bien que prometteuse du point de vue de l'économie d'atome car seule de l'eau est rejetée, cette méthode souffre d'inconvénients non négligeables, le coût important des catalyseurs en étant un premier. Néanmoins, la limitation majeure concerne les substrats. En effet, les cétones utilisées sont la plupart du temps des cétones aromatiques ou bien des cétones où la question de la régiochimie ne se pose pas et les alcools sont quant à eux limités à des structures simples, primaires et ne contenant pas d'autres groupements polaires.28,29
1.5.2 Les oléfines comme agents alkylants
L'alkylation des cétones par addition d'énolates et de leurs dérivés sur des oléfines non activées en présence de différents métaux a été décrite à de nombreuses reprises. 30 Ces
28 Pour des références récentes, voir : (a) K. Taguchi, H. Nakagawa, T. Hirabayashi, S. Sakaguchi, Y. Ishii, J. Am. Chem. Soc. 2004, 126, 72. (b) M. S. Kwon, N. Kim, S. H. Seo, I. S. Park, R. K. Cheedrala, J. Park, Angew. Chem., Int. Ed. 2005, 44, 6913. (c) P. J. Black, G. Cami-Kobeci, M. G. Edwards, P. A. Slatford, M. K. Whittlesey, J. M. J. Williams, Org. Biomol. Chem. 2006, 4, 116. (d) Y. Iuchi, M. Hyotanishi, B. E. Miller, K. Maeda, Y. Obora, Y. Ishii, J. Org. Chem. 2010, 75, 1803. (e) F. X. Yan, M. Zhang, X. T. Wang, F Xie, M. M. Chen, H. Jiang, Tetrahedron 2014, 70, 1193. (f) S. Ogawa, Y. Obora, Chem. Commun. 2014, 50, 2491. (g) F. Li, J. Ma, N. Wang, J. Org. Chem. 2014, 79, 10447. (h) L. M. K. Chan, D. L. Poole, D. Shen, M. P. Healy, T. J. Donohoe, Angew. Chem., Int. Ed. 2014, 53, 761. (i) X. Quan, S. Kerdphon, P. G. Andersson, Chem. - Eur. J. 2015, 21, 3576. (j) D. Shen, D. L. Poole, C. C. Shotton, A. F. Kornahrens, M. P. Healy, T. J. Donohoe, Angew. Chem., Int. Ed. 2015, 54, 1642. (k) J. R. Frost, C. B. Cheong, W. M. Akhtar, D. F. J. Caputo, N. J. Stevenson, T. J. Donohoe, J. Am. Chem. Soc. 2015, 137, 15664. 29 Cette stratégie a également été utilisée récemment : (a) avec un
catalyseur
au
fer:
S. E
langovan
, J. B. Sortais, M. Beller, C. Darcel, Angew. Chem. Int. Ed. Les Xanthates et les Cétones méthodes rejoignent l'ensemble des réactions dites « idéales » que nous avons décrites au premier chapitre (Schéma II.11).
Schéma II.11 − Réaction d'alkylation dite idéale entre une cétone et une oléfine
S'inscrivant dans cette stratégie, un système d'activation duale synergique a récemment démontré son efficacité pour alkyler directement et régiosélectivement des cétones à partir d'oléfines.31 Le procédé repose sur l'utilisation de deux catalyseurs. Le premier, une amine secondaire permet de former l'énamine par condensation avec la cétone. Ce catalyseur porte également un groupe directeur, une pyridine qui peut chélater le deuxième catalyseur, un complexe de rhodium.32 Celui-ci permet de réaliser le couplage de l'énamine et de l'oléfine de manière régiosélective, du côté le moins encombré (Schéma II.12). Cette méthode a également été employée de manière intramoléculaire et donne lieu à des cyclisations.33 Ainsi, un certain nombre de solutions ioniques, catalytiques ou non, ont été développées pour réussir à alkyler sélectivement et efficacement les cétones. La liste présentée ci-dessus est loin d'être exhaustive. Cependant, chaque méthode possède des inconvénients. La plupart d'entre elles sont en particulier difficilement compatibles avec la présence d'autres fonctionnalités dans les substrats à cause des conditions réactionnelles ou du manque de chimiosélectivité. En outre, nombre d'entre elles passent par un mécanisme de type S N2 et l'efficacité de la réaction chute drastiquement avec l'augmentation de l'encombrement stérique sur l'électrophile (voir Chapitre I, § 1). Les stratégies employant de nouveaux agents alkylants dépendent quant à elles de l'utilisation de métaux onéreux et de systèmes catalytiques complexes. 31 F. Mo, G. Dong, Science 2014, 345, 68. Pour une étude approfondie du mécanisme, voir : Y. Dang, S. Qu, Y. Tao, X. Deng, Z.-X. Wang, J. Am. Chem. Soc. 2015, 137, 6279. 33 H. N. Lim, G. Dong, Angew. Chem. Int. Ed. 2015, 54, 15294. 32 59
Chapitre II Schéma II.12 − Catalyse duale synergique pour l'alkylation des cétones par des oléfines - mécanisme et exemples choisis
La chimie radicalaire peut donc également être envisagée comme une solution simple et efficace à cette question. Cependant, les cétones -iodées, auxquelles on pourrait penser en première intention, sont peu stables. Elles sont facilement réduites par des traces d'iodure d'hydrogène pour redonner la cétone de départ et de l'iode (Schéma II.13), et sont aussi sensibles à la lumière.34 Les dérivés bromés sont, quant à eux, de moins bons précurseurs de radicaux. Les xanthates présentent donc dans ce contexte un intérêt tout particulier.
Schéma II.13 – Réduction des cétones -iodées par l'iodure d'hydrogène
34 D. P. Curran, C. T. Chang, J. Org. Chem. 1989, 54, 3140. Les Xanthates et les Cétones 2 Les Xanthates -Acylés
Les xanthates en position d'une cétone sont généralement stables en étant stockés à l'abri d'une lumière directe intense, comme le soleil. Ils peuvent être obtenus par substitution nucléophile par le sel de potassium correspondant sur le dérivé bromé ou chloré avec de bons rendements (Schéma II.14). Le radical qui sera ainsi engendré est un radical -acylé, stabilisé par résonance et à caractère électrophile. Il réagira donc plus facilement avec des oléfines riches en électrons. En outre, nous avons vu au chapitre précédent que le radical de départ II.9 doit être plus stabilisé que le radical adduit II.10 pour que la fragmentation du radical tertiaire II.11 se fasse préférentiellement vers le produit d'arrivée II.12. Cette condition est parfaitement respectée dans le cas des xanthates -acylés car ceux-ci génèrent des radicaux II.9 plus stables que les radicaux alkyles secondaires, tertiaires ou stabilisés par un hétéroatome en position α. Cette famille de xanthates regroupe donc des substrats de choix pour la réaction d'addition sur des oléfines non activées.
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centrale posterieure petite moyenne : grande 0. : *labialisation - = absence du trait + = presence du trait : a : - 68
2.122 Voyelles du Kikuyu par rapport aux voyelles cardinales
Ce terMe-de D. JONES fait reference a une serie de sons vocaliques choisie independamment de systeme linguistique et qui sert d'echelle pour comparer les voyelles de n'importe quelle langue. Les 8 voyelles cardinales (ieEacu ao 0) occupent des positions (par rapport a la langue) precises et elles ont toutes des qualites acoustiques bien determinees. La position de la langue pour chaque voyelle est la position absolue. La voyelle cardinale /i/, par exemple, est la voyelle la plus anterieure et la plus fermee et aucune autre voyelle d'une langue quelconqUe ne - peut etre creee par une position de la langue plus elevee ou plus anteriorisee. Les voyelles de chaque langue peuvent donc etre compa7 zees par rapport aux voyelles cardinales. Le schema fait par ARMSTRONG (1946) et que nous nous permettons de reproduire ci-dessous montre l'identite physiologique des voyelles du Kikuyu par rapport aux voyelles cardinales, en mon7 trant la position de la langue pour chacune. front central back voyelles du Kikuyu qui se caracterisent par une tendance generale'a se centraliser. - 69 - 2.123 Semi-voyelles j et w existent en Kikuyu come les seules semi-voyelles. Leur nom aMbigu vient du fait que ces deux sons fonctionnent (phoL, nologiquement) come des consonnes tout en restant qualitativement (c'est-&-dire articulatoirement et par manifestations physiques) sethblables aux voyelles orales simples. 2.2. LA NASALISATION
Come nous l'avons dit ailleurs, le systeme vocalique du Kikuyu ne comporte pas de voyelles nasales, mais ii connait biensr une nasalisation des voyelles par assimilation des consonnes nasales m n 1 nib nd 3g jnj j in et des consonnes prenasalisees du contexte. Cette nasalisation des voyelles, qui peut etre totale ou partielle et qui peut manquer conpletement„ n'entraine pas une distinction phonologique.entre voyelle nasalisee et voyelle non nasalisee.
2.3. ETUDE PHONETIQUE DE LA DUREE DES VOYELLES
bans la parole, la duree (extension relative dans le temps) des voyelles ainsi que celle des consonnes peut facilement etre mesuree sur les oscillogrammes et les spectogrammes. Cette duree qu'on peut enregistrer est la duree objective (par opposition a la duree subjective qui est appreciee par l'oreille). A l'interieur de chaque systeme vocalique, les voyelles possedent des differences de duree objective, differences dictees par des regles combinatoires, mais differences qui n'entratnent pas une incidence phonologique. Ii s'agit donc d'une dux -6e dite phonetique. La duree intrinseque des voyelles (1) Dans une certaine mesure, la duree d'une Voyelle est determinee par la natUre de cette voyelle, c'est-a-dire par ses qualites phonetiques (lieu et mode d'articulation). Ii y a correlation entre l'aperture d'une voyelle et.sa dux-6e. "Toutes choses egales par ailleurs, plus une voyelle est fermee (de petite aperture), plus sa duroe tend a entre breve et inversement" (2). LEHISTE (I.),Suptasegmentals, M.I.T. Press, 1970 CARTON (F,),Introduction a la phon4tique du Francais, Bordas, 1974, p. 104 -72-
Tout en se rappelant que l'aperture d'une voyelle est la distance entre la langue et la vote palatine a l'endroit di le canal buccal est le plus etroit (et par la donc que plus une voyelle est ouverte,-plus cette distance est grande), la correlation aperture/duree peat s'expliquer par le fait qu'un mouvement de grande amplitude (1' articulation d'une voyelle de grande aperture) exige plus de temps articulatoire qu'un mouvement "facile" et plus bref (1' articulation d'une voyelle fermee Cm de petite aperture).
Influence de
cons
onne suivante
La duree vocalique depend aussi de 1' entourage consonantique. "On sait, ecrivait G. STRAKA, aue la quantite absolue d'une voyelle dgpend des phonemes environnants (surtout de celui qui suit". (1) Ii est generalement accepte qu'une voyelle est plus longue lorsque la consonne post-vocalique est sonore (faible) et qu'elle est breve lorsque la consonne suivante est sourde (forte). Une voyelle est relativement plus longue si elle est suivie imMediatement d'un R ou d'une constrictive sonore. Les occlusives sourdes t p t k sont abregeantes, et ceci par l'ordre k <:p (2). (1)$TRAKA(G.), 1958, p. 276 (2) le symbole = moins abregeant que - 73 -
Influence de l'accent
Une autre regle generalement acceptee est que la duree d'une voyelle depend aussi de sa place par rapport a l'accent. Une voyelle accentuee est plus longue qu'une voyelle inaccentuee. A notre connaissance, toutes ces "regles" qui conditionnent la duree des voyelles ont &Le experimentees avec les langues europeennes. Notre tentative dans les pages qui suivent sera. de voir d!une.part, si ces regles sont attribuables a la duree des voyelles de Kikuyu (langue africaine), et d'autre part, si la duree de nos voyelles depend d'autres criteres. 2.31 Le corpus
Pour etudier la duree•phonetique des voyelles du Kikuyu, nous nous sommes constitue un corpus dont l'objectif 6tait de faire apparaitre les realisations de duree de chaque voyelle en differentes conditions (entourage consonantique, position syllabique, positions de l'accent, des tons ) et, de ces realisations, montrer les changements de duree qu'introduisent les differentes conditions. - 74 - L'enregistrement du corpus a ete effectue par nous, seul locuteur Kikuyu sur place, au Laboratoire de l'Institut de Phonetique de l'Universite des Sciences Humaines de Strasbourg. Le trace mingographique nous a paru etre la methode experimentale. la plus appropriee pour notre etude pour les raisons suivantes : ii permet une delimitation plus precise des different phonemes dans la chaine parlee, il facilite le calcul de la duree de chaque segment. Le corpus contient principalement des nonemes hors contexte pris separement dans la &sine parlee, et aussi des enonces complets d'un ou de deux mots. La duree a &be mesuree en centi-secondes. LA oa la delimitation n'a pas pose de probleme, nous avons releve uniquement la duree de la voyelle et non celle de toute la syllabe. La ou le groupement d'une semi-voyelle et une voyelle dans une syllabe a &Le difficile a delimiter, nous avons releve la duree des deux segments, mais nous n'avons pas fait intervenir la duree de deux segments indelimitables (surtout semi-voyelle + voyelle) dans nos tableaux de Calculs. Vbyelle initiale suivie de t itu reEro un nuage blanc eta maito appelle maman I EtavD7wanjiko elle s'appelle Wanjikd aturi mqwenja 7 forgerons V:ta wEth fais de beaux reves! ota mAto ruta wera. un nouvel arc travaille! Vbyelle initiale suivie de k ikia mbErE pousse en avant! eka ciVSE fais le tout! EkirE o:ru il a fait du mal akasio:mba construis une maison I akirE wiki il est venu seur oka haha viens ici! cuka mwEro un drap blanc V
byelle
en finale absolu
e
precede
e de t pati e ondulee mote arbre
mot
atE pain mi*ta champignon kehat oreilles nuages Voyelle finale precedee mweki le feu
m
heke tabac
Ok
E
mheka chat rdko bout de bois' Teiaku porche Voyelle suivie de r. kira tais-toi atere expression,de ponctuation p.p. :-a propos : kera traverse- 1 kEra mlivp coupe les legumes! tara compte! mekar fosses wakDra maito Si tu rencontres maman - 77 - tora perce! kora grandis tura forge! kurayo:5go gratte le fond de la marmite irima trou aromE les hommes VOyelle suivie de,r yti nuque tip arr6te! nocESE mauvaise herbe tqa mets un piege! maSata nchampicmons"qui poussent sur 1 -lepicrane nivu elephant mqatE pain VOyelles et la consonne mocipi ceinture kopera fouetter -(crème, soupe, etc) mokEpE bolte (en (er) mopake tabac plita bureau de poste por affluence mapuri parapluie - 78 - Voyelle et. ena sensibilit4 au chatouillement probleme, paucirete ogri lumiere yni assiettes >s-yzr A ton pre n poitrine ori les mans Consonnes pre-nasalise-es mb + voye4e. mbir suie mbea rat, souris mbetE devant mbera la guerre nib* 16gume * mboro mbura Vbyelle + MIJOra la pluie nib inilco massue kembu cameleon mbEthE mais Icetambaj a foulard irbg vache(s) yomba maison cumbe sel - 79 - nd + voyelle nditi vitesse ndere ndEt 9 recipient dans lequel on pile les graines nouvelles ndarE baie nobra regarde moi 1 ndoti laid ndutu peste qui attaque les pieds, orteils irinda robe ihende os kwenda aimer Enda aime ando les gens - v+nd )sande - etincelle(s) 9ondu mouton(s) ondo quelque chose mondo homme, quelqu4 un sunciD bout on ng + v mule were phacochere 9gEr D doggts - 80 - van,' b14 coeur 9goko poulet(s) 9guru tortue pipe beaucoup, plusieurs v+ng irige autres fobjets) relge encore, autre (objet) ewe autre (objet) )SEIPE bouc arige autres (personnes) raqgi couleur D uga prends la mamelle! le lait de la mamelle petris v 9ga hoggo faucon rulgu au-dessous de nj +v cuisiniere pj era chemin yj EkE mince Jjaa nudite 31j3.0 414phant(s) jpjoke abeille(s) jpjui poussins - 81 - V + nj 4'1 i petits pois kohepja maigrir 91ji les mineurs kwEjja creuser * wapj a Wanja )5 tisserin okopj a icurje plier les morceaux Voyelle en position accentuee : V mohiki /. nouvelle mariee arena les cultivateurs mapp recoltes mapta champignos qui attaquent l'epicrane kerDrE signature, griffe korora etre amer korua etre circoncis Voyelle en position inaccentuee : V gourde d'eau kerrE signature, griffe. moSatf pain apna sois mechant nj Dflar D la taille morimo maladie Opku porche - 82 - Vbyelle sur ton haut EZ-1 hirp I quand 4poque. sorte de mauvaise herbe // hEj -D donne-le moi! mmana enfant Tube vache(s) oka vi ens! rpuru la tortue Vbyelle sur ton bas ini le foie no we mere les corps humains hij" il y en a. wana enfantillage ki les arrivants chevre(s) la pluie Vbyelle + ton bas-haut v/ karioki E\/] Karitiki. mopake tabac hE donne-moi I N./ * wapja N./ irip roko Wanja la nourriture bout de bois - 83 - VOyelle sur ton haut-bas meciria la pensae he ke qu'est-ce qu'il y a assiette s kura le vote
Presentation des tableaux et releves de durees (calculs)
Pour avoir one idee globale de notre realisation du corpus, nous avons juge preferable de relever les durees moyennes des voyelles (sauf clans les cas peu nombrables oil la duree d'une voyelle etait celle d'une seule occurence). Les tableaux representent les conditions clans lesqUelles la duree des voyelles a ete etudiee. Nous regrettons que quelques tableaux (2, 3, 5, 8, 9) soient incomplets. Par one imprevoyance que nous avons decouverte trop tard clans notre preparation des tableaux, notre corpus ne contient aucun : u a l'initiale de mot devant la consonne t e, o sur ton H-B u sur ton B-H e, D, u devant la consonne c _ - 84 - E, u devant h e, devant u devant e devant Ce manque de quelques voyelles ne nous a pas emp6che de faire des remarques generales en ce qui concerne, par exemple, l'influence des constrictives sonores sur la duree vocalique. Le tableau recapitulatif (11) montre la moyenne generale de la duree que chaque voyelle a pu obtenir dans toutes conditions oi la duree d'une voyelle a &Le relevee. Le meme tableau est schematise sous forme graphique (11c) afin de visualiser A première vue la tendance generale de l'allongement vocalique en Kikuyu, c'eSt-a-dire montrer queue voyelle est plus ou moins susceptible d'une air 6- e plus ou moins grande.
-• 85 - : : : en syllabe : accentuee : ▪.• 1 : e : E.... : 15,22• 13,93 : 13,16 : : : : : : : : :.'o... 14,7!. 18,8'16. : • a : en syllabe : 11,25: 11,75: 18,33: 12,37: 11'non accent.'• u :... :. 15,04.: •, • : : : 11,5 : 14,7 : Tableau 1 Durees vocal iques et accent : : e.. : E. : a. 0 : : U : - :. :a l'initiale: 9,35 11,33! 11,91! 11,41! 12,62!! en finale absolue 0. 9 •: : • • •'21,58' 21,8'22,9'28,7 • 21,32' 20,33: 21,09'• • • Tableau 2 purees vocaliques en position initiale et finale de syllabe : 1 : e : e. :. a.! 9,66! 7,6! 16,16! 12,8! c) : o : 11 : ; 10,81; 10,5 ; 12,25; 13,3 :13,6 ; 9,5•7 Tableau 3 Durees vocaliques devant occlusives sourdes (t.k) MoyenneS generales : devant t devant k 11,63 c.s. 10,99 c.s. : • u : : :: 1 2,6 : ▪ i • - 86 - e : o • : : : 15,43 : 14,6 a. : 11,75 : 15,5 : 15,6 • : : 12,9 u : : 14,9 : : Tableau 4 purees des voyelles devant r i : : e. E : : a 0 H.. : 15,06 ; 17,83 : 19,8: 17,95: 20,39: 18,9 : 17,75: B..... • 17,25 • 20,17 • 17,75 : 16,59 : 19,35'17,5 :• 13,3 : : H-B'22, 5. B-H : 28 : 27,5: 24,522,87: *•• • * • •. 26, 25.: 32'25,5'21 •'30 27,25 • Tableau 5 Durees vocaliques dans les contextes tonaux
(*) Ces chiffres representent un seul-releve de duree et ne representent donc pas une duree moyenne,
* : : : • - 87 - a ; 22,75; nd : 25 ; 22 :18,25; 26,25; 32,5 • • 21 5' 24 13 15'21,75 : 21,5 • 21,75 : 23,75 : 22 • • •• •• 24 • 24,75 : 21,50• 21,50 : 19,5 : :. 24. 25,75. 21,5 21.'27 • • 26,5 • 26,5: 24,75 : • : 3 : : Tableau 6 Durees vocaliques devant consonnes prenasalisees : : : : : : nib b : : 9 : : e : : e :. 17 :: 13 25,5 : 15 nd... ': 9,5 :• 14,5; 10 lg.'12 -. J13 :8,75 :: 15,5 •: 11,5 : 13,5 :• 14 : : : i : • : 16. 13 :: 14,75 ': 13 0 : u : : : : 14 : 11 : : 4... ': 10,5 ': 9,5. ': :: 17. ': 10,5 :• 13,5 :: : t : : 10 Tableau 7 Durees vocaliques precedes de consonnes prenasalisees :: 14 : • - 88 - : : c : : : i : e 8,5 •. : : h : e •: a : 22,25 : : 9 : :. • 12,6,. : :: -11. :: 15 :: 7,5 : : :: 19 u 11'o u : : Tableau 8 Durees vocaliques devant constrictives sourdes c,h, : : : i : 9,25 : : : : : : : : : : : 17 : :. 14 : :.. ': 9,33 • 10 : e : £ a. '... '. 11,25.'7,25.' 16,5. 8,5 • 17,5! 16,25'•'•'• • : : :...... •: 19,75 ': 10,7'15,75 14,18' 12,25' 1. : • • :: 10,37 :: Tableau 9 Dur6es vocaliques + constrictives sonores ai : 19 eE : 25 : Tableau 10 puree de "groupe de voyelles" ia io 28,33 29,5 i 3! 24,5 : -89- 3 a : moyennes : Onerales : de durees : vocal iques : 0 : :. : : :• 14,93' 16,46 18,1'16,79'. 17,89 : 16,08 :. 16,3: +.• : moyenne par : ordre : decroissant : : : : 18,1:17,89 : : _ : a. : : :.. : : 16,46 : 16,3 : 16,08 : 14,93: :16,79 : Tableau recapitulatif 11 te - ••••. • 1. •.1 : - - I--,. :••• 1: - ::.:-''.. 4 1'". 4.-. * 1:
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•- 1• • •:" • • 1 ":•1 11- '! • 1•.1 '1 •'; • : 1 :. •:. : • : tG 'I i •:': •.-1 • 1. i. I-. -4.•:-:. '+'-''''- H--1-•-• " i, -- ''' :--- • -,. - : ---:--'• :-•:'-- • •-,---i--•;': -- :1:47,••: :-.1 -•I :.1 : ; :11.".:• : rt. • 1 •: ; •;i ••:.1:.•'.I., I -I1•• • :•.!-: :I. '1 1.. : •. 4 ;: • ••••:- •. : •I - • • •.11,.1 • ; 1 1.'1 ■ :, •4 1 1■ 4 11 :::i: ■■ •• •• ■ ;„': :.. ;. : ;-•-.. :•.• -,- 1 1.4.: • 7: 1" •,•, -::: -•.. J,..:,: ;;:. ::::: I.: '• ••••, '1.7.: t•, •:21-:ii i'l •: :, iii -;--r.: ::. :.a 1 -.4- _:4_. _,:.+- • • 1 -.Y..! - t; • I ••,. •:-. 1"i4" 1' --.: ;:•"1.i 1, 'Ftl,. 4.•,1 1:: " 17-. -71-J7.771 ', 1. : : ----''• '1 •.:1.!1.1 ■,4:1,.4,1, :• •.,';:i11;.• ••• ;.•.■. ••••:•:•:. ;Ir.:. r.-:;-:;;;F:ii,:::•:-.1FF.: 7.717.77.-_, ''''''' I" • :.''' i -*-;':.17. 7:.':::: ;2,77, :::::-.. 7.1-1 41:• :: :.::- • I • 1 4 4 41 ". 1,-- :1i"" • - • 141:•1 :",:_:.11. i. 7 :::71 •••1 :-.. '1 '.11.7 77. 1...'1:'., ', :..'1,. :.1 7 1: I, ''. 1.;-7. '"7. :..:1:' ••:, 1:• - ;:: :• ',..,_ 1 : • U.'OZ - 90 - 2.4.
COMMENTAIRES 2.41 Duree et accent
Nous avons cons tate, dans nos donnees, une tendance assez generale a un allongement vocalique en syllabe accentuee (tableau 1) ceci apparait encore plus evident dans les trisyllabes (nots tri-syllabiques) ou la syllabe interne accentude (1' accent etant normalement sun la syllabe penultieme) est plus longue que la syllabe initiale inaccentuee. Cette syllabe accentuee est. rarement plus longue que la syllabe finale qui a, normalement, la duree la plus importante de tout le groupe. Pour les voyelles en syllabe accentuee, nous avons remarque un allongement plus net des voyelles posterieures //E)/ /9/1u/ et aussi des voyelles de petite aperture /i/u/. Ces 5 voyelles accentuees ont realise les durees les plus importantes parmi toutes les voyelles en syllabe accentuee. Voyelles_posterieures sous accent 18,8 c.s. 16 c.s. 15,04 c.s. 15,04 c.s. Mais nous n'avons pu expliquer ce phenomene (durees plus importantes pour voyelles posterieures et pour voyelles de petite aperture) et il serait peut-etre -interessant de voir Si d'autres sujets parlant le Kikuyu auraient realise les memes resultats. 2.4 Differences de duree :vaoyelle_ccentuee/xEDyelle inaccentuee
Les differences de durees entre la voyelle sous accent et la voyelle hors accent varient de 0,34 c.s. (pour u) a 7,8 c.s. (pour :5) et nous constatons ceci : - la voyelle accentuee qui a la duree la plus marquee a la duree la plus breve lorsqu'elle est inaccentuee. p.e. Z accentue 18,8 c.s. z) inaccentue 11 c.s. o accentue 16 c.s. o inaccentue 11,5 c.s. i accentue i inaccentue. 15,22 C.S. 11,25 c.s. 792- Cette difference de duree n'apparait pas importante pour la voyelle posterieure et de petite aperture u (0,34 c,s.). Un autre phenomene qui nous a frappes est le cas de la voyelle e qui a &be plus breve en syllabe accentuee (13,16 c.s. est la plus breve dui- 6e parmi toutes les voyelles accentuees) et qui a manifeste une duree plus importante en syllabe inaccentuee (18,33 c.s. est la plus longue duree parmi toutes les voyelles inaccentueles). Ceci nous amene a 1' observation suivante : il'y a un menque de rigueur en ce qui concerne l'allongement vocalique en syllabe accentuee. Nous avons vu, dans le cas precedent, urle/ inaccentu4 plus long qu'un g accentu4. Nous avons releve d'autres exemples, a partir de nos trace's, ola les voyelles inaccentuees etaient plus longues que les m6mes voyelles accentuees., et que d'autres voyelles occupant la syllabe accentuee. Nous donnons idi quelques exemples : 1.) Vet al mba2 ja3 a foulard' inacc.
c.s. a2 acc. 13,5 c.s. a inacc. 15 c.s. 1 3 - 93 - ta bureau de poste inacc. 17,5 c.s. acc. 8 c.s. a inacc. 21 c.s. Les deux mots : mheka, chat, et mbara, guerre, portent l'accent sur la syllabe -mba-. Mais la duree de la voyelle a l (de premiere syllabe) du deuxieme mot est plus de deux fois plus importante que la me=me voyelle du premier mot (25,5 c.s. par rapport a 11 c.s.) La quantite absolue d'une voyelle Kikuyu re depend donc pas toujours de sa place par rapport A l' accent. L'effet de l'accent sur la duree. vocalique est donc accompagne d'autres regles combinatoires.
2.42 Duree de la voyelle initiale et de la voyelle finale
Ii y a un abregement fort de la voyelle initiale du mot et un allongement egalement fort de. la voyelle en position finale abGolue (tableau 2). La difference de duree entre Voyelle initiale et voyelle finale est dans le rapport de 1: 2, c'est-àdire que la voyelle finale est plus de deux fois plus longue que la Voyelle initiale: - 94 - Le comportement des voyelles initiales et finales nous a permis de faire la constatation suivante : ii y a un rapport entre duree et timbre a l'interieur des voyelles de ill'thre aperture, a savoir que les voyelles de timbre ouvert :/E/et /34/ sont plus longues que les voyelles correspondantes, mais de timbre ferme : e 0. A l'initiale 11,91 c.s. 11,33 c.s. 12,62 c.s. 9 c.s. 22,9 c.s. A la finale e • 21,8 c.s. 21,32 c.s. 20)33 c.s. Ceci confirm la notion generale que plus la voyelle est fermee, plus elle.est breve. Mais une vue generale de toutes les voyelles du tableau 2 ne nous permet pas de confirmer cette notion. La voyellelyqui est plus fermee qu.9/o/a obtenu les durees legerement plus importantes que celles de la voyelleN A l'initiale A la finale 1 9,35 c.s. o 9 cos. 21,58 c.s. 20,35 c.s. - 95 - La voyelle/ahla voyelle la plus ouverte, ne manifeste pas toujours les durees les plus importantes. Dans le tableau de la moyenne generale des idurees vocaliques (11) cette voyelle est class 6- e Teme par ordre croissant de duree. L'aperture de la voyelle n'a donc pas toujours un rapport avec la duree vocalique. Par contre, l'opposition de timbre l'interieur de voyelles de me aperture a un rapport avec la dui- 6e vocalique : la voyelle de timbre ouvert est plus longue que celle de timbre ferme.
2.43 Occlusives sourdes t.k. et dux-6es vocaliques
Si nous nous contentons des chiffres moyens (tableau 3), nous pouvons constater que les voyelles sont generalement breves devantitietikiet qu'elles sont generalement plus breves devanVy que devantN'Mais, pour arriver a ces chiffres moyens de durees, nous avons releve des differences enormes de duree vocalique devant chacune des deux consonnes, c'est-a-dire que les voyelles Kikuyu ne sont pas toujours breves devant les occlusives sourdes ; elles sont parfois ml6me tres longues. Exemles /a/devantit, ipati:
a kehat
:
a
a
2 ta
a
2
24,5 c.s. > 21,5 C.S. > 9 c.s.
- 96
- E devant
t
10
nd
Et
p
n
ddy
Ei tE CeS. E1 25,5 c.s. ndu 1 tu u1 9,5 c.s. Iuta u u devant t 15 c.s. devant t r ota 17 c.s. iti 31,5 c.s. i devant k jajik 8,75 c.s. wi 1 ki 19 c.s. a devant k Veaku a 11,5 c.s. mwaki a 22,5 c A partir de ces exemples, nous constatons que la consonne forte n'est pas touj ours abregeante en Kikuyu.
Duree vocalique devant r
La constrictive sonore. R est allongeante au moins en Francais. La consonne r de Kikuyu a parfois une tendance a al- longer les.voyelles precedentes. Ex2mles 29 c.s. mEci :ria 1 me 1 :re 22,5 c.s. e1 29,5 c.s. Le tableau 4 ne nous indique guere cette tendance longeante de r, et ceci parce que la consonne abrege aussi les durees vocal iques dans plus ieurs autres cas. Dans les deux mots presque identiques : aturi, la duree de la voyelle/u/du premier not est de 6,5 c.s. tandis que la voyelle/u/du deuxieme mot est de 29 c.s. Dans un autre cas, nous avons releve une dux-6e de 5,75 c.s. pour la voyellejo/devant r (makra). En presence de ces faits, l'entourage consonantique de sourde/sonore ne semble pas jouer un role consistanten cequi concerne la duree vocalique. Ceci, nous l'avons constate aussi avec les constrictives sourdes (tableau 8) et sonores (tableau 9) qui sont d'une part, allongeantes, et d'autre part, abregeantes.
Duree vocalique et consonnes prenasalisees
Par contre, un phenomene oui nous a frappes et que nous jugeons tit's interessant a cause de sa quasi cons istance concerne les 4 consonnes prenasalisees (mb, nd, 9g, p) et leur repercussion sur la duree des voyelles. A partir de nos enregistrements, nous avons fait trois observations : une voyelle non-initiale est plus longue lorsqu'elle est suivie d'une consonne.prenasalisee. La voyelle ainsi allongee a une duree plus importante que la voyelle de la syllabe finale qui aurait normalement la duree la plus marquee du not ou de l'enonce. Cette voyelle longue devant consonne prenasalisee se trouve clans la syllabe accentuee (normalement, la syllabe penultieme : une exception qui apparait clans nos traces est le cas de veta:mbaja, foulard, oa la syllabe accentuee -ta- n' pas la penultieme). Nous pouvons dire que l'accent et la consonne prenasalisee jouent un role convergent clans l'allongement vocalique, car la voyelle de-' vant consonne prenasalisee est accentuee et longue. A quelques exceptions pres, ii n'y a pas d'allongement remarquable de la voyelle initiale devant consonne prenasalisee.. La voyelleicvinitiale de ondo, quelque chose (13 c.s.) par rapport a a dire, est breve la voyelle 01 nbn-initiale de mo :ndo, 1 lthomme, qui est une voyelle longue (21,75 c.s.).
Autres
exem21
voyelle non initiale + consonne prenatalisee voyelle initiale + consonne prenasalisee * 10 c.s. ra:nde Dia 21,75 c.s. Dial 13 c.s. no 1 :ndo Diol 21,75 c.s. enda D/E 9,75 c.s. kwE:nda DIE 15 c.s. aipa D/o 10,75 c.s. D/o 21 c.s. ando Dia o 1 ndo )po:nga
Quelques exceptions que nous avons notees ont une voyelle longue. a l'initiale devant consonne prenasalisee. Exemles i:5ge D/i: 27,5 c.s. a:ge D/a: 24 c.s. e:rige D/e: 24 c.s. Eglii D/E: 29 c.s. 11 27EY 1■17 Dans taus les 4:cas precedents, la voyelle initiale est un suffixe du pluriel, mais nous ignorons sill y a une exigence phonologique d'un allongement de cette voyelle. 3.) La consonne prenasalisee n'a aucun effet allongeant lorsqu'elle precede la voyelle (comparer tableaux 6 et 7), ce qui confirm que la duree vocalique depend du phoneme qui suit.
J (*) D/ = duree de la voyelle
A partir du tableau 6, nous avons voulu voir queue consonne prenasalisee avait la valeur allongeante la plus importante, voire les valeurs allongeantes des 4 consonnes prenasalisees. Nous avons calcule la moyenne generale des durees de touted les voyelles, et ceci devant chacune des 4 consonnes en question. Nous avons obtenu le resultat suivant CpN M.G.
: mb nd • Pi 28,18 21,19 23,57 : 23,75 Nous constatons donc que l'ordre de valeurs allongeantes des cpN est : mb og > jij nd oa le symbole > indique valeur allongeante plus importante que Y a-t-il un rapport entre la valeur allongeante d'une consonne prenasalisee et son lieu d'articulation? • D'apres I. LEHISTE, "The duration of a vowel depends on the extent of the movement of the Speech organs required in order to come from the vowel position to the position of the following consonant. The greater the extent of the movement, the longer the vowel" (1). (*)
CpN : consonne prenasalisee - M.G. moyenne generale de duree vocalique en C.S. (1)LEHISTE (14 Suprasegmentals, The M.I.T. Press, 1970, p. 20. -101
- "La duree vocalique depend de la distance que les organes art iculatoires doi vent parcourir entre la position vocalique (lieu diarticulation de la voyelle) et celle de la consonne qui suit. Plus cette distance est grande, plus la voyelle est longue". Ainsi, les voyelles anterieuresieEaseraient plus breves devant mb (bilabiale) et nd (alveolaire) que les voyelles posterieures o u. Les voyelles anterieures seraient plus longues devant rig (velaires) que les voyelles posterieures. Notre tableau 6 ne nous permet pas de confirmer ce fait, car les donnees ne sont pas souvent consistantes. Les voyelles posterieuresiet/o/ sont relativement longues devant la bllabiale mb: Les voyelles anterieuresp/A0y sont, en revanche, relativement breves devant cette meme consonne (conformement A la constatation de LEHISTE). Mais la dur6e longue de/e/(voyelle anterieure) et la duree breve de/u/ oyelle posterieure) sont inexplicables. Devant la consonne posterieure IN, les voyelles posterieuresiorni/ont obtenu les durees les plus elevees. D'apres la theorie les voyellesiogu/devraient etre les plus breves, car leur lieu d'articulation est tout proche de celui de la consonne prenasalisOe - 102 - Le fait que-nd-soit la CpN la moins allongeante s'explique peut-etre par sa position moms avancee que celle de nib et moins reculee que celle de rig. nd est donc plus proche point de vue du lieu d'articulation) des lieux d'articulation de toutes les voyelles. C'est pourquoi, d'ailleurs, les durees des 7 voyelles devant nd sont generalement voisines (sauf celle de C. Ceci dit, la proximite (ou non) entre le lieu d'articulation d'une voyelle et celui de la consonne qui suit n' influence donc pas touj ours la duree de la voyelle.
2.46 Duree'vocalique et tons A pertir du tableau
5, nous nous permettons de conclure que les tons modules H-B et B-H ont un effet allongeant sur la voyelle. Toutes les voyelles qui portent ces deux tons sont relativement plus allongees que celles qui portent les tons simples [113 et 11]. Les tons simples ne seMblent. pas avoir un effet allongeant ou abregeant sur les voyelles qui les portent. Pour. ces deux tons, nous avons enregistre des durees tres variees : par exemple, pour la mane voyelle/u/devant la consonneN et portant un ton bas les durees etaient tres variees : - 103 - kura Diu 3 c.s. mbura Diu 11 c.s. Dju i 13 c.s. Diu 16 c.s. Diu 29 c.s. Les traces re-ye- lent les mares durees tres variees pour les voyelles portant le ton haut. Ii serait donc impossible de conclure que les tons bas et haut sont allongeants ou abregeants. Faute d'un tableau complet pour les durees vocal iques sous tons BH et HB, et etant donne que quelques chiffres ne representent pas une moyenne, mais une seule duree enregistree, ii n'est pas convenable de comparer la valeur allongeante du ton H-B a celle du ton B-H. Qu'il nous suffise de dire que les deux tons allongent les voyelles. Ceci est manifeste par les chiffres eleves en bas du tableau 2.47
Duree des groupes de voyelles (diphtongues)
Les groupes de voyelles que nous avons enregistres, ai eE ia io i (tableau 10), ont une duree generalement longue :entre 19 et 29,5 c.s. - 104 - Nous avons remarque que les diphtongues les plus longues etaient celles dont le deuxieme element vocalique est nette ment plus ouvert que le premier et que, inversement, le grcupe de voyelles dont l'element final est une voyelle fem.-6e avait la plus breve duree. Exem2le ai- (19 c.s.) - diphtongue decroissante,.fermante - est plus br6Ve que' ia (28,3 c.s.) - diphtongue croissante, ouvrante Mais il est rare qu'une diphtongue soit egale, c'esta-dire que ses deux segments aient la mare duree. Pour une diphtongue croissante, le deuxieme element est plus long et donc plus pro-eminent, mare a l'audition. Inversement, une diphtongue decroissante a un premier element plus long (1).
ai (maito, maman) Duree totale Duree du premier element a Duree du deuxieme element 17 c.s. 12,5 c.s. 4,5 c.s. (1) La
delimitation entre
deux
elements vocaliques d'une syllabe etait delicate et parfois impossible. Nous avons pu delimiter uniquement la oQ les moindres variations (changements) des vibrations (dans la partie vocalique de la syllabe) &talent faciles a distinguer sur les lignes Lm, Ba et Bm de nos traces. -105 - eE ( reero, blanc) Duree totale 25 c.a. Nous n'avons pas pu delimiter entre les deux segments, mais auditivement, le deuxieme element E est plus long que/e/ ia (huria, rhinocOros
)
Duree
totale
Duree de
i
Duree de a. 30 c.b. 14 c.s. 16 c.s.
ia
(
ikia
, poussez) Duree totale Duree de i Duree de a 21 c.s. 9 c.s. 12 c.s. (cif, tous) Duree totale 24,5 c.s. 3 est auditivement plus long que
i
io Ocarioki,
Dure
e
total
e
Duree de
i
Duree de
o 29,5 c
.
s. 11
c.s. 18,5 c.s. Il.est donc evident que c'est l' element le plus ouvert qui porte la duree la plus marquee, et cela malgre la consonne qui suit. Duree et aperture vocaliques vent de pair dans une coalescence de segments vocaliques. -106-
2.5. CONCLUSION
En ce qui concerne les voyelles de Kikuyu, il est dif- ficile de constater categoriquement que : la voyelle accentuee est plus longue qu'une voyelle inaccentuee, plus la voyelle est ouverte, plus elle est longue (donc plus longue qu'une voyelle fermee), la consonne r est une consonne allongeante, les occlusives sourdes t, k sont abregeantes. Ce que nous connaissons en theorie, en ce qui concerne la duree des voyelles, presente en pratique des situations diver/ gentes et meme contradictoires, come nous l'avons constate dans l'analyse de notre corpus. Ute voyelle inaccentuee peut etre plus longue qu'une voyelle accentuee. Une voyelle fermee peut are realisee plus longue qu'une voyelle ouverte, toutes choses &gales. Les voyelles devant les occlusives sourdes k et t peuvent etre plus longues que devant les constrictives sonores r p La seule conclusion que nous pouvons faire avec un certain degre de certitude est que les consonnes prenasalisees sont allongeantes (lorsque la voyelle prelcedente est non-initiale) et que les deux tons modules B-H et H-B sont egalement allongeants. -107- Lorsque la duree d'une voyelle non-finale est de plus de 20 c.s., cette duree mesuree, dans la plupart des cas, eft pergue per l'oreille ; elle peut etre jugee plus longue (par rapport a celle d'une voyelle breve) par une appreciation auditive, mdme sans avoir recours aux mesures physiques, Cette duree, que nous appelons desormais allongement vocalique, est parfois previsible et voulueparle locuteur. Comm nous le verrons ci-apres (dans la troisieme partie de notre etude), cet allongement vocalique peut avoir une fonction sur le plan phonologique.
3.1 STATUT PHONOLOGIQUE DE L'ALLONGEMENT VOCALIQUE 3.11 Fonction distinctive
La dui-6e de la voyelle peut, par son seul changement, changer le sens. tout entier du mot ; c'est-a-dire qu'une distinction quantitative (voyelle longue/voyelle breve) determine la signification d'un mot. De fait, lorsqu'on decrit le systeme Ki come ayant des voyelles breves et des voyelles longues, on fait reference a un allongement. vocalique qui est phonologi- quement pertinent. En Kikuyu, l'allongement des 7 voyelles a une fonctiOn distinctive par opposition a des voyelles de timbre et d'aperture analogues, mais de dui-6es plus courtes. Ceci est evident dans les' paires minimales suivantes, 011 l'allongement vocalique est le seul critere de differenciation de signification entre deux mots. Voyelles breves rika N./ ] entre la-dedans! \'' salete. Voyelles longues ri:ka -] groupe d'age, classe /e,:k:7 Pipe -J E-- roa ro:a t: bats -toi contre! ndaka L- peau d'animal nda:ka [!\ la boue j'ai bati t/ tara 3 ta:ra [Ix,' ompte I j donne du conseil! tura tu:ra forge - ] fais mal (sens la douleur) kapa:tiE-- ka:Pati - petite tole placard Jusqu'ici, nous avons montre comment l'allongement vocal ique (a lui seul ou en combinaison avec la structure tone- mique) a une fonction distinctive ou oppositive parce qu'il contribue a identifier, en un point de la chaine para. 6- e, un signe par opposition A un autre et ainsi contribuant a une richesse de vocabulaire.
3.12 Fonction contrastive
Un Clement est dit assumer une fonction contrastive lorsqu'il contribue a"faciliter, pour l'auditeur, l'analvse de -112- l'enonce en unites successives" (1). L'allongement vocalique en Kikuyu peut faire contraste de deux formes de mots. Seul l'allongement vocalique distingue entre la.1ere personne au present et la 1ere personne du futur. Vbyelle breve' Voyelle longue ggatama je coupe gga:fEma je couperai aptEma il coupe ap:tEma ii coupera ggarea je mange gga:rea je man gerai
1. L'allongement vocalique distingue aussi la forme reflexive du verbe au passé et la forme pronominale du mi-Aqiie verbe au passé. Vbyelle breve Voyelle longue akenuggera il/elle a senti (quelque chose) ake:nuwera elle/il s'est senti akeragga il a marche sur (quelque chose) ake:ragga il a marche sur lui-meme : il a mis le pied sur 1u
i
-m6
me
(1) MARTINET, 1960, p. 52. - 113 - 2. Forme reflexive.de l'infinitif et forme pronominale de l'infinitif : Voyelle tres longue Voyelle longue we:kerera kwe:ra estimer irre:e:kerera s'estimer dire a kwe:e:ra se dire 3.13 Fonction emressive
Dans la chaine parlee, un allongement vocalique remplace parfois un mode Tintonation cant le role serait celui d'insistance, ou d'une 'vise en relief d'une emotion (expressivite) voulue. Par exemple, clans l'enOnce mae4ie, la seule notion transmise, c'est qu'ils ont marchg, mais l'allongement de la voyelle de la penultieme syllabe (cet allongement peut durer aussi longtemps que desire) : (*) ajbute a l'enonce une notion quantitative : us ont marche longtemps, us sont alles tres loin. Cette meme expressivite peut etre donnee par une courbe intonative cant la montee de la melodie se manifesterait sur la 'Denultieme syllabe. (*) Cet allongement peut continuer sans alterer la sy
llabation de l'enonce. - e:: - reste donc une seule syllabe. - 114 - Ma
Le but de l'allongement vocalique n'est pas toujours de distinguer et de faire contraste entre deux mots (enonces) autrement identiques. L'allongement vocalique peut apparaitre rrene la 011 un not ayant une voyelle longue ne s'oppose pas a un autre mot (ayant une voyelle breve). Par exemple, le not keha:t?t ba/ai, s'identifie pas seulement par les 6 phonemes consonantiques et vocaliques, mais aussi par l'allongement de la voyelle a. Sans cet. allongement, le mot kehat.) n'a pas de signification et n'existe pas dans notre systeme de langue. L'allongement vocalique est donc un phenomene socj_al qui existe dans la conscience du sujet parlant. Pour lui, connaitre des sons qui identifient un concept est aussi connaitre la oil un allongement de ces sons (surtout les sons vocaliques) est necessaire.
- 3.2 DISTRIBUTION DE L'ALLONGEMENT VOCALIQUE
Dans la syllabe Ii n'y a pas de mots en Kikuyu qui ont une voyelle pure longue (longueur phonologique) en syllabe finale. Lorsqu'une • voyelle longue Parait a la fin du mot, olle est en effet etalee sur deux syllabes qui portent deux tons. • ndo: seau horloge, l'heure 9gE: oeufs de pou / kepi: brume Le not nda:a comporte une voyelle longue en premiere syllabe suivie d'une voyelle breve de mere qualite en syllabe finale ; les deux voyelles a: et a portent des tons differents Dans la chaine par lee,.la rencontre de voyelles sem7 blables donne generalement une voyelle longue, came nous l'avons signale lorsqu'il s'agit d'assimilation ou d'elision ; par exemple: eta ando eta:ndo appelle les gens I Nous avons illustre aussi comment une voyelle longue peut en resulter a la rencontre de deux voyelles de timbre different, par le processus d'assimilation. s La creation d'une voyelle longue a la suite d'une telle assimilation/elision reduit le nombre de syllabes dans l'enonce, ce qui pourrait etre considere come une economie de la langue (1). Une voyelle initiale est rarement longue, sauf dans le cas des demonstratifs distants determines. i:ria ceux-la (objets) e:rea -celui-la a:rea ceux-la (personnes) / et, come nous avons constate dans le chapitre precedent, les variations de l'adjectif autre. a:3ge autres (personnes) inyge autres (objets) Lortque la voyelle longue initiale des demonstratifs ci-dessus est precedee d'une voyelle identique (en finale du mot precedent), et lorsque les deux syllabes portent des tons identiques, une voyelle tres longue est perque. ti i:ria ce ne sont pas ceux-la atumi a a:rea ces dames-la mhori i:ria ces chevres-la (1) MARTINET, op. cit., p. 182. est pet-cue 11 ti::ria atumia::rea mhori Les demonstratifs proches ont tous une voyelle longue en premiere syllabe, a ])exception de maja, ces (objets) et aja, ces (personnes). F:ka ce, cette (diminutif) Ico:ko ici p:ke ce, cette (de grande guantit4) to:to ces (diminutif) Quelques tri-syllabes connaissent un allongement sur la lere ou la 2eme syllabe. En lere syllabe
En 2eme syllabe nda:rigoro ver solitaire, tenia morwa:ru le malade ka:pati placard rpi:pu raisin molDsi train koha:nda semer, planter mbe:rera cimetiere m,a›a:k cl les jeux L'occurence de phonemes vocaliques longs est limitee au premier centre syllabique des disyllabes (un phoneme vocalique long n'est jamais en finale). - 118 - ta:ma drap, tissu wa:ri voiture iS:ti veste
Devant quelques consonnes
Les constatations que nous avons faiths pendant l'etude de duree objective concernant les consonnes prenasalisees nous permettent d' en tirer une loi de distribution de l'allongement vocalique, a savoir que - voyelles pares non initiales sont invariablement longues devant consonnes prenasalisees : a icE:mbE houe po:mba maison masa: ilga sable l'exception de quelques mots empruntes de l'anglais directeur ma:nepja (angl. manager) garantie, mandat wa:randi (angl. warrant) -119- et que, a quelques exceptions pre's : la voyelle initiale est normalement breve devant consonne prenasalisee, la voyelle de la negation ti-, ce n'est pas, et celle de l'affirmation ne- c'est, sont invariablement longues devant la consonnejp et devant consonnes prenasalisees. neulomba c'est une maison tiTamo ce n'est pas un animal ne:mhori c'est une chevre tiudata ce n'est pas une etoile mais breve devant consonnes nasales : nemo:ndo c'est quelqu'un tina:na ce n'est pas la tante L'allongement est previsible lorsqu'un suffiXe de type CV ap.e. le suffixe de l'infinitif ko-45, o7) est ajoute a une radicale du verbe dont la syllabe initiale est vocalique. Radicale du verbe -+ stffixe aka (ko -4o) = allongetent -6wa:ka bStir ja kup:ja prendre ura ku:ra pleuvoir - 120 - Exceptions : (non allongement.) - ita rita etrangler ina koina. La plupart des mots opposables per le seul critere. d'allongement vocalique consistent en mots di-syllabiques et trisyllabiques, 011 la voyelle opposable CV: o-11-9NO occupe la syllabe penultieme. Ii n'y a pas de mots mono-syllabiques opposables par l'allongement vocalique parce qu'il n'existe pas une voyelle longue (phonologiquement) en finale mono-syllabique. Conclusion L'allongement vocalique est donc pertinent en Kikuyu. car il assume une fonction phonematique : une voyelle longue s'oppose a une voyelle breve. L'allongement vocalique fait partie des signes.qui caracterisent un mot, et sa distribution est conscience du sujet parlant. a la
-
121
- CONCLUSION
GENERAL
E
- 122 - Dans notre modeste etude, nous avons tent 6- de montrer le caractere pertinent des voyelles du Kikuyu et nous avons etabli leurs fonctions distinctive, contrastive et expressive. Nous avons egalement constate que les voyelles de Kikuyu sont chargees de phd-' nomenes interessants tels que le support des realisations tonales et le trait d'un allongement vocalique qui est pertinent en Kikuyu. L'etude experimentale sur la duree des voyelles nous a fait constater que les theories normalement acceptees come allant de soi (theories concernant la duree des voyelles) ne sont pas tout a fait evidentes en ce qui concerne la duree des voyelles du Kikuyu. La duree intrinseque des voyelles Kikuyu depend rarement des qualites phonetiques des voyelles (surtout l'aperture). La voyelle la plus ouverte n'est pas (toujours) la voyelle la plus longue. En ce qui concerne la loi de position, l'entourage des consonnes fortes (p.e. k t) n'est pas necessairement abregeant. La consonne sonore /r/qui, theoriquement, serait la consonne allongeante par excellence, n'est pas toujours allongeante. Par contre, ce sont les consonnes prenasalisees, qui sont sonores, qui allongent toutes les voyelles non-initiales qui les precedent.
| 33,573
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1996ECDL0030_14
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French-Science-Pile
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Open Science
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Various open science
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Modélisation du creusement d'un tunnel en terrain meuble : qualification sur chantier expérimental
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None
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French
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Spoken
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P!g!44 'AW!4W'4'4 4"44Y4 yp4 Fig A3-7 Maillage M7
Fig A3-8 : Maillage MS...VAVAAYAY
Ø
AW Fig A3-9:
age M9 Fig A3-11 : Maillage Mli Fig A3
-1
O
: Maillage
MiO
Fig M-12: Maillage M12 Annexe 3 concernant la Partie 3 A3-1 : Maillages de l'étude paramétrique du chapitre 3-1
p
.
A3-4 MODELISATION du CREUSEMENT d'un TUNNEL en TERRAIN MEUBLE 44 rÀ4
r
4
r
4r4r4Pav4 rÀr4rÀr4r4p JX=4r4wwAWÁWrdy4A1r - 4VAV*AV*VjP,JFAViVA VilAVAVAVA WAVAVAVAVAVA Fi
A
aillage M13
Fig A3-14: Maillage M14
w
Fig A3-15: Maillage M15 Fig
A3-16:
Ma
illage M16
WWWi
WAT
i
WJ
Ïßi iaiWÀIIÀI
r
4Y&YM
D
III
Fig A3-17 Maillage M17 Annexe 3 concernant la Partie 3 A3-1 : Maillages de 1' Fig A3-18 : Maillage M18 de paramétrique du chapitre 3-1 p, A3-5
MODELISATION du CREUSEMENT d'un TUNNEL en TERRAIN MEUBLE -
Fig A3-20a: Maillage M20 Fig A3-19 : Maillage M19 1i.r4ir4r4rn I' WAW4VA Fig A3-21 Maillage M21 Fig
A3-20
b
Partie
centrale Maillage M20 r4VATØWJAV VAVA 3tVAVA1VAW P4 'YAWÀVÀVP i VAVAVAVA A VAVAVAP4PA VAVAVA WAVAVAlVA p7ÄVI7ÄWAYAW4
Fig A3-22: Maillage M22 :f$4rAr4rAr4TA r rA rAP49 rrArArArArar4pÀ VArAVArA W4 3WAYAVAV4P4 %WAPVAV' VÀWAY4ß t VArAVA V AVAP
4P
Fig A3-23 : Maillage M23 Annexe 3 concernant la Partie 3 A3-1 Maillages de l'étude paramétrique du
chap
itre 3-1 p. A
3-6 MODELISATION du CREUSEMENT d'un TUNNEL en TERRAIN MEUBLE VAVffAWAYAVp2 YffAFAW4 WAY 74 PAVAWA 4WAW4W4P w44pf4 rÀÀra
$4
YAr
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4
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P4
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4
Fig A3-24: Maillage M24 Fig A3-25 : Maillage M25 "ii rd4V4V4Pip Fig A3-26 Maillage M26 YAVAVA!'ÄV
À
Vad yW'ÄV4p'Ài PAYA #4VAWAYAYAYAYAYAY#4W4PÀ4p p4 Fig A3-27 Maillage M27 AV4WAYAW4P4 avL4iArAV4W4 WAY Ab AVIWÀW4i Y4VÀVÀV4P4 RVAV'AVAVAVAp4 (AVAVA!1 Fig A3-28: MaillTc M28 Fig A3-29a: Maillage M29 Annexe 3 concernant la Partie 3 A3-1 : Maillages de l'étude paramétrique du chapitre 3-1 p, A3-7
MODELISAI ION
du
CRE
USEMENT d'un TU
NNEL
en TERRAIN MEU
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I, ri A AYAYAYA1 JAYA VAVZ& A -i-r4r4
r
4p WAVAPp NN!IAIII
Fig A3-29b Partie centrale du Maillage M29 Fig A3-30a: Maillage M30 YAYAYAYAYA VA L?YAYAVATAPA4 IY4P4V4p WAWAWAWAWA ìYAVA e WAYAWAWAWAYA*'V AWAVIYAYAWA wÀrÀr4pÄL Fig A3-30b : Partie centrale du Maillage M30 Fig A3-31a: Maillage M31 'A r4 Fig A3-31b: Partie centrale du Maillage M31 Annexe 3 concernant la Partie 3 A3-1 Fig A3-32a Maillage M32
Mail
lages
l'étude paramétrique du chapitre 3-1 p. = + +
La déformation plastique déviatoire représente en général la partie la plus importante des déformations plastiques, les sollicìtations déviatoires régissant le comportement des sols granulaires, contrairement à l'argile. Il existe deux mécanismes élastoplastiques indépendants: la surface de charge du mécanisme déviatoire est forme conique Fpd (Ii,su,det (sii),Xjj,R) = O où R.11 est le rayon moyen de la surface de charge dans le plan déviatoire (s 1,s2,s3), et Ii.X la position du centre de la surface de charge dans ce même plan. Le mécanisme est non associé, le potentiel plastique est différent de la surface de charge. la surface de charge plastique isotrope est de la forme FPi (,Q)=O. Cette surface est dans l'espace des contraintes (y1,G2,3) le plan perpendiculaire à l'axe isotrope Ii: Q = Ii/3. Le mécanisme est associé. Le domairìe d'élasticité du modèle est donc défini par Fpd (Ii,sn,det (s1í),X,R)
Annexe 3 concernant la Partie 3 A3-2: Description du modèle CJS O et FP (Ii,Q) O p. A3-11 MODELISA lION du CREUSEMENT d'un TUNNEL en TERRAIN MEUBLE 1-3) L'élasticité
Le comportement élastique du sol est supposé non linéaire, les modules tangents de compressibilité et de cisaillement, K (Ii,s11) et G (Ii) dépendent de Ii. Cene dépendance est de la forme (Ii/3Pa)n où n est un paramètre du modèle CJS.
1-4) La rupture
La surface de rupture a pour équation Fr = Su h () -Ii (A/B + 1/) avec Ii/(3Pa) + q)2 Elle correspond en fait à l'enveloppe des positions limites de la surface de charge du mécanisme lastique déviatoire. Lorsque l'état de contrainte courant atteint cette surface, le sol est en rupture (déformations infinies). La surface de rupture est induite par les valeurs limites des fonctions d'écrouissage R et X, valeurs limites respectivement égaie à A/B et liée à l/q).
=. A, B, 4 et q)2 sont des paramètres du modèle CJS. La fonction h (e) est de la forme (l-ycos3e) 1/6, où e est l'angle de Lode. Elle donne une forme non symétrique à la surface de charge dans le plan déviatoire; yest un paramètre du modèle.
1-5) Equations des surfaces de charge Surface de plasticité déviatoire
C'est un cône non centré sur l'axe isotrope, d'équation FPd = h(e) qu R Ii OÙ = Sij Xi Ii. ij sont les coordonnées de l'état de contraintes par rapport à l'axe de la surface dans l'espace des contraintes. On remarquera que surface de charge et surface de rupture ont même forme dans le plan déviatoire. Il y a donc 2 écrouissages : un écrouissage cinématique lié au déplacement du centre de la surface de plasticité caractérisé par Xj, et un écrouissage isotrope lié à la variation du rayon de la surface R Ii.
Surface de plasticité de consolidation
Son équation est donnée par FpI 1i13 Q, l'écrouissage est purement isotrope.
1-6) les potentiels plastiques
Potenti
el
plastique lié à la surface déviatoire
Pour avoir une bonne représentation des variations de volume, le modèle incorpore l'état caractéristique. Le potentiel plastique est défini par la relation suivante: FPd G ¿FPd = kI nk1.n Où flij est le tenseur permettant de prendre en compte l'état caractéristique. Celui-ci est introduit en imposant une relation supplémentaire sur les déformations: Aiinexe 3 concernant la
Partie 3 A3-2 : Description du modèle CJS p. A3-12
MODELISATION du CREUSEMENT d'un TUNNEL en TERRAIN MEUBLE
sii.e i S où sf1-_RI1 h (0) Potentiel de la surface plastique isotrope Le mécanisme plastique isotrope (ou de consolida
) est associé, donc GP = FP. 1-7) Les lois d'évolution
Déformation s On a, de manière classique, pour les 2 mécanismes plastiques: pd et E1j = X2 = où les X sont les multiplicateurs plastiques classiquement obtenus par les équations de consistance pdQ Fonctions R et X R(r)= A.r avec 1= B. r+ i Fpd Yjj + Il )FPd X raduisant un écrouissage cinématique non linéaire Fonction Q O=K (3a) avec= 1-8) Bilan des paramètres de la loi CJS Paramètres liés à l'élasticité
:
K0e
,
G0
, n
Paramètres liés au mécanism
e
plastique déviatoire
: A, B, a, Paramètres liés au mécanisme plastique isotrope: K0p,
n Annexe 3 concernant la Partie 3 A3-2 : Description du modele CJS, 1i 2 y, Rc p. A3-13 MODELISAI ION du CREUSEMENT d'un TUNNEL en TERRAIN MEIJBLE 2) LE MODELE CJS DANS CESAR V3.1
La conception du programme de calcul permet l'implantation de lois de comportement diverses. Chacune d'elles dispose d'un numéro d'identification (1 pour l'élasticité linéaire, 10 pour MC et 28 pour CJS à 2 surfaces de charge), les sous-programmes correspondants étant alors notés "CRIT" suivi de ce numéro. Le sous-programme de programmation de la loi CJS, "CR1128", fait appelle au sous programme sous"INECL2" destiné à réaliser l'initialisation des variables d'écrouissage du modèle programme impose une phase de chargement au modèle jusqu'à l'état géostatique (si une première phase de tassement sous poids propre n'est pas nécessaire) en un certain nombre d'incréments : (actuellement fixé à 400 mais modifiable sans problème dans la INECL2). Dans le cas où le calcul part d'un état isotrope (ou nul), le nombre d'incrément est réduit à 1. Le nombre de paramètres de la loi est initialement de 12, mais il peut être porté à 15 dans le cas de l'utilisation de la version avec densification (performante pour les chargements cycliques). On doit également prendre en compte le paramètre "H" (généralement assimilé à c cotan (p) destiné à décaler le critère dans le cas d'un sol cohérent. Notons que "E" et "nu" doivent être calculés au préalable à partir des formulations proposées au chapitre 4-2. Finalement, l'ensemble des paramètres utilisés est stocké dans le tableau "VPM" de la manière suivante 'otechn.ue dun sai donne et les aarinètres OS Tableau
VP1
contenant lensemble des
.aram
t
e 4 IJrnTI Pa 6 K°c Pa 8 Rc Pa Pa fl 9. 14 iO A Pa Pa-' 16 18 19 e1tn B Pa' Pa
La pression de référence utilisée dans CR1T28 et INECL2 est exprimée en Pa. L'ajout de paramètre supplémentaire doit s'effectuer d'une part dans le programme correspondant à la lecture des données dans le fichier de donnée ".dat" ([MPCRI dans lmmodl.f), et d'autre part dans CR1128 et INECL2. Les sorties de CESAR (via PEGGY) ne sont pas toujours celles souhaitées, et il est nécessaire de venir prélever un certain nombre de données à l'intérieur du programme. Nous noterons que les déplacements "u" et 'Y' en tout noeuds du maillage sont disponibles dans PRSOL (libge3.f) et que les composantes du vecteur des contraintes sont disponibles dans IMPLAS (fami0l.f), sachant que les 2 cas nous pouvons simultanément récupérer les coordonnées des noeuds du maillage où sont calculées ces valeurs. Un traitement annexe de ces données permet ensuite d'obtenir l'ensemble des résultats que nous avons présentés dans ce mémoire. Nous présentons page suivante un organigramme très succinct du programme CESAR V.1. Annexe 3 concernant la Partie 3 A3-2 : Description du mod1e CJS p. A3-14 MODELISATION du CREUSEMENT d'un TUNNEL en TERRAIN MEUBLE Organigramme de CESAR
V3.1 Majucule = nom de la subroutine, Minuscule = nom du fichier FORTRAN la contenant, ---> = appel à princi,f interLf CESAR CESAR ---> RPCESA calcul du chargement initial gdchar.f gdchar.f RPCESA ---> BLCHAR BLCHAR ---> EXCHAR résolution du problème RPCESA ----> BLMCrm (lecture IMET=1) BLMCNL ---> CALCJOR (L4LGO=l) BLMCNL ---> EXMCNL lecture du pas de chargement VFT(INCR) EXMCNL ---> CALVCH ISJG#O EXMCNL ---> CONTR bLmcnl.f blmcnl.f blincnl,f libgel.f Ubgel.f phase d'initialisation MREP=O blmcnLf EXMCNL ---> INIPLA boucle éléments I_1,NELT INIPLA ---> LIBELE LIBELE ---> ELEMOI ELEMO1 ---> CTMCNL interLf farniül.f blmcnl.f CTMCNL : boucle points d'intégrations JPINT = 1, IPINT CTMCNL --> CALDEF CTMCNL --> CPLAS2 CPLAS2 ---> CRITSC (KI-4) CRITSC ---> CRIT28 CRIT28 ---> INECL2 retour CPLAS 2 : lrngenl.f Imgen2f lmmodl.f hnmodl.f lmmodi.f corrections déformations et contraintes phase de calcul après initialisation MREP=l blrncnLf EXMCNL ---> RPMCNL EXMCNL boucle sur incréments calcul vecteur chargement VPJ(J) = VPJ(J) + VCH(J,JCHAR) *( VFT(INR,JC'HAR)VFT((INCR-1 ), JCHAR)) iour!e sur itérations libgel.f EXMCNL ---> CONTR CONTR boucle éléments 1 =1,NELT interf.f famiOLf CONTR ---> LIBELE LIBELE ---> ELEMO1 ELEMO1 ---> RSMCNL bLrncnLf RSMCNL --> CTMCNL b1mcnlf CTMCNL : boucle sur points d'intégration JPINT=1, CTMCNL --> CPLAS2 CPLAS2 ---> CALCON CPLAS2 ---> CRITSC lmnolLf lmgen2.f lrnmodl.f CRITSC -> CRIT28 hnmodl.f retour CPLAS 2 : corrections déf. et contraintes
Annexe 3 concernant la Partie 3 A3-2 : Description du modèle CJS p. A3-15 MODELISAÍION du CREUSEMENT d'un TUNNEL en TERRA[N MEUBLE X A4 Annexe 4 concernant la Partie 4: Résultats expérimentaux et premières simulations sur le chantier support p. A4-1 MODELISATION du CREUSEMENT d'un L en TERRAIN MEUBLE ANNEXE A4-1 : IDi'NTIFICATION des PARAMETRES CJS sur VAlSE A4-1) ILOT i : Essais de laboratoire sondages C722 et C31 A4-4b) PLOT i A4-ic) PLOT 2 : : Essais pressiométriques sondage PR
iS
Essais de laboratoire sonda
ges
C726 et SC49 A4-ld) PLOT 2 Annexe 4 concernant la Partie 4 : Essais pressiométriques sondage PR14 A4-1 Identification du modèle CJS sur VAlSE p. A4-2 MODELISA'I'ION du CREUSEMENT d'un TUNNEL en TERRAIN MEUBLE ANNEXE A4-la: OT i essais de laboratoire sondages C7212
Les graphes suivants présentent la confrontation éntre essai de laboratoire (en trait pointillé), et simulation (en trait plein) réalisée à l'aide des paramètres CJS de la couche correspondante. Les simulations effectuent systématiquement en début d'essai un chargement isotrope (jusqu'à H = c x cotan q, afin d'acpter le modèle CJS à une argile avec cohésion) dont on annule les déformations finales, un cycle de déchargement-rechargement afin de modéliser ie prélèvement de l'échantillon.
3 2 3.4 Ti -Limons beiges-4m Essai triaxial du 0722 à 100 kPa 1.72 T2-Limons beiges-4m Essai triaxial du 0722 à 200 kPa 2 00 1.00 000 0,15 0.20 '3.+ 0.02 '3,72 0.27 2.32 1.1 0050.250.233.1t0.55) El 1,311.00 O. 550 EvJ 3,0 0,72 +TJ/ 2 00 237 T3-Limons beiges-4m Essai triaxial du 0722 à 300 kPa: OQ 0,15 0,12 0.0 3.23 2,72.2.03 2,02 3.17 1.21 1,10 01-Limons beiges-4m Essai oedométrique du 0722 0. 0.1 0.00 1 Annexe 4 concernant la Partie 4 1. 3 2,1+ 2.05 3.50,.10 0. 0 1.70 0,31 7. A4-1 : Identification du modèle CJS sur VAlSE p. A4-3 7.03 tO MODELISATION du CREUSEMENT d'un UJNTNEL en TERRAJJ MEUBLE 10-z /4 1,10 03-Limons beigeS-4m65 Essai oedométriqUe du 031 02-Limons beiges-3m20 Essai oedométrique du 031 (r I. 04 CC 0.12 (',4 1,00 1.27 1.02 tOt 2.112.00 2,07 1.10 2,00 00 C 0.00 3 00 2 00 01-Limons ocres-5m80 Essai oedométrique du C31 1.20 0,00 O 00 0.32 0. 4 1.00 1.27 1.03 1.31 1.23 2.00 2.07 1. 02-Limons ocres-7m45 Essai oedométriqUe du 031.11 00 0.00 1 21 1.20 2.01 2 27 3,02 0.07 0.23 0.13 0.02 '.13 10 2,00 1.2 - 2. 2,00 1.00 2.2q 1,02 Ti-Limons gris-9m50: Essai triaxial du C722 à 100 kRa 1 o 0.17 0.30 0.01.00 0 00 / I.00 1 00 T2-Limons gris-9m50 Essai triax ial du 0722 à 200 kPa 1.00 0.00 0,10 0.20 0.00 0. 1.02 1.10 1.30 1.02 1.00.3,071,02 1,10 1.31 1.00 1.0O0 O.70 O. 0.00
Annexe 4 concernant la Partie 4 A4-1 : Identification du modèle CJS sur VAlSE p. A4-4 MODELISATTON du CREUSEMENT d'un TUNNEL en TERRAIN MEUBLE 10
j 2.02 1.00 1.02J 000/ 0.70 3 00 0 1 1......... 0.27 0,53 01-Limons gris-9m50 Essai oedométrique du 0722. 0.25 T3 Limons gris 9rn50 Essai triaxial du 0722 a 300 kFa 50 0.71 100 0 00 0 00 0.05 2 1,00 1.02 2.20 2,75 3,21 2 67 0,10 0 0 0.00 10 2 E1JJ 2.02 2.20.07 El 00 0.20 0.00 0.60 0. 0.00 0.20 0.00 0,60 0.00 1.00 1.20 100 1.60 1.00 2.01 0 1.00 1,20 1.00 1,60 1.00 2.00 2. Ev J Ev J O.31- I T5-LimoflS gris 8m60 T4-Limons gris9m20: Essai triaxial du 031 à 50 kPa Q 00 0,) 2.01 Essai triaxial du 031 à 150 kPa 0,00 0 00 O 2.02 1.00 2.00 Il-Limons gris8m70: Essai isotrope (fichier élastique) du 031 El 0.32 1 00 0 00 0.21 0 ¶2 0,62 0.03 1.00 1.25 1.05 1.67 1.07 2.00 Ev 7.00 T6-Limons gris9m 10: Essai triaxial du C31 à 300 kPa 0.00 0 100
Annexe 4 concernant la Partie 4 2,00
E 0,0l00 0.06 El A4-1 :
Identification du modèle CIS
sur
VA
l
SE p. A
4-5
MODELISAI
ION
du CREUSEMENT d'un TUNNEL en TERRAIN MEUBLE
3.40 2-Limons gris-8m70: Essai isotrope (fichier ptastique)du 031 02-Limons gris-8m20 Essai oedométrique du 031 3.2 u' 03)" 0 00 oIl os; 0.00 1.11 1.51 2.35, u.23 2.61 2,04 3.27 3.60 10 t.3 (1 1,00 0 00 0,20 0,40 0.600.00 1.00 1.20 2,00 Ev 1. 1 1,01 2,01 Ti-Argue violacée13m10: Essai triaxial du 031 à 50 kPa 202 O 30 T2-Argile violacée13m00: Essai triaxial du 031 à 150 kFa t.00 E 1' 10 t. t2' 0 20W. Il-Argile violacée-12m60 Essai isotrope (fichier élasfique) du 031 T3-Argile violacée12m90: Essai triaxial du 031 à 300 kPa
Annexe 4 concernant la Partie 4 A4-1 0.01' 0 00 Identification du modèle CJS sur VAlSE 7.21 p.
A4-6 MODELISAI'ION du CREUSEMENT d'un TUNNEL en TERRAIN MEUBLE 12-Argile violacée12m60: Essai isotrope (ÍicherpIastiqUe)dU 031.33 73 01-Argile violacée-14m00 Essai oedométriqUe du C31 O 00 0 32 00 0.90 2.27 2.09 2.9% 2,23 2.00
Annexe 4 concernant la Partie 4 3.373.3.70 A4-1 : Identificatìon du modèle CJS sur VAlSE
p.
A4-7
MODELISATION du CREUSEMENT d'un L en E ANNEXE A4-lb: PLOT 1essais presskw étriques sondage PR15
Les 10 graphes suivants présentent la confrontation entre l'essai pressiométrique in-situ (en trait plein), et la simulation (en pointillé) réalisée à laide des paramètres CJS de la couche correspondante. Les courbes expérimentales sont notées P-x, x désignant la profondeur de lessai, et les courbes simulées sont notées P-x:S. 2) A 3 m 50, dans les limons beiges 1) A 2 m 50, à la base des remblais: 500 700 V () 710 000 100 500 700 200 250 1000 4) A 5 m 50, dans les limons ocres 3) A 4 m 50, dans les limons beiges: 450 400 250 050 100 100 150 200 250 500
Annexe 4 concernant la Partie 4 400 450 A4-1 : Identification du modèle CJS sur VAlSE p. A4-8 300 350 MODELISATION du CREUSEMENT d'un TUNNEL en TERRMN MEUBLE 6)
A 7 m 50, dans les limons gris: A 6 m 50, dans les limons ocres: 700 VI ¡
_306,5_ 300 200 150 700 500
400 930 200 250 300
352
400
500
450
554 8) A 9 m 50, dans les tim
ons
gris: 7) A 8 m
50,
dans les limons gris: 800
1000 -
P
-R_5,
,
700
900 -
700 000
4
GO
300 100 100 200 150 250 359 300 400 450 500 550 100 150 05G 250 400 500 450 550 6
GO
10) A 14 miO, dans les argiles violacées 9) A 13 m 00, dans les argiles violacées:
700 700 500 400 400 100 100 100 200 300 400 Annexe 4 concernant la Partie 4 700 100 40G A4-1 : Identification du modèle CJS sur VAlSE 705 800 p. A4-9 900 MODELISATION du CREUSEMENT d'un TUNNEL en TERRAIN MEUBLE ANNEXE A4-lc: PLOT 2essais de laboratoire so: clages C726 et 3C49. 01-Limons 1-4m10 Essai oedométrique du SC49 0.00 0,00 0 00 0.66 1 31 10 02-Limons 1-4m90 Essai oedométrique du SC49 3 07 3.92 +57 5,23 5.00 7.19 10 0 00 0,65 1.31 1.96 2,61 3,27 3.92 0.57 5,23 5,08 6.53 t 0 00 0.15 0,20 0,00 0.58 0.73 0.87 1.02 03-Limons 1-6m45 Essai oedométrique du SC49 O 00 0 00 0.65 1.31 1 96 2 64 3.2? 3.02 0 57 5 2? 500 6,53 7 II
10 2 Annexe 4 concernant la Partie 4 T1-Limons 2-7m75 Essai triaxial du 0726 à loo kPa A4-1 : Identification du modèle CJS sur VAlSE p. A4-1O MODELISAI ION du CREUSEMENT d'un ThNEL en TERRAIN MEUBLE 2 53 T2-Limons 27m75: Essai triaxial du 0726 à 200. kRa 1.7 T3-Limons 2-7m75
Essai trìaxial
du
0726
à 300 kPa
El
1.00 08 0.15
0.23
0.9 0,00 0.15 0.29
Sf
8
0.88 0.72
0.87 102 117
1.21
1.86 1. El 0.58
0.73
0.87
1.02 1,17
1.31 1,6 1. -1 87 0. 01-Li
mons
3-9
m
35 Essa
i
oedométrique
du SC49
01
-
Limons 2-7m75 Essai oedométrique du 0726 O. 17 a, 8 08 0. 2 0.2 0,3 o. 2 0.6.7 o, 1.0 / 2.6 Ti-Limons 4-12m25 Essai triaxial du C726 à 100 kPa: T2-Limons 4-12m25 Essai triaxial du C726 à 200
k
Pa
1.0 Annexe 4 concernant la Partie 4 0 00 0.18 0.23 0.0 0. o 0.7 0.87 1.02 A4-1 : Identification du modèle CJS sur VAlSE E -1 p. A4-11 MODELISATION du CREUSEMENT d'un L en TERRAIN MEUBLE 1/i3 3.7 T3-Lmons 4-1r25 2.02 Essai triaxiaj du C726 à 400 kPa 1.9 El 1.00 0 00 0,10 0.29 0, 0.58 0,79 0.87 8.03 1.17 2,31 1,6 1,6X5' 01-Limons 4-12m25 Essai oedométrique du C726 Annexe 4 concernant la Partie 4 A4-1 Identification du modele CJS sur VAlSE p. A4-12
MODELISATION du CREUSEMENT d'un TUNNEL en TERRAIN MEUBLE
ANNEXE A4-ld: FLOT 2essais pressiométriqTes sondage PR14
Les 12 graphes suivants présentent la confrontation entre l'essai pressiométrique in-situ (en trait plein), et la simulation (en pointillé) réalisée à laide des paramètres CJS de la couche correspondante. Les courbes expérimentales sont notées P-x:C, x désignant la protondeur de lessai, et les courbes simulées sont notées S-x. 2) A 5 m 50, dans les limons i 1) A 4 m 50, dans les limons 1: - /00 000 450
500 400 350 400 300 300 250 200 200 150 00 100 50 50 1.00 150 200 250 300 250 400 o 450 50 100 150 200 250 300 350 400 Pression (
IP
4) Pression
l
OYal 4) A 7 m 50, dans les limons 2 3)
A 6 m 50, dans les limon
s
1: 500 450 450 400 400 350 050 300 003 250 250 200 200 150 150 100 1.00 50 50 100 o 150 200 250 300 Pressicni (kPa} Annexe 4 concernant la Partie 4 350 100 450 500 100 300 400 500 600 700 Pression (kP) A4-1 : Identification du modèle CJS sur VAlSE p. A4-13 450 500 MODELISA]JQN du CREUSEMENT d'un TUNNEL en TERRAIN MEUBLE 5) A 8 m 50, dans les limons 2: 6) A 9 m 50, dans les limons 3: 450 550 400 500 450 050 100 300 350 250 300 200 250 150 200 150 100 100 200 000 400 500 630 700 803 100 000 1005 100 Pression HP0) 7) A 10 m 50, dans les limons 3: 230 300 400 500 PreSSion (OPal 600 700 1300 300 8) A 11 m 50, dans les sables: oHne (coO) Volume (coO) 400 300 300 10 5 350 300 300 250 250 200 200 150 150 100 100 50 50 100 200 300 400 500 600 Pression (SPs) 71mO 000 1)00 200 1(430 400 600 1000 ((00 1200 1400 Pression (kPa) 9) A 12 m 50, dans les limons 4:,'&UflC 10) A 14 m 00, dans le argUes grises leteO) Volo. 450 )eos3) 700 400 P-14:C 350 300 250 400 200 150 100 50 100 o o 200 400 o 600 P,-esrno
VOPo> 1)00 Annexe 4 concernant la Partie 4 1000 1200 100 300 400 500 Pression COP4) A4-1 : Identification du modèle CJS sur VAlSE 600 700 000 p. A4-14 000 MODELISATION du CREUSEMENT d'un TUNNEL en TERRAIN MEUBLE 12) A 16 m50, dans es sables et graviers 11) A 15 mOO, dans les sables: 500 400 300 200 100 o 500 1000 1500 Preon (kP) Annexe 4 concernant la Partie 4 2000 2500 o 500 1000 1100 2000 Prei, (kP) A4-1 : Identification du modèle CJS sur VAlSE 2500 3000 p. A4-15 3500 MODELISA'IION du CREUSEMENT d'un TUJNEL eri TERRAIN MEUBLE ANNEXE A42 : RESULTATS COMPLEMENTAIRES CONCERNANT l'INSTRUMENTATION du SITE de VAlSE 1) PARAMETRES de CREUSEMENT sous les PLOTS d'ESSAIS
Afin d'interpréter les différentes mesures de réaction du sol sous l'effet du creusement, il convient de connaître les paramètres de creusement. En tout, 60 voies de mesures sont auscultés en permanence sur la machine, mais C. OLLIER a mis en évidence les principaux paramètres du tunneller au droit de chacune des sections. Des études de corrélations entre ces paramètres sélectionnés et les différentes mesures des plots d'essais sont en cours de réalisation, et seront disponibles dans la thèse de C. OLLII-R [OLI. A 1lire indicatif, nous citons ces différents paramètres et leurs valeurs moyennes sous chacune des sections de mesure (tab. A4-l). II 'agit des données suivantes: PB : La pression de boue dans la chambre d'attaque, soit la pression appliquée au front de taille, PT : la poussée totale sur les vérins longitudinaux responsables de l'avancement de la machine, VR : la vitesse de rotation de la roue de coupe, PIh et Pth : les consignes de pression d'injection (moyenne sur les 3 lances du haut et les 3 du bas), PT : la pression sur la tête qui rend compte du couple appliqué à la roue de coupe, PR : la poussée réactive sur la tête qui, par différence avec la pression totale, rend compte des frottements le long de la jupe, VA : la vitesse d'avancement instantanée moyenne pour le creusement de l'anneau, VC : le volume de coulis injecte autour de l'anneau à l'échappement de la jupe.
Plot 2 Plot 1 Paramètres PB (MPa) Sl-Ti: EXil si-Ti : EX12 S2-Ti : EX21 S1-T2: EX41 P2-Ti : EX31 P2-Ti : EX35 0,09 0,12 55 à60 0,25 0,35 0,25
0,35 0,15 0,15 66 à 75 1,3 0,25 0.25 22 27 27 36 17 18 43 30 52 51 3,725 3,800 3,750 6,650 4,050 4,375 0,
i
2
vr (
bais
)
70
à
90
PIh (bars) PTh (bars) 0,2
0,3
PR (bars) VA (mm
/mio
)
1,6 1,5
VC Çm3) Tab. A4-1
0,12 60 à 72 0,14 78 à90 0,12 65 à 85 1,4
0,25
0,25
21,5 Principaux paramètres du tunnelier pour chaque section instrumentée Annexe 4 concernant la Partie 4 A4-2 : R5su1tats complementaires sur l'instrumentation du site de VAlSE p. A4-16 MODELISATION du CREUSEMENT d'un TUNNEL en TERRAIN MEUBLE 2) RESULTATS des MESURES EXTENSOMETRIQUES P SE par PHASE
Le tableau A4-2 confronte les es dates du phasage mis en évidence au chapitre A4-4. Plot2-Ti Ploti-Ti front à-2m passage du front front à echapperneflt de la jupe maximum remontée tassement final n° anneau Si-Ti EXil Sl-Ti S2-Ti EX 12 EX2 i 15/07/93 15h00 16/07/93 19/07/93 07h35 19/07/93 12h20 20/07/93 12h15 21/07/93 08h30 19/07/93 07h40 19/07/93 15h00 21/07/93 07h20 2 1/09/93 16h00 31 2717/93 14h50 28/07/93 16h00 29AJ7/93 06h40 21/07/93 15h35 21/09/93 16h00 07h25 29/07/93 3h50 30/07/93 21h20 21/09/93 16h00 38 65 P2-Ti P2-Ti EX3 i 24105/94 EX35 24/05/94 08h40 24/05/94 12h20 24/05/94 17h30 25/05/94 12h20 26/05/94 04h30 22/06/94 08h00 714 03h40 24/05/94 10h50 24105/94 16h50 25/05/94 10h00 26/05/94 04h30 22/06/94 08h00 713 Plot i T2 S1-T2 S1-T2 EX4 i 26/08/94 10h00 2&08/94 13h00 29/08/94 08h30 30/08/94 07h00 30/08/94 16h00 27/10/94 16h00 26/08/94 11h40 26/08/94 18h50 29/08/94 13h40 30/08/94 09h30 30/08/94 16h00 27/10/94 16h00 1.030 1031
EXil Tab. A4-2: Récapitulatif des dates caractérisant le passage du tunnelier sous les plots d'essais
L'ensemble des mesures extensométriques correspondantes sont synthétisées dans le tableau A4-3. Annexe 4 concernant la Partie 4 A4-2: Résultats complémentaires sur l'instrumentation du site de VAlSE p. A4-17
Plot 1 Section Sl Creusement de Ti Plot I Section S2 Creusement de Tl Plot i Section Sl Creusement de T2 pt EXil EX12 EX13 EXi5 EX16 EXI7 EX21 EX22 EX23 EXil EXI5 EX13 EX4I A 09 -1 03 09 14 02 02 01 -1,3 1,3 -0,4 -0,8 2 Front à -2m D -1,4 -1,6 -1,6 o3 -0,6 -1 1 -1,3 -1,3 -1 i -1,4 -1,4 -1,8 -1 A Echappement B de la D jupe A Maximum de remontée Fin des mesures B -9,5 -7,9 -4,2 -4,2 -4,3 -3,6 -15,2 -14,5 -12,7 D -11,9 S -10,7 -7,6 -4,4 -2,8 -2,7 -2,8 -3,1 -3,1 -2,8 -14,5 -12,6 -10,9 -10,8 -10,9 -0,3 -0,7 -1,9 -2,5 -2,4 -0,3 -0,8 -2,6 -0,2 -2,1 -5,5 -7,9 -7,4 0,4 -0,5 -0,8 0,2 -0,5 -1 -0,9 IO -0,4 -0,9 0,3 -0,6 -0,8 -1,4 -3,6 -5,2 -2,4 -8,3 -5,6 -3,6 -2,9 -3,5 -5,5 -4,7 -3,9 -3,3 -3,5 -3,2 -3,4 r. -1,2 -2,2 -3,2 -2,1 +0,2 -2,3 -4 -3,8 -1,9 -4,3 -2,6 -1,4 -1,2 -0,9 -0,9 -4,1 -3,4 -3,8 -13,6 -11,1 +2 -12,6 -13 -11,4 -12,1 L. -11,3 -11,5 -11,1 -10,2 -8,5 -2,8 +0,8 +0,4 -2,3 i-1,5 -0,2 -1,6 -0,5 -2 -2 -2 -1 -0,8 -1,1 -1,5 -1,5 -1 -1,9 -2,3 -2,4 -2,4 -2,6 -3,4 -3,3 +0,1 o -2,2 -2,5 -3,1 -3,6 -2,9 -3,3 -3,9 -3,9 -3,8 -2,8 -4,9 -1,7 -2,6 -4,5 -4,8 -2,1 -0,85 -0,9 -0,2 -0,4 -8,3 -1 o -_ -4,9 -10,8 -7,1 -6,4 -0,45 -1,6 -1,4 -0,1 -6,2 -1 -0,8 -0,6 -o, 6 -o, 2 -o, 3 +0,2 -0,3 -1,4 o -0,1 -1 -0,1 -o, 8 -o, 2 -0,6 -0,2 -0,7 -0,2 -o, 5 -0,4 -0,4 -0,4 -1,8 -2,2 -2,4 -2,3 -2,55 -1,9 -2,4 -5,3 -5,7 +3 -2,4 -4,3 -8,2 -8,9 -9,6 -11,9 -11,3 -10,7 -1,6 +0,1 -2 -0,5 5 -2,4 -2,4 -2,3 -1,25 -1,3 +2 -0,7 -0,7 -0,3 -2,4 -0,6 +3,9 5 +1,2 -18 -8,2 -7,4 -6,7 -6,7 -6,8 -5,5 -5,9 -6 -6 -6,4 -3,6 -2,9 -4,2 -4,4 -4,8 -6 -5,3 -5,2 -6,5 -6,7 -6,3 o, 'X: -1,7 -1,9 iIi -1,4 -1,6 -1,8 -1,7
Plot 2 Creusement de Ti EX3
1 EX32 EX33 EX34 EX3S -0,2 -0,2 -0,2 -0,1 -0,2 -o 2 -0,2 -0, -0,2 -0,3 -0,15 -0,3 -0,2 -o 3 -0, 3 -o, 3 -0,2 -0,3 -o, 3 -0,3 -0,3 -10,5 -0,8 -1,45 -1,7 9 -i9
'fab A4-3 : Tableau recapitulatif de l'ensemble des points de mesures extensométriques des 2 plots d'essais Tassements donnés en mm, (*) = + 3 m sur le plot 2, cases grisées = points de mesures inexistants, EXI7A point de référence 'fixe" initial de Sl-TI o z nl
MODELISATION du CREUSEMENT d'un TUNNEL en TERRAIN MEUBLE ANNEXE A4-3 : INFLUENCE des IARAMETRES CJS sur la iMULATION du CREUSEMENT du TUNNEL de VAlSE
Les résuliats présentés dans ce chapitre correspondent à la simulation du creusement du premier tube du chantier de Valse, en section Si. Le taux de déconfmement utilisé pour ces simulations est de 15 % car il correspond au tout premier calage effectué avec un calcul utilisant donc cette première série de paramètres et un déplacement final en clef de EX1 lA de 15.7 mm. Cette valeur a ensuite été corrigée à 15 2 mm suite à la détection d'un problème de dérive au niveau des vases de nivellement. Les paramètres CJS utilisés correspondent au premier jeux identifié (cf. tab. 4-3 et 4-4). Une série de simulations a été réalisée en imposant successivement à chacun des paramètres du modèle de comportement une variation de +50 % et -50 % par rapport aux valeurs du jeux initial, et ce simultanément sur chacune des 7 couches. Les notations adoptées sont identiques au chapitre 3-2-3. Ici, "vc" désigne le tassement de EXilA, "vs" le tassement de EXilS et "vl" le tassement de EX13S. EXTi IA et AEXT1 IS représentent respectivement le pourcentage de variation des tassements en clef et en surface après variation de 50 % des paramètres. Seuls les amortissements verticaux AV (entre EXilA et EX1 iS) et latéraux AL (entre EXilA et EX13S) ont été relevés.
1) INFLUENCE des PA de DECONFINEMENT: ETRES CJS sur les TASSEMENTS à un I I TAUX
Les résultats sont résumés dans le tab. A4-4. Nous notons qu'une diminution de A de 50 %, ou une augmentation de B de 50 %, augmentent les tassements d'environ 50 %. Ces 2 paramètres sont donc les plus influants sur ce critère de tassement. Ensuite viendrait une diminution de GO, ou de "a" qui aggravent les tassements de 20 à 30 %. 2) INFLUENCE des PARAMETRES CJS sur le TAUX de DECONFINEMENT CALE sur le TASSEMENT
de
CLEF
: Le recalage sur le tassement de clef (tab. A4-5) nécessite une augmentation du taux de déconfinement de plus de 60 % pour une augmentation de 50 % de B. Ce paramètre est de loin le plus influant ici. On retrouve ensuite le paramètre A mis en évidence dans l'étude précédente.
Annexe 4 concernant la Partie 4 A4-3: Influence des paramètres CJS sur VAlSE p. A4-19 MODELISÄI'ION du CREUSEMENT d'un TUNNEL en TERRAIN MEUBLE 3) INFLUENCE des PARAMETRES CJS sur la DIFFUSION des TASSEMENTS au SEIN du MASSIF
: La différence entre les pourcentages d'amortissement du calcul de base (au taux de 15 %) et ceux mesurés expérimentalement est notée sur la ligne "expérience" (tab. A4-5). Ces valeurs correspondent en quelque sorte à l'erreur commise par le calcul sur ces amortissements. Afm de minimiser la diffusion des tassements au sein du massif, on peut diminuer GO et B de 50 %, augmenter A de 50 %. Néanmoins, nous constatons u'i1 faudrait cumuler plusieurs variations pour expliquer les écarts réellement mesurés.
A Cas EXT11S mm % % Expérience Expérience r.ri :i Calcul i-03 AL ¿AV LAL % % % % 28,9 52,9 10,1 10, +00,2 -00,3 n-50% +00 09,9 -00,3 00,2 +03 09,9 17,0 +00,6 +00,4 16,9 50 % 10,7 i-03 Go + 50 % -00,1 +01,3 i-00,3 08,5 -01,6 -00,3 07,3 -02,8 -02,4 +06,1 +04,7 0% Rc t 50 % +04 + +04 -05 y 50 % - 0o Ai-50% -05 - t t. pi + 50 % -00,4 -00,1 +00,4 +00,1 +00,9 02,1 -00,6 -01,4 i-00 -08 P2 -50% E-50% 14,02 09,6 + 13,00 -10 i-00 -09 07,4 -02,8 -03,9 B+ -01,8 -01,8 + i06,8 +09,9 'o +01,4 -02,0 -02,1 00 10,1 -00,0 00,0 q1 50 % +00 10,2 00,0 -00,0 4'2 +50% -08 09,0 -01,1 i-00,2 P2 -50% +08 01,0 -00,1 +08 07,2 -02,9 -02,1 50% E 50 % E-50% y + 50% v-50% H+ + 00 +00 Tableau A4-4 : Influence de la variation des paramètres suries tassements EXT11A et EXT11S. 06,4 +05,1 10,4 +00,2 +00,2 09,7 -00,4 -00,4 +01,0 01 5 -01,1 -01,7 50% H-50% Annexe 4 concernant la Partie 4 +01,5 08,2 50% i + 50 % E+ -07 03,3 +05,8 08,3 50% - a-50% 14,07 +00,7 A-50% a 19,69 +01,1 10,5 A + 50 %.30 -00,2 09,7 y-50% -08 -00,3 50% B 50 a-50% 09,8 y + 50% 10 LJI 50% 50% + 50 % +18,8 +36,3 50% + 50 % base AV +03 n+ - x Cas EXT11A LEXT11S 09,0 14,9 : Influence de la variation des paramètres sur lo taux de déconflnement et sur l'amortissement des tassements. Tableau A4-5 A4-3 : Influence des paramètres CJS sur VAlSE p. A4-20
MODELISAlION du CREUSEMENT d'un TUNNEL en TERRAIN MEUBLE
L'ensemble des conclusions correspondant à cene étude sont résumées tab. A4-6. INFLUENCE des PARAMETRES de CALCUL
Tab. A4-6 sur la simulation du CREUSEMENT du TUNNEL de VAlSE xxxx=forte xxx=moyenna xx=faible x=quasi nulle
Variations sur les paramètres de calcul Influence sur les tassements Influence sur leur amortissement 50% n+ n-50% + 50 % 5Ø % ++ K0P + 50 % K0P 50 % Go i-50 % +++ 50 % Rc+50% + R50% + ++ 50% + -50% ++ ++ -r -50% A + 50 % A-50% B50% B 50 % ++ 50% a a-60% + 50 % cpI - 50% + 50% pi ++ ++ E50% E 50 % y 50% v-50% H+ ++
50% +++ H-50% Annexe 4 concernant la Partie 4 A4-3 Influnce des paramètres CJS sur VAlSE pA4-21 MAJ DU 1er sept. 1995 ECOLE CENTRALE DE LYON LISTE DES PERSONNES HABILITEES A ENCADRER DES THESES A. du 30.03.82 Art. 21 et A. du 23.11.88
Etienne PASCAUD Directeur Directeur Adjoint : Lóo VINCENT Directeur des Etudes : Jean ROZINOER Francis LEBOEUF Directeur Administration de la Recherche DEPARTEMENT ACOUSTIQUE ELECTRONIQUE LEAME NOM-PR EN 0M COMTE-8 ELLOT Geneviève JUVE Daniel ROGER Michel FONCTION PROFESSEUR GALLAND Marie-Annick MATRE DE CONFERENCES BLANC-BENON Philippe SUNYACH Michel CHARGE DE RECHERCHE CNRS PROFESSEUR UT LYON I BLANCHET Robert LE HELLEY Michel HELLOUIN Yves VIKTOROVITCH Pierre PROFESSEUR MAITRE DE CONFERENCES DIRECTEUR DE RECHERCHE CNRS HOLLINO ER Guy GENDRY Michel KRAWCZYK Stariislas CHARGE DE RECHERCHE CNRS TARDY Jacques ECTROTECHNIQUE cEGEY AURIOL Philippe NICOLAS Alain BEROUAL Abderrahmane ROJAT Gérard NICOLAS Laurent MACHINES ThERMIQUES ARQUES Philippe BRUN Maurice CHAMPOUSSIN Jean-Claude PROFESSEUR MATRE DE CONFERENCES CHARGE DE RECHERCHE CNRS PROFESSEUR -2MATERIAUX MECANIQIJE PHYSIQUE GUIRALDENQ Pierre TREHEUX Daniel PROFESSEUR VANNES Bernard VINCENT Léo BLANC-BENON Jean BRUGIRARD Jean NGUYEN Du FAYEULLE Serge JUVE Denyse MATh EMATIQU ES INFORMAtIQUE SYSTEMES DAVID Bertrand MARION Martino MAITRE Jean-François MOUSSAOUI Mohand Arezki THOMAS Gérard MUSY François PROFESSEUR LYON I vtAITRE DE CONFERENCES CHARGE DE RECHERCHE CNRS INGENIEUR DETU DES PROFESSEUR MAITRE DE CONFERENCES ROZINOER Jean MECANIQUE DES FLUIDES MATHIEU Jean ALCARAZ Emilio PROFESSEUR EMERITE PROFESSEUR JEAN DEL Donis LEBOEUF Francis SCOTT Jean BATAILLE Joan BUFFAT Marc GAY Bernard GENCE Jean-Noël LANCE Michel BEN HADID Harnda HAMADICHE Mahmoud MOREL Robert CAMBON Claude BERTOGLIO Joan-Pierre ESCU DIE Dany FERRAND Pascal HENRY Daniel PROFESSEUR LYON I MAITRE DE CONFERENCES LYON I PROFESSEUR INSA DIRECTEUR DE RECHERCHE CNRS CHARGE DE RECHERCHE CNRS MECANICUE DES SOUDES CAMBOU Bernard FFCFESSEUR JEZECUEL Louis SIGOROFFFrançcis PHYSICCCHCMIE DES INTERFACES SURRY Claude PROFESSEUR ENISE CLECHET Paul PROFESSEUR JOSEPH Jacques MARTELET Claude MARTiN Joan-René FORTE Louis ROBACH Yvos tvtJTRE DE CONFERENCES SREMSCGEF1FEFI 0-uy JAFFREZIC NiccIe SO D Elyane PICHAT Pierre HERRMANN Jean-Mario DIRECTEUR DE RECHERCHE CNRS CHARGE DE RECHERCHE CNRS DIRECTEUR DE RECHERCHE CNIRS HCANG-VAN Can TRI BCLCGIE ET DYNAMIQUE DES SYSTEMES GEORGES Jean-Marie SABOT Jean PROFESSEUR MARTiN Jean-Michel DONNET Christcphe MATH IA Thomas MAITRE DE CONFERENCES DIRECTEUR DE RECHERCHE CNRS KAPSA Philippe LOUBET Jean-Luc MAZUYER Denis CRARGE DE RECHERCHE CNRS LE BOSSE Joan-Claude MAITRE DE OCNFERENCES INSA LOPEZ Jacques MAITRE DE CONFERENCES UCS ROUSSEAU Jacques PROFESSEUR ENISE
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AUTORISATION
DE SOUThNANCE
Vu les dispositions de l'arrêté du 5 Juillet 1984, modifié par l'arrêté du 21 Mars 1988 et l'arrêté du 23 Novembre 1988, Vu la demande du Directeur de Thèse i'b B. Le Directeur de l'Adminisatjou dla Recherche F. LEBOE.
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Les comportements en matière de RSE des SCOP: homogénéité discursive et hétérogénéité des pratiques. Revue de l'Organisation Responsable, 2017, 12 (2), pp.25-40. ⟨hal-02529086⟩
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Les comportements en matière de RSE des SCOP: homogénéité discursive et hétérogénéité des pratiques
Christophe Maurel, François Pantin
HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of scientific research documents, whether they are published or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. LES COMPORTEMENTS EN MATIERE DE RSE DES SOCIETES COOPERATIVES : HOMOGENEITE DISCURSIVE ET HETEROGENEITE DES PRATIQUES
Christophe Maurel Université d’Angers, GRANEM [email protected] François Pantin Université d’Angers, GRANEM [email protected] Coordonnées des auteurs : Université d’Angers GRANEM, EA n°7456 13 Allée François Mitterrand – BP 13633 49036 Angers cedex - France
Mots clés : Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE), Sociétés Coopératives et Participatives (Scop), Comportements organisationnels, Stratégie RSE
Key words :
Corporate Social
Responsibility
(CSR
),
Cooperative enterprises (Scop
),
Organisation
al
behavior
s,
CSR
Strategy
1 LES COMPORTEMENTS EN MATIERE DE RSE DES SOCIETES COOPERATIVES : HOMOGENEITE DISCURSIVE ET HETEROGENEITE DES PRATIQUES
Résumé : Cet article s’inscrit dans une perspective d’enrichissement des connaissances de la RSE et des comportements organisationnels qui lui sont associés, en particulier au sein des sociétés coopératives et participatives (Scop). En s’appuyant sur l’étude de cinq Scop, la recherche montre une relative homogénéité discursive des Scop en matière de RSE, avec toutefois des pratiques de RSE différenciées. Les résultats obtenus conduisent à caractériser les principaux comportements en matière de RSE d’une Scop, et suggèrent que l’importance de l’attention accordée par la direction et l’appartenance au réseau coopératif favorisent l’engagement dans une démarche RSE. Abstract: This research aims to improve knowledge on CSR and the CSR behaviors, specifically in cooperative enterprises (Scop, in French). By studying five Scop, the research shows a relative discourse homogeneity in terms of CSR but heterogeneous practices. Thus, the results lead us to identify the main characteristics CSR behaviors for a Scop and suggest the importance of management support al along the process and the membership in the cooperatives enterprises network as positives factors that aim the CSR commitment. Introduction
De plus en plus de travaux récents mentionnent une proximité entre les valeurs des sociétés coopératives et participatives (Scop), notamment en matière de gouvernance et de partage de la richesse créée, et le modèle de « Responsabilité Sociale des Entreprises » (RSE) (Blanc, 2008 ; Gouil 2012). Il est ainsi soutenu que les Scop, du fait de leurs spécificités identitaires (Chédotel et Pujol, 2012), s’inscrivent naturellement dans une logique de RSE, alors même que ce modèle n’a pas été conçu pour les entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS) et qu’il peut faire naître des tensions dans la mise en œuvre des pratiques au sein de ces organisations. S’il n’existe aucune définition de la RSE faisant consensus, la littérature spécialisée s’appuie sur celle proposée dans le Livre Vert de la Commission Européenne définie comme « l’intégration volontaire par les entreprises de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec leurs parties prenantes » (2001, p.3). Nous retenons donc que les démarches de RSE relèvent de comportements volontaires des organisations et doivent aller au-delà du seul cadre légal ou réglementaire s’imposant à elles. En outre, il est mis en exergue au travers de cette définition que les organisations engagées dans des actions relevant de leur responsabilité sociale prennent en compte l’impact de leurs actions sur les parties prenantes et agissent en considérant leurs attentes. Par ailleurs, la RSE est à appréhender comme la traduction opérationnelle au niveau d’une organisation des principes de développement durable 1 (Allemand, 2006). Elle relève ainsi des pratiques et actions mises en œuvre volontairement au sein de l’organisation en matière de développement durable (Dovergne, 2012). 1 Le développement durable est défini, suite au rapport « Notre avenir à tous » rédigé par la Commission mondiale sur l’environnement et le développement (1987), comme « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs », conciliant un développement économiquement efficace, socialement équitable et écologiquement soutenable. 3 La littérature relative aux comportements organisationnels en matière de RSE (Sethi, 1975 ; Carroll, 1979 ; Martinet et Reynaud, 2004 ; Capron et Quairel-Lanoizelée, 2007) met en exergue l’existence de réponses différenciées d’une entreprise à une autre face aux attentes sociétales (sur le plan économique, social et environnemental). Il est toutefois à souligner qu’aucune étude n’a été conduite dans le contexte spécifique des Scop, alors même qu’il est considéré que ces organisations relevant de l’ESS adoptent, du fait de leurs identité et caractéristiques, des comportements socialement responsables (Gouil, 2012). Si la compatibilité des principes coopératifs avec ceux de développement durable est largement affirmée (GNC 2009 ; Gouil 2012), rares sont les travaux de recherche visant à confirmer la proximité du modèle RSE et les spécificités des expériences coopératives. Parce que les Scop évoluent dans le même environnement concurrentiel que toute autre entreprise « classique », elles subissent des contraintes et pressions économiques analogues pouvant les conduire à s’éloigner d’un comportement socialement responsable. A ce jour, la présence d’un réseau coopératif national, la CGScop2, souhaitant développer la RSE3, renforce la normalisation de comportements jugés positifs par ce réseau. Pour les Scop dont la mission sociale est principale, la RSE peut ainsi apparaître comme une contrainte, voire une menace, ou comme une saisie d’opportunité de reconnaissance (par exemple, en se dotant de pratiques exemplaires et en se donnant les moyens de les valoriser face à des concurrents médiatiquement puissants à l’instar des actions entreprises par la CGScop). Nous avons donc pour objectif, dans une perspective d’enrichissement des connaissances de la RSE et des comportements organisationnels qui y sont és, d’étudier les pratiques mises en œuvre en matière de RSE dans les Scop afin d’apprécier si celles-ci sont homogènes. 2 La Confédération Générale des Scop (CGScop) est le porte-parole des Scop auprès des pouvoirs publics et des acteurs économiques et sociaux. Elle anime au plan national le réseau des Scop, ce dernier étant présent sur tout le territoire au travers de treize Unions Régionales des Scop (URScop). 3 « La RSE est le vecteur essentiel pour redonner à l’humain sa place dans la création de valeur et à l’entreprise une approche plus harmonieuse entre les dimensions économiques, sociales et environnementales. Les Scop et les Scic se veulent des acteurs engagés de la RSE. (...) ». Extrait des orientations de la CGScop, 35ème Congrès des Scop, 2012. 4 Pour ce faire, notre stratégie d’accès au réel consiste en l’étude de cinq cas de Scop. Nous mettons alors en évidence, au regard des cas étudiés, des tensions managériales entre, d’une part, des discours en matière de RSE relativement homogènes et des pratiques diversifiées au niveau de chaque Scop et, d’autre part, entre la volonté du réseau national d’homogénéiser les discours et les adaptations dans la mise en œuvre de RSE au sein des Scop. Préalablement à la présentation et la discussion de nos observations et résultats, nous exposons le cadre conceptuel mobilisé dans cette réflexion puis la méthodologie utilisée.
1. La Scop, une identité a priori propice à un comportement socialement responsable
Cette première partie de la réflexion rappelle les caractéristiques d'une Scop et des modalités de pilotage intrinsèquement liées à une responsabilité sociale, puis elle expose les stratégies RSE, en présentant les comportements envisageables avec le fonctionnement coopératif. 1.1. La Scop,
à la recherche d’une
performance globale comme reflet
de
sa RSE
? Comme le mettent en exergue différents travaux (Albert et Adams, 2002 ; Foreman et Whetten, 2002 ; Chédotel, 2003), les Scop, à l’instar de nombreuses autres structures s’inscrivant dans le champ de l’ESS, sont caractérisées par une identité duale forte. En effet, le fonctionnement de ces organisations concilie à la fois des principes tels que la démocratie, la participation, la solidarité ou encore la promotion sociale - qui constituent des dimensions caractéristiques des organisations du champ de l’ESS et relèvent de l’identité normative des Scop - mais également la croissance, la rentabilité et la pérennité - qui sont autant de caractéristiques liées à l’identité utilitariste de ces structures (Chédotel et Pujol, 2012). Cette dualité identitaire amène ainsi les Scop à agir dans un environnement concurrentiel répondant aux règles stratégiques de l’économie marchande (Thériault, 1998 ; Richez-Battesti 5 et Mendez, 1999) mais sur la base d’un fonctionnement démocratique. Elles subissent en effet, au titre de leur activité, les mêmes contraintes de gestion et de profitabilité que n’importe quelle autre entreprise évoluant dans l’arène concurrentielle. Dès lors, ces organisations de l’ESS sont conduites à rechercher une performance économique. Néanmoins, les Scop se différencient des entreprises « classiques » de par leur statut coopératif et participatif, et donc leur fonctionnement démocratique s’appuyant sur le principe « un homme, une voix », révélant un équilibre managérial spécifique au cadre coopératif. Ces organisations sont ainsi conduites à rechercher, outre une performance économique, un objectif de performance sociale, se matérialisant au travers de leurs pratiques associatives, en r
éférence à leurs pratiques d’information, de formation, de consultation et de décision (Côté, 2007, p.117). A la lumière de l’ensemble de ces caractéristiques liées à l’identité duale des Scop, il est donc mis en exergue que celles-ci sont intrinsèquement orientées vers la recherche d’une performance globale (Maurel et Pantin, 2014), cette dernière se définissant comme « l’agrégation des performances économiques, et sociales et environnementales » (Baret, 2006), ou bien encore comme la réunion de la performance financière, de la performance sociale et de la performance sociétale (Reynaud, 2003). Par ailleurs, dans le cadre de leurs activités, les Scop sont en relation avec un environnement externe étendu intégrant de nombreuses parties prenantes (au sens de Freeman, 1984) telles des réseaux coopératifs, d’autres structures de l’ESS, des acteurs institutionnels locaux et/ou nationaux, ou bien encore des organisations du champ concurrentiel. Cette insertion dans de nombreux réseaux peut notamment contraindre leurs marges de manœuvre, leur autonomie décisionnelle mais également la détermination de leurs objectifs. A titre d’illustration, depuis 2012, la CGScop engage des actions de communication interne et externe au réseau pour promouvoir des pratiques en faveur de la RSE, avec notamment la création d’une commission 6 RSE visant à sensibiliser et accompagner les Scop en matière de RSE. Cela se traduit par la divulgation des meilleures pratiques du réseau au travers de formations et d'articles dans la revue trimestrielle du réseau, et par la recherche de labellisation par secteur d'activité (comme par exemple la signature d'un label RSE SCOP-BTP en été 2015), afin de mieux formaliser les pratiques pour pouvoir les valoriser. En prenant appui sur la théorie néo-institutionnelle, il est possible de considérer que cette pression (normative) de la CGScop peut induire un mécanisme de convergence des comportements permettant d'obtenir une homogénéité de discours, voire de pratiques, des Scop. Toutefois, il convient de souligner une tension entre le discours national formalisé de la CGScop et les pratiques des Scop qui restent volontaires, diversifiées et peu formalisées d'après les sites Internet des Unions Régionales Scop et une enquête 2014 de la CGScop 4. Suivant différentes recherches (Alberola et Richez-Battesti, 2005 ; Berger-Douce, 2007 ; Dovergne, 2012) réalisées auprès d’organisations ne relevant pas du champ de l ’ESS, cette hétérogénéité des pratiques peut s'expliquer par les différents objectifs et capacités des organisations ou bien encore par les dirigeants et leur perception de la RSE. Ces tensions et cette influence des parties prenantes externes sur les pratiques locales en matière de RSE militent pour une interrogation des comportements stratégiques adoptés par ces organisations particulières que sont les Scop. En synthèse, le pilotage d’une Scop implique la prise en compte de sa responsabilité sociale vis-à-vis de différentes parties prenantes, ce qui la conduit à rechercher une performance globale. Cette dernière apparaît ainsi comme le reflet des stratégies de développement durable et de responsabilité sociale (Capron et Quairel-Lanoizelée, 2007). Se pose toutefois la question d'une possible hiérarchie entre les trois dimensions de la performance globale, puisque la mission sociale d'une Scop l'amène à privilégier la dimension sociale, et que l'insertion dans les secteurs d'activités concurrentielles amène à ne pas négliger la dimension 4 Une synthèse des résultats de cette enquête est consultable sur le site Internet du réseau CGScop. 7 économique, ce qui pourrait diminuer théoriquement les préoccupations en faveur de la troisième dimension environnementale.
1.2. Les trois types de comportements stratégiques en matière de RSE
Si la question de la place et de la contribution des organisations et de leurs activités dans nos sociétés est très ancienne (Handy, 2002), les travaux de recherche destinés plus spécifiquement à rendre compte des différents comportements stratégiques adoptés par les organisations en réponse aux doléances sociétales n’ont, pour leur part, émergé qu’à partir des années soixante-dix (Mathieu, 2009). Sont ainsi progressivement apparues différentes typologies comportementales (Sethi, 1975 ; Carroll, 1979 ; Clarkson, 1995 ; Capron et Quairel-Lanoizelée, 2007 ; Berger-Douce, 2007 ; Martinet et Payaud, 2008) visant à identifier des groupes d’organisations possédant des caractéristiques de comportement communes en matière de RSE, caractéristiques permettant alors de les distinguer d’autres groupes d’organisations. Même si des différences entre ces typologies existent sur la forme et sur le contenu des comportements adoptés par les organisations en réponse aux enjeux sociétaux, il est possible de positionner les comportements sur un continuum allant de l’absence de réponse aux attentes sociétales et adoptant une logique purement économique jusqu’à des comportements anticipant les doléances sociétales, allant au-delà de ces attentes et intégrant les trois dimensions économique, sociale et environnementale. Ainsi, en nous appuyant sur la littérature relative aux comportements stratégiques des organisations face aux pressions sociétales, mais également sur des typologies récentes et testées empiriquement (Mathieu, 2009 ; Dovergne, 2012), nous retenons une catégorisation en trois types de comportements stratégiques en fonction du degré d’intégration de la RSE dans la stratégie et le pilotage de l’organisation : attentiste, conformiste et proactif. 8 Tout d’abord, le comportement qualifié de « attentiste » peut être rapproché de la logique friedmanienne, purement économique et financière. Il s’agit là d’organisations se caractérisant par une absence d’engagement en matière de RSE, ou alors en simple réaction à des contraintes, notamment légales et réglementaires, dans le cadre du développement de leur activité. Cette exclusion de la RSE de la stratégie peut se justifier par le manque de volonté d’engagement sur cette thématique (notamment de la direction qui pourra l’assimiler à une simple mode managériale) mais également par des difficultés telles que le manque d’informations sur la RSE, le manque de temps ou bien encore le coût relatif à la mise en œuvre de démarches de RSE. Dans ce contexte, la RSE n’impacte pas les décisions stratégiques (et les pratiques qui en découlent) prises au sein de l’organisation, cette dernière privilégiant donc la seule recherche d’une performance é à court terme. Concernant la catégorie de comportement dit « conformiste », elle regroupe des organisations qui répondent et se conforment aux exigences réglementaires et aux attentes des parties prenantes primaires (Carroll, 1989) 5. En outre, elles peuvent ponctuellement mettre en place quelques actions (par exemple du mécénat ou du sponsoring) mais celles-ci n’ont pas de lien direct avec leur activité et ne nécessitent pas l’acquisition de compétences spécifiques à la RSE. Ces organisations agissent suivant une logique d’égocentrisme ou individualisme éclairé, évitant tout dysfonctionnement pouvant notamment nuire à leur réputation (MacLeod, 2001). Elles visent ainsi à légitimer leurs activités, en intégrant quelques actions marginales en lien avec les attentes sociétales (sur le plan social et/ou environnemental). Néanmoins, il est à considérer qu’il n’existe pas de réelle intégration de la RSE (ou alors à un stade embryonnaire) dans leur stratégie et leur processus de management. Enfin, le comportement « proactif » renvoie à des organisations qui, volontairement, dépassent les réglementations en vigueur mais aussi anticipent et intègrent les intérêts et 5 Le lecteur peut se reporter à Capron et Quairel-Lanoizelée (2007, p. 37) pour une présentation détaillée des typologies de parties prenantes. 9 attentes de multiples parties prenantes primaires et secondaires dans leurs objectifs stratégiques (Hummels, 1998). Souvent pionnières dans leur secteur, ce volontarisme sociétal (pouvant aller jusqu’au militantisme) conduit ces organisations à adopter, dans le cadre de leurs activités, des comportements et pratiques socialement responsables qui ne se limitent pas à leur seul intérêt économique, voire même s’en affranchissent (Dovergne, 2012). L’objectif est ainsi de participer, sur le long terme, au développement durable de la Société en résolvant certains problèmes sociaux, environnementaux et économiques (par exemple la défense de l’emploi local, le bien-être des consommateurs, l’éco-conception de produits ou encore la préservation de la faune et de la flore locales). A ce titre, la performance de ces organisations est multidimensionnelle. Elle ne peut alors plus être évaluée par la seule performance financière et ses indicateurs compte tenu de la diversité des attentes (parfois contradictoires) auxquelles ces organisations souhaitent répondre et qu’elles intègrent donc dans la construction de leurs stratégies et leurs pratiques managériales. Il y a en effet nécessité d’avoir une approche transversale pour évaluer la performance globale de ces organisations (Lepetit, 1997) et tenir compte des diverses réponses aux doléances sociétales. Au travers de la littérature relative à la RSE, les comportements organisationnels varient de l’attentisme à l’approche proactive, en passant par du conformisme. En outre, s’agissant plus particulièrement des Scop, la littérature suggère des liens forts entre ces structures et les principes de RSE (Blanc, 2008 ; Gouil, 2012), que le réseau CGScop souhaite soutenir et développer plus encore. Dès lors, nous pouvons nous attendre à une stratégie dominante des Scop qualifiée de comportement proactif en matière de RSE, ou du moins à des discours homogènes favorables aux principes de RSE associées à des pratiques diverses que tente de standardiser le réseau CGScop. 10 2. Eclairage sur la méthodologie retenue pour identifier et caractériser les comportements des Scop en matière de RSE
Dans le but de répondre aux objectifs assignés à cette recherche, l’étude de cas à visée explicative est privilégiée. En effet, cette démarche nous permet de tenir compte « des dimensions historique, contextuelle et circonstancielle du phénomène observé » (Giroux, 2003, p.45) et nous offre la possibilité d’expliquer et de comprendre en profondeur un phénomène complexe en s’appuyant sur la collecte de données très diverses (Hlady-Rispal, 2002). En outre, il est à préciser que nous avons mené des études de cas multi-sites en vue d’accroître la généralisation (analytique et non statistique) de nos résultats, en confirmant que les évènements et les processus observés dans un contexte particulier ne sont pas purement idiosyncrasiques. Le recours à des cas multiples doit en effet nous permettre de dégager des régularités entre eux (Glaser et Strauss, 1967) et d’obtenir suffisamment de variabilité pour augmenter le pouvoir explicatif de l’étude (Miles et Huberman, 2003). En pratique, afin de déterminer quelles organisations pouvaient être intégrées dans notre échantillon sans opérer de sélection arbitraire, nous avons réalisé, notamment en lien avec la CGScop, un inventaire des sociétés coopératives dans la région du Grand Ouest nous permettant d’observer des comportements réels (mais restant à qualifier) et des pratiques associées en matière de RSE. Parmi la douzaine de Scop identifiées, trois ont accepté de participer à cette recherche (les trois premiers cas exposés). En vue de renforcer le pouvoir explicatif de cette étude, notre échantillon a été enrichi par l’étude de deux organisations (SCOP 4 et 5) créées plus récemment et avec des effectifs plus réduits par rapport aux SCOP 1 à 3. Nous avons donc au total étudié cinq Scop, non représentatives d’une population statistique mais pertinentes eu égard à l’objet de notre recherche (Hlady-Rispal, 2002). Les caractéristiques de chacune de ces organisations 6 sont présentées dans le tableau 1. 6 Par souci de confidentialité, nous garderons l’anonymat des cinq Scop étudiées. 11 Tableau 1. Fiche signalétique des cinq Scop étudiées
Date de création Secteur d’activité SCOP 1 1932 Industrie SCOP 2 1971 Service aux particuliers, entreprises et collectivités Création et entretien de jardins et espaces verts Description de l’activité Fabricant de câbles, tubes de synthèse (38 % du C.A.), les télécoms (37 % du C.A.) et le bâtiment (25 %) Chiffre d’affaires (en euros) Effectifs Responsabilité de la direction au sein du réseau CGSCOP 400 millions 5,5 millions 1400 Un membre de l'équipe dans les élus de l'URScop ; participation aux ateliers CGScop 60 Le dirigeant est actuellement directeur d’une URScop SCOP 3 1983 Service aux entreprises SCOP 4 1985 Service aux particuliers et aux entreprises SCOP 5 1990 Bâtiment Location de coffrages, grues, matériels de chantier (60% du C.A.) ; Entretien et dépannage de matériels (25% du C.A.) ; Négoce de matériels (15%) 19 millions Ambulances et transports sanitaires Travaux d'installation électrique dans tous locaux (courants forts et courants faibles) 1,2 millions 7 millions 115 L’ex dirigeant a été directeur d’une URScop ; un membre de l'équipe dans les élus d’une URScop 24 Aucune 33 Aucune
Dans le cadre de la démarche de recueil de données, nous avons eu recours à différentes sources. Outre le recueil et l’exploitation de données secondaires externes et internes (rapports d’activité, documents internes, revue du réseau CGScop, etc.), ainsi que la réalisation d’observations sur site, nous avons réalisé des entretiens semi-directifs avec les équipes de direction de chaque Scop. Ces acteurs, rencontrés sur une durée variant de 1h30 à 2h00, ont été privilégiés car, comme le soulignent Capron et Quairel (2006), ce sont les acteurs appartenant au niveau de la générale et au niveau opérationnel qui, par leurs évaluations et décisions, peuvent faire converger objectifs de développement durable et objectifs stratégiques, autrement dit peuvent mettre en œuvre une intégration de la performance globale au sein de l’organisation. Le recensement des pratiques pour chacune de ces Scop s’est ainsi appuyé sur un guide d’entretien 7 élaboré sur la base de la littérature exposée, des items d’un questionnaire interne à la CGScop (enquête 2014 citée supra), et sur 7 Pour une présentation détaillée du guide d’entretien utilisé, le lecteur peut solliciter les auteurs par voie électronique. 8. Ce dernier traite du management de l’organisation et des caractéristiques du développement durable, a fait l’objet de multiples expérimentations, et décompose le développement durable en pratiques opérationnelles. Afin d’identifier les pratiques et de caractériser les comportements adoptés en matière de RSE par les Scop étudiées, nous avons d’une part pris appui sur les critères relatifs aux trois dimensions constitutives de la performance globale (Tableau 2). Ces différents critères ont fait l’objet d’une évaluation nous permettant de classer en trois niveaux les pratiques et résultats du triptyque de la performance globale : - Niveau 1 : signifie l’absence, ou l’insuffisance, de résultat et/ou de pratique s’agissant du critère étudié. Cela matérialise le fait que la Scop n’a pas conscience ou ne se préoccupe pas de ce critère (ou insuffisamment), ou alors ne l’intègre qu’en simple réaction à des contraintes, notamment légales et réglementaires, dans le cadre du développement de son activité ; - Niveau 2 : signifie une conformité aux exigences réglementaires, aux normes liées à son activité ou aux attentes des parties prenantes primaires en la matière. La Scop a conscience que tout dysfonctionnement peut nuire à ses activités et sa réputation, mais considère néanmoins sa démarche comme suffisante dans le cadre de son développement ; - Niveau 3 : met en exergue un engagement et des pratiques volontaires de la Scop anticipant et dépassant le simple cadre réglementaire et les normes en vigueur dans le cadre de son activité. Tableau 2. Les dimensions étudiées et les critères mobilisés pour identifier et évaluer les comportements des Scop en matière de RSE
Dimensions étudiées Performance économique Critères mobilisés (déclinaisons opérationnelles pour l’évaluation) Capacité à créer des revenus et des excédents (croissance des résultats et capitaux; outils de suivi et de pilotage ; critères de décisions d’investissements ; modalités de financement des investissements); Guide AFNOR SD 21000 « Développement durable – Responsabilité sociétale des entreprises – Guide pour la prise en compte des enjeux du développement durable dans la stratégie et le management de l’entreprise » (FD X30-021), mai 2003. Performance sociale Performance environnementale
Activité et relations commerciales (caractéristiques de la production, des fournisseurs, des soustraitants et de la clientèle ; rôle de la dimension Scop dans les relations commerciales ; impact des clients et fournisseurs sur les activités) ➔ Niveau 1 / 2 / 3 Conditions générales de travail (optimisation des conditions de travail ; amélioration de l’ambiance de travail ; hygiène, sécurité et santé ; politique salariale ; insertion sociale, équité et parité) Gouvernance (instances représentatives ; place des relations sociales dans la Scop ; communication interne ; implication du personnel, participation, motivation et coopération) Emploi, compétences et formation (recrutement et promotion ; plans et investissements en matière de formation ; gestion prévisionnelle des emplois et des compétences) ➔ Niveau 1 / 2 / 3 Gestion des consommations et des déchets (suivi des consommations en énergie, eau, matières premières, etc. ; identification et recyclage des déchets ; consommation de matières polluantes ; gestion des nuisances industrielles, sonores, etc. ; exigences formulées vis-à-vis des partenaires à l’activité) Gestion des liens avec l’environnement externe (communication externe et moyens mis en œuvre ; participation à des événements externes en lien ou non avec l’activité ; liens avec des parties prenantes extérieures) Insertion dans le territoire (soutiens aux acteurs locaux et aux initiatives citoyennes des salariés, externalités positives) ➔ Niveau 1 / 2 / 3 D’autre part, à ces trois critères liés aux dimensions de la performance globale ont été ajoutées deux autres dimensions en vue d’identifier et de caractériser les comportements observés (Tableau 3). Ainsi, sur la base de la littérature relative à la RSE, nous avons enrichi notre analyse par la caractérisation de perception de la RSE par la direction (une menace, une contrainte ou une opportunité) au sein de chaque Scop, facteur reconnu comme ayant une influence sur la stratégie et le pilotage des organisations (Berger-Douce, 2009 ; Dovergne, 2012). En outre, nous avons évalué le degré d’intégration de la RSE au pilotage et à la stratégie de chaque Scop, c’est-à-dire s’il y a exclusion (par manque de volonté ou contrainte), intégration partielle (par pression et/ou nécessité) ou complète (par choix délibéré). Tableau 3. Les dimensions relatives à la perception, aux modes de gestion et à la stratégie de la Scop en matière de RSE
Dimensions étudiées Perception de la RSE par la direction de la Scop Degré d’intégration de la RSE à la gestion, au pilotage et à la stratégie de la Scop Critères mobilisés Evaluer, au travers du discours managérial, la perception de la RSE par les instances dirigeantes de la Scop. Perception qui peut être appréhendée comme une menace, une contrainte, une opportunité. Evaluer si la gestion courante et les décisions intègrent des pratiques socialement responsables. L’intégration peut être absente, partielle, ou complète.
Niveaux retenus (1) RSE comme une menace à éviter, la direction l’assimilant à une simple mode managérial ou bien ne pouvant s’y consacrer par manque de temps, d’informations ou
de
moyens
; (2)
une contrainte à respecter, pour
éviter tout dysfonctionnement pouvant nuire à l’organisation et sa réputation
;
(3)
une
opportunité
: occasion saisie / perspective à saisir par conviction et anticipation de la direction, ou bien une possibilité saisie / à saisir en réaction à l’environnement (1) exclusion : absence d’engagement en matière de RSE qui n’a alors aucun impact sur le management et les décisions stratégiques prises au sein de l’organisation qui adopte une logique purement économique ; (2) intégration partielle : la Scop vise à légitimer ses activités, en répondant aux exigences réglementaires et normatives, ainsi qu’aux attentes des parties prenantes directement liées aux 14 activités, et intégrant de manière marginale quelques actions sur le plan sociétal ; (3) intégration complète : la Scop adopte des stratégies et pratiques socialement responsables dépassant le cadre réglementaire et ses seuls intérêts, notamment économiques dans le cadre du développement de ses activités). L’analyse de l’ensemble de ces critères (les trois dimensions constitutives de la performance globale, ainsi que la perception par la direction et le degré d’intégration de la RSE dans le cadre de la gestion, du pilotage et de la stratégie) vise à caractériser les comportements adoptés par les Scop en matière de RSE qui, comme nous l’avons mis en exergue dans notre revue de littérature, peuvent aller de l’attentisme, en passant par le conformisme et jusqu’à un comportement proactif. Notre méthodologie explicitée, nous rendons à présent compte des résultats obtenus.
3. Scop et RSE, quels comportements face aux problématiques de responsabilités sociétales?
Pour chacune des cinq Scop, nous présentons, sous la forme de matrices commentées, les résultats de l’étude des trois composantes constitutives de la performance globale ainsi que de l’intégration de la RSE (pratiques réelles) et sa perception (discours tenus), nous permettant de caractériser le comportement des Scop. Nous synthétisons ensuite ces résultats pour les discuter.
3.1. Scop et RSE, des observations contrastées
Créée en 1932, la SCOP 1 représente un acteur industriel français majeur sur le marché des câbles et des fibres optiques. De taille importante (Tableau 1), elle est présente en France mais également à l’étranger. Son équipe de direction est insérée dans le réseau CGScop avec une personne au sein de l’union régionale et une participation à un atelier national, ainsi que des publications dans la revue du réseau. Depuis une vingtaine d’années, les trois dimensions de la performance globale sont pilotées simultanément : le social et l’environnement (au sens 15 large) au cœur du développement économique. La matrice 1 synthétise les données recueillies et analysées (s’agissant des différents critères étudiés) en matière de RSE. Matrice 1. Observations et évaluation de la performance globale, de la perception et l’intégration de la RSE au sein de la SCOP 1
Dimensions étudiées Performance économique Performance sociale Performance environnementale Perception de la RSE par la direction de la Scop Degré d’intégration de la RSE à la gestion, au pilotage et à la stratégie de la Scop Observations et évaluation
Les résultats économiques et financiers (croissance du CA, résultats bénéficiaires, etc.) sont supérieurs aux moyennes du secteur sur le long terme (le PDG de SCOP 1 indique « être vigilant sur la pérennité et l’indépendance, le moyen long terme, car l’entreprise n’est pas la propriété d’un noyau d’actionnaires mais elle appartient à ses salariés-associés qui transmettent l’entreprise de génération en génération »). Les outils de pilotage abordent les différentes dimensions de la performance (mise en place de sustainability balanced scorecard). Les investissements sont réalisés en tenant compte de critères extra-financiers (par exemple le système de chauffage refait sur le site français avec une chaudière réutilisant une partie des déchets de l’activité afin d’être « moins polluant, moins énergivore, plus écolo et économique », PDG). La SCOP 1 a opté pour un positionnement haut de gamme en matière de produits lui permettant de s’affranchir de la concurrence par les prix et d’entretenir de bonnes relations avec ses parties prenantes, sensibles à la qualité des produits et service proposés. ➔ Engagement et pratiques dépassant les normes du secteur d'activité (Niveau 3)
Les conditions de travail font l’objet d’un suivi rigoureux (via les nombreuses réunions de groupes de travail en interne, mais également en externe - participation de la SCOP 1 à l’atelier Qualité de vie au travail de la CGScop). De nombreux investissements dépassant le cadre légal en matière de qualité de vie au travail (ergonomie, pollution sonore, etc.), d’emplois (politique de rémunération équitable avec nombreux avantages sociaux) et de formations (% supérieur à la moyenne sectorielle) existent. La SCOP 1 communique sur ces sujets en interne (nombreuses réunions pour communiquer et impliquer, journal interne, site..) et à l’extérieur (par exemple dans la revue du réseau CGScop). La SCOP 1 recherche la coopération et le transfert des compétences (dispositifs de formation qualifiante, systèmes d’échanges et d’apprentissage via des formateurs-tuteurs, des référents accompagnateurs, de la promotion interne, etc.). Sur les pratiques sociales de la SCOP 1, le PDG souligne que c’est « un de nos objectifs de performance. C’est assez naturel dans une Scop d’avoir une très forte dimension participative. La dimension sociale est marquée et cela influence notre politique globale ».
➔ Engagement et pratiques dépassant le cadre réglementaire (Niveau 3)
La SCOP 1 a une gestion des consommations et des déchets maitrisée avec une démarche Haute Qualité Environnementale engagée depuis plus de dix ans (lauréate du prix régional de l’environnement en 1996) et des actions clairement identifiées. Sont identifiés de nombreux liens avec l’ensemble des parties prenantes : CGScop, URScop, associations, écoles, entreprises locales concurrentes ou complémentaires, syndicats professionnels, élus locaux, population via les Portes ouvertes, etc. La SCOP 1 est fortement impliquée sur le territoire : développement d’une plateforme informatique afin de faciliter le co-voiturage ; mise en place d’un atelier protégé destiné à faciliter l’insertion professionnelle de personnes en situation de handicap ; volonté de préserver l’emploi local (« En France, les concurrents ont divisé par deux les effectifs en 20 ans alors que nous les avons maintenu et même augmenté »). ➔ Engagement et pratiques dépassant le cadre légal (Niveau 3) Discours, écrits et actions de la direction traduisent un engagement volontaire et important en matière de développement durable et de sa déclinaison opérationnelle que représente la RSE qui permet à cette Scop, selon le PDG, de se différencier.
➔ (3) RSE = Opportunité (saisie par conviction et anticipation)
Les actions et pratiques portent sur l’ensemble des dimensions du développement durable (économique, social et environnemental). La RSE est totalement et volontairement intégrée dans les réflexions stratégiques et le pilotage de la SCOP 1 (qui dispose de tableaux de bord stratégiques avec un axe RSE clairement identifié) et retranscrite au travers du rapport d’activité annuel.
➔ (3) Intégration complète
A la lumière des différents critères étudiés, nous qualifions le comportement adopté par la SCOP 1 de « proactif ». En effet, dans le cadre de ses activités, cette Scop adopte des pratiques, stratégies et comportements socialement responsables dépassant le seul critère de la 16 performance économique et participe au développement durable de la Société en intégrant les dimensions sociale et environnementale à l’ensemble de ses décisions. La deuxième Scop étudiée est une coopérative de taille relativement importante (65 personnes pour une moyenne nationale de 22 dans les Scop), présente dans le secteur de l’aménagement et de l’entretien des espaces verts pour les particuliers, les s et les collectivités. Depuis sa création en 1971 par trois associés sous un statut coopératif, la SCOP 2 a le souhait de répondre à des objectifs en matière de développement durable, y compris dans des périodes difficiles comme le souligne le PDG : « Par exemple, les efforts financiers des années 2000 ne l’ont pas été au détriment des salariés, ni de l’écologie dans nos activités, car c’est un tout ». Cette Scop, dont le dirigeant actuel est le directeur régional du réseau CGScop, est ainsi volontairement engagée depuis son origine vers la recherche d’une performance globale comme le montrent les données recueillies et analysées pour chacun des critères étudiés (Matrice 2).
Matrice 2. Observations et évaluation en matière de performance globale, de perception et d’intégration de la RSE au sein de la SCOP 2
Dimensions étudiées Performance économique Performance sociale Performance environnementale Perception de la RSE par la direction de la Scop Observations et évaluation
La SCOP 2 affiche de très bons résultats économiques et financiers lui permettant de réaliser des investissements verts et socialement responsables (croissance du CA et résultats supérieurs au secteur). La SCOP 2 bénéficie d’une réputation de qualité de ses produits et services auprès de ses clients et fournisseurs qui sont associés aux activités (« On travaille en réseau, les relations se sont créées sur le long terme et sur notre territoire ils sont assez fidèles », PDG). La dimension coopérative est mise en avant (« on vend le côté coopératif », PDG). ➔ Engagement et pratiques dépassant les normes du secteur d'activité (Niveau 3)
La SCOP 2 est vigilante aux conditions de travail et aux salariés : mise en place de commissions sur chacune des activités afin de faire participer l’ensemble des personnels aux décisions ; fonctionnement par binôme afin de faciliter la transmission des compétences et la polyvalence ; accueil de jeunes en formation ; investissement en formations professionnelles du personnel. La communication interne est développée : nombreuses réunions (3 fois par an pour l’ensemble des salariés associés, feuillet d’information mensuel remis avec le bulletin de salaire afin de faciliter la transmission d’informations et les échanges, etc.
➔ Engagement et pratiques dépassant le cadre réglementaire (Niveau 3)
Les nombreuses certifications environnementales sur la gestion des consommations et déchets (ISO14000, AFAQ26000, Qualipaysage, etc.) et les nombreux liens avec l’environnement externe et le territoire (Maisons Familiales Rurales ; participation active au réseau CGScop ; lien avec Pôle Emploi pour des EMT ; prêt de matériel à des salariés dans le cadre de leur appartenance à une association ; participation à des colloques sur les Scop ; lien avec la LPO ; etc.) symbolisent l’engagement de la SCOP 2 sur cette dimension. Il y a un besoin de formaliser plus encore certaines actions et de se doter d’indicateurs de suivi des résultats (recommandations faites lors de l'audit pour l'obtention d'un score Vigeo). ➔ Engagement et pratiques dépassant le cadre réglementaire (Niveau 3)
Dans un secteur d’activité sensibilisé au développement durable en général, la direction juge « normales » les actions sur cette dimension. Le statut coopératif pousse en outre à aller plus loin pour se différencier car « ça a un coût mais on y gagne, en confort, temps, pénibilité, utilisation des produits, 17 Degré d’intégration de la RSE à la gestion, au pilotage et à la stratégie de la Scop baisse d’accidents, etc. C’est un choix collectif. » (Responsable de production)
➔ (3) RSE = Opportunité (saisie par conviction et anticipation)
La RSE est intégrée dans le pilotage de la gestion courante et les réflexions stratégiques, même si elle nécessite encore un effort de formalisation (« Dans toutes nos décisions, on regarde les trois dimensions. L’économique car il faut que ce soit viable. Le social pour la qualité de vie et l’emploi. Et l’écologique car c’est un choix collectif. C’est un ensemble. » (PDG).
➔ (3) Intégration complète
Compte tenu des données collectées et analysées sur chacune des dimensions, la SCOP 2 se caractérise par un comportement « proactif » en RSE. La recherche de performance globale par l'intégration des trois dimensions dans la construction de sa stratégie et ses pratiques managériales mobilise les trois dimensions, le PDG précisant « En sachant que chez nous ce serait plus l’économique et l’environnement et ça tire le social, mais c’est lié à l’activité ». La SCOP 3 est une société coopérative de grande taille, sur un secteur porteur, avec une ancienneté et une forte reconnaissance sur son territoire régional. Globalement, les actions de la SCOP 3 sont guidées et renforcées par son identité coopérative. Les données analysées (Matrice 3) illustrent la volonté de la direction d’avoir des pratiques responsables tant sur le plan économique et financier que social et, dans une moindre mesure, environnemental.
Matrice 3. Observations et évaluation en matière de performance globale, de perception et d’intégration de la RSE au sein de la SCOP 3
Dimensions étudiées Performance économique Performance sociale Performance environnementale Observations et évaluation
La bonne santé économique et financière (croissance du CA, résultats bénéficiaires, etc.) de la SCOP3 lui permet de réaliser ses investissements et de construire ses partenariats d’affaires sur la base de critères extra-financiers relevant des dimensions sociales et environnementales (projets avec des banques mutualistes). L’importance de la performance économique dans les activités est soulignée (« il faut être économiquement viable en tant que loueur », et « l’économique tire le social chez nous", PDG). La SCOP 3 entretient de très bonnes relations avec les clients et fournisseurs, sur le long terme, et bénéficie d’une reconnaissance par ceux-ci de la qualité des services proposés. Le statut coopératif est mis en avant dans le cadre de ces relations. ➔ Engagement et pratiques dépassant les normes du secteur d'activité (Niveau 3)
On identifie de nombreuses démarches volontaires en faveur d’actions sociales visant régulièrement à dépasser le cadre réglementaire et coopératif en matière de rémunération (salaire minimum équivalent à 125% du SMIC avec une échelle salariale de 1 à 4), d’information (communication importante mobilisant différents canaux internes et externes), de formation (investissements annuels de 4% du CA), de consultation (enquêtes et groupes de travail pour l’amélioration des conditions de travail) ou bien de décision, construites dans la perspective de positionner « l’individu, la personne au cœur du système » (PDG). Ces actions sont guidées par l'identité coopérative. ➔ Engagement et
pratiques dépassant le cadre réglementaire (
Niveau 3)
On constate que les investissements en gestion des consommations et des déchets étaient liés au directeur d’exploitation et responsable RSE (plan de retraitement des déchets ; gestion des nuisances sonores et olfactives faisant l’objet d’un suivi par groupe de travail ; recherche de produits moins polluants au travers de cahiers des charges adressés aux fournisseurs ; etc.). Suite au départ fin 2014 de ce directeur, peu de nouvelles actions ont été engagées et certaines nécessitent aujourd’hui d’être relancées. On identifie un investissement important et de longue date de la SCOP 3 en faveur de son territoire d’implantation (par exemple des subventions ou la mise à disposition gracieuse de personnels lors d’événements locaux). Perception de la RSE par la direction de la Scop
Degré d’intégration de la RSE à la gestion, au pilotage et à la stratégie de la Scop Au regard des pratiques du secteur d’activité, la RSE devient progressivement un passage obligé et c'est une opportunité à laquelle il faut répondre compte tenu de l’appartenance de la Scop au champ de l’ESS (PDG) et des pratiques développées par les concurrents (directeur d’exploitation et DRH).
➔ (3) RSE = Opportunité (saisie en réaction à l’environnement et en partie par anticipation) Si la RSE est affichée dans les discours et les souhaits de la direction, son intégration
aux
pratiques, notamment
sur la dimension environnement, est à renforcer et à systématiser : « La RSE s’est implantée progressivement au travers du volet social plutôt qu’environnemental » (le directeur d’exploitation). Si la dimension environnementale n’est pas absente de la réflexion stratégique et des actions, elle n’est pas prioritaire et souffre d’un manque de formalisme comme le souligne la DRH (« Il manque pour le moment la culture de l’écrit et des procédures au sein de notre Scop »).
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Les groupes bulbes Projets et perspectives
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En 1957, le complet succès de la mise en exploitation du
groupe de Cambeyrac, facilité par l'utilisation d'un important appareillage de mesures, nous apporta une série de
renseignements de premier ordre concernant le fonctionnement des turbo-machines axiales lors des régimes transitoires
correspondant aux différentes marches en turbine et en
pompe, pour les deux sens d'écoulement. Nous renvoyons le
lecteur aux publications existantes [9], [10], [11], [12], [13],
pour l'analyse de ces résultats, sans la connaissance desquels
les études du groupe de Saint-Malo auraient présenté de
très grandes difficultés. Nous ne reprendrons pas, non plus,
l'examen des problèmes posés par la conception et la fabrication du groupe de Cambeyrac. Nous reproduisons le dessin du moyeu sur la figure 2.2. Cette coupe montre que la
roue devait nécessairement être supportée par deux paliers
situés, respectivement, à l'aval et à l'amont des pales.
Nos étLides sur les groupes «bulbe-amont» de grandes
dimensions commencèrent en 1957, tandis que se poursuivait
la fabrication des groupes de Beaumont-Monteux et d'Argentat. En 1958, la mise en exploitation 'de la machine
d'Argentat, du type «bulbe-aval », s'effectua dans les meilleures conditions. Ce groupe développe 14,4 MW; il fonctionne, en turbine, sous une chute de 16,5 m et refoule, en
pompe, dans le réservoir amont, sous une hauteur de Il m.
Ce groupe reste encore aujourd'hui la turbine-pompe axiale
la plus puissante; il comporte une roue de 3 800 mm de
diamètre.
Toujours en 1958, avec la mise en route du groupe de
Beaumont-Monteux, commençait la série des «bulbesamont» de dimensions respectables, puisque le diamètre de
roue atteint 3 800 mm. Cette machine fonctionne de façon
continue depuis son démarrage; elle a dépassé très largement
les 100000 h d'exploitation et donne entière satisfaction. Les
dimensions moyennes de ces machines ne permettent pas de
prévoir une bonne accessibilité pour certains organes logés
à l'intérieur du bulbe, c'est le cas du palier turbine et du
joint tournant. Les résultats d'exploitation obtenus montrent
que la conception technologique, et la fabrication soignée
de ces parties de la machine, ont permis d'atteindre les buts
visés. Nous n'analyserons pas les résultats des mesures faites
sur le groupe de Beaumont-Monteux lors de sa mise en
exploitation. L'essai à l'emballement maximal pendant près
d'une heure nous paraît digne d'être signalé. Après cette
2.21
238
8. CA8ACCIet al.
male (plus de trois fois plus vite à l'emballement), nous
cherchions la confirmation des méthodes de calcul pour:
l'épaisseur du film d'huile, les répartitions des températures, les déformations, le système de réfrigération, etc.;
épreuve extrêmement sévère, supportée par la machine sans
aucun dommage, nous pouvions envisager avec confiance
la mise au point du groupe de Saint-Mailo, à l'époque en
cours de fabrication et !de montage.
En 1959, la mise en route du groupe marémoteur expérimental de Saint-Malo, du type «bulbe-amont» avec roue
en porte-à-faux, vint couronner plus de dix ans d'efforts.
Nous renvoyons le 'lecteur aux différentes publications
parues [13], [14] qui traitent des problèmes posés par la
conception et la fabrication. Le succès de l'exploitation de
cette machine, munie d'une roue de 5,800 m de diamètre,
prouva que l'utÎ'lisation des groupes axiaux de ce type pouvait s'envisager pour l'équipement des usines marémotrices
et 'des grands fleuves français.
En 1966, Pierre-Bénite ouvrait la carrière des groupes
bulbes de rivière, la Rance celle des turbines-pompes axiales
pour les usines marémotrices. De nombreux articles se rapportent à ces deux installations [2], [15], [16], articles auxquels nous renvoyons 'le lecteur.
rechercher les fréquences propres les plus basses des supports, mesurer leurs déformations maximailes, comparer
ces valeurs aux résultats Ides calculs;
-
analyser les déplacements des parties tournantes, en
marche normale et Ilors des transitoires.
Les deux premières séries de recherches aboutirent rapidement et montrèrent que le calcul permettait de dimensionner, de façon suffisamment précise, les organes porteurs et
les supports du groupe. L'analyse des mouvements des parties tournantes se révéla beaucoup plus délicate. Les déplacements verticaux lors des transitoires restaient, bien entendu, limités par le jeu du palier turbine; la roue se soulevait
sous l'influence des efforts hydrauliques et venait heurter la
partie supérieure du coussinet, puis reposait de nouveau sur
le film !d'huile. Dans les groupes verticaux, les efforts
radiaux nécessaires pour accélérer les parties tournantes
restent négligeables par rapport aux forces perturbatrices
(d'origine hydraulique ou électrique). Pour une machine à
axe vertical, des déplacements de l'arbre dans les coussinets
de l'or'dre du jeu n'impliquent donc pas, en général, l'existence d'efforts importants. Le soulèvement des parties tournantes d'un groupe bulbe pendant les régimes transitoires
prouve que les forces hydçauliques, appliquées au droit de
la roue, peuvent atteindre et même dépasser 100 t pour des
roues 'de l'ordre 'de 6 m de diamètre.
Quelques expérimentateurs ont constaté, lors de fonctionnements avec cavitation partielle, des déformations inexpliquées de l'arbre au voisinage de la roue de certaines turbomachines à axe horizontal [18]. D'après M. Rosenmann, les
forces perturbatrices seraient provoquées par un déséqui1ibre
hydrodynamique induit par la cavitation. Des jauges placées
sur l'arbre lui permettraient de mesurer les couples et les
efforts. Les forces observées variaient avec les régimes de
marche, elles pouvaient être de direction fixe par rapport à
la roue ou sauter de pale en pale.
L'importance des investissements envisagés pour l'équipement de l'usine de la Rance et des centrales du Rhône et du
Rhin, justifiait la mise au point d'un appareillage délicat,
capable de mesurer les efforts hydrauliques pulsatoires pouvant agir sur la roue lors des régimes transitoires. L'équipement de mesures d'E.D.F. permit de faire des mesures sur
la roue d'un des groupes de la Rance [19]; notre appareiHage
vient de servir aux essais sur les pales d'une des machines
de Gervans.
Avant d'analyser les essais effectués sur les roues des
turbines, nous donnerons, pour les régimes transitoires,
quelques résllitats de mesures caractéristiques concernant:
2.3. Groupes bulbes simplifiés. Troisième génération.
Avant d'aborder la dernière génération, celle des groupes
bulbes à pales et distributeur fixes, nous croyons utile de
résumer quelques-uns des essais les plus marquants effectués
sur des machines axiales de grandes dimensions. Nous avons
souvent insisté sur l'importance de la bonne tenue mécanique
des groupes bulbes lors des régimes transitoires; c'est une
condition impérative. L'idée très ancienne d'utiliser des
groupes axiaux, du type hélice, n'a pas déclenché, dès sa
naissance, un développement rapide de ce type de machines.
Ce décalage entre l'idée et les réalisations s'explique par le
fait que les constructeurs craignaient que ces turbines ne
soient le siège de vibrations dangereuses lors des régimes
transitoires. Alsthom-Neyrpic a frayé la voie, les constructeurs qui l'ont suivie ont été confrontés aux mêmes difficultés dès qu'ils ont voulu fabriquer des groupes de grandes
dimensions. C'est ainsi que L.M.Z., le constructeur russe de
Leningrad, a jugé bon de réaliser deux prototypes de conception différente pour l'usine de Saratov. L'une de ces
machines possède quatre paliers, situés respectivement de
part et d'autre du rotor de l'alternateur et de la roue de la
turbine; l'un des paliers de la turbine se trouve donc logé
dans un croisillon placé à l'entrée de l'aspirateur, cette
disposition supprime le porte-à-faux. L'autre groupe expérimental comporte trois paliers, la roue de 7,5 m de diamètre est en porte-à-faux. Ces deux machines développent
chacune 47,3 MW sous 10,6 m 'de chute et tournent à
75 tr /mn [17]. Le fait que ce constructeur ait réalisé ces
deux prototypes montre qu'i'l était préoccupé par les problèmes posés par 'le porte-à-faux.
Précurseurs, exposés donc aux échecs les plus graves, nous
croyons utile d'examiner succinctement comment nous avons
résolu les problèmes soulevés par la conception et la fabrication des groupes bulbes de la deuxième génération, c'està-'dire de machines axia'les de grandes dimensions à double
réglage.
Les premières mesures précises, sur la tenue mécanique
des parties tournantes et des supports, furent exécutées sur
la machine expérimentale de Saint-Malo [14]. Rappelons que
nous poursuivions trois buts principaux:
-
'les variations des pressions le long des parois intérieure
et extérieure des conduits hydrauliques;
-
l'évolution de :]a vitesse de la machine;
-
la variation des poussées axiales et radiales sur les
supports;
-
Iles déplacements 'des parties tournantes.
De nombreux essais de ce genre permirent, à la mise en
route des groupes de Pierre-Bénite, d'étudier les phénomènes vibratoires lors des régimes transitoires. Nous examinerons ici les expériences, faites en 1970, sur les machines
de Beaucaire qui comportent des roues de 6,250 m de
préciser les conditions de fonctionnement des paliers
supportant des charges supérieures à 100 t et tournant à
des vitesses variant de 75 à 100 tr /mn en marche nor239
diamètre. Les enregistrements eflectués pendant les premiers déclenchements à fortes puissances, dévoilèrent
l'existence de pulsations de pression assez élevées accompagnées de bruits sourds. Ces coupures d'urgence correspondaient à des fermetures linéaires du distributeur (25"
environ) et des pales. Les déclenchements, avec passage en
décharge ur, se caractérisaient par des phénomènes vibratoires moins sévères; la fermeture simultanée de la vanne et
des organes de réglage constituait donc un moyen de réduire
ces surpressions. Client et constructeur décidèrent toutefois
d'analyser, de manière pIus approfondie, les phénomènes
vibratoires qui se manifestaient lors des déclenchements.
L'intervention de la vanne lors des déclenchements, n'était
pas toujours envisageable, ce qui nous obligeait donc à
trouver des moyens pour réduire l'amplitude de ces puIsations de pression parasites, par exemple en recherchant des
lois de manœuvre mieux adaptées ou en injectant de l'air
comprimé au 'droit du cône turbine.
La figure 2.3 correspond à un déclenchement à partir de
22,2 MW avec des lois de fermetures linéaires et sans intervention de la vanne aVal!. En marche normale, avant le
dédlenchement, les pressions mesurées par les capteurs Pl'
P 2 , P:{ et P 4 (voir fig. 2.4) oscillent principaIement à la
fréquence de passage des pales, soit 6,25 Hz (1,5625 X 4).
Les amplitudes -détectées par les capteurs Pl' P 2 et Pa
restent négligeables, tan'dis que celles mesurées en P'l' à
l'aval de la roue et au point haut de l'aspirateur varient de
± 2 m et révèlent donc 'la présence de sillages liés aux pales.
Après le déclenchement, en Pa et P 4 , les amplitudes de
pulsations ,de pressions croissent lors de la montée en vitesse
jusqu'à la survitesse maximale où elles atteignent respectivement ± 7 m en P:l et ± 4 m en P4 ; à l'amont de la roue,
en Pl et P 2' les variations restent faibles et comparabies à
celles constatées en marche normale. En régime d'accélération, la roue fonctionne toujours en turbine, lorsque la
vitesse croît les sillages liés aux aubes s'épaississent et
induisent des écoulements très turbulents à l'aval de la roue,
mais il n'apparaît pas d'instabilité globaIe. La survitesse
maximale correspond à un régime d'emballement, la roue ne
fournit alors aucune énergie au fluide. L'accélération décroît
de façon continue lors de la montée en vitesse; il ne se
produit pas de variation brutale de couple, ce qui caractérise
une suite 'd'écoulements relativement stabIes.
Toujours lors de la montée en vitesse, vers l'entrée des
pales en P 5 et à leur sortie en Pc, les pressions pulsatoires
mesurées décèlent la présence des sillages liés aux aubes
(voir fig. 2.5). En P 5 , les pressions oscillent fortement, les
minima atteignent le vide pour une gamme de vitesse centrée autour de la survitesse maximale; lorsque deux pales
consécutives se trouvent de part et d'autre du point haut,
les sillages n'obstruent donc pas complètement le canal
qu'elles limitent. En Pc, à la sortie de la roue, la pression
se maintient au vide, ce qui prouve que les sillages bouchent
en moyenne complètement le canal. Une poche de vide se
forme donc, à la partie haute du conduit, vers la sortie des
aubes, pour une gamme de vitesse centrée autour de la
vitesse maximale; cette poche persiste pendant 5 à 6 s.
Au-'delà de la vitesse maximale, en régime de freinage,
apparaissent des instabi'lités d'écoulement qui se manifestent
par des pulsations de pressions sensibles à l'amont, en Pl'
P 2' et importantes à l'aval, en Pa, P 4' Ces instabilités
globales provoquent des changements brusques de couples,
donc des échanges de quantité de mouvement, phénomènes
que révèlent les variations d'accélérations constatées sur la
courbe des vitesses.
Examinons ce qui se passe dans la zone de freinage.
Au-delà de la vitesse maxima'le, l'ouverture 0 du distributeur
continue à décroître, tandis que l'inclinaison des pales i reste
pratiquement constante. A des 0 1 et il donnés, et sous la
chute d'essais, correspond une vitesse d'emballement bien
définie ne (0 1 il) = ne[' Lorsque l'ouverture du distributeur
atteint la valeur 0 1 , la vitesse nI du groupe, à cause de
l'inertie du groupe, reste supérieure à la vitesse d'emballement n e1 . La roue fonctionne donc en pompe accélératrice
en absorbant progressivement l'énergie cinétique du groupe;
plus la difIérence n[ - n el est grarrde, plus la machine tendra à accélérer le débit. Ces marches en pompe accélératrice
ont été étu'diées, à notre deman'de, par le laboratoire de
Chatou. On constate deux principaux types d'écoülements :
- fonctionnement du type emballement, avec décollements
sur l'intrados et l'extrados des pales et une torche au-delà
de l'ogive;
fonctionnement du genre pompe axiale à faible débit,
caractérisé par un rouleau à l'entrée vers la paroi extérieure, un rouleau à la sortie entourant l'ogive et un
écou'lement centrifuge dans la roue.
Le passage d'un type d'écoulement à l'autre peut provoquer de fortes variations 'de 'débit.
Il est difficile de 'définir à partir des essais, lors d'un
déclenchement, la hauteur de refoulement développée par
la machine. Les pressions à l'amont et à l'aval de la roue
pulsent très fortement, parfois leur difIérence doit dépasser
la hauteur à débit nul de la roue et provoquer de fortes
variations de débit.
Ces régimes perturbés se poursuivent tant que la vitesse
du groupe n (0, i) reste supérieure à la vitesse d'emballement
ne (0, i). On peut réduire cet écart n (0, i) - ne (0, i) dès
le 'début de la zone de freinage:
- soit en réduisant la vitesse de fermeture du distributeur
au-delà de i]a vitesse maximale;
- soit en augmentant celle ides pales;
- soit par une combinaison 'des deux.
Lors des déclenchements, on constate difIérents types de
pulsations de pressions:
- Des oscillations de fréquence voisines de celle du
passage des pales, soit 6,25 Hz. Elles se produisent plus
souvent lors des montées en vitesse, mais aussi en période
'de freinage. Les amplitüdes maximales correspondent au
point haut du conduit.
- Des osci'l!ations en phase sur tous les capteurs d'amplitude et de fréquence, variant respectivement de 10 à 20 m
et de 2 à 5 Hz. Elles n'existent que dans la zone de freinage
où se produisent des instabilités globales d'écoulement.
- Des oscillations déphasées sur les difIérents capteurs,
révélant 'des écou'lements du genre torche.
- Des pulsations brusques et d'amplitLldes importantes,
en phase sur tous les capteurs. Blles correspondent, soit à
des résorptions brutales de la poche de vide apparaissant à
la partie haute de l'aspirateur, soit à des résonances.
Rappelons que la fonction 'de transfert, qui relie les variations de pression et de débit pour une conduite à caractéristique unique, se Idéfinit par:
H (w)/V (w) = i
yo tg (w Lia)
a
·
gH o
où w, L, a, représentent respectivement la pulsation de lé!
240
S. CASACCI et al.
2.3/
P3
P4
2.4/
2.5/
l;c
______
~L-
241
qui ne diffère pas sensiblement de celui utilisé sur le groupe
AN 3 de la Rance; nous nous limiterons à l'analyse des
résultats significatifs concernant les contraintes pulsatoires
en régime permanent, en marche déconjuguée et en régime
transitoire.
Les fluctuations des contraintes, mesurées lors des fonctionnements à faible puissance (inférieure à 10 MW), se
caractérisent par une fréquence fondamentale égale à celle
de la rotation (6,2514 Hz). Les amplitlides restent faibles,
de l'ordre de 1 hb. A partir de 10 MW, des pulsations à
fréquences plus élevées apparaissent, notamment dans la
gamme des 130 à 150 Hz, gamme dans laquelle se situe la
fréquence qui correspond au quatrième mode de vibration
de la pale.
Les quatre premières fréquences propres de la pale, mesurées dans l'air atteignent respectivement:
perturbation forcée, la longueur de la corrduite et la célérité
des orrdes. La résonance se produit dorrc pour les pulsations
([2 n + 1] 12) 7t = (wL)1 a, soit pour les fréquences:
a
2n -1- 1
f-(2n-l- 1)4L =
8
avec 8=4L/a.
Les maxima, pour les débits, peuvent corresporrdre d'autre
part aux fréquences f = 2 n18. Les deux suites de fréquences
se rapportent respectivement aux harmoniques impairs et
pairs \:le 1/8.
La période forrdamentale al4 L de l'ensemble du conduit,
pour une longueur totale de 65 m et une célérité a, voisine
de 1 000 ml s, est de l'ordre de 4 Hz. L'étude des phénomènes de coup de bélier d'orrde dam des conduits de formes
complexes, et pour des écoulements comportant des poches
de vide, présente de grandes difficultés; la définition de la
célérité Ides onldes reste assez approximative.
Ces essais ont montré que les phénomènes pulsatoires,
qui se manifestent lors des dédlenchements, sont beaucoup
moins sensibles lors des passages en déchargeur que lors des
fermetures sans intervention de la vanne aval. Deux actions
favorables expliquent cette amélioration:
-
une limitation de fermeture du vannage intervient au
voisinage de la vitesse maximale; elle diminue l'écart
-
une remontée des pressions à l'avaI de la roue, qui réduit
rra poche de vi'de qui se produit au point haut de l'aspirateur à la sortie Ides aubes.
Les déClenchements normaux s'effectuent toujours par
passage en déchargeur pour bénéficier des effets favorables
de ce type Ide fermeture.
Pour améliorer les déClenchements exceptionnels, qui
n'interviennent que lors d'un incident sur la vanne, nous
avons étudié l'influence:
-
des 'lois Ide manœuvre du vannage et des pales;
d'une injection d'air.
Bien que l'amélioration apportée par une II1Jection d'air
soit importante, nous avons adopté une sùlution d'efficacité
équivalente mais de réa!lisation pratique plus simple. Nous
prévoyons une fermeture du distributeur relativement rapide, lors de la période d'accélération du groupe, pour limiter
la survitesse. Au début de la zone de freinage, nous réduisons suffisamment la vitesse de fermeture du distributeur
pour diminuer l'écart nl - nel et, partant, le coupIede
freinage. La réalisation de la loi de manœuvre n'offre pas
de difficulté, car la durée de la pério'de d'accélération reste
à peu près constante pour toutes les conditions de fermeture
à envisager.
Maître d'œuvre et constructeur prévirent, de longue date,
la campagne de mesures à effectuer sur l'un des groupes de
l'usine de Gervans qui possède une roue de 6,250 m de
diamètre. Lors de la mise en exploitation de cette machine,
nous poursuivions deux buts principaux :
-
-
40 Hz, morde de flexion avec encastrement au droit du
plateau;
2",
60 Hz, mùde de torsion autour d'une ligne modale à
peu près radiale;
3",
95 Hz, mode couplé complexe;
4',
140 Hz environ, mode couplé complexe.
Précisons que toutes les mesures de pression, à l'amont
ou à l'aval de la roue, montrent l'importance de la fréquence
6,25 Hz liée au passage des quatre pales. Les aubes voient,
d'autre part, défiler les 24 directrices, on peut donc penser
que l'amplitude des pulsations de pression, de fréquence
24 X 6,25 = 150 Hz n'est pas complètement négligeable.
Cependant, cette fréquence de 150 Hz reste assez éloignée
de la fréquence propre correspondant au quatrième mode
de vibration de la pale vibrant dans l'eau; ces perturbations,
à 150 Hz, ne peuvent donc pas exciter des pulsations de
contrainte dans' la pale.
Remarquons que le temps que met une particule fluide
pour parcourir le profil 'de la pale, reste de 'l'ordre de 0,1 s.
La roue doit donc constituer un filtre puissant pour des
perturbations ide fréquence bien supérieures à 10 Hz. C'est
le cas -des harmoniques de 'la vitesse 'de rotation se situant
dans la ban'de des 130 à 140 Hz. Les pulsations de contraintes ide fréquences voisines 'de 130 à 140 Hz, que l'on mesure
sur la pale, sont donc très probablement excitées par des
forces perturbatrices prenant naissance au voisinage des
profils eux-mêmes. Ces excitations, d'origine hydraulique,
peuvent se produire au 'droit ,de décollements apparaissant
en un point quelconque du profil.
Les fluctuations maximales des contraintes se produisent,
en général, au 'droit de l'encastrement 'de la pale sur le plateau. A la puissance de 20 MW, les oscillations à la fréquence de rotation restent prépondérantes, mais celles à
140 Hz ideviennent relativement importantes. Autour d'une
contrainte moyenne ide 5 hb, les pulsations totales atteignent
± 2,5 hb. A 27,4 MW, les amplitudes des deux types de
vibrations sont comparables, autour 'd'une valeur moyenne
de 6 hb on mesure des fluctuations totales 'de ± 3 hb environ. Pour 32,1 MW les pulsations à la fréquence de rotation
redeviennent prépondérantes, autour d'une contrainte de
6 hb, les oscillations ne sont alors que ide ± 1 hb. Enfin,
pour 34 MW les fluctuations à la fréquence 'de rotation
restent prépondérantes, la contrainte moyenne atteint presque 7 hb, mais les pulsations diminuent encore jusqu'à
± 0,8 hb.
L'analyse c1ucomportementde la machine, lors de régimes
fortement déconjugués, ne révèle pas d'accroissement sen-
nl-nel'
-
1 co,
mesurer les contraintes pulsatoires agissant sur les pales,
en régimes permanent et transitoire, et contrôler qu'elles
ne compromettraient pas la tenue à la fatigue des groupes bulbes sans réglage PF-DF;
'définir les conditions optimales d'exploitation des groupes PF-DF.
Une étude très importante avait déjà été réalisée sur l'un
des groupes de l'usine de la Rance [19], nous y renvoyons
le lecteur. Nous ne décrirons pas l'apparei1lage de mesure,
242
8. CA8ACCI et al.
la vanne aval semble moins perturbée: les pressions évoluent
plus régulièrement, les torches n'apparaissent pratiquement
pas lors du freinage, les déplacements radiaux au droit du
palier turbine sont plus réduits.
En ce qui concerne 'le démarrage et la prise de charge,
signalons que la montée en vitesse se fait progressivement et
que 'le couplage s'effectue dans 'de bonnes conditions.
Nous dirons enfin quelques mots sur la coupure d'urgence
par la vanne amont. Ce type de fermeture provoque des
écoulements beaucoup plus perturbés que ceux qui se produisent lors d'une coupure par la vanne aval. Il faut n'y
recourir qu'après avoir épuisé toutes les autres possibilités.
Il serait inutilement risqué 'de fermer la vanne amont à la
suite d'incidents réparables assez rapidement, incidents se
rapportant, par exemple, aux composants du système de
commande 'de la vanne aval. Les essais sur modèle révèlent
des 'déséquilibres importants dans les écoulements à l'emballement, au droit de 1a roue; ces déséquilibres s'accentuent
lors 'd'une coupure amont. Les phénomènes, 'liés au fonctionnement 'de la roue en pompe accélératrice lors du freinage, seront moins 'défavorables vu la longueur du temps
de fermeture cie la vanne amont.
sible des amplitudes des contraintes moyennes et pulsa:toires
par rapport à celles mesurées en marche normale. Les amplitudes maximales se manifestent pour une gamme ,de puissances bien limitée et bien 'définie, la même pour les fonctionnements normaux et pour les régimes ·déconjugués.
Les contraintes mesurées lors 'des 'déclenchements restent
très acceptables. Les perturbations les plus visibles prennent
naissance pendant la période de freinage. Les pulsations de
contraintes sur les aubes et les variations 'du coup1e 'de freinage se manifestent simultanément, mais ne possèdent pas
en général la même fréquence. Les efforts hydrauliques, qui
tendent à soulever les parties tournantes de la machine,
apparaissent surtout lors de la décélération 'du groupe. Ces
efforts sont détectés par la mesure des C1éplacements verticaux de l'arbre par rapport au coussinet du palier situé
immédiatement à ramont de la roue.
Cette nouvelle et importante campagne d'essais, effectuée
sur un des groupes de Gervans, montre que la tenue des
machines bulbes, lors des transitoires, ne soulève pas de
grande 'difficulté si les 'lois 'de manœuvre 'des organes de
vannage sont judicieusement choisies. Ces mesures nous ont
aussi permis de connaître, de façon p'lus précise, les efforts
hydrauliques qui agissent sur les pales pendant 'les régimes
permanent, conjugué, 'déconjugué et transitoire. Ces 'données
de base plus exactes faci'literont la détermination des coefficients de sécurité à a:dopter pour le dimensionnement des
organes principaux des groupes bulbes de grandes puissances. Enfin, ces expériences prouvent que 'la mise en exploitation des groupes bulbes, à pales et distributeur fixes, peut
être envisagée avec grande confiance. En vue 'de cette mise
en route prochaine, des essais complets sur les transitoires
des groupes bulbes PF-DF ont aussi été exécutés.
Nous avons déjà décrit succinctement les essais de coupure, par la vanne aval;' 'du groupe de Wadrinau dont la
roue fait seulement 3 050 mm de diamètre. Les roues des
machines PF-DF de Sauveterre atteignent 6900 mm de
diamètre, nous avons 'donc jugé utile 'de refaire 'des essais
sur 'le groupe de Gervans 'de 6 250 mm de diamètre.
Nous n'étudierons pas les groupes 'du type Sauveterre,
analysés par M. Beslin, ingénieur à la C.N.R., dans son
rapport; «Idées actuelles sur la conception des groupes
bulbes. Exemple de Caderousse », nous appuierons seulement
sur quelques-unes des particularités teChniques de ces
machines. La fixation des aubes, sur le moyeu d'une roue
hélice à pales fixes, soulève des difficultés moindres que
celles posées par la conception mécanique d'une roue hélice
à pales mobiles. L'absence 'de jeu, le dimensionnement relativement large des accouplements, etc., confèrent aux roues
hélices à pales fixes, une plus grande aptitude à supporter
des contraintes pulsatoires élevées. La grande rigidité cie la
ligne d'arbre, la réduction du poids de la roue et donc de la
charge sur 'le palier turbine constituent des éléments favorables. Enfin, le distributeur à aubes fixes forme, dans son
ensemble, un support de très grande raideur. Pour ce type
de groupe, les 'déformations des pièces mobiles et fixes
resteront faibles sous l'effet des forces d'origine hydraulique
et électromagnétique, tandis que les fréquences propres
seront assez hautes.
Les essais de transitoires sur le groupe 'de Gervans, avec
pales et distributeur bloqués à des ouvertures correspondant
aux caractéristiques des machines de Sauveterre, montrent
que ,les phénomènes pulsatoires ne sont pas plus ,défavorables
que ceux mesurés lors des coupures d'un groupe à double
réglage. Au contraire, la fermeture d'un groupe PF-DF par
3. - Conclusions
et perspectives
Depuis Castet, mis en route en 1953, jusqu'à Caderousse,
en cours 'de fabrication, en passant par les centrales équipant
le Rhône, le Rhin, la Garonne et 'l'usine marémotrice de la
Rance, la réussite des groupes b111bes s'avère éclatante. La
plus grande partie 'des 212 groupes bulbes (74 de plus de
5 m de 'diamètre) fabriqués par les constructeurs français du
groupe N-CL fonctionnent de façon satisfaisante, tandis que
quelques-unes de ces machines se trouvent encours de
fabrication ou de montage; la division Neyrpic 'd'Alsthom
en a contruit 125 environ, dont 57 de plus ide 5 m de ,diamètre ,de roue. La puissance unitaire maximale en fonctionnement revient aux machines de Beaucaire, avec 35 MW
pour un diamètre de roue de 6 250 mm et une chute maximale 'de 15,3 m. Les deux groupes de Sauveterre, encours
de montage, comportent des roues 'de 6 900 mm.
En dehors des soviétiques, 'les autres constructeurs étrangers ont construit plus de 200 groupes axiaux de plus de
1 000 kW de puissance unitaire. Les diamètres des roues de
ces machines axiales restent inférieurs à 5 m, sauf celIes
prévues pour les installations de Ottensheim (sur le Danube),
Iffezheim (sur le Rhin) et Hedmark en Norvège, dont les
diamètres atteignent 5 600 mm.
Les deux constructeurs soviétiques 'de Leningrad et 'de
Kharkov ont construit 56 groupes bulbes; pour 54 de ces
machines les diamètres de roue vont de 5,5 à 6 m et les
puissances de 18 à 23 MW. Les deux groupes expérimentaux
de Saratov comportent des roues de 7,5 m de diamètre et
développent 47,3 MW sous 15 m de chute.
Maîtres 'd'œuvre et constructeurs français, promoteurs de
cette technique, voient avec grand contentement l'accomplissement de ce qu'ils attendaient. Les constructeurs se
doivent de remercier les clients français pour leur soutien
enthousiaste qui a stimulé 'le développement de ces machines.
Leur attitude constructive a grandement favorisé la résolution des quelques difficultés inévitables, apparues lors de la
mise en exploitation des premiers groupes bulbes de grandes
dimensions.
243
à patins. Le palier, côté turbine, dont 'la charge peut atteindre 130 t, comprend quatre patins, seuls les deux situés à la
partie inférieure, de part et d'autre du plan vertical médian,
supportent la charge. Les deux patins logés à la partie
supérieure, limitent les déplacements de l'arbre et ne travaillent que lorsque les efforts hydrauliques soulèvent les
parties tournantes pendant certains régimes transitoires. Le
deuxième palier, p'lacé à l'amont 'de l'alternateur comporte
cinq patins dont trois à la partie inférieure. L'axe de pivotement du patin 'le plus bas se situe dans le plan médian du
palier, ce patin supporte donc la majeure partie de la charge.
Pour 'des charges de 100 à 130 t, on pourrait aussi prévoir
un seul patin inférieur d'angle au centre voisin de 90". Avec
des charges de l'ordre de 250 t, on a intérêt à réduire la
surface 'des patins pour limiter les 'déformations d'origine
mécanique et thermique; l'adoption d'une double couronne
de patins constitue alors une solution satisfaisante. Une
bonne répartition des charges entre les patins, et le maintien
de la position re'lative des patins sous charge, restent les
conditions indispensables à satisfaire. Précisons, pour
conclure, que 'les essais effectués sur les paliers à patins des
machines de Gerstheim, avaient été précédés d'une étude
théorique approfondie et 'd'essais sur un madèle réduit [20].
L'énorme volume de mesures sur machines industrielles
concernant les forces hydrodynamiques perturbatrices, le
comportement mécanique d'ensemble ainsi que les nombreux
essais sur modèle réduits hydrauliques et mécaniques, nous
permettent d'envisager avec une abso'lue confiance la construction de groupes bulbes munis de roues dépassant 7,5 m
de diamètre et capables de !développer des puissances de
plus de 50 MW. Ces machines viendront compléter la gamme
des 212 groupes bulbes, dont 74 -dépassent 5 m de diamètre,
26, 6 m, et 4 atteignent 6,9 m : ensemble de machines
construites par les constructeurs 'français du groupe N-CL.
Après le passé, examinons le proche avenir.
Le tableau ci-après donne les caractéristiques des principaux projets en étude:
NOM DU SITE
PAYS
NOMBRE PUISSANCE
DE
(MW)
GROUPES
H
(m)
Péagede- Roussillon
France
Belver
Portugal.
1
34
12
Crestuma
Portugal.
3
35
10,50
Rock-Island
U.S.A.
8
56
13,30
Racine
U.S.A.
2
19
6,70
Vancebourg
U.S.A.
3
25
8,40
Canelton
U.S.A.
3
25
8,40
Portes de fer
Roumanie
Yougoslavie
16
28
7,45
3
25
--10
3
38
15
Chocon
Aval
4
40
11,40
,'.. :"\.: ...
Argentine
:
Certains de ces projets, en cours d'étude, comporteraient
des machines avec des roues 'de 7500 mm de diamètre, cet
accroissement des dimensions soulève de nouveaux problèmes. Signalons tout d'abord que la facilité de montage de
l'alternateur, qu'offre 'la disposition avec chambre d'eau,
rend, pour les groupes de grandes 'dimensions, cette solution
beaucoup plus favorable que celle « en conduite ». La chambre d'eau permet aussi de monter séparément la turbine et
l'alternateur et de gagner ainsi en délai; 'de plus, les supports
« amont », situés au droit de l'alternateur, ont moins d'influence sur les écoulements et peuvent donc être mieux
adaptés à leur fonction. Un demi-avant distributeur à la
partie supérieure, disposition mécanique adoptée pour les
groupes de Beaucaire, Gervans, Avignon, complèterait les
appuis du groupe. Le bon fonctionnement de ces machines
de grandes dimensions exige que les déformations 'des supports restent faibles par rapport aux déplacements relatifs
admissibles des parties tournantes et des parties fixes. Le
calcul de ces déformations doit tenir compte de tous 'les
régimes de fonctionnement ainsi que des inégalités d'échauffement.
L'augmentation des dimensions exige une étude plus
approfondie du dimensionnement des parties tournantes et
de leurs appuis. Il faut contrôler sérieusement que forces et
couples pulsatoires, d'origine hydraulique ouélectromagnétique, n'excitent pas les premiers modes de vibrations (torsion, flexion) des parties tournantes. La 'disposition avec
trois paliers s'impose pratiquement pour les groupes bulbes
de grandes dimensions. Le calcul 'des réactions sur les paliers,
pendant les régimes transitoires et à l'emballement, doit
prendre en compte les efforts et coup'les pulsatoires 'd'origine
hydraulique. Pour 'des groupes développant 40 à 50 MW, et
comportant 'des roues de 7,5 m de diamètre, la charge sur le
palier turbine 'dépasse 250 t. Deux des groupes qui équipent
la centrale de Gerstheim, sur le Rhin, comportent des paliers
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dans les usines de basse chute, ou à titre d'équipement
accessoire dans les barrages de ces mêmes usines, ou dans
les digues des bassins de réfrigération des grandes centrales
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[19] J. L'HERMITTE. - Analyse des contraintes relevées sur une pale
du groupe A3N de la Rance. La HOllille Blanche, n" 5, 1968.
[20] G. PÈRE. - Etude d'un palier porteur à patins pour turbines
hydrauliques à axe horizontal. Mémoire CNAM, 1966.
Discussion
Président: M. P. CAZENAVE
J
, - - - _.
M. le Président remercie chaleureusement M. CASACCI de son
très intéressant exposé et ouvre la discussion:
M. KAMMERLOCHER demande quelles sont les limites actuelles des
groupes bulbes en ce qui concerne leur fonctionnement en pompe
(hauteur de refoulcment limite, en particulier)?
M. CASACCI, d'accord avec M. DUPORT, n'estime pas raisonnable
de faire fonctionner de telles machines sous des hauteurs de refoulement supérieures à 20 m. Si cette valeur n'est pas un butoir du
point de vue technique, elle l'est très probablement du point de vue
économique, notamment en ce qui concerne l'enfoncement nécessaire
pour limiter les usures dues à la cavitation.
et le socle du bulbe sont bien carenes et les sections cI'écoulement
bien choisies, il n'y a pas de perte de rendement mesurable (voir
p. ex. Bulletin Escher Wyss, 1957, 2°). La proposition de supprimer
cet accès ne peut être justifiée, à son point de vue, que par un désir
d'économiser sur la construction au détriment de l'exploitation. Car
le personnel a certainement le plus grand intérêt à pouvoir accéder
directement et en service aux parties délicates que sont le palier, la
butée et le joint d'arbre.
Mais, répond M. DUPORT, le rendement de la turbine n'est pas
la seule considération qui intervient dans la détermination des moyens
d'accès. Dans les machines très poussées, la présence d'un sillage
ou même simplement d'un défaut par rapport à l'axi-symétrie de
l'écoulement à l'amont du rotor peut être à l'origine, non seulement
de pertes de rendement - et je reconnais qu'elles peuvent être extrêmement modestes - mais de J'apparition de cavitation, à l'origine de
vibrations et de fatigue. Construisant des machines que l'on voulait
très poussées, pour les raisons économiques que M. CASACCI a fort
bien exposées, il est évident que nous avons été extrêmement circonspects quant à la présence cIe ces sillages.
Je crois que l'attitude à observer sur ce point dépend beaucoup
du caractère plus ou moins poussé du rotor du point de vue cavitation, fatigue et risques éventuels de vibrations des aubages.
M. ANDRÉ intervient en ces termes:
M. CASACCI, dans son exposé, a fait allusion à des solutions
d'avenir concernant d'une part les accès à la turbine par l'alternateur,
ct d'autre part un cercle de vannage situé à l'intérieur du conduit.
Les solutions envisagées attirent de la part de l'exploitant les deux
remarques suivantes:
10 Il cst vivemcnt souhaitable de pouvoir accéder à la turbine sans
avoir à passer par l'alternateur. En effet, plusieurs incidents semblent
consécutifs à des blessures d'isolant causées par le passage des
hommes à l'intérieur du stator. Dans le cas où il est impossible de
faire autrement, il est recommandé de prévoir des caches permettant
la circulation sans endommagement de l'isolant.
2° Dans le cas où le cercle de vannage ne serait pas accessible, il
paraît fondamental que les pièces de rupture (biellettes de rupture
ou goujons de cisaillement) le soient aisément, car il semble que le
nombre de ruptures constatées sur les bulbes soit un peu plus important que dans les Kaplan. Ceci n'est pas une certitude et tient peutêtre seulement au fait que le nombre de machines par usine est
généralement plus grand pour les bulbes, aucune statistique précise
n'ayant été établie à ce sujet. Toutefois, les vitesses spécifiques
élevées, l'espacement des grilles et le type d'écoulement rendent
vraisemblable le passage d'un nombre plus grand de corps entre
deux caux dans les directrices.
M. MEYSTRE ouvre un débat sur un vieux mais fort intéressant
problème par l'intervention ci-après:
Je suis heureux, dit-il, que M. CASACCI ait montré un diagramme
comparatif des pertes dans un aspirateur coudé (cas des Kaplan)
et un aspirateur rectiligne (cas des groupes bulbes). D'autre part,
M. ANDRÉ, de son côté, a signalé que les performances de l'aspirateur
des groupes bulbes ne s'étaient pas révélées aussi nettement supérieures à cclles des aspirateurs coudés que l'on espérait à l'origine.
C'est là un point très important sur lequel j'aimerais revenir. 11 faut
rappeler que l'influence de la forme de l'aspirateur - coudé ou
rectiligne - n'est pas du tout négligeable, contrairement à ce qui
vient d'être dit. On constate d'abord que la part de transformation
d'énergie dans la turbine à attribuer au diffuseur augmente considérablement avec la vitesse spécifique du groupe et atteint 40 à 45 %
pour un n, de 900. Une variation de 10 % du rendement de l'aspirateur y entraîne donc une variation de 4 à 5 % du rendement de
la turbine. Or les pertes dans l'aspirateur d'lIne tllrbine rapide représentent pilis de la moitié des pertes totales cl pleine charge.
Que la transformation d'énergie cinétique en énergie de pression
s'efIectuera avec un meilleur rendement si elle n'est pas accompagnée
d'un changement de direction est évident. En outre, un tourbillon
- qui existe à l'entrée de l'aspirateur pour toute charge non optimale - est ralenti et disparaît presque dans un diffuseur droit et
circulaire tandis qu'il persiste, horizontal, jusqu'en aval de la sortie
d'un aspirateur coudé, occasionnant parfois même, d'un côté, un
retour de courant dans le diffuseur, ce qui détruit l'effet de décélération que l'on en attencl. La pilis grande partie de la différence de
rent/cuIent entre les deux types de turbines revient donc certaillel1lenl
cl l'aspirateur rectiligne pilis favorable.
M. CASACCI répond en ces termes:
1" La question se pose de savoir si avec des machines eneore plus
fiables quc les groupes bulbes actuels, il restera rentable de prévoir
des puits c1'accès qui augmentent la longueur des groupes et provoquent des sillages dans le distributeur. Le constructeur se pliera
cependant aux désirs de l'exploitant qui seul, peut décider en définitive.
2° Lorsque la commande de vannage sera située à l'intérieur du
bulbe, il sera bien entendu indispensable que tous les mécanismes
de cette commande soient accessibles. On peut prévoir un passage
à travers l'alternateur ou par une cheminée verticale prévue dans
une avant-directrice.
M. MEYS'mE ne croit pas que l'aménagement d'un puits d'accès
aux paliers côté turbine diminue le rendement de la turbine bulbe.
Escher Wyss dut procéder il des essais comparatifs très poussés pour
les groupes cie Trèves (Moselle) et constata que, si les puits d'accès
245
D'ailleurs, des essais comparatifs, efIectués sur un même modèle
de turbine Kaplan avec bâche spirale, montrèrent une amélioration
analogue du rendement à pleine charge par le simple remplacement
d'un aspirateur coudé par un diffuseur droit. Il faut donc admettre,
les pertes d'énergie dans la bàche spirale étant faibles, que l'amélioration du rendement par suppression de la spirale serait presque
insignifiante (au maximum de 1 % à pleine charge).
Ceci souligne bien l'influence du difIuseur sur le rendement et celle
de la forme de l'entrée sur le débit maximal ou spécifique. Les deux
parlent en faveur de la turbine bulbe. Et M. MEYSTRE pense que ces
qualités ont probablement autant de poids que l'économie que ces
turbines permettent sur le génie civil, surtout lorsqu'on voit ln
rapidité avec laquelle l'argent se dévalue tandis que l'énergie hydraulique devient toujours plus précieuse.
les groupes fixes que l'on envisage à l'heure actuclle, seront à leur
tour considérés comme des groupes classiques.
M. lc Président clôt la discussion et tire en ees termes la conclusion de la séance:
Nous devons des remerciements à la Société Hydrotechnique de
France qui a préparé les exposés d'aujourd'hui dans des styles qui
ont été, en général, très différents. Mais je crois qu'il faut remercier
très sincèrement tous ceux qui, aujourd'hui, sont venus rapporter à
la tribune ainsi que tous ceux qui, dans l'ombre, avaient travaillé
pour permettre l'établissement de ces rapports, et aussi, bien entendu,
ceux qui sont intervenus.
Cela dit, je pense que vous permettrez il un Président qui est un
peu dans l'action et qui, sur une quantité de questions qui ont été
évoquées ici, aurait souhaité pouvoir ajouter quelques précisions, de
dire que nous espérons trouver, dans La HOllille Blanche, très prochainement, beaucoup de renseignements numériques, d'indications,
de nuances qui n'ont pu être exprimés iei.
Je ne pense pas qu'il y ait divergence de vue entre M. ANDRÉ et
M. MEYSTRE sur ce point, répond M. CASACCL Dans les mesures
faites sur nos groupes bulbes. M. ANDRÉ précise qu'il n'a pas trouvé
des rendements d'aspirateurs supérieurs à ceux obtenus sur des
Kaplan. J'ai signalé que nous ne recherchions pas au début de nos
études sur les machines axiales un accroissement des rendements,
mais une augmentation des puissances spécifiques. En ce qui concerne
l'influence des accès sur les performances de la machine, il va de
soi qu'elle dépend beaucoup de la puissance spécifique.
Je ferai ensuite, en guise de conclusion, deux petites remarques,
l'une historique qui se rapproche d'ailleurs un peu d'une intervention
de M. DUPORT, l'autre à earaetère économique.
En ce qui coneerne l'histoire, vous avez pu le voir, M. COTILLON
qui s'était chargé de cela et de bien autre chose, ne s'est pas contenté
de constater des faits; il a fait œuvre d'historien authentique en
s'attachant à retrouver les causes et en cherchant à bâtir à travers
les événements une construction logique, parfois même trop logique,
et e'est peut-être ce qui a poussé M. DUPORT à intervenir, car le
travail de l'historien permet de donner des événements des explications scientifiques dont 1cs protagonistes, dans l'action, n'avaient
souvent qu'une vague intuition. Il en était ainsi, je l'avais personnellement noté, et c'est ce qu'a dit M. DUPORT, d'un point qui a passé
très vite dans le rapport et que M. COTILLON n'a pas présenté.
Il s'agit du fameux rapport d'équivalence de 1,15 entre les diamètres
de maehines verticales et les diamètres de bulbes, qui pouvait donner
l'impression d'avoir été senti ou connu très tôt alors qu'en réalité
il n'était même peut-être pas encore perçu par tous aujourd'hui.
Ceci explique d'ailleurs certaines divergences dans les comparaisons,
au moins dans les comparaisons économiques.
Je crois qu'il faut noter que, surtout dans son enfance, la progression d'une technique, comme celle de toutes les activités humaines, doit autant à l'intuition, à la passion et à la foi qu'à la construetion scientifique; l'histoire des bulbes, qui aurait d'ailleurs un
organigran1me extrêmement compliqué - et c'cst ce qui, dans votre
exposé, mériterait d'être schématisé l'histoire des bulbes a été
fort compliquée avant la percée finale de Saint-Malo (car c'est en
fait Saint-Malo qui a fait la percée finale comme cela a été dit par
un intervenant). On pourrait tracer un schéma de cette histoire avec
des « points de branchement» qui pourraient porter les noms des
pionniers.
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dumas-03720704-Med_Spe_2022_Ratouit.txt_1
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French-Science-Pile
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Open Science
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Évolution des virémies EBV chez les patients présentant des lymphomes malins. Sciences du Vivant [q-bio]. 2022. ⟨dumas-03720704⟩
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Évolution des virémies EBV chez les patients présentant des lymphomes malins Pauline Ratouit
HAL is a multi-disciplinary open access the and mination of scientific research documents, whether they are published or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires public ou
U.F.R. DES SCIENCES MÉDICALES Année 2022 Thèse n°3036 THÈSE POUR L’OBTENTION DU DIPLOME D’ÉTAT DE DOCTEUR EN MÉDECINE Présentée et soutenue publiquement par Pauline RATOUIT Née le 13/11/1995 à Poitiers Le 14 juin 2022 Évolution des virémies EBV chez les patients présentant des lymphomes malins sous la direction du Dr TUMIOTTO Camille Composition du jury
Présidente : Pr LAFON Marie-Edith Membres : Pr DUBOIS Véronique Dr FORCADE Edouard Dr IMBERT Sébastien Dr TUMIOTTO Camille
The peak-end rule. “
Memory was not designed to
measure
ongoing happiness, or total suffering. For survival, you really don’t need to put a lot of weight on duration of experiences. It is how bad they are and whether they end well, that is really the information you need as an organism”.
Daniel Kahneman,
2003. 2 REMERCIEMENTS
Je remercie tout d’abord le Pr Marie-Edith Lafon pour m’avoir fait l’honneur d’être la présidente de mon jury. Un immense merci pour vos précieux conseils lors de la rédaction et pour votre important soutien dans mes divers projets professionnels. Merci aussi pour m’avoir accueilli dans votre service de virologie qui restera un semestre charnière dans mon internat. Je remercie le Pr Véronique Dubois pour la spontanéité avec laquelle tu as accepté d’être membre de mon jury de thèse. Merci pour ton accessibilité et tes enseignements lors de mes semestres en bactériologie. Je remercie le Dr Edouard Forcade d’avoir accepté d’être membre de mon jury. Merci pour l’attention donnée à mon travail et l’expertise que vous y apporterez. Je remercie particulièrement le Dr Sébastien Imbert d’avoir accepté de participer à mon jury de thèse et d’en être le rapporteur. Je te remercie pour tes précieux conseils sur le plan professionnel, pour tes enseignements et ton humour lors de mon semestre dans ton service. J’adresse toute ma reconnaissance à ma directrice de thèse le Dr Camille Tumiotto. Je te remercie pour m’avoir fait confiance en me proposant ce sujet puis pour ton encadrement, ta disponibilité et ta bonne humeur. C’était un vrai plaisir de travailler avec toi, en espérant d’en avoir l’occasion à nouveau. À l’équipe de bactério : Céline, Estelle, Hélène & Lucie, à nos soirées sous les projecteurs et à nos matins dans le brouillard! À tous mes co-internes de biologie médicale avec qui j’ai déjà passé trois folles années d’internat et principalement : Alicia, Audrey, Claire, Oliver, Marie-Laure, Picano, Quentin, Sahel, Sartrus & Victor. À mes partenaires financiers de la start-up Clément & Clément, avec lesquels nous avons monté de nombreuses filiales lucratives en particulier dans le secteur de la seringue et de l’immobilier. À mes chers amis avant d’être mes co-internes : Anaëlle, Clément, Elliot, Elodie, Marion & Tara. Une promotion de joie, de rires, de voyages, d’ivresse et de folie. On en a perdu beaucoup de points de vie ensemble, mais c’est une perte sans aucun regret! Hâte de passer nos dernières années de biologistes à Tahiti dans notre établissement innovant : labo la journée et bar la nuit! À ma famille de médecine, à nos longues heures en BU, à nos foutus QCM, à nos nombreux shots, à nos mojitos, à nos week-ends, à nos soirées GOT, à nos WEI, à nos Reichstags, à nos Beer-pongs, à nous les Moches : Béran, Etienne, Guigui, Gwen, Hugo, Jeannot, Juju, Louise, Pupute & Vincenzo. À mes parents, pour m’avoir toujours soutenue durant ces longues études. À ma sœur, pour m’avoir transmises ses passions du voyage, du cinéma, de la fête et tout simplement pour m’avoir appris à profiter de la vie. À mes chers amis de lycée et compagnons de voyage, Lucas & Pierre. À ma précieuse amie d’enfance Laura, fan de Friends, hôte prestigieuse et organisatrice perfectionniste. À mon ami de toujours Paul, présent depuis les bancs de la maternelle. Tu as toujours su me conseiller que ce soit dans ma vie personnelle que professionnelle. Et je remercie infiniment mon écureuil Tic qui se reconnaitra. Ma coéquipière de tous les domaines. Une harmonie parfaite entre le travail et la débauche, c’est rare.
3 TABLE DES MATIÈRES
Liste des figures 6 Liste des tableaux 7 Liste des abréviations 8
I
. 9 Introduction Partie A : Le virus Epstein Barr 1) Généralités a) Histoire b) Épidémiologie c) Structure du virus d) Organisation du génome 9 9 9 10 10 10 2) Le cycle viral a) Entrée dans les cellules cibles 11 11 b) Les différents
cycles
de vie de l’EBV c) Persistance et réactivation du virus 3) Pathologies liées à l’
EBV
a
)
Primo
-
infection b) Lymphome de Burkitt
12
13 14 14 14 c) Lymphome hodgkinien d) Syndrome lymphoprolifératif post-transplantation
e)
Carcinome in
différencié du nasop
hary
nx f) Leuco
plas
ie
chevelu
e de la langue 4) Diagnostic biologique de l’EBV 15 15 15 16 16 a) Diagnostic indirect b) Diagnostic direct i. Méthode moléculaire ii. Méthode anatomopathologique 16 17 17 18 5) Traitements anti-EBV Partie B : Lymphomes et traitements 1)
Définition et classification 2) Épidémiologie 3) Les traitements couramment utilisés a) Le rituximab b) Les polychimiothérapies c)
La
greffe de
cellul
es souches hé
matopoïétiques 19 20 20 20 21 21 23 23
4 4)
Prise en charge des
syndromes
lymph
oprolifératifs post
transplantation
a) Diagnostic
b) Intérêts de la PCR EBV c)
S
tratégies thérapeutiques
24
24 24 25 II. Objectifs 25
III. Matériels et méthodes 26
1) Design de l’étude 2) Recueil des données clinico-biologiques 3) Dosages biologiques a) La PCR EBV b) La sérologie EBV 26 26 26 26
28 IV. Résultats
1) Revue des PCR EBV au CHU de Bordeaux a) Prescriptions par services b) Résultats globaux des PCR 29 29 29 29 2) Étude de la population a) Constitution du groupe d’étude b) Présentation de la population d’hématologie c) Caractéristiques de la population d’étude 30 30 31 32 d) Les PCR EBV chez les patients présentant des lymphomes 3) Impact du rituxima LISTE DES FIGURES
Figure 1. Structure de l’EBV 10
Figure 2. Génome
de
l’EBV 11 Figure 3. Cycle biologique de l’EBV 13 Figure 4. Lymphocyte activé lors d’un syndrome mononucléosique 14 Figure 5. Principes généraux de la PCR 17 Figure 6. Cinétiques des anticorps anti-EBV et de la charge virale EBV à partir de la primo-infection 18
Figure 7.
Hybridation
in situ positive aux
EBER de l’EBV (couleur bleu) dans le noyau d’une cellule tumorale 19
Figure 8. Focus sur l’incidence
des
lymp
homes
en
France sur
l’année 2018 21 Figure 9. Schéma d’un anticorps 22 Figure
10. Mécanisme d’action du rituximab 22 Figure 11. Principes d’une sonde TaqMan® 27 Figure 12. Principes d’une PCR avec une détection en temps réel 28 Figure 13. Répartition des services prescripteurs de PCR EBV 29 Figure 14. Élaboration des pools de PCR EBV 31 Figure 15. Répartition des PCR EBV en fonction du contexte clinique 32 Figure 16. Évolution d’une CV EBV positive sous rituximab 34 Figure 17. Évolution d’une CV EBV positive sans rituximab 34 Figure 18. Évolution de la CV EBV PF selon le profil n°1 35 Figure 19. Évolution de la CV EBV PF selon le profil n°3 35 6
LISTE DES TABLEAUX Tableau 1. Famille des herpèsvirus 9 Tableau 2. Différents profils sérologiques de l’EBV 16 Tableau 3. Interprétation des sérologies EBV par les kits ARCHITECT® d’ABBOTT en S/CO 28 Tableau 4. Résultats des PCR EBV 30 Tableau 5. Caractéristiques de la population 32 Tableau 6. Revue des PCR EBV chez les patients présentant des lymphomes 33 Tableau 7. Profils des patients présentant des lymphomes 33 Tableau 8. Description des CV PF 36 Tableau 9. INTRODUCTION Partie A : Le virus de l’EBV 1) Généralités :
a) Historique : L’histoire du virus d’Epstein-Barr (EBV) commence en 1958 avec le chirurgien anglais Denis Burkitt qui décrit pour la première fois des cas de de tumeurs lymphoïdes à localisation maxillaire chez des enfants africains. Puis en 1964, le virus est mis en évidence par Yvonne Barr, étudiante de l’équipe du virologue Michael Anthony Epstein, par microscopie électronique de biopsies de lymphomes. Le virus est nommé « Epstein-Barr » en leur honneur(1,2). Dans les années qui suivent, il est démontré que l’EBV est l’agent infectieux responsable de la mononucléose infectieuse (MNI)(3). L’EBV possède également un rôle oncogénique attesté par sa capacité à induire in vitro l’immortalisation des lymphocytes B. Cela lui permet l’établissement de lignées cellulaires lymphoblastoïdes (LCLs) (4), faisant de lui le premier virus humain oncogène. Son génome est entièrement séquencé en 1984(5). Le virus Epstein-Barr fait partie de la grande famille des herpesviridae et plus particulièrement de la sous-famille des gamma-herpesvirinae du genre lymphocryptovirus. Il peut aussi être désigné sous le nom d’herpèsvirus de type 4 (HerpesHuman Virus 4 : HHV4). Tableau 1. Famille des herpèsvirus
Nom Taxonomique HHV-1 Alphaherpesvirinae HHV-2 HHV-3 HHV-5 Betaherpesvirinae HHV-6 HHV-7 HHV-4 Gammaherpesvirinae HHV-8 Sous Famille Nom commun Genre Herpès Simplex type 1 (HSV-1) Herpès Simplex type 2 (HSV-2) Varicelle Zona Virus (VZV) Cytomégalovirus (CMV) Herpès Virus Humain 6 Herpès Virus Humain 7 Epstein-Barr Virus (EBV) Herpès Virus associé au sarcome de Kaposi (KSHV) Simplexvirus Simplexvirus Varicellovirus Cytomegalovirus Roseolovirus Roseolovirus Lymphocryptovirus Rhadinovirus 9
b) Epidémiologie : L’EBV est un virus ubiquitaire avec une séroprévalence d’environ 95% sur l’ensemble de la population mondiale. Son réservoir est strictement humain et la transmission se fait par contact rapproché, principalement par voie salivaire. Cependant, l’âge du premier contage diffère selon la zone géographique. Dans les pays en voie de développement, le virus est rencontré tôt dans l’enfance, avec une primo-infection généralement asymptomatique(6). Par opposition, dans les pays industrialisés, le contage peut être plus tardif (adolescence) avec un risque plus important de développer une mononucléose infectieuse ou « maladie du baiser ». c) Structure du virus : L’EBV est un virus à ADN linéaire double brin allant de 172 à 184 kpb et mesure entre 150 à 200 nm de diamètre. Appartenant à la famille des herpesviridae, il possède les caractéristiques communes de cette dernière : une nucléocapside icosaédrique protégeant le génome viral, un tégument et une enveloppe virale portant plusieurs glycoprotéines virales (Figure 1). L’enveloppe est constituée d’un double feuillet lipidique qui dérive des membranes nucléaires de la cellule hôte. Elle porte les glycoprotéines (gp42, gp350/220, gH/gL, gB), qui jouent un rôle important dans la pénétration du virus dans la cellule, en particulier la gp350/220 qui interagit avec les lymphocytes B via leurs récepteurs CD21. Figure 1. Structure de l’EBV B A Glycoprotéines Enveloppe Tégument Capside ADN bicaténaire A) Schéma synthétique en 3D du virion de l’EBV B) Photographie en microscopie électronique d’après Epstein, 2015
d) Organisation du génome : Dans le virion, le génome se présente sous forme linéaire et s’organise en deux séquences : une séquence unique courte (US = Unique Short) composée du domaine U1 et une séquence unique longue (UL = Unique Long) composée des domaines allant de U2 à U5 (Figure 2). Ces domaines uniques sont séparés par des séquences internes répétées (IR = Internal Repeat). 10 À chaque extrémité du génome se trouvent des séquences répétées terminales (TR = Terminal Repeat) qui permettent la circularisation du génome sous forme épisomale dans les cellules infectées(6,7).
Figure 2. Génome de l’EBV A) Organisation du génome de l’EBV sous sa forme linéaire B) Organisation du génome sous sa forme épisomale, d’après Sample and Kieff, 1990 et Straus et al., 1993
Le génome d’EBV se compose d’une centaine de gènes dont les principaux peuvent être regroupés en 3 familles : les gènes nucléaires, les gènes LMP et les gènes codants pour des petits ARNs dits EBER (EBV Encoded RNA). Les gènes nucléaires codent pour les EBNAs (Epstein-Barr virus Nuclear Antigen) nécessaires à la réplication du virus et au processus d’immortalisation des lymphocytes B. Les gènes LMP (Latent Membrane Protein) jouent un rôle dans le cycle latent du virus et ses propriétés oncogéniques. Enfin, les gènes EBER sont synthétisés lors de la phase de latence (8). 2) Le cycle viral : a) Entrée dans les cellules cibles : L’EBV possède un tropisme pour deux types de cellules en particulier : les cellules épithéliales de la zone oro-pharyngée et les lymphocytes B. Il est aussi capable d’infecter des cellules « non conventionnelles » incluant les lymphocytes T, les cellules NK et les monocytes(8). La première étape du cycle biologique de l’EBV commence par l’attachement, qui résulte pour les lymphocytes B de l’interaction entre la glycoprotéine gp350/220 et le récepteur CD21. Pour les cellules épithéliales, l’attachement se fait grâce au complexe gH/gL. 11 Par le recrutement de différentes glycoprotéines, comme la gp42 ou la gB, les membranes virales et cellulaires vont fusionner. La nucléocapside va alors migrer vers le cytoplasme pour laisser ensuite la molécule d’ADN viral entrer dans le noyau de la cellule hôte. b) Les différents cycles de vie de l’EBV : Le virus EBV détient plusieurs programmes d’expression génique. Le premier est le cycle lytique qui correspond à l’expression des différentes protéines virales permettant la fabrication de nouveaux virions. En effet, une fois l’ADN viral entré dans le noyau de la cellule hôte, la transcription du génome viral commence pour produire, après traduction cytoplasmique, les protéines de la capside et les glycoprotéines de l’enveloppe. Après réplication du génome, la nucléocapside migre vers la surface cellulaire en bourgeonnant à travers la membrane nucléaire de la cellule hôte qui deviendra l’enveloppe virale. L’étape finale du cycle lytique ou cycle de multiplication, est la libération des virions dans le milieu extracellulaire en provoquant la lyse de la cellule infectée
Figure 3). Au contraire, le cycle de latence n’aboutit pas à la production de virions mais permet la persistance virale dans les lymphocytes B avec une production réduite d’antigènes viraux. La diminution de l’expression des antigènes est un mécanisme essentiel qui permet à l’EBV d’échapper au système immunitaire et de persister dans l’organisme. Contrairement à la phase lytique où l’EBV exprime plus de 80 antigènes, seules quelques protéines sont exprimées en phase de latence. Il existe plusieurs programmes de latence, suivant le type de protéines produit (EBNA, LMP et EBER). Chaque programme de latence est associé à un type de pathologie(8,9) : - la latence 0 concerne les lymphocytes B mémoires circulants. - la latence I concerne les lymphocytes B mémoires en division et est associée au lymphome de Burkitt. la latence II concerne les centres germinatifs et joue un rôle dans le lymphome hodgkinien et le carcinome du nasopharynx. la latence III concerne les lymphocytes B naïfs et participe au développement du - syndrome lymphoprolifératif post-transplantation (SLPT). Par ce cycle latent, une partie des lymphocytes B infectés donnera naissance à une population « immortelle » de cellules.
12 Figure 3. Cycle biologique de l’EBV Schéma provenant du Traité de virologie(10).
c) Persistance et réactivation de l’EBV : Après la primo-infection, l’EBV persiste sous forme latente dans les lymphocytes B mémoires infectés, seuls 1 à 10 sur 1 million sont concernés. Il existe alors un équilibre entre la réplication, la latence du virus et son élimination par les défenses immunitaires(10). Chez l’immunocompétent, la prolifération des lymphocytes B infectés est contrôlée par la réponse immunitaire T. Bien que la réponse anticorps anti-EBV demeure stable au cours de la vie, elle n’empêche pas les épisodes de réactivation virale au niveau de l’oropharynx où des virions peuvent être produits par les cellules épithéliales ou les lymphocytes B(6). Chez l’immunodéprimé, après une transplantation ou au cours du SIDA, l’équilibre entre la prolifération des lymphocytes B infectés par l’EBV et la réponse immunitaire se rompt. Les réactivations sont plus fréquentes et entrainent une production plus importante de virions. Ces réactivations peuvent conduire à une lymphoprolifération maligne (8). 13
3) Pathologies liées à l’EBV : a) Primo infection
: La primo-infection à l’EBV est majoritairement asymptomatique lorsqu’elle survient pendant la petite enfance. Chez les adolescents ou les jeunes adultes, elle se manifeste dans 25% des cas par un syndrome clinique appelé la mononucléose infectieuse (MNI) (11,12). Après la transmission salivaire, la période d’incubation est d’environ 30 à 50 jours. Les signes cliniques peuvent regrouper une fièvre persistante, une angine pseudomembraneuse, une pharyngite, des polyadénopathies et une splénomégalie. La guérison est spontanée en 3-4 semaines avec une phase d’asthénie qui peut parfois se prolonger sur plusieurs semaines (13). Au niveau biologique, le syndrome mononucléosique se définit par la présence d’une hyperlymphocytose, dont plus de 10% des lymphocytes doivent être de grande taille, atypiques et hyperbasophiles (lymphocytes T CD8+ activés anti-EBV) (Figure 4). Il est aussi souvent retrouvé une cytolyse patique avec des transaminases à 3 à 4 fois supérieures à la normale. Figure 4. Lymphocyte activé lors d’un syndrome mononucléosique Illustration tirée du site https://www.hematocell.fr/index.php/anomalies-cytolologiques
b) Le lymphome de Burkitt : Le lymphome de Burkitt est une prolifération monoclonale de lymphocytes B qui peut se présenter sous deux formes : la forme endémique et la forme sporadique. La forme endémique se rencontre en Afrique équatoriale et en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Elle touche principalement la population pédiatrique en se manifestant majoritairement par des tumeurs au niveau de la mâchoire. Le génome de l’EBV est retrouvé dans la cellule tumorale dans plus de 98% des cas, avec l’expression des protéines EBNA1 et les ARN non codants EBER correspondant à la latence de type I(9). La forme sporadique, plus rare, se retrouve dans les pays occidentaux. Son association avec l’EBV y est plus faible, avec un génome viral détectable dans 15 à 20% des cas. Elle affecte principalement les adultes avec une présentation digestive et peut atteindre secondairement le foie, la rate, la moelle osseuse et le système nerveux central. 14 c) Le lymphome hodgkinien : Le lymphome hodgkinien (LH) se caractérise par une prolifération de lymphocytes B au sein de ganglions avec la présence d’une cellule lymphoïde anormale dite « cellule de ReedSternberg ». Dans les pays industrialisés, le génome de l’EBV y est associé dans 30 à 40% cas avec l’expression des antigènes EBNA1, LMP1, parfois LMP2 et les ARN non codants EBER traduisant la latence de type II. Cependant, la fréquence de l’association diffère selon l’âge de survenue du lymphome et le type histologique de la tumeur(12). Par exemple, elle est plus importante dans les LH à cellularité mixte et chez les enfants les sujets âgés. d) Syndrome lymphoprolifératif post-transplantation : Dans le cadre d’une greffe de cellules souches hématopoïétiques (CSH) ou d’une transplantation d’organe solide, les thérapeutiques entrainent une diminution de l’immunité du patient. Les lymphocytes T cytotoxiques ne peuvent plus exercer leur rôle dans la surveillance des lymphocytes B infectés par l‘EBV. Cela se traduit par une hausse du nombre de lymphocytes B infectés avec l’expression des protéines EBNA et LMP correspondant à la latence de type III. Cette augmentation non contrôlée est un facteur de risque majeur dans le développement d’un syndrome lymphoprolifératif post-transplantation (SLPT). Mais sa seule présence n’est pas suffisante, d’autres cofacteurs participent à la survenue d’un SLPT. La déplétion du greffon en lymphocytes T, l’utilisation d’anticorps anti-lymphocytes T, un receveur EBV négatif ayant reçu la greffe d’un donneur EBV positif et une greffe haplo-identique font partie des différents critères définissant les patients à haut risque de développer un SLPT(12,14). Le SLPT, qui peut aller jusqu’aux proliférations très proches de lymphomes classiques, est la deuxième néoplasie chez les patients transplantés et représente une cause de mortalité significative avec une survie à long terme proche de 40%(15). Ils se déclarent généralement lors de la première année post-greffe. La fréquence de survenue d’un SLPT après allogreffe est estimée à 3,2%(16). À noter que les SLPT lors d’une autogreffe de CSH sont rares. e) Carcinome indifférencié du nasopharynx : Le carcinome indifférencié du nasopharynx est une tumeur épithéliale du cavum. Son association avec l’EBV constante avec la présence des protéines de latence de type II. Son pic d’incidence concerne les enfants et les adultes de 40-50 ans. La distribution géographique 15 est inégale avec une forte incidence en Asie du Sud-Est, au Maghreb et chez les Inuits et une faible incidence en Europe et en Amérique(17). Ce cancer se présente généralement sous forme d’adénopathies cervicales, d’otites et de signes rhinologiques unilatéraux tels qu’une rhinorrhée ou une obstruction nasale. f) Leucoplasie chevelue de la langue : La leucoplasie chevelue orale est une infection bénigne et opportuniste rencontrée principalement chez les personnes infectées par le VIH. Elle se caractérise par des lésions leucoplasiques verticales irrégulières au niveau des bords de langue. Le génome de l’EBV est retrouvé dans chaque cellule épithéliale mais contrairement aux autres pathologies liées à l’EBV, ce sont les protéines de la phase lytique qui sont exprimées.
4) Diagnostic biologi
que de
l’EBV : a) Diagnostic indirect : Pour déterminer le profil sérologique anti-EBV d’un patient, plusieurs marqueurs sont dosés simultanément : les IgM et IgG anti-VCA et les IgG anti-EBNA1. Lors de la primo-infection, la réponse humorale de l’hôte est dirigée d’abord contre les antigènes de la phase lytique. Les IgM et IgG anti-VCA, dirigés contre la capside, apparaissent dès le début des symptômes, puis les IgM vont disparaitre après 2-3 mois contrairement au IgG qui persisteront toute la vie. Enfin, les IgG anti-EBNA1 apparaissent 23 mois après le début des symptômes et témoignent du développement de la réponse cellulaire contre les cellules infectées par l’EBV (Figure 6). Une infection récente présente donc un titre élevé en IgM anti-VCA, un taux croissant d’IgG anti-VCA et l’absence d’IgG anti-EBNA1. Alors qu’une infection ancienne se définit majoritairement par la présence d’IgG anti-VCA et d’IgG anti-EBNA1 (Tableau 2). Tableau 2. Différents profils sérologiques de l’EBV IgM anti
-VCA + +/- IgG anti-VCA +/+/- IgG anti-EBNA1 + Interprétation Absence d’infection Primo-infection Infection ancienne 16
Il existe aussi les anticorps IgG anti-EA (Early Antigen) qui présentent la même cinétique que les IgM anti-VCA. Ils sont utilisés dans certaines trousses en complément des anticorps EBNA et VCA, mais ne font pas partie de la nomenclature en France pour la sérologie EBV.
b) Diagnostic direct : i) Méthode moléculaire
:
La détection de l’ADN de l’EBV par la technique de PCR est le principal outil utilisé en biologie moléculaire. Cette technique par amplification enzymatique permet d'obtenir un grand nombre de copies identiques d'un fragment d'ADN et de quantifier la charge virale. L’amplification est obtenue en plusieurs phases : une étape de dénaturation (séparation des doubles brins), d’hybridation (fixation des amorces spécifiques) et enfin d’élongation (synthèse du brin complémentaire) (Figure 5).
Figure 5. Principes généraux de la PCR Illustration d’après C. Charpentier, V. Ferré, B. Visseaux, Bases du diagnostic moléculaire, 2018
La charge virale (CV) peut être dosée sur plusieurs matrices telles que : le sang total, le plasma ou le sérum. La sensibilité de l’analyse diffère selon ces 3 matrices et le meilleur support biologique reste encore à débattre(18). Lors de la primo-infection, la CV EBV dans le sérum est positive dès la première semaine et se négative lors de la deuxième, contrairement à la CV dans le sang total qui persiste. Dans la salive, la CV peut être très importante et ce pendant les 6 mois qui suivent le début des symptômes (Figure 6). Lors de complications neurologiques de la MNI, une charge virale EBV élevée dans le LCR est un argument en faveur du rôle direct du virus dans la 17 symptomatologie. Dans la majorité des cas, le dosage de la CV reste exceptionnel pour confirmer le diagnostic d’une MNI, qui repose essentiellement sur la sérologie. Par contre, la quantification de la CV est souvent nécessaire dans un contexte de greffes d’organes (D+/R-) ou de CSH. En effet, l’immunodépression thérapeutique entraine un retard dans l’apparition des anticorps. Une CV EBV élevée dans le sang total permettra donc de faire le diagnostic avant la séroconversion. Le suivi des virémies EBV est aussi nécessaire pour le dépistage des syndromes lymphoprolifératifs post-transplantation. Une CV élevée est un facteur de risque associé au développement de ce syndrome.
Figure 6. Cinétiques des anticorps anti-EBV et de la charge virale à partir de la primoinfection(19) ii) Méthode anatomopathologique : Sur tissu fixé en formol et inclus en paraffine, le virus EBV peut être mis en évidence par deux méthodes. Soit par immunohistochimie qui permet de détecter des protéines virales grâce à un anticorps, utile pour caractériser le type de latence. Soit par hybridation in situ qui reconnait les ARN non codants EBER par des sondes spécifiques permettant la quantification, la localisation et l’identification du type de cellules marquées dans le tissu. 18 Figure 7. Hybridation in situ positive aux EBER de l’EBV (couleur bleu) dans les noyaux de cellules tumorales 5) Traitements anti
-
EBV :
A l’heure actuelle il n’existe pas de traitement anti-EBV spécifique. Les traitements utilisés contre les infections herpétiques tels que l’aciclovir ou le cidofovir agissent lors du cycle lytique en ciblant l’ADN polymérase virale. Cependant lors de la primo-infection EBV, les symptômes n’apparaissent qu’après la réplication virale : les antiviraux sont inefficaces. Dans le cadre de la leucoplasie orale chevelue, un traitement par aciclovir ou valaciclovir peut avoir un bénéfice sur le plan clinique (20). Il n’existe pas à ce jour de molécule active contre le cycle de latence de l’EBV. Sur le plan vaccinal, des vaccins sont en cours de développement visant la production des anticorps pour empêcher une infection primaire(21).
Partie B : Lymphomes et traitements 1) Définition et classification :
Les lymphomes sont des proliférations monoclonales malignes de cellules lymphoïdes. Ils se développent aux dépens du tissu lymphoïde ganglionnaire, mais aussi parfois en extraganglionnaire comme la rate ou les tissus lymphoïdes associés aux muqueuses (digestives et respiratoires notamment). La classification OMS de 2016 différencie les hémopathies lymphoïdes en 5 grandes catégories(22) : - les hémopathies lymphoïdes à cellules B matures. - les hémopathies lymphoïdes à cellules T matures et NK. - les lymphomes de Hodgkin. les maladies lymphoprolifératives post transplantation d’organes (SLPT). les tumeurs à cellules histiocytaires et dendritiques. La catégorie « hémopathies lymphoïdes à cellules B matures » comprend en partie les entités suivantes : lymphome B diffus à grandes cellules (LBDGC), lymphome folliculaire, lymphome du manteau, home du Burkitt, lymphome de la zone marginale... 2) Épidémiologie : En 2018, le nombre de nouveaux cas au sein des trois premières catégories d'hémopathies lymphoïdes en France est environ estimé à 15 500(23). Les lymphomes B diffus à grandes cellules (LBGDC) représentent la forme la plus fréquente des lymphomes non hodgkiniens (LNH) avec plus de 5 000 nouveaux cas en 2018 (Figure 8). Entre 1995 et 2018, le nombre de nouveaux cas de LBDGC a augmenté de 86 % chez l’homme et 82 % chez la femme. L’incidence augmente avec l’âge avec une médiane au diagnostic de 70 ans. Le lymphome de Hodgkin (LH) représente environ 13 % de l’ensemble des lymphomes et possède un double pic d’incidence. Le premier pic survient aux alentours des 20-24 ans chez la femme et un peu plus tard chez l’homme (vers les 25-29 ans). Le second pic se situe entre 80 et 84 ans pour les deux sexes. Environ 11 % des lymphomes sont des lymphomes T/NK. Ils sont de mauvais pronostics et plus rares avec 1 777 nouveaux cas en 2018. 20 Les lymphomes sont souvent révélés par la découverte d’une adénopathie pouvant s’étendre à n’importe quelle partie du système lymphatique. Le diagnostic repose donc principalement sur l’analyse de la biopsie des ganglions atteints, permettant de classifier le lymphome.
Figure 8. Focus sur l’incidence des lymphomes en France sur l’année 2018 NB : Figure réalisée à partir des données du rapport(23). Nombre de cas sur l’année 2018 : pour les lymphomes T/NK 1 777. Pour l’ensemble des lymphomes de type B et apparentés soit 89%, nous avons pour le LBDGC 5 071 cas, lymphome folliculaire 3 066, lymphome hodgkinien 2 127, lymphome de la zone marginale 2 190, lymphome du manteau 887, lymphome de Burkitt 220. 3) Les traitements couramment utilisés : Le traitement des lymphomes peut reposer sur une simple surveillance avec abstention thérapeutique, des polychimiothérapies, des anticorps monoclonaux, des greffes de cellules souches hématopoïétiques (CSH) voire de la radiothérapie. Le choix de traitement diffère selon plusieurs critères tels que la nature du lymphome, son stade (Ann Arbor), ses facteurs pronostiques (par les index FLIPI/IPI/CNS IPI etc.), la sévérité des signes cliniques, l’âge du patient... a) Le rituximab : Le rituximab MABTHERA® est un anticorps monoclonal chimérique dirigé contre la molécule de surface CD20 présente à la surface des cellules B, du stade pré-B au stade de lymphocyte B mature. Elle est exprimée par plus de 95 % des cellules B des lymphomes non hodgkiniens. Cet anticorps est une immunoglobuline glycosylée associant d'une part les régions constantes d’une IgG1 humaine et d'autre part les régions variables des chaînes légères et lourdes d'origine murine. 21 Il se compose de plusieurs parties : (Figure 9) - deux fragments « Fab » (antigene binding) se liant spécifiquement à l’antigène CD20. - un fragment « Fc » (cristallisable) reconnu par les cellules immunitaires effectrices.
Figure 9. Schéma d’un anticorps
Ces dernières peuvent engendrer une réponse immunitaire cytotoxique anticorps dépendant dite « ADCC » (antibody dependent cellmediated cytotoxycity) ou complément dépendant dite « CDC » (complement dependent cytotoxycity) par liaison avec le C1q ou une apoptose(24) (Figure 10). Le rituximab induit donc une lyse transitoire des lymphocytes B durant de 6 à 9 mois.
Figure 10. Mécanisme d’action du rituximab, d’après(25) 22
La prescription de rituximab a toute place dans la prise en charge des lymphomes non hodgkinien et ses indications sont multiples(26) : - en association à une chimiothérapie pour la première ligne de traitement des patients présentant un lymphome folliculaire de stade III-IV. - en traitement d’entretien chez les patients présentant un lymphome folliculaire répondant à un traitement d’induction. en monothérapie pour les patients atteints de lymphomes folliculaires de stade III-IV en cas de chimiorésistance ou à partir de la deuxième rechute après chimiothérapie. en association à une chimiothérapie "CHOP" (cf. paragraphe ci-dessous) pour le traitement des patients présentant un lymphome non-hodgkinien agressif diffus à grandes cellules B, CD20 positif. Au CHU Bordeaux, le rituximab est généralement prescrit pour tous lymphomes exprimant le CD20. b) Les polychimiothérapies(27) : Plusieurs polychimiothérapies sont utilisées dans la prise en charge des lymphomes. L’une des principales est la polychimiothérapie dite « CHOP ». Elle se compose d’un agent alkylant la cyclophosphamide, d’une anthracycline la doxorubicine, d’un poison du fuseau la vincristine et de prednisone. Elle peut être associée ou non au rituximab suivant les indications. Elle est majoritairement prescrite pour les lymphomes non hodgkiniens. Pour les lymphomes hodgkiniens, la polychimiothérapie la plus courante est « l’ABVD », comprenant de la doxorubicine, de la bléomycine, de la vinblastine et de la dacarbazine. Dans le cadre des lymphomes T, les polychimiothérapies « CHVP » (cyclophosphamide, doxorubicine, vépeside, prednisone) ou « CHOP » peuvent faire partie de l’arsenal thérapeutique. c) La greffe de cellules souches hématopoïétiques : Les cellules souches hématopoïétiques (CSH) sont des cellules multipotentes de la moelle osseuse. Elles sont à l’origine de l’hématopoïèse qui permet de produire l’ensemble des cellules sanguines grâce à divers facteurs de croissance. Cette compétence peut mise à profit pour le traitement de certaines hémopathies. En effet, dans la prise en charge des lymphomes, on peut avoir recours à une autogreffe ou une allogreffe de CSH, en particulier pour les lymphomes du manteau, le LBDGC, le lymphome T ou le lymphome de Hodgkin(27). Quel que soit le type de greffe, la première étape dite de « conditionnement » consiste en une chimiothérapie intensive et/ou irradiation corporelle totale occasionnant une élimination des cellules tumorales mais aussi une aplasie profonde chez le patient à cause de la forte toxicité hématologique. L’autogreffe consiste à prélever des CSH chez le patient, puis à les lui réinjecter après la phase de chimiothérapie pour régénérer rapidement ses trois lignées sanguines. L’autogreffe n’a donc pas d’efficacité propre sur l’hémopathie maligne mais permet de compenser la toxicité cellulaire de la chimiothérapie et de réduire la durée de l’aplasie. Dans le cadre de l’allogreffe, les CSH sont prélevées chez un donneur HLA compatible apparenté ou non. Comme pour l’autogreffe, elles sont ensuite injectées chez le patient après le traitement de conditionnement. Cependant, l’allogreffe permet une action contre la maladie, car la reconstitution hématopoïétique se fait cette fois-ci à partir d’un greffon sain permettant une action anti-tumorale GvL (graft versus leukemia/lymphoma). Cependant, l’allogreffe peut se compliquer de la maladie du greffon contre l’hôte dite GvH (graft versus host).
4) Prise en charge des syndromes lymphoprolifératifs post transplantation : a) Diagnostic
:
L’hypothèse diagnostique est évoquée sur un ensemble d’arguments. Sur le plan clinique, on peut observer la présence d’adénopathies, d’une splénomégalie ou d’une fièvre. Sur le plan biologique, une augmentation régulière et systématique de la charge EBV ou au contraire une augmentation brutale (> 1 log cp/mL) orientent vers un SLPT. Et enfin si le patient est considéré à haut risque ou non(12). Le diagnostic de certitude est histologique par la présence biopsie d’une lymphoprolifération monoclonale. Il peut être complété par la mise en évidence par hybridation in situ des EBER. b)
Intérêts
de la
PCR E
BV
: La réalisation de PCR EBV chez les transplantés de CSH trouve son intérêt dans trois indications : - le suivi de la charge virale pour anticiper la survenue d’un SLPT et mettre en place un traitement préemptif - le suivi de l’efficacité d’un traitement préemptif, pouvant être défini par la baisse d’1 log cp/mL par semaine l’adaptation du traitement en l’absence de réponse virologique 24 En ce qui concerne le risque de développement d’un SLPT, l’HAS de 2015 préconise un suivi seulement pour les patients à haut risque. Celui-ci doit débuter le jour de la transplantation et continuer au moins une fois par semaine les trois premiers mois, voire plus longtemps en cas de réactivation du virus, de GvH ou chez les transplantés haplo-identiques(15). Cependant, à ce jour, il n’existe pas de seuil d’alerte de la charge virale pour commencer un traitement préemptif. c) Stratégies thérapeutiques : La prise en charge d’un SLPT peut se résumer selon trois approches : - l’approche prophylactique : traiter les patients à haut risque avant toute augmentation de la CV EBV. Les antiherpétiques, comme l’aciclovir ou le ganciclovir, seront alors - des molécules de choix. l’approche préemptive : démarrer un traitement sur la base d’une augmentation de la CV avant l’apparition de la maladie. l’approche curative : débuter un traitement lors du diagnostic du SLPT. Pour le traitement préemptif ou curatif, deux stratégies thérapeutiques sont possibles : - l’éradication des lymphocytes B tumoraux (les lymphocytes B EBV positifs qui prolifèrent) par la prescription de rituximab. - la restauration de la réponse lympho taire T cytotoxique anti-EBV en diminuant l’immunosuppression mise en place lors de la greffe. L’utilisation du rituximab dans une approche préemptive semble être la stratégie la plus efficace en particulier chez les individus greffés de CSH, où la diminution de l’immunosuppression est rarement utilisée en préemptif du fait du risque de réaction de GvH(16,28).
II. OBJECTIFS
Depuis 2018, le laboratoire de virologie a accès à une méthode commerciale de quantification de l’ADN EBV sensible et spécifique, qui permet la détection de nombreuses charges virales faibles. L’objectif de cette thèse est l’étude descriptive des virémies faibles à EBV chez les patients présentant des lymphomes malins. Nous nous sommes focalisés sur les différences entre les cinétiques de CV EBV et l’impact du rituximab.
III. 1) MATÉRIELS ET MÉTHODES
Design de l’étude : Nous avons collecté rétrospectivement toutes les PCR EBV réalisées au CHU de Bordeaux entre avril 2019 et avril 2020. Le point de départ de notre étude correspond à un changement de SIL (Système informatique du laboratoire) du service de virologie. 2) Recueil des données clinico-biologiques : Entre le 10 avril 2019 et 09 avril 2020, nous avons extrait de notre SIL l’ensemble des demandes et résultats de PCR EBV dans le sang total. Nous nous sommes ensuite focalisées sur les demandes provenant des services d’hématologie du CHU. L’extraction de ces données a été faite via le logiciel Business Objects. La totalité des données cliniques ont été extraites directement du logiciel gérant les dossiers patients du CHU : DxCare. Pour les patients d’hématologie inclus, nous avons recueillis la pathologie motivant leur hospitalisation ou consultation au moment de leur première CV. Pour ce travail, nous avons choisi de nous concentrer sur les sujets atteints de lymphome B et apparentés (LB) ou T (LT ou du transplanté (SLPT). Ont été considérés comme lymphome B et apparentés : les lymphomes B diffus à grandes cellules, les lymphomes de Burkitt, les lymphomes de Hodgkin, les lymphomes folliculaires, les lymphomes du manteau et les lymphomes de la zone marginale. Ont été considérés comme lymphome T uniquement les lymphomes T d’origine hématologique. Ont été considérés comme SLPT tout SLPT prouvés histologiquement. Pour chaque patient, nous avons collecté dans les dossiers cliniques les informations sur la prise ou non de rituximab et la durée de ce traitement. Le statut sérologique vis-à-vis de l’EBV des patients atteints de lymphome a été recueilli via le SIL du CHU. Pour l’ensemble de la population, ce statut a été déterminé avant le premier dosage d’une CV.
3) Dosages biologiques :
a) La PCR EBV : Les CV EBV ont été dosées à partir de sang total collecté sur tube EDTA 10mL BD Vacutainer contenant comme anticoagulant du K2 EDTA. Des éluats de 100 μl sont obtenus 26 via une extraction par billes paramagnétiques sur l’automate MagNA Pure96® Roche à partir de 200 μl de prélèvement. Et enfin les PCR sont réalisées sur un LightCycler480® (Roche Diagnostics). Au CHU de Bordeaux, la trousse utilisée est celle de BioMérieux EBV R-GENE®, ciblant le gène BXLF1. La technique repose sur une PCR avec une sonde TaqMan permettant la détection et la quantification du génome viral en temps réel. Une sonde TaqMan est une sonde spécifique du génome cible avec un fluorochrome « Reporter » (R) et un « Quencher » (Q) qui absorbe la lumière émise par le reporter tant qu’il est à sa proximité immédiate. Lors de l’étape de polymérisation, la synthèse de nouveaux brins d’ADN entraine la lyse de la sonde. Le reporter n’étant plus dans le périmètre du quencher, sa fluorescence peut alors être émise (Figure 11).
Figure 11. Principes d’une sonde TaqMan
La détection en temps réel repose donc sur l’acquisition de fluorescence au cours de chaque cycle de PCR, qui est proportionnelle à la quantité d'ADN d'intérêt présent. La quantité d’ADN présente dans l’échantillon est inversement proportionnelle au nombre de cycle nécessaire pour obtenir un niveau de fluorescence significativement supérieur au bruit de fond. Ce nombre de cycles est ce que l’on appelle le « Ct » (Cycle threshold). Grâce à une courbe de calibration, ce nombre de Ct peut être traduit en nombre de cp/mL et enfin grâce à un standard OMS, exprimé en UI/mL (Figure 12).
27 Figure 12. Principes d’une PCR avec une détection en temps réel
La limite de détection est de 182 UI/mL, la limite de quantification de 500 UI/mL et la limite supérieure de linéarité de 107 UI/mL(29). Une CV est rendue positive si son Ct est < 35 ; positive faible si le Ct est compris entre 35 et 40 et enfin négative si le Ct était > 40. Une CV positive faible correspond à une CV comprise entre 182 et 500 UI/mL. Sachant que 10 000 UI/mL correspondent à 4 log en UI/mL, les CV positives faibles ont donc été traduites par 1 log pour le reste de cette étude. Une CV est étiquetée « sous rituximab » si la CV a été dosée entre J+1 et J+21 d’une cure de rituximab.
b) La sérologie EBV
Les sérologies EBV sont réalisées à partir de sérums collectés sur tube sec BD Vacutainer de 6 mL puis dosées via le kit ARCHITECT EBV VCA IgM®, VCA IgG® et EBNA-1 IgG® de la société ABBOTT, après une centrifugation de 10 min à 2 500G. La détection qualitative des anticorps est obtenue via un dosage immunologique par chimiluminescence dont le résultat est rendu en S/CO. Les sérologies ont été analysées sur les automates Architect ISR d’ABBOTT, dont les interprétations sont données par le Tableau 3.
Tableau 3. Interprétation des sérologies EBV par les kits ARCHITECT® d’ABBOTT en S/CO Négatif Zone grise Positif IgM anti-VCA < 0,5 Entre 0,5 ≤ et < 1 ≥1 IgG anti-VCA < 0,75 Entre 0,75 ≤ et < 1 ≥1 IgG anti-EBNA1 < 0,5 Entre 0,5 ≤ et < 1 ≥1 28
IV. 1) RÉSULTATS
Revue des PCR EBV au CHU de Bordeaux : a) Prescriptions par services : Entre avril 2019 et avril 2020, 8 336 PCR EBV furent prescrites à l’attention du CHU de Bordeaux. Sur l’ensemble de ces PCR : 24 n’ont pas été réalisées, 56 étaient ininterprétables, 3 en quantités insuffisantes et 15 étaient des échantillons EEQ (évaluations externes de la qualité) ou des tests par la cellule bio-informatique. Nous obtenons donc un total de 8 238 PCR réalisées pour des patients au CHU de Bordeaux (Figure 14). Le service d’hématologie est le plus grand prescripteur, à l’origine de 32% des PCR (Figure 13). Viennent ensuite, les services de pédiatrie avec environ 14% puis le service de cardiologie, pneumologie et de réanimation avec respectivement 12, 10 et 9 %. Figure 13. Répartition des services prescripteurs de PCR EBV
Cardiologie 12% Autres services 22% Réanimation 9% Hématologie 33% Pneumologie 10% Pédiatrie 14%
b)
Ré
sultats globaux
des PCR EBV
:
Rappelons tout d’abord que les PCR EBV sont majoritairement prescrites en vue du dépistage d’un SLPT dont une forte virémie EBV est un facteur de risque important. Il apparait donc logique que le principal résultat attendu soit « non détectable », ce qui est le cas au CHU de Bordeaux avec plus de 70% des PCR (Tableau 4). 29 Sur les 30% restants, environ 13% des PCR sont « positives faibles », 13% ont une CV < 4 log et enfin moins de 3% présentent une CV > 4 log. Nous avons choisi de séparer les CV en deux catégories au niveau de 4 log car c’est généralement le seuil décisionnel pour une prise en charge thérapeutique par les services cliniques au CHU. Bien que le service d’hématologie soit celui où l’on détecte le moins de PCR positives (22,4%), en termes d’effectif cela représente 596 PCR, dont 303 positives faibles. Nous nous sommes donc concentrés sur ce service qui est notre échantillon le plus important et devant l’intérêt clinique chez les patients d’hématologie. Tableau 4. Résultats des PCR EBV
Services prescripteurs Hématologie Pédiatrie Cardiologie Pneumologie Réanimation Autres services Total 2) Nombre de PCR réalisées 2 667 1 143 1 004 853 750 1 821 8 238 Résultats des PCR EBV Non détectable 77,7% 75,8% 70,8% 61,7% 62,4% 64,7% 70,7% Positif faible CV < 4 log CV > 4 log 11,4% 9,0% 14,8% 16,9% 17,9% 15,6% 13,6% 9,7% 10,3% 12,5% 18,9% 15,9% 15,8% 13,0% 1,3% 4,9% 1,9% 2,6% 3,9% 3,8% 2,8%
Étude de la population : a) Constitution du groupe d’étude : Les PCR EBV provenant des services d’hématologie du CHU correspondent aux services d’hospitalisation dans un secteur stérile ou non, aux hospitalisations de jour et aux consultations externes. La base initiale de données s’est donc réduite à 2 667 PCR, correspondant à 366 participants. Une deuxième réduction a été opérée en se concentrant uniquement sur les patients présentant un lymphome malin, soit 105 sujets. À partir de cette population, pour chaque patient, nous avons inclus l’ensemble des CV EBV qui ont été analysées à partir d’avril 2019 jusqu’à octobre 2021 ; soit un total de 606 CV EBV (Figure 14). 30
Figure 14. Élaboration de la population d’étude
b) Présentation de la population d’hématologie : Parmi les 336 patients hospitalisés dans le service d’hématologie et pour lesquels au moins une PCR EBV a été prescrite, 35% présentaient une leucémie aiguë ou chronique, 31% un lymphome, 17% un syndrome myélodysplasique (SMD) ou un syndrome myéloprolifératif (SMP) ou un syndrome myélodysplasique/myéloprolifératif (SMD/P), 6% une gammapathie, 31 2% une aplasie médullaire et enfin 8% ne présentaient pas une pathologie d’origine hématologique (Figure 15). Figure 15. Répartition des PCR EBV en fonction du contexte clinique
c) Caractéristiques de la population d’étude : Les patients ayant un lymphome étaient au nombre de 105, avec pour 85 d’entre eux un lymphome B (groupe LB), pour 20 un lymphome T (groupe LT) et pour 5 un SLPT (groupe SLPT) (Tableau 5). Dans le groupe des LB, environ 27,6% des patients ont bénéficié d’une greffe de CSH contre 55,0% pour les patients atteints de LT. Pour les SLPT, 20% ont subi une allogreffe et 80% une greffe d’organe solide.
Tableau 5. Caractéristiques de la population d’étude
Populations % H/F LB (n=80) LT (n=20) SLPT (n=5) Total (n=105) 67/33 45/55 80/20 64/36 Moyenne d’âge (min-max) 56,4 (18 – 82) 56,9 (21 – 91) 49,4 (29 – 69) 56,2 (18 – 91) % Autogreffe % Allogreffe 23,8% 20,0% 0,0% 21,9% 3,8% 35,0% 20,0% 10,5% 32
Un profil sérologique d’immunité ancienne pour l’EBV était retrouvé chez 100 des 105 patients inclus dans cette étude. Pour les 5 restants, aucune sérologie n’a été retrouvé dans les dossiers cliniques ni dans le SIL. d) Les PCR EBV chez les patients présentant des lymphomes : Chez les sujets du groupe LB, le nombre de PCR EBV effectué par patient est en moyenne de 3,6 alors que ce nombre est multiplié par 3 et 5 pour les groupes LT et SPLT respectivement (Tableau 6). Sur l’ensemble des PCR du groupe LB, 7,7% sont positives faibles ou positives, contre 27,3% pour les LT et 41,6% pour les SLPT. Tableau 6. Revue des PCR EBV chez les patients présentant des lymphomes
Nombre de PCR EBV LB LT SLPT Total Moyenne par patient 3,6 11,6 17,8 5,8 Négatives Positives faibles Positives Total 264 168 52 484 12 25 16 53 10 38 21 69 286 231 89 606
Parmi les patients, 70 n’ont eu que des PCR négatives tout au long de leur suivi (profil « négatif ») ; 89% proviennent du groupe LB (Tableau 7). Chez 14 patients, nous avons retrouvé que des CV non détectables et PF (profil « positif faible »), majoritairement aussi dans le groupe LB. Enfin, 21 sujets ont eu au moins une CV positive (profil « positif »), 38% provenant du groupe LB, 43% des LT et 19% des SLPT. Dans le groupe LB, la plupart des patients (78%) ont un profil négatif par opposition aux patients des groupes LT et SLPT qui ont majoritairement un profil positif faible ou positif (60% et 100 % respectivement).
Tableau 7. Profils des patients présentant des lymphomes LB LT SLPT Total Négatif 62 8 0 70 Profils des patients Positif faible 10 3 1 14 Positif 8 9 4 21 33
3) Impact du rituximab sur les charges virales EBV : Chez les patients des groupes LB et SLPT, sur les 59 PCR positives faibles ou positives, 78% n’étaient pas dosées sous rituximab. Aucunes des CV des patients du groupe LT n’étaient sous rituximab.
| 54,233
|
8463fe86324a7a9d76d23e2de1f3c38f_3
|
French-Science-Pile
|
Open Science
|
Various open science
| 1,973
|
Comparaison de ruisseaux permanents et temporaires de la Provence Calcaire
|
None
|
French
|
Spoken
| 6,435
| 7,304
|
Le d e g r é des affinités e n t r e d e u x s t a t i o n s t e m p o r a i r e s est d i r e c t e m e n t influencé p a r la d u r é e relative d e l e u r s p h a s e s l o t i q u e s . U n e
p h a s e l o t i q u e c o u r t e , c o m m e celle de la s t a t i o n t e m p o r a i r e d u
r u i s s e a u de P é r u y , p e r m e t l'installation d ' u n p e u p l e m e n t c o m p o s é
essentiellement d'espèces à cycle court, s u r t o u t représenté par u n e
e s p è c e d e T r i c h o p t è r e s (Micropterna
testacea
d o n t le c y c l e s ' é t a l e
e n t r e le m o i s d ' o c t o b r e e t le m o i s d ' a v r i l ) e t q u a t r e g r o u p e s d e
D i p t è r e s ( C h i r o n o m i d e s , Culicidés, C é r a t o p o g o n i d é s et Simuliidés :
Simulium
bezii).
L o r s q u e les d u r é e s des p h a s e s l o t i q u e s des r u i s s e a u x t e m p o r a i r e s
s o n t p l u s l o n g u e s ( r u i s s e a u de S u b é r o q u e et s t a t i o n aval d u D e s t e l ) , le c o r t è g e f a u n i s t i q u e e s t p l u s i m p o r t a n t. 11 s e c o m p o s e , e n
p l u s d e s e s p è c e s r e c e n s é e s a u c o u r s d e la p h a s e l o t i q u e d u r u i s s e a u
d e P é r u y , d ' e s p è c e s d o n t le d é v e l o p p e m e n t p r é i m a g i n a i e s t p l u s
(17)
RUISSEAUX
PERMANENTS
ET TEMPORAIRES
DE PROVENCE
289
l o n g. Ces e s p è c e s a p p a r t i e n n e n t e s s e n t i e l l e m e n t à q u a t r e g r o u p e s :
g r o u p e s d e s É p h é m é r o p t è r e s (Habrophlebia
fusca, H. L a d u r é e de la p h a s e l o t i q u e s é l e c t i o n n e les e s p è c e s et c o n d i t i o n n e d o n c la qualité du p e u p l e m e n t des r u i s s e a u x t e m p o r a i r e s.
P o u r q u ' u n e e s p è c e p u i s s e s ' y d é v e l o p p e r , il e s t n é c e s s a i r e q u e s o n
cycle b i o l o g i q u e c o ï n c i d e a v e c la p é r i o d e de m i s e en e a u d u r u i s s e a u q u ' e l l e h a b i t e ; il f a u t q u ' e l l e p a r v i e n n e à l a n y m p h o s e a v a n t
o u a u d é b u t de la p h a s e s t a g n a n t e.
C ' e s t l e c a s , e n t r e a u t r e s , p o u r Allogamus
aiiricollis
q u i se t r o u v e
e n a b o n d a n c e d a n s la p a r t i e p e r m a n e n t e , e n a m o n t d u r u i s s e a u de
P é r u y. Ses l a r v e s d é r i v e n t v e r s la p a r t i e t e m p o r a i r e aval d e ce
r u i s s e a u d a n s u n e faible p r o p o r t i o n , a u m o m e n t d e la r e m i s e e n
e a u. C e p e n d a n t , leur cycle biologique, q u i s'étale s u r 8 mois d a n s
la z o n e p e r m a n e n t e , n e p o u r r a p a s s ' a c h e v e r d a n s la z o n e t e m p o raire a v a n t l'assèchement. A côté des espèces d o n t la d u r é e de la vie p r é i m a g i n a l e coïncide
a v e c la d u r é e d e la p h a s e l o t i q u e d u r u i s s e a u t e m p o r a i r e , les seules
espèces q u i s u b s i s t e n t s o n t celles q u i r é s i s t e n t à la p é r i o d e sèche
soit e n s ' e n f o n ç a n t a v e c la n a p p e p h r é a t i q u e l o r s q u e la t e x t u r e d u
s u b s t r a t l e p e r m e t ( e x . : le M o l l u s q u e Ancylus
s p . , la P l a n a i r e
Dugesia
tigrina,
l e s C o l é o p t è r e s Oulimnius
rivularis,
Graptodytes
ignotus
e t l e C r u s t a c é Asellus
s p . ) , soit e n e n t r a n t e n vie l a t e n t e
( d i a p a u s e d e l a l a r v e d e P l é c o p t è r e , Capnia
bifrons,
des Crustacés
p l a n c t o n i q u e s O s t r a c o d e s et Cyclopides ou quiescence des larves
de Diptères Cératopogonides).
3.3.2. LE
PROBLÈME
DES
AVEC LES RUISSEAUX
AFFINITÉS
DES
RUISSEAUX
TEMPORAIRES
PERMANENTS.
A l ' i s s u e d e c e t t e é t u d e , n o u s a v o n s c o n s t a t é la r e s s e m b l a n c e
des p h a s e s l o t i q u e s et s t a g n a n t e s des r u i s s e a u x t e m p o r a i r e s d o n t les
p é r i o d e s i n o n d é e s s o n t s e m b l a b l e s a v e c le t é m o i n p e r m a n e n t c a l m e
( p a r t i e a m o n t d u D e s t e l ) . Ce r é s u l t a t a é t é c o n f i r m é p a r l e s a f f i n i tés r e l a t i v e m e n t élevées e n t r e les p h a s e s l o t i q u e s et s t a g n a n t e s des
r u i s s e a u x t e m p o r a i r e s qui ont des périodes de mise en eau équivalentes.
290
P.
LEGIER
ET
J.
TALIN
(18)
L ' e x a m e n détaillé des p e u p l e m e n t s globaux des ruisseaux temporaires (sauf celui de P é r u y )et ceux des ruisseaux p e r m a n e n t s à
cours rapide m o n t r e que certains groupes rhéophiles sont absents
des ruisseaux temporaires : groupe des Trichoptères rhéophiles
(Rhyacophila
dorsalis,
Rhyacophila
vulgaris,
Hydropsyche
instabilis, Silo nigricornis,
Synagapetus
dubitans,
Hyporhyacophila
Bip.),
c e r t a i n s É p h é m é r o p t è r e s (Ecdyonurus
s p . , Heptagenia
lateralis),
c e r t a i n s P l é c o p t è r e s (Perla
marginata).
De plus, certains groupes
s o n t m i e u x r e p r é s e n t é s d a n s les r u i s s e a u x t e m p o r a i r e s é t u d i é s
q u e d a n s les r u i s s e a u x p e r m a n e n t s à c o u r s r a p i d e ; ce s o n t d e s
C o l é o p t è r e s H y d r o c a n t h a r e s , d e s H é t é r o p t è r e s , O d o n a t e s et C r u s tacés p l a n c t o n i q u e s et cela, q u e l l e q u e soit la vitesse de la p h a s e
lotique des ruisseaux temporaires.
L a p r é s e n c e d e ces g r o u p e s l é n i t o p h i l e s est d i r e c t e m e n t liée à
l a p h y s i o g r a p h i e d u l i t d e s r u i s s e a u x t e m p o r a i r e s ; e n effet, l o r s q u e
l a p h a s e l o t i q u e e s t r a p i d e , il y a t o u j o u r s d e s z o n e s c a l m e s p r o p i c e s à l ' i n s t a l l a t i o n d e ce t y p e de f a u n e.
Si o n t i e n t c o m p t e , d ' u n e p a r t d e l ' a b s e n c e d e s e s p è c e s r h é o p h i l e s , d ' a u t r e p a r t d e la p r é s e n c e d'espèces l i m n o p h i l e s et enfin
d u fait q u e des espèces p r é s e n t e s à l'état l a r v a i r e sont u b i q u i s t e s ,
il n ' e s t p a s p a r a d o x a l d e c o n s t a t e r q u e l e s r u i s s e a u x t e m p o r a i r e s ,
q u e l l e q u e soit la vitesse d u c o u r a n t p e n d a n t la p h a s e l o t i q u e , s o n t
plus proches des ruisseaux p e r m a n e n t s calmes que des ruisseaux
permanents à cours rapide.
CONCLUSIONS
L e s r u i s s e a u x , p e r m a n e n t s et t e m p o r a i r e s , é t u d i é s s o n t s i t u é s le
l o n g d ' u n a x e N O - S E de 46 k m ; ils s o n t s o u m i s à d e s i n f l u e n c e s
c l i m a t i q u e s différentes : R o q u e s H a u t e s et S u b é r o q u e s o n t les r u i s s e a u x les p l u s s e p t e n t r i o n a u x , D e s t e l e s t le p l u s m é r i d i o n a l et
Péruy occupe une position géographique intermédiaire.
Si, d u fait de l e u r t u r b u l e n c e , les d e u x r u i s s e a u x p e r m a n e n t s
lotiques de référence ( R o q u e s H a u t e s et la partie a m o n t de P é r u y )
ne sont que très peu tributaires des conditions climatiques (temp é r a t u r e s e t d é b i t s a s s e z c o n s t a n t s ) , le r u i s s e a u p e r m a n e n t l e n t i q u e
t é m o i n est d i r e c t e m e n t s o u m i s a u x variations saisonnières des
températures mais son débit varie peu. On observe également une
stabilité des p r o p r i é t é s c h i m i q u e de l'eau, q u e ce soit d a n s l'espace
( s t a t i o n s 1 et 2 d u r u i s s e a u d e R o q u e s H a u t e s ) o u d a n s le t e m p s
(prélèvements annuels).
P a r c o n t r e , les t r o i s r u i s s e a u x t e m p o r a i r e s ( S u b é r o q u e , p a r t i e
aval de P é r u y et d u Destel) sont é t r o i t e m e n t s o u m i s a u x condit i o n s c l i m a t i q u e s e x t é r i e u r e s : les t e m p é r a t u r e s r e l e v é e s d a n s ces
(19)
RUISSEAUX
PERMANENTS
ET TEMPORAIRES
DE PROVENCE
291
r u i s s e a u x v a r i e n t a v e c celles d e l'air a t m o s p h é r i q u e et la p é r i o d e
i n o n d é e est t r i b u t a i r e des p r é c i p i t a t i o n s et d u n i v e a u d e la n a p p e
p h r é a t i q u e. A i n s i , les p r é c i p i t a t i o n s d ' a u t o m n e f o n t r e m o n t e r le
n i v e a u d e la n a p p e p h r é a t i q u e d u r u i s s e a u d u Destel et la r e m i s e
e n e a u se fait p r o g r e s s i v e m e n t d a n s les d é p r e s s i o n s a v a n t l ' i n s t a l l a t i o n d ' u n c o u r a n t f a i b l e. L a r e m i s e e n e a u e s t b r u t a l e d a n s le
r u i s s e a u d e S u b é r o q u e et d a n s la p a r t i e aval d u r u i s s e a u de P é r u y ,
elle c o r r e s p o n d à u n m o u v e m e n t d ' e a u de l ' a m o n t v e r s l'aval avec
l'installation d'un courant souvent rapide. A l'issue de cette étude, on a pu m e t t r e en évidence d'une p a r t
l ' i n f l u e n c e p r é p o n d é r a n t e d e la d a t e et d e la d u r é e d e la m i s e e n
e a u a i n s i q u e n o u s l ' a v o n s d é j à d é v e l o p p é et l'influence d u m o d e
de remise en eau des ruisseaux temporaires.
Le r u i s s e a u d o n t la n a p p e p h r é a t i q u e d é t e r m i n e la r e m i s e e n
eau (partie temporaire du ruisseau du Destel) renferme des espèces q u ' o n ne r e t r o u v e p a s d a n s les r u i s s e a u x d o n t la r e m i s e e n
e a u se fait d i r e c t e m e n t p a r les e a u x de pluie ( r u i s s e a u x de S u b é r o q u e et de P é r u y ) . Ces e s p è c e s s o n t r e p r é s e n t é e s p a r d e s C r u s t a c é s : Asellus
s p . , d e s P l a n a i r e s : Dugesia
tigrina,
des Mollusques :
Ancylus
s p . e t d e s i n s e c t e s C o l é o p t è r e s : Oulimnius
rivularis.
Au
d é b u t de l'été, ces espèces s ' e n f o n c e n t avec la n a p p e p h r é a t i q u e
l o r s q u e l a t e x t u r e d u s u b s t r a t le p e r m e t.
D e s o b s e r v a t i o n s faites a u c o u r s des m o i s de j u i l l e t et a o û t 1972
n o u s ont p e r m i s de r e t r o u v e r quelques individus
apparemment
i n a c t i f s à'Ancylus
sp. a u n i v e a u de la f r a n g e d ' h u m e c t a t i o n de
g a l e t s e n c h â s s é s d a n s la t e r r e h u m i d e a i n s i q u e d a n s la p a r t i e
s u p é r i e u r e de la n a p p e . A la m ê m e p é r i o d e , les i n d i v i d u s d e s
a u t r e s espèces s o n t actifs d a n s la n a p p e . A u m o m e n t de la r e m o n tée de la n a p p e p h r é a t i q u e , ces q u a t r e e s p è c e s s o n t les p r e m i è r e s
à r e p e u p l e r le b i o t o p e a v a n t m ê m e l ' i n s t a l l a t i o n d ' u n p é r i p h y t o n.
Ces e s p è c e s s u r v i v e n t d o n c à la p é r i o d e s è c h e de ce r u i s s e a u
temporaire.
L e s coefficients d'affinité o n t m o n t r é q u e les r u i s s e a u x t e m p o r a i r e s étudiés étaient différents e n t r e e u x et différents des r u i s s e a u x
p e r m a n e n t s d e r é f é r e n c e . T o u t le p r o b l è m e c o n s i s t e à m u l t i p l i e r l e s
s t a t i o n s d a n s l ' e s p a c e afin d e d é t e r m i n e r si l e s r u i s s e a u x t e m p o r a i r e s p e u v e n t ê t r e c l a s s é s e n q u e l q u e s « u n i t é s » d i f f é r e n t e s o u si
292
P. LEGIER
ET J.
TALIN
(20)
on peut mettre en évidence u n « gradient » de ruisseaux temporaires d e p u i s les r u i s s e a u x p e r m a n e n t s j u s q u ' a u x r u i s s e a u x é p h é mères. Une étude détaillée des ruisseaux du Sud de la F r a n c e
p e r m e t t r a s a n s d o u t e de r é p o n d r e à cette q u e s t i o n et d e m i e u x
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| 35,170
|
43/tel.archives-ouvertes.fr-tel-00344722-document.txt_2
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Open Science
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Le cycle en spirale de Boehm est à l'origine de beaucoup d'autres évolutions comme le modèle Win-Win [Boehm1994] basé sur des conditions de réussite (win conditions). Ces cycles de conception ont été largement utilisés en génie logiciel et dans des systèmes à grande composante logicielle. D'autres modèles ont aussi est définies en 31 génie logiciel tel que le RUP (Rational Unified Process) [RUP] qui est un processus itératif et incrémental guidé par les besoins des utilisateurs et basé sur six Best Practices8 [RUP]: • Développement itératif. • Gestion des exigences. • Description de l'architecture par des composants. • Modélisation graphique. • Vérification de la qualité. • Controller les changements. Le processus ESDL (Embedded Systems Design Lifecycle) [Berger2002] se base sur le cycle de conception de la figure 2.2. La première phase consiste en la compréhension et la définition des besoins du client. Dans la deuxième phase on choisit quels sont les problèmes qui seront résolus par le matériel et ceux qui seront résolus par la partie logicielle. Ensuite deux activités concourantes se déroulent pour la conception du matériel et pour la conception de la partie logicielle. Ensuite, il y a une phase d'intégration, une phase de tests et de validation qui peut nécessiter une réitération du PHASE 7 : Maintenance et mises à jour Livraison du produit Activités de conception du Hw PHASE 6 : Tests et validation PHASE 4 : Conception Hw/Sw détaillée PHASE 5 : Intégration Hw/Sw PHASE 3 : Itération et implémentation PHASE 2 : Partitionnement Hw/Sw PHASE 1 : Spécification Produit processus et finalement le produit est livré puis maintenu. ESDL Activités de conception du Sw 8 Best Practice est un terme utilisé pour faire référence à un moyen ayant fait ses preuves et permettant de résoudre une problématique de la manière la plus efficace possible sans qu'une preuve formelle de son optimalité n'ai été produite. 32
Figure 2.2. Embedded Systems Design Lifecycle
Une autre variante de ESDL a été développée par Daniel Mann dans laquelle le choix du processeur se fait avant le partitionnement des activités de conception du matériel et de conception du logiciel. Ceci se fait en se basant sur l'expérience des concepteurs, des anciens produits similaires, etc. [Berger2002] En ingénierie système, SIMILAR9 [Bahill1998] [WeilKiens2008] est un processus qui définit sept activités principales (figure 2.3) que sont la définition du problème, la découverte de solution alternatives, la modélisation du système, l'intégration, la mise en service, la vérification des performances et la réévaluation de décisions prises au préalable suivant le résultat de cette vérification.
Figure 2.3. Le processus SIMILAR [Bahill1998].
Harmony [Harmony2004] est un autre exemple d'un processus d'ingénierie système destiné à des systèmes à forte composante logicielle. Harmony s'organise autour des exigences (figure 2.4), il commence par identifier ces exigences et en déduire les fonctionnalités requises du système, ensuite par concevoir le système, définir ses modes de fonctionnement et ses états, ensuite concevoir et implémenter la partie logicielle puis l'intégrer en allouant le logiciel à l'architecture physique et finalement le valider. 9 SIMILAR est l'acronyme de: State the problem, Investigate alternatives, Model the system, Integrate, Launch the system, Assess performance, Re-evaluate. 33
Figure 2.4. Le processus HARMONY de I-Logix. Ces processus n'entreprennent pas une approche
ystème, car ils séparent la partie matérielle de la partie logicielle dès les premières phases d'analyse puis prévoient l'intégration. En mécatronique, nous devons entreprendre une approche systémique. En ingénierie système, des recommandations (approches abstraites selon [Clarkson2005]) ont été définies pour donner un cadre global à l'ingénierie système. Par exemple, la norme ANSI/EIA 632 [ANSI/EIA 632] qui a été développée par la EIA (Electronic Industries Alliance) [EIA] et adoptée en 1999 par l'ANSI (American National Standards Institute) [ANSI] décrit le processus d'ingénierie système comme suit (figure 2.5) : 34
Figure 2.5. Processus d'ingénierie système ANSI/EIA 632. Ce processus a ensuite été adapté par l'IEEE aux systèmes électriques et électroniques sous la forme du standard IEEE 1220 [IEEE1220_1998]. Le standard ISO 15288 a ensuite été réalisé pour couvrir toutes les phases du cycle de vie du produit, il a été ensuite standardisé par L'IEC (International Electrotechnical Commission) [IEC] puis par l'IEEE. La figure suivante montre les portées de chacun de ces standards (figure 2.6). L'IEEE 1220 se focalise sur les activités de conception. Tandis que l'EIA 632 étend ses activités à la gestion du projet et à l'acquisition au niveau de l'organisation et va jusqu'aux phases d'intégration et d'exploitation au niveau du système lui-même. Le standard ISO 15288, quant à lui, englobe toutes les activités susceptibles d'exister dans l'entreprise au cours d'un projet donné y compris les activités de gestion du projet et les activités de conception du système jusqu'à la phase terminale de retrait du système de son environnement d'exploitation (figure 2.6. Dans [Swarz2006] l'auteur fait remarquer que ces processus deviennent obsolètes dans un 35 cadre plus large. Par exemple Internet où l'entité qui contrôle le système global est un ensemble de clients qui déterminent leurs standards en fonction de leurs besoins (le W3C World Wide Web Consortium), des systèmes inter-opérants très variés sont ainsi conçus et mis en place. Le standard ISO/IEC 15288 (ou IEEE15288) ne traite cette interaction entre projets d'une entreprise que de manière très succincte (voir Annexe D [IEEE15288]). Figure 2.6. Les trois normes d'ingénierie système et leurs portées [AFIS].
2.4.2 Le standard IEEE 15288
Le standard IEEE 1528810 [IEEE15288] est un standard IEEE décrivant un ensemble de processus élémentaires intervenant dans le cycle de vie des systèmes crées par l'homme. A partir de cet ensemble on peut sélectionner et articuler les processus que l'on juge utiles pour un système particulier. Ces processus sont organisés en quatre catégories ; Les processus d'accords, les processus d'entreprise, les processus de projets et les processus techniques. De plus, un processus d'adoption du standard est décrit en annexe A de la norme et un exemple de cette adoption est présentée en annexe B. Finalement la spécification présente la définition de quelques concepts liés à l'ingénierie système. Dans le cadre de cette thèse, seuls les processus techniques nous sont utiles, ce sont les processus définissant les activités permettant de transformer des 10 IEEE 15288 est au départ appelé l'ISO/IEC 15288 ensuite adopté par l'IEEE en 2004, nous avons eu à notre disposition le document [IEEE15288], pour celà, dans cette thèse, nous faisons référence au standard par l'appellation IEEE15288. 36 besoins pour un système donné en produit effectif, de le produire, l'utiliser, le maintenir et finalement le mettre hors service. Ces processus techniques sont détaillés (en vue de l'exploitation de ces détails dans notre proposition) dans l'annexe A de ce document mais sont brièvement décrits dans ce qui suit : • Le processus de définition des besoins des parties prenantes : Ce processus permet la définition des exigences des parties prenantes sur le système. Les parties prenantes étant les utilisateurs, mais aussi les agents de maintenance, de formation et autres intervenants sur système au cours de son cycle de vie. Ce processus doit permettre l'identification de ces intervenants et leurs besoins puis la transformation de ces besoins en exigences sur le système. Ces exigences seront la référence pour valider le système. • Le processus d'analyse des exigences : Ce processus doit permettre la transformation des services désirés en produit désiré. • Le processus de conception de l'architecture : Ce processus vise à synthétiser une solution qui satisfait aux exigences. • Les trois processus décrits jusque là sont réitérés récursivement jusqu'à obtenir des éléments qu'on peut acheter, réutiliser ou construire. • Le processus de réalisation : Il a pour but de produire un élément du système. Il vise à définir les actions de fabrication. 2.5 La modélisation en ingénierie système :
2.5.1 La modélisation de la spécification des besoins : Elle représente l'ensemble des services qu'un système est destiné à fournir dans un certain contexte. Elle doit être précise et compréhensible par le client demandeur du projet et le concepteur. Cette spécification joue le rôle de contrat entre les deux parties. Elle décrit le « quoi » non le « comment ». Cette spécification doit être transformée par les concepteurs en une spécification de la conception. Elle comporte : • Introduction : Il s'agit de la description du besoin du système ainsi que le contexte dans lequel il devra fonctionner. Elle décrit les fonctions du système et la manière dans laquelle le système est inscrit dans la stratégie et les objectifs de l'entreprise cliente. • Le modèle du système : C'est le modèle mettant en évidence les relations entre les composants du système et entre le système et son environnement. • L'évolution du système : Représente les hypothèses sur lesquelles est basé le système et les changements anticipés grâce à une évolution technologique attendue ou des besoins clients. Exemple : (Un PC muni d'un lecteur CD doit être prévu pour évoluer en remplaçant le lecteur CD par un lecteur DVD-D ou en augmentant la mémoire RAM à un certain point). • Les objectifs du système ou besoins fonctionnels : Ce sont les services offerts par le système, tenant compte des performances en temps et en qualité. • Les contraintes du système : Les restrictions sur le comportement du système et sur les libertés du concepteur. Ce sont des contraintes sur la manière de réaliser les objectifs. Exemple : sécurité, technologies spécifiques, standards, qualité, maintenabilité, robustesse 38 • Les priorités du système : Si des choix entre les objectifs et les contraintes ivent être faits, quelles sont les priorités? • L'interfaçage avec l'environnement : Les interfaces d'entrée/sortie et les interactions avec d'autres systèmes. • Le glossaire : Définition des termes utilisés dans le document. • Les index : Différents types d'index peuvent être inclus.
2.5.2 La modélisation de la conception
La conception est une description abstraite du système qui explique comment les besoins seront réalisés. Elle est destinée aux concepteurs et ingénieurs. Les objectifs et contraintes exprimées dans les besoins doivent être retraçables dans cette spécification. Les vues/modèles nécessaires à la conception peuvent être des vues statiques ou dynamiques. Les vues statiques permettent de décrire les caractéristiques, la composition, l'architecture et les interfaces du système. Les vues dynamiques permettent de décrire le comportement du système, les protocoles utilisés et les scénarii possibles. Dans [SynchTechRT94] Benveniste et ses collaborateurs expriment le besoin d'un ensemble d'outils intégrés munis d'un formalisme permettant la conception modulaire garantissant un assemblage correct tout en s'abstrayant à la rédaction de la spécification de l'architecture matérielle utilisée. Ils ajoutent que cette plate-forme 39 devrait fournir les moyens de vérifier des propriétés et d'effectuer des preuves formelles sur les modèles produits. Ensuite, pour les parties non vérifiables formellement, la simulation doit être possible pour apporter des éléments de réponse à la vérification de manière informelle. Ils appuient le fait que la génération automatique de code puisse donner un code performant en termes de rapidité d'exécution et de ressources. Finalement, ils expriment le besoin d'évaluer les performances du code généré en termes de rapidité d'exécution en tenant compte des contraintes temporelles. Nous devons adapter cette approche pour la conception de systèmes mécatroniques. Ainsi les langages ou méta-modèles utilisés doivent être spécifiques aux systèmes mécatroniques. Ensuite, le code généré représentera un prototype virtuel du système. Ce prototype devrait être testé sur une plate-forme de simulation pour en valider le fonctionnement et les performances. 2.6 Langages et Formalismes multi-technologiques
Pour étoffer notre méthode de modèles multi-domaines ou multi-technologiques, nous avons jugé utile d'intégrer les Bond Graphs [GANDA2003] et la DSM (Design Structure Matrix) qui sont des modèles indépendants des technologies. Cette intégration a aussi pour but de prouver que la méthodologie que nous nous apprêtons à proposer est extensible et peut ainsi être adaptée à différents besoins que nous avons. Les Bond Graphs puis la DSM seront ainsi présentés dans ce qui suit.
2.6.1 Les Bond Graphs 2.6.1.1 Introduction aux Bond Graphs
Un Bond Graph [Karnopp2000] décrit un système physique comportant des composants faisant intervenir des domaines énergétiques multiples [Favre1997]. Cette description se fait en termes de composants connectés entre eux par des liens à travers les ports dont ils disposent. Les composants sont classés par le nombre de ports dont ils disposent, ce sont des multiports ou des n-ports comme décrits dans [Hales2000]. Il existe trois types de Bond Graphs utilisés chacun dans une étape particulière du processus de conception [Zaytoon2001]. Le premier type est celui des Bond Graphs 40 à mots où les composants représentent des sous-systèmes décrits par des boites noires, ce niveau permet une première décomposition du système pour avoir une vue globale des échanges énergétiques mis en oeuvre. Le deuxième type est celui des Bond Graphs acausaux où les composants sont des composants élémentaires indivisibles et dont le comportement est connu (résistance, tige, condensateur, etc.), ce niveau est utilisé à une étape avancée du processus de conception, où on peut assimiler les composants à des composants élémentaires parfaits. Le dernier type est celui des Bond Graphs causaux qui permet d'établir les équations du système.
2.6.1.2 éléments du langage
Dans le formalisme Bond Graphs, un composant est représenté par une ligne nommée fermée qui modélise les frontières du composant. Pour tout échange énergétique avec l'extérieur, on associe à ce composant un port énergétique d'un type donné (mécanique, électrique, etc.). Un port est caractérisé par une semi-flèche unidirectionnelle qui porte les informations de l'énergie transportée, à savoir l'effort et le flux correspondants au domaine énergétique du port. (tableau 2.1). Tableau 2.1. Effort et flux dans différents domaines énergétiques
Domaine énergetique Effort e Flux f Mécanique Translationnelle Force Vitesse Mécanique de rotation Couple Electricité Tension Courant Magnétisme Force Magneto-motrice
2.6.1.3 Les composants élémentaires
Les composants élémentaires sont classés par rapport à leurs comportements énergétiques ou leurs fonctions (voir tableau 2.2). En plus de ces éléments de base, chaque élément peut être modulé mis à part I et C. Un élément modulé est noté avec un M précédent son nom tel que MSe et MGy.
41 Tableau
2.2.
Composants élémentaires en Bond Graphs Eléments Actifs Génération d'effort. Génération de flux. Eléments passifs Noeud de dissipation d'énergie. Noeud de stockage d'énergie. Noeud de stockage de flux. Capteurs Capteur de flux. Capteur d'effort Eléments de conversion
2.6.1.2.2 Les jonctions
Les jonctions (tableau 2.3) sont utilisées pour associer les composants élémentaires. Ils décrivent la transmission d'énergie de manière instantanée. Ils connectent deux ou plusieurs liens.
Tableau 3. Les deux types de jonctions J
onction
0 :
tous les
efforts sont égaux. Ex: Connexion parallèle en électricité. Jonction 1 : Tous les flux sont égaux Ex : Connexions série en électricité.
2.6.1.2.3 Les flèches ou "Bonds"
En BG, il y a deux types de liens (tableau 2.4); Le premier est un transfert informationnel et est représenté par une flèche unidirectionnelle. Le second est un 42 transfert énergétique et est représenté par une semi flèche unidirectionnelle. Dans le cas d'un BG causal, une ligne verticale est ajoutée à une des extrémités de la flèche. Les liens énergétiques sont numérotés. Tableau 2.4. Les bonds ou flèches dans les BG Transfert énergétique Transfert informationnel Avec causalité 2.6.2 La DSM ou Design Structure Matrix 2.6.2.1 Introduction aux DSM
Les DSM (Design Structure Matrix ou encore Dependency Structure Matrix) ont été crées par Steward en 1981 [Steward1981]. L'équipe DSM Group at MIT [DSM] travaille à développer la théorie des DSM. Les DSM sont des matrices carrées ayant pour lignes et colonnes les composants d'un système. L'élément (i,j) de la matrice représente une relation entre le composant de la ligne i avec celui de la colonne j. Ainsi les éléments de la diagonale n'ont aucun sens (figure 2.7).
Figure 2.7. Exemple d'une DSM.
Les interdépendances entre les sous-systèmes peuvent être de différents types. Ceci dépend du type du système considéré et du type d'informations décrites [DSM]. Il existe ainsi plusieurs types de DSM : 43 • Les DSM basées sur les composants : Elles peuvent exposer plusieurs types d'interactions (spatiales, énergétiques, informationnelles, échanges de matière, etc.). • Les DSM dédiées aux équipes de travail : Elles sont utilisées pour les analyses organisationnelles et les flux informationnels entre individus ou groupes participant à un projet. • Les DSM d'activités : Elles expriment les interdépendances entre les tâches d'un certain processus. • Les DSM paramétrées : Elles sont construites en découpant un système, en définissant les interactions entre ses composants puis en quantifiant un type d'interactions (proximité spatiale, liaison mécanique, besoin de transferts énergétiques, etc.) Lors de la description d'un processus, une séquence du temps est associée aux positions des composants dans les entêtes des lignes et colonnes de la matrice. Dans ce cas [Sharman2004], un élément non-nul dessus de la diagonale implique un feedback et un élément non-nul en dessous de la diagonale représente une dépendance. Dans [Browning1998] Browning utilise les DSM pour représenter un processus, puis effectue quelques transpositions de lignes (et donc de colonnes) de manière à avoir tous les éléments en dessous de la diagonale sinon en rapprochant le maximum les éléments supérieurs vers la diagonale pour obtenir une matrice triangulaire en blocks. Ceci se traduit par le réordonnancement du processus en minimisant les feedbacks. Comme le souligne Browning [Browning1998], les éléments non-diagonaux ne doivent pas nécessairement être binaires, ils peuvent contenir des informations codant une probabilité, un taux de flux, un type de flux, etc. Sharman et Yassine [Sharman2004] distinguent entre une forte dépendance et une faible dépendance. 44 [Harmel2007] Utilise une description en DSM pour appliquer un algorithme de clustering qui lui permet d'identifier le type de l'architecture du produit considéré selon des modèles prédéfinis.
2.6.2.2 Usages actuels de la DSM
Cette représentation de l'architecture d'un système sous forme d'une matrice a pour avantage d'offrir une structure de données bien adaptée aux manipulations algorithmiques (transpositions de lignes et de colonnes, parcours sur les éléments etc.) et aussi aux manipulations mathématiques (additions, multiplications de matrices, recherche de valeurs propres etc.). En particulier les puissances de la matrice ( M n ) peuvent révéler les dépendances cycliques du système. Nous pouvons interpréter l'élément (i,j) d'une DSM par « Le composant de la ligne j est atteignable par le composant de la colonne i en parcourant un seul lien de dépendance ». Pour la matrice carrée ( M 2 ) l'interprétation devient « Le composant de la ligne j est atteignable par le composant de la colonne i en parcourant exactement deux liens de dépendance ». Ainsi, si on élève la DSM à la puissance n, chaque élément non-nul de la diagonale implique que cet élément est atteignable en parcourant n liens de dépendances en partant de lui-même. Ce qui veut dire qu'il intervient dans un cycle de longueur n. Pour illustrer cela, considérons le système suivant (figure 2.8) :
Figure 2.8. Graphe représentant des dépendances entre composants d'un système. Le carré de cette DSM qu'on appellera M est : (Sachant que si un élément est supérieur à 1, il est remis à 1) 45 Les éléments dans la diagonale de M 2 qui sont en surbrillance montrent que les composants A et B appartiennent à des cycles de longueur 2 que l'on appellera des 2cycles (un n-cycle sera donc l'appellation adoptée pour un cycle de longueur n). En calculant M 3, nous découvrons que les composants B, C et D sont impliqués dans des 3-cycles et que le composant A n'appartient à aucun 3-cycle. Il est à noter que l'utilisation excessive de liens non-orientés (ou bidirectionnels) donne lieu à des matrices inexploitables. Considérons l'exemple suivant : Le carré de la matrice de départ contient le nombre 1 dans tous les éléments diagonaux tant que le composant en cause possède un lien bidirectionnel sortant ou entrant. Car chaque lien bidirectionnel est un 2-cycle pour les deux composants reliés.
2.7 Conclusion
Nous avons présenté dans ce chapitre quelques méthodologies utilisées en conception. Ensuite nous avons présenté quelques processus standards d'ingénierie système. Nous avons rappelé l'importance de ces approches systémiques pour la conception des systèmes mécatroniques. Ensuite, nous avons présenté deux formalismes 46 de représentation multi-technologiques. Après avoir décrit ce cadre, nous rappelons les objectifs posés dans la problématique, en particulier, notre tentative d'appliquer des approches du génie logiciel, en l'occurrence l'ingénierie guidée par les modèles à la conception systémique des systèmes mécatroniques. Pour cela, nous allons présenter les bases théoriques qui ont permis, en génie logiciel, d'entreprendre de telles approches. Nous commençons, donc, dans ce qui suit, par nous focaliser sur les langages orientés objet, puis par présenter l'approche MDA qui établit un cadre général pour entreprendre une ingénierie système guidée par les modèles (ou MBSE : Model-Based Systems Engineering). Chapitre 3 III - Quelques approches orientées objet 48 3.1 L'approche Objet
L'objet est un concept qui a été inventé pour regrouper dans une même entité un ensemble de procédures portant sur un ensemble de données. Ceci avait pour but de simplifier la programmation impérative classique en intégrant une approche en composants qui permet la réutilisation à la manière de ce qui se fait en électronique par exemple. Sont apparus alors des langages orientés objet tels que C++ ou SmallTalk. Dans la modélisation objet le concepteur analyse le système, son environnement et son domaine de connaissances puis représente par des objets ces éléments du monde réel ou des concepts abstraits. Les objets ainsi décrits sont les types des données qui seront utilisés lors des activités de conception orientée objet. Durant cette analyse le concepteur ne prend en compte aucun aspect d'implémentation, seul le champ du problème est important. C'est principalement cette particularité de l'analyse orientée objet OOA qui en fait une méthode extensible à tous les autres domaines non logiciels. Quant aux activités concernant la solution envisagée qui représentent la conception (Design) orientée objet ou OOD, les langages utilisés sont souvent orientés vers des domaines particuliers et peuvent viser spécifiquement une plate-forme d'implémentation donnée. Après les objets, les frameworks ont vu le jour (framework.NET, NetBeans). Un framework est un atelier contenant toute une panoplie d'objets qui permettent de résoudre un ensemble de problèmes liés. La dernière évolution (figure 3.1) est celle du tout « modèle ». Nous présenterons cette approche plus tard dans ce document. Les trois dernières évolutions utilisent toujours à leurs bases l'approche orientée objet.
Figure 3.1. Vagues de l'évolution des technologies du logiciel. Nous allons présenter le langage UML et quelques langages orientés-objets utilisés pour la conception de systèmes hétérogènes. UML est un langage qui a tenté de résoudre la problématique de la couverture (ou universalité) en offrant des éléments de modélisation qui puissent satisfaire à différents domaines :
3.2 Le langage UML 3.2.1 Historique
UML est le « Unified Modeling
Language
». L'élaboration d'UML a commencé en 1994 par Grady Booch et Jim Rumbaugh qui ont entrepris d'unifier la méthode Booch et OMT [UML1.4]. En 1995 la version 0.8 d'UML a été publiée. En 1995, Ivar Jacobson rejoint l'équipe et sa méthode OOSE est fusionnée avec UML. Cette collaboration avait pour but de donner une certaine stabilité aux technologies orientéeobjet en fournissant un langage unifié et plus riche que l'existant ce qui permettait aux éditeurs logiciels de fournir des outils qui pourront être utilisés par un public encore plus large que pour un outil ne supportant que la méthode OMT par exemple. Ces trois pionniers de la technologie objet se sont fixé quatre objectifs : • Permettre la modélisation de systèmes hétérogènes pas seulement des systèmes logiciels en utilisant des concepts orientés-objets. • Etablir un couplage entre les artefacts conceptuels et/ou architecturaux et les artefacts exécutables ou comportementaux. • Fournir des éléments permettant d'adresser des systèmes complexes à objectifs critiques (dont le dysfonctionnement peut causer des pertes en termes de vies humaines, pertes économiques ou autre). • Permettre au langage d'être manipulé par des intervenants humains ou par programme. Cette collaboration a donné lieu à UML 0.9 en 1996. Ensuite l'OMG (Object Management Group) [OMG] a rassemblé un groupe de travail composé d'industriels du logiciel pour élaborer et standardiser UML. La version UML 1.0 a ainsi vu le jour puis la version 1.1 qui a été adoptée en 1997. L'évolution d'UML a continué depuis sous 50 l'égide de l'OMG. La version 1.3 a été publiée en 1999 et représentait une évolution mineure du langage. Ensuite la version 1.4 a été adoptée en 2001. En 2005 la version 2.0 qui est une réécriture du langage est adoptée.
3.2.2 Caractéristiques Sémantique informelle
: Les éléments du langage ne sont pas définis sur des bases mathématiques (Backus-Naur Form), il est ainsi impossible de vérifier mathématiquement la cohérence sémantique d'un diagramme UML. De plus, si nous avons recours à deux types de diagrammes différents, pour décrire le même système sous deux vues différentes, il est impossible de vérifier formellement la consistance du modèle global. Pour l'étape de réalisation, il est impératif de dépasser cette lacune. Une solution est de créer des profiles de langages formels. UML 2 a été conçu en tenant compte de quatre principes globaux. [UMLInfra 2004] : • La modularité et la réutilisation : Les éléments du langage sont regroupées dans des packages dont la cohésion est maximisée et dont l'interdépendance (ou couplage) est minimisée. Cette modularité améliore la réutilisation des packages de l'infrastructure ainsi que de la superstructure. • Une architecture en couches : Elle est réalisée selon deux aspects. Le premier est l'hiérarchie des packages qui sépare les éléments de base des éléments de haut niveau qui les utilisent. Le deuxième aspect est visible dans l'architecture en quatre couches qui sera présenté avec plus de détail dans le paragraphe « architecture actuelle d'UML ». • Le partitionnement : Les packages de l'infrastructure d'UML sont partitionnés de manière à faciliter la création de nouveaux langages à partir du méta-langage d'UML. Les packages de la superstructure sont partitionnés de manière modulaire. • L'extensibilité : Le partitionnement et la modularité favorisent l'extension par création de nouveaux langages basés sur l'infrastructure d'UML. De plus, des mécanismes d'extension permettent l'adaptation d'UML à des domaines 51 particuliers. Ces mécanismes seront présentés avec plus de détail dans le paragraphe « Qu'est-ce que la méta-modélisation?».
3.2.3 UML n'est pas une méthode
Contrairement à ses ancêtres (OMT, Booch et OOSE) UML n'est pas directement associé à une méthode, c'est seulement un langage. Le processus qui met en oeuvre la boîte à outils UML n'est intentionnellement pas spécifié. UML se veut adaptable à tous les processus pouvant susciter l'intérêt suivant le domaine d' application et la nature du projet. Par contre, la nature des diagrammes UML suscite un certain enchaînement logique. En effet le diagramme des Use Cases par exemple qui permet de décrire les fonctions que doit réaliser le système est naturellement utilisé comme point de départ. 3.2.4 L'architecture d'UML2 UML est décrit par un méta-modèle (figure 3.2). Le méta-modèle d'UML permet de décrire les éléments du langage UML et la structure qui les relie, ce sont les règles syntaxiques du langage. Figure 3.2. Exemples de méta-modèles.
Le MOF (Meta Object Facility) [MOF2006] est le méta-modèle d'UML. L'OMG [OMG] a établi une architecture à 4 couches pour représenter les niveaux d'abstractions de langages (figure 3.3). La couche M3 représente le méta-métalangage. La couche M2 représente le métalangage. La couche M1 représente un modèle et la couche M0 représente une application. Ainsi, dans ce modèle, la classe du niveau M3 52 est une méta-méta-classe. La classe du niveau M2 est une méta-classe, c'est l'élément de langage qui représente la classe UML dont l'instanciation permet de créer une classe particulière (niveau M1) d'objets (niveau M0).
Figure 3.3. Exemple du modèle en 4 couches de la méta-modélisation de
l'
OMG.
Le MOF a été pensé non-seulement pour permettre de décrire le langage UML mais aussi d'autres langages graphiques (figure 3.4). C'est à partir du MOF que d'autres langages ont ainsi été définis tel que CWM (Common Warehouse Metamodel) [CWM2001
]. Figure 3.4. Niveaux M3 et M2, MOF et UML. [UMLInfra2004] page14.
L'OMG a organisé les méta-modèles des langages UML, MOF [MOF2006], CWM11 [CWM2001] et « Profiles » autour d'un noyau commun appelé « Common 11 CWM ou Common Warehouse Metamodel est un metamodèle d'échange de méta-données entre les langages de datawarehousing, business intelligence et gestion de connaissances et technologies web. 53 Core » (figure 3.5). Ce noyau est un méta-modèle qui regroupe des éléments réutilisables de langages basés sur le MOF. Ses éléments sont réutilisés et/ou étendus pour former des langages tels qu'UML ou encore le « Profiles ». Figure 3.5. Liens entre le noyau « Common Core », les profiles et UML.
3.2.5 UML est un langage extensible : apports des profiles
Pour maintenir le caractère universel d'UML, les méta-modèles ne sont pas modifiables. En contrepartie UML offre des mécanismes d'extension décrits par le chapitre intitulé « profiles » de la spécification de la superstructure d'UML. En UML, parmi les tâches de méta-modélisation, la création de profiles est l'activité qui permet d'étendre ce langage général. Un profile UML réalise le rapprochement et la spécialisation d'UML à un domaine spécifique ce qui permet : • Meilleure compréhension des utilisateurs. • Optimisation des possibilités du langage. • Accélération du processus de conception (méta-classes pré-conçues). • Meilleure génération de code et de documents. • Capitalisation du savoir-faire dans un méta-modèle, pérennité. • Bénéfice des outils UML existants. Dans le paragraphe suivant nous présentons en détail ces mécanismes tels que décrits par la spécification de l'infrastructure d'UML 2.1.1 issue en février 2007 [UML2007]. 54
3.2.6 Le package UML « Profiles » V2.1.1
Le package « Profiles » [UML2007] contient les mécanismes permettant d'étendre les métaclasses d'un métamodèle donné afin d'y intégrer une sémantique spécifique à un domaine ou à une plateforme particuliers. Le Package « Profiles » est aussi un package du noyau (Core ::Profiles). Bien qu'il ait été conçu au départ pour étendre UML, il en est indépendant et peut être réutilisé pour des langages basés sur le Core. Figure 3.6.
Méta-m
odèle
du
package
« Profiles ».[UML2007]
Dans ce méta-modèle (figure 3.6), un profile peut être appliqué à un package à travers une application de profile « ProfileApplication ». Un profile contient un ensemble de stéréotypes qui contiennent des icônes. La méta-classe « Class » peut être dérivée par des stéréotypes. Seule la méta-classe « Stereotype » ne peut pas être stéréotypée, cette contrainte n'apparaît pas sur le méta-modèle de la figure 3.6 mais elle est exprimée textuellement dans la spécification [UML2007]. Cette limitation intentionnelle permet d'éviter un stéréotypage hiérarchisé trop lourd. Par contre, le stéréotypage hiérarchisé permettrait de mieux organiser un profile donné et de mettre en place des contraintes relatives à l'application des stéréotypes de manière structurelle non déclarative, ce qui est plus naturel dans la conception d'un profile (dans toute la 55 conception orientée-objet). L'exemple de la figure 3.7 suivante permet d'illustrer cette problématique :
Figure 3.7. Avantage du stéréotypage hiérarchisé. Dans cette figure (3.7) la solution A qui correspond au stéréotypage hiérarchisé a deux avantages essentiels : • Pour un ordinateur portable, la solution B nous oblige à spécifier deux stéréotypes (<<ordinateur>> et <<portable>>) ; Si un traitement automatique est fait sur tous les ordinateurs, le stéréotype <<ordinateur>> est nécessaire. Quant à la solution A, elle nous permet de se contenter de spécifier le stéréotype le plus spécialisé et dans ce cas un traitement automatisé reconnaîtrait un portable comme étant un ordinateur. Du point de vue graphique, la solution A permet aussi un gain d'espace considérable ce qui est un point primordial dans la conception graphique ; Avoir un schéma moins encombré permet de mieux concevoir et mieux comprendre. • Le deuxième point important est que la solution B permet de faire des erreurs de conception en utilisant n'importe quelle combinaison de stéréotypes même si, comme la figure ci-dessus le montre, dans certains cas, des stéréotypes peuvent 56 être mutuellement exclusifs. Cette contrainte doit alors être spécifiquement déclarée, car la structure du profile ne l'impose pas.
3.2.7 Etendre UML Vs Créer un DSL
Pour avoir un langage de conception pour un domaine donné, deux approches sont à envisager ; La première est de créer un DSL (Domain Specific Language) ou langage spécifique à un domaine. Utiliser cette approche a certains avantages. En effet, la création d'un langage à partir de zéro pour un certain domaine donnerait un langage parfaitement adapté à ce domaine contrairement à la deuxième solution qui reprendrait un langage existant ayant un large domaine d'expression en l'étendant au domaine. La première solution peut être réalisée en mettant en oeuvre le MOF qui joue le rôle de méta-métalangage et qui permet de définir des ages à partir d'éléments généraux communs aux langages graphiques. La deuxième solution est mise en oeuvre grâce aux profiles et a pour avantage de profiter de toute la panoplie d'outils UML avec toutes les fonctionnalités qu'ils implémentent tel que l'ergonomie des éditeurs de diagrammes, le reverse engineering, la génération personnalisée de code etc. Nous présentons dans ce tableau les avantages et inconvénients de chaque solution :
Tableau 3.1. Avantages et inconvénients de la création de profiles et de DSLs. Extension d'UML, inconvénients: avantages et Conception d'un DSL, avantages et inconvénients: + Standard, outils disponibles, diagrammes, les diagrammes de travail pour la création diagrammes, documentation maturité. diversité des sont une base de nouveaux du langage, adéquation au domaine (artefacts découlent du domaine), pas d'informations ou artefacts superflus, liberté de description, choix des diagrammes illimité (les limites sont celles du méta modèle). - Limites pour l'invention de nouveaux diagrammes, complexité du langage, Extension : plus de complexité, artefacts obsolètes pour certains domaines et donc complexité inutile. Outil à construire (il existe des outils permettant cela tels que eclipse/EOF /GEF, Microsoft Software Factories, metacase+ etc.), définition des diagrammes à partir de zéro. 57 Ainsi on ne doit avoir recours à la première solution que si on constate que la nature du langage UML est complètement inadéquate au langage cible. Dans ce cas là il existe des solutions qui permettent de construire un outil en réutilisant des mécanismes génériques tel que Eclipse Modeling Framework (EMF) et Graphical Editing Framework (GEF) plug-ins de la plate-forme eclipse [Eclipse Project], ou encore les DSL Tools de Microsoft [DSL_Tools]. Pour répondre à l'un des inconvénients décrits dans le tableau 3.1, nous proposons un mécanisme d'extension ; le Blinder (figure 3.8) permettant de réduire un méta-modèle visuellement. Ce Blinder, lorsqu'il est appliqué à un élément du métamodèle, veut dire que cet élément est inutile pour un profile donné et que l'outil doit cacher cet élément à l'utilisateur. Cette proposition n'élimine pas complètement l'élément du langage du modèle de données, ce qui permet de garder la compatibilité des outils. Ce mécanisme est une proposition purement théorique et indépendante de la méthode.
Association Extension -extension -isRequired : Boolean -metaclass Class * 1 1 Property 1 -ownedEnd -ownedStereotype Stereotype 1 -type ExtensionEnd * 1 * Profile * {OR} 1 Blinder -type 1 -ownedBlinder *
Figure 3.8. Mécanisme pour cacher des éléments obsolètes du langage. (Les parties en trait fort sont notre contribution)
3.3 Extensions d'UML pour systèmes hétérogènes et Profiles existants
3.3.1 UML et les systèmes hétérogènes UML a été appliqué à plusieurs types de systèmes hétérogènes. Dans [Nguyen2004] les auteurs présentent une extension au diagramme de classe et au diagramme d'états d'UML permettant de concevoir un système temps-réel et de générer le code SystemC12 correspondant. Les diagrammes de classe permettent une décomposition hiérarchique du système ainsi que l'établissement du squelette du code SystemC qui sera généré en aval. Les diagrammes d'états décrivent le comportement d'une classe. Les actions, qui sont exécutées pendant chaque état sont décrites en code C++. Dans [Caraa2004] les auteurs utilisent UML pour modéliser des circuits analogiques en empruntant une approche systémique. Ils réalisent un mappage des concepts de VHDL-AMS vers des éléments de modélisation UML pour permettre la description du matériel et du logiciel sur une même plateforme. Ils utilisent le diagramme de classes pour décrire la structure du système, les composants et leurs interconnexions. Les entrées, les sorties et les valeurs génériques sont représentés par des attributs de classe et une fonction de transfert est utilisée pour décrire le comportement dans la partie opérations de chaque classe. Ceci est valable pour les composants qui peuvent être représentés par un modèle mathématique. Une classe nommée « system » est finalement utilisée pour décrire le système global et connecter les différents composants, cette connexion est utilisée pour réaliser le mappage entre les ports dans le code VHDL-AMS. Dans [Dudra2003] l'auteur expose une application d'UML pour concevoir un système d'amortisseurs d'un camion. Il utilise pour cela dans des phases d'analyse le diagramme Use-case pour définir les liaisons entre les fonctions du système avec les acteurs du monde extérieur au système. Ensuite il décrit un diagramme de collaboration qui lui a permis de mettre en évidence un certain nombre de classes (représentant des 12 SystemC est une librairie écrite en C++ largement utilisée pour écrire du logiciel temps-réel. 59 modules du système) et l'échange séquentiel des messages entre elles tout en faisant intervenir les acteurs extérieurs au système. Il expose ensuite un diagramme des classes pour définir l'ensemble des classes nécessaires pour construire le système et les relations qui les lient en détaillant les fonctions (méthodes) de chaque classe. Cette approche est connue par l'approche orientée par les Use Cases (Use Case Drive D'autres travaux ont introduit dans UML des modèles pour la vérification tel que les réseaux de Petri [Paludetto2004]. Dans un projet antérieur [TURKI2004] nous avons montré comment un PSM décrit en UML pouvait être utilisé pour décrire graphiquement un système à comportement hybride puis être simulé sur la plate-forme de simulation OpenMask13. D'autres qualités d'UML ont été démontrées par d'autres travaux. Dans [Bahill2003], par exemple, les auteurs utilisent UML dans toute la démarche de conception en partant de l'expression des besoins vers l'analyse du système et finalement la conception du système. Cet article montre les qualités d'UML pour supporter les tâches de l'ingénierie système. Les auteurs déclarent que les outils classiques de l'ingénierie systèmes (RDD-100, DOORS, Slate, RTM, Excel etc.) sont dépassés et ne permettent pas de faire communiquer les ingénieurs du logiciel et les ingénieurs électroniciens. Les ingénieurs système utilisent encore le processus « waterfall » à cause de ces outils. Bahill et Daniels [Bahill2003] expriment la nécessité aux ingénieurs système d'évoluer vers les outils/méthodes utilisés dans le génie logiciel (UML, RUP etc.). Ils illustrent leur utilisation d'UML par la conception d'un système de chauffage ventilation et air conditionné en mettant en oeuvre le processus unifié pour l'ingénierie système (Unified Systems Engineering Process) [Bahill1998] qui est une évolution du « Unified software development process » [Jacobson1999]. Ainsi UML est tout aussi adapté pour décrire des modèles exécutables de systèmes mécatroniques mais aussi pour tout le processus de conception de systèmes mécatroniques. L'ensemble de ces expériences ont montré les possibilités d'UML et son utilité en tant que langage de base pour le MBSE des systèmes complexes et/ou hétérogènes.
3.3.2 Lacunes d'UML par rapport aux systèmes physiques
Par contre, ces expériences ont montré que certaines faiblesses d'UML devaient être comblées pour en faire un langage efficace à l'ingénieur système. Nous en citons : • Besoin de décrire les exigences dans le modèle UML, et d'en assurer la traçabilité vers la conception. • Besoin de représenter des éléments non-logiciels et d'en spécifier le type (mécanique, circuit, hydraulique, câblage, capteur). • Besoin de représenter des attributs de performance, des attributs physiques et non comportementaux. • Types de données pour des éléments physiques. • Éléments de modélisation explicites pour représenter des entrées/sorties physiques. • Représentation des attributs continus (fluides, énergie). • Sémantiques limitées pour spécifier des événements et coupler l'événement avec l'action. Beaucoup de tentatives ont été développées durant ces quinze dernières années pour répondre à ces besoins comme UML RT, UML/PNO [Paludetto2004Petri] et des profiles UML ont été définis tels que MARTE [MARTE2007], OMEGA [UMLOmega] TURTLE [Apvrille2004] et SysML [SysML2007]. 3.3.3 Le profile MARTE MARTE [MARTE2007] est le profile UML pour la Modélisation et l'Analyse de systèmes Temps-Réel et Embarqués. Il succède à UML Profile for Schedulability, 61 Performance and Time [UML SPT 2005]. MARTE est conçu de manière à permettre l'utilisation de techniques d'analyse quantitative variées. La figure 3.9 suivante décrit le méta-modèle de description structurelle des composants dans MARTE.
Figure 3.9. Méta-modèle de description structurelle des composants en MARTE [MARTE2007]. Un StructuredComponent définit dans MARTE une entité encapsulée contenant des données structurées et une description comportementale. Ce composant peut contenir des InteractionPort qui définissent des points d'interaction à travers lesquels le composant peut être relié par des AssemblyConnector. Le composant peut aussi être connecté directement sans passer par les ports. Les ports sont étendus pour supporter les échanges orientés-messages et ceux orientés-flux. Dans les aspects structurels, ce profile reprend les mêmes concepts que nous retrouverons dans SysML dans le chapitre suivant. Au-dessus de cette couche de description de l'architecture, une couche de description des exigences non-fonctionnelles et temporelles est définie. Le package MARTE design model contient ces éléments. Il définit des mécanismes décrivant le temps tels que les événements temporels et les horloges. Ainsi MARTE supporte trois modèles temporels différents ; le temps réel (chronométrique), le temps logique, et le temps logique synchrone. 62 Une autre couche représentée par le package MARTE analysis model est destinée à fournir des éléments d'annotation des modèles permettant l'analyse des propriétés du système décrit [Gérard2007]. MARTE propose aussi un modèle de description des plateformes d'exécution, qui est un élément essentiel en systèmes temps-réels embarqués. Ainsi le General Ressource Model ou GRM présente des éléments de modélisation de ressources à un très haut niveau comme les sémaphores ou les processus par exemple. Le langage AADL [AADL2006] (Architecture Analysis and Design Language) est un langage de conception d'architectures standardisé par la SAE (Society of Automotive Engineers). Il est destiné à la conception et l'analyse de systèmes embarqués complexes et temps-réel. Le langage AADL est orienté composants, il en expose dix catégories [Delanote2007], il y a des composants de description de la plateforme d'exécution, des composants de description du logiciel applicatif et un composant de description de la composition. Les composants de description de la plateforme d'exécution sont Processor, Memory, Device et Bus. Les composants de description du logiciel applicatif sont Process, Thread, Thread Group, Subprogram et Data category. Finalement, le composant permettant la composition est System. AADL définit pour un composant un type et une implémentation. Le type représente son interface. L'implémentation représente sa structure interne en termes de souscomposants et leurs interconnexions. AADL est spécifique aux systèmes embarqués et qui couvre l'architecture seulement, une annexe comportementale a été définie pour lui apporter la possibilité de décrire les communications inter-process par exemple. Le profile MARTE peut être utilisé comme un PIM (Platform Independent Model) pour AADL. AADL peut être ainsi utilisé comme un pont vers SystemC.
3.3.4 Un profile pour SDL
SDL (Specification and Description Language) [SDL] est un langage graphique formel qui a été standardisé par l'ITU (International Telecommunication Union). Il est destiné à la description des systèmes temps-réels événementiels complexes. Les vues décrites par SDL sont : 63 • L'architecture : L'architecture d'un système est décrite en SDL par l'interconnexion d'un ensemble de blocs. Chaque bloc est décomposable en un ensemble d'autres blocs. • Le comportement : Description de processus qui contiennent des procédures. •
communication :
Canaux de communication,
signaux
. • Les données : Données typées, données partagées. En SDL un block est défini par « Le bloc est un agent contenant un automate à états et éventuellement, un ou plusieurs processus ou blocks. L'automate à états d'un block est interprété en parallèle avec ses agents contenus. » [SDL2000] SDL a une sémantique formelle contrairement à UML qui définit des semantic variation points (pour un élément de langage, dire qu'il peut être interprété différemment). 3.3.6 Le profile OMEGA
Le profile UML Omega [UMLOmega] a été développé pour la conception des systèmes embarqués temps-réels tels. Il isole un sous-ensemble d'UML et lui définit une sémantique formelle. Les exigences sont décrites par des uses cases, des diagrammes de séquences étendus, des contraintes OCL et des machines d'états. Les composants, ports et interfaces permettent la conception de l'architecture. Le profile permet aussi de décrire les politiques d'ordonnancement, l'utilisation des ressources et autres aspects temps-réels.
3.3.7 Le profile SysML
La conception orientée objet a de plus en plus intéressé les ingénieurs système, et le langage UML (Unified Modeling Language) [UML2007] en particulier grâce à la place qu'il a conquise dans le monde du logiciel et aussi grâce aux possibilités d'extension qu'il offre. SysML (Systems Modeling Language) [SysML2007] a ainsi vu le jour en tant qu'extension du langage orienté-objet UML pour couvrir toutes les étapes de conception de systèmes complexes et hétérogènes. SysML résout principalement les lacunes des autres profiles quant aux phases amont de l'ingénierie système (exigences) et la traçabilité de ces exigences à la conception. Il est présenté avec plus de détails dans le chapitre suivant.
3.3.8 Conclusion
UML n'est donc pas suffisant pour supporter un processus d'ingénierie système de systèmes mécatroniques. Par contre ces profiles permettent de combler certaines lacunes d'UML. Ainsi, pour obtenir un ensemble complet de modèles permettant de supporter tout le processus de conception, nous pouvons articuler certains de ces profiles autour d'un processus d'ingénierie système couvrant toutes les activités de conception. Vu le chevauchement de ces profiles, le fait qu'ils sont incomplets par rapport aux systèmes mécatroniques, nous avons préféré ne pas nous restreindre à ces modèles mais nous en proposons d'autres que nous trouvons appropriés à la description de l'architecture de systèmes hétérogènes tels que les systèmes mécatroniques. 65 Chapitre 4 IV - Le langage SysML 66 4.1 Le langage SysML : Une approche systémique
L'OMG ou Object Management Group [OMG] qui s'occupe de la standardisation de certaines technologies objet telles qu'UML [UML_OMG] et CORBA [CORBA_OMG] a émis une demande de proposition (Request For Proposal ou RFP) [UMLSE RFP 2003] pour un profil UML destiné à couvrir les tâches de l'ingénierie système. Suite à cette RFP, SysML a été proposé par le International Council on Systems Engineering (INCOSE) [INCOSE]. Dans cette RFP, le besoin d'un langage standard destiné aux activités d'ingénierie système a été exprimé. Ce langage devait être facilement intégrable dans les équipes d'ingénierie système et dans les outils existants. Un autre besoin était de faciliter la communication entre des équipes hétérogènes. Dans cette optique, SysML a été conçu comme une extension à UML pour minimiser les difficultés de son implémentation dans les outils UML existants. Sa spécification a été écrite de manière à être abordable contrairement à celle d'UML pour ne pas constituer un frein à son adoption dans le monde de l'ingénierie système. SysML bénéficie donc des mécanismes d'extension d'UML qui sont les stéréotypes, les tagged values (ou méta-propriétés) et les contraintes. Ces mécanismes peuvent encore être utilisés pour spécialiser davantage SysML et en faire une boite à outils de description de systèmes de domaines particuliers (Aéronautique, automobile, énergie, etc.). La première spécification finalisée de SysML a vu le jour en juillet 2006 et l'adoption de SysML a été accomplie en septembre 2007 [SysML2007]. Les premiers outil CASE à proposer le support de SysML sont Artisan Software, No Magic, Telelogic, et en open-source TOPCASED [TOPCASED] et PAPYRUS [PAPYRUS]. D'un autre côté, l'adoption par des ingénieurs systèmes de cette nouvelle technologie est la question clé pour l'avenir de SysML. Nous pensons que SysML doit avoir de sérieux arguments pour réussir cela. Et nous pensons que la solution réside dans l'ingénierie orientée par les modèles ou MDD (Model Driven Development). Cette nouvelle technologie a aussi été adoptée par l'OMG sous le nom de MDA (Model Driven Architecture).
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Chimie 1 Evaluation des diplômes Masters – Vague E
Evaluation réalisée en 2013-2014 Académie : Versailles Etablissement déposant : Université Paris-Sud Académie(s) : / Etablissement(s) co-habilité(s) au niveau de la mention : / Mention : Chimie Domaine : Sciences, technologies, santé Demande n° S3MA150008669 Université Paris-Sud, Orsay. Ecole Normale Supérieure de Cachan, Cachan. Double diplôme avec l'Université Polytechnique de Tomsk (Russie) pour la spécialité Pollutions chimiques et gestion environnementale. Présentation de la mention La mention Chimie de l'Université Paris-Sud est une formation pluridisciplinaire, large et diversifiée, dans les différents domaines des sciences du vivant, des matériaux, de l'énergie et de l'environnement. L'objectif de ce master est de former, selon les spécialités, des chercheurs et des cadres pour la recherche et l'industrie. Le master Chimie de l'Université Paris-Sud propose trois spécialités recherche (Chimie organique : des matériaux au vivant, Chimie et physico-chimie : de la molécule aux biosystèmes, Matériaux pour les structures et l'énergie), quatre spécialités professionnelles (Instrumentation et méthodes d'analyse moléculaire, Pollutions chimiques et gestion environnementale, Elaboration et caractérisations des matériaux en couches minces, Compétences complémentaires en informatique) et trois spécialités indifférenciées (Applications industrielles et médicales des radiations, spécialité internationale labellisée Erasmus Mundus, Nanosciences, Cycle du combustible). Le master Chimie de l'Université Paris-Sud est une formation de très haut niveau scientifique, diversifiée et attractive proposant des spécialités recherche et professionnelles originales, et adossée au très fort potentiel de recherche et d'industries du sud de la région Île-de-France. La structure du master est très bien construite sur une première année commune comprenant un tronc commun généraliste et cinq parcours (chimie organique, chimie biologie, chimie analytique, chimie et physicochimie : de la molécule au matériau et un parcours magistère de physico-chimie moléculaire) permettant une orientation progressive. Des enseignements transversaux et d'ouverture viennent compléter la formation. L'orientation des étudiants se fait à travers des choix d'unités d'enseignement optionnelles très diversifiées à prendre au sein de la mention Chimie ou d'autres mentions du domaine des Sciences, technologies, santé (STS) de l'université. Un stage de trois mois en fin de première année à réaliser au sein d'un laboratoire de recherche ou dans l'industrie permet aux étudiants de conforter leur choix d'orientation. La deuxième année de la mention se décline en dix spécialités. Les objectifs de cette formation et les modalités pédagogiques apparaissent cohérents et ne présentent pas de faiblesses majeures. La mention Chimie, l'une des 32 mentions de master proposées par l'Université Paris-Sud dont 19 dans le domaine STS, s'appuie sur la licence de chimie et est rattachée au département de chimie au sein de l'Unité de Formation et de Recherche (UFR) des Sciences. Au niveau régional (Sud francilien) seuls trois établissements proposent une mention chimie. On peut cependant souligner le fort partenariat avec les autres établissements de la région. L'École Normale Supérieure de Cachan co-habilite quatre spécialités recherche de la mention et l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines en co-habilite deux. De plus, des conventions de partenariat existent entre l'Université Paris-Sud et l'Ecole Polytechnique ainsi qu'avec l'Université d'Evry-Val d'Essonne. L'adossement à la recherche est excellent. En effet, le master s'appuie sur des unités de recherche mixtes reconnues internationalement de l'Université Paris Sud et de l'École Normale Supérieure de Cachan (environ une quinzaine de laboratoires) ainsi que sur les instituts et les fédérations de recherche de la région. Il est rattaché à l'école doctorale Chimie de l'Université Paris-Sud (ED 470) au sein de laquelle un grand nombre de diplômés du master poursuivent leurs études doctorales. 2 Depuis 2008, une évaluation des enseignements et des formations par les étudiants a été mise en place par l'établissement, ce qui constitue un point fort de ce dossier. Un comité de pilotage (outils logiciels et une charte) travaille en lien avec un réseau de coordinateurs dans les composantes et assure le suivi de cette évaluation. Des procédures spécifiques à la mention et aux spécialités complètent les enquêtes institutionnelles. Comme il avait été recommandé lors de la précédente évaluation, le nombre d'unités d'enseignement optionnelles a été réduit et des mutualisations entre parcours et d'autres mentions ont été effectuées. Le suivi postdiplôme a été amélioré mais, réalisé par les responsables d'année, il s'avère insuffisant pour le suivi à long terme. La procédure d'autoévaluation est clairement présentée, le dossier est renseigné par le responsable de formation, puis validé par les différentes instances (les commissions pédagogiques internes, de la composante et le CEVU). Le dossier, de bonne qualité et complet, est bien présenté. Les fiches RNCP et les Annexes descriptives au diplôme sont présentes. La partie autoévaluation propose un état des lieux critique et amène des propositions cohérentes pour pallier les éventuelles difficultés rencontrées. Ces derniers éléments montrent une implication réelle des différents partenaires dans le pilotage de cette mention. Actuellement, une réflexion est menée afin de proposer une formation en chimie « cohérente et sans redondance » dans le cadre de la création de l'Université Paris-Saclay. Le projet prévoit de construire une offre inter-établissements qui maintiendrait une structure très proche de l'actuelle pour la première année (tronc commun et parcours) et proposerait globalement au niveau de la deuxième année 12 parcours résultant d'un réaménagement (regroupement et disparition) des spécialités 3 Evaluation par spécialité Chimie organique : des matériaux au vivant
Site(s) (lieux où la formation est dispensée, y compris pour les diplômes délocalisés) : Université Paris-Sud (Orsay). Etablissement(s) en co-habilitation(s) au niveau de la spécialité : Ecole Normale Supérieure de Cachan. Délocalisation
(
s) : / Diplôme(s) conjoint(s) avec un (des) établissement(s) à l'étranger : / La spécialité Chimie organique : des matériaux au vivant est une formation recherche qui vise à former de futurs chercheurs en chimie organique fondamentale et appliquée dans les domaines allant des sciences des matériaux au vivant. A l'issue de leur formation les étudiants auront acquis des connaissances et des compétences approfondies dans tous les champs disciplinaires de la chimie organique : synthèse organique, chimie organique structurale, chimie organométallique, chimie verte et éco-compatible, chimie organique des surfaces. Les métiers visés sont enseignantschercheurs, chercheurs, cadres des industries chimiques, pharmaceutiques, cosmétiques. Appréciation : La spécialité Chimie organique est une formation de haut niveau par et pour la recherche, à travers des enseignements théoriques et par projets (bibliographique et de modélisation RMN), qui présente une bonne attractivité. Le projet pédagogique de cette spécialité est bien construit et cohérent. Les échanges internationaux sont inexistants ou du moins non précisés dans le dossier. Les flux varient de 19 à 23 étudiants par an. Les taux de réussite sont bons (80 à 100 %) et l'insertion est en bonne adéquation avec la finalité de la formation, plus de 70 % des étudiants poursuivant en doctorat. Globalement, pour cette spécialité, les critères de réussite et d'insertion sont s. La spécialité s'appuie sur des unités de recherche reconnues. L'interaction avec le monde professionnel est faible, il n'existe pas de module de professionnalisation spécifique pour cette spécialité, toutefois des visites de sites et l'intervention d'un cadre extérieur sont prévues. Cependant, l'équipe pédagogique bien équilibrée comprend deux cadres de l'industrie et, même si le jury est un peu restreint (quatre membres), dans l'ensemble le pilotage de la spécialité est correct. Il est envisagé de faire évoluer cette spécialité en intégrant des enseignements d'ouverture en lien avec les développements récents de la synthèse organique. Il n'existe pas de conseil de perfectionnement. 5 Chimie et physico-chimie : de la molécule aux biosystèmes
Site(s) (lieux où la formation est dispensée, y compris pour les diplômes délocalisés) : Université Paris-Sud (Orsay). Etablissement(s) en co-habilitation(s) au niveau de la spécialité : Ecole Normale Supérieure de Cachan, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines. Délocalisation(s) : / Diplôme(s) conjoint(s) avec un (des) établissement(s) à l'étranger : / La spécialité Chimie et physico-chimie : de la molécule aux biosystèmes est une formation à vocation recherche qui a pour objectifs de permettre aux étudiants d'acquérir de solides connaissances et compétences théoriques et technologiques en chimie et physico-chimie moléculaires. Cette formation pluridisciplinaire à l'interface entre la chimie, la physique et les sciences du vivant propose trois parcours différenciés Chimie bio-organique et bioinorganique, Physico-chimie : concepts, pratiques et modélisation et Chimie inorganique moléculaire et du matériau. Appréciation : Issue de la mutualisation de trois spécialités existantes dans l'offre précédente, cette formation originale à l'interface chimie/physique/biologie s'appuie sur un environnement scientifique remarquable, les membres de l'équipe pédagogique sont tous membres de laboratoires reconnus au niveau international. Toutefois, les liens avec les milieux socio-économiques apparaissent faibles et il n'existe pas d'enseignement spécifique de professionnalisation. Cependant, compte tenu de la spécificité recherche de cette formation, le projet pédagogique proposé est bien construit et il répond parfaitement aux critères de l'évaluation. A noter, plus particulièrement, parmi les enseignements spécifiques à la recherche, un module visite de plateformes et de grands instruments. Bien que de très haut niveau, la formation ne connaît pas l'attractivité attendue, les effectifs demeurent faibles (11 étudiants en moyenne par an). Cependant, les taux de réussite sont globalement bons et le taux de poursuite des étudiants en doctorat de l'ordre de 90 % répond parfaitement aux objectifs de la formation. Ce volet est satisfaisant au regard des critères d'évaluation. La spécialité bénéficie d'un fort adossement recherche, par un appui sur des unités reconnues. Les relations internationales ne sont pas présentées. L'offre de formation est actuellement en cours de discussion en vue d'une restructuration dans le cadre de la création de l'Université Paris-Saclay. Le travail de restructuration engagé traduit une démarche et une mise en oeuvre en adéquation avec les critères de l'évaluation. 7 Instrumentation et méthodes d'analyse moléculaire
Site(s) (lieux où la formation est dispensée, y compris pour les diplômes délocalisés) : Université Paris-Sud (Orsay). Etablissement(s) en co-habilitation(s) au niveau de la spécialité : / Délocalisation(s) : / Diplôme(s) conjoint(s) avec un (des) établissement(s) à l'étranger : / Cette spécialité professionnelle a pour objectif de former des spécialistes de l'instrumentation et des techniques analytiques, elle repose sur un projet pédagogique comprenant l'acquisition de compétences professionnelles, l'apprentissage d'un savoir-faire expérimental et instrumental et l'acquisition de connaissances théoriques des techniques utilisées en analyse moléculaire. A l'issue de la formation, les diplômés occuperont des postes d'ingénieur de contrôle/qualité dans les organismes de contrôle qualité et les industries des secteurs chimiques, pharmaceutiques et analytiques, de cadres technico-commerciaux dans les mêmes secteurs, d'ingénieurs d'étude et de recherche en instrumentation et analyse. Appréciation : Cette spécialité est une excellente formation dans le domaine de l'instrumentation et de l'analyse, bénéficiant d'un environnement scientifique remarquable. Le projet pédagogique de cette formation, très bien construit et équilibré, s'appuie sur les compétences en analyse moléculaire des laboratoires du site (Université Paris-Sud, CEA, CNRS, Ecole Polytechnique) et sur un très fort partenariat industriel (Véolia, Arkéma, Sanofi, Bruker, ThermoScientific, Agilent). Un module spécifique connaissance de l'entreprise permet aux étudiants de réaliser un projet tutoré en lien avec les partenaires. La formation est ouverte, après sélection sur dossier et entretien, aux étudiants ayant une formation en chimi analytique, cependant les effectifs sont en deçà des 20 étudiants attendus (en moyenne 15 étudiants par an). De façon globale, les critères d'appréciation de la réussite et de l'insertion sont bons voire très bons. Les taux de réussite sont très satisfaisants (supérieurs à 92 %) et l'insertion professionnelle répond clairement aux objectifs de la formation, elle est de 80 % à six mois à 97 % à un an. On note une seule poursuite en doctorat. Ces données correspondent à des taux de réponses aux enquêtes supérieurs à 80 %, l'association des anciens étudiants (Association Spectral) assurant le suivi à long terme de la formation. L'équipe pédagogique est bien équilibrée, elle se répartit pour moitié entre intervenants universitaires et extérieurs, ces derniers étant des partenaires industriels issus de l'instrumentation. La structuration de l'équipe pédagogique répond parfaitement aux exigences attendues pour le pilotage d'une spécialité professionnelle même si l'on peut regretter l'absence d'un réel conseil de perfectionnement. 9 Pollutions chimiques et gestion environnementale
Site(s) (
lieux où la formation est dispensée,
y compris
pour
les
diplômes
dé
localisés
) : Université Paris-Sud (Orsay). Etablissement(s) en co-habilitation(s) au niveau de la spécialité : / Délocalisation(s) : / Diplôme(s) conjoint(s) avec un (des) établissement(s) à l'étranger : Double diplôme avec l'Université Polytechnique de Tomsk (Russie). Cette spécialité à finalité professionnelle, pluridisciplinaire dans le domaine de l'environnement, a pour objectifs de former des cadres possédant des compétences scientifiques nécessaires à l'analyse, la prévention, la détection et la gestion des risques chimiques. Les secteurs d'activités visés concernent aussi bien les éco-industries spécialisées dans la gestion et le traitement des déchets des eaux, des sols et de l'air que les bureaux d'études, les organismes publics et les industries ayant un pôle environnement. Cette formation est proposée dans le cadre d'un double diplôme avec l'Université Polytechnique de Tomsk (Russie). Appréciation : La spécialité Pollutions chimiques et gestion environnementale, interdisciplinaire dans tous les domaines de l'environnement, est une excellente formation, quasiment unique en France, bénéficiant d'un environnement de qualité. De façon globale, le projet pédagogique de cette spécialité professionnelle répond parfaitement à l'ensemble des critères d'évaluation. Il implique un enseignement obligatoire spécifique aux problématiques environnementales. Il est complété d'une étude de cas se déroulant les six premiers mois de la formation portant sur un sujet d'actualité. Ce projet permet aux étudiants de suivre un cycle de conférences et de rencontrer des professionnels du secteur d'activités. L'équipe pédagogique est une équipe interdisciplinaire comprenant 17 intervenants universitaires issus de 8 universités et 27 intervenants extérieurs qui assurent 45 % des enseignements, dont certains sont d'anciens étudiants de la formation. La formation est très attractive, les effectifs sont en moyenne de 20 étudiants (80 dossiers examinés, 40 entretiens réalisés). 60 % des étudiants viennent de l'Université Paris-Sud, 40 % d'autres universités, dont 15 % d'universités étrangères. Les taux de réussite sont excellents (100 et l'insertion professionnelle est supérieure à 70 % à 6 mois et supérieure à 90 % à 12 mois (taux de réponse aux enquêtes de 99 %). 94 % des emplois occupés par les diplômés correspondent aux emplois visés par la formation. Le taux de poursuite en doctorat est de façon logique faible (4 %). Ces excellents taux soulignent la qualité de cette formation et témoignent d'un réel dynamisme et d'une forte implication des différents partenaires dans le pilotage de cette spécialité en dépit de l'absence d'un conseil de perfectionnement. Points forts : Attractivité de la formation. Excellente insertion professionnelle, bon placement des étudiants certainement du fait d'un bon partenariat industriel. Relations internationales, existence d'un double diplôme avec la Russie. Annuaire de la formation, association des anciens étudiants. 11 Applications industrielles et médicales des radiations
Site(s) (lieux où la formation est dispensée, y compris pour les diplômes délocalisés) : Université Paris-Sud (Orsay). Etablissement(s) en co-habilitation(s) au niveau de la spécialité : Ecole Normale Supérieure de Cachan (ENS Cachan). Délocalisation(s) : / Diplôme(s) conjoint(s) avec un (des) établissement(s) à l'étranger : Spécialité labellisée Erasmus Mundus depuis 2010 (Université de Gênes (Italie), Université de Poznan (Pologne), Université de Porto (Portugal)). Formation indifférenciée, la spécialité
Applications industrielles et médicales des radiations est une formation internationale en physico-chimie (label Erasmus Mundus) qui a pour objectifs de former des experts dans les domaines d'applications des radiations pour les secteurs tels que l'environnement, la nano-médecine, la catalyse, le développement durable. A l'issue de la formation, les étudiants auront acquis des bases solides et pratiques en chimie physique. Appréciation : Cette spécialité à forte finalité recherche est une formation internationale de haut niveau bénéficiant d'un environnement scientifique de premier ordre, elle s'appuie sur plusieurs organismes et laboratoires de recherche d'excellence. De forts partenariats internationaux ont été établis dans le cadre de cette formation avec différents laboratoires étrangers (Europe, Japon, USA, Brésil, Chine). Conçue sur deux années, la formation implique dès le M1 une mobilité obligatoire des étudiants dans les établissements partenaires. Pour la validation du multi-diplôme, les semestres doivent être validés indépendamment. En plus des enseignements théoriques et expérimentaux, des enseignements de professionnalisation sont intégrés à la formation et une école d'été de deux semaines, consacrée à des enseignements transversaux (management, communication, projet professionnel, ) est organisée à la fin de la première année à Gênes. Les objectifs et les modalités pédagogiques de cette spécialité répondent parfaitement aux critères de qualité attendus pour un master labellisé Erasmus Mundus. Les spécificités de cette formation font qu'elle est ouverte à un public international (plus de trente pays différents), les effectifs qui suivent la formation à l'Université Paris-Sud varient de six à dix étudiants selon les années. Les taux de réussite sont excellents (100 %), la majorité des étudiants poursuivent en at à l'issue de la formation. Cependant, le suivi des diplômés est difficile, compte tenu des origines géographiques très différentes des étudiants. Une association d'anciens étudiants devrait voir le jour très prochainement. Les excellents taux de réussite et d'insertion donnent un caractère différenciant à cette formation et témoignent d'une originalité et d'un dynamisme avéré. La labellisation Erasmus Mundus confère à ce master un caractère international fort qui implique un pilotage très rigoureux assuré spécifiquement dans le cas de cette formation par un Quality Assurance Board composé d'enseignants-chercheurs de chacune des universités partenaires, de professeurs non européens et d'industriels. Il se réunit une fois par an. 13 Matériaux pour les structures et l'énergie
Site(s) (lieux où la formation est dispensée, y compris pour les diplômes délocalisés) : Université Paris-Sud (Orsay). Etablissement(s) en co-habilitation(s) au niveau de la spécialité : Institut National des Sciences et Techniques du Nucléaire (INSTIN), Chimie ParisTech (ENSCP), Université ParisEst Créteil (UPEC). Partenariats : Ecole Centrale Paris, Ecole Polytechnique (Palaiseau), Ecole des Mines ParisTech. Délocalisation(s) : / Diplôme(s) conjoint(s) avec un (des) établissement(s) à l'étranger : / La spécialité Matériaux pour les structures et l'énergie est une formation à finalité recherche dont les objectifs sont de former de futurs chercheurs spécialistes dans le domaine des nouveaux matériaux. A l'issue de la formation les étudiants possèderont des connaissances approfondies en propriétés physico-chimiques et mécaniques des matériaux, des compétences dans l'élaboration, la caractérisation et la mise en oeuvre de matériaux spécifiques et seront capables de déterminer et proposer des stratégies de choix de matériaux pour divers domaines d'application tels que les nouveaux matériaux pour l'énergie nucléaire, la production de l'énergie par les nouvelles technologies et le transport. Appréciation : La formation est une formation recherche de très haut niveau, construite sur des unités d'enseignement fondamentales et d'approfondissement. Un large choix de modules optionnels est proposé aux étudiants et pourrait certainement être limité. Un module d'enseignement de travaux pratiques permet d'aborder les plateformes techniques et ainsi l'acquisition des techniques pré-professionnelles. Les modalités pédagogiques font intervenir des enseignements par projets et d'analyse de publications scientifiques. Dans son ensemble, le projet pédagogique de cette spécialité répond aux critères d'évaluation. Globalement, les flux sont bons puisque la formation accueille chaque année environ 18 étudiants dont plus des deux-tiers proviennent de l'Université Paris-Sud. Les taux de réussite sont en moyenne excellents. La poursuite en doctorat constitue le débouché essentiel avec plus de 90 % des étudiants pour des taux de réponse aux enquêtes supérieurs à 90 %. La formation répond donc pleinement aux objectifs attendus et à l'ensemble des critères de l'évaluation. L'équipe pédagogique comprend des enseignants-chercheurs des établissements co-habilités et des intervenants extérieurs. Le suivi de la formation est assuré par un comité de direction et un comité pédagogique dont les rôles respectifs ne sont pas clairement définis mais qui pourraient à terme constituer le conseil de perfectionnement de cette formation. Toutefois, le volet pilotage de la spécialité est satisfaisant au regard des critères de l'évaluation. 15 Elaboration et caractérisation de matériaux en couches minces (ECMCM)
Site(s) (lieux où la formation est dispensée, y compris pour les diplômes délocalisés) : Université Paris Sud et Laboratoire LPGP (UMR 8578, Orsay). Etablissement(s) en co-habilitation(s) au niveau de la spécialité : / Délocalisation(s) : / Diplôme(s) conjoint(s) avec un (des) établissement(s) à l'étranger : / Cette spécialité à finalité professionnelle vise à former des spécialistes dans le domaine de la mise en forme de films minces, ayant aussi une bonne maîtrise des techniques de caractérisation et du comportement à la corrosion. L'objectif de la spécialité est cohérent avec les besoins des industries de la microélectronique et plus généralement des industries manufacturières. La spécialité vise également à former des ingénieurs technico-commerciaux du domaine. Elle accueille un public mixte (étudiants et apprentis) avec une proportion de 50 % environ pour chaque catégorie. Appréciation : La formation comporte 402 heures d'enseignements en présentiel dont 120 heures assurées par des intervenants extérieurs. Ce volume est conséquent pour un M2. Elle s'articule avec un semestre 3 de 6 unités d'enseignements (UE) théoriques (30 ECTS) et un semestre 4 (30 ECTS) de 6 UE pour les compétences transversales (concept qualité, anglais, stages, ). Le rythme de l'alternance est de 15 jours en cours et 15 jours en entreprise. La gestion des deux publics est bien étudiée puisqu'aucune UE n'est dédoublée. Hormis l'UE 11 (TP Salle blanche), l'adossement à des laboratoires de recherche dont le nombre est pourtant conséquent (17) dans ce domaine pourrait être plus prononcé. Quelques cas d'étudiants poursuivent en doctorat ( moins deux étudiants par an). Les objectifs et les modalités pédagogiques de cette spécialité sont globalement très satisfaisants. Un effort en matière d'échanges internationaux est en cours et demande à être confirmé (quelques pistes sont à l'étude avec la Belgique et la République Tchèque). Quelques étudiants (un ou deux) réalisent leur stage dans des laboratoires à l'étranger. L'attractivité de la formation est satisfaisante même si l'effectif varie sensiblement d'année en année (9 inscrits en 2009 et 16 étudiants pour la dernière rentrée). Certaines UE pourraient être ouvertes à la formation continue afin d'offrir la possibilité à des salariés de bénéficier de formations qualifiantes. Le taux de réussite est très satisfaisant (environ 85 %). Il serait néanmoins intéressant de préciser les informations pour les deux publics. Points faibles : Pilotage améliorable (évaluation des enseignements à concrétiser, conseil de perfectionnement pour la spécialité). Adossement à la recherche trop faible au vu du domaine de la spécialité et de l'environnement favorable. Absence d'enseignement en conduite de projet pour une formation professionnelle. Taux d'insertion après 3 mois un peu faible pour une telle formation. Il serait opportun de mettre en place un comité de pilotage pour formaliser une démarche qualité au sein de la spécialité. Malgré le caractère professionnel de la formation, un adossement à la recherche plus affirmé serait un plus pour les étudiants qui seront amenés à innover dans les entreprises. Une découverte du monde de la recherche est le moyen idéal pour initier les étudiants à l'innovation. Les recommandations de l'AERES ont bien été prises en compte concernant l'introduction d'une UE sur la connaissance de l'entreprise en M1. Pour compléter les compétences transversales nécessaires à un ingénieur, la mise en place d'un enseignement sur la conduite de projet serait opportune surtout pour une formation professionnelle. Enfin, une ouverture à la formation continue pourrait permettre à des salariés d'entreprise de suivre tout ou partie de la formation. 17 Cycle du combustible
Site(s) (lieux où la formation est dispensée, y compris pour les diplômes délocalisés) : Chimie ParisTech, Université Paris-Sud. Etablissement(s) en co-habilitation(s) au niveau de la spécialité : Université Paris-Sud, ParisTech, Supélec, Ecole Centrale Paris. Délocalisation(s) : Institut National des Sciences et Techniques du Nucléaire (INSTN). Diplôme(s) conjoint(s) avec un (des) établissement(s) à l'étranger : / Cette spécialité à finalité indifférenciée comporte deux parcours (Ingénierie du cycle (FCE) et Radiochimie (FCR)) et a pour objectifs de former des spécialistes dans les domaines de la chimie, des sciences des matériaux et des procédés en lien avec l'industrie nucléaire. Le cycle du combustible et les procédés associés sont les principales connaissances délivrées par cette formation qui est totalement enseignée en anglais. Les étudiants bénéficient pour leur insertion professionnelle ou leur poursuite en doctorat des partenaires liés de près ou de loin au cycle du combustible (EDF, AREVA, sous-traitants de la filière nucléaire). Appréciation : Cette formation permet d'acquérir des compétences en physico-chimie de la matière nucléaire, dans les procédés utilisés dans le cycle et la gestion du combustible, dans le domaine de la prévention des risques, du conditionnement et du mode d'entreposage des déchets. Le dossier présente quelques incohérences et manques d'informations. Cinq unités d'enseignement identiques en termes d'intitulé mais avec des volumes horaires différents, sont ainsi communes aux deux parcours. La mutualisation de ces unités d'enseignement ne semble toutefois pas effective. Globalement, le nombre d'heures hors stage est de 417 heures dont 64 % sont dispensées par des professionnels. Un stage de 20 semaines minimum complète la formation. La formation à l'alternance et la formation continue comme une introduction à la vie professionnelle ne semblent pas présentes. Le dossier fait état d'enseignements transversaux assurés par l'établissement porteur de la spécialité en langues, communication, entreprenariat, économie, stratégie industrielle et gestion mais ce point mériterait d'être éclairci car ces enseignements n'apparaissent pas clairement dans le dossier. Malgré la présence de quelques aspects positifs dans les objectifs et les modalités pédagogiques présentés, des corrections devraient être apportées. Actuellement, la formation, qui repose sur un socle important de connaissances approfondies en chimie, n'accueille pas d'étudiants issus de la première année du master qui lui relève principalement du domaine de la physique. Il est prévu d'introduire davantage de chimie en M1 mais ce point n'est évoqué que dans la partie autoévaluation du dossier et aurait mérité d'être détaillé. Effectifs fortement en baisse sur la dernière année. Recrutement nul d'étudiants de la première année de la mention pour le parcours Radiochimie. Equipe pédagogique du parcours Ingénierie du cycle non précisée. Pas de formation continue, par alternance, tout au long de la vie. Manque d'information sur l'enseignement de préparation à la vie professionnelle. Il pourrait être envisagé de rassembler les deux parcours afin d'augmenter les effectifs de la spécialité. De même, il serait souhaitable de veiller à une meilleure articulation entre le M1 de la mention et la spécialité. Ce master international pourrait inclure une certification en langue pour permettre la validation du diplôme. Nanosciences
Ap
préci
ation : Le domaine des nanosciences bénéficie actuellement d'un intérêt croissant avec l'arrivée d'applications concrètes liées à des effets de taille. Une spécialité dédiée aux nanosciences est tout à fait pertinente et l'attractivité importante de cette formation (entre 40 et 60 étudiants par promotion) en est la preuve. Cette formation comporte un tronc commun et quatre parcours originaux (Nanophysique, Nanodispositifs et nanotechnologies, Nanochimie et un parcours international assez large dans le domaine des nanosciences) avec un volume total en présentiel de 372 heures dont 12 heures sont enseignées par des intervenants extérieurs. Le nombre d'unités d'enseignement et les différents parcours proposés sont judicieux car ils permettent aux étudiants de choisir des voies plus ou moins fondamentales et portées soit sur l'élaboration ou les propriétés physiques des nanomatériaux. Les objectifs et les modalités pédagogiques sont très satisfaisants. L'adossement à la recherche est conséquent puisque l'équipe pédagogique est en lien avec 40 laboratoires du domaine et le LABEX NanoSaclay (Laboratoire d'Excellence) est une preuve d'un bon environnement scientifique dans le domaine de cette spécialité. Le nombre d'étudiants par promotion est compris entre 40 et 60 (59 en 2012). Le taux de réussite est également excellent s'expliquant par un recrutement très sélectif (un étudiant inscrit sur cinq candidatures), mais le taux d'abandon (environ 10 %) n'est pas négligeable et est en partie dû à l'origine des étudiants concernés. Le devenir des étudiants est très porté sur la recherche puisque 85 % d'entre eux s'engagent dans la préparation d'un doctorat. Toutefois, le taux d'insertion en entreprise est faible pour une spécialité à finalité indifférenciée Cela est peut-être lié à la faible part des enseignements en compétences transversales de la formation. On relève un excellent retour des enquêtes (100 %) réalisées par courriel ou par téléphone. Celles-ci sont effectuées par le secrétariat pédagogique. Même si la finalité indifférenciée de cette spécialité n'est peut-être pas pertinente, les flux d'étudiants, leur suivi et leur insertion sont très satisfaisants. Le pilotage de la spécialité est organisé sur la base d'un conseil de spécialité constitué des responsables des quatre parcours et des responsables de chaque établissement co-habilité. Le processus d'autoévaluation est objectif et pertinent. Le pilotage de la spécialité apparaît très satisfaisant. Adossement à la recherche conséquent. Choix conséquent d'unités d'enseignement. Très bonne formation pour une poursuite en doctorat (très bonne insertion en doctorat). Compétences complémentaires en informatique (CCI)
Site(s) (lieux où la formation est dispensée, y compris pour les diplômes délocalisés) : Université Paris-Sud, Orsay. Etablissement(s) en co-habilitation(s) au niveau de la spécialité : / Délocalisation(s) : / Diplôme(s) conjoint(s) avec un (des) établissement(s) à l'étranger : / La spécialité Compétences complémentaires en informatique (CCI) propose une formation en informatique à vocation professionnelle, en complément d'une formation disciplinaire initiale non-informatique. Les compétences visées concernent la conduite de projets technologiques dans le domaine de la compétence initiale utilisant des outils informatiques. La spécialité a comme objectif la formation de spécialistes en recherche et développement (R&D), en communication scientifique et technique et en veille technologique maîtrisant des outils informatiques et possédant des connaissances fondamentales en informatique. Le programme de la formation comporte neuf (9) UE disciplinaires obligatoires (40 ECTS) et une (1) UE découverte de l'entreprise (2,5 ECTS). Une (1) UE stage (17,5 ECTS, au moins 4 mois) est également proposée. Appréciation : Le programme proposé permet aux étudiants d'acquérir les compétences de base en informatique dans les matières de bases de données, réseaux, algorithmique et programmation. Un volet en informatique graphique et numérique apporte un complément applicatif. La formation ne propose pas d'ouverture vers la recherche, bien que certains diplômés poursuivent en doctorat dans leur domaine de compétence d'origine. La formation professionnelle est bien assurée par une UE spécifique Découverte de l'entreprise et par des conférences réalisées par des intervenants industriels. En ce qui concerne les compétences transversales, l'enseignement des langues ne fait pas partie du programme. Ceci est regrettable, à moins les néo-entrants aient déjà acquis cette compétence dans leur formation d'origine. Une telle formation se prête bien aux modalités de l'enseignement en formation continue. Néanmoins, la politique générale à cet égard n'est pas suffisamment développée. En effet des VAE (Validation des acquis de l'expérience) sont rares et aucun projet de formation en alternance n'est proposé, bien que ce type de formation semblerait tout-à-fait intéressant sous ce format. Dans l'ensemble la formation a des objectifs pertinents et les modalités pédagogiques y répondent mais devraient être élargies pour la formation continue. Elle est bien positionnée dans l'offre de la formation régionale. La formation est attractive : les effectifs des inscrits pédagogiques sont à un bon niveau (entre 40 et 47) pour un nombre de candidatures de l'ordre de 200 par an. L'évaluation par les étudiants fait ressortir des difficultés dues à la richesse de la formation et à son rythme soutenu. Des mesures d'accompagnement pour diminuer le taux d'échec comme le tutorat ne sont pas mises en oeuvre. Il est à noter néanmoins que les abandons sont en partie dus à l'embauche des étudiants dans leur spécialité d'origine. Le pilotage de la spécialité est donc bon, une analyse plus détaillée des échecs /abandons manque néanmoins et serait à effectuer dans le futur. Points forts : Le projet pédagogique est bien construit. La formation est pertinente et répond aux besoins du marché de travail. L'équipe pédagogique est bien équilibrée entre les enseignants-chercheurs et les intervenants professionnels. La formation professionnelle est bien conçue. La formation est attractive. Points faibles : Le taux de réussite reste modeste, à cause des abandons en cours de cursus entre autres. Une certaine faiblesse en compétences transversales, comme l'absence d'enseignement de langues, est observée. La politique de formation continue n'est pas développée. Il serait judicieux de proposer des enseignements d'anglais scientifique, à moins que les étudiants ne justifient cette compétence comme acquise dans leur formation d'origine. Afin d'augmenter le taux de réussite, il serait profitable de mettre en place des mesures d'accompagnement spécifique, comme le tutorat pour les étudiants en difficulté. Dans le futur, l'équipe pédagogique devrait considérer la possibilité de mettre en place une politique de formation continue pertinente, voire une formation en alternance. REPONSE E AERES MENTIONChimie B- observations que vous souhaitez faire sur le rapport d'évaluation Page 2 : Synthèse de l'évaluation – Appréciation globale
Dans l'avant dernier paragraphe, il est écrit : « Les taux de réussite et d'insertion professionnelle sont globalement satisfaisants avec une réserve particulière à apporter sur la réussite en première année de master. En effet, les taux de réussite en première année sont en moyenne de 75%, ce qui se traduit par un taux de redoublement assez important. » Et Page 3 :
Synt
èse de l –Points faibles : • « Taux de réussite moyen en première année de master pour le domaine. » Réponse : Le taux de réussite moyen en première année de master, calculé sur la période 2008-2013 est de 78% et non de 75% comme indiqué par l'AERES. Ce taux que l'AERES considère comme « moyen » découle des éléments suivants : 1- L'admission en M1 Chimie est de droit pour tout étudiant titulaire d'une licence de Chimie de l'Université. En clair, il n'y a pas de sélection d'étudiants pour les parcours « classiques » du M1 (hors le parcours international SERP-Chem et le magistère de physico-chimie moléculaire qui sont des formations sélectives). 2- Les Modalités de Contrôle des Connaissances et de fonctionnement des jurys pour l'obtention des diplômes de master (domaine Sciences, Technologie, Santé de l'Université Paris-Sud) sont beaucoup plus contraignantes que celles de Licence. En effet, en Licence, il n'y a pas de seuil de compensation pour une UE, et il y a compensation entre les semestres. En Master, les UE possèdent un seuil en dessous duquel elles ne peuvent être validées par compensation et, chaque semestre doit être validé indépendamment (absence de compensation entre les semestres). Les conditions pour valider une année de Master et notamment le M1 sont donc beaucoup plus difficiles que celles pour valider une année de Licence. Pour finir, ce taux de réussite en M1 doit être examiné à la lumière des données disponibles sur les poursuites d'études des étudiants. Ainsi, sur la période 2008-2013, plus de 91% (200 étudiants sur 218) des étudiants ayant validé leur M1 en suivant un parcours classique (non sélectif) ont intégré un M2 ou une école d'ingénieurs. Cela montre la capacité des étudiants issus du M1 à être admis dans des formations sélectives. Ce paramètre est révélateur du fait que valider le M1 Chimie est un gage de la possession d'un niveau très satisfaisant. Il est donné Page 9 : Recommandations pour l'établissement : « Une ouverture à l'apprentissage, cohérente avec les objectifs de la formation, pourrait permettre d'augmenter l'attractivité de la formation. » Réponse : L'équipe pédagogique de la spécialité Pro Instrumentation et Méthodes d'Analyse Moléculaire du Master de Chimie prend bonne note des recommandations émises par l'AERES. La question de l'ouverture de la formation à l'apprentissage est régulièrement considérée par l'équipe pédagogique. Nous consultons fréquemment en ce sens les partenaires industriels de la formation (intervenants, entreprises accueillant régulièrement nos étudiants en stage de M2 ou embauchant nos diplômés). Les retours obtenus sont en général peu favorables à un passage en apprentissage du fait de la structure de l'enseignement et du niveau de qualification attendu pour des stagiaires au niveau M2. Deux points ressortent comme problèmes principaux à l'apprentissage : l'organisation du temps entre stage et formation à l'université et le risque de trop grande spécialisation des étudiants. Sur le premier point, les arguments sont les suivants : en sortie de première année de M1, les étudiants ont acquis une formation généraliste en chimie de haut niveau, mais ce n'est qu'au cours des six mois de formation de la seconde année qu'ils acquièrent les compétences spécifiques en chimie analytique et en gestion de projets qui valorisent notre formation auprès des employeurs. L'objectif du stage est de fournir aux étudiants une mise en application de leurs compétences : il s'agit fréquemment de mener à bon terme des projets courts (six mois) de R&D. Il est essentiel que le démarrage du projet se fasse rapidement avec des étudiants possédant les compétences fondamentales dès le premier jour entreprise. De plus, une des limitations à l'attractivité de notre formation réside dans la difficulté que rencontrent les étudiants pour leur logement, et que ceci pourrait être compliqué par des stages qui se déroulent souvent loin de l'Université et nécessiteront deux logements pendant une année. Sur le second point, le problème principal est qu'une formation en apprentissage suppose que l'étudiant en entreprise puisse mettre en application une partie importante des apprentissages théoriques. Or généralement un projet fera appel à une ou deux techniques analytiques, et très peu d'employeurs sont en mesure de proposer des stages couvrant l'ensemble des techniques abordées en M2. L'AERES indique : Page 10 : Points faibles • Porte-feuille de compétences pas encore disponible Page 11 : Recommandations pour l'établissement : « L'ouverture de la formation à l'alternance, et par conséquent le renforcement des liens avec les partenaires du secteur privé devraient permettre à la spécialité de maintenir voire d'accroître leur participation à la formation. L'équipe pédagogique pourrait par ailleurs envisager des mutualisations avec les autres spécialités de la mention notamment au niveau des unités d'enseignements professionnels afin de diminuer les coûts de la formation engendrés par les interventions d'enseignants du secteur privé. Il conviendrait de mettre en place un conseil de perfectionnement. » Réponse : - Concernant le portefeuille de compétences, celui-ci est en cours de création. - Pour l'ouverture à l'alternance et à l'apprentissage, la quasi-totalité des intervenants du secteur privé sont d'accord pour affirmer qu'une formation en alternance est intéressante au niveau Technicien Supérieur (Bac+2/+3), mais beaucoup moins au niveau Cadre (Bac+5). En effet, un cadre se doit de gérer un ou plusieurs projets sur une longue durée (4 à 6 mois), ce qui est impossible à faire sur des périodes de 15 jours ou 1 mois entrecoupées de cours. De plus, la formation PCGE fonctionne en double diplôme avec l'Université Polytechnique de Tomsk (Russie), ce qui impose aux étudiants inscrits dans ce parcours d'avoir suivi tous les cours avant leur départ pour la Russie à la fin du mois de janvier. Néanmoins, le passage à une formation en apprentissage pour une partie de la spécialité PCGE peut être considérée si une alternance « 6 mois de cours-6 mois de stage » est possible à établir. - Au niveau de la mutualisation d'UE avec d'autres formations professionnelles, quelques UE sont déjà mutualisées avec d'autres formations : 1) L'UE PCGE 01 « Connaissance de l'entreprise » a lieu la première semaine de cours avec les étudiants de nombreuses autres formations (environ 100 étudiants) ; 2) Une partie de l'UE PCGE 04 (Biogéochimie et chimie des polluants » est mutualisée avec le M2 spécialité « Physique et Environnement ». Bien que des efforts soient faits dans ce sens, la mutualisation des enseignements dispensés au sein de la spécialité est liée à des contraintes très importantes d'emplois de temps. En effet, du fait de l'intervention de nombreux enseignants du secteur privé, ainsi que de plusieurs déplacements sur sites industriels, l'emploi du temps de la formation est en constante évolution et n'est souvent que quelques jours avant les interventions prévues. De plus, les visites de sites industriels ne permettent pas d'avoir un effectif supérieur à 20 étudiants pour des questions de sécurité qui nous sont imposées. C'est la raison principale pour laquelle l'effectif de la spécialité est limité à 20 étudiants. - S'agissant du Conseil de perfectionnement, la formation est déjà gérée par les membres de son jury sur le principe du système d'amélioration continue en concertation étroite avec les intervenants du secteur privé du domaine ciblé (pollutions chimiques, déchets, gestion environnementale) et l'évolution des secteurs d'embauche dans ces domaines. L'AERES souligne d'ailleurs la forte attractivité et les excellents taux d'insertion professionnelle de la spécialité en dépit de l'absence de conseil de perfectionnement. Néanmoins, un tel conseil sera créé dans le cadre de la future maquette de l'Université Paris-Saclay. En page 20, le rapport souligne que «le taux d'insertion en entreprise est faible pour une spécialité à finalité indifférenciée » et que « cela est peut-être lié à la faible part des enseignements en compétences transversales de la formation ». En page 21, Recommandations pour l'établissement, il est indiqué : « Il serait souhaitable de solliciter davantage d'intervenants extérieurs afin d'introduire dans la formation plus de compétences transversales. [] Enfin, au vu du nombre conséquent de poursuites en doctorat après la formation, une finalité recherche pour cette spécialité serait peut-être plus pertinente ». Réponse : En fait nous avons au niveau de Paris-Sud fait l'expérience au cours du quadriennal précédent d'un M2 Pro Nanotechnologies, en parallèle du parcours recherche alors également cohabilité par l'ENS Cachan et Supélec. Elle a montré que l'insertion des diplômés dans des entreprises relevant du domaine se faisait de plus en plus rarement directement, les industriels privilégiant l'embauche de docteurs ou proposant des contrats de thèse CIFRE. Par rapport aux compétences transversales, leur message délivré lors des visites ou soutenances de stage était parfaitement clair : s'ils appréciaient beaucoup nos étudiants c'était bien pour leurs compétences scientifiques et techniques pointues et non pas pour la formation générale que nous leur délivrions. Le nombre d'heures d'enseignements scientifiques et techniques était du reste plus important dans le M2 Pro que dans le M2R qui ne comptait que 200h en tout. Tout cela au moment des réflexions en 2008 sur le nouveau M2 nous a naturellement et rapidement conduits à ne plus proposer des parcours R et P distincts et à mettre en place une offre de formation scientifique et technique large et ambitieuse dans le domaine des nanosciences, grâce à l'ensemble du partenariat constitué. puis, nos diplômés se sont majoritairement insérés en thèse, dont bon nombre en liaison avec des industriels voire financés par des CIFRE. Quelques-uns ont souhaité rejoindre des entreprises, sans à notre connaissance de difficultés particulières. L'affichage « indifférencié » ou « R et P » de la spécialité nous semble donc légitime. Concernant la participation d'intervenants extérieurs, en plus des chercheurs CNRS et CEA qui interviennent dans le M2, nous invitons régulièrement les étudiants à des séminaires de personnalités extérieures, académiques ou industrielles.
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Quel rôle jouent les villes dans les dynamiques de conflit en Afrique du Nord et de l’Ouest ?
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Cahiers de l’Afrique de l’Ouest
Urbanisation et conflits
en Afrique du Nord et de
l’Ouest
Cahiers de l’Afrique de l’Ouest
Urbanisation et conflits
en Afrique du Nord et de
l’Ouest
Sous la direction de Marie Trémolières,
Olivier J. Walther et Steven M. Radil
Cet ouvrage est publié sous la responsabilité du Secrétaire général de l’OCDE. Les opinions et les arguments exprimés
ici ne reflètent pas nécessairement les vues officielles des pays Membres de l'OCDE.
Ce document, ainsi que les données et cartes qu’il peut comprendre, sont sans préjudice du statut de tout territoire, de
la souveraineté s’exerçant sur ce dernier, du tracé des frontières et limites internationales, et du nom de tout territoire,
ville ou région.
Merci de citer cet ouvrage comme suit :
OCDE/CSAO (2023), Urbanisation et conflits en Afrique du Nord et de l'Ouest, Cahiers de l'Afrique de l'Ouest, Éditions OCDE,
Paris, https://doi.org/10.1787/4044c408-fr.
ISBN 978-92-64-61357-7 (imprimé)
ISBN 978-92-64-41841-7 (pdf)
ISBN 978-92-64-76670-9 (HTML)
ISBN 978-92-64-47511-3 (epub)
Cahiers de l'Afrique de l'Ouest
ISSN 2074-3564 (imprimé)
ISSN 2074-3556 (en ligne)
Version révisée, novembre 2023
Les détails des révisions sont disponibles à l’adresse : https://www.oecd.org/fr/apropos/editionsocde/Corrigendum_Urbanisation-et-conflits-en-Afriquedu-Nord-et-Ouest.pdf
Crédits photo : Couverture © Delphine Chedru
Les corrigenda des publications sont disponibles sur : www.oecd.org/fr/apropos/editionsocde/corrigendadepublicationsdelocde.htm.
© OCDE/CSAO 2023
L’utilisation de ce contenu, qu’il soit numérique ou imprimé, est régie par les conditions d’utilisation suivantes : https://www.oecd.org/fr/conditionsdutilisation.
Le Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest
Le Club du Sahel et
de l’Afrique de l’Ouest
L
e Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest
(CSAO) est une plateforme internationale
indépendante. Son Secrétariat est hébergé au
sein de l’Organisation de coopération et de
développement économiques (OCDE). Sa mission
est de promouvoir des politiques régionales à
même d’améliorer le bien-être économique et
social des populations du Sahel et de l’Afrique
de l’Ouest. Le CSAO produit et cartographie des
données, fournit des analyses informées et facilite
le dialogue stratégique, afin d’aider les politiques
à mieux anticiper les transformations dans la
région et leur effet sur les territoires. Il promeut
la coopération régionale et des politiques plus
contextualisées comme levier de développement
durable et de stabilité. Ses domaines de travail
portent sur dynamiques alimentaires, villes,
environnement et sécurité.
Ses Membres et partenaires sont l’Autriche, la
Belgique, le Canada, le CILSS (Comité permanent
inter-États de lutte contre la sécheresse dans
le Sahel), la Commission de la CEDEAO
(Communauté économique des États de l’Afrique
de l’Ouest), la Commission de l’UEMOA (Union
économique et monétaire ouest-africaine), la
Commission européenne, l'Espagne, les ÉtatsUnis, la France, le Luxembourg, les Pays-Bas et la
Suisse. Le CSAO a conclu un protocole d’accord
(Memorandum of Understanding [MOU]) avec le
Groupe de recherche sur le Sahel de l’Université
de Floride.
Pour en savoir plus :
www.oecd.org/csao, www.africapolis.org,
www.mapping-africa-transformations.org
URBANISATION ET CONFLITS EN AFRIQUE DU NORD ET DE L’OUEST @ OCDE 2023
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Avant-propos
Avant-propos
E
n 2020, le Secrétariat du CSAO/OCDE propose une nouvelle lecture de la géographie
des conflits en Afrique du Nord et de l’Ouest,
fondée sur un indicateur des dynamiques spatiales des conflits (SCDi). Aujourd’hui disponible
sur la plateforme CARTA (https://mapping-africatransformations.org/fr), il permet d’appréhender
l’intensité et la concentration des violences à
toutes les échelles, et d’en cartographier l’évolution depuis un quart de siècle.
En 2021, ce sont les réseaux de conflits
qui sont au cœur de l’analyse. Les centaines
de groupes armés sont-ils aussi imprévisibles
dans leurs alliances et leurs oppositions qu’ils le
sont dans leurs déplacements à travers l’espace
régional ? La réponse (positive) à cette question
explique en partie les difficultés rencontrées par
les forces armées nationales et internationales à
les combattre.
En 2022, la nécessité de mieux comprendre les
liens entre frontières et violences s’impose. De fait,
notre indicateur confirme que les zones frontalières et leurs habitants sont proportionnellement
beaucoup plus touchés que les autres parties du
territoire régional. Pour les groupes armés la
frontière est une opportunité ou une ressource ;
pour les gouvernements et leurs alliés elle est
encore trop souvent une limite, et parfois une
contrainte.
En 2023, le présent rapport interroge le caractère urbain ou rural des conflits qui continuent de submerger une partie de la région. Si,
comme les travaux du CSAO/OCDE le démontrent par ailleurs, l’Afrique se couvre de villes
à un rythme sans équivalent dans l’histoire,
assistons-nous alors à une « urbanisation » des
conflits ?
Il n’existe pas une, mais des réponses à cette
question ; selon qu’on l’appréhende d’un point de
vue régional, zonal (le Sahel par exemple), national
ou local. Selon également la période d’analyse.
L’indicateur des dynamiques spatiales des
conflits nous donne les moyens d’appréhender
cette pluralité. Il invite à nuancer les options politiques à l’aune des réalités et des dynamiques
complexes de la géographie des conflits.
Laurent Bossard
Directeur
Secrétariat du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest (CSAO/OCDE)
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URBANISATION ET CONFLITS EN AFRIQUE DU NORD ET DE L’OUEST @ OCDE 2023
Équipe et remerciements
Équipe et remerciements
Pour le CSAO/OCDE :
Direction éditoriale et rédaction :
Marie Trémolières
Édition :
Vicky Elliott, Lia Beyeler, Jennifer Sheahan et
Poeli Bojorquez
Mise en page :
Luminess
Ce travail a été réalisé dans le cadre du protocole d’accord entre le CSAO/OCDE et le Groupe
de recherche sur le Sahel de l’Université de
Floride.
Dr Olivier J. Walther a assuré la direction
scientifique et la coordination de la cartographie,
des travaux d’analyse et de la rédaction de ce
rapport. Il est professeur assistant de géographie
à l’Université de Floride et consultant auprès du
CSAO/OCDE. Ses recherches actuelles portent
sur le commerce transfrontalier et la violence
politique transnationale en Afrique de l’Ouest.
Il est rédacteur du journal Political Geography
et membre du comité exécutif de l’African
Borderlands Research Network. Il dirige en
outre le Laboratoire des réseaux africains de
l’Université de Floride et est membre du Groupe
de recherche sur le Sahel de cette même université. Au cours des dix dernières années, il a
contribué en qualité de chercheur principal ou
de partenaire à différents projets de recherche
à financement externe auprès de l’OCDE, de la
National Science Foundation, de la NASA et des
Nations Unies. Courriel : [email protected]
Dr Steven M. Radil est professeur assistant de
géosciences à l’United States Air Force Academy.
Il est spécialisé en géographie politique et étudie
principalement les dimensions spatiales de la
violence politique dans le système international,
notamment les questions de guerres civiles,
d’insurrections et de terrorisme. Sur l’Afrique, il
a publié des travaux sur la diffusion de la guerre
civile internationalisée en République démocratique du Congo et sur les ambitions territoriales
des insurrections d’inspiration islamiste. Son
expertise méthodologique inclut l’analyse spatiale,
l’analyse des réseaux sociaux et les systèmes
d’information géographiques, outils qu’il utilise
régulièrement dans le cadre de ses travaux.
Courriel : [email protected]
Note : Les opinions exprimées ici sont celles
de l’auteur et ne reflètent pas la politique ou la
position officielle de l’United States Air Force, du
Département de la Défense ou du gouvernement
américain.
URBANISATION ET CONFLITS EN AFRIQUE DU NORD ET DE L’OUEST @ OCDE 2023
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Équipe et remerciements
Autres contributeurs
David G. Russell est doctorant au Département
de géographie de l’université de Floride. Avant
cela, il était chercheur principal dans le cadre
de l’initiative Bridging Divides de l’université de
Princeton. Il est titulaire d’un MSc en géographie
de l’université de l’Idaho et d’un BA en histoire
du Middlebury College. Ses travaux de recherche
portent sur la quantification des dynamiques
spatiotemporelles de la violence politique et
l’incidence du discours géopolitique sur la façon
dont les gens perçoivent le monde et son histoire.
Il a mené des travaux de recherche au Middle
East Institute à Washington, DC. Courriel : david.
[email protected]
Matthew Pflaum est doctorant au Département
de géographie de l’université de Floride. Il est
titulaire d’un MSc en études africaines et développement international de l’université d’Édimbourg,
et d’un MPH en santé mondiale et maladies infectieuses de l’université Emory. Il s’intéresse de
façon générale à la mobilité et à la violence en
Afrique de l’Ouest et dans la région du Sahel, ainsi
qu’aux facteurs contribuant à l’enrôlement dans
les milices et les organisations extrémistes. Ses
travaux portent sur les groupes pastoraux et les
tensions pouvant survenir autour des ressources,
des terres, de la gouvernance, de la mobilité et du
pouvoir. Courriel : [email protected]
Dr Alexander Thurston est professeur assistant de sciences politiques à l’université de
Cincinnati. Ses travaux de recherche portent sur
l’islam et la politique en Afrique du Nord et de
l’Ouest, en particulier au Mali, en Mauritanie et
au Nigéria. Il a bénéficié de bourses de recherche
auprès du Council on Foreign Relations, du
Wilson Center et de l’American Council of
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Learned Societies. Son dernier ouvrage, Jihadists
of North Africa and the Sahel: Local Politics and
Rebel Groups, est publié par les Presses universitaires de Cambridge. Courriel : thurstar@ucmail.
uc.edu
Remerciements
L’équipe souhaite dédier ce rapport à M. Laurent
Bossard, Directeur du Secrétariat du CSAO/OCDE,
et le remercier pour ses contributions, toujours
aussi précieuses et pertinentes au fil des ans, à la
série de rapports du CSAO/OCDE sur la sécurité.
Fervent défenseur de l’importance des questions
de sécurité pour la région de l’Afrique de l’Ouest,
Laurent quittera ses fonctions en mai 2023. Son
équipe lui est profondément reconnaissante pour
sa supervision et son soutien avisés tout au long
de ces années.
L’équipe tient également à remercier le Dr
Ibrahim Mayaki, Président honoraire du CSAO,
pour son appui sans faille et son engagement
dévoué durant son mandat en faveur d’une prise
de conscience politique autour des questions
de sécurité. Le Dr Mayaki s’est retiré de ses
fonctions en décembre 2022.
L’équipe souhaite enfin exprimer sa gratitude aux
personnes suivantes pour leur contribution à la
rédaction de ce rapport : Professeur Leonardo A.
Villalón, de l’université de Floride ; Dr Nicholas
Dorward, de l’université de Bristol ; Professeur
Clionadh Raleigh, de l’université du Sussex ;
Dr Roudabeh Kishi et Mme Juliet Delate Iler,
d’ACLED ; Dr Jean-Hervé Jézéquel et Dr Ibrahim
Yahiya Ibrahim, de l’International Crisis Group ;
et enfin, les cadets de première classe Daniel
Heidenreich, Ryan Leach, Michael Neacsu et
Tristan Trager, de l’U.S. Air Force Academy.
URBANISATION ET CONFLITS EN AFRIQUE DU NORD ET DE L’OUEST @ OCDE 2023 Table des matières Table des matières ABRÉVIATIONS ET ACRONYMES 11 RÉSUMÉ 13 CHAPITRE 1 LE RÔLE DES VILLES DANS LES CONFLITS D'AFRIQUE DU NORD ET DE L'OUEST 15 URBANISATION OU RURALISATION DES CONFLITS ? 17 Les violences tendent à se concentrer à proximité des zones urbaines 18 Les conflits se ruralisent en Afrique du Nord et de l’Ouest 18 Les violences touchent principalement les petites villes 20 Les violences rurales prédominent dans le Sahel 21 UNE APPROCHE SPATIALE DES CONFLITS ET DES VILLES 23 PERSPECTIVES 24 RÉFÉRENCES 26 CHAPITRE 2 VILLES, URBANISATION ET VIOLENCES POLITIQUES 27 DYNAMIQUES D’URBANISATION EN AFRIQUE 29 De fortes croissances urbaines 30 Primauté des capitales 31 Évolution historique des villes 33 Transformations urbaines récentes 36 URBANISATION DES CONFLITS ? 37 Des conflits plus urbains ? 37 Plus de conflits ruraux ? 41 CYCLE DE VIE DES CONFLITS 43 NOTE 45 RÉFÉRENCES 45 URBANISATION ET CONFLITS EN AFRIQUE DU NORD ET DE L’OUEST @ OCDE 2023 7 Table des matières CHAPITRE 3 CARTOGRAPHIER LES VIOLENCES URBAINES ET RURALES EN AFRIQUE DU NORD ET DE L’OUEST 49 COMMENT ÉVALUER L’URBANITÉ DE LA VIOLENCE ? 50 Une approche régionale et locale des villes et des conflits 51 CARTOGRAPHIER L’ÉVOLUTION DES DYNAMIQUES DE CONFLIT 61 Mesurer l’intensité de la violence 61 Mesurer la concentration des violences 61 Typologie et cycle de vie des conflits 62 NOTES 64 RÉFÉRENCES 64 CHAPITRE 4 ÉVOLUTION DE LA GÉOGRAPHIE DES CONFLITS EN AFRIQUE DU NORD ET DE L’OUEST 67 LA VIOLENCE ATTEINT DES NIVEAUX SANS PRÉCÉDENT EN AFRIQUE DE L’OUEST 68 TROIS FOYERS PRINCIPAUX DE VIOLENCE 70 LES VIOLENCES S’INTENSIFIENT ET SE DIFFUSENT 77 UNE GÉOGRAPHIE UNIQUE DE LA VIOLENCE 79 RÉFÉRENCES 85 CHAPITRE 5 8 LA VIOLENCE DEVIENT-ELLE PLUS URBAINE EN AFRIQUE DU NORD ET DE L’OUEST ? 87 LES VIOLENCES DIMINUENT AVEC LA DISTANCE AUX ZONES URBAINES 89 LES VIOLENCES SE RURALISENT 91 LA VIOLENCE URBAINE VARIE SELON LES ÉTATS ET LES SOUS-RÉGIONS 94 LES CONFLITS SE RURALISENT DANS LE SAHEL CENTRAL 94 Kidal : la centralité politique de la marge 97 Gao : épicentre et cible des violences djihadistes 98 Djibo : point de départ d’une insurrection plus vaste 100 LES VIOLENCES S’INTENSIFIENT DANS LA RÉGION DU LAC TCHAD 102 Maiduguri : la ville la plus violente d’Afrique de l’Ouest 102 Gwoza : point névralgique de l’insurrection de Boko Haram 104 La forêt de Sambisa : un sanctuaire tenace 106 LES VIOLENCES URBAINES DIMINUENT EN LIBYE 107 Tripoli : lieu de contestation locale et nationale 108 Benghazi : épicentre initial de la révolution de 2011 109 Syrte : plus ancien bastion urbain de l’État islamique 111 LES INSURRECTIONS DJIHADISTES ET LES VILLES 112 URBANISATION ET CONFLITS EN AFRIQUE DU NORD ET DE L’OUEST @ OCDE 2023 Table des matières PERSPECTIVES 114 NOTE 115 RÉFÉRENCES 115 Cartes Carte 1.1 Carte 1.2 Carte 2.1 Carte 2.2 Carte 2.3 Carte 2.4 Carte 2.5 Carte 3.1 Carte 3.2 Carte 4.1 Carte 4.2 Carte 4.3 Carte 4.4 Carte 4.5 Carte 4.6 Carte 4.7 Carte 4.8 Carte 4.9 Carte 5.1 Carte 5.2 Carte 5.3 Carte 5.4 Carte 5.5 Population urbaine en Afrique du Nord et de l’Ouest, 2015 Pays et études de cas Émergence de nouvelles agglomérations en Afrique depuis 1950 Noyaux sédentaires et territoires nomades en Afrique du Nord et de l’Ouest Routes, oasis et villes précoloniales en Afrique du Nord et de l’Ouest Population urbaine d’Afrique de l’Ouest dans un rayon de 100 km d’une frontière, 2015 Agglomérations urbaines entre Accra et Ibadan, 2015 Régions, pays et villes étudiées Densités de population en Afrique du Nord et de l’Ouest, 2020 Événements violents et victimes en Afrique du Nord et de l’Ouest, 2021-22 Décès dus à des événements violents au Burkina Faso et dans les pays voisins, 2021 Décès dus à des événements violents au Niger et dans les pays voisins, 2021 Intensité des conflits en Afrique du Nord et de l’Ouest, 2020-22 Concentration des conflits en Afrique du Nord et de l’Ouest, 2020-22 Indicateur des dynamiques spatiales des conflits (SCDi) en Afrique du Nord et de l’Ouest, 2020 Indicateur des dynamiques spatiales des conflits (SCDi) en Afrique du Nord et de l’Ouest, 2021 Indicateur des dynamiques spatiales des conflits (SCDi) au Mali et dans le Sahel central, 2021 Indicateur des dynamiques spatiales des conflits (SCDi) au Nigéria et dans la région du lac Tchad, 2021 Événements violents et zones urbaines dans le Sahel central, 2020-22 État initial du conflit malien, 2012 Victimes à Djibo et dans le nord du Burkina Faso, 2021 Événements violents et zones urbaines dans la région du lac Tchad, 2020-22 Événements violents et zones urbaines en Libye, 2020-22 17 18 29 35 36 38 38 52 57 72 73 75 76 78 81 82 82 83 97 98 101 103 108 Impact du conflit malien sur la ville de Gao Mao et le modèle de guérilla chinois Comparaison de WorldPop, Africapolis, GHSL et LandScan Conflits interreligieux à Kaduna, Nigéria Violences politiques à Bamako, Mali Luttes internes au sein de l’insurrection de Boko Haram 39 44 55 59 74 107 Encadrés Encadré 2.1 Encadré 2.2 Encadré 3.1 Encadré 3.2 Encadré 4.1 Encadré 5.1 Graphiques Graphique 1.1 Graphique 1.2 Graphique 1.3 Graphique 1.4 Graphique 1.5 Graphique 1.6 Graphique 2.1 Graphique 2.2 Événements violents selon la distance aux zones urbaines en Afrique du Nord et de l’Ouest, 2000-22 Événements violents dans les zones urbaines par région en Afrique du Nord et de l’Ouest, 2000-22 Événements violents et victimes par catégories urbaines en Afrique du Nord et de l’Ouest, 2015 Événements violents selon la distance aux zones urbaines dans une sélection de pays d’Afrique du Nord et de l’Ouest, 2000-22 Événements violents impliquant certaines organisations djihadistes en Afrique du Nord et de l’Ouest, 2007-21 L’indicateur des dynamiques spatiales des conflits Taux d’urbanisation par pays en Afrique du Nord et de l’Ouest, 2021 Dynamiques de peuplement en Afrique du Nord et de l’Ouest, 1961-2021 URBANISATION ET CONFLITS EN AFRIQUE DU NORD ET DE L’OUEST @ OCDE 2023 19 20 20 21 22 23 31 32 9 Table des matières Graphique 2.3 Graphique 2.4 Graphique 2.5 Graphique 2.6 Graphique 3.1 Graphique 3.2 Graphique 3.3 Graphique 3.4 Graphique 3.5 Graphique 3.6 Croissance de la population urbaine par région, 1961-2021 Croissance de la population rurale par région, 1961-2021 Changements démographiques au Niger, au Mali et au Sénégal, 1910-2015 Cycle de vie des conflits Nombre de décès par agglomération urbaine, 1997-2021 Population par agglomération urbaine en Afrique du Nord et de l’Ouest, 2015 Mesurer la distance entre événements violents et zones urbaines Densité des événements violents Événements violents avec une densité identique, mais des distributions spatiales différentes Distribution spatiale des événements violents, mesurée par le ratio de la distance moyenne au plus proche voisin Graphique 3.7 Combinaison des mesures d’intensité et de distribution spatiale des événements violents pour l’identification des types de conflits Graphique 4.1 Événements violents par type et région en Afrique du Nord et de l’Ouest, 1997-2022 Graphique 4.2 Décès dus à des événements violents par type et région en Afrique du Nord et de l’Ouest, 1997-2022 Graphique 4.3 Proportion des cellules en conflit en Afrique du Nord et de l’Ouest où les événements violents sont concentrés, 1997-2022 Graphique 4.4 Nombre de cellules d’Afrique du Nord et de l’Ouest en conflit par type, 1997-2021 Graphique 4.5 Proportion des cellules d’Afrique du Nord et de l’Ouest en conflit, par type, 1997-2022 Graphique 5.1 Événements violents et victimes par catégories démographiques en Afrique du Nord et de l’Ouest, 2000-22 Graphique 5.2 Événements violents selon la distance à une zone urbaine en Afrique du Nord et de l’Ouest, 2000-22 Graphique 5.3 Événements violents par catégories urbaines en Afrique du Nord et de l’Ouest, 2015 Graphique 5.4 Événements violents par catégories démographiques en Afrique du Nord et de l’Ouest, 2000-22 Graphique 5.5 Événements violents par catégories démographiques au Nigéria, 2000-22 Graphique 5.6 Événements violents par catégories démographiques au Mali, 2000-22 Graphique 5.7 Événements violents dans les zones urbaines par sous-région, 2000-22 Graphique 5.8 Événements violents selon la distance aux zones urbaines par État, 2000-22 Graphique 5.9 Victimes dans le Sahel central par ville, 2000-22 Graphique 5.10 Victimes lors d’événements impliquant Boko Haram et l’ISWAP, 2001-22 Graphique 5.11 Victimes dans la région du lac Tchad, 2000-22 Graphique 5.12 Victimes en Libye par zone urbaine, 2000-22 33 34 37 45 53 54 60 62 62 63 63 69 69 80 84 84 89 90 91 92 92 93 95 96 99 104 105 111 Tableaux Tableau 2.1 Tableau 2.2 Tableau 3.1 Tableau 3.2 Tableau 3.3 Tableau 3.4 Tableau 3.5 Tableau 4.1 Tableau 4.2 Tableau 4.3 10 Raisons pouvant expliquer la concentration des conflits dans les zones urbaines Raisons pouvant expliquer la concentration des conflits dans les zones rurales Questions, approches et outils pour l’étude des violences urbaines Comparaison de quatre bases de données démographiques pour les zones urbaines en Afrique Densités de population et catégories démographiques Acteurs impliqués dans des violences en Afrique du Nord et de l’Ouest par catégorie, 1997-2022 Nombre d’incidents et de décès par type d’événements violents en Afrique du Nord et de l’Ouest, 1997-2022 Événements violents et victimes par pays en Afrique du Nord et de l’Ouest, 2021-22 Événements violents et victimes par région au Burkina Faso, 2021-22 Événements violents et victimes par région au Mali, 2021-22 41 42 51 55 56 58 60 71 73 74 URBANISATION ET CONFLITS EN AFRIQUE DU NORD ET DE L’OUEST @ OCDE 2023 Abréviations et acronymes Abréviations et acronymes ACLED Armed Conflict Location & Event Data Project IC Intensité des conflits AFDL Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo IS-L Branche libyenne de l’État islamique ISWAP État islamique en Afrique de l’Ouest AQMI Al-Qaïda au Maghreb islamique JAS Jama'at Ahl al-Sunna li-l-Da'wa wa-l-Jihad BAD Banque africaine de développement JNIM CARTA Plateforme « Cartographier les transformations territoriales en Afrique » Jama‘at Nusrat al-Islam wa-l-Muslimin (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans) LGA Zone de gouvernement local CC Concentration des conflits LNA Armée nationale libyenne CEDEAO Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest LURD Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie CJTF Civilian Joint Task Force MINUSMA CMA Coordination des mouvements de l’Azawad Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali CNT Conseil national de transition (Libye) MNLA Mouvement national de libération de l’Azawad CSAO Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest MUA Zone urbaine morphologique EEI Engins explosifs improvises MUJAO ESRI Environmental Systems Research Institute Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest FAAL Forces armées arabes libyennes OCDE Organisation de coopération et de développement économiques FEWS NET Réseau des systèmes d’alerte précoce contre la famine ONG Organisation non gouvernementale ONU Organisation des Nations Unies OTAN Organisation du traité de l'Atlantique Nord SCBR Conseil de la Choura des révolutionnaires de Benghazi SCDi Indicateur des dynamiques spatiales des conflits UEMOA Union économique et monétaire ouest-africaine FLN Front de libération nationale (Algérie) GATIA Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés GHSL Global Human Settlement Layer GNA Gouvernement d’accord national GNU Gouvernement d’unité nationale HCUA Haut conseil pour l’unité de l’Azawad URBANISATION ET CONFLITS EN AFRIQUE DU NORD ET DE L’OUEST @ OCDE 2023 11 Résumé Résumé Ce rapport poursuit les travaux déjà entrepris par le Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest (CSAO/ OCDE) pour documenter la géographie des violences en Afrique du Nord et de l’Ouest. relevant des villes. En Afrique du Nord, cela fait
déjà 35 ans que les villes sont plus peuplées que
les zones rurales, et en Afrique de l’Ouest, la
population urbaine atteindra bientôt 50 %.
En dépit de ces tendances, ce rapport montre
que les violences restent essentiellement rurales,
en particulier en Afrique de l’Ouest. Plus de 40 %
des événements violents et victimes recensés
depuis 2000 s’observent dans des zones comptant
moins de 300 habitants/km². Les violences dans
les zones urbaines sont alors plus fréquentes
dans les petites agglomérations de moins de
100 000 habitants que dans celles intermédiaires
ou grandes. Les groupes armés prospèrent ainsi
dans les zones rurales, surtout lorsqu’ils parviennent à en contrôler la population et en exploiter
les ressources naturelles. Dans le Sahel central,
les conflits sont plus susceptibles de se produire
dans les zones rurales, qui constituent des lieux
idéaux pour les belligérants cherchant à défier
les forces de l’État. Les groupes djihadistes, en
particulier, contribuent à la ruralisation des
conflits dans le Sahel.
Malgré la croissance urbaine, les violences se
Les foyers de conflit transcendent les frontières
déplacent vers les zones rurales
nationales
Les villes ont de tout temps été le théâtre de
guerres, d’insurrections et de violences. Ces
dernières années, leur rôle crucial dans les
conflits attire de plus en plus l’attention dans un
contexte d’urbanisation rapide. L’Afrique connaît
une croissance urbaine sans précédent, sous
l’effet conjugué de taux de fécondité élevés, de
l’émergence de nouvelles villes et des migrations.
La population du continent devrait doubler à
l’horizon 2050, les deux tiers de cette croissance
Les violences atteignent des niveaux sans précédent
en Afrique de l’Ouest, mais ont considérablement
diminué en Afrique du Nord depuis la fin de la
deuxième guerre civile libyenne. Cinq pays concentrent 93 % des événements violents et 94 % des
victimes recensés entre janvier 2021 et juin 2022 :
le Nigéria, le Burkina Faso, le Mali, le Cameroun
et le Niger, tous en Afrique de l’Ouest. En outre,
plusieurs zones de violence ont fusionné au Mali,
au Burkina Faso, au Niger et au Nigéria, pour
Comprendre les liens entre villes et violences
URBANISATION ET CONFLITS EN AFRIQUE DU NORD ET DE L’OUEST @ OCDE 2023
13
Résumé
désormais former de vastes foyers transcendant
les frontières nationales. Il s’agit d’une situation
unique: nulle part ailleurs une région multiétatique
n’a été le théâtre d’autant de formes différentes de
violences qui, malgré leurs racines locales propres,
se rapprochent inexorablement.
Le Nigéria en est l’épicentre, totalisant 40 %
des événements violents et plus de la moitié des
victimes en Afrique du Nord et de l’Ouest sur
la période 2021-22. Le Sahel central constitue le
deuxième grand foyer de violence, et le Burkina
Faso s’avère le deuxième pays le plus touché de la
région après le Nigéria, les violences ayant gagné
une grande partie de ses régions frontalières.
Outre ces foyers, les conflits continuent de se
propager à des territoires auparavant épargnés.
Dans les années à venir, deux nouveaux noyaux
pourraient ainsi se distinguer : le premier entre
le Burkina Faso et ses voisins du sud ; et le second
dans le nord-ouest du Nigéria.
14
Les dynamiques de violence sont en constante
évolution
Cette étude souligne l’évolution rapide des
dynamiques de conflit à travers la région. Les
violences ont diminué dans le Golfe de Guinée
et en Afrique du Nord, mais se sont développées dans le Sahel central, encore largement
rural, entraînant un déplacement global des
conflits des zones urbaines vers celles rurales.
Ces dynamiques dépendent en partie de la
capacité des États à gérer leur souveraineté au
sein de leurs frontières, mais aussi des actions
des différents groupes violents cherchant à défier
ou reconfigurer le pouvoir étatique. Étant donné
l’importance des villes dans ce processus, les
zones urbaines resteront un élément clé pour la
conception de politiques territorialisées à même
de s’attaquer aux causes profondes des violences
politiques, aujourd’hui comme demain.
URBANISATION ET CONFLITS EN AFRIQUE DU NORD ET DE L’OUEST @ OCDE 2023
Chapitre 1
Le rôle des villes dans les
conflits d'Afrique du Nord
et de l'Ouest
Chapitre 1
Le rôle des villes dans les conflits d'Afrique du Nord et de l'Ouest
Ce chapitre examine le rôle des villes et des zones urbaines dans l’évolution de
la violence en Afrique du Nord et de l’Ouest depuis 2000. À partir de données
désagrégées sur les populations et les conflits, il met en évidence le caractère
principalement rural des violences dans la région. Cependant, si la plupart des
événements violents se produisent en zone rurale, leur nombre diminue à mesure
que l’on s’éloigne des villes. Ce constat souligne l’importance de la proximité des
villes pour les groupes armés et leurs adversaires. En effet, près de la moitié des
événements violents recensés depuis 2000 ont eu lieu dans un rayon de 10 km
d’une zone urbaine. Ce chapitre illustre également les fluctuations de violences
entre zones urbaines et rurales, notamment au gré des variations d’intensité
des conflits. Il souligne enfin le rôle central des organisations djihadistes dans
la ruralisation actuelle de la violence, notamment dans le Sahel, où les groupes
extrémistes exploitent les ressources des territoires ruraux.
MeSSaGeS CLÉS
» Les violences fluctuent entre zones urbaines et rurales.
» Elles sont aujourd’hui principalement rurales en Afrique du Nord et de l’Ouest.
» Même lorsque les violences sont rurales, leur nombre diminue à mesure que l’on s’éloigne des villes.
» Les groupes djihadistes contribuent à la ruralisation des conflits, notamment dans le Sahel.
Les décideurs publics s’intéressent de plus en plus
au rôle des villes et des zones urbaines en Afrique
du Nord et de l’Ouest. En effet, le pouvoir de l’État
et la force militaire y sont très visibles, ainsi que
l’influence des dynamiques sociales, politiques et
économiques sur le quotidien. S’y concentre une
jeunesse très instruite et politiquement insatisfaite, susceptible de se tourner vers la violence.
Ainsi, en juillet 2009, les forces de sécurité nigérianes interpellent un groupe de motocyclistes
affiliés à la secte Boko Haram pour leur demander
de porter des casques, conformément à la loi.
Ceux-ci refusent d’obtempérer. Les affrontements
qui suivent font 800 victimes dans la seule ville
de Maiduguri, dont Mohamed Yusuf, le fondateur
de Boko Haram. De plus en plus violente, la
secte déplace ses activités des zones urbaines en
périphérie de Maiduguri vers les zones rurales,
où les forces de sécurité sont moins en mesure de
les entraver.
L’insurrection de Boko Haram illustre
une dynamique plus globale de fluctuation
16
opportuniste des organisations extrémistes
violentes entre zones urbaines et rurales au
gré des capacités des forces gouvernementales à les contrer. L’expansion de ces groupes
armés s’opère dans une région qui combine une
urbanisation rapide, un déplacement des populations des zones rurales vers les zones urbaines
et une forte croissance in situ des villes (OCDE/
CSAO, 2020 [1]), Carte 1.1. Les conséquences de ces
processus sur la répartition spatiale des conflits
armés en Afrique du Nord et de l’Ouest restent
toutefois peu étudiées (Chapitre 2). Alors que villes
et zones urbaines ont toujours été le théâtre de
conflits en raison de leur importance politique et
économique, de nombreux mouvements séparatistes, insurrections et rébellions restent souvent
associés à l’hinterland. Il est donc difficile de
savoir si l’urbanisation croissante en Afrique du
Nord et de l’Ouest entraîne une augmentation
concomitante des événements violents dans les
zones urbaines ou si la violence politique reste
essentiellement rurale par nature.
URBANISATION ET CONFLITS EN AFRIQUE DU NORD ET DE L’OUEST @ OCDE 2023
Le rôle des villes dans les conflits d'Afrique du Nord et de l'Ouest
Chapitre 1
Carte 1.1
Population urbaine en Afrique du Nord et de l’Ouest, 2015
Population urbaine
10 000 - 100 000
100 001 - 500 000
TUNISIE
500 001 - 1 000 000
MAROC
1 000 001 - 2 500 000
Plus de 2 500 000
LIBYE
ÉGYPTE
ALGÉRIE
MAURITANIE
CABO VERDE
MALI
NIGER
SOUDAN
TCHAD
SÉNÉGAL
GAMBIE
GUINÉE-BISSAU
GUINÉE
GHANA
SIERRA LEONE
BÉNIN
LIBÉRIA
TOGO
CÔTE D’IVOIRE
0
300
600 km
CAMEROUN
RÉPUBLIQUE
CENTRAFRICAINE
SOUDAN
DU SUD
NIGÉRIA
GUINÉE ÉQUATORIALE
BURKINA FASO
GABON
CONGO
RÉPUBLIQUE
DÉMOCRATIQUE
DU CONGO
Source : Auteurs, à partir des données d’Africapolis (OCDE/CSAO, 2020 [1]), Dynamiques de l’urbanisation africaine 2020 : Africapolis, une nouvelle
géographie urbaine, https://doi.org/10.1787/b6bccb81-en
https://doi.org/10.1787/b6bccb81-en.
La combinaison de données sur les populations et les conflits permet d’étudier l’évolution
spatiale des violences sur plus de 20 ans, et
d’introduire la notion de « cycle de vie spatial »
des conflits, susceptible d’éclairer les politiques
de sécurité en Afrique du Nord et de l’Ouest.
Dans une région où la localisation des violences
se révèle extrêmement fluctuante, comprendre
où les violences apparaissent, se propagent et
prennent fin est essentiel pour concevoir et
mettre en œuvre des politiques plus territorialisées à même de mieux appréhender les racines
des conflits.
UrBaNiSatiON OU rUraLiSatiON DeS CONFLitS ?
L’importance stratégique des villes en Afrique
du Nord et de l’Ouest appelle des approches
plus spatialisées, cartographiant l’évolution à
long terme de la violence dans la région, tout
en appréhendant les facteurs locaux qui soustendent la concentration des conflits dans les
zones urbaines ou rurales (Chapitre 3). La conjugaison d’une approche régionale des conflits et
de l’analyse de plusieurs villes permet d’étudier la
relation entre densités de population et violences
politiques dans 21 pays d’Afrique du Nord et de
l’Ouest, et 10 études de cas (Carte 1.2).
Quatre questions se posent autour du
caractère urbain ou non des violences : i) les
conflits touchent-ils l’hinterland rural ou les zones
urbaines ? ii) observe-t-on une concentration
croissante des conflits dans les zones urbaines
au fil du temps ? ; iii) les grands centres urbains
sont-ils plus sujets aux violences que les villes
petites ou intermédiaires ? ; iv) dans quelles zones
URBANISATION ET CONFLITS EN AFRIQUE DU NORD ET DE L’OUEST @ OCDE 2023
17
Chapitre 1
Le rôle des villes dans les conflits d'Afrique du Nord et de l'Ouest
Carte 1.2
Pays et études de cas
Algiers
Tunis
Rabat
Capitale
TUNISIE
MAROC
Étude de cas
Tripoli
Sirte
LIBYE
ALGÉRIE
MAURITANIE
CABO VERDE
Praia
MALI
Dakar
Djibo
NIGER
Gao
Banjul
GAMBIE
GUINÉE-BISSAU
Bamako Ouagadougou
Bissau
Maiduguri
BURKINA FASO
GUINÉE
BÉNIN NIGÉRIAGwoza
Conakry
Forêt de
CÔTE
Freetown
TOGO
Abuja
Sambisa
D’IVOIRE
SIERRA LEONE
GHANA
Porto
Monrovia
Yamoussoukro
Lomé -Novo
CAMEROUN
LIBÉRIA
Accra
N’Djaména
RÉPUBLIQUE
CENTRAFRICAINE
Yaoundé
300 600 km
SOUDAN
TCHAD
Niamey
GUINÉE ÉQUATORIALE
0
ÉGYPTE
Kidal
Nouakchott
SÉNÉGAL
Benghazi
GABON
CONGO
SOUDAN
DU SUD
RÉPUBLIQUE
DÉMOCRATIQUE
DU CONGO
Source : Auteurs.
et pays les violences sont-elles principalement
rurales ou urbaines ? Ces questions permettent
de comprendre comment les groupes violents
exploitent les avantages des villes et de leurs
hinterland pour propager les conflits. L’analyse
spatiale contribue en outre à la conception de
réponses politiques plus adaptées aux différentes
formes de violence selon leur contexte local, tant
rural qu’urbain.
Les violences tendent à se concentrer
à proximité des zones urbaines
Le rapport examine si les violences politiques
sont principalement rurales ou urbaines
(Chapitre 5). L’analyse des données désagrégées
du projet Armed Conflict Location & Event Data
(ACLED, 2022[2]) sur les conflits et des données
démographiques de WorldPop (2022[3]) révèle que,
bien que les événements violents se produisent
en grande partie dans des zones à faible densité,
ils sont spatialement liés aux zones urbaines car
18
ils surviennent généralement près des villes.
En effet, depuis 2000, près de 50 % des événements violents se sont produits dans un rayon de
10 km d’une zone urbaine et 69 % dans un rayon
de 40 km. Par ailleurs, la relation entre populations urbaines et violences suit une dynamique
de diminution avec la distance : plus on s’éloigne
d’une zone urbaine, moins on observe d’événements violents (Graphique 1.1). Ce lien étroit
entre populations urbaines et violences n’est
guère surprenant, au vu du rôle clé des villes
d’Afrique du Nord et de l’Ouest, qui sont des
lieux d’autorité de l’État, de pouvoir économique,
d’éducation religieuse, de contrôle et de contestation politiques.
Les conflits se ruralisent en afrique
du Nord et de l’Ouest
Le rapport analyse dans un second temps l’évolution de la répartition spatiale des conflits entre
zones rurales et urbaines depuis 2000. Il souligne
URBANISATION ET CONFLITS EN AFRIQUE DU NORD ET DE L’OUEST @ OCDE 2023
Le rôle des villes dans les conflits d'Afrique du Nord et de l'Ouest
Chapitre 1
Graphique 1.1
Événements violents selon la distance aux zones urbaines en Afrique du Nord et de l’Ouest, 2000-22
Événements violents, %
30
Un tiers des événements violents
se produisent en zone urbaine
25
20
15
10
Deux tiers des événements
violents se produisent dans un
rayon de 40 km d’une zone urbaine
5
0
20
19
0
18
0
17
0
16
0
15
0
14
0
13
0
12
0
11
0
10
0
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
0
Distance par rapport à une zone urbaine, en km
Source : Auteurs, à partir des données ACLED (2022[2]) et WorldPop (2022[3]). Les données d’ACLED sont accessibles au public.
la grande variabilité de la relation entre zones
urbaines et violences : les violences urbaines ne
prédominent que durant la moitié des années à
l’étude, avec deux pics en 2004 et 2012, et malgré
l’accélération de l’urbanisation, les violences se
ruralisent (Graphique 1.2). Moins de 20 % des
événements violents recensés en Afrique de
l’Ouest en 2022 sont survenus dans des zones
urbaines, contre 70 % il y a dix ans. Une tendance
similaire s’observe en Afrique du Nord, où les
violences urbaines représentent 40 % des événements violents, contre près de 80 % au début des
années 2000. Cette ruralisation des violences
constatée depuis le début des années 2010 va
donc à l’encontre de l’hypothèse d’une « urbanisation des conflits », selon laquelle la croissance
des villes d’Afrique devrait entraîner à la fois un
recul des guerres civiles dans les zones rurales
et une augmentation des conflits violents dans
les villes.
Cette variabilité temporelle est liée aux
fluctuations spatiales des violences dans la
région. Les guerres civiles libyennes correspondent au pic le plus récent de violences
urbaines, car le pays est déjà fortement urbanisé
au début du conflit. Maintenant que les violences
y reculent et qu’en revanche elles se développent
dans le Sahel central encore largement rural, la
dynamique spatiale des violences se déplace
des zones urbaines vers les zones rurales. Les
villes et les zones urbaines conservent toutefois
une place importante dans les conflits actuels.
En effet, même dans les États faiblement urbanisés, comme ceux du Sahel, les conflits ont une
forte propension à se concentrer près des villes
de petite taille ou périphériques.
URBANISATION ET CONFLITS EN AFRIQUE DU NORD ET DE L’OUEST @ OCDE 2023
19
Chapitre 1
Le rôle des villes dans les conflits d'Afrique du Nord et de l'Ouest
Graphique 1.2
Événements violents dans les zones urbaines par région en Afrique du Nord et de l’Ouest, 2000-22
Événements violents, %
90
80
Afrique du Nord
Afrique de l’Ouest
70
60
50
40
30
20
10
09
20
10
20
11
20
12
20
13
20
14
20
15
20
16
20
17
20
18
20
19
20
20
20
21
20
22
08
20
07
20
06
20
05
20
04
20
03
20
02
20
01
20
20
20
00
0
Source : Auteurs, à partir des données ACLED (2022[2]) et WorldPop (2022[3]). Les données d’ACLED sont accessibles au public.
Graphique 1.3
Événements violents et victimes par catégories urbaines en Afrique du Nord et de l’Ouest, 2015
Événements violents
Événements violents et victimes, %
Victimes
Petites
agglomérations
< 100 000
Agglomérations de
taille intermédiaire
100 000 à 1 million
Grandes
agglomérations
> 1 million
0
10
20
30
40
50
60
70
Note : Ces résultats s’appuient sur la base de données Africapolis, qui délimite le périmètre de chaque agglomération urbaine et calcule sa population.
Produite par le CSAO/OCDE, Africapolis repose sur une approche spatiale et applique un critère physique (une zone bâtie en continu), ainsi qu’un critère
démographique (plus de 10 000 habitants) pour définir une agglomération urbaine. Les estimations de population d’Africapolis en Afrique du Nord et de
l’Ouest ne sont disponibles que pour 2015 (Chapitre
Chapitre 3).
3 Une mise à jour devrait être disponible en 2023.
Source : Auteurs, à partir des données d’ACLED (2022[2]) et WorldPop (2022[3]). Les données d’ACLED et d’Africapolis sont accessibles au public.
Les violences touchent principalement
les petites villes
L’intensité des violences diminue à mesure que la
taille des villes augmente. Les petites villes sont le
20
type de zone urbaine le plus touché dans la région
(Graphique 1.3
1.3). La proximité géographique des
centres urbains de moins de 100 000 habitants
avec les zones de conflit rurales explique qu’ils
totalisent en 2015 près de 65 % des victimes et
URBANISATION ET CONFLITS EN AFRIQUE DU NORD ET DE L’OUEST @ OCDE 2023
Le rôle des villes dans les conflits d'Afrique du Nord et de l'Ouest
Chapitre 1
Graphique 1.4
Événements violents selon la distance aux zones urbaines dans une sélection de pays d’Afrique du Nord
et de l’Ouest, 2000-22
Pays où les violences se concentrent à proximité
des zones urbaines
Pays où les violences sont principalement rurales
Événements violents, %
80
Libye
Événements violents, %
Nigéria
Sierra Leone
80
60
60
40
40
20
20
0
10
200
10
200
10
200
0
Distance à une zone urbaine, en km
Burkina Faso
10
200
Mali
10
200
Niger
10
200
Distance à une zone urbaine, en km
Source : Auteurs, à partir des données ACLED (2022[2]) et WorldPop (2022[3]). Les données d’ACLED sont accessibles au public.
40 % des événements violents recensés en Afrique
du Nord et de l’Ouest. L’intensité des violences
observée y est largement supérieure à leur poids
démographique (32 %). Les villes intermédiaires
(de 100 000 à 1 million d’habitants) enregistrent
une proportion importante d’événements violents
(38 %), mais seulement 20 % des victimes. Enfin,
les grands centres urbains restent largement
épargnés par les violences, notamment les
capitales comme Bamako, Niamey, N’Djamena et
Ouagadougou, mais sont de plus en plus entourés
de zones de conflit.
Les violences rurales prédominent
dans le Sahel
Le rapport examine enfin si l’utilisation que font
les belligérants des territoires ruraux et urbains
varie à travers l’Afrique du Nord et de l’Ouest. Il
souligne la variation de la relation entre densités
de population et violences entre et au sein des
États. Tandis qu’à l’échelle régionale, l’intensité
des violences diminue à mesure que l’on s’éloigne
des zones urbaines, dans certains États, la ruralisation des conflits est bien plus forte que dans
d’autres. Les conflits civils en Libye, au Nigéria
et en Sierra Leone ont toujours été très urbanisés, avec de nombreux événements violents
dans ou près des zones urbaines, alors que les
récents conflits dans le Sahel le sont bien moins
(Graphique 1.4). Au Burkina Faso, au Mali et au
Niger, en particulier, la plupart des événements
violents se produisent loin des zones urbaines,
dans les territoires arides du Sahara, mais aussi
dans les régions périphériques où les villes sont
peu nombreuses et éloignées les unes des autres,
comme dans la plaine du Séno, à l’est du Mali.
Ainsi, plus de 80 % des événements violents
recensés en 2022 y sont survenus dans les zones
rurales. La similarité des dynamiques dans ces
États tient au fait qu’ils sont tous trois confrontés
à des insurrections djihadistes majeures.
Cette dynamique de ruralisation tient au fait
que ces dernières années, les violences touchant le
Burkina Faso, le Mali et le Niger se sont déplacées
du Sahara vers le Sahel et ses périphéries méridionales (OCDE/CSAO, 2022[4]), rendant ainsi le
contrôle des villes moins important que durant
les premières années d’insurrection. En 2012,
Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), Ansar
Dine et le Mouvement national de libération de
l’Azawad (MNLA) progressent très rapidement
à travers le nord du Mali pour s’emparer de
Tombouctou et Gao, deux pôles commerciaux et
religieux. À cette époque, la plupart des événements violents se produisent ainsi au sein ou à
proximité des zones urbaines, les organisations
violentes combattant pour le contrôle des villes
et des routes les reliant. Depuis lors, on observe
une diminution progressive de la proportion d’événements violents urbains impliquant
des organisations djihadistes, qui représente
aujourd’hui moins de 10 % du total observé il
y a dix ans. À compter de 2014, les événements
URBANISATION ET CONFLITS EN AFRIQUE DU NORD ET DE L’OUEST @ OCDE 2023
21
Chapitre 1
Le rôle des villes dans les conflits d'Afrique du Nord et de l'Ouest
Graphique 1.5
Événements violents impliquant certaines organisations djihadistes en Afrique du Nord et de l’Ouest, 2007-21
Événements violents, %
80
Zones rurales
Zones urbaines
70
60
50
40
30
Zones semi-urbaines
20
10
0
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Note : Les organisations suivantes sont incluses : AQMI, Ansar Dine, Ansaroul Islam, Boko Haram, ISWAP, Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans
(JNIM) et Katiba Macina. Selon la définition des Nations Unies (2020), les cellules de 1 500 habitants ou plus par km 2 sont classées comme zones urbaines,
celles de 300 à 1 499 habitants, comme zones semi-urbaines, et celles en deçà de 300 habitants, comme zones rurales.
Source : Auteurs, à partir des données ACLED (2022[2]) et WorldPop (2022[3]). Les données d’ACLED sont accessibles au public.
violents ruraux sont à l’inverse le type d’incident
le plus fréquemment associé à ces organisations,
avec une proportion atteignant 80 % en 2021
(Graphique 1.5).
Aujourd’hui, les groupes djihadistes n’ont
plus besoin de s’emparer physiquement des villes
pour exercer leur contrôle sur les civils et accéder
aux ressources naturelles, minérales et agricoles.
Dans le delta intérieur du Niger, ils imposent
par exemple des embargos aux communautés
rurales qui refusent de les laisser gouverner
ou sont protégées par l’armée, et menacent de
tuer les commerçants, responsables politiques
et leaders de la société civile qui vivent en ville
mais possèdent des biens dans les campagnes.
C’est par les stratégies d’intimidation que des
groupes comme la Katiba Macina sont parvenus
à prendre le contrôle de zones rurales, à imposer
des taxes locales sur le commerce et à pratiquer
le vol de bétail à grande échelle, contribuant
ainsi à faire du Sahel central la zone où les
violences sont à majorité rurales. Des dynamiques similaires s’observent dans la région du
22
lac Tchad, qui totalise le plus grand nombre
d’événements violents et de victimes en Afrique
de l’Ouest depuis la fin des années 2000. Dans
le nord du Nigéria, en particulier, Boko Haram
et son groupe dissident, l’État islamique en
Afrique de l’Ouest (Islamic State West Africa
Province [ISWAP]), exploitent les ressources
humaines, financières et agricoles des zones
urbaines et rurales, s’adaptant aux réponses des
quatre pays bordant le lac.
Les dynamiques de ces 20 dernières années
montrent une tendance des violences à fluctuer
entre zones urbaines et rurales en fonction
de deux forces antagonistes : d’un côté, les
stratégies locales des acteurs non étatiques ;
de l’autre, les réponses militaires des forces
gouvernementales et de leurs alliés. Ce rapport
de force détermine le cycle de vie d’un conflit
armé, de son apparition à sa résolution. Les
acteurs étatiques ou non étatiques sont susceptibles d’exploiter les caractéristiques spatiales,
telles que la distance, les frontières et les villes,
pour accéder à certaines ressources localisées,
URBANISATION ET CONFLITS EN AFRIQUE DU NORD ET DE L’OUEST @ OCDE 2023
Le rôle des villes dans les conflits d'Afrique du Nord et de l'Ouest
Chapitre 1
Graphique 1.6
L’indicateur des dynamiques spatiales des conflits
Les événements violents se
produisent plus près les uns
des autres que prévu. Il y a
plus d’événements violents
au cours d’une année
que prévu.
Les événements violents se
produisent plus près les uns
des autres que prévu. Il y a
moins d’événements violents
au cours d’une année
que prévu.
Concentré
Forte intensité
Dispersé
Forte intensité
Concentré
Faible intensité
Dispersé
Faible intensité
Les événements violents se
produisent plus loin les uns
des autres que prévu. Il y a
plus d’événements violents
au cours d’une année
que prévu.
Les événements violents
se produisent plus loin les
uns des autres que prévu.
Il y a moins d’événements
violents au cours d’une
année que prévu.
Notes : Le SCDi mesure deux dimensions géographiques essentielles des violences politiques survenues dans une région donnée sur une période d’une
année : i) la localisation des événements violents les uns par rapport aux autres (concentration/dispersion) ; et ii) leur nombre sur une période donnée par
rapport à une moyenne régionale à long terme (forte/faible intensité). Toute zone où se sont produits au moins deux événements violents au cours d’une
année peut alors être classée selon ces deux dimensions et cartographiée.
Source : Auteurs.
contrôler les populations civiles et vaincre leurs
adversaires. Ces deux forces ne peuvent pas être
appréhendées isolément, comme l’illustrent les
deux cas suivants : au Nigéria, la décision de
l’armée de rassembler ses troupes dans des villes
de garnison comme Bama ou Monguno conduit
Boko Haram et l’ISWAP à combler le vide laissé
dans les campagnes par les forces gouvernementales ; et au Mali, les violences contre les
civils augmentent depuis le remplacement des
troupes occidentales par des mercenaires russes
en décembre 2021, en particulier dans les zones
rurales du Delta intérieur et du Pays Dogon.
UNe apprOChe SpatiaLe DeS CONFLitS et DeS ViLLeS
Cette analyse spatiale poursuit les travaux déjà
entrepris par le CSAO/OCDE pour documenter
l’évolution de la géographie et de la dynamique des
conflits en Afrique du Nord et de l’Ouest depuis la
fin des années 1990 (OCDE/CSAO, 2020 [5] ; 2021[6] ;
2022[4]). Deux approches complémentaires sont
adoptées pour comprendre quel rôle jouent les
villes dans les dynamiques de conflit de la région,
si les violences deviennent plus urbaines, si les
villes sont plus ou moins violentes en fonction de
leur taille, et quelles régions sont les plus touchées
par les événements violents (Chapitre 3).
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Evaluation des diplômes Masters – Vague D ACADÉMIE : VERSAILLES
Établissement : Université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines Demande n°S3100019059
Domaine : Sciences de l'Environnement du Territoire et
de
l'Economie
Mention : Ingénierie du développement durable
Avis A
eres
Appréciation (A+, A, B ou C) : A Avis global : (sur la mention et l'offre de formation)
Cette mention est une des trois mentions du domaine Sciences de l'Environnement du Territoire et de l'Economie proposées à Versailles Saint-Quentin. L'accent est mis dans ce domaine sur les complémentarités disciplinaires pour offrir une plateforme de formations professionnalisantes autour du développement durable. Il s'agit d'une logique de compétences transversales visant à fournir aux étudiants, venant d'horizon divers, les connaissances et les compétences nécessaires, sous la forme d'outils pour comprendre, analyser et traiter les problèmes de gouvernance et de gestion environnementale dans leurs variétés de contextes institutionnels, d'échelles spatiales et temporelles ainsi que dans leur diversité de milieux d'application. La mention Ingénierie du développement durable est organisée en sept parcours de M1 (en tronc commun avec les autres mentions du domaine) et sept spécialités de M2. En termes de recherche, cette mention s'appuie essentiellement sur l'équipe C3ED qui dispose d'une bonne expertise dans le domaine du développement durable. Les contenus sont pertinents et les articulations LMD sont réfléchies. La multiplication des parcours dans un tel contexte pluridisciplinaire rend tout de même les architectures très complexes, en particulier pour le M1. De nombreux partenariats entre établissements et avec des professionnels sont affichés dans chaque spécialité. L'accent est d'ailleurs clairement porté sur les aspects professionnalisants au détriment de la formation à et par la recherche. Des partenariats internationaux existent aussi et mériteraient sans doute d'être renforcés. Les flux constatés et entendus sont corrects et réalistes. Les informations données sur les poursuites d'études et l'insertion professionnelle mériteraient de plus amples commentaires. z Points forts : La pluridisciplinarité et transversalité des formations clairement centrées autour des problématiques de développement durable donnent un aspect moderne aux formations. z Partenariats et liens forts avec les milieux professionnels visés. z Insertion professionnelle de bon niveau. z z Points faibles : Complexité de l'architecture de la mention. Points faibles : La clarté de l'articulation des Unités d'enseignements est insuffisante (cf. tableau récapitulatif peu lisible). z L'évolution des effectifs est à surveiller comme signe de l'attractivité de cette spécialité. z Absence de commentaires sur le devenir professionnel des étudiants. z z Un effort de clarification pour une meilleure lisibilité de la maquette serait nécessaire. Par ailleurs, il est recommandé de mettre en place des dispositifs de suivi des effectifs accueillis dans cette formation ainsi que de leur devenir, afin de maintenir l'attractivité et le positionnement le plus efficace pour cette formation. Droit de l'environnement, de la sécurité et de la qualité dans les entreprises z z z z Articulation Droit + environnement, qualité, sécurité offrant des débouchés clairs. Présence significative d'intervenants professionnels impliqués dans le milieu. Alternance / professionnalisation. Partenariats et Administration active du M2. Pas de suivi de l'insertion professionnelle. Compte tenu de l'orientation professionnelle de cette spécialité un suivi de l'insertion devrait être mis en place afin d'informer sur l'avenir des étudiants et de servir d'aide au pilotage de cette spécialité. Piloter et financer les éco-innovations z Il s'agit d'une demande de création pour laquelle les potentialités d'emplois sont encore peu identifiables mais qui semble se donner les moyens de l'insertion. z Formation d'ingénieur de projets en éco-innovation. Présence importante de professionnels. Apprentissage facilitant la future insertion professionnelle. 3 z Points faibles : Potentialités d'emplois peu identifiables. Volumes horaires / composant de chaque UE à clarifier. z Faiblesse de la formation à et par la recherche et appui recherche peu cohérent, dispersé sur les différents intervenants. z z z Recommandations : Une politique de suivi de l'insertion professionnelle est à recommander ainsi qu'un effort de clarification des contenus. z Il serait aussi bienvenu de renforcer et clarifier les liaisons à la recherche. z Intelligence économique et développement durable z Dossier de demande de création bien construit et convainquant mais des incertitudes demeurent sur la réalité des métiers potentiels envisagés. Cela peut être un pari intéressant pour l'institution. z Points forts : La mise en relation Intelligence économique et développement durable, novatrice et en cohérence avec la mention Ingénierie du développement durable. z Forte professionnalisation. z Partenariat avec l'Ecole Internationale d'Intelligence Economique et la Chaire « Generating Eco innovation». z z z L'intelligence économique et développement durable semblent accolés plutôt qu'en synergie. Volumes horaires de cours en apparence assez faible (sauf si dispositif pédagogique particulier). Liaison à la recherche. Recommandation z Il serait nécessaire de renforcer la cohérence d'ensemble de la formation et de construire des liaisons plus nettes à la recherche. Spécialité STGL : e-logistique et supply chain durable z z z z Génie logistique durable semble une bonne idée de formation. Formation très professionnalisante. Développement international au travers de délocalisations. Volume horaire très lourd pour une formation pratique. Manque de suivi des diplômés. Il serait nécessaire de mettre en place une politique de suivi et d'analyse du devenir des diplômés.
4 Stratégie de développement durable et RSE
z z z Bonne articulation recherche / formation. Présence importante de praticiens adéquats. Partenaires aires internationaux impliqués dans la formation. Formation en alternance et insertion professionnelle réussie. Le renforcement de la formation à et par la recherche devrait être envisagé. Construction durable et éco quartier
z Le dossier est convaincant, même si la rédaction de certains passages manque parfois d'un peu d'humilité. Cette demande de création repose sur une analyse sérieuse et bien étayée des besoins du marché de l'emploi dans le domaine de la construction mais aussi de ceux de l'exploitation et de la maintenance qui sont confrontés à la problématique du développement soutenable. Cette spécialité, qui enrichit l'offre de formation du Master Sciences de l'Environnement du Territoire et de l'Economie, est parfaitement conforme à la politique générale de l'université, politique favorisant la pluridisciplinarité, les partenariats, la professionnalisation et encourageant les formations en alternance, dont l'apprentissage. La spécialité s'appuie sur les compétences d'équipes pédagogiques reconnues de l'Université de Versailles Saint-Quentin et de l'Ecole d'Architecture de Versailles. z Points forts : La formation proposée (contenus, modalités d'enseignement et de formation, partenariats, intervention des professionnels) correspond très bien aux objectifs d'insertion professionnelle des diplômés. z Ouverture à l'apprentissage qui facilite la future insertion professionnelle. z Les prévisions d'effectifs sont très réalistes. z Des dispositifs adaptés pour intégrer et suivre les étudiants venant de diverses origines et poursuivant leurs études suivant des statuts variés. z Une solide professionnalisation qui capitalise bien les acquis des formations déjà habilitées. z z Points faibles : Le dossier manque de clarté pour tout ce qui concerne l'organisation des enseignements. La déclinaison des ECTS en termes de charge de travail laisse à désirer. z Si l'adossement à la recherche est bien présent et de qualité, la formation à la recherche est vraiment très limitée. z z z Assurer un i réactif des premières promotions. Commentaire et recommandations
De façon générale, le dossier est convaincant car il semble bien positionné sur des métiers d'avenir et disposer de bons partenariats professionnels. z Les demandes de création de spécialités sont cependant nombreuses pour lesquelles les acquis de l'expérience devront être intégrés. Ainsi, la mise en place de dispositifs de suivi réactifs, tant de l'attractivité que des capacités d'insertion offertes par ces formations, est fortement recommandée. z Dans l'ensemble aussi, sans perdre les bons atouts de l'orientation professionnelle choisie, cette formation gagnerait à renforcer les liaisons à la recherche et les éléments de formation à et par la recherche. z.
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db4f1c44ddf207fca553bb8c35da8d19_3
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French-Science-Pile
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Open Science
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Various open science
| 2,013
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L'emploi dans les administrations et les entreprises publiques
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None
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French
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Spoken
| 7,141
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La nouvelle gestion publique s’est imposée peu après que l’OCDE a commencé à être
reconnue comme le centre international de recherche et d’innovation en matière
budgétaire. Bien que captivée (comme de nombreux autres organismes) par les promesses
d’une meilleure gouvernance, elle n’a jamais prôné exclusivement la nouvelle gestion
publique. D’une part, le programme de l’OCDE concernant la gestion et la budgétisation
couvrait de nombreuses questions et pratiques sans rapport avec la nouvelle gestion
publique ; d’autre part, l’OCDE a pris en compte la diversité des orientations
administratives parmi les pays membres. La marque la plus forte et la plus durable de la
nouvelle gestion publique à l’OCDE est l’attention portée aux résultats plutôt qu’à des
pratiques déterminées. Pour diverses raisons, notamment le vif intérêt de l’OCDE pour les
questions économiques et budgétaires, la budgétisation est depuis longtemps au centre de
son programme concernant la gestion.
Après des débuts modestes dans les années 80, sous la forme d’une réunion annuelle
des hauts responsables du budget (HRB), les travaux de l’OCDE consacrés au budget se sont
développés pour former un vaste réseau de réunions régionales et thématiques, ainsi que
d’examens par pays, d’études et de rapports spécialisés, qui sont tous publiés dans la Revue
de l’OCDE sur la gestion budgétaire.
Au départ, la plus grande difficulté pour l’OCDE lors de la mise en place du processus
de HRB a été de surmonter le comportement circonspect et réservé des responsables du
budget. Ceux-ci sont au cœur même de l’administration et sont chargés d’examiner des
demandes confidentielles de fonds, de conseiller les ministres et de négocier en privé les
dépenses avec leurs homologues des divers départements. Peu d’entre eux sont connus du
grand public. Ce mode de fonctionnement en circuit fermé ne cadre pas bien avec les
tendances en matière de gouvernance examinées précédemment. La gouvernance à effet
de levier signifie que beaucoup d’autres acteurs en dehors du petit cercle des responsables
du budget sont parties prenantes des décisions en matière de dépenses. Les hauts
responsables du budget ont élargi le débat budgétaire, mais surtout dans le cadre de
l’administration publique.
Lorsqu’ils se sont réunis au début des années 80, les responsables du budget ont
constaté que les sujets de discussion ne manquaient pas : problèmes et objectifs
communs, histoires d’échec et de succès, sentiment partagé que les mécanismes de
budgétisation avaient besoin d’être rénovés, et efforts pour fonder les dotations
budgétaires sur les résultats de fond. Trois décennies plus tard, les préoccupations et
problèmes ont peu changé : l’impact des tensions budgétaires, le lien entre les décisions
budgétaires actuelles et les perspectives à moyen et à plus long terme, les moyens de
dégager une marge dans le budget pour de nouvelles initiatives, l’intégration des
indicateurs de performance dans le budget, etc. Le caractère récurrent de ces thèmes
s’explique en partie par le renforcement des normes de bonnes pratiques budgétaires. La
PANORAMA DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES 2011 © OCDE 2013
31
50e ANNIVERSAIRE DE L’OCDE – LA GOUVERNANCE À EFFET DE LEVIER : ÉVITER LES FRACTURES ET OBTENIR DES RÉSULTATS
liste des innovations été intégrées aux pratiques budgétaires comprend les règles
budgétaires, les cadres à moyen terme, les budgets axés sur les performances et l’analyse
des risques financiers. Ces techniques ont sensiblement amélioré la budgétisation, mais
n’ont pas protégé les finances publiques des perturbations économiques ou des
pressions politiques. De plus, certains problèmes de budgétisation ont un caractère
permanent, comme s’ils étaient intrinsèques au processus : déséquilibre entre les
ressources et les demandes, référence au passé pour décider du niveau des dépenses
futures, contraintes de temps, et sentiment généralisé que les décisions devraient être
prises de manière plus éclairée.
Les HRB ont grandement élargi le débat au sein de la communauté des praticiens et
des spécialistes des questions budgétaires. Si le processus s’est ouvert à des « tiers », cela
est dû principalement au fait que les médias, les organisations internationales (dont
l’OCDE) et les groupes d’intérêts suivent de plus près les questions budgétaires. On peut
considérer qu’il existe des raisons valables de mettre sous séquestre les délibérations
budgétaires internes – un processus public risquerait fort de susciter davantage de conflits
et de compliquer l’équilibrage des demandes et des ressources. Toutefois, à mesure que la
gouvernance à effet de levier se répand, les hauts responsables du budget seront
confrontés à des pressions accrues pour élargir le cercle des participants.
Conclusions
La gouvernance à effet de levier pose de nouveaux problèmes et offre de nouvelles
possibilités, aux pouvoirs publics ainsi qu’à l’OCDE. Le principal problème pour les
pouvoirs publics se produit lorsqu’ils veulent aller dans une direction et les partenaires
dans une autre. C’est une grande erreur de supposer que les pouvoirs publics et leurs
collaborateurs ont des intérêts et des points de vue identiques ; c’est rarement le cas.
Pourtant, les dirigeants politiques demeurent responsables des performances d’autres
personnes, sur lesquelles ils ont un contrôle limité, parfois négligeable. Pire encore, les
gouvernements nationaux comptent des centaines, peut-être des milliers de partenaires
ayant des intérêts divers, parfois antagonistes. La fragmentation – par secteur, région,
catégorie socio-économique, etc. – définit la manière dont les pouvoirs publics mènent
leurs actions à travers des champs de mines politiques et administratifs.
L’OCDE est également confrontée au risque de fragmentation, ne serait-ce que parce
que ses unités constitutives sont cloisonnées en différents secteurs et questions, chacune
ayant ses propres liens avec les gouvernements et les ministères. À l’OCDE, comme dans
de nombreuses organisations complexes, un cloisonnement existe entre les directions et
au sein de celles-ci. Ce dispositif courant présente plusieurs avantages, notamment celui
de réduire les conflits et de renforcer les relations avec les homologues des administrations
publiques et des collectivités concernées. Toutefois, du point de vue de la gouvernance à
effet de levier, cela présente un inconvénient important. La gouvernance à effet de levier se
justifie sur le plan de la gestion car elle améliore les résultats en donnant aux pouvoirs
publics un éventail plus large d’options en matière de politiques et de prestation de
services. Cet argument est fragilisé si la fragmentation entrave la définition et l’évaluation
des différentes solutions envisageables.
La gamme des instruments de gouvernance à effet de levier comprend les services
fournis par l’administration, les subventions, les contrats, les prêts, les garanties, les
réglementations, les allègements et les pénalités fiscales, les paiements de transfert, les
prestations en nature et les bons. Bien qu’ils puissent apparaître comme interchangeables,
des instruments différents produisent des résultats différents et ont des effets redistributifs
32
PANORAMA DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES 2011 © OCDE 2013
50e ANNIVERSAIRE DE L’OCDE – LA GOUVERNANCE À EFFET DE LEVIER : ÉVITER LES FRACTURES ET OBTENIR DES RÉSULTATS
différents. Le choix de l’instrument est une décision politique et pas seulement analytique,
car elle détermine qui obtient un avantage et qui en supporte le coût. Le cloisonnement des
instruments dans les différentes entités administratives compromet les décisions fondées
sur les résultats en déplaçant l’attention de qui obtient un avantage vers ce que chaque
entité fait, souhaite ou nécessite.
L’éventail des instruments d’action dont dispose la direction de la gouvernance
publique est plus restreint que celui des gouvernements nationaux. Cependant, cela
illustre à quel point la fragmentation peut faire obstacle à une orientation sur les résultats.
Supposons, par exemple, qu’un gouvernement cherche à améliorer les résultats en matière
de santé. Un mode d’action consisterait à recourir davantage aux TI pour informer les
citoyens des services disponibles et des pathologies qui nécessitent des soins médicaux ;
un autre consisterait à réglementer les services fournis par les hôpitaux et autres
prestataires ; une troisième option serait que les pouvoirs publics accordent des prêts ou
des subventions à des prestataires par le biais du budget public ; une quatrième solution
consisterait à restructurer la gestion publique, de manière à ce qu’un organisme public
propose des soins de santé. Chacune de ces formules relève de la compétence d’autorités
administratives différentes, et la plupart incombent à des divisions différentes au sein des
directions. Chaque tenant de l’une ou l’autre des actions a son propre avocat au sein de
l’administration ; la plupart ont leur propre lieu d’accueil à l’OCDE.
Toutefois, il faut noter que certains de ces instruments peuvent être complémentaires,
et non substituables. Pour tenter d’améliorer les résultats en matière de santé, les pouvoirs
publics peuvent investir dans la modernisation des TI, réglementer les prestataires et
subventionner leurs services, et gérer des cliniques publiques. C’est grâce à la
complémentarité de ces instruments que les pouvoirs publics obtiennent des résultats
d’un bon rapport coût-efficacité. Toutefois, la fragmentation isole ces mesures
complémentaires les unes des autres.
Ainsi, la gouvernance à effet de levier élargit la gamme des options tout en
compliquant la tâche d’intégration des politiques et des services publics. L’OCDE n’est pas
responsable de cette situation, mais ses structures organisationnelles ne devraient pas
aggraver les choses. Les solutions ne sont pas aisées, car chaque instrument nécessite un
groupe de spécialistes pour formuler des avis éclairés et des recommandations. Les
spécialistes de l’administration électronique et ceux du budget à l’OCDE ne sont pas
interchangeables, pas plus que les spécialistes de la réglementation et ceux de la gestion.
Les vertus des activités interdisciplinaires sont souvent louées, mais les organisations
doivent faire preuve d’une grande rigueur avant de pouvoir interagir de manière productive
les unes avec les autres. L’OCDE dispose certainement de masses critiques de compétences
dans les différents aspects de la gouvernance examinés dans cet essai.
Il est donc tout à fait approprié qu’à l’occasion du 50e anniversaire de l’OCDE, la
direction de la gouvernance publique ait lancé des examens par pays pluridisciplinaires
combinant TI, réglementation, gestion et budgétisation. L’objectif n’est pas simplement
d’élargir ces examens, mais de les concentrer plus étroitement sur les résultats essentiels.
Par exemple, les examens par pays détaillés examinent non seulement le cadre
réglementaire, mais cherchent également à déterminer comment la réglementation se
situe par rapport à d’autres instruments d’action et comment elle s’y articule. C’est une
tâche délicate, mais dans un contexte de gouvernance à effet de levier et de prolifération
des options, c’est un effort amplement justifié.
PANORAMA DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES 2011 © OCDE 2013
33
Panorama des administrations publiques 2011
© OCDE 2013
Chapitre II
Assainissement budgétaire :
la nécessité de fonder les décisions
sur des données probantes
35
II.
ASSAINISSEMENT BUDGÉTAIRE : LA NÉCESSITÉ DE FONDER LES DÉCISIONS SUR DES DONNÉES PROBANTES
Introduction
Au cours des trois dernières années, les pouvoirs publics ont pris des mesures décisives
tant au niveau national qu’international pour éviter un effondrement du système
économique et financier mondial. Les autorités ont entendu l’appel à l’action qui leur a été
lancé, cependant leur mission est loin d’être terminée. Outre des politiques visant à créer des
emplois, à favoriser le développement économique, à améliorer l’équité, à réduire les
inégalités et à restaurer la confiance, nombre de gouvernements vont devoir aussi introduire
de nouvelles réformes pour remédier à la hausse de l’endettement public résultant de la
crise.
L’assainissement budgétaire est devenu la pierre angulaire du débat politique actuel
au sein des pays de l’OCDE. La viabilité du statu quo est remise en cause par la montée des
niveaux d’endettement, et, selon l’opinion dominante, un assainissement des finances
publiques s’impose pour ne pas compromettre la croissance future. Il convient cependant
de noter que l’assainissement budgétaire n’est pas une mesure politique en soi, mais un
outil stratégique qui permet de s’attaquer à des problèmes et à des déséquilibres sousjacents, existant dans des secteurs bien précis comme la protection sociale, les retraites, la
santé ou l’éducation.
L’assainissement budgétaire est au cœur des discussions et débats des responsables
politiques de l’OCDE. Plusieurs gouvernements ont annoncé des plans en la matière et il
paraît important de commencer à en évaluer la qualité. En s’appuyant sur le rapport récent
Redresser les finances publiques (OCDE, 2011b) et sur les données publiées dans Panorama des
administrations publiques 2011, ce chapitre offre un regard critique sur les mesures
d’assainissement annoncées afin de déterminer si elles seront suffisantes, tout en
essayant de faire le point sur les risques encourus et les opportunités manquées. En
recensant les mesures efficaces ou non, ce Panorama des administrations publiques 2011
permet d’identifier les bonnes pratiques et peut aider les administrations publiques à
comprendre comment renforcer leurs actions et améliorer la mise en œuvre des politiques.
La comparaison des performances internationales et la collecte de données sur les
pratiques et les procédures de gestion publique sont relativement récentes et encore en
pleine évolution ; l’OCDE travaille avec les pays membres pour élargir ce corpus.
La plupart des pays de l’OCDE prévoient des réformes
pour assainir leurs finances
L’assainissement budgétaire est nécessaire pour atteindre
des niveaux d’endettement viables
Les mesures gouvernementales prises pour sauver le secteur financier, relancer
l’économie et fournir un filet de sécurité aux travailleurs et aux chômeurs ont permis
d’éviter une débâcle mondiale majeure. Toutefois, celles-ci s’étant accompagnées d’une
forte baisse des recettes, les États se retrouvent aujourd’hui avec des déficits majeurs.
Pendant les années de croissance, de nombreux pays de l’OCDE avaient laissé courir leurs
déficits structurels et la crise n’a fait qu’aggraver les déséquilibres des finances publiques
36
PANORAMA DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES 2011 © OCDE 2013
II.
ASSAINISSEMENT BUDGÉTAIRE : LA NÉCESSITÉ DE FONDER LES DÉCISIONS SUR DES DONNÉES PROBANTES
Graphique II.1. Les besoins d’assainissement budgétaire n’ont rien à voir
avec la taille de l’État
Pas d’assainissement requis
Dépenses publiques générales en % du PIB (2009)
60
DNK
55
BEL
HUN
50
NLD
LUX
40
AUT
ISL
ITA
PRT
DEU
ESP
CZE
45
FRA
FIN
SWE
SVK
CAN
NZL
GRC
GBR
IRL
POL
USA
AUS
CHE
35
KOR
30
-5
0
5
10
15
20
Solde primaire requis pour revenir a un ratio Dette/PIB de 60 % en 2025
Note : Données non disponibles pour le Chili, l’Estonie, Israël, le Mexique, la Slovénie et la Turquie. Les données
relatives aux dépenses publiques d’Australie et de Nouvelle-Zélande datent de 2008. Les données relatives au Japon
et à la Norvège ne figurent pas dans le graphique.
Sources : Perspectives économiques de l’OCDE, no 89, mai 2011 et Statistiques des comptes nationaux de l’OCDE.
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888932572520
existants. Le déficit moyen dans la zone de l’OCDE a été de 5.6 % en 2010, contre 1.3 %
en 2007 (indicateur 12). Ces déficits, conjugués à une croissance économique faible, ont
entraîné dans de nombreux pays une augmentation sensible de l’endettement public. En
moyenne, la dette des États membres de l’OCDE s’élevait à 74.2 % du PIB en 2010, contre
55.6 % en 2007 (indicateur 13).
Du fait de leur dette, certains pays se sont retrouvés confrontés à un risque
d’insolvabilité budgétaire qui a fait monter en flèche les taux d’intérêt de leurs obligations
souveraines et a conduit les agences de notation à revoir à la baisse leur note de crédit. Des
niveaux d’endettement élevés peuvent avoir des conséquences négatives à long terme
quand les recettes servent à couvrir le service de la dette publique plutôt qu’à financer des
politiques et des programmes destinés à créer de la valeur économique et sociale. La
remontée des taux d’intérêt résultant de l’accroissement de la dette peut également freiner
la croissance économique future, rendre les finances publiques plus vulnérables aux
changements de sentiment des marchés et évincer les investissements privés au point de
ne plus laisser aux pouvoirs publics la marge de manœuvre budgétaire suffisante pour faire
face à d’autres ralentissements économiques. Cela signifie également que les générations
futures devront payer pour les programmes et les avantages sociaux actuels.
Les projections de l’OCDE montrent que dans de nombreux pays membres, les
stabilisateurs automatiques qui entreront en action quand la croissance redémarrera
(comme l’augmentation des recettes et la réduction des dépenses d’assurance chômage,
par exemple) ne seront pas suffisants pour réduire les déficits ou endiguer la croissance de
la dette en pourcentage du PIB. Les indicateurs de viabilité budgétaire développés par
l’OCDE indiquent que les États devront améliorer leur solde budgétaire de 3.6 % du PIB
potentiel en moyenne au cours des 16 prochaines années pour pouvoir juste stabiliser leur
ratio d’endettement en 2026 (indicateur 15). Il leur faudra dégager des excédents publics
bien plus élevés encore pour revenir à des taux d’endettement en pourcentage du PIB
comparables à ceux d’avant la crise. Mais pour renouer avec la rigueur budgétaire et
PANORAMA DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES 2011 © OCDE 2013
37
II.
ASSAINISSEMENT BUDGÉTAIRE : LA NÉCESSITÉ DE FONDER LES DÉCISIONS SUR DES DONNÉES PROBANTES
assainir les finances publiques, les pouvoirs publics seront obligés de prendre des
décisions difficiles sur le plan politique.
L’assainissement budgétaire suppose une entente sur les fonctions de l’État
L’ampleur des besoins d’assainissement budgétaire dépend de la capacité de chaque
État à équilibrer ses recettes et ses dépenses et non de la taille économique de l’État en
question. Par exemple, en Belgique (où les dépenses de l’État atteignaient 54.2 % du PIB
en 2009) et en Nouvelle-Zélande (où ces mêmes dépenses représentaient 41.9 % du PIB
en 2008), les besoins d’assainissement budgétaire sont les mêmes.
La nécessité d’assainir les finances publiques a déclenché un débat public sur le rôle
de l’État dans la société et l’économie. Pour amortir les effets de la crise économique et
financière, les pouvoirs publics ont pris des mesures qui ont d’abord été applaudies avant
d’être clouées au pilori dans de nombreux pays, en raison de la dégradation de la dette
publique qu’ils ont entraînée. Dans la zone de l’OCDE, des voix se font entendre pour
appeler à l’assainissement des finances publiques et à l’éradication de toutes les sources
de gaspillage et d’inefficience. Alors que le chômage a augmenté dans de nombreux pays,
la relative stabilité de l’emploi et des salaires dans la fonction publique est de plus en plus
attaquée. Pourtant, les citoyens de nombreux pays font également entendre une demande
croissante pour des services publics plus nombreux et de meilleure qualité. Il est donc
évident qu’avant de pouvoir assainir les finances publiques de manière durable, les
pouvoir publics, les citoyens et les entreprises doivent se mettre d’accord sur trois
questions essentielles : Quels services l’administration doit-elle fournir ? À qui ? Et
comment les usagers paieront-ils pour ces services ?
Capacité des gouvernements à réformer sous la pression
Les réformes fondées sur des données probantes sont plus durables
Les efforts d’assainissement budgétaire exigent de redéfinir le rôle des pouvoirs
publics dans la société. Autrement dit, il convient de se demander si les biens et services
publics répondent à un réel besoin, et si ce besoin doit être satisfait directement,
indirectement ou pas du tout par les pouvoirs publics. Pour répondre à ces questions, il faut
des données et des informations probantes qui leur permettront ainsi de mesurer les
effets, les coûts et les avantages de leurs décisions. Ces données probantes peuvent être
recueillies en privilégiant une approche à 360°, consistant à regarder à la fois devant soi,
pour essayer d’anticiper les risques et les opportunités à venir, derrière soi pour faire le
point sur ce qui a marché ou non, et à l’horizontale, pour déceler les synergies possibles
entre les différents ministères et niveaux d’administration publique. Une approche ouverte
et inclusive, prenant en compte l’ensemble de l’administration publique, peut aider à
repérer des liens entre les différents secteurs et groupes et à hiérarchiser les objectifs. Les pays qui ont assaini leurs finances publiques dans les années 90, comme le
Canada et la Suède par exemple, ont constaté que les décideurs avaient réussi à trouver
des moyens de faire des économies en s’appuyant sur des études rétrospectives, des
évaluations de rapport qualité-prix et des analyses coûts-avantages de programmes
d’assainissement antérieurs (encadré II.1). Pour rendre cela possible, il faut disposer de
données très détaillées, afin de pouvoir dire exactement combien cela va coûter, ce que
l’on va produire et dans quelles quantités, quels seront les résultats et quelles seront les
conséquences sur les différentes groupes de la société.
38
PANORAMA DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES 2011 © OCDE 2013
II.
ASSAINISSEMENT BUDGÉTAIRE : LA NÉCESSITÉ DE FONDER LES DÉCISIONS SUR DES DONNÉES PROBANTES
Encadré II.1. L’initiative canadienne de l’Examen des programmes
L’initiative de l’Examen des programmes lancée par le Canada dans le milieu des années 90
a permis de réduire les dépenses des programmes fédéraux de 10 %, de supprimer plus de
55 000 postes de fonctionnaires à temps plein et de diminuer de plus de moitié le ratio de
dette/PIB du pays en l’espace de dix ans. En s’appuyant sur les données et les informations
recueillies pendant plusieurs années par le ministère des Finances et le secrétariat du Conseil
du trésor ainsi que sur les résultats des autoévaluations réalisées par les ministères et les
agences publiques, et en examinant simultanément tous les programmes en cours à l’échelle
de chaque ministère, le comité du cabinet spécial chargé de l’examen des programmes a réussi
à équilibrer les intérêts individuels et l’intérêt général et à repérer des opportunités de
réduction de coûts. Les particuliers ont ainsi pu juger de la répartition équitable de l’impact de
ces propositions sur les régions, les groupes et les niveaux de revenus.
Source : Blöndal, J. (2001), « Budgeting in Canada », OECD Journal on Budgeting, Paris.
Les pouvoirs publics sont-ils en mesure de fonder leurs décisions sur des données
probantes ?
Pour pouvoir prendre des décisions fondées sur des données probantes, l’administration
publique doit consulter et se faire conseiller par des acteurs de premier plan dans des
domaines de connaissances clés, afin de s’appuyer sur ces informations pour en tirer des
propositions d’orientations possibles. Les pays de l’OCDE sont confrontés à des déficits
budgétaires si importants que les efforts qui vont devoir être accomplis pour les réduire
s’inscrivent dans un projet social demandant une approche bien plus ouverte et inclusive
que celle qui prévaut dans le cadre d’un exercice budgétaire normal.
Malheureusement, il existe peu de données comparatives sur les capacités des pouvoirs
publics à prendre des décisions fondées sur des données probantes, et c’est là une carence à
laquelle l’OCDE entend remédier dans les années à venir. Toutefois, les rares données
disponibles suggèrent qu’il existe encore bien des progrès à faire, et que les États peuvent
tirer des enseignements des meilleures pratiques des pays les plus avancés dans ce domaine.
L’utilisation de données probantes pour prendre les décisions de gestion quotidienne
des opérations courantes varie selon les pays de l’OCDE. Même s’il ne s’agit pas d’un
domaine directement concerné par les réductions de coûts, le processus d’élaboration des
textes réglementaires et législatifs a fait des progrès significatifs de ce point de vue. Tous
les pays membres ont désormais recours à l’analyse d’impact réglementaire (AIR) pour
évaluer et quantifier les avantages, les coûts et les répercussions probables des
réglementations nouvelles et existantes. Ces analyses sont toutefois plus ou moins
poussées suivant les pays, et ne fournissent pas toujours une vision complète des
arbitrages nécessaires pour prendre les bonnes décisions. En 2008, par exemple, 24 pays
ont quantifié de manière systématique le coût des réglementations, mais ils n’ont été que
16 à en quantifier les retombées positives. Les pays de l’OCDE peuvent faire bien plus
encore : des évaluations a posteriori permettront de contrôler la qualité des textes et des
méthodologies d’évaluation utilisées ainsi que leur bonne application. Depuis 2008,
seulement six pays réalisent des évaluations a posteriori dans tous les domaines politiques :
l’Australie, la Grèce, la Hongrie, le Japon, la Corée et la Norvège (indicateur 47).
Dans les pays de l’OCDE, la consultation des parties intéressées, élément essentiel de la
prise de décisions fondées sur des données probantes, est inégale selon les domaines de
l’action publique. Grâce aux technologies de l’information et de la communication (TIC), les
pouvoirs publics peuvent interroger directement les individus, les ménages et les
communautés plutôt que de passer par l’intermédiaire d’organisations non
PANORAMA DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES 2011 © OCDE 2013
39
II.
ASSAINISSEMENT BUDGÉTAIRE : LA NÉCESSITÉ DE FONDER LES DÉCISIONS SUR DES DONNÉES PROBANTES
gouvernementales (ONG). Ils peuvent ainsi faire des choix politiques informés en s’appuyant
sur des panels d’opinions beaucoup plus larges. Des études pays de l’OCDE montrent ainsi
que l’administration électronique a permis d’améliorer les processus de consultation sur les
projets de réglementations. Dans d’autres domaines, comme celui des marchés publics, la
consultation est moins répandue. Un tiers environ des pays membres de l’OCDE consultent
le public à un stade ou à un autre de la procédure de passation des marchés, le plus souvent
pour vérifier l’intégrité du processus d’attribution (par le biais d’une procédure d’appel
d’offres par exemple) ou pour contrôler la mise en œuvre du contrat (indicateur 41).
Le Japon a constaté que les TIC peuvent favoriser le soutien du public aux plans
d’assainissement budgétaire. Les auditions publiques sur le budget, diffusées sur Internet
et télévisées, font partie des programmes les plus regardés et les plus commentés au Japon.
Les ministères d’exécution et le ministère des Finances doivent défendre chaque aspect du
budget devant un comité de « contre-interrogateurs » composé de membres du Parlement
et d’universitaires.
Les pouvoirs publics ont-ils la discipline nécessaire pour mener les réformes à bien ?
Des institutions budgétaires fortes peuvent renforcer cette discipline
Les réformes gouvernementales ont plus de chances d’être menées à bien s’il existe un
solide cadre institutionnel de prise de décision. Un programme budgétaire pluriannuel
notamment, tel qu’un cadre de dépenses à moyen terme, associé à des règles budgétaires
claires visant à limiter les dépenses, peut aider les responsables politiques à respecter une
trajectoire budgétaire appropriée et à redonner aux investisseurs et aux chefs d’entreprise
confiance en la capacité du gouvernement de gérer les finances publiques (Schick, 2010). La
Suède, par exemple, a réussi à assainir ses finances après la crise budgétaire du début des
années 90, en se fixant un objectif à moyen terme (à savoir un excédent budgétaire de 2 % du
PIB sur le cycle) et en instaurant des règles budgétaires fondées sur des objectifs de dépenses.
Avant la crise, les pays membres de l’OCDE avaient pris des mesures pour renforcer
leur discipline budgétaire et nombre d’entre eux affichaient un ratio de dette publique au
PIB stable ou en baisse (indicateur 13). Aujourd’hui, le cadre institutionnel existe dans une
large mesure, mais gagnerait probablement à être renforcé. Dans de nombreux pays, le
cadrage des dépenses à moyen terme permet de fixer des règles budgétaires à 3-5 ans et
limite ainsi l’intérêt qu’il peut y avoir à reporter les recettes ou les dépenses sur des
exercices futurs afin de contourner les règles. En 2007, à l’exception de six d’entre eux, les
30 pays membres que l’OCDE comptait à l’époque utilisaient des règles budgétaires pour
contenir la dette, le total des recettes et des dépenses ou d’autres sommes. L’expérience
montre cependant que l’élaboration des règles est une étape importante ; les règles
régissant les dépenses (utilisées dans 15 pays de l’OCDE en 2007) conjuguent réduction du
déficit et de la dette avec des restrictions budgétaires. Plus faciles à expliquer aux élus et
au public, elles sont aussi plus difficiles à contourner.
De plus, la création de conseils budgétaires indépendants ou de bureaux
parlementaires du budget peuvent renforcer la discipline en exerçant un contrôle
institutionnel des hypothèses et prévisions retenues lors de l’élaboration du budget. En
moins de dix ans, le nombre d’instances spécialisées dans l’évaluation budgétaire a plus
que doublé et, dans certains cas, leur taille a augmenté. En 2000, seuls 7 Parlements de
pays de l’OCDE étaient dotés de services spécialisés dans l’évaluation budgétaire, contre 10
en 2003 et 14 en 2007 (indicateur 35).
Enfin, un processus de préparation du budget plus inclusif peut aider à renforcer
l’adhésion et la participation active, éléments cruciaux pour faire et défendre des choix
40
PANORAMA DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES 2011 © OCDE 2013
II.
ASSAINISSEMENT BUDGÉTAIRE : LA NÉCESSITÉ DE FONDER LES DÉCISIONS SUR DES DONNÉES PROBANTES
difficiles. Dans le cadre de son programme d’assainissement budgétaire au milieu des
années 1990, la Suède a instauré une programmation budgétaire descendante impliquant de
fixer des objectifs politiques prioritaires, d’allouer une enveloppe forfaitaire à chaque
ministère et de laisser ensuite les ministres et les responsables libres de répartir cette
dernière entre les différents organes et programmes de son ministère. La liberté accordée
aux membres de l’exécutif pour utiliser des fonds à des fins non prévues varie grandement
d’un pays à l’autre de l’OCDE (voir Panorama des administrations publiques 2009, indicateur 21).
La confiance renforce la légitimité
La confiance est un ingrédient essentiel d’une gouvernance efficace. En particulier, les
réformes ont plus de chances de remporter l’adhésion du public quand la société civile fait
confiance à ses institutions et à ses responsables politiques. Si les niveaux globaux de
confiance sont variables au sein de la zone OCDE, il existe une corrélation forte entre la
confiance accordée aux autorités nationales et celle qui est accordée aux responsables
politiques (R2 = 0.82). Autrement dit, les citoyens ont tendance à penser aux responsables
politiques quand ils doivent juger de la fiabilité de leur administration. Dans une certaine
mesure, une volonté politique forte est donc la condition sine qua non d’une réforme réussie
(OCDE, 2010c). Il est important que la haute administration soit perçue comme œuvrant pour
le bien commun tel que défini par le gouvernement élu et dans le respect des lois du pays.
Des approches multipartites peuvent permettre des réformes plus durables
Comme les réformes s’étendent sur des périodes bien plus longues que la durée
moyenne d’un mandat gouvernemental, celles qui sont lancées et soutenues par une
approche multipartite ont plus de chances de durer. Deux causes peuvent entraîner
l’annulation d’une réforme : une perte d’intérêt politique ou la décision politique du
nouveau gouvernement élu d’annuler la réforme du gouvernement précédent. Des études
de cas portant sur l’expérience de certains pays de l’OCDE lors des réformes des retraites et
de la politique budgétaire suggèrent que les pouvoirs publics qui font activement participer
les différents partis et groupes d’intérêts au processus de réforme ont plus de chances de
mettre en œuvre des consolidations durables. Certains pays de l’OCDE sont plus habitués
que d’autres à former des coalitions.
L’ouverture et la transparence aident à rendre compte des résultats
Pour un gouvernement qui engage des réformes, la communication permet d’accroître
sa crédibilité, de renforcer l’appropriation des réformes par les fonctionnaires et citoyens
en les tenants informés, et de réduire les asymétries d’information en diffusant
l’information auprès de toutes les parties prenantes. Plus les prises de décision et les
résultats des réformes seront transparents et plus le public sera à même de suivre les
progrès accomplis et de demander des comptes aux instances dirigeantes.
Les gouvernements des pays membres prennent des mesures pour améliorer la
transparence et l’ouverture. D’un pays à l’autre, on note qu’il existe une volonté proactive
de rendre publiques de plus en plus d’informations sur leurs activités, performances et
décisions. Presque tous les pays de l’OCDE sont dotés de lois sur l’accès à l’information, et
nombre d’entre eux publient ou rendent systématiquement disponibles les documents
budgétaires, les rapports d’audit, les analyses sur l’impact potentiel des réglementations et
les dossiers d’appel d’offre (indicateurs 38, 41, 45). L’administration publique facilite de
plus en plus l’accès à ses fichiers de données, dans l’espoir que les entrepreneurs et la
société civile les réutilisent de façon innovante pour améliorer les services publics
existants ou en créer de nouveaux.
PANORAMA DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES 2011 © OCDE 2013
41
II.
ASSAINISSEMENT BUDGÉTAIRE : LA NÉCESSITÉ DE FONDER LES DÉCISIONS SUR DES DONNÉES PROBANTES
Graphique II.2. Forte corrélation entre la confiance accordée aux pouvoirs publics
et l’approbation de l’initiative politique (2009)
Approbation de l’initiative politique (2009), %
100
IDN
LUX
80
SWE
DEU
60
BRA USA
ISR
NZL
SVN
KOR
PRT
ESP
FRA
AUT
POL
ITA
MEX BEL
CZE
JPN
GBR
GRC
HUN
IRL
ISL
EST
40
20
AUS
RUS
CHL
NOR
ZAF
CAN
DNK
FIN
IND
NLD
TUR
R² = 0.8224
0
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
Confiance accordée aux pouvoirs publics (2009), %
Notes : Les données concernent la part des personnes interrogées qui ont répondu par l’affirmative aux questions
suivantes : « Dans ce pays, faites-vous confiance aux autorités nationales ? Approuvez-vous le travail des dirigeants
dans ce pays ? » Données non disponibles pour la République slovaque et la Suisse. Les données relatives à la République
tchèque datent de 2007. Les données relatives à l’Australie, l’Autriche, la Belgique, le Danemark, la Finlande, l’Islande, le
Japon, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal, la Suède et la Turquie datent de 2008.
Le Gallup World Poll est réalisé dans environ 140 pays au moyen d’un questionnaire commun traduit dans les
principales langues de chaque pays. À quelques exceptions près, tous les échantillons sont établis selon la méthode
probabiliste et sont représentatifs de la population résidente âgée de 15 ans et plus de l’ensemble du pays (y compris
les zones rurales). Si cela assure un dégré de comparabilité élevé entre les pays, les résultats peuvent être entachés
d’erreurs d’échantillonnage ou autre. La taille des échantillons est limitée à environ 1 000 personnes par pays.
Source : Gallup World Poll.
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888932572539
Graphique II.3. Fréquence des gouvernements de coalition (1990-2010)
Nombre de gouvernements
Nombre de gouvernements de coalition
20
18
16
14
12
10
8
6
4
2
Al
le
m
A u agn
st e
A u r a li
tr e
Be ich
lg e
C a iqu e
na
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Ch
C ili
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Zé e
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ys e
Ré
Po B a s
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b
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Ré iq Po gn
pu u e r t u e
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Ro e t c q u
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Sl - Un
ov i
én
Su i e
Tu ède
rq
ui
e
0
Note : Données non présentées pour la Suisse.
Source : Sites Internet officiels des pays membres de l’OCDE
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888932572558
Si les pays de l’OCDE ont tendance à volontairement diffuser de plus en plus
d’informations, le font-ils d’une manière qui favorise la confiance et la responsabilisation ?
De nombreux pays ne savent pas comment s’y prendre pour diffuser l’information au
mieux et à moindre coût. Toutes les informations ne sont pas nécessairement utiles aux
42
PANORAMA DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES 2011 © OCDE 2013
II.
ASSAINISSEMENT BUDGÉTAIRE : LA NÉCESSITÉ DE FONDER LES DÉCISIONS SUR DES DONNÉES PROBANTES
usagers. L’administration publique doit-elle fournir des interfaces pour faciliter
l’interaction et l’interprétation des données, ou doit-elle se contenter de fournir des
données brutes ? Dans certains cas, la transparence peut avoir l’effet inverse de celui
escompté : noyé dans une masse d’informations publiées dans des formats inaccessibles,
l’usager risque de se décourager et de renoncer à la réutilisation ou à l’examen des
données. Cela peut entraîner une baisse de la participation et déboucher à terme sur une
perte de confiance en l’administration. Qui plus est, l’information peut être utilisée par des
groupes d’intérêts particuliers pour éviter des coupes dans certains secteurs.
Pour optimiser les avantages de la transparence, de nombreuses administrations
publiques de pays membres concentrent actuellement leurs efforts sur l’accessibilité et la
qualité des informations. Par exemple, de nombreux sites Internet des institutions
publiques proposent des fonctions de recherche pour faciliter la consultation des données
et des documents. Plus de la moitié des pays de l’OCDE ont inscrit dans leurs lois ou
mesures l’obligation de publier des données électroniques dans des formats autorisant
leur manipulation et leur réutilisation (indicateur 38).
Évaluer la qualité des réformes programmées : questions et risques clés
Outre le degré auquel le processus de réforme se fonde sur des données probantes,
d’autres aspects essentiels ont trait à son ampleur, son rythme et ses interactions avec
d’autres objectifs de l’action gouvernementale. Par exemple, les réformes fonctionnent
mieux lorsqu’elle sont appliqués de manière prévisible et graduelle, afin que les
administrateurs et les parties prenantes puissent s’adapter. De même, dans les programmes
de réforme de haute qualité, l’efficacité déployée pour atteindre les objectifs budgétaires ne
se fait pas au détriment des autres objectifs prioritaires de politique publique, ou du moins
pas de manière significative. À mesure que les pouvoirs publics des pays de l’OCDE élaborent
et mettent en œuvre des réformes dans le cadre de leurs plans d’assainissement budgétaire,
l’un de leurs principaux défis est d’arriver à faire plus (ou, du moins, autant) avec moins. Le
principal danger étant qu’ils risquent, au bout du compte, de faire moins avec moins.
En outre, la capacité des gouvernements à mener des réformes bien pensées peut être
faussée par les interactions entre la comptabilité budgétaire publique et les considérations
politiques. Par exemple, d’un point de vue politique, il est souvent bien plus acceptable de
réduire les coûts de fonctionnement (salaires, frais de voyage, investissements, etc.) que les
coûts des programmes, car l’impact sur la prestation de service est moins évident. En effet,
alors que le public peut soutenir des coupes dans les dépenses de voyage ou les coûts
salariaux, l’opposition est plus forte face aux coupes portant sur certains aspects précis des
programmes comme la suppression des heures de garderie après l’école, par exemple.
Cependant, il est possible de trouver des points d’intersection entre les données probantes et
les considérations politiques. Par exemple, les réformes qui supprimeront les programmes
les moins efficaces ou les moins prioritaires seront plus susceptibles d’être soutenues. Par
ailleurs, les plans de grande ampleur sont souvent plus acceptables politiquement du fait
que les coupes frappent l’ensemble de la population et sont donc perçues comme plus
équitables. Les travaux de l’OCDE donnent à penser que les plans d’assainissement les plus
réussis impliquent des ajustements importants sur plusieurs années.
Principales caractéristiques des plans d’assainissement budgétaire
Fin décembre 2010, environ la moitié des pays membres de l’OCDE avait annoncé des
plans à moyen terme pour assainir les finances publiques (OCDE, 2011b), et l’analyse
ci-après est fondée sur ces annonces. L’annonce de plans d’assainissement des finances
publiques est un signal important pour les marchés et le public sur les mesures que les
PANORAMA DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES 2011 © OCDE 2013
43
II.
ASSAINISSEMENT BUDGÉTAIRE : LA NÉCESSITÉ DE FONDER LES DÉCISIONS SUR DES DONNÉES PROBANTES
pouvoirs publics vont prendre pour s’attaquer aux problèmes de viabilité. La
transparence des actions prévues peut contribuer à renforcer la confiance et permettre
au public de juger les effets et l’équité des plans pour les régions, groupes de population
et niveaux de revenus.
Dans cette publication, l’assainissement budgétaire est défini comme les mesures
concrètes visant à réduire les déficits publics et l’accumulation de la dette. Ces plans
d’assainissement et mesures détaillées sont exprimés en pourcentage du PIB nominal et
potentiel. Se borner à annoncer un objectif de déficit ambitieux sans qu’il soit accompagné
d’un plan d’assainissement précisant les moyens d’atteindre l’objectif n’est pas considéré
comme un plan d’assainissement dans la présente analyse. Voir Redresser les finances
publiques (OCDE, 2011b) pour de plus amples informations sur la quantification des plans
d’assainissement budgétaire.
Les plans d’assainissement budgétaire privilégient la réduction des dépenses
à l’augmentation des recettes
Selon les études empiriques, la maîtrise des dépenses, notamment au niveau des
salaires de la fonction publique et des transferts sociaux, a plus de chances d’aboutir à un
assainissement durable des finances publiques que des mesures d’augmentation des
recettes publiques (ces études peuvent aussi suggérer que les gouvernements les plus
enclins à réduire les dépenses sont aussi les plus déterminés à assainir les finances)
(Guichard et al., 2007). La plupart des plans d’assainissement budgétaire insistent
davantage sur la réduction des dépenses que sur l’augmentation des recettes. En moyenne,
l’effort d’assainissement repose pour deux tiers sur les compressions de dépenses et pour
un tiers sur l’augmentation des recettes. Même si elles peuvent être plus efficaces à long
terme, les mesures de réduction des dépenses sont souvent plus longues à instaurer, alors
que les augmentations d’impôts peuvent générer des gains immédiats.
Graphique II.4. Maîtrise des dépenses vs. augmentation des recettes
dans les plans d’assainissement budgétaire (2010)
%
100
Dépenses
Recettes
90
80
70
60
50
40
30
20
10
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Note : Le graphique montre l’impact pondéré des réductions de dépenses et des augmentations de recettes sur
l’assainissement budgétaire au fil des années.
Source : Enquête de l’OCDE sur l’assainissement budgétaire de 2010 telle que présentée dans OCDE (2011), Redresser
les finances publiques, numéro spécial de la Revue de l’OCDE sur la gestion budgétaire, vol. 2011/2, Éditions OCDE, Paris.
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888932572577
44
PANORAMA DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES 2011 © OCDE 2013
II.
ASSAINISSEMENT BUDGÉTAIRE : LA NÉCESSITÉ DE FONDER LES DÉCISIONS SUR DES DONNÉES PROBANTES
Les dépenses de programmes sont les plus exposées aux coupes
Dans la plupart des pays, les plans d’assainissement visent essentiellement à réduire les
dépenses de programmes. Les coupes se concentrent sur deux domaines principaux : 1) les
dépenses (hors coûts salariaux) des programmes liés à la santé, aux prestations sociales, aux
pensions de vieillesse, aux dépenses d’infrastructure et à l’aide publique au développement ;
et 2) les coûts de fonctionnement (qui peuvent être réduits en comprimant les salaires, les
effectifs ou les avantages sociaux, en réorganisant l’administration ou en éliminant toutes
les poches d’inefficience). Certains pays ont annoncé d’autres types de coupes comme le gel
général des dépenses. Dans le graphique II.4 ci-après, les coûts salariaux sont assimilés à des
coûts de fonctionnement alors qu’ils apparaissent dans les dépenses par fonction dans le
Système de comptabilité nationale.
Les coupes concernent aussi bien les petits que les gros programmes
Dans de nombreux pays de l’OCDE, les programmes qui absorbent le plus de ressources
sont les premiers à être touchés par les réductions de crédits, bien que ces coupes ne soient
pas suffisantes à restaurer la viabilité des finances publiques. En moyenne, ce sont les
programmes de protection sociale (prestations d’assurance chômage, prestations sociales et
retraites) qui ont la plus grande place parmi les dépenses dans les pays membres de l’OCDE.
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Conception, réalisation et caractérisation de nouveaux types d'antennes sectorielles à base de matériaux BIE métalliques pour télécommunications terrestres
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La courbe de la directivité simulée est calculée à partir du gain réalisé mesuré, en rajoutant les pertes métalliques et diélectriques, les pertes dues au coupleur et aux trois câbles coaxiaux utilisés pendant la séance de mesures ainsi que les pertes d’adaptation. On constate que la directivité mesurée (courbe bleu) présente une amplitude quasi constante sur toute la bande de fréquence comme en simulation (courbe bleu pointillé) et varie entre 18.3 dBi et 18.8 dBi. Le gain réalisé maximal mesuré est de l’ordre de 17.8 dB à 1.94 GHz. En début de bande, les valeurs du gain réalisé mesuré et simulé se ressemblent jusqu'à 1.95 GHz. Cependant, nous remarquons une différence qui atteint 0.8 dB à 1.98 GHz. Cela provient probablement de pertes d’insertion. Observons à présent les diagrammes de rayonnement.
IV.8.2.3 Diagrammes de rayonnement
Les diagrammes de rayonnement ont été mesurés dans le plan vertical (plan E) et dans le plan horizontal (plan H). Pour ce qui est de la forme du rayonnement, les diagrammes simulés et mesurés à 1.92 GHz (Figure II.48 (a)), 1.95 GHz (Figure II.48 (b)) et 1.98 GHz (Figure II.48 (c)) sont comparés ci-dessous.
98 Chapitre II De la BIE-M directive à la BIE-M sectorielle (
a
) (
b) (c) Figure II.48. Diagrammes de rayonnement mesurés et simulés dans le plan vertical et horizontal
On peut observer une très bonne adéquation entre les deux séries de courbes, notamment pour ce qui est des ouvertures angulaires à -3 dB dans les plans verticaux et horizontaux. Le diagramme de rayonnement expérimental dans le plan H présente bien la forme sectorielle recherchée. 99
Chapitre II De la BIE-M directive à la BIE-M sectorielle IV.8.3 Conclusion sur l’antenne réalisée
En conclusion, ce prototype a permis de valider donc bien à la fois les résultats de simulation ainsi que la théorie de l'antenne BIE-M rectangulaire sectorielle multisource. Il a aussi permis de montrer que ces antennes sont aussi bien réalisables en matériau métallique simple. Les résultats obtenus en mesure sont satisfaisants. La technique multisource montre bien qu’il est possible d’obtenir de larges bandes passantes tout en conservant des gains élevés.
V. Conclusion
Dans ce second chapitre ont tout d’abord été présentées les antennes BIE-M directives. Le principe de fonctionnement de ces nouvelles antennes a été explicité. La surface partiellement réfléchissante de base a été présentée, et une méthode de design d’antenne directive utilisant ces structures a été mise au point. Dans un second temps, une nouvelle topologie d’antenne présentant un rayonnement sectoriel a été présentée. La méthode de conception mise au point pour les antennes BIE-M directives a été adaptée à ces antennes. Ensuite, nous avons montré que l’utilisation de plusieurs sources d’excitation permet d’augmenter la directivité et la bande passante des antennes BIE-M rectangulaires sectorielles. L’amélioration des performances dépend du nombre de sources et de leur écartement. Cette technique a fait l’objet d’une réalisation d’un prototype dont la mesure de ses performances a permit de valider l’ensemble de la recherche développée. Ce second chapitre a donc permis de poser les bases des antennes BIE-M rectangulaires sectorielles et d’expliciter les méthodes de conceptions de ce type d’antenne. Jusqu’ici, les antennes BIE-M rectangulaires sectorielles ont été étudiées dans un fonctionnement bien précis, c'est àdire la polarisation linéaire verticale. Cependant, d’autres concepts d’antennes sectorielles pourraient être étudiés. Par exemple, les systèmes antennaires sont amenés à présenter désormais une agilité particulière : la diversité de polarisation. Ainsi, il devient indispensable de concevoir des antennes capables de générer deux polarisations comme par exemple une polarisation verticale et horizontale, ou encore une polarisation 45° et circulaire. 100
Chapitre II De la BIE-M directive à la BIE-M sectorielle
Justement, les antennes BIE-M directives sont capables de créer de la diversité de polarisation. Il suffit pour cela de modifier la polarisation de la SPR et la source d’excitation. Les travaux menés sur les antennes BIE-M directives ont déjà permis de réaliser des antennes à polarisation horizontale [II.24] ou circulaire [II.28]. Le chapitre suivant sera consacré à l’étude d’antennes BIE-M rectangulaires sectorielles à polarisation horizontale, double polarisation, polarisation 45° et polarisation circulaire. 101
Chapitre II De la BIE-M directive à la BIE-M sectorielle Bibliographie
Chapitre II [II.1] T.K. Wu. Frequency Selective Surface and Grid Array. J. Wiley, New-York, 1995 [II.2] A.D. Chuprin, E.A. Parker and J.C. Batchelor. Resonant frequencies of open and closed loop frequency selective surface arrays. ELECTRONlCS LETTERS, 74th September 2000 Vol. 36 No. 79 [II.3] G.V. Trentini. Partially reflecting sheet arrays. IEEE Trans. Antenna and Propagation, vol. 4,Issue 4, pp. 666-671, Oct. 1956 [II.4] Palikaras, G.K; Feresidis, A.P; Var xoglou, J.C. Cylindrical electromagnetic bandgap structures for directive base station antennas. IEEE Trans. Antennas Propagation., vol. 3, no.1, pp. 87–89, 2004 [II.5] A.P.Feresidis and J.C.Vardaxoglou. High gain planar antenna using optimized partially reflective surfaces. IEE Proc. Microw. Antennas Propagation., vol. 148, no. 6, pp. 345-350, 2001 [II.6] Thevenot, M., C. Cheype, A. Reineix, and B. Jecko. Directive photonic bandgap antennas. IEEE, Transaction on Microwave Theory and Techniques, Vol. 47, No. 11, 2115–2122, Nov. 1999 [II.7] C. Cheype, C. Serier, M. Thevenot, T. Monediere, A. Reineix, and B. Jecko. An Electromagnetic Bandgap Resonator Antenna. IEEE Trans. Antenna and Propagation, vol. AP-50, no. 9, pp. 1285-1290, Sep. 2002 [II.8] D. R. Jackson and N. G. Alexopoulos. Gain enhancement methods for printed circuit antennas. IEEE Trans. Antennas Propagat., vol. 33, no.9, pp. 976–987, Sep. 1985 [II.9] M. Qiu and S. He. High directivity patch antenna with both photonic bandgap substrate and photonic bangap cover. Microw. Opt. Technol. Lett., vol. 30, no. 1, pp. 41–44, Jul. 2001 [II.10] E. Pointereau, H.Chreim, P. Dufrane and B. Jecko. Omnidirectional Cylindrical Electromagnetic Bandgap Antenna With Dual Polarization. IEEE Trans. Antenna and Propagation, vol. 6, pp. 450-453, Nov. 2007 [II.11] H.Chreim, E. Pointereau, P. Dufrane and B. Jecko. Omnidirectional electromagnetic band gap antenna for base station applications. IEEE Trans. Antenna and Propagation, vol. 6, pp. 499-502, Oct. 2007 [II.12] L.Leger, T. Monediere and B. Jecko. Enhancement of gain and radiation bandwidth for a planar 1-D EBG antenna. IEEE Microw. Wireless Comp. Lett., vol. 15, no. 9, pp. 573-575, 2005 [II.13] R. Gardelli, M. Albani, F. Capolino. Array thinning by using antennas in a FabryPerot cavity for gain e nhancement. IEEE Trans. Antennas Propagat., vol. 54, no.7, pp. 1979–1990, July 2006. 102
Chapitre II De la BIE-M directive à la BIE-M sectorielle
[II.14] Marc Thevenot. Analyse comportementale et conception des matériaux diélectriques à bande interdite photonique. Application à l’étude et à la conception d’un nouveau type d’antenne. Thèse de doctoratn°34-1999Université de Limoges18 novembre 1999 [II.15] P. F. Combes. Micro-ondes : Circuits passifs, propagation, antennes. Dunod, Paris, 1997 [II.16] Julien Drouet. Méthodes d’analyse électromagnétique spécifiques à la conception des antennes à résonateur BIE multi sources. Thèse de doctoratn°38-207Université de Limoges09 octobre 2007 [II.17] R. C. McPhedran, D. Maystre. On the theory and application of inductive grids. Applied Physics, vol. 14 pp 1-20 [II.18] R.SAULEAU. Fabry Perot resonators. Encyclopedia of RF and Microwave Engineering, Ed K.Chang, John Willey & Sons, Inc., Vol.2, pp 1381-1401, May 2005. [II.19] H. Boutayeb. Etude des structures périodiques planaires et conformes associées aux antennes. Application aux communications mobiles. Thèse de doctorat, Université de Rennes 1, 2003. [II.20] L. LEGER. Nouveaux développements autour des potentialités de l’antenne BIE planaire. Thèse de doctoratn°27-2004Université de Limoges16 novembre 2004 [II.21] Simba, A.Y. Yamamoto, M. Nojima, T. Itoh, K. Planar-type sectored antenna based on slot Yagi-Uda array. Microwaves, Antennas and Propagation, IEE Proceedings 7 Oct. 2005, Volume: 152, Issue: 5 [II.22] http://www.superpass.com/2400-2483M.html [II.23] L.Leger, C. Serier, R. Chantalat, M. Thevenot, T. Monédière, B. Jecko. D Dielectric EBG Resonator Antenna Design. Anales des Télécommunications, Vol. 59, n°3-4, Mars-Avril 2004 [II.24] E.RODES. Nouveaux concepts d’antenne à base de matériaux BIE métalliques. Application aux réseaux de télécommunications. Thèse de doctorat N° 67-2006 Université de Limoges 28 Novembre 2006 [II.25] J.R. JAMES et al. Leaky-wave multiple dichroic beamformers. Electron. Lett., 1989, v. 25, n. 18, pp. 1209-1211 [II.26] C. A. Balanis. Antenna theory. Analysis and design. J. Wiley, New York, 1982 [II.27] L. LEGER. Methodology to design high gain EBG antennas. Enhancement of the gain and Bandwidth. PIERS 2004, March 28-31 2004, Pise, Italy [II.28] M. DIBLANC. Développement du concept de l’antenne à résonateur BIE pour la génération de la polarisation circulaire. Thèse de Doctorat N°7-2006, Université de Limoges, 20 Mars 2006.
103 Chapitre II De la BIE-M directive à la BIE-M sectorielle 104 Chapitre III – Antenne BIE-M sectorielle reconfigurable en polarisation CHAPITRE III Antenne BIE-M sectorielle reconfigurable en polarisation
Antenne à polarisation horizontale Antenne à double polarisation Antenne à polarisation +45° Antenne à polarisation
circulaire 105 Chapitre III – Antenne BIE-M sectorielle reconfigurable en polarisation 106 Chapitre III – Antenne BIE-M sectorielle reconfigurable en polarisation I. Introduction
Dans le cadre de notre étude visant à rendre la transmission entre deux dispositifs insensible à l'inclinaison, nous nous sommes intéressés aux antennes BIE-M rectangulaires sectorielles à reconfiguration de polarisation. En effet, dans le domaine des télécommunications avec les mobiles, de nombreuses techniques de traitement du signal utilisent la diversité de polarisation pour lutter contre le fading, phénomène d’évanouissement des signaux. Le principe consiste à utiliser différents "capteurs électromagnétiques" à la fois à l’émission et à la réception dans plusieurs polarisations. Avant de combiner ces polarisations, nous allons nous intéresser dans un premier temps à la mise au point d’une antenne BIE-M rectangulaire sectorielle fonctionnant en polarisation horizontale. Nous donnerons les caractéristiques de la surface partiellement réfléchissante (SPR) utilisée. A partir de là, une conception d’antenne en polarisation horizontale sera faite. Ensuite, il est tout possible Après avoir étudié la polarisation verticale et la polarisation horizontale, les deux seront combinées pour concevoir une antenne à double polarisation. Afin de valider cette nouvelle antenne, un prototype sera réalisé puis mesuré. Enfin, la dernière partie exposera les travaux effectués pour réaliser une antenne BIEM rectangulaire sectorielle à polarisation linéaire +45° et circulaire.
II. Antenne à polarisation horizontale II.1. Principe de l’antenne à polarisation horizontale
Lors de la réalisation d’une antenne BIE-M rectangulaire sectorielle en polarisation verticale présentée dans le deuxième chapitre, nous avons expliqué qu’il était nécessaire d’avoir concordance entre la polarisation de la source et la polarisation de la structure périodique supérieure (SPR). Pour concevoir une antenne BIE-M rectangulaire sectorielle en polarisation horizontale, deux conditions doivent être réunies. • Tout d’abord, il faut disposer d’une source adéquate rayonnant en polarisation horizontale qui soit capable d’exciter la cavité. • La mise au point de la SPR fonctionnant en polarisation horizontale est l’autre étape indispensable. 107
Chapitre III – Antenne BIE-M sectorielle reconfigurable en polarisation
La géométrie de l’antenne BIE-M rectangulaire sectorielle à polarisation horizontale est identique à celle présentée dans le deuxième chapitre en polarisation verticale, si ce n'est que la SPR supérieure est tournée de 90°. Les tiges métalliques (SPR) sont donc disposées dans le sens de la largeur de la structure. Il convient également de changer la polarisation du patch d’excitation en modifiant la position de sa sonde d’alimentation. La Figure III.1 cidessous en présente la géométrie.
E E Figure III.1. Analogie des antennes BIE-M rectangulaires sectorielles en polarisation verticale et horizontale
II.2. Fonctionnement de l’antenne et Cartographies du champ
Comme pour l’antenne à polarisation verticale, l’antenne sectorielle à polarisation horizontale est constituée d’une SPR en distribution horizontale suivant la largeur au dessus d’un plan de masse, cette structure est supportée par deux murs verticaux afin d’assurer le rayonnement sectoriel de cette antenne L’interprétation du fonctionnement est identique à celui produit en polarisation verticale. C’est pourquoi nous ne reviendrons pas sur ce point. Seules les cartographies du champ, différentes dans ce cas, seront montrées afin de mieux comprendre comment il faut exciter cette nouvelle structure. Observons les cartographies du champ pour la structure BIE-M rectangulaire sectorielle en polarisation horizontale (Figure III.2). 108
Chapitre III – Antenne BIE-M sectorielle reconfigurable en polarisation z y x x
Figure III.2. Cartographies du champ E et digramme de rayonnement 3D de l’antenne BIE-M rectangulaire sectorielle à polarisation horizontale
Dans le plan vertical nous remarquons que le champ est évanescent en « y » et s’étale suivant la longueur. D’autre part, dans le plan horizontal, le champ est également évanescent en « x ». Du coup, ce dernier est confiné dans une partie de la cavité. Le fait d’utiliser des murs verticaux a empêché la distribution uniforme du champ électrique dans la cavité, d’où le diagramme de rayonnement sectoriel obtenu.
II.3. Cahier des charges
Nous allons alors tenter de concevoir une antenne BIE-M rectangulaire sectorielle en polarisation horizontale. Cette antenne devait répondre au cahier des charges suivant (Tableau III.1) : Bande de fréquences HiperLan2 : 5.15 – 5.35 GHz Rayonnement Directivité 16 dBi
Diagramme et ouverture plan E Sectoriel ~ 60° Diagramme et ouverture plan H Directif ~ 15° Polarisation Horizontale
Tableau III.1. Cahier des charges de l’antenne BIE-M rectangulaire sectorielle 109
Chapitre III – Antenne BIE-M sectorielle reconfigurable en polarisation II.4. Description de l’antenne
La structure étudiée est présentée sur la Figure III.3. L’antenne BIE-M rectangulaire sectorielle à polarisation horizontale se compose de quatre parties principales qui sont : 1. Le plan de masse sur lequel repose le système d’excitation. 2. Une cavité située entre le plan de masse et les tiges métalliques. 3. La SPR formée par un agencement périodique d’éléments métalliques (Figure III.4). 4. Les murs verticaux pour obtenir le rayonnement sectoriel désiré. h
L l Figure III.3. Géométrie de l’antenne BIE-M rectangulaire sectorielle à polarisation horizontale a p Figure III.4. Géométrie d’une SPR composée de tiges métalliques
Il est possible de définir un taux de remplissage τ = a / p comme le rapport entre la largeur des tiges (a) et le pas de la structure (p).
110 Chapitre III – Antenne BIE-M sectorielle reconfigurable en polarisation
Le taux de remplissage augmente avec la largeur des tiges et diminue avec leur périodicité. Plus le taux de remplissage est important, plus la SPR présente un coefficient de qualité élevé.
II.5. Influences des paramètres physiques et choix de la structure périodique
L’analyse de l’influence des différents paramètres géométriques de l’antenne va permettre de visualiser l’évolution de ses performances (directivité, bande de rayonnement,...) avec la variation de chacun des paramètres. Le choix de la SPR est déterminant pour obtenir les caractéristiques nécessaires à la conception d’une antenne. La largeur de bande et la directivité sont directement liées. Les principaux paramètres ayant des influences significatives sur les performances de l’antenne seront analysés. Il s’agit de la largeur des tiges a et la périodicité des tiges p ou autrement le nombre des tiges. Pour pouvoir obtenir une valeur de directivité souhaitée avec une bande passante convenable, il est nécessaire de modifier les paramètres de la SPR utilisée dans le but d’obtenir un coefficient de réflexion permettant d’avoir le bon facteur de qualité (Q=f0 / ∆f). L’influence des différents paramètres de l’antenne BIE-M rectangulaire sectorielle à polarisation horizontale a été étudiée pour une structure fonctionnant autour de la fréquence de 5.25 GHz. II.5.1 Variation de la largeur des tiges
« a » Le premier paramètre à faire varier est la largeur des tiges métalliques a. Le Tableau III.2 montre les valeurs des paramètres dans les 4 cas étudiés. La hauteur h a été ajusté dans chaque cas pour revenir à la même fréquence de fonctionnement. La largeur de l’antenne l et la périodicité p sont toujours les mêmes. La longueur L de la structure étant toujours égale à 375 mm.
111 Chapitre III – Antenne BIE-M sectorielle reconfigurable en polarisation a p h L
l Cas 1 : a=2 mm 15 mm 25.5 mm 375 mm 52 mm Cas 2 : a=3 mm 15 mm 26.2 mm 375 mm 52 mm Cas 3 : a=4 mm 15 mm 26.6 mm 375 mm 52 mm Cas 4 : a=5 mm 15 mm 27 mm 375 mm 52 mm
Tableau III.2. Valeurs des différents paramètres
En faisant varier la largeur des tiges a, les performances sont différentes (Tableau III.3).
Bande en Coefficient de Directivité qualité maximale Cas 1 : a=2 mm 14.75 13.4 dBi 14.25 % Cas 2 : a=3 mm 27.6 14.3 dBi 12.7 % Cas 3 : a=4 mm 38.15 15.3 dBi 10.25 % Cas 4 : a=5 mm 70.4 16.1 dBi 7% a rayonnement à -3 dB
Tableau III.3. Influence de la largeur des tiges sur le coefficient de qualité, la directivité et la bande passante
La Figure III.5 montre les courbes des coefficients de transmission de la cavité pour S21 (dB) tous les cas étudiés. 0 -2 -4 -6 -8 -10 -12 -14 -16 -18 -20 Cas 1-Q=14.75 Cas 2-Q=27.6 Cas 3-Q=38.15 Cas 4-Q=70.4 4,5 4,65 4,8 4,95 5,1 5,25 5,4 Fréquence (GHz)
Figure III.5. Coefficient de transmission de la SPR utilisée dans chacun des cas étudiés
112 Chapitre III – Antenne BIE-M sectorielle reconfigurable en polarisation
II.5.2 Variation de la périodicité des tiges
« p » Le deuxième paramètre à faire varier est la périodicité des tiges p ou autrement le nombre de tiges N. La variation de ce paramètre est effectuée en fixant la largeur des tiges a. Seule la hauteur de la cavité h a été modifiée dans chaque cas pour que les structures étudiées fonctionnent à la même fréquence. Le Tableau III.4 montre les valeurs des paramètres dans les différents cas étudiés.
p Cas 1 : p=8 mm Cas 2 : p=11 mm Cas 3 : p=14 mm Cas 4 : p=17 mm Cas 5 : p=20 mm a h L l N 2 mm 27.35 mm 375 mm 52 mm 47 2 mm 26.65 mm 375 mm 52 mm 34 2 mm 25.83 mm 375 mm 52 mm 27 2 mm 25 mm 375 mm 52 mm 22 2 mm 24.4 mm 375 mm 52 mm 19
Tableau III.4. Valeurs des différents paramètres
Une modification de la périodicité des tiges entraînera un changement sur les valeurs du coefficient de réflexion. Le Tableau III.5 donne les influences de cette périodicité p sur les performances de l’antenne. Bande en Taux de Coefficient de Directivité remplissage qualité maximale Cas 1 : p=8 mm 25 % 153.3 16.4 dBi 4.3 % Cas 2 : p=11 mm 18.2 % 45 15.34 dBi 10.1 % Cas 3 : p=14 mm 14.3 % 18.52 13.8 dBi 14.31 % Cas 4 : p=17 mm 11.75% 10.2 12.6 dBi 18.71 % Cas 5 : p=20 mm 10 % 6.24 11.65 dBi 26.1 % p rayonnement à -3 dB
Tableau III.5. Influence de la périodicité des tiges sur le coefficient de qualité, la directivité et la bande passante
113 Chapitre III – Antenne BIE-M sectorielle reconfigurable en polarisation Les coefficients de qualité de la cavité dans chaque cas sont montrés sur la Figure S21 (dB) III.6.
0 -2 -4 -6 -8 -10 -12 -14 -16 -18 -20 Cas 1-Q=153.3 Cas 2-Q=45 Cas 3-Q=18.52 Cas 4-Q=10.2 Cas 5-Q=6.24 4,5 4,65 4,8 4,95 5,1 5,25 5,4 5,55 5,7 5,85 6 Fréquence (GHz
) Figure III.6. Coefficients de transmission des cas étudiés de la SPR utilisée
Une explication sur les différents résultats donnés précédemment est nécessaire. Regardons, dans un premier temps, le cas où le taux de remplissage augmente (p diminue ou a augmente). Nous pouvons remarquer que la cavité rectangulaire devient plus résonante. Ainsi, le coefficient de qualité est plus important et le champ électromagnétique résonne fortement dans la cavité. Ainsi, la tâche s’allonge de plus en plus suivant la longueur L. on obtient alors une forte directivité et une bande passante étroite. Pour le cas où le taux de remplissage diminue (p augmente ou a diminue), la cavité entre le plan de masse et la SPR aura un faible facteur de qualité ce qui entraînera par la suite une directivité potentielle très faible. La bande passante d’une telle structure sera quant à elle très grande. En conclusion, il est très facile de modifier les performances en rayonnement des antennes simplement en modifiant les paramètres géométriques de la SPR (largeur ou espacement). Après avoir étudié l’influence des différents paramètres sur les performances de l’antenne BIE-M rectangulaire sectorielle à polarisation horizontale, nous allons maintenant concevoir une antenne pour répondre au cahier des charges cité précédemment.
114 Chap
itre III – Antenn
e BIE-M
sectorielle reconfigurable en polarisation II.6 Dimensionnement de l’antenne
De la même manière que dans le cas de la polarisation verticale, la structure peut être dimensionnée de manière exacte grâce au calcul de la phase à l’interface du motif élémentaire de la SPR utilisée. Pour dimensionner rapidement nos structures, nous approximons la cavité par un guide à fuit. La fréquence de coupure du guide qui est donc la fréquence de fonctionnement optimale de l’antenne peut être calculée par la formule suivante :
f
0 =
c φr + π 2h 2π (III.1) avec φr = Arg (r) où r est le co
efficient
de réflexion de la SPR supérieure. h est la h
auteur
de la cavité
(distance séparant le plan de masse de
la
SPR plac
ée
au dessus
).
Le maximum est obtenu pour h ≈ λ0/2. Une SPR ayant une largeur de barreau de 2 mm avec une périodicité de 10.5 mm, nous a permis d’obtenir un coefficient de réflexion r=0.92ej156.6° à 5.25 GHz en illuminant la structure selon la polarisation TM (champ électrique parallèle aux tiges). Les éléments constituant l’antenne étant connus, nous allons présenter les dimensions des différents paramètres (Tableau III.6). a p L l h 2 mm 10.5 mm 375 mm 48 mm 26.75 mm Tableau
III.6. Valeurs des différents paramètres physiques de l'antenne étudiée
II.7 Excitation de la cavité
Pour concevoir une antenne BIE-M rectangulaire sectorielle en polarisation horizontale, la source d’excitation doit générer un champ électrique ou magnétique capable de se coupler avec un des champs générés par la cavité. La polarisation de la source doit donc être identique à celle de l’antenne BIE-M rectangulaire sectorielle finale. Il s’agit donc de trouver une source assez petite pour être insérée dans la cavité et qui présente un champ électrique dans le plan horizontal.
115
Chapitre III – Antenne BIE-M sectorielle reconfigurable en polarisation
La source consiste en une antenne de type patch placée sur un plan de masse. Ce type d’antenne imprimée peut également générer de la polarisation circulaire, et sera l’excitation utilisée pour toutes les antennes réalisées dans ce chapitre. Nous avons fini par réaliser un patch carré de 20.5 mm de longueur (Lp) fonctionnant à 5 GHz (Figure III.7). La distance du point d’alimentation par rapport au bord de l’antenne est de 2.75 mm. Il repose sur un substrat faible perte (εr=1.45 et tan δ = 0.006) d’épaisseur 2 mm. Lp
Figure III.7. Dimension du patch sur un plan de masse II.8 Résultats de simulation II.8.1 Diagrammes de rayonnement II.8.1.1 Diagrammes dans le plan horizontal (Plan E)
Les diagrammes de rayonnement dans le plan horizontal (Figure III.8) sont sectoriels. L’angle d’ouverture est de l’ordre de 60° sur toute la bande, de manière à couvrir un secteur suffisamment large. 116 Chapitre III – Antenne BIE-M sectorielle reconfigurable en polarisation
20 15 Directivité (dBi) 10 5 5.15 GHz Plan E 0 -180 -120 -60 -5 0 60 120 5.25 GHz Plan E 180 5.35 GHz Plan E -10 -15 -20 Théta (°)
Figure III.8. Diagrammes de rayonnement dans le plan horizontal (Plan E) II.8.1.2 Diagrammes dans le plan vertical (Plan H) La Figure III.9 représente les diagrammes de rayonnement en polarisation principale et en polarisation croisée dans le plan vertical sur la bande de fonctionnement.
20 15 10 5 0 Directivité (dBi) -180 -120 -60 -5 0 60 120 180 -10 -15 -20 -25 -30 Théta (°) 5.15 GHz Polar. Principale 5.35 GHz Polar. Principale 5.25 GHz Polar. Croisée 5.25 GHz Polar. Principale 5.15 GHz Polar. Croisée 5.35
GHz
Polar. Croisée Figure III.9. Diagrammes de rayonnement dans le plan vertical (Plan H) en polarisation principale et croisée
Dans ce plan, le diagramme de rayonnement présente des lobes pincés. La directivité augmente progressivement avec la fréquence jusqu’à l’apparition à 5.35 GHz des lobes secondaires. On peut observer que les diagrammes présentent des lobes secondaires bas, inférieurs à -16 dB. L’angle d’ouverture est compris entre 13° et 18°.
117 Chapitre III – Antenne BIE-M sectorielle reconfigurable en polarisation
La polarisation croisée est très basse dans le lobe principal, mais est plus importante pour les lobes secondaires. Sur la bande en rayonnement, la différence entre le niveau de polarisation principale et croisée reste toujours inférieur à -25 dB dans le lobe principal. On obtient donc bien une antenne sectorielle à polarisation horizontale présentant 60° d’ouverture angulaire dans le plan azimutal et un faisceau étroit avec des lobes secondaires faible dans le plan vertical. II.8.2 Directivité fréquentielle
La directivité fréquentielle est comprise entre 14 dBi et 16 dBi, soit une variation assez faible (Figure III.10). Seule la fréquence de fonctionnement présente un léger décalage, puisque la directivité maximale est obtenue à 5.28 GHz.
dBi Directivité fréquentielle 16 14 12 10 8 6 4 2 0 5 5,05 5,1 5,15 5,2 5,25 5,3 5,35 5,4 5,45 5,5 Fréquence (GHz)
Figure III.10. Directivité fréquentielle de l’antenne en polarisation horizontale
La directivité augmente jusqu’à la fréquence de résonance, puis diminue. Cette diminution est accompagnée par l’apparition des lobes secondaires, ce qui montre qu’on s’approche des résonances supérieures de la cavité. En conclusion, les antennes BIE-M rectangulaires sectorielles ont montré leurs potentialités pour générer de la polarisation horizontale et verticale. Désormais, il serait intéressant d’étudier la combinaison de la polarisation verticale et horizontale pour former soit une antenne à double polarisation, soit une antenne à polarisation +45°, soit une antenne à polarisation circulaire. C’est l’objet des paragraphes suivants.
118
Chapitre III – Antenne BIE-M sectorielle reconfigurable en polarisation III. Antenne à double polarisation
Les antennes BIE-M rectangulaires sectorielles ont l’avantage de fonctionner dans les deux polarisations linéaires orthogonales verticale d’une part et horizontale d’autre part. Il s’agit donc maintenant de fusionner les deux antennes à polarisation unique pour n’en former qu’une seule capable de fonctionner indifféremment en polarisation horizontale ou verticale [III.1], [III.2], [III.3].
III.1 Intérêt et objectif
L’objectif est ici de concevoir dans un seul système une antenne à deux voies distinctes pouvant fonctionner dans les deux polarisations. Souvent, les réseaux de télécommunication fonctionnent sur deux polarisations, horizontale et verticale, afin de multiplier par deux la quantité d’informations transmises sur la même bande de fréquence. L’avantage premier est de disposer d’une seule antenne utilisable dans l’une ou l’autre des polarisations suivant l’application désirée. L’antenne à double polarisation est alors utilisée comme deux antennes mono-polarisation. Le second avantage plus pertinent consiste à exploiter les deux polarisations. En effet, un signal radio mobile subit de nombreuses réflexions et des diffractions entre le terminal de l’abonné et la station de base. La polarisation de l’onde n’est alors plus parfaitement linéaire lorsqu’elle arrive à la station de base. En recevant le signal dans les deux polarisations il est alors plus facile de reconstituer le signal d’origine. Dans les sections suivantes, nous montrons que la structure d’antenne BIE-M rectangulaire sectorielle, dont le développement et les performances ont été présentés précédemment, peut être utilisée comme une structure à double accès, et qu'elle présente alors des caractéristiques particulièrement intéressantes par rapport à notre contexte d'utilisation.
III.2 Méthode de design de l’antenne à double polarisation
Comme nous l’avons déjà vu plusieurs fois tout au long de ce manuscrit, la conception d’une antenne BIE-M rectangulaire sectorielle peut se résumer en deux points principaux : 1. la mise au point de la SPR supérieure présentant les caractéristiques nécessaires pour atteindre le gain voulu sur une bande passante donnée et dans chaque polarisation.
119 Chapitre III – Antenne BIE-M sectorielle reconfigurable en polar
isation 2. la recherche de la source adéquate pouvant exciter un des champs présents dans la cavité et possédant la même polarisation que
l’antenne finale souhaitée. La conception d’une antenne à double polarisation n’est pas a priori très compliquée lorsque l’on maîtrise d’une part la réalisation d’antenne en polarisation verticale et d’autre part celle en polarisation horizontale. En effet, il s’agit schématiquement de superposer les deux antennes fonctionnant dans une polarisation unique, c'est-à-dire à la fois les structures périodiques (SPR) et les sources d’excitation. Le choix de la polarisation s’effectue ensuite par le biais de la polarisation du patch d’excitation. Pour ce qui est du design de l’antenne en polarisation verticale, la majeure partie de l’étude est totalement identique à celle qui vient d'être faite dans le deuxième chapitre. La seule différence sera la bande de fréquence utilisée.
III.3 Cahier des charges
L’antenne à double polarisation possède les caractéristiques suivantes (Tableau III.7) :
Bande de fréquences HiperLan2 : 5.15 – 5.35 GHz Rayonnement Directivité 15 dBi Diagramme et ouverture plan horizontal Sectoriel ~ 60° Diagramme et ouverture plan vertical Directif ~ 15° Polarisation Verticale ou Horizontale Isolation entre polarisation 20 dB Tableau
III.7. Cahier des charges de l’antenne BIE-M rectangulaire sectorielle à double polarisation III.4 Conception de l’antenne BIE-M rectangulaire sectorielle à double polarisation
III.4.1 Les SPR étudiées et l’utilisation d’une technologie de type circuit imprimé
Une SPR est également un filtre de polarisation car sa réponse diffère suivant la polarisation de l’onde incidente. Les bandes de fréquences interdites et propagées n’apparaissent que pour un champ E parallèle aux tiges métalliques lorsque le champ est polarisé TM et inversement pour une polarisation TE. 120
Chapitre III – Antenne BIE-M sectorielle reconfigurable en polarisation
L’obtention de la SPR est donc assez simple car elle consiste à associer les deux structures déjà utilisées en polarisation simple. Par exemple, il suffit de superposer une série de tiges en polarisation verticale (Figure III.11 (a)) avec une autre série pour la polarisation horizontale (Figure III.11 (b)). Les dimensions des cavités formées par chacun des structures restent les mêmes que dans le cadre du fonctionnement à polarisation unique car les deux SPR sont transparentes l’une pour l’autre (Figure III.11 (c)).
(a) (b) ah ph SPR Polar. V + av pv = SPR Polar. H (c) SPR Double Polar.
e Figure III.11. Les SPR utilisées
Remarque : Comme on a vu précédemment, l’antenne en polarisation horizontale n’a pas la même hauteur qu’en polarisation verticale ce qui explique que les deux SPR utilisées ne sont pas jointives. La SPR Double Polar. (Figure III.11 (c)) présente néanmoins un défaut majeur à savoir qu’elle est composée de tiges de métal d’une épaisseur très réduite. Cette structure ne peut donc être utilisée pour la réalisation d’un prototype. Deux possibilités existent, soit utiliser du métal plus épais, soit utiliser une technologie de type circuit imprimé. C’est cette seconde solution qui a été choisie.
121
Chapitre III – Antenne BIE-M sectorielle reconfigurable en polarisation
L’utilisation d’une solution de type circuit imprimé présente plusieurs avantages sur une solution de type tiges épaisses. Tout d’abord elle permet d’obtenir une SPR Double Polar. beaucoup plus légère puisque ne comportant quasiment pas de métal. Un autre avantage est que les supports nécessaires au maintien de la SPR Double Polar. seront beaucoup plus simples. Il est en effet plus aisé de maintenir une plaque de circuit imprimé qu'une succession de tiges métalliques. Enfin, la précision qu’il est possible d’obtenir en réalisation lors de l'assemblage de l'antenne est bien meilleure. Pour pouvoir consolider la structure sans pour autant avoir de perturbations, la SPR Double Polar. formée par des tiges métalliques a été gravé sur une plaque de MOUSSE145 de permittivité relative 1.45 totalement cuivrée sur les deux faces. Cette mousse rigide a quasiment les mêmes propriétés que l’air donc ne vient pas perturber le fonctionnement de l’antenne.
III.4.2 Source d’excitation
Au niveau de la source d’excitation, le problème est également aisé car il suffit de positionner dans la cavité un patch excité par deux sondes d’alimentation, une pour la polarisation verticale et la deuxième pour la polarisation horizontale. Le patch alimenté par deux sources est représenté Figure III.12.
Figure III.12. Patch à deux sondes d’alimentation Il est nécessaire de présenter les différentes polarisations possibles du patch en alimentant les deux sources selon différentes configurations (Tableau III.8).
122 Chapitre III – Antenne BIE-M sectorielle reconfigurable en polarisation
Source H Source V Polarisation Amplitude Phase Amplitude Phase 1 X 0 X Horizontale 0 X 1 X Verticale
Tableau III.8. Différentes configurations du patch
III.4.3 Géométrie de l’antenne finale
L’antenne BIE-M rectangulaire sectorielle à double polarisation (Figure III.13) se compose de quatre parties principales qui sont : 1. Le plan de masse sur lequel repose le système d’excitation. 2. Une cavité située entre le plan de masse et les tiges métalliques. 3. La SPR Double Polar. constituées de l’association de tiges métalliques distribution verticale et horizontale. 4. Les murs verticaux pour obtenir le rayonnement sectoriel désiré. hh hv L l Figure III.13. Géométrie de l’antenne BIE-M rectangulaire sectorielle à double polarisation
123 Chapitre III – Antenne BIE-M sectorielle reconfigurable en polarisation III.4.4 Dimensions de l’antenne finale
Les éléments constituant l’antenne étant connus, nous allons présenter les dimensions des différents paramètres. Les dimensions contenues dans le Tableau III.9 laissent l’antenne fonctionner autour de 5.25 GHz.
av pv ah ph e l L hv hh 2mm 12.5mm 2mm 10.5mm 5mm 48mm 375mm 31.5mm 26.5mm
Tableau III.9. Dimensions de l’antenne BIE-M rectangulaire sectorielle finale à double polarisation
Nous avons fini par réaliser un patch carré de 20.5 mm de longueur (Lp) fonctionnant à 5 GHz. Le patch est constitué de MOUSSE145 d’épaisseur 3 mm alimentée par deux connecteurs SMA de diamètre central 1.27 mm. La distance du point d’alimentation par rapport au bord de l’antenne est de 3.75 mm pour la source H et 2.75mm pour la source V. Il suffit donc de placer le patch sur un plan de masse et de l’alimenter comme il se doit pour obtenir soit la polarisation verticale, soit la polarisation horizontale (Figure III.14).
Source V Source H Lp Figure III.14. Dimension du patch sur un plan de masse III.5 Performances simulées III.5.1 Isolation entre la polarisation 124
Chapitre III – Antenne BIE-M sectorielle reconfigurable en polarisation
La Figure III.15 représente la discrimination entre la polarisation croisée et la polarisation principale lors de l’excitation du patch pour la source V à polarisation verticale et la source H pour la polarisation horizontale. -10 -14 dB -18 Polar. H -22 Polar. V -26 -30 5 5,05 5,1 5,15 5,2 5,25 5,3 5,35 5,4 5,45 5,5 Fréquence (GHz)
Figure III.15. Isolation entre les polarisations croisée et principale pour l’excitation de la polarisation verticale et horizontale
Sur toute la bande de fonctionnement, l’isolation entre les polarisations n’est pas excellente. Elle est comprise entre -15 et -17 dB et demande d’être améliorée. La forme dissymétrique (rectangulaire) de l’antenne ainsi que la SPR Double Polar. insérée influe sur la polarisation en dégradant l’alignement et la régularité des champs électriques de l’onde. Nous présentons sur la Figure III.16 le taux d’ellipticité à la fréquence de fonctionnement (5.25 GHz) en fonction de l’angle θ pour les deux cas de polarisation V et H.
Figure III.16. Taux d’ellipticité en fonction de l’angle θ à 5.25 GHz
125
Chapitre III – Antenne BIE-M sectorielle reconfigurable en polarisation
Le taux d’ellipticité permet de définir la qualité des diagrammes. Pour un taux d’ellipticité de l’ordre de -17 dB, la polarisation du champ rayonné est perturbée. Afin de réduire la polarisation croisée, l’idée sera d’améliorer le design et de voir s’il est possible d’augmenter le niveau d’isolation entre les polarisations principales et croisées en modifiant certains paramètres de l’antenne. Le premier paramètre qui semble utile pour résoudre le problème est la SPR Double Polar. Or, les performances de l’antenne dépendent des propriétés de la structure SPR Double Polar. Donc en modifiant ce paramètre, cette surface supérieure va attribuer à l’antenne ses performances. C’est pourquoi, il serait préférable de se tourner vers la source d’excitation. Deux sondes sont placées dans le patch pour générer la polarisation H ou V. par rapport à une excitation classique, il est possible de diminuer sensiblement le niveau de la polarisation croisée en modifiant légèrement la position des sondes d’excitations (Figure III.17). 9.25
mm Source H 11.25 mm Source V 11.25 mm
9.25 mm Figure III.17. Patch à deux sondes d’alimentation modifiées
En terme de pureté de polarisation, la modification légère de la position des sondes montré une amélioration sensible du taux d’ellipticité dans l’axe normale au plan de masse. En effet, il passe de -18 dB à -32 dB en polar H, et passe de -15 dB à -26 dB en polar V (Figure III.18).
126 Chapitre
III
– Antenne
BIE
-M
sectorielle reconfigurable en polarisation
Figure III.18. Taux d’ellipticité en fonction de l’angle θ à 5.25 GHz obtenu en modifiant légèrement la position des sondes d’excitations
Les isolations entre polarisations sont sensiblement les mêmes pour les deux cas Polar H et Polar V et varient entre -21 dB et -26 dB (Figure III.19).
-15 -18 dB -21 -24 Polar. H -27 Polar. V -30 5 5,05 5,1 5,15 5,2 5,25 5,3 5,35 5,4 5,45 5,5 Fréquence (GHz)
Figure III.19. Isolation entre les polarisations principales et croisées obtenue en modifiant légèrement la position des sondes d’excitations Une
modification lég
ère
de la position
des sondes permet d
’augmenter d’environ -10 dB l’isolation entre
les polarisations.
III.5.2 Adaptation
Les modules du coefficient de réflexion associés sont présentés
Figure III.20. 127
Chapitre III – Antenne BIE-M sectorielle reconfigurable en polarisation
0 S11 (dB) -5 -10 Polar. H -15 Polar. V -20 5 5,05 5,1 5,15 5,2 5,25 5,3 5,35 5,4 5,45 5,5 Fréquence (GHz)
Figure III.20. Coefficients de réflexion pour l’excitation de la polarisation verticale et horizontale
Les résultats simulés obtenus une bonne adaptation pour les deux polarisations H et V avec une bande passante à -10 dB de 3,8 %.
III.5.3 Directivités fréquentielles
Les deux sources V et H sont excitées tour à tour. La directivité fréquentielle est tracée dans chaque cas sur la Figure III.21. 16 14 12 dBi 10
8 Polar. H 6 Polar. V 4 2 0 5 5,05 5,1 5,15 5,2 5,25 5,3 5,35 5,4 5,45 5,5 Fréquence (GHz)
Figure III.21. Directivités fréquentielles en polarisation verticale et horizontale
128
Chapitre III – Antenne BIE-M sectorielle reconfigurable en polarisation
On constate que l’évolution de la directivité est sensiblement la même pour les deux polarisations avec un léger avantage pour la polarisation horizontale. Cette petite différence est due au taux de remplissage de la SPR Polar. H. Néanmoins, on peut se rendre compte que malgré le caractère bipolarisation de cette antenne, le fonctionnement dans chacune des polarisations est identique à une antenne mono-polarisation.
III.5.4 Diagrammes de rayonnement dans le plan vertical
La Figure III.22 représente les diagrammes de rayonnement en polarisation principale et en polarisation croisée dans le plan vertical sur la bande de fonctionnement pour la polarisation horizontale. Sur la bande en rayonnement, la différence entre le niveau de polarisation principale et croisée reste toujours inférieur à -22 dB
dans l’axe. Polar. H 20 15 Directivité (dBi) 10 5 0 -180 -120 -60 -5 0 60 120 180 -10 -15 5.15 GHz Polar. Principale 5.35 GHz Polar. Principale 5.25 GHz Polar. Croisée -20 Théta (°) 5.25 GHz Polar. Principale 5.15 GHz Polar. Croisée 5.35
GHz Polar. Croisée
Figure III.22. Rayonnement en polarisation horizontale pour des fréquences allant de 5.15 à 5.35 GHz
Les diagrammes de rayonnement dans le plan vertical
sont
tracés pour la polarisation
vertical
e (Figure III.23)
.
129
Chapitre III – Antenne BIE-M sectorielle reconfigurable en polarisation
Polar
.
V Directivité (dBi) 20 -180 15 10 5 0 -120 -60 -5 0 60 120 180 -10 Théta (°) 5.15 GHz 5.25 GHz 5.35 GHz
Figure III.23. Rayonnement en polarisation verticale pour des fréquences allant de 5.15 à 5.35 GHz
Les diagrammes de rayonnement présentent un lobe directif dans l’axe et une directivité de 15 dBi avec des lobes secondaires réjectés à plus de 20 dB. Ces diagrammes sont d’ailleurs assez similaires sur toute la bande de fréquences 5.15 GHz → 5.35 GHz.
III.5.5 Diagrammes de rayonnement dans le plan horizontal
Il faut vérifier le fonctionnement sectoriel de l’antenne pour les deux polarisations. Les diagrammes de rayonnement sont présentés en Figure III.24 pour la polarisation horizontale et en polarisation principale et croisée pour la polarisation verticale (Figure III.25). Directivité (dBi) Polar. H -180 -120 -60 5.15 GHz 20 15 10 5 0 -5 0 -10 -15 -20 Théta (°) 5.25 GHz 60 120 180 5.35 GHz
Figure III.24. Rayonnement en polarisation horizontale pour des fréquences allant de 5.15 à 5.35 GHz 130
Chapitre III – Antenne BIE-M sectorielle reconfigurable en polarisation
Polar
.
V 20 15 Directivité (dBi) 10 5 0 -180 -120 -60 -5 0 60 120 180 -10 -15 5.15 GHz Polar. Principale 5.35 GHz Polar. Principale 5.25 GHz Polar. Croisée -20 Théta (°) 5.25 GHz Polar. Principale 5.15 GHz Polar. Croisée 5.35 GHz
Polar
.
Croisée Figure III.25. Rayonnement en polarisation verticale pour des fréquences allant de 5.15 à 5.35 GHz
Sur toute la bande, le niveau de polarisation croisée est très bon, avec un niveau inférieur à -23 dB dans l’axe. Les courbes montrent que le fonctionnement sectoriel est bien présent dans les deux polarisations étudiées. L'ouverture angulaire vaut 60° pour le fonctionnement en polarisation horizontale et verticale. Cela confirme encore une fois la performance des antennes BIE-M rectangulaires pour produire un rayonnement sectoriel de très bonne qualité. Afin de lever toute incertitude sur la validité de la méthode de conception, ainsi que sur la théorie présentée pour décrire le fonctionnement de celle-ci, il a été décidé de réaliser un prototype de l’antenne. Nous allons voir maintenant l’application et la validation de cette technique sur un prototype.
III.6 Réalisation d’un prototype et résultats expérimentaux III.6.1 Fabrication du prototype
Conformément au design prévu lors de la phase de conception, l'antenne a été réalisée en deux parties distinctes sans aucune modification du design qu’on a obtenu par simulation. La première correspond au plan de masse en U sur lequel on est venu placer le patch excitant la cavité (Figure III.26). La seconde partie de l'antenne est constituée du substrat diélectrique de type MOUSSE145 (εr=1.45 et tanδ=0.006) sur la face supérieure duquel ont été imprimées
131 Chapitre III – Antenne BIE-M sectorielle reconfigurable en polarisation les lignes métalliques de la SPR Polar. V et sur l'autre la SPR Polar. H. Les détails des faces inférieure et supérieure sont présentés sur la Figure III.27 ci-après. La structure complète de l'antenne est présentée sur la Figure III.28
, où
on
peut notamment
apercevoir les lignes imprimées
sur
la face supérieure du substrat diélectrique, ainsi que les vis utilisées
pour
fixer le circuit imprimé
pos
ées sur les murs verticaux
.
Cette réalisation a pu se faire de manière relativement simple, notamment à cause de la manière dont la SPR Double Polar. de l’antenne avait été conçue. En effet, l'utilisation d'un circuit imprimé lors des simulations a permis une réalisation exacte de la structure simulée. Une fois le prototype terminé, les performances de ce dernier ont pu être évaluées lors d’une campagne de mesure au sein de la base du laboratoire XLIM.
Figure III.26. Photographie du patch imprimé placé au centre du plan de masse Face supérieure : SPR Polar. V Face inférieure : SPR Polar. H Figure III.27. Photographie de la SPR Double Polar. du prototype Figure III.28. Vue générale de l'antenne complète
132 Chapitre III – Antenne BIE-M sectorielle reconfigurable en polarisation III.6.2 Mesures et résultats expérimentaux III.6.2.1 Adaptation
Le module du coefficient de réflexion a été mesuré au niveau de chaque source d’excitation, l’autre étant chargée sur 50 Ω (Figure III.29). Figure III.29. Comparaison des adaptations mesurée et simulée pour chaque polarisation
Bien que la valeur de l'adaptation obtenue lors des mesures ne soit pas identique à celle prévue par la simulation, on observe néanmoins une bonne concordance des résultats. Les variations des courbes théorique et expérimentale sont les mêmes, ainsi que la fréquence où l'adaptation est la meilleure. La différence observée est liée à l'amplitude de la résonance qui diffère entre la simulation et la mesure. Ainsi, le patch d’excitation a été changé de nombreuses fois pour ôter le doute quant à un problème de réalisation des sources. La courbe expérimentale correspond néanmoins bien à un fonctionnement correct, c'est-à-dire à une résonance de la cavité à la fréquence attendue.
III.6.2.2 Gain réalisé
Le gain réalisé a été mesuré à la fois pour la polarisation horizontale et verticale (Figure III.30).
133 Chapitre III – Antenne BIE-M sectorielle reconfigurable
en polarisation 15 dB 10 mesure Polar. H 5 mesure Polar. V 0 5 5,05 5,1 5,15 5,2 5,25 5,3 5,35 5,4 5,45 5,5 Fréquence (GHz)
Figure III.30. Gains réalisés mesurés pour la polarisation H et V
Les mesures en polarisation H et V concordent. Sur la bande de fonctionnement [5.15 – 5.35] GHz, le gain varie de 2.5 dB environ. Il est compris entre 10.5 et 13 dB. Ce gain peut paraître faible mais il est dû aux différentes pertes du système. L’évaluation des pertes permet de remonter à la directivité de l’antenne simulée. A 5.28 GHz, le gain mesuré dans le plan horizontal est égal à 12.5 dB alors que la directivité simulée est de 14.5 dBi. Nous avons évalué les pertes : Pertes diélectriques = 0.5 dB à 5.28 GHz Pertes d’adaptation: 0.2 dB Pertes dans les câbles : 0.6 dB Pertes dans les connecteurs SMA : 0.1 dB Le total des pertes s’élève à 1.5 dB. De plus, il ne faut pas oublier que les erreurs relatives aux mesures dans la base anéchoïque de l’XLIM est de l’ordre de +/1dB. Donc la mesure est bien conforme à ce qui était attendu.
III.6.2.3 Diagrammes de rayonnement dans le plan vertical
Les diagrammes de rayonnement mesurés dans le plan vertical sont présentés
Figure III.31.
134 Chapitre III – Antenne BIE-M sectorielle reconfigurable en polarisation
Polarisation V 5.15 GHz Polarisation H 5.25 GHz 5.35 GHz Figure III.31. Comparaison des diagrammes de rayonnement simulés et mesurés dans le plan vertical
La forme du diagramme de rayonnement est tout à fait correcte, puisque similaire au diagramme prédit par la simulation.
135 Chapitre III – Antenne BIE-M sectorielle reconfigurable en polarisation
L’ouverture à -3 dB est identique en simulation et en mesure. Néanmoins, les diagrammes présentent des lobes secondaires faibles, la théorie et la mesure sont en effet tout à fait semblables.
III.6.2.4 Diagrammes de rayonnement dans le plan horizontal
Les diagrammes de rayonnement sont comparés plan horizontal pour les trois fréquences (5.15, 5.25 et 5.35 GHz) (Figure III.32).
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Stratégies d'assemblage par chimie "click" de nanoparticules magnétiques sur des surfaces fonctionnalisées
Delphine Tou
lemon UNIVERSITÉ DE STRASBOURG ÉCOLE DOCTORALE DE PHYSIQUE ET CHIMIE-PHYSIQUE (ED182) Institut de Physique et Chimie des Matériaux de Strasbourg THÈSE Delphine TOULEMON soutenue le : 22 novembre 2013 pour obtenir le grade de : Docteur de l'université de Strasbourg Discipline/ Spécialité : Chimie-Physique Stratégies d'assemblage par chimie « click » de nanoparticules magnétiques sur des surfaces fonctionnalisées THÈSE dirigée par : Mme
BEGIN-COLIN Sylvie Professeur, IPCMS,ECPM, Strasbourg RAPPORTEURS : Mme PRADIER Claire-Marie Mme CATALA Laure Directrice de recherche, UPMC, Ivry Maître de conférences, ICMMO, Orsay AUTRES MEMBRES DU JURY : Mme AMMAR-MERAH Souad Mr GUILLON Daniel Mr GRANSART Sylvain Mr PICHON Benoît Mr CATTOEN Xavier Professeur, ITODYS, Paris, Directeur de recherche, IPCMS,ECPM, Strasbourg Direction Générale de l'Armement, Paris Maître de conférences, IPCMS,ECPM, Strasbourg Chargé de Recherches, Institut Néel, Grenoble A ma famille, qui me donne des racines et des ailes. Remerciements A l'heure de la tant attendue fin de la rédaction (si si ça existe), voici le moment de
remercier
toutes les personnes qui m'ont aidée à mener à bien ce travail, effectué au sein du département de chimie des matériaux inorganiques (DCMI
de l'Institut de Physique et Chimie des Matériaux de Strasbourg (IPCMS). Tout d'abord, merci à la région Alsace et à la Direction Générale de l'Armement (DGA) d'avoir financé ce travail de recherche. Je remercie M. Marc Drillon et M. Stefan Haacke, directeurs successifs de l'IPCMS de m'avoir permis d'effectuer ma thèse à l'institut, ainsi que Madame Geneviève Pourroy pour son accueil au sein du DCMI. Je tiens particulièrement à remercier Mme Claire Marie Pradier, Mme Laure Catala, Mme Souad Ammar-Mérah, Mr Daniel Guillon et Mr Xavier Cattoën, qui mon fait l'honneur de juger ces trois années de recherche et ont accordé beaucoup de temps et d'attention à mon travail. Merci aussi à Sylvain Gransart d'avoir suivi cette thèse pour la DGA et pour ses remarques et conseils avisés. Un immense merci à ma directrice de thèse Sylvie Bégin et à mon co-encadrant Benoit Pichon. Merci à toi Sylvie pour tout le temps et l'énergie que tu m'as consacrés pour la préparation de mon oral, mais aussi pendant ces trois années de thèse. Merci de ton expérience sur mon sujet, sur le magnétisme et la synthèse des nanoparticules, les discussions que nous avons eues au cours de ma thèse m'ont beaucoup apporté. Merci à toi Benoit pour ce sujet passionnant et pour ton implication dans mon travail. Merci aussi d'avoir été présent au quotidien, pour m'aider ou discuter des résultats. Bonne chance pour la suite et pour la rédaction de ton HDR! Merci à vous deux de m'avoir donné l'opportunité de présenter mes travaux dans des conférences et d'avoir établi des collaborations très enrichissantes autour de mon sujet. Merci aux personnes avec qui nous avons collaboré, en particulier Mircea Rastei du DMO de l'IPCMS pour son expertise en MFM, les discussions fructueuses que nous avons eues et sa bonne humeur. Merci à Véronique Pierron-Bohnes et Corinne Ulhac du DMONS pour la belle étude d'holographie et pour leur aide pour l'interprétation des résultats. Merci aussi à Spyridon Zafeiratos et à Vasiliki Papaefthimiou de l'ICPEES (ex LMSPC) pour leur étude en XPS et pour leur aide. Merci à Bernard udin et à Jean-François Dayen du département DMONS pour la collaboration sur les mesures de magnétorésistance ainsi qu'au personnel de la salle blanche, en particulier Romain et Sabine. Merci aussi à Karine Mougin and Simon Gree de l'IS2M de Mulhouse pour les mesures de PMIRRAS et à Pascal Marie de l'ICS de Strasbourg pour son aide pour le traitement d'images. Un grand merci à Xavier Cattoën de l'ICG de Montpellier pour ses supers molécules et d'avoir été toujours disponible pour m'apporter ses lumières sur la click ou sur des problèmes de chimie organique. Merci Xavier pour cette collaboration passionnante. Un merci tout particulier à l'équipe IMI de l'ICS pour la collaboration sur l'électrochimie, en particulier à Gaulthier Rydzek pour m'avoir montré l'exemple pour faire une très bonne thèse et pour avoir mille idées brillantes à la minute, à Loïc Jierry qui est le roi de la synthèse et toujours disponible pour un conseil, à Monsieur Schaaf qui est toujours impressionnant de par sa vision de la science et son bourdonnement d'idées. Enfin, merci mille fois à Fouzia Boulmedais pour m'avoir soutenue pour établir cette collaboration et d'avoir toujours cru en moi et de m'avoir conseillée et encouragée depuis la petite stagiaire 2AM que j'étais jusqu'à aujourd'hui. Merci aussi aux professeurs de la filière matériaux de l'ECPM pour leurs encouragements. Cette thèse n'aurait pas été la même sans l'aide précieuse de Cédric Leuvrey qui a passé ses vendredis après midi au MEB ainsi que Jacques Faerber, Driss Ihiawakrim pour le MET, Céline Kiefer pour l'aide au laboratoire et Didier Burger pour l'ATG, Emmanuel Sternitzky pour l'électronique, Jeannot Stoll pour la mécanique, Sophie Barre pour son aide en AFM, Sylvie Mainge pour son efficacité pour les tâches administratives, mais surtout à toutes ces personnes pour leur aide en général et pour leur gentillesse. Merci aussi à la fine équipe de chimie 5 : Aurélie Walter, Solenne Fleutot, Xiaojie LIU, Walid Baaziz, Olivier Gerber, Gabriela Popa, Yu Liu, ainsi que les stagiaires Anthony Boulliung, Zaineb Chaffar et Mathias Dolci. Merci à Solenne et Walid de m'avoir formé à mon arrivée, à Aurélie pour son aide pour les synthèses et pour tout le temps passé au MET et Walid pour le MET début de ma thèse. Merci à Zaineb pour l'aide pour les manips pendant la rédaction. Mais surtout merci à vous tous pour la bonne ambiance de chimie 5, pour des souvenirs qui resteront inoubliables (le geyser!) et pour l'esprit d'entraide qui nous a presque toujours liés. Merci à tout le personnel du DCMI, les post doc Marina Lang, Julien Jouhannaud pour leur aide et de nous montrer l'exemple, les permanents d'être disponibles et toujours prêts à répondre à des questions ou à donner un coup de main et à tous les gens du DCMI pour leur humour à nul autre pareil (humhum!!). Cette thèse aura été pour moi la meilleure façon possible de clôturer mon "escapade" alsacienne qui aura duré 7 ans. Je pars avec le coeur gros de laisser derrière moi des gens auxquels je me suis vraiment attachée et une très bonne ambiance de travail. Merci à mes compagnons de galère de rédaction Alexandre Thomasson (Nex) 6 ans d'aventure commune!, Marc Lenertz (Marco) le champion de fullprof et le codirecteur de la team papalisa, et Zo Raolison (alias petit soleil) compagnon du samedi (tu en es à combien de pages?), ainsi qu'aux autres thésards du DCMI et de l'institut pour leur camaraderie et à la team papalisa Marc, Aurélie et Silviu pour la psychanalyse culinaire! Merci mille fois à mes amis, Clara, Clémence, Karim, Solenne et Aurélie, à ceux de Paris d'avoir toujours été là pour moi, même quand j'avais peu de temps à leur consacrer. A ma famille qui est tout pour moi, à Aurélie d'avoir été la meilleure binôme/colloc/femme/coach /gourou du monde et qui va nous faire une thèse du feu de dieu et à Axel de comprendre la place que j'accorde à mon travail mais surtout de rendre ma vie plus belle. Merci enfin à pamplemousse d'avoir attendu son heure!!!
Introduction 1 Chapitre I : Etat de l'art 5
I
) Structures
de
l'oxyde de fer 7 I.1 Structures et composition de la magnétite et de la maghémite 7 I.1.1 Structures cristallines 7 I.1.2 Evolution de la composition à l'échelle nanométrique 7 I.1.3 Structure électronique et propriétés électriques 9 I.2 Structures de la wüstite 9 I.3 Conclusion 10 II) Synthèse de NPs d'oxyde de fer 11 II.1 Principales voies de synthèses 11 II.2 Méthode de décomposition thermique 12 II.2.1 Contrôle de la taille des NPs 14 II.2.2 Contrôle de la morphologie 14 II.2.3 Contrôle de la composition des NPs 15 II.3 III) Conclusion 16 Assemblage de NPs magnétiques 16 III.1 Stratégies d'assemblages 16 III.2 Assemblage de NPs sur un substrat non fonctionnalisé 17 III.3 Assemblage par fonctionnalisation du substrat : préparation de couches auto-assemblées de molécules 19 III.3.1 Couches auto-assemblées de molécules (self assembled monolayers, SAMs) 19 III.3.2 Assemblage de NPs sur des SAMs par interaction directe entre les NPs et la SAM 22 III.3.3 Assemblage de NPs sur des SAMs mixtes 23 III.3.4 Assemblage de NPs sur des SAMs par interaction entre le ligand des NPs et le groupement de tête fonctionnel de la SAM 28 III.4 III.4.1 Présentation du concept de réaction de chimie click 31 III.4.2 Applications de la chimie click 32 III.5 IV) Assemblage de NPs par couplage covalent 31 Conclusion 34 Propriétés magnétiques 34 IV.1 IV.1.1 Anisotropie magnétocristalline 38 IV.1.2 Anisotropie de surface 39 IV.1.3 Anisotropie de forme 39 IV.1.4 Anisotropie effective 39 IV.1.5 Dynamique d'aimantation 40 IV.1.6 Cas des NPs d'oxyde de fer 42 IV.2 Magnétisme d'un ensemble de NPs 43 IV.2.1 Interactions
polaires (ID) 44 IV.2.2 Evaluation de la force des
ID 45 IV.2.3 Cas du superferromagnétisme 52 IV.3 V) Magnétisme d'une particule unique 38 Conclusion sur les propriétés magnétiques 55 Conclusion sur l'état de l'art 56 Chapitre II : Synthèse et fonctionnalisation de NPs et caractérisations structurales et magnétiques
57 I) Synthèse des NPs 59 I.1 Protocoles de synthèse 59 I.1.1 Synthèse de NPs d'oxyde de fer de 11 nm de diamètre (NP11) 59 I.1.2 Synthèse de NPs d'oxyde de fer de 20 nm de diamètre (NP20) 60 I.1.3 NPs de morphologie cubique de 16 nm d'arrête (NC16) 60 I.1.4 NPs cubiques à coins exacerbés (notés tétrapodes NT24) 61 I.2 Purification des NPs 61 I.2.1 Protocole de purification 61 I.2.2 Purification des différents types de NPs
63 I.3 Caractéris
ations
structurales 64 I
.3.1 Taille et morphologie des NPs
64 I.
3.2
Composition
des NPs
66 I.3.3 Stabilité des NPs en suspension 70 I.3.4 Conclusion sur les caractérisations structurales 71 I.4 Caractérisations magnétiques 72 I.4.1
Préparation des échantillons
72 I.4.2
Protocole de
me
sures
72
II) I.4.3 Cas des NPs sphériques NP11 et NP20 73 I.4.4 Cas des NPs cubiques NC16 et des tétrapodes NT24
77 I.4.5
Conclusion
sur les propriétés
magn
étiques
des NPs
à l'état de poudre 81 F
onctionn
alisation des NP
s
81 II.1
Molécules utilisées
81 II.2 Echange de
ligand
s 82 II
.3 C
aractéris
ation
des
NPs
fonctionnalisée
s 84 II.3.1 Spectr
oscopie Infrarouge 84 II.3.2 Stabilité des NPs fonctionnalisées en suspension 88
II.4 III) Préparation et caractérisations
des c
ouches auto
-
assembl
ées
de molécules (
SAMs)
90 III.1 Synthèse
des
mol
é
cules 91
III.1.1 Synth
èse
du 11-mercapto-undécyne
(
H
CC(CH2)9SH) 91 III.1.2 Synthèse du
1-Azido
un
decan
-11-thiol (N3(CH2)11SH) 91 III.2 Préparation des SAMs 92 III.2.1 Mode opératoire 92 III.2.2 Préparation de couches auto-assemblées à partir de thioacétates 93 III.2.3 Post fonctionnalisation des SAMs 94 III.3 Caractérisation des SAMs 94 III.3.1 Epaisseur des SAMs 95 III.3.2 Composition des SAMs 97 III.4 IV) Conclusion sur la fonctionnalisation des NPs 90 Conclusion sur la préparation des SAMs 102
Conclusion G
énéral
e102 Chapitre III : Assemblage de NPs par réaction de chimie
click105 I) Assemblage de NPs de référence (NP11) par réaction de chimie click 107 I.1 Présentation du concept d'assemblage de NPs par réaction de chimie click 107 I.2 Assemblage des NPs de référence : NP11 108 I.2.1 Mode opératoire utilisé pour l'assemblage des NP11 108 I.2.2 Caractérisations structurales d'un film dense de NP11 110 I.2.3 Expériences de contrôle 112 I.2.4 Conclusion 114 I.3
Etude
de
l'influence
de para
mètre
s de réaction 115 I
.3.1 Influence de la température de réaction 115
I
.3.2 Atmosphère de réaction 116 I.3.3 Quantité de triéthylamine 116 I.3.4 Influence du catalyseur 117 I.3.5 Effet de la stabilité des NPs : influence de la longueur de chaîne du ligand 119 I.3.6 Etude de la cinétique de réaction 120 I.4 Contrôle de la nanostructure par modulation de la fonctionnalité de surface de la SAM. I.5 Bilan de l'assemblage par
click
des
NP11
127 II) Assemblage de NPs de différentes tailles et morphologies 128 II.1 NPs sphériques NP20 128 II.1.1 Assemblage dans les conditions définies pour le système de référence 128 II.1.2
Assembl
age de
NP20
en
film
dense : prévention de
l'
agrégation des NP20 132 II.1.3 Assemblage
de NP20
en présence d'un champ magnétique
134 II.2 NPs cubiques 137 II.3 Conclusion
de
l'assemblage des NPs cubiques et des tétrapodes 143 III) Conclusion sur l'assemblage des NPs
143 Chapitre IV: Etude des propriétés magnétiques des films de NPs
145 I) Propriétés
magnétiques de films de
NPs
super
paramagnétiques
:
cas des films de NPs de 11 nm (NP
11)
147 I.1 Influence de la densité
147
I.1.1 Cycles d'aiman
tation 148 I
.1.2
A
imant
ation en fonction de la température 149
I.2
Influence de la direction du champ appliqué 150
I
.2.1
I.3
Cycles
d
'aimantation
150
Conclusion 153 II) Propriétés magnétiques de films de NPs superparamagnétiques en très forte interaction : cas des films de NPs de 20 nm 153 II.1 Influence de la mise en forme et de la distance interparticule 153 II.1.1 Cycles d'aimantation 154 II.1.2 Aimantation en fonction de la température 155 II.2 Influence de la direction du champ appliqué 156 II.2.1 II.3 Cycles d'aimantation 156 Influence de
l'organisation locale des NPs dans le film 158 II.3.1 Comparaison de films de NP20 obtenus par click ou par Langmuir Blodgett 158 II.3.2 Comparaison des films obtenus par click ou par LB 161 II.4 III) Caractérisation magnétique d'un système anisotrope : Cas des chaînes de NPs de 20 nm de diamètre (NP20) 163 III.1
Techniques utilisées 163 III.1.1 Le microscope à force magnétique (MFM)
163
III.1.2 Holographie électronique 164 III
2 Caractérisation d'une chaîne unique 166 III.2.1 Observation du couplage intra-chaîne par MFM 166 III.2.2 Holographie électronique 168 III.2.3 III.3 Caractérisation d'une zone dense 171 III.3.1 III.4 Observation du couplage inter-chaîne par MFM 171 Propriétés magnétiques macroscopiques 172 III.4.1 Cycles d'aimantations 173 III.4.2 Aimantation en fonction de la température 174 III.5 Conclusion de l'étude des chaînes de NP20 alignées 175 IV) Propriétés magnétiques de films de NPs superparamagnétiques : cas des films de tétrapodes NT24175 IV.1 Cycles d'aimantation 176 IV.2 Aimantation en fonction de la température 177 IV.3 Conclusion de l'assemblage des NT24 coeur coquille 178 V) Conclusion sur les propriétés magnétiques des films de NPs 179
Chapitre V : Assemblage de NPs par réaction de chimie click contrôlée par microonde ou par application d'un potentiel électrique
181 I) Assemblage de NPs par réaction de chimie click assistée par énergie microonde (click MW)183 I.1 Principe et mode opératoire de l'assemblage de NPs par click MW
184
I.1.1 Principe de l'activation par énergie microondes
184
I.
1.2
Matériels
et
méthodes de l'assemblage de NPs par réaction de chimie
click
assistée
par micro
onde
s (click MW) 184
I.1.3 Stabilité des SAMs et des NPs
dans les conditions
de chimie
click
assistée par microondes
186
I.2 Cin
étique
d'
assembl
age de
NP
s
par réaction de click MW 189
I.
3 Nanostructure des films
de N
PS obtenus par réaction de click MW 192 I.3.1 Films de NP9 assemblées par réaction de click MW 192 I.3.2 Films de NP20 assemblées par réaction de click MW 193 I.3.3 Films de NT24 assemblées par réaction de click MW 194 I.4 Propriétés magnétiques des films de NPs obtenus par réaction de click MW 195 I.4.1 Films de NPs obtenus par réaction de click MW 195 I.4.2
Influence de
la mé
thode
d'assemblage,
cas des films de NP
20
200 I.5 Conclusion de l'assemblage par click activée par énergie microonde 202 II) Assemblage de NPs par réaction de chimie click contrôlée par application d'un potentiel électrique205 II.1 Preuve du concept d'auto-construction 205 II.1.1 Principe 205 II.1.2 Méthode de construction 206 II.1.3 Fonctionnalisation des NPs 207 II.1.4 Construction du film 209 II.1.5 Expériences de contrôles 210 II.1.6 Caractérisation des films 211 II.1.7 Conclusion sur le concept d'auto-assemblage 214 II.2 Etude de la cinétique d'auto-assemblage 214 II.3 Assemblage sur des substrats de différentes morphologies 216 II.4 Assemblage sur des nano gaps 220 II.4.1 Principe des capteurs magnéto-résistifs 220 II.4.2 Description du dispositif utilisé 221 II.4.3 Dépôt de NPs sur les electrodes 221 II.4.4 Mesures de transport 224 II.5 Conclusion de l'assemblage de NPs par réaction de click électro-contrôlée 224
Conclusion Générale227 Perspectives 232 Introduction
1 L'assemblage de nanoparticules (NPs) magnétiques sous forme de films représente un haut potentiel pour le développement de nano dispositifs pour des applications en spintronique, magnétiques et magnéto-électroniques telles que le stockage de données ou l'élaboration de dispositifs magnétorésistifs. Cependant, les propriétés magnétiques de ces assemblages apparaissent différentes de celles du massif ou de la nanoparticule isolée et dépendent également du type d'assemblage (film 2D, chaînes, amas) en raison des interactions dipolaires entre les nanoparticules. L'élaboration de nanostructures avec un arrangement spatial contrôlé et l'étude des propriétés magnétiques collectives constituent donc une étape décisive pour le développement de tels dispositifs à base de NPs. Des méthodes d'assemblage efficaces pour obtenir des films denses de NPs magnétiques ont été rapportées dans la littérature, cependant peu de méthodes permettent de moduler l'arrangement spatial des NPs dans le film et en particulier la distance interparticule car les interactions dipolaires dans les techniques d'assemblages actuelles contribuent à l'assemblage et à densifier les NPs. L'objectif de cette thèse est de développer une stratégie nouvelle pour contrôler l'assemblage 2D (surtout la distance interparticule) de NPs d'oxyde de fer magnétique. Elle consiste à générer un ancrage fort des NPs sur le substrat par une réaction chimique et à modifier la cinétique d'assemblage, et ainsi limiter l'assemblage des NPs contrôlé par les interactions dipolaires. L'assemblage des NPs est réalisé sur des substrats selon une approche «bottom-up». Les NPs sont considérées comme des briques élémentaires constituant la nanostructure. L'utilisation de suspensions stables de NPs ayant une distribution de taille étroite et une morphologie et composition contrôlée constitue donc un prérequis à l'étape d'assemblage. Les NPs ont été fonctionnalisées par des molécules organiques permettant des interactions spécifiques avec des groupes complémentaires situés à la surface de monocouches auto-assemblées de molécules organiques (SAMs en anglais) préparées sur le substrat. L assemblage 2D des NPs a été effectué par la formation de liaisons covalentes par la réaction de chimie click (Copper (I) catalyzed alkyne-azide cycloaddition CuAAC). Cette méthode est versatile et permet donc la création d'un ancrage fort et sélectif des NPs à la surface du substrat et ainsi le contrôle des distances interparticules et des interactions dipolaires régissant les propriétés magnétiques des assemblages de NPs. Ce manuscrit est divisé en cinq chapitres. Le chapitre I présente l'état de l'art sur la synthèse des NPs d'oxydes de fer, sur l'assemblage de NPs magnétiques par voie chimique, sur la réaction de chimie click et sur les propriétés magnétiques des NPs et de leurs assemblages. Le chapitre II traite de la synthèse de NPs ainsi que de la fonctionnalisation des NPs et des substrats. Des NPs d'oxydes de fer de différentes tailles et morphologies ont été synthétisées. Quatre types de NPs ont été choisis pour obtenir des nanoobjets différents pour l'assemblage de NPs : des NPs sphériques de 11 et 20 nm de diamètre (notées NP11 et NP20) ainsi que des NPs de morphologie cubique de 16 nm d'arrête (notés NC16) et de morphologie tétrapode de 24 nm d'arrête (notés NT24). Après avoir été caractérisées structuralement et magnétiquement, ces NPs ont été fonctionnalisées par des ligands terminés par une fonction permettant la réaction de chimie click. L'efficacité de la 3 fonctionnalisation et la stabilité en suspension après fonctionnalisation a été discutée pour chaque type de NPs. Par ailleurs les substrats d'or ont été fonctionnalisés par des couches auto-assemblées de molécules (SAMs) portant le groupe complémentaire pour effectuer la réaction de chimie click, et ces SAMs ont été caractérisées. Le chapitre III présente l'assemblage de NPs par réaction de chimie click. L'assemblage a été étudié pour un système de référence : les NPs sphériques de 11 nm de diamètre (NP11). L'influence de différents paramètres tels que la température et l'atmosphère de réaction, la stabilité en suspension des NPs dans le milieu réactionnel, puis la cinétique de la réaction d'assemblage ont été étudiées. La méthode d'assemblage a ensuite été adaptée aux NPs de différentes morphologies. Différentes nanostructures ont été obtenues pour les différents types de NPs : film de NPs isolées, film dense non organisé et structures originales (chaînes 1D de NPs orientées).
Le chapitre IV concerne les caractérisations magnétiques des films de NPs et la comparaison des propriétés avec
des poudres de NPs correspondantes. Quatre types de films ont été étudiés et comparés : des films denses et peu denses de nanoparticules de 11 (NP11) et 20 (NP20) nm. Une étude magnétique complète incluant de l'holographie et de la MFM a été menée sur la structuration originale en chaînes obtenues en appliquant un aimant durant l'assemblage des NP20. Enfin les propriétés magnétiques des films de NPs de morphologie cubique ou en tétrapode, présentant une structure coeur coquille (antiferromagnétique / ferrimagnétique) ont été étudiées. Le chapitre V présente deux méthodes permettant de développer l'utilisation de la réaction de chimie click pour la préparation d'assemblages de NPs plus complexes sur des substrats : 4 - D'une part, l'assemblage de NPs par réaction de chimie click assistée par énergie microonde a été effectué. - D'autre part, l'assemblage de NPs par réaction de chimie click a été contrôlé par application d'un potentiel électrique. La présentation du concept d'auto-construction, l'étude de la cinétique d'auto-assemblage et l'assemblage sur des substrats de différentes morphologies et des nano gaps sont décrites.
Chapitre I : Etat de l'art I) Structures de l'oxyde de fer
L'oxyde de fer existe sous différentes phases cristallines : l'hématite, la wüstite, la goethite la magnétite et la maghémite. Nous présenterons tout d'abord la structure et les propriétés des phases spinelle de magnétite et de maghémite puis une phase métastable de l'oxyde de fer (la wüstite) sera décrite.
I.1 Structures et composition de la magnétite et de la maghémite
I.1.1 La magnétite Fe3O4 et sa phase oxydée la maghémite (γ-Fe2O3) cristallisent dans une structure spinelle. La structure spinelle a pour formule générique AB2O4 avec A l'atome (ou les atomes) occupant les sites tétraédriques et B l'atome (ou les atomes) occupant les sites octaédriques dans le réseau cubique face centré (CFC) formé par les anions O2-. La Figure 1 représente schématiquement la structure cristalline de la magnétite. Dans le cas de la magnétite, trente-deux anions O2- forment un réseau quasi cubique face centré (CFC) dont un huitième des soixante-quatre sites tétraédriques (sites A) est occupé par les cations trivalents Fe3+ et la moitié des trente-deux sites octaédriques (sites B) est occupée par les cations divalents Fe2+ et les cations trivalents Fe3+. La structure de la magnétite est notée [(Fe3+)tétra(Fe2+ Fe3+)octa]O4. Le spinelle est dit invers car les sites tétraédriques sont occupés par un cation trivalent. Figure 1 : représentation schématique de la structure cristalline de la magnétite. D'après Mornet. 1
Dans le cas de la maghémite, les cations divalents Fe2+ sont tous oxydés en cations trivalents Fe3+ ce qui se traduit par l'apparition de lacunes cationiques, notées □. Un atome de fer sur neuf est remplacé par une lacune. La structure de la maghémite s'écrit donc (Fe3+)tétra[(Fe3+) 5/3 □1/3] octa O4. I.1.2 Evolution de la composition à l'échelle nanométrique
La composition des NPs est différente de celle du matériau massif du fait du ratio important entre leur surface et leur volume. 7 Les NPs d'oxyde de fer de phase spinelle sont composées de magnétite partiellement oxydée en maghémite car les cations Fe2+ situés en surface de la magnétite s'oxydent.2 La couche oxydée a une épaisseur de quelques nanomètres quelle que soit la taille des NPs.3-7 Ainsi, la proportion en magnétite est d'autant plus importante que la taille des NPs est grande (Figure 2). 8
Figure 2 : Variation de la proportion de magnétite x en fonction de la taille de particules d'oxyde de fer notées (γ‐Fe2O3)1‐x(Fe3O4)x. D'après les données de Park et al.8
Pour distinguer la magnétite de la maghémite, la combinaison de différentes techniques de caractérisations est nécessaire car les structures cristallines de ces deux phases sont très proches. La diffraction des rayons X (DRX) permet d'étudier la composition des NPs. Le paramètre de maille de la magnétite (8,396 ± 0,001 Å, fiche JCPDS n°00-019-0629) n'est que légèrement supérieur à celui de la maghémite (8,338 ± 0,001 Å, fiche JCPDS n°00-013-0458). L'allure générale des diffractogrammes des deux structures sont similaires, des diffractogrammes bien résolus sont donc nécessaires pour en extraire le paramètre de maille et identifier la phase de l'oxyde de fer. La spectroscopie infrarouge (IR) donne une indication complémentaire sur la nature de l'oxyde de fer constituant les NPs. En effet, la signature des bandes Fe-O en spectroscopie infrarouge est sensible à l'environnement chimique de la liaison9, 10 qui diffère entre la magnétite et la maghémite ( 3). Le spectre IR de la magnétite présente une seule bande11 située à 570-580 cm-1 tandis que la maghémite présente de nombreuses bandes dans la zone 400-800 cm-1. Elles sont plus ou moins définies selon l'ordre structural des lacunes dans la maghémite.9
8 Transmitance (u.a.) 446 737 565 706 maghémite magnétite 900 800 640 572 700 600 500 -1 nombre d'onde (cm ) 400
Figure 3: Spectres infrarouge de la magnétite Fe3O4 (courbe noire) et de la maghémite γ‐Fe2O3, phase partiellement ordonnée (courbe rouge) dans le domaine de bandes Fe‐O. La résolution des bandes de la maghémite dépend de l'ordre des cations et des lacunes dans la structure du matériau. Plus l'ordre des lacunes augmente, plus le nombre de bandes bien résolues augmente. I.1.3 Structure électronique et propriétés électriques
A 300 K, la magnétite a une conductivité élevée, attribuée à un saut d'électrons entre les ions Fe 3+ et Fe2+ et comprise entre 102 et 103 Ω-1.cm-1. L'expérience montre l'existence dans la structure de bande de Fe3O4 d'un gap de 0,14 eV.14, 15 A l'inverse, la maghémite γ-Fe2O3 est un semi-conducteur dopé n, avec un gap de 2,03 eV.16
I.2 Structures de la wüstite
L'oxydation du fer métallique peut donner une phase de FeO appelée wüstite où tous les cations du fer se trouvent à l'état divalent. En théorie, cette phase n'est pas stable aux températures inférieures à 590°C. La wüstite stoechiométrique ne contient que du fer bivalent (Fe2+) mais, en présence d'oxygène, les cations Fe2+ s'oxydent très facilement en cations Fe3+. La wüstite est donc en réalité un 9 composé mixte contenant une partie de Fe3+ ce qui génère des lacunes cationiques. Sa formule s'écrit Fe1-x □xO ou Fe21-3x Fe32x □x. La wüstite cristallise dans une structure cubique de type NaCl. La maille élémentaire est formée de 4 atomes d'oxygène et 4 atomes de fer, soit une multiplicité Z égale à 4. Leur structure cubique à faces centrées est formée de deux réseaux de fer et d'oxygène imbriqués avec, pour chacun, des environnements octaédriques FeO6 et OFe6 comme représenté dans la Figure 4. Le paramètre de maille de la wüstite Fe1-x □x est a = 4,326 Å (fiche JCPDS n°01‐89‐687). O2Fe2+ Figure 4 : représentation schématique de la structure cristalline de la wüstite. La wüstite est antiferromagnétique. Dans la direction [111] on a une alternance de plans de Fe2+ et d' 2-. Le moment magnétique est localisé sur les ions Fe2+, il est de 4 μB. Le couplage entre premiers voisins est ferromagnétique alors que le couplage entre seconds voisins est antiferromagnétique, par super‐échange à travers les ions d'oxygène. Ceci donne lieu à une alternance de plans de spins parfaitement non compensés et antiparallèles. Au-dessus de la température de Néel, FeO (TN = 198 K)
l
'énergie d'échange de
vient
plus faible que l'agitation thermique
,
les spins
s'
orient
ent de
manière aléatoire
et
le matériau devient magnétiquement désordonné (matériau paramagnétique).
I.3 Conclusion
La composition des NPs d'oxyde de fer dépend de leur taille. En effet, plus la taille des NPs est petite, plus la proportion de Fe2+ oxydés à la surface représente une fraction importante. Cependant, les phases de magnétite et de maghémite sont difficiles à distinguer à l'échelle nanométrique. Le Tableau 1 présente un récapitulatif des propriétés magnétiques des oxydes de fer étudiés.
10
Tableau 1 : Récapitulatif des propriétés structurales et magnétiques des oxydes de fer étudiés Structure Température Aimantation Oxyde de fer Magnétisme cristalline de transition à saturation Ferrimagnétique Magnétite Fe3O4 Cubique TCurie= 850 K 92 uem/g (FIM) Ferrimagnétique Maghémite γ-Fe2O3 Cubique TCurie= 875 K 74 uem/g (FIM) Antiferromagnétique Wüstite FeO Type NaCl TNéél= 198 K (AFM)
Ainsi les oxydes de fer étudiés pendant cette thèse sont principalement la magnétite et la maghé qui cristallisent dans une structure spinelle et sont ferrimagnétiques à l'état massif. Lors de la synthèse de NPs, il peut se former une phase métastable de wüstite FeO qui cristallise dans une structure de type NaCl et présente un ordre antiferromagnétique. II) Synthèse de NPs d'oxyde de fer
Pour pouvoir être assemblées en films, les NPs doivent avoir une distribution étroite en taille, une morphologie et une composition contrôlées ainsi qu'une bonne stabilité en suspension. Nous allons résumer les principales méthodes de synthèse de NPs puis présenter la voie de synthèse répondant à ces critères : la décomposition thermique. II.1 Principales voies de synthèses
De nombreuses techniques permettent de synthétiser des NPs d'oxydes de fer magnétiques. Les avantages et inconvénients des différentes méthodes décrites dans la littérature sont présentés dans le Tableau 2 concernant la mise en oeuvre mais surtout le contrôle de la taille et de la morphologie des NPs.
Tableau 2 : Récapitulatif des méthodes de synthèses utilisées pour la synthèse de NPs d'oxyde de fer Méthode de synthèse T réaction (°C) Solvant Taille (nm) Contrôle de la morphologie Rendement Très simples 20-90 minutes eau < 20 moyen difficile Très élevé eau organique < 50 Relativement étroite bon faible organique < 10 relativement étroite très bon moyen dizaines de minutes dizaines de minutes Microémulsion compliquées 20-50 Milieu polyol très simples > 180 Hydrothermale simples haute pression > 200 heures eau éthanol < 1000 relativement étroite très bon moyen compliquées 200-350 heures organique < 40 très étroite très bon élevé
La voie de synthèse la plus utilisée est la méthode de coprécipitation qui présente l'avantage d'être très simple à mettre en oeuvre (synthèse dans l'eau) et de conduire à des rendements élevés.17 Des 11 NPs d'oxydes de fer (γ-Fe2O3 ou Fe3O4) sont synthétisées à partir de sels de Fe2+ ou Fe3+ par ajout d'une base. Les sels utilisés peuvent être des sulfates, des nitrates ou des chlorures.3, 5, 13, 18, 19 Des NPs de tailles variant de 2 à 50 nm peuvent être synthétisées par cette méthode, mais la distribution en taille des NPs ainsi obtenue est généralement large. Les NPs obtenues par coprécipitation s'agrègent facilement ce qui n'est pas adapté pour effectuer l' age des NPs. D'autres méthodes ont été développées pour obtenir des NPs de morphologies et tailles contrôlées. La méthode de microémulsion consiste à utiliser des micelles comme nano réacteurs.17 Cette méthode permet de synthétiser des ferrites comme MnFe2O4, ou des oxydes de fer. Cependant cette voie de synthèse a un rendement faible et ne permet pas de synthétiser de grandes quantités de produits. La méthode de synthèse hydrothermale permet de synthétiser des NPs avec une distribution en taille relativement étroite et un très bon contrôle de la morphologie à un rendement supérieur à celui obtenu par microémulsion. La méthode polyol se base sur les propriétés originales des polyols qui ont une haute température d'ébullition, mais sont aussi des agents complexants et des réducteurs, des surfactants et des amphiprotiques. II.2 Méthode de décomposition thermique
La méthode de décomposition thermique a été développée initialement en 2001 pour la synthèse de quantum dots et de nano cristaux semi-conducteurs avec un très bon contrôle de la taille et de la morphologie25, 26 puis a été étendue à la synthèse de métaux et d'oxydes.27-29 Cette méthode consiste à décomposer un précurseur métallique dans un solvant à très haute température d'ébullition en présence d'un surfactant.8 Pour la synthèse de NPs d'oxyde de fer, les précurseurs les plus utilisés sont de type Fe(acac)n (acac = acétylacetonate)27-29, de type oléate de fer8, 18, 30, ou Fe(CO)x (carbonyles).31 La décomposition du précurseur peut être effectuée de deux façons. Le précurseur peut être dissous à froid (« heating‐up method »), puis la solution est chauffée jusqu'à la température d'ébullition du solvant, ce qui libère les ions ou le métal et provoque la sursaturation. Il peut, également, être injecté directement dans la solution à chaud (« hot‐injection method »), ce qui provoque une décomposition brutale et une libération rapide des ions ou du métal.2 La présence d'un surfactant dans le milieu réactionnel permet de fonctionnaliser les NPs in situ et de générer des suspensions stables de NPs. 12 Le mécanisme de synthèse repose sur les principes de germination et de croissance. Il peut être décrit par un mécanisme de LaMer,32 indiquant que la formation des particules passe par trois grandes étapes (Figure 5). Figure 5 : Variation de la concentration C du précurseur au cours du temps de la réaction (Cs est la solubilité du précurseur). D'après LaMer V.K et al. 32
La phase I est une étape de pré‐nucléation qui, dans le cas de la décomposition thermique de complexes organométalliques, correspond à la décomplexation de ces derniers sous l'effet de la température et conduit à l'augmentation importante de la concentration en monomères. Les monomères sont les unités de base de nanocristaux d'oxyde de fer et qui vont aboutir à la formation de germes. En continuant à augmenter la sursaturation par le maintien de la température et l'apport de monomères résultant de la décomposition qui continue, un seuil critique de sursaturation (Cmin) est atteint au‐delà duquel la germination a lieu (phase II). Il s'ensuit alors une diminution brusque de la concentration en monomère de la phase solide dans la solution (Cmax). Lorsque cette concentration devient inférieure à Cmin, la formation de germes est stoppée et le précurseur qui se décompose par la suite sert alors à faire augmenter la taille des NPs. Il s'agit de la phase de croissance (phase III), phénomène qui se prolonge tant que la solution reste sursaturée. La Figure 6 représente schématiquement le procédé de synthèse de NPs par décomposition thermique. Fe(stearate)2 décomposition germination croissance
Figure 6 : Représentation schématique du procédé de synthèse de NPs par décomposition thermique.
L'avantage de la méthode de décomposition thermique est qu'elle permet d'avoir une bonne séparation entre les étapes de nucléation et croissance. La formation simultanée d'un grand nombre de germes suivie, dans un second temps, de la croissance homogène de tous ces germes sans avoir apparition de nouveaux germes, conduit à une distribution en taille étroite et un bon contrôle de la morphologie des NPs.17 Au cours de la synthèse, les NPs sont recouvertes d'une couche de surfactant 13 (acide oléique) qui leur confère leur stabilité en solvant organique. Afin d'éliminer les résidus éventuels de ligand ou de précurseur n'ayant pas réagi, la synthèse de NPs est suivie d'une étape de purification. Il est possible de moduler la taille et la morphologie des NPs par contrôle de paramètres de synthèse tels que la température d'ébullition du solvant, la concentration du précurseur, le rapport molaire ligand/précurseur (r), la vitesse de montée en température, les temps de réaction, ainsi que la nature des ligands utilisés. II.2.1 Contrôle de la taille des NPs
La méthode de décomposition thermique permet un bon contrôle de la taille moyenne des NPs obtenues mais il est difficile d'obtenir des NPs de taille supérieure à 15 nm avec une très bonne monodispersité.2 La taille des NPs va dépendre du nombre de germes formés lors de la germination et du contrôle de la phase de croissance. Ces étapes peuvent être contrôlées en ajustant différents paramètres tels que la concentration du précurseur, le rapport molaire ligand/précurseur (r), la vitesse de chauffage, ainsi que la température et la durée du palier à la température d'ébullition du solvant. Les paramètres qui permettent de contrôler aisément la taille des NPs sont la température d'ébullition du solvant et le rapport molaire ligand/précurseur.2, 8, 33, 34
Figure 7 : Diamètre des NPs synthétisées en fonction de la température d'ébullition du solvant et du ratio molaire ligand/ précurseur. D'après Demortière et al. 33
La taille des NPs augmente lorsque la température d'ébullition du solvant augmente et lorsque le ratio molaire ligand/ précurseur augmente (Figure 7). II.2.2 Contrôle de la morphologie
La morphologie des NPs obtenues par décomposition thermique peut être contrôlée en modifiant différents paramètres tels que la nature des ligands, la vitesse de montée en température et les temps de réaction. L'obtention de NPs de morphologie cubique se fait en bloquant la croissance de certaines faces cristallines par rapport aux autres. Une croissance plus rapide selon la direction <100> 14 conduit à des NPs octaédriques alors qu'une croissance rapide selon <111> conduit à des NPs de morphologie cubique. La croissance préférentielle selon une direction particulière est contrôlée en modulant la force d'interaction du surfactant avec la surface des germes.34, 35 Par exemple, l'acide oléique va se fixer sélectivement sur la face (111). A l'inverse, l'oléylamine interagit plus faiblement avec la surface des germes et en modulant sa fraction dans un mélange acide oléique/oléylamine, des NPs cubiques sont obtenues.35, 36 D'autres ligands/surfactants ont été testés et ont favorisé la croissance de cubes comme l'ion chlorure (Cl-)37 ou l'oléate de sodium.36 Xu et al. ont synthétisé des NPs cubiques avec les faces (100) exposées en partant d'un précurseur de chlorure de fer.37, 38 Hai et al.38 puis Pichon et al.30 ont synthétisé des NPs d'oxyde de fer en synthétisant un précurseur d'oléate de fer puis en le décomposant en présence d'oléate de sodium et d'acide oléique. Le changement de morphologie est contrôlé essentiellement lors de l'étape de croissance, mais la durée du vieillissement (pallier de température) a aussi une influence sur la morphologie finale des NPs. La Figure 8 représente l'influence
l'étape de vieillissement sur la morphologie finale des NPs.39
Figure 8 : influence de l'étape de vieillissement sur la morphologie finale des NPs. D'après Bao et al.39
Bao et al.39 ont observé pour des ferrites de cobalt (CoFe2O4) l'apparition successive de différentes morphologies et l'expliquent par une tendance à former tout d'abord des cubes à cause de la maille cubique de la structure spinelle. Le changement de morphologie est ensuite dû à une croissance préférentielle des sommets du cube. III) Assemblage de NPs magnétiques
Différentes stratégies peuvent être utilisées pour l'assemblage de NPs magnétiques sur des surfaces, cependant la difficulté réside dans le fait qu'il existe des interactions dipolaires entre NPs qui peuvent perturber l'assemblage.
III.1 Stratégies d'assemblages
L'assemblage de NPs magnétiques peut être contrôlé par des interactions spécifiques entres des groupements fonctionnels particuliers. Trois approches peuvent être considérées (Figure 9).
= Groupes terminaux fonctionnels
Figure 9 : Représentation schématique des différentes stratégies d'assemblages : (a) fonctionnalisation des NPs, (b) fonctionnalisation du substrat, (c) fonctionnalisation des NPs et du substrat. Adapté de Bellido et al.43
Dans la première approche, des groupements organiques fonctionnels portés par les NPs interagissent directement avec la surface du substrat (Figure 9a). Cette approche sera détaillée dans le paragraphe suivant (III.2). 16 La seconde approche consiste, à l'inverse, à fonctionnaliser la surface du substrat par des molécules contenant des groupements fonctionnels qui interagissent directement avec la surface des NPs (Figure 9b). Dans ce cas, il est possible de confiner l'assemblage à des zones spécifiques du substrat. La troisième approche, qui est la stratégie la plus spécifique, consiste à fonctionnaliser les NPs et le substrat par des groupements fonctionnels réagissant spécifiquement entre eux (Figure 9c).
III.2 Assemblage de NPs sur un substrat non fonctionnalisé
Les techniques usuelles d'auto-assemblage de NPs magnétiques sont représentées schématiquement sur la Figure 10. (a) (d) (b) (e) (c) (f) (g) Figure 10 : représentations schématiques de techniques d'assemblages utilisées pour le dépôt de NPs magnétiques en mono ou multicouche : (a) dépôt d'une goutte (drop casting), (b) immersion du substrat dans une suspension colloïdale, (c) dip coating, (d) technique de Langmuir Blodgett, (e) spin coating, (f) coulage en bande par procédé doctor blade et (g) assemblage couche par couche (layer by layer LbL), adapté de Bellido et al.43 et de Pichon et al.44
La technique la plus simple pour déposer une suspension colloïdale de NPs magnétiques sur un substrat est le dépôt d'une goutte ou drop casting (Figure 10a) ou l'immersion directe du substrat dans la suspension colloïdale (Figure 10b). Dans ces deux techniques, la lente évaporation du solvant quand la suspension est en contact avec le substrat permet la diffusion des NPs vers l'état le plus organisé et le plus stable énergétiquement.43 Cette réorganisation s'effectue aussi lors de la technique de dip coating si le substrat est retiré de la suspension à une vitesse lente devant le temps d'évaporation du solvant (Figure 10c). Le groupe de M. P. Pileni a étudié en détail l'assemblage de NPs métalliques ou d'oxydes en réseaux 2D ou 3D par auto-assemblage par évaporation contrôlée. Ces chercheurs observent une grande dépendance entre les conditions de dépôt (température, solvant) et l'ordre local final contenu dans les films.45-48 Ces trois méthodes d'assemblages 17 permettent d'obtenir des assemblages mono (2D) ou multicouches (3D) présentant un ordre local. Cependant, la reproductibilité de la densité du dépôt de NPs magnétiques est difficile et peu réalisable à grande échelle.49 En effet, ces techniques conduisent à des présentant des inhomogénéités, des différences d'épaisseur et des défauts entre domaines organisés ce qui est un inconvénient majeur pour l'intégration de NPs magnétiques dans des dispositifs où les films doivent être homogènes à large échelle. L'assemblage de NPs magnétiques par dépôt couche par couche (layer by layer LbL) constitue une technique alternative. Cette méthode consiste à déposer des polymères chargés (polyélectrolytes) sur un substrat en alternant des dépôts de polyanions et de polycations. Lorsque les NPs sont chargées en surface, il est possible d'assembler des multicouches par dépôts alternés de couches de NPs et d'un polyélectolyte de charge opposée (Figure 10g). Cette technique permet un dépôt rapide d'un grand nombre de couches de NPs, et de contrôler la distance séparant ces couches.44, 50 Cependant, il est assez difficile de maitriser l'arrangement local des NPs au sein de chaque couche. Pour obtenir des films de NPs denses à large échelle, des techniques telles que le dip coating, la technique de Langmuir Blodgett (LB) et le spin coating ont été développées. La technique de LB consiste à déposer des NPs hydrophobes sur une surface d'eau. Les NPs forment un film de Langmuir à l'interface eau-air après évaporation du solvant, qui est ensuite compressé à l'aide de deux barrières mobiles afin de former une monocouche dense. Celle-ci est ensuite transférée sur un substrat en tirant ce dernier préalablement plongé dans la cuve d'eau à travers la monocouche formée tout en appliquant une pression constante. Cette technique permet en particulier d'obtenir des films mono ou multicouche de NPs organisées à très large échelle.40, 51-57
Tableau 3 : Tableau récapitulatif de différentes caractéristiques des principales techniques d'assemblages utilisées pour le dépôt de NPs magnétiques en mono ou multicouche Facilité de Possibilité Modulation Densité des Echelle Méthode Ordre mise en de dépôt de de la NPs dans le de d'assemblage local oeuvre multicouche nanostructure film dépôt dépôt d'une goutte ++++ oui +++ ++ -(drop casting) Evaporation ++ ++++ oui +++ -contrôlée ++ Dip coating +++ oui ++ + +++ Langmuir Blodgett ++ oui ++++ + +++ ++ Spin coating +++ oui ++ + Coulage en bande + +++ non + +++ (doctor Blade) assemblage couche + par couche +++ oui + + ++ (LbL)
Le Tableau 3
résume
les
avantages et inconvénient
s des techniques d'assemblages décrites ci-
ssus. La modulation de la nanostructure n'est pas aisée avec ces techniques. En effet elles conduisent à des films généralement denses car les interactions dipolaires entre NPs contribuent fortement à 18 augmenter la densité des assemblages, l'obtention de films de densités modulables avec un contrôle de la distance interparticule est limité. Des tentatives de contrôle de la distance interparticule ont été faites par la technique de LB en fonctionnalisant les NPs par des molécules de longueurs variables (dendrimères). Frankamp et al. ont étudié des NPs d'oxyde de fer de 5 nm de diamètre fonctionnalisées par des dendrimères de polyamidoamine (PAMAM). 58 La génération du dendrimère (i.e. III.3 Assemblage par fonctionnalisation du substrat : préparation de couches auto-assemblées de molécules III.3.1 Couches auto-assemblées de molécules (self assembled monolayers, SAMs)
Les couches auto-assemblées de molécules (self assembled monolayers SAMs) constituent une méthode simple, versatile et facile à mettre en oeuvre pour fonctionnaliser un substrat et moduler les propriétés de surface de ce substrat.60-67 Les SAMs sont des assemblages organiques formés par l'adsorption de molécules présentes en solution (ou d'un gaz) sur une surface solide. Les molécules adsorbées s'assemblent spontanément en structures organisées à cause des interactions entre les molécules.68 La Figure 11 représente schématiquement la composition et la formation d'une SAM.
19 Figure 11 : Représentation schématique d'une couche auto-assemblée de molécules (self assembled monolayer SAM). Adapté de Sugimura, H. Kyoto
Les molécules composant la SAM comportent un groupement d'accroche qui présente une affinité particulière pour la surface du substrat, un espaceur qui va conditionner les interactions intermolécules et un groupement de tête fonctionnel en surface. III.3.1.1
Les substrats couramment utilisés sont des métaux comme l'or, 66, 67, 69-74 l'argent,75, 76 le palladium77 ou le cuivre78 ou des semi-conducteurs comme le silicium.79 Les oxydes métalliques peuvent aussi être utilisés comme substrat, et en particulier l'oxyde d'aluminium Al2O380, 81 et surtout l'oxyde de silicium recouvrant la surface des wafer de silicium.79, 82-85 L'or représente le substrat le plus étudié pour le support de couches auto-assemblées pour cinq raisons principales.60 Premièrement, il est facile à obtenir en couches minces par pulvérisation cathodique, évaporation ou électrodéposition. Deuxièmement, ce métal est facile à graver pour obtenir des réseaux (patterning) par lithographie ou attaque chimique. Troisièmement, c'est un métal inerte qui ne s'oxyde pas en dessous de sa température de fusion (1064°C) et réagit avec peu de produits chimiques. De plus ce métal est utilisé comme substrat pour certaines techniques d'analyse telles que la spectroscopie SPR (surface plasmon resonance), la microbalance à cristal de quartz ou l'ellipsométrie. Enfin, l'or est compatible avec les cellules car les cellules adhèrent sur sa surface sans preuve de toxicité.60 Les SAMs sur l'oxyde de silicium recouvrant les wafers de silicium sont aussi fortement étudiées car ce type de substrat est peu couteux et qu'il est possible d'obtenir des substrats présentant une très faible rugosité. Cependant contrairement aux SAMs sur l'or, ce type de SAMs nécessite de travailler dans des conditions opératoires plus contraignantes (sous vide ou sous atmosphère anhydre) du fait de la réactivité des groupements d'accroche utilisés (trialkoxysilanes).86
III.3.1.2 Groupements d'accroche
La plupart des SAMs étudiés sont formées par un procédé d adsorption.60 Les groupements d'accroche utilisés couramment sur les substrats de SiO2 sont les trialkoxysilanes.81, 83, 87, 88 Sur les oxydes métalliques tels que l'oxyde d'aluminium, il s'agit des groupements acides phosphoniques.80, 81, 89 Les groupements d'accroche les plus utilisés sur l'or sont les thiols86,90,91, 92 mais d'autres groupements tels que les thioacétates75, les disulfures90, 93 ou les sels de diazonium71, 74, 94 peuvent aussi être utilisés. Les groupements thiols permettent une forte interaction avec l'or,86,90,91 cependant, le mécanisme de la chimisorption des thiols sur l'or ainsi que la nature précise de la liaison S-Au font toujours l'objet de discussions scientifiques.60, 95, 96 La formation d'une liaison S-Au requiert la destruction de la liaison S-H. L'atome d'hydrogène peut être libéré sous forme de dihydrogène ou en cas de présence d'eau dans le milieu sous forme d'eau après oxydation. III.3.1.3 Espaceurs
Les espaceurs, contenus dans les molécules constituant les SAMs, assurent une épaisseur bien définie et agissent comme une barrière physique entre le groupement d'accroche et le groupement de tête fonctionnel. Ce sont généralement des chaînes alkylène, mais d'autres chaînes constituées de phénylène, ou d'éthylène glycol sont aussi utilisées.72, 97 Ils limitent la conductivité électronique et peuvent modifier les propriétés optiques locales du substrat. L'espaceur joue un rôle prépondérant dans la structure finale de la SAM. En effet le groupe d'accroche réagit rapidement avec la surface du substrat, puis les molécules se réarrangent lentement (en quelques heures) en une configuration all trans afin de maximiser les interactions inter-chaînes.68, 98 La fonction chimique la plus couramment utilisée comme espaceur est une longue chaîne alkylène qui présente l'avantage de maximiser l'arrangement des chaînes (et donc des molécules) entre elles. La structure finale de la SAMs est d'autant plus ordonnée que la chaîne alkylène est longue.99, 100 Cependant, dans le cas des SAMs composées de molécules comportant une chaîne alkylène comme espaceur, les groupements de tête sont très proches les uns des autres et les groupements fonctionnels peuvent interagir entre eux par des liaisons faibles ou une gêne stérique entre les groupements est possible. C'est pourquoi, des groupements plus volumineux comme des chaînes alkylène plus courtes ou comportant des groupes phénylène sont parfois utilisés comme espaceurs afin d'augmenter la distance entre les groupements fonctionnels de tête.72, 97
III.3.1.4 Groupements de tête fonctionnels
Le groupement de tête fonctionnel est essentiel dans une SAM car il constitue l'interface de la SAM et détermine les propriétés de surface. Dans le cas de l'assemblage de NPs sur les SAMs, le choix du groupement fonctionnel du type d'assemblage visé et va être détaillé dans le paragraphe suivant. III.3.2 Assemblage de NPs sur des SAMs par interaction directe entre les NPs et la SAM
Nous nous intéresserons ici plus en détails à l'utilisation de SAMs pour l'assemblage de NPs. La première approche consiste à assembler les NPs par interaction directe entre la surface des NPs et le groupement de tête fonctionnel des SAMs (Figure 9b).
Figure 12 : Exemples d'assemblage de NPs métalliques ou d'oxydes métalliques assemblées sur des SAMs par interaction directe entre les NPs et la SAM Adapté de(a) Zhao et al.97, (b) Yildirim et al.80, (c) Lee et al.72 et (d) Pichon et al. 69
La Figure 12 représente quelques exemples d'assemblage de NPs métalliques ou d'oxydes métalliques sur des SAMs par interaction directe entre la surface des NPs et les groupements fonctionnels de tête de la SAM. Des NPs métalliques ou d'oxydes peuvent être adsorbées sur des SAMs en fonctionnalisant la SAM par un groupement de tête fonctionnel approprié. Le Tableau 4 présente les groupements de tête fonctionnels adaptés à différents types de NPs. 22 Tableau 4 : Type de NPs et groupement fonctionnel porté par la SAM pour différents exemples d'assemblage de NPs par interaction directe
entre les NPs et la SAM. Type de NPs Groupement fonctionnel porté par la SAM Référence NH2 FePt Yildirim et al.80 COOH Pradier et al.61 SH Lee et al. 72 He et al.73 Au -S-SChaikin et al. 101 Gehan et al. 71 NH2 He et al. 73 Co SH Zhao et al. 97 COOH Pichon et al. 69 Fe3O4 Pichon et al. 69 OH Jie et al. 102
Les thiols ou les amines peuvent être utilisés pour l'assemblage de NP métalliques tandis que les fonctions alcool ou acide carboxylique sont adaptées pour l'assemblage de NPs d'oxyde métalliques. Dans le cas des NPs d'oxyde de fer, lorsque le groupement fonctionnel de tête est un acide carboxylique qui est un groupement coordinant et chélatant, l'assemblage des NPs sur la SAMs se fait très rapidement. Une couche dense est obtenue après 10 minutes de contact entre la SAM et la suspension de NPs. Dans le cas où le groupement de tête fonctionnel est un alcool, qui est coordinant uniquement, la cinétique d'adsorption est lente.69
III.3.3 Assemblage de NPs sur des SAMs mixtes
Afin de moduler la fonctionnalité de surface, il est possible de préparer des SAMs mixtes constituées d'un mélange de molécules différentes (de longueurs de chaînes aliphatiques différentes ou comportant des groupements de tête fonctionnels différents). La structure de la SAM obtenue dépend des phénomènes de ségrégation de phase totale ou partielle influençant la répartition spatiale des NPs sur la SAM. Ces SAMS mixtes peuvent être préparées par différentes méthodes (Figure 13).66
23 (a (b
)
(
c
)
Sub
stra
t
d'
or
R X RR R R R R X R X X R RR X R
R X R = R Solution mixte de thiols R X RR R R R R X R X X R RR X RR R X R SAM mixte
SAM mixte Figure 13 : Stratégies de formation de SAMs mixtes : (a) adsorption d'un mélange de thiols, (b) méthode anhydride adapté de Yan et al.103 et (c) adsorption de disulfures asymétriques. La méthode la plus simple pour obtenir des SAMs mixtes est l'immersion directe du substrat dans une solution contenant un mélange de thiols.
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2011TOU20029_28
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De la maternité en milieu populaire à Recife : enjeux et arrangements entre dispositifs de régulation et expérience sociale
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Aí ela vem a buscar de tarde, aí a sexta-feira de manhã a mãe a traz.) La garde des enfants ne se limite pas à quelques jours et peut s’étendre sur plusieurs années. Nous avons trouvé cette modalité d’échange notamment à l’intérieur de la parentèle, se cristallisant sur la figure de la grand-mère. Les raisons pour garder/s’approprier l’enfant biologique d’une autre femme peuvent être diverses, comme le fait qu’elle travaille, qu’elle soit trop jeune ou qu’elle soit malade. C’est le 537 472 Entretien Sísera, Pantanal, Recife, 22/08/08. cas de Maricéia, une femme de 48 ans, qui a eu trois enfants biologiques et trois autres de « criação » (d’élevage), un enfant de son mari et deux petits-enfants : « J’ai eu trois enfants, plus un autre que j’ai élevé parce que c’était le fils de mon mari. C’est l’aîné, il a 32 ans (...) Je vis ici avec mon mari et mes deux petits-enfants. Mes enfants vivent chacun chez eux, mais tous vivent près de moi (...) Mes petits-enfants, l’une c’est parce que sa mère me l’a donnée quand elle était très petite, c’est (aujourd’hui) la fille de 15 ans. (Sa mère) est partie, elle a épousé un étranger et elle est partie, elle l’a oubliée. Sa mère, c’était la femme de mon fils aîné, de 32 ans, (celui que) j’ai élevé. Je l’ai élevé, puis il a eu une aventure avec cette femme, elle est tombée enceinte, puis elle a quitté sa petite de sept mois et elle est partie. Et moi, je l’ai élevée 538.» (Eu teve três, mais outro, eu criei porque era filho de meu marido, é o mais grande, tem 32 anos (...) Eu moro aqui com meu marido e meus dois netos. Meus filhos moram cada um na casa deles, mas moram todos pertinho de mim (...) Meus netos, um foi porque a mãe dela me deu desde bem novinha, a menina de 15 anos. (A mãe dela) foi embora, casou com um gringo e foi embora, esqueceu dela. A mãe dela foi a esposa do meu filho mais velho, de 32 anos, que eu criei. Ali, eu criei ele, depois teve um caso com essa mulher e depois ela ficou grávida, aí ela deixou a menina com sete meses e foi embora. E eu criei.) Maricéia est donc la mère de “criação” de l’enfant de son mari et de la fille de ce même jeune homme. Entretien Maricéia, Pantanal, Recife, 22/09/08. 473... elle lui a donné un coup qui l’a laissée toute rouge. Sa mère l’a rejetée...et elle est là...ça va faire une semaine qu’elle est ici avec moi. (Elle est) travailleuse...J’arrive chez moi, et tout est lavé, elle prépare à manger. Lorsque je lui demande un service, elle y va... elle est très serviable. Je prends soin d’elle, parce que je suis folle, et je l’aime bien. Mais elle ne dépense pas trop, car elle a travaillé pour une dame qui l’a payée 4000 (...) Elle prend soin des enfants aussi540 ». (Essa daqui ficou com um cavalheiro e também está doente – risos. Essa daqui, a mãe botou pra fora. Se diz que não, não é verdade. Ela ficou com um menino daqui e a mãe soube, foi uma confusão tão grande, a mãe ligou pra polícia pra buscar ela aqui. Vem por ela aqui de faca, meu marido não estava em casa, nem eu, trabalhando. Meu cunhado que teve que puxar ela debaixo do chão, porque ela ia matar ela mesmo...Deu uma pinga nela que deixou ela toda vermelha, todinha. A mãe dela botou pra fora... Está aqui... vai fazer uma semana que vai estar aqui comigo. Trabalhadeira...eu chego aqui, está tudo lavado, faz a comida...aí, eu estou com ela. Quando eu pido um serviço pra ela, ela vai...ela é muito trabalhadeira. Eu cuido dela, porque eu sou louca, e gosto dela. Mas não dá despesas porque ela trabalhou pra uma senhora que pagou 4000.(...) Ela cuida dos meninos, também.) Dans les propos de Maria José une autre question apparaît imbriquée dans la relation de sollicitude et de ce qu’elle peut aussi sous-tendre c’est-à-dire, non pas une pure éthique individuelle, gestuelle, pratique et affective, mais un système d’échange de services entre femmes dans la division du travail domestique, lié à leur statut subalterne (Dorlin, 2006). Maria José insiste plusieurs fois sur les tâches domestiques que la jeune fille réalise chez elle et le fait qu’elle garde ses enfants. Cela pose la question de la sollicitude comme disposition et assignation sociale féminine et d’une articulation nécessaire avec les rapports sociaux de domination autres que le genre (classe sociale, « race » et génération), dans la division du travail domestique entre les femmes elles-mêmes. Même si nous avons vu que les femmes rencontrées travaillent généralement comme domestiques ou dans le secteur des services. 541 474 au sein du réseau. De même, à l’intérieur du réseau d’entraide de femmes de milieu populaire, il y a des logiques stratégiques régissant les relations, et à partir desquelles on calcule afin d’équilibrer les services rendus. C’est donc le partage d’un « lieu commun » entre les femmes de milieu populaire qui vient distinguer le réseau d’entraide des relations patron-employeur, et non pas tant la dimension affective ou l’absence de tout calcul dans la relation. Le lien quotidien affectif qui se tisse entre ces deux femmes de même milieu social peut aussi être accompli entre personnes de différentes classes sociales, et même liées par un échange monétaire, tel que le démontre Dominique Vidal (2007) dans sa recherche sur les bonnes de Rio. Plusieurs femmes rencontrées avaient donné à charge un de leurs enfants et ceci en suivant diverses formes. Nous avons vu le cas d’Ana et de son premier conjoint : lorsqu’ils se sont séparés, ils ont gardé chacun un de leurs deux enfants. Francisca a laissé son premier enfant chez sa mère, dans l’état de Maranhão, quand elle était jeune et elle a décidé de venir à Recife pour travailler. Nous avons été témoins de la vengeance envisagée par Sandra envers son dernier conjoint « parti », qui consistait à lui laisser le bébé qu’elle attendait de lui.
Figure 24 : Une famille de Pantanal. © Martín Fabreau. 475
Tel que le souligne Claudia Fonseca, cette circulation d’enfants en milieu populaire ne se fait pas sans conflits. Cependant, nous n’avons pas été confrontés à des conflits de parenté ayant abouti à des procédures judiciaires. Il y a donc, pour l’instant, une prééminence des arrangements sociaux entre les familles ou à l’intérieur de celles-ci, concernant la destinée des enfants. Nous disons « pour l’instant » car de nombreuses recherches montrent une judiciarisation progressive de la société brésilienne, y compris dans les milieux populaires, tel qu’on l’a vu dans les cas de conflits médecinpatient. La division du travail de sollicitude ou care peut réserver certaines tâches spécialisées à certaines femmes du réseau – c’est le cas des soins de santé chez les ACS. L’assignation des femmes de milieu populaire à des responsabilités accrues en lien avec la santé de l’enfant opère un surplus de demandes envers les ACS faisant partie du réseau. Ceci peut être mal perçu par les ACS car cela va à l’encontre de la qualification de leur travail et de leurs attentes : une sollicitude individuelle et autonome de la mère envers son enfant. Ainsi, une ACS dit qu’elle n’aime pas : « Contribuer à ça, alimenter ça. Nous avons un très grand nombre de familles à accompagner. Vous pouvez même devenir la nounou pour ces enfants et tout à coup leur mère. Ça ne se voit pas mais, en tant qu’agent de santé, on est comme une soignante pour le bébé et ils commencent à exiger ça de toi, tu comprends? Et cela est très néfaste parce que cela disqualifie notre travail, où tout ça n’est pas très bien défini, bien situé 542» (Contribuir com isso, alimentar isso aí(...) Nós temos um número de pessoas muito grande de famílias pra acompanhar (...), você pode até se tornar babás dessas crianças e de repente mãe, não vê você mais como agente de saúde e sim como uma cuidadora do bebê e começar a cobrar de você isso aí, né? E é muito ruim porque descaracteriza muito o trabalho nosso, onde isso tudo não é bem colocado, bem dirigido.) Revenons donc sur la question du réseau d’entraide féminine dans l’expérience de la maternité et sa distinction vis-à-vis du phénomène de circulation d’enfants, ou des arrangements de criação (élevage) observés par Claudia Fonseca. Tel qu’on l’a esquissé, et du point de vue de l’expérience de la maternité (et non pas des enfants), le réseau peut se réactiver à des moments spécifiques, comme dans le cas de gardes sporadiques d’enfants d’une autre femme. Et il peut être aussi fractionné selon les diverses dimensions qu’implique la responsabilité parentale, comme dans le cas des 542 476 Groupe de discussions ACS, Pantanal, Recife, 30/06/06. soins portés par ACS ou la fonction nourricière remplie par une autre femme. Autrement dit, si la circulation d’enfants opère une division entre l’engendrement et la maternité, entre le lien de sang et le lien quotidien de filiation, l’expérience de la maternité en réseau vient fragmenter la sollicitude maternelle. Nous pouvons donc avancer, que plus les diverses tâches de sollicitude sont adressées à la figure individuelle de la mère, plus elle cherche à distribuer ces activités dans son cercle relationnel. Autrement dit, plus les injonctions d’une sollicitude individualisée pèsent sur la femme et plus elle cherchera dans ses ressources relationnelles, le moyen de répondre à la sollicitude demandée.
IV-3-c. La quarantaine sanitaire versus le “resguardo543” relationnel.
Le temps de « rétablissement puerpéral » ou “resguardo” en langage populaire (temps de garde) est, selon le Ministère de la Santé, « de 42 jours ou quarantaine ». Pour les femmes rencontrées, le temps de “resguardo” peut dépendre de leur type d’accouchement. Ainsi, il peut durer « trois mois » pour les césariennes et « quarante » jours pour l’accouchement par voie basse, tel que nous dit Sandra. Mais, il peut être aussi plus court. Leonilda par exemple n’a observé un “resguardo” de dix jours seulement: « quand je suis sortie de l’hôpital, c’était le 6ème jour, le 16ème jour, mon ‘resguardo’ était fini 544» (Quando eu saí do hospital, foi no dia seis, no dia dezesseis acabou o meu resguardo.) Cette mise en quarantaine suppose aussi, de manière contournée, d’essayer de répondre aux exigences de la norme procréative contemporaine, et d’effectuer un espacement entre les gestations. Ainsi, les valeurs et images, véhiculées par tout un langage sanitaire et psychologique sur l’importance du temps des premiers contacts entre femme et enfant, ’accommodent bien avec les politiques du planning familial. Ainsi, deux images opposées des femmes-mères se préfigurent dans le dispositif de santé. D’abord, celles qui n’accomplissent pas la quarantaine, les femmes hors-normes, à éduquer, tel que le dit une ACS : « j’ai des gestantes (dans mon aire) qui sont en train de faire les (consultations) de puériculture de l’enfant et elles sont enceintes de sept mois du 543 En portugais le mot ‘resguardo’ signifie « un abri », « une cachette ». Il est également utilisé de manière figurée dans le sens de « précaution », « soin », et plus particulièrement comme le moment du post-accouchement ou de la période puerpérale. 544 Entretien Leonilda, recherche FAGES/UFPE/CNPQ, Pantanal, Recife, 27/06/06. 477 suivant 545» (Eu tenho gestantes que ainda tá fazendo a puericultura do filho e já está grávidas de 7 meses de outro). L’autre figure, ce sont ces femmes que le dispositif considérera en détresse, et qu’il faudra « accompagner ». Dans un livret du Ministère de la Santé, destiné, depuis 2008, à avoir une large diffusion dans les maternités, centres de prénatal et unités de santé (postos de saúde), la période puerpérale est ainsi définie: « Durant cette phase, vous pouvez avoir envie de pleurer, vous sentir malaimée, oubliée ou irritée. Cela arrive à beaucoup de femmes et ne dure pas longtemps. Certaines femmes sont déprimées, elles ont des crises de larmes et des difficultés à marcher et à s’occuper d’elles-mêmes et du bébé. Quand cela arrive, la famille doit les aider et les amener à l’unité de santé 546». Cette mise en « quarantaine » post- partum, qui n’est pas sans évoquer « le risque » prénatal, représente historiquement la mise à l’écart d’une personne susceptible de présenter des « risques » sanitaires, médicaux, etc., dans le but d’éviter les « contagions ». Autant le livret du Ministère que les propos tenus par les acteurs institutionnels suggèrent que le “resguardo” porte un risque non seulement pour la femme mais aussi pour l’enfant (car elle ne saurait pas s’en occuper) et que ce risque est moins médical que psychosomatique. Nous avons très peu entendu parler, même parmi les professionnels de santé, de replacement de l’utérus après l’accouchement, qui serait la justification médicale du temps de quarantaine. Il est davantage question de l’état « d’âme » de la femme et de ses conséquences pour l’enfant. D’après certaines recherches547 sur la prise en charge par le système de santé publique de la période puerpérale, il y a une diminution considérable de celle-ci, quand on les compare à d’autres phases du cycle gravidique-puerpéral. La femme reçoit moins d’attention de la part des professionnels de santé, au détriment de l’attention portée à l’enfant. Elle n’a qu’une visite post-partum, à effectuer dans les 42 jours qui suivent l’accouchement, au cours de laquelle les principales actions seront dirigées vers le renouvellement des pratiques contraceptives, dont le but est le contrôle de la fécondité, et vers les pratiques d’allaitement maternel et les soins du bébé, tel qu’on l’a vu au début de ce chapitre.
545 Groupe de discussions ACS, Pantanal, Recife, 30/06/06. Livret pour la femme enceinte: “Conversando com a gestante”, Ministerio da Saúde, Brasilia, DF, 2008: p31 (Traduction de l’auteure). 547 Voir l’article de Stefanello J, Nakano AMS, Gomes FA (2008) sur les ‘tabous et croyances’ en rapport aux soins post-couches chez les femmes de milieu populaire. 546 478
Ce desserrement du dispositif de santé sur la normalisation du corps des femmes en tant que « corps identité » au profit d’une régulation des corps pris dans leur dimension comportementale, et par la normalisation des comportements envers les enfants, laisse la place à de nouveaux arrangements dans la construction subjective du corps, par l’introduction de normes « autres », notamment celles transmises par d’autres femmes. Ainsi, il y a une réappropriation de leur corps relationnel, tel que le démontre Sandre-Pereira (2003), avec le dédoublement entre sein-érotique et seinmaternel, précédemment évoqué. De même, les restrictions durant cette période mobilisent un tout autre référentiel que ceux du bien-être ou du risque sanitaire. Alors qu’elles répondent à des questions de santé (comme le fait de garder la qualité du lait maternel, ou la remise en position de l’utérus), elles ne s’appuient pas sur le registre épidémiologique. Dans le discours des femmes, ces enjeux semblent directement référés à une « tradition » culturelle. Les restrictions de la phase puerpérale sont d’ordre alimentaire – « on ne peut pas manger des nourritures grasses, du porc, par exemple. Rien d’acide », sexuelles – « et si vous avez un mari, vous ne pouvez pas non plus avoir des relations », concernent les soins personnels, comme se « laver les cheveux ou le corps à l’eau froide » ; et l’espace de circulation – « Après ces quarante jours, la vie normale reprend. Sortir de la maison, parce que pendant le ‘resguardo’ on reste beaucoup à la maison ». Les femmes disent « devoir rester alitées », « plus tranquilles » et au « repos », durant cette période. Aucune des femmes rencontrées n’a dit avoir vécu de dépression post-partum, alors même que les livrets qui leur sont distribués se focalisent beaucoup là-dessus. Patrizia Romito (1990) l’a pourtant indiqué il y a déjà quelques années : la dépression postpartum n’existe pas en tant que « dérèglement hormonal » (approche biophysique), ni en tant que « déséquilibre mental » en lien avec la délivrance de l’enfant (approche psychologique), mais bien plutôt en fonction des conditions sociales qui entourent l’arrivée d’un enfant, notamment la surcharge de travail que cela représente pour les femmes, associée à l’obligation à la jouissance de ce moment et leur isolement social. Les femmes que nous avons rencontrées ne sont pas concernées par des situations de ce type. Tel qu’on l’a dit, pendant le “resguardo”, elle peut « rester au lit » et « être 479 tranquille » car les personnes de son réseau d’entraide, notamment des femmes, s’occuperont des tâches domestiques, des autres enfants, en somme du travail de care, dirigé donc non seulement vers les enfants de la femme en “resguardo” mais aussi vers elle-même. Ainsi, la mère de Leonilda est venue s’installer chez elle pendant quelques mois et son mari a pris des congés, sans parler des voisins qui passaient de temps en temps pour demander si elle avait besoin de quelque chose. « Ma mère est venue prendre soin de moi. J'ai fait ma quarantaine normalement. Les gens venaient toujours. Ma famille était par là aussi. Mon mari à cette époque-là avait demandé des congés pour être avec moi » (Minha mãe veio cuidar de mim. Fiz normal o meu resguardo. O pessoal sempre vinha... Minha família estava por aqui. O meu marido, no momento, saiu de férias, pediu um tempo no trabalho para puder ficar comigo também548.) Certains membres du réseau peuvent s’installer chez la mère, ou alors c’est elle qui se déplace et fait un séjour chez quelqu’un. Ainsi, Dona Eugenia nous raconte le “resguardo” de sa fille Aninha qui est venue chez elle pour la période puerpérale de sa première fille, laquelle est restée finalement habiter chez sa grand-mère : « Le ‘resguardo’, elle l’a passé entièrement ici, chez moi. À chaque prénatal, elle le passe ici avec moi. Parce que là-bas (chez elle), elle n’a pas les bonnes conditions pour rester avec un bébé si petit, n’est-ce pas? En plus, avec une autre fille, parce qu’elle a une autre fille, Bruna. Elle est née ici et elle est restée. Elle est plus ici que là-bas, parce que des fois, elle rentre chez elle seulement pour dormir. Parce qu’il fait vraiment chaud là-bas, il fait une chaleur terrible, donc elle reste plus ici 549» (O resguardo ela passou todinho aqui, na minha casa. (...)Todo pré-natal dela, ela passa comigo aqui...porque ali não tem condição de ficar com menino novinho,né?E mais com outra menina, porque ela tem outra menina, a Bruna. Essa aí desde novinha, ela nasceu aqui e aqui mesmo ela ficou. Ela fica mais aqui do que lá, porque tem vezes que ela só vai para casa para dormir.Porque lá é muito quente, é uma quentura horrível, aí ela fica mais aqui.) Les personnes mobilisées lors de la « quarantaine » ne font pas seulement partie de la famille de la femme mais peuvent aussi être des amies, comme dans le cas de Marinalva, qui a déjà organisé son retour de la maternité « Quand je reviendrai (de la maternité), je serai en ‘resguardo’, ce sont mes amies qui s’occuperont de lui (premier enfant). L’une l’après-midi et l’autre le soir. Tout est déjà reglé550 » (Quando eu voltar, aí eu vou estar de resguardo, e são minhas amigas que vão ficar com ele. Uma à tarde e à outra a noite. Já 548 Entretien Leonilda
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recherche F
AGES/UFPE/CNPQ, Pantanal, Recife, 27/06/06. Entretien Dona Eugenia, Recherche FAGES/UFPE/CNPQ, Pantanal, Recife, 23/05/06. 550 Entretien Marinalva, Pantanal, Recife, 16/05/06. 549 480
esta tudo certo). De même, le travail fourni à la femme en « quarantaine » ne relève pas seulement de la garde d’autres enfants, mais aussi des tâches ménagères. Ainsi, une femme peut venir pour « balayer la maison », une autre pour apporter «quelque chose à manger », etc. Ici nous entrons dans le caractère particulier que prend l’expérience de la maternité chez les femmes de milieu populaire urbain au Brésil. En effet, et tel qu’on l’a dit précédemment, si l’expérience de la maternité n’est pas individualisée, mais relationnelle, il faut préciser qu’elle n’est pas non plus communautaire. Elle se construit autour d’un tissu de relations-ressources choisies par les femmes de manière personnelle. Les formes que prend ce groupe de femmes dérivent des liens et interactions entretenus non pas à partir de leur ressemblance statutaire et positionnelle mais à partir des opportunités que chaque relation apporte à l’accomplissement de la sollicitude maternelle. Ainsi, le réseau inclut aussi, des acteurs non-mères, ou des acteurs des institutions sanitaires. Le réseau n’est cependant pas découplé des cercles sociaux (Grossetti et Bès, 2003), comme les relations de parenté et celles de voisinage. Tel qu’on l’a vu, il se construit à de certaines de ces relations pour les dépasser. Le lien social, créé à travers ces réseaux, se définit par ce qu’il est moins fort que le « lien communautaire », car il n’est pas « traditionnel » ; et plus fort que « l’association sociétale », car il suppose des relations interpersonnelles et intersubjectives (Martuccelli, 2010 : 137.) Si nous avons vu que les relations familiales doivent être saisies, en milieu populaire urbain, à partir des modes de sociabilité qui dépassent la maisonnée privée ainsi que l’échange de services entre femmes dans le travail de sollicitude, il ne faudrait cependant pas y voir une construction collective de type communautaire de l’expérience maternelle. Nous avons aussi observé l’individualisation de l’expérience à l’œuvre, et l’importance du dispositif de santé dans cette direction551, notamment par l’individualisation des corps et par la biologisation du lien filial. Nous avons vu, enfin, comment l’assignation individuelle de la maternité régulée s’accomplit cependant dans une sollicitude relationnelle ou en réseau. 551 Nous rappelons que cette individualisation expérientielle est opérée non seulement par le dispositif de santé publique mais aussi par les médias, et plus largement par l’entrée des milieux populaires à des expériences de la société de masses, tel qu’on l’a vu dans la première partie de ce texte. 481
« La maternité en réseau » ne se limite pas pour autant à être une réponse à l’absence d’infrastructures de prise en charge institutionnelle des enfants en milieu populaire. De la même manière que l’existence des réseaux ne s’explique pas par l’absence d’institutions. La fonction instrumentale des réseaux d’entraide n’est qu’une dimension dans l’expérience des femmes. Les réseaux, et les relations sociales qui les forment, ce sont les bases de la cohésion, de la régulation, en somme du lien social, sur lesquelles les expériences individuelles se construisent. C’est cette particularité de l’expérience de la maternité en milieu populaire dans le Nordeste brésilien qui détermine aussi les relations des femmes-mères avec les régulations du dispositif de santé. Dans la phase de post-accouchement, nous pouvons observer le passage graduel d’une « maternité régulée » à celle où s’arrangent certaines injonctions du dispositif sanitaire avec les dispositions sociales et culturelles des femmes. C’est le moment où les femmes doivent trouver des arrangements entre « savoirs médicaux » et « savoirs profanes ». C’est le moment aussi où l’expérience individuelle peut se reconstruire par « l’expérience en réseau ». C’est le moment, finalement, qui nous donnera les pistes pour revenir à une réflexion sur la question du rôle maternel et sur le « comment » de sa mise en jeu dans une expérience de la maternité en réseau. Ici encore, nous retrouvons l’arrangement observé lors du processus d’assignation au moment de la grossesse. C’est par des pratiques collectivisées, que peut se développer une individuation subjective chez les femmes. Il reste à analyser comment se construit la subjectivation de l’expérience « en réseau » de la maternité. Pour ce faire nous allons revenir à la question du rôle
el. Il s’agit d’envisager une manière le rôle autrement que dans sa conception « statique ». Cette autre conception sera peut-être plus proche de celle de Mead, notamment quant à sa dimension dramaturgique. Cependant à la différence de Mead, il n’y a pas pour nous de séparation du moi et du rôle, car c’est dans le jeu de ce dernier qu’une place est occupée dans l’espace social, une place au fondement identitaire construisant le moi552. Cette place est à son tour fluide car elle dépend de la manière dont le rôle est joué. Ainsi, chez les femmes de milieu populaire à Recife, le rôle maternel semble se construire entre une « expérience régulée » par les dispositifs de santé publique et une
552 482
Nous reviendrons sur cette discussion dans les conclusions de cette thèse. sollicitude qui se construit dans un réseau d’entraide féminin. Des expériences des femmes se dénote la capacité à jouer un rôle particulier, que nous nommerons le « rôle maternel incarné », et que nous développerons en conclusion. Mais, avant de rentrer dans les conclusions de cette thèse, nous dédierons le dernier chapitre de cette partie à une pratique aux marges de la régulation du dispositif de santé, la stérilisation volontaire féminine : problème sanitaire majeur, selon les acteurs institutionnels ; issue désirée, pour les femmes. IV-4. La stérilisation féminine, sortie abrupte de la maternité régulée et reconstruction subjective: “mulheres ligadas mas desligadas”553. IV-4-a. L’expérience contraceptive. Contraintes, ressources et « désir de ligature ». Nous avions soulevé l’existence d’une « trinité contraceptive554» chez les femmes rencontrées dans le Nordeste brésilien qui correspondait aux méthodes contraceptives les plus utilisées dans l’ensemble du pays. Nous allons nous pencher ici sur l’une d’entre elles, la stérilisation féminine. Ce moyen contraceptif a attiré notre attention puisqu’il est vécu comme une épreuve pour les femmes car il se réalise à la périphérie de l’expérience régulée de la maternité. Très stigmatisée par les pouvoirs publics, par les médias et par les professionnels de santé pro-humanisation, « la stérilisation féminine » est cependant, chez les femmes de milieu populaire à Recife, une manière recevable de sortir de l’âge maternel et une façon d’inscrire dans leur corps cette issue. Aussi, nous avions dit, les pratiques en matière de contraception ont la particularité d’être traversées par le décalage entre l’intention et l’action, en suivant les propos de Bourdieu. Nous avions suggéré, de même, que les femmes arrangent symboliquement ce décalage en faisant appel à la dimension relationnelle de la contraception. Dans ce 553 Ce chapitre reprend partiellement l’article : Faya Robles Alfonsina (2009). Le mot “ligada” veut dire ici « ligaturée » (femme stérilisée par ligature de trompes). En brésilien, le fait de “ligar ” veut dire se préoccuper pour quelque chose, en être attentif. Son contraire “desligar” veut dire ne plus s’en préoccuper. 554 Voir chapitre II-1-b « Grossesse individuelle et sociale. La construction d'une identité sociale maternelle à partir d'un projet individuel (a posteriori) » 483 sens, pour qu’une méthode contraceptive soit efficace, il faut non seulement que la femme ait une connaissance approfondie de son corps et une maîtrise des procédés et des normes temporelles et corporelles, tel que le proposent les politiques de promotion des contraceptifs, mais aussi qu’elle opère une appropriation subjective des techniques. Autrement dit, l’appropriation d’une méthode contraceptive s’opère dès lors qu’il y a un investissement affectif et une construction de soi dans le choix contraceptif. Différemment d’autres univers sociaux, chez les femmes étudiées l’usage de contraceptifs tels la pilule et le préservatif ne constitue pas un moyen efficace de contrôle de la fécondité. Si les femmes y ont recours et envisagent les résultats de ces méthodes au niveau anatomo-biologique, généralement elles ne se les représentent pas comme des moyens propres, incorporés à leurs pratiques sur soi. Dans cette « trinité contraceptive », les différentes méthodes n’ont donc pas un statut équivalent. Un des paramètres de différenciation, pour les femmes, ce sont les relations sociales s’agençant à chaque méthode contraceptive. En effet, l’usage d’une méthode insère la femme dans des relations spécifiques, relations qui peuvent prendre la forme de ressources ou de contraintes. Concernant les méthodes les plus utilisées, le préservatif et les pilules, leurs discours font acte de « dépendance », transformant les relations en contraintes. Pour la première, les femmes se disent dépendantes des hommes et pour la deuxième, dépendantes des acteurs institutionnels, principalement de « l’unité de santé » (posto de saúde) et des « agents de santé ». Les propos de Sandra sont éloquents en ce qui concerne le poids des rapports de genre au sein des couples sur les pratiques de contraception. D’abord, elle dit que c’est ellemême qui a adopté le préservatif masculin comme méthode contraceptive et donne une raison médicale à cela: son hypertension. Peu à peu, elle ramène la responsabilité de l’utilisation du contraceptif à son conjoint : « J’utilisais des préservatifs. La pilule, je n’aime pas la prendre ; en plus, je ne peux pas à cause de ma tension (artérielle), n‘est-ce pas? Je n’en ai jamais pris. Et j’ai fini enceinte. Alors je suis allée parler avec lui (conjoint) et je lui ai dit: « Pourquoi tu m’as engrossée? » Parce que s’il ne voulait pas m’engrosser, il aurait mis un préservatif, n’est-ce pas? (...) J’ai fait le test (de grossesse) qui était positif (...) Nous sommes restés trois mois ensemble, mais ça fait deux mois qu’il a commencé à ne plus venir chez moi, et maintenant il ne vient plus 555». (Eu estava só usando preservativos, o comprimido não gosto de tomar não Uma que parece que não poço pela minha pressão,
555 484 Entretien Sandra, Pantanal, Recife, 31/05/06. né?Ai, nunca tomei. E terminei engravidada...Ai quando fui falar com ele e ai ‘qual é o motivo que tem pra engravidar?’Porque se ele quer engravidar, ele bota o preservativo, né? eu fiz o teste e deu positivo, né? Nos ficamos juntos três meses, ai faz dois meses ele começou a não vir em casa e agora não veio mais). Au-delà de
l’inégale distribution des responsabilités parentales, frein à tout équilibrage des rapports de genre, un élément original
émane de
ce
récit: la responsabilité masculine concernant les pratiques contraceptives quand il s’agit de préservatif, et comme corollaire, le sentiment de dépendance de la femme envers les hommes et celui de culpabilité de ne pas avoir eu d’emprise sur la gestion de la contraception. Sandra exprime sa déviance par rapport à la norme procréative (Bajos et Ferrand, 2006, 2007) selon laquelle la naissance doit être désirée et programmée. « Dieu me pardonne! Mais je ne voulais plus d’enfants, je ne voulais en aucune manière cette grossesse » (Deus perdoe, mas eu não queria mais filhos não, não queria não, não queria esta gravidez de jeito nenhum) dit Sandra, en s’excusant doublement de confesser son non-désir d’enfant et sa passivité face au choix contraceptif. Comme pour le préservatif, l’utilisation systématique et prolongée de la pilule ne semble pas dépendre des femmes mais des « autres ». Dans ce cas, les femmes évoquent les relations avec les services de proximité de santé. Les ACS (agents de santé) reconnaissent cette dépendance à l’offre de pilules de « l’unité de santé » mais préfèrent accuser les femmes de manque de responsabilité : « La pilule, elles l’oublient et, en plus, il n’y a pas assez de médicaments dans l’unité (de santé) pour en distribuer à tout le monde; et après, il y a d’autres (méthodes) dont elles ne veulent même pas entendre parler, les méthodes de barrière et d’autres comme ça556 » (comprimido elas esquecem e nem vêm medicação suficiente pra esses posto pra abastecer e tem outros que elas não querem nem saber, dos outros métodos de barreira é tipo assim). Il est courant d’entendre les professionnels de santé faire référence à ce manque de responsabilité, découlant d’une méconnaissance des usages. De leur côté, les femmes se plaignent des fluctuations de l’offre de pilules dans l’unité de santé du quartier, justifiant ainsi leur non-contrôle contraceptif. En effet, l’usage du contraceptif par voie orale crée un conflit de responsabilité qui se tisse autour de l’offre dans les unités de santé d’un côté et de la persévérance des femmes de l’autre. La prise de la pilule se veut une action routinière et les femmes l’assimilent volontiers aux tâches du travail. Marinalva (36 ans, utilisant depuis longtemps la pilule) est tombée enceinte de son deuxième enfant à cause d’une
556 Groupe de discussion avec les ACS, Recherche FAGES/UF
/CNPQ, Pantanal, Recife, 30/06/06. 485 faille dans la gestion des pilules et elle ironise: « Il n’a pas été planifié (l’enfant), celui-là est un accident de travail, car on n’a pas utilisé les ressources correctes557 » (Ele não foi planejado, este é acidente de trabalho. Eu acostumo dizer que é acidente de trabalha, pois não usamos os recursos corretos, né?) Dans la perspective des femmes, l’usage de la pilule est, plus qu’aucune autre méthode, une action rationalisée, qui demande la prévoyance (dans leurs commandes auprès des ACS), la régularité dans la « tâche » ainsi que la gestion et la connaissance des temps ovulatoires. Si certaines femmes s’approprient volontiers cette pratique, car prendre la pilule de manière « très correcte » entraîne la valorisation de soi, d’autres femmes envisagent cette méthode contraceptive comme un support de dépendance permettant un fort contrôle social de la part des professionnels de santé558, ainsi qu’une forte stigmatisation dès lors qu’une grossesse apparaît, témoignant d’une « mauvaise utilisation ».
Figure 25: "
Protège-toi, un enfant ce
n
'
est pas un jeu
", Dépliant distribué dans les centres de santé, M.S, Brésil, 2008.
557 Entretien Marina
l
va
,
Pantanal
, Re
cife, 16/05/06.
Tel que
le note
Bozon
(2005) pour
la
gestion de la vie sexuelle en France ou au Brésil, les acteurs de santé publique cherchent à inculquer une gestion "responsable" et "autonome" de la fécondité, ici cristallisée dans le (bon) usage de la pilule. 558 486 Pourtant, la dépendance n’est pas absolue, ni vis-à-vis
du préservatif, ni de la pilule. Les femmes trouvent des issues leur permettant de s’approprier une méthode contraceptive par la mise en œuvre de certaines stratégies. Celles-ci illustrent non seulement la souplesse des relations, pouvant passer de contrainte à ressource, mais elles montrent aussi qu’il y a, de la part de ces femmes, un choix délibéré de contrôler leur fécondité par une méthode plutôt que par une autre. Leurs diverses stratégies ont en commun la particularité de se fonder sur l’entrecroisement des relations, ouvrant sur d’autres réseaux sociaux et diversifiant les voies d’accès aux moyens contraceptifs. Le préservatif peut ainsi devenir un objet liant les femmes du quartier entre elles. L’appropriation de cette méthode contraceptive entraîne des liens forts, où l’épanouissement sexuel féminin devient la valeur partagée. La séparation entre la sexualité et la reproduction est facilitée par la légitimation du groupe de femmes, et l’aide matérielle et symbolique des ACS. En effet, lors des campagnes spécifiques et/ou des approvisionnements du poste de santé on peut venir « faire son plein » de préservatifs. Alors, il n’est pas rare que les femmes se rapprochent pour demander des préservatifs aux ACS, ou qu’elles les fassent circuler entre elles. Comme maintes fois lors des réunions entre voisines, où l’on écoute de la musique et où l’on discute, cet extrait du journal de terrain illustre l’atmosphère dans laquelle les échanges se font : « une jeune femme demande des préservatifs à ses voisines. L’une d’entre elles, plus âgée, se lève et rentre chez elle. Puis, elle ressort la main pleine de préservatifs. Les autres femmes rient. La jeune femme la remercie et dit qu’elle pense que cela ne pas suffisant. (Rires). L’ACS dit qu’elle en amènera d’autres le lendemain559. De la même manière, les femmes diversifient leurs relations pour se ravitailler en pilules et ont souvent recours au secteur privé. C’est le cas d’Elisange qui se dit dépendante de l’unité de santé comme premier fournisseur de pilules, mais qui cherche d’autres voies pour rester « protégée : la pilule, je vais la chercher dans l’unité. Mais, des fois, on ne peut pas en avoir là-bas. On arrive là-bas, il y a des femmes qui attendent, une autre arrive, et puis une autre. Il n’y a plus de pilules, il faut attendre. Alors on finit par laisser tomber, parce qu’on n’a pas le temps. Des fois, j’arrive là-bas et il n’y en a plus. Alors je préfère les acheter. Je ne peux pas me passer de ce médicament560 » (Os comprimidos eu pego lá no posto. Mas o que as vezes, não da pra pegar lá. Chega lá, tem mulheres esperando, chega outra, e outra. Não tem mais, tem que esperar, então a pessoa fica desistindo, porque não tem muito tempo. Às vezes eu chego lá e 559 560 Extrait du journal de terrain, Pantanal, Recife, 20/06/06. Entretien Elisange, Pantanal, Recife, 30/05/06. 487 não tem mais. Então ai eu prefiro comprar. Mas não poço ficar sem esse medicamento). Très souvent, les femmes qui travaillent comme employées domestiques ont recours à leurs « patronnes » pour consulter les gynécologues de ces dernières et leur demander des ordonnances de pilule. D’ailleurs, nous avons rencontré plusieurs femmes utilisant les deux méthodes, pilules et préservatifs pour avoir un surplus de « protection », ce qui est très mal vu par les services de santé de proximité, étant perçu soit comme un « gaspillage » de leurs part, soit comme un signe de leur « ignorance ». Nous pouvons néanmoins noter leur souci de contrôler leur fécondité, souvent inabouti, par leur sentiment d’assujettissement. Ces deux méthodes de la « trinité contraceptive », pilule et préservatif, attachent la femme à des acteurs différents. Ces relations peuvent, à certains moments, être à l’origine d’un rejet ou d’une non-incorporation des méthodes contraceptives par les femmes. Généralement, ce refus est lié au sentiment de dépendance et à l’impossible emprise sur la gestion de leur fécondité : dépendance vis-à-vis du « bon vouloir » de l’ACS ou du conjoint, du prix des contraceptifs dans les pharmacies, etc. Pourtant, ces relations perçues comme des contraintes peuvent aussi devenir des ressources dans l’accès aux méthodes de contraception. C’est le cas de Francisca qui après avoir accusé l’ACS et l’unité de santé du quartier du manque de pilules et leur avoir imputé la responsabilité de la naissance de son dernier bébé, attend maintenant l’aide de son ACS et compte sur elle et sur la médecin de l’unité de santé pour se faire stériliser. Ainsi, en multipliant les tactiques et les relations pour avoir accès aux contraceptifs, la femme effectue, également, une appropriation individuelle et subjective de ceux-ci. Cette appropriation emprunte différents chemins subjectifs, tels la valorisation de soi par le choix d’un moyen contraceptif qui requiert une certaine rigueur d’utilisation (pilule) ou par l’exaltation de certaines valeurs partagées comme celle d’avoir une sexualité active (préservatif). Quand cette appropriation n’est pas réalisée ou réalisable, la femme tentera de sortir de la « dépendance contraceptive » par d’autres moyens et c’est à ce moment-là que le « désir de ligature » peut se manifester. Maria José, une chiffonnière de 29 ans, mère de cinq enfants, songe à sortir de cette dépendance par la ligature des trompes : « Je n’en veux plus (d’enfants), je veux lier ; quand j’aurai l’acte de naissance, je vais lier. Maintenant, je prends la pilule, pilule et 488 préservatif, les deux! La ligature, c’est mon rêve 561». (Quero mais não, quero ligar, quando ter o registro vou ligar. Agora estou tomando remédio, remédio e camisinha, os dois! Meu sonho é ligar.) Suite à une nouvelle réglementation562, se faire stériliser au moment d’un accouchement est devenu difficile. Cependant les changements qui s’opèrent dans les institutions médicales, et dont ces règles sont elles-mêmes issues, ouvrent de nouveaux espaces de négociation pour les femmes désireuses de « ligature ». L’enquête du PNDS de 1996 montrait que la principale personne ayant facilité l’accès à la stérilisation était le médecin du secteur public. Dans 57,6% des cas, il avait autorisé, souvent moyennant rétribution, l’intervention chirurgicale. Le médecin (et d’autres professionnels de santé, nous le verrons) se trouve à l’intérieur ’institutions en pleine mutation, avec le programme d’ « humanisation » qui modifie les formes de légitimation de l’intervention médicale. Il fait face également à des femmes désireuses de se faire stériliser. Ainsi, cette relation patient-médecin peut autant faciliter que freiner l’accès à la stérilisation. Tel que le signale Bozon (2005 : 379) : « On peut dire que dans tous les milieux sociaux au Brésil la dyade du médecin et de la femme compte sans doute plus que le couple conjugal pour les décisions de stérilisation ». En milieu populaire, ceci est encore plus vrai, mais si cette décision se réalise en dehors du couple, cela ne veut pas dire qu’elle s’accomplit dans la seule relation médecin-femme. D’autres figures apparaissent, tant dans la sphère de la santé, que dans le réseau de la femme ou encore des figures politiques. Lors de cette enquête, 20% des femmes du Nordeste ont aussi répondu que c’était « un homme politique » qui avait payé la stérilisation. En effet, certains auteurs (Potter et Junqueira, 1998) mettent en évidence le lien existant, dans cette région, entre cette technique contraceptive et le clientélisme politique. Ainsi des leaders politiques locaux échangeraient ligatures de trompes contre votes, en période d’élection. Plusieurs auteurs expliquent la permanence de la stérilisation comme modèle contraceptif de la femme nordestine par la transmission culturelle de mère en fille. 561 Entretien Maria José, Pantanal, Recife, 07/06/06. Maria José travaille dans le ramassage et le tri des ordures ménagères, qu'elle revend. Elle n'a pas été inscrite dans le registre d'état civil à sa naissance et il lui faut l'acte de naissance pour pouvoir faire la ligature des trompes. 562 La loi 9.263, de 1996, relative au planning familial, établie que la femme doit avoir plus de 25 ans et/ou ayant deux enfants vivants pour pouvoir subir une stérilisation. En outre, il est interdit de réaliser une stérilisation au moment de l’accouchement et il est exigé un délai de soixante jours entre la déclaration de volonté et l’acte chirurgical. 489 D’autres, la mettant en relation avec les difficultés d’accès à d’autres techniques, la stérilisation se présentant à la femme comme un dernier recours. Les analyses d’entretiens avec des femmes de milieu populaire urbain font apparaître une dimension subjective, en lien avec la vision qu’elles ont d’elles-mêmes à l’intérieur de relations, conjugales et celles nouées avec les services de santé. Dans cet espace relationnel, signifié par les femmes comme un jeu de dépendance-indépendance vis-à-vis des instances de santé publique et de leur conjoint, l’usage d’un moyen contraceptif plutôt que d’un autre apparaît comme le choix permettant qu’une technique médicale soit mise au service de la construction de soi en tant que sujet autonome. IV-4-b. Du désir de « ligature » à sa réalisation: l’administration de la preuve. Si tout contrôle de la natalité est une négation de la « fécondité naturelle » (Bourdieu et Darbel, 1966) la stérilisation féminine opère comme la négation totale et déterminante de cette « nature ». Elle suppose, contrairement aux autres méthodes, une distanciation irréversible par rapport au rôle reproductif. D’où l’étonnement qu’elle éveille, car cette négation se manifeste comme un acte « volontaire » chez des femmes qui construisent leur identité autour de leur statut de mère (Scavone, 2001).Une recherche, comparant les représentations de la maternité des femmes stérilisées et non stérilisées, montre que les premières adhèrent plus à une image survalorisée et « traditionnelle » de la maternité que les secondes563. Nous remarquerons que si elles peuvent avoir une image traditionnelle de la maternité, leur expérience ne saurait être qualifiée comme telle. De plus, nous ne pouvons pas opposer la stérilisation féminine volontaire à la « maternité ». Elle apparaît plutôt comme sa , et toute limite participe à la définition de l’objet.
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EDITO. Sciences et Recherches Participatives à INRAE. NOV'AE, 2021, Numéro Spécial 01, Sciences et Recherches Participatives, pp.2-3. ⟨hal-04624837⟩
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L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés.
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La couverture de ce numéro de NOV’AE, créée par Brecht Evens, ne m’a pas laissé indifférent. Mon premier réflexe a été de m’interroger sur la signification symbolique des labyrinthes. Plutôt que de me précipiter sur Internet, j’ai préféré fouiner dans ma bibliothèque, à la recherche d’un dictionnaire des mythes1 que je me souvenais avoir déniché dans une bouquinerie. Après avoir mis la main dessus, une belle surprise m’attendait... C’est qu’un labyrinthe peut parfois s’interpréter comme un « voyage intérieur vers le centre de la personnalité, où l’être humain parvient avec difficulté, après de nombreux détours et tâtonnements » : il servirait donc plus à se trouver qu’à se perdre! En extrapolant cette interprétation au dessin d’Evens, je suis tenté de dire que son labyrinthe permet à une foule de personnes très différentes de se (re)trouver. Et en faisant l’hypothèse que le dédale de couloirs représente le cheminement parfois sinueux de la science visant à explorer la complexité de notre monde, j’en conclus que nous avons sous les yeux une allégorie de démarches de recherche qui permettent des rencontres et des échanges entre des personnes qui ne se seraient peut-être jamais parlé si elles n’avaient pas fait un bout de chemin ensemble dans ces méandres... Le dessin ne dit pas si ces participations variées contribuent de manière efficace à faire progresser les connaissances. Pour ça, il faudra vous plonger dans NOV’AE! En tout cas, vous avez tout à fait le droit de ne pas adhérer à ma vision (tortueuse?) de cette couverture... Aussi, je vous invite à projeter vos propres interprétations : la science, comme l’art, n’est-elle pas aussi affaire d’imagination?
Christophe Roturier INRAE - Délégué aux Sciences en Société
1 Julien N., 1992. Dictionnaire des mythes. Editions Marabout. ÉDITO
Chacun peut constater que les relations entre Science et Société sont marquées par une certaine ambivalence, faite de questions, d’attentes parfois fortes, mais aussi d’incertitude, de scepticisme, voire de critiques de la part des citoyens. Ce contexte, mais aussi les défis planétaires marqués par l’urgence et les incertitudes, qui créent des attentes sans précédent vis-à-vis de la recherche et de l’innovation, appellent au rapprochement entre le monde de la recherche et la société. Notre institut est particulièrement concerné par cette question, en raison de la très grande proximité de ses thématiques de recherche avec le quotidien des Français. C’est donc dans une approche globale d’ouverture de la science qu’INRAE s’est pleinement engagé. Cette orientation est affirmée dans le plan stratégique INRAE2030 et totalement en phase avec les mesures de la Loi de Programmation de la Recherche autour de la thématique « Science avec et pour la Société ». Elle s’incarne, pour notre Institut, de manières très diverses, non seulement à travers la diffusion des connaissances, des données et des résultats de la recherche vers différents publics, mais aussi par l’ouverture, dans certains cas, du processus de recherche lui-même à la société, en soutenant le développement des sciences et recherches participatives. Dans cet esprit, INRAE a signé en novembre 2020 - avec sept autres établissements publics - une Charte d’ouverture à la société. Les projets scientifiques participatifs font l’objet d’un attrait croissant de la part des citoyens, motivés par la curiosité scientifique, mais aussi par la recherche de solutions aux enjeux complexes. Ils peuvent prendre la forme de collectes massives de données nécessaires à l’acquisition de connaissances. Ils peuvent aussi donner lieu à l’implication plus profonde d’acteurs non-académiques dans la recherche : ceux-ci co-réalisent, alors, avec les chercheurs, des projets où différentes formes de savoirs sont prises en compte. De l’interaction avec la société peuvent également émerger de nouvelles questions de recherche, de nouveaux enjeux autour des données ou de l’intégration des savoirs empiriques et scientifiques. L’implication de « non-chercheurs » dans l’activité de recherche contribue également au partage de la culture scientifique. Enfin, il convient de ne pas occulter les complexités, les risques et les opportunités associés à cet élargissement du champ des possibles dans notre manière de faire de la recherche. On peut donc dire que les sciences et recherches participatives contribuent à renouveler la vision et les pratiques de recherche, et qu’elles interrogent la posture du chercheur et sa place dans la société. Comme en témoigne ce numéro de NOV’AE, les projets de sciences et recherches participatives menés à INRAE montrent une belle diversité, tant dans les domaines scientifiques et les dispositifs mis en œuvre que dans les acteurs impliqués ou les valorisations issues de la collaboration. C’est un réel atout sur lequel notre institut peut s’appuyer pour aider à leur appropriation par différentes communautés de recherche. C’est donc avec un sincère et grand plaisir que je signe l’éditorial de ce premier numéro spécial de NOV’AE, et que je remercie celles et ceux qui l’ont préparé, ainsi que tou∙te∙s les collègues impliqué∙e∙s dans des démarches de sciences et recherches participatives.
Carole Caranta Directrice générale déléguée pour la Science et
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Vers l'utilisation d'ensembles météorologiques pour la dispersion à courte distance de radionucléides en cas de rejets accidentels dans l'atmosphère : propagation des incertitudes et comparaison à des mesures radiologiques dans l'environnement. Climatologie. Université Paul Sabatier - Toulouse III, 2023. Français. ⟨NNT : 2023TOU30295⟩. ⟨tel-04457222v2⟩
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Face à ces exigences d’efficacité dans l’utilisation et le traitement des prévisions probabilistes, on propose, dans ce travail, une démarche basée sur la réduction de la taille des ensembles météorologiques utilisés pour le calcul de la dispersion. Pour ce faire, on utilise les algorithmes de classification non-supervisée présentés dans le Paragraphe (2.6.3) du Chapitre (2), pour regrouper les membres PEARO. La première question à laquelle nous tenterons de répondre est donc : Comment configurer les algorithmes du clustering, dans le contexte des simulations de dispersion atmosphérique de radionucléides, afin d’avoir le meilleur compromis entre la qualité des résultats (convergence optimale) et le temps de calcul (i.e., traitement des données et calcul de la dispersion)? Pour synthétiser l’information météorologique en entrée des modèles de dispersion, un sous-ensemble est construit à partir des classes de membres PEARO, formée par clustering, en sélectionnant pour chaque classe un membre représentatif (Bouttier and Raynaud, 2018). Par ailleurs, la propagation d’un sous-ensemble météorologique par le modèle de dispersion pX doit permettre d’obtenir un sous-ensemble de la dispersion représentatif de l’incertitude de l’ensemble complet PEARO-pX. Cela revient à dire qu’un « bon » clustering en entrée du modèle pX permet d’obtenir, en sortie, un sous-ensemble qui reproduit toute la gamme des scénarios potentiels de la dispersion de la masse radioactive rejetée. Le second point abordé dans ce chapitre est donc : Comment évaluer la qualité du clustering des membres PEARO et quelle est la meilleure façon de quantifier son impact sur les sorties du modèle pX? Enfin, lors d’une situation de crise, la prise d’une décision éclairée à partir d’un en 5.2. Configuration du clustering semble de résultats purement techniques est souvent difficile. Nous tenterons donc d’apporter des éléments de réponse à la question suivante : Comment synthétiser les résultats probabilistes et les présenter à des non-spécialistes 1?
5.2 Configuration du clustering
Comme évoqué dans le Paragraphe (2.6.3) du Chapitre (2), la mise en oeuvre d’un algorithme de clustering nécessite, en amont, des prétraitements afin de sélectionner les meilleurs ingrédients permettant d’obtenir un partitionnement satisfaisant des données d’entrée. Dans la suite de ce chapitre, nous détaillons donc les différents diagnostics et les choix qui ont été faits pour mettre en place la configuration optimale du processus de clustering 2 utilisé dans cette étude. Les expériences sont effectuées sur une période de trois semaines entre le 07 et le 27 janvier 2021, dans un domaine de 60×60 km centré autour de l’usine Orano La Hague au Nord-Cotentin, et les mesures radiologiques du 85 Kr seront utilisées pour la validation des résultats. 5.2.1 Algorithmes du clustering
Pour le choix de la méthode de clustering appropriée à notre cas d’étude, nous rappelons que nous utilisons dans ce manuscrit les trois algorithmes présentés précédemment (c.f., Chapitre 2, Paragraphe 2.6.3) : (i) K-means, qui est de type clustering par partitionnement ; clustering hiérarchique ascendant avec deux approches possibles (ii) completelinkage et (iii) Ward. Pour évaluer la pertinence de ces méthodes, elles seront comparées à un sous-ensemble aléatoire (appelé aussi référence dans la suite du chapitre), construit en tirant au hasard un nombre de membres (identique à celui du clustering) de PEARO.
5.2.2 Mesure de similarité entre les membres PEARO
La métrique utilisée dans ce chapitre, pour mesurer la distance entre les champs atmosphériques PEARO, est inspirée des travaux de Bouttier and Raynaud (2018) qui présentent la façon de sélectionner les 16 membres PEARP 3 définissant les conditions aux bords de la PEARO à l’aide de méthodes de clustering. Pour calculer la similarité entre deux membres PEARO, on utilise une distance euclidienne, sous forme d’une distance moyenne quadratique, calculée point-par-point sur le 1. Les décideurs qui déclenchent les actions de protection lors d’une situation de crise nucléaire. 2. En générale, le processus de clustering se divise en trois étapes : (i) préparation des données d’entrée, (ii) sélection des paramètres optimaux et (iii) validation et interprétation des résultats. 3. Prévision d’Ensemble ARPEGE, système de prévision d’ensemble global de Météo-France.
147 Chapitre 5. Clustering et sélection des scénarios météorologiques pertinents pour la dispersion à courte distance en cas d’accidents nucléaires même domaine de calcul que celui définit dans les chapitres précédents
: 60 km × 60 km centré autour de l’usine Orano La Hague, soit 24 × 24 points de grille. Soient ψ (k), (k = 1, 2,..., n) les n champs atmosphériques d’intérêt, normalisés et adimensionnalisés. La distance Di,j entre deux membres i et j est donnée par l’équation suivante :
v u u 1 Di,j = t XXXX Npts Nt Nx Ny Nz (1) (1) 2 ψi − ψj (2) (2) 2 + ψi − ψj (n) +... + ψi (n) 2 − ψj (5.1)
Où Nt, Nx, Ny et Nz représentent, respectivement, les nombres de points dans la dimension temporelle, latitudinale, longitudinale et verticale. Npts = Nt × Nx × Ny × Nz est le nombre total de points sur toutes les dimensions de définition des champs ψ (k). 5.2.3 Variable prédictive
On appelle variable prédictive le (ou les) champ(s) atmosphérique(s) utilisé(s) dans un algorithme de clustering donné, pour calculer les distances entre les membres PEARO afin de les catégoriser. Dans le présent travail, le choix des variables prédictives s’est naturellement basé sur l’étude de sensibilité des simulations de la dispersion PEARO-pX réalisée dans les deux chapitres précédents. Les deux variables d’intérêt utilisées sont, en conséquence, le vent, avec ses deux composantes zonale et méridionale, et la stabilité atmosphérique qui est calculée à partir du diagnostic basé sur le gradient de température à 100 m (∇T100m ). Cependant, l’utilisation des classes de stabilité diagnostiquées pour le clustering peut être une source supplémentaire d’erreur en sortie du clustering, à cause des approximations de calcul de la stabilité. De plus, l’utilisation d’une variable continue, telle que ∇T100m, peut être plus appropriée pour assurer la finesse des résultats du clustering, au contraire d’une variable discrétisée (les six classes de Pasquill). Au final, on utilise, en plus du vent, la quantité ∇T100m en lieu et place des classes de stabilité. Une autre configuration est aussi testée, qui prend comme variable prédictive uniquement le vent, variable clé de la dispersion atmosphérique (Girard et al., 2014; El-Ouartassy et al., 2022). Ainsi, pour le calcul des distances on aura deux configurations : — L’utilisation d’une seule variable prédictive : le vent. Dans ce cas, les deux composantes zonale (U ) et méridionale (V ) du vent sont intégrées dans l’équation (5.1) : v u u 1 Di,j = t XXXX Npts Nt Nx Ny Nz (Ui − Uj )2 + (Vi − Vj )2 (5.2) — L’utilisation de deux variables prédictives : le vent (U, V ) et ∇T100m. Dans ce 148
5.2. Configuration
du
clustering
cas, il est nécessaire de faire une normalisation pour que tous les champs aient un poids similaire dans le calcul de distance. Pour ce faire, pour chaque champ atmosphérique ψ (ψ = (U, V ) ou ∇T100m ), le champs normalisé ψ ∗ utilisé dans le calcul de la distance est obtenu en retranchant la moyenne μψ et en divisant par l’écart-type σψ, les deux quantités étant calculées sur les 16 membres PEARO pour chaque instant t, chaque point de grille et pour chaque niveau vertical : ψ∗ = ψ − μψ σψ (5.3) Les champs normalisés sont ainsi intégrés dans l’équation (5.1) pour calculer les distances entre les membres : v u u 1 Di,j = t XXXX Npts Nt Nx Ny Nz
5.2.4 Ui∗ − Uj∗ 2 + Vi∗ − Vj∗ 2 + ∇Ti∗ − ∇Tj∗ 2 (
5.4)
Réduction de dimension
La réduction de dimension est une étape préliminaire classique dans les problèmes de clustering visant à compresser et synthétiser l’information tout en conservant au mieux la variance du jeu de données de départ. L’intérêt de ce processus est lié principalement aux enjeux de coût de calcul et d’interprétabilité du jeu de données de départ. Parmi les méthodes classiques les plus utilisées en météorologie pour faire la réduction de dimension, on trouve l’Analyse en Composantes Principales (ACP) (Anwender et al., 2008; Kumpf et al., 2017). Le principe de cette méthode consiste à projeter le jeu de données, initialement défini dans un espace construit par les variables de départ, sur un nouvel espace latent défini par un nombre limité de vecteurs orthogonaux, appelés « composantes principales », de façon à ce que la variance des données projetées sur ces vecteurs soit maximale (Hotelling, 1933). L’évaluation des prévisions PEARO au Nord-Contentin a montré l’influence importante des champs météorologiques par les effets locaux (orographie complexe ainsi que les surfaces hétérogènes en bord de mer) dans cette zone (El-Ouartassy et al., 2022). Pour cette raison, on propose de ne pas réduire la dimension temporelle, afin de mieux capturer
Chapitre 5. Clustering et sélection des scénarios météorologiques pertinents pour la dispersion à courte distance en cas d’accidents nucléaires
Dimension en entrée de pX Axes Variables Temps (t) Latitude (x) Longitude (y) Altitude (z) Total Dimension en entrée du clustering (par jour) 4 (U, V, stabilité, HCL) 2 (U, V) ou 3 (U, V, ∇T ) jours × heures = 20 × 24 = 480 heures = 24 24 24 24 24 25 pour le vent, 1 (un seul niveau vertical du vent) 1 pour la stabilité et HCL 27.648×106 27 648 ou 41 472
Table 5.1 – Comparaison de l’espace de définition des membres PEARO en entrée du modèle pX (avant la réduction de dimension) et en entrée des algorithmes de clustering (après la réduction de dimension). la variabilité des champs au cours de la journée, ainsi que les deux dimensions spatiales horizontales (longitudes et latitudes) afin de capturer la grande variabilité spatiale qui peut être due aux effets locaux. Par ailleurs, des tests de sensibilité effectués montrent une très faible influence des niveaux verticaux du vent sélectionnés sur la qualité de la classification. À la lumières de tous ces éléments, il a été décidé de lancer les expériences de clustering une fois par jour après la réduction de la dimension verticale du vent seulement, en se limitant à un seul niveau vertical correspondant à la hauteur physique d’émission (z=100 m). Cela conduit ainsi à une dimension totale de chaque membre et dans chaque jour, en entrée du clustering, égale à 2 × 24 × 24 × 24 = 27 648 dans le cas d’une seule variable prédictive (i.e., le vent), ou bien 3 × 24 × 24 × 24 = 41 472 dans le cas de deux variables prédictives (Tableau 5.1).
5.2.5 Estimation du nombre de clusters optimal
Dans le contexte de la classification non-supervisée, et particulièrement quand on s’intéresse au partitionnement des données multidimentionnelles, la qualité du résultat final du clustering dépend fortement du nombre de clusters (noté K) retenu (Lachkar et al., 2006). Autrement dit, pour le même jeu de données de départ, des résultats très différents peuvent être obtenus selon le nombre de clusters fixé au préalable. Ce sujet a été traité dans plusieurs études pour différentes applications (Jain et al., 1999). Fixer une valeur K représente souvent une tâche difficile et subjective, et généralement il existe deux approches utilisées pour ce faire : (i) la connaissance a priori du problème étudié et (ii) l’utilisation des indices de validité. Dans la première approche, l’utilisateur (i.e., le modélisateur) fait appel à sa connaissance et sa maîtrise du problème traité et le jeu de données mis à disposition. Cette idée est abordée dans les travaux de Hennig (2019) qui suggère que c’est à l’utilisateur de 150 5.2. Configuration du clustering s’interroger en amont sur les bonnes formulations qui correspondent au problème du clustering étudié. Dans le présent travail, sur avis d’expert, et dans le contexte de la gestion de crise, il est recommandé que le résultat final ne dépasse pas 50% de la totalité des scénarios de dispersion représentés par l’ensemble absolu PEARO-pX, soit K ≤ 8 membres. Au-delà de ce seuil le clustering n’aurait plus d’intérêt du point de vue opérationnel. La deuxième approche, quant à elle, est purement statistique et se base sur la mesure de certaines caractéristiques de la classification à l’aide des indices de validité. Cependant, ces indices peuvent conduire à des conclusions très variées quand ils mesurent des propriétés différentes. À titre d’exemple, l’indice de Silhouette (Rousseeuw, 1987) est utilisé pour quantifier à quel point un clustering répond aux exigences d’homogénéité et de séparation, alors que l’indice de Rand ajusté (Rand, 1971) mesure la stabilité d’un clustering. Il est ainsi fréquent que ces deux indices ne soient souvent pas concordants pour évaluer une même classification. Cette problématique pour fixer un nombre de classes, de façon objective, pour catégoriser les champs atmosphériques a été largement abordée dans plusieurs travaux comme ceux de Fereday et al. (2008), Neal et al. (2016) et Mounier (2022). Dans le présent travail, afin de valider le choix du nombre de classes basé sur l’expertise, il a été décidé d’utiliser une autre méthode très répandue en météorologie, notamment dans des problématiques de classification des champs du vent. Cette méthode est connue sous le nom de méthode du coude (elbow en anglais) (Dong et al., 2016), et son principe est que l’inertie intra-cluster peut être réduite grâce à l’augmentation du nombre de clusters. En d’autres termes, on lance récursivement un algorithme de clustering avec plusieurs valeurs croissantes de K, puis on s’intéresse au pourcentage de la variance expliquée par chaque classe et on s’attend à ce que l’hétérogénéité du clustering diminue. Ainsi, la représentation graphique des valeurs de l’inertie intra-cluster en fonction du nombre de clusters permet d’obtenir une courbe décroissante, et le meilleur nombre de clusters correspond au point d’inflexion de la courbe. Au-delà de ce point, l’ajout d’un nouveau cluster n’améliore plus significativement la performance du clustering 4. On note qu’il est toutefois possible que la méthode du coude indique l’existence de plusieurs choix optimaux de nombre de classes. Dans ce cas, les meilleures valeurs sont associées, dans la courbe inertie = f (K), à des sauts significatifs de la variance intra-cluster. La Figure 5.1 montre le résultat de la méthode du coude indiquant quelques nombres de classes préférentiels pour chacun des trois algorithmes de clustering testés. Pour les méthodes hiérarchiques, un nombre de classes optimal semble être K ≤ 5 membres pour la méthode complete-linkage et K ≤ 4 membres pour la méthode de Ward. Pour la méthode K-means, le nombre de classes optimal est moins évident, mais un nombre de classes 4. L’amélioration de la performance du clustering désigne, dans ce cas, la minimisation de l’inertie (ou variance) intra-cluster. Chapitre 5. Clustering et sélection des scénarios météorologiques pertinents pour la dispersion à court
e
distance en cas d’accidents
nu
cléaires
K ≤ 6 membres semble être un bon choix. Par ailleurs, on montre facilement, à l’aide de quelques expériences, que les panaches de dispersion correspondant à un nombre de classes K ≤ 3 membres sont largement insuffisants pour couvrir une portion importante de l’aire du panache complet (i.e., PEARO-pX), notamment dans les situations du vent faible où la direction du vent devient très incertaine et conduit à des panaches très dispersés dans l’espace. En combinant ces résultats avec la recommandation basée sur l’expertise du sujet étudié (K ≤ 8), un nombre de classes K=4 a été retenu pour la suite de l’étude.
5.2.6 Membre représentatif de chaque cluster
La dernière étape du clustering est la construction, pour chaque jour de la période d’étude, d’un sous-ensemble météorologique en choisissant un membre représentatif par cluster. La jointure des sous-ensembles journaliers construits, permet ainsi de couvrir toute la période envisagée pour le calcul de la dispersion atmosphérique. Là encore, il existe plusieurs méthodes de sélection des membres représentatifs. Dans notre étude, on applique la méthode utilisée dans les travaux de Bouttier and Raynaud (2018), détaillée ci-dessous. Présentation de la méthode Le membre représentatif d’un cluster est celui qui minimise l’indice de représentativité défini comme le rapport entre (a) la distance moyenne de ce membre par rapport aux membres de son cluster et (b) sa distance moyenne par rapport aux membres des autres clusters (Figure 5.2). Développement mathématique
Pour un cluster Ck d’une classification C = K k=1 Ck, la distance moyenne d’un membre xi ∈ Ck par rapport aux autres membres contenus dans son cluster est : S
a
(xi ) = X 1 D(xi, x) Card(Ck ) − 1 x∈Ck (5.5) x̸=xi
Avec Card() la fonction qui associe à un cluster le nombre d’éléments qu’il contient. La distance moyenne du même membre xi par rapport aux membres des autres clusters Cj (j ̸= k) est :
b(xi ) = X 1 D(xi, x) Card(C) − Card(Ck ) x∈Cj j̸=k 152 (5.6) 5.2.
Configuration du clustering Figure 5.1 – L’inertie intra-cluster en fonction du nombre de classes pour chacune des méthodes de clustering, calculée dans la période 07–20 janv. 2021. Les boîtes à moustache représentent les distributions de l’inertie calculée chaque jour. Les médianes des distributions (traits rouges) sont liées par la courbe noire.
153 Chapitre 5. Clustering et sélection des scénarios météorologiques pertinents pour la dispersion à courte distance en cas d’accidents nucléaires
Figure 5.2 – Exemple de calcul de l’indice de représentativité pour un membre d’un cluster. Les flèches en pointillé représentent les distances du membre par rapport aux autres membres de son cluster, tandis que les flèches en continu indiquent les distances du membre par rapport aux membres des autres clusters. L’indice de représentativité de ce membre est ainsi le rapport de la moyenne des deux distances. Le même processus est répété pour tous les membres d’un cluster, et le membre retenu est celui qui minimise l’indice de représentativité. On définit ainsi l’indice de représentativité associé au membre xi comme le rapport des deux quantités a(xi ) et b(xi ) : Ir (xi ) = a(xi ) b(xi ) (5.7) Enfin, le membre représentatif xk du cluster Ck est celui qui minimise l’indice Ir (xi ) : xk = arg min {Ir (xi )} xi ∈Ck (5.8)
Méthode numérique
Pour calculer le membre représentatif de chaque cluster, on a développé une fonction en langage Python qui suit le schéma suivant : 154
5.2. Configuration du clustering Algorithm
1 Membres représentatifs S Input : la classification C = K k=1 Ck Output : les membres représentatifs {x1, x2,..., xK } 1:
for k ∈ {1, 2,..., K} do 2: 3: 4: for xi ∈ Ck do P 1 a(xi ) ← Card(C x∈Ck D(xi, x) )−1 k x̸=xi 1 b(xi ) ← Card(C)−Card(C k) P x∈Cj D(xi, x) j̸=k i) Ir (xi ) ← a(x b(xi ) 6: end for 7: xk ← arg minxi ∈Ck {Ir (xi )} 8: end for 9: return {x1, x2,..., xK } 5:
Pour résumer cette section, le Tableau 5.2, ci-dessous, récapitule les éléments de configuration adoptés pour classifier les membres PEARO et pour choisir un membre représentatif par cluster.
Algorithmes de clustering Mesure de similarité Variable prédictive — Hiérarchique – Complete-Linkage, — Hiérarchique – Ward, — K-means. Distance moyenne quadratique point-par-point. — Une seule variable : (U, V) — Deux variables : (U, V)+∇T100m Réduction de dimension
Considération d’un seul niveau vertical du vent : hauteur physique d’émission 100 m. Nombre de clusters optimal K = 4 clusters Membre représentatif (xk ) Celui qui minimise l’indice de représentativité Ir : i) xk = arg min
xi
∈Ck {Ir (xi )}
;
Avec
:
Ir (xi ) = a(x b(xi )
Table 5.2 – Récapitulatif des éléments de configuration des expériences de clustering réalisées dans ce manuscrit.
Chapitre 5. Clustering et sélection des scénarios météorologiques pertinents pour la dispersion à courte distance en cas d’accidents nucléaires 5.3 Impact du clustering sur les sous-ensembles météorologiques
Dans la section précédente nous avons détaillé les éléments de conception et d’implémentation des méthodes de clustering. Cependant, avant d’utiliser l’ensemble météorologique des 4 membres représentatifs, issu du clustering, pour calculer la dispersion atmosphérique, il est important d’évaluer sa qualité. Cette étape intermédiaire est incontournable afin d’évaluer à quel point ces sous-ensembles sont en mesure de représenter au mieux l’incertitude de l’ensemble complet PEARO. Pour ce faire, on utilise deux scores probabilistes classiques : le ratio spread-skill et le CRPS. Étant donné que le vent à 100 m ainsi que le gradient de température représentent les variables prédictives fixées pour le calcul du clustering, et comme nous ne disposons pas de suffisamment d’observations de température, ces deux scores sont calculés par rapport aux mesures ultrasoniques du vent à 100 m fournies par le Sodar déjà utilisé dans le Chapitre 3. On rappelle que cet instrument est installé à proximité du point source (i.e., l’usine Orano La Hague), qui se situe au centre du domaine de calcul de la dispersion atmosphérique. On rappelle aussi que la période d’étude dans ce chapitre est de trois semaines 5.3.1 Diagnostic du spread-skill
La Figure 5.3 montre l’impact du clustering sur la fiabilité de la dispersion des sousensembles construits comparés à un sous-ensemble aléatoire de même taille. La significativité des écarts constatés entre les résultats obtenus entre chaque méthode de clustering et l’ensemble aléatoire a été évaluée à l’aide du test de Wilcoxon. Le test montre que les différences sont toujours significatives. Pour la vitesse du vent, on observe pour toutes les expériences, une forte sous-dispersion, avec une tendance d’augmentation du spread-skill au cours des échéances, et un score moyen autour de 0.6. Cette forte sous-dispersion peut être, en partie, due au fait que le score est calculé sans tenir compte de l’erreur d’observation. Cela entraîne une surestimation de l’incertitude réelle et, sur les courbes spread-skill, une impression de forte sous-dispersion qui n’est peut-être pas si importante en réalité. Cependant, les méthodes de clustering permettent d’améliorer la dispersion des sous-ensembles construits, par rapport au sous-ensemble aléatoire. Par ailleurs, la méthode complete-linkage est légèrement meilleure que les deux autres méthodes dans les 14 premières échéances de prévisions (9–23h), avec une différence du spread-skill maximale, à l’échéance 23h (correspondant à 14h UTC), de ∼0.1 et ∼0.15 par rapport aux autres méthodes de clustering et le sousensemble aléatoire, respectivement. Cependant, la méthode de Ward semble meilleure 156
5.3. Impact du clustering sur les sous-ensembles météorologiques
Figure 5.3 – Évolution du ratio spread-skill, pour la vitesse (en haut) et direction (en bas) du vent à 100 m, des quatre sous-ensembles en fonction des 24 échéances de prévision ([9–32], réseau 15h UTC) utilis
pour construire les ensembles PEARO dédiés au calcul de la dispersion atmosphérique. Les ratios sont calculés sur la période du 07 au 27 janvier 2021, au point source du 85 Kr, superposé au centre du domaine de calcul. dans les dernières 10 échéances (24–32h). De plus, on constate que dans la dernière moitié de l’intervalle des échéances, la courbe de l’expérience K-means reste constamment en dessous des courbes des méthodes hiérarchiques. En ce qui concerne la direction du vent, au contraire de la vitesse du vent, on observe qu’il n’y a pas de sous-dispersion systématique et que le spread-skill oscille autour de la valeur 1. Autrement dit, les sous-ensembles sont soit sous-dispersifs ou sur-dispersifs avec des variations assez fortes. Dans la mesure où il n’y a pas de tendance marquée à la sousdispersion ou à la sur-dispersion, il n’est pas surprenant que les méthodes de clustering aient du mal à apporter une plus-value. La direction du vent est un paramètre très difficile à prévoir et avec une erreur d’observation assez grande (forte sensibilité au terrain). Chapitre 5. Clustering et sélection des scénarios météorologiques pertinents pour la dispersion à courte distance en cas d’accidents nucléaires 5.3.2 Diagnostic du CRPS
Le CRPS fournit une mesure intégrale de la qualité des prévisions d’ensemble. La Figure 5.4 compare les CRPS des trois sous-ensembles du clustering par rapport au sousensemble aléatoire. Pour la vitesse du vent, on observe que pour la méthode K-means, la différence du CRPS oscille autour de la valeur nulle sans aucune différence significative sauf à l’échéance 18h où le sous-ensemble aléatoire est significativement meilleur que celui du clustering, avec une différence du CRPS de 0.4 m.s−1. Ainsi, généralement parlant, on peut dire que l’impact de la méthode K-means n’est pas significative en terme de CRPS pour la vitesse du vent. Cependant, les méthodes hiérarchiques améliorent le CRPS quasiment à toutes les échéances de prévision, avec des améliorations significatives dans la dernière moitié de l’intervalle des échéances. Vu les résultats du ratio spread-skill, une explication de ce dernier résultat peut être, d’un point de vue météorologique, que les probabilités de prévision d’un champ météorologique sous-dispersif sont généralement améliorées lorsque la dispersion de l’ensemble augmente. En revanche, en terme de direction du vent, pour les méthodes hiérarchiques on remarque que dans la première moitié de l’intervalle des échéances les différences du CRPS varient autour de la valeur nulle, avec une performance meilleure de la méthode de Ward. Cependant, dans la deuxième moitié des échéances la qualité des sous-ensembles est dégradée. Pour la méthodes K-means, il apparaît que le sous-ensemble aléatoire est, généralement, meilleure que celui du clustering. En résumé, à partir des deux scores probabilistes du ratio spread-skill et CRPS, on peut conclure que les méthodes du clustering testées sont meilleures pour classifier la vitesse du vent que sa direction. De plus, les méthodes hiérarchiques semblent légèrement meilleures que la méthode K-means.
5.4 Cartes de décision : un outil stratégique pour la gestion des crises nucléaires
L’un des enjeux principaux de cette étude est de synthétiser les résultats scientifiques obtenus, et de les rendre exploitables et lisibles par la communauté non-spécialiste du domaine des sciences de l’atmosphère. Pour cela, on propose de présenter les résultats des simulations de dispersion sous forme de « cartes de décision ».
5.4.1 Création des cartes de décision
On appelle carte de décision une simulation en deux dimensions du panache construit par les différents membres de l’ensemble (ou sous-ensemble) de dispersion PEARO-pX à 158
5.4. Cartes de décision : un outil stratégique pour la gestion des crises nucléaires
Figure 5.4 – Évolution de la différence du CRPS entre chaque sous-ensemble du clustering et le sous ensemble aléatoire, pour la vitesse (en haut) et direction (en bas) du vent à 100 m, en fonction des 24 échéances de prévision ([9–32], réseau 15h UTC) utilisées pour construire les ensembles PEARO dédiés au calcul de la dispersion atmosphérique. Les points indiquent les valeurs qui sont significativement différentes du CRPS du sous-ensemble aléatoire, selon le test de significativité de Wilcoxon. Les valeurs négatives indiquent de meilleurs résultats pour les ensembles issus du clustering. Chapitre 5. Clustering et sélection des scénarios météorologiques pertinents pour la dispers
ion
à
courte
distance en
cas
d’accidents nucléaires un instant
donné
. L’intérêt de ces cartes réside dans le fait qu’elles présentent non seulement les zones de forte probabilité de contamination mais aussi les zones potentiellement exposées au risque (appelées dans la suite les zones de risque). Ces cartes se créent par rapport à un seuil de concentration fixé en amont. Dans la suite de ce chapitre, on reprend le même seuil de concentration du 85 Kr dans l’air que celui utilisé dans les chapitres précédents (1545 Bq.m−3 ), et on rappelle que le domaine de calcul se compose de 24 × 24 points de grille, espacés de 2.5 km. La procédure de création des cartes de décision se divise en deux étapes : — Détermination des zones de risque. Pour déterminer ces zones, on définit dans un premier temps une zone par l’ensemble des points de grille pour lesquels au moins un membre de l’ensemble (ou sous-ensemble) prévoit un dépassement de seuil de concentration du 85 Kr. Ensuite, cette zone est étendue en utilisant la plus petite surface convexe qui entoure les membres du sous-ensemble (Figure 5.5). Ainsi, pour chaque ensemble on associe une zone de risque qui représentera par la suite le paramètre d’évaluation des sous-ensembles vis-à-vis de l’ensemble complet. — Calcul des probabilités de dépassement de seuil de concentration (Figure 5.5–b). Pour chaque point de grille du domaine, on calcule une probabilité totale qui correspond à la somme des probabilités partielles accordées à chacun des membres qui prévoient un dépassement de seuil dans cette maille. On distingue trois cas : (i) le premier cas est celui de l’ensemble complet PEARO-pX où les membres sont équiprobables, et chacun d’eux a une probabilité partielle égale à 1/16. (ii) Le deuxième cas est celui des sous-ensembles issus de clustering, où le nombre de membres contenus dans un cluster prédéfinit la probabilité associée à son membre représentatif. Autrement dit, si un cluster contient n membres alors la probabilité accordée au membre représentatif de ce cluster sera égale à n/16. Enfin, (iii) le troisième cas est celui du sous-ensemble aléatoire où les membres sont considérés équiprobables chacun ayant une probabilité égale à K/16, soit dans notre cas 4/16. 5.4.2 Stratégie d’évaluation des cartes de décision
L’objectif de l’évaluation des cartes de décision est de quantifier la capacité du clustering à sélectionner un nombre de membres PEARO réduit, tout en permettant de détecter les zones à risque au plus proche de ce qui serait fait avec l’utilisation de l’ensemble PEARO complet. On utilise le score FMS (de l’anglais Figure of Merit in Space) qui permet de mesurer le degré de recouvrement spatial (ainsi que de ressemblance) des zones de risque des sous-ensembles par rapport à celle de l’ensemble complet, en calculant le rapport entre leur intersection et leur union (Figure 5.6) à un instant donné. Le score FMS est exprimé en pourcentage, et un sous-ensemble parfait aura un FMS = 100% : 160
5.5. Évaluation des cartes de décision Figure 5.5 – (a) : Délimitation de la zone à risque (en rouge) à partir de l’ensemble PEARO-pX (en gris). (b) : Exemple d’une carte de décision dans la zone d’étude (situation du 10/01/2021 à 07h UTC). La zone à risque est représentée en rouge. Les membres PEARO-pX sont délimités par le contour gris. Les probabilités de dépassement de seuil aux points de grille sont représentées par les niveaux de gris. A B F MS = S A B T (5.9)
Où A et B représentent, respectivement, les zones de risque de l’ensemble complet et du sous-ensemble évalué. Ainsi, le calcul des séries temporelles de l’évolution du FMS pour chaque sous-ensemble permettra à la fois d’évaluer la performance de chaque méthode de clustering par rapport à l’ensemble complet, et de mettre en évidence l’apport des algorithmes de clustering par rapport à une sélection aléatoire des membres PEARO utilisés pour le calcul de la dispersion atmosphérique. 5.5 Évaluation des cartes de décision
Dans la section 5.3, nous avons évalué la qualité des prévisions météorologiques d’ensemble construites par les algorithmes de classification. Ces ensembles réduits ont été, en effet, comparés à un ensemble réduit construit par prélèvement aléatoire de quatre membres PEARO. Dans ce chapitre, les quatre sous-ensembles sont utilisés à l’entrée du modèle de dispersion pX afin de générer une chronologie de cartes de décision au long de la période d’étude. Ces cartes sont ensuite évaluées à l’aide du score FMS.
Chapitre 5. Clustering et sélection des scénarios météorologiques pertinents pour la dispersion à courte distance en cas d’accidents nucléaires
Figure 5.6 – Illustration du calcul du FMS d’un sous-ensemble donné. La zone de risque de l’ensemble complet PEARO-pX est représentée en rouge (A), alors que celle associée au sous-ensemble est représentée en bleu (B). 5.5.1 Sensibilité à la variable prédictive
Comme évoqué dans la section (5.2.3), les deux variables d’intérêt pour classifier les membres PEARO sont soit le vent, avec ses deux coordonnées zonale (U ) et méridionale (V ), ou bien le vent combiné au gradient de température à 100 m (∇T ). La Figure 5.7 compare la pertinence des cartes de décision générées, à partir des sous-ensembles météorologiques issus des algorithmes de clustering, en considérant les deux alternatives de variables prédictives. En premier, ce résultat met en avant la pertinence, en moyenne, des algorithmes du clustering, comparés au sous-échantillonage aléatoire, dans la détection des territoires exposés au risque de contamination, quelle que soit la variable prédictive appliquée. Toutefois, on trouve que la détection des zones de risque est légèrement améliorée dans la configuration utilisant le vent seul comme variable prédictive, avec un FMS moyen autour de 50%. Cette préférence légère est traduite par un abaissement de l’écart entre le FMS moyen des méthodes de clustering et celui du sous-échantillonnage aléatoire, qui va de ∼ 8% en utilisant le vent seul à ∼ 4% en y ajoutant le gradient de température. Cela peut être expliqué par les effets locaux de la zone d’étude qui sont à l’origine de l’existence de vent en permanence (Figure 5.10), ce qui ajoute une prédominance du vent face aux effets thermiques. Par conséquent, dans un contexte opérationnel on peut se contenter d’utiliser uniquement les champs du vent pour partitionner les membres PEARO. Malgré la performance constatée des techniques de clustering, les barres d’incertitude (Figure 5.7) indiquent une variabilité importante de la pertinence des classifications au cours du temps. Pour explorer davantage ce comportement, la Figure 5.8 présente les séries temporelles de la différence du FMS, de chaque méthode de clustering vis-à-vis de 162 5.5.
Évaluation des cartes de décision Figure 5.7 – Boîtes à moustaches représentant les distributions du FMS calculé sur les zones de risque associées à chacun des quatre sous-ensembles testés dans ce chapitre, en considérant le champs du vent seul comme variable prédictive du clustering (a) et le vent combiné au gradient de température à 100 m (b). Le FMS est calculé dans la période 07–27/01/2021. la méthode de référence
. Bien que les méthodes de clustering soient meilleures que la référence pour la plupart des instants, on observe toutefois qu’un simple sous-échantillonnage aléatoire peut obtenir de meilleurs résultats dans un nombre de cas non négligeable. Cela peut être expliqué par la représentativité temporelle du clustering dans la zone d’étude. En effet, l’affectation du résultat du clustering, appliqué sur les données du vent d’un jour entier, à toutes les heures du jour peut être une source d’erreur notable à cause de la grande variabilité du vent dans la zone d’étude (Figure 5.10). Ainsi, l’affinement de la fréquence d’application du clustering pourrait peut-être améliorer la capacité des méthodes de clustering à sélectionner les scénarios météorologiques les plus pertinents pour la dispersion atmosphérique, mais avec un coût de calcul qui augmente linéairement avec la fréquence d’application du clustering. Dans ce manuscrit, un clustering à fréquence plus élevé n’a pas été retenu car l’objectif est d’examiner l’apport des techniques de classification, en gardant un coût de calcul léger afin de permettre de réaliser un grand nombre d’expériences. 5.5.2 Sensibilité aux conditions du vent
En météorologie, un vent faible est le plus souvent corrélé à une forte incertitude quant à sa direction. En conséquence, l’incertitude des simulations de la dispersion atmo
163 Chapitre 5. Clustering et sélection des scénarios météorologiques pertinents pour la dispersion à courte distance en cas d’accidents nucléaires
Figure 5.8 – Évolution temporelle de la différence du FMS entre chacun des trois sousensembles du clustering et le sous-ensemble aléatoire. Les valeurs négatives indiquent une meilleure performance du clustering. La ligne horizontale en pointillé indique la valeur de la différence nulle, où le FMS du sous-ensemble aléatoire est égale à celui du clustering. sphérique en conditions du vent faible augmente. Cette incertitude est traduite dans la réalité par une différence importante des scénarios de dispersion. Autrement dit, dans les conditions du vent faible, les membres de la prévision d’ensemble dispersent le panache selon des directions très différentes, produisant des zones de risque plus larges. Cet effet des conditions du vent sur l’incertitude de l’ensemble de la dispersion est illustré dans la Figure 5.9, qui montre l’existence d’une corrélation négative entre la largeur des zones de risque (associée à l’ensemble complet) et la vitesse du vent, avec un coefficient de détermination R2 = 0.42. Ici on comprend que la largeur de la zone du risque est liée directement à la force du vent, et que l’incertitude de la prévision augmente en conditions du vent faible. Il est aussi intéressant de noter que la dispersion du panache peut être également liée au terme source (données confidentielles dans le cadre de ces travaux de thèse). Autrement dit, lorsque de faibles quantités sont rejetées du 85 Kr, le panache peut ne pas être très dispersé dans l’espace même en cas de situations du vent faible. Cela explique certaines situations de vent faible avec des zones de risque peu étendues sur la Figure 5.9. Afin de comprendre l’effet de la variation du vent sur la pertinence des cartes de décision, on définit de façon indicative et objective, à partir des figures 5.9 et 5.10, trois classes de vent (Tableau 5.3 et Figure 5.10) : (i) [0, 7 m.s−1 ] représentant les conditions du vent faible, (ii) ]7, 12 m.s−1 ] pour les conditions du vent modéré et (iii) ]12, +∞ m.s−1 ] pour les cas du vent fort. Ensuite, dans chacune de ces trois conditions de vent on calcule le score FMS aux instants correspondants (Figure 5.11). Comme attendu, le résultat montre une amélioration importante du FMS moyen dans les cas du vent fort par rapport aux cas du vent faible et modéré. En outre, l’écart entre le FMS moyen des méthodes de clustering 164
5.5
.
Évaluation
des cartes de décision Figure 5.9 – Surface des zones de risque de l’ensemble PEARO-pX en fonction de la vitesse vent à 100 m à la station Orano, dans la période d’étude (07–27/01/2021). La ligne noire représente la droite de régression linéaire, ayant un coefficient de détermination R2 = 0.42. Conditions du vent Vent faible Vent modéré Vent fort Intervalle des valeurs (m.s−1 ) [0, 7[ [7, 12[ [12, +∞[ Nombre de cas 136 153 143
Table 5.3 – Intervalles du vent définis
pour étudier la
sensibil
ité
de la
pertinence
des cartes
de dé
cision
aux conditions du vent
, et le
nombre de cas de chaque situation au cours de la période d’étude et celui du sous-échantillonnage aléatoire et plus marqué dans les situations du vent faible et modéré que dans les situations du vent fort, ce qui veut dire que l’utilisation des algorithmes de classification, pour sélectionner les membres météorologiques
pertinents
pour le calcul de la dispersion,
est plus
intéressant en périodes du vent faible qu’en cas de vent fort.
Pour illustrer ces résultats, les Figures 5.12, 5.13 et 5.14 montrent, respectivement, trois exemples de cartes de décision en situations de vent faible (4.8 m.s−1 ), de vent modéré (8.5 m.s−1 ) et de vent fort (18.3 m.s−1 ). Ces cartes de décision montrent l’intérêt important du clustering, par rapport au sous-échantillonnage aléatoire, dans le cas d’un panache dispersé dans l’espace. Dans le cas d’un vent faible ou modéré, on trouve que le panache est suffisamment dispersé dans l’espace, pour que les méthodes de clustering
Chapitre 5. Clustering et sélection des scénarios météorologiques pertinents pour la dispersion à courte distance en cas d’accidents nucléaires
Figure 5.10 – Série temporelle des observations ultrasoniques du vent à 100 m mesuré par Sodar dans la station Orano, située au centre du domaine de calcul de la dispersion atmosphérique. Les couleurs indiquent les trois intervalles de la vitesse du vent (en m.s−1 ) testés : [0, 7], ]7, 12] et ]12,+∞[. réussissent à sélectionner un ensemble PEARO réduit permettant d’obtenir des zones de risque très proches de l’ensemble complet, avec des valeurs très élevées du score FMS (sauf pour la méthode de Ward dans le cas du vent modéré). Dans ces cas, l’approche aléatoire n’est pas en mesure de capturer la variabilité au sein de l’ensemble complet. Par contre, dans le cas d’un vent fort, on observe que le panache est très peu dispersé. Par conséquent, on obtient presque le même résultat entre méthodes de clustering et sousensemble aléatoire (FMS=82.9% pour le clustering et FMS=81.3% pour l’aléatoire). Cela confirme que, globalement, l’utilisation de l’approche aléatoire dans une telle situation, pour sélectionner les membres météorologiques dédiés à la dispersion atmosphérique, est largement suffisante. Ainsi, ces résultats nous conduisent à proposer deux approches à adapter dans le processus de la gestion de crises nucléaires : (i) la première approche consiste à automatiser le système de classification des membres PEARO, de telle sorte que l’utilisation d’un algorithme de clustering ne soit faite que lorsque le vent est audessous d’un seuil (à fixer), et qu’un sous-échantillonnage aléatoire soit utilisé si le seuil est dépassé. Ce seuil dépendra des particularités géographiques de la zone d’intérêt et du terme source. (ii) La deuxième approche, quant à elle, consiste en l’utilisation des algorithmes de clustering en permanence, sous condition de réduire davantage le nombre de membres dans les cas où le panache est susceptible d’être peu dispersé dans l’espace (sous conditions du vent et du terme source). Ces deux approches sont censées minimiser le coût de calcul de la dispersion, sans dégrader la pertinence du clustering. 166 5.5. Évaluation des cartes de décision
Figure 5.11 – Boîtes à moustaches représentant les distributions du FMS calculé par rapport aux zones de risque associées à chacun des quatre sous-ensembles testés dans ce chapitre, pour les conditions du vent : vent faible (a), vent modéré (b) et vent fort (c).
167 Chapitre 5. Clustering et sélection des scénarios météorologiques pertinents pour la dispersion à courte distance en cas d’accidents nucléaires
Figure 5.12 – Cartes de décisions des quatre sous-ensembles réduits ainsi que l’ensemble complet PEARO-pX, dans la situation du 07/01/2021 à 07h (UTC) où la vitesse du vent à 100 m, mesurée à point source, est égale à 4.8 m.s−1 (vent faible). Les aires rouges représentent les zones de risque tandis que les probabilités de dépassement de seuil de concentration du 85 Kr sont représentées par les niveaux de gris. Figure 5.13 – Même chose que la Figure 5.12, mais pour la situation du 11/01/2021 à 06h (UTC) où le vent à 100 m, mesuré au point source est égale à 8.5 m.s−1 (vent modéré). 168 5.6. Évaluation des sous-ensembles de la dispersion par rapport aux observations radiologiques du 85 Kr Figure 5.14 – Même chose que la Figure 5.12, mais pour la situation du 20/01/2021 à 17h (UTC) où le vent à 100 m, mesuré au point source est égale à 18.3 m.s−1 (vent fort).
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Les activités relationnelles des Associations d'anciens d'élèves : entre solidarités traditionnelles et modernité des réseaux Marie-Pierre Bès1 & Johann Chaulet2 Communication au Congrès de l'Association française de Sociologie Grenoble, Juillet 2011
Introduction : Nombre d'écoles voient dans les associations un levier d'action possible à leurs propres activités, en terme d'aide d'accès à l'emploi (ou aux stages) notamment et de communication. Elles développent alors plusieurs façons de travailler avec les associations : intégrer les anciens aux conseils d'administration, dans les jurys, dans les formations, être en relais avec les services carrières et stage, organiser des événements commémoratifs conjoints, par exemple. Le soutien de l'Ecole peut se manifester de plusieurs manières : locaux, moyens humains et matériels qui traduisent l'importance que l'Ecole accorde à la communauté des anciens. De fait, les Associations les mieux dotées sont ceux où la communauté est le plus mise à contribution par les Ecoles à différentes occasions. De surcroît, le recours récent au financement des formations par dons et par l'entremise de Fondations accroît la nécessité d'une coordination entre les Ecoles et leurs Alumni. L'objectif de la recherche est d'étudier les sociabilités des anciens élèves d'écoles d'ingénieurs et de commerce, qui transitent par ces Associations et de faire une synthèse assez large des activités menées pour entretenir les liens entre anciens. Nous faisons d'abord le constat d'une absence relative de traitement de ces questions par les sociologues : soit, les enquêtes sont datées (Ribeill, 1986), soit elles sont peu documentées sur les Associations (Bourdieu) soit elles s'intéressent spécifiquement aux sociabilités étudiantes ou aux s et traditions de certaines Ecoles (Day, 1991). Les travaux qui portent sur les réseaux de dirigeants ne font pas le lien avec les communautés d'anciens et leurs formes d'organisation. La communication traitera des 3 points suivants : les enjeux des engagements des anciens dans l'Association, le travail d'entretien des liens entre anciens et enfin, un exemple de chaîne relationnelle activée dans le cadre de recherche d'un stage. La partie introductive présente la recherche (matériau et évolution de la problématique) et une typologie des Associations.
1 Enseignant et chercheur au LISST, [email protected] 2 Chercheur CNRS au LISST, [email protected]
1 Matériau, Méthode & Questionnements : • Dans un premier temps, il s'agit de constituer un ensemble de connaissances situées sur les « dispositifs d'objectivation relationnelle » que constituent les carnets d'adresse des anciens élèves d'écoles d'ingénieurs et de commerce. • En arrière-plan, de tester l'hypothèse selon laquelle les dispositifs de sociabilité qui se multiplient aujourd'hui (en ligne notamment) tendent à faire évoluer progressivement la sociabilité des anciens élèves. D'anciens que l'on retrouve, après les avoir éventuellement perdus de vue, grâce à des dispositifs divers, on tend à développer une sociabilité choisie où des liens qui existent à la sortie de l'école se pérennisent ou finissent par disparaître faute d'entretien. D'un capital social à reconstituer, on passerait progressivement vers un capital social à entretenir. Notre démarche pour appréhender le sujet a été d'abord de choisir un point d'entrée : les annuaires et les carnets d'adresses des anciens élèves et de rencontrer les Associations pour comprendre le processus d'élaboration des annuaires et les autres dispositifs relationnels. Les entretiens cherchent donc à cerner les enjeux et les modalités pratiques d'entretien des bases de données de diplômés, l'organisation de l'Association ainsi que son mode de gestion. Au début de l'entretien, quelques questions de contexte général sont abordées : relations avec l'Ecole, nombre de diplômés, nombre d'adhérents, nombre de personnes salariées de l'Association, activités, etc. Enfin, nous avons cherché à rencontrer des anciens diplômés pour comprendre l'usage de cet annuaire « papier » ou en ligne, ou de son « annuaire personnel ». Nous donnons un exemple en fin de communication. Les Associations françaises des anciens rencontrées sont les suivantes : HEC (siège et groupe régional), ESSEC (siège et groupe régional), Polytechnique (siège et groupe régional), ESCT Toulouse, INSA Toulouse, INSA Lyon, EML (Ecole de Management de Lyon), Ecole e Supérieure, ICAM (Ingénieurs Catholiques des Arts & Métiers) à Toulouse. De SKEMA (Ecole de Commerce Sophia Antipolis), nous avons interrogé un professeur de management des réseaux et de L'Ecole des Arts et Métiers, une diplômée. Le matériau collecté est donc de 16 entretiens (19 personnes) avec 3 salariés d'Associations, un professeur, une ancienne élève, 5 anciens et salariés, 9 anciens et bénévoles. Les entretiens sont semi-directifs et suivent une grille précise, ils durent environ 1 heure. Ils sont complétés systématiquement par une visite approfondie du site internet de l'Association et la consultation des Annuaires et revues de l'Association. Parfois, nous avons été mis en copie d'échanges de mails. 3 Dès les premiers entretiens, les questions préliminaires de cadrage (nombre d'adhérents, étendue des moyens, etc.) deviennent essentielles et s'entremêlent dans la compréhension du travail du lien effectué par les Associations. Exemple : « combien avez-vous d'adhérents? » Exemple de réponse : « Extrait d'entretien : « En Midi-Pyrénées on est à peu près 500. 500, làdedans faut faut en enlever euh 300 cent, faut en enlever 150 qui euh ce que j'appelle les perdus de vue, des gens qui mettent pas euh qui sont toujours enregistrés dans la région mais qui ont changé d'adresse sans mettre à jour leurs données, y'en a qui ont manifesté leur désir d'être rayés des listesqui veulent euh stoppent à toute communication, et pis y'en a un certain nombre euh des retraités qui sont toujours pas convaincus, pas plus et pour qui l'association n'est c'est plus rien, quoi! Donc, si vous voulez, çà fait sur 500 çà fait à peu près 150, 350, euh 350 de réactifs ». Cette question du nombre d'adhérents ouvre des questions sociologiques sur les frontières du groupe des diplômés – faut-il inclure les diplômés de Master? -, sur le périmètre de la communauté – qui est dedans? Pour combien de temps? -, sur la déclinaison du sentiment d'appartenance, sur l'utilitarisme moderne des jeunes étudiants et futurs diplômés, sur le rapport à l'Ecole et sur les trajectoires professionnelles. La question des modes d'actualisation des informations sur les anciens s'efface, surtout que les sites de réseaux sociaux semblent assez « éphémères » ou ramenés à des dispositifs techniques banals face à l'épaisseur sociale des Associations d'anciens et à leur histoire. Notre questionnement a donc évolué de la problématique des carnets d'adresse des anciens vers une question plus basique et incontournable : à quoi ça sert une Association d'anciens élèves pour créer des liens entre anciens? Qui fait fonctionner cette Association et dans quels buts? Quels anciens sont prêts à répondre aux sollicitations des autres? Qui peut se servir de ce collectif?
L'Engagement dans la relation d'ancien
Les premiers entretiens réalisés nous permettent de constater que l'engagement des anciens dans la vie de l'Association ou dans ses activités ne va pas de soi ; il est au contraire, aux dires de nombre de responsables, difficile à obtenir. Par ailleurs, cet engagement appelle une forme d'entretien constant et régulier. Tous nos enquêtés évoquent le rôle fondamental de la sociabilité estudiantine et de son dynamisme ainsi que les conditions matérielles de vie quant aux liens qui seront maintenus par la suite. Un engagement associatif et/ou une participation active à la sociabilité de l'école se traduisent souvent par des formes comparables d'engagements
ultérieurs. 4
Pendant la scolarité, les formes d'appartenance plurielles multiplient les réseaux, les groupes et sous-groupes dont les personnes peuvent se sentir membres. Les multiplier permet que les chances de liens pérennes se multiplient également. La comparaison avec les fraternités américaines est intéressante ; en effet, ce sont des formes de labelling parallèles et complémentaires à celui de l'école qui donne une « couche » identitaire supplémentaire (S. Grousset-Charriere, 2010). Il s'agit alors pour l'Association de combiner un maximum de ces formes d'engagement pour accroître les ressorts identitaires auxquels l'Association va pouvoir faire écho et s'appuyer pour construire ou faire perdurer le lien des membres avec elle et entre eux. Concernant la sociabilité des anciens, le rôle et la place de l'Association peut être complexe. En effet, nous faisons le constat que les associations n'apparaissent que peu pertinente dans leur acception « lien pour le lien » ; les responsables se plaignent d'ailleurs des difficultés qu'ils rencontrent à mobiliser les membres et les inciter à adhérer puis à participer aux événements récréatifs ou conviviaux. Il semble que ces activités ne sont que marginalement ce qu'attendent les personnes qui cherchent à entrer en contact ou à entretenir un lien avec les anciens même s'ils peuvent à certaines occasions spécifiques participer à de tels événements par sentiment de loyauté par rapport à l'Ecole et la communauté : les bénévoles évoquent les « efforts particuliers » effectués par les anciens pour participer à certains rituels ou fêtes. Pour intéresser, les événements de sociabilité ou les groupes d'intérêt qui passent par l'association semblent devoir répondre à deux impératifs : un « entre-soi » et une connotation conforme au milieu socioculturel privilégié (club luxe, golf, cigare, intelligentsia économico-politique) et un potentiel concernant des enjeux professionnels ou économiques personnels. Il convient de distinguer deux types de liens : les liens qui perdurent entre anciens qui se sont rencontrés et ont fraternisé pendant leurs études ; les liens entre anciens d'une même Ecole mais qui ne sont pas rencontrés avant de quitter cette dernière. Dans le cas, les personnes sont très certainement restées en contact et l'Association n'a que peu de rôle à jouer dans l'entretien d'un lien qui existe et continue à exister sans elle. Par ailleurs, le fait d'avoir fait la même Ecole ne suffit pas 5 à avoir envie de passer du temps en ensemble ; c'est pourtant sur ce postulat que repose une part importante de l'offre et nombre des sollicitations des associations « conviviales ». La seconde modalité relationnelle nécessite, à l'évidence, davantage l'entremise de l'Association. Des anciens amis peuvent prendre du plaisir à continuer à se côtoyer après la fin de leurs études, il en est tout autrement en ce qui concerne la mise en place d'un lien nouveau qui repose sur des motivations fort différentes. De fait, les personnes qui s'engagent ne le font pas gratuitement ; elles attendent une contrepartie, soit-elle symbolique. L'ESSEC délivre même une carte à ses adhérents leur permettant d'obtenir des réductions en échange de leur cotisation. Extrait d'entretien : « les jeunes qui sortent sont consuméristes, c'est à dire que autant, dans les premières promotions y avait un attachement plus fort à l'école, c'était la phase pionnière, une phase 6 des peu connus, donc besoin des ingénieurs qui sont sortis de se regrouper et puis de valoriser le diplôme, de valoriser l'école, de faire en sorte qu'elle se développe dans les meilleures conditions possibles, donc voilà, y a tout cet esprit des anciens, qui eux ont légué un noyau assez fidèle parmi les anciens. Par contre, parmi les jeunes, quand on leur dit : et bien, est-ce que pourquoi vous ne cotiseriez pas, ou pourquoi vous ne cotisez pas, la question c'est : qu'est-ce que ça me rapporte, quoi! Voilà, c'est à dire qu'il y a plus cet esprit d'appartenance, d'autant que ils ont l'impression, tout du moins dans un premier temps que les réseaux sociaux vont parfaitement leur permettre de rester en contact avec leurs copains ». De fait, même dans les Ecoles d'ingénieurs ou chez les normaliens, les groupes les plus actifs sont les groupes avec une orientation « business » ou « finance » claire, où le relationnel et le réseau joue un rôle important dans la carrière, et ce passé le moment du recrutement où cette dimension peut être plus généralement prise en compte. Extrait d'entretien : « Oui, voilà, mais c'est pour ça que tu viens quand y a des opportunités, quand il y a le Gala, tu viens, parce que du coup, tu vois, tu vas te faire une table ou tu te réserves une table avec que des anciens de ta promo, donc tu vas retrouver, je sais pas, les vingt personnes avec qui t'avais fait ta spécialisation marketing, et tu vois t'es chef de produit chez Danone, donc tu viens le dire que t'es chef de produit chez Danone, tu vois, et puis ceux qui ont pas de boulot ou qu'on un boulot pas bon ils viennent pas, quoi. » La force du réseau et de ceux qui en assurent la coordination et le dynamisme semble donc résider en partie dans la faculté à associer habilement les formes opportunistes d'investissement et l'engagement désintéressé reposant sur les valeurs communes et le plaisir de sociabilités électives, ce que l'on pourrait désigner par « l'appartenance utile ». Les formules axées exclusivement sur l'un ou l'autre de ces versants semblent vouées à l'échec. Le tout opportuniste ne saurait survivre à la faillite morale qui le caractériserait immanquablement, incapable qu'il serait de justifier les investissements individuels selon d'autres logiques, plus générales, que celles du seul intérêt personnel. Les Associations dont le seul but est d'assurer la sociabilité de ses membres peinent visiblement à faire vivre un collectif dont points communs sont insuffisants et les liens antérieurs inexistants. Extrait d'entretien : « ESSEC c'est arrivé petit à petit et puis ça s'est instauré comme une évidence pour moi, ça s'est fait par besoin d'avoir autre chose, en plus du travail, avoir quelque chose de ludique mais qui apporte aussi, enfin voilà, en terme de rencontres, en terme de business aussi, c'est important pour moi, c'était important de trouver quelque chose. 8 Puisqu'elle constitue la « prise » sur la communauté, cette base de données de contact revêt des enjeux stratégiques. Dès lors, on constate que se développent à son égard des attitudes protectionnistes de la part de ceux qui conservent ces données tel un trésor jalousement gardé, qu'ils ne souhaitent en aucun cas partager, même en interne. De la même façon, la question de l'annuaire apparaît comme un lieu où se cristallisent les tensions internes éventuelles (entre les groupes régionaux et les responsables nationaux, entre l'école et les associations) qui dépassent souvent la seule question des coordonnées des membres. Ces questions apparaissent dès lors, dans l'enquête, comme un révélateur de ces tensions. Dans de telles situations, les groupes locaux vont par exemple être amenés à développer des activités parallèles de braconnage, constituant leurs propres fichiers de contacts leur permettant de s'affranchir de l'envahissante tutelle nationale et de gagner en autonomie dans l'organisation de leurs propres activités. Extrait d'entretien : « Nous on a fait la demande, pour avoir une vraie association avec des statuts déposés, et c'est là, ils ne souhaitent pas qu'on se détache. La maison mère ne veut pas donner [les coordonnées des membres]. Donc nous, on leur envoie en fait, quand on a une invitation, si vous voulez on l'envoie là-haut, et eux la re-dispatchent après, pour tous les gens dont ils ont les coordonnées en région. Mais on a pas accès au fichier. Ça c'est un grand débat, justement, pour qu'on ait accès au fichier () on a, nous, créé un fichier sur la région, des gens qu'on voit souvent ». Ce travail de collecte semble bien moins préoccupant lorsque la communauté est vivante et qu'elle s'intègre dans des milieux et secteurs d'activités particulièrement concurrentiels. On peut penser que dans ce cas, les personnes actualisent ellesmêmes ces informations parce qu'ils ont tout intérêt à le faire. Extrait d'entretien : « C'est un gros annuaire, parce qu'en fait les étudiants ils ont intérêt le remplir. Typiquement, on sait que les chasseurs de têtes récupèrent les annuaires, donc les gens ils ont intérêt à être dans l'annuaire, à mettre à jour l'annuaire, les nouveaux postes quand ils changent de boulot et tout ça, parce que c'est leur visibilité sur le marché du travail ». A contrario, il est intéressant de constater que, dans les discours, l'annuaire et la collecte des données constitue une préoccupation centrale de ceux qui peinent à réunir des anciens peu enclins à s'engager par eux-mêmes. Pour les Associations locales, il semble que la mise à jour des informations personnelles soit particulièrement importante dans la mesure où elle permet d'entretenir ou de mettre en place un réservoir de personnes à contacter, qui participeront éventuellement à leurs manifestations, faute de voir l'Association péricliter. Cette activité semble pour certains tendre à devenir une activité à part entière et qui justifie l'existence même de l'Association dans la mesure où nombre d'activités conviviales ne semblent pas 9 attirer les foules ou être en perte de vitesse. Les activités de type amicales sont de moins en moins fédératrices. Les anciens et leur réservoir n'ont pas le même statut dans les différents cas. Ils sont dans les Associations locales un réservoir précieux à entretenir coûte que coûte, au risque de voir disparaître les membres potentiels des événements qui peinent à attirer les foules. De la même façon, localement, lorsque le « vivier » de contacts est moindre, les questions de frontières se trouvent remaniées. Les groupes locaux sont plus enclins à intégrer en leur sein des personnes issues d'Ecoles autres que les leurs mais partageant des préoccupations communes et appartenant au même milieu social. Une sorte d'électivité variable s'opère. Notre interrogation, centrée sur l'annuaire, a été amenée à évoluer de manière relativement importante une fois confrontée aux préoccupations des acteurs. En effet, ce qui semble important n'est pas tant la donnée que son travail. Même si les formes concrètes et effectives prise de contact par les anciens eux-mêmes n'ont pas encore été examinées, il semble que l'annuaire ne suffit pas à créer (le dispositif permettant d'activer) le lien qui appelle une forme d'engagement spécifique et volontaire tel que permettent de le mettre en place des formes de mise en relation reposant sur les personnes, leurs connaissances et compétences relationnelles. Quand l'annuaire ne suffit pas ; les dispositifs experts de mise en relation Le diplôme ou le fait d'être ancien d'une même Ecole ne semble pas réellement suffire à créer la forme d'engagement nécessaire à l'établissement du lien. Pour montrer cela, nous prendrons ci-après le cas des « liens qui servent » comme ceux crées pour l'emploi ou autour de préoccupations professionnelles. Il existe des dispositifs experts de mise en relation entre anciens, qui apparaissent comme une institutionnalisation des relations, qui relèvent sans cela de processus interpersonnels classiques. Deux diplômés se retrouvent engagés dans une relation de confiance, sans se connaître au préalable. Dans une telle situation, l'Association se pose comme un réel intermédiaire, tiers de confiance qui assure le repérage, la collecte des informations et l'appariement des personnes pour lesquelles la relation est à créer. L'ensemble des acteurs s'engage explicitement à participer au dispositif : le mentoré, qui demande de l'aide et des conseils pour sa carrière professionnelle, le mentor qui accepte de lui en donner et l'Association, qui sert d'intermédiaire et d'agence d'appariement. S'ils permettent de mettre en place des formes particulières de confiance, de tels dispositifs reposent sur une confiance qui préexiste à celle-ci. En effet, les membres se reconnaissent des valeurs communes correspondant à ce que l'Ecole à fait d'eux. A noter que la quantité d'informations dont disposent l'Association des diplômés qui a mis en place un tel dispositif est bien plus exhaustive que celles des autres. Pour mettre en place le mentoring, il leur faut disposer d'une base de données (ou d'un stock de connaissance personnel qui ensuite se formalise) riche et complète, et puisque cette base est riche et les connaissances sur les diplômés à jour (et les liens entre ces diplômés et l'Association forts), ils peuvent mettre en place des programmes avancés tel que le mentoring. Par ailleurs, la taille du réseau est trop grande pour faire fonctionner une entraide basée sur la mémoire personnelle des membres de l'Association et donc un dispositif formalisé est indispensable. Contrairement aux dispositifs plus classiques de recherche d'emploi, le mentoring a ceci de spécifique qu'il consiste mobiliser les anciens non pas directement pour leur capacité à les mettre en relation ou à mobiliser leurs réseau et carnets d'adresse personnel mais plutôt leur compétence relationnelle. Il s'agit de partager leur capacité à leur expliquer justement comment s'y prendre pour mobiliser son réseau et en tirer profit. Il s'agit plus d'une fonction de conseil que de mise en relation à proprement parler même si l'on peut imaginer que cela se produit à l'occasion. Extrait d'entretien : « La base du mentoring c'est pas d'ouvrir son carnet d'adresses, la base du mentoring c'est de faire partager son expérience ». C'est peut-être dans une forme intermédiaire entre la médiation impersonnelle traditionnelle et le tout réseau que se situent l'Association et ses services d'aide à l'emploi dans la mesure où elle permet, de par sa structure et son organisation, d'associer à l'étendue de la communauté la personnalisation des liens et des informations, formes de prise de contact du réseau. De fait, les dispositifs associent ces deux composantes. 11.
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Finalement : div u = 0 dans Ωp (t) ∪ Ωf (t) (2.1) Signalons que même si div u = 0 dans Ω, la densité ρ n'est pas globalement uniforme bien que celle-ci le soit dans chacune des deux phases Ωp (t) et Ωf (t). On note ūi la vitesse du centre de masse xi de la i-ème particule : ūi (t) = dxi (t) dt (2.2) Par commodité, on note aussi, pour tout t > 0 et x ∈ Ω : ū(t, x) = ūi (t) si x ∈ Λi (t) 0 sinon Les particules étant en mouvement rigide, la vitesse dans la i-ème particule s'écrit : u(t, x) = ūi (t) + ω i (t) ∧ (x − xi (t)) dans Λi (t) (2.3) 2.1. Modélisation discrète 21 où ω i (t) est le vecteur rotation dans Λi (t). On note : ω i (t) ω(t, x) = 0 si x ∈ Λi (t) sinon Les particules rigides satisfont une condition de non-pénétration Λi (t) ∩ Λj (t) = ∅ ⇐
⇒
|
xj
(
t) − xi (t)| >
2
rp
,
∀
(
i
,
j
),
i
6= j Lorsque les particules sont en contact, ce contact a lieu à l'intersection des bords des deux particules. Il est réduit à un point pour deux particules sphériques, et est noté xi,j (t) : ∅ si |xj (t) − xi (t)| > 2rp ∂Λi (t) ∩ ∂Λj (t) = {xi,j (t)} si |xj (t) − xi (t)| = 2rp Lorsque i = j, on note xi,i ( t) un point quelconque de ∂Λi (t). De même, pour i 6= j et lorsqu'il n'y a pas contact, on désignera par xi,j (t) un point quelconque de ∂Λi (t) ∪ ∂Λj (t). En cas de contact, c'est-à-dire lorsque |xj (t) − xi (t)| = 2rp, on a xi,j (t) = xj,i (t). Pour i 6= j, le vecteur normal sortant n à Λi (t) au point de contact xi,j est donné par xi,j (t) − xi (t) ni,j (t) = (2.4) |xi,j (t) − xi (t)| Lorsque i = j, on définit également ni,i (t) = 0. Les vitesses à la surface de chaque particule au point de contact peuvent être différentes c'est pourquoi on distingue :
ui
,
j (t)
= ūi (t) + ω i (t) ∧ (xi,j (t) − xi (t)) uj,i (t) = ūj (t) + ω j (t) ∧ (xi,j (t) − xj (t))
On définit f c(i,j), la force que la particule i produit sur la particule j par contact. La force de contact est nulle lorsqu'il n'y a pas contact : f c,(i,j) (t) = 0, ∀ (i, j) tels que |xj (t) − xi (t)| > 2rp Lorsque i = j, on définit également f c,(i,i) (t) = 0. Lorsqu'il y a contact, les vitesses et les forces sont liées par deux relations : une condition de type Signorini relie leurs composantes normales : 0 6 f c,(i,j) (t) * ni,j (t) ⊥ (uj,i (t) − ui,j (t)) * ni,j (t) > 0, ∀ (i, j) tels que |xj (t) − xi (t)| = 2rp et l'équation de glissement-frottement de Coulomb relie leurs composantes tangentielles :
si ut,(j,i) (t) − ut,(i,j) (t) = 0 |f tc,(i,j) (t)| 6 μ(f c,(i,j) (t) * ni,j (t)) ut,(j,i) (t) − ut,(i,j) (t) si ut,(j,i) (t) − ut,(i,j) (t) 6= 0 f tc,(i,j) (t) = μ(f c,(i ,j) (t) * ni,j (t)) |ut,(j,i) (t) − ut,(i,j) (t)| (2.5a) (2.5b)
où μ > 0 est le coefficient de friction du modèle de Coulomb. L'équation (2.5a), mentionne une inéquation de type contact unilatéral dont nous rappelons la signification : 0 6 a⊥b > 0 ⇔ a > 0 et b > 0 et ab = 0. Dans (2.5b) on a utilisé les notations suivantes pour les composantes tangentielles de la vitesse relative et de la force : ut,(i,j) (t) = ui,j (t) − (ui,j (t) * ni,j (t))ni,j (t) f tc,(i,j) (t) = f c,(i,j) (t) − (f c,(i,j) (t) * ni,j (t))ni,j (t) Enfin, suivant le principe de l'action et de la réaction, on a : f c,(j,i) (t) = −f c,(i,j) (t). On note g la gravité et σ le tenseur de contrainte de Cauchy. La conservation de la quantité de mouvement dans la phase fluide s'écrit : ∂u ρf + (u * ∇)
u
− div σ =
ρ
f
g dans Ωf (t) (2.6) ∂t
22 Le fluide est supposé newtonien, ce qui s'écrit : σ = −pI + 2η0 D(u) dans Ωf (t) (2.7) où η0 est la viscosité, I = (δα,β )α,β désigne le tenseur identité de R3 et δα,β, le symbole de Kronecker. La conservation de la quantité de mouvement dans la phase solide s'écrit : ∂u ρs + (u * ∇)u − div σ = ρs g dans Ωp (t) (2.8) ∂t Le Lemme 2.1 va permettre d'expliciter le terme div σ. Lemme 2.1 (accélération dans la phase solide). L'accélération dans la i-ème particule s'écrit : ∂u dūi + (u * ∇)u (t, x) = (t) + ω i (t) ⊗ ω i (t) − |ω i (t)|2 I (x − xi (t)) ∂t dt dω i (t) ∧ (x − xi (t)) pour tout (t, x) ∈ ]0, +∞[×Λi (t) + dt et l'accélération totale de la particule est réductible à celle de son centre de masse : Z dūi ∂u + (u * ∇)u (t, x) dx = Λ (t) ∂t dt Λi (t) (2.9a) (2.9b) Preuve. De (2.3), on développe l'expression de la α-ème composante de l'accélération : dωi,β dūi,α dxi,γ ∂uα ∂uα + uβ * (t, x) dx = (t) + εαβγ
(t)(xγ − xi,γ (t)) − εαβγ ωi,β (t) (t) ∂t ∂xβ dt dt dt + ūi,β (t)εαμν ωi,μ δνβ + εβγφ ωi,γ (t)(xφ − xi,φ (t))εαμν ωi,μ δνβ
De (2.2) et du lemme 2.4, par permutation d'indice, les troisième et quatrième termes s'annulent mutuellement. Du lemme 2.4, par combinaison du symbole de Lévi-Civita, le dernier terme s'écrit encore εβγφ εαμν ωi,γ (t)ωi,μ (xφ − xi,φ (t))δνβ = εβγφ εαμβ ωi,γ (t)ωi,μ (xφ − xi,φ (t)) par reduction du symbole de Kronecker = εβαμ εβγφ ωi,γ (t)ωi,μ (xφ − xi,φ (t)) par rotation des indices du symbole de Levi-Civita = (δαγ δμφ − δαφ δμγ ) ωi,γ (t)ωi,μ (xφ − xi,φ (t)) par combinaison des deux symboles de Levi-Civita = ωi,α (t)ωi,μ (xμ − xi,μ (t)) − ωi,γ (t)ωi,γ (xα − xi,α (t)) D'où le résultat (2.9a). On obtient ensuite (2.9b) par intégration sur Λi (t). On utilise alors le lemme 2.3 et relation (2.13a), ce qui a pour effet d'éliminer les termes en x − xi (t). À la traversée de l'interface ∂Ωp (t) entre fluide et solide, la vitesse est supposée continue (condition d'adhérence) et la contrainte σn de part et d'autre de l'interface est également continue :
Z Z N X σ |Ω (t) (t, y))n(y) + ds div σdx = f (t)δ (t, y) x (t) c,(j,i) i,j f Λi ∂Λi j=1 j6=i
En effet, à la frontière des particules s'exercent à la fois la force d'interaction entre le fluide et les particules et les forces ponctuelles de contact, comme indiqué sur la figure 2.2. On déduit de (2.8) et de (2.9b) que le bilan de la conservation de la quantité de mouvement pour une particule quelconque i, 1 6 i 6 N s'écrit : dūi
ρs Λ (t)
= ρs Λg + ∂t Z ∂Λi (t) σ |Ωf (t) (t, y)n ds + N X j=1 j6=i f c,(j,i) (t) (2.10)
2.1. Modélisation discrète 23 xi f c,(j,i) f c,(i,j) xj Figure 2.2 : On remarque que le tenseur σ n'est pas défini dans Ωp (t). En considérant σ |Ωf (t), sa restriction à Ωf (t), la quantité de mouvement peut s'écrire globalement : ρ ∂u + div(u ⊗ u) − div σ |Ωf ∂t = ρg + N X N X f c,(i,j) (t)δxi,j (t) dans R3 i=1 j=1 j6=i Enfin
, toutes les particules étant identiques et sphériques, le moment d'inertie du centre de masse d'une particule, noté Ip, est une constante : Ip = 2ρs Λa2 8πρs a5 = 15 5 (2.11) La conservation du moment cinétique au centre de masse de la i-ème particule s'écrit : Ip
d
ω
i (t) = dt Z y∈∂Λi (t) N X (y − xi (t)) ∧ σ |Ωf (t) (t, y)n(y) ds(y) + (xi,j (t) − xi (t)) ∧ f c,(j,i) (t)(2.12) j=1 j6=i
À la traversée de l'interface entre fluide et solide, on suppose la vitesse u et la composante normale des contraintes σn continues, ce qui s'écrit : [u] = [σn] = 0 sur ]0, +∞[×∂Ωs (t) où [.] désigne le saut à travers l'interface. Ainsi on R obtient le bilan des forces appliquée à la sphère Λi. Celle-ci subit la force exercées par le fluide suspendant ∂Λi σ |Ωf (t) (t, y))n(y)ds et la à force exercée par les autres N X particules en contact f c,(j,i) (t)δxi,j (t) (t, y) j=1 j6=i Remarque 2.2. À partir de (2.7), on peut exprimer explicitement la contrainte normale sur l'interface σn, apparaissant dans (2.10) et (2.12) sur ]0, +∞[×∂Λi (t), en fonction de p et D(u) dans le fluide par : σn|∂Ωs (t) = −p|∂Ωf (t) n + 2η0 D(u|∂Ωf (t) )n Remarquons que si u et σn sont continus à la traversée de l'interface entre fluide et solide, il n'en va pas nécessairement de même du taux de déformation D(u). Dans ce cas, le problème contient cinq inconnues : u et p, définies dans ]0, +∞[×Ωf (t), (ūi, ω i )16i6N et (f c,(i,j) )16i,j6N,i6=j définies dans ]0, +∞[, qui satisfont cinq relations : (2.6) et (2.1) dans ]0, +∞[×Ωf (t) ainsi que (2.10), (2.12) et (2.5) dans ]0, +∞[. Le problème est fermé par des conditions initiales pour u dans Ωf (t) et (ūi, ω i )16i6N ainsi que des conditions aux bords pour u à l'infini, par exemple des conditions de type Dirichlet.
24 2.1.2 Quelques outils techniques
Lemme 2.3 (Éléments de calcul intégral sur la sphère
).
Soit rp > 0 et B la sphère de centre 0 et
de
rayon
rp. On a, pour tous α, β, γ ∈ {1, 2, 3} : Z (2.13a) x dx = 0 4πrp5 Z 15 xα xβ dx = B 0 Z 5 4πrp |x|2 dx = 5 B B Z B si α = β (2.13b) sinon (2.13c) (2.13d) xα xβ xγ dx = 0, ∀ α, β, γ Preuve. Par simple vérification. Lemme 2.4 (notation de Lévi-Civita). On note εαβγ le symbole de Lévi-Civita et ε le pseudo-tenseur d'ordre 3 associé, 1. par définition, pour tous b, c ∈ R3, on a : X b ∧ c = ε : (b ⊗ c) = εαβγ bβ cγ β,γ α 2. rotation d'indice : εαβγ = εγαβ 3. permutation d'indice : εαβγ = −εβαγ 4. Remarque
2.6 (convergence et échelles de tailles).
Le support de K correspond en physique à la notion de volume élémentaire représentatif ou d'échelle mésoscopique. Dans le but de proposer une modélisation continue de la phase granulaire, on suppose rp r0 R, où rp est le rayon des particules et R est une grandeur caractéristique de l'écoulement macroscopique de la suspension. On peut par exemple prendre 2R = diam(Ω). Il y a donc trois échelles de tailles dont deux sont √ √ supposées converger vers zéro. Plus précisément, on pourra poser par exemple rp /r0 = ε et r0 /R = ε, si bien que rp /R = (rp /r0 )(r0 /R) = ε, puis faire tendre ε vers zéro pour obtenir le modèle continu. Définition 2.7 (rayon de coupure). On définit aussi le rayon de coupure de φ, noté ξc tel que Z Z ξc φ(ξ) ξ 2 dξ = 4π 4π 0 φ(ξ) ξ 2 dξ ξc Ainsi, le rayon de coupure de K est rc = ξc r0 et vérifie : Z Z K(x) dx = {
|x|<rc
} +∞
K
(x) d
x
{
|x|
>rc } Définition 2.8 (noyau discontinu). On considère la fonction φc définie pour tout ξ ∈ R par Jackson (2000) : 3 si ξ < 1 4π φc (ξ) = 0 sinon 1 dont le rayon de coupure est ξc = 2− 3. Le noyau discontinu a été introduit par Jackson (2000). Il a l'inconvénient de ne pas être régulier, en particulier il n'est pas dérivable ni développable en série de Taylor. Pour cette raison, on préférera remplacer ce noyau par des fonctions C ∞ à support compact. On définit une famille de noyaux régularisés afin de faire des développements asymptotiques d'équations moyennées. Définition 2.9 (noyau C ∞ ). On considère la famille de
fonction φα
définie
pour tout ξ
∈
R
par Johnson
(2015)
,
(
voir
Fig.
2.3) : −α si |ξ| < 1 c exp 1 − ξ2 φα (ξ) = 0 sinon 26 exp −α/ 1 − ξ 2 1 0.5 α = 10−2 α = 10−1 α=1 0 0 1 ξ
Figure 2.3 : Noyau C ∞ à support compact. où α > 0 est un paramètre fixé, indépendant de rp et r0. La constante c de normalisation est donnée par : c= 4π Z 1 exp 0 −α 1 − ξ2 ξ 2 dξ −1 Le rayon de coupure ξc est caractérisé par la relation : Z ξc 2 φ(ξ) ξ dξ = 0 Z 1 φ(ξ) ξ 2 dξ ξc Proposition 2.10 (convergence des moyennes définies pour les deux types de noyaux). La moyenne calculée à partir du noyau C ∞ à support compact diffère de celle calculée avec le noyau discontinu √ d'un terme en O( α). Preuve. Ici φ désigne la fonction associée au noyau C ∞. Remarquons que pour ξ = (1 − √ φ(ξ) = exp (− α). Aussi, il vient : =⇒ √ 1 α) 2 on a Z 1 √ √ 12 1 − α exp − α 6 φ(ξ) dξ 6 1 0 Z 1 √ 1− φ(ξ) dξ = O( α) 0 De plus Z 1
Z
1 0
6
(1
−
φ(ξ))
ξ
2 dξ 6 (1 − φ(ξ)) d
ξ
0 0
Z
1
√
=⇒
(1 − φ
(
ξ)) ξ 2 dξ = O( α) 0 Pour toute fonction f bornée, la différence entre la moyenne calculée à partir du noyau discontinu et celle 2.2. Outils permettant de construire un modèle continu 27 calculée à partir du noyau continu est :
Z 1 f (ξ)ξ 2 dξ 0 = 6 6 = Z Z 1 2 ξ dξ − Z f (ξ)φ(ξ)ξ 2 dξ 0 0 1 1 Z 1 φ(ξ)ξ 2 dξ 0 Z f (ξ)ξ 2 dξ 1 f (ξ)φ(ξ)ξ 2 dξ 0 0 − Z 1 Z 1 √ 2 ξ dξ (1 + O( α)) ξ 2 dξ 0 0 Z 1 Z 1 √ 2 φ(ξ)ξ 2 dξ ξ dξ − (1 + α) 0 0 kf k∞ Z 1 ξ 2 dξ 0 Z 1 √ kf k∞ (1 − φ(ξ)) ξ 2 dξ + O( α) Z 1 0 ξ 2 dξ 0 √ O( α) d'après ce qui précède
Cette proposition est donnée pour situer la présente dérivation par rapport à celle proposée par Jackson (2000) qui utilise le noyau discontinu pour définir ses moyennes. Avec le noyau discontinu, les développements asymptotiques qui vont suivre ne peuvent pas être justifiés, c'est pourquoi nous proposons de nous placer dans un cadre différent de celui exposé dans (Jackson, ). Dans ce but, nous fixons α = 1 et notons φ = φ1. La convergence de la fonction convolée f ∗ φα vers la fonction convolée f ∗ φc lorsque α tend vers 0 ne sera pas étudiée plus en détail ici. On rappelle que la fonction φc présentée à la définition 2.8 permet de construire le noyau discontinu utilisé par Jackson (2000). La question de savoir si les fonctions moyennées définies dans (Jackson, 2000) peuvent être vues comme limites des fonctions moyennées présentées ici ne sera donc pas abordée. Remarque 2.11 (développement de Taylor du noyau). Dans la suite, on va utiliser des développements de Taylor à l'ordre deux de K. Pour tout x, y ∈ R3, on a : K(x − y) = K
(x − xi (t)) − (y − xi (t)) * ∇K(x − xi (t)) 1 + (y − xi (t)) ⊗ (y − xi (t)) : (∇ ⊗ ∇)K(x − xi (t)) + O 2 r0−3 |y − xi (t)|
r0 3
!
(2.14) où les fonctions O ne dépendent que de φ et de ses dérivées et sont indépendantes de r0. En effet, le noyau est en r0−3 et chaque dérivée du noyau fait apparaître un r0−1. Nous avons noté le Hessien de K : (∇ ⊗ ∇)K = 2.2.2 ∂K ∂xα ∂xβ α,β Fonctions d'état Définition 2.12 (fraction volumique de
la
phase
solid
e
). La fraction volumique φ : ]0; +∞[×Ω → R3 est définie comme la convolution de la fonction indicatrice de la phase solide par le noyau régularisant : Z φ(t, x) = IΩp (t) ∗ K = K(x − y) dy Ωp (t) 28 Remarquons que la fraction volumique de la phase fluide est donnée par Z K(x − y) dy 1 − φ(t, x) = Ωf (t) Définition 2.13 (densité du nombre de particules). La fonction ν : ]0; +∞[×Ω → R3 désigne le nombre de particules dont le centre est échantillonné par le noyau K N X ν(t, x) = K(x − xi (t)) i=1 Proposition 2.14 (relation entre φ et ν). La fonction φ est un produit de convolution alors que la fonction ν est une somme discrète . Ces deux quantités n'ont aucune raison d'être égales. Cependant elles permettent toutes les deux de quantifier la proportion de particules dans le mélange, c'est pourquoi nous effectuons le développement asymptotique suivant : 2!
rp φ(x) = Λν + O r0
Preuve. Si on considère le développement de Taylor à l'ordre deux (2.14) et en effectuant une intégration sur Λi (t), on obtient, après calculs des intégrales sur la boule B de centre 0 et de rayon rp :
Z Z Z K(y − x) dy = K(x − xi (t)) dy + ∇K(x − xi (t)) * y dy y∈Λi (t) y∈B y∈B Z Z 1 3 −6 y ⊗ y dy + O rp r0 dy + (∇ ⊗ ∇)K(x − xi (t)) : 2 y∈B y∈B 6! rp2 Λ rp = ΛK(x − xi (t)) + ∆K(x − xi (t)) + O (2.15) 10 r0 5! rp = ΛK(x − xi (t)) + O r0
où les fonctions O ne dépendent que de φ et de ses dérivées et sont indépendantes de r0. Il s'agit ici de sommer cette approximation à l'échelle de la particule. A partir du développement précédent, il vient : N Z X φ(t, x) = K(x − y) dy i=1 y∈Λi (t) = Λν(t, x) + N X i=1 O rp r0 5! Une difficulté à contourner est que N est grand. Cependant, le nombre maximal de particules contenues dans le support de K est majoré, dans le cas d'une compaction maximale des particules, par le rapport du volume du support de K par celui d'une particule, soit (r0 /rp )3. On en déduit le résultat : 2!
rp φ(t, x) = Λν(t, x) + O (2.16) r0 2.2.3
Moyennes
Le but est ici de définir rigoureusement comment calculer des moyennes à l'échelle mésosco pique et montrer comment les dériver en temps et en espace. Ces opérateurs de moyenne ont pour vocation d'être appliqués à des vitesses, des contraintes ou à des moments afin de construire un système de lois de conservation à l'échelle mésoscopique.
2.2. Outils permettant de construire un modèle continu
29 Proposition 2.15 (convergence de la moyenne selon r0 ). Avec le choix du noyau C ∞ donné par la définition 2.9, nous sommes en mesure de construire des suites régularisantes : pour toute fonction continue f : R3 → R, la convolution f ∗ K est une fonction régulière à r0 fixé. La suite régularisante f ∗ K définie pour tout r0 > 0 converge, lorsque r0 tend vers zéro, vers f, uniformément sur tout ensemble compact de R3. (2.17) lim f ∗ K = f r0 →0 En particulier, lorsque f = δ0 est la mesure de Dirac en zéro, on a : lim K = δ0 r0 →0 la limite étant comprise au sens des distributions. Preuve. Voir (Brezis, 2011, p. 108). Définition 2.16 (moyennes). Pour toute fonction ξ :]0; +∞[×Ω → R, on définit : • la moyenne volumique hξi(t, x) = (ξ ∗ K)(t, x) = Z Ω ξ(t, y)K(x − y) dy • la moyenne dans la phase solide : Z 1 ξ(t, y) K(x − y) dy si φ(t, x) 6= 0 φ(t, x) Ωp (t) hξis (t, x) = 0 sinon • la moyenne dans la phase fluide : Z 1 ξ(t, y) K(x − y) dy si φ(t, x) 6= 1 1 − φ(t, x) Ωf (t) hξif (t, x) = 0 sinon • la moyenne massique hξim (t, x) = ρs φ(t, x)hξis (t, x) + ρf (1 − φ(t, x))hξif (t, x) ρm (t, x) où ρm (t, x) = ρs
φ
(t, x) +
ρ
f (1 −
φ
(t,
x
)) Définition 2.17 (m
oyenne
particulaire). Soit ξ(t, x) une fonction défini
e
dans
]
0;
+∞
[×Ωp (t) et constante dans chaque particule : ξ(t, x) = N X ξi (t)1Λi (t) (x) i=1 alors sa moyenne particulaire est définie par N 1 X ξi K(x − xi (t)) si ν(t, x) 6= 0 ν(t, x) i=1 hξip (t, x) = 0 sinon 30 Remarque 2.18 (relations entre les moyennes). Les moyennes h*is et h*if s'additionnent pour donner des moyennes sur le mélange. En revanche du fait de sa définition discrète la moyenne h*ip ne peut être exprimée en fonction des autres de manière exacte.
hξi = φhξis + (1 − φ)hξif ρm hξim = ρs φhξis + ρf (1 − φ)hξif hξip 6= hξis
Lemme 2.19 (moyennes en phase solide et en phase fluide d'une dérivée en espace). Pour toute fonction ξ : ]0, +∞[×Ω → R, C 1 en espace, pour tout α ∈ {1, 2, 3}, Z ∂ξ ∂ φ(t, x) ξ(t, y) K(x − y) nα (t, y) ds(y) {φ(t, x) h
ξ
is (t,
x)} + (t, x)
=
∂xα s ∂xα ∂Ωp
(t
)
Z
∂ξ
∂ (1
−
φ(t, x)) ξ(t, y) K(x −
y)
n
α
(
t
,
y) ds
(
y) {
(1
−
φ
(t, x)) hξif (
t
, x
)}
−
(
t, x) =
∂xα f ∂x
α ∂Ωf (t) où nα est la αeme composante de la normale n. Preuve. Pour toute fonction ξ : ]0, +∞[×Ω → R, C 1 en espace, pour tout α ∈ {1, 2, 3}, Z Z ∂ ∂K ξ(t, y)K(x −
y) dy =
ξ(t
,
y) (x − y) dy ∂xα Ωf (t) ∂x α Ωf (t) Z ∂ {K(x − y)} dy = − ξ(t, y) ∂yα Ωf (t) Z Z ∂ = {ξ(t, y)} K(x − y) dy − ξ(y)K(x − y)(−nα (t, y)) ds(y) Ωf (t) ∂yα ∂Ωf (t)
La démonstration pour la phase solide est similaire. Lemme 2.20 (moyennes en phases solide et en phase fluide d'une dérivée en temps). Pour toute fonction ξ :]0, +∞[×Ω → R, C 1 en temps : Z ∂ ∂ξ (t, x) = φ(t,
x) {φ(t, x) hξis (t, x)} − ξ(t, y) K(x − y) u(t, y) * n(t, y) ds(y) ∂t s ∂t ∂Ωp (t) Z ∂ξ ∂ (1 − φ(t, x)) (t, x) = {(1 − φ(t, x)) hξif (t, x)} + ξ(t, y) K(x − y) u(t, y) * n(t, y) ds(y) ∂t f ∂t ∂Ωf (t) Preuve.
Pour tout
e
fonction ξ :
]0, +∞[×Ω → R,
C
1 en temps
: Z Z Z ∂ ∂ξ ξ
(
t,
y
) K(x − y) dy =
(t, y)
K(x
−
y) dy + ξ(t, y) K(x − y) u * (−n(y)) ds(y) ∂t Ωf (t) Ωf (t) ∂t ∂Ωf (t) La démonstration pour la phase solide est similaire. Lemme 2.21 (moyenne particulaire d'une dérivée temporelle). Pour toute fonction ξ :]0, +∞[×Ω → R, C 1 en temps : ν(t, x) ∂ξ ∂t N (t, x) = p X ∂ {ν(t, x) hξip (t, x)} + ξi (t) ūi (t) * ∇K(x − xi (t)) ∂t i=1 Preuve. 2.3.1 Proposition 2.22 (conservation de la masse).
Avec les notations définies aux sous-sections 2.2.2 et 2.2.3, nous écrivons ici la conservation de la masse dans les phases solide et liquide. On rappelle que les vitesses moyennes huis et huil désignent respectivement la vitesse de la phase granulaire et celle de la phase fluide, alors que huip désigne la vitesse moyenne des centres de masse des particules.
∂φ + div (φhuis ) = 0 ∂t (2.18a) ∂ (1 − φ) + div ((1 − φ)huif ) = 0 ∂t ∂ν + div (νhuip ) = 0 ∂t
(
2.18b
) (2.18c) Preuve. On applique le lemme 2.20 avec ξ = 1 et le lemme 2.19 avec ξ = uα pour α ∈ {1, 2, 3} : Z ∂(1 − φ) (t, x) = − K(x − y) u(t, y) * n(t, y) ds(y) ∂t ∂Ωf (t)! Z ∂uα ∂ K(x − y) uα nα (t, y) ds(y) (1 − φ) (t, x) = {(1 − φ) huα if } (t, x) − ∂xα f ∂xα ∂Ωf (t) En sommant, on obtient :
∂(1 − φ) + div ((1 − φ)huif ) = (1 − φ) hdiv uif
∂t La relation d'incompressibilité (2.1) permet d'obtenir (2.18b). Remarquons que (2.18a) s'obtient de façon similaire. Pour obtenir le résultat (2.18c) dans la phase particulaire, on applique le lemme 2.21 avec ξ = 1 : N 0= X ∂ν (t, x) + ūi (t) * ∇K(x − xi (t)) ∂t i
=1
On obtient (2.18c) en remarquant que, pour tout i, on a :
ūi (t) * ∇K(x − xi (t)) = div {K(x − xi (t)) ūi (t)}
2.3.2 Conservation de la quantité de mouvement – première version
Proposition 2.23 (conservation de la quantité de mouvement – version initiale). Avec les notations définies aux sous-sections 2.2.2 et 2.2.3, on présente ici respectivement, la conservation de 32 la quantité de mouvement moyennée du mélange, la conservation de la quantité de mouvement moyennée de la phase fluide et la moyenne particulaire effectuée sur la conservation de la quantité de mouvement d'une particule. ρf ∂ (ρm huim ) + div (ρm hu ⊗ uim ) − ρm g − hdiv σi = 0 ∂t ∂ ((1 − φ)huif ) + div ((1 − φ)hu ⊗ uif ) − div ((1 − φ)hσif ) ∂t Z σ(t, y) n(t, y) K(x − y) ds(y) = 0 −(1 − φ)ρf g + (2.19b) ∂Ωf (t) ∂ ρs Λ (νhūip ) + div (νhū ⊗ ūip ) − ρs Λνg ∂t Z N N X X = 0 − K(x − xi (t)) σ(t, y) n(t, y) ds(y) + f c,(i,j) ∂Λi (t) i=1 (2.19a) (2.19c) j=1 i6=j
Remarque 2.24 (redondance des trois conservations du mouvement). Si aucune approximation n'était effectuée, on aurait ici trois équations indépendantes. Cela étant, les développements asymptotiques qui!vont suivre conduisent à exprimer (2.19a) à partir de (2.19b) et (2.19c), via rp2. Il ne restera donc que deux équations indépendantes, voir (Jackson, 1997), une approximation en O R2 page 2463. Cela rejoint l'intuition qu'il suffit de deux vitesses et non de trois pour résoudre un problème diphasique. Rappelons que ces équations sont issues de la conservation de la quantité de mouvement via les trois moyennes h.i, h.if, et h.ip. Pour dériver un modèle rhéologique de la suspension, on préfère généralement garder la conservation de la masse du mélange (2.19a). On la complète ensuite avec une des deux autres équations. A noter aussi que l'équation (2.19a) fait appel à l'opérateur de moyenne h.is via les moyennes h.i et h.im. Nous allons éliminer l'opérateur h.is, notamment au lemme 2.34. Preuve. de la proposition 2.23. Pour obtenir (2.19b), on commence par moyenner chaque terme de la conservation de la quantité de mouvement de la phase liquide (2.6) en utilisant les lemmes 2.19 et 2.20 : (1 − φ) ∂u
α
∂
t
= f (1 − φ)hdiv(uα u)if (1 − φ)hdiv σif ∂ {(1 − φ)huα if } + ∂t Z ∂Ωf (t) = div {(1 − φ)h(uα u)if } − = div {(1 − φ)hσif } − Z Z uα (t, y) K(x − y) u(t, y) * n(t, y) ds(y) (2.20a) ∂Ωf (t) ∂Ωf (t) (uα u)(t, y) * n(t, y) K(x − y) ds(y) (2.20b) σ(t, y)n(t, y) K(x − y) ds(y) (2.20c)
Pour obtenir (2.20b), on a sommé trois relations du type du lemme 2.19. On obtient le résultat (2.19b) en considérant des versions vectorielles de (2.20b). Pour obtenir (2.19a), la procédure est similaire : on commence par écrire la quantité de mouvemement dans chaque particule prise comme un milieu continu. En fusionant (2.6) et (2.8), on peut écrire : ρ ∂u + div(u ⊗ u) − div σ = ρg dans Ωf (t) ∪ Ωs (t) ∂t 2.3.
Équations de conservation 33
La moyenne volumique du premier terme du membre de gauche donne successivement : ∂u ρ ∂t = = = = = ∂u ∂u φ ρ + (1 − φ) ρ d'après la remarque 2.18 ∂t s ∂t f ∂u ∂u + ρf (1 − φ)
ρs φ ∂t s ∂t f ∂ ∂ ρs (φ huis ) + ρf (1 − φ) huif d'après le lemme 2.20 ∂t ∂t ∂ ρs φ huis + ρf (1 − φ) huif ∂t ∂ (ρm huim ) ∂t
De façon similaire, le second terme du membre de gauche s'écrit :
hρdiv(u ⊗ u
)
i
= div (ρm hu ⊗ uim ) En regroupant ces termes, on obtient (2.19a). Enfin, pour obtenir le résultat (2.19c), on effectue une moyenne particulaire de la conservation de la quantité de mouvement pour une particule (2.10) en considérant que toutes les particules sont identiques, de volume Λ. On transforme ensuite la moyenne de l'accélération : ν
dūα
dt N = p X ∂ {νhūα ip } + ūi,α (t) ūi (t) * ∇K(x − xi (t)) ∂t i=1 Remarque 2.25
(
développements asympto
tiques
en taille de particule). 2.3.3 Notations additionnelles
Par commodité, on introduit une nouvelle notation : pour tout tenseur d'ordre trois A = (Aαβγ ), on définit div(3) A comme étant le tenseur d'ordre deux de composante : (div(3) A)αβ = 3 X ∂Aαβγ γ=1 ∂xγ Remarquons que (div div(3) A)α = X ∂Aαβγ ∂xβ ∂xγ β,γ Pour tout B = (Bβγ ) tenseur d'ordre 2, on note (A : B) le produit doublement contracté de A et B, de composante : X (A : B)α = Aαβγ Bβγ β,γ 34
2.3.4 Moments
Dé
finition
2.26 (moments sur une particule). Pour toute surface sphérique S et toute fonction f définie sur S, on définit les moments : Z f (y) ds(y) m0,S (f ) = ZS f (y) n(y) ds(y) m1,S (f ) = S Z f (y) n(y) ⊗ n(y) ds(y) m2,S (f ) = S! Z k O mk,S (f ) = f (y) n(y) ds(y), k > 0 S s=1 De même, pour tout champ de vecteur f de composantes fα, 1 6 α 6 3, on définit le moment dont chaque ligne est constituée du moment de chaque composante : mk,S (f ) = (mk,S (fα ))16α63, k ∈ {0, 1, 2, 3} Par extension, on notera également de façon similaire la somme sur toutes les particules d'un moment : mk,∂Ωp (t) (f ) = n X i=1 mk,∂Λi (t) (f ), k ∈ {0, 1, 2, 3} Lemme
2.27
(d
éveloppement
en moment sur une particul
e
).
Supposons
f
développable
en
série
d'harmon
iques sphériques sur toute particule Λi (t), 1 6 i 6 N, de rayon rp (voir Arfken (2005, p. 786), section 12.6 et le lemme 2.33). Alors on a : ( Z N X f (t, y) K(x − y) ds(y) = m0,∂
Λ
i (t) (f )
K(x − xi
(
t)) − r
p m1,
∂Λ
i (t) (f )
*
∇K(x
−
xi (t))
∂Ωs
(
t) i
=1
)
r
p
2 +
m
2
,
∂Λi (t) (f
) :
(∇ ⊗ ∇)K(x − xi (t)) 2! 3 rp −1 +O r0 r
0 Preuve. Le développement en série d'harmoniques sphériques (voir Arfken (2005, p. Si on choisit y ∈ ∂Λi (t) dans (2.14), remarquant que y − xi (t) = rp n(t, y), on obtient :
rp2 K(x − y) = K(x − xi (t)) − rp n(t, y) * ∇K(x − xi (t)) + (n ⊗ n)(t, y) : (∇ ⊗ ∇)K(x − xi (t)) 2 3 rp − (n ⊗ n ⊗ n)(t, y) : (∇ ⊗ ∇ ⊗ ∇)K(x − xi (t)) + O rp4 r0−7 6
Le facteur en r0−7 provient de quatre dérivations en espace, qui font chacune apparaitre un facteur en r0−1 et du noyau K qui contient un facteur r0−3. Avec meas(∂Λi (t)) = 4πrp2, on obtient de ce qui précède :
Z Λi (t) f (y) K(x − y) ds(y) = m0 (f )K(x − xi (t)) − rp m1 (f ) * ∇K(x − xi (t)) rp2 m2 (f ) : (∇ ⊗ ∇)K(x − xi (t)) 2 rp3. − m3 (f )(∇ ⊗ ∇ ⊗ ∇)K(x − xi (t)) + O rp6 r0−7 6 = m0 (f )K(x − xi (t)) − rp m1 (f ) * ∇K(x − xi (t)) rp2 + m2 (f ) : (∇ ⊗ ∇)K(x − xi (t)) 2 (! ) X rp3. − rp m3,S (Y1,m )f1,m + O rp3 (∇ ⊗ ∇ ⊗ ∇)K(x − xi (t)) 6 −16m61 6 −7 + O rp r0 +
La dérivée troisième de K fait apparaitre un facteur r0−6 et le quatrième terme est donc en O rp4 r0−6. Le cinquième terme O rp4 r0−7 est donc dominant : il est issu du terme d'ordre quatre du développement de Taylor de K. On somme sur les particules présentes dans le support de K, dont le nombre est majoré par r03 rp−3. On obtient O rp3 r0−4.
2.3.5 Forces à la surface des particules
Définition 2.28 (résultantes des forces et moments hydrodynamiques sur les particules). On désigne la résultante des forces exercées par le fluide sur une particule ainsi que ses moments d'ordre 1 36 et 2 par f l (t,
x
) =
τ l
(
t, x) = Z
∂Λi (t) Z r p σ
(
t
,
y) n(t, y) ds(y) si x ∈ Λi (t) 0 ∂Λi (t) sinon {σ(t, y)n(t, y)} ⊗ n(t, y) ds(y) si x ∈ Λi (t)
0
sinon 2Z
rp
{σ(t, y)n(t, y)} ⊗ n(t, y) ⊗ n(t, y) ds(y) si x ∈ Λi (t) 2 ∂Λi (t) Tl (t, x) = 0 sinon Remarquons que ces forces et moments résultants sont constants pour tout x ∈ Λi (t). En particulier, on a f l (t, x) = f l (t, xi (t)) et τ l (t, x) = τ l (t, xi (t)), pour tout x ∈ Λi (t). Définition 2.29 (résultantes des forces et moments de contacts sur les particules). On désigne la résultante des forces exercées par contact sur une particule ainsi que ses moments d'ordre 1 et 2 par
f c (t, x) = τ c (t, x) = N X f c,(j,i) (t) si x ∈ Λi (t) j=1 j6=i 0 sinon N X rp f c,(j,i) (t) ⊗ ni,j (t) si x ∈ Λi (t) j=1 j6=i 0 sinon N rp2 X f c,(j,i) (t) ⊗ ni,j (t) ⊗ ni,j (t) si x ∈ Λi (t) 2 Tc (t, x) = j=1 j6=i 0 sinon De même, ces forces et moments résultants sont constants pour tout x ∈ Λi (t). Remarque 2.30 (nouvelle expression des résultantes).
2.3. Équations de conservation 37
On peut reformuler les définitions 2.28 et 2.29 avec les notations de la définition 2.26 :
f l (t, x) = N X m0,∂Λi (t) (σn) 1Λi (t) (x) i=1 f c (t, x) = N X i=1 τ l (t, x) = rp N X m0,∂Λi (t) f c,(j,i) (t)δxi,j (t) 1Λi (t) (x) j=1 i6=j N X m1,∂Λi (t) (σn) 1Λi (t) (x) i=1 τ c (t, x) = rp N X i=1 Tl (t, x) = Tc (t, x) = N X m1,∂Λi (t) j=1 i6=j f c,(j,i) (t)δxi,j (t) 1Λi (t) (x) N rp2 X m2,∂Λi (t) (σn) 1Λi (t) (x) 2 i=1 N N X rp2 X 1Λ (t) (x) m2,∂Λi (t) f (t)δ x (t) c,(j,i) i,j i 2 i=1 j=1 i6=j
Avec ces notations, le membre de droite de (2.19c) s'écrit simplement νhf l + f c ip. Le lemme suivant donne une expression du membre de droite de (2.19b). Lemme 2.31 (force hydrodynamique à la surface des particules). Le membre de droite de (2.19b) admet l'approximation suivante :
Z ∂Ω
(t) σ(t, y)n(t, y) K(x − y) ds(y) = νhf l ip − div νhτ l ip − div (3) (νhTl ip ) + O rp r0 3 r0−1! Preuve. Ce résultat découle simplement de l'application du lemme 2.27 avec pour f chaque composante du vecteur σn ainsi que de l'utilisation des notations précédentes pour les résultantes des forces et des moments. Lemme 2.32 (force de contact à la surface des particules). Le terme νhf c ip dans l'équation (2.19c), correspondant à la moyenne des forces de contact admet le developpement suivant : 0 = νhf c ip − div νhτ c ip − div (3) (νhTc ip ) + O rp r0 3 r0−1! Preuve. Remarquons que xi,j (t) = xj,i (t) tandis que le principe de l'action et de la réaction donne f c,(i,j) (t) = −f c,(j,i) (t). Pour 1. : Voir (Müller, 1966) et (Kalf et al., 1995). Pour 2. : L'étude de la convergence de la série est une application de résultats de convergence sur les sommes de Césaro, voir (Bonami et Clerc, 1973), (Lin et Wang, 2004) et (Dai et Wang, 2008).
2.3.6 Cinétique particule par particule
On a présenté dans le paragraphe 2.3.5 des approximations des interactions entre les particules d'une part et entre les phases d'autre part. Cela va permettre d'écrire différemment les membres de droite de (2.19b) et de (2.19c). Nous nous occupons maintenant du terme hdiv σi dans (2.19a). Nous commençons par φhdiv σis qui représente la moyenne dans la phase solide des forces internes exercées div σ sur la particule par le fluide, avant de passer au terme complet hdiv σi. Par la suite, on notera I la matrice identité. Lemme 2.34 (moyenne en phase solide des forces internes). rp2 φhdiv σis = νhf l + f c ip + ∆ (νhf l + f c ip ) * 10 + 2 T T rp τl − τl τc − τc +O + + ρs Λ ω ⊗ ω − |ω|2 I − div ν 2 2 5 p rp r0 3! 2.3. quations de conservation 39
Preuve. Par définition de la moyenne dans la phase solide, il vient :
φhdiv σis (t, x) N Z X = div σ(t, y) K(y − x) dy i=1 y∈Λi (t) Z N X ∂u + (u.∇)u (t, y) − g K(y − x) dy en utilisant (2.8) ∂t y∈Λi (t) i=1 Z N X dūi (t) − g K(y − x) dy (2.21) = ρs dt y∈Λi (t) i=1 N Z X dω i 2 + (t) ∧ (y − xi (t)) K(y − x) dy ω i (t) ⊗ ω i (t) − |ω i (t)| I (y − xi (t)) + dt y∈Λi (t) = ρs i=1 en utilisant (2.9a)
Il s'agit d'une somme sur les N particules. Étudions la contribution de la i-ème particule et analysons tout d'abord le premier terme du membre de droite de (2.21). Le bilan de la conservation de la quantité de mouvement dans chaque particule (2.10) s'écrit encore : ρs Λ dūi (t)
− g dt = f l (t, xi (t)) + f c (t, xi (t
)) La contribution de la i-ème particule au premier terme du membre de droite de (2.21) s'écrit encore :
ρ
s
Λ dūi (t) − g dt (Z y∈Λi (t) K(y − x) dy + O rp r0 6!)! rp2 = (f l + f c )(t, xi (t)) ΛK(x − xi (t)) + Λ∆K(x − xi (t)) en utilisant (2.15) 10
En effectuant la somme sur toutes les particules et en divisant par Λ on obtient : ρs φ
dūi (t) − g dt s rp2 = νhf l + f c ip + ∆ (νhf l + f c ip ) + O 10 rp r0 3!
(
2.22
) La contribution de la i-ème particule au deuxième terme du membre de droite de (2.21) devient successive- 40 ment : dω i ρs
ω
i
(
t) ⊗ ω i (t) − |ω i (t)| I (y − xi (t)) + (t) ∧ (y − xi (t)) K(y − x) dy dt y∈Λi (t) Z dω i 2 = −ρs ω i (t) ⊗ ω i (t) − |ω i (t)| I (y − xi (t)) + (t) ∧ (y − xi (t)) dt y∈Λi (t) Z +O 2 {(y − xi (t)) * ∇K(x − xi (t))} dy 6! rp r0
après avoir utilisé le développement de Taylor (2.14) et en remarquant que les termes d'ordre z éro et deux de ce développement sont nuls, d'après le lemme 2.3. 6! Z rp dωi,φ ∂K 2 (t) zβ zγ dz +O (x − xi (t)) = −ρs ωi,α (t)ωi,β (t) − |ω i (t)| δαβ + εαφβ dt ∂xγ r0 z∈B 16α63! 6! ρs Λrp2 dω rp ∂K i,φ − = ωi,α (t)ωi,β (t) − |ω i (t)|2 δαβ + εαφβ (t) (x − xi (t)) δβγ +O 5 dt ∂xγ r0 16α63 d'après le lemme 2.3! 6! ρs Λrp2 dω rp ∂K i,φ = − ωi,α (t)ωi,β (t) − |ω i (t)|2 δαβ + εαφβ (t) (x − xi (t)) +O 5 dt ∂xβ r0 16α63 6! ρs Λrp2 rp dω i 2 = − ω i (t) ⊗ ω i (t) − |ω i (t)| I * ∇K(x − xi (t)) + (t) ∧ ∇K(x − xi (t)) + O 5 dt r0 En effectuant la somme sur toutes les particules, on obtient : dω i 2 ρs ω i (t) ⊗ ω i (t) − |ω i (t)| I (y − xi (t)) + (t) ∧ (y − xi (t)) K(y − x) dy dt y∈Λi (t) i=1 3! N 2X ρs Λrp2 ρ Λr rp dω s p i = − div ν ω ⊗ ω − |ω|2 I p (t, x) − (t) ∧ ∇K(x − xi (t)) + O (2.23) 5 5 dt r0 N X Z i=1 En effet, le nombre de particules concernées par la somme dans le support du noyau est majorée par rp−3 r03. 2.3. Le deuxième terme du membre de droite de (2.23) s'écrit successivement : N X ρs Λrp2 dω i − = − =− 1 2 i=1 N X 1 2 i=1 N X 5 Ip dt (t) ∧ ∇K(x − xi (t)) dω i (t) ∧ ∇K(x − xi (t)) en utilisant (2.11) dt (Z εναμ εαβγ i=1 y∈∂Λi (t) (yβ − xi,β (t))σγφ (t, y)nφ (t, y) ds(y)! ∂K (x − xi (t)) + (xi,j,β (t) − xi,β (t))fc,(i,j),γ (t) ∂xμ ) 16ν63 en utilisant (2.12) ( Z N 1X σγφ (t, y)nφ (t, y)nβ (t, y) ds(y) (δμβ δνγ −δνβ δμγ ) rp =− 2 ∂Λ (t) i i=1 )! ∂K + rp fc,(i,j),γ (t)ni,j,β (t) (x − xi (t)) ∂xμ 16ν63 avec le lemme 2.4 N ∂K 1X (δμβ δνγ −δνβ δμγ ) {τl,γ,β + τc,γ,β } (t, xi (t)) (x − xi (t)) = − 2 ∂xμ 16ν63 i=1 N X ∂K {−τl,ν,μ − τc,ν,μ + τl,μ,ν + τc,μ,ν } (t, xi (t)) (x − xi (t)) ∂xμ 16ν63 i=1! T τl − τl τ c − τ Tc = − div ν + 2 2 p 1 = − 2 (2.24) En remplaçant ce dernier résultat dans (2.23), puis en injectant ce dernier et (2.22) dans (2.21), on obtient finalement le résultat. Lemme 2.35 (moyenne volumique des forces internes). Le membre de droite de (2.19a) se développe en : h
div
σ
i
= rp2 ∆ (νhf l + f c ip ) 10 * + 2 T ρ Λr τ l + τ Tl τc + τc s p + div (1 − φ)hσif + ν + − ω ⊗ ω − |ω|2 I − div(3) ν hTl + Tc ip 2 2 5 p! 3 rp −1 +O 1 + r0 r0
Preuve. On développe : hdiv σi = φhdiv σis + (1 − φ)hdiv σif d'après la remarque 2.18 Z = φhdiv σis + divh(1 − φ)σif − (σn)(t, y) K(x − y) dy y∈∂Ωf (t) Le résultat s'obtient ensuite directement des lemmes 2.32, 2.31 et 2.34. Remarque 2.36. Dans cette modélisation, le rayon de la particule rp est une donnée et r0 est un paramètre de modélisation. 42 La modélisation d'une suspension comme un milieu continu suppose de faire tendre rp /r0 et r0 /R vers 0. Cela sous-entend que r0 n'est!pas destiné à tendre vers 0 indépendamment de rp. On peut donc écrire 3 3 rp rp −1 (1 + r0 ) = O r0 r0 Remarque 2.37. rp2 ∆ (νhf l + f c ip ) qui n'est pas présent dans (Jackson, 1997) ou 10 dans (Jackson, 2000), chapitre 2. En outre, les systèmes de lois de conservation construits dans (Jackson, 2! rp 1997) ou au chapitre 2 de (Jackson, 2000) sont présentés comme des approximations en O du r0 système (2.18)-(2.19). Dans la prochaine sous-section, nous montrons que le système (2.25) est une approxi 3! rp mation du système (2.19) en O. La construction proposée ici est rigoureuse dans la mesure où r0 l'utilisation d'un noyau C ∞ permet de justifier les estimations d'erreurs effectuées dans les différents developpements de Taylor ou en harmoniques sphériques présentés ici. En revanche, Jackson (1997) utilise un noyau discontinu, la justification des estimations d'erreur qu'il présente est donc plus floue. Le lemme 2.35 fait apparaitre le terme On peut retrouver le système donné par (Jackson, 1997) en faisant les hypothèses suivantes : 3
! rp2 rp ∆ (νhf l ip + hf c ip ) (x, t) = O 10 r0! 3 rp2 rp 2 = O ρs Λ div(νhω ⊗ ω − |ω| Iip ) r0 5
2.3.7 Conservation de la quantité de mouvement – deuxième version On
approche
les
équations
de
conservation
de la quantité de mouvement moyennées que l'on a présentées dans la section 2.3, à la proposition 2.23 : Proposition 2.38 (conservation de la quantité de mouvement – version intermédiaire). Avec les notations définies aux sous-sections 2.2.2, 2.2.3 et 2.3.4 le système de la proposition 2.23 se voit approché à l'ordre 2 par le système suivant :
( * + ρs Λrp2 τ l + τ Tl ∂ τ c + τ Tc {ρm huim } − div (1 − φ)hσif − ρm hu ⊗ uim + ν + − ω ⊗ ω − |ω|2 I ∂t 2 2 5 p ) 3! 2 rp rp (2.25a) − div(3) (νhTl + Tc ip ) = ρm g + ∆ (νhf l + f c ip ) + O 10 r0 ρf ∂ ((1 − φ)huif ) + div (1 − φ) hu ⊗ uif − div (1 − φ)hσif + νhτ l ip − div(3) (νhTl ip ) ∂t 3! rp = ρf (1 − φ)g − νhf l ip + O (2.25b) r0 ρs Λ ∂ (νhūip ) + div (νhū ⊗ ūip ) − div νhτ c ip − div(3) (νhTc ip ) ∂t 3! rp = ρs Λνg + νhf l ip + O r0 (2.25c)
2.3. Équations de conservation 43
Preuve. On obtient la première équation (2.25a) à partir de la première équation (2.19a) de la proposition 2.23 et du lemme 2.35. La deuxième équation (2.25b) s'obtient de (2.19b) par le lemme 2.31. Enfin, la troisième équation (2.25c) s'obtient de (2.19c) par le lemme 2.32. Proposition 2.39 (conservation du moment cinétique particulaire). Avec les notations de l'équation (2.12) et du lemme 2.4, on donne ici la moyenne particulaire de la conservation du moment
cinétique
d'une particule : ∂ Ip (νhωip ) + div (νhω ⊗ uip ) = ν ε : hτ l + τ c ip ∂t
Preuve. On rappelle la conservation du moment cinétique (2.12) au centre de masse de chaque particule i. On applique le lemme 2.21 pour calculer le terme de moyenne particulaire du membre de gauche de cette équation, et on remarque qu'on peut exprimer la moyenne particulaire du membre de droite en fonction de rp et des ni,j. 2.3.8 Terme d'inertie et variance de la vitesse
Dans ce paragraphe, on cherche à remplacer dans (2.25a)-(2.25c) les moyennes des produits du type hu ⊗ ui par des produits de moyennes du type hui ⊗ hui. Pour cela, on va chercher à évaluer la différence de ces deux quantités. Celle-ci s'apparente à une variance et s'interprète comme une température particulaire pour V p, et V s. En revanche, V f correspond à une énergie turbulente. Définition 2.40 (variance de la vitesse). Pour chacune des moyennes, on définit une variance de la vitesse : V m = hu ⊗ uim − huim ⊗ huim Vf = hu ⊗ uif − huif ⊗ huif V s = hu ⊗ uis − huis ⊗ huis V p = hu ⊗ uip − huip ⊗ huip Remarque 2.41 (variance de la vitesse et température granulaire). Contrairement à ce que mentionne, Jackson (1997) à l'équation (42), on remarque que (2.26) V s 6= h(u − huis ) ⊗ (u − huis )is Il en est de même pour les autres moyennes. Par commodité et pour alléger les expressions, on introduit la notation suivante : tens(v) = v ⊗ v, ∀v ∈ R3 En effet, en développant, on trouve que
Z φ(t, x)V s (t, x) = tens u(t, y) − y∈Ωs (t) h(u − huis ) ⊗ (u − huis )is = Z 1 φ(t, x) 1 tens u(t, y) − φ(t, y) y∈Ωs (t) Z z∈Ωs (t) u(t, z) K(x − z) dz z∈Ωs (t) u(t, z) K(y − z) dz Z!! K(x − y) dy K(x − y) dy 44
Nous notons ici que dans (Jackson, 2000), les deux quantités présentées en (2.26) sont traitées comme étant identiques. Définition 2.42 (dérivées lagrangiennes). Pour tout champ de vecteur v(t, x), on définit Dm v Dt Df v Dt Dp v Dt
=
= = ∂v + (huim * ∇)v ∂t ∂v + (huif * ∇)v ∂t ∂v + (huip * ∇)v ∂t
Lemme 2.43 (forme conservative des dérivées lagrangiennes des variances des vitesses). Dm huim + div(ρm V m ) = Dt Df huif (1 − φ) + div ((1 − φ)V f ) = Dt Dp hūip ν + div (νV p ) = Dt ρm ∂ (ρm huim ) + div (ρm hu ⊗ uim ) ∂t ∂ ((1 − φ)huif ) + div ((1 − φ)hu ⊗ uif ) ∂t ∂ (νhūip ) + div (νhū ⊗ ūip ) ∂t (2.27a) (2.27b) (2.27c)
Preuve. On traite ici le cas de la moyenne dans la phase fluide, les autres moyennes se traitent de façon identique. On a :
∂ ((1 − φ)huif ) + div ((1 − φ)hu ⊗ uif ) ∂t ∂ = ((1 − φ)huif ) + div ((1 − φ)huif ⊗ huif + (1 − φ)V f ) ∂t ∂huif = (1 − φ) + (huif * ∇)huif + div ((1 − φ)V f ) ∂t ∂ + (1 − φ) + div((1 − φ)huif ) huif ∂t
D'après la conservation de la masse (2.18b) dans la phase fluide, le dernier terme de l'équation précédente est nul, d'où le résultat. 2.3.9 Lois de conservation – version finale
Nous allons ici donner deux systèmes comportant les conservations de la masse et de la quantité de mouvement approchées en O(rp3 /r03 ) et en O(rp2 /r02 ). Proposition 2.44 (Système de lois de conservation – ordre 2). Nous utilisons les notations introduites à la définition 2.40 pour donner une forme conservative du système 2.3. Équations de conservation 45 introduit aux propositons 2.38 et 2.22.
(
* +
ρs Λrp2 τ l + τ Tl Dm huim τ c + τ Tc 2 ρm − div ((1 − φ)hσif − ρm V m + ν + − ω ⊗ ω − |ω| I Dt 2 2 5 p ) 3! 2 rp rp (2.28a) − div(3) (νhTl + Tc ip ) = ρm g + ∆ (νhf l + f c ip ) + O 10 r0 n o Df huif ρf (1 − φ) − div (1 − φ)hσif − ρf (1 − φ)V f + νhτ l ip − div(3) (νhTl ip ) Dt 3! rp = ρf (1 − φ)g − νhf l ip + O (2.28b) r0! n o Λrp2 Dp huip ρs φ − ∆ν − div νhτ c ip − ρs φV p − div(3) (νhTc ip ) 10 Dt! 3! Λrp2 rp = ρs φ − ∆ν g + νhf l ip + O (2.28c) 10 r0 ∂(1 − φ) + div ((1 − φ)huif ) = 0 ∂t div (huim ) = 0 ∂ν + div (νhuip ) = 0 ∂t (2.28d) (2.28e) (2.28f)
Preuve. Les équations (2.28a) et (2.28b) proviennent directement de (2.25a) et (2.25b) avec le lemme 2.43. Pour obtenir (2.28c) à partir de (2.25c), on a de plus utilisé la preuve de la proposition 2.14 pour remplacer Λrp2 ∆ν avec une erreur en (rp /r0 )3. L'équation (2.28e) provient de la somme de (2.18a) et Λν par φ − 10 (2.18b). Remarque 2.45. Les quantités φ et Λν jouent des rôles similaires sur le plan de la modélisation, c'est pourquoi nous allons réaliser une approximation à l'ordre un de la proposition 2.44. À noter que dans (Jackson, 2000), et dans (Jackson, 1997) les moments d'ordre deux sont conservés alors qu'il est annoncé une approximation à l'ordre un. Proposition 2.46 (Système de lois de conservation – ordre 1).
| 53,212
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2004PA112214_3
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French-Science-Pile
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Open Science
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Various open science
| 2,004
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Elaboration et caractérisation de couches de germanium épitaxié sur silicium pour la réalisation d'un photoréducteur en guides d'ondes
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None
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French
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Spoken
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| 12,867
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Sur le trajet vers le détecteur, les ions He + traversent à nouveau la matière, ce qui induit une perte d’énergie ∆E sortie supplémentaire : ∆Esortie = NxSe cosθ (II.13) En définitif, les ions arrivant au détecteur ont une énergie ET ( x ) de : ET ( x ) = K (E 0 − NxS e ) − NxS e cos θ 63 (II.14)
Mé
thodes
de croissance et de caractérisations
Sur la figure II.7 est schématisée la trajectoire d’ions He+ rétrodiffusés sur une couche de Ge d’épaisseur d, déposée sur un substrat de Si. Nous avons fait apparaître les énergies des ions rétrodiffusées par les atomes de Ge en surface et à l’interface Ge/Si.
Surface de la couche de Ge Interface Si/Ge d ∆E(x=d) He+ E0 x θ KE0 ∆Esortie(x=d) ET(d) Déte cteu r
Figure II.7 : Schéma de principe de la perte d’énergie d’un faisceau d’ions He+ dans un film de Ge d’épaisseur d déposé sur un substrat de Si La figure II.8 donne l’allure du spectre RBS d’une couche de Ge d’épaisseur d sur un Nombre de coups substrat de Si(001) Si Ge ∆E 0 KE0 E(d) énergie Figure II.8 : Allure théorique du spectre RBS d’un film de Ge d’épaisseur d déposé sur un substrat de Si
Le fait que le pic de Ge soit bien distinct de celui du Si vient de la différence de masse atomique entre les deux éléments. En effet, en se basant sur un point de vue de mécanique élémentaire, les ions incidents subissant un choc élastique perdent moins d’énergie sur les 64 Méthodes de croissance et de caractérisations atomes de Ge de masse atomique MGe = 72 que sur les atomes de Si masse atomique inférieurs MSi = 28. Quantitativement, la différence entre les deux pics provient de la différence des facteurs K de ces deux matériaux, qui ont respectivement pour valeurs 0,8036 pour le Si et 0,5680 pour le Ge. Pour bien comprendre l’effet de cette différence, calculons l’énergie des ions He + rétrodiffusés par les atomes de Ge et de Si à l’interface Ge/Si. Nous pouvons considérer que ces deux espèces d’atomes sont situées à la même profondeur d. Les ions He +, qu’ils soient rétrodiffusés par l’une ou l’autre des deux espèces, ont donc les mêmes pertes d’énergies ∆E entrée et ∆E sortie. Les énergies des ions rétodiffusés par les atomes de Ge (ETGe (d ))et de Si (ETSi (d )) s’écrivent alors : ETGe (d ) = 0,8036(E 0 − NdS e ) − NdS e cos θ (II.15) NdS e (II.16) cos θ où tous les paramètres sont ceux de la couche de Ge, puisque c’est cette dernière qui est ETSi (d ) = 0,5680(E 0 − NdS e ) − traversée par les ions. Nous voyons alors que l’énergie des ions rétrodiffusés sur les atomes de Ge les plus profonds est près de deux fois plus importante que celle correspondant aux atomes de Si les moins profonds, d’où l’écart entre les pics du Si et du Ge. ii) En canalisation
Quand un faisceau d’ions énergétiques est parallèle à une direction cristallographique, nous assistons à un écroulement de la rétrodiffusion de Rutherford. Les rangées atomiques canalisent alors les ions He+ non rétrodiffusés. Meilleure est la cristallinité du matériau, plus il y a de canalisation, et moins il y a d’ions He+ rétrodiffusés. Le spectre canalisé se caractérise cependant par l’existence d’un pic de surface. En effet, pour les atomes des premiers plans atomiques, le guidage des ions par les rangées n’est pas encore établi, d’où un rendement du signal plus élevé en surface. Il y a un effet minimum dû aux atomes de tête des rangées atomiques, auquel s’ajoute le désordre dû à l’oxydation en surface de la couche de Ge. Enfin, nous observons une augmentation anormale du rendement avec la profondeur due à la décanalisation.
65 Méthodes de croissance et de caractérisations
Afin de quantifier la qualité cristalline, nous calculons le χmin qui est le rapport du spectre canalisé sur le spectre décanalisé. Meilleure est la cristallinité, plus le χmin est petit. La valeur minimum du χmin est de l’ordre de 4% pour une couche épitaxiée. Cette limitation est due à l’agitation thermique (les mesures RBS sont réalisées à 300K), qui a pour conséquence la vibration des atomes de la cible, et ainsi l’apparition de collisions supplémentaires entre des ions He+ et des atomes ayant quitté pour un court instant une rangée atomique. II.1.d Microscopie à force atomique (AFM)
Les microscopies en champ proche ont pris leur essor dans les années 1980, avec notamment la mise au point du microscope à effet tunnel (STM) par G. Binnig et H. Rohrer [Bin87], couronnés en 1986 par un prix Nobel pour cette invention. Poursuivant sur cette lancée, G. Binnig, C. F. Quate et Ch. Gerber [Bin86] présentent en 1986 un autre type de microscope à champ proche dérivé du STM : le microscope à force atomique (AFM ou Atomic Force Microscopy). Dans cette étude, l’AFM a permis d’observer la morphologie de surface des échantillons et le calcul de leur rugosité rms (root mean square). Le principe de fonctionnement de ce microscope est basé sur la détection des forces inter-atomiques (Van der Walls...) s’exerçant entre une pointe fine de silicium et la surface de l’échantillon. La pointe, placée à quelques nanomètres de l’échantillon lors d’une mesure, est fixée sur un microlevier ayant une faible raideur. Contrairement aux autres microscopes à champ proche, le balayage de la surface s’effectue grâce au déplacement de l’échantillon et non de la sonde. La céramique piézo-électrique, sur laquelle l’échantillon est posé, permet de fins déplacements. Le mouvement de la pointe est suivi grâce à un faisceau laser focalisé sur le microlevier juste au-dessus de la pointe, puis réfléchi sur un photodétecteur à 4 quadrants. L’électronique du microscope peut ainsi mesurer la variation de hauteur grâce au mouvement du microlevier dû aux forces qui interagissent avec la pointe. Dans cette étude, les mesures AFM ont été effectuées en mode contact. Autrement dit, le déplacement de la pointe est tel que somme des forces d’interactions soit constante. Le point fort de l’AFM est sa résolution nanométrique, mais aussi le fait qu’elle ne nécessite pas de préparation des échantillons. L’un des inconvénients provient de la pointe en silicium qui se révèle idéale pour les mesures sur le silicium et le germanium, mais qui se
66 Mé
thode
s
de croissance et de caractérisations détériore rapidement lorsqu’elle rencontre une surface en silice. L’autre inconvénient est le champ de la mesure qui est au maximum de 50 μm x 50 μm.
II.1.e Analyse par diffraction de rayons X (XRD)
La diffraction de rayons X est une technique de caractérisation non destructive qui nous a permis de mesurer le paramètre de maille des couches minces de Ge sur Si(001). Cette méthode de caractérisation consiste à envoyer un faisceau de rayons X de longueur d’onde fixée à λ = 0,154059 nm sur la surface d’un échantillon, monté sur un goniomètre avec six degrés de liberté. Les paramètres expérimentaux sont déterminés par la relation de Bragg : 2d hkl sin θ = nλ (II.17) où n est l’ordre de diffraction, θ est l’angle de diffraction de Bragg et dhkl est la distance réticulaire entre deux plans d’indice (hkl). Pour un cristal ayant une structure diamant et ayant subi une déformation quadratique, cette distance s’écrit : d hkl = 1 ⎛h k l ⎞ ⎜⎜ 2 + 2 + 2 ⎟⎟ ⎝ a // a // a ⊥ ⎠
2 2 2 1
(II.18) 2 Dans cette étude, les profils de diffraction ont été acquis en configuration θ-2θ pour la réflexion de symétrie (004). 67
Méthodes de croissance et de caractérisations II.2 Caractérisations électriques et optiques II.2.a Mesures optiques en transmission
La méthode de caractérisation optique mise en œuvre dans cette thèse a permis la mesure du spectre d’absorption des couches de Ge pour des longueurs d’onde allant de 1200 nm à 1700 nm.
i) Principe
Son principe (figure II.9) est d’éclairer un échantillon avec une source blanche et de mesurer le spectre transmis à l’aide d’un analyseur de spectre optique. A partir du spectre de la lampe et de celui transmis par l’échantillon, nous pouvons établir le coefficient d’absorption de la couche de Ge. Les échantillons analysés sont des substrats de Si de 525 μm, sur lesquels ont été épitaxiée une couche mince de Ge de l’ordre de 500 nm d’épaisseur.
Porte échantillon Fibre optique Analyseur de Spectre optique Source blanche Lampe halogène (100W) Echantillon
Figure II.9 : Schéma de principe du banc de mesure du spectre d’absorption
68
Méthodes de croissance et de caractérisations ii) Méthode de calcul du coefficient d’absorption
Pour le calcul du coefficient d’absorption en fonction de la longueur d’onde, nous nous sommes basés sur une analyse simple, c'est-à-dire une seule réflexion/transmission à chaque interface (figure II.10).
air R
1
h
Ge
Ge
R
2 Si R3 air
T (λ
) Figure I.10 : Représentation schématique des diverses réflexions dans l’échantillon, où R1, R2 et R3 sont respectivement les coefficients de réflexion aux interfaces air/Ge, Ge/Si et Si/air, et T(λ) le coefficient de transmission de l’empilement éclairé. Soit T(λ) le coefficient de transmission à la longueur d’onde λ de la structure éclairée. Il est égal au rapport de la puissance transmise Pt (λ ) sur la puissance de la lampe Plampe (λ ), mesurées par l’analyseur de spectre optique : T (λ ) =
Pt
(
λ
)
Plampe (λ )
(II.21) De l’équation II.21, nous pouvons établir le coefficient d’atténuation de l’échantillon Ae (λ ) en dB :
⎛ Plampe (λ ) ⎞ ⎟⎟ Ae (λ ) = 10 log⎜⎜ ( ) P λ ⎝ t ⎠ 69 (II.22)
Méthodes de croissance et de caractérisations
Dans notre analyse, ce coefficient ne dépend que de l’absorption de la couche de Ge et des réflexions aux trois interfaces. Afin de calculer le coefficient d’atténuation de la couche de Ge, il faut s’affranchir des réflexions aux interfaces. Au vu du spectre d’absorption du Ge (figure I.9), ce semiconducteur est transparent pour λ = 1700 nm. Donc, à cette longueur d’onde, Ae (λ ) ne résulte que des réflexions aux interfaces. Nous pouvons alors calculer le coefficient d’atténuation de la couche de Ge A(λ) : A(λ ) = Ae (λ ) − Ae (λ = 1700nm ) (II.23) Cette équation n’est évidement valable que si les coefficients de réflexion, et donc les indices optiques réels, sont constants en fonction de la longueur d’onde sur la plage de mesure. La variation des indices étant de l’ordre de quelques centièmes, l’équation III.23 est valable pour notre étude. Grâce à elle, nous pouvons établir l’expression du coefficient d’absorption α du Ge en fonction de la longueur d’onde: α (cm −1 ) = ln (10) × A(λ ) 10 × d (cm ) (II.24)
iii) Limitations de la mesure
Dans la méthode de calcul de α(λ) que nous venons de présenter, nous n’avons tenu compte que d’une réflexion à chaque interface, ainsi que de l’absorption de la couche de Ge. Cependant, d’autres phénomènes physiques peuvent intervenir et induire des erreurs de mesures. Le premier de ces phénomènes provient des réflexions multiples à l’intérieur de la couche de Ge, c'est-à-dire de l’effet Fabry-Perot dû aux réflexions successives sur les 2 interfaces. Afin d’évaluer l’influence de ce phénomène, une simulation de la structure représentée par la figure II.11 a été effectuée grâce au logiciel libre CAMFR [CAM]. Ceci a permis de calculer le coefficient de transmission TGe(λ) d’une onde traversant la couche de Ge en tenant compte des réflexions multiples. L’onde incidente d’amplitude 1 arrive perpendiculairement à l’interface air/Ge. Sur la figure II.11, ont été représentées les données entrées dans le logiciel de simulation. Les valeurs du coefficient d’asborption du Ge massif αGe ont été trouvées dans la référence [55Das].
70
Méthodes de croissance et de caractéris
ations
air Ge Si 1 nair=1 nGe = 4,3 − i α Ge λ 4π d =500 nm nSi=3,5 TGe(λ)
Figure II.11 : Structure simulée par le logiciel CAMFR [CAM]
Une fois que la simulation a donné TGe (λ) pour 1100nm < λ < 1700nm, nous pouvons calculer le coefficient d’absorption issu de la simulation αsimul : α simul (λ ) = 1 ⎛ TGe (1700nm ) ⎞ ln 10 × A calcul (λ ) ⎟= ln⎜ 10 × d (cm ) d ⎜⎝ TGe (λ ) ⎟⎠ (II.25) où T (1700nm ) est le terme de normalisation (transparence du Ge). De l’équation II.25, il est alors possible de tracer le spectre d’absorption de la couche de Ge pour différentes épaisseurs, et de comparer les courbes ainsi obtenues par celle du Ge à l’état massif.
Figure II.
12 : Comparaison du coefficient d’absorption effectif de couche Ge relaxée de différentes épaisseurs sur Si et du coefficient d’absorption du Ge massif. 71 Méthodes de croissance et de caractérisations
Pour toutes les épaisseurs, le coefficient d’absorption simulé αsimul a la même allure que celui du Ge massif αGe pour 1200 < λ < 1550 nm, et nous observons correctement le seuil d’absorption. Par contre, après le seuil, un “rebond” dû à l’effet Fabry-Perot dans la couche est à noter. Pour les épaisseurs que nous allons réaliser dans cette étude, c'est-à-dire de l’ordre de 500 nm, la valeur maximale de ce rebond est de l’ordre de 250 cm-1. Nous pouvons observer que l’influence de l’épaisseur est prépondérante sur l’importance de l’effet FabryPerot, avec un maximum pour le rebond de l’ordre 1000 cm-1 pour la couche de 350 nm. Dans cette étude, nous n’avons pas besoin d’une précision extrême sur les mesures des spectres d’absorption. Nous avons surtout besoin d’observer l’allure des spectres et d’évaluer l’ordre de grandeur du coefficient d’absorption vers 1,3 μm et de localiser le seuil d’absorption. La figure II.12 montre que les seuils sont parfaitement visibles, ce qui justifie la possibilité de négliger l’effet Fabry-Perot pour l’évaluation de α (équation II.24). Le deuxième phénomène provient de la diffusion de la lumière due à la rugosité de surface de l’échantillon. Une partie du signal peut être diffusée et ne pas être recouplée dans la fibre optique. Il peut en résulter une surestimation du coefficient d’absorption. Cependant, les pertes sont assez minimes, car les échantillons ont été systématiquement polis en face arrière afin de limiter le phénomène de diffusion. II.2.b Le photodétecteur de test
Nous avons opté pour une architecture simple de photodétecteur : un photodétecteur de type Métal-Semiconducteur-Métal (MSM) déposé sur la surface de la couche semiconductrice absorbante. Le but est alors d’effectuer des mesures courant-tension de la structure, d’effectuer des mesures en photocourant, et d’observer le comportement en fréquence du dispositif.
i) Présentation de la structure en peignes d’électrodes interdigités
La partie métallique du photodétecteur (figure II.13) se présente sous la forme de deux peignes d’électrodes interdigitées. Chaque peigne se compose de 10 électrodes de l’ordre de 5 μm de large et 100 μm de long. L’espace entre deux électrodes successives est de 5μm. Les 72 Méthodes de croissance et de caractérisations peignes sont reliés à des plots de 200 x 200 μm pour permettre des connexions par thermocompression afin de polariser la structure. La distance entre le plot de thermocompression et le bout des électrodes opposées est de 10 μm.
110 μm 5 μm 200 μm 15 μm 200 μm 100 μm
Figure II.13 : Schéma du photodétecteur MSM de test ii)
Réalisation
du photodétecteur
Afin de réaliser un photodecteur, la structure représentée par la figure II.13 doit être déposée sur une couche de Ge de 500 nm d’épaisseur sur Si (001) (pour cette étude). Le dépôt de métal est constitué d’un empilement de deux couches. La première, en contact avec le Ge, assure la formation d’un contact Schottky. La seconde, en or, a pour but de permettre la soudure sous-ultrasons qui est réalisée avec des fils d’or. La méthode qui a été choisie pour localiser les dépôts métalliques est celle du lift-off, dont les étapes sont résumées dans la figure II.14. L’échantillon étant dans un environnement hors salle blanche après la croissance, il peut être pollué en surface entre la sortie du bâti et son arrivée en salle blanche. Il doit donc subir un nettoyage chimique juste avant les étapes de lithographie. C’est le but de la première étape technologique qui consiste en un dégraissage basé sur l’utilisation du trichloroéthylène, et en un retrait de l’oxyde natif. Les étapes 4°/ à 7°/ ont été réalisées par lithographie optique. Vient ensuite le dépôt de 50 nm du premier métal puis de 300 nm d’Au. Pour finir, le lift-off est réalisé par une succession de bains d’acétone destinée à enlever la résine. Dans l’éventualité où le lift-off aurait du mal à se réaliser, les bains d’acétone sont accompagnés d’ultra-sons.
73
Méthodes de croissance et de caractérisations 1°/ Nettoyage chimique Echantillon après la croissance 500 nm Acétone + ultrasons (5min) Trichloroéthylène chaud (5 min) Trichloroéthylène froid (5 min) Ethanol (5 min) Rinçage à l’eau DI (5 min) HF (10%) + eau DI (90%) (30 s) Rinçage à l’eau DI (30 s) Ge Si 2°/ Dépôt de résine inversible (AZ5214) 3°/ Première insolation Masque optique Résine Ge Ge Si Si + recuit à 120°C + recuit à 110°C 4°/ Deuxième insolation (inversion de la résine) 5°/ Développement 340 mJ/cm2 Ge Ge Si 6°/ Dépôts métalliques Si Or 7°/ Lift-off Bains d’acétone 1er métal Ge Ge Si Si
Figure II
: Etapes technologiques pour les dépôts métalliques
Nous verrons dans le chapitre IV quels sont les choix qui ont été effectués pour les méthodes de dépôt et pour le premier métal. 74 Méthodes de croissance et de caractérisations
II.2.c Mesure du photocourant i) Mesure de la caractéristique courant-tension du photodétecteur
La caractéristique courant-tension de la structure photodétectrice IMSM(VMSM) a été relevée grâce au montage très simple décrit par la figure II.15. Photodétecteur
MSM
(peignes interdig
ités)
IMSM VMSM Vr VMSM = Vpol – Vr Vpol IMSM = Vr / 10 10 Ω
V Figure II.15 : Schéma électrique du montage expérimental pour la caractérisation I(V) ii) Banc de mesures du photocourant et du comportement en fréquence
Afin de réaliser des mesures en photocourant à différentes tensions de polarisation de la structure, le peigne d’électrodes interdigitées est éclairé à la longueur d’onde 1,3 μm et est relié au circuit électrique. Le photodétecteur (peigne déposé sur une couche de Ge) est monté sur un banc optique. Une diode (DBF), reliée à un générateur de tension alternative, délivre un signal sinusoïdal à la longueur d’onde de 1,3 μm et éclaire les peignes d’électrodes du photodétecteur.
75 Méthodes de croissance et de caractérisations
Figure II.16 : Photographie du montage pour la mesure du photocourant
Le photodétecteur est inséré dans un circuit dont l’architecture est représentée sur la figure II.16. Ce circuit comprend : - le photodétecteur, - un générateur de tension continue afin de polariser la structure photodétectrice, - un analyseur de spectre électrique pour la lecture des données expérimentales (photocourant), - un Té de polarisation qui se comporte comme un filtre passe bande (0,1 à 1,5 GHz) et coupe la partie continue du courant, c’est à dire le courant d’obscurité. 76 Méthodes de croissance et de caractérisations
Té de polarisation Analyseur de spectre électrique Photodétecteur MSM (peignes interdigités)
Figure II.17 : Schéma électrique du circuit relié au photodétecteur iii) Calcul de la sensibilité
Grâce au banc optique représenté sur la figure II.16, il est possible de mesurer la sensibilité S du photodétecteur, c'est-à-dire le rapport du photocourant Iph sur la puissance incidente Pi : S= I ph (II.26) Pi où Iph et Pi sont mesurées expérimentalement. Afin d’avoir une comparaison théorique, plaçons-nous dans le cas idéal où pour 1 photon absorbé, 1 paire d’électron-trou est créée et participe au photocourant. Soit η, le rendement qui est le nombre de paires électron-trou créées par seconde sur le nombre de photons incidents par seconde.
η
=
I ph e
(II.27)
Pi h
ν Puisque nous nous sommes placés dans le cas idéal : η= Pabs hν Pabs = Pi hν Pi où Pabs est la puissance absorbée par la couche de Ge. 77 (II.28) Méthodes de croissance et de caractérisations Afin que l’expression II.28 soit exploitable, il faut établir une expression de Pabs. La figure II.18 montre les influences de l’interface et de l’absorption de la couche de Ge sur la puissance incidente Pi. Lorsque nous éclairons le peigne d’électrodes sur une surface Atotale, il y a un effet d’ombrage des électrodes. La surface de Ge éclairé Aéclairée est donc inférieure à Atotale. De plus, une partie de l’onde est réfléchie à l’interface air/Ge. La puissance transmise Pt dans le Ge est alors : Pt = Aéclairée (1 − R1 )Pi Atotale (II.29) Puissance où R1 est le coefficient de réflexion à l’interface air/Ge. Pi ⎛ Aéclairée ⎞ ⎟⎟(1− R1 )Pi ⎜⎜ ⎝ Atotal ⎠ ⎛ Aéclairée ⎞ ⎟⎟(1 − R1 ) 1 − e −αd Pi ⎜⎜ ⎝ Atotal ⎠ ( ) ⎛ Aéclairée ⎞ ⎟⎟(1 − R1 )e −αd Pi ⎜⎜ ⎝ Atotal ⎠ 0 x d Pi Pt Métal air Ge Si Figure II.18 : Décroissance de la puissance incidente arrivant perpendiculairement à un peigne d’électrodes interdigitées sur Ge/Si(001) 78 Méthodes de croissance et de caractéris
ations
L’onde transmise est alors partiellement absorbée sur l’épaisseur d de la couche de Ge. Nous avons alors :
(
)
Pabs = 1 − e −αd Pt Pabs = (II.30) ( ) Aéclairée 1 − e −αd (1 − R1 )Pi Atotale (II.31)
Nous pouvons alors établir l’expression de η : η= ( ) Aéclairée 1 − e −αd (1 − R1 ) Atotale (II.32) A partir de l’équation II.26, nous pouvons aussi relier η à S : η=S hν hc =S e eλ (II.33) En combinant l’équation II.32 et II.33, nous obtenons :
S= S= eλ Aéclairée 1 − e −αd (1 − R1 ) hc Atotale ( ) λ (μm ) Aéclairée 1,24 Atotale 79 (II.34) (1 − e )(1 − R ) −αd 1 (II.35)
Méthodes de croissance et de caractérisations III
Bibliographie du chapitre II [55Das] W. C. Dash and R. Newman, “Intrinsic Optical Absorption in Single-Crystal Germanium and Silicon at 77°K and 300°K”, Phys. Rev. 99, 1151 (1955). [83Pru] M. Prutton, “ Physics”, éd. Oxford University Press (1983). [86Bin] G. Binnig,C. Quate et G. Gerber, “ Atomic Force Microscope” Phys. Rev. Lett. 56, 930 (1986). [86Ish] A. Ishizaka et Y. Shiraki, “Low Temperature Surface Cleaning of Silicon and Its Application to Silicon MBE”, J. Electrochem. Soc. 133, 666 (1986). [86Mer] B. S. Meyerson, “Low temperature silicon epitaxy by ultra-high vacuum chemical vapor deposition”, Appl. Phys. Lett., 48, 797 (1986). [87Bin] G. Binning et H. Rohrer, “Scanning tunneling microscopy—from birth to adolescence”, Rev. Mod. Phys., 59, 615–625 (1987). [87Lag] M. G. Lagally, D. E. Savage et M. C. Tringide, “Reflection High Energy Electron Diffraction and Reflection Electron Imaging of Surface”, éd. P. K. Larsen, P. J. Doba, Serie B, Vol. 188, 139 (1987). [88Bus] R. J. Buss, P. Ho, W. G. Brieiland et M. E. Coltrin, “Reactive sticking coefficients for silane and disilane on polycrystalline silicon”, J. Appl. Phys. 63, 2808 (1988). [89Sin] K. Sinniah, M. G. Sherman, L. B. Lewis, W. H. Weinberg, J. T. Yates, Jr., and K. C. Janda, “New Mechanism for Hydrogen Desorption from Covalent Surfaces: The Monohydride Phase on Si(100)”, Phys. Rev. Lett. 62, 567–570 (1989). [90Lie] M. Liehr, C. M. Grennlief, S.R. Kasi et M. Offenberg, “Kinetics of silicon epitaxy using SiH4 in a rapid thermal chemical vapour deposition reactor”, Appl. Phys. Lett. 56, 629 (1990). [90Mah] J. E. Mahan, K. M. Geib, G. Y. Robinson et R. G. Long, “A review of the geometrical fundamentals of reflection high-energy electron diffraction with application to silicon surfaces”, J. Vac. Sci. Technol. A, 8, 3692 (1990). [91Gat] S. M. Gates et S. K. Kulkarni, “Kinetics of surface reactions in very lowpressure chemical vapour deposition of Si from SiH4”, Appl. Phys. Lett. 58, 2963 (1991). [01Let] V. Le Thanh, “New into the kinetics of Stranski-Krastanow growth of Ge on Si(001)”, Surf. Sci. 492, 255 (2001). 80 Méthodes de croissance et de caractérisations [01Rau] H. Rauscher, “The interaction of silanes with silicon single crystal surfaces: microscopic processes and structures”, Surf. Sci. Rep. 42, 207 (2001). [04Cal] C. Calmes, D. Bouchier, C. Clerc et Y. Zheng, “ Roughening mechanisms of tensily strained Si1−x−yGexCy films grown by UHV-CVD: evidence of a carbon surface diffusion related”, Appl. Surf. Sci. 224, 122 (2004). [CAM] Peter Bienstman, Logiciel CAMFR (Cavity Modeling FRamework, Ghent University), Belgium, ref en ligne : http://camfr.sourceforge.net/. 81 Méthodes de croissance et de caractérisations 82
CHAPITRE III Ingénierie et étude de l’interface Ge/Si(001) Ingénierie et étude de l’interface Ge/Si(001) CHAPITRE III : Ingénierie et étude de l’interface Ge/Si(001) INTRODUCTION......................................................................................................
85 I CROISSANCE DE Ge RELAXE SUR Si(001)....................................................... 85 II CROISSANCE SUR UN OXYDE CHIMIQUE........................................................ 86 II.1 Hypothèse de travail..................................................................................................................... 86 II.2 Résultats expérimentaux.............................................................................................................. 87 II.2.1 Etude des germes de nucléation en Si..................................................................................... 87 II.2.2 Croissance de Ge sur SiO2....................................................................................................... 91 II.2.3 Croissance sélective................................................................................................................ 99 i) Présentation de substrats pour tester la croissance sélective..................................................... 99 ii) Croissance.............................................................................................................................. 100 II.2.4 Discussion
et
conclusion....................................................................................................... 102 III CROISSANCE APRES DESORPTION PARTIELLE DE L’OXYDE.................. 102 III.1 Hypothèse de travail................................................................................................................. 102 III.2 Résultats expérimentaux.......................................................................................................... 103 III.2.1 La désorption partielle de la silice....................................................................................... 103 II.2.2 La croissance de Ge.............................................................................................................. 105 III.2.3 Conclusion........................................................................................................................... 106 IV CINETIQUE DE CROISSANCE D’UNE COUCHE Ge / Si(001) A BASSE TEMPERATURE.................................................................................................... 107 IV.1 Etude de la croissance à diverses températures..................................................................... 107 IV.2 Cinétique de croissance du Ge à 330°C................................................................................... 111 IV.2.a Etude de l’évolution paramétrique et surfacique par RHEED............................................. 111 IV.2.b Etude de la croissance en fonction de la quantité de matière déposée................................. 114 IV.2.
c Défauts dans la couche tampon de Ge à 330°C................................................................... 119
V CONCLUSION....
................................................................
................................ 122 VI BIBLIOGRAPHIE DU CHAPITRE III.................................................................
123 84 Ingénierie et étude de l’interface Ge/Si(001)
Introduction
Ces 10 dernières années, l’hétéroépitaxie de films relaxés de SiGe et Ge sur Si a été l’objet d’un intérêt croissant, et ceci en raison des multiples possibilités d’application dans la technologie des semiconducteurs. Pour les raisons déjà invoquées dans le chapitre I, cette thèse s’est orientée vers l’étude des films de Ge relaxé. Dans ce chapitre, après avoir présenté quelques résultats de la littérature sur la constitution de films de Ge relaxé, nous présenterons les 3 procédures de croissance que nous avons étudiées.
I Croissance de Ge
relaxé sur Si(001) Généralement, l’élaboration d’une couche de Ge pur sur Si (001) en UHV-CVD est précédée par la croissance d’une couche tampon de SiGe ayant un gradient de concentration en Ge [94Moo] [98Cur] [01Cal] [02Oh]. La relaxation est obtenue par la présence de dislocations coins. Afin de localiser ces dislocations à l’intérieur de la couche tampon, la concentration en Ge doit augmenter très lentement. Ceci conduit à des épaisseurs de plusieurs micromètres, incompatibles avec les objectifs de cette étude. D’une part, le couplage en bout avec des microguides d’ondes optiques serait impossible (la couche buffer serait plus de 10 fois plus épaisse que le guide). D’autre part, dans le cas du couplage vertical, les ondes devraient traverser plusieurs micromètres de matériau disloqué et progressivement absorbant avant d’atteindre la couche active en Ge pur. Une autre solution consiste à faire croître directement une couche de Ge pur sur Si(001). Cependant, comme nous l’avons noté dans la partie traitant des relaxations élastique et plastiques des contraintes, nous observons la transition Stranski-Krastanov aux températures usuelles (400-700°C) en UHV-CVD ou en MBE (Molecular Beam Epitaxy). Cette transition 2D – 3D est indésirable pour notre application. Elle entraîne une forte rugosité de surface et une grande densité de défauts en volume. Des travaux en MBE ont néanmoins abouti à la suppression de la transition Stranski-Krastanov en effectuant la croissance de Ge à basse température et sous flux d’hydrogène atomique [94Sak] [97Kah] [98Den]. De leur côté, Colace et al ont mis au point une méthode de croissance bidimensionnelle en UHV-CVD de Ge sur Si(001) en deux étapes [98Col]. Dans la première étape, un film de Ge est déposé à très basse température entre 330°C et 350°C. Ce film 85 Ingénierie et étude de l’interface Ge/Si(001) constitue une couche tampon de 30 à 50 nm d’épaisseur qui permet de relaxer une grande partie des contraintes tout en empêchant la transition 2D – 3D. Dans un deuxième temps, la température de croissance est augmentée à 600°C afin de former une couche de Ge de haute qualité cristalline. Cette procédure de croissance a permis la réalisation de photodétecteurs à partir de couches de 1 μm d’épaisseur [99Lua] [00Col] [01Lua(b)].
II Croissance sur un oxyde chimique II.1 Hypothèse de travail
Nous avons vu dans le chapitre II que les contraintes qu’applique un substrat sur une couche épitaxiée peuvent conduire à l’apparition de déformations et de défauts dans le réseau cristallin de la couche mince. Afin de diminuer la densité de défauts, nous nous sommes fixés pour objectif de réduire les contraintes dans la couche de Ge en réduisant le nombre de liaisons covalentes avec le Si du substrat et le Ge de la couche épitaxiée. Nous avons eu alors l’idée de conserver l’oxyde chimique de protection créé par le nettoyage Shira modifié (présenté dans le chapitre II), et de faire croître le germanium sur cette fine couche de silice. Cependant, la sélectivité du gaz précurseur du germanium, le germane (GeH4), empêche la croissance du germanium sur la silice. La solution consiste alors à réaliser des germes de nucléation en silicium déposés à partir du silane (SiH4) qui est moins sélectif que le GeH4 sur la silice. A partir de ces sites, nous espérons créer des amas de Ge qui pourront coalescer, et constituer une couche épaisse de Ge plus ou moins rugueuse. La figure III.1 résume les différentes étapes de croissance que nous souhaitons réaliser.
1°/ Echantillon avant croissance 2°/ Dépôt de germes en silicium SiO2 SiH4 Si ~0,6 nm Si Si 3°/ Constitution d’amas de Ge 4°/ Coalescence des îlots de Ge GeH4 GeH4 Si Si Figure III.1 : Etapes souhaitées pour la croissance de Ge sur SiO2/Si(001)
86 Ingénierie et étude
de l’interface Ge/Si(001)
II.2 Résultats expérimentaux II.2.1 Etude des germes de nucléation en Si
Le premier objectif de cette étude est de créer une grande densité de centres de nucléation, suffisamment petits pour avoir le minimum de liaisons covalentes Si-Ge. Nous avons commencé par étudier la croissance de Si sur SiO2 à différentes températures. Après le nettoyage Shiraki modifié, l’échantillon est dégazé par les traitements thermiques décrits dans le chapitre II. Comme nous voulons conserver la silice de protection, nous ne réalisons pas de flashs thermiques. Les croissances de Si ont été effectuées à une pression de 5.10-3 Torr et sous un flux de SiH4 de 20 sccm (standard centimètre cube par minute). Deux échantillons ont été réalisés, avec respectivement une croissance à 550°C durant 22 min et à 600°C durant 11 min. Les deux températures de croissance ont été choisies suffisamment basses afin d’éviter la désorption de la silice par la réaction : SiO 2 (s) + Si(a) → 2SiO(g) (III.1) Les dépôts ont été systématiquement suivis in situ par RHEED et caractérisés ex situ par AFM. La figure III.2 représente une image typique de diffraction RHEED d’une surface oxydée. Nous pouvons voir les raies d’ordre entier, ainsi que les lignes de Kikuchi indiquant la bonne qualité cristalline du substrat. Du fait de l’oxydation, il n’y a pas de reconstruction 2×1 et donc de raies 1/2.
Figure III.2 : Figure de diffraction d’électrons d’une surface oxydée
Au bout de 20 min de croissance à 550°C, des anneaux de diffraction apparaissent, indiquant une structure polycristalline en surface (figure III.3(a)). Ces mêmes anneaux 87
Ingénierie
et étude de l’interface Ge/Si(001) apparaissent au bout de 9 min à 600°C (figure III.3(b)). Sur la figure III.3(b), des renforcements sont observés, signifiant des directions cristallographiques privilégiées. (a) (b) Figure III.3 : Figures de diffraction après un dépôt de Si sur SiO2 en fin de croissance : (a) à 550°C et (b) à 600°C
Une fois sortis du bâti de croissance, les échantillons sont étudiés ex situ en AFM (figure III.4). Les analyses des surfaces par AFM (figure III.4) montrent que des îlots de Si se sont formés sur la silice. Cependant, à cause de la limite de détection de cette technique de caractérisation, il y a une déformation de l’image des îlots. Ceci est dû au rayon de courbure de la pointe, à l’usure de cette dernière sur la silice durant la mesure, et à la petite taille des îlots. La dimension latérale est systématiquement surévaluée du fait de la convolution des rayons de courbure respectifs de la pointe et de l’objet mesuré. Ceci conduit à une valeur de mesure minimale du diamètre à mi-hauteur des îlots qui dépend à la fois du rayon de courbure de la pointe et du facteur d’aspect de l’îlot (cette erreur systématique se retrouve dans les figures III.4 et III.6).
Figure III.4 : Images AFM après un dépôt de Si sur SiO2 en fin de croissance : (a) à 550°C et (b) à 600°C
88 Ingénierie et étude de l’interface Ge/Si
(
001)
Des observations en microscopie électronique à balayage (MEB) (figure III.5), montrent que la base des îlots est de forme arrondie. L’AFM déforme donc légèrement les îlots dans la direction de balayage de la pointe. La figure III.5(c) montre aussi que quelques îlots ont coalescé. Les observations en MEB peuvent nous donner la forme des îlots, mais ni la densité, ni la dimension exacte des îlots. Ces derniers sont en effet de taille si petite que certains sont indétectables en MEB, ce qui fausse ainsi la mesure de la densité. Les mesures de densité et de dimensions ont donc été effectuées en AFM. (a) (b) Coalescence
(
c)
Figure III.5 : Observations en MEB d’îlots de Si/SiO2 : (a) croissance de Si à 550°C (x100000), (b) et (c) croissance de Si 600°C avec un grossissement de 100000 et 300000. Les mesures AFM révèlent une densité de 3.109 îlots/cm2 pour la croissance à 550°C et de 7.109 îlots/cm2 pour celle à 600°C, soit plus de 2 fois plus grand qu’à 550°C. Sur la figure III.6, a été tracée la hauteur des îlots qui n’ont pas coalescé en fonction de leur diamètre. Cette dernière a été calculée dans une direction perpendiculaire à la direction de balayage de la pointe AFM, afin de minimiser l’erreur de mesure. A diamètres égaux, les îlots de Si à 600°C sont plus hauts que ceux à 550°C. Le facteur d’aspect (hauteur sur diamètre) est
89 Ingénierie et étude de l’interface Ge/Si
(
001) alors de 0,07 à
550°C
et
0,30 pour les îlots
à 600°C.
Ceci dénote à 600°
C
un plus grand é
cart entre les vitesses de croissance selon la direction [001]
et
selon les autres directions.
22 Hauteur des îlots (nm) 20 îlots de Si à 550°C îlots de Si à 600°C 18 16 14 12 10 8 6 4 2 20 25 30 35 40 45 50 Diamètre des îlots (nm)
Figure III
6 : Hauteur des îlots de Si en fonction de leur diamètre. Le diamètre est surestimé à cause de la limite de résolution en AFM. L’augmentation de la température provoque donc un accroissement de la densité et de la dimension des îlots. L’augmentation de la température permettant un apport d’énergie plus important, elle facilite la dissociation des molécules de SiH4, et augmente ainsi la probabilité de collage des atomes de Si sur la silice. A 600°C, nous avons donc une création plus importante et plus rapide de centres de nucléation qu’à 550°C. A partir de ces centres de nucléation en Si, nous avons à faire à une homoépitaxie Si sur Si. Comme nous l’avons abordé dans le chapitre II, l’augmentation de la température induit l’augmentation de la vitesse de croissance, expliquant ainsi les dimensions plus importantes des îlots à 600°C par rapport à ceux à 550°C. La dispersion en taille des îlots s’explique par la création permanente de centres de nucléation. Pendant que des îlots se forment et croissent à partir des centres de nucléation répartis aléatoirement sur la surface, d’autres centres nucléent au court du dépôt. Les îlots formés à partir des centres de nucléation apparus en début de croissance, sont alors plus gros que ceux formés à partir des centres apparus en fin de croissance. Certains îlots, très proches les uns des autres peuvent même coalescer. Enfin, grâce à l’observation RHEED, nous pouvons supposer que ces îlots sont cristallins, mais ont des orientations cristallographiques différentes. D’où la présence 90 Ingénierie et étude de l’interface Ge/Si(001) d’anneaux sur le diagramme de diffraction qui pourrait faire penser à la formation d’une couche polycristalline. Des études, basées sur de l’imagerie par microscopie électronique à basse et haute résolution HRTEM), ont montré que la croissance de Si sur silice épaisse (quelques centaines de nm) ou mince (~2 nm) aboutissait à des nanocristaux ayant une orientation aléatoire [00Gar] [04Bar]. Ceci confirme la supposition émise plus haut. SiH4 Coalescence SiH4 Si Si Si SiO2 Figure III.7 : Représentation schématique de la croissance de Si sur SiO2 à 600°C
II.2.2 Croissance de Ge sur SiO2
Les îlots de la figure III.5 forment une structure polycristalline. Or, l’un des objectifs de cette thèse est d’obtenir une couche de Ge monocristallin. Pour cela, il faut partir d’une structure elle-même monocristalline. Nous avons alors cherché à optimiser la durée d’exposition au silane afin que la densité des germes de Si soit maximum et leur taille soit minimum, c'est-à-dire avant l’apparition de la structure polycristalline. Nous avons voulu favoriser la dissociation du SiH4 sans désorber la silice. Au vu de la grande différence que provoque l’augmentation de 50°C de la température de croissance, nous avons choisi d’accroître la température de croissance du Si à 650°C. Par contre, nous avons gardé une pression de 5.10-3 Torr et un débit de SiH4 à 20 sccm. Afin de trouver le bon temps d’exposition au SiH4, nous avons réalisé des dépôts de Si à différents temps de croissance, suivis d’une hétéroépitaxie de Ge. La croissance de Ge s’est effectuée sous une pression de 10-2 Torr, un flux de GeH4 de 20 sccm et une température de 600°C. Nous avons pu observer l’apparition d’îlots de Ge (apparition de taches de diffraction au RHEED) pour une croissance préalable de Si de 3min 30s à 4min. En dessous de ce temps d’exposition au SiH4, il n’y a pas de croissance de Ge. Il est à noter que la taille des germes de 91 Ingénierie et étude de l’interface Ge/Si(001) nucléation est si petite que l’ tion des centres de nucléation est indétectable par RHEED mais aussi par AFM (figure III.8). Figure III.8 : Images AFM d’une surface de Si(001) oxydée avec des germes de Si indétectables (après 3 min 30s de croissance de Si). Les sortes de marches observées sont due à un bruit (néons du plafond). Afin de décrire la croissance, nous avons utilisé un échantillon ayant été exposé au SiH4 durant 4 min et au GeH4 durant 3h. Le tableau III.1 rappelle les conditions de croissance qui ont été choisies.
Dépôt de Si Température: 650°C Flux de SiH4 : 20 sccm Pression : 5x10-3 Torr durée : 4 min Dépôt de Ge Température: 600°C Flux de GeH4 : 20 sccm Pression : 10-2 Torr durée : 3h
Tableau III.1 : Conditions de croissance du Ge sur SiO2
La croissance a été suivie in situ par RHEED. Puis, l’échantillon a été caractérisé ex situ par AFM, microscopie électronique en transmission à basse et haute résolution (TEM et HRTEM) et en microscopie électronique à balayage (MEB).
92 Ingénierie et étude
de l’interface Ge/Si(001)
La figure III.9 représente l’évolution du RHEED durant la croissance de Si et de Ge. Raie de Kikuchi 1x1 1x1 1x1 (a) 1x1 (b) Tache de diffraction 1/3 1x1 1x1 1x1 (c) 1x1 (d) Tige due au facettage Tige due au facettage 25° (e) (f) Figure III.9 : Evolution du RHEED durant la croissance Ge/Si/SiO2 (0,6 nm)/Si(001) : (a) Substrat de Si oxydé, (b) après 4 min d’exposition au SiH4 à 650°C, (c), (d), (e) et (f) après 1 min, 4min, 20 min et 3h de dépôt de Ge à 600°C
La figure III.9(a) révèle une surface de Si oxydée. Des raies d’ordre entier ainsi que des lignes de Kikuchi peuvent être observées. Le Si étant oxydé en surface, il n’y a pas de reconstruction 2x1, et donc pas de raies 1/2. Après 4 min de dépôt de Si à 650°C, la figure de diffraction ne change pas (figure III.9(b)). Après une minute de dépôt de Ge à 600°C, des taches de diffraction apparaissent indiquant la nucléation d’îlots de Ge (figure III.9(c)). Ces taches se renforcent après 4 min de dépôt, et s’accompagnent d’une forte atténuation des raies 1x1 (figure III.9(d)). Ces deux aspects indiquent l’augmentation de la rugosité de surface due à l’accroissement de taille des îlots. Nous pouvons noter l’apparition de taches d’ordre 1/3, 93 Ingénierie et étude de l’interface Ge/Si(001) signifiant la présence de fautes d’empilement. Ces taches ont pratiquement disparu après 20 min de croissance de Ge (figure III.9(e)). La quantité de matière déposée est si importante, qu’il s’est constitué de gros amas Ge que le faisceau d’électrons a du mal à sonder. La figure III.9(e) montre aussi la disparition des raies de Kikuchi, indiquant non pas une mauvaise cristallinité, mais plutôt une forte rugosité. Sur cette même figure, nous pouvons remarquer de petites raies partant des taches de diffraction d’ordre entier. Ces raies forment un angle de 25° par rapport aux raies d’ordre entier et ne peuvent être identifiées comme des lignes de Kikuchi qui ont une direction inverse. Leur présence indique l’apparition de facettes (113) sur les amas de Ge. En fin de croissance (après 3h de dépôt de Ge), ces raies sont encore présentes (figure III.9(f)). Toujours en fin de croissance, les taches de diffraction ont une très faible intensité, indiquant l’augmentation, déjà précédemment très forte, de la rugosité. Une fois sortis du bâti, les échantillons ont été analysés par AFM et MEB. Sur la figure III.10, il semble qu’une grande partie des îlots ont coalescé mais n’ont pas donné une couche homogène. A partir de l’image AFM 2D, la hauteur des amas de Ge est estimée à 400 nm, indiquant une forte rugosité de surface. De plus, l’image 3D montre l’apparition de facettes sur ces mêmes amas. Ces deux observations rejoignent les hypothèses que nous avions avancées, sur d’une part l’atténuation des taches, et d’autre part sur l’apparition des raies dues aux facettes.
0,4 0,3 μm μm 0,2 1,00 0,50 0,1 0,00 4 0,0 4 2 μm 2 0 0 1 2 3 μm 4 μm 0 5
Figure III.10 : Images AFM 2D et 3D de Ge/Si02/Si(001) déposé à 600°C, après une croissance de Si à 650°C durant 4 min
Afin d’accroître la quantité d’informations sur ce dépôt de Ge, nous avons clivé l’échantillon selon la direction <110>, et observé l’échantillon en MEB sous les angles de 45° 94 Ingénierie et étude de l’interface Ge/Si(001) et 90° (figure III.10). Les images obtenues montrent que les amas de Ge sont facettés. De l’image par la tranche (à 90°), nous pouvons constater la présence d’un facettage dans le plan (113), mais aussi d’une petite facette (111) quasiment à la base des amas. Les plans (113) forment un angle de l’ordre de 25° par rapport au plan (001). Ce sont eux que représentent en RHEED les tiges formant l’angle de 25° par rapport aux tiges d’ordre entier. Figure III.11 : Imagerie MEB d’une surface de Ge/Si02/Si(001) : (a) à 45° avec un grossissement de 25000, (b) à 45 ° avec un grossissement de 100000, et (c) sur la tranche avec un grossissement de 75000
Dans l’intention d’identifier les défauts présents à l’intérieur des amas de Ge, nous avons aminci puis observé sur la tranche cet échantillon par MET. La figure III.12(a) démontre la présence de fautes d’empilement, déjà précédemment détectées par RHEED. Il semble qu’il y ait plusieurs plans (111) les uns à côté des autres qui ont “glissés”. Sur la figure III.12(b), les zones sombres dans la couche de Ge peuvent être identifiées comme des champs de contraintes. La présence de dislocations émergentes n’a pas été décelée. Nous pouvons donc conclure qu’elles sont présentes en très faible densité dans les amas de Ge. La caractérisation en MET ne détecte pas non plus de dislocations coins à l’interface Ge/SiO2. 95 Ingénierie et étude de l’interface Ge/Si(001)
Figure III.12 : Imagerie MET en section transverse d’une surface de Ge/Si02/Si(001) montrant (a) des fautes d’empilement et (b) des champs de contrainte. 96 Ingénierie et étude de l’interface Ge/Si(001)
Dans le but de détecter la présence éventuelle de dislocations coins dans la couche de Ge, le même échantillon a été observé en HRTEM (figure III.13). Les figures III.13(a) et (b) représentent des régions typiques du dépôt de Ge sur la silice. Le Ge est monocristallin avec la même orientation cristallographique que le Si, et avec aucun défaut apparent. Sur certaines images HRTEM (figure III.13(c)), nous observons des bloc compacts de fautes d’empilement, confirmant ainsi l’impression que donnait la caractérisation en MET (figure III.12(a)). Par contre, nous n’observons aucune dislocation coin ou émergente. Sur quelques clichés, nous observons des trous dans la silice (figure III.13(d)).
| 22,616
|
63393f48ee81b31e9b851870b2c9dff6_7
|
French-Science-Pile
|
Open Science
|
Various open science
| 2,008
|
Taux d'emploi pour la classe d'âge 55-64
|
None
|
French
|
Spoken
| 6,641
| 16,932
|
15 641
32 127
43 583
33 950
71 519
Canada
4 730
8 204
9 255
9 633
11 522
22 803
24 747
66 796
27 670
22 146
7 619
1 533
33 824
66 605
Corée
588
809
1 776
2 325
2 844
5 412
9 333
9 283
3 528
2 392
3 526
9 246
6 309
36 456
Danemark
1 669
4 898
4 180
768
2 799
7 726
14 657
31 306
11 525
6 633
2 597
-10 721
13 109
7 033
Espagne
9 572
9 276
6 285
6 821
6 388
11 798
18 744
39 582
28 347
39 249
25 844
24 775
25 005
20 027
États-Unis
51 362
46 121
57 776
86 502
105 603
179 045
289 444
321 274
167 021
84 372
63 961
133 162
109 754
183 571
Finlande
864
1 578
1 063
1 109
2 116
12 141
4 610
8 836
3 732
8 053
3 322
3 005
4 504
3 708
France
16 443
15 574
23 679
21 960
23 171
30 984
46 546
43 258
50 485
49 079
42 538
32 585
81 007
81 121
Grèce
1 244
1 166
1 198
1 196
1 089
72
561
1 108
1 589
50
1 276
2 103
606
5 366
Hongrie
2 446
1 144
5 102
3 300
4 171
3 337
3 313
2 763
3 936
2 994
2 137
4 508
7 621
6 097
Irelande
1 068
856
1 442
2 616
2 710
8 856
18 211
25 784
9 653
29 350
22 803
-10 614
-31 114
12 818
Islande
..
-2
9
83
148
148
67
170
173
91
328
654
3 075
3 233
Italie
3 751
2 236
4 816
3 535
4 962
4 280
6 911
13 377
14 873
14 558
16 430
16 824
19 959
16 587
Jaoan
210
888
41
228
3 224
3 193
12 743
8 318
6 244
9 239
6 324
7 819
2 778
-6 503
..
..
..
..
..
..
..
..
..
690
2 065
2 579
4 865
2 761
3 309
2 714
2 748
3 461
7 958
15 444
12 886
30 827
550
973
2 144
2 426
3 577
2 635
2 169
4 031
6 125
5 036
4 322
5 987
7 661
19 442
Fédération de Russie
Inde
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/273373015068
Flux entrants d’investissement direct
Millions de dollars des EU, moyenne 2004-2006
728 128
447 466
150 000
130 000
110 000
90 000
70 000
50 000
30 000
10 000
Ré
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1 2 http://dx.doi.org/10.1787/386411353848
82
PANORAMA DES STATISTIQUES DE L’OCDE 2008 – ISBN 978-92-64-04055-7 – © OCDE 2008
MONDIALISATION ÉCONOMIQUE • INVESTISSEMENT INTERNATIONAL
FLUX ET STOCKS D’IDE
Flux sortants d’investissement direct
Millions de dollars des EU
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
Allemagne
17 196
18 858
39 052
50 806
41 794
88 837
108 692
56 567
39 691
18 963
5 827
14 837
55 481
79 466
20 987
Australie
1 947
2 817
3 282
7 088
6 428
3 345
-421
3 158
11 962
7 852
16 185
10 800
-34 289
Autriche
1 190
1 257
1 131
1 935
1 988
2 745
3 301
5 741
3 138
5 812
7 143
8 305
10 017
4 089
Belgique
..
..
..
..
..
..
..
..
..
12 705
36 933
34 038
31 761
62 587
Canada
5 700
9 294
11 462
13 094
23 059
34 349
17 250
44 678
36 037
26 761
21 526
43 248
34 084
42 134
Corée
1 340
2 461
3 552
4 670
4 449
4 740
4 198
4 999
2 420
2 617
3 426
4 658
4 298
7 129
Danemark
1 261
3 955
3 063
2 519
4 207
4 477
16 434
23 093
13 376
5 695
1 124
-10 371
15 026
8 195
Espagne
3 174
4 111
4 158
5 590
12 547
18 938
44 384
58 224
33 113
32 744
28 745
60 567
41 804
89 728
États-Unis
83 950
80 167
98 750
91 885
104 803
142 644
224 934
159 212
142 349
154 460
149 897
244 128
9 072
248 856
Finlande
1 407
4 298
1 497
3 597
5 292
18 642
6 616
24 035
8 372
7 378
-2 282
-1 080
4 475
9
France
19 736
24 372
15 758
30 419
35 581
48 613
126 859
177 482
86 783
50 486
53 197
56 762
120 891
115 101
4 169
Grèce
..
..
..
..
..
-276
552
2 137
616
655
413
1 030
1 450
Hongrie
11
48
59
-4
462
278
250
620
368
278
1 644
1 119
2 327
3 015
Irlande
218
436
820
728
1 014
3 902
6 109
4 630
4 066
11 035
5 555
18 079
13 560
22 114
Islande
14
24
25
63
56
74
123
393
342
320
373
2 553
7 063
4 160
Italie
7 231
5 109
5 731
6 465
12 245
16 078
6 722
12 318
21 476
17 138
9 079
19 273
41 795
42 060
Japon
13 915
18 117
22 628
23 419
25 991
24 155
22 747
31 539
38 349
32 280
28 799
30 963
45 830
50 244
..
..
..
..
..
..
..
..
..
125 945
99 861
84 089
123 955
81 552
Luxembourg
Mexique
..
..
..
..
..
..
..
..
281
605
922
3 185
1 270
2 208
3 177
2 533
3 533
9 727
13 782
12 768
22 657
Inde
..
83
117
239
113
48
79
759
1 391
1 819
1 934
2 274
2 931
11 005
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/273388003773
Flux sortants d’investissement direct
Millions de dollars des EU, moyenne 2004-2006
150 000
595 358
167 352 935 314
130 000
110 000
90 000
70 000
50 000
30 000
10 000
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PANORAMA DES STATISTIQUES DE L’OCDE 2008 – ISBN 978-92-64-04055-7 – © OCDE 2008
83
MONDIALISATION ÉCONOMIQUE • INVESTISSEMENT INTERNATIONAL
ACTIVITÉS DES ENTREPRISES MULTINATIONALES
De plus en plus, les entreprises des pays de l’OCDE adoptent
des stratégies mondiales et créent à l’étranger des services
de commercialisation et des unités de production et de
recherche pour faire face aux nouvelles pressions
concurrentielles. Il est donc important de disposer
d’indicateurs concernant l’activité des filiales sous contrôle
étranger pour compléter les informations relatives à l’IDE
lorsqu’on analyse le poids et la contribution économique de
ces entreprises dans les pays d’accueil.
Tandis que les données du secteur manufacturier sont
disponibles depuis le début des années 80, l’OCDE n’a
commencé à collecter les données de l’activité des filiales
sous contrôle étranger du secteur des services qu’à partir du
milieu des années 90, et les données ne sont pas encore
disponibles pour tous les pays de l’OCDE.
Définition
Comparabilité
Les pays sont moins nombreux à pouvoir fournir des
estimations de l’emploi pour les filiales du secteur des
services que pour celles du secteur manufacturier car la
collecte des données dans le secteur des services a débuté
plus tard. Pour l’emploi dans le secteur manufacturier, il y a
des ruptures de séries pour l’Autriche (2001/2002), la
République tchèque (1999/2000), la France (2001/2002),
l’Allemagne (2001/2002), la Hongrie (2002/2003), le Portugal
(2002/2003) et les États-Unis (1996/1997) dues au
changement de méthode de collecte des données. En ce qui
concerne l’emploi dans le secteur des services, le principal
problème de comparabilité tient au fait que les institutions
financières ne sont pas prises en compte en Belgique, en
Allemagne, en Irlande, aux Pays-Bas, au Portugal, en
Espagne, en Suède, au Royaume-Uni et aux États-Unis.
Une filiale sous contrôle étranger est une société dans
laquelle un seul investisseur étranger détient plus de 50 %
des actions assorties de droits de vote. La notion de contrôle
signifie que toutes les activités de la compagnie sont
attribuées à l’investisseur étranger. Ainsi, des variables
comme le chiffre d’affaires de la compagnie, l’emploi ou les
exportations sont attribuées à l’investisseur étranger et au
pays d’où il vient. Le contrôle peut être direct ou indirect.
Source
• OCDE (2007), Science, technologie et industrie : Tableau de bord
de l’OCDE 2007, OCDE, Paris.
Pour en savoir plus
Publications analytiques
Tendances à long terme
La part des filiales de sociétés étrangères dans l’emploi
manufacturier varie considérablement suivant les pays de l’OCDE,
de moins de 15 % au Danemark, en Italie, au Portugal, en Suisse,
en Turquie et aux États-Unis à 35 % ou plus en République
tchèque, au Luxembourg, en République slovaque et en Irlande.
L’emploi dans les filiales de sociétés étrangères exerçant des
activités de services est plus faible dans tous les pays, encore que,
comme indiqué plus haut, la comparabilité soit moindre pour
plusieurs pays en raison de l’exclusion des effectifs des services
bancaires et d’assurance.
Au cours de la période 1999-2005, l’emploi dans les filiales sous
contrôle étranger du secteur manufacturier a augmenté ou est
resté stable dans tous les pays pour lesquels des données sont
disponibles, à l’exception de l’Espagne et de l’Irlande, où il a baissé
légèrement, et en Belgique, au Luxembourg et aux États-Unis où il
est resté à peu près stable. Des augmentations particulièrement
prononcées ont été enregistrées en République tchèque, en
Norvège, en Pologne, en Suède et au Royaume-Uni.
Sur la même période, l’emploi pour les filiales sous contrôle
étranger du secteur des services a augmenté ou est resté stable
dans tous les pays pour lesquels les données sont disponibles,
sauf en Belgique. C’est en République tchèque, en Irlande, en
Pologne et en Suède que les augmentations ont été les plus
importantes.
84
• OCDE (2005), Mesurer la mondialisation : Indicateurs de
l’OCDE sur la mondialisation économique, OCDE, Paris.
• OCDE (2008), Rapport annuel sur les Principes directeurs de
l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales 2007 : La
responsabilité des entreprises dans le secteur financier, OCDE,
Paris.
Publications statistiques
• OCDE (2007), Mesurer la mondialisation : Activités des
multinationales – Volume I : Secteur manufacturier, 2000-2004,
Édition 2007, OCDE, Paris.
• OCDE (2008), Measuring Globalisation: Activities of
Multinationals in OECD Economies, Volume II: Services,
2000-2004, OCDE, Paris.
Publications méthodologiques
• OCDE (2005), Mesurer la mondialisation : Manuel de l’OCDE
sur les indicateurs de la mondialisation économique, OCDE,
Paris.
Bases de données en ligne
• Mesurer la mondialisation – Base de données statistiques.
Sites Internet
• OCDE Mesurer la mondialisation, www.oecd.org/sti/
measuring-globalisation.
• OCDE Science, Technologie et Industrie, www.oecd.org/sti.
PANORAMA DES STATISTIQUES DE L’OCDE 2008 – ISBN 978-92-64-04055-7 – © OCDE 2008
MONDIALISATION ÉCONOMIQUE • INVESTISSEMENT INTERNATIONAL
ACTIVITÉS DES ENTREPRISES MULTINATIONALES
Part de l’emploi des filiales sous contrôle étranger
En pourcentage de l’emploi total
Part de l’emploi dans l’industrie manufacturière
1999
2000
Allemagne
6.2
6.0
Australie
..
Autriche
..
2001
Part de l’emploi dans les services
2002
2003
2004
2005
1999
2000
2002
2003
2004
2005
5.8 |
14.8
15.5
15.7
15.2
..
3.2
2001
2.9 |
7.2
6.1
6.5
..
22.7
..
..
..
..
..
..
10.5
..
..
..
..
..
19.6
18.0 |
24.0
22.5
..
..
..
..
9.7
..
..
..
..
14.2
Belgique
..
..
..
32.3
34.5
32.8
33.1
..
..
..
17.2
16.2
15.3
Danemark
10.2 |
15.1
14.1
14.4
..
..
..
6.1
..
..
..
..
..
..
Espagne
16.5
16.8
16.4
15.9
15.4
15.6
15.6
..
..
..
8.7
10.0
9.5
..
..
États-Unis
11.2
11.5
11.1
11.3
11.4
11.1
11.2
..
..
..
3.8
..
..
Finlande
15.9
15.9
17.2
17.4
17.4
16.1
16.5
9.0
11.1
11.9
..
..
..
..
France
28.5 |
30.1
30.8 |
26.4
26.8
26.2
26.4
6.1
6.1
5.6
5.2 |
10.0
10.5
..
Hongrie
46.5
44.5
45.2
43.6 |
27.1
32.4
..
..
15.2
15.1
14.8
15.9
..
..
Irlande
49.1
48.1
49.2
48.4
46.7
48.0
..
..
..
..
22.3
..
..
..
Italie
..
..
10.8
13.1
12.5
12.4
..
..
..
5.1
5.4
5.7
6.1
..
Luxembourg
38.9
39.6
40.7
41.5
37.9
39.1
39.3
..
..
..
..
..
..
..
Norvège
19.9
21.4
23.1
22.2
22.3
..
..
..
..
..
..
..
..
..
Pays-Bas
18.9
18.3
21.0
25.7
25.1
..
..
..
8.7
9.1
12.1
8.9
..
..
Pologne
18.6
20.9
21.9
24.1
25.4
28.1
29.5
..
..
13.4
15.3
15.3
17.1
..
Portugal
8.9
10.1
9.5
8.9 |
12.8
12.6
..
3.9
4.0
4.7
..
..
..
..
..
..
..
..
34.9
41.4
..
..
..
..
..
..
..
..
République slovaque
République tchèque
16.2 |
25.3
28.9
27.2
32.6
37.2
37.8
..
14.2
..
..
21.1
22.7
..
Royaume-Uni
17.7
19.6
24.0
24.6
26.1
25.8
27.6
..
..
..
..
11.6
12.0
..
Suède
24.1
29.1
32.7
34.8
33.2
32.4
33.8
14.0
14.5
..
17.5
20.6
22.4
..
Suisse
..
..
..
..
12.1
13.0
12.9
..
..
..
..
7.3
7.6
8.2
Turquie
5.4
5.7
7.0
..
..
..
..
..
..
..
..
..
..
..
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/273436866125
Part de l’emploi des filiales sous contrôle étranger dans l’industrie manufacturière
et les services
En pourcentage de l’emploi total, 2005 ou dernière année disponible
Industrie manufacturière
Services
50
45
40
35
30
25
20
15
10
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PANORAMA DES STATISTIQUES DE L’OCDE 2008 – ISBN 978-92-64-04055-7 – © OCDE 2008
85
PRIX
PRIX ET TAUX D’INTÉRÊT
INDICES DES PRIX À LA CONSOMMATION (IPC)
INDICES DES PRIX À LA PRODUCTION (IPP)
TAUX D’INTÉRÊT À LONG TERME
POUVOIR D’ACHAT ET TAUX DE CHANGE
TAUX DE CONVERSION
TAUX DE CHANGE EFFECTIFS
PRIX • PRIX ET TAUX D’INTÉRÊT
INDICES DES PRIX À LA CONSOMMATION (IPC)
Prix et taux d’intérêt
PRIX
Les indices des prix à la consommation sont utilisés de
longue date comme statistiques officielles. Ils mesurent
l’érosion du niveau de vie découlant de la hausse des prix,
et sont probablement les statistiques économiques les plus
connues des médias et du grand public.
Définition
Les indices des prix à la consommation mesurent la
variation du coût d’un panier de biens et de services
généralement achetés par des groupes spécifiques de
ménages. Pour les indices dont les valeurs sont indiquées
dans les tableaux qui suivent, ces groupes ont été définis de
manière très large et couvrent la quasi-totalité des
ménages, hormis les « ménages institutionnels » – les
prisons et les institutions militaires, par exemple – et, dans
certains pays, les ménages de la catégorie de revenus la plus
élevée.
L’indice relatif à l’alimentation couvre les produits
alimentaires et les boissons non alcoolisées, mais il exclut
les achats effectués dans les restaurants. L’indice relatif à
l’énergie est destiné à couvrir tous les types d’énergie, y
compris les carburants et combustibles utilisés dans les
véhicules à moteur, pour le chauffage et pour d’autres
usages domestiques.
Comparabilité
Les méthodes de calcul de ces indices diffèrent sur un
certain nombre de points. Les plus importants concernent le
traitement des coûts de logement, les ajustements réalisés
pour tenir compte de l’évolution qualitative des biens et
services, la fréquence avec laquelle les coefficients de
pondération des composantes du panier sont actualisés, et
la formule utilisée pour calculer l’indice. En particulier, les
méthodologies du traitement des logements occupés par
leur propriétaire varie d’un pays à l’autre de façon
significative. Les indices des prix à la consommation
harmonisés européens (IPCH) excluent les logements
occupés par leur propriétaire, de même que les IPC
nationaux de la Belgique, de la France, de la Grèce, de l’Italie,
du Luxembourg, de la Pologne, du Portugal, de l’Espagne et
du Royaume-Uni. Au Royaume-Uni, l’IPC national est le
même que l’IPCH. L’IPC de l’Union européenne refère quant
à lui à l’IPCH publié par Eurostat et couvre les vingt-sept
pays sur toute la période de la série temporelle. En outre, la
mesure des prix à la consommation soulève des difficultés
pratiques dans les pays qui connaissent une très forte
inflation – comme la Turquie, la Hongrie et le Mexique au
cours de la période examinée ici.
Tendances à long terme
Pour la plupart des pays de l’OCDE, les indices des prix à la
consommation n’ont que modérément augmenté depuis 1993, et
l’inflation a été plus forte jusqu’en 1997 que par la suite. Sur
l’ensemble de la période, l’inflation a été exceptionnellement
basse au Japon, où elle s’est établie à une moyenne proche de
0 % par an, mais particulièrement forte en Grèce, au Mexique et
en Turquie, ainsi que dans quatre pays d’Europe centrale devenus
récemment membres de l’OCDE, à savoir la Hongrie, la
République tchèque, la République slovaque et la Pologne.
Concernant les cinq économies non membres, les IPC ont
augmenté très nettement depuis 1993 au Brésil, en Inde, en
Fédération de Russie et en Afrique du Sud. En Chine, cependant,
les prix ont augmenté fortement jusqu’en 1996, mais depuis, ils
ont diminué ou augmenté très modérément.
L’alimentation et l’énergie font l’objet d’indices spécifiques parce
qu’elles représentent des éléments importants de l’indice des prix
à la consommation de tous les pays et que leurs prix tendent à se
caractériser par une plus grande volatilité que ceux des autres
biens et services. Au cours de la période considérée, les prix des
produits alimentaires ont moins augmenté que l’ensemble des
prix à la consommation, et les hausses ont été modérées dans la
plupart des pays de l’Union européenne (UE). Néanmoins, des
augmentations substantielles ont eu lieu en 2001 et, sauf en
Europe, entre 1996 et 1998. Les prix de l’énergie ont été plutôt
instables ; ainsi, ils ont augmenté de plus de 10 % en 2000 et en
2005, alors qu’ils ont baissé en 1998 et 2002. Sur l’ensemble de la
période considérée, la hausse des prix de l’énergie a été plus
rapide que celle des indices globaux des prix à la consommation.
88
Source
• OCDE (2007), Principaux indicateurs économiques, OCDE,
Paris.
Pour en savoir plus
Publications analytiques
• Brook, A.M. et al. (2004), Oil Price Developments: Drivers,
Economic Consequences and Policy Responses, Documents de
travail du Département des affaires économiques, n° 412,
OCDE, Paris.
• OCDE (2007), Perspectives économiques de l’OCDE : Décembre
n° 82 – Volume 2007-2, OCDE, Paris.
Publications méthodologiques
• OIT, FMI, OCDE, Eurostat, Banque Mondiale (2004),
Consumer Price Index Manual: Theory and Practice, OIT,
Genève.
• OCDE (1999), Principaux indicateurs économiques : juillet
Volume 1999-7, OCDE, Paris.
• OCDE (2003), « Analyse méthodologique comparative :
Indices des prix à la consommation et à la production »,
Principaux indicateurs économiques, Volume 2002,
Supplément 2, OCDE, Paris.
Sites Internet
• OCDE, Principaux indicateurs économiques,
www.oecd.org/std/mei.
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..
..
63.3
74.5
83.7
89.6
91.2
100.0
104.6
104.0
102.7
108.8
111.2
111.9
Portugal
85.0
88.1
90.5
92.3
92.6
95.9
97.9
100.0
106.5
108.6
111.4
112.6
112.0
115.0
République slovaque
60.3
70.6
79.4
82.7
87.4
92.5
95.0
100.0
106.1
107.6
111.3
116.6
115.0
116.6
République tchèque
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79.6
89.0
96.1
100.3
104.7
98.9
100.0
105.0
103.0
100.7
104.2
103.9
104.8
110.9
Royaume-Uni
91.6
92.8
96.4
99.4
99.2
100.2
100.5
100.0
103.8
104.6
105.8
106.5
108.2
Suède
101.1
102.9
104.3
97.1
97.4
98.5
100.0
100.0
102.9
106.2
106.6
106.1
105.4
106.2
Suisse
96.5
97.0
97.6
97.1
97.8
98.6
98.5
100.0
102.2
104.6
105.9
106.6
105.9
105.8
Turquie
1.8
3.9
7.6
13.1
25.1
46.2
68.2
100.0
149.1
223.0
273.5
292.2
306.6
336.3
Total UE27
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78.8
89.2
94.8
96.2
100.0
106.5
109.7
111.9
113.9
115.1
117.9
Total OCDE
75.8
79.1
83.6
88.1
91.7
95.5
97.9
100.0
104.4
107.1
109.5
112.5
114.0
116.5
Afrique du Sud
58.0
66.0
71.7
76.1
83.3
88.4
92.7
100.0
105.4
122.1
131.9
134.9
137.9
147.9
Brésil
0.3
7.2
81.3
88.1
89.6
90.7
92.5
100.0
109.6
131.0
140.8
146.2
149.1
150.9
Chine
..
..
50.8
60.5
70.9
81.7
88.5
100.0
107.3
112.6
117.3
122.3
128.7
135.8
Portugal
86.2
88.8
89.8
91.8
95.5
96.1
94.3
100.0
105.1
106.2
111.3
117.3
128.9
139.2
République slovaque
..
..
43.2
45.7
47.3
49.0
69.9
100.0
113.9
127.7
153.0
174.9
188.6
211.9
République tchèque
..
..
..
60.8
68.9
82.3
87.4
100.0
104.2
104.6
105.6
110.0
117.2
127.4
Royaume-Uni
77.8
81.3
84.2
86.4
89.2
89.5
93.4
100.0
97.3
96.5
99.1
105.3
116.9
134.1
Suède
81.3
81.7
83.1
88.5
92.9
92.9
92.7
100.0
107.1
108.6
121.8
125.5
132.2
142.3
Suisse
80.2
79.3
81.5
84.8
87.5
82.4
85.0
100.0
98.7
93.8
95.0
99.4
109.7
117.6
Turquie
..
3.3
5.9
12.2
22.3
36.6
64.0
100.0
192.2
279.9
330.9
346.5
397.5
442.2
Total UE27
..
..
..
79.6
85.4
85.5
88.8
100.0
102.8
104.4
108.5
114.4
125.7
136.3
Total OCDE
70.9
73.4
76.4
80.9
84.9
83.5
87.4
100.0
104.4
103.1
110.6
118.5
132.6
145.0
Brésil
0.2
6.8
44.0
72.7
73.8
81.2
83.4
100.0
117.9
141.4
171.5
188.0
203.1
203.7
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/273513344501
IPC : énergie
Croissance annuelle moyenne en pourcentage
Moyenne sur 3 ans au début de la période
30
613.7
Moyenne sur 3 ans à la fin de la période
89.1
25
20
15
10
5
0
Ja
p
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log
Da ne
ne
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-5
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/386560325041
PANORAMA DES STATISTIQUES DE L’OCDE 2008 – ISBN 978-92-64-04055-7 – © OCDE 2008
91
PRIX • PRIX ET TAUX D’INTÉRÊT
INDICES DES PRIX À LA PRODUCTION (IPP)
Un grand nombre d'outils sont utilisés pour mesurer les
changements de prix dans un pays. Ils incluent les indices
des prix à la consommation (IPC), les indices de prix relatifs
à des biens et/ou services spécifiques, les déflateurs du PIB
et les indices des prix à la production (IPP). Alors que les IPC
sont utilisés pour mesurer les changements au cours du
temps des prix moyens au détail d'un panier fixe de biens et
services représentatif des habitudes de consommation des
ménages, le but des IPP est de mesurer les mouvements
moyens des prix perçus par les producteurs de marchandises.
Les indices des prix à la production mesurent la variation
des prix à un stade précoce du processus de production. De
ce fait, ils sont souvent considérés comme des indicateurs
avancés de l'évolution des prix dans l'ensemble de
l'économie, y compris des variations de prix des biens et
services de consommation.
Définition
Les prix à la production se définissent comme des « prix
départ usine » et excluent toutes les taxes, marges de
transport et marges commerciales que l'acheteur peut avoir
à payer. On entend par production manufacturière la
fabrication des biens semi transformés et autres biens
intermédiaires, ainsi que des produits finis tels que les
biens de consommation et les biens d'équipement.
Comparabilité
Les indices de prix qui figurent ci-après sont destinés à
rendre compte de l'évolution des prix à la production dans
le secteur manufacturier. En pratique, de nombreux pays ne
calculent pas de tels indices pour le seul secteur
manufacturier. Les indices de l'Autriche, de l'Espagne, de la
Grèce, de l'Italie, du Luxembourg, du Mexique, de la Suisse
et de la Turquie ont tous une couverture plus étendue, qui
inclut généralement (outre le secteur manufacturier)
l'industrie minière ainsi que les secteurs de l'électricité, du
gaz et de l'eau, auxquels il faut ajouter l'agriculture dans
certains pays.
Un autre problème tient au fait que l'Autriche et la Turquie
calculent des indices des prix de gros, et non des indices des
prix à la production. Or, les prix de gros intègrent les taxes
ainsi que les marges de transport et les marges
commerciales, en sus du prix départ usine des biens.
Il existe également des différences entre pays concernant la
manière dont ils ajustent les prix en fonction de l'évolution
qualitative de la production, la fréquence avec laquelle les
coefficients de pondération sont actualisés, et la formule
employée pour calculer l'indice des prix.
Source
• OCDE (2007), Principaux indicateurs économiques, OCDE,
Paris.
Pour en savoir plus
Publications analytiques
Tendances à long terme
Les prix à la production ont augmenté plus lentement que les prix
à la consommation tout au long de la période 1993-2006, d'un total
de 3 % pour l'OCDE. Plus de la moitié des pays de l'OCDE ont
enregistré des hausses annuelles moyennes inférieures à 2.5 %, et
dans deux pays – le Japon et la Suisse –, les prix à la production
étaient en fait plus bas à la fin de la période considérée qu'en 1993.
Tous les pays ont connu des augmentations exceptionnellement
fortes en 1995, en 2000 et en 2005-2006, en raison des fluctuations
marquées des cours mondiaux des produits de base.
Pour la République tchèque, la Hongrie, le Mexique, la Pologne et
la Turquie, les taux de croissance très élevés des trois premières
années de la période, ont été remplacés par des taux modérés en
2003-2006.
92
• Brook, A.M. et al. (2004), Oil Price Developments: Drivers,
Economic Consequences and Policy Responses, Documents de
travail du Département des Affaires économiques, n° 412,
OCDE, Paris.
• OCDE (2007), Perspectives économiques de l'OCDE: Décembre
n° 82 – Volume 2007-2, OCDE, Paris.
Publications méthodologiques
• FMI, OIT, OCDE, Eurostat, ONU, Banque Mondiale (2004),
Producer Price Index Manual: Theory and Practice, FMI,
Washington, DC.
• OCDE (2002), “Analyse méthodologique comparative :
Indices des prix à la consommation et à la production”,
Principaux indicateurs économiques, Volume 2002,
Supplément 2, OCDE, Paris.
Sites Internet
• OCDE, Principaux indicateurs économiques,
www.oecd.org/std/mei.
PANORAMA DES STATISTIQUES DE L’OCDE 2008 – ISBN 978-92-64-04055-7 – © OCDE 2008
PRIX • PRIX ET TAUX D’INTÉRÊT
INDICES DES PRIX À LA PRODUCTION (IPP)
IPP : industrie manufacturière
Année 2000 = 100
Allemagne
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
94.0
94.7
96.7
96.8
97.4
97.2
97.0
100.0
101.3
101.5
102.1
103.9
106.8
109.7
Australie
86.4
87.0
90.2
91.0
92.1
92.7
93.3
100.0
103.1
103.3
103.8
107.9
114.3
123.4
Autriche
96.1
97.4
97.7
97.7
98.1
97.6
96.7
100.0
101.5
101.1
102.8
107.8
110.1
113.3
Belgique
86.5
88.0
90.0
90.7
92.4
91.0
91.1
100.0 |
99.5
99.2
98.8
102.9
105.6
110.9
Canada
81.5
86.4
92.8
93.2
93.9
94.2
95.9
100.0
101.0
101.0
99.7
102.8
104.3
106.8
Corée
78.4
79.6
83.5
85.3
88.2
101.0
97.7
100.0
97.9
96.4
98.1
105.5
108.8
112.0
Danemark
90.4
90.7
93.5
94.8
96.3
95.7
96.0
100.0
102.9
103.9
104.0
105.1
108.2
111.6
Espagne
83.2
86.8
92.3
93.9
94.8
94.2
94.8
100.0
101.7
102.4
103.9
107.4
112.7
118.7
États-Unis
89.2
90.4
93.1
95.2
95.5
94.5
96.1
100.0
100.8
100.1
102.7
107.1
113.0
117.5
Finlande
91.0
92.4
94.1
92.3
93.3
91.7
91.2
100.0
98.9
96.6
95.5
95.3
98.0
101.5
France
97.6
98.9
103.9
101.1
100.5
99.6
98.0
100.0
101.2
101.0
101.3
102.5
104.3
106.9
Grèce
..
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80.0
85.3
87.9
90.4
92.3
100.0
102.9
104.8
106.3
110.2
116.2
123.6
Hongrie
..
..
53.0
64.5
77.3
85.4
89.3
100.0
104.3
101.7
103.2
105.9
110.9
116.5
Irlande
87.3
88.3
89.6
89.2
89.5
91.9
93.6
100.0
101.7
100.5
92.4
90.2
90.1
90.7
Italie
81.8
84.9
91.5
93.2
94.4
94.6
94.3
100.0
101.9
102.1
103.7
106.5
110.8
117.0
Japon
106.5
104.6
103.8
102.1
102.7
101.3
99.9
100.0
97.7
95.6
94.8
95.9
97.8
100.8
Luxembourg
97.1
97.3
100.7
96.5
98.1
99.8
95.0
100.0
99.8
99.0
100.4
109.3
118.1
127.2
Mexique
29.5
31.3
44.3
59.6
69.1
78.6
90.9
100.0
103.3
107.8
115.9
126.7
132.0
140.7
Norvège
81.6
83.3
84.9
86.1
86.8
87.6
90.6
100.0
100.6
97.5
99.2
105.5
112.5
121.5
114.6
Nouvelle-Zélande
93.0
93.7
93.8
93.0
91.7
92.5
93.4
100.0
104.8
105.1
103.8
105.8
109.7
Pays-Bas
85.6
86.2
88.1
89.4
92.1
89.9
90.1
100.0
101.0
99.8
100.5
104.7
111.2
116.5
Pologne
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76.6
83.1
88.4
92.9
100.0
99.9
99.9
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109.1
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Portugal
74.5
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République slovaque
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113.2
115.6
118.0
République tchèque
72.0
75.8
82.2
86.3
90.3
94.5
94.6
100.0
102.6
101.3
101.0
107.0
109.1
109.9
Royaume-Uni
88.8
91.1
94.8
97.2
98.1
98.1
98.5
100.0
99.7
99.8
101.3
103.8
106.7
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Suède
85.6
89.5
98.3
96.1
96.9
96.4
95.9
100.0
101.5
100.9
99.8
100.7
104.5
108.6
Suisse
104.5
104.0
103.9
102.0
101.3
100.1
99.1
100.0
100.5
100.0
100.0
101.2
102.0
104.1
Turquie
2.0
4.2
7.8
13.8
25.1
43.1
66.0
100.0
161.6
242.6
304.6
338.4
366.3
402.1
113.3
Total UE27
88.4
90.3
94.7
95.7
96.3
95.7
95.7
100.0
101.2
101.5
102.8
105.8
109.5
Total OCDE
79.9
82.3
87.1
90.0
92.3
93.7
95.4
100.0
101.5
101.9
103.8
107.4
111.7
115.9
Afrique du Sud
61.2
66.8
73.4
79.3
85.0
88.3
92.9
100.0
107.1
121.4
127.0
129.5
134.3
142.9
Brésil
1.6
38.4
61.0
64.9
70.1
72.6
84.7
100.0
112.6
131.4
167.6
185.1
195.4
197.0
Chine
..
..
..
104.3
104.0
99.7
97.3
100.0
98.7
96.5
98.8
104.7
109.9
113.2
Fédération de Russie
1.6
6.8
23.1
34.9
40.1
42.9
68.3
100.0
118.2
130.5
151.9
187.4
225.9
253.9
Inde
65.0
71.7 |
78.7
82.2
85.9
90.9
94.1
100.0
105.2
107.8
113.5
121.0
126.7
132.8
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/273524812843
IPP : industrie manufacturière
Croissance annuelle moyenne en pourcentage
Moyenne sur 3 ans au début de la période
Moyenne sur 3 ans à la fin de la période
243.6
30
90.4 179.4
25
20
15
10
5
0
Irla
nd
Su e
iss
Fr e
an
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Ja e
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na
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us
sie
-5
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/386566632875
PANORAMA DES STATISTIQUES DE L’OCDE 2008 – ISBN 978-92-64-04055-7 – © OCDE 2008
93
PRIX • PRIX ET TAUX D’INTÉRÊT
TAUX D’INTÉRÊT À LONG TERME
Les taux d’intérêt à long terme sont un des déterminants de
l’investissement des entreprises. Ces taux ont un effet
stimulant sur les investissements en nouveaux
équipements lorsqu’ils sont bas, et dissuasif lorsqu’ils sont
élevés. L’investissement est lui-même une source
essentielle de croissance économique.
Définition
Pourcentage
États-Unis
Royaume-Uni
Japon
Zone euro
10
9
Ces taux d’intérêt sont ceux des obligations d’État ayant une
échéance résiduelle d’environ 10 ans. Il ne s’agit pas des
taux d’intérêt fixés lors de l’émission de ces emprunts, mais
des taux d’intérêt correspondant aux cours auxquels ces
obligations s’échangent sur les marchés de capitaux. Par
exemple, pour une obligation initialement achetée 100 avec
un taux d’intérêt de 9 % et négociée à 90, le taux d’intérêt a
augmenté de 10 % ([9/90] x 100).
Comparabilité
8
7
6
5
4
3
c’est
2
Dans tous les cas, ce sont des taux d’intérêt sur des
obligations dont le remboursement du capital est garanti
par l’État.
1
On considère que la comparabilité est élevée.
05
20
06
04
20
03
20
02
20
01
20
00
20
99
20
98
19
97
19
96
19
95
19
94
0
19
quand
19
Les taux mensuels montrés ici sont,
possible, des moyennes de taux journaliers.
Évolution des taux d’intérêt à long terme
1 2 http://dx.doi.org/10.1787/386630085778
Tendances à long terme
Les taux d’intérêt sont déterminés par trois facteurs : le prix
facturé par les prêteurs pour le report de consommation auquel ils
consentent, le risque que l’emprunteur ne rembourse pas le
capital prêté, et la réduction par l’inflation de la valeur réelle du
capital qui est anticipée par le prêteur au cours de la durée de vie
de l’emprunt. Les taux d’intérêt indiqués ci-après se réfèrent à des
emprunts d’État, de sorte que le facteur de risque est très faible. Ils
sont déterminés dans une large mesure par les anticipations
inflationnistes.
À partir de 1993, les taux d’intérêt à long terme ont baissé pendant
quelques années mais ont remonté doucement en 1994/1995.
Depuis, ils ont régulièrement baissé dans la plupart des pays
membres, mais ont commencé à remonter en 2006. Pour les
20 pays du tableau pour lesquels les données sont disponibles
pour toute la période de 1993 à 2006, les taux d’intérêts à long
terme étaient en moyenne de 6.9 % en 1993 mais seulement
de 3.8 % en 2006. Pour de nombreux pays, les taux d’intérêts
relevés en 2005 ont atteint des records historiquement bas.
La caractéristique la plus frappante dans le tableau est la
diminution de la variance des taux d’intérêts parmi les pays. La
convergence des taux d’intérêt à long terme s’explique
essentiellement par l’intégration croissante des marchés
financiers – un des aspects de la mondialisation – et a été
particulièrement prononcée parmi les membres de la zone euro.
Le Japon et la Suisse sont des exceptions ; leurs taux d’intérêts
sont restés bas mais ne convergent pas vers la moyenne OCDE.
94
Source
• OCDE (2007), Principaux indicateurs économiques, OCDE,
Paris.
Pour en savoir plus
Publications analytiques
• OCDE (2007), Financial Market Trends, série, OCDE, Paris.
• OCDE (2007), Perspectives économiques de l’OCDE : Décembre
n° 82 – Volume 2007-2, OCDE, Paris.
Publications méthodologiques
• OCDE (1998), Main Economic Indicators – Sources and
Methods: Interest Rates and Share Price Indices, OCDE, Paris.
PANORAMA DES STATISTIQUES DE L’OCDE 2008 – ISBN 978-92-64-04055-7 – © OCDE 2008
PRIX • PRIX ET TAUX D’INTÉRÊT
TAUX D’INTÉRÊT À LONG TERME
Taux d’intérêt à long terme
Pourcentage
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
Allemagne
6.52
6.88
6.86
6.23
5.66
4.58
4.50
5.27
4.80
4.78
4.07
4.04
3.35
3.76
Australie
7.38
8.89
9.21
8.21
6.95
5.49
6.01
6.31
5.62
5.84
5.37
5.59
5.34
5.59
Autriche
6.71
7.03
7.13
6.32
5.68
4.71
4.68
5.56
5.08
4.97
4.15
4.15
3.39
3.80
Belgique
7.22
7.70
7.38
6.30
5.59
4.70
4.71
5.57
5.06
4.89
4.15
4.06
3.37
3.81
Canada
7.24
8.36
8.16
7.24
6.14
5.28
5.54
5.93
5.48
5.30
4.80
4.58
4.07
4.21
..
..
..
..
..
..
..
..
6.86
6.59
5.05
4.73
4.95
5.15
Danemark
Corée
7.30
7.83
8.27
7.19
6.26
5.04
4.92
5.66
5.09
5.06
4.31
4.30
3.40
3.81
Espagne
10.21
10.00
11.27
8.74
6.40
4.83
4.73
5.53
5.12
4.96
4.13
4.10
3.39
3.78
États-Unis
5.87
7.08
6.58
6.44
6.35
5.26
5.64
6.03
5.02
4.61
4.02
4.27
4.29
4.79
Finlande
8.83
9.04
8.79
7.08
5.96
4.79
4.72
5.48
5.04
4.98
4.14
4.11
3.35
3.78
France
6.78
7.22
7.54
6.31
5.58
4.64
4.61
5.39
4.94
4.86
4.13
4.10
3.41
3.80
4.07
Grèce
..
..
..
..
..
8.48
6.31
6.11
5.30
5.12
4.27
4.26
3.59
Irlande
7.58
8.04
8.23
7.25
6.26
4.75
4.77
5.48
5.02
4.99
4.13
4.06
3.32
3.79
Islande
..
6.98
9.65
9.24
8.71
7.66
8.47
11.20
10.36
7.96
6.65
7.49
7.73
9.33
Italie
11.19
10.52
12.21
9.40
6.86
4.88
4.73
5.58
5.19
5.03
4.30
4.26
3.56
4.05
Japon
4.32
4.36
3.44
3.10
2.37
1.54
1.75
1.74
1.32
1.26
1.00
1.49
1.35
1.74
..
7.15
7.23
6.30
5.60
4.73
4.67
5.52
4.86
4.68
3.32
2.84
2.41
3.30
Luxembourg
Norvège
6.88
7.43
7.43
6.77
5.89
5.40
5.50
6.22
6.24
6.38
5.05
4.37
3.75
4.08
Nouvelle-Zélande
6.93
7.63
7.78
7.89
7.19
6.29
6.41
6.85
6.39
6.53
5.87
6.07
5.88
5.78
Pays-Bas
6.36
6.86
6.90
6.15
5.58
4.63
4.63
5.41
4.96
4.89
4.12
4.10
3.37
3.78
Pologne
..
..
..
..
..
..
..
..
10.68
7.36
5.78
6.90
5.22
5.23
Portugal
..
10.48
11.47
8.56
6.36
4.88
4.78
5.60
5.16
5.01
4.18
4.14
3.44
3.91
République slovaque
..
..
..
..
..
..
..
..
8.06
6.91
4.99
5.02
3.52
4.41
..
..
..
..
..
..
..
..
6.31
4.88
4.12
4.75
3.51
3.78
Royaume-Uni
République tchèque
7.48 |
8.12
8.20
7.81
7.05
5.55
5.09
5.33
4.93
4.90
4.53
4.88
4.41
4.50
Suède
8.54 |
9.50 |
10.24
8.03
6.61
4.99
4.98
5.37
5.11
5.30
4.64
4.43
3.38
3.70
Suisse
4.55
4.96
4.52
4.00
3.36 |
3.04
3.04
3.93
3.38
3.20
2.66
2.74
2.10
2.52
Zone euro
8.42
8.18
8.73
7.23
5.96
4.70 |
4.66
5.44 |
5.03
4.92
4.16
4.14
3.44
3.86
Afrique du Sud
13.97
14.83
16.11
15.48
14.70
15.12
14.90
13.79
11.41
11.50
9.62
9.53
8.07
7.94
..
..
..
..
..
..
| 3,055
|
dba0365352261687976fbca4599de972_1
|
French-Science-Pile
|
Open Science
|
Various open science
| 2,021
|
Archives numériques et langages audiovisuels
|
None
|
French
|
Spoken
| 7,243
| 12,159
|
Signata
Annales des sémiotiques / Annals of Semiotics
12 | 2021
Sémiotiques de l’archive
Archives numériques et langages audiovisuels
Une épistémologie des formats techniques
Digital Archives and Audiovisual Languages. An Epistemology for Technical
Formats
Enzo D’Armenio
Édition électronique
URL : https://journals.openedition.org/signata/3025
ISSN : 2565-7097
Éditeur
Presses universitaires de Liège (PULg)
Édition imprimée
ISBN : 9782875622693
ISSN : 2032-9806
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Référence électronique
Enzo D’Armenio, « Archives numériques et langages audiovisuels », Signata [En ligne], 12 | 2021, mis en
ligne le 31 mai 2021, consulté le 07 juin 2021. URL : http://journals.openedition.org/signata/3025
Ce document a été généré automatiquement le 7 juin 2021.
Les contenus de la revue Signata sont mis à disposition selon les termes de la Licence Creative
Commons Attribution 4.0 International.
Archives numériques et langages audiovisuels
Archives numériques et langages
audiovisuels
Une épistémologie des formats techniques
Digital Archives and Audiovisual Languages. An Epistemology for Technical
Formats
Enzo D’Armenio
This project has received funding from the European Union’s Horizon 2020 research and
innovation programme under the Marie Sklodowska-Curie grant agreement No. 896835.
1. Introduction
1
Suite à la pleine adoption du paradigme numérique, le concept d’archive est sorti du
champ exclusif de la conservation et du partage des documents, pour acquérir des
acceptions communicationnelles, voire rhétoriques. En premier lieu, la versatilité et
l’accessibilité des outils de production numérique, désormais utilisés par tous les
acteurs sociaux, impliquent une diversification conséquente des fonds de documents :
aux collections historiques et officielles se sont ajoutées les collections professionnelles
et d’amateurs1. Par ailleurs, la conversion informatique des patrimoines non
numériques, indispensable pour la sauvegarde de la fonction mémorielle à l’époque de
la connectivité permanente, pose de nouveaux défis techniques et éditoriaux aux
pratiques d’archivage2.
Signata, 12 | 2021
1
Archives numériques et langages audiovisuels
2
À partir de cet arrière-plan, notre article vise à tester l’hypothèse d’une sémiorhétorique des archives, en édifiant sa base épistémologique autour de la dimension
technique des documents audiovisuels. Les deux objectifs à long terme d’une telle
approche seraient : 1) d’examiner le rapport mutuel entre l’évolution des archives et
l’évolution de la communication, y compris l’évolution des langages 3 ; 2) d’apporter une
contribution à la compréhension du rôle des archives dans la société numérique, en
élaborant des algorithmes d’analyse informatique et des stratégies de valorisation des
fonds. Mettre au centre la dimension technique des documents ne signifie pas vouloir
se substituer aux spécialistes de l’informatique et de la conservation, mais simplement
tenter d’identifier sa pertinence signifiante. Entre les éléments purement techniques et
ceux purement sémantiques, il existe à notre avis une articulation intermédiaire, que
l’on peut qualifier de techno-sémiotique : celle-ci est constituée d’éléments médiatiques
et informatiques qui sont déjà porteurs de sens.
3
La question principale ici sera de partir de la théorie de l’énonciation afin de séparer et
d’articuler deux conceptions techniques souvent confondues : les composantes
médiatiques des productions visuelles et audiovisuelles, c’est-à-dire les supports, les
dispositifs et les formats en tant que producteurs de sens ; et les composantes
informatiques, c’est-à-dire les structures de données, les algorithmes et les formats qui
règlent le stockage, la visualisation et la conversion des fichiers numériques.
L’utilisation d’un dispositif théorique de type langagier suit l’approche de contributions
précédentes (Valle et Mazzei 2017 ; Dondero et Reyes-Garcia 2016), mais elle est
également motivée par l’idée que, au final, il s’agit d’identifier les composantes
techniques de deux langages : d’une part, les langages visuels, et d’autre part, les
langages de programmation.
4
Élaborée dans sa forme moderne par Émile Benveniste (1970), l’énonciation est
lentement devenue, au fil des relectures accomplies par les spécialistes de linguistique
et de sémiotique, plus qu’une simple théorie (Colas-Blaise, Perrin et Tore [dirs] 2016) :
un dispositif épistémologique ordonnant toutes les questions clés des sciences du
langage. Dans sa forme restreinte, l’énonciation est une théorie construite autour des
utilisations de la langue par les locuteurs. « II faut prendre garde à la condition
spécifique de l’énonciation : c’est l’acte même de produire un énoncé et non le texte de
l’énoncé qui est notre objet. Cet acte est le fait du locuteur qui mobilise la langue pour
son compte » (Benveniste 1970, p. 13). En distinguant et en reliant ces deux niveaux —
l’acte de produire un énoncé et les énoncés résultants — l’énonciation se configure
comme une théorie dont les objets sont les médiations multiples accomplies à travers
l’utilisation effective de la langue. Tout d’abord, la médiation qui concerne le passage
de ses possibilités virtuelles aux réalisations discursives : « avant l’énonciation, la
langue n’est que la possibilité de la langue. Après l’énonciation, la langue est effectuée
en une instance de discours, qui émane d’un locuteur, forme sonore qui atteint un
auditeur et qui suscite une autre énonciation en retour » (Ibid., p. 14).
5
Les médiations de l’énonciation concernent ensuite le rapport entre les coordonnées
phénoménologiques de l’échange (le « je-ici-maintenant » partagé par les
interlocuteurs) et les coordonnées de la représentation verbale, c’est-à-dire les lieux,
les acteurs et les temps projetés par chaque énoncé. Selon Benveniste, l’appropriation
de la langue par le locuteur passe par des catégories spécifiques, telles que les pronoms
personnels, les indices d’ostension et les temps verbaux. En configurant l’appareil
formel de l’énonciation, ces catégories signalent la manière dont la relation entre la
Signata, 12 | 2021
2
Archives numériques et langages audiovisuels
situation d’énonciation et les structures des énoncés se renouvellent à l’occasion de
chaque acte de langage.
6
Enfin, les médiations de l’énonciation concernent aussi le rapport entre l’énoncé et le
sujet, ainsi que le degré de présence et de responsabilité énonciative de ce dernier 4. La
célèbre distinction entre discours et histoire dérive de cette présence variable.
7
Or, dans sa première formulation, ainsi que dans les reprises liées à la tradition
linguistique, la dimension technique demeure le grand absent de ce réseau de
médiations. Les composantes médiatiques de l’énonciation, même celles concernant la
langue verbale, sont entendues par Benveniste comme secondaires ou déclarées
inexistantes. Notre hypothèse, au contraire, est que l’énonciation est la clé d’accès pour
identifier les composantes techniques des langages et analyser leur apport à la
construction du sens. À partir des suggestions de Benveniste sur le support de la langue
verbale, nous prendrons en considération les langages visuels et audiovisuels. Dans la
première partie de cet article, nous tenterons d’isoler les deux dimensions techniques
des documents d’archives : l’une concerne les pertinences médiatiques, l’autre, les
pertinences informatiques.
8
Dans la deuxième partie, nous porterons notre attention sur l’individuation des
niveaux intermédiaires de l’énonciation, ceux qui règlent le passage du système virtuel
de la langue aux discours réalisés. Notre visée est d’identifier un axe stratégique pour
l’étude des rapports entre les composantes techniques et les composantes sémiotiques.
Cet axe sera envisagé au niveau des formats, et sera articulé en formats technomédiatiques des images et formats techno-informatiques des données.
9
Enfin, la troisième et dernière partie sera consacrée à la discussion des stratégies
rhétoriques fondées sur les composantes techniques. Cette discussion sera conduite
autour des deux conceptions de la notion de format : d’abord avec les opérations
s’organisant autour des formats médiatiques, ensuite avec celles qui bénéficient des
formats informatiques, pour se conclure avec le croisement des deux modalités, telles
que les montages, les simulations et les compositions d’archives.
2. Deux pistes techniques de l’énonciation
10
Dans son texte fondateur, Benveniste affirme que « la relation du locuteur à la langue
détermine les caractères linguistiques de l’énonciation ». Et, juste après, qu’il est
nécessaire d’envisager cette relation « comme le fait du locuteur, qui prend la langue
pour instrument » (Benveniste 1970, p. 13). Cette référence à la langue utilisée comme
un instrument est également présentée dans De la subjectivité dans le langage (1966),
avant d’être nettement rejetée.
En réalité la comparaison du langage avec un instrument (…) doit nous remplir de
méfiance, comme toute notion simpliste au sujet du langage. Parler d’instrument,
c’est mettre en opposition l’homme et la nature. La pioche, la flèche, la roue ne sont
pas dans la nature. Ce sont des fabrications. Le langage est dans la nature de
l’homme, qui ne l’a pas fabriqué (Benveniste 1966, p. 259).
11
Les argumentations de Benveniste peuvent être articulées en deux temps. Il y a en
premier lieu l’idée qu’il ne revient pas à l’homme de créer la langue, mais qu’au
contraire, c’est à travers la langue que l’homme devient tel : « C’est un homme parlant
que nous trouvons dans le monde, un homme parlant à un autre homme, et le langage
enseigne la définition même de l’homme » (Ibid.). Ensuite, Benveniste déclare que la
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3
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langue n’est pas fabriquée, car il n’existe pas de dimension technique, ni de support, ou
de matérialité comparable à celle des instruments : « Tous les caractères du langage, sa
nature immatérielle, son fonctionnement symbolique, son agencement articulé, le fait
qu’il a un contenu, suffisent déjà à rendre suspecte cette assimilation à un instrument »
(Ibid.).
12
Si la première argumentation est admissible, la deuxième — c’est-à-dire l’opposition
présumée entre langue immatérielle et instruments techniques — a été contestée à
plusieurs reprises. Dans l’anthropologie des techniques d’André Leroi-Gourhan,
notamment, technique et langage sont conçus comme les résultants des mêmes
évolutions phylogénétiques, dues au développement de la position debout. « Station
debout, face courte, main libre pendant la locomotion et possession d’outils amovibles
sont vraiment les critères fondamentaux de l’humanité » (Leroi-Gourhan 1964, p. 33).
Loin d’être deux compétences indépendantes, « outil pour la main et langage pour la
face sont deux pôles d’un même dispositif » (Ibid., p. 34). Ils constituent « la dernière
étape connue de l’évolution hominienne et la première où les contraintes de l’évolution
zoologique soient franchies et incommensurablement dépassées » (Ibid.). Selon cette
perspective, ce n’est pas seulement la langue qui « fait » l’homme, ni la langue au-delà
des techniques de fabrication. La spécificité phylogénétique de l’homme résulterait
plutôt du développement de la langue et de la technique. Dans son Enquête sur les modes
d’existence. Une anthropologie des Modernes, Bruno Latour (2012) a essayé de préciser ce
rapport, en faisant dériver les langages de la technique 5. Les langages et les signes
seraient une spécification très particulière de la technique, capables de projeter des
figures immatérielles à partir de matières travaillées. Si, dans les processus techniques,
ce qui importe est le changement dans la résistance des matériaux — au sens où du bois
se voit transformé en un objet tel qu’une table — dans le cas des signes et des langages,
ce n’est pas seulement un objet qui émerge, mais également une figure de sens qui
apparaît. Le bois est travaillé jusqu’à projeter, par exemple, la figure d’un homme.
13
Cette perspective processuelle présente deux avantages par rapport aux présupposés
d’autres théories sémio-linguistiques : premièrement, elle souligne le rôle des matières
et des substances dans le fonctionnement des systèmes de signes. Deuxièmement, ce
processus de formation matérielle demeure cohérent avec les postulats de
l’énonciation : cette dernière étant une théorie des médiations réalisées à travers
l’utilisation des langages, il serait nécessaire de compter parmi ces médiations celles
qui sont « techniques », c’est-à-dire celles relatives à la formation matérielle des
énoncés. Cependant, Benveniste sous-estime cette dimension, car il qualifie
d’« immatérielle » la nature de la langue. Dans cette seconde argumentation
controversée repose la question centrale des composantes médiatiques. Jacques
Fontanille (2008), parmi d’autres, a précisément critiqué cette conception, car elle
risque d’idéaliser l’étude de la langue. Même si le support sonore, étant
monodimensionnel, n’est pas aussi tangible et durable qu’un support bidimensionnel
comme l’écriture ou le dessin, cela n’empêche pas qu’une matérialité soit toujours
impliquée, ainsi que des instruments de formation. Dans le cas de la langue, ces
derniers sont constitués de l’appareil de phonation de l’homme, qui manipule le
passage de l’air (matière) afin de produire des sons (substances), articulés de manière
systématique (formes). En possédant un support et un instrument de formation
sémiotique, la langue perd sa place idéale parmi les systèmes d’expression humaine,
mais elle gagne une dimension supplémentaire, une dimension technique, douée de sa
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4
Archives numériques et langages audiovisuels
propre spécificité. Avant de passer aux sémiotiques visuelles, nous voudrions porter
notre attention sur cette dimension de la réalisation vocale, comme celle-ci est
impliquée dans la formation matérielle des énoncés.
2.1. La piste médiatique : la formation des substances de
l’expression
14
La langue étant aussi une question de perception de sons (Maniglier 2016, p. 478), audelà de la sémantisation des mots, les processus techniques de production vocale
dévoilent un caractère sémiotique supplémentaire à la signification discursive, qui
concerne les substances de l’expression des énoncés. Une citation d’Umberto Eco (1997)
nous aide à situer le niveau de pertinence de cette dimension :
[…] pour appréhender un phonème comme tel, en dehors d’une expérience de
laboratoire, pour le percevoir comme tel dans le chaos des sons environnants, je
dois prendre la décision interprétative selon laquelle il s’agit d’un phonème, et non
pas d’une interjection, d’un gémissement ou d’un son émis accidentellement. Il
s’agit de partir d’une substance sonore et de la percevoir comme forme de
l’expression. Le phénomène peut être rapide, inconscient, mais cela n’empêche pas
qu’il soit de nature interprétative (Eco 1997, p. 532 tr. fr.).
15
Nous sommes intéressés par le sens spécifique de cette substance sonore 6, de sa
production technique, au-delà — ou en-deçà — du passage successif à la forme de
l’expression et à la sémantisation discursive. Il s’agit de prendre en compte le travail de
l’apparat phonatoire, son fonctionnement caractéristique chez chaque locuteur et donc
l’identité du locuteur lui-même. Un exemple simple du rôle de cette dimension est la
manière dont la perception de la voix nous permet de reconnaître une personne
familière, même si nous ne l’avons pas devant nos yeux ou si elle parle un idiome
étranger. Un autre exemple familier est celui des appréciations courantes — et souvent
erronées — que nous faisons quant à l’âge et l’identité sexuelle de nos interlocuteurs
lors de conversations téléphoniques. Tous ces exemples montrent que la
reconnaissance d’une voix est indépendante de la compréhension du discours exprimée
à travers elle. En d’autres termes, avant ou à côté de la sémantisation langagière, qui
concerne les figures de contenu produites par les discours, il existe une sémiotisation
du support, qui concerne le sens impliqué dans la production technique des énoncés.
Nous l’appellerons dimension techno-sémiotique — ou tout simplement médiatique — de
l’énonciation.
16
Dans l’énonciation verbale, cette dimension du sens est certainement riche, car elle
comprend des processus tels que la reconnaissance de l’âge, de l’identité personnelle et
même sexuelle des sujets parlants. Sa complexité émerge cependant seulement en
considérant d’autres langages et d’autres systèmes d’expression. Si l’on passe au cas des
formes visuelles et audiovisuelles, on s’aperçoit que les substances de l’expression se
révèlent insuffisantes à comprendre les nuances de sens impliquées dans la dimension
technique7. En fait, la différence entre les substances, verbale et graphique, de la langue
n’est pas comparable à la différence entre image photographique et image picturale :
les grandeurs impliquées dans la seconde confrontation concernent différents outils,
différentes techniques, ainsi que différents effets de sens liés à la sémiotisation du
support.
17
La sémiotique structurelle a longtemps négligé le rôle de cette dimension substantielle
de l’expression, car les élaborations théoriques et méthodologiques se sont concentrées
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Archives numériques et langages audiovisuels
surtout sur la forme, c’est-à-dire sur les configurations chromatiques, eidétiques et
topologiques des discours, et sur leurs relations avec la forme du contenu. C’est le cas
notamment des travaux d’analyse de Jean-Marie Floch (1986) et de Felix Thürlemann
(1982), qui ont élaboré une méthodologie d’analyse des discours visuels, ne faisant pas
de différence entre un texte photographique et un texte pictural. Comme l’expliquent
Maria Giulia Dondero et Everardo Reyes-Garcia :
La sémiotique greimassienne a laissé de côté l’analyse des modes par lesquels la
forme de l’expression s’est constituée, comme si les formes ne s’intégraient
finalement en aucune substance. Pourtant, dans les images picturales et
photographiques, le tracé est directement lié à son support au sens où le tracé, en
tant qu’apport, se manifeste sur le support grâce à l’interpénétration avec ce dernier.
Que ce soit une gaze ou une toile en bois, cela fait la différence. (Dondero et ReyesGarcia 2016, p. 5).
18
Dès les années 1990, des progrès majeurs ont été accomplis en considérant l’impact de
la production matérielle des énoncés sur la signification discursive, c’est-à-dire en
dépassant une conception statique de la substance, pour prendre en compte sa
formation. Jacques Fontanille (1998) a proposé de distinguer le support matériel du
support formel : le premier concerne l’objet qui subira le procédé d’écriture, et qui
implique déjà des contraintes, des directions, des résistances. Le deuxième est
conséquent au processus d’énonciation productive, et concerne la forme engendrée par
le procès d’écriture. Un grand mur de marbre (support matériel), par exemple, incarne
déjà, avant l’écriture, un sens de monumentalité, mais l’énonciation productive peut
utiliser cette caractéristique pour construire des effets parodiques, en imitant
l’organisation formelle d’une bande dessinée (support formel). Fontanille a aussi
intégré au couple de support matériel et support formel, le concept d’apport, qui
concerne le procès d’écriture lui-même. La valeur heuristique de cette proposition est
évidente dans le cas de transposition et d’imitation inter-médiatiques, car elle permet
de décrire la dimension technique des énonciations de manière plus subtile. Dans le cas
de la photographie, par exemple, nous aurons normalement l’apport de la lumière sur
un support sensible (support matériel), mais le photographe peut jouer avec
l’exposition, l’ouverture de l’obturateur, ainsi qu’avec l’angle de prise de vue, afin
d’obtenir des contours flous et des couleurs saturées, imitant la texture d’une peinture
(support formel), comme dans le cas de l’approche pictorialiste de Robert Demachy.
Dans ce cas, le jeu de supports et d’apports comporte des retombées sur la signification,
grâce à une coprésence, une superposition, ainsi qu’une confrontation entre deux
dimensions médiatiques et deux traditions discursives.
19
À partir de cette réflexion, notre but est d’examiner le rôle des composantes technosémiotiques de l’énonciation visuelle, en explorant les particularités de la sémiotisation
du support. Concernant la question des archives, un fait doit être remarqué : la prise en
compte des supports et des apports des médias visuels signifie forcement prendre en
compte une histoire des techniques de production, une dimension absente dans le cas
de la langue verbale. Nous pensons plus précisément aux caractères historicosémiotiques des techniques, c’est-à-dire aux particularités esthétiques et affectives que
les supports du passé peuvent susciter chez un spectateur contemporain. Ces caractères
peuvent être utilisés pour obtenir des effets rhétoriques. D’une part, dans les
productions cinématographiques, les cas de montage et de simulation d’archives, où la
qualité matérielle des images du passé est exploitée pour susciter des effets esthétiques
tels que la nostalgie, sont de plus en plus nombreux. C’est le cas notamment de films
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Archives numériques et langages audiovisuels
comme The Artist (2011) et Dalton Trumbo (2015). D’autre part, une telle sémiotisation
des supports concerne également les archives, car elle peut jouer un rôle important
dans la construction d’une mémoire sociale dynamique (Bachimont 2017, pp. 143-145),
à travers l’élaboration de stratégies pour la valorisation des fonds.
2.2. La piste informatique : les médiations du numérique
20
Or, si nous voulons encadrer la dimension technique des documents dans toute sa
globalité, nous devons considérer, outre la piste techno-médiatique de l’énonciation,
celle concernant la numérisation des contenus culturels, c’est-à-dire la dimension
techno-informatique. L’impact du numérique constitue en effet une révolution dans la
production, la conservation et la gestion des documents de toute sorte, ainsi qu’un
facteur désormais central dans la construction sociale du sens.
21
Une manière d’envisager son rôle technique est de le considérer comme le dernier
stade de l’évolution des supports médiatiques. Si l’on prend en compte l’exemple de la
distribution des longs métrages dans les salles de cinéma, le passage des films sur
pellicule aux disques durs semble confirmer cette hypothèse évolutive. Il existe
néanmoins des raisons qui rendent cette approche partiellement incorrecte. La
coexistence des supports informatiques et des supports argentiques ou mécaniques
constitue une première raison de méfiance envers une conception évolutive linéaire 8.
Ensuite, c’est l’extension de l’usage du numérique lui-même — une extension
apparemment illimitée par rapport aux formes discursives — à suggérer une
irréductibilité conceptuelle entre codage numérique et supports médiatiques. Le
numérique serait non seulement le dernier support des langages audiovisuels, mais
aussi celui des supports photographiques, verbaux, musicaux, etc. De plus, une
caractéristique qualifiante du numérique est que, grâce à l’abstraction accomplie sur
n’importe quel document, il permet de visualiser le code appartenant à une image, par
exemple une photo, en une manifestation différente, par exemple sonore. Bien
évidemment, cette deuxième manifestation n’aurait aucun sens, mais le seul fait qu’une
opération pareille soit possible nous montre le niveau de généralité où se situe le
numérique : un code formel relativement indépendant, car sous-jacent à la
manifestation sémiotique des discours. Comme l’explique Bruno Bachimont, « le
numérique virtualise le physique et définit un traitement universel » (Bachimont 2017,
p. 58). Ainsi, si les supports et les substances médiatiques incarnent les formes
sémiotiques, le numérique les abstrait. Pour ces raisons, la formule « support
numérique » se révèle inexacte, car on devrait plutôt parler des supports du numérique.
Il est certainement possible d’envisager l’évolution des supports médiatiques aux
supports informatiques, mais le numérique joue dans cette évolution un rôle déplacé
bien qu’essentiel : la formalisation binaire nécessite toujours de s’articuler à des
supports médiatiques afin de manifester les documents de manière intelligible.
22
Afin d’examiner l’articulation variable entre supports et numérique, il convient
d’interroger tout d’abord la nature technique de ce dernier. Si, dans le cas de la
substance de l’expression, il s’agit de prendre en compte une composante parmi
d’autres (sémantique, discursive), le numérique, en revanche, constitue en soi une
forme de technicisation fondée sur le calcul. « La numérisation est (…) l’opération
paradoxale de vider l’entité à numériser de sa sémantique, de l’abstraire (…) de son
environnement sémiotique pour la rapporter à une entité manipulable » (Bachimont
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7
Archives numériques et langages audiovisuels
2017, p. 56). Selon la perspective de Jean Lassègue (2013), c’est « l’écriture des
nombres » qui permet de rendre « complètement homogène des phénomènes qui se
manifestent, dans la perception ou l’interprétation, comme très différents » (Lassègue
2013, § 13). À la base de l’abstraction manipulatoire se trouverait la convergence entre
l’évolution des systèmes d’écriture sémiotique et le principe de l’écriture
mathématique : « L’arithmétique est donc au cœur de la numérisation » (Ibid.).
23
Or, à partir de ces considérations, ce qui interpelle est que la nature du numérique ne
se limite pas à être ramenée à une entité statique, tel que le code, mais plutôt aux
processus qui concernent la génération et l’exploitation de ce code. Contrairement à la
conception ontologique souvent soutenue dans la réflexion médiale, par exemple dans
le débat concernant la perte d’identité photographique due au développement du
numérique, l’essence de cette dernière est conçue ici en termes d’opérations de calcul,
d’écriture, d’abstraction et de virtualisation. C’est ainsi que Bachimont définit la
discrétisation et la manipulation comme les « deux opérations fondamentales qui
traduisent l’essence du numérique » (Bachimont 2017, p. 55, nous soulignons). Si
numériser, « c’est se dépouiller de l’intelligence humaine pour se ramener à la stupidité
de la machine » (Ibid.), on doit interroger les opérations et les entités à la base de la
stupidité de la machine. Ou, si l’on préfère, de l’intelligence technique spécifique du
numérique9. Nous avons d’une part la raison substantielle des supports, qui concerne les
opérations de formation sémiotique de la matière, et d’autre part, la raison
computationnelle (Ibid., p. 64), qui concerne les opérations d’abstraction et d’exploitation
numérique des documents.
24
La théorie de l’énonciation s’avère, une fois de plus, un dispositif conceptuel adapté à
l’analyse des structures techno-sémiotiques sous-jacentes au numérique. Elle nous
permet d’identifier la structure « dialogique » nécessaire pour toutes ses opérations.
Dans la théorie informatique, la structure nécessaire au calcul informatique est la
machine de Turing. Loin d’être une identité statique telle qu’un code, elle nécessite
toujours l’interaction de trois composantes : une bande de mémoire où chaque position
est identifiée par un symbole univoque ; une tête de lecture ; ainsi qu’un programme
prescrivant le comportement de la machine de manière non ambiguë. Or, l’extension de
la « numérisation » recouvre en réalité toutes les opérations concernant le numérique,
y compris la lecture, l’écriture et la manipulation des documents. En d’autres termes,
derrière la pureté ontologique présumée du numérique, il existe un noyau opérationnel
et des entités indispensables à son fonctionnement : une mémoire, un processeur, une
médiation techno-symbolique.
25
Mais comment cette médiation techno-symbolique se développe-t-elle ? Selon une
contribution récente d’Andrea Valle et Alessandro Mazzei (2017), il s’agit de prendre en
compte la complexité des langages de programmation. Les opérations du numérique
concernent, en effet, une structure énonciative sui generis, car les locuteurs et les
allocutaires, ainsi que les énonciateurs et les énonciataires, ne sont pas projetés à partir
d’une situation de dialogue entre humains, mais entre machine et humains. Les
langages de programmation doivent en effet construire une médiation fonctionnant
entre deux systèmes d’interprétation. D’une part, il y a le système d’interprétation
humaine et, d’autre part, le système « d’interprétation » de la machine, où ce dernier
doit être plutôt conçue en termes de chaînes de substitutions : « in essence, it converts a
linguistic layer (a surface layer) in variations of the state of the physical memory (at the deepest
level) » (Valle et Mazzei 2017, p. 507). La « compréhension » de la machine n’admettant
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Archives numériques et langages audiovisuels
pas d’ambiguïtés, il en résulte que le référent ultime des langages de programmation,
au contraire des langages naturels, est défini de manière très précise. Il s’agit de la
mémoire physique sur laquelle seront effectuées les opérations, ce qui configure un
régime énonciatif de type déontique et factitif, car destiné, in fine, à (faire) accomplir
des tâches à la machine.
26
À cause de cette dualité intrinsèque entre compréhension humaine et compréhension
machinique, les langages de programmation sont organisés en trois niveaux
hiérarchiques (Ibid., p. 510). Le premier est le langage de la machine (machine language),
un code logique non ambigu, fait de 0 et 1, afin d’effectuer les tâches sur la mémoire du
système. Le deuxième, situé à un niveau supérieur, est le langage d’assemblage
(assembly language) qui introduit des représentations linguistiques des opérations à
effectuer (telles que STORE et LOAD) et des noms pour les groupes d’instructions ou les
adresses de mémoire. Ce niveau permet aussi d’insérer des commentaires verbaux qui
ne seront pas pris en compte par la machine, et qui ont pour unique but de rendre le
code interprétable par d’autres humains. Enfin, le niveau plus élevé est celui des
langages de programmation (programming languages), caractérisé par une abstraction
ultérieure, due à l’utilisation de boucles (« loops ») et de conditionnels (tels que IF et
ELSE). À ce niveau, la richesse des langages de programmation est comparable aux
réalisations en langue naturelle, car l’existence de paradigmes différents, ainsi que la
variabilité des styles, implique une dimension rhétorique. Des questions telles que
l’efficacité, l’élégance et la clarté du code deviennent pertinentes.
27
Cette organisation en trois couches d’abstraction garantit la coexistence entre
l’exactitude de la compréhension de la machine et l’interprétation humaine, à travers
un processus que Valle et Mazzei qualifient d’insertion sémiotique. Nous estimons que
l’examen sémiotique de cette médiation constitutive des langages de programmation
demeure central pour la gestion des documents d’archives. Maîtriser ce noyau technosémiotique signifierait pouvoir associer plus facilement les avantages du numérique,
notamment les systèmes d’analyse et d’indexation automatiques 10, à l’interprétation
humaine, en individuant des éléments techniques qui sont déjà dotés de sens. Il
faudrait bien évidemment se déplacer du niveau général des langages de
programmation à la dimension techno-sémiotique d’une classe précise de documents.
Dans notre cas, il s’agira des documents visuels.
3. Les formats techno-sémiotiques des images
28
Que l’on considère la production discursive, ou que l’on pense à la valorisation de
documents déjà archivés, les deux pistes techno-sémiotiques que nous avons identifiées
grâce à la théorie de l’énonciation — la piste médiatique et la piste informatique —
régissent chacune, ainsi que de manière combinée, de possibles exploitations
rhétoriques. Afin d’analyser la richesse de cette dimension, il faut tout d’abord situer
de manière plus précise un niveau de médiation énonciative permettant de la rendre
concrètement gérable.
29
Or, en prenant en compte le cas des langages visuels, et plus précisément ceux
audiovisuels, nous voudrions démontrer que ce niveau techno-sémiotique est, dans les
deux cas, celui des formats techniques. Bien évidemment, en étant deux dimensions
techniques distinctes, les dimensions médiatique et informatique comportent deux
acceptions différentes du format. Par ailleurs, même dans les deux cadres considérés de
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Archives numériques et langages audiovisuels
manière autonome, il existe plusieurs conceptions et même plusieurs théories du
format11. Afin de résoudre cette multiplicité, nous adoptons la perspective d’une
épistémologie des formats techno-sémiotiques, où ces derniers sont envisagés comme
les composantes médiatiques et informatiques qui régissent une première formation du
sens.
3.1. Les formats médiatiques
30
Nous avons déjà vu que les substances de l’expression sont susceptibles de soutenir une
sémiotisation qui n’est pas encore liée à la signification discursive, comme dans le cas
du support vocal de la langue. Si nous prenons en compte les langages audiovisuels, le
rôle des substances et de leurs formations présente une richesse particulière.
31
L’évolution et la diversification des dispositifs d’enregistrement vidéo a en effet
comporté une différenciation conséquente dans la qualité matérielle des images
produites. C’est le cas courant des différents standards de définition d’images, c’est-àdire le nombre de pixels ou bien la densité d’informations par rapport aux dimensions.
Il en va de même pour le ratio d’aspect, le rapport entre la longueur et la hauteur de
l’espace de représentation, ou bien encore de la distorsion de la perspective due à
l’utilisation d’un optique particulier : un grand angle, par exemple, permet
d’augmenter l’angle des prises de vue, mais au prix d’une déformation des lignes sur les
bords des images, qui deviennent courbes. Or, les formats techniques des images
incluent toutes ces caractéristiques. Conformément au postulat processuel de
l’énonciation, qui concerne l’acte de formation des énoncés, les formats seront définis
comme les aspects de la substance de l’expression des images qui découlent de la
formation des textes-énoncés. Prenons le cas des images suivantes 12 :
Figures 1-4
Quatre exemples de formats techno-médiatiques des images.
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10
Archives numériques et langages audiovisuels
32
On peut facilement reconnaître, en les percevant, qu’il s’agit respectivement : d’une
image du cinéma des premiers temps, à cause du noir et blanc et de la basse définition ;
d’une image nocturne prise par une caméra de surveillance, à cause de ses tonalités
vertes typiques ; d’une image produite par une caméra d’action, telle qu’une GoPro ou
un appareil grand angle, à cause de la distorsion de la perspective sur les bords de
l’image ; et enfin d’une image prise avec un smartphone, à cause du ratio d’aspect de
l’espace de représentation.
33
À partir de ces exemples, nous voudrions souligner trois caractères des formats
médiatiques des images.
1. Tout d’abord, la manière dont ils incarnent la connexion entre le texte-énoncé et le
dispositif technique d’énonciation. Il paraît évident que les aspects substantiels que nous
avons identifiés — la définition, le ratio d’aspect, la distorsion de la perspective, et bien
d’autres — sont toujours organisés en configurations reconnaissables, qui découlent des
particularités des dispositifs de production. C’est ainsi que chaque image est reconnue, grâce
à la sémiotisation du support, selon un profil complexe, tel qu’« image du cinéma des
premiers temps » ou « image de smartphone », etc.
2. Ensuite, les formats techniques relient également deux pratiques sociales avec leurs propres
références spatio-temporelles (Fontanille 2008) : la pratique de production et la pratique
d’interprétation. Dans la première image de notre exemple, nous nous trouvons à convoquer
spontanément l’histoire du cinéma, tandis que dans la dernière, la contemporanéité des
smartphones est évoquée. À cette reconnaissance s’accompagne toujours un sentiment de
proximité ou de distance qui est à la fois temporel, esthétique et pragmatique.
3. Enfin, les formats techniques n’incarnent pas seulement une histoire linéaire des dispositifs
de production, mais aussi leur diversification selon différentes pratiques sociales.
L’évolution des caméras de télévision, par exemple, a suivi un parcours différent de celles du
cinéma, sans compter la progressive diffusion sur le marché, depuis les années 1980, des
caméras compactes pour amateurs, des caméras de vidéosurveillances, etc. La différente
qualité matérielle des images produites par tous ces dispositifs nous suggère qu’à l’évolution
linéaire, il faut substituer une stratification techno-énonciative, où chaque classe de
dispositif est adoptée par des professionnels et des amateurs selon leurs différentes
exigences. En d’autres termes, il n’y a pas seulement une évolution temporelle verticale des
dispositifs et des esthétiques visuelles, mais également une évolution horizontale
concernant les différentes communautés et les usages rhétoriques des caméras.
3.2. Les formats numériques
34
Les formats numériques jouent un rôle comparable, même dans le cadre très différent
des systèmes informatiques, car ils contribuent à la médiation fondamentale entre le
langage non ambigu de la machine et les contenus adressés à l’interprétation humaine.
Les séquences de 0 et 1 doivent être structurées afin de pouvoir se manifester, à travers
les langages de programmation, en des formes sémiotiques sensées. Un document
numérique étant toujours une traduction d’informations sémiotiques en successions
binaires, il est nécessaire que le processus d’abstraction de ces informations soit
parcourable dans les deux sens : le processus de virtualisation des informations doit
prévoir le processus spéculaire de leur réalisation. La contribution récente de Dondero
et Reyes-Garcia (2016) nous aide à encadrer cette question par rapport aux images
numériques.
Les images numériques ne sont que de suites des 0 et des 1 dans leur structure
interne qui, pour utiliser une métaphore de la biologie, constitue leur ADN. Pour
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11
Archives numériques et langages audiovisuels
pouvoir les exploiter, les images doivent être encapsulées dans une structure de
données capable d’être utilisée par un langage de programmation. (Dondero et
Reyes-Garcia 2016, p. 18).
35
Parmi les structures de données, il existe les tableaux, les listes, les arbres et les
graphes : par exemple, « les images “bitmap” sont des tableaux de pixels » (Ibid.). C’est à
ce stade que les formats, en structurant progressivement les données numériques,
fixent le périmètre régulateur des opérations de visualisation, de manipulation et de
conversions des données. « Par exemple, une ressource binaire peut représenter
n’importe quoi, puisqu’elle est a-sémantique. Mais si on veut la considérer comme une
vidéo, et qu’on la décode du point de vue d’un format d’encodage vidéo, certaines
fonctionnalités inhérentes au format seront possibles tandis que d’autres ne le seront
pas » (Bachimont 2017, p. 75). En d’autres termes, les formats techniques servent à
« construire de manière à priori un espace des possibles » (Ibid.), un espace à la fois
logique et sémiotique, déjà configuré pour accueillir des données sensées.
36
La difficulté dans l’examen des formats réside dans la complexité des médiations qui les
concernent, car ils doivent gérer au moins trois niveaux : le niveau physique, le niveau
du calcul numérique et le niveau sémiotique. Prenons le cas des images
photographiques. À l’inverse de toutes hypothèses concernant une ontologie pure de la
production, nous considérons que la photographie, étant toujours liée à l’impression de
la lumière sur un support sensible, ne peut pas être considérée comme une technique
d’écriture purement numérique. Le fait que le capteur photosensible fixe les prises de
vue sur un fichier numérique — et qu’il comporte des manipulations profondes et
inédites des paramètres des images — n’empêche pas le fait qu’il s’agit d’une
numérisation conséquente à une production physique. En ce sens, les formats
numériques doivent plutôt être compris comme un processus de médiation
progressive, un formatage dont le but est d’assurer la compossibilité des transductions
au sein de ces différents niveaux (physique, computationnel, sémantique).
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La numérisation de la production vidéo nous permet de comprendre le rôle stratégique
des formats pour une rhétorique des archives. La réalisation de fichiers vidéo pour le
cinéma et la télévision est désormais effectuée en utilisant des caméras numériques en
haute définition, qui déterminent, à travers leurs contraintes technologiques et
physiques, la qualité des images. À ce niveau, le codage numérique joue un rôle très
modeste, car les deux paramètres les plus importants de la qualité des images — la
résolution et la profondeur des couleurs13 — découlent uniquement des composants
optiques et du capteur électronique photosensible de la caméra : on parle, en effet, de
format du capteur. Le premier fichier produit par la caméra est appelé RAW 14 (« brut »).
Il ne s’agit pas d’un vrai standard, car ce fichier est adhérent à son dispositif de
production, et il contient toutes les informations enregistrées par le capteur. Pour ces
raisons, il s’agit d’un fichier de dimensions considérables, conçu comme l’équivalent du
film négatif à développer. C’est seulement à partir de ce premier format, à travers un
processus appelé « Digital Intermediate Process », que sont extraits et distribués les autres
fichiers nécessaires à l’accomplissement de la filière de production et de postproduction cinématographiques et télévisuelles. Le responsable de ce processus est
l’ingénieur de la vision, un expert en formats numériques en charge de la gestion et de
la conversion de tous les fichiers de production. Le format RAW reçoit un premier
traitement dans le laboratoire de l’ingénieur de la vision avant d’être traduit en DPX
(Digital Picture Exchange), un format contenant les images (ou « frames ») numériques
pas encore compressés (Fossati 2018, p. 382). À partir de ce format sont ensuite
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Archives numériques et langages audiovisuels
produits les différents fichiers destinés à chaque partie de la post-production. Pour le
montage, par exemple, un simple et léger fichier en format MOV est suffisant, car
l’objectif d’organiser les séquences syntagmatiques du discours filmique est
indépendant de la qualité des images. Il en va de même pour le résultat du montage : un
simple document de format XML, c’est-à-dire un fichier contenant les coordonnées
spatio-temporelles du montage final. Au contraire, pour les phases de production des
effets visuels (VFX) et de l’étalonnage, la qualité de l’image demeure essentielle. La
phase des effets visuels (VFX) recouvre des activités telles que la création et
l’effacement d’objets ou de frames entiers, deux opérations accomplies grâce à des
logiciels d’images de synthèse. L’étalonnage, quant à lui, est la phase finale effectuée
par le réalisateur et le directeur de la photographie : les paramètres de l’esthétique des
images, tels que la gradation et la saturation des couleurs, ainsi que l’organisation de la
lumière, sont manipulés et établis. Cette phase se termine par la production du master,
qui sera ensuite dupliqué et dont les copies seront distribuées en DCP (Digital Cinema
Package) — un format compressé et encrypté — aux salles cinématographiques,
normalement à travers l’envoi de disques durs.
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La gestion complexe des fichiers numériques dans la production vidéo nous montre la
manière dont les formats techniques se configurent comme un axe de médiation
fondamentale pour relier ensemble les phases de réalisation et de distribution
filmiques. La figure de l’ingénieur de la vision résume ce rôle de manière
emblématique : un professionnel de la médiation numérique, dont le rôle consiste à
contrôler la qualité des fichiers et de suivre les conversions et les manipulations
accomplies d’un point de vue techno-sémiotique. Loin de se limiter au champ de la
production, le procès d’intermédiation numérique (Digital Intermediate Process) concerne
également les archives audiovisuelles, surtout dans les phases de migration de
collections, de numérisations de documents non-numériques, mais aussi dans la
restauration de pellicules et dans la valorisation de fonds.
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C’est ainsi que l’on peut identifier le champ d’une rhétorique des formats numériques,
articulée à travers deux dimensions différentes et complémentaires. Tout d’abord, une
rhétorique à propos des formats, c’est-à-dire une rhétorique s’intéressant aux formats les
plus adaptés aux pratiques d’archivage. Cette perspective tente de formaliser des
standards ouverts, comme dans le cas du format Matroska (MKV) et du système
d’encodage de flux vidéo FFV1 (Kromer 2017). Ensuite, les archives sont également
impliquées dans une rhétorique à travers les formats, au sens où, comme nous le verrons,
différents formats sont utilisés avec des visées rhétoriques dans les opérations
d’indexation, de simulation et d’exploitation des documents d’archives.
4. Les rhétoriques des formats : monter, simuler,
valoriser les archives
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Selon notre hypothèse, les deux conceptions de formats, étant situées au croisement de
la dimension technique et de la dimension sémiotique, constituent un axe privilégié
pour l’examen et la gestion des archives audiovisuels. Dans cette dernière partie, en
partant de cet axe stratégique, nous interrogeons le rapport entre l’évolution de la
communication audiovisuelle et l’évolution des archives.
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Archives numériques et langages audiovisuels
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Des auteurs tel que Lev Manovich (2001, 2006), ont déjà remarqué que des nouvelles
techniques de production se sont développées avec le numérique. Les médias
mécaniques et optiques, tels que la photographie, s’hybrident avec les médias
numériques, comme dans le cas des images de synthèse. Nous voudrions souligner une
autre évolution, qui ne concerne pas directement la révolution numérique, bien que
cette dernière l’ait certainement accélérée et normalisée. Il s’agit de l’évolution des
langages audiovisuels eux-mêmes, qui gagnent de nouvelles ressources discursives
grâce à la multiplication et à la diversification des dispositifs, des qualités esthéticoplastiques des images, et surtout des collections d’archives.
4.1. Les formats médiatiques dans les montages d’archives
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Les opérations de montage d’archives, c’est-à-dire l’utilisation de vidéos déjà filmées
dans des productions successives, est concomitante à l’invention du cinéma : déjà dans
les années 1920, des auteurs tels que Dziga Vertov et Esther Choub introduisent dans
leurs films des séquences d’autres films, tandis que la seconde moitié du XXe siècle voit
le montage d’archives devenir un geste caractérisant l’art vidéo 15. Cependant,
l’évolution des dispositifs, chacun avec son propre format médiatique, permet des
nouveaux jeux expressifs fondés sur la variété esthétique des images. De plus, la
communication audiovisuelle étant devenue une des formes de communication les plus
utilisées dans notre société (Kuhn 2018, pp. 300-301), les collections d’archives se sont
multipliées : outre les collections historiques et cinématographiques, se sont ajoutées
les collections privées, d’amateurs, ainsi que celles concernant toutes sortes de
professions. Cette prolifération d’archives permet aux langages audiovisuels de réaliser
des opérations inédites, en montant des documents appartenant à des cadres sociaux
divers, et en construisant des nouveaux effets de rupture sémantique.
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Les formats médiatiques régissent au moins trois modalités d’exploitation rhétorique
des archives, qui ont contribué à l’évolution du langage audiovisuel. À travers le
montage d’archives les possibilités d’articuler discursivement la dimension temporelle
augmentent : il est possible de procéder en montrant des acteurs ou des lieux évoluant
au fil du temps, mais il est également possible de monter des images réalisées avec des
caméras du passé avec des images produites avec des appareils plus récents. Il s’agit du
cas de nombre de films réalisés par Chris Marker, tel que Level Five, pour rester dans le
domaine des exemples pré-numériques, où la construction discursive de plusieurs
temporalités et dimensions du récit est souvent le résultat du montage de séquence
d’archives et de séquences inédites.
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